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N° 4220

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 janvier 2012

RAPPORT D’INFORMATION

déposé

en application de l’article 146-3, alinéa 8, du Règlement

par le COMITÉ D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES POLITIQUES PUBLIQUES


sur la mise en œuvre des
conclusions du rapport d’information (n° 3615)
du 30 juin 2011 sur les
dispositifs de promotion
des
heures supplémentaires prévus par l’article premier
de
la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur
du
travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi « Tepa »

et présenté

par M. Jean-Pierre GORGES et M. Jean MALLOT,

Députés.

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INTRODUCTION 5

I. LE RAPPORT D’ÉVALUATION DE L’ARTICLE PREMIER DE LA LOI TEPA A BIEN CONNU UNE PREMIÈRE APPLICATION LÉGISLATIVE SUBSTANTIELLE 7

A. LES CONCLUSIONS DU RAPPORT D’ÉVALUATION ONT CONNU UN RÉEL ÉCHO 7

1. Rappel des constats et des propositions des rapporteurs : un dispositif coûteux pour les finances publiques et dont l’efficacité n’est pas démontrée 7

2. Un constat largement partagé par un travail d’audit mené en 2011 au sein des administrations du Trésor et de la sécurité sociale 8

3. Des conclusions du rapport qui ont alimenté les débats parlementaires 9

a) Les projets de lois de finances ont permis de discuter de l’efficience du dispositif de défiscalisation 9

b) La discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 a abordé le problème des exonérations et déductions de cotisations sociales 11

4. Un débat public qui s’est emparé du sujet notamment grâce à une excellente couverture par les médias 12

B. UNE PREMIÈRE APPLICATION, SUBSTANTIELLE, DES RECOMMANDATIONS COMMUNES DES RAPPORTEURS 13

a) Une proposition centrale des rapporteurs… 13

b) … adoptée à l’initiative du Gouvernement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale 14

II. DES QUESTIONS DEMEURENT SANS RÉPONSE 16

A. LE DISPOSITIF RESTE COÛTEUX POUR LES FINANCES PUBLIQUES ALORS QUE SON EFFICACITÉ EST RÉDUITE 16

B. LE MODE D’ÉLABORATION DE LA DÉCISION PUBLIQUE APPELLE UN RÉEXAMEN 16

RÉUNION DU CEC DU 26 JANVIER 2012 : EXAMEN DU PROJET DE RAPPORT DE SUIVI 17

ANNEXE N° 1 : SYNTHÈSE DU RAPPORT D’INFORMATION (POUR MÉMOIRE) 25

ANNEXE N° 2 : COURRIER DES RAPPORTEURS MM. JEAN-PIERRE GORGES ET JEAN MALLOT À M. FRANÇOIS FILLON, PREMIER MINISTRE 29

ANNEXE N° 3 : COURRIER DES RAPPORTEURS MM. JEAN-PIERRE GORGES ET JEAN MALLOT À Mme VALÉRIE PÉCRESSE, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA MODERNISATION DE L’ÉTAT 31

ANNEXE N° 4 : RÉPONSE DE MME VALÉRIE PÉCRESSE, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA MODERNISATION DE L’ÉTAT 33

INTRODUCTION

Le 30 juin 2011, le Comité d’évaluation et de contrôle (CEC) a autorisé la publication du rapport d’information (1) (n° 3615) présenté par MM. Jean-Pierre Gorges (UMP) et Jean Mallot (SRC), sur l’évaluation des dispositifs de promotion des heures supplémentaires prévus par l’article premier de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi Tepa ».

Le présent rapport assure, en application des dispositions du Règlement de l’Assemblée nationale relatives au CEC (2), le suivi de ce rapport d’information intitulé « Évaluer le travailler plus pour gagner plus ».

Les rapporteurs, en préambule, souhaitent souligner l’intérêt de cette démarche de suivi des travaux du CEC, mission dont la nécessité a d’ailleurs été soulignée à maintes reprises par M. Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale et donc du CEC, et dernièrement lors de la réunion du Comité du 15 décembre 2011 : la production de rapports parlementaires et l’émission de recommandations doivent absolument s’accompagner d’une analyse de leurs suites. Cette exigence est encore plus justifiée s’agissant des travaux d’un organe d’évaluation comme le CEC.

Pour les rapporteurs, le concept de « suivi » du rapport ne comporte d’ailleurs pas uniquement la prise en compte par le Gouvernement des recommandations formulées par le rapport. Certes, cette dimension centrale est au cœur du fonctionnement du CEC. Cependant, les rapporteurs estiment également que leur rapport avait aussi pour mission d’éclairer le Parlement comme l’opinion publique sur un sujet majeur de politique publique ; il importe donc de mesurer la place qu’il a pu occuper dans les discussions parlementaires comme dans le débat public considéré au sens large.

*

* *

Pour mémoire, l’article premier de la loi Tepa visait à faciliter la réalisation d’heures supplémentaires : les gains de revenus ainsi suscités comme l’augmentation du temps de travail des salariés devaient enclencher une dynamique de croissance propre, à terme, à lutter contre le chômage. Le dispositif adopté en 2007, particulièrement complexe, était articulé autour de cinq mesures distinctes, qui bénéficiaient diversement aux salariés et aux employeurs :

– l’exonération fiscale (au titre de l’impôt sur le revenu) des revenus tirés des heures supplémentaires,

– l’exonération de cotisations sociales salariales,

– la réduction forfaitaire du montant des cotisations dues par les employeurs,

– la réforme de l’allègement sur les bas salaires qui neutralisait l’impact de la rémunération des heures supplémentaires dans le calcul de cet allègement,

– enfin, la majoration de la rémunération des heures supplémentaires pour les entreprises de vingt salariés au plus.

Le rapport d’information établissait un bilan de la mesure, en constatant que son rapport coût/bénéfices semblait pour le moins réduit. Il montrait également que la décision d’adoption de la mesure considérée n’avait pas été précédée d’études préparatoires permettant d’en évaluer précisément le coût et les avantages attendus.

Conformément à l’article 146-3 du Règlement de l’Assemblée nationale, le rapport d’information a été transmis le 12 juillet 2011 par le Président Bernard Accoyer au Premier ministre et aux trois ministres concernés, chargés respectivement de l’économie, du travail et du budget.

Pour examiner les suites données au rapport précité, les rapporteurs ont ensuite transmis deux questionnaires au Gouvernement. Le questionnaire (cf. annexe n° 2) envoyé à M. François Fillon, Premier ministre, portait exclusivement sur les propositions communes aux rapporteurs et portant sur le rôle et le fonctionnement du Conseil d’analyse économique (CAE), organe consultatif d’expertise économique placé auprès de lui.

Les rapporteurs ont également envoyé un questionnaire (cf. annexe n° 3) à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la modernisation de l’État. Ce questionnaire portait sur la prise en compte par le Gouvernement des recommandations communes aux rapporteurs.

Les rapporteurs, sur le fondement de la réponse apportée par la ministre du budget (cf. annexe n° 4) et de leurs propres investigations, ont pu procéder à une étude précise des suites données à leurs travaux.

S’il apparaît que les travaux des rapporteurs, dont les recommandations ont déjà connu une application partielle, ont bien rencontré un écho au Parlement et dans l’opinion publique (I), des questions soulevées par le rapport restent sans réponse et certaines recommandations, pourtant centrales, n’ont pas été appliquées (II).

I. LE RAPPORT D’ÉVALUATION DE L’ARTICLE PREMIER
DE LA LOI TEPA A BIEN CONNU UNE PREMIÈRE APPLICATION LÉGISLATIVE SUBSTANTIELLE

Les travaux des rapporteurs ont reçu un très bon accueil au Parlement et dans la presse (A). Une de ses recommandations principales a trouvé une application rapide par le truchement de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 (B).

A. LES CONCLUSIONS DU RAPPORT D’ÉVALUATION ONT CONNU UN RÉEL ÉCHO

1. Rappel des constats et des propositions des rapporteurs : un dispositif coûteux pour les finances publiques et dont l’efficacité n’est pas démontrée

L’annexe jointe (cf. annexe n° 1) reproduit la synthèse du rapport d’information relatif à l’évaluation de l’article premier de la loi Tepa. Le bilan établi par les rapporteurs concernait à la fois le mode d’élaboration de la décision publique et l’efficience de la mesure, le rapport entre les coûts et les effets positifs de la mesure en elle-même.

Les rapporteurs soulignaient dans leurs travaux que la mesure ne semblait pas avoir fait l’objet d’une réelle étude d’impact approfondie relative aux effets attendus d’une telle disposition, qu’il s’agisse de ses avantages intermédiaires et finaux, du coût pour les finances publiques et de ses éventuels effets pervers. Ils mettaient ensuite en évidence le coût de la mesure et montraient qu’il était très hasardeux d’imputer à la mesure les variations annuelles du volume d’heures supplémentaires. L’évolution de cette dernière variable a été, du reste, marquée par un fort effet d’aubaine pour les entreprises dû à un phénomène de « révélation » d’heures supplémentaires antérieurement réalisées mais pas déclarées comme telles. Le rapport montrait également que le dispositif, notamment dans son volet fiscal, ne bénéficiait pas à tous les salariés et qu’il pouvait être vecteur d’une certaine injustice.

Compte tenu du coût élevé et de l’efficacité limitée du dispositif, le rapport se concluait sur des propositions communes aux deux rapporteurs :

– l’amélioration du fonctionnement du Conseil d’analyse économique ;

– la suppression de la déduction forfaitaire de cotisations sociales dues par les employeurs ;

– la suppression de l’avantage bénéficiant aux employeurs au titre de l’allègement sur les bas salaires.

Les travaux des rapporteurs évoquaient également des hypothèses alternatives s’agissant de l’exonération des cotisations sociales salariales et au dispositif de défiscalisation, sans pourtant que des recommandations communes ne soient formulées.

2. Un constat largement partagé par un travail d’audit mené en 2011 au sein des administrations du Trésor et de la sécurité sociale

Le rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales présidé par M. Henri Guillaume, inspecteur général des finances, a procédé, conformément au III de l’article 12 de la loi n° 2009-135 de programmation des finances publiques (3), à un audit général des niches fiscales et sociales. L’évaluation du dispositif de l’article premier de la loi Tepa, considéré dans son ensemble (niche fiscale et sociale), a été réalisée conjointement par la direction du Trésor et la direction de la sécurité sociale. Le rapport du Comité a été publié le 29 août 2011, soit un peu après la publication des travaux des rapporteurs.

Si l’article premier de la loi Tepa ne fait pas partie des « évaluations approfondies » menées par le Comité, les quelques pages qui lui sont consacrées vont plutôt dans le sens des conclusions des rapporteurs. En effet, le rapport lui attribue le score de « 1 » (c’est-à-dire une mesure à l’efficience faible ou moyenne, le score maximal étant de 3 (4)).

Le ton des développements de ce rapport est extrêmement prudent, indiquant qu’« à ce stade, il n’est possible de tirer des observations que des enseignements limités quant à l’impact de ces exonérations sur les heures supplémentaires », l’évolution de cette variable étant très liée aux variations de la conjoncture.

Le rapport reconnaît également que la mesure a suscité des « pratiques d’optimisation fiscalo-sociale associées à la déclaration d’heures supplémentaires fictives », relevant que le dispositif « est moins ciblé sur les ménages modestes que d’autres dispositifs concourant à favoriser l’offre de travail, comme la PPE ou a fortiori le RSA (…) L’avantage fiscalo-social est nettement croissant avec le niveau de vie, du fait de la proportionnalité des cotisations sociales, et plus encore de la progressivité de l’impôt sur le revenu ».

3. Des conclusions du rapport qui ont alimenté les débats parlementaires

À l’automne de l’année 2011, les travaux des rapporteurs ont fait l’objet de multiples reprises et mentions dans les travaux du Parlement. La construction du dispositif a conduit les parlementaires à évoquer le rapport d’évaluation pendant la discussion des projets de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Il est également à noter que le 17 novembre 2011, lors de la discussion à l’Assemblée nationale de la proposition de loi de MM. Alain Vidalies, Jean-Marc Ayrault et plusieurs de leurs collègues relative à l’amélioration de l’indemnisation des victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles, le rapport a été cité par l’un des deux corapporteurs, M. Jean Mallot, et a donné lieu à des débats avec M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

Au préalable, il convient de noter qu’il est techniquement complexe – mais pas impossible – de distinguer les différents volets de la mesure. L’article premier de la loi Tepa définit en effet une assiette fiscale spécifique (la rémunération des heures supplémentaires) en créant un article 81 quater dans le code général des impôts ; ensuite, cette assiette fiscale spécifique est utilisée pour définir le champ de l’exonération des cotisations sociales. La suppression « sèche » du volet fiscal entraîne donc par construction la suppression du volet relatif aux allègements de cotisations sociales dues par les salariés.

a) Les projets de lois de finances ont permis de discuter de l’efficience du dispositif de défiscalisation

Le mardi 6 septembre 2011, lors de la discussion générale d’un projet de loi de finances rectificative pour 2011, l’un des deux corapporteurs, M. Jean Mallot, a présenté en détails les conclusions du rapport.

Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, le sujet a été évoqué à de nombreuses reprises. Le 19 octobre 2011, dans la discussion générale, M. Jean Mallot a ainsi décrit à nouveau les conclusions du rapport. Le 20 octobre 2011, l’Assemblée nationale a discuté de l’amendement n° 238 de M. Jean Mallot, amendement qui visait à supprimer la défiscalisation des revenus tirés de la rémunération des heures supplémentaires. M. Gilles Carrez, rapporteur général, a alors indiqué que la commission des Finances avait rejeté cet amendement, en expliquant que la mesure proposée consisterait à augmenter les impôts et à réduire le pouvoir d’achat de certains salariés et notamment des ouvriers. La ministre chargée du budget, Mme Valérie Pécresse, ayant également donné un avis défavorable à l’adoption de la mesure, l’amendement n’a pas été adopté.

Le rapport fait également l’objet de développements dans le rapport d’information(5) n° 64 (2011-2012) de Mme Nicole Bricq (membre du Groupe socialiste et apparentés), fait au nom de la commission des Finances du Sénat et adopté le 26 octobre 2011. Dans la perspective du dernier débat du quinquennat, la nouvelle rapporteure générale de la commission des Finances a dressé le bilan de la politique de prélèvements obligatoires conduite depuis 2007, et a analysé le rôle des prélèvements obligatoires dans la trajectoire des finances publiques. Le rapport d’information sur l’article premier de la loi Tepa est notamment cité page 89.

Le Sénat, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, a adopté le 8 novembre 2011 un amendement visant à supprimer le dispositif de défiscalisation (amendement devenu l’article 2 ter du projet de loi). Il s’agissait d’un amendement de suppression de l’article premier de la loi Tepa présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du Groupe communiste, républicain et citoyen (CRC), et auquel le Gouvernement a donné un avis défavorable. Pendant les débats sur cet amendement, le rapport d’information, qualifié de « rapport parlementaire de référence » par la rapporteure générale Mme Nicole Bricq, est mentionné à plusieurs reprises.

Le mercredi 14 décembre 2011, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2012 à l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, les conclusions du rapport ont été à nouveau mentionnées par de nombreux députés (particulièrement MM. Pierre-Alain Muet (SRC) et Régis Juanico (SRC)). De longs et intéressants échanges ont précédé la suppression de l’article 2 ter sur la base d’un amendement de la commission des Finances. La discussion a notamment abordé la question importante de l’impact du dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires sur le revenu fiscal de référence (6).

M. Jean-Pierre Gorges, co-rapporteur du rapport d’information, est lui aussi longuement intervenu dans ce débat. Il a rappelé que le rapport avait identifié, sur le volet employeur, un effet d’aubaine mais que la mesure avait été prise dans un contexte particulier, l’année 2007 précédant une forte récession : si la croissance revenait, le dispositif pourrait gagner en efficacité. Il a souligné que beaucoup de salariés devaient continuer à travailler plus de 35 heures par semaine et que la défiscalisation leur avait fortement bénéficié, ce qui était finalement assez juste.

Il a estimé que si la correction du « double avantage donné aux entreprises » était indispensable, il ne fallait surtout pas revenir sur l’avantage donné aux salariés continuant à travailler plus de 35 heures par semaine, cet avantage étant une bonne mesure d’accompagnement dans une période de crise. M. Jean-Pierre Gorges a conclu que la véritable problématique résidait dans la définition du niveau déclenchant le dispositif des heures supplémentaires. Enfin, le rapport a de nouveau été mentionné lors de la lecture définitive du projet de loi de finances pour 2012, le 21 décembre 2011, par Mme Sandrine Mazetier (SRC).

L’Assemblée nationale a finalement supprimé l’article additionnel introduit par le Sénat et visant la suppression du dispositif de défiscalisation.

b) La discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 a abordé le problème des exonérations et déductions de cotisations sociales

La discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 a également été l’occasion de discuter longuement des conclusions du rapport.

La réunion de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale a permis d’examiner l’amendement AS 225 de Mme Marisol Touraine (SRC) visant à supprimer l’article premier de la loi Tepa. M. Pierre Méhaignerie (UMP), président de la commission, a concédé que l’avantage consenti à l’employeur était « moins justifié » ; M. Jean Mallot a souligné l’intérêt de l’amendement qui a été finalement rejeté par la commission. La commission a également rejeté l’amendement AS 226 de M. Jean Mallot visant à supprimer l’allègement des cotisations employeurs, qui correspondait à l’une des propositions communes des rapporteurs.

Le 26 octobre 2011, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, l’Assemblée nationale, après l’avis défavorable de la commission et de la ministre en charge du budget, a rejeté deux amendements identiques (7) (n° 442 et 512) visant à supprimer l’intégralité du dispositif. Dans la défense de l’un des amendements, une référence explicite a été faite au rapport.

Le même jour, l’Assemblée nationale a discuté de l’amendement n° 729 rectifié de M. Jean Mallot et visant à supprimer le volet du dispositif relatif aux déductions forfaitaires de cotisations sociales dues par les employeurs. Après l’avis défavorable de la commission des Affaires sociales et de la ministre en charge du budget, l’amendement n’a pas été adopté.

Lors de la discussion du projet de loi au Sénat, le dispositif a fait l’objet d’une suppression via l’adoption d’un amendement portant article additionnel (devenu article 10 quinquies). Le rapport du CEC a été ensuite mentionné par le sénateur M. Jean-Pierre Caffet (Groupe socialiste) lors de la réunion de la Commission mixte paritaire.

Le 21 novembre 2011 s’est tenue à l’Assemblée nationale la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, modifié par le Sénat. La discussion de l’article 10 quinquies du projet de loi dans sa rédaction issue des travaux du Sénat a donné lieu à d’intéressants échanges sur le bien fondé du dispositif, échanges auxquels a notamment participé M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des Affaires sociales. M. Pierre Méhaignerie a rappelé que la création du dispositif trouvait ses racines dans la mise en place de la réduction du temps de travail, que le dispositif avait bénéficié aux salariés continuant à travailler 39 heures et qu’il présentait l’avantage de remédier à des pénuries ponctuelles de main-d’œuvre dans certains secteurs et certains bassins. L’Assemblée nationale, sur la base d’un amendement de la commission et après l’avis favorable de la ministre, a cependant supprimé l’article 10 quinquies.

4. Un débat public qui s’est emparé du sujet notamment grâce à une excellente couverture par les médias

Le rapport d’évaluation a connu un certain retentissement dans les médias. Compte tenu de la difficulté à suivre l’écho du rapport dans les médias audiovisuels et sur Internet (via notamment les réseaux sociaux type Twitter ou Facebook), les développements suivants se limitent à la presse écrite considérée dans son sens large, en incluant les blogs des journalistes sur Internet.

Ainsi, le rapport a conduit dès sa publication, au début de l’été 2011, à la publication d’articles dans les quotidiens « Le Monde » (8), « Les Échos » (9), « La Croix » (10) ou « Libération » (11) ou « La Tribune » (12) (la liste, non exhaustive, peut être complétée par certains quotidiens de la presse quotidienne régionale). Le rapport a également été mentionné dans quelques hebdomadaires : « Le canard enchaîné » (édition du 10 août 2011) et « Marianne ».

Il est intéressant de noter que le rapport est régulièrement mentionné dans la presse dès que le sujet s’y prête, qu’il s’agisse de traiter des heures supplémentaires, du bilan de la loi Tepa, des niches fiscales ou de la réglementation du temps de travail en général : à titre d’illustration, on peut citer l’article du quotidien « Le Monde » publié sur Internet le jeudi 12 janvier dernier et intitulé « Travailler moins pour préserver l’emploi, le nouveau credo de l’exécutif ? » par M. Samuel Laurent (13) ou bien un article du journal « Les Échos », en date du lundi 12 décembre 2011, intitulé « Ouvriers des petites entreprises et enseignants, premiers bénéficiaires de la loi Tepa » rédigé par Mme Leila de Comarmond. De même, le rapport est mentionné dans l’ouvrage récent intitulé « Un quinquennat à 500 milliards, Le vrai bilan de Sarkozy » (édition Mille et une nuits) écrit par les journalistes Mme Mélanie Delattre et M. Emmanuel Lévy.

Les rapporteurs se félicitent de cette permanence de l’intérêt des médias pour les travaux du CEC : le rapport prend de plus l’aspect d’un document de référence. Ces marques d’intérêt qui ne faiblissent pas sont notamment imputables au caractère symbolique de la mesure évaluée et à la rémanence du thème de la durée du travail et du bilan de la réduction du temps de travail. Ce sujet reste un enjeu fort de la vie politique nationale et suscite toujours un intérêt marqué à la fois dans l’opinion publique, les médias et chez les partenaires sociaux. Il n’est pas exclu que la règlementation du temps de travail devienne l’un des enjeux des campagnes électorales à venir ; en tout état de cause, les rapporteurs formulent le souhait que les travaux du CEC puissent contribuer à informer le débat public.

B. UNE PREMIÈRE APPLICATION, SUBSTANTIELLE, DES RECOMMANDATIONS COMMUNES DES RAPPORTEURS

a) Une proposition centrale des rapporteurs…

L’article premier de la loi TEPA avait modifié le calcul de la réduction générale de cotisations patronales (dits également « allègements Fillon ») en excluant du calcul du montant de cette réduction la rémunération des heures supplémentaires, dans la limite des majorations salariales prévues par la loi (25 % pour les huit premières heures supplémentaires, 50 % pour les suivantes). Cela permettait de ne pas décourager la réalisation d’heures supplémentaires par des salariés percevant des rémunérations réduites (14). En conséquence, les heures supplémentaires ouvraient droit à l’exonération générale au même taux qu’une heure « normale » alors qu’elles étaient mieux rémunérées.

Dans leur rapport déposé au nom du CEC, les rapporteurs, estimant que ce mécanisme constituait un avantage excessif au bénéfice de l’employeur, suggéraient de mettre fin à l’absence d’intégration des heures supplémentaires dans le calcul des allègements. Cette proposition était également formulée par le Conseil des prélèvements obligatoires, qui estimait que ce dispositif pouvait inciter des employeurs à faire réaliser des heures supplémentaires plutôt que d’augmenter la rémunération de l’heure « normale ».

L’économie escomptée était évaluée à 600 millions d’euros environ, ce qui pouvait réduire le coût total annuel du dispositif de l’article premier de la loi Tepa de près de 15 %.

b) … adoptée à l’initiative du Gouvernement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale

Le 24 août 2011, lors d’une conférence de presse, le Premier ministre M. François Fillon a annoncé l’adoption d’une série de mesures destinées à réduire les déficits des finances publiques. Dans ce cadre, il a indiqué que le dispositif serait amendé afin de réintégrer les heures supplémentaires dans le calcul de l’allègement sur les bas salaires.

Le Gouvernement a pris l’initiative de proposer au Parlement d’adopter cette réforme par le truchement du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale.

L’étude d’impact jointe au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 – qui ne cite pas le rapport déposé au nom du CEC – estime que la proposition s’inscrit dans un « processus de rationalisation des dispositifs d’exonérations de cotisations (15) » et concède que le dispositif créé en 2007 « conduit (…) à aider doublement l’employeur qui recourt à des heures supplémentaires par rapport à un employeur qui rémunère globalement au même niveau un salarié sur l’année mais sans accomplir d’heures supplémentaires (donc sur la base d’un salaire horaire plus élevé). Dans le second cas, l’employeur n’a en effet pas droit aux exonérations spécifiques des heures supplémentaires et par ailleurs, bien qu’ayant versé une même rémunération brute annuelle que dans le premier cas, son taux d’exonération générale est inférieur (en raison de la dégressivité du barème) (16). »

L’article 11 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, devenu l’article 16 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 (cf. le dossier législatif sur le site internet de l’Assemblée (17)), réintègre donc les heures supplémentaires et complémentaires dans le calcul de la réduction en modifiant le coefficient de réduction applicable aux rémunérations versées.

Les nouvelles modalités de calcul de la réduction sur les bas salaires s’appliquent dès le mois de janvier 2012 (rémunérations versées au titre du mois de janvier). L’article affecte le rendement de cette mesure nouvelle, pour moitié aux régimes de sécurité sociale, pour moitié au panier de recettes fiscales compensant les exonérations accordées sur les heures supplémentaires et complémentaires.

L’intégration des heures supplémentaires dans le calcul de l’allègement aura pour effet de réduire le coefficient, de manière limitée, en raison de la prise en compte des majorations de rémunération par rapport aux heures normales. L’étude d’impact relève que, malgré la mesure de réintégration, « le coût de l’heure supplémentaire restera inférieur à ce qu’il était en 2007 » grâce au maintien de l’exonération forfaitaire de cotisations dues par l’employeur.

Selon l’étude d’impact, la mesure aurait « l’impact le plus faible en termes d’emploi puisque seul le coût [pour l’employeur] des heures supplémentaires est renchéri, et dans des proportions limitées (+ 1,56 € pour chaque heure supplémentaire quel que soit le niveau de rémunération dans une entreprise de plus de 19 salariés) ».

Les rapporteurs se félicitent de la prise en compte par le Gouvernement et par le Parlement d’une des recommandations centrales de leur rapport.

II. DES QUESTIONS DEMEURENT SANS RÉPONSE

A. LE DISPOSITIF RESTE COÛTEUX POUR LES FINANCES PUBLIQUES ALORS QUE SON EFFICACITÉ EST RÉDUITE

Les rapporteurs ont interrogé la ministre en charge du budget sur l’opportunité de supprimer la déduction forfaitaire due par les employeurs sur les heures complémentaires et supplémentaires. L’adoption de cette mesure permettrait d’économiser environ 700 millions d’euros. La réponse laconique apportée par la ministre n’est, à cet égard, guère éclairante.

En effet, la réponse juge la déduction forfaitaire « pleinement justifiée par l’importance d’associer l’employeur au dispositif » – formule qui demeure peu précise – et estime que cette déduction favorise leur offre de travail, sans vraiment avancer d’arguments correspondants. Selon la réponse transmise aux rapporteurs, une telle suppression aboutirait à « dissocier les intérêts des salariés et ceux des employeurs », formule qui laisse les rapporteurs perplexes.

La réponse transmise évoque ensuite l’importance, en temps de crise économique, de l’avantage perçu par les salariés, thème qui ne faisait pourtant pas partie des questions des rapporteurs. Elle se termine par une déclaration de principe affirmant que « l’augmentation de la durée moyenne du travail est une condition essentielle à la baisse durable du chômage » et par des remarques d’ordre général sur le dispositif de la réduction du temps de travail.

B. LE MODE D’ÉLABORATION DE LA DÉCISION PUBLIQUE APPELLE UN RÉEXAMEN

Les travaux des rapporteurs s’étaient attachés à retracer la généalogie de la mesure, en explorant les travaux préparatoires menés au sein des administrations du Trésor, de la sécurité sociale et du travail. Peu de réponses avaient été transmises aux demandes des rapporteurs, qui avaient fait le constat général suivant : compte tenu des informations recueillies, la mesure a été adoptée sans que ses différents impacts aient été envisagés de manière détaillée. En particulier, peu d’informations avaient été fournies au Parlement lors de la discussion de la loi Tepa. Les rapporteurs préconisent donc, dans leur rapport, de renforcer la qualité des études d’impact, dans le sens d’ailleurs de la loi organique du 15 avril 2009 précitée.

S’agissant du Conseil d’analyse économique (CAE), organe consultatif placé auprès du Premier ministre, le rapport proposait :

– d’une part, une mise en ligne de ses rapports dès leur remise au Premier ministre, afin d’éclairer au mieux l’opinion publique des enjeux ;

– d’autre part, d’instaurer une sorte de « droit de tirage » au profit du Parlement sur les études réalisées par le CAE.

Les rapporteurs ont donc interrogé le Premier ministre sur l’opportunité de ces deux mesures. Aucune réponse ne leur a été transmise.

RÉUNION DU CEC DU 26 JANVIER 2012 :
EXAMEN DU PROJET DE RAPPORT DE SUIVI

M. le Président Bernard Accoyer. Nous allons aborder maintenant l’examen des suites données au rapport du CEC sur l’évaluation des dispositifs de promotion des heures supplémentaires. Ces travaux de suivi sont prévus de façon systématique par notre règlement : ils sont essentiels pour valoriser le travail de contrôle et d’évaluation effectué par nos rapporteurs. En effet, à quoi servirait-il – et ce fut trop souvent le cas – de présenter des rapports dont la mise en œuvre des conclusions ne ferait l’objet d’aucun suivi ? Nous ne savons que trop avec quelle rapidité, dans l’ensemble des institutions publiques, on passe d’un sujet à un autre.

M. Jean Mallot, rapporteur. Le rapport d’évaluation des dispositifs de promotion des heures supplémentaires prévus par l’article 1er de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, dite loi « Tepa », a été présenté en juin dernier. Ce rapport d’évaluation a bénéficié d’une audience importante, ce dont il faut nous réjouir. Il formulait un certain nombre de préconisations communes aux rapporteurs qui, depuis lors, ont été plus ou moins prises en compte par le Gouvernement et par le Parlement. Nous voulions aussi qu’il serve d’éclairage à l’opinion publique sur un sujet complexe, et cela a été le cas.

Le dispositif que nous avons évalué comportait cinq mesures destinées à favoriser la pratique des heures supplémentaires : l’exonération fiscale au titre de l’impôt sur les revenus tirés des heures supplémentaires – la défiscalisation ; l’exonération de cotisations sociales salariales ; la réduction forfaitaire du montant des cotisations patronales ; la non inclusion des heures supplémentaires dans le mode de calcul des allégements de charges sociales résultant de la loi dite « Fillon » du 17 janvier 2003 ; enfin, la majoration des heures supplémentaires dans les entreprise de moins de 20 salariés.

Nous avions estimé que le rapport coût/bénéfices de ce dispositif « semblait pour le moins réduit », observant notamment les effets d’aubaine concernant des heures supplémentaires déjà pratiquées mais auparavant non déclarées en tant que telles.

Le dispositif nous semblait également injuste, son volet fiscal ne bénéficiant logiquement qu’aux salariés imposables.

Nous avions enfin regretté qu’il n’ait fait l’objet d’aucune étude d’impact avant d’être discuté au Parlement. Les auteurs des quelques études réalisées auparavant recommandaient au Gouvernement de ne pas proposer un tel dispositif.

Ayant saisi le Premier ministre et la ministre du Budget des suites pouvant être données à nos conclusions, nous avons été plutôt déçus par leurs réactions. Le Premier ministre ne nous a pas répondu et la ministre du Budget, Mme Valérie Pécresse, nous a adressé un courrier très succinct.

Les conclusions et les préconisations du rapport ont, en revanche, bénéficié d’un écho important. M. Jean-Pierre Gorges et moi-même avions mis au point une méthode garantissant notre accord sur la description des mesures, sur leur application dans les faits et sur leur évaluation. Sur les cinq familles de préconisations retenues, trois ont fait l’objet d’un accord entre nous, nous divergions sur les deux autres, ce qui n’a évidemment rien d’anormal.

Nous nous sommes d’abord accordés sur le diagnostic. Aussi a-t-on pu dire, ici, au Sénat et dans les médias, que notre rapport pouvait servir de référence, permettant aux uns et aux autres d’étayer leurs convictions sur des bases solides.

Les trois points d’accord sur les préconisations visent l’amélioration nécessaire du fonctionnement du Conseil d’analyse économique placé auprès du Premier ministre, la suppression de la déduction forfaitaire de cotisations patronales, encore plus injustifiée qu’inutile, et la réintégration des heures supplémentaires dans le mode de calcul des allégements de charges sociales. Cette dernière proposition est entrée dans les faits.

Nos divergences portent, en premier lieu, sur l’exonération de cotisations salariales, qui, certes, accroît le pouvoir d’achat de ses bénéficiaires, mais coûte 2,3 milliards d’euros que l’on pourrait utiliser de façon plus efficace. Elles concernent, en second lieu, la défiscalisation et son incidence, que je considère comme injuste, sur le pouvoir d’achat ; avec le montant correspondant, de 1,5 milliard d’euros, nous pourrions certainement financer des mesures plus efficaces.

Nos conclusions et nos préconisations ont suscité de nombreux débats, notamment dans la discussion de textes qui, depuis juin dernier, ont été examinés tant ici qu’au Sénat, qu’il s’agisse de la loi de financement de la sécurité sociale ou de la loi de finances rectificative. La rapporteure générale du budget au Sénat a ainsi qualifié notre rapport de « rapport de référence ».

Notre rapport a également bénéficié d’une remarquable couverture médiatique, notamment dans des journaux comme Le Monde, Les Échos, La Croix, Libération, La Tribune, Le Canard enchaîné, Marianne. L’ouvrage récent de Mélanie Delattre et Emmanuel Lévy, Un quinquennat à 500 milliards, le vrai bilan de Sarkozy, mentionne notre rapport durant une dizaine de pages. L’émission télévisée Capital, diffusée la semaine dernière sur M6, nous a interrogés à son sujet.

Je ne serais donc pas surpris que, durant la campagne présidentielle qui s’annonce, les uns et les autres utilisent des données figurant dans notre rapport afin d’appuyer leurs propositions ou d’alimenter les débats parlementaires prévus avant la fin de la législature.

L’une de nos préconisations a été prise en compte par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, celle de la réintégration des heures supplémentaires dans le calcul des allégements de charges sociales sur les bas salaires, pour un rendement annuel d’environ 600 millions d’euros.

Nous regrettons en revanche que la préconisation visant à supprimer l’exonération de cotisations patronales – dont le rendement aurait été de 700 millions d’euros – n’ait pas été retenue.

Vos deux rapporteurs ne se sont pas accordés sur les autres préconisations, mais le débat se poursuit.

Nous aurions également apprécié que nos propositions de méthode soient prises en compte, qu’il s’agisse des études d’impact ou de la façon d’utiliser les services du Conseil d’analyse économique – nous souhaitions notamment que le Parlement puisse aussi lui passer des commandes. Nous regrettons que le Premier ministre ne nous ait pas répondu.

Notre rapport était donc opportun. Sa méthode rigoureuse nous a permis de nous accorder sur le diagnostic et sur certaines préconisations, tout en assumant nos divergences sur d’autres. Elle pourra inspirer d’autres démarches.

En revanche, je regrette que le Gouvernement n’ait pas considéré notre travail avec les égards qu’il méritait.

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur. Il nous était difficile, dans ce dossier complexe, de séparer ce qui relevait de questions structurelles et de questions conjoncturelles, certains estimant que la survenance de la crise économique empêchait d’analyser objectivement les problèmes, en oubliant ainsi une donnée structurelle majeure : 9,5 millions de salariés français, sur 16 millions, continuaient de travailler 39 heures par semaine en dépit du passage officiel aux 35 heures. Tout le monde n’a pas bénéficié du passage aux 35 heures. En tout cas, le coût supplémentaire correspondant au nombre de salariés qui travaillent désormais 35 heures payées 39 s’élève entre 10 et 12 milliards d’euros. Mécaniquement, les salariés qui travaillent 39 heures bénéficient donc d’un bonus, qui ne représente pour eux qu’un juste retour des choses, par rapport à ceux qui travaillent 35 heures et sont payés 39 heures – sur ce point M. Jean Mallot et moi-même nous ne sommes pas d’accord.

Toutefois, il est évident que, en pleine crise économique et dans un contexte de montée du chômage, demander aux travailleurs français d’accomplir des heures supplémentaires peut paraître surprenant. C’est pourquoi on ne relève que très peu d’heures véritablement supplémentaires : ont été principalement bonifiées les heures supplémentaires déjà pratiquées.

Long à faire passer dans les esprits, le diagnostic est maintenant généralement admis. M. Jean Mallot et moi-même avons ainsi adopté quelques positions communes, concernant les avantages offerts par le dispositif aux entreprises, qui bénéficient d’un double bonus à travers la promotion des heures supplémentaires. Toutefois, c’est un peu en contradiction avec le dispositif de la loi Fillon qui permet de bonifier les premières heures travaillées – et c’est là qu’il faut faire porter l’effort. De fait, les entreprises retirent mécaniquement un gain supplémentaire de cette superposition des dispositifs.

On peut donc regretter qu’une étude d’impact n’ait pas été préalablement réalisée, mais je relève aujourd’hui qu’un candidat à l’élection présidentielle formule 60 propositions totalement dépourvues, elles aussi, d’étude d’impact puisque chacun sait qu’il faut au moins six mois pour en mener une à bien. Après tout, la politique sert parfois à faire rêver…

Du côté des employeurs, je relève que, ne serait-ce que par l’économie précitée de 600 millions d’euros, le CEC a largement démontré son utilité.

Du côté des salariés, je suis défavorable à ce qu’on modifie le dispositif en vigueur car il ne faut surtout pas décourager la France qui continue de travailler 39 heures. L’alignement général à 35 heures de travail hebdomadaire aurait entraîné une catastrophe économique. Le bonus dont bénéficient près de 10 millions de salariés a donné un coup de pouce à leur pouvoir d’achat dans une période particulièrement difficile.

En revanche, il faut revoir le seuil à partir duquel on détermine s’il y a, ou non, heure supplémentaire. Cela dit, le temps de travail n’est plus de 35 heures depuis que la loi du 20 août 2008 a supprimé la notion de durée hebdomadaire de travail. Ainsi, les 35 heures ne servent plus qu’à comptabiliser les heures supplémentaires. Il convient donc de revoir, au niveau des branches et des entreprises, comment les prendre en compte. En tout état de cause, une disposition générale n’aurait aucun sens en la matière.

Si le dispositif devait, à terme, être refondu, il faudrait le reconsidérer à l’aune d’une reprise de la croissance. Nous avons besoin de souplesse en ce domaine, et l’heure supplémentaire constitue un élément de souplesse. Tout récemment, l’émission télévisée Capital en montrait l’importance pour le développement des entreprises, sans entrer dans des différenciations selon la taille de celles-ci qui semblent envisagées aujourd’hui par certains.

Je suis donc très favorable à ce qu’on trace un trait final sur les 35 heures. Le tort du dispositif évalué, c’est d’avoir institutionnalisé les 35 heures, alors que la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a supprimé la notion de durée hebdomadaire du travail. En outre, le seuil à partir duquel on entre dans le mécanisme des heures supplémentaires est mal compris des Français. Il faut donc le revoir, branche par branche.

Je suis également déçu que le Gouvernement n’ait répondu qu’imparfaitement à nos questions, malgré la lettre de la ministre du Budget et les 600 millions d’économies retenues dont nous avons parlé. Mais je ne crois pas qu’on encourage réellement les chefs d’entreprise à proposer des heures supplémentaires par des incitations financières diverses, qui représentent un montant de 700 millions d’euros. Les entrepreneurs se déterminent plutôt en fonction d’un outil de production qu’ils peuvent continuer de faire tourner au-delà de son amortissement, si leur carnet de commandes le permet, afin d’accroître leur valeur ajoutée. Il faut donc déjà les autoriser à le faire.

En somme, notre diagnostic est commun mais ses interprétations politiques sont quelque peu différentes.

L’enjeu du retour sur les 35 heures consiste à récupérer 12 milliards qui pèsent sur le budget de l’État au titre de la compensation des 35 heures payées 39.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des Affaires sociales. La Commission des affaires sociales, examinant cette semaine des questions relatives aux performances sociales, a particulièrement apprécié la qualité des travaux du CEC, d’abord parce qu’ils se fondent sur l’analyse des faits, et leur comparaison en Europe, plutôt que sur des idées générales, ensuite parce qu’ils montrent l’existence de marges d’efficience. Il apparaît ainsi que nos travaux d’évaluation peuvent servir à la préparation des prochains budgets et aboutir à des modifications substantielles.

Dans le débat sur les heures supplémentaires, la sagesse consiste à défendre, sans honte, l’idée que les marqueurs antérieurs à la crise ne sont plus les mêmes après la crise. Je suis très attaché au régime des heures supplémentaires, en tout cas concernant les salariés, car, élu d’un bassin d’emploi très industriel, je constate que les entreprises manquent souvent de main d’œuvre pour faire face instantanément à des commandes supplémentaires. Sans ce dispositif d’incitation, il serait donc à craindre que des marchés leur échappent. Des secteurs entiers comme ceux du bâtiment et des industries éprouvent aujourd’hui des difficultés à trouver la main-d’œuvre supplémentaire dont ils ont besoin.

En revanche, la généralisation des 35 heures me semble être une aberration, comme le montrent les 500 millions d’euros que l’on va devoir donner aux médecins des hôpitaux.

Le rapport indique que le coût des avantages servis aux employeurs, qui peuvent être débattus et redéployés, s’élève à 1,3 milliard d’euros alors que vous avez parlé de 700 millions…

M. Jean Mallot, rapporteur. Les 700 millions d’euros correspondent à l’application de la « loi Fillon », auxquels il faut ajouter les 600 millions d’euros susmentionnés pour parvenir au total de 1,3 milliard d’euros.

M. Pierre Méhaignerie. Confronté, sur le terrain, aux salariés qui effectuent des heures supplémentaires, j’ai entendu certains d’entre eux préférer un maintien des prestations sociales à une déduction fiscale. Par exemple, la personne effectuant des heures supplémentaires, passant ainsi d’un salaire de 1,1 SMIC à 1,25 SMIC perd sa prime pour l’emploi, risque de perdre les bourses de ses enfants ainsi que son aide au logement. Du coup, la peur des heures supplémentaires se fonde sur la crainte de perdre une partie des prestations sociales. Ne devrait-on pas regarder si, dans l’intérêt du salarié, notamment de ceux qui touchent des petits salaires, la non remise en cause des prestations sociales ne serait pas préférable à la défiscalisation, laquelle bénéficie surtout à ceux qui perçoivent des salaires moyens ou plus élevés ?

M. Guy Geoffroy. Ce rapport présente un grand intérêt dans la mesure où il permet de valider la démarche du CEC, qui produit des analyses convergentes mais des conclusions contrastées. Au moins, les questions sont posées, même si les réponses demeurent encore en débat.

Que pensent nos rapporteurs de la situation des salariés du secteur public, particulièrement des personnels de l’enseignement au regard du régime des heures supplémentaires ? Comme nombre de nos collègues, je puis témoigner de la satisfaction des enseignants du second degré – ceux du primaire n’effectuant pas d’heures supplémentaires – à l’égard d’un dispositif qui leur a fait gagner du pouvoir d’achat. La question des heures supplémentaires dans l’enseignement fut longtemps un serpent de mer, du fait de la revendication traditionnelle en faveur de la création de postes. En réalité, il s’agissait d’une revendication toute théorique, les besoins appelant en pratique des ajustements horaires. Mais l’accord des enseignants pour effectuer ces heures supplémentaires n’était pas évident. Beaucoup préféraient les accomplir ailleurs, demandant à leur chef d’établissement l’autorisation d’enseigner en université ou en IUT. La défiscalisation et l’exonération de charges sociales ont donc représenté un avantage pour eux, comme pour le service public de l’enseignement.

Je crains donc que la suppression des dispositions applicables aux salariés n’emporte des conséquences dommageables dans le service public. Un retour au système ancien provoquerait sans doute des crispations chez ceux qui considéreraient qu’on leur retire des droits acquis et entraverait le bon fonctionnement du service public.

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur. Il est certain que les principaux bénéficiaires de l’article 1er de la loi « Tepa » sont les agents de la fonction publique d’État et de la fonction publique hospitalière car leur travail ne dépend pas du niveau d’activité économique générale ni des exigences de la compétition internationale.

Le service public hospitalier avait été fortement déstabilisé par les 35 heures et nous en subissons encore les conséquences aujourd’hui. Les heures supplémentaires ont donc représenté une importante respiration pour ce secteur. Notre rapport le souligne.

La fonction publique d’État ayant été un peu désorganisée par le remplacement de seulement un fonctionnaire sur deux, l’utilisation des heures supplémentaires est devenue le bon outil pour mener à bien la réforme, même si le dispositif n’avait pas été prévu pour cela. Revenir aujourd’hui sur cette situation serait catastrophique.

Dans la fonction publique, les heures supplémentaires fournissent des compléments de rémunération non négligeables.

On peut donc affirmer, dans cette conjoncture économique marquée par le défaut de croissance, que la fonction publique a su profiter du système des heures supplémentaires, d’où l’attachement de ses agents à ce que le système perdure.

M. Jean Mallot, rapporteur. Mais il existe aussi d’autres moyens de rémunérer les heures supplémentaires des fonctionnaires sans passer par une usine à gaz aussi complexe que l’article premier de la loi « Tepa », qui n’était d’ailleurs pas conçu à l’origine pour les différentes fonctions publiques.

Personne ici ne remet en cause les heures supplémentaires. Tout le monde souhaite que, lorsqu’une entreprise voit son carnet de commandes se remplir, ses salariés puissent travailler davantage. Plus les entreprises soumises à la concurrence useront d’heures supplémentaires, plus nous serons satisfaits. Ce qui est en cause réside dans la subvention de l’heure supplémentaire au-delà des majorations prévues par le code du travail.

Ce point étant clarifié, nous devons nous demander si le système mis en place en 2007 est efficace. Les cabinets d’études que nous avons consultés, y compris celui dépendant du Medef, affirment que cette mesure, qui coûte 4,5 milliards d’euros au budget de l’État, et pour le financement de laquelle celui-ci doit emprunter sur les marchés financiers, représente une charge estimée à 0,23 % du PIB quand elle ne produit que 0,15 % du PIB en richesse nationale supplémentaire. Elle coûte plus à l’État qu’elle ne rapporte à l’économie nationale. Il s’agit donc d’un système inefficient, même si je comprends l’attachement de ceux qui en bénéficient directement. Mais nous devons raisonner globalement.

C’est pourquoi aussi, l’Inspection générale des finances, dans un rapport paru l’été dernier sur les niches fiscales et sociales, a attribué au système de promotion des heures supplémentaires la note 1, c’est-à-dire une mesure à efficience faible ou moyenne.

Il faut enfin regretter la lourdeur du dispositif et la faible réactivité des pouvoirs publics aux changements induits par la crise économique. Je comprends que, en 2007, en période de croissance, les partisans d’une politique économique libérale aient pu concevoir un système encourageant les heures supplémentaires au-delà de la majoration de droit commun. Même s’il était absurde de l’introduire aussi dans les secteurs qui ne sont pas exposés à la concurrence, on peut en comprendre la logique et admettre qu’on le défende. Mais, quand en septembre 2008, la conjoncture économique s’est retournée, le dispositif est devenu injustifiable. Comme nous l’ont indiqué les différents responsables de ressources humaines que nous avons interrogés, il décourage l’emploi. Le chef d’entreprise qui dispose de la possibilité de rémunérer ses salariés à contrat à durée indéterminée pour des heures supplémentaires moins onéreuses que les heures normales va tout naturellement se débarrasser des personnels intérimaires et sous contrat à durée déterminée. La montée du chômage s’en trouve inévitablement accélérée.

Et si, comme on peut l’espérer, la crise disparaît, le recours aux heures supplémentaires sera privilégié par rapport à de nouvelles embauches. Le dispositif joue donc un regrettable rôle « pro cyclique » en matière d’emploi.

On aurait donc pu imaginer, à l’automne 2008, que les pouvoirs publics remettent en cause un système devenu difficile à justifier.

M. le Président Bernard Accoyer. Au terme de ces interventions passionnantes, je voudrais souligner que, d’ores et déjà, le CEC apparaît comme un organe extrêmement pertinent et utile au service de l’intérêt national.

Il est bien sûr normal, surtout en période préélectorale, que certaines remarques se fondent sur nos convictions politiques personnelles. J’en ai cependant entendues qui transcendaient ces clivages, et il faut s’en féliciter.

Nous considérons tous les études d’impact comme indispensables. Si de telles études avaient été réalisées préalablement aux deux lois sur la réduction du temps de travail, la généralisation de celle-ci aurait probablement été reconnue comme posant un certain nombre de problèmes. De même, les opposants systématiques à la réduction du temps de travail auraient-ils reconnu que la complexité et la rigidité de la situation antérieure conduisaient à rechercher un équilibre économique partagé entre flexibilité et diminution du travail.

Encore aujourd’hui, les études d’impact font défaut, y compris lorsque, usant de nos nouveaux droits constitutionnels, nous examinons un nombre croissant de propositions de loi. Nous devrons nous corriger nous-mêmes, et j’entends bien laisser ce message au terme de mon actuelle présidence. Car légiférer sans mesurer les conséquences de nos prescriptions constitue une faute immense, j’oserais même dire « délirante » car il m’indiffère qu’on critique les termes que j’emploie – même si certains en ont pris l’habitude.

Comme l’a souligné M. Pierre Méhaignerie, l’un des intérêts majeurs du CEC réside dans la continuité de ses travaux, qui permettent d’aller plus loin en nuançant souvent les premières affirmations des rapporteurs et en faisant apparaître des convergences. Très constructive, cette méthode traduit une certaine maturité. J’insiste donc auprès de nos excellents services pour qu’ils veillent à la continuité « interlégislative » de ce travail sur un certain nombre de sujets majeurs, tels que celui examiné aujourd’hui.

Je vous ai trouvé sévères envers le Gouvernement, messieurs les rapporteurs, et, bien que n’étant pas son avocat, j’observe que la ministre chargée du Budget vous a, le 6 janvier dernier, adressé une réponse qui me paraît apporter un certain nombre d’éléments d’information.

Le travail du CEC sur ce thème a par ailleurs conduit à réaliser une économie substantielle des deniers publics, de près de 600 millions d’euros. Rien que ce résultat démontre l’intérêt du travail du comité.

Sortant un peu de mon rôle de président, je voudrais dire ce que je pense de votre rapport. Là encore, si nous avions disposé d’une étude d’impact relative à l’évolution du temps de travail, à la flexibilité, à la compétitivité économique et à l’efficacité de la dépense publique, les décisions publiques n’auraient probablement pas été les mêmes. Mais le débat auquel j’ai participé en son temps fut dogmatique. Cela dit, toutes les conséquences des 35 heures que j’avais annoncées, y compris leur coût, se sont vérifiées. Comme l’ont rappelé nos rapporteurs, le budget de l’État comporte encore chaque année 12 milliards d’euros d’exonérations fiscales et sociales au titre de la réduction du temps de travail, auxquels s’ajoute le coût mécanique de la généralisation de celle-ci, notamment dans les fonctions publiques, comme l’illustre le récent exemple des médecins hospitaliers. Au total, l’addition annuelle atteint 22 milliards d’euros !

Appréciant toujours les raisonnements subtils de M. Jean Mallot, je l’ai entendu dire que les heures supplémentaires sont absurdes dans les secteurs qui ne sont pas exposés à la concurrence. Allons un peu plus en amont : c’est la généralisation des 35 heures qui est elle-même problématique. Cet intéressant débat devra donc être poursuivi par nos successeurs, ou par nous-mêmes si nous siégeons toujours ici.

Les heures supplémentaires apportent indiscutablement une certaine souplesse et une certaine flexibilité : ainsi, dans les secteurs qui ont le plus difficilement traversé la crise, elles ont permis aux entreprises de répondre aux commandes quand l’activité reprenait.

Je tiens enfin à féliciter nos rapporteurs, notamment d’avoir fait preuve de tolérance réciproque et de s’être affranchis de leurs préjugés, ce qui nous conduira à servir au mieux non seulement le CEC, mais surtout l’intérêt national.

M. Jean Mallot, rapporteur. Je tiens à préciser mes propos concernant les secteurs économiques qui ne sont pas exposés à la concurrence internationale : c’est la subvention par l’État des heures supplémentaires au-delà de la majoration qui, à mon sens, ne se justifie pas.

J’apprécie, M. le Président, votre hymne aux études d’impact et j’attends donc avec impatience celle qui accompagnera le projet de loi instaurant la TVA sociale.

M. le Président Bernard Accoyer. Aujourd’hui, compte tenu de la situation critique de nos finances publiques et de nos problèmes de compétitivité, tout projet ou proposition de loi devrait s’accompagner d’une étude d’impact.

Conformément aux dispositions de l’article 146-3 du Règlement, le Comité autorise la publication du rapport de suivi sur la mise en œuvre des conclusions du rapport d’information (n° 3615) de M. Jean-Pierre Gorges et M. Jean Mallot sur l’évaluation des dispositifs en faveur des heures supplémentaires.

Le rapport sera distribué et mis en ligne sur le site Internet de l’Assemblée nationale. Il sera transmis au Gouvernement.

ANNEXE N° 1
SYNTHÈSE DU RAPPORT D’INFORMATION (POUR MÉMOIRE)

SYNTHÈSE DU RAPPORT

L’article premier de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi Tepa », visait à promouvoir la réalisation d’heures supplémentaires. Les gains de revenus ainsi suscités et l’augmentation du temps de travail des salariés devaient provoquer un surcroît de croissance, permettant de lutter contre le chômage. Il s’agissait de mettre en pratique la formule « travailler plus pour gagner plus ».

Le présent rapport est le fruit de la démarche d’évaluation de cette disposition, menée, à la demande du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale (CEC) par deux rapporteurs, l’un issu de la majorité et l’autre de l’opposition.

L’étude s’est concentrée, d’une part, sur l’estimation de l’efficience du dispositif (son efficacité ramenée à ses coûts) et, d’autre part, sur les conditions d’élaboration de la décision publique.

L’article premier de la loi Tepa est une mesure incitative, augmentant les revenus des salariés et diminuant le coût de l’heure supplémentaire pour l’employeur. Ce dispositif, de structure complexe, repose sur cinq piliers distincts : exonération fiscale, exonération de cotisations sociales salariale et employeur, réforme de l’allègement sur les bas salaires et majoration de la rémunération des heures supplémentaires pour les entreprises de vingt salariés au plus.

Cette mesure emblématique, marquée par le contexte économique et politique de l’année 2007, décidée sans réelle étude ex ante, a connu une application rapide et massive. Le dispositif a bénéficié à plus de neuf millions de salariés, pour un gain moyen annuel d’environ 500 euros et un gain médian d’environ 350 euros.

*

Malgré les difficultés de l’évaluation, notamment liées à l’absence de recensement fiable des heures supplémentaires avant l’adoption de la réforme et à l’intensité de la crise économique de 2008–2009, les deux rapporteurs ont mis en évidence un faisceau d’indices soulignant que le « travailler plus » n’est pas identifiable : le nombre annuel d’heures supplémentaires n’a pas connu de hausse significative et la durée moyenne effective du travail n’a pas substantiellement augmenté. L’application du dispositif est marquée par un fort effet d’aubaine, un certain nombre d’heures supplémentaires effectuées mais non déclarées comme telles avant la réforme ayant bénéficié des allègements fiscaux et sociaux.

Le dispositif a certes permis de gratifier certains salariés. Il a aussi, voire peut-être surtout, facilité les restructurations dans l’administration de l’État. Son application dans les hôpitaux publics a également entraîné une meilleure rémunération des personnels particulièrement sollicités et affectés par les modalités de la réduction du temps de travail.

Conçue en partie comme un instrument destiné à pallier certains inconvénients des lois portant réduction du temps de travail, la mesure a contribué à « cristalliser » la durée du travail à 35 heures, employeurs comme salariés ayant un intérêt commun à déclarer des heures supplémentaires.

Le « gagner plus » est effectivement identifié et a contribué à maintenir le pouvoir d’achat de certains salariés grâce au surcroît de revenus ainsi distribués. La mesure a entraîné des gains très variables : le dispositif n’a bénéficié ni aux non-salariés ni aux salariés n’effectuant pas d’heures supplémentaires. Il a peu bénéficié aux salariés à temps partiel. Seuls les foyers imposables ont pu effectivement bénéficier de la totalité du dispositif, le gain fiscal – non plafonné – étant par ailleurs fonction du taux marginal d’imposition. De même, l’effet de la mesure diffère sensiblement selon les secteurs et les régions.

Le coût total de la mesure est évalué à plus de 4,5 milliards d’euros. Son absence de financement par des prélèvements supplémentaires ou des redéploiements de dépense a permis, à court terme, de stimuler la demande intérieure et donc de contribuer à lutter contre la récession de 2009. Cependant, à moyen et à long terme, cette dépense peu efficace, financée par un surcroît de dette publique – dont les intérêts correspondant à la dépense annuelle atteignent environ 140 millions d’euros – ne manquera pas d’alourdir les prélèvements obligatoires futurs.

*

Compte tenu de ce constat, les deux rapporteurs formulent plusieurs propositions communes. Ils insistent d’abord sur la nécessité de l’évaluation préalable approfondie de ce type de décision, ainsi que sur l’adaptation indispensable de telles mesures de politique économique lorsque les modifications de contexte l’imposent.

Le choix de subventionner les contributions dues par l’employeur au titre de la rémunération de l’heure supplémentaire suscite des interrogations. Cette heure supplémentaire est en effet l’heure où la marge de l’entreprise est généralement maximale. Dans un contexte de sous-emploi persistant, plutôt que de subventionner la « dernière heure », ne conviendrait-il pas de faciliter l’embauche de salariés supplémentaires – la « première heure » ?

Une proposition réunit l’accord des deux rapporteurs. Sous réserve d’une évaluation préalable, ils recommandent la suppression des avantages bénéficiant aux employeurs au titre des heures supplémentaires. Cette mesure, dont l’enjeu financier s’élève à près de 1,3 milliards d’euros, permettra de mettre fin aux effets d’aubaine les plus marqués.

Le rapport examine ensuite les différentes options envisageables et se conclut sur des considérations plus générales visant, d’une part, à dresser les grandes lignes d’une réglementation du temps du travail qu’il conviendrait de fonder davantage sur la négociation sociale au niveau de la branche et, d’autre part, à envisager la suppression graduelle des aides publiques versées aux entreprises pour accompagner la réduction du temps de travail.

ANNEXE N° 2
COURRIER DES RAPPORTEURS MM. JEAN-PIERRE GORGES ET JEAN MALLOT
À M. FRANÇOIS FILLON, PREMIER MINISTRE

ANNEXE N° 3
COURRIER DES RAPPORTEURS MM. JEAN-PIERRE GORGES ET JEAN MALLOT
À Mme VALÉRIE PÉCRESSE, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS
ET DE LA MODERNISATION DE L’ÉTAT

ANNEXE N° 4
RÉPONSE DE MME VALÉRIE PÉCRESSE, MINISTRE DU BUDGET,
DES COMPTES PUBLICS ET DE LA MODERNISATION DE L’ÉTAT

1 () Cf. ensemble du dossier sur le site internet du CEC : http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/ promotion_heures_supplementaires_TEPA.asp.

2 () L’alinéa 8 de l’article 146-3 du Règlement de l’Assemblée nationale dispose en effet que « à l’issue d’un délai de six mois suivant la publication du rapport, les rapporteurs présentent au comité un rapport de suivi sur la mise en œuvre de ses recommandations. »

3 () « Dans les trois ans suivant l’entrée en vigueur de toute mesure visée à l’article 11, le Gouvernement présente au Parlement une évaluation de son efficacité et de son coût. Pour les mesures en vigueur à la date de publication de la présente loi, cette évaluation est présentée au plus tard le 30 juin 2011. »

4 () Obtiennent notamment cette note maximale, à titre d’information, l’allègement Fillon sur les bas salaires et le dispositif de contrat de professionnalisation.

5 () L’article 52 de la loi organique relative aux lois de finances dispose que, en vue de l’examen et du vote du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année suivante par le Parlement, le Gouvernement présente à l’ouverture de la session ordinaire un rapport retraçant l’ensemble des prélèvements obligatoires ainsi que leur évolution. Ce rapport donne lieu chaque année à un débat au Sénat.

6 () La défiscalisation n’a pas d’impact sur le revenu fiscal de référence, ce qui peut conduire à ce que les heures supplémentaires réalisées entraînent la suppression d’avantages divers conditionnés à un plafond de revenu fiscal de référence ou à son niveau.

7 () Déposés par M. Michel Issindou (SRC) et Mme Jacqueline Fraysse (GDR).

8 () Cf. notamment cette note du blog d’un journaliste du Monde http://bercy.blog.lemonde.fr/2011/07/01/un-rapport-parlementaire-invite-a-supprimer-les-exonerations-sur-les-heures-supplementaires/, et l’article en date du mercredi 24 août 2011 « Fillon veut raboter la défiscalisation des heures supplémentaires » par M. Philippe Le Cœur.

9 () « Heures supplémentaires : les députés veulent revoir les aides », article en date du 1er juillet 2011 et écrit par Mme Véronique Le Billon http://archives.lesechos.fr/archives/2011/LesEchos/20965-23-ECH.htm.

10 () La Croix, mercredi 24 août 2011, 2011, « La défiscalisation des heures supplémentaires a-t-elle été efficace ? » par M. Denis Peiron.

11 () Samedi 30 juillet 2011, « Heures sup : le rapport qui accable. » par M. Luc Peillon.

12 () http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20110701trib000633680/le-travailler-plus-pour-gagner-plus-epingle-par-deux-deputes.html.

13 () À titre d’illustration, on peut citer l’article du Monde publié sur Internet le jeudi 12 janvier dernier « Travailler moins pour préserver l’emploi, le nouveau credo de l’exécutif ? » M. Samuel Laurent http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/01/11/travailler-moins-pour-preserver-l-emploi-nouveau-credo-de-l-executif_1628162_1471069.html, ou bien les articles du même journal publiés sur son site internet lors de l’intervention du chef de l’Etat du 27 octobre dernier.

14 () Extrait du rapport d’information n° 3615 : « Pour les entreprises de plus de 19 salariés, le coefficient était calculé ainsi avant l’entrée en vigueur de la loi Tepa : coefficient = (0,26/0,6) x [(1,6 x smic horaire x nombre d’heures normales et supplémentaires rémunérées / rémunération mensuelle brute du salarié) – 1]. Compte tenu du mode de calcul du coefficient, la réduction est maximale au niveau du smic (le coefficient de réduction est alors en effet égal à 0,26). »

15 () Ce processus avait conduit à décider en 2010 l’annualisation du mode de calcul de la réduction des cotisations sur les bas salaires.

16 () La production des études d’impact représente une amélioration significative de l’information des parlementaires ; en l’espèce, celle-ci manque néanmoins de précision et aurait pu comporter le détail des calculs effectués par les administrations en support des développements contenus dans ladite étude, ainsi que le prévoit l’alinéa 8 de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. Cf. rapport d’information n° 2094 du 19 novembre 2009 sur les critères de contrôle des études d’impact accompagnant les projets de loi, présenté par MM. Claude Goasguen et Jean Mallot, au nom du CEC.

17 () http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/plfss_2012.asp.


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