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N° 2211

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 décembre 2009.

PROPOSITION DE LOI

relative à l’organisation du débat public
sur les problèmes éthiques et les questions de société,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jean LEONETTI,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La complexité croissante des problèmes auxquels est confrontée la société contraint souvent les décideurs publics à s’en remettre aux choix des experts. Or, compte tenu de l’accélération des découvertes scientifiques et de la dimension éthique que peut avoir toute décision en la matière, il n’est plus possible d’imposer à nos concitoyens des solutions qu’ils n’auraient pas eu l’occasion de débattre directement et qui engagent notre avenir commun. La consultation du public et la mise en œuvre d’une réflexion partagée sont devenues nécessaires pour faire des choix éclairés, compris et acceptés par l’opinion publique. Cette démarche s’impose d’autant plus que la tentation est souvent grande de s’en remettre aux seuls résultats d’enquêtes qui ne constituent que la photographie de l’opinion à un moment donné. Favoriser une éthique de la discussion libre et contradictoire, en permettant au citoyen de se forger un avis, c’est refuser tout état préformé de l’opinion publique, c’est favoriser une démocratie moderne et apaisée.

Plusieurs pays étrangers ont organisé des procédures consultatives. En Allemagne, les Bürgerforen sont un moyen d’associer des citoyens tirés au sort et formés ensuite sur des sujets déterminés. Leur réflexion, qui dans un passé récent a porté sur des sujets variés comme l’économie sociale de marché, l’Europe, l’administration communale et l’environnement débouche sur des recommandations. Les canadiens ont la possibilité d’assister à des assemblées publiques, de participer à des enquêtes, d’adresser leurs commentaires sur des thèmes touchant au système de santé, à la santé de l’environnement, aux rapports entre la science et la recherche. Le Danemark peut se flatter d’une longue tradition en la matière, puisque des conférences de consensus ont été mises au point dans ce pays dans la seconde moitié des années quatre-vingts par l’Agence danoise chargée de l’évaluation des choix technologiques. Ces conférences se sont particulièrement intéressées aux thèmes les plus sujets à controverse comme les tests génétiques ou les aliments génétiquement modifiés. Enfin au Royaume-uni la Human Fertilization and Embryology Authority (HFEA) a recours régulièrement à des consultations publiques.

Probablement en raison de notre attachement au système représentatif, notre culture politique ne nous prédispose pas naturellement à cette forme d’expression politique et notre expérience en la matière est limitée. Érigée en autorité administrative indépendante depuis 2002, la Commission nationale du débat public a vocation à associer le public à l’élaboration des projets d’aménagement ou d’équipement d’intérêt national dont les enjeux socio-économiques ont des impacts significatifs sur l’environnement ou l’aménagement du territoire. Son champ d’action est donc strictement défini et cette institution constitue une exception. Plus récemment, les pouvoirs publics ont organisé des participations ponctuelles de l’opinion publique sous la forme d’états généraux sur un sujet déterminé. À titre d’exemple la révision des lois de bioéthique appelée à voir le jour en 2010 a été précédée au cours du premier semestre 2009 d’états généraux qui ont permis de recueillir les avis de citoyens préalablement informés et choisis pour leur représentativité. Dans le même temps le site Internet de ces états généraux a été visité par plus de 70 000 personnes et les contributions des espaces éthiques régionaux ont enrichi ce débat public.

Le succès de ces états généraux doit nous inviter aujourd’hui à franchir une nouvelle étape pour institutionnaliser ces consultations publiques. Ce choix est d’autant plus justifié que nos concitoyens portent un intérêt croissant pour les questions touchant les domaines de la santé et de l’environnement. Leur intervention dans ce débat n’a pas eu pour autant l’ambition de se substituer au législateur mais d’enrichir sa réflexion. Le bilan positif de cette expérience ne devrait pas limiter cette participation à la seule bioéthique mais à couvrir plus largement les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé.

À cette fin il vous est proposé de compléter les règles définissant les fonctions du Comité consultatif national d’éthique, telles qu’elles résultent des articles L. 1412-1 et suivants du code de la santé publique.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l’article L.1412-1 du code de la santé publique, est inséré un article L. 1412-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1412-1-1. – Tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé est précédé d’un débat public sous forme d’états généraux. Ceux-ci sont organisés à l’initiative du Comité consultatif national d’éthique. »

Article 2

Après l’article L. 1412-3 du même code, est inséré un article L. 1412-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1412-3-1. – Les états généraux visés à l’article L. 1412-1-1 réunissent des conférences de citoyens choisis pour leur représentativité. Après avoir reçu une formation préalable, ceux-ci débattent et rédigent un avis ainsi que des recommandations qui sont rendus publics. »

Article 3

Les charges qui pourraient résulter de l’application de la présente loi pour l’État sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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