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N° 1759

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 juin 2009.

PROPOSITION DE LOI

portant diverses mesures tendant à favoriser le développement
du marché de l'art en France,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Alain SUGUENOT,

député.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Parallèlement à la proposition de loi qu’il a déposée, dans la perspective de la transposition de la directive « services », pour adapter la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, l’auteur de la présente initiative a voulu la compléter par un volet économique afin de favoriser la relance du marché de l’art en France.

La présente proposition de loi comporte deux titres, le premier qui tend essentiellement à modifier le code général des impôts, et le second, qui regroupe un petit nombre de mesures d’accompagnement, notamment en matière de droits d’auteur, ainsi qu’une demande d’étude des modalités de l’indemnisation des commissaires-priseurs judicaires, au cas où serait décidée, dans le cadre de la proposition de loi susmentionnée, la suppression de leurs offices.

Les deux propositions de loi déposées en parallèle, s’inscrivent dans une même démarche de renforcement de la compétitivité du droit français et de réforme de l’État.

On doit rappeler que, sur un total, toutes catégories confondues, de 2,2 milliards d’euros en 2006, les ventes aux enchères, hors véhicules, chevaux et biens industriels, c’est-à-dire celles à prédominance artistique, en représentent 1,2 milliard d’euros.

Face à ce volume d’activité, on compte quelque 370 sociétés de ventes volontaires employant plus de 1 720 salariés. Il y a là des chiffres non négligeables, eu égard à tous les emplois induits qui sont engendrés par l’activité des salles des ventes.

Ainsi, même si l’on ne saurait méconnaître la place des sociétés de vente sur le plan local en régions, il faut souligner l’importance de l’Hôtel Drouot, qui a dépassé les 500 millions d’euros de ventes en 2006. Ce site emblématique, le seul à disposer d’une visibilité internationale, même s’il ne s’agit pas d’un opérateur intégré, reçoit près de six mille visiteurs par jour et mobilise toute une série de compétences qu’il convient de préserver. L’enjeu économique est donc évident.

Néanmoins, il est apparu possible, en vue de renforcer l’attractivité de la place de Paris comme du territoire national en général, d’agir à deux niveaux que sont la restauration de la compétitivité de la place « France » sur le marché mondial de l’art, tout en tentant d’endiguer l’hémorragie du patrimoine national.

On doit, ici, faire un constat sans équivoque : à considérer les dernières statistiques publiées par l’observatoire du marché de l’art, le solde « positif » de nos échanges extérieurs d’œuvres d’art, qui était de l’ordre de 150 à 200 millions d’euros au tournant des années 90, atteint depuis 2000 entre 350 et 500 millions d’euros. La France, qui est toujours le grenier de l’Europe, se vide lentement mais sûrement.

Facteur aggravant, l’essentiel de ces exportations ne donne pas lieu à des ventes en France – et donc n’engendre pas d’activité dans le pays – mais résulte de mouvements effectués pour le compte des deux grandes firmes mondiales qui alimentent ainsi une bonne part de leur chiffre d’affaires londonien ou new-yorkais.

Le régime mis en place par la loi du 31 décembre 1992 n’a pas suffit à freiner l’exode de notre patrimoine puisque, désormais, le Trésor national peut sortir au bout de 30 mois, lorsque l’État n’a pas les moyens de l’acheter au prix fixé à dires d’expert.

Face à cette situation et malgré une amélioration récente, la collectivité nationale ne doit pas faire comme si de rien n’était. L’idée de la présente proposition de loi est d’essayer de desserrer la contrainte financière en matière de trésors nationaux. Plutôt que de placer l’État devant le choix impossible de laisser sortir les œuvres ou d’être obligé de les acheter immédiatement, il est apparu de bonne politique de chercher à se donner du temps en assortissant la détention des trésors nationaux d’un avantage fiscal pour le calcul des droits de succession.

Corrélativement aux dispositions que l’auteur de la présente initiative préconise pour mieux réguler les enchères par internet, une saine concurrence entre les circuits rend nécessaire une transparence accrue et notamment la communication par les courtiers en ligne d’informations sur les opérateurs importants non déclarés comme professionnels.

Il est proposé dans ce but de modifier le code général des impôts pour permettre la requalification en bénéfices non commerciaux des opérations effectuées dans des conditions analogues à celles d’une personne se livrant à titre professionnel à ce type d’opérations et, corrélativement, de créer pour les courtiers en ligne aux enchères, une obligation de fourniture de renseignements sur les opérations effectuées par des particuliers lorsqu’elles dépassent un montant fixé par décret.

Comme celle tendant à adapter le régime juridique des ventes aux enchères issue de la loi du 10 juillet 2000, cette proposition de loi s’inscrit dans une telle perspective.


PROPOSITION DE LOI

TITRE Ier

DISPOSITIONS FISCALES ET SOCIALES

Article 1er

I. – L’article 220 octies du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 220 octies. – I. – Les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés et existant depuis au moins trois années, ayant pour objet principal le commerce d’objets d’art, de collection ou d’antiquité ou constituant un opérateur de ventes volontaires aux enchères au sens du code du commerce, peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt dans les conditions prévues au II ;

« II. – Le crédit d’impôt, calculé au titre de chaque exercice, entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2010, correspondant à des ventes effectuées en France, est égal à 50 % des frais suivants :

« 1° les droits dus au titre de l’article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle ;

« 2° les dépenses de promotion, et notamment les frais de participation à des salons et à des foires-expositions, lorsqu’elles correspondent à des prestations réalisées à l’étranger.

« Le taux du crédit d’impôt est porté à 75 % pour les dépenses engagées en vue de vendre des objets d’art, de collection ou d’antiquité importés ou pour lesquelles un certificat a été demandé au titre de l’article L. 111-1 du code du patrimoine .

« III. – La somme des crédits d’impôt calculés au titre des dépenses éligibles ne peut excéder 200 000 € par entreprise sur trois exercices.

II. – Après l’article 220 P du même code, il est inséré un article 220 Q ainsi rédigé :

« Art. 220 Q. – Le crédit d’impôt défini à l’article 220 octies est imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise au titre de l’exercice au cours duquel les dépenses définies au II de cet article ont été exposées. Si le montant du crédit d’impôt excède l’impôt dû au titre dudit exercice, l’excédent est restitué.

« L’excédent de crédit d’impôt constitue au profit de l’entreprise une créance sur l’État d’un montant égal. Cette créance est inaliénable et incessible, sauf dans les conditions prévues par les articles L. 313-23 à L. 313-35 du code monétaire et financier. »

III. – Un décret fixe les conditions d’application du présent article.

Article 2

Au 4° de l’article 150 VJ du code général des impôts, le nombre : « 5 000 » est remplacé par le nombre : « 7 500 ».

Article 3

Après l’article 795 A du code général des impôts, il est inséré un article 795 B ainsi rédigé :

« Art. 795 B. – Sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les œuvres ayant le caractère de trésor national au sens de l’article L. 111-2 du code du patrimoine, transmises par décès ou entre vifs à la condition que le ou les héritiers, donataires ou légataires prennent l’engagement dans la déclaration de succession ou l’acte de donation, pour eux-mêmes et leur ayants cause à titre gratuit, de conserver l’œuvre transmise pendant une durée de vingt ans à compter de la date d’enregistrement de la mutation et de l’exposer au public dans des conditions fixées par les ministres chargés de la culture et des finances. Lorsque l’engagement ci-dessus n’est pas respecté, les droits sont rappelés, majorés de l’intérêt de retard visé à l’article 1727.

« À l’issue de la période de détention mentionnée à l’alinéa précédent, l’État dispose d’un droit de préemption sur le bien à la première mutation. Le prix d’acquisition est égal à 75 % de la valeur du bien appréciée au jour de la mutation dans les conditions fixées en cas de désaccord aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 121-1 du code du patrimoine. »

Article 4

Après le 6° du 2. de l’article 92 du code général des impôts, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« 7° Les produits des opérations d’achat et de vente effectuées par l’intermédiaire d’un courtier aux enchères par voie électronique dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d’opérations, dès lors que leur volume est supérieur à un montant fixé par décret. »

Article 5

L’article 101 du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 101. – Les courtiers aux enchères par voie électronique sont tenus de communiquer à l’administration tous renseignements permettant d’apprécier la nature et la portée des opérations réalisées par une même personne lorsqu’elles dépassent le montant fixé en application du 7° de l’article 92. »

Article 6

La première phrase du I de l’article L. 136-5 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée :

« La contribution portant sur les revenus mentionnés aux articles L. 136-1, L. 136-2, L. 136-3 sous réserve de son deuxième alinéa, et L. 136-4 ci-dessus ainsi que les revenus mentionnés à l’article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle est recouvrée par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général de sécurité sociale selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations au régime général pour la même catégorie de revenus. »

TITRE II

DISPOSITIONS DIVERSES

Article 7

Le d du 3° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :

« d) Les reproductions, intégrales ou partielles, d’œuvres d’art graphiques ou plastiques destinées à figurer dans le catalogue d’une vente judiciaire ou d’une vente volontaire exercée dans les conditions de l’article L. 321-5 du code de commerce effectuée en France pour les exemplaires mis à la disposition du public avant la vente dans le seul but de décrire les œuvres d’art mises en vente ; ».

Article 8

Le troisième alinéa de l’article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :

« Le règlement du droit de suite est effectué par le professionnel intervenant dans la revente dans les conditions stipulées au contrat. Lorsque la cession s’opère entre deux professionnels, la responsabilité du paiement incombe au vendeur. »

Article 9

I. – Les commissaires-priseurs judiciaires en exercice au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi sont à leur demande agréés de droit en application de la loi n°   du modifiant la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

II. – Le Gouvernement dépose un rapport sur le coût d’une indemnisation calculée sur les bases suivantes :

1° Lorsqu’ils n’exercent pas l’option prévue au I, les commissaires-priseurs judiciaires peuvent prétendre à une indemnité en fonction de la moyenne de leurs ventes sur les exercices 2005, 2006 et 2007 ;

2° Les commissaires-priseurs judiciaires qui demandent le bénéfice du I, peuvent, à l’expiration d’un délai de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, présenter une demande d’indemnisation s’ils apportent la preuve d’avoir subi un préjudice anormal et spécial du fait de la présente loi.

3° Les demandes sont examinées après avis d’une commission nationale présidée par un membre du Conseil d’État et comprenant, en outre, en nombre égal, d’une part, des représentants des professionnels et, d’autre part, des fonctionnaires désignés par le garde des Sceaux, ministre de la justice.

4° Pour le financement des indemnisations prévues aux deuxième et troisième alinéas, il est créé pour trois ans une taxe sur les ventes volontaires dont le taux est fixé par décret après avis de la commission administrative mentionnée à l’alinéa précédent.

Article 10

Les pertes de recettes résultant pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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