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N° 2971

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 novembre 2010.

PROPOSITION DE LOI

visant à abolir toutes formes de violences physiques et psychologiques
infligées aux
enfants,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Edwige ANTIER, Élie ABOUD, Jean BARDET, Marc BERNIER, Loïc BOUVARD, Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, Jean-François CHOSSY, Dino CINIERI, Jean-Yves COUSIN, Gilles D’ETTORE, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, David DOUILLET, Jean-Pierre DUPONT, Philippe HOUILLON, Alain MARC, Hervé MARITON, Muriel MARLAND-MILITELLO, Henriette MARTINEZ, Étienne MOURRUT, Yanick PATERNOTTE, Franck REYNIER, Arnaud RICHARD, Jean ROATTA, Daniel SPAGNOU et Marie-Jo ZIMMERMANN,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi a pour but de légitimer l’autorité des parents et des personnes qui s’occupent d’enfants mineurs en envoyant un message clair de fermeté et de respect dans l’éducation des enfants.

Le 7 août 1990, la France a signé la Convention internationale des droits de l’enfant. Elle a été d’ailleurs le premier pays à proclamer le 20 novembre « journée internationale des droits de l’enfant ». Il est donc fondamental de rappeler que la France a signé l’article 19-1 de cette Convention qui stipule : « Les États parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toutes formes de violence, d’atteintes ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié. » Cette convention est le premier instrument international en matière de droits de l’homme.

La situation du droit français sur ce thème est confuse et paradoxale. Pendant des années, la Cour de cassation a refusé de considérer la convention internationale relative aux droits de l’enfant comme directement applicable en droit français. On découvre là un paradoxe légal français, car en effet, si le droit français prohibe clairement les violences faites aux enfant dans son article 222-13 du code pénal, et reconnaît la violence contre les mineurs, donc les enfants de moins de 15 ans, comme une forme aggravée de violence, la violence éducative ordinaire n’est pas considérée comme un problème ; elle est acceptée dans l’état des mœurs. Une jurisprudence vieille de 200 ans stipule qu’il existe un « droit de correction ». Une simple coutume est ainsi invoquée par les juridictions contre la règle de droit écrite. De même, un jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux datant de 1981 fixe que le droit de correction reposerait sur deux conditions : l’agression doit être « légère » et dans un but « éducatif ».

Qui bénéficie alors du droit de correction ? Un arrêt de 2003 de la Cour de cassation considère que les baby-sitters et les nourrices ont ce droit. Cet arrêt porte sur un bébé de 23 mois qui avait reçu une claque de la part de sa baby-sitter. Quel but éducatif peut-on prétendre sur un enfant de cet âge ?

La loi abolissant les punitions physiques et psychologiques envoie un signe fort envers les adultes maltraitants. En France, ce sont 300 000 enfants qui sont considérés comme « enfants en danger ». Comme le montre le dernier rapport de l’ODAS (Observatoire national de l’action sociale décentralisée), ces chiffres augmentent d’année en année de plus de 1 000 signalements. La violence, la maltraitance et l’abandon d’enfants ont augmenté en France, entre 2003 et 2008, de plus de 4 327 cas (source OND, Observatoire national de la délinquance). Dans le même temps la maltraitance avec blessures graves s’est effondrée en Suède.

Des travaux de plus en plus nombreux démontrent les effets néfastes de la « main levée » et des violences psychologiques sur les enfants : agressivité contre les pairs, les éducateurs et les parents, insolences, provocations, dissimulations, échecs scolaires, baisse de l’estime de soi… Et pourtant les parents croient encore à la portée éducative de la violence. Une enquête réalisée en 2007 par l’Union des familles en Europe relève l’incohérence du raisonnement : alors que 87 % des parents affirment avoir déjà donné une fessée; ils sont conscients de l’inefficacité de cette dernière en étant 85 % à déclarer que les enfants sont mal élevés. Nous banalisons la violence éducative ordinaire en transmettant à nos enfants une réalité cognitive de notre civilisation. En effet, l’enfant incorpore quand il a été frappé que c’est banal, que c’est normal. Toutes les études internationales démontrent que l’usage de violences éducatives ordinaires fait croire aux enfants que la violence est acceptable. Elle devient un outil pour résoudre les conflits ou pour obtenir ce que l’on désire. Bien d’autres moyens moins dégradants et plus efficaces existent pour instruire ou discipliner les enfants, contribuant pleinement à bâtir des relations fondées sur la confiance et le respect mutuels. La punition corporelle ou psychologique envers un enfant doit être bannie sous toutes ses formes afin que ce dernier puisse pleinement s’épanouir.

Si les enfants sont traités avec respect, les chances qu’ils traitent les autres avec considération sont plus grandes, y compris envers leurs propres enfants. Grâce à une parentalité positive, les parents ont de meilleures relations avec leurs enfants. Ces derniers sont plus sûrs d’eux, moins agressifs et plus cohérents, pour trouver plus tard un meilleur équilibre entre leurs responsabilités familiales et professionnelles, sans rechercher les conflits avec leurs partenaires.

Contrairement à toutes les idées reçues, abandonner la violence éducative ordinaire ne rendra pas les enfants plus gâtés ou plus indisciplinés. Complètement dépendants à leur naissance, ils s’appuient sur leurs parents, des géants sensoriels, à mesure qu’ils grandissent pour être guidés, soutenus et pour acquérir une maturité d’autodiscipline. Un parent ne se doit pas d’être un chef mais un guide pour son enfant.

Le Conseil de l’Europe mène depuis quelques années une campagne active pour l’abolition des châtiments corporels. Il faut noter que la France a été sanctionnée par le Comité européen des droits sociaux pour ne pas les avoir abolis car le droit à l’intégrité physique est aussi un droit de l’enfant. L’abolition totale des châtiments corporels infligés aux enfants a été adoptée par 22 pays européens après la campagne menée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en 2005; 10 autres sont sur le point de le faire. Deux ans plus tard, le Commissaire aux droits de l’homme a confirmé cette action en précisant le caractère indispensable de l’interdiction de toute sorte de violence contre les enfants, et notamment au sein de la famille.

Dernièrement l’Espagne, le Portugal et la Pologne se sont mis en conformité avec l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, complété de l’arrêt de la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) rendu dès septembre 1998 et interdisant toute punition corporelle au sein de la famille. La pression internationale est énorme.

Il faut à l’évidence une loi pour envoyer un message clair aux familles. Non pas une loi répressive mais une loi préventive associée à une aide à la parentalité positive. La présente proposition de loi n’a pas pour but d’être inscrite dans le registre du droit pénal mais dans le code civil. Il est important de changer nos comportements car, en effet, les violences physiques et psychologiques ne sont pas une méthode d’éducation et sont clairement néfastes au développement de l’enfant.

La France devra bientôt rendre compte devant le Conseil de l’Europe de la conformité de sa législation avec la Convention qu’elle a signée. Les enfants doivent être pleinement reconnus en tant que sujets de droits.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, Mesdames, Messieurs les Députés, d’adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Les titulaires de l’autorité parentale et les personnes qui s’occupent d’enfants mineurs n’ont pas le droit d’user de violences physiques, d’infliger des souffrances morales ni de recourir à aucune autre forme d’humiliation de l’enfant.

Article 2

Il est indiqué lors de l’union de futurs parents que les titulaires de l’autorité parentale et les personnes qui s’occupent d’enfants mineurs n’ont pas le droit d’user de violences physiques, d’infliger des souffrances morales ni de recourir à aucune autre forme d’humiliation de l’enfant.

Article 3

Il est inscrit dans le carnet de santé de l’enfant que les titulaires de l’autorité parentale et les personnes qui s’occupent d’enfants mineurs n’ont pas le droit d’user de violences physiques, d’infliger des souffrances morales ni de recourir à aucune autre forme d’humiliation de l’enfant.


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