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N° 2244

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 janvier 2010.

PROPOSITION DE LOI

visant à abolir les châtiments corporels infligés aux enfants,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Edwige ANTIER, Marie-Jo ZIMMERMANN, Jean BARDET, Henriette MARTINEZ, Jean-Pierre DOOR, Gilles D’ETTORE, Philippe HOUILLON, Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, Arlette FRANCO, Dino CINIERI et Muriel MARLAND-MILITELLO,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’abolition totale des châtiments corporels infligés aux enfants a été adoptée par la plupart des pays européens après la campagne menée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en 2005. Deux ans plus tard, le commissaire aux droits de l’homme a confirmé cette action en précisant le caractère indispensable de l’interdiction de toute sorte de violence contre les enfants, et notamment au sein de la famille.

Ainsi la plupart des pays européens, dernièrement l’Espagne puis le Portugal, se sont mis en conformité avec l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, complété de l’arrêt de la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) rendu dès septembre 1998 et interdisant toute punition corporelle au sein de la famille.

L’abolition des châtiments corporels doit faire partie du plan prévenant de la délinquance. Risque-t-elle de nuire à l’autorité des parents ? Toutes les études internationales démontrent, au contraire, que l’usage de châtiments corporels fait croire aux enfants que la violence est acceptable. Elle devient, dés lors, un outil pour résoudre les conflits ou pour obtenir ce que l’on désire et sont inefficaces comme moyen de discipline. Bien d’autres moyens moins dégradants existent pour instruire ou discipliner les enfants, contribuant pleinement à bâtir des relations fondées sur la confiance et le respect mutuels. La punition corporelle envers un enfant doit être bannie sous toutes ses formes afin que ce dernier puisse pleinement s’épanouir.

Si les enfants sont traités avec respect, les chances qu’ils traitent les autres avec considération sont plus grandes, y compris envers leurs propres enfants. Grâce à cette « parentalité positive », les parents ont de meilleures relations avec leurs enfants. Ces derniers ont une plus grande estime de soi, sont moins agressifs et plus cohérents, pour trouver plus tard un meilleur équilibre entre leurs responsabilités familiales et professionnelles, sans rechercher les conflits avec leurs partenaires.

Contrairement aux idées reçues, abandonner les châtiments corporels ne rendra pas les enfants plus gâtés ou plus indisciplinés. En effet, complètement dépendants à leur naissance, ils s’appuient sur leurs parents à mesure qu’ils grandissent pour être guidés, soutenus et pour acquérir une maturité d’autodiscipline. Si les parents réagissent calmement lorsque leurs enfants font des « bêtises », s’ils leurs offrent d’autres centres d’intérêts, ces derniers canaliseront leurs pulsions afin de se tourner vers des actions positives. Un bon parent n’est pas un chef mais un guide.

Tout châtiment corporel commis sur un adulte constitue une agression illégale. Comment est-il possible de considérer cet acte comme éducatif sur un enfant ?

La loi abolissant les punitions corporelles envoie un signe fort envers les adultes maltraitants. En France, ce sont 300 000 enfants qui sont considérés comme « enfants en danger ». Comme le montre le dernier rapport de l’ODAS (Observatoire national de l’action sociale décentralisée), ces chiffres augmentent d’année en année de plus de 1 000 signalements. La violence, la maltraitance et l’abandon d’enfants ont augmenté en France, entre 2003 et 2008, de plus de 4 327 cas (source OND, Observatoire national de la délinquance). Dans le même temps la maltraitance avec blessures graves s’est effondrée en Suède.

À ce jour, dix-huit pays européens ont interdit toute forme de punition corporelle, la Suède ayant été la pionnière dans ce domaine en interdisant, dès 1979, tout châtiment corporel ou tout autre traitement humiliant envers les enfants. Une étude de l’Université de Manitoba, au Canada, nous informe que depuis l’abolition des châtiments corporels, la Suède a vu chuter ses taux de délinquance juvénile et de suicide.

L’Allemagne, l’Autriche, la Bulgarie, la Chypre, la Croatie, le Danemark, la Finlande, la Hongrie, l’Islande, la Lettonie, la Moldavie, la Norvège, les Pays-Bas, la Roumanie, la Suède, l’Ukraine, et récemment la Grèce, l’Espagne et le Portugal ont adopté des lois nationales interdisant tout châtiment corporel envers les enfants.

En France, une enquête réalisée en 2007 par l’Union des Familles en Europe relève une incohérence : alors que 87 % des parents affirment avoir déjà donné une fessée, ils sont 85 % à déclarer que les enfants sont mal élevés ! Cette étude souligne bien l’inefficacité des châtiments corporels et, au contraire, leur effet paradoxal sur les enfants.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, Mesdames, Messieurs les Députés, d’adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L’enfant a droit à une éducation non violente. Aucun enfant ne peut être soumis à des châtiments corporels ou à toute forme de violence physique.


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