Accueil > Documents parlementaires > Propositions de loi
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

N° 3570

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 juin 2011.

PROPOSITION DE LOI

contre les escroqueries en matière de billetterie culturelle et sportive,
en particulier sur
internet,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Muriel MARLAND-MILITELLO, Abdoulatifou ALY, Patrick BALKANY, Patrick BEAUDOUIN, Marc BERNIER, Claude BIRRAUX, Émile BLESSIG, Loïc BOUVARD, Bernard BROCHAND, Patrice CALMÉJANE, Jean-Louis CHRIST, Dino CINIERI, Georges COLOMBIER, Louis COSYNS, Édouard COURTIAL, Alain COUSIN, Jean-Yves COUSIN, Jean-Michel COUVE, Jean-Pierre DECOOL, Dominique DORD, Christian ESTROSI, Daniel FASQUELLE, Jean-Michel FERRAND, Daniel FIDELIN, Georges GINESTA, Philippe GOSSELIN, Michel GRALL, Jean-Pierre GRAND, François GROSDIDIER, Jacques GROSPERRIN, Arlette GROSSKOST, Pascale GRUNY, Jean-Claude GUIBAL, Michel HERBILLON, Françoise HOSTALIER, Jacqueline IRLES, Olivier JARDÉ, Jacques LAMBLIN, Marguerite LAMOUR, Thierry LAZARO, Jean-Louis LÉONARD, Geneviève LEVY, Lionnel LUCA, Guy MALHERBE, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MATHIS, Jean-Philippe MAURER, Christian MÉNARD, Gérard MENUEL, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Jean-Marie MORISSET, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Jean-Marc NESME, Josette PONS, Didier QUENTIN, Éric RAOULT, Jean-Luc REITZER, Jacques REMILLER, Bernard REYNÈS, Jean ROATTA, Jean-Marc ROUBAUD, Francis SAINT-LÉGER, Paul SALEN, Jean-Marie SERMIER, Fernand SIRÉ, Jean-Pierre SOISSON, Daniel SPAGNOU, Alain SUGUENOT, Michel TERROT, Yves VANDEWALLE, Michel VOISIN, André WOJCIECHOWSKI, Marie-Jo ZIMMERMANN, Michel ZUMKELLER et Philippe VITEL,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Comparée aux pratiques délictueuses qui ont cours en utilisant les outils de la révolution numérique, la vente à la sauvette paraît quelque peu surannée et presque inoffensive.

S’agissant des billetteries culturelle et sportive, le phénomène a changé d’échelle et de nouvelles escroqueries se sont fait jour en raison de la nature dématérialisée et dépersonnifiée des transactions sur le web.

Afin de lutter contre les dommages causés par les escroqueries en matière de billetterie culturelle et sportive, en particulier sur internet, il convient de s’assurer que des personnes physiques ou morales ne revendent pas, de manière habituelle, des billets sans l’autorisation du producteur, de l’organisateur ou du propriétaire des droits d’exploitation d’une manifestation sportive ou culturelle ou d’un spectacle vivant.

En effet, depuis quelques temps de fausses billetteries en ligne éclosent sur internet. Elles proposent à la vente des billets pour des spectacles ou des manifestations sportives à des prix très supérieurs à leur valeur faciale.

Plus grave encore, par goût du lucre certains vont même jusqu’à mettre en place des sites internet, dont certains sont très bien référencés dans les moteurs de recherche, qui commercialisent des billets faux ou inexistants. Il convient d’ailleurs de souligner que les faux billets sont de plus en plus faciles à produire : les billets électroniques (à imprimer ou à recevoir par SMS ou MMS) étant relativement simples à dupliquer.

Ces sites proposent en général des billets avant la date de vente officielle ou les proposent à la vente alors même que les réseaux officiels affichent complet depuis bien longtemps. L’apparence et le contenu de ces sites ne permettant pas forcément de les distinguer aisément des billetteries sérieuses, l’internaute croit donc en toute bonne foi avoir bénéficié d’une chance providentielle de pouvoir assister au concert de ses rêves ou à une belle affiche sportive.

En général le modus operandi de ces fausses billetteries est le suivant : un site internet propose à la vente des billets pour un spectacle ou une manifestation sportive très prisés, le site encaisse l’argent via un paiement en ligne dès la réservation ; après cette commande, le client s’inquiétant de ne rien recevoir contacte le site internet, dans les premiers temps, le client reçoit des réponses dilatoires à ces appels téléphoniques ou à ces courriels, en disant par exemple que leur fournisseur a du retard et, à l’approche du jour de l’événement culturel ou sportif, plus de réponse aux réclamations puis le site disparaît, remplacé par un site accessible à une autre adresse URL.

Outre la frustration, le préjudice financier pour les escroqués est souvent lourd, les risques additionnels réels : utilisation des numéros de carte bleue et revente des données personnelles.

En outre, ce phénomène est susceptible de provoquer des troubles sur la voie publique lorsque de nombreuses personnes se voient interdire l’accès faute de disposer des titres valables alors qu’elles se faisaient une joie de pouvoir assister à l’événement culturel ou sportif.

Ces fausses billetteries n’ont donc pas leur place dans l’internet civilisé, en qui tout internaute peut avoir confiance.

Importance du phénomène

Il est difficile de quantifier le phénomène des escroqueries en matière de billetterie.

En juin 2009, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a contrôlé 20 billetteries en ligne. Sur 19 d’entre elles – dont 14 opérateurs français – des irrégularités (professionnel difficile à identifier, clauses abusives…) ont été constatées.

Des estimations chiffreraient à plus de 200 le nombre de fausses billetteries sur internet.

De nombreuses réclamations relatives à ces impostures sont reçues tant par les organisateurs des événements que par les associations de consommateurs.

Les témoignages d’internautes victimes de ce type d’arnaques se multiplient sur les forums internet.

Les recours possibles actuels

Prévenir ce genre d’escroqueries n’est pas aisé. Il est en effet difficile de savoir a priori si la commande de l’internaute sera honorée ou non.

En outre, les exploitants des manifestations sportives ne disposent pas des moyens juridiques pour lutter efficacement contre ce marché noir ou cette diffusion de faux billets et préserver ainsi les intérêts des spectateurs et des titulaires de droits sur ces manifestations.

Les voies de recours a posteriori quant à elles sont lourdes et hasardeuses, notamment en cas de disparition du site du réseau internet.

Le consommateur piégé par un site français doit envoyer une mise en demeure de remboursement en recommandé avec avis de réception. Sans réponse, il peut saisir le juge de proximité de son domicile. Si le site est étranger, la victime peut contacter Info escroqueries au 0 811 02 02 17 (au prix d’un appel local) ou via le site http://internet-signalement.gouv.fr. Une plainte peut également être déposée auprès du commissariat ou de la gendarmerie.

Force est donc de constater que l’arsenal actuel n’est pas approprié pour protéger les internautes des escroqueries en matière de billetterie. La solution la plus efficace passe par la sécurisation des canaux de distribution.

Un problème qui intéresse les représentants du Peuple

C’est bien dans cette optique que le législateur, conscient du problème, avait souhaité créer par voie d’amendement à la LOPPSI 2 un délit de revente illicite de billets. Or, dans sa décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, le Conseil constitutionnel a invalidé l’article 53 de la LOPSSI 2 qui avait institué cette infraction, au motif qu’elle visait toute revente de billet, y compris celle réalisée entre particuliers de manière occasionnelle.

La présente proposition de loi vise donc à doter notre arsenal juridique d’un outil efficace et conforme à la Constitution contre ces phénomènes délétères pour le sport et la culture, qu’ils aient pour support internet ou non.

Il n’est absolument pas question de prohiber la revente occasionnelle de billets à un ami ou à un membre de la famille ou même à un tiers. En revanche, il convient de s’assurer que des personnes physiques ou morales n’en fassent pas commerce, de manière habituelle, sans l’autorisation du producteur, de l’organisateur ou du propriétaire des droits d’exploitation d’une manifestation sportive ou culturelle ou d’un spectacle vivant.

À cette fin, l’article unique de la présente proposition de loi rend donc passible de 15 000 euros d’amende (30 000 euros et un an d’emprisonnement en cas de récidive) « le fait, de manière habituelle et sans autorisation du producteur, de l’organisateur ou du propriétaire des droits d’exploitation d’une manifestation sportive ou culturelle ou d’un spectacle vivant de vendre, d’offrir à la vente ou de faire exposer en vue de la vente ou de la cession des titres d’accès à une telle manifestation ou spectacle ».

Conformément aux dispositions de l’article 131-38 du code pénal, cette peine pourra être quintuplée pour une personne morale. Il est également prévu de permettre au juge de prononcer les peines complémentaires spécifiques aux personnes morales prévues par l’article 131-39 du même code.

Ainsi, grâce à cette nouvelle incrimination, les producteurs, organisateurs ou propriétaires des droits d’exploitation, pourront protéger les acheteurs potentiels contre les fausses billetteries, sans contrevenir à la liberté du commerce.

Une lutte bénéfique à tous

Cette disposition permettra également de juguler l’augmentation artificielle de la demande qui est causée par des achats massifs de billets dès l’ouverture des ventes afin d’alimenter des réseaux de revente parallèles, ce qui organise dans le même temps la rareté des billets.

Le consommateur, qu’il achète ses billets sur internet ou non, sera gagnant car il pourra se procurer des billets à des prix normaux de manière plus aisée.

Enfin, la présente proposition de loi s’inscrit dans la volonté du Président de la République et de la majorité présidentielle d’agir en faveur d’un internet civilisé pour renforcer la confiance en l’économie numérique et permettre à chacun, en toute sécurité, de tirer le meilleur des usages de ce merveilleux outil que constitue internet.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après l’article 313-6-1 du code pénal, sont insérés trois articles 313-6-2 à 313-6-4 ainsi rédigés :

« Art. 313-6-2. – Est puni de 15 000 euros d’amende, le fait, de manière habituelle et sans autorisation du producteur, de l’organisateur ou du propriétaire des droits d’exploitation d’une manifestation sportive ou culturelle ou d’un spectacle vivant de vendre, d’offrir à la vente ou de faire exposer en vue de la vente ou de la cession des titres d’accès à une telle manifestation ou spectacle.

« Pour l’application de l’alinéa précédent, est considéré comme titre d’accès tout billet, document, message ou code, quels qu’en soient la forme et le support, attestant de l’obtention auprès du producteur, de l’organisateur ou du propriétaire des droits d’exploitation, du droit d’assister à ladite manifestation ou spectacle.

« Art. 313-6-3. – Lorsque le délit défini à l’article 313-6-2 est commis en état de récidive, la peine est portée à 30 000 euros d’amende et un an d’emprisonnement.

« Art. 313-6-4. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du présent code, des infractions définies aux articles 313-6-2 et 313-6-3 encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38, les peines prévues par l’article 131-39. »


© Assemblée nationale