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N° 2348

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 février 2010.

PROPOSITION DE LOI

tendant à renforcer l’effectivité du droit d’accès au dossier médical et à rendre plus juste le régime d’indemnisation des dommages subis à l’occasion d’un acte médical,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Messieurs

Guénhaël HUET et Jean-Pierre DOOR,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Soucieuse d’évaluer la mise en œuvre et la qualité de la législation relative à l’accès au dossier médical et à l’indemnisation des infections nosocomiales, issue de deux lois des 4 mars et 30 décembre 2002, les commissions des lois et des affaires culturelles, familiales et sociales ont décidé de créer, à la fin de l’année 2008, une mission d’information commune sur ces deux sujets. Le 8 juillet dernier, les commissions des lois et des affaires sociales ont conjointement autorisé la publication du rapport de la mission d’information commune sur l’indemnisation des victimes d’infections nosocomiales et l’accès au dossier médical, qui formule quatorze propositions pour renforcer l’effectivité du droit d’accès au dossier médical et rendre plus juste le régime d’indemnisation des infections nosocomiales.

La présente proposition de loi reprend huit des quatorze propositions du rapport de la mission d’information. Six propositions ne sont pas retenues dans la proposition de loi, pour les raisons suivantes :

– tout d’abord, trois propositions dont la mission avait subordonné la mise en œuvre aux préalables d’une évaluation de leur impact et d’une concertation avec les professionnels concernés. Il s’agit des propositions nos 10 (extension du régime de responsabilité de plein droit pour les infections contractées en cabinet libéral), 11 (suppression de tout seuil d’accès aux commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales – CRCI – dans leur mission de règlement amiable) et 12 (mise en place d’une aide à l’assistance juridique et médicale devant les CRCI pour les personnes les plus démunies) ;

– ensuite, une proposition sur laquelle les membres de la mission n’avaient pu parvenir à un consensus. Il s’agit de la seconde partie de la proposition n° 2, qui préconisait l’allongement de huit à quinze jours du délai de communication des dossiers médicaux de moins de cinq ans ;

– enfin, une proposition ne pouvant pas être formulée par des parlementaires, en raison de son irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution. Il s’agit de la proposition n° 14 de la mission, tendant à permettre à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) de se substituer à l’assureur en cas d’offre manifestement insuffisante. Aujourd’hui, cette substitution est impossible, contrairement au cas où l’assureur refuse ou s’abstient de formuler une offre. Cette situation constitue une faille du dispositif pouvant permettre à un assureur de contourner la procédure de subrogation de l’ONIAM prévue en cas de refus ou d’absence d’offre. Seule une reprise de cette proposition par voie d’amendement gouvernemental pourrait permettre sa mise en œuvre, cette reprise pouvant d’autant plus aisément être envisagée que l’Office lui-même est à l’origine de cette demande de faculté de substitution.

La présente proposition de loi se subdivise en deux chapitres : le premier, relatif à l’accès au dossier médical, et le second concernant le régime d’indemnisation des infections nosocomiales. Les mesures préconisées ayant fait l’objet d’une analyse détaillée par le rapport de la mission (n° 1810), les auteurs de la proposition de loi vous invitent à vous reporter à ce document pour un supplément d’informations.

L’article premier modifie l’article L. 1111-7 du code de la santé publique relatif à l’accès de toute personne aux informations qui concernent sa santé – le dossier médical – et qui sont détenues par des professionnels et établissements de santé.

Le I reprend les propositions nos 2 (partiellement), 4 et 5 de la mission en supprimant le délai de réflexion de quarante huit heures à dater de la demande d’accès au dossier médical (proposition n° 2) et en ouvrant le droit d’accès au dossier médical d’un patient, de son vivant, à son tuteur lorsqu’il a la qualité de personne protégée et qu’il ne peut pas prendre seul des décisions concernant sa personne (proposition n° 4) ainsi qu’à certaines personnes limitativement énumérées auxquelles il peut donner un mandat exprès : personne de confiance et ayants droit qui, sous peine de sanctions pénales, ne doivent entretenir aucune relation contractuelle avec lui (proposition n° 5). Pour des raisons de clarté rédactionnelle, l’accès des parents d’une personne mineure prévu au cinquième alinéa de l’article L. 1111-7 précité, a été intégré à ce nouvel alinéa et par conséquent ledit cinquième alinéa a été supprimé (paragraphe II).

Le paragraphe III met en œuvre la proposition n° 6 de la mission, qui en cas de décès d’un patient, préconisait d’ouvrir à son concubin et à son partenaire d’un pacte civil de solidarité le droit d’accéder, sous certaines conditions, à son dossier médical. Le paragraphe IV traduit la proposition n° 7 de la mission en maintenant aux parents d’un enfant décédé le droit de consulter l’intégralité de son dossier sans avoir à motiver leur demande, à condition que le mineur ne se soit pas antérieurement opposé à leur accès.

Le paragraphe V transcrit la proposition n° 1 de la mission en prévoyant une harmonisation des tarifs que peuvent demander les professionnels et établissements de santé pour la reproduction totale ou partielle d’un dossier médical et en fixant un coût maximal à cette transmission.

L’article 2 reprend la proposition n° 3 de la mission, en confiant aux commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) une compétence générale de contrôle du respect du droit d’accès au dossier médical quel que soit son détenteur, en rendant leur saisine pour avis obligatoire avant tout exercice d’un recours contentieux et en excluant les demandes d’accès au dossier médical détenu par un établissement public de santé ou par un établissement privé participant à l’exécution du service public hospitalier du champ de compétence de la Commission d’accès aux documents administratifs.

L’article 3 met en œuvre la proposition n° 9 de la mission : il unifie la définition des infections nosocomiales indemnisables, en excluant de leur champ celles pouvant être considérées comme irrésistibles. En effet, la mission d’information a mis en évidence qu’une incertitude pèse aujourd’hui sur la question de savoir quelles infections nosocomiales sont indemnisables et lesquelles ne le sont pas, la définition retenue par la jurisprudence étant relativement extensive en ce qu’elle ne distingue pas les infections nosocomiales selon qu’elles sont résistibles ou irrésistibles. Par ailleurs, l’absence de définition légale des infections nosocomiales indemnisables a rendu possible une divergence de la définition des infections nosocomiales entre l’ordre judiciaire et l’ordre administratif : alors que le juge administratif refuse d’indemniser les infections nosocomiales d’origine endogène, c’est-à-dire causées par un germe dont le patient était porteur et développées à l’occasion d’une hospitalisation en considérant qu’elles relèvent de la cause étrangère exonératoire, le juge judiciaire accepte d’indemniser toute infection nosocomiale, qu’elle soit d’origine endogène ou exogène.

Cette différence d’appréciation de la notion de cause étrangère et, par conséquent, du caractère indemnisable ou non indemnisable d’une infection nosocomiale, selon le lieu où celle-ci a été contractée apparaît choquante. Elle est d’autant plus choquante que l’un des buts du législateur de 2002 était d’unifier le régime d’indemnisation applicable aux infections nosocomiales, afin qu’une victime ne soit pas différemment traitée selon le caractère public ou privé du lieu où elle a été hospitalisée. En conséquence, l’article 3 vise à remédier à ces difficultés en définissant plus clairement les infections nosocomiales indemnisables et en excluant explicitement du champ des infections nosocomiales indemnisables les infections irrésistibles.

Les articles 4 et 5 mettent en œuvre la proposition n° 8 de la mission, d’une part en étendant aux infections associées aux soins – susceptibles d’avoir été contractées non seulement en établissement de santé mais aussi en cabinet libéral – l’obligation de signalement à l’autorité administrative, aujourd’hui applicable aux seules infections nosocomiales – contractées en établissement – et, d’autre part, en prévoyant que l’Observatoire des risques médicaux rattaché à l’ONIAM a pour objet d’analyser les données relatives aux infections associées aux soins. Cette obligation de signalement et cette analyse des données relatives aux infections associées aux soins constituent en effet des conditions nécessaires à la mise en place de l’évaluation du risque infectieux en cabinet libéral et de la politique de lutte contre ce risque que la mission a préconisées.

L’article 6 met en œuvre la proposition n° 13 de la mission, consistant à supprimer la condition d’inscription préalable sur les listes d’experts judiciaires pour pouvoir postuler à l’inscription sur la liste de la Commission nationale des accidents médicaux (CNAMed). Cette mesure permettra de lever l’un des obstacles au recrutement d’experts en accidents médicaux.

Pour ces motifs, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Chapitre Ier

Dispositions tendant à renforcer
l’effectivité du droit d’accès au dossier médical

Article 1er

L’article L. 1111-7 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :

« Elle peut accéder à ces informations directement ou par l’intermédiaire des personnes suivantes :

« – un médecin qu’elle désigne ;

« – une personne à laquelle elle aura confié un mandat exprès à la condition que cette personne soit l’un de ses ayants droit ou sa personne de confiance et à la condition qu’elle n’entretienne ni ne soit susceptible d’entretenir aucune relation contractuelle avec ce mandataire. Le non-respect de cette dernière condition par le mandataire est puni de 45 000 € d’amende et de trois ans d’emprisonnement ;

« – son tuteur lorsque, bénéficiant du statut de majeure protégée, son état ne lui permet pas de prendre seule des décisions relatives à sa personne ;

« – le ou les titulaires de l’autorité parentale lorsqu’elle ne s’est pas opposée à cet accès en application de l’article L. 1111-5 ou qu’elle n’a pas souhaité que cet accès ait lieu par l’intermédiaire d’un médecin.

« Elle en obtient communication dans des conditions définies par voie réglementaire au plus tard dans les huit jours suivant sa demande. Ce délai est porté à deux mois lorsque les informations médicales datent de plus de cinq ans ou lorsque la commission départementale des hospitalisations psychiatriques est saisie en application du neuvième alinéa. » ;

2° Le cinquième alinéa est supprimé ;

3° L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :

a) Après les mots : « des ayants droit », sont insérés les mots : « , du concubin ou du partenaire d’un pacte civil de solidarité » ;

b) Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, en cas de décès d’une personne mineure, le ou les titulaires de l’autorité parentale conservent sans aucune obligation de motivation, leur droit d’accès à la totalité de son dossier médical, sous réserve d’une opposition antérieure du mineur à la communication de certains éléments de son dossier prévue à l’article L. 1111-5. » ;

4° La dernière phrase du dernier alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Lorsque le demandeur souhaite la délivrance de copies, le professionnel ou l’établissement de santé détenant son dossier lui communique une estimation préalable du coût de sa demande, sauf à avoir pris en considération la difficulté de sa situation matérielle personnelle ou à avoir décidé de la gratuité de cette communication. Les frais laissés à la charge du demandeur correspondent exclusivement aux coûts des supports de reproduction fournis dont le montant est fixé pour chacun d’entre eux par arrêté du ministre en charge de la santé ainsi qu’au coût de l’envoi de ces reproductions ; ils ne peuvent excéder un plafond fixé par le même arrêté. »

Article 2

I. – Après l’article L. 1111-7 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1111-7-1 ainsi rédigé:

« Art. L. 1111-7-1. – Tout refus d’accès aux informations de santé mentionnées à l’article L. 1111-7 opposé par un professionnel ou un établissement de santé ou par un hébergeur de données de santé à caractère personnel, toute transmission tardive ou incomplète de ces informations peut faire l’objet d’une saisine pour avis de la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales mentionnée à l’article L. 1142-5.

« Cette saisine pour avis est un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux devant les juridictions administratives ou judiciaires. »

II. – La loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public est ainsi modifiée :

1° Au troisième alinéa de l’article 20, après les mots : « code du patrimoine », sont insérés les mots : « , des informations concernant la santé d’une personne mentionnées à l’article L. 1111-7 du code de la santé publique » ;

2°  Au 14° du A de l’article 21, les mots : « Les articles L. 1111-7 et » sont remplacés par les mots : « L’article ».

Chapitre II

Dispositions tendant à rendre plus juste le régime d’indemnisation
des dommages subis à l’occasion d’un acte médical

Article 3

Le dernier alinéa du I de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique est complété par les mots : « ou du caractère irrésistible de ces infections ».

Article 4

Au premier alinéa de l’article L. 1413-14 du code de la santé publique, le mot : « nosocomiale » est remplacé par les mots : « associée aux soins ».

Article 5

Au premier alinéa de l’article L. 1142-29 du code de la santé publique, la deuxième occurrence du mot : « nosocomiales » est remplacée par les mots : « associées aux soins ».

Article 6

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 1142-11 est ainsi modifié :

a) La première phrase du premier alinéa est supprimée ;

b) Au début de la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « Cette inscription vaut pour » sont remplacés par les mots : « L’inscription sur la liste nationale des experts en accidents médicaux, subordonnée à une évaluation des connaissances et des pratiques professionnelles dont les conditions sont fixées par décret en Conseil d’État, est accordée pour une durée de » ;

c) L’avant-dernière phrase du dernier alinéa est supprimée ;

2° Après la date : « 29 juin 1971 », la fin du deuxième alinéa de l’article L. 1142-12 est ainsi rédigée : « relative aux experts judiciaires. »


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