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N° 2925

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 28 octobre 2010.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom du comité d’évaluation et de contrôle
des politiques publiques sur

les autorités administratives indépendantes

TOME I – RAPPORT

par MM. René DOSIÈRE et Christian VANNESTE,

Députés.

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AVANT-PROPOS 7

PRÉSENTATION RÉSUMÉE DES RECOMMANDATIONS 9

SYNTHÈSE DU RAPPORT 11

INTRODUCTION 15

NOTE MÉTHODOLOGIQUE 21

PREMIÈRE PARTIE : L’ACCÉLÉRATION DU RYTHME DE CRÉATION DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES NÉCESSITE MAINTENANT UN EFFORT DE RATIONALISATION 27

I.– LES AAI SONT APPARUES PROGRESSIVEMENT EN FRANCE, AVEC UN RYTHME QUI S’ACCÉLÈRE 27

A.– LES AAI SE SONT IMPOSÉES DANS LE PAYSAGE ADMINISTRATIF FRANÇAIS 27

1.– Plus de 40 AAI ont été créées en France 27

2.– Un processus de création qui ne correspond pas à une logique d’ensemble mais où chaque recours à la formule répond à un besoin spécifique 28

B.– L’ABSENCE DE CADRE CONSTITUTIONNEL 28

1.– Des autorités qui disposent de pouvoirs de nature très différente en France 28

a) L’absence de définition commune et de cadre juridique commun 28

b) La très grande hétérogénéité des pouvoirs 31

2.– Des structures administratives qui participent d’un vaste mouvement dans les grands pays démocratiques 33

a) Des situations très différentes selon les pays 33

b) L’exemple du Canada (province du Québec et niveau fédéral) 35

c) L’exemple de la Suède 44

C.– LA RECONNAISSANCE DE FAIT D’UNE NOUVELLE CATÉGORIE JURIDIQUE 47

1.– Une reconnaissance par les plus hautes juridictions qui n’est pas remise en cause par leurs parties prenantes 47

2.– Un poids très modeste des AAI dans le paysage administratif français 48

3.– Un positionnement au sein du pouvoir exécutif qui présente un risque d’empiètement sur les pouvoirs législatif et surtout judiciaire 50

a) Le « syndrome de Becket » affecte-t-il aussi les AAI ? 50

b) Respecter les limites du pouvoir règlementaire délégué 52

c) Éviter que le « droit mou » (soft law) aille au–delà des pouvoirs conférés par la loi 53

d) Assurer un recours juridictionnel efficace contre les décisions des AAI 57

II.– UN EFFORT DE RATIONALISATION EST MAINTENANT NÉCESSAIRE 59

A.– LA CRÉATION DES AAI N’A PAS RÉPONDU À UNE LOGIQUE D’ENSEMBLE COHÉRENTE 60

1.– Les bonnes raisons de la création des AAI 61

2.– Les mauvaises raisons 63

3.– Les risques d’une multiplication incontrôlée 66

B.– LA NÉCESSITÉ D’UNE RATIONALISATION 69

1.– Les regroupements 69

a) Les autorités en charge des libertés publiques 70

b) Les autorités en charge de la surveillance de la vie politique 73

c) Les conséquences de la convergence numérique 74

d) Faut–il deux autorités en charge de l’énergie ? 78

e) Quelle(s) autorité(s) en charge de la concurrence ? 79

f) Procéder au regroupement géographique 80

2.– Les suppressions 82

3.– Les transformations 84

C.– LA NÉCESSITÉ D’UNE CLARIFICATION 85

1.– Les compétences des différentes AAI présentent des risques de chevauchement 85

2.– Les compétences respectives des AAI et des autres administrations publiques intervenant dans les mêmes domaines n’excluent pas les risques de doublons 86

DEUXIÈME PARTIE : L’INDÉPENDANCE DES AAI NE PEUT PLUS S’ENTENDRE SANS UN RAPPROCHEMENT AVEC LE PARLEMENT 93

I.– LES CONDITIONS DE L’INDÉPENDANCE DOIVENT ÊTRE ASSURÉES 93

A.– LES POINTS DE PASSAGE OBLIGÉS DE L’INDÉPENDANCE ORGANIQUE 93

1.– L’amélioration du fonctionnement des collèges 93

a) Le mode de désignation des membres du collège 93

b) Le régime des membres du collège 98

3.– La présence d’un commissaire du Gouvernement 101

B.– L’INDÉPENDANCE FONCTIONNELLE EST ASSURÉE DE FAÇON TRÈS HÉTÉROGÈNE 102

1.– L’adéquation des ressources aux missions 102

2.– Taxe affectée ou crédits budgétaires ? 104

3.– La nécessaire autonomie de gestion 108

II.– L’OBLIGATION DE RENDRE COMPTE AU PARLEMENT EST LA CONTREPARTIE NÉCESSAIRE DE L’INDÉPENDANCE 111

A.– L’ÉVALUATION DE L’ACTIVITÉ DES AAI N’EST PAS AISÉE 112

1.– L’évaluation par les parties prenantes 113

2.– La réactivité des AAI 116

3.– Le pouvoir de sanction 116

4.– La médiation 123

B.– LE MANQUE DE TRANSPARENCE SUR LES MOYENS ALLOUÉS AUX AAI CACHE UNE FORTE CROISSANCE TENDANCIELLE 125

1.– Les effectifs et les rémunérations 127

a) La croissance des effectifs 127

b) Le manque d’homogénéité des rémunérations 129

c) Le régime des congés annuels 131

2.– Les dépenses 132

a) Plusieurs AAI ne disposent pas d’un budget consolidé 132

b) La croissance des dépenses des principales AAI 135

c) Un point noir : l’immobilier 135

d) Les autres catégories de dépense 143

C.– LA REDDITION DE COMPTE AU PARLEMENT DOIT ÊTRE AMÉLIORÉE 145

1.– Les conditions d’une reddition de compte au Parlement avec l’aide de la Cour des comptes 145

a) Le respect des dispositions contenues dans la LOLF, sous réserve d’aménagements assurant les conditions de l’indépendance 145

b) Le fait de disposer de la personnalité morale exonère–t–il de tout contrôle les AAI qui en bénéficient ? 155

c) Le contrôle par la Cour des comptes 159

2.– L’obligation de rapport annuel 160

a) Généraliser la présentation d’un rapport annuel 160

b) Améliorer le dispositif d’évaluation de la performance 161

c) Systématiser au moins une fois par an l’audition du président de chaque AAI par les commissions compétentes des Assemblées 165

RÉUNION DU COMITÉ DU 28 OCTOBRE 2010 : EXAMEN DU PROJET DE RAPPORT D’INFORMATION 169

RECOMMANDATIONS 181

ANNEXES 191

ERRATUM 454

AVANT-PROPOS

CONSOLIDER LA DÉMOCRATIE

La multiplication des autorités administratives indépendantes (plus de 40 actuellement) répond à une double préoccupation : protéger les droits et libertés du citoyen pour répondre à une aspiration grandissante face au poids de l’administration et au développement de certaines technologies ; développer la régulation dans les divers secteurs de la vie économiques ouverts à la concurrence dans le cadre préconisé par l’Union européenne.

Ces instances, qui constituent des autorités et non des pouvoirs, peuvent émettre des avis, réaliser des médiations, résoudre des conflits, formuler des injonctions et dans certains cas, plus limités, prononcer des sanctions.

Ni politiques, ni judiciaires, ces autorités sont administratives. Elles disposent d’une indépendance garantie, quoique relative comme nous avons pu le constater.

Trois préoccupations nous ont guidés dans cette analyse.

Première question : la légitimité et le périmètre des AAI.

On peut en effet analyser leur développement comme un démembrement de l’État ou un encadrement du pouvoir législatif, voire un empiétement sur l’autorité judiciaire.

S’agissant des libertés publiques, leur création résulte généralement de la volonté d’échapper au soupçon de partialité qui pourrait s’appliquer à une administration très dépendante de l’exécutif.

Dans le domaine de la régulation de la vie économique, les AAI apparaissent comme une réponse mieux adaptée et plus réactive qu’une administration trop souvent impuissante et lente.

C’est dire que leur utilité est désormais démontrée. Mais il apparaît à l’évidence que la multiplication des AAI doit être maîtrisée afin d’éviter les doublons inutiles (et dispendieux). C’est pourquoi nous préconisons certains regroupements, en particulier la fusion au sein d’une Haute autorité de la transparence de la vie politique des divers organismes qui interviennent dans ce domaine. Son autorité serait d’autant mieux reconnue et acceptée que son président serait choisi par le Parlement à la majorité qualifiée des trois cinquièmes.

Deuxième question : dans une période où l’argent public devient rare, alors que la loi de finances a fait l’objet d’une modernisation profonde, dans le cadre de la nouvelle constitution financière que représente la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), les AAI peuvent-elles échapper aux contraintes financières qui s’imposent aux administrations d’État et à ses opérateurs ?

La réponse que nous apportons est claire : les AAI doivent rationaliser leurs moyens, en fonction de leurs objectifs. Sur ce point, plusieurs recommandations précises sont formulées, qu’il s’agisse des effectifs, des rémunérations, des locaux, des dépenses de communication.

Troisième question : comment garantir l’indépendance de ces autorités tout en évitant d’en faire un quatrième pouvoir ?

À l’issue de ce travail, notre conviction est faite : il convient de les mettre sous la protection du Parlement qu’il s’agisse de la nomination de leurs responsables en amont (par une majorité qualifiée du Parlement) et d’un contrôle annuel en aval. Force est de constater, en le regrettant, que notre assemblée n’a pas été en mesure, jusqu’alors, d’assurer pleinement son rôle légitimement prééminent dans un régime démocratique.

L’amélioration de la qualité de notre vie démocratique devra aussi être trouvée dans un plus grand équilibre entre le contrôle nécessaire des autorités par le Parlement, et le renforcement de leur indépendance, garantie des libertés publiques. C’est dans ce cadre que devra se développer un dialogue enrichissant entre le Parlement et les autorités, médiatrices des exigences sociales dont les avis devront être publiés.

Enfin, les deux types reconnus d’autorités administratives n’ont pas le même rapport au temps. La protection des droits et des libertés revêt un caractère structurel pour la Démocratie et doit bénéficier de la pérennité. En revanche, les autorités qui interviennent dans le domaine économique, a fortiori dans le cadre de l’ouverture des marchés à la concurrence, doivent jouir d’une souplesse adaptée à des situations conjoncturelles. C’est la raison pour laquelle, de manière régulière, tous les cinq ans, une évaluation de leur utilité doit être réalisée, leur existence, ou leur fonctionnement remis en cause.

Au terme de cette étude passionnante, jalonnée de nombreuses auditions et de deux déplacements à l’étranger, il nous revient de souligner trois conclusions :

– en premier lieu, le caractère indispensable des instances de médiation dans notre société ;

– en deuxième lieu, la nécessité urgente de la rationalisation des autorités administratives indépendantes, et notamment du regroupement fonctionnel de plusieurs d’entres elles.

– en troisième lieu, la nécessité d’un renforcement du contrôle du Parlement sur le fonctionnement de ces autorités, qui peuvent et doivent devenir un outil essentiel de perfectionnement de notre République.

René Dosière Christian Vanneste

PRÉSENTATION RÉSUMÉE DES RECOMMANDATIONS

L’ensemble des recommandations issues du rapport peuvent être regroupées sous trois grandes rubriques :

– rationalisation des structures institutionnelles pour optimiser la répartition des compétences et réduire les dépenses de fonctionnement ;

– indépendance organique et fonctionnelle des AAI ;

– contrôle des AAI par une plus grande transparence de leur gestion, une évaluation de leur activité et une reddition de compte au Parlement(1).

RATIONALISATION

1.– Élargir l’initiative et la publication des avis des AAI.

2.– Limiter et encadrer le pouvoir règlementaire des AAI.

3.– Encadrer l’élaboration des lignes directrices émises par les AAI.

4.– Unifier les compétences des juridictions pour les recours contre les actes individuels des AAI.

5.– Évaluer la création et le maintien des AAI.

6.– Regrouper certaines AAI pour optimiser la répartition des compétences et réduire les dépenses de fonctionnement.

7.– Créer une Haute autorité chargée de la transparence de la vie politique.

8.– Supprimer les AAI qui ont d’ores et déjà perdu leur justification, voire leur utilité.

9.– Transformer et intégrer à terme la Commission nationale du débat public (CNDP) dans le Défenseur des droits.

10.– Préciser les missions des AAI, notamment pour éviter les recouvrements entre elles.

11.– Clarifier les compétences des AAI et des services des ministères.

INDÉPENDANCE

12.– Améliorer la légitimité et la représentativité des collèges.

13.– Améliorer le fonctionnement des collèges.

14.– Généraliser, sauf exception justifiée, la présence d’un commissaire du Gouvernement dans chaque AAI.

15.– Assurer un financement pérenne des AAI.

16.– Préserver l’autonomie de gestion des AAI.

CONTRÔLE

17.– Encadrer le pouvoir de sanction des AAI.

18.– Stabiliser la masse salariale des AAI et supprimer les doublons entre services des ministères et AAI.

19.– Instaurer des grilles de rémunération au sein des AAI.

20.– Assurer la transparence des budgets des AAI.

21.– Réduire les dépenses immobilières des AAI.

22.– Réduire les autres dépenses de fonctionnement des AAI.

23.– Décliner pour les AAI la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

24.– Assurer le contrôle des autorités publiques indépendantes (API), dotées de la personnalité morale.

25.– Présenter au Gouvernement et au Parlement un rapport annuel d’activité.

26.– Élaborer des objectifs et des indicateurs de performance.

27.– Systématiser au moins une fois par an l’audition du président de chaque AAI par les commissions compétentes des Assemblées, au besoin en en adaptant les modalités à la taille de l’autorité.

*

* *

Suivi du rapport : Les rapporteurs transmettent aux commissions permanentes concernées les documents qu’ils ont recueillis au cours de leurs travaux.

Un bilan du suivi des recommandations pourra être effectué par les différentes commissions permanentes pour leurs AAI respectives. Une synthèse de ce bilan pourra alors être présentée par les rapporteurs au Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) au titre du suivi du présent rapport.

SYNTHÈSE DU RAPPORT

Le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a décidé, en octobre 2009, de consacrer une étude aux autorités administratives indépendantes (AAI), s’interrogeant en particulier sur l’efficacité de leur action par rapport à celle des administrations traditionnelles et des juridictions.

Par un mouvement à sens unique, il existe maintenant plus de 40 AAI, la première création d’une AAI en tant que telle (Commission nationale de l’informatique et des libertés - CNIL) datant de 1978. Ces créations ont concerné deux secteurs principaux : la protection des libertés publiques et la régulation des activités économiques. La création d’agences indépendantes ou autonomes fait certes partie d’un mouvement constaté dans tous les pays démocratiques. Cependant, alors que dans les autres pays on constate un dégradé progressif du niveau d’autonomie des agences, la particularité du système français est une dichotomie très nette entre les 42 AAI et les quelque 650 autres « opérateurs de l’État », disposant d’une simple autonomie.

Les justifications légitimes de la création des AAI sont multiples : impartialité, directives européennes, régulation, médiation en équité, pouvoir de sanction, professionnalisme, réactivité, souplesse, association des parties prenantes... Cependant, il s’agit parfois surtout de pallier l’inefficacité de l’administration ou un manque de courage politique (« un problème, une commission »), voire de procéder à une simple opération de communication.

La multiplication des AAI pose maintenant un risque de lisibilité, de complexité institutionnelle (chevauchement de compétences entre AAI, doublons avec les services des ministères) et de démembrement de l’État, alors qu’in fine c’est le ministre qui est responsable politiquement devant le Parlement. Les AAI ne disposent pas de la légitimité qu’assurent l’élection et la responsabilité politique. On peut craindre qu’elles n’échappent à tout contrôle et aillent au-delà de leurs compétences en empiétant sur les pouvoirs exécutifs (pouvoir règlementaire délégué), législatifs (« droit mou ») et judiciaires (sanctions).

Le poids des AAI reste modeste au regard du budget de l’État. Seules 16 AAI sur 42 emploient plus de 20 agents. Elles employaient 3 126 personnes (ETPT) en 2007, selon la direction du Budget, et prévoyaient d’employer 3 651 ETPT en 2010 (soit une croissance annuelle moyenne de 5,3 %.). Toujours selon la direction du Budget, les crédits consommés par les AAI s’élevaient à 387,1 millions d’euros en 2009 par rapport aux 303,8 millions d’euros consommés en 2006, soit une croissance annuelle moyenne de 8,4 %. Ces chiffrages sont sans doute sous-évalués. Il ressort des réponses à un questionnaire envoyé aux AAI que, si l’on inclut les coûts supportés par d’autres organismes publics et mis gracieusement à disposition des AAI, les dépenses des AAI s’élèveraient à plus de 600 millions d’euros en 2009, soit une majoration de 50 % par rapport aux statistiques sur les coûts directs calculées par la direction du Budget. De plus, entre 2009 et 2010, l’augmentation des dépenses des AAI serait supérieure à 11 %.

Au début 2010, la fusion de trois AAI au sein de l’Autorité de contrôle prudentielle (ACP), adossée à la Banque de France, s’est accompagnée d’une croissance des effectifs et des dépenses. Plusieurs AAI envisagent une croissance importante de leurs effectifs dans les années à venir. Sauf missions nouvelles, les AAI devraient être astreintes aux mêmes disciplines que les autres administrations d’État, qui doivent réduire leurs frais de fonctionnement de 10 % en trois ans. De même leur masse salariale à missions constantes devrait rester stable pendant trois ans.

Un effort de rationalisation est indispensable. Il passe par des regroupements permettant d’atteindre une taille critique et de générer des gains d’échelle :

– le Défenseur des droits regrouperait le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la HALDE ;

– un « Contrôleur général » de la sécurité regrouperait la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), avec à terme, une fusion au sein du Défenseur des droits ;

– les quatre AAI chargées de la surveillance de la vie politique devraient être regroupées, au sein d’une Haute autorité de la transparence de la vie politique dont la compétence s’étendrait au redécoupage électoral ;

– ARCEP, CSA et HADOPI seraient rapprochés (convergence numérique) ;

– de même, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et le Médiateur national de l’énergie ;

– un regroupement des différentes autorités en charge de la concurrence devrait être envisagé à terme (Autorité de la concurrence, CRE et Autorité de régulation des activités ferroviaires – ARAF)

– les AAI les plus modestes devraient faire l’objet de regroupements géographiques permettant des synergies de fonctionnement.

Le rapport propose également la suppression de certaines AAI qui ont d’ores et déjà perdu leur justification, voire leur utilité : Commission des participations et des transferts (CPT) et Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) ; les compétences de la Commission nationale du débat public (CNDP) pourraient également être transférées, après une période transitoire.

Indépendance ne saurait signifier irresponsabilité. Le contrôle exercé jusque là sur les AAI par le Parlement est insuffisant. Le mode de désignation du président et des autres membres du collège est caractérisé en France par une prédominance de l’exécutif. Seule l’élection, ou la validation, par une majorité « positive » qualifiée des trois cinquièmes au Parlement est à même d’assurer au président d’une AAI une forte autorité et une indépendance réelle, avec un mandat non renouvelable suffisamment long (6 à 7 ans). L’existence d’un collège et son bon fonctionnement sont des gages d’indépendance (règles de quorum, transparence…). Un équilibre doit être assuré dans la composition du collège entre sa représentativité suffisamment large et son nécessaire caractère resserré. L’irrévocabilité des membres des collèges doit être assurée, sous réserve de la mise en place de règles d’incompatibilités et d’une charte de déontologie.

Certaines AAI ne disposent pas de moyens financiers et humains suffisants pour remplir les missions qui leur sont assignées, ainsi la CNIL ou l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). Il convient d’envisager, quand cela est possible, le financement des AAI par une contribution supportée par le secteur régulé, en contrepartie des services dont il bénéficie. Il convient également d’assurer aux AAI une liberté de gestion et de choix des recrutements.

L’évaluation des AAI reste embryonnaire. Des constats plutôt encourageants sont dressés par les parties prenantes : indépendance reconnue, expertise saluée, proximité réelle et réactivité. Une meilleure garantie des droits de la défense serait souhaitable dans les procédures de sanction, en application de l’article 6 de la CEDH, relatives au caractère équitable d’un procès. La possibilité d’adopter des mesures alternatives aux sanctions, notamment sur les affaires comportant de faibles enjeux, devrait être envisagée, afin de permettre aux autorités de se concentrer sur les dossiers les plus importants. Enfin, toute décision de sanction doit être rendue publique.

Le manque de transparence des budgets et des effectifs des AAI cache une forte croissance tendancielle. Plusieurs AAI ne présentent pas de budget consolidé, même de façon analytique ; certaines ne connaissent pas même leur coût global. De manière générale, les rémunérations, tant des membres des collèges que des services administratifs, manquent de cohérence au regard des responsabilités.

L’immobilier constitue un point noir de la gestion des AAI, avec un ratio de 17,6 m2 (SUN) par poste de travail, supérieur de près de 50 % à la cible retenue de 12 m2 pour l’État. Les AAI concentrent leur implantation dans les arrondissements les plus chers de Paris ; une seule se trouvant en banlieue proche (Haute autorité de santé - HAS), une autre en province (l’ARAF). Il convient de procéder immédiatement à un réexamen de tous les baux conclus par les AAI.

Pour améliorer leur contrôle, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) doit être déclinée à l’égard des AAI, sous réserve des aménagements imposés par leur indépendance. En particulier, elles doivent définir une stratégie de performance avec objectifs et indicateurs, dans les documents budgétaires et surtout dans leurs rapports annuels. Les autorités publiques indépendantes (API) financées par des ressources propres doivent être intégrées dans les documents budgétaires, sous le contrôle d’un rapporteur spécial de la commission des Finances. Leurs effectifs doivent être soumis à un plafond d’autorisation des emplois. Plus généralement, il conviendrait de systématiser l’audition annuelle du président de chaque AAI par les commissions compétentes des Assemblées, éventuellement sous une forme adaptée pour les AAI de taille modeste.

INTRODUCTION

Le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a décidé, le 8 octobre 2009, de consacrer l’une de ses premières études aux autorités administratives indépendantes (AAI). En application de l’article 146–3 du Règlement de l’Assemblée nationale(2), un Groupe de travail a été constitué, associant des représentants des différentes commissions permanentes compétentes :

Le Comité avait inscrit ce thème de travail à son programme annuel le jeudi 8 octobre 2009. Conformément aux dispositions de l’article 146-3 du Règlement de l’Assemblée nationale, les commissions permanentes ont fait part de leur souhait d’associer aux travaux leurs membres respectifs suivants :

– commission des Affaires culturelles et de l’éducation : M. Bernard Debré (UMP) et M. Patrick Bloche (SRC),

– commission des Affaires économiques : M. Lionel Tardy (UMP) et Mme Corinne Erhel (SRC) ;

– commission des Affaires sociales : M. Pierre Morange (UMP) et M. Jean Mallot (SRC) ;

– commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire : M. Jérôme Chartier (UMP), et M. Jean-Pierre Brard (GDR) ;

– commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République : M. Christian Vanneste (UMP) et Mme Aurélie Filipetti (SRC).

Le Comité a pour sa part désigné M. Louis Giscard d’Estaing (UMP) et M.  René Dosière (apparenté SRC).

Parmi ces dix députés, émanant à parité de la majorité et de l’opposition, le Comité nous a fait l’honneur, le 5 novembre 2009, de nous désigner rapporteurs, pour la majorité et pour l’opposition, conformément aux dispositions de l’article 146-3 précité.

*

* *

Au fil de ses travaux, la problématique centrale du Groupe de travail a été la suivante : l’activité des AAI est–elle plus efficace que celle des administrations traditionnelles et des juridictions ?

Les AAI constituent en France une importation. On peut remonter à 1809 en Suède avec la création du très célèbre « Ombudsman ». Dans le contexte des guerres napoléoniennes, le Parlement suédois a imposé la destitution du monarque absolu le roi Gustave III et son remplacement par Charles XIII (son frère), sous la protection du maréchal d’empire Jean–Baptiste Jules Bernadotte, d’abord choisi comme prince royal puis à partir de 1818 roi de Suède et de Norvège, sous le nom de Charles XIV Jean de Suède. À cette époque, la Suède était gouvernée directement par le roi ; le Parlement (Riksdag) a estimé qu’une institution indépendante du roi était nécessaire, afin d’assurer le respect des lois et des statuts. Cette création répondait à la volonté du Riksdag de contrôler l’exécutif. Pour cette raison, il a élu un « Ombudsman » parlementaire et continue toujours à le faire. Le premier a été nommé en 1810. Même si deux siècles se sont écoulés, aujourd’hui, les Ombudsmans parlementaires continuent de suivre les mêmes principes de base qui s’appliquent depuis lors dans le domaine des libertés publiques et de la vie démocratique. L’Ombudsman parlementaire est élu par le Parlement suédois afin d’assurer que les tribunaux et les agences gouvernementales, ainsi que les fonctionnaires qu’ils emploient (et aussi toute autre personne dont le travail comporte l’exercice de l’autorité publique) se conforment aux lois et statuts et s’acquitter de leurs obligations à tous égards.

La deuxième origine des AAI est incontestablement anglo–saxonne avec la création, notamment depuis la fin du XIXème siècle, au Royaume–Uni, aux États–Unis et au Canada, essentiellement dans le domaine de la régulation économique. Dans ce dernier pays on peut ainsi citer la création en 1904 d’un Bureau des commissaires des chemins de fer, qui servira de modèle pour les agences à venir. Ce bureau est considéré comme l’ancêtre de l’actuel Office des transports du Canada (OTC). Aux États–Unis par exemple est créée en 1887 la Commission du commerce entre États.

Le critère déterminant de la qualité d’AAI résulte de l’absence de tutelle ministérielle de l’organisme en question, de l’absence de pouvoir hiérarchique et de censure. Le professeur Jean–Louis Autin parle de « rupture dans la tradition administrative française, fondée sur le principe hiérarchique et la dépendance de l’administration vis–à–vis de l’autorité politique » avec la création de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)(3) par la loi du 6 janvier 1978.

Les AAI font référence à la « régulation », et non la réglementation(4), comme nouveau mode d’administration. Il s’agit d’un concept difficile à cerner dans la mesure où en anglais il signifie justement ce que nous appelons réglementation en français. La régulation s’oppose à l’approche « normativiste »(5) de l’action administrative qui régente a priori les comportements sous peine de sanction ; elle offre une vision différente plus concrète, où « le droit est envisagé sous l’angle de l’action, comme une composante de la réalité sociale et saisi dans une dynamique. (…) La régulation apparaît comme une alternative à l’intervention autoritaire de la puissance publique dans le jeu des relations sociales ; elle désigne un mode d’ajustement des intérêts faisant appel à des procédés plus souples, moins contraignants, et s’inscrit plutôt dans une perspective de déréglementation »(6).

Les directives européennes qui libéralisent différents secteurs économiques prescrivent aux autorités nationales de dissocier trois fonctions : celle de réglementation (qui revient naturellement à l’État), celle d’exploitation (les opérateurs publics et privés sur le marché) et celle de régulation (qui doit être indépendante des parties et donc confiée à un organe spécifique). Elles obligent dans de nombreux cas les États membres à se doter de structures indépendantes : concurrence, ouverture des marchés, protection des données à caractère personnel…

La notion d’autorité administrative indépendante a d’ailleurs fait l’objet, le 9 mars 2010, d’un arrêt important de la Cour de justice de l’Union européenne(7). Celle–ci a condamné l’Allemagne pour avoir manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive n° 95/46, qui exige une « totale indépendance » des autorités chargées de garantir la protection de ces données. Les autorités allemandes faisaient une lecture restrictive de cet article, retenant l’idée d’indépendance fonctionnelle, ce qui ouvrait la possibilité d’un contrôle de tutelle des autorités au sein des Länder allemands. L’arrêt trace également de façon générale les contours de la notion d’autorité administrative indépendante en droit européen, en indiquant qu’elle n’est pas contraire au principe de démocratie, que l’absence de toute influence parlementaire sur ces autorités ne saurait se concevoir et que le législateur peut leur imposer l’obligation de rendre compte de leurs activités au Parlement.

Dans tous les pays on constate deux domaines principaux d’intervention des AAI :

– la défense des libertés publiques, avec des AAI particulièrement indépendantes du pouvoir exécutif ; certaines ont utilisé leur grande proximité avec le pouvoir législatif pour gagner en indépendance vis–à–vis du pouvoir exécutif ;

– la régulation des activités économiques, avec les AAI en charge du respect des règles de la concurrence, et le cas particulier des secteurs de monopole d’État qui s’ouvrent au marché.

La place des AAI dépend du système institutionnel dans lequel elles s’insèrent. Au Royaume–Uni et dans les pays qui ont adopté son système politique (États–Unis, Canada, etc.), prévaut une stricte séparation des pouvoirs. En Suède la Constitution ne prévoit qu’un seul pouvoir, populaire, exprimé par une seule Assemblée, le Riksdag. Il est notable que, dans des systèmes politiques aussi différents, on constate une évolution similaire vers la création d’AAI.

Certains ont pu parler à leur propos de l’apparition d’un quatrième pouvoir, non théorisé par Montesquieu. Les AAI représentent en effet un démembrement : elles sont amenées à intervenir dans le domaine de compétence des trois pouvoirs traditionnels :

– pouvoir exécutif avec une délégation de compétence pour des avis, recommandations, décisions individuelles, voire dans certaines conditions pouvoir règlementaire ;

– pouvoir législatif avec l’adoption d’avis sur les projets de loi entrant dans leur champ de compétence et l’établissement de lignes directrices ou guides de bonnes pratiques permettant d’appliquer la loi – ce que l’on appelle en anglais la « soft law » et qu’on pourrait traduire par « droit mou », ou pouvoir de recommandation ;

– pouvoir judiciaire avec les activités de médiation, de règlement des différends et surtout le pouvoir de sanction.

Un risque existe de voir les AAI chercher à s’exonérer des limites fixées à leur pouvoir et échapper ainsi à leurs initiateurs, tant du Gouvernement dont elles sont issues que du Parlement qui les crée et les contrôle. Il peut en être ainsi des autorités de régulation économique, qui génèrent un « droit mou » certes non contraignant mais qui guide la conduite des acteurs économiques tant qu’il n’est pas contredit par le juge. On peut mentionner les AAI gérées par les services de la Banque de France, anciennement la Commission bancaire et le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (CECEI) et maintenant la nouvelle Autorité de contrôle prudentiel (ACP), qui n’ont pas la culture de la reddition de compte de leur gestion devant le Parlement. On peut encore citer la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), qui par ses avis successifs élabore une définition détaillée de la notion de « discrimination », alors qu’il s’agit d’une compétence législative. Il est certes utile que la HALDE joue un rôle de « défricheur » dans les matières où la législation manque de clarté, mais, passé la période de « défrichage », ces efforts devront nécessairement être confirmés par des dispositions de nature législative.

Les rapporteurs estiment cependant que dans notre pays doit prévaloir la conception selon laquelle le pouvoir législatif doit rester supérieur au pouvoir des AAI, qui sont composées de personnes qui ne sont pas revêtues de la légitimité issue de l’élection. Les AAI ont à chaque fois été créées pour faire face à des problèmes immédiats et dans des contextes de grande technicité. Elles ne sont pas réellement des concurrentes du Parlement, qui aborde les sujets de façon globale et dont l’action s’étend sur le long terme.

Le présent rapport montrera dans un premier temps que (I) l’accélération du rythme de création des autorités administratives indépendantes nécessite maintenant un effort de rationalisation. Il montrera ensuite que (II) l’indépendance des AAI ne peut plus s’entendre sans une plus grande proximité avec le Parlement.

NOTE MÉTHODOLOGIQUE

Ainsi que le prévoit l’article 146–3 du Règlement de l’Assemblée nationale, qui régit le fonctionnement du CEC, les deux rapporteurs cosignataires du présent rapport sont l’un de la majorité, Christian Vanneste (groupe Union pour un mouvement populaire), et l’autre de l’opposition, René Dosière (apparenté au groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauches), afin d’assurer les conditions d’une évaluation transpartisane de qualité. Ils sont tous deux membres de la commission des Lois, comme il se doit pour un tel sujet de nature institutionnelle. Ils ont été accompagnés dans leurs travaux, ainsi que le prévoit aussi l’article 146–3, par des membres des principales commissions concernées par le sujet : Affaires culturelles, Affaires sociales, Finances et Lois, à raison, pour chaque commission, d’un membre de la majorité et d’un membre de l’opposition. MM. René Dosière et Louis Giscard d’Estaing ont pour leur part été désignés en tant que membres du CEC lui–même. Globalement, le Groupe de travail était donc strictement paritaire entre majorité et opposition.

L’étude porte sur l’évaluation du dispositif institutionnel constitué par les AAI en France. Elle a défini son champ sur les 42 autorités administratives indépendantes existant en France au moment du démarrage du Groupe de travail et dont la liste figure en annexe au présent rapport(8). Depuis cette date plusieurs modifications sont intervenues :

– l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP)(9) a réuni la Commission bancaire, le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (CECEI), l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM), et le Comité des entreprises d’assurance (CEA), qui n’était pas qualifié d’autorité administrative indépendante ;

– la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI)(10) a remplacé l’Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT) ;

– l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF)(11) et l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL)(12) ont été créées chacune pour réguler un secteur économique récemment ouvert à la concurrence, et même entièrement nouveau pour la seconde.

Enfin en application de la réforme constitutionnelle de 2008, le Défenseur des droits doit réunir, selon deux projets de loi organique et de loi ordinaire en cours de discussion, le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), ainsi que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), selon le texte issu du Sénat en première lecture.

Le sujet des AAI a été largement traité ces dernières années. Ont peut citer notamment :

– le rapport public 2001 du Conseil d’État ;

– le rapport (AN n° 3166 et Sénat n° 404) de l’Office parlementaire d’évaluation de la législation présenté par notre collègue sénateur M. Patrice Gélard le 15 juin 2006 ;

– nombre de publications universitaires et divers colloques de haut niveau, notamment celui organisé conjointement par le Centre d’études et de recherches de sciences administratives et politiques (CERSA), le CNRS et l’université Paris II à la Grand’chambre de la Cour de cassation le 26 mars 2010, et dont les actes devraient être publiés dans le numéro 5 de la Revue française de droit administratif (2010, à paraître).

Quatre éléments principaux ont justifié le choix de ce sujet par le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC).

L’un des premiers éléments réside dans la crainte pour la représentation nationale que la multiplication d’AAI conduise à un affaiblissement excessif de la responsabilité incombant au pouvoir politique procédant de l’élection, qu’il s’agisse du Parlement, ou, indirectement, de l’exécutif. Cela est notamment exprimé par les termes souvent utilisés de risque de « démembrement de l’État ». Jusqu’à son rapport de 2001, le Conseil d’État(13) lui–même n’était d’ailleurs pas très favorable à l’évolution tendancielle constatée, consistant à transformer progressivement un service de l’État en établissement public ou commission consultative, puis en autorité administrative indépendante, et parfois enfin en autorité publique indépendante, éventuellement dotée de ressources propres. Une seule AAI a d’ailleurs été supprimée sans être intégrée dans une autre AAI plus importante : l’autorité chargée du contrôle des concentrations dans la presse, créée en 1984 et supprimée en 1986(14). On observera par ailleurs que ces autorités indépendantes procèdent en principe de la loi – en tout cas de dispositions de nature législative – et qu’il est logique que le législateur souhaite dresser un bilan, à un moment donné, d’un phénomène de création continue au fil de l’eau, pour en tirer des conclusions transversales qu’il est ensuite susceptible de mettre en œuvre par des initiatives parlementaires.

Par ailleurs, malgré ces craintes de nature institutionnelle, le rythme de création des AAI ne faiblit pas, et au contraire semble avoir sensiblement accéléré. Depuis 10 ans, ce sont 20 AAI de nature, de missions, et de tailles très différentes qui ont été créées, soit une moyenne de deux par an. Ce rythme est deux fois plus élevé que celui de la décennie précédente. Pour mémoire, sur les douze derniers mois, ont ainsi été créées la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI), succédant à l’autorité de régulation des mesures techniques (ARMT), l’Autorité de régulation des transports ferroviaires (ARAF) et l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL). L’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), créée par une ordonnance du 21 janvier 2010, regroupe trois AAI préexistantes et un quatrième organisme ne rentrant pas dans cette catégorie, tout en en étant très proche (le Comité des entreprises d’assurance – CEA). Une « Autorité des normes comptables », entre l’AAI et la commission consultative, vient également d’être créée par une ordonnance récente. Enfin, le Défenseur des droits va regrouper plusieurs autorités aux missions plus ou moins proches.

Plus précisément, au Parlement, et en tout cas à l’Assemblée nationale, la question des dépenses des AAI a constitué un sujet de débat parlementaire lors des deux dernières discussions budgétaires. Plusieurs voix se sont élevées à l’Assemblée nationale sur la croissance jugée excessive des crédits budgétaires prévus pour certaines de ces autorités, dans un contexte de rigueur budgétaire pour l’ensemble des administrations de l’État, et ce d’autant plus que les données précises et actualisées sur leurs activités et leurs budgets faisaient défaut. Les crédits de plusieurs AAI ont été réduits par amendements parlementaires. Par ailleurs, d’autres questions législatives sont pendantes devant le Parlement, qu’il s’agisse de la question du périmètre du Défenseur des droits, des relations entre la nouvelle ACP et l’Autorité des marchés financiers (AMF), ou encore de la procédure de sanction devant cette dernière, en particulier dans le prolongement de l’affaire EADS et des demandes d’évolution formulées publiquement par le président de l’AMF, M. Jean–Pierre Jouyet. De manière plus générale, il est d’ailleurs rare qu’il se passe un jour sans que les médias ne se fassent l’écho d’une question relative à telle AAI. Or les sujets médiatiques qui portent sur des questions de nature législative ou relèvent du contrôle ou de l’évaluation intéressent par définition la représentation nationale…

Un quatrième élément tient sans doute à la perception par les parlementaires d’une certaine insuffisance du dispositif de contrôle démocratique de quelques AAI, notamment celles qui sont financièrement autonomes, qui bénéficient de ressources propres, ne voient pas leur budget annuel discuté au Parlement, et parfois ne présentent pas même de rapport annuel public – car leurs textes statutaires ne le prévoient pas. Certes, la Cour des comptes contrôle la gestion des AAI, mais a posteriori, sur des périodes couvrant plusieurs années, et sans exhaustivité. Pourtant, les contrôles de la Cour peuvent mettre le doigt sur des gestions un peu défaillantes ou qui peuvent être améliorées. On peut ainsi noter que le rapport annuel 2010 de la Cour a souligné, dans son tome consacré aux suites de ses précédents contrôles, les efforts très substantiels réalisés par le Médiateur de la République depuis son précédent contrôle de 2004.

Si les rapporteurs ont souhaité porter leur étude sur l’ensemble des AAI, ils ont sélectionné une liste réduite de 9 autorités administratives indépendantes ayant fait l’objet d’une analyse plus approfondie dans la deuxième phase de leurs travaux : Autorité de la concurrence, AMF, ASN, CNIL, CRE, CSA, HAS, HALDE et ARCEP. Le Groupe de travail et/ou les deux rapporteurs ont effectué les travaux suivants (15) :

– 25 auditions de présidents d’AAI et 1 audition du président de la commission des sanctions d’une AAI (AMF) ;

– 2 auditions administratives transversales du directeur du Budget (ministère du Budget) et du vice–président du Conseil d’État ;

– 16 auditions des « parties prenantes » (16) des AAI pour la liste réduite de 9 AAI précitées ;

– 1 visite sur le site d’une AAI (HALDE) ;

– 1 participation à une réunion de la Commission nationale du débat public (CNDP) ;

– 2 missions à l’étranger, au Canada (niveau fédéral et province du Québec) et en Suède ;

– 1 questionnaire initial exhaustif pour les 42 AAI recensées en début d’étude ;

– 7 questionnaires complémentaires adressés aux AAI (immobilier, budget, sanctions, médiation, parties prenantes, régime de congés, propositions des parties prenantes) ;

– 1 questionnaire comparatif sur les AAI en Allemagne, Royaume–Uni, Italie, Espagne, Suède et États–Unis ;

– 1 questionnaire évaluatif envoyé à une centaine de parties prenantes de la liste réduite des 9 AAI ;

– 3 réunions de travail avec des professeurs de droit et une organisation représentative d’entreprises (AFEP).

Les auditions des présidents des AAI, ainsi que celles du directeur du Budget et du vice–président du Conseil d’État ont fait l’objet d’un compte–rendu qui est publié en annexe à ce rapport.

Une des innovations de la présente étude par rapport aux précédents travaux d’évaluation et de contrôle menés au Parlement est de ne pas s’être limitée à interroger les AAI elles–mêmes : le Groupe de travail a également porté son attention sur leurs parties prenantes et les rapporteurs ont souhaité consacrer la deuxième phase de leur travail à l’écoute des publics, partenaires ou usagers de ces autorités.

Les auditions des parties prenantes n’ont pas fait l’objet de compte–rendu. Les réponses des parties prenantes au questionnaire qui leur a été envoyé ne sont pas publiées en annexe au présent rapport car elles portent souvent sur des spécificités sectorielles ou des points liés au contexte particulier de l’AAI considérée. En outre le choix des parties prenantes auditionnées ou consultés par questionnaire ne peut prétendre à un quelconque critère de représentativité. Ces réponses ont néanmoins fait l’objet d’une analyse et d’une synthèse et elles irriguent le contenu du rapport. Elles seront communiquées par les rapporteurs aux commissions permanentes concernées, à qui il appartiendra de les utiliser de la manière qu’elles jugeront la plus opportune dans la perspective d’un approfondissement du contrôle parlementaire.

Le choix des parties prenantes a résulté d’une analyse approfondie des centaines d’organismes en contact avec les AAI et dont la liste a été communiquée par les AAI aux rapporteurs. Pour chacune des 9 AAI de la liste réduite, un choix d’une, deux ou trois parties prenantes a été effectué en vue d’auditions et les autres ont fait l’objet d’une consultation par questionnaire. Les sujets abordés dans ce questionnaire ont été classés en six catégories comportant des thèmes aussi divers que majeurs : qualité des échanges, conditions de l’exercice du pouvoir de sanction (lorsqu’un tel pouvoir a été dévolu à l’autorité), appréciation de l’adéquation des moyens attribués, prise en compte équilibrée des intérêts en jeu, bilan de l’existence de l’institution et réformes éventuelles souhaitées.

Le présent rapport (tome I) se propose de faire une présentation générale synthétique assortie de recommandations. Des développements approfondis effectués sur plusieurs domaines spécifiques (sanctions, médiation, budgets, indicateurs de performance, notes spécifiques sur les AAI auditionnées…) font l’objet d’annexes spécifiques. Un tome II contient les comptes rendus des auditions des présidents d’un certain nombre d’AAI, ainsi que les notes ayant servi à leur préparation.

PREMIÈRE PARTIE : L’ACCÉLÉRATION DU RYTHME DE CRÉATION DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES NÉCESSITE MAINTENANT UN EFFORT DE RATIONALISATION

Les AAI répondent à un vrai besoin, en rapport avec les évolutions de la société. Elles ont cependant tendance, comme toutes les administrations publiques, à se multiplier et à se développer. Un effort de rationalisation est maintenant nécessaire.

I.– LES AAI SONT APPARUES PROGRESSIVEMENT EN FRANCE, AVEC UN RYTHME QUI S’ACCÉLÈRE

A.– LES AAI SE SONT IMPOSÉES DANS LE PAYSAGE ADMINISTRATIF FRANÇAIS

1.– Plus de 40 AAI ont été créées en France

Depuis l’apparition de la CNIL en 1978, et surtout sur la décennie passée, le rythme de création (ou transformations) marque une nette accélération(17). On est passé d’une création tous les deux ans à une tous les ans, malgré de premiers regroupements.

Il s’agit en pratique d’un mouvement à sens unique :

– une seule suppression « sèche » d’AAI en 1986, plus la suppression de la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) envisagée aujourd’hui par le I de l’article 5 de la proposition de loi (n° 2490) déposée par M. Patrick Ollier, président de la commission des Affaires économiques, et M. Michel Piron, et adoptée en première lecture par L’Assemblée nationale le 15 juin 2010 ;

– une évolution tendancielle maintenant classique : service de l’État à commission consultative ou établissement public à AAI à élargissement progressif de ses missions et pouvoirs à et parfois autorité publique indépendante (API), dotée de la personnalité morale et souvent de ressources propres.

Jusqu’où ce mouvement tendanciel peut–il aller sans retour en arrière ?

2.– Un processus de création qui ne correspond pas à une logique d’ensemble mais où chaque recours à la formule répond à un besoin spécifique

Le rapport du Conseil d’État de 2001 notait que « s’il est une caractéristique dominante de ce mouvement de création d’AAI en France, c’est bien celle du hasard. La plupart des autorités créées constituent une réponse donnée à un problème donné. ».

Le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, le Médiateur du cinéma ou la HALDE, s’inspirent très clairement du mode de fonctionnement de l’Ombudsman suédois. Les exigences communautaires d’ouverture à la concurrence et le désengagement de l’État sont à l’origine de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), de l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (ARCEP), de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF), mais aussi du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et du Médiateur du cinéma...

L’histoire des AAI est sans doute loin d’être achevée avec les créations les plus récentes, les regroupements récents ou les projets de regroupement en cours.

B.– L’ABSENCE DE CADRE CONSTITUTIONNEL

M. Jacques Chevallier, professeur à l’Université Panthéon–Assas (Paris 2), directeur du CERSA–CNRS, constate que si les AAI constituent maintenant une « catégorie juridique », « les frontières de la catégorie ont été d’emblée entourées d’une certaine indétermination »(18). Pour lui, « de plus en plus nombreuses, les AAI sont devenues de plus en plus diverses par leurs domaines d’intervention, leurs principes d’organisation et leurs pouvoirs, au point qu’il est difficile de trouver entre elles un dénominateur commun. (…) Si l’octroi aux AAI de compétences juridiques normalement dissociées a été l’un des critères d’identification de la catégorie, la gamme de pouvoirs dont elles disposent a toujours été variable. (…) Le vocable d’AAI s’applique désormais à des entités très diverses si l’on considère leurs finalités, leur statut et leurs pouvoirs ; et ce mouvement, décelable dès l’origine, s’est considérablement amplifié au cours de la dernière décennie. » 

1.– Des autorités qui disposent de pouvoirs de nature très différente en France

a) L’absence de définition commune et de cadre juridique commun

Hormis le cas très récent du Défenseur des droits issu de la réforme constitutionnelle de 2008, les AAI ne disposent pas de reconnaissance au niveau de la Constitution. Le Conseil constitutionnel n’a pas non plus censuré la création d’aucune AAI sur le motif de sa compatibilité avec la Constitution, mais a entériné le principe de leur existence.

Les AAI constituent d’une certaine manière une entorse à l’article 20 de la Constitution : « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. Il dispose de l’administration et de la force armée. Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50. » Elles sont contraires au principe démocratique de soumission de l’administration au Gouvernement. En ce sens une autorité « administrative indépendante » est un oxymore, selon le terme employé par M. Jean–Marc Sauvé, vice président du Conseil d’État, lors de son audition par le Groupe de travail. Les AAI ne disposent pas de la légitimité qu’assurent l’élection et la responsabilité politique. Elles constituent une délégation de pouvoir à des institutions non démocratiquement représentatives et par là constituent une rupture du lien de responsabilité politique du Gouvernement devant le Parlement.

Les contours de la notion d’AAI sont pour le moins entachés d’un défaut de précision. Plusieurs autorités qui n’avaient pas été qualifiées d’AAI dans la loi portant leur création ont été ultérieurement rangées dans cette catégorie par le juge (Conseil constitutionnel, Conseil d’État) ou la doctrine :

– l’Autorité de régulation des télécommunications (ART), ancêtre de l’ARCEP a été qualifiée d’AAI par la décision du Conseil constitutionnel du 23 juillet 1996 ;

– le Bureau central de tarification (BCT), la Commission centrale permanente compétente en matière de bénéfices agricoles, la Commission des infractions fiscales (CIF), la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l’élection du Président de la République, la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), la Commission des participations et des transferts (CPT), la Commission de régulation de l’énergie (CRE), la Commission de la sécurité des consommateurs (CSC), la Commission des sondages, la Commission pour la transparence financière de la vie politique, le Conseil supérieur de l’AFP et le Médiateur du cinéma sont considérés comme des AAI par l’étude du Conseil d’État de 2001.

La meilleure liste actualisée des AAI est celle publiée par le site Internet Legifrance du Gouvernement(19).

La création des AAI par la loi est une règle quasi générale, même si elle n’est pas formellement inscrite dans la Constitution. Seules de très rares exceptions, qui ne sont pas significatives, échappent à cette règle :

– le Comité consultatif national d’éthique a été créé par le décret du Président de la République du 23 février 1983, puis qualifié d’AAI par l’article 1er de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique ;

 – la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l’élection du Président de la République a été créée par le décret du 8 mars 2001, puis considérée comme une AAI par l’étude du Conseil d’État de 2001.

Au demeurant, la définition des compétences, des pouvoirs et des principales règles constitutives des AAI relève bien du domaine de la loi, eu égard aux secteurs dans lesquels elles sont appelées à intervenir et aux droits que leurs décisions sont susceptibles d’affecter (garanties fondamentales en matière de libertés publiques ; élections ; régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales…). L’organisation détaillée des AAI, par contre, est de nature règlementaire, leurs règles de fonctionnement et d’organisation administrative étant précisées par des décrets dans le cas général.

Le Conseil constitutionnel a jugé que la compétence du législateur est exclusive pour créer une AAI lorsque celle–ci exerce une attribution qui constitue une garantie fondamentale pour l’exercice d’une liberté publique (décision du 26 juillet 1984) ; c’est sans doute le cas chaque fois que l’AAI exerce des pouvoirs de sanction. Si une AAI dispose d’un pouvoir règlementaire, celui–ci ne peut être conféré que par une loi, en ce qu’une telle délégation porte atteinte à la compétence du Premier ministre de diriger l’action du Gouvernement (décision du Conseil constitutionnel du 17 janvier 1989, CSA).

Le Conseil constitutionnel a par ailleurs jugé que le Parlement pouvait modifier quand il le souhaitait les règles de composition et de fonctionnement des AAI (décision du 18 septembre 1986, lors de la substitution de la Commission nationale de la communication et des libertés à la Haute autorité de la communication audiovisuelle). Il n’a donc pas reconnu de valeur constitutionnelle au principe d’indépendance des membres des AAI en place, à la différence de celui applicable aux magistrats ou aux professeurs d’université.

Les rapporteurs souhaitent rappeler que le principe de la nature législative de la création d’une AAI est une garantie essentielle du bon ordonnancement juridique et de la maîtrise du développement des AAI. Il doit en être de même pour toute règle ou modification de règle relative à la composition du collège, au financement et à la définition des missions et des pouvoirs des AAI. Ils notent que la pratique actuelle correspond à ce principe. Si la jurisprudence du Conseil constitutionnel venait à être autre ou si le Gouvernement créait une AAI dans un texte de nature règlementaire, les rapporteurs estiment qu’il faudrait envisager de formaliser ce principe(20).

b) La très grande hétérogénéité des pouvoirs

Les pouvoirs des AAI revêtent des formes très diverses :

– pouvoir d’influence, magistrature morale : fonction de conseil (études, rapports publics), recommandations, avis consultatifs (propositions de réforme) (21) ;

– avis conforme ;

– médiation, règlement des différends ;

– décision individuelle ;

– pouvoir règlementaire (la jurisprudence du Conseil constitutionnel en limite le domaine : il s’agit uniquement d’un pouvoir règlementaire délégué qui doit être expressément prévu dans une loi) ;

– surveillance d’un domaine économique ou social ;

– évaluation ;

– pouvoirs d’investigation, d’enquête, de contrôle ;

– pouvoir de sanction : mesures comminatoires (avertissements, blâmes, injonctions, mises en garde, observations publiques…), mesures répressives ou mesures alternatives aux sanctions (transactions, engagements, clémence…) ;

– collaboration avec les tribunaux : en cas de suspicion de comportement (22) pénalement répréhensible, saisine du parquet en vue de déclencher des poursuites ; consultation d’une AAI par les juridictions. Le Conseil constitutionnel a semblé écarter la possibilité pour une AAI de se constituer partie civile lors d’un procès (décision du 28 juillet 1989 – COB) au motif du conflit d’intérêt qui ne manquerait pas de surgir du fait que cette AAI dispose d’un pouvoir propre de sanction. Cela n’a pas empêché l’AMF de se porter partie civile dans le cadre de procédures pénales entre 2005 et 2007, et de préciser cette faculté dans la loi pour d’autres AAI prononçant des sanctions (23;

– diversité des modes de saisine (filtre parlementaire, autosaisine…).

Les rapporteurs souhaitent soulever deux questions : la possibilité pour le Parlement de solliciter des avis aux AAI et la publication des avis des AAI sollicités par le Gouvernement sur des projets de loi.

Plusieurs AAI ont expressément dans leurs textes constitutifs le pouvoir de donner un avis sur un projet de loi ou de texte réglementaire, à la demande du Gouvernement, de manière obligatoire, ou de leur propre initiative. Sauf cas particulier (par exemple, l’Autorité de la concurrence, qui peut être saisie par une commission permanente), la possibilité pour les AAI de donner un avis à la demande du Parlement n’est prévue par aucun texte créant une AAI,. Il s’agit d’un déséquilibre des pouvoirs préjudiciable au législatif et les rapporteurs proposent d’en prévoir la possibilité. Afin d’éviter les excès qui pourraient résulter d’une utilisation non raisonnée de cette possibilité, les rapporteurs proposent d’en limiter la faculté aux commissions permanentes des Assemblées.

Une proposition de loi (n° 139) présentée le 16 décembre 2008 par M. Alex Türk, sénateur – et par ailleurs président de la CNIL – vise à permettre la publicité des avis de la CNIL relatifs aux projets de loi sollicités par le Gouvernement. En effet, au titre de ses missions prévues à l’article 11 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée en 2004, la CNIL « est consultée sur tout projet de loi » relatif à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés. Toutefois, ces avis ne peuvent actuellement être rendus publics selon la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA). Selon cette dernière, la CNIL ne peut communiquer un avis au public portant sur « des dossiers examinés en conseil des ministres, c’est–à–dire les projets de loi, projets d’ordonnance et de décrets ».

La proposition de loi du Sénateur Alex Türk tendait à ce qu’« à la demande du Président de l’une des commissions permanentes prévue à l’article 43 de la Constitution, l’avis de la Commission sur tout projet de loi puisse être rendu public ». Elle est restée sans suite jusqu’en février 2009. À cette date, elle fut intégrée sous forme d’un amendement, dont le premier cosignataire est M. Alex Türk, à la proposition de loi de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, examinée par le Sénat en première lecture le 11 février 2009 après son adoption par l’Assemblée nationale.

Malgré l’avis défavorable du Gouvernement, l’amendement a été définitivement adopté par les deux Assemblée, dans des termes identiques à la proposition de loi initiale. Il est devenu l’article 104 de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures : « À la demande du président de l’une des commissions permanentes prévue à l’article 43 de la Constitution, l’avis de la commission sur tout projet de loi est rendu public. »

La première application de cette disposition a concerné le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (« LOPPSI 2 »), à la demande du président de la commission des Lois de l’Assemblée nationale.

Dans le prolongement de la révision constitutionnelle de juillet 2008, qui a accru les possibilités d’initiative parlementaire et a notamment ouvert la faculté aux assemblées de demander un avis au Conseil d’État sur certaines propositions de loi (dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution), les rapporteurs soutiennent cette initiative et proposent d’étendre ces deux possibilités à l’ensemble des AAI.

Se pose également la question de la publication des avis rendus par la CNIL sur les décrets pour lesquels elle est saisie au titre de sa mission de conseil. Une proposition de loi n° 93 (2009–2010) visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique a été déposée au Sénat le 6 novembre 2009 par M. Yves Détraigne et Mme Anne–Marie Escoffier. Elle a été examinée et amendée par la commission des Lois du Sénat le 24 février 2010 et a été débattue et adoptée par le Sénat le 23 mars 2010. Transmis à l’Assemblée nationale le 24 mars 2010, le texte n’a pas été encore été examiné par la commission des Lois. Une mission d’information commune (MIC) sur les droits de l’individu dans la révolution numérique a été constituée à l’Assemblée nationale conjointement par les commissions des Lois et des Affaires culturelles. Elle devrait rendre son rapport au début du printemps 2011.

L’article 5 bis, adopté à l’initiative du Sénateur Alex Türk, apporte une précision importante en matière de publicité des avis de la CNIL. Il prévoit que chaque fois qu’une loi renvoie à des textes règlementaires d’application pris « après avis de la CNIL », sans autre forme de précision, les avis de la CNIL sont par principe publics.

Recommandation n° 1 : Élargir l’initiative et la publication des avis des AAI.

– permettre aux commissions permanentes des Assemblée, au même titre que le Gouvernement, de demander un avis aux AAI entrant dans leur champ de compétence respectif ;

– généraliser à l’ensemble des AAI qui ont le pouvoir d’émettre des avis, la publication de leurs avis sollicités par le Gouvernement sur les projets de loi.

2.– Des structures administratives qui participent d’un vaste mouvement dans les grands pays démocratiques

a) Des situations très différentes selon les pays

On a vu dans l’introduction du présent rapport les circonstances historiques de l’apparition des premières agences indépendantes en Suède et dans les pays anglo–saxons.

A partir des années 1970 on a vu se multiplier dans tous les pays démocratiques des agences gouvernementales disposant d’une autonomie plus ou moins grande, en particulier pour la régulation économique (concurrence), les libertés publiques ou l’audiovisuel. Dans aucun pays le statut juridique des agences autonomes ou indépendantes n’a été défini de façon détaillée, signe de la difficulté générale d’intégration de ces structures dans l’ordonnancement des pouvoirs publics.

Alors que dans tous les autres pays on constate un dégradé progressif du niveau d’autonomie des agences gouvernementales, le plus souvent pour des raisons historiques propres à chaque pays et sans réelle justification rationnelle, la particularité unique du système français est une dichotomie très nette entre les 42 autorités indépendantes (AAI) et les quelque 650 autres « opérateurs de l’État »(24), disposant d’une simple autonomie.

L’idée d’agences gouvernementales n’est pas non plus aussi familière en France qu’au Royaume–Uni (plus de 1 300 « Quangos » (25) et autres agences exécutives), aux États–Unis (une centaine d’« agences règlementaires indépendantes »)(26), au Canada, ou en Suède (près de 400 agences administratives autonomes). Dans ces pays où les agences exécutives sont une tradition ancienne et largement pratiquée, un lien fort existe néanmoins avec le Gouvernement au travers des lettres de mission et autres instructions générales qui sont le plus souvent données sur une base annuelle. Le pouvoir politique se garde ainsi la possibilité de piloter ses agences, dans un sens cohérent avec les autres pans de l’action publique. Les ministres et fonctionnaires centraux se gardent par contre d’intervenir dans les décisions individuelles. Seulement dans de très rares cas (par exemple les quatre agences parlementaires dans la province du Québec, l’Ombudsman parlementaire en Suède), les agences ne reçoivent pas d’instruction du Gouvernement et leurs seules feuilles de route sont constituées des lois qui les régissent, sous le contrôle étroit des parlements.

Le champ des AAI est très variable d’un pays à l’autre. Dans certains pays sont considérées comme AAI la banque centrale (Italie, Espagne), l’équivalent de l’inspection du travail ou même l’organisation chargée de la défense des consommateurs (Canada).

Les rapporteurs ont interrogé sur les AAI les Parlements(27) et les ambassades de France(28) de six pays (Allemagne, Royaume–Uni, Espagne, Italie et États–Unis). Ils ont reçu des réponses des postes diplomatiques en Suède, Italie et Espagne et des parlements suédois, italien, espagnol et allemand(29). Malheureusement aucune réponse n’est parvenue du Royaume–Uni ou des États–Unis, qui sont pourtant représentatifs du « modèle anglo–saxon ». Les éléments d’information relatifs à ces deux pays sont extraits du rapport du Sénateur Patrice Gélard précité.

Aux États–Unis, la création des agences règlementaires indépendantes (IRA) a été un moyen pour le Congrès de placer sous son contrôle des missions qui relevaient précédemment de l’administration, d’abord dans les domaines économiques, mais aussi dans la sphère sociale. Le degré d’indépendance ou d’autonomie est d’ailleurs très variable d’une agence à l’autre. Les collèges de ces agences font l’objet d’un processus de nomination conjoint entre le Président et le Sénat. Les critères de choix sont un mélange au cas par cas entre le choix discrétionnaire politique pur et simple et la reconnaissance de compétences techniques spécialisées.

En Allemagne, les « autorités administratives fédérales supérieures autonomes » sont expressément prévues par l’article 87 de la Loi fondamentale et doivent être créées par une loi fédérale. Il en est ainsi de l’Agence fédérale des réseaux, chargé de la régulation de l’audiovisuel, des communications électroniques, des postes et de l’énergie. Ces autorités ne sont liées que par les directives générales de leur ministre de rattachement et non par les instructions spéciales relatives à des cas particuliers. Le Responsable fédéral de la protection des données à caractère personnel et de la liberté d’information (équivalent de la CNIL) est élu par le Bundestag à la majorité de ses membres sur proposition du Gouvernement fédéral. Des agences jouissant d’un certain niveau d’autonomie peuvent néanmoins être créées sous d’autres formes juridiques, ainsi les « instituts de droit public ».

En Italie, on distingue :

– les autorités à désignation parlementaire (par exemple le Garante per le garanzie nelle comunicazioni),

– celles à désignation gouvernementale ou dans lesquelles la désignation gouvernementale est prévalente (par exemple la Banca d’Italia ou la Commissione nazionale per le società e la borsa) et

– celles à désignation conjointe (par exemple l’Autorità per l’energia elettrica e per il gas).

Au sein des institutions de l’Union européenne, seules deux institutions sont qualifiées d’indépendantes, le médiateur européen et le contrôleur européen de la protection des données. Les 25 autres agences communautaires sont sous l’autorité de la Commission européenne(30).

Les rapporteurs ont effectué deux missions au Canada et en Suède, d’où il résulte les informations et conclusions suivantes.

b) L’exemple du Canada (province du Québec et niveau fédéral)

La mission effectuée par les rapporteurs à Ottawa (autorités fédérales) et dans la ville de Québec (autorités provinciales) montre que, dans les deux cas, une distinction existe entre les agences législatives (en très petit nombre mais très indépendantes) et les agences exécutives (très nombreuses mais seulement autonomes). Les présidents des agences législatives sont désignés par le Parlement à la majorité qualifiée et sont irrévocables. Ceux des agences exécutives sont, sauf exceptions(31), désignés par le Gouvernement et ne peuvent être révoqués que pour faute grave(32). Les présidents d’agences exécutives jouissent en général d’un mandat de 5 à 7 ans, soit une durée plus longue qu’un gouvernement (4 ans en moyenne).

L’administration tant canadienne que québécoise montre une forte tradition d’impartialité. Les ministres et les fonctionnaires des services centraux donnent en général, sur une base annuelle, des orientations stratégiques aux agences. Ils s’interdisent d’intervenir dans la gestion, par les agences, des cas particuliers, pratique qu’ils qualifient eux–mêmes de « bras distant » (les agences sont dites « à distance de bras » des ministères). Tous les interlocuteurs rencontrés par les rapporteurs au Canada ont insisté sur la distance que le Gouvernement maintenait à l’égard des activités courantes, afin de ne pas être accusé de partialité. L’intervention d’un ministre dans une affaire particulière est considérée comme une ingérence suspectée de partialité.

i) Province du Québec

En application du principe de « décentralisation administrative fonctionnelle »(33), il existe au Québec une centaine d’organismes publics distincts de l’administration provinciale : organismes consultatifs, organismes de gestion administrative, tribunaux administratifs(34), organismes de régulation, entreprises publiques et établissements publics. C’est le Parlement qui fixe le degré d’autonomie et l’intensité de la tutelle pour tous ces organismes. Plusieurs organismes disposent de ressources propres (taxes ou redevances administratives). Pour des raisons essentiellement budgétaires, un vaste mouvement de rationalisation a entraîné la suppression de 28 de ces organismes en mars 2010. Depuis la « loi sur l’administration publique » de 2000 (équivalent de la LOLF en France) tous ces organismes doivent justifier devant la Commission de l’administration publique de l’Assemblée nationale de leur action et de leurs résultats (objectifs, indicateurs)(35).

● Les quatre « super fonctionnaires » de l’Assemblée nationale du Québec

Seuls quatre organismes publics (les quatre « super–fonctionnaires » de l’Assemblée nationale du Québec) sont considérés comme véritablement indépendants dans la province du Québec :

– le Directeur général des élections,

– le Protecteur du citoyen (équivalent du Médiateur de la République en France),

– le Commissaire au lobbyisme(36) et

– le Vérificateur général (équivalent de la Cour des comptes en France).

Deux autres organismes – la Commission d’accès à l’information (équivalent de la CADA et de la CNIL) et la Commission des droits de la personne (équivalent de la HALDE) – ont un statut mixte : leurs responsables sont élus par les députés à la majorité des deux tiers mais ils sont juridiquement rattachés à un ministère et leur budget émane de ce même ministère.

Les « super fonctionnaires » de l’Assemblée nationale sont élus par l’Assemblé nationale du Québec à la majorité des deux tiers, sur proposition du Premier ministre. Aucun ne dispose de collège. Considérés comme des « émissaires » des députés, ils ne sont soumis à aucune relation de dépendance vis–à–vis du Gouvernement. Leur mandat a une durée de 6 ou 7 ans, selon les cas, et n’est pas renouvelable. Ces quatre organismes disposent de vastes pouvoirs d’enquête dans la presque totalité de l’appareil gouvernemental. Leur budget (pas de ressources propres) émane de celui de l’Assemblée nationale. Au même titre que les « sous–ministres » et les dirigeants des autres organismes publics, les quatre « super fonctionnaires » sont soumis à la règle de l’« imputabilité administrative » devant les commissions de l’Assemblée nationale (plan stratégique à horizon de quatre ans assorti d’objectifs et d’indicateurs, rapport annuel, déclaration de services aux citoyens).

Le Directeur général des élections du Québec est indubitablement le plus indépendant des quatre « super fonctionnaires ». Afin d’assurer son impartialité et sa neutralité politique, le titulaire du poste de Directeur général des élections (DGE) est nommé par l’Assemblée nationale et relève directement de celle–ci. Il est indépendant du Directeur général des élections du Canada (élections fédérales). Arbitre du système électoral et gardienne de la démocratie, l’institution est indépendante, neutre, impartiale et non partisane. Le DGE du Québec a pour mission d’assurer la tenue des élections et des référendums, de veiller au respect des règles sur le financement politique, de garantir le plein exercice des droits électoraux en plus de promouvoir les valeurs démocratiques de la société québécoise. Ses principaux champs d’intervention sont : l’administration des scrutins provinciaux ; la gestion de la liste électorale permanente ; la formation du personnel électoral ; les directives, le soutien et le conseil aux présidents d’élections municipales et scolaires ; le financement des partis politiques et le contrôle des dépenses électorales ; la tenue du registre des partis politiques autorisés ; la réalisation des enquêtes et l’engagement des poursuites ; la division du territoire en sections de vote et en secteurs électoraux (redécoupage électoral) ; et l’information et les renseignements.

Le DGE dispose d’un pouvoir d’enquête : en cas de présomption d’infraction à la loi commise par un élu, il peut saisir le juge. Le DGE a le pouvoir de « changer la loi » : ainsi lors des élections générales de 2007, il a imposé à titre temporaire que « toute personne exprimant le souhait de voter devait se dévoiler le visage ». La mesure a été entérinée par une loi quelques mois après. Le DGE peut donner son avis au Gouvernement ou au Parlement, par exemple sur le mode de scrutin (sujet en discussion depuis plus de 40 ans). Il préside également un Comité consultatif de la loi électorale, composé de trois représentants de chaque parti politique, avec deux sous–sections, le financement et le mode de scrutin. Le DGE dispose en son sein d’une Commission de la représentation électorale qui peut émettre un avis sur les propositions de redécoupage électoral. Ainsi constatant que la démographie de plusieurs circonscriptions avait évolué d’environ 25 %, la commission a élaboré et transmis en mars 2008 à l’Assemblée nationale un rapport préliminaire. La loi prévoit qu’après une période de consultation de six mois, une audition peut être organisée par l’Assemblée nationale. Or en raison de blocages politiques, cette audition n’est jamais intervenue, malgré des relances répétées de la Commission de la représentation électorale. Le Gouvernement a certes déposé en novembre 2009 un projet de loi, mais sur des bases très différentes de celui préconisé par la Commission (très grandes inégalités entre les circonscriptions). Constatant ce blocage, le Directeur général des élections, M. Marcel Blanchet, a annoncé en septembre 2010 qu’il allait déposer un projet de loi de modification de la carte électorale et qu’il démissionnerait avant la fin de l’année.

Le DGE présente la particularité budgétaire unique de pouvoir disposer d’autant de crédits qu’il le souhaite directement sur le compte en banque de la province. Il dispose d’un budget de 28 millions de dollars canadiens (20 millions d’euros) et de 250 employés pour 125 circonscriptions électorales.

● Les autres agences québécoises

Plusieurs dizaines d’autres organismes disposent d’une autonomie relative, d’un degré différent d’un organisme à l’autre. Ils sont tous rattachés à un ministère et leur budget émane de ce même ministère. Ils doivent cependant répondre de leur gestion devant une commission de l’Assemblée nationale. On peut citer à titre d’exemple l’Agence des marchés financiers, la Régie énergie, l’Agence de l’efficacité énergétique du Québec (équivalent de l’ADEME en France) ou Hydro–Québec (entreprise publique). Les rapporteurs ont rencontré lors de leur mission au Québec les responsables des trois agences suivantes :

– le Conseil du statut de la femme existe depuis 1973 et a pour but de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes. Il assume la double mission de conseil du Gouvernement (avis consultatif seulement) et d’information du public. Le Conseil du statut de la Femme peut émettre des avis sur les projets de loi. Il peut être auditionné par les commissions compétentes de l’Assemblée nationale du Québec. Il dispose d’une très grande liberté de parole et d’opinion vis–à–vis notamment du Gouvernement ; les responsables du Conseil du statut de la femme considèrent qu’il joue le rôle de « chien de garde » du Gouvernement. Le Gouvernement québécois dispose également d’un Secrétariat à la condition féminine, qui est chargé de mettre en œuvre sa politique d’égalité et les mesures relatives à la condition féminine. Les tentatives de fusion des deux organismes se sont jusqu’à présent heurtées à de fortes oppositions. Le budget du Conseil du statut de la femme, financé sur les crédits ministériels, est resté constant depuis 1994, dans un contexte de réduction importante des dépenses publiques ;

– la Commission de l’accès à l’information, créée en 1982, résulte de la volonté du Parlement de disposer d’un organisme indépendant pour contrôler la mise en œuvre des deux principes à valeur quasi–constitutionnelle : la protection des données personnelles et la transparence des documents publics. Son président a la particularité – s’agissant d’une agence exécutive – d’être désigné par l’Assemblée nationale du Québec à la majorité des deux tiers pour un mandat de cinq ans. Il dispose d’un collège de six membres. La commission reçoit les recours des administrés qui contestent une décision d’une administration. Elle a le pouvoir (quasi juridictionnel) de prendre des décisions contraignantes qui, si elles ne sont pas suivies d’effet par l’administration, peuvent faire l’objet d’un recours devant le tribunal civil. Elle peut ordonner des enquêtes et dispose de pouvoirs d’investigation étendus. Les compétences de la commission incluent la vidéoprotection. Après avoir souffert d’une insuffisance de moyens budgétaires pendant plusieurs années, la commission a vu son budget passer de 5 à 6 millions de dollars canadiens (3,6 à 4,3 millions d’euros) ;

– tout Québécois qui ne s’estimerait pas satisfait par les services rendus par les ministères, organismes publics et établissements sociaux ou de santé, peut saisir le Protecteur du citoyen. Quelque 91 % des saisines arrivent par voie téléphonique sur une ligne sans frais. Durant l’examen d’une plainte, le Protecteur du citoyen écoute toutes les parties concernées. Lorsqu’il constate qu’il y a effectivement erreur ou injustice, il transmet ses recommandations afin que le ministère, l’organisme ou l’instance remédie à la situation le plus rapidement possible. Bien que le Protecteur du citoyen ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte, il estime que 99 % de ses recommandations ont été suivies d’effet en 2008–2009. Le Protecteur des citoyens est élu par l’Assemblée nationale à la majorité des deux tiers (l’actuelle Protectrice des citoyens a été élue en 2006 à l’unanimité). Il dispose de deux vice–protecteurs nommés sur sa proposition par le Gouvernement. 80 % des dossiers sont traités en moins de 8 mois et 65 % en moins de 2 mois. Le Protecteur des citoyens estime que ces délais sont encore trop longs, notamment en matière sociale, mais il ne souhaite pas réduire les délais si cela devait dégrader la qualité des recommandations. Il indique que 80 % des dossiers qu’il reçoit n’auraient pas été plaidables devant une cour. Le Protecteur du citoyen développe actuellement son rôle de conseiller du Parlement, complémentairement à son rôle principal de conseiller du Gouvernement. Les institutions québécoises comprennent également une Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui veille au respect des droits et libertés de la personne, à l’égal accès aux emplois dans les organismes publics et à la protection de l’intérêt de l’enfant.

 ii) Administration fédérale du Canada

De la même façon que dans la province du Québec, l’administration fédérale canadienne fait une distinction entre les agences du Parlement et les agences exécutives.

Les agences du Parlement canadien sont au nombre de sept :

– Directeur général des élections,

– Vérificateur général,

– Commissariat à la protection de la vie privée,

– Commissariat à l’information,

– Commissariat au lobbying,

– Commissariat aux langues officielles et

– Commissariat à l’intégrité du secteur public.

Sans compter les 20 ministères, les agences exécutives du Canada sont près de 200(37) :

– 15 organismes de services spéciaux,

– 30 autres entités associées aux ministères,

– 69 agences définies par la loi,

– 9 établissements publics et

– 49 sociétés d’État.

Avec en particulier une dizaine d’agences intervenant dans le domaine des libertés publiques, les problèmes de frontière sont nombreux et les agences doivent conclure entre elles des accords visant à se répartir les réclamations. Certains administrés très procéduriers en arrivent à comparer les agences entre elles et choisissent celle qui leur sera a priori la plus favorable. Les lois récentes portant création d’une agence comportent une disposition imposant que son utilité soit réexaminée au bout de cinq ans. Un projet de révision de 13 agences est en cours, dans le but de diminuer la dépense publique.

Une particularité du système canadien réside dans l’existence des « tribunaux administratifs », c’est–à–dire des médiateurs exerçant des fonctions quasi–juridictionnelles, ainsi au niveau fédéral : tribunal des relations professionnelles artistes–producteurs, tribunal des anciens combattants, tribunal des revendications particulières, tribunal d’appel des transports… La création d’un tribunal administratif des plaintes contre la gendarmerie est en cours d’examen. La Cour suprême considère que les tribunaux administratifs font partie du pouvoir exécutif et non du pouvoir judiciaire. La raison de leur existence est le souhait d’éviter la « judiciarisation » des relations entre les administrés et les services publics.

Les rapporteurs ont rencontré les responsables des quatre agences fédérales suivantes :

– la Commission canadienne des droits de la personne applique la loi sur les droits de la personne et veille au respect de la loi sur l’équité en matière d’emploi. Ces deux lois prévoient l’application des principes de non–discrimination et d’égalité des chances. La commission est habilitée à tenter de régler les plaintes de discrimination en matière d’emploi qui relèvent de la compétence fédérale en procédant à des enquêtes à leur sujet. Elle est également chargée de veiller à ce que les employeurs sous réglementation fédérale offrent des chances égales d’emploi à quatre groupes désignés : les femmes, les autochtones, les personnes handicapées et les membres des minorités visibles. La Commission est également chargée de concevoir et de mettre en oeuvre des programmes d’information et de prévention de la discrimination. Elle est composée de huit membres nommés par le Gouvernement. Les commissaires sont inamovibles, sous réserve de leur révocation par le Gouverneur en Conseil sur adresse du Sénat et de la Chambre des communes.

La particularité du système canadien est la coexistence, à côté de la Commission, d’un Tribunal(38) canadien des droits de la personne. La Commission sert de filtre aux plaintes reçues, avant transmission des cas sérieux au Tribunal. L’indépendance réelle du Tribunal relève de la jurisprudence (« common law ») et non de la constitution(39). La Commission reçoit 600 plaintes par an et en transmet une sur dix au Tribunal ; les autres sont réorientées, réglés à l’amiable ou rejetées. La Commission peut émettre des avis, ainsi récemment sur le port du voile ou la mise en œuvre de la loi sur les Indiens.

Les responsables de la Commission rencontrés par les rapporteurs lors de leur mission à Ottawa ont indiqué qu’ils concevaient leur rôle comme un soutien aux objectifs du Gouvernement dans la défense des droits de la personne, sans parti pris militant ni démarche confrontationnelle. Ils estiment qu’ils auraient besoin de d’avantages de moyens financiers et humains, mais qu’ils ont plutôt été mieux traités que les autres agences dans la période récente de réduction des dépenses publiques. Ils savent de toute façon qu’ils n’obtiendront pas de ressources supplémentaires même si leurs responsabilités s’accroissent. Les démarches proactives en faveur de la promotion de l’égalité ne peuvent être développées suffisamment, l’essentiel des moyens étant affecté au traitement des plaintes. La Commission emploie 200 personnes pour un budget de 22,5 millions de dollars canadiens (16 millions d’euros) ;

– l’Agence de la consommation en matière financière du Canada est un organisme indépendant qui a pour mandat d’informer et de protéger les consommateurs de produits et services financiers. L’Agence a été mise sur pied par le gouvernement fédéral en 2001 pour renforcer la surveillance du secteur financier dans l’optique des consommateurs et pour aider ces derniers à être mieux informés sur le secteur. À titre d’organisme fédéral de réglementation, l’Agence assume les fonctions suivantes : veiller à ce que les institutions financières sous réglementation fédérale se conforment aux lois et aux règles fédérales relatives à la protection des consommateurs ; surveiller la conformité des institutions financières aux codes de conduite volontaires et à leurs propres engagements publics ; informer les consommateurs de leurs droits et responsabilités lorsqu’ils traitent avec des institutions financières ; fournir en temps opportun des renseignements objectifs et des outils aux consommateurs pour les aider à comprendre divers produits et services financiers.

L’Agence est en train de constituer un comité consultatif pour organiser la remontée d’informations émanant des consommateurs. La majorité des 200 plaintes reçues en 2009 ont trouvé une solution amiable au sein de l’institution financière concernée. L’Agence n’a pas de mission de règlement des différends. Dans de rares cas, l’Agence estime qu’un problème rencontré représente une violation grave de la loi et peut infliger une sanction pouvant aller jusqu’à 200 000 dollars canadiens (142 000 euros), ce qui est considéré comme très faible au regard des enjeux économiques. En cas de désaccord persistant, l’affaire peut être portée devant le juge.

Le directeur de l’Agence est désigné par le Gouvernement pour un mandat de cinq ans renouvelable. L’Agence est essentiellement financée par des cotisations des institutions financières. Les responsables de l’Agence, interrogés par les rapporteurs, ont indiqué que ce type de financement ne portait pas atteinte à leur indépendance ;

– le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes est un tribunal administratif indépendant qui règlemente et supervise les systèmes canadiens de la radiodiffusion et des télécommunications. En revanche, le Conseil ne réglemente pas les journaux, les magazines, les tarifs de la téléphonie cellulaire, la qualité du service et des pratiques commerciales des entreprises de téléphonie cellulaire, ni la qualité et le contenu des émissions de radio et de télévision. Le Conseil relève du gouvernement par l’intermédiaire du ministre du Patrimoine canadien. Son rôle comprend : l’attribution, le renouvellement et la modification de licences de radiodiffusion ; la prise de décision sur les fusions, les acquisitions et les changements de propriété en radiodiffusion ; l’approbation de tarifs et de certaines ententes de l’industrie des télécommunications ; l’attribution de licences pour les services de télécommunication internationaux dont les réseaux permettent aux usagers du téléphone d’effectuer et de recevoir des appels à l’extérieur des frontières canadiennes ; l’encouragement de la concurrence dans les marchés de télécommunications ; et la réponse aux demandes de renseignements et aux préoccupations concernant des questions de radiodiffusion et de télécommunications.

Les 13 membres du Conseil sont désignés par le Gouvernement pour des mandants de 5 ans renouvelables. Le Gouvernement peut demander au Conseil de revenir sur une décision prise, avec des modalités différentes pour l’audiovisuel et pour les télécommunications. Les décisions du Conseil sont susceptibles d’appel devant le juge ; dans 85 % des recours, les décisions du Conseil sont confirmées.

Interrogé par les rapporteurs lors de leur mission à Ottawa, les responsables du Conseil ont indiqué que la convergence numérique rendait nécessaire la régulation commune des secteurs de l’audiovisuel et des télécommunications. Ils précisent que les lois canadiennes sur les contenus audiovisuels sont très nombreuses et fournies et que rien n’empêche à un seul et même organisme de réguler les contenus et les réseaux. Le Conseil est intégralement financé par une contribution sur les entreprises régulées. Il dispose d’un budget de 40 millions de dollars canadiens (28,4 millions d’euros) pour 400 employés ;

– l’Office des transports du Canada est un tribunal administratif indépendant du gouvernement du Canada ayant les attributions d’une cour. Il exerce les responsabilités suivantes : traiter et régler des différends relativement à divers aspects des transports ; améliorer l’accès aux services de transport ; rendre des décisions dans les transports aérien, ferroviaire et maritime en tant qu’organisme de réglementation économique. L’Office soutient l’objectif d’un réseau de transport canadien compétitif, efficace et accessible, qui répond aux besoins des fournisseurs et des usagers des services de transport.

Les cinq membres de l’Office sont nommés par le Gouvernement pour un mandat de cinq ans renouvelable. Un code de déontologie très strict leur est appliqué. L’Office peut infliger des sanctions allant jusqu’à 25 000 dollars canadiens (17 750 euros) pour une entreprise et 5 000 dollars canadiens pour une personne (3 550 euros). L’Office n’utilise pas le pouvoir qu’il détient de lever une redevance sur les entreprises régulées ; il est entièrement financé par dotation budgétaire. Le budget de l’Office est de 25 millions de dollars canadiens (17,8 millions d’euros) pour 250 employés.

Le ministre a la possibilité de donner à l’Office des directives générales, mais il ne peut intervenir dans les cas individuels. Dans son rapport annuel, l’Office peut émettre des observations sur la mise en œuvre des lois.

Les responsables de l’Office ont indiqué aux rapporteurs, lors de leur mission à Ottawa, qu’ils ne voyaient pas d’inconvénient à ce qu’un seul et même organisme s’occupe à la fois de la régulation économique (concurrence entre les entreprises de transport) et des relations entre ces entreprises et leurs usagers. Ils précisent qu’il leur faut néanmoins instaurer une séparation fonctionnelle stricte à l’intérieur de l’Office.

c) L’exemple de la Suède

En Suède, la seule autorité vraiment indépendante est l’Ombudsman parlementaire(40).

Les autres agences, y compris celles portant également le nom d’Ombudsman, sont autonomes seulement dans leur gestion ; elles sont chacune placées sous la tutelle d’un ministre et doivent agir dans le cadre des lettres de cadrage annuelles qui leur sont données. Ces lettres de cadrage contiennent des objectifs et indicateurs précis ; les agences sont évaluées annuellement sur leurs résultats. L’administration d’État suédoise est caractérisée par la séparation des fonctions de conception, de mise en œuvre et de contrôle. Les responsabilités sont réparties entre les 12 « départements ministériels » (ministères), qui conçoivent et définissent les politiques, et les près de 400 agences administratives, qui sont chargées de leur exécution. Les agences emploient l’essentiel des agents du secteur public central. Si le Gouvernement indique aux agences les missions qu’elles doivent accomplir, il ne peut s’ingérer dans la manière dont elles remplissent leurs activités courantes. Il lui est constitutionnellement interdit d’intervenir dans l’instruction des affaires particulières ou des personnes individuelles. Les agences disposent ainsi d’une capacité indépendante d’interprétation sur la manière dont la loi est appliquée. La réorganisation administrative des années 1990 a vu beaucoup d’agences restructurées ou fusionnées, voire privatisées (totalement ou partiellement).

● L’Ombudsman parlementaire

Créée en 1809, l’institution de l’Ombudsman parlementaire a pour mission de « surveiller l’application des lois » et de garantir à chacun le droit d’être traité selon la loi. Elle est composée de quatre personnes (également appelées « Ombudsman ») qui ont chacune un domaine de compétence propre ; elles se répartissent la surveillance des différents ministères et agences(41). L’un d’entre eux est Ombudsman en chef mais n’exerce pas de fonction hiérarchique sur les autres. Chaque Ombudsman ne peut intervenir dans le domaine de compétences et le travail des autres et on ne peut donc parler de collège. Les quatre Ombudsman sont élus pour quatre ans par le Riksdag(42) ; une tradition solidement établie veut qu’ils soient désignés par consensus et qu’ils soient irrévocables. Le consensus doit être trouvé pour chacun des quatre Ombudsman et il n’y a pas de répartition des postes entre la majorité et l’opposition. De fait les personnes au profit politique très marqué sont exclues et les choix se portent principalement sur des hauts magistrats. La procédure passe d’abord par un accord au sein de la commission des Lois, puis une confirmation en séance plénière du Riksdag. Leur mandat est renouvelable.

M. Mats Melin, actuellement Ombudsman parlementaire en chef, est juriste de formation et a notamment occupé la fonction de président du tribunal administratif à la cour d’appel de Svea. Les trois autres Ombudsman parlementaires sont également des juristes. L’Ombudsman parlementaire ne reçoit d’instruction (sujets à traiter, sens des décisions prises) ni du Gouvernement ni du Parlement. Mme Anna–Sara Lind, docteur en droit constitutionnel, maître de conférences à la faculté de droit d’Uppsala, a indiqué aux rapporteurs lors de leur mission à Stockholm que l’indépendance de l’Ombudsman parlementaire résultait plus de la culture et de la pratique que des textes.

Chaque personne résidant en Suède peut saisir l’Ombudsman s’il estime avoir été lésé par une administration publique : 5 000 à 7 000 demandes sont ainsi traitées chaque année. La plupart des demandes donnent lieu à enquête, puis recommandation écrite à l’administration mise en cause. L’Ombudsman peut également décider d’engager des poursuites judiciaires contre un fonctionnaire pour faute de service, mais c’est extrêmement rare. L’Ombudsman parlementaire ne peut émettre que des recommandations non contraignantes vis–à–vis des administrations publiques. Mais la force de leur argumentation jointe au poids d’une institution vieille de 200 ans lui donne une autorité incontestable : la plupart des recommandations semblent suivies d’effet.

L’Ombudsman parlementaire présente ses demandes de crédits chaque année directement au Riksdag, sans passer par le ministère des Finances. En pratique un comité composé du président du Riksdag et des représentants des partis politiques donne son accord au projet de budget de l’Ombudsman, qui est ensuite intégré au budget de l’État puis voté formellement par le Riksdag. L’Ombudsman parlementaire emploie environ 55 agents (en général des juges en formation encadrés par des juges expérimentés).

L’Ombudsman parlementaire rend compte de son action en présentant annuellement un rapport d’activité devant la commission des Lois du Riksdag ; l’examen de ce rapport donne lieu à une réunion à huis clos. L’Ombudsman en chef, M. Mats Melin, a indiqué aux rapporteurs qu’il lui semblait souhaitable de faire évoluer cette règle pour instaurer une plus grande transparence. Mme Cecilia Wigström, députée libérale, membre de la commission des Lois, a indiqué aux rapporteurs que cette commission refusait d’augmenter le budget de l’Ombudsman parlementaire au motif que la réduction des dépenses publiques est une priorité qui s’impose à tous.

Un projet de loi de réforme de la constitution suédoise en cours d’examen interdirait à l’Ombudsman parlementaire de se saisir d’une affaire qui fait déjà l’objet d’une procédure judiciaire.

● Les autres Ombudsman

La Suède comporte plusieurs autres organismes également dénommés « Ombudsman », mais qui n’ont aucun lien avec l’Ombudsman parlementaire. Leurs responsables sont tous désignés par le Gouvernement à l’issue d’un processus de désignation transparent (dépôt de candidatures, cabinet de recrutement, audiences publiques…). Leurs activités sont encadrées par des lettres de mission annuelles. Les deux plus importants sont l’Ombudsman pour l’égalité et l’Ombudsman des enfants. S’y ajoutent l’Ombudsman de la presse, l’Ombudsman des consommateurs, le Médiateur des élèves et le Chancelier de la justice. Seul l’Ombudsman parlementaire est prévu par la constitution suédoise.

L’Ombudsman pour l’égalité est issu en 2009 de la fusion entre l’Ombudsman contre les discriminations raciales, l’Ombudsman pour l’égalité des chances, l’Ombudsman pour le handicap et l’Ombudsman contre la discrimination basée sur l’orientation sexuelle. Il est maintenant compétent pour tout type de discrimination (y compris âge, identité sexuelle, religion…). M. Cafer Uzunel, sous–directeur de la Lutte contre les discriminations au ministère de l’Intégration et de l’égalité, a indiqué aux rapporteurs lors de leur mission que cette fusion avait été précédée de cinq années de travail d’une commission d’enquête… Il exerce les fonctions de médiation, d’information du public et de conseil du Gouvernement. Il peut aussi saisir la justice et représenter les plaignants devant les tribunaux. Sur les 2 000 à 3 000 plaintes de citoyens qu’il reçoit par an, 100 font l’objet d’une procédure de conciliation et 60 de recours judiciaires (dans la plupart des cas les éléments de preuve font défaut). L’Ombudsman des enfants est placé sous l’autorité du ministère de l’Intégration et de l’égalité. M. Fredrik Malmberg, actuel Ombudsman des enfants, a indiqué aux rapporteurs qu’il concevait son rôle plus dans une perspective de persuasion des différentes administrations que de confrontation.

L’Ombudsman des enfants a une mission d’information et d’influence aussi bien auprès du public que du Gouvernement et des médias, afin d’assurer le respect de la Convention internationale des droits de l’enfant. Il n’exerce pas la fonction de médiation et c’est la raison principale qui a justifié le fait qu’il ne soit pas fusionné au sein de l’Ombudsman pour l’égalité. L’Ombudsman des enfants est placé sous l’autorité du ministère des Affaires sociales. L’actuel Ombudsman des enfants a précédemment assuré les fonctions de président de l’association « Sauvez les enfants » et de responsable d’un groupe politique au Riksdag. En application d’une promesse faite par le gouvernement suédois devant le comité des droits de l’enfant de l’ONU, le budget de l’Ombudsman des enfants reste stable à son niveau actuel.

Le Chancelier de la justice exerce le même type de fonctions de surveillance des administrations d’État que l’Ombudsman parlementaire, mais en étant placé non pas sous l’autorité du Parlement, mais sous celle du Gouvernement.

● L’Autorité suédoise de surveillance financière

À titre d’exemple d’une agence autonome suédoise intervenant dans la sphère financière, l’Autorité suédoise de surveillance financière (Finansinspektionen) assure les fonctions exercées en France par l’AMF et l’ACP. L’autorité ne dispose pas de collège, elle est dirigée par un conseil d’administration nommé par le Gouvernement et placée sous la tutelle du ministère des Finances. Elle est indépendante de la banque centrale suédoise. L’autorité dispose de 200 agents pour surveiller 4 000 sociétés ; elle est financée par des crédits budgétaires. Comme toutes les autres agences suédoises, elle reçoit de la part du Gouvernement une lettre de cadrage annuelle.

L’autorité coopère en tant que de besoin avec l’Ombudsman des consommateurs. Elle exerce un pouvoir règlementaire délégué dans le cadre des règles générales définies par le Gouvernement. L’autorité dispose d’un pouvoir de sanction : avertissement, remarque, retrait d’agrément, sanction financière pouvant s’élever à 50 millions de couronnes suédoises (5 millions d’euros). Les sanctions sont décidées par un « comité exécutif » composé de 7 à 9 personnalités qualifiées (magistrats, juristes…) désignées par le Gouvernement. Toutes les décisions de l’autorité peuvent faire l’objet d’un recours judiciaire.

C.– LA RECONNAISSANCE DE FAIT D’UNE NOUVELLE CATÉGORIE JURIDIQUE

1.– Une reconnaissance par les plus hautes juridictions qui n’est pas remise en cause par leurs parties prenantes

Les plus hautes juridictions françaises (Conseil constitutionnel, Conseil d’État, Cour de cassation) ont reconnu l’existence de la nouvelle catégorie juridique constituée par les AAI, résultant de la volonté du législateur. Ainsi M. Jean–Marc Sauvé, vice–président du Conseil d’État, déclarait lors de son audition par le Groupe de travail : « Ces autorités jouissent aujourd’hui d’une légitimité institutionnelle difficilement contestable. Loin de correspondre à une simple mode, la création des autorités administratives indépendantes relève, selon moi, d’une véritable nécessité. Leurs caractéristiques ont été entérinées par le juge, constitutionnel et administratif, et leur création répond à un besoin évident d’efficacité dans certains domaines de l’action publique. »(43)

Le Conseil constitutionnel s’est implicitement prononcé sur la compatibilité de principe entre la Constitution et l’existence même des AAI en qualifiant lui–même en 1984 la Haute autorité de la communication audiovisuelle d’AAI.

À l’occasion des décisions qu’il a rendues au sujet de la Commission nationale de la communication et des libertés (18 septembre 1986), du Conseil de la concurrence (23 janvier 1987), du Conseil supérieur de l’audiovisuel – CSA (17 janvier 1989) et de l’Autorité de régulation des télécommunications (23 juillet 1996), le Conseil constitutionnel a jugé qu’il n’y avait pas d’obstacle constitutionnel à la création de telles autorités. Il a même admis qu’un pouvoir réglementaire pouvait leur être conféré par la loi, à la condition qu’il ait une portée limitée et qu’il soit subordonné au respect tant des lois que des décrets. Dans ces limites, qui débouchent sur un pouvoir réglementaire spécialisé et subordonné, la loi a pu conférer une compétence réglementaire à la CNIL, à la Commission des opérations de Bourse (COB), avec d’ailleurs l’agrément du ministre des Finances, au CSA, de façon toutefois réduite par rapport à la Commission nationale de la communication et des libertés, à l’Autorité de régulation des télécommunications et à la Commission de régulation de l’électricité (CRE).

La catégorie des AAI reste néanmoins mouvante et imprécise. Il en est ainsi du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, qui figurait en début d’étude du Groupe de travail dans la liste publiée sur le site Internet Legifrance, mais qui n’y figure plus depuis. Il y a lieu d’observer à cet égard que le Sénat a souhaité, lors de la discussion le 28 octobre 2009 de la proposition de loi n° 210 (2007–2008), ne le qualifier que d’« autorité de régulation », et non d’API.

Par ailleurs l’existence des AAI est maintenant bien acceptée par l’ensemble de leurs parties prenantes. Aucune des nombreuses personnes auditionnées ou des nombreux organismes consultés par les rapporteurs n’a demandé de remise en cause de l’existence de telle ou telle AAI. Au contraire, le sentiment dominant est une demande de stabilisation du dispositif institutionnel, qui a déjà beaucoup évolué ces dernières années.

2.– Un poids très modeste des AAI dans le paysage administratif français

Le poids des AAI reste très modeste dans le paysage administratif français.

Seules 16 AAI sur 42 emploient plus de 20 agents : AFLD, AERES, ACP, AMF, Autorité de la concurrence, ARCEP, ASN, CNCCFP, CNIL, CRE, CSA, Défenseur des enfants, HALDE, HAS, H3C et Médiateur de la République.

Comme il sera expliqué plus loin dans le présent rapport, les données disponibles sur les budgets et les effectifs des AAI sont très incomplètes. Il ressort des données communiquées aux rapporteurs, croisées avec celles transmises par la direction du Budget (ministère du Budget), que les AAI employaient 3 126 personnes (ETPT) en 2007 et 3 208 ETPT en 2008 ; elles employaient 3 424  ETPT en 2009 et prévoyaient 3 651  ETPT en 2010. Ces chiffres sont certainement sous–évalués car ils ne comprennent pas l’intégralité des effectifs employés par les AAI mis à disposition à titre gracieux ou contre un remboursement partiel par d’autres administrations(44). En outre, les autorités publiques indépendantes (API) jouissant de la personnalité morale ne sont pas soumises aux plafonds d’autorisation d’emploi prévus par la LOLF ; leurs décomptes d’emploi ne sont donc pas vérifiés par les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels (CBCM) ni établis selon la méthodologie des « équivalents temps plein travaillé » (ETPT). En rapportant les prévisions de 2010 aux réalisations de 2007, on constate une augmentation des effectifs de 16,8 % en trois ans, soit une croissance annuelle moyenne de 5,3 %.

Les crédits consommés par les AAI, telles que comptabilisées par la direction du Budget, s’élèvent à 387,1 millions d’euros en 2009. Là aussi ces données sont certainement sous–évaluées car elles ne comprennent pas les dépenses des AAI qui sont prises en charge sur les budgets d’autres administrations publiques (Banque de France, Conseil d’État, ministères…). Par rapport aux 303,8 millions d’euros consommés en 2006, l’augmentation des crédits s’élève à 27,4 % en trois ans, soit une croissance annuelle moyenne de 8,4 % par an.

Les rapporteurs ont interrogé par questionnaire écrit les AAI sur leurs dépenses et recettes en 2009 et 2010. Il leur était notamment demandé de chiffrer, ne serait-ce que de façon approximative, les coûts indirects supporté par les budgets d’autres organismes publics (personnel et locaux mis gracieusement à disposition, achats et autres dépenses de fonctionnement). Il ressort de ce calcul que les dépenses des AAI s’élevaient à plus de 600 millions d’euros en 2009 et sont prévues à hauteur de 670 millions d’euros en 2010(45). Il s’agit donc d’une majoration de plus de 50 % par rapport aux statistiques sur les coûts directs calculés par la direction du Budget. De plus entre 2009 et 2010 l’augmentation des dépenses des AAI est supérieure à 11 %.

Certes ces évolutions ne sont pas à périmètre constant en ce qu’elles comptabilisent les emplois des AAI nouvellement créées et ceux induits par les AAI dont de nouvelles missions leur ont été assignées par la loi. Ces données expriment seulement une tendance et doivent être interprétées au regard des créations et de la montée en puissance des AAI. Mais elles doivent être rapprochées du contexte budgétaire général qui, depuis 2007, connaît une stagnation des dépenses de l’État (« zéro volume ») et une réduction du nombre des agents de l’État (application de la règle du non remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux)(46).

3.– Un positionnement au sein du pouvoir exécutif qui présente un risque d’empiètement sur les pouvoirs législatif et surtout judiciaire

a) Le « syndrome de Becket » affecte-t-il aussi les AAI ?

Au–delà de la tendance de toutes les administrations à se maintenir et à se développer, les rapporteurs se demandent si le « syndrome de Becket » ne serait pas en train de se produire pour les AAI(47). Les AAI sont créées par le Parlement sur la proposition du Gouvernement ; ceux–ci, tels des « apprentis sorciers », ne contrôleraient plus leurs créatures. Celles–ci en viendraient à limiter le pouvoir de leur créateur. Investies d’une mission, elles en feraient trop et outrepasseraient leurs responsabilités.

C’est ainsi que les rapporteurs ont à plusieurs reprises entendu la critique selon laquelle les AAI excédaient les limites de leurs prérogatives.

L’Association française des entreprises privées (AFEP), le MEDEF et l’Association française de gestion financière (AFG) critiquent par exemple la tendance des services de l’Autorité des marchés financiers (AFM) à la surrégulation, et, partant, à la création de normes au statut juridique incertain.

EDF estime que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) va au–delà de la mission qui lui est confiée en proposant de modifier la loi et en tendant à porter les recommandations de l’association des régulateurs européens, avec en ligne de mire les tarifs règlementés. La CRE prendrait insuffisamment en compte des répercussions financières de ses décisions pour les opérateurs concernés : séparation du nom, du logo, des locaux entre EDF et ERDF (Électricité réseau distribution de France). La CRE a ainsi obligé EDF à séparer les locaux d’EDF et ERDF avant la fin des baux, ce qui a entraîné un surcoût de 59 millions d’euros…

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sort–elle de son rôle quand elle ne veut pas d’autre réacteur que l’EPR à l’exportation ? L’ASN doit valider les dossiers, pas faire la politique nucléaire de la France. Accusée il y a dix ans à peine par les écologistes d’être soumise au lobby nucléaire, l’ASN est maintenant vue par les industriels du secteur comme jetant une suspicion injustifiée sur l’ensemble d’une technologie. Commandé par le Président de la République en octobre 2009, le rapport de M. François Roussely, président honoraire d’EDF, propose de « réexaminer et réaffirmer la mission de l’ASN telle qu’elle est définie dans la loi transparence et sûreté nucléaire (« TSN ») du 13 juin 2006. » L’ASN, pour sa part, indiquait le 6 juillet 2010, dans un communiqué de presse intitulé « Prise de position du collège de l’ASN : quel niveau de sûreté pour les nouveaux réacteurs nucléaires construits dans le monde ? » que « l’une des préoccupations majeures de l’ASN est l’harmonisation par le haut de la sûreté nucléaire et de la radioprotection dans le monde. Nous ne voulons pas d’une sûreté à deux vitesses et nous continuons à promouvoir au niveau européen et international des objectifs de sûreté qui prennent en compte les leçons de Three Mile Island, de Tchernobyl et du 11 septembre 2001. Face à des projets d’exportation de réacteurs ne répondant pas à ces objectifs de sûreté, l’ASN n’hésitera pas à dire que de tels réacteurs ne pourraient pas être construits en France. »

Le président de l’ASN déclarait lors de son audition par le Groupe de travail que la cause de l’échec français résidait principalement, selon lui, dans le fait que le marché d’Abu Dhabi était un marché de dumping dans lequel on perd forcément de l’argent pour l’emporter. Il estime que la conception de l’EPR est représentative de ce que l’on doit exiger d’un réacteur nucléaire sûr (Three Mile Island, 11–septembre…) et s’interroge sur les exigences qui seront in fine formulées pour les centrales nucléaires coréennes par l’autorité de sûreté nucléaire d’Abu Dhabi.

Plusieurs entreprises, organisations professionnelles et administrations publiques ont indiqué aux rapporteurs qu’ils considéraient que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) avait une conception extensive de ses compétences. L’article 2 de la loi du 6 janvier 1978 (« informatique et libertés ») dispose qu’elle s’applique aux « traitements » de données à caractère personnel. Un conflit récurrent oppose le ministère de l’Intérieur à la CNIL, qui fait une lecture large de cette disposition, ainsi pour les images recueillies par caméra de vidéosurveillance. Le Président de la CNIL, notre collègue sénateur Alex Türk, argue de l’augmentation des menaces pour la vie privée. Un des événements fondateurs de l’histoire de la CNIL, il y 30 ans, a été de refuser à l’administration fiscale l’usage du numéro de sécurité sociale. L’administration fiscale a dû alors créer son propre système de numérotation, empêchant la constitution d’un fichier unique des Français et réduisant la capacité de l’administration à lutter contre certaines fraudes. Ultérieurement la CNIL a autorisé l’administration fiscale à utiliser le numéro de sécurité sociale pour fiabiliser les numéros fiscaux. M. Jean–Marc Fenet, Directeur adjoint à la DGFiP, indiquait lors de son audition par le Groupe de travail que l’administration fiscale utilisait un système alternatif qui, en croisant numéros fiscaux et sociaux, donnait autant satisfaction qu’un numéro unique, mais qui était plus coûteux.

Et que dire du discours « militant » assumé de certaines AAI, comme la Défenseure des enfants (48) ou le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) ? Censées définir une ligne équilibrée entre les différents intérêts en présence, certaines de leurs prises de position peuvent paraître excessives, avec la suspicion de suivre parfois de trop près les associations qui agissent dans ces domaines.

Les AAI présentent un risque de cumul des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Les AAI peuvent en effet détenir des compétences en matière d’édiction de normes, de surveillance de l’application de ces règles et de règlement des différends ou de sanction. Mme Colette Neuville, présidente de l’Association de défense des actionnaires minoritaires, indiquait lors de son audition par le Groupe de travail que les AAI présentaient un risque d’abandon du principe de séparation des pouvoirs où une administration inadaptée et une justice incapable de remplir son rôle entraînent l’apparition d’un pouvoir technocratique. C’est une critique très similaire qui émane du MEDEF et de l’AFEP sur la possibilité, sous diverses conditions procédurales, du cumul entre les mains d’une AAI (AMF, ARCEP, CRE…) du pouvoir règlementaire et de celui de sanctionner les manquements aux règles qu’elle a elle–même édictées(49). Le Conseil d’État s’était déjà fait l’écho de ces inquiétudes dans son rapport de 2001, qui ne sont donc pas nouvelles, mais demeurent aiguës.

b) Respecter les limites du pouvoir règlementaire délégué

Le pouvoir règlementaire des AAI est un pouvoir subordonné à celui du Gouvernement et limité tant dans son champ d’application que dans son contenu. Tels sont les éléments d’une jurisprudence constitutionnelle maintenant bien établie (décisions du Conseil constitutionnel du 18 septembre 1986 et du 17 janvier 1989). C’est la raison pour laquelle peu d’autorités en sont expressément dotées : CNIL, Commission des sondages, CSA, CRE, ASN, AMF et ARCEP. La jurisprudence du Conseil a très vite défini les conditions d’exercice du pouvoir réglementaire des AAI. Le soin de fixer des normes permettant de mettre en œuvre une loi ne peut leur être confié que « dans un domaine déterminé et dans le cadre défini par les lois et règlements ». Il ne peut s’agir que « de mesures de portée limitée tant par leur champ d’application que par leur contenu ». Le pouvoir réglementaire des AAI est par conséquent subordonné et second.

Si le pouvoir règlementaire est de portée générale, le rôle du Commissaire du Gouvernement doit, pour les rapporteurs, être renforcé. Ainsi le commissaire du Gouvernement doit être pleinement associé au processus d’élaboration des actes règlementaires. Il doit pouvoir solliciter une seconde délibération. En outre devrait être prévue la possibilité donnée au Gouvernement d’homologuer les actes règlementaires ainsi adoptés par les AAI. Il en est ainsi du pouvoir règlementaire étendu mais très technique dont sont dotées l’AMF et l’ARCEP, pouvoir qu’elles partagent avec le ministre compétent, qui est appelé formellement à homologuer les mesures prises à ce titre. Les AAI, qui sont en général très critiques sur toute procédure d’homologation ministérielle des mesures générales qu’elles prennent, doivent comprendre qu’il y va de la cohérence de l’action publique dans son ensemble.

Enfin l’avis du Conseil d’État est systématiquement demandé par le Gouvernement pour ses principaux projets de décrets (décrets dits en Conseil d’État) ; le Gouvernement peut ainsi l’interroger sur des points de droit particuliers. Cette possibilité pourrait être étendue aux AAI pour leurs actes règlementaires les plus importants.

Recommandation n° 2 : Limiter et encadrer le pouvoir règlementaire des AAI.

– définir précisément dans la loi pour chaque AAI qui en est dotée l’ampleur et les limites de leur pouvoir réglementaire délégué ;

– ouvrir la possibilité de saisine du Conseil d’État par les AAI pour solliciter un avis sur leurs projets d’actes règlementaires, voire sur des questions plus générales de leur domaine de compétences propre ;

– permettre au commissaire du Gouvernement de solliciter une seconde délibération sur les projets d’actes règlementaires des AAI ;

– permettre au Gouvernement d’homologuer les actes règlementaires des AAI.

c) Éviter que le « droit mou » (soft law) aille au–delà des pouvoirs conférés par la loi

Comme l’a notamment dit le professeur Pascale Idoux lors de sa réunion avec les rapporteurs, l’interprétation faite de leurs compétences par les AAI peut conduire à une certaine dépossession du Gouvernement et du Parlement sur certaines options fondamentales ou certains choix de nature politique. Par l’élaboration de recommandation, lignes directrices ou guides de bonnes pratiques (soft law en anglais, ou « droit mou »), la pratique des AAI peut aller au–delà de ce que dit la loi, elles peuvent devenir créatrices de droit.

Quel regard doit–on porter sur ce constat ? Certains arguent qu’il s’agit d’une progression du débat public par la multiplication des foyers de compétence. Les représentants des entreprises consultées par les rapporteurs se plaignent en revanche que les autorités de régulation dans le domaine économique (AMF, Autorité de la concurrence, CRE, ARCEP…) exigent toujours plus, parfois au–delà de ce que prescrit la loi. Les entreprises demandent que la loi soit appliquée telle qu’elle est votée par le Parlement, et non telle que l’autorité aimerait qu’elle soit… Mme Loraine Donnedieu de Vabres, avocate, auditionnée par le Groupe de travail, indiquait que l’Autorité de la concurrence intervenait pour réguler des marchés aussi différents que l’électricité, les télécommunications ou même les pompes funèbres, sans cadre de contrôle suffisamment précis…

Autre exemple, EDF regrette les propositions d’évolution législatives publiées par la CRE dans ses rapports annuels et souhaiterait que le développement de la pratique de la soft law reste dans le périmètre des missions dévolues à la CRE par le législateur. Le MEDEF et EDF jugent souhaitable que la production de règles par les AAI soit encadrée de manière plus rigoureuse afin de renforcer la sécurité juridique des entreprises.

Le MEDEF encore évoque pour l’AMF une surenchère en matière réglementaire, notamment à l’occasion de la transposition des textes communautaires, et souhaiterait éviter le recours aux recommandations qui sous couvert de « droit mou » ont en fait un caractère contraignant.

De nombreux parlementaires citent d’ailleurs les prises de position des AAI pour orienter l’examen des textes législatifs… Il ne faudrait pas que cela aboutisse à échanger les rôles respectifs du législateur et de l’autorité administrative. Ainsi :

– le 2 avril 2009, lors de la discussion du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet et créant l’HADOPI, l’avis de la CNIL, confidentiel, mais qui avait « fuité » dans la presse, a largement été utilisé par les orateurs pour défendre ou critiquer le texte du Gouvernement ;

– le 25 mars 2010, lors de la discussion de la proposition de loi relative à la modernisation du congé maternité en faveur de la protection de la santé des femmes et de l’égalité salariale et sur les conditions d’exercice de la parentalité, notre collègue Marie–Françoise Clergeau invoquait la prise de position de la HALDE, à la suite du refus d’attribution du congé de paternité à la naissance d’un enfant qu’elles élèvent ensemble. Elle indiquait que la HALDE avait clairement relevé des disparités dans le bénéfice des prestations sociales entre les caisses d’allocations familiales et les caisses primaires d’assurance maladie.

Importation des pays de droit anglo–saxon, le « droit mou » (soft law) peut être défini ensemble des lignes directrices, recommandations non contraignantes, guides de bonnes pratiques, adoptées par les AAI. Nous avons vu que le recours des AAI à cette possibilité est justifié dans les domaines qui connaissent des évolutions permanentes et rapides et qui présentent un haut niveau de technicité. Un problème réside dans le fait que de plus en plus de ces mesures ont une portée règlementaire. Il y a une tentation pour toutes les AAI, à l’occasion de la définition de leur doctrine ou lignes directrices, et pour des raisons légitimes de leur point de vue, de préciser – voire d’aller au–delà des prescriptions législatives ou règlementaires. La question du champ du « droit mou » constitue un problème délicat et sensible pour le Parlement. Certains le théorisent en parlant d’« autorégulation »…

Ces recommandations ne sont cependant pas considérées par les juridictions comme des actes faisant grief. Ainsi le Conseil d’État a jugé dans un arrêt du 13 juillet 2007, à propos des recommandations de la HALDE, qu’à l’instar des circulaires ministérielles, elles ne constituent pas par elles–mêmes des décisions administratives susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. On note cependant une tendance du Conseil d’État à accepter les recours contre les « décisions des AAI ayant un certain impact ». Ainsi dans le même arrêt du 13 juillet 2007, il a reconnu qu’une recommandation de portée générale et rédigée de façon impérative pourrait être contestée devant le juge de l’excès de pouvoir. On peut penser qu’il en serait de même de la décision de procéder à la publication d’une recommandation. Un arrêt en ce sens avait déjà concerné la Commission des sondages en 1982 et, plus récemment, la HAS en 2009.

Le schéma retenu en France, comme au niveau communautaire avec la Commission européenne en matière de concurrence, est que :

– l’autorité de régulation peut adopter des lignes directrices, des recommandations, représentatives de sa doctrine (soft law). Ces directives n’engagent que l’autorité de régulation qui les émet et les personnes ou organismes régulés conservent la liberté de s’y conformer ou non – s’ils estiment qu’elles ne sont pas conformes aux lois et règlement en vigueur. Ces lignes directrices ne font pas grief et les personnes ou organismes régulés ne peuvent les attaquer devant les tribunaux ;

– si l’autorité de régulation adopte une décision individuelle (ou une sanction) qui s’applique à une personne ou à un organisme régulé, cet acte est contraignant et est considéré comme faisant grief devant les tribunaux. Il est donc possible à celui à qui il s’applique de l’attaquer devant les tribunaux. Le juge pourra alors, s’il se range aux arguments du plaignant, non seulement rapporter la décision mais aussi marquer son désaccord avec les lignes directrices qui ont fondé la décision individuelle.

Plusieurs parties prenantes des AAI consultées estiment qu’il faudrait que les recommandations non contraignantes des AAI soient susceptibles de recours devant les tribunaux. Les rapporteurs estiment cependant que cette revendication irait d’une certaine façon à l’encontre de l’objectif principal justifiant la création des AAI, à savoir la souplesse et l’adaptabilité aux évolutions économiques, technologiques et sociales. Si ces lignes directrices ne sont pas contraignantes pour les entreprises, il faudrait en revanche qu’elles le soient pour les AAI qui les édictent, et puissent donc leur être opposables dans le cas où elles ne les respecteraient pas dans leur propre conduite.

Il ressort des auditions et des consultations effectuées par le Groupe de travail que la compétence, le professionnalisme et la technicité des AAI sont largement salués. Les parties prenantes consultées par les rapporteurs ont souligné l’importance des consultations et de la concertation préalable aux lignes directrices des AAI. Plusieurs d’entre elles pratiquent déjà la publication de ces recommandations à l’état de projet. L’accès à l’information et la transparence sont également mentionnés, conséquences du besoin de prévisibilité et de sécurité juridique des opérateurs économiques. Me Étienne Drouard, avocat à la Cour, déclarait lors de son audition par le Groupe de travail que ce dont les entreprises avaient le plus besoin était une stabilité de la doctrine des AAI, afin de permettre une politique d’entreprise à long terme. Poursuivant la même idée, M. Pierre de Lauzun, délégué général de l’Association française des marchés financiers (AMAFI) et directeur général délégué de la Fédération bancaire française (FBF), constatait lors de son audition que pendant des années la CNIL et d’autres AAI avaient émis des demandes qui s’avéraient contradictoires entre elles…

On a vu que l’une des raisons justifiant la création des AAI est la possibilité, pour ces organismes, de permettre une meilleure prise en compte des points de vue des personnes ou secteurs régulés. Les AAI répondent que leur mode de fonctionnement fait place à une large concertation, formalisée (groupes de travail, consultations publiques) ou non (auditions, réunions…). Ainsi à titre d’exemple l’ARCEP mentionne ses trois comités : prospective, consommateurs, interconnexion et accès. Chaque AAI indique développer ses techniques adaptées à son secteur.

Les rapporteurs estiment que les efforts réels des AAI en faveur d’une transparence de leur action doivent être maintenus : concertation préalable avec toutes les parties prenantes, politique de publication systématique, efforts d’explication et de motivation. Ils suggèrent en outre que les AAI effectuent des enquêtes de satisfaction des usagers, par exemple tous les trois ou quatre ans. En effet l’existence de structures de concertation ne garantit pas qu’elles soient réunies souvent, ni qu’elles fonctionnent de manière utile. Les AAI considèrent trop souvent que ce sont des instances top down, dans un schéma de haut en bas où elles expliquent aux personnes régulées comment il faut comprendre les choses, au détriment de la remontée d’information de type bottom up, des usagers vers l’autorité.

Une clarification des rôles entre le Gouvernement et les AAI quant à l’exercice de leurs attributions respectives est nécessaire. Le Gouvernement devrait pouvoir déférer devant le juge administratif les actes des AAI à portée règlementaire s’il estime que l’autorité sort de son champ de compétences ; il devrait en outre s’astreindre à le faire. Un mécanisme faisant intervenir le commissaire du Gouvernement pourrait ainsi être créé à cet effet.

Recommandation n° 3 : Encadrer l’élaboration des lignes directrices émises par les AAI.

– assurer la prise en considération suffisante de l’ensemble des parties prenantes des AAI par l’établissement de groupes de travail ou de consultations associant publics, partenaires et usagers ; assurer en particulier les conditions d’une consultation préalable des parties prenantes et une transparence suffisante lors de l’élaboration par les AAI de leurs lignes directrices ;

– permettre au commissaire du Gouvernement de solliciter une seconde délibération sur les projets de lignes directrices des AAI ;

– s’assurer que ces lignes directrices ne soient pas créatrices de règles empiétant sur le domaine de la loi et du règlement en prévoyant par exemple un mécanisme par lequel le commissaire du Gouvernement puisse déférer devant le juge administratif les actes des AAI à portée générale qu’il estimerait excéder leur champ de compétences.

d) Assurer un recours juridictionnel efficace contre les décisions des AAI

Le contentieux relatif aux actes règlementaires des AAI relève toujours du juge administratif ; celui relatif aux actes individuels (sanctions, autorisations, retraits, injonctions…) des AAI est éclaté entre l’ordre administratif et l’ordre judiciaire. Si la compétence du juge administratif semble aller de soi – elle est la règle la plus générale s’agissant d’organismes administratifs – le législateur et la jurisprudence (décision du Conseil constitutionnel du 23 janvier 1987 relative à la COB) ont pu admettre dans certains cas, comme pour le droit de la concurrence ou les marchés financiers, qu’il était préférable de réunifier sous le contrôle du seul juge judiciaire (en l’espèce la Cour d’appel de Paris) les contentieux qui par ailleurs lui étaient soumis. Il s’agit de créer des blocs de compétence dans « un souci de bonne administration de la justice » dès lors que les règles de compétence juridictionnelles ainsi voulues par le législateur sont « précises et limitées » ; il en est ainsi pour l’Autorité de la concurrence (depuis 1987), l’AMF (depuis 1989 avec la COB), l’ARCEP (depuis 2009 avec l’ART), la CRE (depuis 2000) et la HADOPI (depuis 2009).

Les résultats pratiques de ce mode de répartition des compétences n’ont répondu que très imparfaitement à l’objectif recherché d’unification des contentieux au profit de l’ordre judiciaire, les mécanismes adoptés réservant une part de compétence à l’ordre administratif, ce qui constitue une difficulté supplémentaire pour les justiciables. Ainsi la compétence du juge judiciaire s’étend à la plupart des décisions individuelles de l’AMF, à l’exception notable des sanctions, pour lesquelles le critère de répartition de compétences entre les deux ordres de juridiction est rationae personae, selon la catégorie de professionnels régulés, et ce quel que soit le manquement constaté. Marielle Cohen–Branche, conseiller à la chambre commerciale de la Cour de cassation, membre de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF), comptabilisait que depuis 2004, 56 recours avaient été portés devant le Conseil d’État contre 45 devant la cour d’appel ; pour être complet, la Cour de cassation a ensuite, sur ces 45 recours, été conduite à se prononcer dans 28 pourvois (50). S’agissant de l’Autorité de la concurrence, le partage des compétences est rationae materiae : la Cour d’appel de Paris est uniquement appelée à statuer sur les recours en annulation ou en réformation dirigés contre ses décisions, ce qui signifie que les recours en indemnisation restent de la compétence du juge administratif. De plus la compétence de la Cour d’appel n’est pas effective à l’égard des actes de puissance publique de l’Autorité de la concurrence (par exemple organisation d’un service public).

Il résulte de cette dualité de juridiction un facteur de complication inutile pour les personnes ou secteurs régulés par les AAI. Cette dualité, très critiquée par la doctrine, entraîne le risque de traitements différents pour un même manquement en termes de procédure comme de jurisprudence (ainsi, le recours devant la Cour d’appel de Paris peut être suivi d’un pourvoi en cassation, et non le recours devant le Conseil d’État). M. Jean Massot, président de section au Conseil d’État, membre de la CNIL et de la CADA, constatait néanmoins une certaine convergence des deux ordres(51). Les efforts d’information mutuels effectués par les juridictions administratives et judiciaires, s’ils sont réels, ne peuvent que tempérer les inconvénients d’une situation qui en soi n’est pas satisfaisante.

M. Daniel Labetoulle, président de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers, estimait lors de son audition par le Groupe de travail que la dualité de juridiction n’avait pas d’autre justification que des raisons historiques. Les rapporteurs estiment qu’il faut en tirer les conséquences et remédier à cet état de fait.

Le contrôle juridictionnel des actes des AAI se pose avec une particulière acuité pour les sanctions qu’elles infligent. Le Conseil constitutionnel, après avoir dans un premier temps été réticent (décision des 10 et 11 octobre 1984), a ensuite amorcé progressivement un revirement de jurisprudence où il a été amené à reconnaître la possibilité pour le CSA et la COB (52) de disposer d’un pouvoir de sanction (respectivement décisions du 17 janvier 1989 et du 28 juillet 1989). Le Conseil exige que ce pouvoir soit précisément encadré par le législateur. Il a prévu une double réserve, tenant d’une part au fait que cette faculté n’est concédée aux AAI que « dans la limite nécessaire à l’accomplissement de leur mission » et, d’autre part, que « la sanction susceptible d’être infligée est exclusive de toute privation de liberté ». Il a également assorti ce pouvoir de sanction des AAI de fortes garanties procédurales (recours juridictionnel, procès équitable…) et de fond (principe de légalité des incriminations possibles, principe de proportionnalité), notamment pour sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garanties.

Le Conseil constitutionnel a ainsi tout récemment annulé la disposition de la loi « HADOPI 1 » permettant à la haute autorité de suspendre l’accès Internet des contrevenants aux dispositions protectrices des droits d’auteur, au motif qu’il s’agit de la privation du droit fondamental à l’information et à la communication. Il en serait évidemment de même de la privation de la liberté individuelle, qui est placée sous la protection de l’autorité judiciaire (article 66 de la Constitution).

Un tel pouvoir de sanction n’est détenu que par un nombre réduit d’AAI, dont certaines ont un rôle primordial dans la régulation de l’économie de certains marchés : CNIL, CSA, CRE, AMF, ARCEP, Autorité de la concurrence. Les autorités nouvellement créées ACP et HADOPI en sont également dotées, de même que, dans un champ plus particulier, l’AFLD.

Le Conseil constitutionnel a admis qu’il puisse y avoir cumul de sanctions administrative et pénale sous réserve que le montant global ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues (décisions du 28 juillet 1989 et du 30 décembre 1997). Ce cumul n’est cependant ni compris ni admis par tous les professionnels. Pour l’AMF, on dénombre en moyenne annuelle une vingtaine d’ouvertures de procédures pénales en complément de la sanction administrative (2005–2009) (53).

Recommandation n° 4 : Unifier les compétences des juridictions pour les recours contre les actes individuels des AAI.

– définir dans chaque loi créant une AAI la compétence juridictionnelle pour les recours contre leurs actes individuels, en l’unifiant soit au sein de l’ordre administratif, soit au sein de l’ordre judiciaire.

II.– UN EFFORT DE RATIONALISATION EST MAINTENANT NÉCESSAIRE

Force est de constater que jusqu’à présent le processus de création des AAI n’a pas semblé obéir à un plan d’ensemble cohérent et logique. Chaque création ne fait que répondre à un besoin spécifique pour résoudre un problème particulier. Au fil des ans, les structures subsistent et se superposent, sans qu’à aucun moment on s’interroge sur la persistance de leur utilité. C’est le « principe de maintien » ou « principe de croissance » de Spinoza(54). Les rapporteurs estiment que les AAI sont maintenant en trop grand nombre et qu’il faut envisager une rationalisation du dispositif institutionnel.

A.– LA CRÉATION DES AAI N’A PAS RÉPONDU À UNE LOGIQUE D’ENSEMBLE COHÉRENTE

Le législateur doit « n’utiliser qu’à bon escient la formule des AAI », comme le disait justement le Conseil d’État dans son étude de 2001, en soulignant que l’AAI « ne saurait devenir le mode d’administration de droit commun ». Dans la mesure où une telle autorité est porteuse des inconvénients inhérents à tout démembrement de l’administration, sur le plan fonctionnel comme au regard de la légitimité démocratique, ces inconvénients doivent être plus que compensés par l’importance particulière qui s’attache, dans le domaine considéré, à ce que l’action administrative présente les caractéristiques spécifiques d’indépendance, d’expertise et de continuité. Il convient de rappeler que, en dehors du schéma classique des services de l’État, d’autres choix institutionnels que le recours à la formule de l’AAI peuvent répondre aux exigences de chaque cas d’espèce : commission consultative, établissement public…

Les rapporteurs estiment qu’il convient de s’assurer que, pour tel ou tel organisme, le choix de recourir à une AAI plutôt qu’à une autre solution institutionnelle se justifie bien, ou se justifie encore. Cela doit conduire à rappeler les raisons qui justifiaient, à l’origine, le choix de cette solution institutionnelle, ainsi qu’à mesurer la pérennité de ces raisons. L’indépendance ne doit pas priver le Gouvernement, en particulier, des moyens de faire face à ses responsabilités, qu’il s’agisse de la sauvegarde de l’ordre public, des intérêts généraux de la collectivité ou des orientations de politique générale.

Il y a lieu de se féliciter à cet égard des dispositions nouvelles sur les études d’impact inscrites dans la loi organique du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34–1, 39 et 44 de la Constitution :

« Chapitre II : dispositions relatives à la présentation des projets de loi prises en vertu de l’article 39 de la constitution

Article 8

Les projets de loi font l’objet d’une étude d’impact. Les documents rendant compte de cette étude d’impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d’État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent. (…) »

Les études d’impact relatives aux projets de loi créant des AAI ou accroissant les missions des AAI existantes devront permettre à la représentation nationale d’évaluer :

– « l’articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur ou en cours d’élaboration », pour voir dans quelle mesure la création d’une AAI résulte d’une obligation communautaire ;

– « l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées », pour apprécier l’insertion des AAI dans l’ensemble des autres structures administratives et indiquer dans quelle mesure une AAI est plus efficace qu’une administration traditionnelle ;

– « l’évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l’emploi public », pour connaître les besoins en personnel de l’autorité à horizon de cinq ans.

1.– Les bonnes raisons de la création des AAI

La fonction de régulation est commune à toutes les AAI. Il importe de le rappeler, régulation n’est ni législation ni réglementation, ni administration. La régulation s’attache à une application des textes au plus près des évolutions d’un secteur soit très concurrentiel, soit présentant une sensibilité sociale particulière. L’organe de régulation se doit d’être expert du secteur en cause et susceptible, mieux que le Parlement ou le Gouvernement, d’adopter rapidement des textes ou des décisions applicables aux personnes et organismes régulés.

● Indépendance, impartialité, continuité des interventions de l’État au–delà des alternances politiques

Tant pour les libertés publiques que pour la régulation économique, l’État a ressenti le besoin que les décisions soient prises de façon indépendante du pouvoir politique.

L’étude du Conseil d’État de 2001 notait que « parmi les justifications essentielles qui ont pu être avancées pour la création des AAI, figure le souci d’offrir à l’opinion une garantie d’impartialité renforcée des interventions de l’État ». La raison première de la création des AAI est bien d’assurer la neutralité et l’impartialité de l’action publique, pour « protéger les gouvernés du risque de politisation excessive ».

Les AAI ne sont d’ailleurs pas les seules administrations à être indépendantes. On peut citer par exemple la Banque de France, dont l’indépendance est garantie par les traités européens, ou encore les jurys d’examen, qui délibèrent de façon souveraine. Dans certains pays européens, la banque centrale a d’ailleurs le même statut que d’autres agences autonomes.

● Efficacité, réactivité

La deuxième raison de la création des AAI découle du constat que le temps des affaires, ou de la vie sociale, n’est pas compatible avec le temps de l’administration ou a fortiori de la justice.

Plusieurs AAI se voient imposer des délais impératifs pour leurs prises de décision dans leurs textes constitutifs. Toutes s’efforcent d’être les plus réactives possible pour répondre au plus vite et au plus près aux besoins des secteurs régulés. Ainsi le Médiateur du cinéma organise–t–il une réunion toutes les semaines afin qu’avant le mercredi, date de sortie en salle des films, les litiges soient résolus.

● Technicité, professionnalisme, proximité avec les secteurs régulés

Toutes les parties prenantes des AAI auditionnées par le Groupe de travail ou consultées par les rapporteurs ont insisté sur la proximité réelle que les AAI ont pu instaurer avec les secteurs régulés. Il apparaît un besoin évident d’expertise technique, en étroite association avec les professionnels pour l’élaboration et la mise en œuvre des règles. Ce besoin est d’autant plus grand que les domaines régulés recouvrent des matières évolutives qui imposent l’immédiateté.

Le régulateur doit s’adapter à l’évolution des besoins et des marchés ; il fait évoluer en permanence la règle pour mieux suivre l’évolution des comportements sur le terrain et l’inventivité des opérateurs.

● Obligation communautaire

Les directives européennes exigent souvent une organisation indépendante. Il en est ainsi des instances de régulation des secteurs nouvellement ouverts à la concurrence. À ce sujet les rapporteurs notent la nécessité d’une coopération entre les AAI des différents États membres, voire des autres pays, intervenant sur le même sujet. Il s’agit d’un élément important d’attractivité de la France.

● Nouveau mode d’exercice du pouvoir

Au–delà de toutes ces raisons prises individuellement, la création des AAI est la réponse apportée, dans notre pays, à la demande de formes nouvelles de management public, sur le modèle des agences anglo–saxonnes ou scandinaves. Il s’agit de développer la médiation – économique ou sociale –, le règlement des différends, le compromis négocié, les recommandations, les décisions en équité plutôt qu’en droit. L’objectif de transparence accrue de l’action publique fait également partie des éléments recherchés.

Tous ces éléments concourent à une meilleure efficacité de l’action publique, dans le cadre d’une démarche de performance.

2.– Les mauvaises raisons

● Affichage politique

« Un problème, une commission » : la prise en compte excessive des considérations de court terme comporte le risque que la solution d’un problème soit souvent constituée par la création d’une commission – en l’occurrence d’une AAI.

Depuis plusieurs années on évoque régulièrement l’idée de la création d’une autorité indépendante pour compter les manifestants, ainsi tout récemment après les polémiques sur les chiffres de participation aux manifestations contre la réforme des retraites. Cette question est devenue, depuis plusieurs années, un enjeu de libertés publiques. Plutôt que de créer une AAI spécifiquement dédiée à cette tâche, les rapporteurs estiment que l’on pourrait réfléchir à l’idée de la confier à une AAI existante, par exemple celle appelée de leurs vœux et qui regrouperait les AAI intervenant en matière de vie politique(55).

Autre exemple, le ministre de la Culture, M. Frédéric Mitterrand, proposait la création d’un médiateur de la création audiovisuelle le 4 octobre 2010 à Cannes, dans un discours prononcé à l’occasion de l’inauguration du Marché international des contenus audiovisuels (Mipcom) : « Ainsi, la mise en place d’un médiateur de la création audiovisuelle est une voie à explorer. Il serait un référent en matière d’accès aux oeuvres pour les diffuseurs de télévision et pour les éditeurs de VOD. Le médiateur du cinéma a prouvé son efficacité : il ne peut être transposé tel quel ; mais il peut en revanche être une source d’inspiration. Il nous faut innover, expérimenter, en poursuivant un seul but : améliorer la circulation des programmes au bénéfice de l’ensemble des diffuseurs, télévisions et médias audiovisuels à la demande, mais aussi in fine pour améliorer l’accès aux oeuvres pour tous nos concitoyens. » Comme le note le ministre lui–même, il existe déjà un médiateur du cinéma, et on pourrait d’abord examiner la possibilité de lui confier des missions nouvelles en matière audiovisuelle avant de créer une nouvelle AAI.

A contrario un exemple intéressant est constitué par l’extension du domaine de l’AMF à la régulation du marché très spécifique de permis d’émission de CO2 (assimilable sous bien des aspects à un marché financier). En effet, un amendement du rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, M. Philippe Marini, adopté par celle–ci, tend à mettre en œuvre les principales recommandations du rapport de M. Michel Prada demandé par Mme Christine Lagarde sur la régulation de ces marchés. La loi de régulation bancaire et financière créerait ainsi un gendarme des marchés des droits d’émission de CO2, chargé de les surveiller et de les contrôler. Cette mission est confiée à l’AMF, en coopération avec la CRE, qui détient une compétence et une expertise fortes en matière de marchés de l’énergie, dont le développement influence de manière très significative le marché des quotas. Bluenext, champion français et principale plate–forme sur le marché au comptant du CO2 en Europe, deviendrait ainsi un marché réglementé, plus sûr et mieux régulé, une condition indispensable pour son développement européen. Cette solution va bien dans le sens préconisé par les rapporteurs de ne pas créer de nouvelles AAI dès qu’il y a un nouveau besoin.

● Défiance vis–à–vis de l’administration traditionnelle ou des juridictions

La création des AAI part souvent du constat, avoué ou non, de l’impuissance de l’administration, jugée incapable de remplir les missions que l’on attend d’elle. Ainsi la création de la HALDE a souvent été justifiée par la difficulté qu’ont nos concitoyens à faire valoir leurs droits devant les tribunaux, alors qu’un rôle dynamisé du Parquet aurait pu y remédier(56). La généralisation de ce type de raisonnement entraîne le risque que la multiplication des AAI ne provoque une méfiance croissante des citoyens à l’égard de l’administration.

La création d’agences autonomes aux États–Unis a constitué une réponse à l’absence de fonction publique et à la pratique des « dépouilles » (spoil system), alors qu’a contrario, en France la neutralité politique de l’administration est mieux garantie.

Le principe d’impartialité de l’action administrative constitue dans notre pays un principe général du droit administratif qui est reconnu par la jurisprudence(57). Il découle d’une certaine manière du principe d’égalité des citoyens devant la loi, et donc devant le service public. Les professeurs Jean–Louis Autin et Catherine Robot notent dans leur manuel de droit administratif général (58) qu’il appartient aux agents publics de « faire preuve de neutralité et d’impartialité dans le traitement des affaires publiques ». L’étude de 2001 du Conseil d’État sur les AAI note que l’administration doit faire preuve d’objectivité et que le juge administratif peut rechercher les motifs réels de la décision et la censurer, le cas échéant, pour défaut de partialité. Les rapporteurs estiment pour leur part que des marges de progression existent en matière de neutralité de l’administration, contre le risque de politisation.

Comme l’a estimé le professeur Pascale Idoux lors de sa réunion de travail avec les rapporteurs, les AAI sont en avance sur les administrations traditionnelles. L’administration française est réputée secrète et fermée ; elle craindrait de « contaminer » l’intérêt général en le confrontant aux intérêts privés ; elle reste réticente à importer les bonnes pratiques du modèle anglo–saxon : impartialité, déontologie, réactivité, souplesse, consultation, négociation, professionnalisme, transparence, proximité avec les administrés, médiation, règlement des différends non contentieux, sanctions administratives… Sur tous ces domaines, l’efficacité de l’administration peut et doit progresser. Rien n’interdit – au contraire – à l’administration traditionnelle d’utiliser toute la palette d’instruments et d’outils qu’ont su se forger les AAI. Il en est notamment ainsi de l’association des parties prenantes à l’élaboration de la réglementation, par exemple avec la prépublication des projets de décisions nominatives ou individuelles, comme le pratiquent la CRE et l’ARCEP.

Dans son étude de 2001, le Conseil d’État proposait à juste titre de « renforcer la crédibilité des structures classiques de l’État » en insistant sur deux éléments fondant l’efficacité, « la gestion du temps et l’adaptation constante aux réalités de terrain ». L’administration s’est vue contrainte de réduire ses délais avec la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : le délai au terme duquel le silence gardé par l’administration sur une demande vaut rejet de celle–ci est réduit de quatre à deux mois ; les régimes de décision implicite d’octroi d’autorisations sont développés. Les juridictions administratives ne sont pas en reste : la procédure du référé administratif a été instaurée par la loi du 30 juin 2000.

● Manque de courage politique

Un Gouvernement, quel qu’il soit, qui ne veut pas assumer la responsabilité politique d’un sujet sensible ou complexe, peut céder à la tentation de se défausser sur une AAI. Le Professeur Marie–Anne Frison–Roche a en outre montré, dans son étude réalisée, en 2006, pour l’Office parlementaire d’évaluation de la législation (OPEL), qu’il existe une « mauvaise raison » de créer une autorité administrative indépendante, ou à tout le moins une « raison contingente » : « le désir du Gouvernement de se défausser pour ne pas avoir à supporter des choix requis ou subir l’impopularité de certaines décisions nécessaires ».

Les rapporteurs se doivent de mentionner que l’une des raisons qui a conduit à la création du Médiateur national de l’énergie, fin 2006, a été que le Gouvernement devait préparer l’ouverture à la concurrence le 1er juillet 2007 du marché de l’électricité pour les particuliers. Une information des Français s’imposait. Plutôt que de la prendre en charge directement, avec un risque d’impopularité, le Gouvernement a alors décidé de confier la mission de mener une grande campagne d’information conjointement à la CRE, chargée plus particulièrement de l’ouverture à la concurrence des marchés, et au nouvellement créé Médiateur national de l’énergie, censé être plus proche des préoccupations des usagers.

Les rapporteurs peuvent également citer les allers–retours sur la fixation des tarifs de l’énergie. À la suite de longues controverses, une formule de fixation des tarifs a été définie par le Gouvernement et mise en œuvre par la CRE. Le prix du gaz a augmenté fortement cette année en application d’une formule de calcul. C’est l’explication donnée par le Gouvernement face aux critiques des associations de consommateurs. Or il apparaît que l’application de la formule risque d’entraîner de nouvelles hausses avant la fin de l’année. On ne peut dans ces conditions que s’interroger sur les déclarations récentes de la ministre de l’Économie en vue de réexaminer cette formule, qui dépendrait trop des contrats à long terme passés par GDF Suez, et pas assez des prix instantanés constatés sur le marché. Sans bien sûr se prononcer sur le prix du gaz, qui n’entre pas dans l’objet du présent rapport, les rapporteurs s’interrogent sur le partage des compétences entre la ministre et la commission…

3.– Les risques d’une multiplication incontrôlée

Les rapporteurs attirent l’attention sur les risques d’une multiplication incontrôlée des AAI.

– Le risque de démembrement de l’État

Que reste–t–il à l’administration centrale quand il crée une AAI dans un secteur ? Le ministre ne se prive–t–il pas de leviers d’action importants ? Ne court–il pas le risque de perdre le contrôle d’un pan entier de sa politique alors même que c’est lui qui in fine est responsable politiquement devant le Parlement et devant les électeurs, de l’action conjointe de ses services et des AAI.

Avec l’accélération de leur rythme de création, les AAI risquent de vider de leurs compétences les ministères. L’administration se prive d’une expertise propre, d’une connaissance de terrain, dont seuls disposent les AAI en charge des tâches opérationnelles. Rien n’oblige les AAI à fournir des informations aux ministères. Dès lors, les administrations deviennent dépendantes des AAI dans leurs activités de pilotage, conception, réglementation ou législation.

– Le risque de complexité du dispositif institutionnel

La multiplication des AAI entraîne automatiquement des problèmes de frontières avec un risque accru de chevauchements ou de conflits de compétences. Dans le domaine de la régulation économique, l’Autorité de la concurrence a développé des relations étroites avec les autorités sectorielles (ARCEP, CRE, CSA…). Un citoyen s’estimant victime d’une discrimination de la part d’une administration publique doit–il s’adresser au Médiateur de la République ou à la HALDE ? Les parents d’un enfant faisant face à des difficultés doivent–ils contacter le Médiateur de la République ou le Défenseur des enfants ? Un détenu s’estimant victime d’agissements indus de l’administration pénitentiaire doit–il contacter la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) ou le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) ?

Un vrai problème de lisibilité du dispositif institutionnel se pose au citoyen. Mme Valérie Gervais, présidente de Conso–France, association regroupant sept organisations de défense des consommateurs, déclarait lors de son audition par le Groupe de travail que les AAI sont encore trop peu connues du grand public.

La multiplication des AAI entraîne également une fragmentation, un émiettement de l’action publique. Il s’en suit une absence de vision d’ensemble des problèmes qui, bien que relevant d’AAI différentes, présentent un certain nombre d’analogies.

– Le risque que le système devienne vite incontrôlable

On a vu que les 42 AAI existant aujourd’hui représentent encore des enjeux limités en matière de crédits et d’effectifs. Ces enjeux augmenteront mécaniquement à proportion de leur multiplication. Un risque certain provient du fait que les AAI arguent de leur indépendance pour solliciter des moyens financiers que les administrations traditionnelles ne peuvent obtenir dans le contexte budgétaire actuel très contraint. De même les AAI peuvent entraîner une dérive des dépenses de personnel.

Face à ces risques, les rapporteurs estiment qu’il convient de mieux définir les cas dans lesquels une AAI peut se justifier. Pour cela, ils préconisent l’utilisation d’une grille d’analyse pour la création des AAI. Une tentative de grille d’analyse est présentée en annexe au présent rapport(59). La création des nouvelles AAI pourrait être limitée à une durée définie a priori, par exemple cinq ans. Les commissions permanentes des Assemblées devraient réévaluer périodiquement la justification des AAI existantes.

– Les tentations de création de nouvelles AAI ne manqueront pas…

Les rapporteurs notent les tentations que pourrait avoir le Gouvernement à transformer en AAI certaines structures administratives traditionnelles ou autonomes.

Il en est ainsi des grandes agences sanitaires, dont certaines pourraient prétendre à l’indépendance tout autant que la HAS(60).

Le rapport d’information (n° 2164) publié en février 2010 par la commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale, mentionne page 25 une proposition tendant à ce que la législation française « anticipe l’application de règles européennes en plaçant le BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyses) sous le contrôle d’une autorité indépendante qui pourrait s’agréger à un réseau mieux que ne le ferait une administration. » Le décret du 9 juillet 2008 portant organisation de l’administration centrale du ministère de l’Écologie dispose qu’actuellement le BEA est un simple service de ce ministère. La directive communautaire (n° 94/56/CE) précise que « l’enquête, systématique en cas d’accident ou d’incident grave, doit être conduite par un organisme spécialisé permanent ou sous son contrôle, que cet organisme doit être fonctionnellement indépendant des autorités aéronautiques responsables de la navigabilité (…). » La procédure judiciaire en cours relative à l’accident du Concorde, par exemple, soulève une fois de plus l’éventuel biais du BEA en faveur des intérêts d’Air France et du constructeur du Concorde, au détriment notamment des victimes et leurs familles.

Les rapporteurs notent que la Commission de sécurité des consommateurs (CSC) est une AAI alors que l’Institut national de la consommation (INC) est un établissement public et que la Commission des clauses abusives (CCA) n’est qu’une simple commission administrative. La loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, par une disposition issue d’un amendement gouvernemental, intègre les services de la CSC et de la CCA dans ceux de l’INC. Les avis de ces deux commissions sont désormais instruits par des services communs, placés sous l’autorité du directeur de l’INC. Les collèges de ces deux commissions conserveront toutefois leurs présidents issus de la magistrature et leur statut d’AAI. La loi complète le nouvel ensemble ainsi constitué en créant une Commission de la médiation de la consommation qui n’a pas le statut d’AAI. Celle–ci n’effectuerait pas directement des missions de médiation mais serait chargée de la mise en cohérence des nombreuses formes de médiation existantes (au sein des entreprises, dans les organismes publics, sous forme associative…). Ces efforts de rapprochement ne dissipent pas les interrogations sur la cohérence d’ensemble du dispositif administratif relatif à la défense des consommateurs et ne préjugent pas d’une possible simplification ultérieure. On sait que dans d’autres pays existent des agences exécutives autonomes chargées de la défense des consommateurs…

La ministre de l’Économie a installé officiellement le 22 février dernier l’Autorité des normes comptables (ANC), dont le caractère d’indépendance n’est pas évident(61). Et que dire de l’Autorité de la statistique publique (ASP) en liaison avec l’INSEE, qui est un service du ministère de l’Économie ? Il revient au Parlement de concevoir une doctrine cohérente permettant de décider dans quels cas un organisme peut devenir une AAI.

Recommandation n° 5 : Évaluer la création et le maintien des AAI.

– mieux définir les cas dans lesquels la création d’une AAI se justifie ;

– créer les nouvelles AAI pour une durée limitée a priori, par exemple cinq ans ;

– faire réévaluer périodiquement par les commissions permanentes des Assemblées la justification des AAI existantes ;

– utiliser une grille d’analyse commune pour la création et la réévaluation périodique des AAI.

B.– LA NÉCESSITÉ D’UNE RATIONALISATION

Nous avons sans doute atteint un stade où il y a trop d’AAI en France, avec les risques d’incohérence de l’action publique et de chevauchements des compétences qui s’ensuivent. Il faut maintenant cesser cette « course à l’échalote » où l’on crée toujours plus d’AAI : il est tout aussi important de savoir finir que de savoir commencer ce mouvement.

Les rapporteurs font dans le présent rapport des propositions de rationalisation pour les AAI présentant les enjeux les plus importants et qui ont fait l’objet d’auditions(62). Il incombera aux commissions permanentes des Assemblées de réexaminer le bien fondé des AAI qui n’ont pas pu être étudiées en détail, faute de temps dans le cadre du présent rapport, et d’examiner dans le plus grand détail les modalités optimales de réalisation des rapprochements préconisés par le présent rapport (63).

Trois modalités sont examinées : les regroupements, les suppressions et les transformations.

1.– Les regroupements

Les auditions et consultations effectuées par les rapporteurs ont montré que deux principes s’opposaient : d’un côté le principe de spécialité permet l’affirmation d’un pôle de compétence ; de l’autre une taille critique est nécessaire pour optimiser les coûts de gestion et bénéficier d’une influence et d’une notoriété suffisantes.

La tendance au regroupement s’est déjà manifestée, au moins pour les autorités financières. En 2003, l’AMF est issue de la fusion de la Commission des opérations de bourse (COB), du Conseil des marchés financiers (CMF) et du Conseil de discipline de la gestion financière (CDGF). En 2005, l’ACAM regroupe plusieurs AAI chargées de la régulation des assurances et des mutuelles. Cette année, en 2010, la création de l’ACP est résultée de la fusion de trois AAI – la Commission bancaire, la CECEI et l’ACAM – ainsi que du Comité des entreprises d’assurance (CEA), qui n’était pas considéré comme une AAI (64).

Les réticences initiales émanant des compagnies d’assurance à un regroupement de leur régulateur avec celui des banques est dans la nature des choses. La fusion est effective depuis le mois de mars 2010 et plus aucune critique n’est entendue depuis sur la création de la nouvelle autorité.

Cette orientation doit être fermement soutenue.

La continuation du mouvement de regroupement des AAI n’est pas une tâche aisée tant les missions que chacune d’elle exerce sont spécifiques. Un juste équilibre doit être trouvé entre regroupement et préservation de la spécificité.

D’un côté, toutes les AAI créées jusqu’à présent ont un domaine de compétence spécifique qui requiert une expertise particulière. On pourra argumenter sans fin sur le fait de savoir si la défense des droits des usagers de l’administration requiert les mêmes compétences que la défense des droits des enfants ou la lutte contre les discriminations. Il en est de même pour le respect de la concurrence sur les marchés financiers, pour les banques, pour l’énergie ou tout autre secteur économique.

D’un autre côté, le regroupement d’AAI exerçant des missions proches permet d’atteindre une taille critique qui entraîne aussi une plus grande notoriété. Les grandes autorités bénéficient d’une couverture médiatique plus importante et sont donc mieux connues des citoyens. Le poids et l’influence de l’autorité en sont augmentés d’autant. D’autre part, une taille plus importante permet des économies d’échelle dans la gestion des fonctions support : gestion des ressources humaines (GRH), immobilier, comptabilité, achats… Le regroupement doit être une source d’économies par les mutualisations, les synergies qu’il suscite.

Les rapporteurs ont auditionné plusieurs présidents d’AAI qui leur ont exprimé leurs craintes de voir cesser l’activité de leur autorité en invoquant la perte que cela constituerait pour l’action publique en termes de connaissances, d’expérience et de spécialisation. Ils estiment néanmoins que l’action des AAI de trop petite taille, même spécialisées, est moins efficace que celles qui ont atteint une taille critique.

Il s’agit donc de trouver la taille critique qui permette d’optimiser l’influence et la gestion d’une AAI. Les rapporteurs estiment que chaque opération de regroupement devra être étudiée avec attention pour établir un bilan coûts avantages.

Sont présentées ci–après les propositions de regroupement préconisées par les rapporteurs à la suite des auditions qu’ils ont réalisées au cours du premier semestre 2010. Une solution complémentaire consistant à effectuer un regroupement géographique de petites AAI ou d’AAI intervenant dans des domaines proches doit également être envisagée.

a) Les autorités en charge des libertés publiques

Il aurait pu être envisagé de créer une grande autorité en charge des libertés publiques : Médiateur de la République, Défenseur des enfants, HALDE, Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), voire Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), CNIL, CADA… C’est le modèle de l’Ombudsman parlementaire, en Suède, ou du Protecteur du citoyen, dans la province du Québec. Mais la création d’une telle autorité en France aurait nécessité une garantie d’indépendance que seule pourrait apporter une élection par le Parlement. Ce n’est malheureusement pas le cas, l’article 71–1 de la Constitution, tel qu’il résulte de la réforme constitutionnelle de 2008, disposant en effet que le Défenseur des droits est désigné par le Président de la République. Les rapporteurs estiment que l’on ne pourrait s’engager sur une telle voie qu’après une révision constitutionnelle préalable.

Les projets de loi organique et de loi ordinaire (n° 610 et 611) déposés au Sénat le 9 septembre 2009, tels qu’ils résultent de leur première lecture dans cette assemblée, proposent la fusion du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), et, sur l’initiative du Sénat, de la HALDE. Les rapporteurs considèrent que les avantages d’un tel regroupement au sein du futur Défenseur des droits l’emportent sur ses inconvénients. La nouvelle institution atteindra la taille critique et gagnera en notoriété, ce que n’a jamais réellement obtenu le Défenseur des enfants ; elle gagnera en autorité et en reconnaissance professionnelle, ce que n’a jamais réellement obtenu la HALDE.

Les rapporteurs se sont rendus en Suède où ils ont constaté un mouvement de regroupement de différents Ombudsmans, mais où a été préservée la spécificité de l’Ombudsman des enfants. Dans ce pays, l’Ombudsman contre les discriminations est issu de la fusion entre les quatre Ombudsmans contre les discriminations raciales, pour l’égalité des chances, le handicap et l’orientation sexuelle. La raison principale invoquée, lors de la mission des rapporteurs, par les autorités suédoises en faveur de la préservation de l’Ombudsman des enfants, résidait non pas dans la spécificité de cette mission, mais dans le fait que celui–ci n’a qu’un pouvoir de conseil et d’information, alors que l’Ombudsman contre les discriminations remplit également une fonction de médiation. Cette différence fondamentale n’existe pas en France, où Défenseur des enfants et HALDE exercent chacun des fonctions de médiation.

● Les rapporteurs sont favorables à l’inclusion des fonctions de la HALDE dans le futur Défenseur des droits. Certes le Médiateur de la République est compétent en matière de relations entre les usagers et l’administration et la HALDE est compétente pour les plaintes des personnes victimes de discriminations, qu’elles soient le fait d’administrations ou de personnes privées. Mais ces deux domaines d’activité ressortissent tous deux de la protection des libertés publiques et des droits fondamentaux. Une autorité unique, par sa simplicité, aurait le mérite de présenter une lisibilité forte vis–à–vis des citoyens. Mme Marie–Anne Frison–Roche, estimait dans l’étude réalisée en 2006 pour l’OPEL que « sans même revenir sur l’articulation difficile du fait que les champs sont trop proches, entre la HALDE et les juridictions, si l’on estime que le Médiateur de la République est en charge de la justesse des rapports sociaux, alors la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité auraient pu lui revenir ».

● Les rapporteurs proposent un regroupement immédiat entre la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), qui remplissent des fonctions très proches. Ces deux autorités ont de grandes affinités et un positionnement symbolique très proche. La CNDS est en effet également compétente à l’égard du personnel pénitentiaire. Les deux autorités ont d’ailleurs dû conclure une convention pour délimiter leurs compétences en milieu pénitentiaire : la CNDS intervient quand il s’agit de contrôler les agissements d’un membre du personnel pénitentiaire, le CGLPL étant compétent pour les problèmes relatifs au fonctionnement global d’un centre de détention. Il s’agirait, en fusionnant la CNDS et le CGLPL, de créer un « Contrôleur général de la sécurité » dans notre pays.

Les rapporteurs ne sont pas opposés à un regroupement des deux autorités chargées de la déontologie de la sécurité précitées au sein du Défenseur des droits, mais ils estiment qu’il ne pourra intervenir qu’au terme du mandat de l’actuel CGLPL, M. Jean–Marie Delarue, c’est–à–dire en juin 2014. Il s’agit de lui laisser le temps de terminer, au cours d’une mandature complète, les missions importantes qu’il a entreprises depuis son entrée en fonction en juin 2008, comme il l’a exprimé lors de son audition par le Groupe de travail. De la même façon, la CNDS a rencontré dans les premières années de son fonctionnement de fortes réticences à son action au sein des forces de sécurité. Son président, M. Roger Beauvois, a mesuré le chemin parcouru en dix ans lors de son audition par le Groupe de travail.

● Les rapporteurs estiment que dans ce mouvement de regroupement il convient, comme l’a fait le Sénat en première lecture, de maintenir une certaine autonomie aux fonctions relatives aux droits des enfants et à la lutte contre les discriminations. Ils approuvent donc la création du poste de Défenseur des enfants et du poste d’adjoint à la lutte contre les inégalités au sein de l’institution du Défenseur des droits, avec pour cet adjoint un collège spécifique pour l’aider dans ses tâches. Une telle séparation fonctionnelle permet en effet de préserver, au sein du Défenseur des droits, la sensibilité particulière que constituent ces deux missions spécifiques. De même les rapporteurs se prononcent pour la création d’un adjoint chargé de la déontologie dans le domaine de la sécurité, avec un collège spécifique, quand le « Contrôleur général de la sécurité » sera intégré dans le Défenseur des droits. Le citoyen a besoin d’être assuré que les personnes et les services qui sont chargés de le défendre respectent scrupuleusement les principes déontologiques que l’on est en droit d’attendre d’eux.

● Les rapporteurs ont entendu, lors des auditions menées par le Groupe de travail, les souhaits des deux directions du ministère de l’Intérieur (direction des Libertés publiques et des affaires juridiques – DLPAJ et direction générale de la Police nationale – DGPN) d’une clarification des compétences de la CNIL et de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), la DGPN proposant même de les fusionner. Les rapporteurs se prononcent clairement pour un rapprochement de ces deux autorités. Une telle fusion donnerait une plus grande visibilité, un poids plus important aux recommandations de la CADA, sachant que cette autorité pâtit de sa taille qui demeure réduite et d’une notoriété insuffisante. La CADA est en outre chargée de la réutilisation des informations publiques, domaine de compétence partagé avec la CNIL. Elle dispose d’un pouvoir de sanction depuis l’ordonnance du 6 juin 2005 contre les personnes qui réutilisent des informations publiques en méconnaissance des prescriptions du chapitre II de la loi du 17 juillet 1978 consacrant le droit de réutilisation. Il faudra bien sûr prévoir un mécanisme particulier lorsque la demande d’accès aux documents administratifs concernera les missions qui sont actuellement confiées à la CNIL.

b) Les autorités en charge de la surveillance de la vie politique

Les rapporteurs ont été très favorablement impressionnés par l’institution du Directeur général des élections au Canada et dans la province du Québec.

Sur ce modèle, ils préconisent le regroupement, au sein d’une Haute autorité en charge de la surveillance de la vie politique et des élections, des AAI suivantes :

– Commission nationale des comptes de campagne et financements politiques,

– Commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l’élection du Président de la République,

– Commission des sondages,

– Commission pour la transparence financière de la vie politique.

Cette nouvelle autorité pourrait également inclure une compétence consultative en matière de redécoupage électoral, sur le modèle du Directeur général des élections du Québec, en lui confiant les tâches actuellement exercées par la commission prévue par l’article 25 de la Constitution(65), dont les compétences seraient ainsi très sensiblement élargies.

Une synergie résulterait mécaniquement du regroupement des différentes autorités en charge des élections. L’activité, par définition cyclique, de ces autorités serait ainsi lissée dans le temps.

Des économies d’échelle sont évidemment à attendre de ces regroupements. Le président de la Commission nationale des comptes de campagne et financements politiques indiquait, lors de son audition par le Groupe de travail, que sur les 2 000 m2 dont dispose la commission, 1 100 m2 ne sont pas occupés en permanence…

S’agissant d’une autorité intervenant au cœur de la vie démocratique, les rapporteurs se prononcent pour que la désignation de son président soit effectuée par le Parlement à la majorité qualifiée des trois cinquièmes.

c) Les conséquences de la convergence numérique

La France connaît la concomitance de deux autorités en charge de l’audiovisuel et des télécommunications, le CSA et l’ARCEP, alors que plusieurs autres pays disposent d’une seule et même autorité pour réguler ces deux secteurs.

Les rapports de la Cour des comptes de 2006 et 2009 sur le CSA et l’ARCEP mettaient en évidence une gestion éclatée du spectre des fréquences dans notre pays (CSA, ARCEP et Agence nationale des fréquences – ANFr). C’est le Premier ministre qui définit les fréquences ou bandes de fréquences radio électriques qui sont affectées aux administrations ministérielles, au CSA et à l’ARCEP. Pour son compte, l’ANFr assure la planification, la gestion et le contrôle de l’utilisation, y compris privative, du domaine public des fréquences radioélectriques. Elle prépare la position française et coordonne l’action de la représentation française dans les négociations internationales.

 La Cour des comptes a questionné ce mode de gestion des fréquences : « la question de l’opportunité du maintien de la gestion du spectre par deux organismes distincts utilisant par ailleurs des modes de gestion très différents se pose ». Dans la phase contradictoire suivant le rapport de la Cour, l’ARCEP a estimé qu’une évolution de la répartition des missions entre le CSA, l’ARCEP et l’ANFr était envisageable, mais pas un rapprochement CSA–ARCEP. Le CSA a estimé que « les deux activités de gestion des fréquences ne gagneraient rien à être rapprochées car elles portent sur des contenus très différents avec des objectifs économiques, sociaux et culturels eux aussi très différents ».

Au–delà de la gestion des fréquences, plusieurs voix se prononcent pour un rapprochement entre le CSA et l’ARCEP. Dans sa réponse au questionnaire des rapporteurs, le MEDEF estime que « la question d’un rapprochement entre le CSA et l’ARCEP peut légitimement être posée ». Consultées par les rapporteurs, la Confédération nationale des radios associatives (CNRA), la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère de l’Économie, Canal +, la RATP et Numéricâble constatent tous un partage de compétences complexe entre l’ARCEP et le CSA. Partant de ce constat largement partagé, les avis diffèrent sur les solutions à apporter, soit le maintien de deux autorités avec une refonte de leurs compétences, soit une fusion pure et simple. Une solution alternative à la fusion serait une rationalisation de la régulation : à l’ARCEP la régulation des réseaux, au CSA la régulation des contenus. Le Professeur Marie–Anne Frison–Roche, dans l’étude réalisée pour l’OPEL en 2006, estimait que « la convergence en matière de télécommunications et d’audiovisuel rend moins évidente la distinction précédente entre le contenant et le contenu, ce qui remet en discussion la distinction entre l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (le contenant) et le Conseil supérieur de l’Audiovisuel (le contenu) ».

Quelle est la justification du « modèle français » d’un régulateur propre au secteur audiovisuel, alors que les États–Unis, suivis de la Grande–Bretagne, de l’Espagne puis de l’Italie, ont adopté le modèle du régulateur unique pour l’audiovisuel et les communications électroniques ?

La convergence numérique pose le problème de la déspécialisation des réseaux (usages audiovisuels ou communications électroniques) et du dividende numérique (revendication des fréquences laissées par les chaînes audiovisuelles à la suite de l’abandon de la TNT). Le passage au numérique, avec la multiplication des possibilités d’émettre (internet, téléphonie mobile…), bouscule le mode de régulation du CSA fondé sur l’attribution gratuite de ressources rares (fréquences) en contrepartie d’obligations (quotas…).

M. Paul Champsaur, ancien président de l’ARCEP, s’exprimait le 24 décembre 2008 à quelques jours de la fin de son mandat, sur l’impact de la convergence entre les réseaux et les contenus sur le rôle de l’ARCEP et du CSA. « L’ARCEP n’a aucun pouvoir sur les contenus et ne cherche pas à en avoir. Mais toutes sortes de contenus passent maintenant sur les réseaux télécoms tandis que l’importance du réseau hertzien va en déclinant. Donc, la logique de la régulation des médias en France par l’intermédiaire des fréquences (héritée de la TV analogique) devra à terme être remise en cause. Le CSA est un régulateur sociétal, protecteur des libertés publiques. Il faut réfléchir aux instruments de régulation nécessaire à ses missions. L’attribution des fréquences aux chaînes n’est plus un instrument pertinent. Dans un contexte de pénurie croissante de fréquences pour les services sans fil, il est normal que l’État réfléchisse à une meilleure utilisation de ce bien public en faveur du développement économique. Par ailleurs, il y a une question de concurrence portant sur les effets de leviers entre les secteurs des télécoms et des médias : si on n’y prend pas garde, il y a un risque d’avoir des opérateurs dominants verticalement intégré qui ne rendraient certains contenus premium accessibles qu’aux clients sur leur réseau. Je ne pense pas que cette perspective soit bonne ni pour le marché ni pour la société. Mais je crois le Conseil de la concurrence parfaitement en mesure de traiter le sujet. »

La Commission pour la libération de la croissance française, dite « commission Attali », a d’ailleurs préconisé de coordonner l’ARCEP et le CSA. Pour elle « La convergence entre téléphonie fixe et mobile, télévision et accès à Internet est devenue aujourd’hui une réalité. Elle concerne aussi bien les réseaux que les terminaux ou les services. Internet a permis l’éclosion d’offres triple–play ou quadruple–play. La vidéo à la demande se développe. Le très haut débit renforcera encore cette convergence, qui pousse les entreprises à s’intégrer verticalement afin de proposer au client final des bouquets de services attractifs, relevant aussi bien de la communication audiovisuelle que des communications électroniques.

L’exigence de mobilité crée également une demande plus forte d’accès au spectre hertzien pour des usages extrêmement variés (téléphonie, télévision mobile personnelle, etc.).Pourtant, l’organisation de la régulation reste marquée en France par une séparation « verticale » entre l’univers audiovisuel régulé par le CSA, aussi bien en ce qui concerne les réseaux (fréquences de diffusion) que les contenus (radio, télévision) et le monde des communications électroniques dont les règles relèvent entièrement de l’ARCEP. La révolution numérique appelle pourtant des arbitrages procédant d’une vision d’ensemble, notamment en ce qui concerne la gestion et l’attribution des ressources hertziennes aux différents opérateurs.

Le renforcement de l’efficacité de la régulation peut trouver deux types de réponse : soit un rapprochement institutionnel sur les modèles américain, britannique ou italien, soit, plus efficacement, une meilleure articulation des responsabilités de chacun des régulateurs en distinguant plus clairement leurs fonctions : la régulation éthique des contenus, confiée au CSA ; la régulation économique et technique des supports, relevant de l’ARCEP. »

Le phénomène de convergence numérique bouscule les secteurs de l’audiovisuel et des communications électroniques. Les sociétés de télévision sont de plus en plus concurrencées par les opérateurs de télécommunications. En 1980 la diffusion de la télévision ne s’effectuait que par deux canaux : la voie hertzienne et le câble. Deux canaux de diffusion supplémentaires sont apparus :

– depuis les années 1980, le satellite avec l’émergence d’une offre record au niveau du nombre de chaînes ;

– depuis 2005 par l’Internet  via le fil du téléphone(66), la France étant le pays le plus avancé en la matière, au travers du triple–play avec des forfaits à moins de 30 euros par mois.

Concomitamment, chacun de ces canaux est devenu numérique. En réaction au développement de la vidéo à la demande (podcasting, flux RSS…), la télévision traditionnelle a tenté de développer la TV interactive et a développé une déclinaison de ses contenus sur Internet, sur les consoles et les téléphones mobiles. Malgré une résistance des journalistes, une certaine mutualisation de salles de rédaction (télévision, radio, internet) est intervenue.

Un certain nombre d’opérateurs de télécommunications se positionnent au niveau de la distribution de programmes audiovisuels à la demande, achètent des droits sportifs ou cinématographiques, créent des chaînes, construisent des studios et deviennent aussi producteurs, programmateurs et diffuseurs de contenus à part entière. Le groupe France Telecom est présent sur ces axes de diversification avec la chaîne Orange–TV. Les télévisions nationales se retrouvent devant des opérateurs de télécommunications d’une taille et d’une capacité d’investissement en moyenne dix fois supérieures aux leurs. Le marché est persuadé que le temps du contenu à la demande est venu. Pourtant deux ans après ces premiers affrontements, la pénétration du marché n’est pas au rendez–vous. Le plus gros du scénario de la télévision du futur doit encore être écrit…

La convergence numérique entraîne un besoin d’expertise accru du CSA en technologies numériques. Une synergie pourrait intervenir avec les ingénieurs au service de l’ARCEP. Une mise en commun des services techniques permettrait une meilleure maîtrise de la technologie. Une mise en commun des moyens de recherche et développement accroîtrait les compétences en matière de régulation technique et économique (concurrence). Bien sûr la mise en commun des fonctions support engendrerait des économies.

Les rapporteurs ont constaté, lors de leur déplacement au Canada, qu’une seule autorité régulait les deux secteurs de l’audiovisuel et des télécommunications. À propos de l’argument invoqué par le président de l’ARCEP lors de son audition par le Groupe de travail, selon lequel les pays anglo–saxons ne disposent pas de législation sur les contenus audiovisuels, les rapporteurs ont pu constater que ce pays a conçu une régulation des contenus au moins aussi importante qu’en France. Ils proposent donc d’envisager une fusion du CSA et de l’ARCEP. Pour ne pas entraver les travaux en cours, cette fusion pourrait intervenir après le 30 novembre 2011, date du passage intégral et exclusif de la télévision au numérique.

Dans ce contexte les rapporteurs s’interrogent sur la justification de l’existence de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI). Il s’agit une fois de plus d’une réponse ponctuelle à un problème spécifique. Certes la création d’une nouvelle autorité indépendante chargée de surveiller le respect des droits et de lutter contre le piratage jouit d’une visibilité maximale pour les auteurs. Mais on peut se demander pourquoi l’ARCEP, chargée de réguler les communications électroniques, dont fait partie l’Internet, ne pourrait pas en être chargée. A contrario, les difficultés rencontrées par la HADOPI sont patentes : l’envoi des premières lettres d’avertissements a été retardé de semaine en semaine ; un des principaux fournisseurs d’accès, Free, a annoncé publiquement qu’il ne souhaitait pas relayer les messages d’avertissement auprès de ses abonnés… Les rapporteurs sont donc d’avis d’intégrer la HADOPI dans l’autorité qui remplacera à la fois le CSA et l’ARCEP.

Se pose également la question des compétences exercées de fait par le Forum des droits de l’Internet, qui n’est qu’une association. Le Forum des droits sur l’internet se définit comme un organisme indépendant de corégulation de l’Internet permettant la mise en œuvre concrète de cette démarche multi–acteur. Il associe, dans une structure de gouvernance innovante, représentants de l’État, du secteur privé et de la société civile. Son domaine de compétence couvre l’ensemble des aspects de politique publique liés au développement de la société numérique sur le plan des contenus et des usages. Sans être un organe de supervision, et dépourvu d’une capacité de décision en propre, le Forum assume cependant un rôle de facilitation, en liaison étroite avec les autorités publiques en particulier. Il agit de sa propre initiative ou à la demande des autorités publiques ou d’autres acteurs, selon les modalités prévues dans sa charte. Le Forum est organisé autour de quatre missions : la concertation, l’information et la sensibilisation, la médiation et la coopération internationale.

d) Faut–il deux autorités en charge de l’énergie ?

Les auditions effectuées par le Groupe de travail des présidents de la CRE et du Médiateur national de l’énergie (MNE) soulèvent plusieurs questions.

En premier lieu, la loi a confié une mission d’information des consommateurs qui est partagée entre les deux autorités.

Ensuite, le MNE exerce deux missions de nature très différente, d’une part l’information des consommateurs (qui implique par définition une large publicité des travaux), et, d’autre part, la médiation des litiges (qui nécessite la confidentialité). Pourquoi le MNE a–t–il fait le choix, atypique au sein de l’Union européenne, de publier ses recommandations en les rendant anonymes, en ce qui concerne les litiges entre consommateurs et fournisseurs ?

Par ailleurs, les rapporteurs s’interrogent sur l’articulation de la deuxième mission du MNE, la médiation des litiges entre fournisseurs et consommateurs, avec celle des médiateurs internes aux fournisseurs d’énergie (médiateurs d’EDF et de GDF Suez en particulier). N’y a–t–il pas un risque que les fournisseurs d’énergie ne transfèrent insidieusement au MNE une part importante de la charge de leurs opérations de médiation, à une époque où celles–ci augmentent de façon importante ? Le MNE regrette que, dans 60 % des saisines recevables, le consommateur n’ait pas reçu de la part du médiateur de son fournisseur une réponse dans le délai de deux mois….

En outre, le délégué général du MNE exerce à mi–temps une fonction en tant que conseiller du président de la CRE. Ce partage est–il compatible avec l’indépendance des deux autorités, si celle–ci est réellement justifiée ? Enfin, les deux autorités indépendantes sont maintenant regroupées géographiquement sur le même site.

Les responsables de l’Office des transports du Canada ont indiqué aux rapporteurs, lors de leur mission à Ottawa, qu’ils ne voyaient pas d’inconvénient à ce qu’un seul et même organisme s’occupe à la fois de la régulation économique (concurrence entre les entreprises de transport) et des relations entre ces entreprises et leurs usagers. Ils précisent qu’il leur a fallu néanmoins instaurer une séparation fonctionnelle stricte à l’intérieur de l’Office entre ces deux missions.

Les rapporteurs proposent en conséquence la fusion de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et du Médiateur national de l’énergie (MNE), qui permettra une rationalisation des missions et des moyens, sous réserve que l’activité de médiation demeure gérée par un service spécifique au sein de l’entité unique.

e) Quelle(s) autorité(s) en charge de la concurrence ?

À côté de l’Autorité de la concurrence, qui a une compétence horizontale, plusieurs autres autorités sont en charge de la régulation des secteurs provenant d’un monopole d’État et qui se sont récemment ouverts à la concurrence : énergie, communications électroniques, poste, audiovisuel, activités ferroviaires, jeux en ligne…

M. Jean–Marc Sauvé, vice–président du Conseil d’État, indiquait lors de son audition par le Groupe de travail que l’Autorité de la concurrence devrait à terme de 10 ou 20 ans fusionner avec les différentes autorités sectorielles de régulation (CRE, ARCEP…), une fois l’ouverture à la concurrence établie dans des secteurs où prévalait un monopole historique. Dans sa réponse au questionnaire des rapporteurs, le MEDEF estime qu’il « faudrait avoir une répartition plus nette des compétences entre les autorités à compétence générale telle que l’Autorité de la concurrence et les autorités sectorielles telles que la CRE et l’ARCEP ».

Le maintien de régulateurs économiques sectoriels comporte le risque de capture par le secteur régulé, comme l’indiquait le président de l’Autorité de la concurrence lors de son audition par le Groupe de travail. L’OCDE recommande d’ailleurs que l’autorité de la concurrence conserve une compétence de principe et que la régulation sectorielle ne soit confiée à des agences spécialisées que pour conduire la transition à partir d’une situation de monopole d’État.

Une solution alternative est constituée par le cas allemand où coexistent deux entités :

– l’une, très ancienne, en charge notamment du droit de la concurrence, de la répression des ententes et des cartels, qui s’appelle le Bundeskartellamt. C’est l’équivalent – et même l’ancêtre – de notre Autorité de la concurrence ;

– l’autre, très récente, issue de la fusion des régulateurs de réseaux, activités monopolistiques (et donc non concurrentielles) et dont les prix sont donc régulés, la Bundesnetzagentur (67), employant 2 500 personnes, qui couvre notamment les télécommunications, la poste, l’énergie et le transport ferroviaire. Cette seconde autorité a, pour l’énergie, une activité très focalisée sur ces questions de réseaux sous monopole (accès des tiers au réseau, validation des tarifs de transport, etc.), et ne s’intéresse que marginalement au fonctionnement des marchés.

Les rapporteurs se prononcent pour un regroupement à terme, au sein de l’Autorité de la concurrence, des autorités de régulation sectorielles (CRE, ARAF, ARJEL), une fois accomplies les opérations de libéralisation du marché et instaurée une situation de concurrence où les parts de marché de l’opérateur historique et des nouveaux entrants s’équilibrent. L’ARCEP et le CSA, dont le rapprochement bilatéral est souhaité par les rapporteurs, resteraient à l’écart en raison du fait qu’ils traitent de « biens culturels » échappant à une logique purement économique. Les rapporteurs proposent de procéder tous les cinq ans à un réexamen de la justification des autorités sectorielles.

f) Procéder au regroupement géographique

Au–delà de ces regroupements et fusions, et dans le respect de leur indépendance, les rapporteurs souhaiteraient que l’on procède au regroupement géographique des AAI de petite taille ou intervenant dans des secteurs proches ou connexes.

Ces regroupements géographiques permettraient de mutualiser les moyens logistiques des AAI concernées : immobilier, GRH, gestion comptable, informatique, salles de réunion, centre de documentation, marchés publics, achats, logistique, accueil et sécurité, standard téléphonique, cafétéria et restauration, transports… On se rappelle que seules une quinzaine d’AAI emploient plus de 20 agents, et n’ont donc pas la taille critique pour gérer ces fonctions support.

Un exemple pourrait être constitué par le projet de regroupement sur un site unique des locaux du Médiateur de la République (et donc futur Défenseur des droits) et d’autres AAI compétentes en matière de droits et libertés publiques. Est envisagée l’occupation de l’immeuble domanial situé au 20, avenue de Ségur, Paris 7e Arrondissement. Cet immeuble, récemment libéré par l’ancien ministère de l’Écologie, est dans un état de fort délabrement et nécessite 60 millions d’euros de travaux et 20 millions de travaux supplémentaires pour une mise aux normes du Grenelle de l’environnement(68).

Recommandation n° 6 : Regrouper certaines AAI pour optimiser la répartition des compétences et réduire les dépenses de fonctionnement.

– regrouper au sein du Défenseur des droits, prévu par la Constitution, le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) ;

– regrouper la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) pour créer un « Contrôleur général de la sécurité » ;

– intégrer le « Contrôleur général de la sécurité » dans le Défenseur des droits à l’issue du mandat de l’actuel Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) prévu en juin 2014 ;

– intégrer à terme la Commission nationale du débat public (CNDP) dans le Défenseur des droits, selon les modalités décrites dans la recommandation n° 9 ;

– regrouper la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) pour créer une autorité unique en charge du traitement des données ;

– regrouper dans le cadre de la convergence numérique le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI), en lien avec le Forum de l’Internet ; pour ne pas entraver les travaux en cours, cette fusion pourrait intervenir après le 30 novembre 2011, date du passage de la télévision hertzienne au numérique ;

– regrouper les deux AAI intervenant dans le domaine de l’énergie, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et le Médiateur national de l’énergie ;

– regrouper à terme au sein de l’Autorité de la concurrence les autorités de régulation économique sectorielles (CRE, Autorité de régulation des activités ferroviaires - ARAF…) actuellement chargées d’assurer la transition entre un monopole d’État et un marché concurrentiel ; procéder tous les cinq ans à un réexamen de la justification de ces autorités sectorielles ;

– procéder au regroupement géographique des autorités intervenant dans des domaines proches ou connexes ; mutualiser les moyens logistiques des AAI de petite taille (immobilier, gestion des ressources humaines, gestion comptable, informatique, salles de réunion, marchés publics, achats, logistique, transports…).

Recommandation n° 7 : Créer une Haute autorité chargée de la transparence de la vie politique.

– créer une Haute autorité chargée de la transparence de la vie politique qui regrouperait la Commission nationale des comptes de campagne et financements politiques (CNCCFP), la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l’élection du Président de la République (CNCCEREPR), la Commission des sondages, la Commission pour la transparence financière de la vie politique (CTFVP) ; confier à cette autorité une compétence consultative en matière de redécoupage électoral en lui confiant les tâches actuellement exercées par la commission prévue par l’article 25 de la Constitution ; préconiser que son président soit élu par le Parlement à la majorité qualifiée des trois cinquièmes.

2.– Les suppressions

Les auditions réalisées par le Groupe de travail laissent les rapporteurs dubitatifs sur l’utilité de maintenir deux AAI : la Commission des participations et des transferts (CPT) et la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC).

La CPT a été créée en 1986 pour participer aux opérations de privatisations. Le rythme des privatisations a bien évidemment été très variable depuis lors. Quelle a été l’activité de cette commission en période de crise des marchés financiers, depuis deux ans ? Le président de la Commission reconnaissait lors de son audition par le Groupe de travail que son institution avait été au chômage technique à la fin de l’année 2008 et pendant les huit premiers mois de l’année 2009 (arrêt complet des opérations). Ce n’est qu’au printemps 2009 que le Gouvernement a confié à la CPT la tâche – hors champ de compétence – de l’évaluation des fréquences de la quatrième licence de téléphonie mobile. D’évidence un organisme autonome permanent chargé des privatisations n’est pas nécessaire, et il conviendrait de confier cette tâche à une autre structure.

Les rapporteurs s’interrogent également sur l’utilité de la CNAC. Entre 1993 et 2008, la Commission nationale d’équipement commercial – CNEC (ancêtre de la CNAC) a annulé 1 885 refus départementaux(69), alors qu’elle a annulé seulement 388 autorisations départementales (sur un total de 4 335 saisines). Le même déséquilibre intervient en 2008 avec 123 refus départementaux annulés et seulement 18 autorisations départementales annulées (sur un total de 240 saisines).

Peut–on dire que la législation française en matière d’aménagement commercial a freiné la croissance des centres commerciaux, alors qu’entre 1997 et 2008 :

– le nombre annuel d’autorisations d’ouvertures est passé de 1,1 à 3,1 millions de m2, et le nombre de refus d’ouvertures n’a progressé que de 600 000 m2 à 1 million de m2,

– le taux d’autorisation (en nombre) est passé de 68 % à 86 %,

– la surface moyenne des projets est passée de 981 à 1 576 m?

Est–il judicieux à l’expérience de déposséder largement les élus territoriaux et le Gouvernement de leur responsabilité en matière d’aménagement commercial, pour s’en remettre à une commission nationale indépendante qui n’est peut–être pas non plus à l’abri de pressions ou de conflits d’intérêts ?

Les rapporteurs s’interrogent sur l’avantage comparatif du dispositif spécifique des Commissions départementales et nationale d’aménagement commercial par rapport à un mode de gestion administrative plus classique, par exemple le rattachement des autorisations d’implantation commerciales au droit commun de l’urbanisme (PLU), sous le contrôle direct du juge administratif.

Cette question est de la compétence de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale. Son président, M. Patrick Ollier, a déposé avec M. Michel Piron le 3 mai 2010 une proposition de loi (n° 2490) relative à l’urbanisme commercial dans laquelle il propose la suppression des CDAC et de la CNAC, avec en contrepartie la création d’un observatoire régional d’équipement commercial chargé d’assurer la cohérence de la couverture du territoire en termes d’équipements commerciaux. Cette proposition de loi a été adoptée en première lecture le 16 juin dernier et est maintenant en cours d’examen au Sénat.

Les rapporteurs s’interrogent également de l’utilité du maintien de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA), dont l’audition du président n’a malheureusement pas pu prendre sa place dans le programme du Groupe de travail. L’utilité de la création de cette autorité était manifeste en raison de l’échec des administrations traditionnelles à gérer le problème : direction générale de l’Aviation civile (DGAC), absence de coordination de l’action de l’État (préfectures)…. Le premier président de l’ACNUSA, M. Roger Léron, estimait qu’au bout de cinq années de fonctionnement(70), et après un travail approfondi avec les parties prenantes, un climat de confiance avait été rétabli et que les différents services de l’État avaient été remis en ordre de marche. Il indiquait dans le rapport d’activité de 2005 et dans le rapport de bilan d’activité (2000 2005) que l’autorité avait alors failli conclure à sa propre suppression : « notre plus grande fierté aurait été de constater que, la régulation fonctionnant de façon correcte, l’ACNUSA pouvait être supprimée. Or l’évaluation réalisée à notre demande et l’opinion de la plupart des acteurs montrent que l’existence d’un "arbitre" est encore nécessaire ».

Recommandation n° 8 : Supprimer les AAI qui ont d’ores et déjà perdu leur justification, voire leur utilité.

– supprimer la Commission des participations et des transferts (CPT) en confiant les missions qu’elle accomplit à une autre AAI de nature financière ;

– supprimer la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) en réintégrant l’urbanisme commercial dans l’urbanisme général.

3.– Les transformations

Les rapporteurs ont participé le 6 janvier 2010 à une réunion de la Commission nationale du débat public (CNDP). A cette occasion, il leur a été relaté que lors d’une réunion–débat sur les nanotechnologies, les participants avaient été retranchés dans une salle et que très peu de personnes savaient qu’elle avait lieu, alors qu’un tel débat devrait être l’occasion d’exprimer la plus grande transparence.

Les rapporteurs s’interrogent sur le fonctionnement de la CNDP et plus largement, sur l’organisation des grands débats publics en France. Est–ce le rôle d’une AAI ? Dans plusieurs pays occidentaux (Allemagne, Danemark, Espagne, Belgique, Canada…) sont maintenant organisés des « jurys citoyens », « conférences de citoyens » ou autres « panels de citoyens ». En Allemagne les jurys citoyens (Bürgerforum) sont notamment utilisés depuis 2001 dans 17 quartiers de Berlin pour discuter de leur budget. Ils sont constitués pour majorité de résidents tirés au sort (quelle que soit leur nationalité) auxquels se joignent des représentants d’associations locales. Le nombre de jurés est fixé à un pour mille habitants. En Belgique c’est un organisme privé à but non lucratif, la Fondation pour les générations futures, qui a conduit depuis 2001 plusieurs expériences de panel citoyen. Au Québec, le Directeur général des élections a mandaté l’Institut du nouveau monde pour concevoir et animer un jury citoyen sur le financement des partis politiques de la province. Les 12 jurés ont participé à deux jours d’auditions et deux jours de délibérations en janvier 2010.

Les rapporteurs proposent de transformer la CNDP en scindant ses activités en deux :

– l’organisation des grands débats d’ampleur nationale serait confiée au Parlement ;

– la CNDP resterait compétente pour l’organisation des seuls débats d’intérêt local ou régional (infrastructure de transport…).

Ils se prononcent pour que les activités restant à la charge de la CNDP soient à terme intégrées dans le Défenseur des droits, avec la création d’un adjoint au débat public doté d’un collège spécifique.

Les rapporteurs préconisent pour ce faire la constitution d’un office parlementaire de la participation, qui serait commun à l’Assemblée et au Sénat et composé de telle façon qu’il permette un fonctionnement consensuel entre la majorité et l’opposition. D’ailleurs l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a été à l’initiative de la toute première conférence de citoyens en France en 1998, sur le thème des OGM. Cette fonction ressortit bien de la vocation du Parlement, en ce sens qu’elle lui fournira un matériau pour l’examen de futurs textes législatifs. Qui mieux que le Parlement lui–même pourrait disposer de l’indépendance nécessaire – et surtout de la légitimité – pour organiser de tels débats publics ?

Recommandation n° 9 : Transformer et intégrer à terme la Commission nationale du débat public (CNDP) dans le Défenseur des droits.

– transformer la Commission nationale du débat public (CNDP) en scindant ses activités en deux : l’organisation des grands débats d’ampleur nationale serait confiée au Parlement ; la CNDP resterait compétente pour l’organisation des seuls débats d’intérêt local (infrastructure de transport…) ;

– intégrer à terme la CNDP au sein du Défenseur des droits, avec la création d’un adjoint au débat public doté d’un collège spécifique.

C.– LA NÉCESSITÉ D’UNE CLARIFICATION

1.– Les compétences des différentes AAI présentent des risques de chevauchement

La Cour des comptes a examiné, à partir de juillet 2006, l’activité et la gestion des trois principales autorités de contrôle et de régulation financière : la Commission bancaire, l’ACAM et l’AMF. Elle a souhaité une clarification des compétences entre l’ACAM et l’AMF, notamment dans le domaine de la publicité et de la commercialisation des produits financiers. Le problème est toujours d’actualité depuis la fusion de l’ACAM avec la Commission bancaire et le CECEI dans l’ACP.

MM. Jean–Pierre Jouyet, président de l’AMF, et Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France et président de l’ACP, ont signé le 30 avril 2010 la convention qui organise le fonctionnement du pôle commun constitué entre les deux autorités afin de renforcer le contrôle de la commercialisation des produits financiers. La mise en place de ce mécanisme de coordination entre l’ACP et l’AMF répond à l’objectif d’améliorer la protection des clients en prenant en compte l’imbrication croissante entre les différents produits d’épargne et le développement d’acteurs à même de distribuer toute la gamme des produits financiers. La coopération n’est pas une nouveauté pour les deux autorités qui procèdent de longue date à des échanges d’informations et font couramment usage de la délégation dans le cadre de leur activité de contrôle. Mais la mise en place du pôle commun va lui donner un nouvel élan et permettre l’émergence d’une approche harmonisée en matière de contrôle de la commercialisation et d’une protection homogène des clients quel que soit le canal de distribution du produit financier. Le pôle commun ne modifie pas la répartition des pouvoirs de chaque autorité, chacune conservant sa compétence propre, notamment s’agissant des suites des contrôles diligentés et des éventuelles sanctions qui en découleraient.

Avec plus de 40 AAI, les risques de chevauchements de compétences sont multiples, notamment entre :

– Autorité de la concurrence et autorités sectorielles de régulation économique (CRE, ARCEP, CSA, ARJEL, ARAF…) ;

– CADA et CNIL (traitement des données) ;

– CNDS et CGLPL (administration pénitentiaire) ;

– Médiateur de la République, HALDE et Défenseur des enfants (protection des droits et libertés publiques).

Le présent rapport fait (cf. supra) plusieurs propositions de rapprochement d’AAI qui devraient limiter ces chevauchements de compétences. Pour les AAI maintenues qui auraient toujours des domaines de compétence en partie communs, la loi devrait prévoir, dès leur création, des mécanismes appropriés assurant leurs bonnes relations : participation croisée dans les collèges, avis croisés, échange d’informations…

L’amendement parlementaire adopté à L’Assemblée nationale dans le cadre de la discussion du projet de loi de régulation bancaire et financière prévoyant la participation du président de l’AMF au collège de l’ACP, de même que celle d’un représentant de la Banque de France au collège de l’AMF prévue depuis 2003, va clairement en ce sens.

Recommandation n° 10 : Préciser les missions des AAI, notamment pour éviter les recouvrements entre elles.

– déterminer avec précision dans la loi les missions des différentes AAI pour éviter les chevauchements de compétences ; organiser dans la loi les relations des AAI qui doivent agir de concert sur des domaines communs.

2.– Les compétences respectives des AAI et des autres administrations publiques intervenant dans les mêmes domaines n’excluent pas les risques de doublons

Le Groupe de travail a auditionné les administrations dont sont issues les principales AAI. Les rapporteurs se sont interrogés sur le partage des compétences qui en résultait.

Peuvent également être mentionnées les compétences partagées entre :

– le ministère de l’Économie et la CRE pour la fixation du prix du gaz et de l’électricité ;

– le Médiateur national du cinéma, qui est une AAI, et le Centre national du cinéma (CNC), qui est un établissement public.

– la Commission de la sécurité des consommateurs (CSC), qui est une AAI, et l’Institut national de la consommation (INC), qui est un établissement public.

L’Autorité de la concurrence est issue de la fusion de l’ancien Conseil de la concurrence avec une partie de la direction générale de la concurrence, de la Consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère de l’Économie, pour le contrôle des concentrations économiques. La création de l’Autorité de la concurrence lui a permis de mener en propre des enquêtes et investigations, alors qu’avant le Conseil de la concurrence devait les sous–traiter à la DGCCRF. Il reste, que comme l’ont expliqué le président de l’Autorité de la concurrence et la directrice générale de la DGCCRF lors de leur audition respective par le Groupe de travail, l’Autorité de la concurrence ne peut totalement se passer du travail des délégations locales de la DGCCRF, qui assurent un maillage étroit du territoire. Une coopération entre les deux structures est donc encore nécessaire. Les relations peuvent se détériorer quand les deux structures ne sont pas d’accord, ainsi lors de la procédure de sanction du « cartel de l’acier ». Certes c’est la Cour d’appel de Paris qui a tranché le différend, mais avec un procureur de la République et un commissaire du Gouvernement auprès de l’Autorité de la concurrence qui désavouaient le montant de la sanction infligée par l’autorité.

Une Commission nationale de la vidéosurveillance a été créée auprès du ministre de l’Intérieur par le décret du 15 mai 2007. Placée sous la présidence de M. Alain Bauer, cette commission est un organisme consultatif chargé de donner un avis au ministre de l’Intérieur sur les évolutions techniques et les principes d’emploi des systèmes de vidéosurveillance. Les contrôles par les commissions départementales de vidéosurveillance et l’autorisation préfectorale concernent uniquement les dispositifs installés sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public. La CNIL est en revanche compétente pour les dispositifs de vidéosurveillance privés. Dans le même temps, la direction des Libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l’Intérieur remet à la CNIL un rapport annuel consacré à la vidéosurveillance. Le projet de loi (n° 1697) d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure « LOPPSI2 », déposé le 27 mai 2009, proposait de confier à la Commission nationale de vidéosurveillance un pouvoir de contrôle au niveau national, en complément de celui conféré aux commissions départementales de la vidéosurveillance.

À la suite de la première lecture au sénat, achevée le 9 septembre 2010, un nouveau partage des tâches est proposé entre la CNIL et la Commission nationale de vidéosurveillance. La Commission des lois du Sénat a profondément remanié le projet de texte, en confiant à la CNIL la mission de contrôle des installations de vidéosurveillance, soit sur demande des commissions départementales soit de sa propre initiative.

Le texte adopté confère à la CNIL, sans modifier le régime existant d’autorisation par les commissions départementales de la vidéosurveillance, un rôle de contrôle au niveau national de la licéité des dispositifs de vidéosurveillance tandis que la Commission nationale de la vidéosurveillance serait chargée de réfléchir aux conditions de développement de cette technique pour le renforcement de la sécurité publique. L’intervention de la CNIL est justifiée par son statut d’autorité indépendante, la compétence technique acquise par cet organisme et son implication actuelle dans l’autorisation des dispositifs de vidéosurveillance des lieux privés.

Le texte amendé prévoit, sur proposition du sénateur Alex Türk, par ailleurs président de la CNIL, que le contrôle de la CNIL soit effectué non seulement au regard de l’autorisation préfectorale délivrée, mais également par rapport aux grands principes de la protection des données personnelles fixés par les articles 1 et 34 de la loi « informatique et liberté » (protection de l’identité humaine et de la vie privée, absence d’utilisation par des tiers non autorisés,...). Lorsqu’elle interviendra dans le domaine de la vidéosurveillance, la CNIL exercera les prérogatives que lui attribue l’article 44 (contrôle de la mise en œuvre des traitements) de la loi « informatique et libertés ».

Les rapporteurs estiment que la vidéosurveillance est clairement un domaine dans lequel existent des risques relatifs aux données à caractère personnel et que le Sénat a eu raison d’en confier la surveillance à la CNIL. Ils s’interrogent néanmoins sur le maintien de la Commission nationale de vidéosurveillance, dans la mesure où sa disparition pure et simple aurait eu l’insigne avantage de supprimer une des nombreuses commissions du paysage administratif français.

Un autre exemple est constitué par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), indépendante, et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), établissement public placé sous l’autorité du ministère de l’Écologie. L’ASN utilise certains des services de l’IRSN pour mener des études techniques. Une difficulté résulte du fait que l’ASN n’a pas les moyens de vérifier les fondements de ces études et doit les accepter sans contre–expertise. Près de 100 agents issus de l’IRSN sont mis à disposition de l’ASN ; ils émargent au plafond d’emplois de l’IRSN et leur rémunération est remboursée par l’ASN. Quelque 400 autres agents de l’IRSN travaillent à temps plein pour l’ASN, sur un total de 850 ETPT que compte l’institut. L’argumentation avancée selon laquelle cette dichotomie a pour avantage le fait que l’ASN peut demander une contre–expertise à un autre organisme n’emporte pas vraiment l’adhésion…

Les rapporteurs s’interrogent également sur les rôles respectifs de l’ASN et du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire. Aux termes de l’article 24 de la loi du 13 juin 2006 modifiée relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, « le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire est une instance d’information, de concertation et de débat sur les risques liés aux activités nucléaires et l’impact de ces activités sur la santé des personnes, sur l’environnement et sur la sécurité nucléaire. À ce titre, il peut émettre un avis sur toute question dans ces domaines, ainsi que sur les contrôles et l’information qui s’y rapportent. Il peut également se saisir de toute question relative à l’accessibilité de l’information en matière de sécurité nucléaire et proposer toute mesure de nature à garantir ou à améliorer la transparence en matière nucléaire. Le Haut comité peut être saisi par les ministres chargés de la sûreté nucléaire, par les présidents des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, par le président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), par les présidents des commissions locales d’information ou par les exploitants d’installations nucléaires de base sur toute question relative à l’information concernant la sécurité nucléaire et son contrôle. »

Pour l’exercice de ses missions, et conformément à l’article 25 de la loi du 13 juin 2006, « le Haut comité peut faire réaliser des expertises nécessaires à l’accomplissement de ses missions et organiser des débats contradictoires. » Cet article prévoit également que « les personnes responsables d’activités nucléaires, l’Autorité de sûreté nucléaire ainsi que les autres services de l’État concernés communiquent au Haut comité tous documents et informations utiles à l’accomplissement de ses missions. »

Le Haut comité dispose actuellement d’un budget annuel de 150 000 euros inscrit au budget de l’État (programme 181 Prévention des risques). Il dispose également du support technique du ministère de l’Écologie (secrétariat du Haut comité, mise à disposition de locaux…).

M. Pierre–Franck Chevet, directeur général de l’Énergie et du climat (DGEC) au ministère de l’Écologie, indiquait lors de son audition par le Groupe de travail qu’il serait utile de clarifier les compétences respectives de l’ASN et du Gouvernement sur qui doit porter la parole de la France à l’étranger en matière de sûreté nucléaire, ainsi que sur la définition du standard de sûreté à appliquer aux centrales nucléaires quand elles auront plus de 40 années d’ancienneté.

Le même problème de partage de compétences existe dans les relations entre l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), avec une autorité fonctionnelle confiée à l’AFLD et une autorité hiérarchique au directeur régional.

Un dernier exemple est constitué par les multiples agences sanitaires. L’ordonnance du 7 janvier 2010 prise en application d’une habilitation législative porte création d’une Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), qui fusionne l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET). Répondant à une question des rapporteurs, le professeur Laurent Degos, président de la HAS, tentait une catégorisation du paysage institutionnel sanitaire :

– Sécurité : Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), Institut national de veille sanitaire (InVS), Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Institut national de radio protection (IRSN), Agence nationale de sécurité sanitaire – alimentation environnement ANSES (fusion de l’AFSSA et de l’AFSSET) ;

– Production, stockage approvisionnement et régulation : Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), Établissement français du sang (EFS) ;

– Qualité et santé publique : Haute autorité de santé (HAS), Institut national pour la prévention et l’éducation à la santé (INPES), Institut national du cancer (INCa), Agence nationale d’appui pour la performance des établissements sanitaires et médico–sociaux (ANAP), Agence nationale d’évaluation des établissements médico–sociaux (ANESM), Agence de biomédecine (ABM), Haut conseil de santé publique (HCSP) ;

– Système d’information : Agence technique de l’information hospitalière (ATIH), Agence des systèmes d’information partagés de santé (A SIP) ;

– Recherche : Institut national supérieur d’enseignement et de recherche médicale (INSERM), Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Agence nationale de recherche sur le Sida (ANRS), Agence nationale de recherche (ANR) ;

– Territoires : Agences régionales de santé (ARS).

La complexité est telle que le ministère de la Santé a dû créer un portail Internet spécifique pour les agences de santé(71).

Il y a lieu en particulier de réexaminer les compétences respectives de la HAS (qui est une AAI) et de l’AFSSAPS (qui est un établissement public) en matière de médicaments et autres dispositifs médicaux. Cette dernière est chargée de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) alors que première est chargée de leur bon usage… Comme l’indiquait M. Jean Marimbert, directeur général de l’AFSSAPS, lors de son audition par le Groupe de travail, les deux organismes utilisent d’ailleurs couramment les mêmes expertises, provenant des mêmes laboratoires et effectuées par les mêmes médecins, pour se prononcer sur ces médicaments et autres dispositifs médicaux. Des représentants de la commission de l’AMM de l’AFSSAPS participent d’ailleurs aux travaux de la commission de la transparence de la HAS… Les études post–AMM sont scrutées attentivement tant pas la HAS que par l’AFSSAPS ; certaines sont effectuées conjointement par les deux organismes.

Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le conseil de modernisation du 10 juin 2010 a constaté le fort éclatement des agences sanitaires nationales. Au–delà du regroupement déjà effectué au sein de l’ANSES, un des objectifs de la RGPP reste de regrouper des agences de santé. Les rapporteurs recommandent à la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale de procéder d’urgence à un réexamen détaillé de la cartographie des multiples agences sanitaires.

Recommandation n° 11 : Clarifier les compétences des AAI et des services des ministères.

– définir clairement le partage des compétences entre chaque AAI et les autres administrations d’État du même domaine de compétence, afin de supprimer les doublons ;

– en particulier intégrer au sein des AAI les services ministériels qui travaillent exclusivement pour elles, par exemple la partie de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) qui travaille pour l’Agence de sûreté nucléaire (ASN), ainsi que le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, ou encore la petite partie des services des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) qui travaillent pour l’Agence de française de lutte contre le dopage (AFLD) dans le cadre d’une convention prévue par la loi.

DEUXIÈME PARTIE : L’INDÉPENDANCE DES AAI NE PEUT PLUS S’ENTENDRE SANS UN RAPPROCHEMENT AVEC LE PARLEMENT

Indépendance ne saurait signifier irresponsabilité.

Dans le rapport de l’OPEL de 2006 précité, le sénateur Patrice Gélard notait déjà que « faute d’avoir accompagné la création des AAI des outils de reddition de comptes adaptés à leur place particulière dans notre organisation administrative, le Gouvernement et le Parlement ont pu favoriser une relative dilution de la responsabilité ».

Le professeur Pascale Idoux évoquait, lors de sa réunion de travail avec les rapporteurs, une « boucle de contrôle parlementaire en amont et en aval des AAI ». Il s’agit d’instaurer les conditions d’un rapprochement des AAI avec le Parlement, d’une part, lors des procédures de désignation du Président et des membres du collège et, d’autre part, pour une reddition de compte approfondie. Pour les AAI, un tel rapprochement du pouvoir législatif, loin de constituer une contrainte, accroîtrait au contraire leur indépendance en faisant prévaloir un meilleur équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif.

La mission effectuée par les rapporteurs au Canada a mis en évidence que l’ensemble des agences de ce pays sont soumises à une stricte obligation de rendre compte. Celle–ci est dénommée « accountability » en anglais, ou « imputabilité administrative » selon la formule utilisée au Québec(72). Dans ce pays comme dans les autres pays de droit anglo–saxon où existe une tradition ancienne d’agences administratives, on distingue la responsabilité administrative, qui caractérise les relations entre les agences et les pouvoirs politiques (accountability), de la responsabilité politique du gouvernement envers son parlement (responsibility).

I.– LES CONDITIONS DE L’INDÉPENDANCE DOIVENT ÊTRE ASSURÉES

A.– LES POINTS DE PASSAGE OBLIGÉS DE L’INDÉPENDANCE ORGANIQUE

1.– L’amélioration du fonctionnement des collèges

a) Le mode de désignation des membres du collège

Le mode de désignation du président et des autres membres du collège est caractérisé en France par une prédominance de l’exécutif(73)

Les rapporteurs ont en tête le modèle, jamais importé en France, de désignation des Ombudsmans parlementaires par le Riksdag. Le fait que la CNIL soit présidée par un sénateur est l’exception qui confirme la règle : cette exception ne résulte pas de la désignation par le Parlement mais d’une élection par ses pairs, membres du collège, la CNIL étant l’une des seules AAI à élire son président.

Le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution dispose qu’ « une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois–cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés. »

Les lois organique et ordinaire du 23 juillet 2010 relatives à l’application de cette disposition fixent la liste des emplois et fonctions dont le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce dans les conditions fixées par le cinquième alinéa de l’article 13. Parmi ceux–ci un grand nombre concerne des AAI : AERES, Autorité de la concurrence, ACNUSA, AMF, ARAF, ASN, Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, CRE, CSC, CNDP, CNDS, CSA, CGLPL, Défenseur des enfants, HALDE, Médiateur de la République. Les premières auditions parlementaires pour mettre en oeuvre cette nouvelle procédure ont déjà eu lieu.

Les rapporteurs estiment que si ces dispositions vont dans le sens d’un rééquilibrage entre les pouvoirs de l’exécutif et du législatif, elles ne sont pas suffisantes. Tant au Canada (niveau fédéral et province du Québec) qu’en Suède, existent des AAI dites législatives (ou parlementaires) ; leurs titulaires sont élus par le Parlement à la majorité qualifiée, en fait par consensus transpartisan. Les rapporteurs estiment en particulier que le Défenseur des droits, tel que prévu dans la réforme constitutionnelle de 2008, aurait dû être élu par un tel mécanisme. Or d’après l’article 71–1 de la Constitution, « le Défenseur des droits est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 ». Il devrait en être de même de l’autorité qui pourrait regrouper les AAI œuvrant actuellement en matière de vie politique, ainsi que l’ont précédemment proposé les rapporteurs.

Il convient de renverser la règle de majorité qualifiée, actuellement négative, pour en faire une règle positive. Seule l’élection par une majorité qualifiée des trois cinquièmes est à même d’assurer au président d’une AAI une forte autorité et une indépendance suffisante. Ainsi les commissions permanentes compétentes des Assemblées seraient amenées à donner leur aval aux propositions émanant soit du Gouvernement (cas général), soit d’autres organismes (Conseil d’État…). Certes dans un premier temps les habitudes politiques dans notre pays pourraient conduire au risque que la majorité et l’opposition se mettent d’accord pour se répartir les postes à pourvoir. Mais au fur et à mesure que le Parlement se sentira investi de sa nouvelle mission, la dimension transpartisane de ses choix pourra émerger, ce qui assurera la neutralité politique des personnes ainsi désignées. Les critères de compétence prévaudront alors et les choix auront tendance à se cristalliser autour de personnes incontournables.

La présence de parlementaires dans les collèges, en particulier pour les AAI traitant des libertés publiques, fait débat. Le cas – unique – de la CNIL, présidée par un parlementaire, le sénateur Alex Türk, est une exception car il est élu par ses pairs. Les avantages de la présence de parlementaires dans les collèges – indépendance, légitimité… – sont contrebalancés par les inconvénients – séparation des pouvoirs, impartialité, voire risque de présence insuffisante compte tenu d’un agenda parlementaire toujours chargé. Mis à part l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), seuls les AAI intervenant en matière de libertés publiques voient des parlementaires siéger au sein de leurs collèges : Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), Commission nationale du débat public (CNDP), Commission Nationale de Déontologie de la sécurité (CNDS) et, bien sûr, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

À la suite d’une initiative des rapporteurs et de M. Louis Giscard d’Estaing, membre du Groupe de travail, un amendement avait été adopté au printemps dernier en commission des Finances au projet de loi (n° 2165) de régulation bancaire et financière pour ajouter un député et un sénateur au collège de la toute nouvelle ACP. L’Assemblée en séance publique le 10 juin 2010 a été le cadre d’une discussion approfondie sur ce point(74). Elle a décidé de remplacer cette disposition par la désignation de deux personnalités qualifiées par les présidents des deux Assemblées, ce qui semble une voie médiane satisfaisante. Il est intéressant de noter que la composition du collège de l’AMF, prévue à l’article L.621–2 du code monétaire et financier en vigueur, fait déjà place à des personnalités qualifiées nommées par les présidents des Assemblées.

Les rapporteurs estiment que le renforcement du contrôle des AAI par le Parlement, au double niveau de la désignation des collèges et de la reddition de compte, rendrait en grande partie inutile la présence de parlementaires au sein des collèges. Ces contrôles pourraient alors très bien s’exercer de l’extérieur. D’ailleurs même dans les pays où existent des agences indépendantes plus proches du Parlement que du Gouvernement (Suède, Canada…), les parlementaires ne siègent pas dans les collèges. La présence de parlementaires dans les collèges comporte un risque de confusion des pouvoirs et pourrait servir d’alibi cachant l’absence de contrôle. Cette présence de parlementaires dans les collèges ne devrait cependant pas être proscrite de façon générale et absolue, et, au cas par cas et pour les AAI intervenant dans le domaine des libertés publiques, elle pourrait être acceptée, comme maintenant avec la CNIL. Les rapporteurs estiment de plus que tout parlementaire acceptant de siéger dans le collège d’une AAI devrait démissionner de son mandat parlementaire pendant la durée de ses fonctions au sein du collège. Il pourrait ainsi être désigné pour la durée du mandat du collège, et non uniquement pour la durée de son mandat de parlementaire.

En outre, les rapporteurs ne verraient que des avantages à voir des anciens parlementaires désignés dans les collèges des AAI. Il en est de même des anciens magistrats ou des anciens conseillers d’État. Ils pourraient ainsi mettre en valeur l’expérience, les compétences et l’indépendance acquises tout au long de leur vie professionnelle.

Les AAI françaises sont toutes des autorités collégiales à l’exception du Médiateur de la République, du Médiateur du Cinéma, du Médiateur national de l’énergie, du Défenseur des enfants et du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). Les rapporteurs considèrent que l’existence d’un collège et son bon fonctionnement sont des gages d’indépendance.

Les rapporteurs attirent l’attention sur l’importance du choix des personnes appelées à présider les collèges, au premier rang desquelles le président. La notoriété, l’influence et in fine l’autorité même de l’institution en dépendent. Il est souhaitable que des dispositions de nature législatives établissent précisément les caractéristiques professionnelles des personnes appelées à présider ou à siéger dans les collèges, même si sont également à prendre en compte des considérations comme le prestige personnel, l’autorité naturelle ou le charisme, dans des domaines où la communication est primordiale.

Un certain équilibre doit être assuré dans la composition du collège entre sa représentativité suffisamment large et son nécessaire caractère resserré. Un trop grand nombre de membres poserait un problème d’absentéisme – surtout pour ceux qui exercent à temps partiel, voire à titre accessoire. Ainsi les auditions des parties prenantes de la CRE effectuées par le Groupe de travail ont mis en évidence une certaine variabilité des décisions de cette autorité en fonction de la présence effective des membres du collège. Le projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (« NOME ») réduirait le nombre de membres du collège de la CRE de 8 à 5. L’examen en première lecture à l’Assemblée nationale l’avait réduit à 3 membres à temps complet, ce qui risquait d’entraîner la confusion entre collège et directoire…

Les informations portées à la connaissance des rapporteurs montreraient que le fonctionnement de la CRE est actuellement déficient. Les pouvoirs semblent concentrés entre les mains de son président et des directeurs des services, avec un risque d’excès de pouvoir par la technostructure. Les membres du collège exerçant à temps plein joueraient à peu près leur rôle, au contraire des membres à temps partiel, dont le rôle se limiterait à servir de caution. Ainsi par exemple le président et les services n’informeraient pas les membres du collège de leurs missions à Bruxelles ou de la passation des marchés d’audit. Aucun compte rendu ne serait établi des réunions du collège. La Cour des comptes avait estimé, lors de son contrôle de la CRE, que le collège devait être informé de l’exécution du budget, mais ce n’est toujours pas le cas. Le collège ne jouerait donc pas convenablement son rôle. Les rapporteurs s’inquiètent des dysfonctionnements actuels du collège de la CRE et du manque de transparence qui en résulte. Ils estiment que la recomposition de ce collège, en cours d’examen, devra rétablir les conditions de bon fonctionnement de la collégialité.

Le président de la CNIL a dit, lors de son audition par le Groupe de travail, que le paiement à la vacation des membres du collège contribuait à une présence assidue. Par contre, le président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a indiqué lors de son audition que si certains membres du collège étaient très assidus, d’autres l’étaient beaucoup moins… Les rapporteurs proposent d’instaurer des règles de quorum (par exemple des deux tiers) pour garantir la réalité de la collégialité, avec une règle de démission d’office prononcée par le collège en cas d’absence répétée non justifiée.

Les rapporteurs ont noté un accord de principe de la plupart des AAI pour assurer la représentation des professionnels et des différentes parties prenantes (consommateurs, professionnels…) dans les collèges. La réforme récente de l’Autorité de la concurrence va d’ailleurs dans ce sens. En revanche, la réforme en cours de la CRE, qui, comme on vient de le dire, projette de réduire le nombre de membres du collège de 8 à 5, voire à 3, supprimerait la présence de représentants des consommateurs. Les AAI notent que les dispositions légales font que les membres des collèges sont choisis en fonction de leurs compétences ou de leur expérience, et non afin de représenter les sensibilités diverses. Elles font valoir de possibles conflits d’intérêt qui résulteraient d’une pratique selon laquelle les membres du collège prendraient des positions liées uniquement aux intérêts au titre desquels ils ont été initialement désignés. L’ARCEP note que l’expertise technique est assurée essentiellement dans ses services. L’ASN estime qu’un collège restreint est une condition de bon fonctionnement ; en outre, il lui serait difficile de trouver des organisations représentatives.

Les rapporteurs estiment que la composition d’un collège doit assurer la représentation équilibrée de la diversité des points de vue et des expériences professionnelles. Les auditions effectuées par le Groupe de travail ont mis en évidence que la demande provient tout autant des milieux professionnels (entreprises, marchés financiers…) que des mouvements associatifs (défense des consommateurs). Le président de la CNIL, le sénateur Alex Türk, estimait que la composition de cette commission restait encore très juridique et que les travaux de la commission gagneraient à s’ouvrir à d’autres profils : ingénieurs, informaticiens, sociologues, philosophes… Mme Colette Neuville, présidente de l’Association de défense des actionnaires minoritaires, estimait que le collège de l’AMF ne reflétait pas suffisamment les deux parties du marché financier : d’un côté banques et financiers, en tant que gestionnaires d’instruments d’épargne collectifs, et épargnants de l’autre. Mme Marianne Laigneau, membre de la commission droit de l’entreprise du MEDEF, indiquait que la collégialité ne devait pas signifier une juxtaposition d’intérêts particuliers. Les rapporteurs estiment que dans chaque collège leur représentation devrait être assurée par un mécanisme de désignation associant le Conseil économique, social et environnemental. Bien sûr, les règles de déontologie devront être définies pour éviter les conflits d’intérêts.

Recommandation n° 12 : Améliorer la légitimité et la représentativité des collèges.

– assurer un meilleur équilibre entre les pouvoirs du Gouvernement et du Parlement dans la désignation des membres du collège des AAI ; prévoir notamment pour toutes les AAI une désignation de leur président à la majorité qualifiée des trois cinquièmes des membres des commissions compétentes des deux Assemblées ; permettre dans chaque collège la nomination d’au moins une personnalité qualifiée par les présidents de chaque Assemblée ;

– assurer les conditions d’un bon fonctionnement des collèges, la collégialité étant considérée comme un gage d’indépendance ; doter en particulier chaque AAI d’un collège proportionné à sa taille ; en contrepartie, instaurer des règles de quorum, avec démission d’office en cas d’absence répétée non justifiée ;

– préconiser que, compte tenu de l’importance du choix des présidents des collèges, des dispositions de nature législatives établissent précisément les caractéristiques des personnes appelées à présider ou à siéger dans les collèges ;

– assurer dans la composition des collèges la représentation équilibrée de la diversité des points de vue et des expériences professionnelles ; instaurer pour ce faire un mécanisme de désignation de certains membres des collèges par le Conseil économique, social et environnemental.

b) Le régime des membres du collège

● Irrévocabilité et durée du mandat

La condition première de l’indépendance d’une AAI est l’irrévocabilité de son président. Si cette irrévocabilité n’a jusqu’à présent jamais été prise en défaut, elle n’est cependant pas systématiquement inscrite dans les dispositions législatives créant les AAI. Les rapporteurs estiment qu’une vérification des textes s’impose pour l’assurer de jure.

Une grande diversité prévaut dans le caractère renouvelable ou non du mandat des présidents d’AAI. Un grand nombre de présidents d’AAI ont un mandat renouvelable, ainsi l’AERES, l’AFLD, l’Autorité de la concurrence, l’ACP, le BCT, le CCNE, la CADA, le CIF, le CNCCFP, le CNCDH, le CNDP, le Médiateur du cinéma, la HAS, la CNIL, CPPAP, CSC, CSAFP, CSA, H3C. Quel est le degré réel d’indépendance du président d’une AAI vis–à–vis de l’autorité qui l’a nommé (en général le Gouvernement) quand son mandat est renouvelable et qu’il souhaite le voir renouveler… Les rapporteurs souhaitent généraliser – sauf exception justifiée – les mandats non renouvelables et jouissant d’une durée suffisante (5 à 7 ans).

● Incompatibilités et déontologie

L’indépendance des AAI est nécessaire tant vis–à–vis du Gouvernement que des groupes de pression, associations ou intérêts économiques et financiers. À défaut, les collèges des AAI s’exposent au risque de « capture » par les entreprises soumises à leur régulation dans les secteurs économiques concernés.

À la suite des problèmes d’incompatibilité et de déontologie au sein du conseil signalés par la Cour des comptes au début des années 2000, le CSA a adopté en 2003 un code de déontologie régissant toujours le régime d’incompatibilité du président et des membres du collège du CSA. Restait en particulier à régler la question des incompatibilités déontologiques après la sortie de fonctions (prise de fonctions dans des entreprises régulées par le CSA, cas récurrent pour les membres du CSA), dont la Cour regrettait en 2008 qu’elle ne soit pas encore complètement traitée. La Cour mentionnait également les problèmes liés à la perception de droits d’auteur par des membres du collège. Persiste encore maintenant le problème des membres du collège qui proviennent de chaînes de télévision et qui, après leur mandat au CSA, ont vocation à y revenir, laissant subsister – de fait – un lien de subordination, voire un lien hiérarchique.

La réalité de l’indépendance des avis et recommandations de la HAS est parfois remise en question, devant le Conseil d’État saisi de recours contentieux contre certaines recommandations de la haute autorité pour des conflits d’intérêts concernant ses experts (sur la maladie d’Alzheimer, ou le diabète de type 2). Afin de répondre aux exigences légales et réglementaires en matière de prévention des conflits d’intérêts, la HAS a mis en place, en 2005, des formulaires de déclaration d’intérêts pour les membres du Collège, les agents et l’ensemble des collaborateurs occasionnels de la HAS. En 2008, son collège a adopté la Charte de déontologie proposée par le groupe « déontologie et indépendance de l’expertise » qu’il avait constitué à cet effet sous la présidence d’un juriste éminent n’appartenant pas à la HAS. Il convient de souligner que les formulaires de déclaration d’intérêt remplis par les experts retenus devaient naturellement faire l’objet d’un contrôle par les services de l’autorité, de façon à garantir leur validité, notamment compte tenu du fait que les sujets d’expertise peuvent varier dans le temps et que les déclarations d’intérêts doivent naturellement être régulièrement mises à jour.

Les rapporteurs ont relevé le cas des relations que la HALDE peut établir avec certaines associations militantes agissant contre différentes formes de discrimination (racisme, nationalité…) et dont certaines défendent un communautarisme ethnique et constituent une menace contre la cohésion de la société au niveau national, au risque de peser sur les travaux de la HALDE. Pour le Gouvernement, l’autorité est normalement un moyen d’entretenir des relations avec ces associations, mais l’activité de médiation risque de se transformer en moyen d’influence vis–à–vis du Gouvernement, et partant, du Parlement. Résister à ces dérives dépend bien sûr de la personnalité du président de l’autorité.

Le droit français exclut traditionnellement deux fonctions des règles d’incompatibilité : les fonctions universitaire et parlementaire(75). Au nom du principe juridique d’indépendance, les professeurs d’université et les parlementaires peuvent continuer à exercer leurs fonctions en même temps que celles au sein de l’AAI, pour autant que leur propre statut le leur permette.

Les rapporteurs estiment que les dispositions législatives créant les AAI doivent prévoir un régime d’incompatibilité des membres du collège qui garantisse leur indépendance. Il convient également de compléter ces dispositions législatives par des dispositions d’application à prendre par chaque AAI pour assurer le respect de règles strictes en matière de déontologie. Ces dispositions devront couvrir les cas de conflit d’intérêt (incompatibilités, déclarations d’intérêt régulièrement mises à jour), les règles de déport, les délais de viduité suffisamment longs (2 à 5 ans) ou les règles en matière de secret professionnel. Il semble également opportun d’assujettir les membres des collèges des AAI de régulation économique à une obligation de déclaration de patrimoine en début et en fin de mandat. Ces règles devraient être déclinées pour les agents des services des AAI.

Une question dont la réponse n’est pas évidente est de savoir dans quels cas les membres des collèges peuvent exercer leurs fonctions à temps plein ou à temps partiel. Les rapporteurs se sont interrogés, lors de l’audition du président de la CADA, sur le fait de savoir si sa fonction était compatible avec un emploi à temps partiel. La Cour des comptes a, dans le contrôle qu’elle a effectué sur cette autorité, évoqué la possibilité que les membres du collège de l’ARCEP remplissent leur fonction non plus à temps complet, mais sur la base d’un temps partiel ou d’un système de vacation. À l’opposé, la réforme en cours déjà évoquée pour la CRE vise à réduire le nombre de membres du collège de 8 à 3, tous à temps plein, afin de limiter l’absentéisme.

Recommandation n° 13 : Améliorer le fonctionnement des collèges.

– assurer dans les dispositions législatives créant les AAI l’irrévocabilité des fonctions de président, sauf empêchement défini par décret en Conseil d’État ;

– généraliser – sauf exception justifiée – les mandats non renouvelables et jouissant d’une durée suffisante (5 à 7 ans) ;

– prévoir dans les dispositions législatives créant les AAI un régime d’incompatibilité des membres du collège qui garantisse leur indépendance ; compléter ces dispositions législatives par des dispositions d’application à prendre par chaque AAI pour assurer le respect de règles strictes en matière de déontologie, tant pour les membres du collège que pour les personnels des services ; assujettir en particulier les membres des collèges des AAI de régulation économique à une obligation de déclaration de patrimoine en début et en fin de mandat ;

– adapter la notion de membres des collèges à temps plein ou à temps partiel aux besoins des autorités.

3.– La présence d’un commissaire du Gouvernement

Selon la théorie des poids et contrepoids (checks and balances), la présence d’un commissaire du Gouvernement auprès de chaque AAI est de nature à contribuer utilement à la cohérence de l’action publique.

L’étude du Conseil d’État de 2001 préconisait déjà une « présence mieux organisée du Gouvernement auprès des AAI » et un suivi plus développé de leur activité. Le rapport de l’OPEL présenté par le sénateur Patrice Gélard en 2006 demandait la présence d’un commissaire du Gouvernement auprès de chaque AAI. Ce n’est toujours pas le cas.

Une majorité d’AAI ne disposent pas de commissaire du Gouvernement : AERES, AFLD, ACNUSA, ARCEP, HADOPI, ASN, CCNE, CECEI, Commission bancaire(76), CCP bénéfices agricoles, CC du secret de la défense nationale, CIF, CNCC financements politiques, CNC droits de l’Homme, CNC élection du Président de la République, CNCIS, CNDP, CPPAP, CPT, Commission des sondages, CTF vie politique, CSAFP, CSA, CGLPL, Défenseur des enfants, HALDE, HAS, Médiateur du cinéma, Médiateur national de l’énergie et Médiateur de la République.

Les pouvoirs du commissaire du Gouvernement dans l’élaboration des actes règlementaires des AAI devraient être ceux définis dans la première partie de ce rapport. Par contre, pour la CNIL, dont l’action de contrôle concerne maintenant majoritairement les entreprises, le rôle du commissaire du Gouvernement, qui avait été prévu à l’origine quand la CNIL contrôlait majoritairement les administrations publiques, devra être adapté aux litiges intervenant dans la sphère privée.

Les rapporteurs renouvellent la proposition de l’OPEL de 2006 de généraliser, sauf exception justifiée, la présence d’un commissaire du Gouvernement dans chaque AAI afin que, dans le respect de son indépendance, le Gouvernement soit informé de toutes ses décisions et puisse faire entendre son point de vue.

Recommandation n° 14 : Généraliser, sauf exception justifiée, la présence d’un commissaire du Gouvernement dans chaque AAI.

B.– L’INDÉPENDANCE FONCTIONNELLE EST ASSURÉE DE FAÇON TRÈS HÉTÉROGÈNE

1.– L’adéquation des ressources aux missions

Quand bien même toutes les garanties formelles seraient accordées à l’AAI pour assurer son indépendance organique, l’indépendance réelle ne saurait prévaloir si des ressources suffisantes ne sont pas accordées à l’autorité. Dans le cas d’AAI dont les besoins sont assurés sur ressources budgétaires, il faut donc s’assurer que la discussion budgétaire entre l’AAI, le Gouvernement et le Parlement assure les conditions réelles de l’indépendance.

Le président de l’AFLD, M. Pierre Bordry, déclarait lors de son audition par le Groupe de travail que « pour 2010 le ministère a fait le choix de diminuer de moitié sa subvention et de nous attribuer pour le reste le produit de l’augmentation d’une taxe qui a finalement été supprimée par le Sénat. Il nous manque donc 4 millions d’euros pour équilibrer un budget ». En l’absence de solution à ce problème dans la loi de finances, le financement de l’AFLD en 2010 s’est finalement effectué par fongibilité sur le programme budgétaire de rattachement. Le président Pierre Bordry estime en outre que l’agence a besoin de moyens supplémentaires car les produits indétectables sont de plus en plus nombreux. Le problème reste entier pour 2011 et la question ne manquera pas de se poser lors de l’examen du prochain projet de loi de finances.

Constatant l’absence de perspectives de solution, M. Pierre Bordry, a annoncé le 24 septembre 2010 qu’il quitterait ses fonctions au début du mois d’octobre(77). Il a présenté sa démission au vice–président du Conseil d’État, M. Jean-Marc Sauvé. Par un décret du 1er octobre 2010, le Président de la République a nommé son successeur, M. Bruno Genevois. Après quatre ans passés à la tête de l’AFLD, M. Pierre Bordry, dont le mandat arrivait à expiration le 1er juillet 2011, a publiquement indiqué être lassé par les sempiternelles négociations budgétaires houleuses qu’il menait auprès du ministère de la Santé et du secrétariat d’État chargé des sports, pour assurer à l’Agence des moyens financiers compatibles avec les missions qui sont confiées par la loi du 5 avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs. Cette démission intervient dans un contexte de relations très difficiles, depuis plusieurs mois, avec l’Union cycliste internationale (UCI), laquelle avait décidé de ne pas collaborer avec l’AFLD lors du dernier Tour de France. Seule l’intervention de l’Agence mondiale antidopage (AMA) avait permis à l’Agence française d’organiser des contrôles additionnels sur La Grande Boucle. Le président de l’AFLD militait pour une modernisation – coûteuse – du laboratoire de Châtenay–Malabry, et pour le maintien d’un seuil de quelque 9 000 contrôles par an. Les rapporteurs s’interrogent sur le fait de savoir si un lien de cause à effet existe entre les difficultés financières récurrentes de l’AFLD et les conflits tout aussi récurrents avec les ministres de tutelle… Dans tous les cas les problèmes de financement rencontrés par l’AFLD constituent une atteinte à son indépendance.

La quasi–totalité des parties prenantes consultées par les rapporteurs ont estimé que la CNIL manquait de moyens pour accomplir ses missions, aboutissant de fait à des délais d’action trop longs. Le président de la CNIL, auditionné par le Groupe de travail, indiquait que s’il avait plus de moyens non seulement il pourrait réduire les délais de la commission, mais encore cela lui permettrait de financer la création de quatre ou cinq antennes interrégionales composées chacune d’une dizaine de personnes, afin de recevoir les plaintes et d’effectuer des contrôles. Il constate que 40 départements n’ont jamais reçu la visite de contrôleurs de la CNIL.

On peut également citer le cas de la CADA. À une question des rapporteurs lui demandant ce qu’il advenait des 21,5 % d’avis rendus en faveur de la communication des documents et pour lesquels l’administration concernée n’a pas fait savoir quelle suite elle avait donnée, le président de la CADA déclarait lors de son audition par le Groupe de travail qu’il n’avait pas les moyens de contrôler les suites apportées à ces recommandations. Il indiquait également qu’il n’avait pas les moyens de mener des actions d’animation du réseau des « personnes responsables de l’accès aux documents administratifs » (PRADA), correspondants de la CADA dans les différentes administrations publiques. Il renonce aussi faute de moyens à des actions d’information et de communication et à l’organisation de colloques.

Le président de l’Autorité de la concurrence a soulevé, lors de son audition par le Groupe de travail, une autre question, à savoir la disproportion des forces en présence dans le cas du « cartel de l’acier » ; le rapporteur de l’autorité s’est retrouvé seul face à une douzaine d’avocats disposant d’études économiques et d’un budget quasi illimité. Cette disproportion des moyens a également été constatée dans l’affaire EADS devant l’AMF et sa commission des sanctions : 80 avocats, 17 personnes mises en cause, 140 heures d’audition et 5 jours d’audiences… (78)

À une question des rapporteurs lui demandant s’il estimait qu’il disposait des moyens nécessaires pour remplir correctement ses missions, eu égard à la multiplication des saisines, M. Roger Beauvois, président de la CNDS, déclarait lors de son audition par le Groupe de travail : « je reconnais que les délais de traitement des dossiers sont trop longs. Ces retards sont essentiellement imputables au manque de personnel : nous n’arrivons pas à instruire dans une année autant d’affaires qu’il nous en arrive. Le stock augmente ».

La CRE estime également que le déficit de financement en provenance du budget de l’État l’empêche de remplir l’intégralité des missions qui lui sont assignées par la loi.

Les rapporteurs estiment qu’il convient de distinguer deux cas : d’abord les autorités qui seraient systématiquement sous dotées au regard de leurs missions, et pour lesquelles un examen régulier par les commissions permanentes des Assemblées s’avère nécessaire ; ensuite les cas particuliers où une autorité connaîtrait un pic d’activité en raison de dossiers lourds à gérer, et pour lesquels il peut être envisagé de la doter de moyens supplémentaires pour une durée limitée.

2.– Taxe affectée ou crédits budgétaires ?

L’indépendance budgétaire, assurée par des taxes affectées, est évidemment un atout pour les AAI qui en disposent. On a vu que, pour ce faire, le droit budgétaire en vigueur impose qu’elles jouissent de la personnalité morale. D’aucuns mettent cependant en avant le risque de dépendance vis–à–vis des secteurs régulés que génèrerait un tel financement.

Figurent en totalité ou en partie dans le document Évaluation des voies et moyens (tome I) annexé au projet de loi de finances pour 2011 le financement direct ou indirect des AAI suivantes : AMF, ACAM, HAS et Médiateur du cinéma(79). Le financement de l’AFLD par des ressources fiscales affectées au CNDS (centre national de développement du sport) et reversées à l’Agence, initialement prévu dans le projet de loi de finances pour 2010, a été supprimé lors de la discussion par un amendement gouvernemental.

PRODUIT DES IMPÔTS AFFECTÉS À DES PERSONNES MORALES
AUTRES QUE L’ÉTAT (EXTRAITS)

(recettes nettes en millions d’euros)

Description

Exécution 2009

Prévision 2010

Prévision 2011

Droits et contributions pour frais de contrôle

Organismes bénéficiaires :

♦ Autorité des marchés financiers (AMF)

Textes législatifs :

♦ Art. L. 621–5–3 et D. 621–27 et suiv. du Code monétaire et financier

48

48

50

Contribution pour frais de contrôle

Organismes bénéficiaires :

♦ Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM) – à c/2010 fusion dans l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP)

Textes législatifs :

♦ Art. L. 310–12–4 du Code des assurances

28

   

Contribution pour frais de contrôle

Organismes bénéficiaires :

♦ Autorité de contrôle prudentiel (ACP), issue de la fusion de l’ACAM, de la Commission bancaire et de la CECEI

Textes législatifs :

♦ Art. L. 612–20 du Code monétaire et financier (créé par l’ordonnance du 21 janvier 2010)

 

162

162

Contribution due par les laboratoires sur leurs dépenses de publicité

Organismes bénéficiaires :

♦ CNAMTS, HAS

Textes législatifs :

♦ Art. L. 245–1 à L. 245–6 du Code de la sécurité sociale

(NB : La HAS est financée, selon la réponse au questionnaire des rapporteurs, par une dotation de l’assurance maladie (18,8 millions d’euros soit 33 % en 2009), une quote–part de la taxe sur les dépenses de promotion des médicaments (ACOSS – 15 millions d’euros soit 26 % en 2009), une subvention de l’État (8,9 millions d’euros soit 15 % en 2009), le reste venant de deux sortes de « contribution financière » ainsi que, dans une moindre mesure, de « produits divers ».)

169

138

143

Cotisations (normale et supplémentaire) des entreprises cinématographiques

Organismes bénéficiaires :

♦ Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC)

Textes législatifs :

♦ Art. 8 et 10 du Code de l’industrie cinématographique

(NB : le Médiateur du cinéma est financé par le CNC)

7

7

7

Source : Évaluation des voies et moyens – tome 1 (projet de loi de finances pour 2011)

L’existence de ce document budgétaire permet aux rapporteurs généraux des commissions des Finances des deux assemblées d’exercer un contrôle sur l’ensemble de ces taxes affectées, en particulier sur l’évolution globale des montants concernés et la création – ou la suppression – de taxes. Il ne permet cependant pas d’exercer un contrôle fin par autorité, par exemple pour examiner si les ressources ainsi perçues sont en rapport avec les missions exercées.

Ne figurent par ailleurs dans aucun document budgétaire :

– le financement du Conseil des ventes volontaires (l’Article L. 321–21 du code de commerce dispose que « le financement du conseil est assuré par le versement de cotisations professionnelles acquittées par les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et par les experts agréés. Le montant de ces cotisations est fixé par le conseil en fonction de l’activité des assujettis » ; ces cotisations ne constituent pas des impositions de toute nature au sens constitutionnel du terme) ;

– le financement du Médiateur national de l’énergie, qui est un pourcentage de la contribution aux charges de service public de l’électricité (CSPE) ;

– depuis l’année 2008, le financement du Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C), qui repose sur les droits et contributions dus par les commissaires aux comptes, au titre respectivement de chaque rapport de certification signé et de leur inscription sur la liste professionnelle. Le Haut Conseil ne reçoit plus de financement de l’État.

Le financement par ressources propres est un dispositif qui pourrait être envisagé pour les AAI de régulation économiques (Autorité de la concurrence, CRE, ARCEP et autres AAI de régulation économique : ARAF, ARJEL, CSA…), mais pas exclusivement (par exemple CNIL, ASN, AFLD, HAS).

La CRE pourrait être financée par une taxe acquittée par les opérateurs des secteurs de l’énergie et/ou par la facturation des services fournis aux opérateurs, comme cela est le cas pour 10 des 15 plus importantes autorités de régulation de l’énergie en Europe, ainsi que pour le Médiateur de l’énergie. Une taxe de 0,11 % du chiffre d’affaire des entreprises représenterait une recette de 20 millions d’euros.

Le président de l’Autorité de la concurrence indiquait, lors de son audition par le Groupe de travail, son souhait de disposer d’un volant de ressources propres par un mécanisme consistant à faire payer par les entreprises régulées l’examen des opérations de concentration. Un tel mécanisme existe dans plusieurs pays d’Europe.

Le président de l’ASN indiquait, lors de son audition par le Groupe de travail, qu’entre sa création et l’année 2000, le système français de contrôle du nucléaire en France était financé sous la forme de fonds de concours par des prélèvements directs ou indirects sur les exploitants nucléaires contrôlés. Les restrictions apportées à la procédure des fonds de concours par le Conseil constitutionnel, par les parlementaires et, in fine, dans la LOLF, ont amené le Gouvernement à assurer le financement de l’ASN par des crédits budgétaires.

Le président de la CNIL indiquait, lors de son audition devant le Groupe de travail, qu’il était intéressé par une solution de financement de type britannique, avec une taxe prélevée sur les entreprises et collectivités locales. Il s’agirait de faire financer la CNIL par l’ensemble des acteurs qui développent des systèmes informatiques.

On a mentionné plus haut les difficultés rencontrées par l’AFLD pour se financer – partiellement – sur des ressources propres fiscales.

A contrario, le président de l’ARCEP indiquait lors de son audition devant le Groupe de travail qu’il était opposé à l’idée de financer l’ARCEP de façon extrabudgétaire pour les raisons suivantes : le financement budgétaire fonctionne bien jusqu’à présent ; il faudrait définir une assiette suffisamment stable et neutre dans le cadre d’une régulation asymétrique (opérateur historique dominant)  ; et le financement de missions de puissance publique doit être financé par un impôt général et non par les contributions des personnes contrôlées.

Les rapporteurs estiment que l’on pourrait envisager, quand cela est possible, le financement des AAI par une contribution dont la charge serait supportée par le secteur régulé en contrepartie des services rendus par l’AAI. Cette contribution pourrait revêtir deux formes, soit une redevance générale perçue sous forme de taxe affectée, soit une rémunération correspondant à des prestations particulières, avec d’ailleurs la possibilité de panacher les deux modalités. Le niveau et les formes de ces contributions seraient bien sûr préalablement autorisés par le Parlement, dans le cadre de la loi de finances et sous réserve de la contrepartie nécessaire d’une obligation de transparence vis–à–vis du Parlement(80).

La difficulté d’un financement par taxe affectée résulte du fait que le produit d’une telle taxe peut dépendre de phénomènes conjoncturels. On a ainsi pu constater le caractère volatile des ressources de l’AMF, constituées de prélèvements effectués sur les intervenants et émetteurs du marché financier français, qui se sont effondrés l’an passé en raison du ralentissement de l’activité boursière. Un déficit d’exploitation de 17 millions d’euros a été constaté en 2009 et un déficit de 24 millions d’euros est anticipé cette année. La ministre de l’Économie, Mme Christine Lagarde, a annoncé le 10 septembre 2010 son intention de proposer un amendement au projet de loi de régulation bancaire et financière, en cours de discussion, afin de permettre à l’AMF d’effectuer un prélèvement sur les banques et les grandes sociétés cotées, à hauteur d’environ 20 millions d’euros. Il conviendrait, pour éviter de telles difficultés, de concevoir des mécanismes fiscaux fondés sur une assiette moins volatile.

Recommandation n° 15 : Assurer un financement pérenne des AAI.

– veiller à ce que, lors de leurs auditions régulières par les commissions permanentes des Assemblées (présentation du rapport annuel et examen du projet de loi de finances), les moyens financiers et humains des AAI soient assurés au regard des missions qui leur sont confiées.

– envisager, quand cela est possible, le financement des AAI par une contribution dont la charge serait supportée par le secteur régulé en contrepartie des services ainsi rendus.

3.– La nécessaire autonomie de gestion

Une des conditions de l’indépendance réside dans l’autonomie de gestion.

● Le cas de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Un exemple en est donné par l’ASN. Cette autorité a effectué une étude comparative des autorités de sûreté nucléaire ; elle estime qu’en Espagne, Suède, Suisse et au Royaume–Uni, les autorités de sûreté nucléaire se voient dotées d’une indépendance renforcée par des règles de gestion. Le président de l’ASN, M. André–Claude Lacoste, interrogé par les rapporteurs lors de son audition devant le Groupe de travail, indiquait que sa demande principale était non pas de bénéficier de plus de moyens mais de disposer d’une réelle autonomie de gestion de ces moyens. Des aménagements simples des règles administratives ou budgétaires suffiraient probablement à faciliter son fonctionnement pour des sujets tels que la mise en place du dispositif d’astreinte et l’évolution de la structure, de la préparation et de l’exécution budgétaire.

La loi « TSN » du 13 juin 2006 confie à l’ASN des responsabilités en matière de gestion des situations d’urgence radiologique. Pour pouvoir assurer cette mission à tout moment, l’ASN a souhaité la mise en place d’un système de mobilisation de ses agents, basé sur une alerte générale et sur un dispositif d’astreinte. Or malgré des démarches répétées auprès de plusieurs ministères (Économie, Budget, Écologie), l’ASN s’est vue dans l’impossibilité de mettre en place ce dispositif d’astreinte. La démarche butte sur la rigidité du système de rémunération de la fonction publique, qui ne permet pas de prendre en compte les contraintes spécifiques de ces astreintes.

Le budget de l’ASN est éclaté entre quatre programmes budgétaires distincts :

– programme 181 Préventions des risques de la mission Écologie, développement et aménagement durables, qui couvre les dépenses de personnel, de fonctionnement et d’intervention de l’ASN ;

– programme 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables de la mission Recherche et enseignement supérieur au titre de l’appui technique de l’IRSN à l’ASN ;

– programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer de la mission Écologie, développement et aménagement durables au titre du fonctionnement des onze divisions territoriales de l’ASN ;

– programme 218 Conduite et pilotage des politiques économique et financière et la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines au titre du fonctionnement des services centraux de l’ASN.

Cette structure budgétaire complique considérablement la tâche de l’ASN dans la préparation et le suivi de l’exécution de son budget. L’ASN ne conduit pas les discussions préparatoires à l’élaboration de son budget et ne participe que partiellement et de loin aux arbitrages dans ce domaine ; dans ces conditions, elle n’a pas de vision globale et consolidée de son budget, consacré au contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France et à l’information du public.

Les rapporteurs estiment qu’il convient, comme le recommande le Comité interministériel d’audit des programmes (CIAP) dans son rapport de septembre 2009, de regrouper au sein d’une même mission et d’un même programme budgétaire l’ensemble des crédits concourant au fonctionnement de l’ASN. Le programme 181 Prévention des risques de la mission Écologie, développement et aménagement durables semble a priori le plus à même de servir de support budgétaire. La création d’un programme spécifique, demandée par l’ASN, se heurte cependant à la logique de la LOLF qui veut que les moyens budgétaires soient regroupés non par organisme de gestion mais par finalité de politique publique. La création d’une action spécifique au sein de ce programme 181 pourrait donc constituer le bon compromis(81). Seul un tel regroupement des moyens budgétaires permettrait un pilotage efficace conjoint par le responsable de programme et le président de l’ASN. Il y va également de la possibilité pour le Parlement de disposer d’une vision complète des moyens budgétaires et humains accordés à l’autorité.

● La liberté du choix des recrutements

Les rapporteurs estiment qu’il faudrait donner aux AAI une liberté de rémunération suffisante pour bénéficier du concours de techniciens de même niveau que les opérateurs qu’elles sont chargées de réguler. Par dérogation au statut de la fonction publique, les AAI devraient pouvoir recruter des contractuels en CDI, comme le peuvent déjà les autorités publiques indépendantes, avec une grille et une progression des salaires permettant de les motiver.

La loi du 11 juin 1983 définit les conditions dans lesquelles doivent être pourvus les emplois civils permanents de l’État et de ses établissements publics. Elle dispense les « institutions administratives de l’État dotées, de par la loi, d’un statut particulier garantissant le libre exercice de leur mission » de l’obligation de n’employer que des fonctionnaires titulaires. Le décret n° 84–38 du 18 janvier 1984 pris en application de la loi n° 84–16 du 11 janvier 1984 (article 3) liste les fonctions pour lesquelles l’État et les établissements publics administratifs sont autorisés à recruter des contractuels en CDI.

En effet, les AAI ne bénéficient pas de la dérogation ouverte par le 3° de l’article 3 de la loi n° 84–16 du 11 janvier 1984(82) à certains organismes pour lesquels il est dérogé à la règle selon laquelle les emplois permanents doivent être occupés par des fonctionnaires, et qui n’a donné lieu à aucun texte d’application (83). Cette dérogation devrait être offerte par la loi à l’ensemble des AAI, de la même manière que pour les API.

S’agissant de petites structures dont on attend une grande réactivité et une forte adaptabilité à des fonctions opérationnelles souvent en révolution rapide, la possibilité de recruter des personnels contractuels en CDI constitue un réel avantage, de nature à permettre d’améliorer l’efficacité de la structure. L’ensemble des AAI devrait pouvoir en bénéficier.

La loi du 26 juillet 2005 a permis l’utilisation du CDI dans la fonction publique. Compte tenu des exigences posées par la loi, la transformation de CDD en CDI est apparue relativement faible. Selon le rapport d’information (n° 1089) du 22 juillet 2008 de MM. Bernard Derosier et Bertrand Pancher, seuls 8 932 cas de CDI étaient recensés dans l’administration, dont 68 % dans l’Éducation nationale. Un projet de loi est en cours de préparation au secrétariat d’État à la fonction publique pour favoriser les passages de CDD à CDI. L’évolution en la matière devra concilier trois contraintes : respecter le principe selon lequel les emplois permanents de la fonction publique sont remplis par des fonctionnaires (souci majeur des organisations syndicales), assurer la nécessaire souplesse (souhait des DRH) et permettre des perspectives de carrière aux contractuels (souhait des agents). Le développement du CDI permet d’assurer ce dernier point, tout en luttant contre la précarité des situations.

Les AAI se déclarent en général favorables à une mobilité entre agents des AAI et les milieux professionnels, afin de professionnaliser leur travail. Il s’agit d’une revendication forte des secteurs régulés et des professions juridiques, notamment les représentants des avocats. De nombreuses AAI connaissent un taux de mobilité élevé du personnel qu’elles emploient. Plusieurs pointent le défaut d’attractivité par rapport au secteur privé, dans des professions très techniques (communications électroniques, marchés financiers, énergie, audiovisuel…).

Certaines AAI ont eu l’heureuse initiative de développer un réseau de ressources humaines. Les rapporteurs souhaitent encourager une mobilité organisée entre AAI de même nature ou pour des fonctions analogues. Il s’agit de répondre à l’intérêt de connaître une autre autorité et d’éviter les effets pervers liés à l’absence de perspective de carrière et de mobilité dans des structures de relativement petite taille.

● Limiter la rotation des personnels

Les réponses au questionnaire envoyé par les rapporteurs aux AAI ont montré un problème général d’attractivité. La rotation des personnel (« turn–over ») y est particulièrement élevé : 22 % pour le personnel employé par la CRE ; 15 % pour le personnel de l’ASN ; 10 % pour l’ARCEP. Le taux annuel de renouvellement au sein du CSA est de 13,3 % pour les personnels de catégorie A+ (portant sur 45 ETPT). Le taux annuel de renouvellement du personnel de l’AMF était de 13,8 % en 2007, 10,1 % en 2008 et 4,5 % en 2009. Un cas de mobilité encouragée est à noter : le Président de l’ASN a indiqué, lors de son audition par le Groupe de travail, qu’il incitait ses agents à quitter les services de l’autorité après quelques années, pour acquérir d’autres expériences, quitte à y revenir dans un deuxième temps.

Recommandation n° 16 : Préserver l’autonomie de gestion des AAI.

– assurer les conditions d’une réelle autonomie de gestion de chaque AAI, notamment en termes d’utilisation des crédits dans le cadre d’un budget global et de choix de recrutement ;

– permettre aux AAI sans personnalité morale de recruter des CDI pour améliorer la permanence de leurs effectifs.

II.– L’OBLIGATION DE RENDRE COMPTE AU PARLEMENT EST LA CONTREPARTIE NÉCESSAIRE DE L’INDÉPENDANCE

Indépendance ne signifie pas irresponsabilité.

L’évaluation des AAI comporte deux dimensions principales, la façon dont l’autorité atteint ses objectifs, et l’utilisation qu’elle fait de ses moyens.

Une relation plus développée entre le Parlement et les AAI serait un facteur de légitimité supplémentaire pour elles. Pour cela, elles doivent développer la façon dont elles rendent compte de leur action au Parlement.

A.– L’ÉVALUATION DE L’ACTIVITÉ DES AAI N’EST PAS AISÉE

Da façon globale, les auditions menées ont montré que la grande majorité des AAI parviennent à remplir de façon satisfaisante les missions qui leur sont confiées. Quelques rares cas de dysfonctionnement sont apparus.

Notre collègue Jean–Pierre Brard avait, lors de leur audition par le Groupe de travail le 21 janvier 2010, interrogé les présidents de la CECEI et de la Commission bancaire sur leur rôle de surveillance avant la crise financière de 2008, avec les difficultés de la Société générale et surtout de Dexia et des Caisses d’épargne. On aurait pu arguer que ni la Commission bancaire et ni la CECEI n’ont su protéger les banques françaises de la crise financière internationale intervenue en 2008. Les présidents de la Commission bancaire et de la CECEI ont alors répondu qu’il s’agissait d’une crise globale, touchant les banques françaises par contagion, et que même ainsi elles avaient été moins affectées que les autres pays occidentaux. Par ailleurs le conseil d’administration du FMI a donné, le 30 juillet 2010, un satisfecit à la France : « les banques françaises sont sorties relativement plus fortes de la crise financière mondiale et elles ont commencé à s’affranchir progressivement du soutien public reçu pendant la crise. Les tests de résistance réalisés à l’échelle de l’Union européenne, dont les résultats ont été publiés le 23 juillet, ont confirmé que les banques françaises étaient solides. La nouvelle structure de surveillance qui fusionne la supervision des banques et celle des compagnies d’assurances répond au besoin de surveillance systémique. »

De la même façon, et s’agissant de l’ACAM, la France n’a eu à connaître qu’une faillite d’une petite compagnie (Société mutuelle de Moulins, en 2006), alors que les États–Unis (AIG) ou même le Royaume–Uni et l’Allemagne ont connu plusieurs faillites de gros assureurs.

Les auditions réalisées par le Groupe de travail ont également mis en évidence des insuffisances pour la CNDP (organisation des débats publics), le Médiateur national de l’énergie (doublonnage avec la CRE et les médiateurs des fournisseurs d’énergie) et la HAS (articulation avec les autres agences sanitaires)(84).

Si l’on approfondit l’analyse, les critères d’évaluation des AAI sont multiples : réactivité (délais) ; qualité (taux de recours devant les tribunaux, taux de révision par les tribunaux, indice de satisfaction des usagers) ; notoriété ; taux de suivi de recommandations et propositions ; productivité (nombre annuel de dossiers par agent) ; coûts (coût d’une décision, coût d’une médiation…)…

Les rapporteurs ont mené une évaluation globale de l’activité des AAI en interrogeant leurs parties prenantes. Ils ont développé cette évaluation sur trois aspects particuliers : leur réactivité, le pouvoir de sanction, et l’activité de médiation.

1.– L’évaluation par les parties prenantes

L’évaluation par les parties prenantes laisse apparaître quelques constats communs. Les rapporteurs ont envoyé un questionnaire commun à certains interlocuteurs réguliers d’un panel de neuf autorités aux statuts et aux compétences variées : ARCEP, AMF, CSA, HAS, CNIL, CRE, ADLC, ASN et HALDE. La liste des parties prenantes ainsi consultées incluait des publics, partenaires, administrations traditionnelles, usagers, entreprises ou organismes régulés par ces dernières(85). Ont en particulier été interrogés les services de l’État qui, sans exercer de tutelle, interviennent dans le même champ de compétence, sont intéressés aux décisions à prendre par l’autorité et parfois remplissent la fonction de commissaire du gouvernement :

– direction générale du Trésor, au ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi (pour ses relations avec l’AMF et les autres AAI qui ont fusionné au sein de l’ACP) ;

– direction générale de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), au ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi (pour ses relations avec l’Autorité de la concurrence, la CRE, l’ARCEP et le CSA) ;

– direction générale des Médias et des industries culturelles (DGMIC), au ministère de la Culture et de la communication (pour ses relations avec le CSA et l’ARCEP) ;

– direction chargée de la fiscalité, direction générale des Finances publiques, au ministère du Budget (DGFiP), des comptes publics et de la réforme de l’État (pour ses relations avec la CNIL) ;

– direction générale de l’Énergie et du climat (DGEC), au ministère de l’Écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer (pour ses relations avec la CRE, l’ASN et le Médiateur de l’énergie) ;

– direction des Libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ), ministère de l’Intérieur, de l’outre–mer et des collectivités locales (pour ses relations avec la CNIL et occasionnellement avec la HALDE) ;

– direction générale de la Police nationale au ministère de l’Intérieur, de l’outre–mer et des collectivités territoriales (pour la CNIL, l’AMF, l’ASN, l’ARCEP et la HALDE) ;

– direction générale de la Santé au ministère de la Santé et des sports (pour ses relations avec la HAS, l’ASN, l’Autorité de la concurrence, le CAS, l’ARCEP et la HALDE) ;

– direction générale de l’Organisation des soins, au ministère de la Santé et des sports (pour ses relations avec la HAS et l’ASN, mais aussi avec la HALDE et la CNIL).

Les sujets abordés dans le questionnaire ont été classés en six catégories comportant des thèmes aussi divers que majeurs : qualité des échanges, conditions de l’exercice du pouvoir de sanction (lorsqu’un tel pouvoir a été dévolu à l’autorité), appréciation de l’adéquation des moyens attribués, prise en compte équilibrée des intérêts en jeu, bilan de l’existence de l’institution et réformes éventuelles souhaitées.

Malgré la diversité des interlocuteurs interrogés, l’analyse des contributions est révélatrice. Elle fait ressortir, en dépit du caractère souvent divergent des remarques, quelques constats communs. Elle permet également d’envisager quelques pistes de réforme, dont certaines, rejoignant les préoccupations des rapporteurs, sont développées dans le présent rapport.

● Des constats plutôt encourageants : une indépendance reconnue, une expertise saluée et une proximité réelle

La quasi–unanimité des acteurs ayant répondu au questionnaire souligne l’indépendance des AAI concernées. Les entreprises ou organes régulés par les huit autorités insistent sur le fait qu’il n’est pas possible de douter de l’indépendance de ces autorités ; paradoxalement, ce constat n’empêche d’ailleurs pas certaines réponses de proposer d’introduire une représentation formelle de certains intérêts au sein des collèges de certaines de ces autorités, voire de formuler quelques critiques ponctuelles sur l’insuffisante articulation entre l’action de l’autorité et les politiques sectorielles menées par les ministères correspondants.

S’agissant de la qualité et de l’intensité des échanges avec ces institutions, l’effort considérable de proximité et de communication effectué par les AAI est généralement relevé. Cet effort est reconnu par les acteurs consultés, en soulignant la diversité des formes de cette communication : site Internet, publications, lettre d’information … De même, les organismes ayant répondu au questionnaire conviennent que les autorités de régulation considérées s’efforcent de faire preuve de concertation avant la prise de décisions ayant un impact sur le secteur : réunions, auditions, groupe de travail, rencontres avec les membres des collèges ou consultations publiques … Ces procédures permettent de recueillir l’avis des professionnels dans le processus de prise de décision.

Certes, des critiques sont parfois formulées, mais, à titre d’exemple, il ne fait pas de doute que la « concertation » sera toujours jugée insuffisante dès lors qu’elle n’aboutit pas aux conclusions souhaitées par une partie prenante.

Il est également intéressant de noter que les interlocuteurs, à une quasi–unanimité, saluent l’expertise et le professionnalisme des autorités concernées, qu’il s’agisse des membres des collèges ou de leurs services. Le développement de l’expertise économique dans certaines autorités a été particulièrement apprécié.

L’appréciation de la qualité des décisions des autorités s’avère plus problématique. Si des critiques fortes sont parfois exprimées, elles revêtent souvent une appréciation d’opportunité sur le sens des décisions. L’analyse des remarques formulées montre en outre que les critiques émanent souvent d’organes ayant des intérêts divergents. Dès lors, ces quelques critiques de fond pourraient aussi être considérées comme constituant a contrario une sorte de preuve de l’indépendance de l’autorité en cause – laquelle ne peut cependant pas, naturellement, être exercée sans aucune limite(86). Certaines critiques vont d’ailleurs parfois dans des sens complètement différents.

● Des suggestions de modifications, dont la portée, l’intérêt et la justification varient sensiblement

Beaucoup, parmi les acteurs consultés, estiment que la transparence et la proximité des autorités, quoique déjà satisfaisantes, pourraient encore faire l’objet d’améliorations. Ainsi, une motivation plus systématique et plus détaillée des décisions (particulièrement des sanctions) ou la publicité des débats pourraient aller dans ce sens. De même, l’information diffusée par ces autorités pourrait encore gagner en qualité, notamment grâce à l’amélioration des moteurs de recherche utilisables sur leurs sites Internet.

Les réponses montrent que les interlocuteurs de ces autorités leur reconnaissent généralement une réactivité forte, supérieure à celle de l’administration traditionnelle. Cependant, certaines réponses relèvent un décalage entre le « temps de la régulation » et le « temps du marché », appelant à des contacts plus directs, au besoin spécialisés par catégorie d’acteurs, et à la création de procédures d’urgence. Certains acteurs consultés font valoir que les moyens de certaines autorités devraient être augmentés, permettant d’accroître la réactivité de ces dernières.

Les acteurs consultés insistent également sur le nécessaire renforcement des droits de la défense lors des procédures, notamment de sanctions, engagées devant certaines autorités, quelques interlocuteurs jugeant les critères de sanction énoncés par la loi insuffisamment précis et l’articulation avec les procédures de droit commun redondante. Certains organismes interrogés souhaitent que soit promue une séparation organique des collèges chargés de la réglementation et de la sanction. De même, le pouvoir de « droit mou » (soft law) est diversement apprécié, certaines réponses estimant qu’il va au–delà des compétences fixées par la loi (cf. supra, 1re partie).

Si l’indépendance et le professionnalisme de ces institutions sont soulignés, ce que suggèrent d’ailleurs les propositions de renforcement des compétences de plusieurs d’entre elles, certaines réponses pointent la conception extensive que certaines autorités auraient de leur champ de compétences. De plus, des suggestions sont faites afin d’améliorer l’articulation des autorités entre elles, le cas échéant par la fusion de certains organes de régulation.

2.– La réactivité des AAI

Une des raisons principales justifiant la création des AAI est la recherche d’une meilleure réactivité. Ainsi Mme Marianne Laigneau, membre de la commission droit de l’entreprise du MEDEF, déclarait lors de son audition par le Groupe de travail que les AAI doivent prendre des décisions dans des délais compatibles avec la vie des affaires.

Les rapporteurs ont procédé à une analyse approfondie des délais des décisions, recommandations et autres autorisations des AAI(87). En règle générale, ces délais sont satisfaisants. Il est cependant impossible de comparer avec les délais administratifs ou juridictionnels, en raison de l’absence de données correspondantes.

Ainsi le Médiateur de la République indique que le délai de traitement des dossiers a sensiblement diminué par rapport à il y a quelques années, avec des effectifs relativement constants.

Une exception notable est constituée par l’unanimité des critiques contre le non respect des délais par la CNIL. Il faut dire que la cause généralement reconnue en est le manque de moyens de cette autorité.

Chez le Médiateur national de l’énergie, le délai de traitement des réclamations recevables a été de 4,8 mois en 2008, et même de 7 mois en 2009, alors que le décret précisant ses missions dispose que la recommandation est envoyée aux parties concernées « deux mois au maximum » après l’envoi de l’accusé de réception. Le délai moyen d’accusé de réception des saisines était de 29 jours en 2008, alors que le décret prévoit que le MNE doit accuser réception « sans délai » des courriers de saisine.

3.– Le pouvoir de sanction

Un petit nombre d’AAI disposent d’un pouvoir de sanction : CSA, ARCEP, CRE, CNIL, AFLD, AMF, Autorité de la concurrence. Il en est de même pour l’ACP, l’ARJEL et l’ARAF qui étaient en cours de création lors de la préparation du présent rapport. Les rapporteurs ont effectué au moyen d’un questionnaire une évaluation approfondie de l’exercice du pouvoir de sanction de ces AAI(88).

La question principale est de savoir si l’activité de sanction des AAI est ou non plus efficace que l’administration prononçant des sanctions administratives ou que la justice de droit commun : délais, utilisation de la gamme de sanctions, traitement systématique des dossiers, pouvoir de transaction (AMF, Autorité de la concurrence), garanties de procédure, distinction des activités d’instruction et de sanction.

Le choix fait par le ministère de la Justice d’organiser une formation commune d’appel pour certaines décisions de l’AMF, de l’Autorité de la concurrence et d’autres AAI intervenant en matière économique, montre clairement la nécessité d’une expertise technique et d’une certaine permanence, ce qui justifie, d’une certaine manière, le choix d’aller plus loin en confiant un pouvoir de sanction aux AAI directement en première instance. Mais aussi qu’il faudrait donner tous les moyens d’un fonctionnement optimal au juge d’appel. Ainsi, à une question des rapporteurs sur le degré de spécialisation de la Cour d’appel de Paris dans ce type d’affaires, le président de l’Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, indiquait qu’il y a, « au sein de la Cour d’appel, une chambre qui suit les affaires qui nous concernent, ainsi que celles de l’AMF et des régulateurs sectoriels tels que la CRE et l’ARCEP. Mais il y a peut–être – les avocats le disent – un manque de moyens et de formation. C’est dommage que la réforme opérée par la LME ait porté sur la modernisation de l’autorité administrative de régulation de la concurrence, sans se poser aussi dans le même temps la question de la modernisation du stade suivant de la "chaîne de contrôle", à savoir la phase contentieuse. Au niveau européen, toute une réflexion a été menée pour doter l’Union européenne d’un juge spécialisé dans le contentieux économique complexe qu’est la concurrence. »

A priori une autorité en charge de la régulation d’un secteur doit éviter le contentieux autant que peut se faire, elle doit régler les problèmes en amont. Ainsi le nombre de sanctions prononcées ou le montant cumulé annuel des sanctions ne sont pas de bons indicateurs de l’efficacité d’une AAI si cette dernière parvient à ses fins sans recourir à la sanction. Par contre, une AAI qui craindrait de recourir à la sanction ou qui s’autolimiterait ne remplirait pas convenablement le rôle que l’on serait en droit d’attendre d’elle. Ainsi le CSA estime qu’il arrive à se faire respecter des opérateurs qu’il régule sans devoir recourir fréquemment aux sanctions (deux sanctions prononcées en 2009 seulement). Il en est de même de même de l’ARCEP.

● La nécessaire garantie de procédures justes et équitables

L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) stipule que : « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi ».

Le Conseil constitutionnel a reconnu la faculté pour le législateur de doter les AAI d’un pouvoir répressif sous la réserve expresse que les droits à un procès équitable soient garantis : procédure contradictoire, garantie des droits de la défense, présomption d’innocence, proportionnalité de la sanction, principe d’impartialité…(89). Le Conseil d’État et la Cour de cassation ont de plus admis que les stipulations de l’article 6 de la CEDH, relatives au caractère équitable d’un procès, sont invocables à l’encontre de sanctions rendues par les AAI. Plusieurs parties prenantes faisant l’objet de procédures de sanctions devant les AAI estiment qu’il pourrait être utile d’unifier les procédures. M. Philippe Nugue, membre du Conseil national des barreaux, estimait lors de son audition par le Groupe de travail que l’on pourrait penser à un code des procédures de sanction commun à toutes les AAI qui disposent de ce pouvoir. Les rapporteurs souhaiteraient que le Conseil d’État étudie la possibilité d’édicter un tel code de procédures. Ce faisant, il faudra bien sûr veiller à ce que les garanties de procédures n’aboutissent pas in fine à une prise de décision trop lente.

Les juridictions séparent les phases de l’instruction et du jugement. La question se pose donc pour les autorités administratives qui ont le pouvoir de sanction. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme prescrit, pour les sanctions administratives, que la distinction des fonctions d’instruction et de jugement soit respectée au niveau du procès (pas dans la phase d’enquête administrative). La jurisprudence française (Conseil d’État et Cour de cassation) va au–delà en imposant une séparation y compris au niveau de la phase administrative.

Deux modes opératoires sont en théorie possibles :

– séparation fonctionnelle entre les services – avec éventuellement un rapporteur général indépendant – qui mènent l’instruction, et le collège, qui prononce la sanction (Autorité de la concurrence, ARCEP, CSA) ;

– séparation organique avec les services sous la responsabilité du collège qui dirigent l’instruction et une commission des sanctions indépendante du collège qui prononce la sanction (AMF, CRE).

À titre de comparaison et pour les autorités en charge de la concurrence, trois pays européens seulement pratiquent une séparation organique pour les phases d’instruction et de sanction : Espagne, Luxembourg et France.

Les rapporteurs souhaitent préserver cette pluralité de mise en œuvre. Ils estiment que l’organisation lourde avec une commission des sanctions n’est pas adaptée à tous les cas de figure et doit être réservée au cas des autorités qui exercent à la fois un pouvoir de sanction et un pouvoir réglementaire (ce qui est le cas de l’AMF et de l’ACP, mais pas de l’Autorité de la concurrence ou de l’AFLD par exemple). Ainsi l’AFLD justifie–t–elle son choix de ne pas se voir dotée d’une commission des sanctions distincte du collège par souci de ne pas rigidifier outre mesure la structure de l’institution.

La commission des sanctions, quand elle existe, pourrait être essentiellement constituée d’éléments du collège (une sorte de formation du collège). Plusieurs parties prenantes consultées par les rapporteurs ont émis la proposition intéressante de compléter la présence de professionnels par des magistrats en plus grand nombre dans les commissions des sanctions, plus permanents pour pouvoir rapporter effectivement dans des affaires souvent complexes.

Enfin, à propos de l’affaire EADS, les auditions par le Groupe de travail du président de l’AMF et du président de sa commission des sanctions ont montré l’utilité de prévoir la possibilité d’un recours du collège contre les décisions de la commission des sanctions, comme cela est déjà le cas pour l’ACP. À l’initiative des rapporteurs, un amendement en ce sens au projet de loi de régulation bancaire et financière a été adopté à l’Assemblée nationale en première lecture. Cette modification offre l’opportunité d’un examen supplémentaire si le collège de l’AMF estime que la commission des sanctions a prononcé un verdict insatisfaisant à l’égard des griefs présentés.

● L’indépendance du pouvoir de sanction

L’indépendance des AAI est particulièrement sensible s’agissant de l’exercice de leur pouvoir de sanction. Un exemple en est donné par l’affaire dite du « Cartel de l’acier » devant l’Autorité de la concurrence. La Cour d’appel de Paris a décidé le 21 janvier dernier de diviser par huit l’amende qui avait été infligée par l’Autorité de la concurrence (73 millions d’euros contre 575 millions). Le président de l’Autorité de la concurrence a indiqué, lors de son audition devant le Groupe de travail, que l’enquête effectuée sur les pratiques des entreprises sidérurgiques entre 1999 et 2004 avait apporté les preuves accablantes d’un « quadrillage » de leur environnement économique. Les onze entreprises qui représentent 90 % du marché ont pratiqué une entente de prix, se sont réparti les clients et les régions, ont faussé les appels d’offre et ont appliqué une stricte discipline de cartel. Elles n’ont pas contesté les faits. Les victimes en sont des milliers de PME. À la demande du commissaire du Gouvernement auprès de l’Autorité de la concurrence et du Parquet, et en confirmant les faits et leur qualification, la Cour d’appel de Paris a décidé d’abaisser substantiellement le montant de la sanction pécuniaire au motif des difficultés graves occasionnées, entre temps, par la crise économique, et accessoirement de son évaluation différente de l’importance du dommage causé à l’économie.

Le Gouvernement, qui en avait la possibilité, n’a par la suite pas souhaité se pourvoir en cassation. Le Conseil de la concurrence, pendant la mandature duquel l’affaire avait débuté, n’avait pas le pouvoir d’intenter ce pourvoi. Depuis, mais sans application rétroactive, l’Autorité qui a succédé au Conseil de la concurrence dispose de ce pouvoir. Les rapporteurs regrettent cette décision, alors que les débats devant la Cour de cassation auraient pu éclaircir le sujet du montant approprié de la sanction. Ils notent que l’effet de dissuasion des sanctions est nécessaire et que l’Autorité de la concurrence est maintenant en position de faiblesse pour imposer des montants élevés de sanction dans les cas où cela se justifierait. Il en va de la crédibilité de l’Autorité de la concurrence.

L’Autorité de la concurrence a également infligé le 20 septembre 2010 une sanction pécuniaire de 384,9 millions d’euros à 11 banques accusées d’avoir mis en place des commissions interbancaires non justifiées lors du passage à la dématérialisation du traitement des chèques. Les représentants des usagers des banques estiment que le montant de cette sanction, intervenue trois ans après les faits, ne représente qu’un peu plus de la moitié de ce que les banques avaient gagné (plus de 700 millions d’euros) ; selon eux cette sanction ne serait donc pas dissuasive vis–à–vis de l’entente qui règne dans la profession bancaire, puisqu’in fine, les banques ont quand même gagné beaucoup d’argent sur leurs clients.

Ce même 20 septembre, la ministre de l’Économie, Mme Christine Lagarde, a reçu le rapport d’expert qu’elle avait commandé à trois personnalités qualifiées, MM. Jean–Martin Folz, Christian Raysseguier et Alexander Schaub, sur « l’appréciation de la sanction en matière de pratiques anticoncurrentielles »(90). Après avoir validé dans les grandes lignes le mode actuel de calcul des sanctions par l’Autorité de la concurrence, le rapport d’expert préconise d’en modifier certains critères (plafond, définition de circonstances atténuantes ou aggravantes, position de leader, durée des pratiques incriminées, situation économique de l’entreprise…). Le rapport ne revient pas sur l’idée, exprimée par la Cour d’appel de Paris, que le contexte de crise économique devrait conduire à baisser le niveau des sanctions, alors même que les entreprises concernées n’ont démontré l’existence d’aucune difficulté économique concrète. Le rapport préconise également un débat contradictoire plus tôt dans la procédure. Il suggère de créer une commission des sanctions de l’Autorité de la concurrence, sur le modèle de celle existant à l’AMF.

Surtout, le rapport d’experts se prononce pour la publication de lignes directrices précisant les modalités d’application de l’article L464–2 du code de commerce (celui sur les sanctions) – sans se prononcer sur le fait de savoir si un décret doit les avaliser pour leur donner une force règlementaire. Deux experts se prononcent pour et le troisième contre la validation par décret. Ce troisième membre de la mission considère que « des lignes directrices adoptées par l’Autorité de la concurrence et ne liant qu’elle seule ne gagneraient pas d’une intervention du pouvoir exécutif. Cette dernière risquerait de mettre en doute l’indépendance de l’Autorité et ne se retrouve d’ailleurs pas dans les autres États membres. Des lignes directrices prises sans décret auraient pour cette raison plus de crédibilité. » L’Autorité de la concurrence n’est pas favorable à une homologation des règles par décret, qui ferait perdre à l’instrument sa souplesse. Elle a confirmé qu’elle soumettrait un projet de lignes directrices sur les sanctions à une consultation publique d’ici la fin de l’année. Celle–ci pouvant durer deux mois, des lignes directrices pourraient être prêtes à la fin du premier semestre 2011.

Les rapporteurs estiment que, de fait, le recours au décret n’apparaît pas compatible avec l’indépendance dont est dotée par la loi l’Autorité de la concurrence. La loi a en effet confié le pouvoir de sanction à une autorité préservée de toute interférence du Gouvernement dans la conduite des dossiers individuels de cartels ou d’abus de position dominante. Des lignes directrices ne relèvent pas de l’exercice d’un quelconque pouvoir règlementaire, dont l’Autorité de la concurrence est dépourvue, mais synthétisent sa pratique décisionnelle et son approche au cas par cas. Les rapporteurs estiment en outre que si l’article L464–2 du code du commerce (sur les sanctions de l’Autorité de la concurrence) n’est pas suffisamment clair, ce n’est certes pas à un décret de le préciser, mais à la loi, qui seule peut déterminer la nature des pratiques répréhensibles et des sanctions correspondantes. Le Conseil national des Barreaux (CNB), auditionné par le Groupe de travail, abonde dans ce sens en proposant un renforcement du rôle du législateur, les grandes lignes de la politique de concurrence à conduire devant selon lui être définies par la loi.

● Mesures alternatives aux sanctions

Les organisations professionnelles représentant les entreprises françaises se prononcent pour l’utilisation par les AAI de mesures alternatives aux sanctions. Certaines AAI indiquent à ce sujet que la mise en demeure remplit déjà les objectifs des mesures alternatives et que l’engagement d’une procédure de sanction est dissuasif (plus que la sanction elle–même).

Plusieurs AAI françaises (Autorité de la concurrence, CSA) ont déjà la possibilité de proposer des mesures alternatives aux sanctions (engagements, clémence, non contestation de griefs). Aucune, en revanche ne dispose de la mesure alternative la plus élaborée : le pouvoir de transaction(91).

Le pouvoir de transaction(92) est largement pratiqué aux États–Unis par la Securities and exchange commission (SEC), l’équivalent de l’AMF, avec, cette année, la transaction conclue avec Goldman Sachs pour un demi–milliard de dollars, pour une fraude liée aux subprimes, les crédits immobiliers à risque jugés responsable de la récente crise financière.

L’attribution à l’AMF d’un pouvoir de transaction (dénommé procédure de « composition administrative ») a été introduite par amendement à l’occasion de l’examen en première lecture par le Sénat du projet de loi de régulation bancaire et financière. Cette procédure de transaction donnerait à l’AMF le droit de négocier avec les personnes morales ou physiques mises en cause pour infraction au code monétaire et financier ou son règlement général. Il lui permettrait ainsi de se passer de la procédure habituelle de sa commission des sanctions. La procédure de transaction serait proposée par le collège et homologuée par la commission des sanctions. Cette disposition aurait un double avantage. Il s’agit de pouvoir aller plus vite sur les dossiers mineurs, et se concentrer sur les plus importants, dans une période où les missions des autorités sont progressivement élargies alors que les moyens peinent à suivre ; pour les personnes incriminées, elle signifierait l’arrêt pur et simple de la procédure de sanctions, sans méconnaître le bien–fondé des griefs qui ont été notifiés. Ce mécanisme ne s’appliquerait toutefois pas aux manquements les plus graves, notamment les abus de marché (initié, diffusion de fausses informations et manipulation de cours), qui relèvent du droit pénal.

Un tel pouvoir de transaction est demandé par de nombreux acteurs de la place de Paris, ainsi l’Association française des marchés financiers (AMAFI), ou encore le MEDEF par la voix de Mme Joëlle Simon, directrice des affaires juridiques, lors de son audition par le Groupe de travail. Le MEDEF se prononce pour le développement des engagements et pour la mise en place d’une procédure de transaction à l’AMF, tout en soulignant qu’elle ne pourrait concerner que les contentieux de moindre importance et devrait être strictement encadrée.

La difficulté réside dans le fait que si une entreprise accepte la transaction, elle reconnaît sa culpabilité. En outre, M Jean François Prat, membre du Barreau de Paris, notait lors de son audition par le Groupe de travail qu’une transaction n’emportait pas la fin d’une éventuelle action judiciaire parallèle, sauf à ce que cela soit expressément prévu.

● La publicité des sanctions

Devant les juridictions de droit commun, chacun peut prendre connaissance au greffe du texte de toutes les décisions ; ce principe général ne s’applique pas aux sanctions prononcées par les AAI. La question de la publication ou non des décisions de transaction se pose également.

La publicité accordée aux sanctions est sujette à discussions. D’un côté, dans de nombreux cas, seule la publication de la sanction permet de lui donner une valeur exécutoire (interdiction d’exercer). Dans d’autres cas, la publication a valeur d’exemple pour les autres acteurs. C’est ainsi que la CNIL a décidé le 22 avril 2010 d’adresser un simple avertissement, mais rendu public, à une société spécialisée dans la mise en relation d’enseignants avec des parents d’élèves, à la suite de manquements constatés lors de contrôles sur place en 2009. Cette décision a fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État. D’un autre côté, de nombreuses parties prenantes des AAI se sont plaintes des dommages excessifs en termes d’image qui résultent d’une telle publication. Par ailleurs, s’agissant des sanctions prises à l’égard de personnes physiques, la CNIL veille à empêcher leur publication sur Internet sous une forme nominative, y compris pendant la durée de la sanction, en raison du délai disproportionné de conservation de l’information par les moteurs de recherche. La publication sur Internet sous une forme anonymisée réduit cependant sensiblement la portée effective de la sanction dans certains cas.

Il ressort du projet de loi de régulation bancaire et financière en cours d’examen que les décisions de la commission des sanctions de l’AMF seraient rendues publiques sous une forme déterminée par la commission des sanctions. Toutefois, ce nouveau régime de publicité comporte des exceptions à l’obligation de publication « dans les cas où leur publication perturberait gravement les marchés financiers ou causerait un préjudice disproportionné aux parties en cause », conformément à ce que prévoit l’article 14 de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché.

Les rapporteurs estiment que la solution proposée dans ce projet de loi constitue le bon compromis ; tout comme pour les juridictions, la publication des sanctions fait partie intégrante de la sanction et est une condition nécessaire à sa prise d’effet, tant pour les personnes ou les entreprises en cause que pour l’ensemble du secteur concerné.

Recommandation n° 17 : Encadrer le pouvoir de sanction des AAI.

– garantir, en conformité avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, les conditions d’une procédure juste et équitable assurant le respect des droits de la défense ;

– étudier, en liaison avec le Conseil d’État, la possibilité d’édicter un code des procédures commun à toutes les AAI disposant du pouvoir de sanction ;

– assurer la séparation des fonctions d’instruction et de jugement en permettant des modalités d’applications comportant ou non la création d’une commission des sanctions ;

– établir le principe de la publication systématique des décisions de sanction, sauf dans les cas dûment motivés où leur publication perturberait gravement les marchés ou causerait un préjudice disproportionné aux parties en cause ;

– accroître la présence de magistrats dans les commissions des sanctions ;

– permettre un recours du collège contre les décisions de la commission des sanctions ;

– développer plus largement la possibilité ouverte aux AAI d’adopter des mesures alternatives aux sanctions, notamment sur les affaires comportant de faibles enjeux, afin de leur permettre de se concentrer sur les dossiers les plus importants.

4.– La médiation

L’activité de médiation constitue une modalité nouvelle de l’action publique qui a justifié la création de plusieurs AAI. Elle a l’avantage d’être gratuite pour l’usager. Elle a été conçue pour résoudre de façon non contentieuse les nombreux problèmes qui peuvent surgir entre l’administration et les usagers.

Les rapporteurs ont interrogé par questionnaire écrit les principales AAI qui exercent des fonctions de médiation : Médiateur de la République, Médiateur du cinéma, Médiateur national de l’énergie, mais aussi HALDE et Défenseur des enfants. L’objectif était de mesurer un indicateur d’efficience de gestion permettant de faire apparaître le coût d’une médiation réussie. Ils étaient partis de l’interrogation suscitée par le fait que le Médiateur de la République emploie une centaine d’agents pour traiter les réclamations (plusieurs dizaines de milliers) relatives à l’ensemble des administrations publiques, alors que le Médiateur de l’énergie devrait disposer à la fin de l’année 2010 d’une cinquantaine d’agents (26 en 2009) pour traiter les réclamations (quelques centaines) à l’égard des seules entreprises du secteur de l’énergie.

Les réponses apportées à ce questionnaire n’ont pas permis d’y arriver(93). D’une part, il est apparu que chaque AAI avait une définition spécifique de ce qu’était une réclamation reçue (par courrier, par e–mail, par téléphone, au siège parisien ou dans les délégations régionales…), un dossier traité (quid des réclamations rejetées pour incompétence ou réorientées vers d’autres administrations ?), voire une médiation « réussie » (certaines AAI considèrent que tout dossier traité est une médiation réussie, quelle que soit la suite donnée). D’autre part, il a été impossible de recueillir les données sur les coûts des AAI sur une base harmonisée : certaines AAI ont accepté de communiquer leur budget global, d’autres n’ont communiqué qu’un budget incomplet (ne comprenant pas les effectifs et autres moyens mis à disposition gratuitement par d’autres administrations), alors que d’autres encore ont estimé qu’un tel calcul de coût n’était pas pertinent.

Le Médiateur de la République a calculé qu’en 2009 le coût moyen d’un dossier (= budget global de 11 millions d’euros (non compris les 6 agents qui restent à ce jour mis à disposition gratuitement) / 76 286  dossiers traités par le siège parisien et les délégués locaux, y compris réorientation et information) s’élevait à 145,49 euros(94). Le Médiateur de la République indique un taux de réussite de 93 % en 2009.

Le Médiateur du cinéma considère que sur les 144 dossiers de médiation ouverts en 2009, les demandes de médiation ont été satisfaites dans 63 % des cas (contre 69 % l’année précédente). Interrogé par les rapporteurs, il n’a pas fourni les éléments permettant de calculer le coût d’une médiation. En effet, d’une part, une partie substantielle de ses coûts de fonctionnement ne sont pas supportés par son budget propre, et, d’autre part, il considère que les dispositions du code du cinéma et de l’image animée lui assignent d’autres missions que la médiation.

Le Médiateur national de l’énergie considère qu’en 2009 seulement 55 % de ses effectifs participent à la mission de médiation. Sur 4 496 saisines, 3 267 dossiers sont considérés comme résolus (2 988 solutions apportées directement par le fournisseur suite au réexamen du dossier et 279 recommandations écrites et motivées), ce qui fait apparaître un ratio de 73 % de dossiers « résolus ». Le Médiateur calcule que le coût d’une médiation réussie est donc égal à : 2,7 millions d’euros X 55 % (55 % du budget de fonctionnement, soit environ un tiers du budget global du Médiateur) / (3 267 dossiers « résolus ») = 455 euros.

Le Défenseur des enfants comptabilise en 2009 2 157 réclamations (concernant environ 3 000 enfants). Sur ce total, 466 (21,6 %) réclamations ont donné lieu à une réorientation et 1 691 (78,4 %) à une instruction approfondie. Sur ces 1 691 restantes, 63 (3,7 %) ont fait l’objet d’un désistement du demandeur, 71 (4,2 %) ont fait l’objet d’un blocage légal ou institutionnel et 1 557 (72,2 %) ont été considérées comme des « médiations réussies ». Le Défenseur des enfants calcule que le coût moyen de gestion d’un dossier est de 800 000 euros de dépenses du pôle « réclamation » (sur un budget total de 2,7 millions d’euros) / 2 157 réclamations = 375 euros. Ce ratio présente une forte volatilité annelle puisqu’il était de 529 euros en 2008 et 423 euros en 2007.

La HALDE distingue les réclamations des médiations. Elle indique avoir traité 10 734 réclamations en 2009 dont 1 752 ont fait l’objet d’une instruction approfondie. Le collège a effectué 19 médiations dont 8 se sont soldées par un succès, 3 par un échec et les 8 autres encore en cours. Les services de la HALDE indiquent, sans préciser leur mode de calcul, que le coût moyen d’une médiation est de 1 900 euros (et 2 200 pour les seules médiations réussies). En l’absence d’indication de la méthodologie suivie, ces indicateurs ne sont pas comparables avec ceux des autres AAI chargées des activités de médiation.

Les rapporteurs estiment en conclusion qu’il conviendrait que les AAI exerçant des fonctions de médiation calculent et publient annuellement sur une base harmonisée des données sur le coût moyen d’un dossier traité et d’une médiation réussie.

B.– LE MANQUE DE TRANSPARENCE SUR LES MOYENS ALLOUÉS AUX AAI CACHE UNE FORTE CROISSANCE TENDANCIELLE

Nous avons vu que le volume budgétaire des AAI par rapport au budget de l’État et leurs effectifs par rapport à ceux de l’État sont très faibles. Ils n’en revêtent pas moins un aspect symbolique incontestable.

La connaissance des moyens matériels, financiers et humains mis à disposition des AAI est une condition essentielle de la transparence que ces organismes doivent au Parlement. Force est de constater que tel n’est actuellement pas le cas. Le Parlement ne peut valablement exercer le rôle qui est le sien d’attribution de ressources financières adaptées aux missions qui sont remplies. Il faut certes préserver la liberté de gestion des AAI ; mais en contrepartie le Parlement doit avoir les moyens d’évaluer le rapport coût efficacité de leurs interventions.

Les rapporteurs ont montré dans la première partie du présent rapport que, même si le poids des AAI est modeste dans l’appareil d’État, les crédits qui leur sont affectés et les effectifs qu’elles emploient ont beaucoup augmenté au cours des dernières années :

– augmentation des effectifs de 16,8 % en trois ans, soit une croissance annuelle moyenne de 5,3 % selon les statistiques de la direction du Budget ;

– augmentation des crédits consommés de 27,4 % en trois ans, soit une croissance de 8,4 % par an selon les statistiques de la direction du Budget.

Les résultats d’une étude comparative (95) effectuée par l’Autorité de la concurrence française, telle que communiquée au rapporteurs lors de l’audition de son président, montrent que la France connaît le ratio d’effectifs de l’autorité nationale de la concurrence par rapport à la population du pays le plus faible, soit 2,8 agents par million d’habitants, le maximum (Pays–Bas) s’établissant à 15,6 agents par million d’habitants. Par contre – et de façon apparemment contradictoire – le budget de l’Autorité de la concurrence apparaît comme le plus élevé des pays étudiés.

Le président de l’ARCEP a, lors de son audition par le Groupe de travail, remis aux rapporteurs les résultats d’une étude portant sur « la performance des autorités indépendantes de régulation économique : étude européenne comparée ». Cette étude portant sur cinq pays (France, Allemagne, Italie, Royaume–Uni et Espagne) et sur trois autorités (concurrence, énergie et télécommunications. Il résulte de cette étude, commandée conjointement par l’Autorité de la concurrence, l’ARCEP et la CRE, et effectuée par Capgemini Consulting en partenariat avec Ylios, que les trois AAI françaises seraient parmi les plus économes en moyens humains et financiers. Sont également mesurés les ratios de budget et d’effectifs des autorités indépendantes par rapport à l’importance économique du secteur régulé (volume d’électricité et de gaz, PIB, population, revenu du secteur). On peut néanmoins s’interroger sur les résultats de cette étude, sachant que les moyens du Médiateur national de l’énergie (français) ne sont pas pris en compte, que certains pays ont des structures fédérales, que le nombre d’autorités en charge de la concurrence est variable d’un pays à l’autre et que la séparation entre la régulation de l’audiovisuel et des communications électroniques n’existe par dans tous les pays.

1.– Les effectifs et les rémunérations

a) La croissance des effectifs

Les rapporteurs ont interrogé l’ensemble des AAI par questionnaire sur leurs effectifs(96). La première constatation que l’on doit faire est que des zones d’ombre entachent encore la bonne connaissance des effectifs employés par les AAI.

Deux cas sont à distinguer, suivant que les AAI disposent ou non de la personnalité morale. Pour les AAI ne disposant pas de la personnalité morale, leurs effectifs sont obligatoirement inclus dans les plafonds d’autorisation d’emploi des ministères. Le problème réside dans le fait que quelquefois on ne sait pas très bien où. Les effectifs des AAI dont le coût est financé par leur budget sont relativement bien connus. Ils le sont moins quand il s’agit de mises à disposition à titre gracieux en provenance d’autres administrations publiques. Ces dernières ne fournissent souvent pas les données permettant de calculer le nombre d’équivalents temps plein travaillés (ETPT) prêtés aux AAI et, partant, leur coût. On a vu que, pour les autorités publiques indépendantes (API) disposant de la personnalité morale, leurs effectifs ne sont pas inclus dans les plafonds d’autorisation d’emplois votés par le Parlement. Il en résulte que leurs décomptes en termes d’effectifs ne sont pas contrôlés par les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels (CBCM) et qu’aucune certitude n’est donnée sur leur sincérité ni sur leur conformité à la méthodologie communément suivie d’équivalent temps plein travaillé (ETPT).

Malgré ces lacunes dans la comptabilisation, plusieurs exemples illustrent l’augmentation des effectifs des AAI. Les effectifs (hors collège) de la CRE sont passés de 101 en 2005 à 129 en 2009 (+ 28 % en 4 ans). Ceux de l’ASN ont augmenté de 17,5 % entre 2005 et 2009 (4 ans). Ceux de la Commission bancaire sont en forte augmentation : 586 agents fin 2009, contre 485 fin 2005 (+ 20,8 %). Les effectifs de l’Autorité de la concurrence sont passés entre 2006 et 2010 de 119 à 187 ETPT autorisés (+ 57,1 %). Ceux de la HAS sont passés de 369 à 432 entre 2005 et 2009 (+ 17,1 %). Le Médiateur national de l’énergie prévoit un doublement de ses effectifs en un an, de 26 en 2009 à près de 50 ETPT en 2010. Les effectifs de l’AMF sont passés de 342 en 2005 à 391 en 2009 (+ 14,3 % en 4 ans).

Plusieurs présidents d’AAI auditionnées par le Groupe de travail ont indiqué qu’ils envisageaient un accroissement de leurs effectifs dans les années à venir. Les dispositions du projet de loi relatif à la nouvelle organisation du marché de l’électricité (« NOME ») en cours d’examen et la transcription du 3e paquet des directives européennes relatives aux marchés électriques et gaziers, devraient entraîner un besoin supplémentaire de la CRE en moyens financiers et humains. Le président de l’AMF demande à disposer de 50 personnes supplémentaires. L’ACP a été créée début 2010 avec 880 « équivalents agents temps plein » (EATP) ; elle prévoit entre 950 et 1 000 EATP fin 2010 et 1 100 EATP en 2012 (cible). L’ACP justifie cette augmentation des effectifs par plusieurs facteurs : mise en œuvre de la nouvelle réglementation bancaire dite « Bâle 3 » ; préparation et mise en place de la réglementation européenne de contrôle des assurances dite « Solvabilité 2 » ; et nouvelles missions confiées à l’ACP, notamment le contrôle des pratiques commerciales. La Commission bancaire a connu une augmentation de ses effectifs ces dernières années et entend la continuer, au sein de l’ACP, pour mettre à niveau le secteur assurances et se rapprocher des ratios en vigueur pour les régulateurs financiers des pays étrangers (ratio d’agents par établissement contrôlé).

On aurait pu attendre que, par un phénomène de vases communicants, les effectifs employés par les AAI soient retranchés des effectifs de leurs administrations publiques d’origine, ainsi réduits à due concurrence suite au transfert de compétences correspondant. Les rapporteurs n’ont pu mettre en évidence un tel mécanisme que dans un cas, lors de la transformation du Conseil de la concurrence en Autorité de la concurrence, avec la reprise par cette dernière des compétences de la direction générale de la Concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère de l’Économie en matière de contrôle des concentrations. Dans tous les autres cas, le discours tenu a consisté à dire que, lors de leur création, ces autorités (CSA, ARCEP, CRE…) rempliraient des fonctions qui n’étaient jusque là pas remplies par l’administration.

Ainsi le directeur de la DGCCRF a indiqué aux rapporteurs, leur de son audition par le Groupe de travail, que 60 emplois avaient été transférés du ministère de l’Économie vers l’Autorité de la concurrence (50 de la DGCCRF et 10 d’autres directions de ce ministère). Les transferts sont intervenus en plafond d’emplois et en masse salariale. Sur ces 60 emplois, seulement 26 agents du ministère ont fait le choix de rejoindre l’Autorité de la concurrence, le transfert se faisant sur la base du volontariat. L’Autorité de la concurrence a donc dû procéder à des recrutements extérieurs pour 34 emplois. Ces 34 emplois figurent donc toujours dans le plafond d’emplois du ministère de l’Économie : si certains ont été redéployés vers d’autres directions, d’autres étaient toujours en attente d’une nouvelle affectation au moment de l’audition de la DGCCRF par les rapporteurs.

M. Pierre–Franck Chevet, directeur général de l’Énergie et du climat (DGEC) au ministère de l’Écologie, a indiqué, lors de son audition par le Groupe de travail, que la création de l’ASN avait entraîné un regroupement des équipes ministérielles en charge de la sûreté nucléaire, et donc une rationalisation des moyens, mais pas de réduction globale des moyens humains. Des postes nouveaux ont même été créés pour gérer les aspects internationaux (accompagnement des nouveaux entrants), la prolongation de la durée de vie des centrales et la certification des nouveaux réacteurs.

Mme Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère de la Culture et de la communication, indiquait lors de son audition par le Groupe de travail que la création du CSA et des autorités qui l’ont précédé avait correspondu à l’apparition de tâches nouvelles, liées à la libéralisation des ondes, et que des ressources humaines avaient été spécialement créées pour cette mission. Par contre, les effectifs de techniciens du ministère de la Culture (ainsi pour la planification des fréquences et du spectre) ont quitté la DGMIC pour le ministère en charge des télécommunications.

Ces tendances lourdes d’évolution des effectifs des AAI s’inscrivent dans le contexte que l’on sait de la révision générale des politiques publiques (RGPP) avec la règle du non remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Les rapporteurs estiment que le moins que l’on puisse attendre des AAI serait une stabilisation pour les trois prochaines années de la masse salariale au niveau de 2010, à missions constantes. Des marges de manœuvre seraient laissées aux AAI pour la gestion des effectifs et leur nombre, pourvu que l’on reste dans le cadre de cette enveloppe globale. En cas d’accroissement des missions, les AAI ne pourraient déroger à cette règle de stabilité qu’après une étude d’impact présentée préalablement au Gouvernement et au Parlement.

Recommandation n° 18 : Stabiliser la masse salariale des AAI et supprimer les doublons entre services des ministères et AAI.

– stabiliser pour les trois prochaines années la masse salariale au niveau de 2010 à missions constantes ; en cas d’accroissement des missions, une dérogation à cette règle ne pourrait être envisagée qu’après une étude d’impact présentée préalablement au Gouvernement et au Parlement.

– veiller à ce que soient effectivement supprimés les services des ministères qui doublonneraient dans les domaines de compétence où une AAI a été créée.

b) Le manque d’homogénéité des rémunérations

Les rapporteurs ont étudié en détail les rémunérations des présidents des AAI, des membres de leur collège et de leur personnel de direction. Deux tableaux résultant des données collectées auprès des AAI et de la direction du Budget (ministère du Budget) et recensant les montants et les modalités réglementaires de rémunération sont présentés en annexe au présent rapport(97). La direction du Budget n’a pu vérifier que les seuls éléments financiers faisant l’objet de dispositions légales ou réglementaires, pour lesquels l’intervention du ministre du Budget est prévue en sa qualité de cosignataire des textes afférents, ainsi que les situations individuelles dont la direction du budget a connaissance.

Pour situer ces rémunérations on rappellera celles des ministres. L’article 14 de la loi de finances rectificative pour 2002 dispose que le traitement d’un ministre est le double de la moyenne du niveau le plus haut et le plus bas de la hors échelle lettre (soit environ 168 000 euros brut ou 150 000 euros net), complété d’une indemnité de résidence de 3 % et d’une indemnité de fonction de 25 % des deux précédentes ; l’indemnité d’un secrétaire d’État est de 1,9 fois cette moyenne ; l’indemnité d’un haut–commissaire de 1,5 fois cette moyenne.

Les données présentées en annexe confirment le constat d’une forte hétérogénéité des modalités et des niveaux de rémunération ou d’indemnisation des dirigeants des AAI. Certains présidents sont rémunérés de façon équivalente à un emploi fonctionnel à temps plein, sur la base d’un traitement indiciaire spécifique prévu par la loi ou le règlement, complété d’un régime indemnitaire, le plus souvent sous la forme d’une indemnité de fonction forfaitaire, tandis que d’autres perçoivent une indemnité forfaitaire, dont les montants sont variables d’une structure à l’autre.

Pour les présidents d’AAI percevant une indemnité de fonction, il n’est généralement pas indiqué si celle–ci est exclusive de tout autre élément de rémunération ou si elle peut être cumulée avec la rémunération afférente au corps d’origine, les textes ne précisant d’ailleurs pas systématiquement si les fonctions de président de l’AAI considérée sont exercées à temps complet ou non.

Il est difficile d’établir une comparaison avec les rémunérations servies dans d’autres organisations publiques de caractéristiques administratives comparables, notamment les établissements publics administratifs (EPA). En effet, hormis le cas où il existe un statut d’emploi réglementaire de dirigeant dans l’établissement considéré, les rémunérations des dirigeants d’EPA sont fixées par le ministre du Budget, sur proposition du ministère de tutelle, conformément aux principes définis par la circulaire du ministre du Budget du 8 octobre 2007 relative à la rémunération des dirigeants des établissements publics de l’État à caractère administratif et assimilés. En outre, les rémunérations des dirigeants d’établissements publics comportent une part variable liée aux résultats, tandis que les rémunérations des présidents d’AAI présentent toutes, en raison de la nature particulière de leur mission, un caractère forfaitaire.

La rémunération des présidents manque singulièrement de cohérence. Certes la mission particulière des AAI peut justifier un régime distinct de celui appliqué aux administrations ministérielles en matière de rémunération. En particulier la nécessité d’assurer l’attractivité des fonctions exercées, souvent très pointues, dans un environnement concurrentiel avec le secteur privé, justifie des rémunérations supérieures. Ainsi M. Philippe Jurgensen, Président de l’ACAM, déclarait lors de son audition que les salaires pouvaient être de 50 % plus élevés dans les compagnies d’assurance. Mais les rémunérations des AAI sont souvent déterminées au cas par cas sans référence à un cadre général. M. Jean–Pierre Jouyet, président de l’AMF, indiquait ainsi devant le Groupe de travail : « les parlementaires peuvent en particulier se poser la question de la proportionnalité entre la rémunération et les pouvoirs du président. Là est la vraie question ». À une question sur l’utilité de l’établissement d’une grille commune à tous les présidents d’autorité indépendante, M. Jean–Pierre Jouyet, répondait : « non, parce que les fonctions ne sont pas les mêmes. Je suggère plutôt d’examiner la réalité des pouvoirs des présidents de ces autorités, leurs responsabilités, afin d’ajuster leur rémunération en conséquence. Cela me semblerait préférable d’un point de vue éthique ».

Pour les rapporteurs, un minimum de règles s’impose, à l’instar de ce qui a été décidé pour les ministres. Une grille des rémunérations des présidents pourrait être élaborée avec un classement en catégories selon la taille. Les raisons qui justifieraient des écarts découleraient de la nature de la fonction (à temps plein ou non), de la prise en compte du niveau de compétence et du degré de concurrence par rapport au secteur privé, afin d’assurer une attractivité suffisante. Dans tous les cas, les différences de rémunération entre présidents ne doivent pas devenir excessives.

De la même façon, pour les personnels dirigeants des services pourrait être envisagé l’établissement de grilles de rémunérations, d’un commun accord avec la direction du Budget ; une certaine harmonisation serait recherchée avec les rémunérations en vigueur dans les établissements publics ou dans les services de l’État pour les fonctions communes (filière administrative, comptabilité, informatique…), avec une marge plus grande pour les fonctions exigeant une technicité sectorielle marquée.

Recommandation n° 19 : Instaurer des grilles de rémunération au sein des AAI.

– instaurer, en fonction de leurs pouvoirs et de leurs responsabilités, des grilles de rémunération des présidents d’AAI, des membres des collèges et des personnels de direction.

c) Le régime des congés annuels

Les rapporteurs ont interrogé les principales AAI par un questionnaire sur leurs régimes de congés.

 Globalement les réponses ne montrent pas de problème majeur de conformité aux deux décrets n° 972 du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l’État et n° 815 du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’État et dans la magistrature.

Rappelons qu’en application de la réglementation générale sur les congés annuels, les employés disposent de 25 jours de congés par an (+ 1 ou 2 journées de fractionnement). En application de la règlementation générale sur l’aménagement et la réduction du temps de travail (ARTT), ils peuvent échanger, sur la base d’accords négociés, des heures hebdomadaires (minimum de 35 heures et maximum de 39 heures) contre des jours de congé de RTT. À titre d’exemple, une organisation du travail sur la base hebdomadaire de 37 heures et demie donne droit à 15 jours de congés supplémentaires (donc un total de huit semaines de congés par an, auxquels s’ajoutent 1 ou 2 journées de fractionnement).

Les AAI concernées respectent le nombre d’heures maximum par an, le nombre maximum de journées de congé consécutives et les journées de fractionnement. Le nombre moyen de jours de congés de toute nature est d’environ 45–46, le maximum de congés annuels étant de 52 jours pour les cadres de la CNIL travaillant 39 heures ou pour certains fonctionnaires de catégorie A de l’ASN. On note cependant quelques dispositions dérogatoires auxquelles il serait équitable de mettre fin :

– les « journées du président » (CNIL, ARCEP, Autorité de la concurrence) ou autres congés accordés « pour des raisons historiques » (ASN) qui vont au–delà des 25 jours (+ 1 ou 2 journées de fractionnement) de congés annuels ;

– le régime favorable des absences (plafond de 12 jours) pour enfant malade (AERES, Médiateur de la République…) ;

– les conditions avantageuses de report des congés annuels et des journées ARTT sur l’année n+1 (CNCCFP, CRE).

 Sur ce dernier point les rapporteurs recommandent la mise en place d’un compte épargne temps (CET) pour les AAI qui n’en disposent pas.

2.– Les dépenses

a) Plusieurs AAI ne disposent pas d’un budget consolidé

Les rapporteurs ont demandé par questionnaire à toutes les AAI leurs données budgétaires, dépenses et recettes, pour les années 2009 et 2010(98). Il leur était demandé si elles bénéficiaient de moyens (personnel, immobilier, autres) supportés par le budget d’autres organismes, d’en estimer le coût.

Les AAI qui sont dans ce cas sont les suivantes :

– des AAI adossées au Conseil d’État : Commission nationale de contrôle de la campagne électorale pour l’élection présidentielle, Commission pour la transparence financière de la vie politique, Conseil supérieur de l’AFP (les dépenses du CSAPF ne font pas l’objet d’une comptabilisation séparée des autres dépenses du Conseil d’État) ;

– des AAI reposant totalement ou partiellement sur des moyens ministériels : CNAC, CADA, CPT… ;

– du Médiateur du cinéma qui est adossé au Centre national du cinéma (CNC) ;

– des AAI adossées à la Banque de France : Commission bancaire, CECEI, maintenant fusionnée avec l’ACAM au sein de l’ACP.

S’agissant de ce dernier cas, les rapporteurs avaient noté que l’étude d’impact d’avril 2010 annexée au projet de loi ratifiant l’ordonnance portant fusion des autorités de surveillance bancaire et assurancielle ne donnait aucune information sur les coûts comparés des structures avant et après la fusion(99). Ils ont demandé par questionnaire spécifique adressé au gouverneur de la Banque de France les budgets et les effectifs d’une part des AAI fusionnées (Commission bancaire, CECEI, ACAM et CEA), jusqu’en 2009 inclus (réalisations), et d’autre part de l’ACP, qui a été créée en début d’année 2010 (prévisions). Il s’agissait de montrer les gains d’échelle qui devaient logiquement découler d’une telle fusion.

Les éléments fournis aux rapporteurs par la Banque de France ne permettent pas de montrer que la fusion des autorités bancaire et assurancielle au sein de l’ACP a engendré des économies. Il semblerait, au contraire, que les dépenses augmentent.

Le budget de l’ACAM est connu avec précision jusqu’en 2008 seulement. Les dépenses s’élèvent à 27,4 millions d’euros selon son rapport d’activité 2008. Curieusement, son rapport d’activité annuelle 2009 ne comporte pas de troisième partie relative aux données financières sur son bilan et son compte de résultat. Dans sa réponse au questionnaire, la Banque de France indique que l’activité de contrôle des assurances représente, au sein du budget de l’ACP, un coût total de 30,6 millions d’euros en 2010.

S’agissant de l’ACP, on a mentionné plus haut les prévisions de croissance des effectifs entre 2009 et 2012, qui représentent, comme en règle générale dans les administrations, la charge la plus importante. Les réponses apportées par la Banque de France indiquent que le budget prévisionnel de l’ACP comporte « une augmentation sensible des dépenses résultant de plusieurs facteurs » : les recrutements(100) ; le déménagement vers de nouveaux locaux plus modernes et fonctionnels, calibrés pour accueillir les effectifs actuels mais également les nouveaux agents à recruter sur les prochains exercices ; les dépenses d’installation liées à ce premier déménagement des locaux ; et la facturation par la Banque de France de prestations spécifiques qui ne donnaient jusqu’à présent pas lieu à facturation interne (mise à disposition d’informations sur les entreprises et utilisation du réseau de la Banque de France).

La Banque de France indique que les dépenses relatives à la supervision bancaire (Commission bancaire et la CECEI) constituaient jusqu’en 2009 une composante du budget de la Banque de France ; les coûts calculés étaient issus de la comptabilité analytique de la Banque de France. La Banque de France indique que les coûts de la supervision bancaire (moyens mis à disposition de la Commission bancaire et de la CECEI) s’élevaient en 2009 à 111,6 millions d’euros. Depuis le début de cette année, le budget de l’ACP constitue un budget annexe de celui de la Banque de France. Dans le premier budget prévisionnel de l’ACP, tel qu’adopté par son collège en mars 2010, les dépenses s’élèveraient à 163,4 millions d’euros. Les recettes (contribution pour frais de contrôle versée par les assujettis et dotations additionnelles de la Banque de France) sont prévues à hauteur de 166 millions d’euros en 2010 pour un taux de recouvrement de 100 % (ramené à 163,9 millions d’euros avec un taux de recouvrement plus réaliste).

Les rapporteurs estiment que la Banque de France dispose d’une marge de progression importante en matière de culture de la reddition de compte. Le texte initial de l’ordonnance créant l’ACP ne prévoyait pas le dépôt d’un rapport annuel. À l’initiative d’un amendement déposé par les rapporteurs, le texte désormais en examen comporte une telle obligation de déposer chaque année un rapport d’activité.

La plupart des AAI adossées à un autre organisme public n’ont pas effectué ce travail de comptabilité analytique. Malgré l’entrée en vigueur de la LOLF depuis cinq années, plusieurs AAI bénéficient encore de personnels mis à disposition gracieusement par d’autres administrations : la LOLF aurait dû entraîner un système de remboursement. Plusieurs AAI disposent de bureaux dans des immeubles affectés à d’autres administrations publiques, sans que soit connue leur quote–part du loyer ou du loyer budgétaire. On peut citer également des AAI qui disposent de moyens de fonctionnement supportés par d’autres administrations publiques : achats, fournitures, véhicules…

Les rapporteurs estiment que chaque AAI doit présenter un budget global incluant tous les coûts concourant à son fonctionnement, y compris ceux supportés par le budget d’autres organismes publics, le cas échéant en pratiquant une comptabilité analytique – en particulier pour les immeubles et les personnels mis gracieusement à disposition. Cette contrainte nécessaire, qui peut paraître lourde pour des organismes de taille très réduite, sera d’autant plus justifiée et facilitée que les rapprochements proposés par les rapporteurs seront mis en œuvre.

Recommandation n° 20 : Assurer la transparence des budgets des AAI.

– présenter pour chaque AAI un budget global incluant tous les coûts, y compris ceux supportés par le budget d’autres organismes publics, le cas échéant en pratiquant une comptabilité analytique – en particulier pour les immeubles et les personnels mis gracieusement à disposition, sur une base forfaitaire en fonction du grade et de l’emploi.

b) La croissance des dépenses des principales AAI

Plusieurs exemples montrent la croissance des dépenses des AAI.

Les dépenses de la CRE sont passées de 14,1 millions d’euros en 2005 à 21 millions d’euros en 2009 (+ 49 % en 4 ans). Les dispositions du projet de loi relatif à la nouvelle organisation du marché de l’électricité (« NOME ») en cours d’examen et la transcription du 3e paquet des directives européennes relatives aux marchés électriques et gaziers, devraient entraîner un besoin supplémentaire de la CRE en moyens financiers et humains.

Les ressources affectées au Défenseur des enfants sont passées de 1,4 million d’euros en 2001 à 1,9 million d’euros en 2005 et 2,7 millions d’euros en 2009 (+ 43 % entre 2005 et 2009).

Le budget de l’Autorité de la concurrence est passé de 11,4 millions d’euros en 2006 à 20,4 millions d’euros prévus en 2010 (+ 78,9 %).

Les dépenses de la HAS ont augmenté de 47,3 à 67,2 millions d’euros entre 2005 et 2009 (+ 42,1 % en quatre ans, soit 10 % chaque année) : + 8,5 millions d’euros pour les dépenses de personnel, soit + 33 % en 4 ans, ou près de 8 % par an, alors que le nombre d’agents n’a augmenté que de 17 % au total sur la même période ; + 11,5 millions d’euros pour les dépenses de fonctionnement (soit une croissance de 60 % en 4 ans, soit près de 15 % par an ). Ses effectifs sont passés de 369 à 432 entre 2005 et 2009 (+ 17,1 %).

c) Un point noir : l’immobilier

Les rapporteurs ont effectué une étude comparative approfondie sur les locaux occupés par les 19 AAI (101) les plus importantes, celles employant plus de 50 agents et/ou figurant sur la liste des 10 autorités sur lesquelles le CEC souhaitait apporter un éclairage particulier(102). Ils se sont également rendus dans les locaux de la HALDE, 11 rue Saint–Georges, Paris 9e. Les données fournies dans le présent rapport sont celles qui ont été déclarées par les AAI.

● Une méthodologie commune

Une méthodologie commune, fondée sur les préconisations du service France Domaine (ministère du Budget), a été retenue afin de disposer, dans la mesure du possible, de données comparables.

Les surfaces retenues sont la surface globale brute (en général celle qui figure sur les baux) et la surface utile nette (SUN). Cette dernière permet d’établir la surface effectivement réservée aux espaces de travail (bureaux, ateliers, laboratoires, salles de réunion, etc.). Elle est obtenue en déduisant de la surface brute la quote–part pour les parties communes, les locaux techniques non partagés, les circulations horizontales (couloirs, paliers d’ascenseur et d’escalier, sas de sécurité) ainsi que les locaux sociaux et les sanitaires. Plusieurs AAI, dont la HALDE, n’ont cependant pas fourni aux rapporteurs des données ainsi normalisées.

En l’absence de définitions normalisées et de disponibilité des données sur l’ensemble des coûts d’exploitation (loyers, taxes, charges, consommations de fluides, services aux bâtiments…), les dépenses de loyer (hors et avec charges, hors et avec taxes) constituent le seul indicateur disponible qui soit comparable. La CNDP n’a pas fourni de loyer hors taxes hors charges(103), ce qui ne permet pas d’établir de comparaison avec les autres AAI. Certaines AAI comme l’Autorité de la concurrence ont fourni un coût global incluant les services aux bâtiments (gardiennage, nettoyage, fluides, maintenance courante…) sans individualiser le loyer TTC charges comprises.

Il faut noter une distorsion minorant le coût immobilier des autorités occupant en tout ou en partie un immeuble domanial. En effet, les rapporteurs n’ont pas disposé systématiquement du montant du « loyer budgétaire », équivalent du loyer de marché qui peut faire l’objet, pour certaines autorités, d’un versement au service France Domaine, en contrepartie d’une dotation budgétaire correspondante. Une grande opacité règne pour les autorités qui occupent des immeubles mis à disposition à titre gracieux : Autorité de la concurrence (ministère de l’Économie), ACNUSA et CNDP (Ministère de l’Écologie), ACP (Banque de France), CADA (services du Premier ministre) ou encore les petites AAI adossées au Conseil d’État. Un effort de transparence s’impose à l’évidence, avec l’identification des surfaces domaniales occupées par les AAI, dans la perspective d’une généralisation de loyers budgétaires.

Le nombre de personnes occupant les locaux a été appréhendé par le nombre de postes de travail disponibles. Ce nombre peut différer de l’effectif total, notamment si plusieurs agents de l’autorité partagent successivement le même poste, ou en cas de présence de stagiaires ou de contractuels à durée déterminée.

Deux ratios normalisés ont été calculés pour mesurer la performance immobilière :

– ratio du nombre de m2 SUN par poste de travail,

– ratio du loyer HT hors charges par m2 occupé de surface globale.

● Efficacité immobilière en termes d’occupation

À partir d’une étude effectuée sur le parc immobilier privé de bureaux en Île de France, le service France Domaine a établi la cible de 12 m2 SUN par poste de travail pour l’ensemble des administrations de l’État.

Seules trois autorités présentent un ratio inférieur ou égal à cette cible de 12 m2 SUN par poste de travail : le Médiateur de l’énergie (10,5), la CNIL (11,5) et la CRE depuis son déménagement en 2010 (12,2). Quatre autorités présentent un ratio supérieur à 20 m2 (SUN) par agent : l’ACNUSA (20,1), l’ASN (22), la CNCCFP (25,1) et le Médiateur de la République (30,1). La moyenne pour l’ensemble de ces 19 autorités s’établit à 17,6 m2 (SUN) par poste de travail, soit près de 50 % de plus que la cible retenue. L’écart entre les valeurs extrêmes va du simple au triple, entre 10 m2 et 30 m2.

Le ratio mentionné par la HALDE (11,6 m2) dans les réponses au questionnaire n’est pas calculé sur des données harmonisées car la surface utile indiquée aux rapporteurs (1 362 m2) n’inclut ni les espaces annexes intégrées dans les surfaces utiles – archives vivantes, espaces photocopieurs (26,6 m2), ni surtout la quote–part de l’utilisation du hall d’entrée (404,20m2), partagé par les autres occupants de l’immeuble. Le rapport d’information (n° 510/2008–2009) présenté le 1er juillet 2009 par notre collègue sénatrice Mme Nicole Bricq au nom de la commission des Finances du Sénat indiquait un ratio de 27 m2 par agent, sans d’ailleurs que soit précisée la méthodologie suivie…

● Efficience immobilière en termes de coût

La profession immobilière calcule régulièrement des indicateurs mesurant le loyer HT HC par m2 de surface globale. Ainsi, par exemple, le baromètre Immostat publié par la société IPD–France (104) regroupe les données des plus grands conseils en immobilier sur la place de Paris (BNP Paribas Real Estate, CB Richard Ellis, DTZ et Jones Lang LaSalle). Il montre qu’au 4ème trimestre 2009, les loyers moyens d’immeubles de bureaux en région Île de France étaient par exemple de :

– 187 euros le m2 dans les communes de la première couronne (nord, est et sud),

– 295 euros le m2 dans les quartiers nord–est et sud (14e, 15e, 18e, 19e et 20e arrondissements),

– 543 euros le m2 dans le « quartier central des affaires » (autour du 8e arrondissement).

Aucune autorité ne se situe aux alentours du palier le moins coûteux (187 euros le m2), correspondant aux loyers des immeubles des communes de la première couronne, dont certaines sont pourtant bien reliées par les transports en commun et bien adaptées à l’implantation d’administrations publiques.

Seules deux autorités supportent des coûts inférieurs – ou même aux alentours – de ceux du palier intermédiaire (295 euros le m2) constitué par les arrondissements de Paris intra muros les moins chers : l’ASN (260) et la CADA (261) (105). L’autorité immédiatement suivante est la HAS (372)(106).

À l’opposé, 7 autorités présentent des coûts supérieurs au loyer moyen constaté dans le « quartier central des affaires » (543 euros le m2), qui devrait être réservé aux implantations de prestige (ministres et cabinets ministériels, rôle de représentation…) : l’ACP (559), le CNCCFP (564), l’AMF (570), le CSA (576), la CNIL (592), l’AERES (603) et la HALDE (690). Lors de son audition le président de la HALDE a indiqué aux rapporteurs qu’avec l’aide du service France domaine, il était entré en négociations avec le bailleur (Unibail) ; à la date de rédaction du présent rapport, aucune réduction ni du loyer (2 millions d’euros) ni de la durée (9 ans fermes) n’avait pu être obtenue. Les immeubles occupés par la CRE présentaient un ratio de 923 euros le m2 jusqu’en 2009, avant son déménagement cette année (449 euros le m2 en 2010). La CNDP n’a pas fourni le montant de son loyer hors taxes hors charges ; elle mentionne dans une note un loyer de 815 euros le m2, sans préciser la méthodologie suivie.

En moyenne, les 19 autorités étudiées présentent un loyer de 471 euros le m2, donc plus proche du palier supérieur en termes de coût que de chacun des deux autres.

En 2009, le loyer minimum payé par une AAI (260 euros le m2) était 3,5 fois plus faible que le loyer le plus élevé (923 euros le m2), et encore environ 2,5 fois plus faible que le troisième plus élevé (603 euros le m2).

● Une forte concentration des sites occupés

Les 15 autorités pour lesquelles les données relatives aux loyers ont fait l’objet d’une analyse spécifique ont toutes leur siège en Île de France. Quatorze d’entre elles ont leur siège à Paris, et une seule en banlieue, en petite couronne (la HAS, à Saint–Denis, avec un loyer HT HC de 372 euros le m2, mais un loyer TTC CC de plus de 550 euros le m2).

En ce qui concerne celles situées à Paris même, la répartition par arrondissement est la suivante :

– 3  dans les arrondissements 1 à 4,

– 4 dans le 7ème arrondissement,

– 2 dans les 8 et 9ème arrondissements,

– 5 dans des arrondissements plus extérieurs (12, 15 et 16ème arrondissements),

– aucune n’a son siège dans les 18, 19, ou 20ème arrondissements.

On observera que, à ce jour, seule la nouvelle Autorité de régulation des transports ferroviaires (ARAF) s’est vue proposer un siège en province, dans une ville desservie par le TGV (Le Mans), selon une annonce du Premier ministre du 27 octobre 2009. Le président de l’ARAF, M. Pierre Cardo, a confirmé le 7 juillet 2010, lors de son audition par la commission de l’Économie du Sénat, l’installation de l’autorité dans cette ville de province, ce qui n’est d’ailleurs pas sans poser de problèmes(107).

● Spécificités des AAI et respect des règles de gestion publique

Les AAI doivent effectivement faire face à des contraintes fonctionnelles particulières :

– la plupart d’entre elles (hormis les médiateurs) doivent réunir une autorité collégiale plus ou moins nombreuse ;

–  la composition des autorités collégiales regroupe en général des personnes ayant d’autres activités à temps plein (qui justifient d’ailleurs leur présence dans le collège), et qui doivent pouvoir se rendre facilement sur les lieux de réunion du collège, lequel doit donc être facilement accessible ;

– beaucoup d’autorités ont aussi constitué des sous–commissions thématiques, des groupes de travail internes,... Les autorités jouent également souvent un rôle de consultation nécessitant l’organisation de réunions faisant intervenir des personnes extérieures ;

– de même, les autorités indépendantes doivent souvent mener des actions de communication vis–à–vis des médias ou de leurs publics, exigeant par exemple la mise en place de points de presse réguliers, que ne fait pas un service administratif ;

– les autorités qui prononcent des sanctions doivent disposer d’une salle d’audience permettant de recevoir les parties dans des conditions conformes aux exigences procédurales ;

– enfin, l’indépendance recherchée vis–à–vis de l’administration peut exiger un certain éloignement géographique des locaux, ne serait–ce que symboliquement et vis–à–vis de l’extérieur.

Pour autant, ces autorités ne doivent pas s’exonérer de toutes les disciplines définies dans le cadre de la nouvelle politique immobilière de l’État, quitte à ce que des adaptations soient éventuellement envisagées, de manière cohérente entre les AAI, et compte tenu de leurs besoins effectifs.

En tout état de cause, on pourrait d’ores et déjà suggérer que les AAI soient contraintes de remplir régulièrement les deux indicateurs de gestion portant sur les locaux qu’elles occupent, que ce soit dans le cadre des documents budgétaires prévus par la LOLF pour les AAI financées par le budget de l’État, ou dans leur rapport annuel au Parlement pour les autres.

● Un pilotage des baux à clarifier

Le rapport d’information précité déposé au Sénat par Mme Nicole Bricq, sur « l’État locataire », indiquait que parmi le « top 10 » des loyers parisiens de l’État les plus onéreux rapportés à la surface occupée, figuraient quatre AAI, dans l’ordre décroissant de loyer : la HALDE (rue Saint–Georges dans le 9e arrondissement), l’AERES (rue Vivienne dans le 2arrondissement), la CNDP (rue du général Camou dans le 7arrondissement) et le CSA (quai André Citroën dans le 15e arrondissement).

On notera particulièrement le cas du bail de l’immeuble occupé par la HALDE, 11 rue Saint–Georges, Paris 9e (2e et 3e étages), pour un montant annuel TTC charges comprises supérieur à 2 millions d’euros. Les rapporteurs ne peuvent que marquer leur étonnement concernant la signature ce bail, le 13 janvier 2005, au nom des deux ministères, d’une part, de l’Emploi, du travail et de la cohésion sociale et, d’autre part, des Solidarités, de la santé et de la famille, soit avant la création de la HALDE, et sans intervention aucune du service France Domaine. La constitution du collège est intervenue ultérieurement, le 6 mars 2005. L’article 8 du bail précise « que le bénéfice du bail sera transféré au profit de la HALDE ». Ce bail, parmi les plus élevés de l’administration française, a été conclu pour une durée de 9 ans ferme, ce qui ne laisse pas de souplesse, ni pour le renégocier, ni pour trouver une localisation moins onéreuse, ni dans la perspective d’une intégration de la HALDE dans le Défenseur des droits.

Il conviendrait de s’interroger sur les raisons qui permettent aux AAI de bénéficier de locaux plus onéreux ou de surface par agent supérieure en moyenne aux administrations classiques de l’État, notamment sur les procédures suivies pour la négociation et la signature des baux.

Les procédures dites de l’« avis domanial », qui prévoient les conditions d’intervention du service France Domaine dans la négociation et la conclusion de ces baux, ont été définies à une époque où n’existaient pas les AAI. Celles–ci ont utilisé cette situation de flou juridique pour se soustraire aux procédures communes, et le fait qu’elles disposent ou non de la personnalité morale ne change rien concrètement.

On constate de fait que la plupart des AAI négocient et concluent leurs baux sans associer le service France Domaine. Certaines AAI en appellent néanmoins aux services de France Domaine et/ou de l’administration centrale d’un ministère dans la phase de négociation, montrant ainsi un louable souci du respect des règles de gestion publique. Dans ces cas, elles prennent cependant parfois la précaution de se réserver la possibilité de passer outre à ces avis, en saisissant directement le ministre du Budget, en sollicitant une décision du cabinet du Premier ministre, voire en faisant valoir leur indépendance pour se passer de toute décision d’arbitrage… Et c’est très souvent après avoir elles–mêmes prospecté le marché et en possession d’un projet précis, que ces autorités sollicitent la participation de France Domaine, pour la phase la plus délicate de négociation du loyer avec le bailleur. Deux exemples en cours illustrent particulièrement cet état de fait : les deux autorités nouvellement créées HADOPI et ARJEL ont présenté chacune au service France Domaine l’immeuble qu’elles avaient au préalable sélectionné.

Le flou juridique précédemment évoqué se cristallise dans la phase de conclusion du bail, où la plus grande diversité des situations existe : signature par l’AAI elle–même, par un ministère, par le service France Domaine... On est loin du principe de bonne gestion selon lequel « les baux de l’État sont signés par l’État ».

On note ainsi que la grande liberté dont bénéficient les AAI dans le choix de leur parc locatif aboutit à des choix contraires à la bonne gestion publique : désintérêt relatif aux coûts d’exploitation des immeubles sélectionnés (impôts, charges, consommations d’énergie, performance environnementale…), localisation sur les sites les plus coûteux de la capitale sans justification totalement convaincante, non respect des règles cibles d’occupation mesurées par le ratio de surface par poste de travail. Cette situation entraîne un inconvénient majeur pour l’État, qui, d’un côté, mène une action volontariste pour réduire les surfaces occupées par les administrations publiques, et, de l’autre, constate sans pouvoir réagir l’augmentation continue des surfaces utilisées par les AAI, sans au demeurant qu’à aucun moment elle ne soit compensée par une réduction correspondante des surfaces des services administratifs à qui ces autorités se substituent.

Dans ces conditions, plusieurs conclusions s’imposent. Une plus grande transparence de la gestion immobilière des AAI doit permettre au Parlement de connaître les implantations choisies, les surfaces occupées, leur coût annuel et les ratios de performance précédemment évoqués.

Les procédures de l’avis domanial doivent être révisées pour prévoir leur application aux AAI, qu’elles disposent ou non de la personnalité morale, en tenant compte bien sûr de cette situation juridique pour les AAI qui en disposent. L’indépendance de ces autorités ne doit pas continuer à les exonérer des règles de bonne gestion suivies par les ministères. À ce titre, le rôle central du service France Domaine, représentant l’État propriétaire et locataire unique, doit être réaffirmé dans toutes les phases de prospection, de sélection, de négociation et de conclusion des baux. L’association des AAI pourra être établie par exemple par la définition d’un commun accord d’un cahier des charges définissant aussi précisément que possible les caractéristiques de l’implantation recherchée.

● Une rationalisation immédiate est nécessaire.

L’entrée des AAI dans le régime commun de l’immobilier de l’État devrait les conduire à ce qu’elles respectent les mêmes règles que les autres administrations. La décision prise par le Gouvernement le 30 juin 2010 dans le cadre de la démarche d’« État exemplaire » (révision générale des politiques publiques – RGPP) conduit à ce qu’en Île–de–France, aucun bail de plus de 400 euros par an et par m2 ne doit plus être signé. Cette disposition s’applique aux baux nouvellement conclus.

Les rapporteurs estiment qu’il convient de procéder immédiatement à un réexamen de tous les baux conclus par les AAI. Le coût étant essentiellement lié à l’implantation, l’abandon du « triangle d’or » parisien devra constituer la priorité. Une démarche commune entre le service France domaine et chacune des AAI devrait pouvoir envisager, au fur et à mesure du terme des baux, une réimplantation dans des quartiers moins coûteux.

Ce réexamen sera l’occasion d’arbitrer entre l’occupation locative, qui est le cas le plus fréquent, et l’occupation domaniale, qui devrait pouvoir être envisagée pour les AAI ayant une durée d’existence supérieure à dix ans. En effet les professionnels de l’immobilier notent que la pleine propriété des locaux est plus économique que la location pour une occupation pérenne. En outre l’État est actuellement engagé dans une vaste opération de cession de biens immobiliers devenus inutiles et qui pourraient être réaffectés aux AAI pérennes en fonction de leurs besoins.

Les AAI se doivent également de respecter l’objectif de 12 m2 par agent qui a été réaffirmé le 30 juin 2010, pour toutes les administrations de l’État, par une décision prise par le Conseil de modernisation des politiques publiques dans le cadre de la démarche « État exemplaire ». L’atteinte de cette cible devrait permettre la réduction importante des surfaces occupées.

Enfin, les AAI n’ont pas à elles seules la taille critique pour négocier des réductions de loyer avec leur bailleur ; il faut alors une démarche appuyée par l’État ou une autorité plus importante(108), ou rechercher des effets d’échelle. Les rapporteurs rappellent leur précédente proposition de regroupement dans des locaux communs de plusieurs AAI de petite taille ou intervenant dans des domaines connexes.

Recommandation n° 21 : Réduire les dépenses immobilières des AAI.

– procéder avec le service France Domaine à un réexamen immédiat des implantations immobilières de toutes les AAI, afin d’arbitrer entre une occupation locative ou domaniale, de rationaliser l’occupation et de réduire les coûts ;

– soumettre toutes les AAI, pour la négociation des baux et l’acquisition et la construction d’immeubles, en particulier par le recours à l’emprunt ou l’utilisation d’un fonds de roulement abondant, à la procédure de l’avis domanial rendu par le service France domaine ;

– publier sur une base annuelle pour chaque AAI les deux indicateurs de performance immobilière relatifs au loyer annuel par m2 et à la surface utile nette occupée par agent ; respecter à cet égard les objectifs de performance immobilière que l’État a fixés pour ses services.

d) Les autres catégories de dépense

Les rapporteurs ont examiné les autres catégories de dépenses des AAI, en particulier celle relatives aux transports et à la communication. S’agissant des dépenses de transport, ils ont noté une tendance excessive de certains présidents et d’autres membres des collèges à bénéficier d’une voiture avec chauffeur. Cette demande est d’ailleurs redondante avec le fait que la plupart des AAI sont implantées géographiquement dans le centre de Paris, donc à proximité immédiate des principaux ministères et avec de très bonnes liaisons en transport en commun.

Les dépenses de communication des AAI constituent un poste important pour plusieurs d’entre elles. Les dépenses de communication de la CRE représentent 10,8 % du budget de fonctionnement – donc environ 1 million sur 9,5 millions d’euros de dépenses de fonctionnement en 2009. Dans le même temps, sur un sujet proche, la campagne exceptionnelle de communication menée en 2009 auprès du grand public par le Médiateur national de l’énergie a représenté un budget de 3,5 millions d’euros. Les dépenses de communication du Défenseur des enfants passent, en proportion des charges de fonctionnement, de 0,3 % en 2005 à 7,8 % en 2006, 14 % en 2008 et… 18,9 % en 2009. Les crédits d’information et de communication de l’ASN ont augmenté de 38 % entre 2007 et 2009 (3 ans). Pour la HAS, le montant des dépenses de communication s’est élevé à 5,3 millions d’euros en 2009, soit 19 % des dépenses de fonctionnement. Les dépenses de communication de la HALDE – la communication constituant cependant, il est vrai, l’une de ses missions importantes, pour la bonne information des professionnels de santé sur ses propres recommandations en particulier – se sont élevées à 3 millions d’euros en 2006 (29 % des dépenses de fonctionnement), 1,9 million d’euros en 2007 (15 %), 1,3 million d’euros en 2008 (11 %) et 826 000 euros en 2009.

Les rapporteurs estiment qu’il conviendrait que les AAI appliquent les mêmes disciplines que le Gouvernement demande à ses ministères pour rendre « l’État exemplaire » en matière de dépenses de fonctionnement (décisions prises par le Conseil de modernisation des politiques publiques du 30 juin 2010) :

– réduction de 10 % des dépenses de fonctionnement en 3 ans(109) ;

– modernisation de la gestion du parc automobile (flotte automobile, trop nombreuse, vieillissante et comportant trop de véhicules puissants et polluants). La directive européenne 2009–33 du 23 avril 2009 relative à la promotion de véhicules routiers propres et économes en énergie, dont la transposition doit intervenir avant la fin 2010, renforce ces exigences ;

– promotion de comportements éco–responsables (eau, électricité, papier, recyclage des déchets…). L’État se fixe en particulier l’objectif de réduire de 50 % la consommation de papier d’ici fin 2012 ;

– mutualisation des achats (économie de 30 à 40 % attendue), en utilisant l’aide du Service des achats de l’État, créé en 2009 ; mutualisation des outils informatiques de gestion (intégration dans Chorus et les autres applications interministérielles ou ministérielles) ;

La réduction du nombre de véhicules attribués à titre individuel

(Conseil de modernisation des politiques publiques du 30 juin 2010)

« L’État poursuit l’effort de rationalisation de son parc automobile par une forte réduction du nombre des véhicules attribués à titre individuel.

En effet, ces véhicules sont comparativement moins utilisés que les véhicules à usage collectif (moins de 10 000 kilomètres par an), et de ce fait contribuent à la croissance du parc automobile de l’État.

Pour arriver à une réduction significative de ce parc, une prochaine circulaire du Premier ministre relative à la réforme de la gestion du parc automobile de l’État définira un nombre limitatif de fonctions, ouvrant droit à un véhicule individuel, ainsi que les modèles correspondants et leur puissance.

L’État veillera au respect des règles d’utilisation des véhicules administratifs à des fins privatives, par le biais de mesures strictes en matière d’autorisations et d’assurance, ainsi que par le respect de la réglementation fiscale lorsque le véhicule est utilisé à des fins privatives. »

Recommandation n° 22 : Réduire les autres dépenses de fonctionnement des AAI.

– appliquer aux AAI, à missions constantes, les mêmes disciplines que l’État impose à ses services en matière de réduction des dépenses de fonctionnement, avec une attention particulière pour les dépenses de communication et de transports.

C.– LA REDDITION DE COMPTE AU PARLEMENT DOIT ÊTRE AMÉLIORÉE

L’obligation de rendre compte est la contrepartie nécessaire à l’indépendance. Cette reddition de compte passe d’abord par un respect par les AAI des disciplines budgétaires contenues dans la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Elle comporte ensuite l’obligation de présenter au Gouvernement et au Parlement un rapport annuel contenant un dispositif de mesure de la performance. Seules des auditions régulières des présidents d’AAI par les commissions permanentes compétentes seront à même d’assurer dans des conditions satisfaisantes la mise en œuvre de ces dispositifs.

1.– Les conditions d’une reddition de compte au Parlement avec l’aide de la Cour des comptes

a) Le respect des dispositions contenues dans la LOLF, sous réserve d’aménagements assurant les conditions de l’indépendance

Le contrôle budgétaire des AAI n’est pas un sujet nouveau. Le 2e rapport sur la mise en œuvre de la LOLF présenté en octobre 2006 par le sénateur Alain Lambert et le député Didier Migaud le mentionnait déjà : « elle [la mise en œuvre de la LOLF] conduit aussi à mettre en lumière des zones d’ombre ou des ambiguïtés dans le fonctionnement actuel de l’État. Il en va ainsi, par exemple, des conditions dans lesquelles sont élaborés et exécutés les budgets des autorités administratives indépendantes (AAI), qui n’ont pas de personnalité juridique distincte de celle de l’État. Il existe un risque de dysharmonie entre, d’une part une nomenclature budgétaire prévue pour des services de l’État placés sous l’autorité des ministres, où les responsables de programme doivent rendre des comptes sur l’emploi de la totalité de leurs crédits, et, d’autre part, l’indépendance des AAI voulue par la loi, qui suppose une véritable autonomie administrative par rapport au fonctionnement des structures ministérielles. Nous n’avons jamais considéré que l’indépendance de jugement et d’action des AAI supposait une indépendance financière si absolue qu’elle pourrait se traduire par l’isolement de leurs crédits dans un programme spécifique.

Au contraire, différents outils peuvent être inventés pour donner l’autonomie nécessaire dans le cadre de la maquette existante : la tenue de conférences budgétaires spécifiques, l’application des dispositions légales excluant tout contrôle financier sur leurs dépenses, l’élaboration de conventions de gestion entre les AAI et les responsables des programmes au sein desquels leurs crédits sont « hébergés », destinées à garantir l’autonomie de ces dernières. Mieux garantir l’autonomie budgétaire des AAI ne signifie pas pour autant que celles–ci pourraient être exonérées de la régulation forfaitaire qui s’applique désormais à l’ensemble des crédits des administrations : il existe une contrainte globale liée au respect de la norme de dépense, qui pèse sur l’État tout entier. »

Le Comité interministériel d’audit des programmes (CIAP)(110) se penche régulièrement sur le sujet des AAI, au fil de ses rapports sur les différents programmes budgétaires. Ainsi par exemple, dans son rapport de septembre 2009 sur le programme Prévention des risques, le CIAP indiquait à propos de l’Agence de sûreté nucléaire (ASN) que : « la mission d’audit a considéré que le périmètre actuel du programme constitue un ensemble cohérent : il regroupe en effet la politique de prévention des risques technologiques, au sens usuellement utilisé, y compris la sûreté nucléaire et la radioprotection qui relèvent de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) – autorité administrative indépendante (AAI) –, ainsi que la politique de gestion des déchets et d’évaluation des produits et la politique de prévention des risques naturels. Si l’insertion des crédits d’une AAI dans un tel programme ne pose pas de problème de principe, la manière dont il y est procédé a cependant soulevé des réserves de la mission, car elle apparaît trop partielle, notamment en omettant les crédits correspondant aux expertises faites au profit de l’ASN ou en présentant une vision limitée des effectifs travaillant réellement au sein de l’Autorité. Le Parlement, principal organe de contrôle d’une AAI, peut ainsi difficilement apprécier l’adéquation de ses moyens à sa mission. »

Les AAI présentent une problématique particulière dans la mesure où leur indépendance ne doit pas les exonérer de toute contrainte budgétaire.

Il faut d’abord noter que le cadre budgétaire instauré par la LOLF s’applique à des institutions dont l’indépendance est garantie par la Constitution :

– Cour des comptes, Conseil d’État, Conseil économique, social et environnemental dont les crédits sont prévus dans la mission Conseil et contrôle de l’État ;

– les juridictions, qui sont intégrées dans la mission Justice ;

– Présidence de la République, Assemblée nationale, Sénat, Conseil constitutionnel…, qui font l’objet de « dotations » (111) au sein de la mission Pouvoirs publics.

Le rapport spécial de la commission des Finances de l’Assemblée nationale sur la mission Pouvoirs publics, qui est l’un des plus développé en volume, est un bon exemple de la manière dont ces institutions indépendantes s’insèrent dans le cadre budgétaire instauré par la LOLF. Le débat récent sur le contrôle des sondages effectués par la Présidence de la République, où la demande d’une commission d’enquête s’est heurtée à un refus motivé par le principe de séparation des pouvoirs, est cependant significatif des limites auxquelles ce contrôle est confronté.

Pour les AAI, la difficulté réside dans le fait qu’elles ne sont pas expressément visées par la LOLF, ni pour les inclure dans son champ d’application, ni pour les en exclure. Cette situation prévaut également pour de multiples autres établissements publics et personnes morales qui participent au service public. Il a été décidé de regrouper sous l’appellation d’« opérateurs de l’État » les entités autonomes qui répondent à trois critères : le contrôle par l’État (les AAI en sont donc exclues), le financement public majoritaire et la participation à une mission de service public. Quelque 650 organismes publics répondent à ces trois critères et sont donc considérés comme opérateurs de l’État. Sans base légale autre que la mention « organismes bénéficiaires d’une subvention pour charges de service publics » (art 5, 51 et 54 de la LOLF), le ministère du Budget – en liaison avec les commissions des Finances des assemblées – a défini les conditions d’intégration des opérateurs dans la procédure et les documents budgétaires (rattachement à un programme budgétaire, développements spécifiques pour les « principaux » opérateurs dans les projets et rapports annuels de performances, annexe générale « jaune » sur les opérateurs de l’État, etc.).

Plusieurs pistes peuvent être suivies pour mieux intégrer les AAI dans la procédure budgétaire tout en préservant leur indépendance.

Les AAI font l’objet de traitements différenciés au regard de la nomenclature budgétaire (missions–programmes–actions). Un certain nombre d’entre elles sont regroupées au sein de la mission Direction de l’action du Gouvernement (programme Protection des droits et libertés). Les autres sont rattachées à des missions et programmes spécifiques, en fonction de leur domaine d’intervention. Certaines, comme la Commission des sondages(112), ne font même pas l’objet d’une action spécifique. Dans tous les cas, ces AAI figurent dans les documents budgétaires (projets et rapports annuels de performance) et font l’objet du même traitement que les autres services de l’État : description des actions, présentation des crédits et justification au premier euro, plafond d’autorisation d’emplois, dispositif d’évaluation de la performance (objectifs et indicateurs), comptabilité d’analyse des coûts.

On a vu que les autorités publiques indépendantes (AAI disposant de la personnalité morale) et qui sont financées exclusivement sur ressources propres n’apparaissent dans aucun document budgétaire ; l’examen de leurs dépenses échappe donc totalement au Parlement, seul le montant de leurs recettes (taxes affectées) est évalué (113) et leur perception autorisée.

RATTACHEMENT DES PRINCIPALES AAI
À LA NOMENCLATURE BUDGÉTAIRE

Mission et programme

Mission Direction de l’action du Gouvernement, programme Protection des droits et libertés

– Médiateur de la République

– CNIL

– CADA

– CSA

– HALDE

– Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS)

– Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL)

– Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE)

– Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS)

– Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN)

– Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH)

Mission Économie, programme Développement des entreprises et de l’emploi

– CNAC (action 2)

– ARCEP (action 13)

– CRE et Médiateur national de l’énergie (action 14)

– Autorité de la concurrence (action 15)

– Commission de sécurité des consommateurs.

Mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines

Programme Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local

– Commission des infractions fiscales

Programme 218 Conduite et pilotage des politiques économique et financière

– CPT

– CCPCM bénéfices agricoles

Mission Santé, programme Offre de soins et qualité du système de soins

– HAS

Mission Sport, jeunesse et vie associative, programme Sport

– AFLD (Action 3))

Mission Écologie et développement durable

Programme Prévention des risques

– ASN (financement partiel concurremment avec 3 autres programmes)

Programme Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer

– CNDP

– ACNUSA

Mission Administration générale et territoriale de l’État, programme Vie politique culturelle et associative

– CNCC financements politiques

Mission Conseil et contrôle de l’État, programme Conseil d’État et autres juridictions administratives

– CTF vie politique

– CSAFP

– Commission des sondages (la commission bénéficie d’une ligne de crédit dans le budget de fonctionnement du Conseil d’État. Elle commission est hébergée par le Conseil d’État et bénéficie d’un secrétaire permanent mis à sa disposition par l’administration centrale du ministère de la Justice.)

Mission Culture

Programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

– Médiateur du cinéma (moyens mis à disposition par le CNC)

– CPP agences de presse

Programme Création

– Hadopi

Mission Recherche et enseignement supérieur

Programme Formations supérieures et recherche universitaire

– AERES

Mission Solidarité, insertion et égalité des chances

Programme Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

– Défenseur des enfants

AAI qui ne sont rattachées à aucune mission budgétaire :

– ACP (ressources propres)

– AMF (ressources propres)

– H3C (depuis 2008 le H3C ne reçoit plus de financement public)

– CNCC élection présidentielle (pas de dépenses cette année)

– BCT (le Bureau central de tarification n’est pas financé sur fonds publics)

– Conseil des ventes (financement par des cotisations professionnelles)

Plusieurs voix s’élèvent (dirigeants d’AAI(114), universitaires) pour estimer que la création d’un programme budgétaire par AAI serait la réponse appropriée à la préservation de leur indépendance. Outre le fait que cette solution accroîtrait considérablement le nombre de programmes(115) en conduisant au surplus à la création de programmes de très faibles montants, les rapporteurs estiment qu’elle serait contraire à la lettre et à l’esprit de la LOLF qui impose une nomenclature budgétaire permettant de constituer des politiques publiques à coût complet, indépendamment de la nature des structures institutionnelles qui y concourent. Le bon niveau d’intégration des AAI dans la nomenclature budgétaire (« mission, programme, action ») est donc plutôt l’action, avec la possibilité de regroupement pour les plus petites d’entre elles.

Les rapporteurs estiment qu’il est possible de concilier l’intégration des AAI dans le cadre budgétaire de la LOLF avec leur nécessaire indépendance, sous réserve de leur faire bénéficier de quelques garanties assurant le respect de cette indépendance. On peut citer ainsi :

● L’établissement de chartes de gestion entre le responsable de programme et l’AAI

La conclusion de chartes de gestion garantit aux AAI un poids particulier dans la gestion des crédits les concernant et définit les pouvoirs respectifs du responsable de programme et du président de l’autorité. Dès le 1er août 2006, le Premier ministre a prévu pour les AAI du programme Coordination du travail gouvernemental la conclusion de conventions tripartites entre les présidents d’AAI, les responsables des programmes dont ils relèvent et le directeur du Budget, afin de préciser les « règles du jeu » de la préparation et de l’exécution des budgets concernés. Ces chartes de gestion permettent de préciser la façon dont les dispositions de la LOLF s’appliquent aux AAI concernées(116).

● La fongibilité

On rappelle que la LOLF doit permettre une amélioration majeure de la gestion publique en dotant chaque gestionnaire (responsable de programme, responsable de budget opérationnel…) d’un budget global et donc d’une autonomie de gestion. Au sein de chaque programme, les crédits sont dits « fongibles » en ce sens qu’ils peuvent être réaffectés en cours d’année par le Gouvernement, la présentation par action étant purement indicative(117). La question se pose de la préservation des crédits des AAI au sein des programmes. Certains se prononcent pour un principe selon lequel la fongibilité ne s’appliquerait pas aux AAI. Ainsi, le responsable de programme ne pourrait pas diminuer les crédits d’une AAI pour augmenter les crédits d’une autre action du programme. Peut–être s’agirait–il d’un principe trop rigide. S’il était retenu, il semblerait cohérent de prévoir qu’un mouvement de crédits inverse (c’est–à–dire la fongibilité au bénéfice d’une AAI) est également proscrit.

Les rapporteurs estiment que les chartes de gestion devraient prévoir les conditions dans lesquelles le responsable de programme pourrait faire fonctionner une fongibilité incluant les crédits d’une AAI, probablement après accord du président de l’AAI.

● Les budgets opérationnels de programme (BOP)

On sait que l’unité opérationnelle de gestion budgétaire est le « budget opérationnels de programme » (BOP). Les rapporteurs estiment nécessaire de créer un BOP spécifique à chaque AAI, dont le responsable serait le président de l’autorité.

● Le dispositif d’évaluation de la performance

Comme toutes les structures administratives intervenant dans le cadre de l’action de l’État, les AAI se doivent de développer un dispositif d’évaluation de leurs performances, avec la définition d’indicateurs et d’objectifs permettant de mesurer le degré d’atteinte des résultats. Plusieurs AAI le font déjà(118).

Il est dans les fonctions du responsable de programme de définir ce dispositif de performance, sous l’autorité de son ministre de rattachement. S’agissant des AAI, les rapporteurs estiment que ce dispositif de performance devrait être élaboré d’un commun accord entre le (ou les) responsable(s) de programme concerné(s) et le président de chaque AAI, car aucun objectif ou indicateur ne saurait leur être imposé unilatéralement.

Les auditions des présidents d’AAI menées par le Groupe de travail ont montré que les objectifs et indicateurs relatifs aux autorités contenus dans les projets et rapports annuels de performances, annexés aux projets de loi de finances, ne couvraient qu’un champ réduit de l’activité des AAI. Ainsi la plupart des autorités intervenant dans les domaines des libertés publiques ou de la régulation économique (concurrence) ne sont couvertes que par un seul indicateur budgétaire mesurant leurs délais de prise de décision. La raison invoquée réside dans le fait que la direction du Budget (ministère du Budget) limite drastiquement, pour des raisons de lisibilité globale, le nombre d’indicateurs du budget général de l’État. Dans ce contexte, le dispositif d’évaluation de la performance contenu dans les documents annexés aux projets de lois de finances devra impérativement être complété par celui inclus dans les rapports annuels d’activité des AAI.

● Les conférences budgétaires

La direction du Budget assure déjà, au stade des conférences de budgétisation, des réunions spécifiques avec la plupart des AAI les plus importantes pour examiner leurs crédits. Les rapporteurs estiment que les chartes de gestion devraient comporter systématiquement cette disposition.

● La régulation budgétaire

Chaque année, les crédits autorisés du budget de l’État font l’objet d’une régulation budgétaire, pour tenir compte du contexte plus ou moins tendu des finances publiques (réserve de précaution en début d’année, opérations de gel ou dégel, annulations)(119). Les revendications en faveur d’une « sanctuarisation » des crédits des AAI ou de leur « exonération » de toute mesure de régulation paraissent a priori injustifiées. Les AAI demeurant des autorités administratives, elles ne sauraient échapper à tout aléa budgétaire et à toute mesure de mise en réserve. D’ailleurs, ni les juridictions judiciaires, ni les juridictions administratives, ni la Cour des comptes n’« échappent » à la régulation budgétaire, ainsi en 2006 avec l’application du taux de mise en réserve fixé uniformément au stade du projet de loi de finances (5 % hors titre 2 et 0,1 % titre 2). En pratique, le Conseil d’État et la Cour des comptes bénéficient des garanties données par le Premier ministre et, surtout, maîtrisent eux–mêmes leur réserve de précaution (les responsables des programmes étant respectivement le vice–président du Conseil d’État et le premier président de la Cour des comptes). Les rapporteurs proposent que dans les chartes de gestion soit définie la règle selon laquelle la mise en réserve des crédits dédiés à chaque AAI soit strictement limitée au taux appliqué au programme de rattachement. Ainsi, dès le dépôt du projet de loi de finances, chaque AAI saurait à quoi s’en tenir et aucune ne pourrait être traitée comme une « variable d’ajustement » au moment de la mise en place de la réserve de précaution.

Par ailleurs, pour les API financées par subvention budgétaire, pour le calcul des mises en réserves, il devrait être tenu compte de l’importance de leurs dépenses de personnel dans leurs dépenses totales, même si leur subvention budgétaire leur est globalement versée hors titre 2 (dépenses de personnel), puisque leurs personnels ne sont pas des agents de l’État.

● L’exclusion du contrôle financier

Il ressort des réponses des AAI aux questionnaires des rapporteurs qu’aucune autorité n’est soumise au contrôle financier a priori. En effet une telle soumission serait évidemment incompatible avec le principe d’indépendance et est, en règle générale, expressément exclue par les textes législatifs régissant les différentes autorités(120).

*

* *

Un point important mérite une attention particulière :

● La question de la contractualisation des relations entre les AAI/API et les ministères

À ce jour, à la connaissance des rapporteurs, aucune AAI n’a signé de contrat d’objectifs ou contrat de performance avec un ministère. Les démarches contractualisées entre le Gouvernement et ses services, d’une part, et les autorités indépendantes, d’autre part, se limitent à la signature de chartes de gestion –  notamment pour les AAI relevant des services du Premier ministre – ou de conventions techniques limités (services facturiers, mise à disposition de certains services de l’État, …). Lorsque les AAI ou API se sont dotées de projets stratégiques, ceux–ci ont revêtu un caractère unilatéral (par exemple le projet stratégique triennal de la HAS dénommé « Projet HAS 2009 – 2011 »).

Pour sa part, la Cour des comptes, à l’occasion d’un référé transmis le 29 octobre 2007 à la ministre de la Santé, de la jeunesse et des sports, a relevé que « l’article 54 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de fiances (LOLF) (121) fait obligation aux ministres de justifier dans la loi de règlement de la gestion des crédits qui leur ont été attribués, notamment en produisant un rapport annuel de performance, assorti d’objectifs et de résultats chiffrés. Ces dispositions impliquent que le ministre, en faisant voter les crédits de l’agence et approuver la politique générale qu’ils traduisent, dispose des moyens de satisfaire aux obligations que lui créée la loi organique ». La Cour concluait ensuite qu’« un contrat de performance” conclu entre le ministère et l’agence paraît de nature à répondre à cette exigence », en « permettant au demeurant de préciser l’insertion fonctionnelle des actions de l’agence dans la politique générale des pouvoirs publics ». La Cour a ensuite constaté, dans la partie de son rapport public annuel de 2009 consacrée aux suites de ses observations, que, en réponse à sa recommandation demandant que soient précisés les rapports entre le ministère et la nouvelle agence française de lutte contre le dopage, « en janvier 2008, la ministre chargée des sports a convenu que les rapports entre l’administration et l’agence créée en 2006 devaient être mieux définis et qu’il y aurait lieu de les contractualiser, conformément à l’article 54 de la loi organique du 1er août 2001, de façon à préciser dans le rapport annuel de performance les objectifs définis par les pouvoirs publics, les moyens alloués à l’opérateur, et les résultats attendus », mais, qu’au jour de la publication du rapport de 2009, « cependant, aucun contrat de performance n’a été signé ».

Ce point constitue une question de principe importante. En effet, à ce jour, les contrats de performance que, dans son plan d’action de décembre 2009, le ministère du Budget recommande pour les « opérateurs de l’État » (essentiellement les établissements publics) « les plus importants » sont considérés comme un des moyens modernisés d’exercice du pilotage (conjointement avec les autres moyens de la tutelle, tels que la présence de représentants du Gouvernement au sein du conseil d’administration, la pratique annuelle de lettres de mission, la rémunération à la performance du directeur, le contrôle financier, etc.) et bien sûr aussi un des moyens pour rendre compte.

En revanche, la question se pose de savoir si ces contrats constituent une formule adaptée pour les AAI. On a vu, dans la première partie du présent rapport que, contrairement aux autres pays ayant une grande tradition d’agences exécutives (pays anglo–saxons, pays scandinaves…), ces agences jouissent d’une autonomie d’action dans le cadre de lignes directrices définies chaque année par leur ministre de rattachement et sous réserve d’un contrôle strict de leurs résultats tant par le Gouvernement que par le Parlement. D’un autre côté, dans le cas des AAI françaises, le Gouvernement s’est interdit de leur donner tout type d’orientation ou de lignes directrices, en complément du cadre législatif et règlementaire. L’indépendance assurée aux AAI semble par nature incompatible avec une telle démarche de définition d’une stratégie assortie d’objectifs et d’indicateurs de performance, en contrepartie de l’octroi de moyens. Les rapporteurs ne peuvent que constater que le pilotage des moyens budgétaires et financiers des AAI doit se limiter au triptyque suivant :

– insérer l’ensemble des AAI dans le dispositif de performance des projets et rapports annuels de performances, avec des objectifs et des indicateurs pertinents et représentatifs, à définir d’un commun accord entre l’AAI et le responsable du programme budgétaire de rattachement ;

– prévoir un dispositif permettant d’intégrer les API financées sur ressources propres dans les documents budgétaires accompagnant les projets de loi de finances ;

– et organiser un dialogue approfondi et systématique, tant avec le Gouvernement qu’avec le Parlement, autour d’un rapport annuel public présentant de façon détaillée les objectifs, indicateurs et résultats de performance de l’AAI/API.

Ce triptyque a vocation à s’appliquer sous le contrôle a posteriori de la Cour des comptes(122), comme le prévoient en règle générale les dispositions législatives régissant les différentes autorités ;

Recommandation n° 23 : Décliner pour les AAI la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

– conclure une charte de gestion entre le responsable de programme de rattachement et le président de chaque AAI, en vue de son insertion dans le cadre budgétaire prévu par la LOLF, sous réserve d’aménagements garantissant l’indépendance de l’AAI ;

– veiller à préserver le principe consistant à créer une action (au sens budgétaire) par AAI dans chaque programme budgétaire, avec la possibilité de regroupement pour les plus petites d’entre elles ; appliquer en particulier ce principe à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), dont les crédits budgétaires sont répartis dans quatre programmes ;

– créer un budget opérationnel de programme (BOP) propre à chaque AAI afin d’assurer son autonomie de gestion ;

– établir, d’un commun accord entre le responsable du programme de rattachement et le président de chaque AAI, le dispositif d’évaluation de la performance présenté dans les projets et rapports annuels de performances annexés aux projets de loi de finances ;

– organiser des conférences budgétaires spécifiques directement avec la direction du Budget (ministère du Budget) ;

– subordonner la fongibilité avec les crédits des AAI à un accord préalable entre le responsable de programme de rattachement et le président de l’AAI ;

– établir une régulation budgétaire de telle sorte que la mise en réserve des crédits dédiés à chaque AAI soit strictement limitée au taux appliqué au programme de rattachement ;

– maintenir l’exemption systématique des AAI du contrôle financier a priori.

b) Le fait de disposer de la personnalité morale exonère–t–il de tout contrôle les AAI qui en bénéficient ?

Une dizaine d’organismes sont expressément qualifiés par la loi d’autorité publique indépendante (API), dotée de la personnalité morale, ou en tout cas se voient accorder cette personnalité morale par la loi, même si elles ne sont pas qualifiées d’API. Ce choix institutionnel s’est parfois fait directement sous cette forme (HAS, Médiateur national de l’énergie), ou, plus souvent, par transformation d’une AAI à l’occasion d’un élargissement de ses missions ou d’un rapprochement avec d’autres AAI préexistantes (AMF, ACAM, AFLD, H3C, HADOPI).

Alors qu’à l’origine de la création des AAI la doctrine avait expressément exclu de les doter de la personnalité morale, celle–ci semble devenir l’étape ultime dans l’indépendance. Les rapporteurs ont examiné en détail les avantages et inconvénients pour une AAI de disposer de la personnalité morale(123). Le bilan est partagé. Outre l’enjeu principal permettant de disposer de ressources propres, la personnalité morale permet la constitution d’un fonds de roulement, la conclusion de contrats au nom de l’autorité et de non de l’État, le recrutement souple d’agents contractuels et la capacité d’ester en justice (cette dernière pouvant cependant être expressément prévue par la loi au profit du président d’une simple AAI sans personnalité morale). Les API échappent cependant largement aux disciplines budgétaires communes car, quand elles sont financées exclusivement par des ressources propres, elles n’apparaissent dans aucun document budgétaire, et, dans tous les cas, quelles que soient leurs modalités de financement, leurs effectifs ne sont pas soumis aux plafonds d’autorisation d’emplois. La personnalité morale s’accompagne en outre de la responsabilité juridique, et donc financière, des conséquences des décisions prises par l’autorité.

La Cour des comptes propose d’ailleurs qu’un programme dédié à la régulation financière soit créé dans la mission Engagements financiers de l’État, afin de retracer l’ensemble des ressources et des charges de la politique de régulation financière ainsi que les données afférentes à la performance des autorités indépendantes concernées, dépassant ainsi le cadre budgétaire classique.

La formule de l’autorité publique indépendante (API), dotée de la personnalité morale, constitue certainement la forme la plus aboutie pour le concept même d’autorité administrative indépendante, car non seulement il garantit une réelle indépendance administrative, mais aussi améliore les capacités de réactivité de ces autorités dont, précisément, on attend une adaptabilité forte à un secteur d’activité généralement en mouvement rapide.

Cependant, cette formule juridique devrait s’accompagner d’une double condition forte :

– le budget autonome de l’autorité publique indépendante devrait être majoritairement ou exclusivement financé par des ressources propres, et non principalement par une subvention budgétaire. Ces ressources propres devraient être constituées d’un financement par le secteur régulé, à qui il est légitime de faire supporter le coût de sa régulation. L’organisation de ce financement sectoriel ne devrait en revanche pas placer l’autorité dans une position de dépendance vis–à–vis de ses financeurs ;

– le dispositif de contrôle des autorités publiques indépendantes par le Gouvernement et surtout par le Parlement devrait être substantiellement renforcé, que ce soit en termes de rendu de compte sur la gestion et l’activité de l’autorité, d’obligation de discussion annuelle du budget, ou encore de plafonnement des emplois.

Les rapporteurs ont en effet été très étonnés de lire, dans la réponse à leur questionnaire, que le Médiateur national de l’énergie considérait « qu’il n’est pas concerné par la LOLF car il n’est pas financé par le budget de l’État, mais par une taxe »… De même, l’AMF a indiqué, en réponse aux rapporteurs, que « l’AMF ayant été dotée de la personnalité morale, bénéficiant de ressources affectées et disposant d’un patrimoine propre, ne constitue pas, dans le cadre de la LOLF, un opérateur de l’État et n’entre pas dans le périmètre de cette dernière ».

Pour combler les lacunes du contrôle sur les API financées sur ressources propres, qui au demeurant sont principalement de nature financière et également comptent parmi les plus importantes, les rapporteurs proposent que la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale désigne un rapporteur spécial pour les autorités publiques indépendantes, dotées de la personnalité morale, au titre du contrôle de l’emploi des ressources prévues par l’annexe des voies et moyens. Ce rapporteur spécial pourrait faire porter ses investigations sur le rendu de comptes de ces autorités généralement prévu par la loi, dont une audition annuelle devrait être systématisée pour examiner ce rendu de compte sur la gestion et l’activité.

L’article 57 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) dispose que « les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l’exécution des lois de finances » – ce qui semble pouvoir être interprété comme  incluant l’utilisation des ressources qu’elles mentionnent – «  et procèdent à l’évaluation de toute question relative aux finances publiques. Cette mission est confiée à leur président, à leur rapporteur général ainsi que, dans leurs domaines d’attributions, à leurs rapporteurs spéciaux (…) ». Ce rapporteur spécial bénéficierait de tous les pouvoirs nécessaires, puisque le même article dispose que les rapporteurs spéciaux « procèdent à toutes investigations sur pièces et sur place, et à toutes auditions qu’ils jugent utiles. Tous les renseignements et documents d’ordre financier et administratif qu’ils demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l’administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l’État et du respect du secret de l’instruction et du secret médical, doivent leur être fournis.  Les personnes dont l’audition est jugée nécessaire par le président et le rapporteur général de la commission chargée des finances de chaque assemblée ont l’obligation de s’y soumettre. Elles sont déliées du secret professionnel sous les réserves prévues (…). »

Cette fonction pourrait même être confiée systématiquement à l’opposition, en utilisant la faculté introduite par la loi organique du 12 juillet 2005 modifiant la LOLF, qui a complété la possibilité pour les commissions des Finances de chaque assemblée de désigner des rapporteurs spéciaux sur des missions budgétaires, par la faculté de confier une mission de contrôle  également « chaque année, pour un objet et une durée déterminés, à un ou plusieurs membres d’une de ces commissions obligatoirement désignés par elle à cet effet », en l’espèce un membre de l’opposition(124).

Les rapporteurs proposent en outre de créer une annexe générale au projet de loi de finance comportant, pour chaque autorité publique indépendante, une présentation stratégique avec la définition d’objectifs et d’indicateurs de performance, une présentation des actions, une présentation des crédits et des emplois, une justification des crédits au premier euro et une évaluation des ressources propres perçues.

La LOLF édicte des dispositions contraignantes pour « les emplois rémunérés  par l’État ». L’article 7 de la LOLF dispose qu’ « à l’exception des crédits de la dotation prévue au 2° du I, les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel sont assortis de plafonds d’autorisation des emplois rémunérés par l’État. Ces plafonds sont spécialisés par ministère. » En complément, l’article 64 de la loi de finances initiale pour 2008 prévoit qu’ « à compter du 1er janvier 2009, le plafond des autorisations d’emplois des opérateurs de l’État (125) est fixé chaque année par la loi de finances ». Les rapporteurs estiment qu’une disposition du projet de loi de finances devrait fixer, chaque année, un plafond des autorisations d’emplois pour les autorités publiques indépendantes, éventuellement global.

Les rapporteurs estiment que la création de l’annexe au projet de loi de finances sur les API et la création du plafond des autorisations d’emplois des API devraient résulter d’une modification de la LOLF. À défaut, une solution similaire à celle trouvée pour les opérateurs de l’État et qui aboutirait de fait au même résultat serait acceptable.

Il est clair que, sauf à ce que les premières recettes affectées à une API soient supérieures aux besoins, la création d’une autorité publique indépendante exige la constitution immédiate d’un fonds de roulement initial, pour permettre à l’autorité de faire face à ses premières échéances, et en particulier de rémunérer ses agents. Le fait de choisir la formule de l’API, ou plus généralement de la personnalité morale, exige ainsi un effort financier dès l’origine, immobilisant des sommes qui peuvent ne pas être négligeables. Les rapporteurs considèrent que, pour les API partiellement ou totalement financées par l’État, mais également pour celles bénéficiant d’une affectation directe de ressources fiscales, le fonds de roulement ne devrait pas dépasser une norme fixée en fonction des besoins réels de trésorerie de l’organisme.

Recommandation n° 24 : Assurer le contrôle des autorités publiques indépendantes (API) dotées de la personnalité morale.

– proposer de faire désigner par la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale un rapporteur spécial pour les autorités indépendantes financées sur ressources propres ;

– créer une annexe générale au projet de loi de finance comportant, pour chaque autorité publique indépendante, une présentation stratégique avec la définition d’objectifs et d’indicateurs de performance, une présentation des actions, une présentation des crédits et des emplois, une justification des crédits au premier euro et une évaluation des ressources propres perçues ;

– fixer chaque année dans le projet de loi de finances un plafond des autorisations d’emplois pour les autorités publiques indépendantes ;

– constituer dès la création d’une autorité publique indépendante un fonds de roulement initial, qui ne devrait pas dépasser une norme fixée en fonction des besoins réels de trésorerie de l’organisme.

c) Le contrôle par la Cour des comptes

La Cour des comptes exerce un contrôle régulier et approfondi des AAI. On peut ainsi mentionner :

– l’AFLD (2008), qui a fait l’objet d’un premier contrôle au moment de sa création ;

– le Médiateur de la République (2004 et 2009), qui a fait l’objet de mentions quant au suivi des observations de la Cour dans son dernier rapport annuel (2010) ;

– l’AMF (2008), la Commission bancaire (2008) et  l’ACAM (2008) (depuis fusionnées au sein de l’ACP), qui ont fait l’objet de contrôles dont il a été rendu compte de manière synthétique dans une longue insertion au rapport public 2009. Un suivi est prévu en février 2011 ;

– la CRE (2009), l’ARCEP (2009), le CSA (2006), le Médiateur national de l’énergie (2008), le Défenseur des enfants (2008), la CNDS (2007) et la CNEC, prédécesseur de la CNAC (2009).

D’autres contrôles sont en cours pour :

– la HALDE, dont un rapport provisoire a fait l’objet d’une « fuite » récente dans la presse et que la Cour envisage de terminer fin octobre 2010 ;

– la CNIL (échéance prévue en novembre 2010) ;

– et la HAS (échéance prévue en novembre 2010).

Il reste que, selon les informations en possession des rapporteurs, la Cour n’envisage actuellement pas de contrôle à court terme sur plusieurs autorités importantes : ASN, Autorité de la concurrence, AERES et Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C).

Les contrôles de la Cour des comptes ne préjugent évidemment pas de l’activité des corps de contrôle internes à l’administration, ainsi :

– le rapport de 2007 de l’Inspection générale des finances (IGF) sur le Médiateur de la République, effectué à la demande de ce dernier ;

– les rapports périodiques du Comité interministériel d’audit des programmes (CIAP) sur les projets et rapports annuels de performances, qui abordent la gestion des AAI entrant dans leur domaine de compétence.

2.– L’obligation de rapport annuel

a) Généraliser la présentation d’un rapport annuel

Les rapporteurs ont été très surpris de constater que plusieurs AAI n’établissaient pas de rapport annuel. Ainsi le président de l’ACAM, M. Philippe Jurgensen, déclarait, lors de son audition devant le Groupe de travail, que l’autorité n’établissait pas de rapport annuel, pour la raison que la loi ne le prévoyait pas, et que si l’autorité en avait établi un de sa propre initiative, le Gouvernement ne l’aurait pas accepté… On peut s’interroger sur l’indépendance réelle dont disposait alors cette autorité !

LA CNAC n’établit pas non plus de rapport annuel.

Les rapporteurs ont été à l’origine de l’adoption d’un amendement au projet de loi de régulation bancaire et financière imposant à la toute nouvelle ACP la présentation d’un rapport annuel, qui n’était étonnamment pas prévue par l’ordonnance qui a institué cette autorité.

La Cour des comptes estimait en 2007, à l’issue de son contrôle sur la CNDS, que les rapports annuels d’activité de cette autorité étaient de contenu inégal selon les années. En particulier, elle regrettait l’absence d’étude ou d’analyse de l’activité de la CNDS dans ces rapports annuels : recevabilité des saisines ; temps consacré par type de dossier ; nombre de saisines par origine, par secteur d’activité ; les irrecevabilités ; le nombre d’actes d’instruction…

Les rapports annuels d’activité doivent donc être de qualité. Leur envoi doit être systématique tant au Gouvernement qu’au Parlement. C’est sur leur base que les commissions permanentes compétentes des Assemblées peuvent auditionner les présidents des autorités(126). C’est en particulier sur la base de ces rapports annuels que peut s’effectuer une évaluation de leur activité.

Recommandation n° 25 : Présenter au Gouvernement et au Parlement un rapport annuel d’activité.

b) Améliorer le dispositif d’évaluation de la performance

Les rapporteurs ont, pour chaque AAI, effectué un recensement des dispositifs d’évaluation de la performance, qu’ils soient contenus dans les documents annexés aux projets de loi de finances, dans les rapports annuels d’activité des autorités, ou encore à usage purement interne, tels que décrits dans les réponses au questionnaire des rapporteurs(127). Les indicateurs ont été classés en quatre catégories :

1– les indicateurs de moyens (moyens budgétaires et humains mis à disposition de l’autorité) ;

2– les indicateurs d’activité (volumétrie de l’activité de l’autorité, par exemple nombre de réclamations reçues, nombre de décisions rendues, nombre de sanctions infligées…) ;

3– les indicateurs de performance (efficacité socio–économique, qualité de service, efficience de gestion de l’autorité) ;

4– les indicateurs de contexte économique et social (pour mesurer l’impact de l’activité de l’autorité sur son environnement).

La méthodologie de mise en œuvre de la LOLF, convenue d’un commun accord entre le ministère du Budget et les commissions des Finances des Assemblées, lors de l’entrée en vigueur de la LOLF, a défini trois sous–catégories d’indicateurs de performance adaptés à l’action publique :

3.1– efficacité socio–économique pour mesurer l’impact des politiques publiques (point de vue du citoyen) ;

3.2– qualité de service pour mesurer le degré de satisfaction des services publics (point de vue des usagers) ;

3.3– efficience de gestion pour mesurer le coût des dispositifs publics (point de vue du contribuable).

La direction du Budget (ministère du Budget) mène depuis l’origine de la LOLF une action soutenue en faveur d’un équilibre entre les indicateurs des trois sous–catégories précédemment définies.

Cette méthodologie commune a conduit à proscrire, du dispositif de mesure de la performance contenu dans documents budgétaires annexés aux projets de loi de finances, les indicateurs de moyens et d’activité. En effet les indicateurs de moyens (du type taux de consommation des crédits) n’ont d’autre objet que de les maximiser, sans référence aucune à leur performance. Par ailleurs une autorité peut artificiellement « gonfler » ses statistiques d’activité sans que cela ne se traduise par une plus grande utilité ; en outre, les indicateurs d’activité ne font pas référence à leur coût. L’interprétation des indicateurs d’activité est en outre malaisée. On ne sait si un accroissement de l’indicateur marque une aggravation du phénomène ou une plus grande visibilité sur des pratiques jusqu’à présent peu révélées.

Les rapporteurs font le constat général d’une insuffisance certaine du dispositif de suivi de la performance des AAI.

Si les indicateurs de moyen et d’activité relatifs aux AAI ont quasiment disparu des documents budgétaires(128), les indicateurs d’activité sont encore – et de loin – les plus fréquents dans les rapports d’activité des autorités(129). Ainsi à titre d’exemple la HALDE, le Défenseur des enfants ou le Médiateur de la République comptabilisent le nombre de réclamations ; la CNDP calcule le nombre de manquements à la déontologie. Plusieurs AAI considèrent d’ailleurs à tort les indicateurs d’activité comme des indicateurs de mesure de la performance.

Plusieurs AAI disposent seulement d’indicateurs d’activité ou de contexte économique et social, à l’exclusion de tout indicateur de performance : les trois autorités précédemment adossées à la Banque de France et maintenant fusionnées dans la nouvelle ACP (ACAM, CECEI et Commission bancaire), la CNAC (130), la Commission des participations et des transferts, la Commission des infractions fiscales, la Commission des sondages, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l’élection du Président de la République, la Commission pour la transparence financière de la vie politique, l’AERES(131), le Conseil supérieur de l’AFP et le Conseil des ventes. A la connaissance des rapporteurs, le Bureau central de tarification et la Commission centrale permanente compétente en matière de bénéfices agricoles ne disposent d’aucun indicateur d’aucune sorte.

Les indicateurs de moyens et d’activité (ainsi nombre de dossiers traités depuis le début de l’année) sont évidemment utiles pour les gestionnaires des AAI. Ils doivent prendre toute leur part dans les tableaux de bord interne et les rapports annuels d’activité. Les rapporteurs estiment cependant qu’en complément de ces indicateurs d’activité, les AAI se doivent de développer un dispositif de mesure de leurs performances par la définition d’indicateurs appropriés. Or ce n’est pas encore suffisamment le cas.

Le constat établi par l’analyse montre une quasi–absence des indicateurs d’efficience de gestion dans les dispositifs d’évaluation de la performance des AAI. Les rapporteurs voient dans cette insuffisance des indicateurs d’efficience de gestion un intérêt insuffisant des AAI pour le coût des dispositifs qu’elles mettent en œuvre. A la connaissance des rapporteurs, seules six les AAI suivantes disposent d’indicateurs d’efficience de gestion(132) : CRE (ratio « Lacambre » gérant / géré), AFLD (coût moyen global des contrôles et des analyses), HALDE (nombre de réclamations traitées par an et par agent), HAS (contrôle de gestion)(133), la CNDP (coût des débats), Défenseur des enfants (coût de gestion moyen d’un dossier), ACNUSA (coût de publication du rapport d’activité).

Les indicateurs mesurant la qualité de service ou l’efficacité socio–économique sont calculés dans plusieurs AAI, mais de façon encore insuffisante.

Les indicateurs les plus couramment calculés par les AAI sont ceux relatifs aux délais (de prise de décision, d’avis, de recommandation, etc.) et à la notoriété. Ce dernier indicateur est particulièrement pertinent pour les AAI en contact avec le grand public : HALDE, CNIL, Médiateur national de l’énergie, CADA… Ainsi la CNIL suit depuis 2004 deux indicateurs sur la notoriété de la commission et sur la connaissance qu’ont les citoyens de leurs droits. Elle constate depuis 2008 une hausse significative de la connaissance des droits (33 % en 2008 contre 26 % l’année précédente). Des indicateurs de notoriété à moindre coût – particulièrement utile pour les petites AAI – peuvent être constitués par les statistiques de consultation d’un site Internet, le nombre de messages électroniques ou d’appels téléphoniques reçus, voire le nombre d’article de presse. A contrario, l’ASN considère qu’elle ne doit pas forcément rechercher une notoriété du grand public. Ce serait nécessairement le cas de catastrophe, qu’il ne faut naturellement pas souhaiter. Le président de l’ASN indiquait, lors de son audition par le Groupe de travail, qu’il estimait que l’autorité était par contre bien connue du public averti.

La qualité des décisions prises par les AAI ou des sanctions qu’elles infligent constitue également un indicateur à surveiller. Pour la mesurer, on peut penser à des indicateurs comme le taux de recours devant les tribunaux, voire le taux de réformation des décisions ou des sanctions par les juridictions. Cet indicateur peut être biaisé ; ainsi la CNAC voit ses décisions d’autorisation ou de refus d’implantation commerciale systématiquement contestées devant le Conseil d’État ; l’explication avancée en est que les concurrents utilisent toutes les voies pour retarder les projets commerciaux contraires à leurs intérêts. À l’AMF, un nombre relativement important de décisions de la commission des sanctions font l’objet de recours contentieux (43 % en 2005, 74 % en 2006, 58 % en 2007, 40 % en 2008 et 41 % en 2009), alors qu’in fine le nombre d’annulations et de réformations de décisions par les juridictions reste relativement faible. La qualité de l’activité d’une AAI peut également être mesurée par un indice de satisfaction des personnes ou entreprises régulées (sondages).

Un autre indicateur utile serait l’indice de suivi des recommandations ou avis. Il est particulièrement adapté aux AAI qui, soit exercent des activités de médiation (taux de médiation réussies, suites favorables données aux recommandations), soit ne disposent pas de pouvoir de décision (recommandations de la CADA ou de la CNDS).

Toutes les AAI devraient, aux yeux des rapporteurs, calculer et publier un ou plusieurs indicateurs d’efficience de gestion, mesurant, soit le coût de traitement d’un dossier, quel qu’il soit (décision, réclamation, avis, médiation, sanction…), soit le nombre d’actes produits par agent et par an. On a vu précédemment, pour l’activité de médiation, qu’il convient préalablement de définir une méthodologie commune pour pouvoir comparer les AAI entre elles – ou avec d’autres structures administratives. Avec la LOLF, tous les secteurs d’activité de l’État sont maintenant dotés d’un dispositif d’évaluation de la performance. Entrent dans cette catégorie des indicateurs d’efficience de gestion la panoplie classique des indicateurs de fonctions support, qui font l’objet d’une normalisation par la direction du Budget pour toutes les administrations d’État : immobilier, bureautique, GRH… Ainsi qu’il a été indiqué précédemment, les AAI d’une certaine taille gagneraient à mesurer pour elles–mêmes ces indicateurs, afin de se comparer : par exemple le ratio de surface utile nette (SUN) occupée par poste de travail, avec la cible de 12 m2 par agent.

Une difficulté surgit pour ce que l’on peut appeler les « indicateurs de contexte économique et social », faute d’une terminologie stable en la matière. Il s’agit des indicateurs dont les résultats ne dépendent pas seulement de l’activité de l’autorité, mais sont plus ou moins fortement influencés par le contexte économique ou social. Il en est ainsi par exemple :

– pour les autorités en charge de la concurrence (Autorité de la concurrence, CRE, ARCEP, ARAF, ARJEL) des indicateurs mesurant l’évolution du degré d’ouverture de leurs marchés respectifs ; une réflexion commune est en cours pour définir un indicateur commun en la matière ;

– pour le CSA, le taux de pénétration de la télévision numérique terrestre (TNT) ;

– pour les autorités financières (ACAM, Commission bancaire, CECEI et maintenant ACP) les taux de faillites dans les secteurs régulés.

Si ces indicateurs de contexte économique et social revêtent une utilité indéniable, les commentaires qui les accompagnent sont aussi importants que les résultats auxquels ils conduisent. Ainsi par exemple, les taux de faillites bancaires constatés en France pendant la crise financière de 2008 pourraient être analysés de façon comparée avec ceux prévalant dans d’autres pays.

Recommandation n° 26 : Élaborer des objectifs et des indicateurs de performance.

– prévoir pour toutes les AAI, dans leurs rapports annuels d’activité, un dispositif d’évaluation de la performance qui, au–delà des indicateurs d’activité par ailleurs nécessaires, construise des indicateurs de performance présentant un équilibre entre les indicateurs d’efficacité socio–économique, de qualité de service et d’efficience de gestion ;

– instaurer une méthodologie commune aux AAI effectuant des missions comparables pour les indicateurs mesurant notamment le coût de traitement d’un dossier ou le nombre de dossiers traités par agent et par an ;

– calculer pour les AAI les plus importantes les indicateurs de fonction support (immobilier, bureautique, gestion des ressources humaines) selon la méthodologie commune suivie par les autres administrations d’État.

c) Systématiser au moins une fois par an l’audition du président de chaque AAI par les commissions compétentes des Assemblées

Pour toutes les raisons invoquées dans le présent rapport en faveur d’un plus grand contrôle du Parlement sur les AAI, la méthode – qui a fait ses preuves – de l’audition publique est incontournable. Au–delà des documents produits, seul le contact direct entre les présidents d’AAI et les parlementaires permet un échange approfondi.

Les rapporteurs ont recensé depuis le début de la 13e législature les auditions de présidents d’AAI par les commissions permanentes compétentes (134). Sur cette période, les présidents des AAI suivantes n’ont pas été auditionnés par les commissions permanentes compétentes, ni de l’Assemblée nationale ni du Sénat :

Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles

ACAM (135)

Autorité de régulation des mesures techniques

ARMT (136)

Bureau central de tarification

BCT

Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé

CCNE

Commission d’accès aux documents administratifs

CADA

Commission centrale permanente compétente en matière de bénéfices agricoles

 

Commission des infractions fiscales

CIF

Commission nationale d’aménagement commercial

CNAC

Commission nationale des comptes de campagne et financements politiques

CNCCFP

Commission nationale consultative des droits de l’homme

CNCDH

Commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l’élection du Président de la République

 

Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité

CNCIS

Commission nationale du débat public

CNDP

Commission paritaire des publications et agences de presse

CPPAP

Commission des participations et des transferts

CPT

Commission de la sécurité des consommateurs

CSC

Commission des sondages

 

Commission pour la transparence financière de la vie politique

 

Conseil supérieur de l’Agence France–Presse

 

Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques

CVV

Haut conseil du commissariat aux comptes

H3C

Médiateur du cinéma

 

Médiateur national de l’énergie

MNE

En outre, les commissions permanentes de l’Assemblée nationale n’ont pas auditionné les quatre AAI suivantes, qui l’ont, en revanche, été par celles du Sénat :

Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur

AERES

Agence française de lutte contre le dopage

AFLD

Commission consultative du secret de la défense nationale

CCSDN

Défenseur des enfants

 

L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) entend régulièrement les AAI entrant dans son champ de compétences : Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et Commission nationale informatique et libertés (CNIL).

Les rapporteurs estiment qu’il convient de systématiser au moins une fois par an l’audition du président de chaque AAI par les commissions compétentes des Assemblées, à l’occasion de la présentation du rapport annuel ou de l’examen du projet de loi de finances. Afin de susciter un intérêt renouvelé, ces auditions pourraient revêtir des formes novatrices. Pour les AAI les plus importantes, on pourrait imaginer des commissions élargies ouvertes à la presse, pendant ou en dehors de la semaine de contrôle. Des séances publiques tenues dans la salle Lamartine pourraient également être envisagées. Ces auditions pourraient être l’occasion d’un examen de l’activité passée récente de l’AAI et des grandes orientations pour l’année à venir. Afin d’alléger ces procédures, les « petites » AAI intervenant dans des domaines proches pourraient faire l’objet d’auditions groupées.

Recommandation n° 27 : Systématiser au moins une fois par an l’audition du président de chaque AAI par les commissions compétentes des Assemblées, au besoin en en adaptant les modalités à la taille de l’autorité.

RÉUNION DU COMITÉ DU 28 OCTOBRE 2010 :
EXAMEN DU PROJET DE RAPPORT D’INFORMATION

Le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques s’est réuni le jeudi 28 octobre 2010 pour examiner le projet de rapport d’information.

M. le Président Bernard Accoyer. Nous devons entendre nos deux rapporteurs René Dosière et Christian Vanneste sur un sujet majeur, initialement proposé par le groupe SRC : l’évaluation des autorités administratives indépendantes (AAI), qui ont acquis, à côté des autorités directement désignées par les citoyens, un rôle considérable. Les autorités administratives indépendantes se sont fortement développées ces dernières années, et ce dans bien des domaines, y compris financiers. Il était important d’évaluer leur rôle et d’essayer d’améliorer leur efficience au service de l’intérêt général. Dix députés ont été désignés par cinq commissions pour travailler avec les deux rapporteurs, dont je rappelle le rôle clef puisque aucune audition ne peut en principe se tenir si l’un des deux n’est pas là.

M. René Dosière, rapporteur. Malgré le sentiment d’avoir beaucoup travaillé depuis un an sur ce sujet, avec les services du Comité que je remercie d’ailleurs pour la qualité de leur concours, Christian Vanneste et moi aurions encore voulu l’approfondir – mais il faut bien terminer un jour.

Le premier volet du rapport est une synthèse que nous avons essayé de faire la plus courte possible. En revanche, les annexes et le tome II comportent de nombreux renseignements – données brutes que nous n’avons pas commentées – concernant la situation immobilière des AAI ou la rémunération de leurs présidents et principaux responsables par exemple. Un troisième volet est consacré aux usagers des AAI, c’est-à-dire surtout aux institutions auxquelles elles ont affaire. Tous ces éléments, qui ne seront pas publiés, seront mis à la disposition des commissions de l’Assemblée dont plusieurs membres ont déjà participé très régulièrement à nos travaux, comme Louis Giscard d’Estaing, Jean Mallot, Lionel Tardy ou Jean-Pierre Brard.

De façon générale, nous reconnaissons la nécessité des autorités administratives indépendantes, dont la création répond à un mouvement général. Avec le Défenseur des droits, une étape supplémentaire est franchie puisque c’est la première fois qu’une autorité figure dans la Constitution. Les AAI sont globalement reconnues comme efficaces et impartiales. En revanche, il s’en crée en moyenne deux par an depuis dix ans, ce qui est manifestement trop. Il devient nécessaire de rationaliser et de clarifier leurs compétences.

Pour cela, il faut éliminer les doublons et les chevauchements de compétences, que ce soit entre les AAI proprement dites ou entre elles et l’administration, dont elles constituent parfois un démembrement. Ce sera certainement le cas dans le domaine de la santé, où une vingtaine d’agences cohabitent avec la Haute autorité de santé (HAS) – mais nous renvoyons ce domaine particulier à la commission des Affaires sociales, qui pourra faire des propositions plus précises.

Cette rationalisation doit s’accompagner d’une meilleure maîtrise de leur budget. En 2006 déjà, le rapport d’Alain Lambert et de Didier Migaud, alors parlementaires, sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) soulignait que l’indépendance des AAI ne les exonérerait pas de toute contrainte budgétaire. Le budget global des AAI est très difficile à déterminer. Ainsi le ministère du Budget le chiffre-t-il, selon les éléments qu’il contrôle directement, à 387 millions en 2009, alors que nos propres estimations, qui prennent en compte les fonctionnaires mis à disposition par d’autres administrations par exemple, tournent autour de 600 millions la même année – soit plus que le budget de l’Assemblée nationale. Surtout, et autant qu’on puisse en juger de façon si globale, cette masse a augmenté de 27,4 % durant les trois dernières années – pour poursuivre la comparaison, le budget de l’Assemblée n’a pas bougé. Quant aux effectifs, que nous évaluons, de façon sans doute incomplète, à 3 651 personnes en 2010, ils ont augmenté de 16,8 % en trois ans, alors que l’Assemblée passait de 1 368 à 1 360 personnes…

Enfin, nos propositions visent à améliorer le suivi de la part du Parlement, qui est aujourd’hui manifestement insuffisant. Certaines AAI peuvent même avoir tendance à oublier qu’elles ont des comptes à lui rendre ! Or ce contrôle est la garantie même de leur indépendance. Nous proposons ainsi que la nomination de leurs dirigeants ne soit plus le fait, comme c’est actuellement le cas, du pouvoir exécutif, après avis des assemblées, mais du Parlement, à une majorité qualifiée des trois cinquièmes ; l’expérience des pays étrangers montre c’est la garantie d’une indépendance complète. Cette nomination devrait émaner de la commission permanente compétente, sauf pour la Haute autorité que nous préconisons en matière de transparence de la vie politique : compte tenu du sujet, c’est le Parlement dans son ensemble qui devrait s’en charger.

Par ailleurs, il faut également améliorer la « reddition de compte », terme québécois qui désigne l’obligation de répondre de l’exercice d’une responsabilité. Cela suppose que l’autorité qui exerce cette responsabilité rende compte régulièrement de son activité et de sa gestion à celui qui la lui a confiée, en fonction d’indicateurs d’évaluation. Les recommandations 23 à 27 vont dans ce sens.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Je tiens moi aussi à saluer le travail des fonctionnaires du Comité, et me félicite de la règle du binôme de rapporteurs bipartisan : nous avons agi en très bonne entente, dans d’excellentes conditions de travail. Nous avons abouti à 27 recommandations, regroupant en tout 76 propositions. Les instances de médiation procèdent d’un mouvement constaté dans toutes les démocraties. Elles ont acquis un caractère indispensable, mais deux impératifs s’imposent : la rationalisation et le contrôle du Parlement.

La rationalisation, d’abord, est nécessaire et urgente. La première mesure qui s’impose, le regroupement, est d’ailleurs déjà engagée : l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) en sont issues. Il faut continuer dans ce sens. Ainsi, il serait tout à fait logique que le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) soient regroupés au sein du Défenseur des droits. L’égalité et les discriminations auxquelles s’intéresse la HALDE sont en effet des droits fondamentaux, qui doivent être protégés par la même autorité que les autres. Quant à la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), il serait préférable, dans un premier temps, de la fusionner avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), pour créer un Contrôleur général de la sécurité. Il s’agit en effet du même sujet. Les deux ont d’ailleurs déjà un domaine commun : le personnel pénitentiaire. À terme, après le départ de M. Jean-Marie Delarue en 2014, ce nouvel ensemble pourrait peut-être être intégré dans celui du Défenseur des droits.

En revanche, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) n’y serait pas rattachée. Elle a en effet des obligations propres, tenant à l’évolution constante des technologies. Elle doit donc avoir beaucoup plus de souplesse et d’autonomie, parce qu’elle risque de devoir traiter des problèmes que nous ne connaissons pas encore. Elle pourrait en revanche être regroupée avec la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) : elles ont déjà en commun la question de la réutilisation des documents administratifs et s’occupent toutes les deux de la protection des données personnelles et de leur communication aux personnes concernées.

L’idée la plus novatrice, que nous devons largement à notre visite au Canada, est l’institution d’une Haute autorité de la vie politique qui regrouperait les quatre autorités qui s’occupent aujourd’hui de la transparence de la vie politique et des élections. Ce que nous avons en tête, en fait, c’est l’instauration d’un « Directeur général des élections », qui pourrait aussi, à terme, s’occuper du découpage électoral, ce qui supprimerait toute suspicion sur cette question essentielle dès lors qu’on pratique un scrutin uninominal par circonscription.

Un autre regroupement s’impose, technique celui-là, entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI). C’est la convergence numérique qui pousse à rassembler ces domaines différents. Un regroupement de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et du Médiateur national de l’énergie serait également opportun. Pour ce type d’AAI, qui sont des autorités de régulation des marchés – surtout des marchés monopolistiques en voie d’ouverture à la concurrence – plutôt que des gardiens des droits et des libertés, il pourrait y avoir un regroupement sectoriel. Cela pourrait être le cas par exemple entre la CRE, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) et l’autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) qui vient d’être créée. Il faudrait aussi une clause de revoyure tous les cinq ans pour s’assurer qu’elles sont encore utiles. En revanche, les autorités agissant dans le champ des biens culturels, c’est-à-dire l’ARCEP, le CSA et la HADOPI, présentent une différence de nature fondamentale et seraient maintenues à part.

D’un point de vue plus concret, nous avons pensé à la création d’une Maison des libertés et des droits, qui regrouperait le Défenseur des droits, la CNIL et la CADA et qui pourrait s’installer au 20, avenue de Ségur, Paris 7è arrondissement, dans un bâtiment en déshérence qui était occupé par le ministère de l’Écologie. Il faudrait 60 millions d’euros de travaux, et encore 20 millions d’euros pour l’adapter aux normes du Grenelle, mais ce serait un lieu très symbolique qui permettrait aussi de gagner en efficacité et de diminuer les dépenses.

De façon plus radicale encore que le regroupement, nous proposons la suppression de la Commission des participations et des transferts (CPT), qui a connu huit mois de chômage technique en 2009 et à qui l’on n’a confié la quatrième licence de téléphonie mobile que pour l’occuper, et de la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), qui passe moins de temps à empêcher les ouvertures de magasin qu’à casser les décisions de refus d’ouverture des commissions départementales – les surfaces commerciales créées ont été multipliées par trois depuis qu’elle intervient ! Nous avons envisagé aussi, peut-être, la suppression de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA).

D’autres autorités peuvent être transformées. Nous avons ainsi pu constater les graves difficultés qu’a pu rencontrer la Commission nationale du débat public (CNDP), notamment sur le thème des nanotechnologies. Sur une telle question, comme sur celle des OGM par exemple, c’est au Parlement qu’il revient naturellement d’organiser le débat public national. Une institution semblable à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST) pourrait être créée à cette fin. Quant aux débats publics locaux, ils pourraient être confiés au Défenseur des droits, puisqu’ils entrent parfaitement dans ses attributions : la conciliation des intérêts privés individuels et de l’intérêt public.

Enfin, il faut créer des pôles communs, comme cela s’est déjà fait entre l’AMF et l’ACP en matière de mise sur le marché de produits financiers, et réduire les chevauchements, notamment en organisant mieux les relations entre les AAI et les administrations. Ce qui aura aussi des conséquences bénéfiques en termes d’effectifs : parfois, en effet, le personnel qui devait être transféré de l’administration à l’autorité a refusé, pour ne pas perdre son statut de la fonction publique. On a donc conservé les agents publics d’un côté et, de l’autre, dans la nouvelle autorité, recruté autant de personnes pour faire le travail… Ce n’est pas raisonnable.

On peut ainsi s’interroger sur la nécessité d’avoir à la fois un Médiateur du cinéma et un Centre national de la cinématographie (CNC), une Commission de la sécurité des consommateurs et un Institut national de la consommation (INC) ou encore une CNIL et une Commission nationale de la vidéosurveillance – qui ne doit au passage pas devenir une AAI car cela créerait une séparation artificielle entre vidéoprotection privée et vidéoprotection publique. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) pourraient aussi manifestement fusionner : l’IRSN met à la disposition de l’ASN cent agents en permanence, et quatre cents autres très souvent, sur les 850 qu’il compte au total… Je ne parle même pas du problème des agences sanitaires, qu’il revient à la commission des Affaires sociales de traiter.

Le deuxième impératif de la rationalisation est de renforcer le contrôle du Parlement sur les AAI. Il faut trouver un équilibre d’horloger entre le souci de donner le maximum d’autonomie aux autorités et celui d’assurer le contrôle le plus efficace. Pour cela, il faut confier ce contrôle, qui est en même temps une garantie, au Parlement. Cela suppose de lui donner, en amont, plus d’importance dans le choix des responsables des autorités – notamment en renversant la règle de majorité : les parlementaires doivent s’exprimer pour la nomination, et pas simplement avoir la possibilité de voter contre – et d’instaurer, en aval, la fameuse « reddition de compte ». En revanche, pour garantir des relations saines, il n’y aurait pas de contrôle interne – autrement dit, plus de parlementaires désignés au sein des collèges. Cela éviterait, il faut le dire, des problèmes d’absentéisme et parfois un certain déséquilibre des votes lorsque seulement un petit nombre des membres sont présents.

Enfin, pour conclure, je dirai qu’il faut renforcer les collèges, assurer l’indépendance fonctionnelle des autorités et, bien sûr, faire beaucoup d’économies.

M. Jean-Jacques Urvoas. Ce rapport, comme celui présenté la semaine dernière par M. Goulard et M. Pupponi, ouvre de bien belle façon le travail du Parlement sur l’évaluation. L’enjeu est important : un précédent rapport du Sénat sur les autorités administratives indépendantes commençait par l’aveu qu’il n’avait même pas été possible de les compter, faute d’avoir pu définir leur périmètre. Le présent travail est donc très attendu. Les AAI sont souvent interprétées comme étant un démembrement de l’activité du Parlement, qui leur délègue une partie de ses missions. Le paradoxe, c’est que, comme l’ont excellemment noté les rapporteurs, il s’en crée plus d’une par an, mais que, dès qu’elles sont en activité, le Parlement ne s’occupe plus ni de leur travail, ni de les évaluer ou de les contrôler.

Le constat ne suffisant pas, les rapporteurs font des propositions – qui n’engagent cependant qu’eux, puisqu’elles touchent entre autres à un projet en cours d’examen devant le Parlement et qui concerne la création d’un Défenseur des droits.

Il existe des points d’accord, notamment sur le fait que les dirigeants des AAI doivent dépasser les frontières partisanes. L’idée de la majorité des trois cinquièmes me semble à cet égard essentielle. Ainsi, on nous a expliqué que la fonction du « Défenseur du peuple » espagnol serait impossible s’il ne bénéficiait pas d’une telle majorité, qui assoit sa légitimité et accentue le poids de ses préconisations. Je suis également très favorable à l’idée d’une Haute autorité sur la transparence de la vie politique, qui remplacerait des structures multiples et peu claires aux jurisprudences incohérentes.

Toutefois, il existe aussi des points de désaccord, en particulier en ce qui concerne l’articulation entre le fonctionnement de certaines autorités et l’instauration du Défenseur des droits. Mais nous aurons bientôt l’occasion d’en débattre. En l’état actuel du texte, il nous manque des garanties essentielles. Surtout, nous ne voyons pas comment un contrepouvoir pourrait être nommé par le pouvoir. Nous ne pourrons pas discuter valablement des autres questions tant que ce péché originel du mode de nomination ne sera pas levé.

Enfin, je me réjouis de ce rapport, qui servira sans doute de travail de référence au cours de nos échanges.

M. Jean Mallot. À mon tour de féliciter et de remercier nos deux rapporteurs pour leur travail considérable, qui démontre s’il était besoin combien nous avons eu raison de décider de l’entreprendre, à l’unanimité d’ailleurs. Le rapport présente une analyse et un diagnostic particulièrement pertinents.

Le premier angle d’attaque de la question est celui de la légitimité et du périmètre des autorités. La légitimité est au cœur du travail d’évaluation : les quelques autorités qui ont perdu leur raison d’être doivent être supprimées. Quant au périmètre, nous savons que les frontières de compétences sont parfois floues entre deux autorités, ou entre l’une d’elles et l’administration. L’externalisation, qui est à l’origine de la création d’un grand nombre d’entre elles, n’a parfois pas été poussée jusqu’au bout, avec les doublons et les difficultés de fonctionnement qui en résultent. Au passage, je note que la première raison que présente le rapport pour la création d’une AAI est l’impartialité. Est-ce à supposer que les services de l’administration d’État qui ont été externalisés n’étaient pas impartiaux ?

Le deuxième angle d’attaque est celui des moyens des autorités, et du lien entre l’existence de ressources propres et leur autonomie.

Le troisième angle d’attaque porte justement sur la question de l’autonomie et de l’indépendance des autorités, les deux devant d’ailleurs être distinguées. Il faut trouver la formule pour que les AAI soient autonomes tout en rendant compte, et que leurs avis et décisions soient indépendants. C’est un équilibre à trouver, mais il est nécessaire qu’elles rendent compte au Parlement.

Nous débattrons des propositions du rapport. En ce qui concerne la Commission nationale du débat public par exemple, je n’ai rien contre le principe de confier au Parlement l’organisation des grands débats publics, mais cela suppose que le fonctionnement parlementaire évolue encore beaucoup, notamment que la prégnance du fait majoritaire s’atténue. Il n’est pas question que le débat sur de telles questions soit perçu par la population comme organisé par la majorité du moment.

Quant au Défenseur des droits, certains de nos collègues sont assez réticents à l’idée d’y rattacher la HALDE. Le débat sera sans doute assez vif, comme sur la Commission nationale de déontologie de la sécurité ou sur une possible Haute autorité de la vie politique – je suis très favorable à l’institution de cette Haute autorité, mais je sais que cette position n’est pas forcément partagée et qu’il faudra en tout cas du temps pour s’habituer à cette idée.

Il faudra aussi réfléchir à la question des ressources des autorités, liée à celle de leur indépendance. Vous suggérez qu’elles proviennent, quand cela est possible, des organismes qu’elles contrôlent. Cela leur donnerait certes des moyens pérennes, fondés sur leur activité propre, mais pourrait aussi engendrer un soupçon de partialité. Dans le domaine sanitaire par exemple, on ne peut que s’interroger sur l’influence que cela aurait sur l’indépendance des avis et décisions rendus.

Bref, nous allons nous saisir de toutes ces propositions : d’abord, en poursuivant le travail en commission – notamment au sein de la commission des Affaires sociale, puisqu’une multitude d’agences relève de son périmètre de compétence – ; ensuite, en débattant dans l’hémicycle des modifications et des regroupements proposés ; enfin, en discutant avec le Gouvernement, qui, trop souvent, ne tient aucun compte des préconisations d’ordre réglementaire que font nos missions d’évaluation.

M. Jean-Claude Lenoir. Au nom du président de la commission des Affaires économiques, Patrick Ollier, je voudrais dire tout l’intérêt de ce rapport. Je note que le périmètre des AAI est difficile à déterminer, puisque leur cadre juridique demeure assez flou, et qu’on ne peut pas traiter de la même façon celles qui décident et celles qui émettent des recommandations.

Pour le reste, les modifications proposées me paraissent extrêmement utiles et opportunes. Face à la prolifération des AAI, souvent assez mal identifiées, il faut améliorer leur lisibilité et leur efficacité – le rapport met en lumière des chevauchements surprenants.

Il faut aussi renforcer leur indépendance, ce qui soulève la question de leurs ressources. Lorsqu’elles sont assurées par l’État, celui-ci a du mal à identifier les moyens nécessaires. C’est pourquoi j’avais proposé, dans le cadre de la discussion de la loi de décembre 2006 créant le Médiateur national de l’énergie, que celui-ci soit financé par la contribution au service public d’électricité payée par l’ensemble des consommateurs. Cela lui donne les ressources nécessaires à l’exercice de ses missions. Enfin, il faut limiter les dépenses des autorités, notamment en veillant au bon déroulement des opérations de création et de transfert de personnel.

Par ailleurs, pour ce qui est du regroupement des autorités, notre marge de manœuvre est limitée. Ainsi, dans le projet de loi « NOME » sur la nouvelle organisation des marchés de l'électricité, qui est encore en cours d’examen, notre tentative de fusion de la CRE et du Médiateur national de l’énergie s’est heurtée à l’application de l’article 40 de la Constitution : le transfert à la CRE – qui est financée par le budget de l’État – du Médiateur – qui ne l’est pas – créait en fait une charge pour l’État. Il faut donc que le Gouvernement prenne l’initiative en la matière.

Enfin, le rôle du Parlement doit incontestablement être renforcé. L’Ombudsman suédois est nommé par le Parlement : c’est bien la preuve que ce n’est pas incompatible avec la notion d’indépendance. La loi prévoit déjà que les responsables des AAI soient soumis à un avis valant approbation des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. C’est très bien, sauf que les membres des commissions entrent et sortent tout au long des réunions. On est bien loin des séances du Congrès américain… Il serait peut-être préférable que l’avis soit rendu par le bureau de la commission, qui serait un interlocuteur plus adapté.

M. Louis Giscard d’Estaing. Ce rapport est vraiment emblématique des travaux de ce Comité. Il démontre la pertinence du choix du sujet et la réalité du problème. Il fait avancer le travail entamé par le Sénat sur ces AAI – dont le caractère particulier dans nos institutions a été souligné par le vice-président du Conseil d’État lors de son audition –, notamment en fixant à 42 le nombre de ces autorités. Il est d’ailleurs à noter que le vice-président du Conseil d’État n’envisageait pas la question comme un démembrement du rôle du Parlement, mais comme un démembrement de celui de l’État.

Le rapport émet un certain nombre de préconisations extrêmement utiles sur lesquelles il faudra poursuivre l’effort, concernant notamment la maîtrise des budgets et le contrôle. Je suis très favorable à ce que chaque autorité se voie attribuer un rapporteur spécial de la commission des Finances. Je suggère en outre de constituer un binôme majorité-opposition, l’un des deux corapporteurs étant alors désigné par la commission compétente dans le domaine de l’autorité considérée.

Par ailleurs, il faudra améliorer la procédure des nominations. Quant à la présence ou non de membres du Parlement dans les collèges, la bonne formule pourrait être que les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat proposent la nomination de personnalités qualifiées. C’est déjà le cas pour l’ACP, et nous pouvons constater que c’est un progrès.

Pour ce qui est du suivi, nous pourrions prévoir un débat sur ce rapport lors de la semaine de contrôle. Cela passionnerait beaucoup de monde. Enfin, les deux rapporteurs pourraient venir devant chacune des commissions permanentes pour évoquer plus précisément les autorités de leur ressort.

M. Jean-Luc Warsmann. Je voudrais à mon tour saluer le travail de nos deux collègues. C’est tout l’intérêt de ce comité que de traiter des sujets transversaux qu’on n’appréhende dans les commissions que sous l’angle ponctuel d’un texte. Comme Louis Giscard d’Estaing, je pense que l’enjeu, maintenant, c’est la suite. Je serais heureux que les rapporteurs viennent présenter leur travail à la commission des Lois, de préférence avant le texte sur le Défenseur des droits, afin de poser les bases de notre réflexion.

Cela dit, il ne faut pas se cacher qu’il faudra beaucoup d’énergie pour faire bouger les choses. Pour être clair, certaines autorités se servent aussi des budgets que nous leur accordons pour financer des actions de lobbying dès lors que nous avons la velléité de toucher à leur rôle, ce que je trouve extrêmement choquant.

Par ailleurs, le regroupement de certaines autorités impliquera un énorme travail juridique, dans la mesure où elles n’ont pas les mêmes rôles ni les mêmes prérogatives. Cela nécessitera de remettre à plat des pans entiers du droit. Mais il est dans l’intérêt général de s’y atteler. La commission des Lois fera le maximum pour tirer des suites concrètes de ce rapport d’ici à la fin de l’année.

M. Pierre Morange. Au nom du président Méhaignerie, qui vous prie d’excuser son absence, je voudrais à mon tour saluer la qualité du travail des deux rapporteurs. Leurs recommandations s’inscrivent dans l’aspiration des parlementaires à enfin clarifier un paysage bien trop touffu. La commission des Affaires sociales va commencer à plancher sur le sujet, avec une mission d’information dans un domaine sanitaire et aussi social marqué par une grande complexité – la MECSS, que je copréside avec Jean Mallot, avait voulu s’atteler à cette tâche, mais son programme de travail chargé ne lui permettait pas de l’achever d’ici à la fin de cette mandature. Nul doute que le travail des rapporteurs constituera le cadre général de notre réflexion. Par ailleurs, nous suivrons avec attention le développement des travaux au sein des autres commissions.

M. René Dosière, rapporteur. S’agissant du Défenseur des droits, je suis tout à fait d’accord avec Jean-Jacques Urvoas : sa nomination par le Parlement ne pourrait que renforcer son autorité. Ceci dit, en l’état actuel des textes, il est tout de même « constitutionnalisé » et nommé pour six ans, avec avis des commissions. Même si l’on peut faire mieux, cela lui donne déjà une certaine légitimité. Quant à l’impartialité dont parlait Jean Mallot, il est régulièrement ressorti de nos auditions que le contact avec une personne spécifique indépendante – je pense au Médiateur du cinéma par exemple – donnait le sentiment d’une plus grande impartialité qu’avec l’administration.

J’indique à M. Lenoir que les annexes au rapport donnent des éléments d’information très précis, sans aucun commentaire de notre part. Il est vrai que la suppression d’une autorité, ou un regroupement, sont toujours délicats et qu’on se demande toujours combien de personnes seront concernées. Il est aussi vrai qu’au-delà des généralités que nous vous avons exposées, il faudra traiter les autorités au cas par cas : toutes ne peuvent pas être financées par des ressources propres, toutes n’ont pas le même type de fonctions.

Nous reviendrons sur le Défenseur des droits lors de la discussion législative. Nous avons déjà rencontré le rapporteur de la commission des Lois pour commencer un travail commun. Nous savons que nombre de nos collègues s’inquiètent. Qu’il soit clair que nous ne proposons pas pour l’instant d’intégrer la CNDS : ce n’est que dans quatre ans que nous vous proposons qu’elle rejoigne le Défenseur des droits, après un premier rapprochement avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Quant au regroupement avec la HALDE, il en sera longuement question. Notre souhait est de donner une lisibilité plus grande à certaines AAI et de regrouper celles qui ont des tâches communes, mais en même temps de préserver leur autonomie dans leur domaine au sein des structures ainsi regroupées.

Enfin, j’ai bien noté les remarques de M. Giscard d’Estaing sur le suivi des autorités par deux rapporteurs, dont un de la commission des Finances. Il se trouve que parmi les AAI, celles qui ont la personnalité morale, les autorités publiques indépendantes (API), et sont dotées de ressources propres, échappent à tout contrôle du Parlement puisqu’elles ne figurent pas dans le budget de l’État. Ces autorités échappant ainsi à tout contrôle, il serait particulièrement opportun de leur attribuer un rapporteur budgétaire.

M. Christian Vanneste, rapporteur. Je suis d’accord avec presque tout ce qu’ont dit MM. Urvoas et Mallot, surtout à propos de la légitimité et du périmètre, qui sont des points fondamentaux. C’est la raison pour laquelle nous proposons clairement un déplacement du contrôle des autorités de l’exécutif vers le législatif, ce qui est presque une révolution dans notre tradition démocratique – s’agissant du Défenseur des droits, le coup étant parti, cela paraît un peu tard mais telle est tout de même notre intention.

Ainsi que le disait M. Mallot en distinguant l’autonomie de l’indépendance, le problème essentiel est celui de l’équilibre. L’indépendance fait que chaque instance créée tend à persévérer dans son être, voire à envahir les autres. C’est ce qui produit cette « soft law », cette réglementation qui déborde sur la loi alors qu’elle est faite par une instance qui n’a pas de légitimité démocratique. Chacun doit être remis à sa place. C’est pourquoi nous préconisons un équilibre dans la relation privilégiée entre le Parlement et les autorités : certes, celles-ci ne doivent pas être dans une trop grande dépendance par rapport au pouvoir exécutif et aux administrations dont elles sont souvent issues, c’est le rôle du Parlement que d’y veiller, mais il doit en même temps contrôler qu’elles exercent leurs missions non seulement telles qu’elles sont définies par la loi, mais en outre dans le cadre de l’action politique globale. Nous suggérons à ce propos toute une série de dispositifs pour encadrer d’éventuels débordements budgétaires, ainsi qu’un renforcement du rôle du commissaire du Gouvernement. En effet, une AAI a beau constituer une forme de contrepouvoir, elle n’est pas pour autant un pouvoir. Elle doit donc se situer dans la ligne de l’action politique globale de l’État, par exemple en respectant les règles de la gestion publique et les orientations de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Quant au Défenseur des droits, il me semble que l’idée de départ peut être corrigée à partir du concept d’Ombudsman qu’a évoqué M. Lenoir. J’en ai déjà parlé avec le président Jean-Paul Delevoye ainsi qu’avec Jeannette Bougrab. En Suède, il y a quatre Ombudsmans parlementaires, dont un primus inter pares. De la même façon, il pourrait y avoir quatre ou cinq départements dédiés à la défense de droits spécifiques, qui jouiraient d’une grande autonomie par rapport au Défenseur des droits lui-même. Ce serait une bonne solution, mais qui nécessite une évolution législative substantielle.

Ce qui m’amène aux propos de Jean-Luc Warsmann sur la complexité du droit. Celle-ci ne doit pas devenir un obstacle. Grand admirateur de Georges Pompidou, dont Le nœud gordien a marqué mes lectures, je pense qu’il faut savoir de temps en temps sortir le glaive. Il est bon que les juristes sachent jongler avec les difficultés juridiques, mais il est parfois préférable de trancher le nœud.

Par ailleurs, je me félicite de la suggestion de Louis Giscard d’Estaing que nous venions devant les commissions permanentes pour présenter ce rapport et écouter leurs remarques.

Enfin, j’encourage vivement Pierre Morange à réfléchir à la rationalisation des quelque dix-huit agences sanitaires qui entourent la Haute autorité de santé (HAS).

M. le Président Bernard Accoyer. Ce travail est passionnant, et le sujet essentiel. Il faudrait maintenant que la commission des Affaires sociales mène le même sur les agences sanitaires, voire un peu au-delà puisqu’un certain nombre d’autres organismes semblent se conférer un rôle proche de celui des agences sanitaires à proprement parler. Je propose bien sûr que le Comité décide de la publication du rapport et de sa transmission au Premier ministre, étant bien entendu qu’il n’engage que ses auteurs et que les avis nuancés exprimés par certains figureront dans le compte rendu.

Ce sujet va maintenant tous nous mobiliser. Se pose d’abord la question d’un débat en séance publique autour des conclusions du rapport. Ce sera certes complexe, dans la mesure où de nombreux ministres seraient concernés, mais le sujet mérite une large exposition. J’espère qu’il connaîtra des suites importantes, dans la ligne du travail de Jean-Luc Warsmann en matière de simplification du droit. Réfléchissons donc à un protocole pour cette séance publique : peut-être une présentation du rapport en présence du Premier ministre ? Car nous touchons là au cœur de nos institutions – à la répartition des pouvoirs, à l’équilibre du système et aux réformes majeures de simplification. Nous conclurons lors de notre prochaine réunion sur la forme de ce débat.

Il faudra ensuite que les commissions se saisissent de ce qui ressortit à leur domaine respectif de compétences, et surtout que le Comité effectue un important travail de suivi. Nos rapporteurs seront mobilisés, comme le prévoit l’article 146-3 de notre Règlement. Ce sera une affaire de longue haleine, qui nécessitera peut-être plusieurs rapports successifs. Je propose de faire le point tous les six mois. C’est d’ailleurs l’occasion de soulever une autre question : le Comité doit-il multiplier les auto-saisines sur de nouveaux sujets ou préférer un travail de fond, achevé et donnant effectivement lieu à une mise en œuvre, quel que soit le temps que cela doit prendre ? Nous ne pourrons pas effectuer le suivi de beaucoup de sujets aussi lourds que celui-ci.

Quoi qu’il en soit, nous voyons aujourd’hui toute l’amplitude des nouvelles responsabilités que l’Assemblée s’est données avec le Comité d’évaluation et de contrôle (CEC), et je remercie chacun de ceux qui ont participé à cette discussion.

M. Jean-Luc Warsmann. Le Comité d’évaluation et de contrôle a joué son rôle dans cette affaire qui transcende le champ de chaque commission. Maintenant, il doit vérifier que chacune dans son domaine examine ses recommandations. Assurer le suivi de ce travail et en lancer d’autres n’est pas contradictoire. Le CEC doit jouer un rôle d’aiguillon.

Par ailleurs, si j’ai soulevé la question de la complexité juridique du sujet, ce n’est pas pour inciter au renoncement, loin s’en faut. J’avais surtout à l’esprit l’éventualité de recourir à l’avis du Conseil d’État. Car il va maintenant falloir écrire du droit pour mettre en œuvre les recommandations qui seraient retenues. Comme il ne semble pas dans l’intention du Gouvernement de s’y atteler, c’est nous qui devrons le faire, et il serait bon de soumettre nos propositions au Conseil d’État.

M. le Président Bernard Accoyer. C’est très pertinent. Toutefois, il ne faudra pas oublier notre travail de suivi au profit d’autres rapports : je suis toujours préoccupé par l’éparpillement qui conduit à oublier les premières initiatives. Le travail de fond ne peut être fourni que par les commissions, mais c’est au Comité de vérifier qu’aucune recommandation n’a été oubliée.

*

* *

Conformément aux dispositions de l’article 146-3 du Règlement, le Comité autorise la publication du rapport. Le rapport sera distribué et publié sur le site internet. Il sera transmis au Premier ministre et au ministre chargé du budget.

RECOMMANDATIONS

RATIONALISATION

Recommandation n° 1 : Élargir l’initiative et la publication des avis des AAI.

– permettre aux commissions permanentes des Assemblée, au même titre que le Gouvernement, de demander un avis aux AAI entrant dans leur champ de compétence respectif ;

– généraliser à l’ensemble des AAI qui ont le pouvoir d’émettre des avis, la publication de leurs avis sollicités par le Gouvernement sur les projets de loi.

Recommandation n° 2 : Limiter et encadrer le pouvoir règlementaire des AAI.

– définir précisément dans la loi pour chaque AAI qui en est dotée l’ampleur et les limites de leur pouvoir réglementaire délégué ;

– ouvrir la possibilité de saisine du Conseil d’État par les AAI pour solliciter un avis sur leurs projets d’actes règlementaires, voire sur des questions plus générales de leur domaine de compétences propre ;

– permettre au commissaire du Gouvernement de solliciter une seconde délibération sur les projets d’actes règlementaires des AAI ;

– permettre au Gouvernement d’homologuer les actes règlementaires des AAI.

Recommandation n° 3 : Encadrer l’élaboration des lignes directrices émises par les AAI.

– assurer la prise en considération suffisante de l’ensemble des parties prenantes des AAI par l’établissement de groupes de travail ou de consultations associant publics, partenaires et usagers ; assurer en particulier les conditions d’une consultation préalable des parties prenantes et une transparence suffisante lors de l’élaboration par les AAI de leurs lignes directrices ;

– permettre au commissaire du Gouvernement de solliciter une seconde délibération sur les projets de lignes directrices des AAI ;

– s’assurer que ces lignes directrices ne soient pas créatrices de règles empiétant sur le domaine de la loi et du règlement en prévoyant par exemple un mécanisme par lequel le commissaire du Gouvernement puisse déférer devant le juge administratif les actes des AAI à portée générale qu’il estimerait excéder leur champ de compétences.

Recommandation n° 4 : Unifier les compétences des juridictions pour les recours contre les actes individuels des AAI.

– définir dans chaque loi créant une AAI la compétence juridictionnelle pour les recours contre leurs actes individuels, en l’unifiant soit au sein de l’ordre administratif, soit au sein de l’ordre judiciaire.

Recommandation n° 5 : Évaluer la création et le maintien des AAI.

– mieux définir les cas dans lesquels la création d’une AAI se justifie ;

– créer les nouvelles AAI pour une durée limitée a priori, par exemple cinq ans ;

– faire réévaluer périodiquement par les commissions permanentes des Assemblées la justification des AAI existantes ;

– utiliser une grille d’analyse commune pour la création et la réévaluation périodique des AAI.

Recommandation n° 6 : Regrouper certaines AAI pour optimiser la répartition des compétences et réduire les dépenses de fonctionnement.

– regrouper au sein du Défenseur des droits, prévu par la Constitution, le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) ;

– regrouper la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) pour créer un « Contrôleur général de la sécurité » ;

– intégrer le « Contrôleur général de la sécurité » dans le Défenseur des droits à l’issue du mandat de l’actuel Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) prévu en juin 2014 ;

– intégrer à terme la Commission nationale du débat public (CNDP) dans le Défenseur des droits, selon les modalités décrites dans la recommandation n° 9 ;

– regrouper la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) pour créer une autorité unique en charge du traitement des données ;

– regrouper dans le cadre de la convergence numérique le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI), en lien avec le Forum de l’Internet ; pour ne pas entraver les travaux en cours, cette fusion pourrait intervenir après le 30 novembre 2011, date du passage de la télévision hertzienne au numérique ;

– regrouper les deux AAI intervenant dans le domaine de l’énergie, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et le Médiateur national de l’énergie ;

– regrouper à terme au sein de l’Autorité de la concurrence les autorités de régulation économique sectorielles (CRE, Autorité de régulation des activités ferroviaires - ARAF…) actuellement chargées d’assurer la transition entre un monopole d’État et un marché concurrentiel ; procéder tous les cinq ans à un réexamen de la justification de ces autorités sectorielles ;

– procéder au regroupement géographique des autorités intervenant dans des domaines proches ou connexes ; mutualiser les moyens logistiques des AAI de petite taille (immobilier, gestion des ressources humaines, gestion comptable, informatique, salles de réunion, marchés publics, achats, logistique, transports…).

Recommandation n° 7 : Créer une Haute autorité chargée de la transparence de la vie politique.

– créer une Haute autorité chargée de la transparence de la vie politique qui regrouperait la Commission nationale des comptes de campagne et financements politiques (CNCCFP), la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale relative à l’élection du Président de la République (CNCCEREPR), la Commission des sondages, la Commission pour la transparence financière de la vie politique (CTFVP) ; confier à cette autorité une compétence consultative en matière de redécoupage électoral en lui confiant les tâches actuellement exercées par la commission prévue par l’article 25 de la Constitution ; préconiser que son président soit élu par le Parlement à la majorité qualifiée des trois cinquièmes.

Recommandation n° 8 : Supprimer les AAI qui ont d’ores et déjà perdu leur justification, voire leur utilité.

– supprimer la Commission des participations et des transferts (CPT) en confiant les missions qu’elle accomplit à une autre AAI de nature financière ;

– supprimer la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) en réintégrant l’urbanisme commercial dans l’urbanisme général.

Recommandation n° 9 : Transformer et intégrer à terme la Commission nationale du débat public (CNDP) dans le Défenseur des droits.

– transformer la Commission nationale du débat public (CNDP) en scindant ses activités en deux : l’organisation des grands débats d’ampleur nationale serait confiée au Parlement ; la CNDP resterait compétente pour l’organisation des seuls débats d’intérêt local (infrastructure de transport…) ;

– intégrer à terme la CNDP au sein du Défenseur des droits, avec la création d’un adjoint au débat public doté d’un collège spécifique.

Recommandation n° 10 : Préciser les missions des AAI, notamment pour éviter les recouvrements entre elles.

– déterminer avec précision dans la loi les missions des différentes AAI pour éviter les chevauchements de compétences ; organiser dans la loi les relations des AAI qui doivent agir de concert sur des domaines communs.

Recommandation n° 11 : Clarifier les compétences des AAI et des services des ministères.

– définir clairement le partage des compétences entre chaque AAI et les autres administrations d’État du même domaine de compétence, afin de supprimer les doublons ;

– en particulier intégrer au sein des AAI les services ministériels qui travaillent exclusivement pour elles, par exemple la partie de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) qui travaille pour l’Agence de sûreté nucléaire (ASN), ainsi que le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, ou encore la petite partie des services des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) qui travaillent pour l’Agence de française de lutte contre le dopage (AFLD) dans le cadre d’une convention prévue par la loi.

INDÉPENDANCE

Recommandation n° 12 : Améliorer la légitimité et la représentativité des collèges.

– assurer un meilleur équilibre entre les pouvoirs du Gouvernement et du Parlement dans la désignation des membres du collège des AAI ; prévoir notamment pour toutes les AAI une désignation de leur président à la majorité qualifiée des trois cinquièmes des membres des commissions compétentes des deux Assemblées ; permettre dans chaque collège la nomination d’au moins une personnalité qualifiée par les présidents de chaque Assemblée ;

– assurer les conditions d’un bon fonctionnement des collèges, la collégialité étant considérée comme un gage d’indépendance ; doter en particulier chaque AAI d’un collège proportionné à sa taille ; en contrepartie, instaurer des règles de quorum, avec démission d’office en cas d’absence répétée non justifiée ;

– préconiser que, compte tenu de l’importance du choix des présidents des collèges, des dispositions de nature législatives établissent précisément les caractéristiques des personnes appelées à présider ou à siéger dans les collèges ;

– assurer dans la composition des collèges la représentation équilibrée de la diversité des points de vue et des expériences professionnelles ; instaurer pour ce faire un mécanisme de désignation de certains membres des collèges par le Conseil économique, social et environnemental.

Recommandation n° 13 : Améliorer le fonctionnement des collèges.

– assurer dans les dispositions législatives créant les AAI l’irrévocabilité des fonctions de président, sauf empêchement défini par décret en Conseil d’État ;

– généraliser – sauf exception justifiée – les mandats non renouvelables et jouissant d’une durée suffisante (5 à 7 ans) ;

– prévoir dans les dispositions législatives créant les AAI un régime d’incompatibilité des membres du collège qui garantisse leur indépendance ; compléter ces dispositions législatives par des dispositions d’application à prendre par chaque AAI pour assurer le respect de règles strictes en matière de déontologie, tant pour les membres du collège que pour les personnels des services ; assujettir en particulier les membres des collèges des AAI de régulation économique à une obligation de déclaration de patrimoine en début et en fin de mandat ;

– adapter la notion de membres des collèges à temps plein ou à temps partiel aux besoins des autorités.

Recommandation n° 14 : Généraliser, sauf exception justifiée, la présence d’un commissaire du Gouvernement dans chaque AAI.

Recommandation n° 15 : Assurer un financement pérenne des AAI.

– veiller à ce que, lors de leurs auditions régulières par les commissions permanentes des Assemblées (présentation du rapport annuel et examen du projet de loi de finances), les moyens financiers et humains des AAI soient assurés au regard des missions qui leur sont confiées.

– envisager, quand cela est possible, le financement des AAI par une contribution dont la charge serait supportée par le secteur régulé en contrepartie des services ainsi rendus.

Recommandation n° 16 : Préserver l’autonomie de gestion des AAI.

– assurer les conditions d’une réelle autonomie de gestion de chaque AAI, notamment en termes d’utilisation des crédits dans le cadre d’un budget global et de choix de recrutement ;

– permettre aux AAI sans personnalité morale de recruter des CDI pour améliorer la permanence de leurs effectifs.

CONTRÔLE

Recommandation n° 17 : Encadrer le pouvoir de sanction des AAI.

– garantir, en conformité avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, les conditions d’une procédure juste et équitable assurant le respect des droits de la défense ;

– étudier, en liaison avec le Conseil d’État, la possibilité d’édicter un code des procédures commun à toutes les AAI disposant du pouvoir de sanction ;

– assurer la séparation des fonctions d’instruction et de jugement en permettant des modalités d’applications comportant ou non la création d’une commission des sanctions ;

– établir le principe de la publication systématique des décisions de sanction, sauf dans les cas dûment motivés où leur publication perturberait gravement les marchés ou causerait un préjudice disproportionné aux parties en cause ;

– accroître la présence de magistrats dans les commissions des sanctions ;

– permettre un recours du collège contre les décisions de la commission des sanctions ;

– développer plus largement la possibilité ouverte aux AAI d’adopter des mesures alternatives aux sanctions, notamment sur les affaires comportant de faibles enjeux, afin de leur permettre de se concentrer sur les dossiers les plus importants.

Recommandation n° 18 : Stabiliser la masse salariale des AAI et supprimer les doublons entre services des ministères et AAI.

– stabiliser pour les trois prochaines années la masse salariale au niveau de 2010 à missions constantes ; en cas d’accroissement des missions, une dérogation à cette règle ne pourrait être envisagée qu’après une étude d’impact présentée préalablement au Gouvernement et au Parlement.

– veiller à ce que soient effectivement supprimés les services des ministères qui doublonneraient dans les domaines de compétence où une AAI a été créée.

Recommandation n° 19 : Instaurer des grilles de rémunération au sein des AAI.

– instaurer, en fonction de leurs pouvoirs et de leurs responsabilités, des grilles de rémunération des présidents d’AAI, des membres des collèges et des personnels de direction.

Recommandation n° 20 : Assurer la transparence des budgets des AAI.

– présenter pour chaque AAI un budget global incluant tous les coûts, y compris ceux supportés par le budget d’autres organismes publics, le cas échéant en pratiquant une comptabilité analytique – en particulier pour les immeubles et les personnels mis gracieusement à disposition, sur une base forfaitaire en fonction du grade et de l’emploi.

Recommandation n° 21 : Réduire les dépenses immobilières des AAI.

– procéder avec le service France Domaine à un réexamen immédiat des implantations immobilières de toutes les AAI, afin d’arbitrer entre une occupation locative ou domaniale, de rationaliser l’occupation et de réduire les coûts ;

– soumettre toutes les AAI, pour la négociation des baux et l’acquisition et la construction d’immeubles, en particulier par le recours à l’emprunt ou l’utilisation d’un fonds de roulement abondant, à la procédure de l’avis domanial rendu par le service France domaine ;

– publier sur une base annuelle pour chaque AAI les deux indicateurs de performance immobilière relatifs au loyer annuel par m2 et à la surface utile nette occupée par agent ; respecter à cet égard les objectifs de performance immobilière que l’État a fixés pour ses services.

Recommandation n° 22 : Réduire les autres dépenses de fonctionnement des AAI.

– appliquer aux AAI, à missions constantes, les mêmes disciplines que l’État impose à ses services en matière de réduction des dépenses de fonctionnement, avec une attention particulière pour les dépenses de communication et de transports.

Recommandation n° 23 : Décliner pour les AAI la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

– conclure une charte de gestion entre le responsable de programme de rattachement et le président de chaque AAI, en vue de son insertion dans le cadre budgétaire prévu par la LOLF, sous réserve d’aménagements garantissant l’indépendance de l’AAI ;

– veiller à préserver le principe consistant à créer une action (au sens budgétaire) par AAI dans chaque programme budgétaire, avec la possibilité de regroupement pour les plus petites d’entre elles ; appliquer en particulier ce principe à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), dont les crédits budgétaires sont répartis dans quatre programmes ;

– créer un budget opérationnel de programme (BOP) propre à chaque AAI afin d’assurer son autonomie de gestion ;

– établir, d’un commun accord entre le responsable du programme de rattachement et le président de chaque AAI, le dispositif d’évaluation de la performance présenté dans les projets et rapports annuels de performances annexés aux projets de loi de finances ;

– organiser des conférences budgétaires spécifiques directement avec la direction du Budget (ministère du Budget) ;

– subordonner la fongibilité avec les crédits des AAI à un accord préalable entre le responsable de programme de rattachement et le président de l’AAI ;

– établir une régulation budgétaire de telle sorte que la mise en réserve des crédits dédiés à chaque AAI soit strictement limitée au taux appliqué au programme de rattachement ;

– maintenir l’exemption systématique des AAI du contrôle financier a priori.

Recommandation n° 24 : Assurer le contrôle des autorités publiques indépendantes (API) dotées de la personnalité morale.

– proposer de faire désigner par la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale un rapporteur spécial pour les autorités indépendantes financées sur ressources propres ;

– créer une annexe générale au projet de loi de finance comportant, pour chaque autorité publique indépendante, une présentation stratégique avec la définition d’objectifs et d’indicateurs de performance, une présentation des actions, une présentation des crédits et des emplois, une justification des crédits au premier euro et une évaluation des ressources propres perçues ;

– fixer chaque année dans le projet de loi de finances un plafond des autorisations d’emplois pour les autorités publiques indépendantes ;

– constituer dès la création d’une autorité publique indépendante un fonds de roulement initial, qui ne devrait pas dépasser une norme fixée en fonction des besoins réels de trésorerie de l’organisme.

Recommandation n° 25 : Présenter au Gouvernement et au Parlement un rapport annuel d’activité.

Recommandation n° 26 : Élaborer des objectifs et des indicateurs de performance.

– prévoir pour toutes les AAI, dans leurs rapports annuels d’activité, un dispositif d’évaluation de la performance qui, au–delà des indicateurs d’activité par ailleurs nécessaires, construise des indicateurs de performance présentant un équilibre entre les indicateurs d’efficacité socio–économique, de qualité de service et d’efficience de gestion ;

– instaurer une méthodologie commune aux AAI effectuant des missions comparables pour les indicateurs mesurant notamment le coût de traitement d’un dossier ou le nombre de dossiers traités par agent et par an ;

– calculer pour les AAI les plus importantes les indicateurs de fonction support (immobilier, bureautique, gestion des ressources humaines) selon la méthodologie commune suivie par les autres administrations d’État.

Recommandation n° 27 : Systématiser au moins une fois par an l’audition du président de chaque AAI par les commissions compétentes des Assemblées, au besoin en en adaptant les modalités à la taille de l’autorité.

*

* *

Suivi du rapport : Les rapporteurs transmettent aux commissions permanentes concernées les documents qu’ils ont recueillis au cours de leurs travaux.

Un bilan du suivi des recommandations pourra être effectué par les différentes commissions permanentes pour leurs AAI respectives. Une synthèse de ce bilan pourra alors être présentée par les rapporteurs au Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) au titre du suivi du présent rapport.

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1 () La liste détaillée des recommandations figure à la fin du présent rapport.

2 () «  Chaque commission concernée par l’objet d’une étude d’évaluation désigne un ou plusieurs de ses membres pour participer à celle–ci. Le Comité désigne parmi eux, ou parmi ses propres membres, deux rapporteurs, dont l’un appartient à un groupe d’opposition. »

3 () La signification des sigles des autorités administratives françaises est indiquée dans l’annexe n° 3.

4 () Même si certaines AAI, comme l’AMF, peuvent édicter des normes réglementaires, soumises à homologation ministérielle, à des fins de régulation…

5 () Le « normativisme » est une théorie du droit développée par Hans Kelsen, se voulant dénuée de toute arrière pensée idéologique, qui énonce un système juridique fondé sur la hiérarchie des normes. Ce normativisme juridique réduirait l’État à un ensemble de rapports juridiques : l’État et le droit sont identiques. L’État est vu dans cette théorie comme un ordre de contrainte identique au droit. L’État ne se résumerait qu’à un ordre juridique, au seul ordre de droit légitime et souverain.

6 () Jean–Louis Autin et Catherine Ribot, Manuel de droit administratif général, 4ème édition LexisNexis Litec, 2005.

7 () Voir dans l’annexe n° 21 un commentaire de l’arrêt du 9 mars 2010 dans l’affaire C–518/07.

8 () Voir la liste des 42 AAI dans l’annexe n° 3.

9 () Ordonnance du 21 janvier 2010 prise sur le fondement d’une habilitation législative issue de l’article 152 de la loi de modernisation de l’économie (« LME ») du 4 août 2008, et projet de loi de régulation bancaire et financière déposé le 16 décembre 2009.

10 () Loi du 12 juin 2009.

11 () Loi du 8 décembre 2009.

12 () Loi du 12 mai 2010.

13 () Le Conseil d’État a par la suite évolué comme le montre l’audition de son vice–président M. Jean–Marc Sauvé par le Groupe de travail.

14 () Si l’on excepte la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), dont la suppression est prévue par une proposition de loi adoptée en première lecture à L’Assemblée nationale et en instance au Sénat.

15 () Voir l’annexe n° 1.

16 () Dans le sens de Stakeholders en anglais : publics, partenaires, usagers…

17 () Voir la liste des AAI avec leur date de création dans l’annexe n° 5.

18 () « Le statut des autorités administratives indépendantes : harmonisation ou diversification ? » – Revue française de droit administratif, n° 5, 2010, à paraître.

19 () Voir l’annexe n° 4 et le site internet : http://www.legifrance.gouv.fr/html/sites/sites_autorites.htm

20 () On pourrait ainsi compléter l’article 34 de la Constitution par une loi organique indiquant expressément que la création d’une AAI relève du domaine de la loi.

21 () Contrairement à une idée largement répandue, plusieurs AAI jouant un rôle important n’ont pas de pouvoir de décision : HALDE, CADA, CNDS…

22 () En application de l’article 40 du code de procédure pénale, qui s’impose à tous les agents publics, ou en application d’un texte exprès spécifique à cette autorité.

23 () Par exemple, l’AFLD, en application de l’article L. 232–30 du code du sport, sous la réserve qu’elle ne peut pas concurremment exercer ses pouvoirs de sanction et les droits de la partie civile à l’égard des mêmes personnes et des mêmes faits.

24 () L’annexe générale « jaune » présentée chaque année avec le projet de loi de finances recense environ 650  « opérateurs de l’État » (essentiellement des établissements publics). Les AAI ne sont pas considérées comme des  opérateurs de l’État car elles ne sont pas placées sous la tutelle d’un ministère.

25 () Quasi–autonomous non–governmental organizations.

26 () Independent regulatory agencies (IRA).

27 () Par le Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP).

28 () Par l’intermédiaire du ministère des Affaires étrangères.

29 () Voir ces réponses dans l’annexe n° 23.

30 () Voir les rapports présentés le 26 mars 2010 par Mme Véronique Mathieu, députée européenne, concernant la décharge sur l’exécution des budgets de ces agences pour l’exercice 2008.

http://www.europarl.europa.eu/activities/committees/editoDisplay.do?language=FR&menuId=2035&id=1&body=CONT

31 () Ainsi la Commission d’accès à l’information ou le Protecteur des citoyens du Québec.

32 () Une exception qui confirme la règle est constituée par la révocation en 2008 de la présidente de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, Mme Linda Keen, qui avait fait fermer la centrale nucléaire de Chalk River à la suite d’un incident.

33 () Expression du professeur Pierre Issalys (université de Laval).

34 () Les tribunaux administratifs exercent essentiellement des fonctions de médiation entre les citoyens et l’administration.

35 () Règle de l’« imputabilité administrative » devant une commission de l’Assemblée nationale du Québec.

36 () Il a pour mandat d’assurer, par des interventions de surveillance et de contrôle, la transparence et la saine pratique des activités de lobbyisme exercées auprès des titulaires de charges publiques des institutions parlementaires, gouvernementales et municipales.

37 () Voir leur liste exhaustive en annexe à la loi sur la gestion des finances publiques :
http://www.tbs
sct.gc.ca/govgouv/toolsoutils/orgfra.asp

38 () Dans le sens de « tribunal administratif ».

39 () Les critères de l’indépendance sont notamment développés dans le jugement de la Cour suprême du Canada du 19 décembre 1985, Valente c. La Reine, alinéas 49 et suivants.

http://csc.lexum.umontreal.ca/fr/1985/1985rcs2673/1985rcs2673.html

40 () Institution dont le Médiateur de la République en France s’est inspiré.

41 () Y compris sur l’administration de la justice, ce qui n’est pas sans poser un problème au regard de la séparation des pouvoirs. En pratique, l’Ombudsman limite son contrôle au respect des procédures et garanties d’un procès juste et équitable.

42 () Parlement suédois.

43 () http://www.conseiletat.fr/cde/fr/discoursetinterventions/lesautoritesadministrativesindependantes.html

44 () Ainsi la CNAC n’a jamais indiqué, malgré plusieurs questionnaires envoyés par les rapporteurs, la quote–part des effectifs du ministère de l’Économie qui travaillent pour elle.

45 () Voir l’annexe n° 10.

46 () Comme les institutions sont jeunes, les départs à la retraite sont moins fréquents que dans les administrations…

47 () « N’y aura–t–il personne pour me débarrasser de ce prêtre turbulent ? » Henry II, 1170

Dans l’Angleterre du XIIe  siècle, Thomas Becket, familier du roi Henry II Plantagenêt, fut nommé archevêque de Cantorbéry à la tête de l’Église du royaume par le souverain, qui escomptait que Becket se montrerait empressé à justifier son élévation par une obéissance sans faille. Malheureusement, l’ancien courtisan se métamorphosa et, loin de soumettre l’Église, devint son défenseur opiniâtre contre les prétentions du roi… au point de finir assassiné. C’est ce qu’il est convenu d’appeler le « syndrome de Becket ».

48 () Les rapporteurs ont noté la même tendance chez l’Ombudsman des enfants en Suède.

49 () Voir l’arrêt du Conseil d’État du 30 juillet 2003 – Banque d’escompte.

50 () « La problématique de la répartition du contentieux entre les deux ordres au travers de l’exemple de l’Autorité des marchés financiers » – Revue française de droit administratif (RFDA), n° 5, 2010, à paraître.

51 () Idem note précédente.

52 () Autorité ayant précédé l’AMF.

53 () Voir dans la deuxième partie du présent rapport une évaluation du pouvoir de sanction des AAI.

54 () « Toute chose, autant qu’il est en elle, s’efforce de persévérer dans son être. »

Spinoza, Éthique III, Proposition VI, 1677

Pour le philosophe, toute chose qui existe en soi s’efforce de persévérer dans son être, c’est–à–dire dans la direction qui lui est propre. Spinoza nomme conatus (effort) sa capacité à maintenir cet effort pour maintenir, voire accroître, sa puissance d’être (et par extension au vivant, sa puissance d’agir ou de penser). L’homme, à l’instar de la nature, est animé par le conatus : il s’efforce d’augmenter sa puissance d’être et de pensée.

55 () Voir infra.

56 () Voir le rapport de la commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République remis en décembre 2003 par M. Bernard Stasi au Président de la République.

57 () Arrêts du Conseil d’État du 20 juin 1958, Louis et du 3 décembre 1999, Didier ; Décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 1989, COB.

58 () 4ème édition LexisNexis, Litec, 2005.

59 () Voir l’annexe n° 19.

60 () Voir infra.

61 () Voir l’annexe n° 22.

62 () Voir dans le tome II les comptes rendus des présidents d’AAI non auditionnées.

63 () Voir en annexe n° 8 les fiches descriptives sur les AAI non auditionnées.

64 () À la suite du rapport de l’Inspection générale des finances établi par M. Bruno Deletré en janvier 2009 – mission de réflexion et de propositions sur l’organisation et le fonctionnement de la supervision des activités financières en France.

https://www.igf.bercy.gouv.fr/sections/les_rapports_par_ann/9316/mission_de_reflexion

65 () Loi organique et loi ordinaire du 1 janvier 2009, ainsi que deux décisions rendues le 8 janvier 2009 par le Conseil constitutionnel.

66 () Technologie ADSL (Asymmetric digital subscriber line).

67 () Netz = réseau en allemand.

68 () Source : rapport spécial (n° 276 annexe 48) de M. Yves Deniaud, député, sur le projet de loi de finances pour 2008.

69 () La CNEC et maintenant la CNAC interviennent en appel contre les décisions des commissions départementales d’équipement / d’aménagement commercial (CDEC/CDAC).

70 () L’ACNUSA a été créée en 1999.

71 () http://www.sante.fr/ et voir dans le tome II de la note de présentation de la HAS.

72 () Le mot « imputabilité » est utilisé en France uniquement dans un contexte de droit pénal.

73 () Les annexes n° 6 et 7 traitent de la composition des collèges et du régime de leurs membres.

74 () Voir l’annexe n° 20.

75 () Sauf pour les incompatibilités propres au mandat parlementaire lui–même.

76 () Alors que l’ACAM, jusqu’à sa disparition, et l’ACP, qui fusionne les autorités de régulation bancaires et assurantielles, disposent de deux commissaires du Gouvernement.

77 () Voir le journal Le monde du 29 septembre 2010, page 3.

78 () La procédure de sanction devant l’AMF fait l’objet de compléments et de modifications substantielles dans le cadre de la discussion du projet de loi de régulation bancaire et financière, en cours de navette.

79 () http://www.performance-publique.gouv.fr/farandole/2011/pap/pdf/VMT1-2011.pdf

80 () cf. infra.

81 () C’est la solution retenue dans le programme Protection des droits et libertés de la mission Direction de l’action du Gouvernement, où les différentes AAI disposent chacune d’une action spécifique.

82 () Celui–ci prévoit que : « Les emplois permanents de l’État et des établissements publics de l’État énumérés ci–après ne sont pas soumis à la règle énoncée à l’article 3 du titre Ier du statut général (…) 3°) Les emplois ou catégories d’emplois de certaines institutions administratives spécialisées de l’État dotées, de par la loi, d’un statut particulier garantissant le libre exercice de leur mission ; la liste de ces institutions et des catégories d’emplois concernées est fixée par décret en Conseil d’État ;(…) »

Les AAI pourraient entrer dans cette catégorie.

83 () Alors que de nombreux EPA en bénéficient, pour la totalité ou une partie de leurs emplois ; ces différents EPA sont énumérés par l’annexe au décret du 18 janvier 1984 pris pour l’application du 2° de la l’article 3 de la loi du 11 janvier 1984.

84 () Voir dans le tome II du présent rapport les comptes rendus des auditions et les notes de présentation des AAI auditionnées.

85 () Voir l’annexe n° 2.

86 () Il en est ainsi par exemple des critiques formulées à l’encontre des opérations de « testing » effectuées par la HALDE auprès de grandes entreprises françaises, afin de mettre en évidence d’éventuelles discriminations à l’embauche.

87 () Voir l’annexe n° 13.

88 () Voir l’annexe n° 16.

89 () Par exemple décision du Conseil constitutionnel du 17 janvier 1989.

90 () http://www.economie.gouv.fr/services/rap10/100920rapconcurrence.pdf

91 () Le ministre chargé de l’économie peut par contre proposer des transactions, le cas échéant à la suite d’une injonction.

92 () « Settlement » en anglais.

93 () Voir l’annexe n° 15.

94 () 188 euros en 2004.

95 () Allemagne, Espagne, Hongrie, Italie, Pays–Bas, Pologne, République tchèque, Royaume–Uni et Suède.

96 () Voir les réponses dans l’annexe n° 9.

97 () Voir annexe n° 11.

98 () Voir l’annexe n° 10.

99 () http://www.assembleenationale.fr/13/projets/pl2453ei.asp

100 () Cf. infra.

101 () Les autorités fusionnées dans l’ACP ne comptant que pour une seule.

102 () Voir l’annexe n° 17.

103 () Les sommes qu’elle reverse au titre de ses locaux incluent, sans les identifier, diverses dépenses de fonctionnement.

104 () Investment Property Databank – France : http://www.ipd.com/ImmostatIPD/tabid/2209/Default.aspx

105 () Sur la base du montant du loyer budgétaire indiqué par la CADA.

106 () La HAS supporte un loyer dont le coût équivaut à un arrondissement parisien « intermédiaire » alors qu’elle est implantée à St–Denis (93).

107 () « M. Pierre Cardo : L’ARAF commencera à fonctionner le 1er décembre, soit avec un peu de retard dû, en partie, au fait que certains candidats potentiels n’ont pas donné suite. (…) Il est difficile de trouver des personnes compétentes et relativement indépendantes des acteurs du secteur ferroviaire pour travailler à l’ARAF dont le siège sera au Mans, ce qui ne déclenche pas l’enthousiasme… Les réunions du collège, pour des raisons de facilité, devraient se tenir à Paris. »

108 () Cf. position exprimée par M. Jurgensen sur la capacité de la Banque de France à négocier à la baisse des loyers dans des locaux près de ceux de l’ACAM pour la nouvelle ACP, capacité dont ne disposait pas l’ACAM elle–même. De même, le président de la HALDE a indiqué que c’est à l’État (service France Domaine) qu’il incombe de renégocier le prix du loyer de cette autorité. Mais quand il s’y est attelé, le service France Domaine s’est vu opposer une fin de non recevoir par le bailleur, sur la base incontestable du bail signé pour une durée ferme de 9 ans.

109 () A missions constantes pour les AAI.

110 () Ce comité, composé d’inspecteurs généraux des finances, de l’administration et des affaires sociales, ainsi que des autres corps de contrôle ministériels, analyse systématiquement la définition et la pertinence des programmes et indicateurs budgétaires.

111 () L’article 7 de la LOLF dispose que, contrairement aux « programmes », les « dotations » constituent des unités budgétaires dérogatoires affranchies des contraintes de performance et exclues de certaines modalités de gestion (reports, virements, transferts…).

112 () Elle est rattachée à l’action soutien du programme 195.

113 () Voir l’Évaluation des voies et moyens (tome I) annexée au projet de loi de finances.

114 () Ainsi l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

115 () Le budget général compte environ 125 programmes, à quoi il faut rajouter environ 40 programmes pour les budgets annexes ou les comptes spéciaux.

116 () Cf. ci–après.

117 () Les rapports successifs de la mission d’information sur la mise en œuvre de la LOLF (« MILOLF ») de la commission des Finances de l’Assemblée nationale ont cependant montré à ce jour le peu de mise en œuvre de la fongibilité dans l’ensemble du budget de l’État.

118 () Voir l’annexe n° 12.

119 () – Réserve de précaution : chaque année, la loi de finances initiale prévoit un pourcentage de crédits mis en réserve (en général 5 % des dépenses de fonctionnement hors titre 2 – dépenses de personnel) ;

– Gel et dégel : le Gouvernement peut décider en cours d’année de « geler » ou « dégeler » certains crédits ;

– Annulation de crédits : les crédits gelés qui n’ont pas été dégelées font in fine l’objet d’annulation.

120 () Les textes législatifs statutaires précisent habituellement que « la loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables » à l’autorité considérée (ex. article L. 612–18 du code monétaire et financier par l’ACP).

121 () Article 54 de la LOLF : « Sont joints au projet de loi de règlement : (…)

4° Les rapports annuels de performances, faisant connaître, par programme, en mettant en évidence les écarts avec les prévisions des lois de finances de l’année considérée, ainsi qu’avec les réalisations constatées dans la dernière loi de règlement :

a) Les objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs et les coûts associés ;

b) La justification, pour chaque titre, des mouvements de crédits et des dépenses constatées, en précisant, le cas échéant, l’origine des dépassements de crédits exceptionnellement constatés pour cause de force majeure ;

c) La gestion des autorisations d’emplois, en précisant, d’une part, la répartition des emplois effectifs selon les modalités prévues au e du 5° de l’article 51, ainsi que les coûts correspondants et, d’autre part, les mesures justifiant la variation du nombre des emplois présentés selon les mêmes modalités ainsi que les coûts associés à ces mesures ;

d) La présentation des emplois effectivement rémunérés par les organismes bénéficiaires d’une subvention pour charges de service public prévue au II de l’article 5 ; »

122 () cf. développements ci–après.

123 () Voir l’annexe n° 14.

124 () Voir les travaux préparatoires, rapport (n° 1926) déposé le 17 novembre 2004 par M. Gilles Carrez.

125 () Les opérateurs de l’État sont principalement les établissements publics. Les API ne sont pas considérées comme opérateurs de l’État, compte tenu de l’absence de relation de tutelle avec un ministère.

126 () cf. infra.

127 () Voir l’annexe n° 12.

128 () En application des directives de la direction du Budget (ministère du Budget).

129 () Voir l’annexe n° 12 précitée.

130 () La CNAC n’établit pas de statistiques relatives permettant de vérifier dans quelles conditions elle respecte son obligation de statuer dans un délai de 4 mois à compter de sa saisine (article L. 752–17 du code de commerce) et de notifier ses décisions dans un délai de 2 mois (article R. 752–52).

131 () Ce qui est pour le moins étonnant s’agissant d’une autorité chargée justement d’évaluer les organismes de recherche et d’enseignement supérieur.

132 () Ce recensement ne comptabilise pas les calculs de « coût d’une médiation réussie » qui ont été effectués par cinq AAI (Médiateur de la République, Médiateur de l’énergie, Médiateur du cinéma, Défenseur des enfants et HALDE) en réponse à une demande spécifique des rapporteurs.

133 () Le « Projet stratégique de développement pour les années 2009 – 2011 » mis en place au sein de la HAS comporte cependant très peu d’indicateurs d’efficience de gestion :

http://www.hassante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/200812/projet_has_20092011vdefinitive.pdf

134 () Voir l’annexe n° 18.

135 () Autorité fusionnée dans l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP).

136 () Autorité remplacée par la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI).


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