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N° 2057

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 novembre 2009.

PROPOSITION DE LOI

visant à pérenniser et dynamiser le commerce de proximité,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Bernard REYNÈS, Patrick BEAUDOUIN, Jean-Marie BINETRUY, Marc BERNIER, Jean-Claude BOUCHET, Valérie BOYER, Françoise BRANGET, Patrice CALMÉJANE, Georges COLOMBIER, Louis COSYNS, Jean-Yves COUSIN, Henri CUQ, Marie-Christine DALLOZ, Patrice DEBRAY, Jean-Pierre DECOOL, Michel DIEFENBACHER, Jean-Pierre DUPONT, Gilles d’ETTORE, Daniel FASQUELLE, Yannick FAVENNEC, Jean-Michel FERRAND, Jean-Paul GARRAUD, Jean-Pierre GORGES, Anne GROMMERCH, Françoise HOSTALIER, Paul JEANNETEAU, Laure de LA RAUDIÈRE, Lionnel LUCA, Alain MARC, Thierry MARIANI, Christine MARIN, Muriel MARLAND-MILITELLO, Jean-Claude MATHIS, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Étienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Bertrand PANCHER, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, Axel PONIATOWSKI, Frédéric REISS, Jacques REMILLER, Francis SAINT-LÉGER, André SCHNEIDER, Jean-Pierre SCHOSTECK, Daniel SPAGNOU, Éric STRAUMANN, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Dominique TIAN, Patrice VERCHÈRE et Michel VOISIN,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis une vingtaine d’années, ce sont les grandes surfaces en périphérie de nos villes qui se sont le plus développées. Cette forme de distribution a en effet répondu aux attentes des consommateurs. Mais ce qui était vrai hier ne le sera pas forcément demain. Dans nombre de régions, nous observons des changements dans la manière de consommer : vieillissement de la population, recherche d’économies dans les déplacements et de gain de temps consacré aux à la satisfaction des besoins de base, personnalisation du service, sécurité, développement durable, explosion des services et du commerce par internet, achat-plaisir…Pour les nouveaux consommateurs, la notion de proximité devient un atout majeur. C’est pourquoi le commerce de proximité doit saisir ces nouvelles opportunités.

Le commerce de proximité indépendant représente 35,8% des entreprises du commerce et emploie 1,073 million de salariés (équivalents temps plein) pour un chiffre d’affaires global d’environ 262 milliards d’euros. Le commerce de proximité indépendant, c’est près de 470 000 entreprises (1) présentes dans le commerce de détail et notamment les commerces de bouche (fruits et légumes, boucherie, charcuterie-traiteur, boulangerie, crémerie…), qui sont des services de première nécessité dans n’importe quelle agglomération.

Le commerce de proximité est au plan local un facteur indispensable à l’équilibre urbain. Lieux de convivialité, d’échanges, les commerces ne sont pas seulement des acteurs économiques importants pour une commune ou un quartier, ils sont également créateurs de lien social. Les commerçants ne sont pas seulement des chefs d’entreprise, ils rendent aussi de grands services aux personnes seules : personnes âgées, personnes en difficulté ou situation précaire…

Face à la paupérisation de certains quartiers, à la désertification accélérée des villages et des communes rurales, notamment due à la suppression des institutions locales de l’État (trésoreries, postes, tribunaux), les commerces de proximité restent parfois le seul rempart. Ils peuvent rendre bien des services à la clientèle locale, tout en aidant à conserver dans les communes des lieux de rencontre et de convivialité.

Il est également indispensable que le commerce de proximité structure les centres urbains. Il en assure l’animation. Il joue aussi un rôle en matière de sécurité. Ainsi, est-il primordial d’accompagner l’évolution de ce commerce indépendant pour que, demain, nos concitoyens puissent toujours trouver la diversité qui caractérise l’appareil commercial de notre pays. Pour nos villes, c’est certainement l’enjeu social et économique des prochaines années.

La présente proposition a pour objet de donner au commerce de proximité sa véritable place dans notre droit de l’urbanisme et de doter les élus des outils leur permettant de réaliser leurs objectifs d’aménagement urbains en matière de commerce et de services.

Le premier article précise la notion de commerce de proximité, qui correspond aux commerces situés près des lieux de vie des consommateurs et qui permettent de répondre à leurs besoins essentiels.

Les trois articles suivants proposent une modification substantielle du droit de préemption des communes sur les fonds de commerce, les fonds artisanaux, les baux commerciaux et certains terrains.

L’article 2 permet l’instauration d’une délégation du droit de préemption sur les fonds, les baux et les terrains, à l’instar de ce que prévoit le code de l’urbanisme pour les autres droits de préemption, notamment urbains. Toutefois, eu égard aux particularités de ce droit de préemption qui ne s’exerce qu’à l’intérieur du périmètre de sauvegarde situé sur le territoire de la commune (article L. 214-1 du code de l’urbanisme), la possibilité de délégation proposée est limitée aux établissements publics y ayant vocation et aux concessionnaires d’une opération d’aménagement.

L’article 3 allonge le délai de rétrocession du fonds, du bail ou du terrain préempté par la commune, qui pourrait être porté à deux années au lieu d’un an dans l’état actuel de la législation. En effet, compte tenu de la complexité de l’opération de rétrocession, qui peut, depuis la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2009, porter aussi sur certains terrains, la commune peut éprouver des difficultés pour la réaliser dans le délai d’un an.

Par ailleurs, en l’absence de paiement par la commune au cédant, il est désormais fait application des dispositions de l’article L. 213-14 du code de l’urbanisme.

L’article 4 instaure la possibilité de mise en œuvre du régime de la location-gérance par la commune dans l’attente de la rétrocession du fonds : cette proposition qui complète la précédente proposition (rallongement de la durée du délai de rétrocession) peut permettre à la commune de faire exploiter le fonds de commerce dans l’attente de sa rétrocession en évitant sa dépréciation.

L’article 5 prévoit une modification du code de la construction et de l’habitation, afin notamment de faciliter la transformation des logements situés au-dessus des commerces de centre-ville en local commercial.

L’article 6 impose comme nouvel indice de variation des loyers commerciaux, l’indice de référence des loyers commerciaux qui remplace l’indice du coût de la construction.

L’article 7 demande au Gouvernement d’établir un rapport afin d’envisager l’amélioration des conditions de retraite des artisans et commerçants à faible revenu. En effet, le bénéfice du minimum contributif est réservé aux assurés qui en remplissent les conditions, notamment en termes de trimestres validés, pour l’octroi d’une pension de retraite à taux plein. Or, dans les régimes de retraite des artisans, des industriels et des commerçants, les droits à la retraite dépendent des cotisations versées, et l’exercice d’une activité professionnelle indépendante ne garantit pas la validation de quatre trimestres par année civile. Ainsi, pour pouvoir valider quatre trimestres, le travailleur indépendant doit cotiser sur une assiette d’au moins 800 fois le Smic horaire, soit 7 500 euros annuels. Le RSI estime que 25 % des artisans et des commerçants dégagent de leur activité un revenu inférieur à cette assiette et ne valident donc pas quatre trimestres. De ce fait, les artisans et les commerçants peuvent ne pas remplir les conditions d’octroi du minimum contributif alors même qu’ils ont commencé à exercer leur activité indépendante très jeunes et qu’ils ont travaillé de nombreuses années. Ce phénomène pourra être utilement mesuré.

Le rapport expertisera aussi plus avant, pour les entreprises à faible revenu, l’impact de l’application des textes relatifs à la cotisation obligatoire du conjoint collaborateur sur le montant de la cotisation personnelle du chef d’entreprise, et donc sur l’octroi éventuel du minimum contributif.

Ce rapport devra être rendu dans les neuf mois suivant la publication de la présente loi.

L’article 8 vise à instituer, pour les commerces de proximité, des labels ayant pour objet de signaler aux consommateurs certaines qualités des commerces de proximité. Il est prévu de confier au Conseil stratégique institué par l’article L. 750-1-1 du code de commerce le soin de définir ces labels.

L’article 9 concerne les contrats de franchise. Il fixe les conditions de validité des clauses de non-concurrence ou de non-affiliation que prévoit la majorité des contrats de franchise, ce qui apporte plus de sécurité aux parties et permet l’indemnisation du franchisé en contre- partie d’une clause contractuelle de non-concurrence qui lui porterait préjudice.

L’article 10 étend aux petites sociétés, placées sur option ou de plein droit sous le régime du réel simplifié d’imposition, la faculté de tenir leur comptabilité selon des dispositions simplifiées. C’est déjà le cas pour les entreprises individuelles. Il s’agit d’une proposition du rapport remis par Jean-Luc Warsmann au Premier ministre sur la simplification comptable. De nombreux commerces de proximité, constitués sous forme de société, et notamment de SARL, pourront en bénéficier.

L’article 11 répond à une demande des commerçants non sédentaires de préciser les dispositions relatives à la carte unique instituée par la loi de modernisation de l’économie. L’article prévoit que leur carte revêtira désormais un caractère sécurisé. Cette carte, qui demeurera délivrée gratuitement, doit devenir un moyen de lutte contre le commerce illégal qui nuit particulièrement à cette forme de commerce.

C’est pourquoi, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

TITRE IER

PÉRENNISER LE COMMERCE DE PROXIMITÉ DANS LA VILLE

Article 1er

L’article L. 750-1-1 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« III. – Le commerce de proximité est l’ensemble des activités de vente au détail et de prestations de service à caractère artisanal offrant à une clientèle située dans un environnement proche facilement accessible et notamment à pied, une réponse à ses besoins personnels et sociaux fondée sur la diversité de formes de distribution, de produits et de services proposés. »

Article 2

Le chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l’urbanisme est ainsi modifié :

1° l’article L. 214-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La commune peut déléguer son droit à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d’une opération d’aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties du périmètre de sauvegarde ou être accordée à l’occasion de l’aliénation d’un fonds de commerce, d’un fonds artisanal, d’un bail commercial ou de certains terrains. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire. »

2° En conséquence, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 214-2, après le mot : « commune », sont insérés les mots : « ou le délégataire. »

Article 3

I. – Au premier alinéa de l’article L. 214-2 du code de l’urbanisme, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans ».

II. – Au dernier alinéa de l’article L. 214-1 du même code, après la référence : « L. 213-7 » est ajoutée la référence : « et L. 213-14 ».

Article 4

À l’article L. 214-2 du code de l’urbanisme il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Pendant le délai indiqué au premier alinéa du présent article, la commune peut mettre le fonds en location-gérance dans les conditions prévues aux articles L. 144-1 à L. 144-13 du code de commerce. »

Article 5

Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Les articles L. 631-7-2 et L. 631-7-3 sont abrogés ;

2° À l’article L. 631-7-4, les mots : « situé au rez-de-chaussée, pourvu que l’activité considérée ne soit exercée que par le ou les occupants ayant leur résidence principale dans ce local, » sont remplacés par les mots : « utilisé par le demandeur comme sa résidence principale, pourvu ».

Article 6

La section 6 du chapitre V du titre IV du livre Ier du code de commerce est ainsi modifiée :

1° Le premier alinéa de l’article L. 145-34 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « de l’indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s’il est applicable, » sont supprimés ;

b) À la dernière phrase, les mots : « de l’indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s’il est applicable, » sont supprimés ;

2° À l’avant-dernier alinéa de l’article L. 145-38, les mots : « de l’indice trimestriel du coût de la construction ou, s’il est applicable, » sont supprimés.

TITRE II

FAVORISER LE DYNAMISME DU COMMERCE DE PROXIMITÉ

Article 7

Le Gouvernement présente au Parlement, dans les neuf mois suivants la publication de la présente loi, un rapport examinant les raisons pour lesquelles certains travailleurs non salariés non agricoles à faibles revenus ne peuvent bénéficier de l’octroi du minimum contributif.

Article 8

Le deuxième alinéa du II de l’article L.750-1-1 du code de commerce est complété par la phrase suivante : 

« Il définit des labels de qualité qui peuvent être délivrés aux commerces de proximité pour leur accueil, la qualité de leurs produits ou de leurs services, ou les mesures prises en matière de développement durable. »

Article 9

Le titre III du livre III du code de commerce est complété par un article L. 330-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 330-4. – Lorsqu’un contrat de franchise prévoit des clauses de non-concurrence visant à interdire au franchisé d’exercer une activité similaire ou de demander son affiliation dans un réseau d’enseignes concurrentes, ces clauses doivent être indispensables à la protection des intérêts légitimes du franchiseur et être limitées à l’activité concernée par le contrat de franchise, à une zone géographique et à une durée déterminée.

« Le non-respect de ces conditions donne lieu à une compensation financière correspondant au préjudice subi par le franchisé. »

Article 10

L’article L. 123-25 du code de commerce est ainsi rédigé :

« Art. L. 123-25. – Par dérogation aux dispositions des premier et troisième alinéas de l’article L. 123-12, les personnes physiques et morales placées sur option ou de plein droit sous le régime réel simplifié d’imposition peuvent n’enregistrer les créances et les dettes qu’à la clôture de l’exercice. En outre, les personnes physiques relevant du présent article peuvent ne pas établir d’annexe. »

Article 11

Le dernier alinéa de l’article L. 123-29 du code de commerce est rédigé comme suit :

« Cette déclaration donne lieu à délivrance d’une carte sécurisée dont la présentation aux autorités compétentes permet l’exercice d’une activité ambulante. »

Article 12

Les charges qui pourraient résulter de l’application de la présente loi pour l’établissement public mentionné à l’article 2 et les chambres de commerce et d’industrie sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

1 () Sources : INSEE, DECASPL chiffres de 2004, artisanat compris.


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