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N
° 165

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 septembre 2007.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l’acte constitutif de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (ensemble une annexe),

PAR M. Jacques REMILLER,

Député

——

Voir les numéros  :

Sénat : 243, 411 et T.A. 128 (2006-2007)

Assemblée nationale : 120

INTRODUCTION 5

I – L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L’ALIMENTATION ET L’AGRICULTURE ASSURE DES MISSIONS ESSENTIELLES …. 7

A. LE MANDAT DE L’ORGANISATION : « ATTEINDRE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE POUR TOUS » 7

1) Les domaines d’activité de l’organisation 7

2) Des initiatives nombreuses 8

B. LE FONCTIONNEMENT DE L’ORGANISATION 10

1) La structure de l’organisation 10

2) Les modalités de financement 11

II – … QU’ELLE DOIT AUJOURD’HUI RECONSIDERER POUR CONFIRMER LA LÉGITIMITÉ DE SES INTERVENTIONS 15

A. UNE GRAVE CRISE DE LÉGITIMITÉ 15

1) Une transition mal assurée 15

2) Des difficultés financières persistantes 16

B. UNE RÉFORME PROFONDE DE L’ORGANISATION EST AUJOURD’HUI NÉCESSAIRE 17

1) La recherche d’une cohérence globale au sein du système des Nations unies 18

2) Le choix de la réforme 19

CONCLUSION 21

EXAMEN EN COMMISSION 23

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat a adopté, le 1er août dernier, le projet de loi autorisant la ratification de l'acte constitutif de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (ONUAA). Plus connue sous son acronyme anglais « FAO » (Food and Agriculture Organisation), cette organisation a été créée en 1945, alors que la communauté internationale tentait de mettre en place un mécanisme de préservation de la paix et de la sécurité collective en instituant le système des Nations unies.

L’accord portant création de cette institution spécialisée des Nations unies a été signé par la France à Québec, le 16 octobre 1945. Mais, alors même que notre pays figure parmi les membres fondateurs de cette organisation, l’acte constitutif qui l’institue n’a jamais été soumis au Parlement. Le présent projet de loi vise à réparer cet oubli.

Il offre, par ailleurs, à votre rapporteur l’opportunité d’évoquer le rôle de l’ONUAA à l’heure où une refonte de l’architecture globale des Nations unies est en cours et où le contexte de ses interventions ayant radicalement changé, une réforme du mode de fonctionnement de l’organisation est nécessaire.

I – L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L’ALIMENTATION ET L’AGRICULTURE ASSURE DES MISSIONS ESSENTIELLES ….

Plus connue sous son acronyme anglais « FAO » (Food and Agriculture Organisation), l’Organisation pour l'alimentation et l'agriculture a été créée, le 16 octobre 1945, à Québec comme institution spécialisée du système des Nations unies.

Dans un contexte d’après guerre marqué par une pénurie agricole généralisée, l’ONUAA a pour objectif principal d’atteindre la sécurité alimentaire pour tous. Le préambule de son Acte constitutif – dont la ratification fait l’objet du présent projet de loi – proclame ainsi la détermination de ses Etats membres de mettre en œuvre une action collective destinée à : « élever le niveau de nutrition et les conditions de vie des populations (…), améliorer le rendement de la production et l'efficacité de la répartition de tous les produits alimentaires et agricoles, améliorer la condition des populations rurales et contribuer ainsi à l'expansion de l'économie mondiale et de libérer l'humanité de la faim ».

Depuis sa création, l’organisation a ainsi joué un rôle clé dans les efforts internationaux de lutte contre la faim, que la France, qui figure parmi ses membres fondateurs, n’a cessé de soutenir activement.

A. Le mandat de l’organisation : « atteindre la sécurité alimentaire pour tous »

Le mandat de l’ONUAA consiste à améliorer les niveaux de nutrition, la productivité agricole et la qualité de vie des populations rurales et contribuer ainsi à l'essor de l'économie mondiale. Ce mandat reste malheureusement plus que jamais d’actualité puisqu’on estime aujourd’hui à 854 millions le nombre de personnes qui souffrent de sous-alimentation dans le monde.

1) Les domaines d’activité de l’organisation

L’Acte constitutif de l’ONUAA définit le champ d’intervention de l’organisation en précisant que la notion d’agriculture englobe « les pêches, les produits de la mer, les forêts et les produits bruts de l’exploitation forestière » (article 1er – paragraphe 1). Il précise également ses cinq fonctions principales, à savoir :

− la collecte, l'analyse et la diffusion d'informations relatives à l'agriculture, l'alimentation et la nutrition dans le monde ;

− l’organisation de la concertation entre les membres, la négociation de conventions relatives à l'alimentation ;

− l’appui à la décision nationale ou multilatérale en matière agricole ;

− l’assistance technique pour la mise en oeuvre de programmes de coopération, avec l'objectif ultime d'éradiquer durablement la faim ;

− l’encouragement à la recherche scientifique, technologique, sociale et économique ainsi que l'amélioration de l'enseignement, de l'administration et de la vulgarisation des connaissances en matière de nutrition, d'alimentation et d'agriculture.

L’ONUAA a notamment pour rôle d’aider les pays en développement et les pays en transition à moderniser et à améliorer les pratiques agricoles, forestières et halieutiques, et à garantir une bonne nutrition pour tous. Elle met au service de ses pays membres son expérience pour l’élaboration de politiques agricoles, le soutien à la planification, la mise au point de législations efficaces ainsi que la création de stratégies nationales visant à atteindre les buts de développement rural.

L’organisation sert également de réseau de connaissances en mobilisant les compétences techniques dont elle dispose afin de recueillir, analyser et diffuser des données utiles au développement. Enfin, elle met en œuvre des projets de terrain dans le monde entier. En cas d’urgence, elle intervient en partenariat avec d’autres organismes, comme le Programme alimentaire mondial (PAM) ou des organisations non gouvernementales, pour protéger les moyens d'existence ruraux.

2) Des initiatives nombreuses

Dans le cadre de ce mandat, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture a développé un certain nombre d’initiatives d’ordre normatif mais également opérationnel en mettant en œuvre des actions de terrain en faveur du développement durable.

L’activité normative de l’organisation est particulièrement importante, notamment par le biais des accords internationaux qui y sont négociés. Parmi les initiatives marquantes de l’organisation, votre rapporteur souligne la création, en 1962, du Codex Alimentarius, comité établi conjointement avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS), pour définir des normes alimentaires internationales. L’ONUAA est également à l’origine de l’élaboration de la convention internationale sur la protection des végétaux (CIPV), ratifiée en 1992 par 92 Etats, du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, adopté en 2001, qui soutient les travaux des sélectionneurs et des agriculteurs dans le monde entier ainsi que d’une convention visant à réglementer le commerce de pesticides et autres substances chimiques dangereuses, adoptée en 1998 à Rotterdam.

En novembre 1996, l’organisation a accueilli 186 chefs d’Etat et de Gouvernement au Sommet mondial de l’alimentation afin d’évoquer les moyens permettant d’éliminer la faim dans le monde. Les participants se sont engagés à poursuivre un objectif fondamental: réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées d'ici 2015. Les conclusions du Sommet ont fait l’objet de la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale et du Plan d’action du Somment mondial de l’alimentation. En 2002, une nouvelle rencontre a été organisée pour mesurer les progrès accomplis cinq ans après le Sommet mondial de l’alimentation.

L’ONUAA a également développé des outils méthodologiques afin d’offrir un appui institutionnel à ses membres, notamment sur le thème de la sécurité sanitaire des aliments (deux conférences ont eu lieu à Marrakech et Budapest en 2002, une autre à Bangkok en 2004). Lieu d’expertise et de recueil d’information, l’organisation a par ailleurs mis en place une base de données, FAOSTAT, qui constitue la source d’informations et de statistiques agricoles la plus complète au monde.

Enfin, l’ONUAA dispose d’un dispositif d’intervention de terrain, qui s’appuie sur des représentations locales et régionales, et met en œuvre des projets de coopération technique. En 1994, elle a notamment créé le Système de prévention et de réponse rapide contre les ravageurs et les maladies transfrontières des animaux et des plantes (EMPRES), destiné à renforcer sa contribution à la prévention, à la lutte et, si possible, à l’éradication des maladies et des ravageurs. Elle a également lancé le Programme spécial pour la sécurité alimentaire (PSSA) qui concerne les pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV).

Une difficulté réside dans le fait que les membres de l’organisation ne s’accordent pas tous sur les priorités de l’ONUAA : les pays développés ont ainsi tendance à mettre l’accent sur le rôle normatif de l’institution tandis que les pays en développement privilégient la mise en œuvre d’actions de terrain qui entrent dans le cadre de l’aide au développement. Il résulte de ces différentes interprétations une certaine confusion sur le rôle que l’ONUAA est appelée à jouer, dans un contexte par ailleurs marqué par une contraction des ressources et une multiplication des acteurs.

B. Le fonctionnement de l’organisation

Outre la France, l’ONUAA compte 190 Etats membres ainsi qu’une organisation membre (1), la Communauté européenne.

1) La structure de l’organisation

L’ONUAA est dirigée par la conférence, composée de tous les Etats membres, qui se réunit tous les deux ans, en session ordinaire, pour évaluer le travail effectué par l'organisation et pour approuver un programme de travail ainsi qu’un budget pour l'exercice biennal suivant.

La conférence élit un conseil, composé de 49 Etats membres élus pour trois ans, un tiers étant renouvelé chaque année. Organe exécutif de la conférence, le conseil prépare annuellement les décisions qui seront soumises à la conférence, avec le soutien des huit comités permanents de l’ONUAA (comité financier, comité du programme qui examine les activités courantes de l’organisation, comité des questions constitutionnelles et juridiques, comité des produits, comité des pêches, comité des forêts, comité de l’agriculture, comité de la sécurité alimentaire). Quatre pays, dont la France, siègent en permanence au Conseil depuis la création de l’ONUAA : l’Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni.

Le secrétariat de l’ONUAA est assuré par un directeur général, actuellement M. Jacques DIOUF, élu par la conférence. Depuis une réforme de 2003, le directeur général est désormais élu pour deux mandats au plus, le premier de six ans et le second de quatre ans.

L’organisation emploie près de 3.600 personnes dont 2.200 au siège et 1.400 dans les bureaux de pays et pour des opérations de terrain. Une récente évaluation de l’ONUAA(2) montre que, depuis 1990, l’ONUAA a diminué son effectif total de plus de 40 % : « À la fin de 1990, l’ONUAA avait 6.487 employés, dont 2.764 employés affectés à des activités financées sur des ressources extrabudgétaires à travers le monde. À la fin de l’exercice 2006, les effectifs totaux de l’ONUAA comptaient 3.683 personnes, dont 2.776 étaient financées par les ressources du programme ordinaire (RP) et 937 par des activités extrabudgétaires (EB) ».

Le tableau ci-après retrace cette évolution des effectifs :

Source: Evaluation externe indépendante de l’ONUAA, document de travail, août 2007.

Dans le même temps, l’organisation fait de plus en plus appel à des personnels contractuels pour des périodes de courte durée. Elle en a retiré une plus grande flexibilité et la capacité de s’ajuster aux incertitudes d’ordre financier. Toutefois, elle a également été contrainte de se livrer à un exercice incessant et ardu de conclusion et de renouvellement de contrats.

2) Les modalités de financement

Le budget de l’ONUAA est fixé pour deux ans et alimenté par les contributions obligatoires des pays membres. Pour l’exercice 2006-2007, il s’élève à 765,7 millions de dollars (environ 560 millions d’euros) et couvre les principales opérations techniques, la coopération et les partenariats, y compris le programme de coopération technique, l'information et les politiques générales, la direction et l'administration.

D'après les premières informations disponibles pour 2006 (novembre), 414 millions de dollars auraient servi à financer 1.440 projets de terrain, dont 444 opérations d'urgence, pour un montant de 183 millions de dollars – toutes sources de financement confondues – représentant 44% de l'exécution totale. Le programme de coopération technique (PCT) sur le terrain s'est élevé à 231 millions de dollars, dont 11 % de contributions de l’ONUAA et le reste de sources externes: fonds fiduciaires (68 %), fonds fiduciaires unilatéraux (20 %) et Programme des Nations unies pour le développement. Ce programme met en œuvre des projets de durée et budget limités, pour aider les États membres de l’ONUAA à résoudre des problèmes particuliers de développement dans les domaines de l'agriculture, des pêches et des forêts.

Les activités de l’organisation sont également financées par des contributions volontaires des Etats membres qui alimentent des fonds fiduciaires affectés à des programmes spécifiques. Durant la période 2004-2005, les ressources extrabudgétaires ont représenté 80% des ressources assurées par les quotes-parts et les programmes communs. Pour la période 2006-2007, ce chiffre devrait s’élever à 93%, les donateurs ayant financé des interventions d’urgence lors de grandes catastrophes. Les donateurs ont, en effet, tendance à privilégier certains pays ou régions en fonction de leur politique nationale d’aide ; l’Afrique, l’Amérique centrale, et certains pays d’Asie sont les principaux destinataires de ce financement extrabudgétaire.

D’après les premiers résultats de l’évaluation externe précédemment mentionnée, en 2004-05, deux cinquièmes environ des ressources extrabudgétaires ont été consacrées à des interventions d’urgence, et le reste à des activités de développement. Le programme de terrain de l’ONUAA est essentiellement financé par des ressources extrabudgétaires. Seulement 12 % environ des ressources prévues pour le financement de l’ensemble des projets approuvés au cours de la période 2001-2006 provenaient du compte du programme ordinaire. Une part de plus en plus importante des activités du siège – où les activités normatives tendent à devenir prépondérantes – est également financée par des ressources extrabudgétaires.

En ce qui concerne la répartition géographique des dépenses consacrées par l’ONUAA à la coopération, près de la moitié du total concerne l’Afrique. Le tableau ci-après retrace la répartition géographique de ces dépenses sur la période 2004-2005 :

Source: Evaluation externe indépendante de l’ONUAA, document de travail, août 2007.

Enfin, votre rapporteur souligne que la France se situe au 5ème rang des contributions obligatoires de l’ONUAA. Le tableau ci-après illustre l’évolution de la contribution française au budget ordinaire de l’ONUAA au cours des cinq dernières années :

Evolution des contributions obligatoires de la France

 

Montant en dollars

Montant en euros

Rang

2007

10.858.421

10.873.768

5

2006

10.858.421

10.873.768

5

2005

11.006.814

11.335.263

4

2004

11.006.814

11.335.263

4

2003

10.485.821

11.835.874

4

2002

10.485.821

11.835.874

4

Source : ministère des Affaires étrangères

La contribution volontaire de notre pays au budget de l’ONUAA a, par ailleurs, fait l’objet d’un rattrapage important au cours de ces dernières années, comme l’illustre le tableau ci-après :

Evolution des contributions volontaires de la France

 

Montant en euros

Rang

2006

5.800.000

n.c

2005

5.700.000

10

2004

3.200.000

25

2003

1.800.000

23

2002

1.500.000

23

Source : ministère des Affaires étrangères

Cet effort témoigne du soutien qu’apporte la France au fonctionnement de l’ONUAA dont la contribution à l’éradication de la faim et au développement rural dans le monde est jugée essentielle.

II – … QU’ELLE DOIT AUJOURD’HUI RECONSIDERER POUR CONFIRMER LA LÉGITIMITÉ DE SES INTERVENTIONS

Même si l’agriculture constitue aujourd’hui un secteur économique secondaire dans certains pays industrialisés, elle reste une activité économique et sociale essentielle à travers le monde aussi bien en termes d’emploi, d’alimentation, de flux commerciaux que de gestion des ressources naturelles. Le développement des zones rurales, où vivent 70% des populations pauvres et affamées de la planète, représente plus que jamais une priorité.

Pourtant, l’aide extérieure à l’agriculture et au développement rural ne cesse de diminuer, passant d’un total de plus de 9 milliards de dollars par an au début des années 80 à moins de 5 milliards de dollars à la fin des années 90. Parallèlement, selon les estimations, 854 millions de personnes continuent de souffrir de sous-alimentation dans le monde.

Dans ce contexte, l’ONUAA traverse une crise profonde qui milite en faveur d’une réforme de l’institution.

A. Une grave crise de légitimité

Depuis la décennie 80, l’ONUAA traverse une grave crise qui menace à présent son avenir. Cette crise s’inscrit dans un contexte plus global de remise en cause du rôle du système des Nations unies, jugé trop fragmenté et, à mains égards, inadapté aux défis du monde de l’« après Guerre froide ».

Dans le domaine agricole, la conception assimilant sécurité alimentaire et autosuffisance a été progressivement battue en brèche. Mais, dans le même temps, l’ONUAA est très longtemps restée attachée à l’idée selon laquelle l’accroissement de la production alimentaire est une condition suffisante pour garantir la sécurité alimentaire.

1) Une transition mal assurée

L’évaluation externe indépendante de l’ONUAA (3) met l’accent sur un certain nombre d’évolutions, que l’organisation a tardé à prendre en compte ou auxquelles elle est confrontée, qui remettent en cause le caractère adapté de ses interventions.

En premier lieu, le secteur privé s’est imposé comme un intervenant majeur sur la scène agricole mondiale. La privatisation de la recherche et de la commercialisation des semences d’OGM par des grandes multinationales a notamment propulsé les grandes entreprises agroalimentaires au-devant de la scène. Or, les liens que l’ONUAA entretient avec ce secteur ne sont guère développés.

En second lieu, l’organisation n’est désormais plus qu’« une organisation parmi les autres » (4). D’autres acteurs, comme les organisations non gouvernementales (ONG), se sont mobilisés pour garantir la sécurité alimentaire dans les situations d’urgence tandis que certains organismes, comme le Programme alimentaire mondial (PAM), sont de plus en plus sollicités dans des contextes de crise : « à l’heure actuelle, on estime qu’il existe 280 initiatives et organisations internationales qui sont en concurrence directe ou indirecte pour l’aide des bailleurs de fonds ».

Enfin, comme le soulignent les premières conclusions de l’évaluation externe indépendante : « l’ONUAA a beaucoup de fonctionnaires compétents, profondément dévoués à l’organisation et à sa mission, mais ils sont gênés dans leur travail par sa structure fragmentée et ses systèmes des gestion centralisés et rigides ». L’organisation doit gagner en flexibilité afin d’être en mesure de lancer des actions mieux adaptées aux besoins qui se font jour en matière d’agriculture et d’alimentation. Plus globalement, l’équipe d’évaluation considère que l’efficacité des actions futures de l’ONUAA dépendra d’une refonte du paradigme de développement de l’organisation.

2) Des difficultés financières persistantes

Depuis le début des années 90, l’ONUAA est confrontée à une diminution régulière de ses ressources financières. D’après l’évaluation externe indépendante, évoquée précédemment, « sur la base des prix de 1994, les ressources totales pour un exercice biennal ont chuté de 1.282 milliard de dollars en 1994-1995 à 841 millions de dollars en 2004-2005, soit une réduction de 34%. Le budget ordinaire de l’organisation a baissé de 22% ».

L’organisation est, en outre confrontée à une crise de liquidités ainsi qu’à une insuffisance de réserves et de provisions. Au 31 décembre 2006, le total des arriérés de l’ONUAA s’élevait à 42,3 millions de dollars et à 6 millions d’euros. A cette date, quatre Etats membres (Irak, Argentine, Etats-Unis et
ex-Yougoslavie) étaient redevables d’arriérés de plus d’un million d’euros, représentant 85,79% du total des arriérés. Par ailleurs, 25 Etats avaient accumulé des tels arriérés que l’exercice de leur droit de vote au sein de l’organisation était menacé.

Placée dans une situation financière difficile, l’ONUAA est contrainte de recourir, de manière croissante, à des emprunts de durée limitée pour satisfaire à ses obligations financières. Trois facteurs principaux sont à l’origine de cette situation :

− L’augmentation des arriérés relatifs aux contributions des Etats membres (l’écart entre les décaissements cumulés et les contributions au programme ordinaire s’est considérablement creusé entre 2001 et 2005, avant de se réduire sensiblement en 2006) ;

− Le volume des arriérés cumulés avant 2001, qui s’élèvent à 28,9 millions de dollars. Une grande partie de ces arriérés ne seront vraisemblablement jamais recouvrés, en particulier lorsque les États membres concernés n'ont pas proposé de paiement échelonné ;

− Le versement tardif des contributions dues par les Etats membres acquittant les quotes-parts les plus importantes. Les versements des 15 principaux bailleurs de fonds du budget ordinaire de l’ONUAA représentent, en effet, 85% du total des contributions. Au cours des six derniers exercices financiers, 25% en moyenne du total des contributions n’a pas été encaissé avant les deux derniers mois (ce chiffre atteignant 54% en 2006). Il en résulte un problème cyclique de trésorerie qui place régulièrement l’organisation dans une situation délicate.

Au-delà de ces tensions financières, l’équipe d’évaluation externe observe que la perception de la taille et des ressources de l’organisation est, bien souvent, faussée. En réalité, le budget ordinaire annuel de l’ONUAA (370 millions de dollars) et ses effectifs (3.072 personnes) sont modestes au regard de son mandat mondial dont l’étendue ne cesse de croître. A titre de comparaison, les seize centres internationaux de recherche agricole du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI) emploient au total 7.874 personnes, soit plus du double de l’ONUAA, tandis que le budget de base du groupe est légèrement supérieur à celui de l’ONUAA. Toujours à titre de comparaison, en 2005, le budget du « Department of Fire and Forestry » de l’État de Californie s’élevait à 700 millions de dollars. Au Royaume-Uni, la « Food Standards Agency » dispose de 2.400 salariés à plein temps. Enfin, en Afrique du Sud, le budget du Département fédéral de l’agriculture représentait 207 millions de dollars en 2004.

B. Une réforme profonde de l’organisation est aujourd’hui nécessaire

La nécessité d’une réforme de l’ONUAA résulte des difficultés propres auxquelles l’organisation est aujourd’hui confrontée mais elle s’inscrit également dans un contexte plus général de réflexion sur une transformation structurelle du système des Nations unies.

1) La recherche d’une cohérence globale au sein du système des Nations unies

L’Organisation des Nations unies s’est engagée dans une réflexion sur les modalités d’une réforme structurelle destinée à renforcer l’efficacité globale de ses interventions. Plusieurs contributions à cette réflexion ont été apportées par un groupe de personnalités de haut niveau dont un rapport sur la cohérence du système des Nations unies dans les domaines du développement, de l’aide humanitaire et de l’environnement (5), publié fin 2006.

Ce rapport ne traite pas, à proprement parler, du rôle et de la place de l’ONUAA. S’attachant à la question des activités opérationnelles des Nations unies, il traite de l’ensemble des fonds, programmes et institutions spécialisées. Cependant, à ce titre, certaines recommandations relatives au volet développement pourront avoir des incidences sur l’ONUAA, notamment sur sa place au sein du système des Nations unies :

− La mise en œuvre des propositions relatives à « One UN » nécessite, en effet, une implication, tant des fonds et programmes que des institutions spécialisées, dont l’ONUAA, dans la définition de programmes uniques et la mise en place du système des résidents coordonnateurs. Elle a déjà commencé dans huit pays pilotes (Vietnam, Cap-Vert, Albanie, Uruguay, Pakistan, Tanzanie, Rwanda, Mozambique) ;

− L’ONUAA devra, au même titre que les autres institutions spécialisées, les fonds et programmes, participer à la réunion annuelle organisée par le Secrétaire général des Nations unies avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) en vue de renforcer la coopération avec les institutions financières internationales.

A terme, l’application des recommandations du panel pourrait avoir pour conséquence une spécialisation accrue des agences en fonction de leurs avantages comparatifs sur le terrain. Il est cependant difficile, à ce stade, d’en mesurer la portée pour l’ONUAA.

Cependant, dans le volet consacré à l’aide humanitaire, une recommandation spécifique concerne directement l’ONUAA. Le panel préconise en effet que « pour assurer une sécurité alimentaire à long terme et briser le cycle des famines chroniques, en particulier en Afrique subsaharienne, le Programme alimentaire mondial (PAM), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (ONUAA) et le Fonds international de développement agricole (FIDA) devraient revoir leurs approches respectives et renforcer la coordination inter-institutions ».

D’ores et déjà, des partenariats entre ces institutions ont été mis en place, en particulier en matière d’évaluation commune de la sécurité alimentaire, à l’échelle des pays. Des actions communes ont également été engagées pour la collecte de fonds d’intervention et le plaidoyer.

2) Le choix de la réforme

Dès 1994, l’ONUAA s’est engagée dans la voie de la réforme afin réagir à la transformation radicale des conditions de son intervention. L’organisation a procédé à la plus importante restructuration depuis sa création en décentralisant ses services, rationalisant ses procédures et en réduisant ses coûts. Elle a notamment transféré du personnel de son siège, à Rome, vers ses bureaux décentralisés ; accru le nombre d’experts en provenance de pays en développement et en transition ; élargi ses liens avec le secteur privé et les organisations non gouvernementales et amélioré l’accès électronique à ses documents et bases de données statistiques. En 1999, la conférence a approuvé un cadre stratégique destiné à orienter les travaux de l’ONUAA jusqu'en 2015.

Quelques-unes des initiatives engagées par l’ONUAA pendant les années 90

• Le Système de prévention et de réponse rapide contre les ravageurs et les maladies transfrontières des animaux et des plantes (EMPRES)

• Dispositions internes visant à assurer une meilleure coordination entre les bureaux de terrain.

• Mesures de consolidation des structures décentralisées, y compris de la présence au niveau national et sous-régional.

• Programmes de coopération Sud-Sud et nouveaux accords de partenariat pour la coopération technique entre pays en développement.

• Efforts visant à consolider les liens avec les Nations unies et à resserrer la collaboration avec les organisations basées à Rome.

• Organisation de sommets de haut niveau sur la coopération, la coopération technique entre les pays en développement et celle entre les pays en transition (Sommets mondiaux de l’alimentation)

• Initiatives de communication et de promotion visant à diffuser plus efficacement les messages de l’ONUAA (par exemple, la politique et la stratégie de communication de l’Organisation, TeleFood et le programme des ambassadeurs de bonne volonté)

• Initiatives structurelles engagées au siège en vue de la compression des effectifs, le recours plus fréquent aux contrats à durée limitée, l’automatisation des fonctions de bureau et l’amélioration des systèmes relevant des technologies de l’information et de la communication.

• Développement des capacités d’intervention d’urgence avec la création d’une nouvelle division spécialisée dans ce domaine.

• Mise en place d’un système d’évaluation indépendant, et constitution d’un comité d’évaluation interne chargé de formuler des avis sur les politiques d’évaluation.

Source : Evaluation externe indépendante de l’ONUAA, document de travail, août 2007

Ces efforts se poursuivent puisque la conférence de l’ONUAA a approuvé, en novembre 2005, la rationalisation des processus administratifs et financiers (notamment la création d'un « centre de services partagés »), les premières étapes d'une restructuration organisationnelle du siège de l’organisation et la désignation d'une région géographique pilote pour la mise en oeuvre des propositions relatives à la poursuite de la décentralisation.

Enfin, une évaluation externe a été lancée qui a rendu ses premières conclusions, en août 2007, dans un document de travail qui préfigure le rapport final dont la publication est prévue en octobre 2007. Ce document, publié pour consultation, délivre un certain nombre de messages fondamentaux parmi lesquels :

« Si l’ONUAA venait à disparaître demain, il faudrait la réinventer mais sous une forme différente. L’ONUAA transmet des messages importants voire essentiels que le monde doit entendre, mais, à l’heure actuelle, ces messages ne sont pas bien entendus. À l’avenir, l’utilité et l’efficacité de l’ONUAA dépendront de la refonte des paradigmes de développement agricole et rural de l’organisation visant à mettre davantage l’accent sur l’emploi pour la création de revenus et l’accès à l’alimentation » ;

− « L’ONUAA doit devenir une organisation plus souple, les défis d’aujourd’hui n’étant pas ceux de demain. En tant qu’organisation détentrice de savoirs, l’ONUAA se doit d’aider ses membres à faire en sorte que les besoins du monde soient pleinement satisfaits dans les domaines couverts par son mandat, et non pas forcément d’effectuer elle-même toutes les tâches nécessaires ».

Cette évaluation conclut à la nécessité de disposer d’un accord et d’un engagement clairs sur un programme de réformes profondes et durables, assorti des ressources accrues nécessaires à cette fin. Elle recommande l’élaboration et l’adoption d’un Plan d’action triennal ou quadriennal immédiat fondé sur les 110 recommandations qu’elle émet.

CONCLUSION

L’ONUAA est une organisation qui remplit des missions essentielles mais il importe aujourd’hui qu’elle se recentre sur son mandat.

Dans cette perspective, son rôle en tant que centre d’excellence scientifique et technique en matière d’information et d’expertise agricoles doit être valorisé et consolidé. Dans le même temps, l’organisation devrait transférer progressivement la mise en œuvre de projets de développement à d’autres opérateurs publics ou privés dont l’efficacité et la compétence sont avérées et limiter son intervention aux secteurs où elle peut démontrer un avantage comparatif. La réforme du système des Nations unies offre un cadre favorable à cette évolution que l’ONUAA a amorcée.

C’est au regard de ces efforts et du rôle essentiel de cette organisation que votre rapporteur est favorable à l’adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 18 septembre 2007.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a eu lieu.

M. François Rochebloine a souhaité connaître la part du budget de l’organisation consacrée à son fonctionnement et, notamment, aux salaires de ses agents.

M. Jacques Remiller a précisé que cette part représentait environ 60% et qu’environ 40% du budget étaient consacrés au développement. Il a insisté sur le fait que de réels efforts de réforme avaient été engagés en vue d’accroître l’efficacité des interventions de l’ONUAA. L’objectif principal est de recentrer l’organisation sur ses missions d’expertise agricole et de soutien au développement rural.

Soulignant son attachement pour l’utilisation de la dénomination française de l’organisation et non de son acronyme anglais, M. Jacques Myard a estimé que la ratification de l’acte constitutif de l’ONUAA, après tant d’années, ne présentait guère d’intérêt : d’une part, l’existence de l’organisation fait l’objet d’un large consensus ; d’autre part, la Charte des Nations unies elle-même n’a pas été soumise à l’approbation du Parlement français.

M. Jean-Paul Lecoq a considéré que, sans remettre en cause les conclusions du Rapporteur, une autre lecture de l’évolution de l’organisation pouvait être faite. L’ONUAA a, en effet, souffert d’un contexte marqué par les excès de la libéralisation à l’échelle mondiale et du rôle croissant d’organisations financières internationales comme le Fonds monétaire international et la Banque mondiale.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (no 120).

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La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l’acte figure en annexe au projet de loi (n° 120).

© Assemblée nationale

1 () Depuis 1991, l’Acte constitutif de l’ONUAA permet aux « organisations d’intégration économique régionale » d’être admises à la qualité d’organisations membres (article 2, paragraphe 3 et suivants).

2 () Une évaluation externe indépendante de l’ONUAA a été mise en place qui a publié, le 24 août 2007, un premier projet de rapport – sous la forme d’un document de travail « FAO : le défi du renouveau » – dont la version définitive sera disponible en octobre prochain.

3 () Document de travail, précédemment évoqué, publié en août 2007.

4 () Evaluation externe indépendante, document de travail.

5 () Rqpport intitulé: « Delivering as One ».