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N° 2255

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 janvier 2010.

PROPOSITION DE LOI

relative à l’indépendance des rédactions,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Patrick BLOCHE, Michel FRANÇAIX, Didier MATHUS, Marcel ROGEMONT, Jean-Marc AYRAULT et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (1) et apparentés (2),

députés.

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(1)  Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Patricia Adam, Sylvie Andrieux, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Delphine Batho, Jean-Louis Bianco, Gisèle Biémouret, Serge Blisko, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Jean-Michel Boucheron, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Monique Boulestin, Pierre Bourguignon, Danielle Bousquet, François Brottes, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Martine Carrillon-Couvreur, Laurent Cathala, Bernard Cazeneuve, Jean-Paul Chanteguet, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Catherine Coutelle, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Claude Darciaux, Pascal Deguilhem, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, Michel Delebarre, François Deluga, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Odette Duriez, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Laurent Fabius, Albert Facon, Martine Faure, Hervé Féron, Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Pierre Forgues, Valérie Fourneyron, Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Guillaume Garot, Jean Gaubert, Catherine Génisson, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Gaëtan Gorce, Pascale Got, Marc Goua, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, David Habib, Danièle Hoffman-Rispal, François Hollande, Sandrine Hurel, Monique Iborra, Jean-Louis Idiart, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Marietta Karamanli, Jean-Pierre Kucheida, Conchita Lacuey, Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Marylise Lebranchu, Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Marie Le Guen, Annick Le Loch, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Annick Lepetit, Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, François Loncle, Victorin Lurel, Jean Mallot, Louis-Joseph Manscour, Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat, Gilbert Mathon, Didier Mathus, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Marie-Renée Oget, Françoise Olivier-Coupeau, Michel Pajon, George Pau-Langevin, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Marie-Françoise Pérol-Dumont, Philippe Plisson, François Pupponi, Catherine Quéré, Jean-Jack Queyranne, Dominique Raimbourg, Marie-Line Reynaud, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Alain Rousset, Patrick Roy, Michel Sainte-Marie, Michel Sapin, Odile Saugues, Christophe Sirugue, Pascal Terrasse, Jean-Louis Touraine, Marisol Touraine, Philippe Tourtelier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, André Vézinhet, Alain Vidalies, Jean-Michel Villaumé, Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque.

(2)  Chantal Berthelot, Guy Chambefort, Gérard Charasse, René Dosière, Paul Giacobbi, Annick Girardin, Joël Giraud, Christian Hutin, Serge Letchimy, Albert Likuvalu, Jeanny Marc, Dominique Orliac, Sylvia Pinel, Martine Pinville, Simon Renucci, Chantal Robin-Rodrigo, Marcel Rogemont et Christiane Taubira.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En novembre 1945, la Fédération nationale (patronale) de la presse déclarait : « La presse n’est pas un instrument de profit commercial. C’est un instrument de culture, sa mission est de donner des informations exactes, de défendre des idées, de servir la cause du progrès humain. » L’idée de créer des structures juridiques permettant aux entreprises d’information de se développer à l’abri des groupes capitalistiques n’est donc pas nouvelle. Malheureusement, sa mise en œuvre n’a cessé d’être ajournée depuis plus de 60 ans. Comme quoi, une chose aussi évidente que le principe de liberté dans l’information n’est jamais acquise. En fait, il est à reconquérir continuellement.

Informer est une mission essentielle pour la démocratie. Quand la liberté de la presse tend à disparaître, la démocratie est menacée.

Aujourd’hui, avec le jeu des rachats et des fusions, les entreprises de presse passent sous le contrôle d’actionnaires, de groupes industriels ou financiers qui vivent des marchés publics et dont les intérêts économiques et politiques peuvent entrer en contradiction avec le souci d’informer librement et honnêtement.

Ces derniers temps, les atteintes à l’indépendance des rédactions se sont multipliées. Pressions, censures, conséquences le plus souvent d’une concentration excessive, mais aussi perquisitions contraires au droit européen.

Il semble indispensable, dans une période où la presse vit une mutation économique et technique difficile, que le législateur propose des mesures permettant de garantir l’indépendance des rédactions sans interférer sur le pouvoir légitime des éditeurs.

Il convient donc d’actualiser les textes de loi régissant la presse et les médias afin de faire respecter le pluralisme de l’information, garantir l’indépendance des rédactions en les protégeant de la pression économique et politique. Pour que le public soit mieux informé sur les dirigeants réels des groupes de presse, il convient d’instaurer pour ces entreprises des obligations accrues de transparence.

Tels sont les principaux objectifs de la présente proposition de loi qu’il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l’article 6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est inséré un article 6 bis ainsi rédigé :

« Art. 6 bis. – Toute entité juridique employant des journalistes professionnels au sens de l’article L. 7111-3 du code du travail, produisant et/ou diffusant de l’information, notamment agence de presse, publication de presse, entreprise audiovisuelle, multimédia, électronique doit :

« I. – Soit se doter d’une équipe rédactionnelle permanente et autonome composée de tous les journalistes professionnels au sens de l’article L. 7111-3 du code du travail qui y contribuent. Elle participe à l’élaboration d’une charte éditoriale et déontologique et veille au respect des chartes de déontologie de la profession (1918/38 et Munich 1971).

« Sans préjudice des dispositions relatives aux représentants du personnel, cette équipe rédactionnelle désigne son ou ses représentants selon les modalités électorales qui régissent les élections professionnelles dans les entreprises.

« Ces représentants ont un rôle de porte parole et organisent les consultations de l'équipe rédactionnelle.

« Ils bénéficient de la même protection que celle dont bénéficient les délégués du personnel en vertu des articles L.2411-5 et suivants du code du travail.

« L’équipe rédactionnelle doit être consultée par sa direction avant tout changement de politique éditoriale ou rédactionnelle. Les projets éditoriaux lui sont soumis annuellement. Elle peut s’y opposer.

« Elle doit également être consultée lors de la nomination d’un responsable de la rédaction qu’il soit directeur de l’information, directeur de la rédaction ou rédacteur en chef. Elle peut s’opposer à cette nomination.

« En cas de changements importants dans la composition du capital ou dans l’équipe de direction affectant de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, l’équipe rédactionnelle peut prendre l’initiative d’un scrutin de défiance. Elle a aussi la faculté de saisir le comité d’entreprise pour faire jouer le droit d’alerte.

« II. – Soit se doter d’une association de journalistes dont les titulaires de la carte de presse sont membres de droit. Les statuts de celle-ci sont conformes aux règles édictées par décret en Conseil d’État.

« S’il y a lieu, la forme associative peut être remplacée par une société des rédacteurs, dont les parts sociales sont détenues par les salariés titulaires de la carte de presse.

« Lorsque l’entreprise édite une publication d’information politique et générale, l’association des journalistes ou la société des rédacteurs désigne un représentant qui siège de droit, avec voix consultative, au conseil d’administration ou de surveillance.

« La désignation du responsable de la rédaction donne lieu à un vote, à bulletin secret, de tous les membres de l’association des journalistes ou de la société des rédacteurs.

« Dans le cas où la désignation est opérée, alors qu’elle a été rejetée à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, elle est considérée de droit comme opérant le changement notable prévu au 3° de l’article L. 7112-5 du code du travail.

« L’association des journalistes ou de la société des rédacteurs participe avec la société éditrice à l’élaboration une charte éditoriale et déontologique, énonçant les engagements souscrits à l’égard des lecteurs par tous ceux qui concourent à la publication. Cette charte est reproduite dans la publication au moins une fois par an. »

Article 2

L’article 5 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les noms des actionnaires détenant plus de 10 % du capital. »

Article 3

L’article 6 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« 3° Toute modification du statut de l’entreprise éditrice.

« 4° Tout changement dans les dirigeants ou actionnaires de l’entreprise.

« Chaque année, l’entreprise doit porter à la connaissance du public toutes les informations relatives à la composition de son capital, des organes dirigeants. Elle mentionne l’identité et la part d’actions de chacun des actionnaires qu’il soit personne physique ou morale. »

Article 4

Le non-respect des obligations prévues aux articles 1er, 2 et 3 de la présente loi entraîne la suspension des aides publiques directes et indirectes dont bénéficie l’entreprise de presse ; ainsi que l’obligation pour celle ci de publier les sanctions dont elle fait l’objet au titre de ses manquements.

Article 5

L’ensemble des dispositions prévues aux articles 1er, 2, 3 et 4 contribue à préserver les intérêts moraux, tant collectifs qu’individuels, de la profession de journalistes.


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