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N° 1960 (rectifié)

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2009.

PROPOSITION DE LOI

relative au droit de finir sa vie dans la dignité,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Marc AYRAULT, Manuel VALLS, Laurent FABIUS, Danièle HOFFMAN-RISPAL, Germinal PEIRO, Jean-Paul DUPRÉ, Marie-Odile BOUILLÉ, Jean-Louis TOURAINE, Christiane TAUBIRA, Marylise LEBRANCHU, Pierre BOURGUIGNON, Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX, Dominique BAERT, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Delphine BATHO, Jean-Louis BIANCO, Gisèle BIEMOURET, Patrick BLOCHE, Daniel BOISSERIE, Maxime BONO, Jean-Michel BOUCHERON, Christophe BOUILLON, Danielle BOUSQUET, Alain CACHEUX, Jérôme CAHUZAC, Thierry CARCENAC, Bernard CAZENEUVE, Alain CLAEYS, Catherine COUTELLE, Claude DARCIAUX, Pascal DEGUILHEM, Guy DELCOURT, François DELUGA, Bernard DEROSIER, Tony DREYFUS, Jean-Pierre DUFAU, Laurence DUMONT, Yves DURAND, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Henri EMMANUELLI, Martine FAURE, Hervé FÉRON, Geneviève FIORASO, Michel FRANÇAIX, Jean-Claude FRUTEAU, Geneviève GAILLARD, Guillaume GAROT, Jean GAUBERT, Jean-Patrick GILLE, Annick GIRARDIN, Jean GLAVANY, Daniel GOLDBERG, Marc GOUA, Jean GRELLIER, David HABIB, Monique IBORRA, Françoise IMBERT, Michel ISSINDOU, Serge JANQUIN, Henri JIBRAYEL, Marietta KARAMANLI, Jean-Pierre KUCHEIDA, Conchita LACUEY, Colette LANGLADE, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS, Jean-Yves LE DÉAUT, Annick LE LOCH, Bruno LE ROUX, Patrick LEMASLE, Catherine LEMORTON, Annick LEPETIT, Bernard LESTERLIN, Martine LIGNIÈRES-CASSOU, François LONCLE, Jean MALLOT, Louis-Joseph MANSCOUR, Jacqueline MAQUET, Marie-Lou MARCEL, Jean-René MARSAC, Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Didier MIGAUD, Arnaud MONTEBOURG, Pierre MOSCOVICI, Philippe NAUCHE, Alain NÉRI, Marie-Renée OGET, Françoise OLIVIER-COUPEAU, George PAU-LANGEVIN, Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Martine PINVILLE, Philippe PLISSON, François PUPPONI, Marie-Line REYNAUD, Chantal ROBIN-RODRIGO, Alain RODET, Marcel ROGEMONT, René ROUQUET, Patrick ROY, Michel SAINTE-MARIE, Michel SAPIN, Christophe SIRUGUE, Pascal TERRASSE, Marisol TOURAINE, Philippe TOURTELIER, Daniel VAILLANT, Jacques VALAX, Michel VERGNIER, André VÉZINHET, Jean-Michel VILLAUMÉ et Philippe VUILQUE,

députés.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Notre pays est prêt à autoriser que l’on accède à la demande des personnes dont les souffrances sont telles qu’elles souhaitent, de la part des personnes qui les soignent, une aide active pour mettre fin à leur vie.

Nous, représentants de la Nation, devons prendre nos responsabilités et tenir compte d’un débat de société important, qui nous amène à proposer une réponse légale, en créant un droit de mourir dans la dignité, afin que chaque citoyen puisse aborder la fin de sa vie dans le respect des principes d'égalité et de liberté.

Nous souhaitons proposer une loi qui ne soit pas une réponse à des cas individuels et médiatisés, aussi dramatiques qu’ils puissent être. L’émotion ne doit pas être le moteur du législateur.

Le développement des soins palliatifs doit constituer une priorité nationale, en cela les pouvoirs publics doivent prendre leur responsabilité et donner les moyens nécessaires pour faire connaître et développer les soins palliatifs par les professionnels et les usagers du système de santé.

Mais ces soins palliatifs ne doivent pas être opposés au fait que toute personne, arrivée à un certain stade de sa maladie et soulagée de ses souffrances du mieux possible, doit pouvoir choisir la mort, si elle le souhaite, et recevoir pour cela l’aide dont elle a besoin.

Il faut rappeler que la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 a été adoptée à l’unanimité à la suite d’un travail important. Elle a constitué une avancée considérable dans le débat sur la fin de vie des personnes en légalisant la possibilité d'arrêter l'acharnement thérapeutique. Mais il convient de franchir un nouveau pas au regard des souffrances subies par certains malades, et au nom de l’égalité. Il s’agit en quelque sorte de créer un nouveau droit pour les malades en phase terminale.

La loi de 2005 avait aussi créé un droit, car le malade peut demander l’arrêt des soins. Elle prend en compte la quasi-totalité des situations, mais il reste toutefois la question des personnes dont l’arrêt du traitement ne suffit pas à les soulager et qui ne souhaite pas être plongée dans le coma. Confrontés à des demandes réitérées de mourir, les médecins sont alors laissés seuls face à la détresse de leur patient, de leur famille et à leur conscience.

Considérant que le législateur ne peut se défaire de ses compétences et laisser la jurisprudence dire le droit au cas par cas, il convient donc qu'il assume sa responsabilité en, ajoutant une étape dans le processus que constitue la législation concernant la fin de la vie, en proposant un encadrement strict de l'aide active à mourir.

Tel est l’objet de cette proposition de loi qui, tout en considérant la gravité de cet acte dont les conséquences sont importantes en termes d’éthique et de responsabilité, apportera une solution à l’inégalité devant la fin de la vie et des réponses juridiques appropriées pour les tribunaux.


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 1110-9 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Toute personne majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée et qu’elle juge insupportable, peut demander à bénéficier, dans les conditions strictes prévues au présent titre, d’une assistance médicalisée pour mourir dans la dignité. »

Article 2

Après l’article L-1111-10 du même code, il est inséré un article L. 1111-10-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-10-1. – Lorsqu’une personne majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, infligeant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée et qu’elle juge insupportable, demande à son médecin traitant le bénéfice d’une aide active à mourir, celui-ci doit saisir sans délai au moins trois autres praticiens pour s'assurer de la réalité de la situation dans laquelle se trouve la personne concernée. Il peut également faire appel à tout autre membre du corps médical susceptible de les éclairer, dans les conditions définies par voie réglementaire.

« Le collège ainsi formé vérifie le caractère libre, éclairé et réfléchi de la demande présentée, lors d'un entretien au cours duquel ils informent l'intéressé des possibilités qui lui sont offertes par les soins palliatifs et l'accompagnement de fin de vie. Les médecins rendent leurs conclusions sur l'état de l'intéressé dans un délai maximum de huit jours.

« Lorsque les médecins constatent la situation d'impasse dans laquelle se trouve la personne, et le caractère libre, éclairé et réfléchi de sa demande, l'intéressé doit, s'il persiste, confirmer sa volonté en présence de sa personne de confiance.

« Le médecin traitant respecte cette volonté. L'acte d'aide active à mourir pratiqué sous son contrôle ne peut avoir lieu avant l'expiration d'un délai de deux jours à compter de la date de confirmation de la demande. Toutefois, ce délai peut être abrégé à la demande de l'intéressé si les médecins précités estiment que cela est de nature à préserver la dignité de celui-ci.

« L’intéressé peut à tout moment révoquer sa demande.

« Les conclusions médicales et la confirmation de la demande sont versées au dossier médical. Dans un délai de quatre jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté son concours à l’aide active à mourir, adresse à la commission régionale de contrôle prévue à l’article L. 1111-14 un rapport exposant les conditions du décès. À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article. »

Article 3

L’article L-1111-11 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-11. – Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie. Elles sont révocables à tout moment. À condition qu’elles aient été établies moins de trois ans avant l’état d’inconscience de la personne, le médecin doit en tenir compte pour toute décision la concernant. Dans ces directives, la personne indique ses souhaits en matière de limitation ou d’arrêt de traitement. Elle peut également indiquer dans quelles circonstances elle désire bénéficier d’une aide active à mourir telle que régie par le présent code. Elle désigne dans ce document la personne de confiance chargée de la représenter le moment venu. Les directives anticipées sont inscrites sur un registre national automatisé tenu par la Commission nationale de contrôle des pratiques relatives au droit de mourir dans la dignité, instituée par l’article L. 1111-14 du présent code. Toutefois, cet enregistrement ne constitue pas une condition de validité du document. Les modalités de gestion du registre et la procédure de communication des directives anticipées à la commission susvisée ou au médecin traitant qui en fait la demande sont définies par décret en Conseil d’État. »

Article 4

Après l’article L. 1111-13 du même code, il est inséré un article L. 1111-13-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-13-1. – Lorsqu’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, se trouve de manière définitive dans l’incapacité d’exprimer une demande libre et éclairée, elle peut néanmoins bénéficier d’une aide active à mourir à la condition que cette volonté résulte de ses directives anticipées établies dans les conditions mentionnées à l’article L. 1111-11. La personne de confiance saisit de la demande le médecin traitant qui la transmet à trois autres praticiens au moins. Après avoir consulté l’équipe médicale et les personnes qui assistent au quotidien l’intéressé, et tout autre membre du corps médical susceptible de les éclairer dans les conditions définies par voie réglementaire, les médecins établissent, dans un délai de huit jours au plus, un rapport déterminant si l’état de la personne concernée justifie qu’il soit mis fin à ses jours.

« Lorsque le rapport conclut à la possibilité d’une aide active à mourir, la personne de confiance doit confirmer sa demande en présence de deux témoins n’ayant aucun intérêt matériel ou moral au décès de la personne concernée. Le médecin traitant respecte cette volonté. L’acte d’aide active à mourir ne peut intervenir avant l’expiration d’un délai de deux jours à compter de la date de confirmation de la demande.

« Le rapport mentionné des médecins est versé au dossier médical de l’intéressé. Dans un délai de quatre jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté son concours à l’aide active à mourir adresse à la commission régionale de contrôle prévue à l’article L. 1111-14 un rapport exposant les conditions dans lesquelles celui-ci s’est déroulé.

« À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article, ainsi que les directives anticipées. »

Article 5

Après l’article L. 1111-13 du même code, il est inséré un article L. 1111-14 ainsi rédigé :

« Art. L.1111-14. – Il est institué auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé de la santé, un organisme dénommé “Commission nationale de contrôle des pratiques relatives au droit de finir sa vie dans la dignité”. Il est institué dans chaque région une commission régionale présidée par le préfet de région ou son représentant. Elle est chargée de contrôler, chaque fois qu’elle est rendue destinataire d’un rapport d’aide active à mourir, si les exigences légales ont été respectées.

« Lorsqu’elle estime que ces exigences n’ont pas été respectées ou en cas de doute, elle transmet le dossier à la commission susvisée qui, après examen, dispose de la faculté de le transmettre au Procureur de la République. Les règles relatives à la composition ainsi qu’à l’organisation et au fonctionnement des commissions susvisées sont définies par décret en Conseil d’État. »

Article 6

Le dernier alinéa de l’article 1110-5 du même code est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Les professionnels de santé ne sont pas tenus d’apporter leur concours à la mise en œuvre d’une aide active à mourir ni de suivre la formation dispensée par l’établissement en application de l’article L. 1112-4. Le refus du médecin, ou de tout membre de l’équipe soignante, de prêter son assistance à une aide active à mourir est notifié à l’auteur de la demande. Dans ce cas, le médecin est tenu de l’orienter immédiatement vers un autre praticien susceptible de déférer à cette demande. »

Article 7

Après l’article L. 1111-13 du même code, il est inséré un article L. 1111-15 ainsi rédigé :

« Art. L.1111-15. – Est réputée décédée de mort naturelle en ce qui concerne les contrats où elle était partie la personne dont la mort résulte d’une aide active à mourir mise en œuvre selon les conditions et procédures prescrites par le code de la santé publique. Toute clause contraire est réputée non écrite. »

Article 8

Le deuxième alinéa de l’article L-1112-4 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ils assurent également, dans le cadre de la formation initiale et continue des professionnels de santé, une formation sur les conditions de réalisation d’une euthanasie. »

Article 9

Les charges éventuelles qui résulteraient pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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