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N° 58

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 juillet 2007.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR L’ARTICLE 7 DU PROJET DE LOI (n° 4), APRÈS DÉCLARATION D’URGENCE, en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.

PAR M. Sébastien Huyghe,

Député.

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Voir les numéros : 62, 59 et 61.

INTRODUCTION 5

I. —  LES PARACHUTES DORÉS : INDEMNITÉ DE DÉPART OU RÉMUNÉRATION ? 7

A. UN RÉGIME JURIDIQUE ASSEZ COMPLEXE MAIS PLUTÔT HOMOGÈNE DANS SES CONSÉQUENCES 7

1. Les engagements indemnitaires pris dans le cadre du mandat social 8

2. Les engagements indemnitaires pris dans le cadre d’un contrat de travail 8

B. DES MODALITÉS DIVERSES 10

1. Une indemnité négociée a priori ou en cours de mandat social 10

2. Une pluralité de formes juridiques 10

II. —  UN PROCÉDÉ DÉJÀ ENCADRÉ 11

A. LES LIMITES POSÉES PAR LA JURISPRUDENCE 12

1. Le problème de la validité des indemnités de départ au regard du principe de libre révocation des dirigeants 12

a) Parachutes dorés et révocation ad nutum du président du conseil d’administration et des administrateurs 12

b) Le cas du directeur général, des directeurs généraux délégués et des membres du directoire 13

2. La compatibilité avec l’intérêt social de l’entreprise 14

B. LES VOIES DE RECOURS CONTENTIEUX OFFERTES AUX INTÉRESSÉS 15

1. Les actions civiles 15

a) L’action en nullité 15

b) L’action en responsabilité 16

2. Les autres voies de recours 16

a) L’engagement de la responsabilité pénale du dirigeant 16

b) Les voies d’exécution dérivées du droit boursier 17

III. —  DES EXCÈS APPELLANT UNE ÉVOLUTION DE LA LÉGISLATION 17

A. DES INDEMNITÉS DE PLUS EN PLUS DÉCONNECTÉES DE LEURS JUSTIFICATIONS INITIALES 18

1. Les origines du phénomène : le glissement d’une logique d’indemnisation vers une logique de rémunération 18

2. Des pratiques parfois contestables 19

B. LA NÉCESSAIRE RECHERCHE D’UN ÉQUILIBRE ENTRE MORALISATION DES PRATIQUES ET EFFICACITÉ 20

EXAMEN DE L’ARTICLE 25

Article 7 (art. L. 225-42-1, L. 225-22-1, L. 225-90-1, L. 225-79-1 du code de commerce) Assujettissement des éléments de rémunération différée des dirigeants d’entreprises cotées à des critères de performance sous le contrôle des organes sociaux 25

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 35

ANNEXE 37

MESDAMES, MESSIEURS,

Le niveau de la rémunération des dirigeants d’entreprise est en débat depuis plusieurs décennies en France. La question a néanmoins pris une importance plus forte à mesure que le capitalisme est passé d’un stade patrimonial à un stade financier et mondialisé. Les critiques ont plus particulièrement ressurgi à l’occasion des différents retournements de conjoncture impliquant des baisses de valeurs boursières pour les actionnaires et des licenciements pour les salariés. Il est d’ailleurs symptomatique que l’expression de ces critiques ne se soit pas limitée à nos frontières mais qu’elle ait reçu un écho significatif jusque dans les pays considérés comme les plus libéraux, au premier rang desquels les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne.

Le Parlement français n’est pas resté passif dans ce débat. Dès le début de la XIIème législature, la commission des Lois de l’Assemblée nationale a entamé, à travers une mission d’information, une réflexion sur les adaptations du droit des sociétés. Ce travail a débouché, en 2003, sur la publication d’un rapport d’information faisant autorité sur la gouvernance d’entreprise en France (1) et évoquant notamment le sujet de la rémunération des dirigeants de sociétés.

Tout en dressant un certain nombre de constats qui apparaissent toujours d’actualité, les membres de la mission se sont refusés d’empiéter sur le caractère fondamentalement contractuel de la fixation des rémunérations des dirigeants d’entreprise, au motif qu’« un oukase, par définition vain, du type “les patrons sont trop payés” est aussi infondé et contre-productif qu’inefficace. Infondé et contre-productif parce que ce serait jeter l’opprobre sur tous, là où il faut mettre fin aux excès ponctuels ; inefficace car c’est au contrat qu’il revient de fixer le niveau des rémunérations des dirigeants » (2). Aujourd’hui encore, cette affirmation reste valable mais, alors que les autorités politiques et les organisations professionnelles du monde de l’entreprise ont constamment fait le pari que le renforcement de la transparence des émoluments des responsables de sociétés cotées permettrait de mettre un terme à des abus isolés, force est de reconnaître, à la lumière d’exemples récents ayant affecté là un grand groupe de travaux publics, là un grand groupe aéronautique, que cette conviction a fait long feu.

Il n’est d’ailleurs pas anodin que le Gouvernement présente, dès le début de la XIIIème législature, des mesures innovantes touchant à l’une des composantes emblématiques de la rémunération des dirigeants d’entreprise (les indemnités de départ, plus connues sous l’appellation, d’origine anglo-saxonne, de « parachutes dorés ») dans un projet de loi qui traite par ailleurs de la revalorisation du travail et du pouvoir d’achat des salariés les plus modestes. D’une certaine manière, l’ensemble des dispositions du texte poursuit un même but : réhabiliter l’effort, d’une part en récompensant financièrement ceux qui sont prêts à faire des heures supplémentaires et d’autre part en empêchant que des instruments juridiques destinés à indemniser les dirigeants méritants sur le départ soient détournés de leur objet et assurent à ceux qui ont failli à leur mission une rémunération considérable de plusieurs millions d’euros.

L’objectif du Président de la République et du Gouvernement, soutenus par leur majorité parlementaire, n’est pas de fustiger les dirigeants de grandes sociétés françaises, bien au contraire. À cet égard, il convient de rappeler qu’une étude comparative internationale conduite par le cabinet Hay group, en 2006, auprès de 2 987 patrons de quelque 350 groupes américains et européens réalisant un chiffre d’affaires entre 5 et 10 milliards d’euros (3), a démontré que les dirigeants sociaux français perçoivent des rémunérations se situant dans la moyenne européenne (2,8 millions d’euros par an, contre 2,75 millions pour leurs homologues européens et 4,16 millions pour les Américains).

En fait, l’ambition du projet de loi consiste à donner davantage de sens économique aux garanties consenties aux dirigeants sociaux les plus compétents en cas de licenciement sans préavis. Cette démarche est non seulement attendue par tous les salariés modestes qui, sans ménager leur peine, ne bénéficient pas d’avantages du même type, mais elle est également indispensable pour les bénéficiaires de parachutes dorés, sous peine de laisser certaines dérives priver inéluctablement ce dispositif de toute légitimité. Sur le fond, d’ailleurs, elle ne diverge pas fondamentalement des recommandations formulées en la matière par le mouvement des entreprises de France (MEDEF) et l’association française des entreprises privées (AFEP), en janvier 2007 (4).

Les organes sociaux des sociétés conserveront leurs prérogatives quant à la détermination de la nature et du montant des rémunérations accordées aux dirigeants embauchés. Le projet de loi ne vise pas à minimiser leur marge d’appréciation mais à renforcer le contrôle qu’ils exercent. En posant de nouveaux garde-fous, il confortera l’existence d’instruments utiles au développement de nos entreprises et, par là même, à celui de l’emploi et de notre économie.

Au regard de l’intérêt constant qu’elle a manifesté pour le droit des sociétés, en général, et la rémunération de leurs dirigeants, en particulier, la commission des Lois se devait de participer au débat parlementaire des dispositions du projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, relatives aux parachutes dorés. Elle s’est donc saisie pour avis, à cet effet, de l’article 7 du texte.

I. —  LES PARACHUTES DORÉS : INDEMNITÉ DE DÉPART OU RÉMUNÉRATION ?

En théorie, une indemnité peut être analysée comme un type ou un mode de rémunération ; elle est d’ailleurs qualifiée comme tel, ou plus précisément comme une « rémunération différée » ou une « rémunération exceptionnelle » par certains auteurs (5). Dans les pays de common law, rémunérations et indemnisation sont également traitées presque indistinctement, dans la catégorie des executives compensations, c’est-à-dire des rémunérations de dirigeants. Il reste que, en pratique, le parachute doré prend souvent la forme d’une clause spéciale stipulée dans le mandat social ou le contrat de travail du dirigeant, de sorte qu’elle est négociée de pair avec les rémunérations et préalablement à tout préjudice éventuel. Dès lors, la frontière entre parachute doré et rémunération n’est pas si imperméable que certaines considérations de principe ou juridiques le laissent entendre.

A. UN RÉGIME JURIDIQUE ASSEZ COMPLEXE MAIS PLUTÔT HOMOGÈNE DANS SES CONSÉQUENCES

Donner une définition précise et rigoureuse du parachute doré, terme métaphorique qui n’est nulle part consacré en droit (6), n’apparaît pas évident. La raison tient à la dualité de nature du procédé : indemnité compensatoire d’une éviction, elle prend aussi la forme d’une rémunération dès lors qu’elle est versée. En outre, il arrive qu’elle soit accordée dans des cas où la révocation du dirigeant ne constitue pas réellement une sanction mais correspond à la volonté de celui-ci, s’apparentant ainsi davantage à une libéralité qu’à une indemnité.

On observera toutefois que, sur le fond, l’indemnité vise toujours à sanctionner une inexécution contractuelle et à compenser un préjudice, alors que la rémunération se rattache systématiquement à un travail rétribué dont elle est la contrepartie indissociable. Ce faisant, comme le conclut une récente étude très détaillée de Me El Ahdab sur la question : « le parachute doré peut être qualifié d’indemnité conventionnelle d’éviction – ou de départ – consentie à un dirigeant social et/ou salarié, qui autrement n’aurait pas légalement droit à cette compensation spécifique, versée au titre de la cessation de ses fonctions et dans l’objectif d’aménager les conséquences financières de ce départ » (7). Telle semble être également l’interprétation dominante des textes en vigueur par la doctrine et la jurisprudence, le régime juridique des parachutes dorés les dissociant des rémunérations normales des dirigeants d’entreprise.

1. Les engagements indemnitaires pris dans le cadre du mandat social

Aux termes des articles L. 225-47, L. 225-53 et L. 225-63 du code de commerce, les présidents du conseil d’administration ou de surveillance, les directeurs généraux et les directeurs généraux délégués bénéficient, au titre de leur mandat, d’une rémunération déterminée collégialement et formellement par le conseil d’administration. Cependant, la jurisprudence considère que toutes les sommes qui leur sont versées ne constituent pas systématiquement des rémunérations au sens des articles susmentionnés, en particulier les sommes versées de manière exceptionnelle comme les indemnités de départ.

Selon la Cour de cassation, l’allocation d’une indemnité exceptionnelle à un dirigeant au moment de la cessation de ses activités est possible et relève du régime des conventions réglementées, défini à l’article L. 225-38 du code de commerce pour les sociétés anonymes à conseil d’administration (8) et à l’article L. 225-86 du même code pour les sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance. Ce faisant, elle doit être soumise à l’approbation préalable du conseil d’administration ou de surveillance, qui statue sans que l’intéressé puisse prendre part au vote. Une fois la décision du conseil prise, son président en avise le commissaire aux comptes pour qu’il rédige un rapport spécial remis à l’assemblée générale des actionnaires, chargée de ratifier ou non la convention, aux termes des articles L. 225-40 et L. 225-88 du code de commerce. La faute résultant de l’inobservation des dispositions des articles L. 225-38 et L. 225-86 ne peut être imputée qu’au président du conseil d’administration ou de surveillance, responsable civilement du respect de la procédure.

La jurisprudence considère en revanche que l’octroi au président du conseil d’administration d’un complément de retraite (parfois appelé « retraite chapeau ») entre dans le champ de la rémunération prévue aux articles L. 225-47 et L. 225-63, à la condition toutefois que l’avantage ainsi consenti demeure proportionné aux services rendus par le dirigeant et ne constitue pas une charge excessive pour l’entreprise (9).

2. Les engagements indemnitaires pris dans le cadre d’un contrat de travail

L’article L. 225-22 du code de commerce encadre strictement la possibilité pour un administrateur de société de cumuler son mandat social avec un contrat de travail lui offrant certaines garanties juridiques. La raison en est qu’il ne peut légalement être à la fois employeur et employé de la société.

Si le code de commerce est moins explicite pour les autres catégories de mandataires sociaux, la jurisprudence a progressivement précisé le régime qui leur est applicable, lequel ne diffère que sur certains aspects relativement marginaux.

Parmi les conditions fixées, il convient plus particulièrement de souligner que les fonctions doivent correspondre à des tâches distinctes et que le contrat de travail est censé porter sur un emploi effectif au sens du code du travail, ce qui suppose un lien de subordination à l’égard de l’employeur. S’agissant du lien de subordination, la jurisprudence se montre attentive et tient compte du pourcentage éventuel de participation dans le capital social. La conclusion d’un contrat de travail antérieur à la prise de fonctions n’est pas soumise au régime des conventions réglementées mais, en revanche, toute conclusion ou toute modification ultérieure l’est.

Dès lors qu’il est valable, le contrat de travail du dirigeant peut comporter une clause d’indemnité en cas de départ. Tribunaux (10) et auteurs (11) semblent aujourd’hui converger pour exclure la qualification de salaire et ne s’attacher qu’au caractère indemnitaire des sommes ainsi prévues. La clause indemnitaire est parfois assimilée par les juges à une clause pénale, dans la mesure où il est question de verser une somme d’argent forfaitaire à la suite de l’inexécution par l’une des parties de ses obligations contractuelles : en l’occurrence, la rupture par l’employeur du contrat de travail qui tombe avec le mandat social. La Cour de cassation souligne en effet que « l’indemnité de licenciement, lorsqu’elle est prévue par le contrat de travail, a le caractère d’une clause pénale qui peut être réduite par le juge si elle présente un caractère manifestement excessif » (12). Selon l’article 1152 du code civil, la clause pénale est révisable par le juge si celui-ci l’estime manifestement excessive (notamment lorsque la société se trouve sous le coup d’une liquidation judiciaire) ou dérisoire (par rapport au préjudice réellement subi). L’indemnité est alors acquise, mais son montant devient incertain.

Il reste que cette assimilation des clauses indemnitaires à des clauses pénales n’est pas systématique (13). Le juge s’interdit alors de modifier le montant des sommes prévues.

Dans tous les cas, néanmoins, la jurisprudence sociale apparaît davantage favorable aux indemnités transactionnelles, c’est-à-dire conclues concomitamment ou après la rupture du contrat de travail, qu’aux clauses de parachutes dorés conclues a priori dans le contrat de travail. En outre, en cas d’absorption ou de cession de la société, la nouvelle personne physique ou morale propriétaire se trouve toujours liée par le contrat de travail prévoyant une indemnité de départ (14). Les intérêts de ce dispositif pour les dirigeants sociaux ne sont donc pas négligeables.

B. DES MODALITÉS DIVERSES

L’octroi d’indemnités de départ à des dirigeants d’entreprise peut revêtir une grande variété de formes. Toutes poursuivent néanmoins un même objectif : fournir au bénéficiaire un dédommagement financier en contrepartie de la perte de ses fonctions. Cette diversité se manifeste aussi bien au niveau des modalités retenues qu’au moment de l’engagement.

1. Une indemnité négociée a priori ou en cours de mandat social

En effet, si le parachute doré est le plus souvent négocié et décidé dès la nomination du dirigeant, rien n’interdit qu’il le soit également au moment de son départ (forcé ou volontaire), comme l’a illustré à sa façon le cas de M. Jean-Marie Messier, qui écrivait pourtant deux ans auparavant : « Les indemnités spéciales
– ces golden parachutes qui défraient la chronique – ne se justifient (…) pas. Mon contrat ne prévoit aucune clause de ce genre. Et je m’engage vis-à-vis de mon conseil d’administration à ne jamais en négocier
 » 
(15).

À l’été 2002, ce dernier tenta de monnayer son départ de la tête du groupe Vivendi Universal en échange d’une indemnité de 20,5 millions d’euros. Cette somme fut contestée par le conseil d’administration au motif qu’il ne l’avait pas formellement approuvée (conformément aux prescriptions du code de commerce sur les conventions réglementées), mais confirmée par un tribunal arbitral siégeant à New York (16) puis par un arrêt de la Cour suprême de l’État (17).

En décembre 2003, la Security Exchange Commission américaine exigea néanmoins le gel puis l’abandon du versement de ce montant à l’intéressé en raison de ses soupçons sur l’insincérité des informations financières divulguées par la société entre 2000 et 2002, le Sarbanes-Oxley Act interdisant le versement de toute indemnité spéciale aux dirigeants sociaux en pareil cas. Il n’en demeure pas moins, nonobstant l’issue de cette affaire, que la possibilité de négocier une indemnité de départ quelques jours avant la fin du mandat du dirigeant n’a jamais été contestée.

2. Une pluralité de formes juridiques

L’attribution d’un parachute doré peut être accordée au titre d’une convention, c’est-à-dire d’un contrat, mais aussi au titre d’une résolution sociale de l’organe compétent, généralement le conseil d’administration (18). Dans l’hypothèse conventionnelle, de loin la plus fréquente, il convient de distinguer le cas de la convention ad hoc, ayant spécialement pour objet de dédommager le dirigeant déchu, de celui d’une clause d’indemnisation incidente au contrat de travail (cas évoqué précédemment) ou à un autre contrat au bénéfice du dirigeant concerné (régime des conventions réglementées des articles L. 225-38 et L. 225-86 du code de commerce) (19).

Au-delà de la variété des techniques juridiques employées, le contenu de l’indemnité diffère sensiblement selon les cas et les sociétés. Il est néanmoins possible d’identifier quatre grandes catégories de parachutes dorés, qui peuvent d’ailleurs fort bien s’articuler les unes aux autres :

– premièrement, les conventions ou décisions prévoyant le versement pur et simple d’une indemnité forfaitaire en cas de cessation des fonctions du dirigeant (20), cette indemnité étant calculée sur la base d’un nombre d’années de salaire. Il s’agit là du cas le plus fréquent ;

– deuxièmement, les conventions dans lesquelles celui qui met fin aux fonctions du dirigeant bénéficiaire s’engage à lui racheter ses actions à un prix déterminé (21), souvent supérieur à leur valeur vénale. Cette technique combine parfois indemnité de départ et levée d’options de souscription ou d’achat d’actions ;

– troisièmement, les conventions ou résolutions prévoyant le versement au dirigeant renvoyé d’une pension complémentaire de retraite, le plus souvent par anticipation de son arrivée à l’âge normal de la retraite (22) ;

– enfin, les engagements conventionnels octroyant des avantages matériels ou en nature au dirigeant limogé. Cette catégorie est le plus souvent un complément des précédentes.

Au total, il apparaît assez clairement que derrière le vocable de « parachutes dorés » se cache une réalité complexe, évolutive et multiforme. Dans de telles conditions, il n’est guère étonnant que le code de commerce se réfère, à ses articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1, aux « engagements pris au bénéfice » des dirigeants sociaux « correspondant à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d’être dus » à raison de la cessation ou du changement de leurs fonctions pour régir la totalité de ce type d’avantages.

II. —  UN PROCÉDÉ DÉJÀ ENCADRÉ

Contrairement à certaines idées reçues, l’attribution d’indemnités de départ à des dirigeants d’entreprise ne s’effectue pas dans un no man’s land juridique. Tant le code de commerce que la jurisprudence ont jalonné le procédé de garanties qui, si elles sont parfois considérées comme lacunaires par l’opinion publique, n’en demeurent pas moins suffisamment importantes pour avoir incité certains juristes à se demander si les parachutes étaient réellement en or ou plutôt en papier (23).

A. LES LIMITES POSÉES PAR LA JURISPRUDENCE

Interprète de la loi, le juge est également producteur de droit dans le silence de cette dernière. Or, dans un domaine aussi spécifique que celui des indemnités de départ accordées aux dirigeants d’entreprise, une part significative du cadre juridique en vigueur est l’œuvre de la jurisprudence.

1. Le problème de la validité des indemnités de départ au regard du principe de libre révocation des dirigeants

La validité – parfois même le principe – des parachutes dorés se heurte aux règles du code de commerce régissant la révocation des dirigeants des sociétés anonymes. Ce faisant, le juge peut exercer un contrôle attentif des conditions dans lesquelles de telles indemnités sont consenties.

a) Parachutes dorés et révocation ad nutum du président du conseil d’administration et des administrateurs

Les articles L. 225-47 et L. 225-18 du code de commerce disposent que le président du conseil d’administration ainsi que les administrateurs sont révocables ad nutum (24), c’est-à-dire à tout moment, sans préavis, sans motif et sans indemnité. Le premier est révocable par le conseil d’administration, tandis que les seconds le sont par l’assemblée générale ordinaire des actionnaires.

Il convient de souligner que les membres du conseil de surveillance de la société anonyme de type dualiste n’échappent pas à la règle, en vertu de l’article L. 225-75, alinéa 2, du code de commerce.

Ce principe étant d’ordre public, toute disposition contraire est réputée non écrite. Le juge a donc été appelé à indiquer si une convention stipulant une indemnité au bénéfice de dirigeants sociaux en cas de départ volontaire ou forcé était admissible ou non. En fait, la jurisprudence a mis en exergue que la loi ne prohibe pas tant l’indemnité elle-même que l’atteinte qu’elle porte ou qu’elle est susceptible de porter à la liberté pour la société de révoquer certains de ses dirigeants (25). Pour être annulée, une clause indemnitaire doit en fait présenter un caractère financièrement dissuasif (26) et lier les personnes à même de peser sur le processus de révocation. La Cour de cassation a d’ailleurs eu l’occasion d’indiquer qu’« il importe peu que la charge financière de l’indemnisation incombe à la société ou aux actionnaires majoritaires [ou au conseil d’administration] : ce qui compte, c’est que cette charge incitera ceux qui détiennent le contrôle de la société à ne pas procéder à la révocation en raison des incidences financières qu’elle aura pour eux directement [s’ils supportent l’indemnisation] ou indirectement [si celle-ci incombe à la société] » (27).

À cet égard, le droit français n’est pas sans rappeler les principes sous-jacents au droit britannique qui, tout en posant la règle de la libre révocabilité des dirigeants (28), n’interdit pas la possibilité d’accorder une compensation au révoqué, sous réserve toutefois que l’assemblée générale des actionnaires peut adopter une résolution consultative sur la question (29). À noter également que les chefs d’entreprise britanniques sont débiteurs de nombreuses et lourdes obligations d’information, notamment pour ce qui concerne l’octroi de parachutes dorés dans le cadre d’offres publiques d’achat. Enfin, le droit commun des contrats prohibe un certain nombre de clauses pénales, conclues in terrorem, c’est-à-dire dans un but uniquement dissuasif et présentant un caractère exorbitant, ce qui n’est pas sans rappeler les solutions de la jurisprudence française.

Le droit américain, pour sa part, apparaît beaucoup plus souple que le droit français. D’inspiration essentiellement jurisprudentielle, les limites encadrant l’octroi de parachutes dorés découlent du devoir de loyauté inhérent aux obligations fiduciaires des dirigeants. En fait, l’octroi de parachutes en or bénéficie par principe de la règle prétorienne de présomption favorable, issue du business judgement rule. En pratique, cela signifie que c’est au contestataire qu’il appartient de rapporter la preuve que le conseil d’administration ou tout autre organe compétent était gravement mal informé lors de la fixation des indemnités ou que celles-ci constituent une dilapidation des actifs sociaux. Or, les juges américains restent très circonspects devant les litiges qui leurs sont soumis, même lorsque les indemnités peuvent paraître excessives, au motif que leur « déférence vis-à-vis des décisions prises par les administrateurs est particulièrement prononcée en matière de rémunération des dirigeants » (30), lesquels sont supposés être suffisamment et raisonnablement informés sur la nature et le montant des indemnités qui leur sont versées.

b) Le cas du directeur général, des directeurs généraux délégués et des membres du directoire

La situation du directeur général, des directeurs généraux délégués et des membres du directoire diffère sensiblement de celle du président du conseil d’administration et des administrateurs dans la mesure où la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, sur les nouvelles régulations économiques, a posé le principe d’un droit au versement d’indemnités en l’absence de juste motif (articles L. 225-55 et L. 225-61 du code de commerce). Comme le souligne Me Laouenan, dans une étude relative aux parachutes dorés dans les sociétés anonymes : « En raisonnant a fortiori de la jurisprudence développée relativement aux révocations ad nutum, il faut conclure que la mise en place d’un golden parachute au profit des directeurs généraux et des membres du directoire ne froisse pas directement les dispositions impératives de la loi » (31).

Pour autant, l’octroi de ce type d’avantages au directeur général, aux directeurs généraux délégués et aux membres du directoire n’est pas sans susciter quelques interrogations quant à sa validité. En effet, la jurisprudence a clairement précisé, en 2001, qu’« Est nulle toute convention qui a pour objet ou pour effet de restreindre ou d’entraver la révocation du président du directoire d’une société anonyme, compte tenu des conséquences financières importantes que sa révocation pourrait entraîner pour la société » (32). A contrario, cette décision, comme celle rendue par la même juridiction, le 31 mai 2002, semble admettre la validité des conventions qui stipulent une indemnité de départ dès lors que son versement n’est pas susceptible de dissuader la société de procéder à la révocation de son dirigeant. Là encore, comme pour le président du conseil d’administration et les administrateurs, il est donc nécessaire que le versement de l’indemnité prévue n’entraîne pas de conséquences financières importantes pour la société.

2. La compatibilité avec l’intérêt social de l’entreprise

Le juge examine parfois la validité des parachutes dorés qui sont contestés devant lui à l’aune d’autres critères. Il en est un qui transparaît également dans les droits britannique et américain (à travers les devoirs fiduciaires des dirigeants) : l’intérêt social.

Ce constat repose plus particulièrement sur un arrêt rendu en 1989 par la Cour de cassation, à propos d’une convention d’indemnisation prévoyant un rachat d’actions. En l’espèce, la Cour a validé cette convention parce que la société « avait agi dans son propre intérêt, puisqu’elle obligeait son dirigeant social à s’intéresser au développement de la société, qu’elle lui permettait de l’éloigner le jour où il cesserait ses fonctions pour quelque cause que ce soit et qu’elle l’empêchait de céder ses actions à un tiers » (33). D’autres décisions sont venues, depuis, étayer cette logique (34).

Par l’intermédiaire du critère de l’intérêt social, le juge a indirectement rétabli dans son raisonnement les idées de mérite et de contrepartie aux services rendus. Cette démarche n’apparaît pas en soi surprenante, tant les aspects indemnitaires et rémunératoires des parachutes dorés sont, dans les faits, liés.

Mais, bien qu’il soit intéressant, ce critère permettant de fixer des limites à la pratique engendre des incertitudes. L’intérêt social, de l’aveu même de la doctrine, est un concept aux contours difficiles à cerner, « forgé par la jurisprudence au gré des besoins » (35), ce qui explique sa malléabilité, pour ne pas dire une certaine forme d’ambiguïté. Il en résulte, par conséquent, une relative imprévisibilité pour les justiciables.

B. LES VOIES DE RECOURS CONTENTIEUX OFFERTES AUX INTÉRESSÉS

Il existe des moyens de recours permettant de contester des clauses de parachutes dorés, de sorte que les cas sujets à caution sont susceptibles d’être examinés puis tranchés par la justice. Deux actions civiles, notamment, peuvent être mises en œuvre : l’action en nullité, la plus radicale dans ses effets, ainsi que l’action en responsabilité. Certaines actions pénales sont aussi envisageables, de même que des voies d’exécution du droit boursier.

1. Les actions civiles

Les sanctions civiles demeurent très utiles en droit commercial. Depuis la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, de sécurité financière, leur champ a d’ailleurs été sensiblement élargi.

a) L’action en nullité

Le cadre processuel le plus adéquat reste le non respect de la procédure des conventions réglementées, laquelle a été décrite précédemment. La difficulté et l’aléa de l’action en nullité résident dans le fait que la sanction n’est pas automatique puisque les conventions litigieuses ne peuvent être annulées que si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société (article L 225-42 du code de commerce), ce qui, sur le terrain de la preuve, contraint le requérant à établir ce critère à partir d’éléments aussi subtils que la présence d’une contrepartie (même non matérielle) ou d’un déséquilibre (manifeste).

En tout état de cause, le seul fait pour la société de devoir verser une indemnité de départ au dirigeant révoqué ou de ne pas respecter la procédure des conventions réglementées ne semble pas en soi constitutif d’un dommage (36). De même, une charge financière importante ne recoupe pas nécessairement les conséquences dommageables exigées par le code de commerce pour obtenir la nullité.

L’action en nullité peut être mise en œuvre par un actionnaire se prévalant d’un intérêt légitime (quand bien même il ne revêtait pas cette qualité au moment de la signature de la convention contestée (37)), dès lors que la procédure s’appuie sur une disposition impérative du code de commerce (nullité absolue). En revanche, lorsque l’action vise le non respect de la procédure des conventions réglementées (nullité relative), seule la société est recevable à agir. Enfin, le délai de prescription triennale ne commence à courir qu’à compter de la révélation des indemnités de départ, ce qui apparaît fort logique dans la mesure où elles sont consenties le plus souvent dans une grande confidentialité.

b) L’action en responsabilité

Une autre voie de recours réside dans l’action en responsabilité intentée contre les dirigeants qui ont bénéficié d’une indemnité de départ ou qui l’ont octroyé. En application de l’article L. 225-35 du code de commerce, le fait pour le président du conseil d’administration ou le directeur général de ne pas porter à la connaissance de chaque administrateur les informations relatives aux parachutes octroyés est susceptible de constituer un fait générateur de responsabilité civile. Plus spécifiquement encore, les articles L. 225-40 et L. 225-88 du code de commerce obligent les dirigeants bénéficiaires d’indemnités à en informer le conseil d’administration ou de surveillance, tandis que les articles L. 225-41 et L. 225-90 du même code mettent expressément, mais de manière éventuelle, à la charge des intéressés les conséquences préjudiciables à la société. Du côté des dirigeants ayant consenti les parachutes contestés, une attitude passive de leur part alors même qu’ils sont informés ou censés l’être peut engager solidairement leur responsabilité. De même, les articles L. 225-41 et L. 225-90 leur imputent, à titre subsidiaire, les conséquences dommageables de la convention désapprouvée par l’assemblée générale dans le cadre de la procédure des conventions réglementées.

L’action sociale est le cadre fondamental de la mise en cause de la responsabilité d’un dirigeant en raison du préjudice affectant le patrimoine social, du fait du versement d’un parachute doré. Soumise à la prescription triennale, elle peut être exercée au nom de la société soit par les dirigeants non sortants ou non impliqués contre le bénéficiaire du parachute, soit par un actionnaire agissant individuellement ou, ut singuli, par un groupe d’actionnaires représentant au moins le cinquième du capital social. Il convient de souligner que le quitus donné par l’assemblée générale au dirigeant révoqué ne saurait empêcher la mise en jeu ultérieure et éventuelle de sa responsabilité pour faute commise (notamment pour avoir accepté une indemnité de départ qu’il savait contraire à l’intérêt de la société), alors qu’il se trouvait en exercice.

2. Les autres voies de recours

Malgré la dépénalisation de plusieurs pans du droit commercial, l’engagement de la responsabilité pénale du dirigeant bénéficiaire d’une indemnité reste aujourd’hui envisageable. Néanmoins, c’est dans le domaine des voies d’action issues du droit boursier que les mises en cause semblent les plus probables.

a) L’engagement de la responsabilité pénale du dirigeant

La mise en jeu de la responsabilité pénale du dirigeant bénéficiaire d’un golden parachute ne peut être exclue dès lors que celui-ci s’est fait octroyer, sur les deniers de la société, une indemnité d’un montant qu’il savait déraisonnable et contraire à l’intérêt social, à des fins d’enrichissement personnel, grâce à un usage, de mauvaise foi, des pouvoirs ou des voix dont il disposait.

Dans le cas d’une indemnité conventionnelle de départ relevant du régime des conventions réglementées, par exemple, le non-respect de la procédure des articles L. 225-38 et suivants ou L. 225-86 et suivants du code de commerce est ainsi susceptible de conduire le juge à conclure à l’existence d’indices constitutifs d’un abus de bien social ; inversement, le respect de la procédure des conventions réglementées ne prémunit aucunement un bénéficiaire de parachute doré contre une qualification d’abus de bien social, dès lors que la convention s’avère préjudiciable et contraire à l’intérêt social (38).

Les peines encourues (emprisonnement de 5 ans et 375 000 euros d’amende) ne sont pas négligeables, mais leur application reste assez théorique.

b) Les voies d’exécution dérivées du droit boursier

Les sociétés cotées qui auraient versé des indemnités excessives alors que leur situation financière ne le leur permettait pas ou qu’elle n’aurait pas été fidèlement présentée aux marchés, se trouvent exposées à des sanctions des autorités de régulation financière (l’autorité des marchés financiers-AMF, notamment). Ces dernières peuvent intervenir sur le plan judiciaire et demander une saisie conservatoire ou une mise sous séquestre de fonds, valeurs, titres ou droits appartenant aux personnes mises en cause, en vertu de l’article L. 621-13 du code monétaire et financier.

De telles mesures, initiées par les autorités financières et consacrées judiciairement par l’affaire « Messier contre Vivendi Universal », en France comme aux États-Unis d’ailleurs, montrent « que les conventions d’indemnisation, à l’image des pactes d’actionnaires et des rémunérations des dirigeants sociaux, échappent de moins en moins au contrôle effectif de la part des autorités publiques, dès lors que les montants en jeu constituent un danger pour l’épargne publique en général et pour le patrimoine des actionnaires et investisseurs des sociétés concernées » (39).

III. —  DES EXCÈS APPELANT UNE ÉVOLUTION DE LA LÉGISLATION

La question de l’attribution d’indemnités de départ aux dirigeants d’entreprise a pris une acuité nouvelle à l’occasion de la révélation d’un certain nombre de cas dans lesquels des mandataires sociaux avaient bénéficié de sommes importantes en dépit de résultats de gestion critiqués, ne serait-ce que par la bourse. Indépendamment du montant des indemnités versées, dont la presse se fait régulièrement l’écho sans nécessairement le mettre en perspective avec les gains réalisés par la société grâce aux dirigeants sur le départ et qui relève fondamentalement d’une négociation contractuelle interne à l’entreprise, on constate que la pratique des parachutes dorés s’est peu à peu muée en rémunération complémentaire sans pour autant être conditionnée à des obligations de résultat. Cette situation n’est pas satisfaisante et justifie un aménagement des règles en vigueur.

A. DES INDEMNITÉS DE PLUS EN PLUS DÉCONNECTÉES DE LEURS JUSTIFICATIONS INITIALES

Initialement justifiées par la volonté de compenser le préjudice des dirigeants révoqués n’ayant pas droit à des indemnités de licenciement en application du principe de révocation ad nutum, les indemnités de départ se sont progressivement généralisées, devenant ainsi, dans la plupart des cas, une rémunération différée négociée au même titre que les autres émoluments. Or, dans le même temps, le versement de ces indemnités n’a pas pour autant été conditionné à des critères de réussite, donnant le sentiment que le mécanisme des golden parachutes s’apparente à une forme de récompense de l’échec.

1. Les origines du phénomène : le glissement d’une logique d’indemnisation vers une logique de rémunération

Traduction littérale de l’expression anglo-saxonne de « golden handshakes », les parachutes dorés sont apparus aux États-Unis, où ils ont connu un essor significatif et une vulgarisation importante au début des années 1980. Dans un contexte de crise économique consécutif au second choc pétrolier de 1979, les sociétés multinationales éprouvant de fortes difficultés de gestion se sont mises à la recherche de dirigeants capables de redresser leur situation industrielle et financière par de drastiques restructurations. Les risques étant à la hauteur des responsabilités exercées, il est apparu nécessaire de susciter des vocations en instituant une garantie financière forfaitaire équivalente à une ou plusieurs années de salaire en cas de limogeage.

Le montant de ces indemnités a considérablement augmenté sous le double effet, d’une part, de la concurrence entre entreprises pour attirer les meilleurs gestionnaires et, d’autre part, des mouvements de fusion-acquisition qui ont émaillé les deux dernières décennies, le parachute devenant un argument très efficace des sociétés prédatrices à l’égard du management des sociétés cibles (40).

Peu à peu, les sociétés européennes ont, elles aussi, eu recours à ce procédé, leurs dirigeants prétextant l’existence d’un marché international du recrutement de gestionnaires d’entreprise pour exiger des avantages similaires à leurs homologues américains. S’il est permis de douter de la pertinence d’un tel argument, il faut bien reconnaître que la relative précarité de la situation de dirigeants de sociétés révocables à tout moment par leur conseil d’administration ou de surveillance, sans préavis ni motif, avait de quoi les inciter à reproduire le schéma américain. Depuis dix ans, les indemnités de départ se sont ainsi généralisées, y compris en période de reprise économique.

Devenues aujourd’hui une composante à part entière de la part variable de la rémunération des dirigeants, ces indemnités ont atteint une proportion plus que significative des salaires de base, à en juger par l’étude du cabinet Hay Group, précédemment citée. Pour mémoire, on rappellera que, selon la même étude, l’augmentation médiane des salaires de base des dirigeants de société est restée plutôt modérée, de l’ordre de 3,5 %, entre mai 2005 et mai 2006.

LE MONTANT DES INDEMNITÉS DE DÉPART DES DIRIGEANTS D’ENTREPRISE
AUX ÉTATS-UNIS ET DANS LES PRINCIPAUX PAYS EUROPÉENS EN 2006

(en % de la rémunération de référence)

États-Unis

200 à 300 % de la rémunération en espèces dans la moitié des cas ;
100 % de la rémunération en espèces dans la moitié des cas

Allemagne

250 % du salaire de base

France

200 % de la rémunération en espèces

Pays-Bas

100 % à 200 % du salaire de base

Royaume-Uni

100 % de la rémunération en espèces

Source : Hay Group, étude publiée dans le quotidien La Tribune, le 12 juin 2007, p. 34 et 35.

Compte tenu des prudences méthodologiques qui doivent entourer ce genre d’études comparatives, par définition non exhaustives, il ressort de cette comparaison que les pratiques en matière de définition du montant des indemnités de départ versées aux dirigeants sociaux sont relativement similaires au sein des pays développés – à l’exception peut-être du Royaume-Uni –, ce qui n’est pas très étonnant dans un contexte d’économie fortement internationalisée et ouverte, où l’information est de plus en plus accessible rapidement. L’importance des sommes allouées est incontestable mais elle ne constitue pas le problème principal ; la véritable question concerne plus particulièrement leur adéquation au bilan du dirigeant révoqué.

2. Des pratiques parfois contestables

L’absence de lien systématique entre le versement d’une rémunération différée substantielle, au moment du départ d’un dirigeant de société et les performances que celui-ci a pu réaliser, a de quoi choquer. Car, fondamentalement, les dirigeants d’entreprise sont des gestionnaires, recrutés pour développer la société et valoriser sa valeur boursière.

L’exemple le plus caricatural est sans doute fourni par l’ancien président directeur général du groupe World Com qui, malgré la faillite de sa société, s’est vu accorder en 2002 le remboursement d’un prêt de 400 millions de dollars ainsi que des indemnités annuelles avoisinant 1,5 million de dollars. A moindre échelle, de telles pratiques ont parfois pu être mises en œuvre en France sans déroger aux obligations légales, ce qui souligne, à l’heure où la gouvernance ne se réduit plus à un vague concept, les carences de notre législation auxquelles le projet de loi se propose de mettre un terme.

Il n’est effectivement pas satisfaisant que, le plus légalement du monde, un président de conseil d’administration renvoyé, notamment parce qu’il n’a pas réussi à garantir la mise au point dans les délais prévus du produit phare de l’une de ses filiales les plus importantes, puisse toucher 8,5 millions d’euros au moment même où les difficultés industrielles et commerciales qu’il n’a pu ni empêcher, ni prévenir conduisent le groupe aéronautique qu’il dirigeait à licencier près de 10 000 personnes. Et ce cas n’est malheureusement pas isolé, si l’on en croit les récentes révélations concernant cet autre ancien président directeur général qui, à la suite de la fusion avec un rival américain de son groupe d’équipements de télécommunications, a perçu 5,7 millions d’euros alors que le cours du titre de sa société a perdu 30 % de sa valeur sous sa présidence.

Certes, il existe aussi des contre-exemples, à l’image de M. Pierre Bilger, ancien président directeur général d’Alstom qui, en 2003, renonça à un parachute doré de 4,1 millions d’euros en raison des difficultés de son entreprise. Néanmoins, ils sont minoritaires. A partir du moment où la pratique des parachutes dorés s’est, dans les faits, transformée en véritable politique de rémunération, il convient d’en tirer les conséquences sur le plan juridique. L’introduction de conditions de performance dans le mécanisme va dans ce sens.

B. LA NÉCESSAIRE RECHERCHE D’UN ÉQUILIBRE ENTRE MORALISATION DES PRATIQUES ET EFFICACITÉ

Les attributions de parachutes dorés suscitent le débat. Elles ont, logiquement, figuré parmi les sujets abordés pendant les campagnes électorales de ces derniers mois.

L’idée d’une suppression pure et simple du mécanisme a pu être évoquée. Certains dirigeants de grandes sociétés, à l’instar de M. Henri de Castries, président directeur général d’Axa, ont d’ailleurs eux-mêmes plaidé pour une décision de ce type. Un tel choix se serait néanmoins heurté à de sérieux problèmes juridiques, la nullité de telles clauses contractuelles de rémunération
– relevant d’abord du consentement des parties – ne pouvant être posée de manière absolue. Il aurait sans doute également rencontré quelques limites quant à son effectivité, du fait de l’internationalisation de nombreuses sociétés visées.

Le Président de la République et le Gouvernement ont donc privilégié le réalisme et l’efficacité en décidant d’aménager le cadre juridique existant en France. La réforme proposée porte plus particulièrement sur deux aspects fortement décriés :

– en premier lieu, la systématicité du gain réalisé par les bénéficiaires de parachutes dorés ou de rémunérations équivalentes, quels que soient leurs résultats de gestion. En l’espèce, le versement des indemnités se trouvera désormais subordonné à des conditions de performance fixées a priori par le conseil d’administration ou de surveillance, lequel en appréciera également la réalisation au moment du départ du dirigeant ;

– en second lieu, la faible transparence des attributions de golden parachutes. En la matière, la conclusion de clauses d’indemnités de départ se verra soumise à l’exigence d’une publicité plus précise et rapide.

Ces modifications de la législation apporteront des réponses pragmatiques et concrètes à des dérives regrettables. Le principe du versement d’indemnités de départ prendra davantage de sens économique, dans la mesure où seuls les dirigeants efficaces révoqués de manière impromptue ou à la suite d’une offre publique d’acquisition à laquelle ils étaient hostiles continueront à y avoir droit. De surcroît, il est probable que la transparence prévue amènera les protagonistes à observer une certaine mesure quant aux montants à percevoir.

Il reste que, pour être pleinement effectives, dans un contexte économique mondialisé, ces dispositions doivent trouver un écho chez les principaux partenaires économiques de la France. A cet égard, une initiative en vue d’une généralisation de ce régime à l’échelle de l’Europe, lors de la présidence française du Conseil de l’Union européenne au second semestre 2008, serait très certainement opportune.

*

* *

La Commission a examiné les dispositions de l’article 7 du projet de loi en faveur de l’emploi, du travail et du pouvoir d’achat au cours de sa séance du mercredi 4 juillet 2007. Après l’exposé du rapporteur pour avis, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

M. Alain Vidalies a tout d’abord rappelé que le Président de la République, alors candidat, avait jugé nécessaire, lors d’un discours à Agen et en réaction notamment à la situation du coprésident du conseil d’administration d’EADS, d’assimiler la pratique des parachutes dorés à une forme d’abus de bien social. Il s’est alors étonné de constater une légère distorsion entre cet objectif et les dispositions du projet de loi en faveur de l’emploi, du travail et du pouvoir d’achat. Il a ajouté que ce décalage était d’autant plus manifeste qu’une étude récente réalisée par le cabinet Hay Group faisait, selon un titre de La Tribune, des « patrons français » les « champions du parachute doré », confirmant ainsi la singularité de leur situation par rapport à leurs homologues européens.

Le projet de loi, loin de correspondre au slogan « travailler plus pour gagner plus », contribuera, avec le renforcement du bouclier fiscal, à permettre à ceux qui gagnent beaucoup de gagner encore plus sans travailler.

Pour répondre réellement à la problématique et pallier les insuffisances du texte proposé, M. Alain Vidalies a annoncé que le Groupe Socialiste, Républicain et Citoyen déposerait devant la commission saisie au fond des amendements qui imposeront une délibération fixant l’échelle des rémunérations au sein de l’entreprise et qui rendront obligatoire la publicité des termes de la convention de rémunération des dirigeants et leur transmission aux partenaires sociaux et pas seulement, comme cela est prévu dans le texte, la publicité de l’autorisation des parachutes dorés. Ce n’est qu’au prix de ces modifications que l’effet d’annonce pourra se transformer en réalité objective.

M. Jérôme Lambert a demandé de quelle manière le projet de loi empêcherait les dirigeants sociaux de percevoir des indemnités particulières par l’entremise de filiales de droit étranger. Il a craint que cet artifice ne puisse être évité et qu’en conséquence le texte soumis au Parlement ne reste lettre morte.

M. Serge Blisko, tout en relevant qu’il était toujours délicat de légiférer sous le coup des émotions suscitées dans l’opinion, a considéré qu’il était indispensable d’intervenir en la matière. Il s’est demandé si la prise en considération de la performance de l’entreprise, telle que proposée dans un amendement du rapporteur pour avis, pour accorder un parachute doré, pouvait, sans plus de précision, s’appliquer au cas récent d’Airbus, dont le dirigeant remercié avait touché une indemnité confortable alors que, presque dans le même temps, un plan massif de réduction des effectifs était annoncée.

Le rapporteur pour avis a apporté les éléments de réponse suivants :

– une interdiction pure et simple des parachutes dorés dans le code de commerce ne servirait à rien, dans la mesure où elle pourrait être contournée par le truchement de filiales de droit étranger, non concernées par la législation française. Le projet de loi tient compte de cette contrainte et apporte une réponse équilibrée, même s’il apparaît nécessaire de lancer, en complément, une réflexion au niveau communautaire en vue d’une harmonisation des pratiques en Europe ;

– il n’est pas certain que le législateur soit le plus à même de définir et de fixer a priori les critères de performance sur lesquels le bilan des bénéficiaires de parachutes dorés sera établi. En l’espèce, ce sont les conseils d’administration ou de surveillance qui apparaissent les mieux placés pour ce faire ;

– l’étude du cabinet Hay Group portait sur un panel de 3 000 dirigeants américains et européens. Sans information précise sur le nombre de chefs d’entreprises françaises sondés, il apparaît difficile de tirer des conclusions aussi définitives que celles d’un grand quotidien économique sur l’étendue et l’ampleur de la pratique des parachutes dorés en France. En outre, il est incontestable que les montants perçus aux États-Unis sont souvent – mais pas systématiquement – bien plus considérables qu’en France ;

– enfin, les actionnaires devraient être informés non seulement de l’autorisation de versement d’un parachute doré accordée par un conseil d’administration ou de surveillance, mais également de la nature des avantages consentis et de leur montant.

M. Arnaud Montebourg a souligné l’abîme qui s’est ouvert entre l’annonce de l’interdiction des parachutes dorés par le Président de la République, alors en campagne, et la grande plasticité des dispositions du présent projet de loi. Il a regretté que de véritables sanctions ne soient pas prévues en cas d’indemnités manifestement outrancières, avant de rappeler que les socialistes, soucieux de réguler les excès de l’économie, avaient proposé sous la précédente législature de confier à l’assemblée générale des actionnaires la définition de la nature de toutes les rémunérations directes et indirectes dans l’entreprise.

Il a fait observer qu’une telle pratique était en cours dans de nombreux pays voisins, où un véritable pacte économique et social est défini dans chaque unité productive, sans que, contrairement à ce que M. Pascal Clément, alors président de la commission des Lois, avait répondu à ces propositions, l’économie de ces pays ne s’en trouve ruinée. La modération salariale exigée des salariés ne devrait pas s’accompagner d’une immodération incontrôlée de la rémunération des dirigeants.

M. Bernard Carayon a relevé que les dispositions en cause ne posaient rien moins que la question de la moralisation de l’économie capitaliste, question à laquelle devait être apportée une réponse pragmatique et technique.

Une première réponse pourrait être transversale, fondée sur l’application de normes générales, sans distinction de secteur, auquel cas on risquerait de se trouver face à des règles rapidement dépassées par le jeu des négociations internationales. Une seconde réponse, plus adaptée, consisterait à confier à chaque assemblée générale d’actionnaires, entreprise par entreprise, le soin de définir des normes particulières, permettant de répondre aux spécificités de chaque secteur, la marge d’un point du secteur automobile ne pouvant être comparée aux quatorze points de marge enregistrés dans un secteur comme celui des cosmétiques.

Il a par ailleurs estimé que la nullité de plein droit constitue une sanction amplement suffisante et conforme aux règles du code de commerce.

Mme Arlette Grosskost a souhaité avoir des précisions sur le contenu du premier alinéa auquel renvoyaient les alinéas 6 et 13 de l’article 7 du projet de loi.

Après avoir rappelé les termes du 1er alinéa des articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce, le rapporteur pour avis a affirmé qu’il lui apparaissait spécieux d’attribuer au Président de la République la promesse de supprimer les parachutes dorés, alors qu’il s’était seulement offusqué que des dirigeants laissant leur entreprise dans une mauvaise situation puissent en bénéficier. De ce point de vue, le projet de loi est parfaitement conforme avec les propositions formulées pendant la campagne présidentielle : seuls les chefs d’entreprise ne remplissant pas des conditions de performance ne pourront se prévaloir de tels avantages, la sanction prévue étant la nullité absolue de toute indemnité consentie en violation de cette disposition.

Le rapporteur pour avis a également rappelé que l’assemblée générale des actionnaires se prononcera sur les conventions accordant des parachutes dorés, de sorte qu’elle sera appelée à exercer une surveillance étroite quant à son principe et à son contenu.

Il a enfin indiqué que les conditions de publicité de l’autorisation d’octroi et du versement d’un parachute doré seront fixées par décret en Conseil d’État, lequel pourra fort opportunément prévoir que les critères de performance arrêtés par le conseil d’administration ou de surveillance seront portés à la connaissance des actionnaires de manière à éclairer leur approbation sur les avantages consentis.

La Commission est alors passée à l’examen de l’article dont elle s’est saisie pour avis.

EXAMEN DE L’ARTICLE

Article 7

(art. L. 225-42-1, L. 225-22-1, L. 225-90-1, L. 225-79-1 du code de commerce)


Assujettissement des éléments de rémunération différée
des dirigeants d’entreprises cotées à des critères de performance
sous le contrôle des organes sociaux

Le présent article complète les dispositions introduites dans le code de commerce par la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005, de confiance et de modernisation de l’économie, relatives à la procédure et au régime juridique des conventions réglementées conclues entre un dirigeant de société anonyme et le conseil d’administration (paragraphe I de l’article) ou le directoire de celle-ci (paragraphe III), selon son caractère moniste ou dualiste. En l’état actuel des articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce, les engagements pris au bénéfice des différentes catégories de dirigeant – qu’il s’agisse, notamment, du président du conseil d’administration, du directeur général, des directeurs généraux délégués ou des membres du directoire –, dès lors qu’ils correspondent à des « éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d’être dus à raison de la cessation ou du changement de ces fonctions » – terminologie recouvrant expressément le cas des parachutes dorés mais pas seulement, puisque sont également concernés les compléments de retraite ou les avantages en nature tels que les voitures de fonction ou les secrétaires mises à disposition –, doivent être passés et approuvés selon un ensemble de prescriptions précises :

– tout d’abord, l’autorisation préalable du conseil d’administration ou de surveillance (articles L. 225-38 et L. 225-86 du code de commerce), ce qui implique la réunion et la consultation effective de ces organes sociaux ;

– ensuite, la ratification de cette autorisation par l’assemblée générale des actionnaires, après transmission d’un rapport spécial des commissaires aux comptes sur les conventions attributives des rémunérations, indemnités ou avantages en cause (articles L. 225-40 et L. 225-88 du code de commerce) ;

– enfin, l’absence de fraude et de conséquences dommageables pour la société (articles L. 225-41, L. 225-42, L. 225-89 et L. 225-90 du code de commerce), sous peine de nullité que seul un vote de l’assemblée générale des actionnaires peut couvrir.

a) L’amélioration des procédures existantes en matière de transparence

Force est de constater que les dispositions en vigueur, aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce, qui font pourtant intervenir les principaux rouages décisionnels à l’intérieur des sociétés anonymes, n’ont pas mis un terme définitif aux excès précédemment soulignés s’agissant des attributions de parachutes dorés. En cause, notamment, l’insuffisante information des actionnaires, qui n’ont pas toujours été avisés des montants nominativement accordés aux dirigeants et qui se sont ainsi prononcés davantage sur le principe d’une convention accordant des indemnités de départ que sur son contenu.

Le projet de loi tire les conséquences de ce constat, en jalonnant les formalités actuelles de nouvelles exigences touchant à la fois à la publicité ainsi qu’aux délais des décisions du conseil d’administration ou de surveillance et à la nature des éléments sur lesquels porte l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires.

Aux termes des dispositions envisagées, l’autorisation préalable par le conseil d’administration ou de surveillance d’une clause contractuelle portant indemnité de départ pour un dirigeant social devra être rendue publique. Les administrateurs ou les membres du conseil de surveillance engageront ainsi davantage leur crédibilité aux yeux de l’ensemble des actionnaires, sous réserve toutefois que les mesures réglementaires précisent expressément que les conditions de performance seront portées à la connaissance de ces derniers avant leur vote, et des marchés financiers. Les délais dans lesquels cette décision interviendra – question loin de rester anodine – seront fixés par décret en Conseil d’État. Par ailleurs, l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires concernera dorénavant chaque bénéficiaire, de manière individualisée et sous la forme d’une résolution spécifique : l’information s’en trouvera nécessairement plus détaillée, rendant le vote de l’assemblée générale mieux éclairé. Chaque renouvellement de mandat social sera, en outre, l’occasion de réitérer l’approbation de l’assemblée générale, ce qui garantira un contrôle régulier dans la durée.

b) La sujétion des parachutes dorés à des conditions de performance : une véritable innovation

L’absence de lien entre le versement des rémunérations complémentaires ou différées accordées aux dirigeants et la performance dont ces derniers pourraient se prévaloir pour en faire leur dû est une autre des grandes sources de dysfonctionnement mise en exergue à l’encontre des golden parachutes. Pourtant, sur le plan des principes, la raison d’être des primes de départ des dirigeants de société ne saurait être complètement dissociée des résultats du management : pour que de telles primes revêtent de manière incontestable le caractère indemnitaire et compensatoire d’un préjudice subi par le dirigeant évincé, il apparaît en effet indispensable que ce dernier n’ait pas causé lui-même, par des erreurs de gestion ou stratégiques, un handicap certain pour la société qui désire le renvoyer.

Comme l’a souligné une étude récente sur le sujet : « Le caractère controversé des parachutes dorés n’est en réalité que symptomatique d’une problématique rémunératoire plus large : celle de l’équilibre entre le salaire et la performance, c’est-à-dire en fin de compte celle de la légitimité des sommes qui sont payées, pour quelque titre que ce soit, aux dirigeants. (…) Tout ici est en fait affaire de proportion, de mérite et donc, au final, d’intérêt social, auquel le parachute doré, comme la rémunération d’ailleurs doit se conformer » (41). Dans leurs recommandations sur la rémunération des dirigeants mandataires sociaux de sociétés cotées, publiées en janvier 2007, le MEDEF et l’AFEP défendaient un point de vue relativement proche, en soulignant que : « Les règles de fixation de la partie variable doivent être cohérentes avec l’évaluation faite annuellement des performances des mandataires sociaux et avec la stratégie à moyen terme de l’entreprise » (42).

Fort de ce contexte, le projet de loi apporte plusieurs garde-fous pertinents contre tout dévoiement du procédé des indemnités de départ en « récompense de l’échec ».

Il prohibe, en premier lieu, aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce, tous les éléments de rémunération, les indemnités ou les avantages dus ou susceptibles d’être dus à raison de la cessation ou du changement de fonctions, qui ne seraient pas conditionnés par la réalisation de critères de performance par le bénéficiaire. La sanction des clauses qui violeraient cette interdiction réside explicitement dans leur nullité.

La soumission de l’attribution d’une indemnité de départ aux performances du bénéficiaire devra, en tout état de cause, faire l’objet de précisions dans les mesures réglementaires d’application. Faute de quoi il serait à craindre que ne soient recherchés seulement des résultats boursiers ou une rentabilité financière de court terme, qui assujettiraient davantage les dirigeants en exercice à des pressions aux licenciements. En outre, il ne saurait être question de ne prendre en considération que les performances du bénéficiaire (déjà prises en compte sur le plan financier par le système des bonus annuels), indépendamment de celles de la société. C’est toutefois aux conseils d’administration eux-mêmes qu’il appartient de déterminer quels seront, dans le détail, les critères à retenir.

Le texte précise, en deuxième lieu, qu’il appartient au conseil d’administration ou de surveillance de vérifier, le moment venu, que les conditions de performance initialement posées dans la convention passée avec le dirigeant bénéficiaire ont été remplies avant que ce dernier puisse obtenir le versement de ses indemnités de départ. Ce faisant, tout renvoi intempestif de dirigeant à la suite d’erreurs de gestion ou de mauvaises orientations stratégiques ne devrait plus être assorti de versements de sommes importantes, en total décalage avec la situation subie par la société.

Enfin, en troisième lieu, la décision du conseil d’administration ou de surveillance sera rendue publique selon des modalités précisées par décret en Conseil d’État, c’est-à-dire dans la partie réglementaire du code de commerce, récemment entrée en vigueur. Il s’agit là d’une garantie de transparence, à même de responsabiliser les membres du conseil d’administration ou de surveillance en les exposant, le cas échéant, à un contentieux de la part des actionnaires, sous réserve là aussi que les mesures réglementaires précisent expressément que les conditions de performance seront portées à la connaissance de ces derniers.

Le rapporteur pour avis a présenté un amendement visant à soumettre l’octroi de rémunérations, indemnités ou avantages de départ au dirigeant d’une société anonyme à conseil d’administration non seulement aux performances de ce dirigeant mais également aux performances de la société elle-même.

La Commission a adopté cet amendement.

Elle a ensuite adopté un amendement du même auteur ayant le même objet en ce qui concerne les sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance.

c) Des indemnités prévues par les contrats de travail des dirigeants sociaux également concernées

Sauf dans certains cas prévus par la loi, notamment en ce qui concerne les administrateurs de sociétés anonymes en exercice (articles L. 225-22 et L. 225-44 du code de commerce), le cumul des fonctions de dirigeant social avec un contrat de travail dans la même société est possible. Cependant, cette situation est très encadrée par la loi et la jurisprudence.

Tout d’abord, le contrat de travail doit correspondre à un emploi effectif, c’est-à-dire porter sur des fonctions délimitées et nécessitant une technicité particulière permettant de les distinguer du mandat social (43). Cette règle, expressément prévue par l’article L. 225-22 du code de commerce pour les administrateurs de sociétés mais seulement posée par la jurisprudence dans les autres cas, a pour objet de garantir le caractère réel et sérieux du contrat de travail et d’éviter que celui-ci ait été conclu en vue de contourner les dispositions légales relatives à la révocation des dirigeants sociaux.

Ensuite, l’intéressé doit, dans l’exercice de ses fonctions techniques, être placé dans un état de subordination à l’égard de la société, c’est-à-dire sous l’autorité et le contrôle de celle-ci. Dans ce cadre, il ne doit pas disposer de pouvoirs étendus analogues à ceux d’un mandataire social ni jouir d’une indépendance dans ses activités (44).

Au titre de son contrat de travail, le dirigeant social est soumis à tous égards au statut des salariés. De ce fait, en cas de cession de son mandat social pour une cause quelconque (révocation ou démission, notamment), il conserve le bénéfice de son contrat de travail. De même, s’il est mis fin au contrat de travail, il jouit des mêmes droits que les autres salariés s’agissant, entre autres, du délai-congé ou du versement d’indemnités de licenciement.

Du point de vue du formalisme juridique, dès lors que le mandat social préexiste au contrat de travail, la conclusion du second ainsi que toutes les amodiations qui lui sont apportées par la suite relèvent du régime des conventions réglementées.

Comme toute convention, le contrat de travail d’un dirigeant social peut contenir une clause d’indemnisation en cas de départ non volontaire. Ce type de stipulation est régi par les articles L. 225-22-1 du code de commerce, pour les sociétés anonymes à conseil d’administration, et L. 225-79-1 du même code, pour les sociétés anonymes à conseil de surveillance.

Les paragraphes II et IV de l’article 7 du projet de loi visent opportunément à apporter des modifications de coordination aux deux articles du code de commerce susmentionnés, de manière à garantir que le régime juridique applicable aux clauses des contrats de travail des dirigeants d’entreprise portant indemnités de départ sera le même que celui des conventions réglementées conclues dans le cadre du mandat social. Une simple substitution de références permettra de s’en assurer, un renvoi aux seuls articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce devenant plus pertinent et exhaustif que les renvois actuels aux articles L. 225-38, L. 225-40 à L. 225-42, L. 225-86 et L. 225-88 à L. 225-90 du même code.

d) L’exclusion des clauses de non-concurrence et des retraites chapeau du dispositif

Par les compléments qu’il apporte aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce, aux paragraphes I et III du présent article, le projet de loi écarte deux catégories d’indemnités ou d’avantages consentis aux dirigeants sociaux de ses innovations en termes de transparence et de sujétion à des conditions de performance.

• Il en va ainsi, tout d’abord, des conventions accordant des indemnités en contrepartie d’une clause de non-concurrence liant le dirigeant bénéficiaire. Concrètement, à travers une telle stipulation contractuelle, le dirigeant se prive d’une part de sa liberté d’exercer une activité professionnelle susceptible de porter atteinte, sur le plan commercial notamment, à la société cocontractante.

Actuellement, la jurisprudence exige, pour reconnaître la validité d’une clause de non-concurrence, que celle-ci ne soit pas disproportionnée par rapport à l’objet du contrat liant l’ancien dirigeant et la société (45). Est ainsi irrecevable toute clause empêchant l’intéressé d’exercer de nouveau une activité conforme à sa qualification et à ses connaissances (46). Bien que répandu dans la pratique, l’octroi d’une indemnité ne représente pas pour autant une condition de validité pour ce qui concerne les dirigeants sociaux (47) (à la différence des salariés (48)). Dès lors qu’il rompt son engagement, l’ancien dirigeant qui a bénéficié d’une indemnité de non concurrence se trouve tenu de la rembourser ; il ne peut d’ailleurs prétendre, pour échapper à cette obligation, qu’elle se confondait avec le travail fourni si la somme lui a été versée alors qu’il exerçait encore ses fonctions (49).

Compte tenu des dispositions prévues par le projet de loi, tout engagement du président de conseil d’administration ou de surveillance, du directeur général ou des directeurs généraux délégués de ne pas exercer une activité professionnelle concurrente susceptible de porter atteinte aux intérêts de la société continuera d’être régi par les dispositions actuelles relatives aux conventions réglementées, à savoir : une autorisation préalable du conseil d’administration ou de surveillance sans condition de performance, une approbation par l’assemblée générale des actionnaires sans résolution individualisée et une sanction de nullité en cas de fraude ou de préjudice dommageable pour la société (à moins que l’assemblée générale des actionnaires ne couvre elle-même cette dernière éventualité).

Ce traitement particulier se justifie par la nature quelque peu différente des indemnités issues de clauses de non-concurrence. Celles-ci s’apparentent en effet davantage à une forme de rémunération de la discrétion et de la passivité d’un dirigeant ayant pu avoir accès à des informations professionnelles (non pas celles couvertes par le secret des affaires, mais relatives à l’organisation interne de l’entreprise ou à ses éventuelles faiblesses, notamment) qui, si elles étaient exploitées par la concurrence, causeraient du tort à la société.

• Se trouvent également écartés des nouvelles exigences prévues par le projet de loi en matière d’indemnités ou d’avantages accordés aux dirigeants évincés, les engagements de retraites à prestation définies, plus connus sous le vocable courant de « retraites chapeau », dont le régime actuel, fixé à l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale, a été instauré par la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, portant réforme des retraites. Dans leur cas, le régime existant des conventions réglementées continuera à s’appliquer, sauf pour les pensions s’apparentant à un complément de rémunération, qui ne relèvent pas d’ores et déjà des conventions réglementées et que la jurisprudence (50) identifie comme la conjonction des trois critères suivants :

– l’avantage consenti est la contrepartie de services particuliers rendus à la société par le dirigeant pendant l’exercice de ses fonctions ;

– il est proportionné à ces services ;

– il ne constitue pas une charge excessive pour la société.

Dès lors que ces conditions ne sont pas remplies, la pension de retraite à prestations définies est assimilée à une indemnité particulière, relevant par conséquent du formalisme des conventions réglementées. Ce faisant, le conseil d’administration ou de surveillance est seul compétent pour décider un tel avantage, ce qui signifie qu’il doit délibérer sur son montant et ses modalités (51), même si un comité ad hoc (comité des rémunérations par exemple) a été consulté (52).

Ne pas assujettir le versement d’une retraite à prestations définies aux performances réalisées par le dirigeant bénéficiaire se justifie par le fait qu’un tel conditionnement équivaudrait à une remise en cause du droit à retraite de ce dernier, alors même que l’entreprise a cotisé et que le dirigeant a travaillé effectivement un certain temps pour la société.

e) Les délais d’application du nouveau régime

Le paragraphe V de l’article 7 du projet de loi définit les modalités et les délais d’application des nouvelles dispositions. Il convient de distinguer deux cas de figure, selon que :

– les conventions accordant des rémunérations différées ou complémentaires liées au départ de dirigeants de sociétés seront signées à compter de la publication de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, auquel cas les nouvelles procédures deviendront immédiatement applicables ;

– les mêmes conventions auront été conclues antérieurement, le projet de loi laissant aux parties, et plus particulièrement aux conseils d’administration ou de surveillance et aux assemblées générales des actionnaires, un délai de dix-huit mois à compter de sa publication pour les conformer aux dispositions nouvelles.

Ce délai s’explique par le souci d’organiser une transition rapide vers le nouveau régime juridique des conventions de rémunération ou d’indemnité de départ des dirigeants d’entreprise, de manière à éviter une cohabitation prolongée de dispositifs différents, par définition source de difficultés d’interprétation pour les intéressés. La durée de dix-huit mois, quant à elle, est censée permettre à l’assemblée générale annuelle, intervenant dans les six mois de la clôture d’exercice, de se prononcer sur les parachutes concédés aux dirigeants en se conformant aux nouvelles règles.

Dès lors que le délai de transition aura expiré, toutes les conventions portant rémunérations, avantages ou indemnités différés ne répondant pas aux nouvelles exigences de la loi pourront être annulées dans les conditions des articles L. 225-42 et L. 225-90 du code de commerce, ce qui signifie qu’il faudra, pour ce faire, que les engagements litigieux aient eu des conséquences dommageables pour la société, faute de quoi l’action en nullité ne sera pas recevable aux yeux du juge, et que la nullité pourra être couverte par un vote de l’assemblée générale des actionnaires après que le commissaire aux comptes ait exposé dans un rapport spécial les circonstances en raison desquelles la mise en conformité n’a pas été faite.

Aux termes des articles L. 225-42 et L. 225-90 du code de commerce, l’action en nullité se prescrit par trois ans à compter de la date de la convention ou, lorsque celle-ci a été dissimulée, à compter de la date de sa révélation aux contestataires. Ce régime de prescription doit lui aussi faire l’objet d’aménagements, compte tenu du délai laissé aux organes sociaux pour conformer les conventions existantes aux nouvelles obligations légales. En toute logique, le projet de loi prévoit que le délai de prescription de l’action en nullité pour absence de mise en conformité des engagements antérieurs aux nouvelles dispositions courra à compter de l’extinction de la période transitoire de dix-huit mois.

f) Des dispositions spécifiques à l’application outre-mer des règles nouvelles

Conformément au principe de spécialité, en vertu duquel il convient d’étendre de manière expresse par un texte de nature législative une loi qui modifie tout texte législatif applicable à Mayotte, Wallis-et-Futuna, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, le paragraphe VI de l’article 7 du projet de loi dispose que toutes les mesures exposées aux paragraphes précédents sont applicables à ces mêmes collectivités, exception faite de Mayotte où leur application est de plein droit conformément au II de l’article 3 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 (53) et de la Polynésie française, seule compétente pour fixer les règles qui y sont applicables en matière de droit commercial, aux termes des articles 13 et 14 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, portant statut d’autonomie de l’archipel.

Ce paragraphe VI répare par ailleurs un oubli de la loi du 26 juillet 2005, de confiance et de modernisation de l’économie, qui n’avait pas procédé à l’extension outre-mer de l’application de certaines de ses dispositions de droit commercial ayant des implications concrètes sur les indemnités de départ et les rémunérations des dirigeants de société, à savoir :

– son article 8, créant les articles L. 225-22-1, L. 225-42-1, L. 225-79-1 et L. 225-90-1 du code de commerce, afin de soumettre les parachutes dorés au régime des conventions réglementées ;

– et son article 9, complétant les articles L. 225-102-1 et L. 225-235 du même code pour assujettir l’ensemble des avantages et rémunérations consentis à des exigences de publicité et de certification par les commissaires aux comptes.

Il reste que, sur ce dernier point, l’article 20 de l’ordonnance n° 2005-1126, du 8 septembre 2005, a abrogé les dispositions de l’article L. 225-235 complétées par la loi du 26 juillet 2005, rendant ainsi caduque la référence qu’y fait le projet de loi. En l’espèce, il peut paraître regrettable que les nouvelles dispositions relatives au régime juridique des commissaires aux comptes, regroupées au sein du titre deuxième du livre VIII du code de commerce, n’aient pas reconduit la mention explicite de l’attestation des éléments de rémunération des dirigeants, initialement posée à l’article L. 225-235 par la loi de 2005 (54), au sein de l’article L. 823-10 du même code, qui reprend l’économie globale de l’ancien dispositif tout en ayant une portée plus générale.

Le rapporteur pour avis a présenté un amendement prévoyant que les commissaires aux comptes attestent des informations relatives à la rémunération des dirigeants de sociétés qui sont publiées dans le rapport annuel, sur le fondement de l’article L. 225-102-1 du code de commerce. Il a expliqué que cette disposition, suggérée par la mission d’information de la Commission des Lois sur la réforme du droit des sociétés, avait été prévue par la loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie, avant d’être supprimée six mois plus tard par une ordonnance, et qu’il paraissait utile de la rétablir.

La Commission a adopté cet amendement.

Puis elle a adopté un amendement corrigeant une erreur de référence ainsi qu’un amendement de coordination du même auteur.

La Commission a alors émis un avis favorable à l’adoption de l’article 7 ainsi modifié.

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article 7

Amendements nos 1, 2, 3, 4 et 5 présentés par M. Sébastien Huyghe, rapporteur pour avis :

•  Compléter l’alinéa 2 de cet article par les mots : « et de la société dont il préside le conseil d’administration ou exerce la direction générale ou la direction générale déléguée ».

•  Compléter l’alinéa 9 de cet article par les mots : « et de la société dont il est membre du directoire ».

•  Après l’alinéa 14 de cet article, insérer les deux alinéas suivants :

« IV bis. —  Le deuxième alinéa de l’article L. 823-10 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« “Ils attestent spécialement l’exactitude et la sincérité des informations visées aux trois premiers alinéas de l’article L. 225-102-1.” »

•  Dans la première phrase de l’alinéa 17 de cet article, substituer aux références : « , L. 225-102-1 et L. 225-235 », la référence : « et L. 225-102-1 ».

•  Dans la dernière phrase de l’alinéa 17 de cet article, substituer à la référence : « du V », les références : « des IV bis et V ».

ANNEXE

LE RÉGIME DES PARACHUTES DORÉS
DANS DEUX AUTRES PAYS EUROPÉENS MEMBRES DU G 8

À la demande du rapporteur pour avis, le service des affaires européennes de l’Assemblée nationale a apporté des éléments d’information complémentaires sur le régime des parachutes dorés au Royaume-Uni et en Allemagne.

1. Le régime juridique des parachutes dorés au Royaume-Uni

a) Base juridique

Les sections 215 à 222 de la loi sur les sociétés (Companies Act) de 2006 fixent les règles relatives aux indemnités de départ des dirigeants de société.

Une réglementation spécifique sur la rémunération des dirigeants a été adoptée en 2002. Les Directors Remuneration Report Regulations imposent aux sociétés cotées en Bourse de fournir un rapport annuel détaillé sur la rémunération des dirigeants et de le soumettre à l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires.

En outre, les pratiques au sein des public companies (équivalent des sociétés anonymes) ont beaucoup évolué, à la suite de la publication de plusieurs rapports, notamment parlementaires, sur la gouvernance des entreprises, mais aussi sous l’influence de différents acteurs institutionnels comme les fonds de pension. Par exemple, la conclusion de contrats à durée indéterminée pour l’emploi des dirigeants a tendance à disparaître ; actuellement les contrats sont en général annuels, ce qui a des conséquences importantes sur le montant des indemnités de départ. Alors que celles-ci pouvaient dans le passé représenter trois années de salaire, elles ne représentent plus maintenant qu’une année ou moins d’une année.

En 2003, un document de consultation intitulé Les récompenses pour l’échec - Rémunération, contrats, performance et départ des dirigeants a été publié à l’initiative du gouvernement. En février 2004, le gouvernement a annoncé qu’il ne souhaitait pas proposer de nouvelle législation dans ce domaine, car il estimait que l’influence exercée par les investisseurs institutionnels ainsi que l’encouragement à de meilleures pratiques était de nature à remédier à la situation. Ce choix reflète l’idée qu’il est préférable de laisser jouer les forces du marché pour la fixation des indemnités de départ des dirigeants.

b) Modalités d'application

La plupart des grandes entreprises ont une commission des rémunérations (remuneration committee). Composée d’administrateurs dirigeants (executive directors – salariés) et d’administrateurs non dirigeants (non executive directors), cette commission décide des indemnités de départ des dirigeants.

Conformément à la loi sur les sociétés de 2006, ces décisions doivent être approuvées par l’assemblée générale des actionnaires. La résolution approuvant le paiement ne peut être adoptée que si les actionnaires ont pris connaissance d’un mémorandum indiquant les détails du paiement, notamment son montant.

La publicité des montants et des bénéficiaires des parachutes dorés n’est obligatoire que pour les public companies (équivalent des sociétés anonymes).

2. Le régime juridique des parachutes dorés en Allemagne

C’est le § 87 de la loi sur les actions ("Aktiengesetz") qui régit généralement la rémunération des dirigeants de société. Elle n’a pas été récemment réformée. Elle dispose que le conseil d’administration fixe la rémunération des dirigeants de société. Ce pouvoir peut être délégué (55).

En fixant cette rémunération, le conseil d’administration doit toujours prendre en compte la situation de l’entreprise. La somme versée doit être raisonnable et proportionnée aux devoirs des dirigeants. Le parachute doré est donc limité. Toute rémunération en dehors du cadre du § 87 "Aktiengesetz" peut être déclarée nulle ou donner accès à des dommages et intérêts.

Les parachutes dorés représentent des clauses contractuelles. La décision finale revient au conseil d’administration ou à celui à qui le conseil a délégué cette compétence. Ils font partie de la rémunération, selon le § 87 "Aktiengesetz".

Actuellement, il n’y a pas de critère de performance fixé par les textes en vigueur. Les parachutes font partie du contrat entre la société et le dirigeant. Le cadre du § 87 "Aktiengesetz" doit être respecté.

Une loi adoptée en 2005 oblige les dirigeants de société à publier leur rémunération à partir de l’année 2007 (56). Cette loi ne concerne que les sociétés cotées en Bourse.

___________

© Assemblée nationale

1 () Rapport d’information n° 1270 : « Gouvernement d’entreprise : liberté, transparence, responsabilité », enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 2 décembre 2003.

2 () Ibidem, p. 41.

3 () Étude publiée dans le quotidien La Tribune, le 12 juin 2007, p. 34 et 35.

4 () Recommandations sur la rémunération des dirigeants mandataires sociaux de sociétés cotées, AFEP-MEDEF, janvier 2007.

5 () C. Vermont : « Rémunération des dirigeants sociaux : aspects sociaux et économiques », colloque de l’université de Toulouse I, le 17 novembre 2000, p. 13 ; L. Amiel-Cosme : « Rémunération des dirigeants sociaux », répertoire Dalloz sociétés, juin 2002, n° 44 s.

6 () A l’exception du droit fiscal américain (section 280 G du Internal Revenue Code), cependant. Certains arrêts des tribunaux français se réfèrent également à l’expression « golden parachute » (CA Versailles, 1er décembre 1988 et 5 juin 2003, CA Grenoble, 1er octobre 1997, notamment).

7 () J. El Ahdab : « Indemnités conventionnelles de départ des dirigeants : approche pluridisciplinaire et comparée », Revue des Sociétés, n° 1, janvier 2004, p. 22.

8 () Cass. com., 18 octobre 1994 ; voir également CA Paris, 6 juin 1997.

9 () Cass. com., 3 mars 1987.

10 () Cass. soc., 20 octobre 1988 et 23 mai 2000.

11 () J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, « Droit du travail », précis Dalloz, 21ème édition, 2002, n° 494.

12 () Cass. com., 17 mars 1998 et 3 décembre 2002.

13 () Cass. soc., 24 janvier 1995, 28 juin 1995 et 17 octobre 1996.

14 () Cass. com., 9 octobre 2001.

15 () Jean-Marie Messier : « J. M. Com, Faut-il avoir peur de la nouvelle économie ? », Hachette littératures, 2000, p. 190.

16 () Sent. AAA 27 juin 2003, « Messier vs VU SA, VU Canada, VU holding », n° 3-T-199-00205-04.

17 () Cour suprême de l’État de New York (civil case n° 112173/03), 16 septembre 2003.

18 () CA Versailles, 24 septembre 1992 ; CA Paris, 7 juin 2000.

19 () Cass. soc., 30 mars 1999.

20 () Cass. com., 16 novembre 1983, 22 juillet 1986, 16 janvier 1990, 22 juin 1993, 12 mars 1996.

21 () Cass. com., 1er juin 1993, 12 mars 1996.

22 () CA Paris, 30 avril 1987 ; TGI de Paris, 26 octobre 1999.

23 () Alain Viandier : « Parachutes en or ou en papier ? », Les Échos, 15 septembre 2003, p. 21.

24 () Littéralement : « d’un signe de tête », ce qui signifie plus prosaïquement : de manière discrétionnaire.

25 () CA Paris, 31 mai 2002.

26 () Cass. com., 26 mai 2004.

27 () Cass. com., 7 février 1989.

28 () Sections 215 et 216 du Compagnies Act du 8 novembre 2006.

29 () Sections 217 à 219 du Compagnies Act du 8 novembre 2006.

30 () Supreme Court Del., 9 février 2000, « Brehm vs Eisner ».

31 () Olivier Laouenan : « Les golden parachutes dans les sociétés anonymes », Petites affiches, 28 juillet 2004, n° 150.

32 () CA Paris, 21 septembre 2001.

33 () Cass. com., 7 février 1989.

34 () Cass. com., 22 juillet 1986 et 16 janvier 1990.

35 () Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy : « Droit des sociétés », Litec, 2006, p. 167.

36 () Cass. com., 18 octobre 1994.

37 () Cass. com., 4 juillet 1995.

38 () Voir en ce sens, pour un autre type de conventions règlementées : Cass. crim, 30 octobre 1991 et 12 décembre 1994.

39 () J. El Ahdab : « Indemnités conventionnelles de départ des dirigeants : approche pluridisciplinaire et comparée », Revue des Sociétés, n° 1, janvier 2004, p. 65.

40 () Dans le cas français, on citera l’exemple de M. Philippe Jaffré, qui perçut plus de 70 millions d’euros (dont 30 millions d’euros sous forme de stock-options) pour son départ de la présidence d’Elf, après l’offre publique d’achat lancée par Total.

41 () J. El Ahdab : « Indemnités conventionnelles de départ des dirigeants : approche pluridisciplinaire et comparée », Revue des Sociétés, n° 1, janvier 2004, p. 72.

42 () Recommandations sur la rémunération des dirigeants mandataires sociaux de sociétés cotées, AFEP-MEDEF, janvier 2007, p. 7.

43 () Cass soc., 16 décembre 1981 (administrateurs de société anonyme), 30 octobre 2001 (directeurs généraux), 5 juillet 1989 (présidents de directoire), et Cass. com., 7 juin 1988 (président directeur général de société anonyme).

44 () Cass. soc., 22 novembre 1972.

45 () Cass. com. 16 décembre 1997, 21 septembre 2004.

46 () Cass. com., 4 janvier 1994.

47 () Cass. com., 21 septembre 2004.

48 () Cass. soc., 10 juillet 2002.

49 () Cass. com., 21 septembre 2004.

50 () Cass. com., 3 mars 1987, 10 février 1998 et 24 octobre 2000.

51 () Cass. com., 27 février 2001.

52 () Cass. com., 4 juillet 1995.

53 () La loi organique n° 2007-223, du 21 février 2007, portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, n’entrera en vigueur qu’à compter du 1er janvier 2008.

54 () Et suggérée auparavant par la Commission des Lois de l’Assemblée nationale, à travers l’article 6 de la proposition de loi n° 1407 sur la gouvernance des sociétés commerciales, enregistrée à la présidence le 4 février 2004 (XIIème législature).

55 () XIV 5/03 - Landgericht Düsseldorf : décision du Tribunal de Grande Instance de Düsseldorf (Landgericht).

56 () Gesetz über die Offenlegung von Vorstandsvergütungen vom 10/08/2005: http://www.bgblportal.de/BGBL/bgbl1f/bgbl105s2267.pdf.