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N
° 173

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 septembre 2007.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada sur l’exploration et l’exploitation des champs d’hydrocarbures transfrontaliers,

Par M. Gérard VOISIN,

Député

Voir les numéros  :

Sénat : 275, 395 et T.A. 126 (2006-2007)

Assemblée nationale : 118

INTRODUCTION 5

I – LES QUESTIONS MARITIMES AU COEUR DE LA RELATION FRANCO-CANADIENNE 7

A - LES ESPACES MARITIMES 7

1. La zone économique exclusive 7

2. Le plateau continental 8

B – LES RESSOURCES 9

1. Les accords de pêche 9

2. L’exploitation des hydrocarbures 10

II – L’ACCORD DU 17 MAI 2005 : UNE COOPÉRATION NOUVELLE EN MATIÈRE D’HYDROCARBURES 13

A - L’ÉCHANGE D’INFORMATIONS 14

B - LES ACCORDS 15

C - LA CONCERTATION ET LE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS 17

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

ANNEXES 23

Mesdames, Messieurs,

L’Assemblée nationale est aujourd’hui saisie du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Canada sur l’exploration et l’exploitation des champs d’hydrocarbures transfrontaliers.

Le potentiel d’hydrocarbures dans le sous-sol au large du Canada et de Saint Pierre-et-Miquelon ainsi que la configuration particulière de cet espace maritime, liée à l’enclavement de la zone économique exclusive française dans les eaux canadiennes, justifient la signature d’un accord qui organise l’exploration et l’exploitation de futurs gisements communs.

L’accord vise, d’une part, à préciser les contraintes imposées par le caractère transfrontalier ou non d’une accumulation d’hydrocarbures et, d’autre part, à encadrer les accords qui devront être conclus pour chaque champ transfrontalier.

L’épineux problème des limites des frontières maritimes de chaque État confirme la place prépondérante des questions maritimes dans la relation franco-canadienne.

En contribuant à approfondir la coopération entre Saint-Pierre-et-Miquelon et le Canada atlantique, l’accord favorise non seulement le développement économique de Saint-Pierre-et-Miquelon mais aussi des relations apaisées entre la France et le Canada.

I – LES QUESTIONS MARITIMES AU COEUR DE LA RELATION FRANCO-CANADIENNE

L’histoire récente des relations franco-canadiennes a été marquée par plusieurs différends relatifs à l’Atlantique Nord. La détermination des droits respectifs de Saint-Pierre-et-Miquelon et du Canada sur les espaces maritimes ainsi que l’exploitation des ressources sous-marines ont occupé l’actualité ces dernières décennies.

A - Les espaces maritimes

Les revendications françaises à l’égard du plateau continental ainsi que la contestation de la zone économique exclusive autour de l’archipel traduisent la concurrence entre les deux États côtiers sur les espaces maritimes qui les bordent.

1. La zone économique exclusive

L’instauration par décret en 1977 d’une zone économique exclusive autour de Saint-Pierre-et-Miquelon a été contestée par le Canada ; ce dernier déniait en effet aux îles de petite dimension la faculté de se doter de telles zones.

Le droit maritime, encore embryonnaire, ne permettait pas alors de régler un conflit de cette nature. Les deux parties décidèrent de recourir à l’arbitrage : l’accord signé le 30 mars 1989 instituait un tribunal chargé de « procéder à la délimitation entre les parties des espaces maritimes relevant de la France et ceux relevant du Canada [et d’établir] une délimitation unique qui commandera à la fois tous droits et juridictions que le droit international reconnaît aux parties dans les espaces maritimes susvisés ».

La décision du tribunal de New York du 10 juin 1992 reconnaît à Saint-Pierre-et-Miquelon le droit de disposer d’une zone économique de 12 400 km² et délimite avec précision une zone enclavée dans les eaux sous juridiction canadienne : la zone économique exclusive (ZEE) française entoure l’archipel et comprend, en outre, un étroit couloir au sud, long de 200 milles (1) et large de 10,5 milles.

Prévue par les articles 55 à 75 de la Convention de Montego Bay (2), l’existence d’une zone économique exclusive (3) confère à l’État côtier dans ladite zone :

– des droits souverains aux fins d’exploration et d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi qu’en ce qui concerne d’autres activités tendant à l’exploration et à l’exploitation de la zone à des fins économiques, telles que la production d’énergie à partir de l’eau, des courants et des vents ;

– juridiction, conformément aux dispositions pertinentes de la Convention, en ce qui concerne : la mise en place et l’utilisation d’îles artificielles, d’installations et d’ouvrages, la recherche scientifique marine, la protection et la préservation du milieu marin, les autres droits et obligations prévus par la Convention.

La délimitation des ZEE française et canadienne résultant de l’arbitrage a fait l’objet d’une modification unilatérale regrettable de la part du Canada en 1996.

Le Canada avance depuis cette date l’argument suivant pour justifier l’extension de sa zone exclusive à 300 milles marins des côtes de la Nouvelle-Ecosse : la ligne de base de ses eaux (à partir de laquelle est mesurée la longueur maximale de 200 miles d’une ZEE) se situe non pas sur la côte de la Nouvelle-Ecosse mais sur un vaste haut fonds émergé, « Sable Island », situé approximativement à 100 milles marins de ladite côte.

Le Canada pourrait se fonder sur cette affirmation scientifiquement contestable pour revendiquer une portion de plateau continental qui empiéterait sur la future demande d’extension du plateau continental français.

2. Le plateau continental

Aux termes de l’article 76 de la Convention de Montego Bay précitée, les États côtiers peuvent étendre leur juridiction au-delà des limites de la zone économique exclusive en fixant la limite de leur plateau continental.

Le plateau continental comprend les fonds marins et leur sous-sol, soit depuis le prolongement naturel du territoire terrestre de l’État jusqu’au rebord externe de la marge continentale. Il s’étend jusqu’à 200 milles marins des lignes de base lorsque le rebord se trouve à une distance inférieure.

Lorsque la marge continentale s’étend au-delà de 200 milles, les États peuvent prétendre exercer leur juridiction soit jusqu’à 350 milles marins des lignes de base, soit jusqu’à 100 milles de l’isobathe 2500 mètres (4), en fonction de certains critères géologiques. En contrepartie, l’État côtier doit contribuer à un système de partage des revenus tirés de l’exploitation des ressources minérales au-delà de la limite des 200 milles, gérés par l’autorité internationale des fonds marins.

Afin de revendiquer cette extension, l’État côtier doit déposer, avant le mois de mai 2009 pour la France, un dossier technique et juridique devant la Commission des limites du plateau continental (CLPC), organisme dépendant des Nations-Unies. Il appartient ensuite à l’État demandeur de fixer la limite de son plateau continental sur la base des recommandations formulées par la CLPC.

Saint-Pierre-et-Miquelon figure sur la liste préparatoire en vue de la présentation d’une demande d’extension du plateau continental. L’archipel est inscrit dans les campagnes de recherche « IFREMER 2008 » (relevés hydrographiques et topographiques nécessaires à la constitution d’un dossier auprès de la CLPC).

S’il convient de veiller à ce que le dépôt d’un tel dossier ne préjudicie pas à l’intégration économique de l’archipel ni aux relations franco-canadiennes, le respect réciproque des droits de la France et du Canada doit également être défendu. Dans cette perspective, la contestation de la modification unilatérale opérée par le Canada (5) devrait aller de pair avec la demande d’extension du plateau continental.

B – Les ressources

Le déclin de la pêche impose de diversifier les ressources économiques de l’archipel, l’exploitation des hydrocarbures présentant à cet égard un potentiel faiblement exploité jusqu’à présent.

1. Les accords de pêche

La sentence du tribunal arbitral de New York ainsi que la réduction du quota de pêche à la morue par le Canada ont pénalisé l’économie de la pêche à Saint-Pierre-et-Miquelon. Un accord relatif au développement de la coopération régionale entre Saint-Pierre-et-Miquelon et les Provinces atlantiques canadiennes, signé le 2 décembre 1994 à Paris, détermine les règles désormais applicables en la matière.

En vertu de son article 2, un procès-verbal d’application définit les modalités de coopération en matière de conservation et de gestion des stocks situés dans la sous-division 3PS de l’organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest (6). Il précise, par ailleurs, les conditions d’accès aux quotas de pêche attribués à la France dans les eaux du Canada, hors 3PS.

Aux termes du procès-verbal, des totaux admissibles de capture (TAC) sont déterminés chaque année, par arrêté du ministre français, pour la morue, le sébaste, l’encornet, la plie grise, la plie canadienne et la pétoncle d’Islande.

L’accord de pêche, initialement valable 10 ans, a été reconduit en 2006 pour cinq années.

2. L’exploitation des hydrocarbures

Face au recul des activités économiques liées à la pêche, l’exploitation de ressources en hydrocarbures apparaît comme une voie d’avenir.

Le bassin sédimentaire laurentien dont relève Saint-Pierre-et-Miquelon est encadré par deux zones distinctes qui produisent entre autres des hydrocarbures liquides au large de Terre-Neuve (gisements d’Hibernia et de Terra Nova (7)) et d’hydrocarbures gazeux au large de l’Île de Sable sur le plateau continental de la Nouvelle Écosse.

Les premiers travaux d’exploration du bassin laurentien ont confirmé la présence d’un bassin sédimentaire épais et l’existence de structures susceptibles de recéler des hydrocarbures.

Actuellement, seul un titre d’exploration est en cours de validité au large de Saint-Pierre-et-Miquelon.

En avril 1998, la société Gulf Canada Resources se voit attribuer un permis de recherches exclusif d’hydrocarbures sur 3 251km² pour 3 ans, avec un engagement financier de 9 millions d’euros et un programme de travaux comprenant la réalisation d’un forage. Après une première prolongation en 2003, l’échéance du titre minier a été fixée à 2009, au bénéfice des sociétés ConocoPhillips et Murphy Oil si la procédure de mutation en leur faveur est achevée.

En avril 2001, est réalisé sur l’une de ces structures le forage Bandol 1 pour un coût de 35 millions d’euros. Les résultats montrent que le potentiel éventuel est certainement situé dans des formations géologiques plus en aval. Puisque le coût d’un forage croît de manière exponentielle et corrélative avec l’augmentation de la profondeur d’eau, il est nécessaire de mettre en évidence des structures d’une taille importante pour justifier économiquement la réalisation d’un forage.

La société opératrice poursuit son programme d’interprétation des données acquises à l’été 2005 dans le cadre de sa dernière campagne sismique sur une structure localisée dans sa plus grande partie côté canadien et pour une faible superficie côté français. Aucun forage n’est prévu pour le moment côté français ; en revanche, si l’intérêt de la zone ayant fait l’objet de l’étude sismique est confirmé, un forage pourrait être réalisé côté canadien en 2008.

Bien que l’exploration n’en soit qu’à ses balbutiements, la volonté d’encourager la coopération franco-canadienne, sans en méconnaître les difficultés, justifie de s’accorder sur les principes d’une exploitation commune.

II – L’ACCORD DU 17 MAI 2005 : UNE COOPÉRATION NOUVELLE EN MATIÈRE D’HYDROCARBURES

Témoin de la pacification des relations bilatérales, l’accord franco-canadien constitue le socle d’une coopération nouvelle dans le domaine des hydrocarbures ; les pouvoirs publics espèrent d’ailleurs qu’il augure d’autres collaborations afin de favoriser le développement économique de l’archipel saint-pierrais-et-miquelonnais (8).

L’accord, bien qu’il n’en porte pas le nom, s’apparente à un accord-cadre en ce qu’il prévoit la procédure permettant d’établir le caractère transfrontalier d’une accumulation, d’une part, et les modalités ainsi que le contenu de futurs accords propres à chaque champ transfrontalier, d’autre part.

L’article 1er définit de nombreux termes techniques (hydrocarbures, pipeline intrachamp, prospect géologique, abandon, système de production) et juridiques (accord d’union, accord d’exploitation, détenteur de titre minier) indispensables à la mise en œuvre de l’accord.

Les champs d’hydrocarbures transfrontaliers, en vue de l’exploration et de l’exploitation desquels le présent accord a été signé, désignent ainsi les accumulations transfrontalières « faisant l’objet d’un projet d’exploitation ou d’une exploitation des hydrocarbures à des fins commerciales ».

L’accumulation transfrontalière est une accumulation souterraine d’hydrocarbures d’origine naturelle s’étendant de part et d’autre de la frontière maritime. Cette dernière correspond aux lignes de démarcation entre le Canada et la France, « telles que définies dans l’accord relatif aux relations réciproques entre le Canada et la France en matière de pêche du 27 mars 1972 et par la décision du tribunal arbitral du 10 juin 1992 ».

L’accord prévoit la procédure que les différentes parties doivent respecter en présence d’accumulation transfrontalière depuis sa découverte jusqu’au règlement des différends pouvant résulter de l’exploitation des hydrocarbures.

A - L’échange d’informations

La procédure repose d’abord sur la communication de l’information (article 2) relative aux forages pouvant donner lieu à la découverte d’une accumulation transfrontalière (article 3).

Les annexes I et II déterminent les informations que chaque partie doit fournir à l’autre selon deux critères : la zone de forage et le caractère transfrontalier ou non de l’accumulation.

Lorsqu’un forage est réalisé à moins de dix milles marins de la frontière maritime, dans la mer territoriale ou la ZEE d’une des parties, celle-ci doit communiquer à l’autre partie les renseignements décrits dans l’annexe I, dans les soixante jours suivant la date à laquelle elle les aura obtenus d’un détenteur de titre minier.

Ces informations ne peuvent être divulguées à des tiers qu’avec l’accord de la partie qui les a transmises. En revanche, la communication par le Canada aux gouvernements des provinces et offices de Terre-neuve et Labrador ainsi que de Nouvelle-Ecosse ou par la France aux autorités de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon n’est pas soumise à l’approbation de l’autre partie.

Dès lors que l’exploitation des données recueillies permet de conclure à la présence d’une accumulation, elle doit être notifiée sans délai à l’autre partie et au plus tard un an après la récupération des données en indiquant la caractère transfrontalier ou non de la découverte. Si la notification n’intervient pas dans le délai prévu, l’autre partie peut saisir le groupe de travail technique (article 17) afin qu’il statue sur cette question. La partie foreuse devra alors démontrer l’insuffisance des éléments pour justifier l’absence de notification.

Si la partie foreuse conclut au caractère non transfrontalier de l’accumulation, elle doit motiver cette affirmation par des éléments techniques. L’autre partie peut alors demander la réunion du groupe de travail technique dans les soixante jours de la notification afin qu’il examine les données en cause. En cas de désaccord avec les conclusions de la notification, un expert peut être commis, au plus tard 180 jours après la notification, conformément à l’annexe III. La décision de l’expert s’impose aux parties.

Lorsque l’existence d’une accumulation transfrontalière a été entérinée par les deux parties ou déterminée par un expert, chaque partie fournit à l’autre, dans les mêmes conditions que précédemment, les informations décrites dans l’annexe II et relatives à la zone qu’elles auront délimitée ensemble.

Dès qu’un détenteur de titre minier a avisé l’une des parties de son intention de procéder à la production d’hydrocarbures dans l’accumulation, celle-ci doit notifier cette intention à l’autre partie sans délai et lui demander de conclure un accord d’exploitation à ce sujet.

L’exploitation de chaque champ transfrontalier nécessite donc la signature d’accords entre les parties française et canadienne ainsi qu’entre les détenteurs de titre minier

B - Les accords

L’accord d’exploitation comme l’accord d’union obéissent à des règles fixées par les articles 4 à 16.

1. L’accord d’exploitation

L’accord d’exploitation entre les parties française et canadienne précède toute activité de production commerciale (article 4). Il doit être conclu dans les 180 jours suivant la notification précitée ou dans un délai conventionnel plus bref.

Outre l’obligation d’échanges d’informations, l’accord d’exploitation, applicable à l’ensemble du champ transfrontalier sauf stipulation contraire, comporte des dispositions sur toutes les questions traitées par le présent accord.

Il demeure en vigueur jusqu’à la plus lointaine des deux dates suivantes : la fin de la vie commerciale du champ ou la date à laquelle toutes les obligations relatives à l’abandon de tout ou partie du système de production ont été remplies.

Si les parties ne parviennent pas à conclure un tel accord dans le délai prévu, l’une d’elles peut solliciter le recours à une procédure d’arbitrage dont les modalités sont prévues par l’annexe IV.

2. L’accord d’union

Cet accord n’intervient qu’en cas de pluralité de détenteurs de titre minier sur un même champ, chaque partie ayant par exemple délivré un titre.

A la demande des parties, les détenteurs de titre minier concluent un accord d’union (article 5) qui comporte notamment des dispositions relatives à la mise en commun de leurs droits respectifs sur les ressources d’hydrocarbures et sur le partage des coûts et bénéfices liés à l’exploitation. Lorsqu’il n’y a qu’un seul détenteur de titre, les parties s’assurent que l’exploitation est conforme aux dispositions de l’accord d’exploitation.

Soumis à l’approbation des parties, l’accord d’union doit prévoir, qu’en cas de contradiction, l’accord d’exploitation prime.

Les détenteurs de titre minier doivent également désigner l’un d’entre eux comme exploitant unitaire après accord préalable des parties (article 6).

3. Une négociation encadrée

En vertu de l’article 9, le début de la production est suspendu à l’approbation par les parties d’un plan de développement et d’un plan de valorisation économique, proposés par l’exploitant unitaire et prévus respectivement par les annexes V et VI.

Le plan de développement vise à promouvoir une exploitation du champ transfrontalier « selon des principes sûrs de gestion de la ressource et les règles de l’art des champs d’hydrocarbures ».

Le plan de valorisation économique comprend des dispositions de nature à garantir des retombées économiques favorables aux collectivités concernées. Les fabricants, les sous-traitants et les entreprises de service établis dans les provinces canadiennes et à Saint-Pierre-et-Miquelon se voient assurer « une chance pleine et juste de participer sur une base non discriminatoire et compétitive à la fourniture de biens et de services à l’activité en mer de l’industrie pétrolière ». Les services et les biens compétitifs bénéficient ainsi d’une « considération prioritaire ».

L’absence d’approbation d’un plan dans les 270 jours de sa soumission par l’exploitant unitaire peut donner lieu à un arbitrage à la demande d’une des parties. Les plans peuvent être amendés en vue de leur mise à jour à l’initiative des parties, l’entrée en vigueur des nouveaux plans étant également soumise à l’accord préalable des parties.

L’exploitant unitaire est également tenu de présenter aux parties des propositions déterminant les réserves estimées d’hydrocarbures ainsi que leur répartition (article 8). Les parties disposent de 180 jours pour approuver ces propositions ou convenir d’une détermination alternative. En cas de désapprobation, la détermination est confiée à un expert, conformément à l’annexe III, dont la décision est définitive. Chaque partie peut ensuite solliciter une nouvelle détermination dans le cas où des éléments nouveaux viendraient modifier l’évaluation initiale. Cet article garantit donc une évaluation équitable et actualisée régulièrement des ressources permettant une répartition la plus juste possible.

L’article 10 précise le régime des autorisations relatives aux pipelines intrachamp. L’article 11 prescrit la mise en œuvre de mesures de sécurité du système de production. L’article 12 détaille les systèmes de mesure que l’exploitant unitaire est tenu de mettre en place. L’article 14 rappelle les règles en matière de sauvetage en mer et soumet les éventuels déversements d’hydrocarbures à un plan d’urgence conjoint en cas de pollution en mer qui reste à conclure. L’article 16 traite de l’abandon du système de production.

La préoccupation environnementale est prise en compte dans l’article 13. Les parties doivent notamment veiller à ce que l’exploitation permette de « minimiser tout impact négatif significatif sur l’environnement marin ou côtier et tout dommage aux infrastructures se trouvant à terre ou en mer, aux navires ou aux engins de pêche ».

L’article 15 rappelle les règles d’imposition des profits, bénéfices et capitaux relatifs à l’exploitation d’un champ transfrontalier, aux installations et équipements nécessaires, fixées par des conventions antérieures entre les deux pays. Chaque partie ne peut demander des redevances qu’au détenteur de titre minier sous sa juridiction en vertu de l’accord d’union.

C - La concertation et le règlement des différends

L’accord prévoit une enceinte de dialogue ainsi que des procédures de règlement des différends.

L’article 17 institue un groupe de travail technique chargé, à la demande des parties, d’examiner les questions techniques découlant de la mise en œuvre de l’accord. Il permet ainsi aux parties d’examiner et de discuter du cadre géologique régional en vertu des articles 2 et 3, d’une part, et des questions soulevées par les plans de développement ou de valorisation économique prévus par l’article 9.

Cette instance de dialogue, composée de deux présidents et secrétaires nommés par les parties, a vocation à améliorer la connaissance des ressources géologiques régionales à laquelle la France ne peut accéder en raison d’une zone économique exclusive restreinte.

Conformément à l’article 18, les annexes III et IV précisent les deux modalités possibles de règlement des conflits.

Les différends portant sur la découverte d’une accumulation (article 3) et la détermination des réserves (article 8) sont soumis à un expert selon les règles prévues par l’annexe III.

Les différends portant sur l’accord d’exploitation (article 4) et les plans de développement et de valorisation économique (article  9) font l’objet d’une procédure d’arbitrage conformément aux règles fixées par l’annexe IV.

Les dernières dispositions portent sur l’accord lui-même, qui peut être amendé ainsi que ses annexes (article 20). L’article 19 rappelle que l’accord ne peut porter atteinte ou limiter la souveraineté ou la juridiction des États sur leurs espaces maritimes respectifs. Enfin, l’article 21 précise les modalités d’entrée en vigueur et de durée. Le Canada n’a pas à ce jour procédé à la ratification de l’accord. Il peut être mis fin à l’accord par préavis de 180 jours adressé à l’autre partie. La fin de l’accord est sans conséquence sur les accords d’exploitation déjà conclus.

CONCLUSION

La signature de cet accord constitue un premier pas vers la revitalisation économique de Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi qu’un exemple de coopération respectueuse entre la France et le Canada. Votre rapporteur vous recommande donc d’adopter le projet de loi autorisant son approbation.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 19 septembre 2007.

M. Paul Giacobbi a rappelé que le tribunal arbitral avait précisé que sa décision sur la zone économique exclusive ne préjugeait nullement de la délimitation du plateau continental au-delà des 200 miles marins.

Il a relevé que le Canada avait fait valoir un argument unilatéral pour étendre depuis 1996 sa zone exclusive à au moins 300 milles marins des côtes de la Nouvelle-Ecosse. Le Canada se fonde en effet sur la loi sur les Océans de 1996 pour considérer que la ligne de base de ses eaux se situe non pas sur la côte de la Nouvelle-Ecosse mais sur un vaste haut fonds émergé, « Sable Island », situé approximativement à 100 milles marins de ladite côte.

Le Canada tire argument de cette affirmation scientifiquement contestable pour revendiquer une portion de plateau continental qui empiéterait sur la future demande d’extension du plateau continental français.

Si l’accord, en vertu de son article 19, ne peut porter atteinte aux droits des parties dans leur zone économique, son préambule pourrait être interprété comme une validation de la modification unilatérale opérée par le Canada

Alors que l’accord n’appelle pas de critiques particulières, il serait donc vital que la France réaffirme ses droits en contestant par une déclaration unilatérale appropriée la revendication du Canada relative à sa ligne de base. S’en abstenir ne laisserait qu’une alternative : renoncer par avance à toute extension de notre plateau continental ou entrer à nouveau dans une phase contentieuse préjudiciable aux bonnes relations franco-canadiennes.

Le président Axel Poniatowski a jugé cette remarque pertinente et a indiqué qu’il alerterait le gouvernement sur cette question dont il saisirait le ministre au nom de la commission.

M. Gérard Voisin, rapporteur, a précisé qu’il partageait entièrement cette préoccupation.

M. François Loncle a rappelé que la relation franco-canadienne était excellente, et s’est inquiété de ce que le Canada n’ait pas ratifié l’accord soumis à la commission.

M. Gérard Voisin, rapporteur, a indiqué que cette question n’avait pas encore reçu de réponse et qu’il convenait de veiller à la résolution de cette difficulté pour ne pas nuire à la relation entre ces deux pays.

Mme Annick Girardin a fait part à la commission de sa satisfaction de voir la revendication unilatérale canadienne de 1996 prise pour la première fois en compte dans des travaux parlementaires. Le dépôt par la France d’un dossier visant à l’extension de sa zone économique exclusive est un facteur essentiel de revitalisation de l’économie de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui s’est effondrée suite à l’arbitrage du 10 juin 1992, défavorable aux intérêts français.

Une prise de position officielle du gouvernement contre la revendication unilatérale canadienne et pour l’extension de la zone française, à l’occasion de la ratification de cet accord, est une étape cruciale de ce dossier, sans remettre en cause l’accord en question.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (n° 118).

*

* *

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 118).

ANNEXES

© Assemblée nationale

1 () 1 mille marin = 1852 mètres.

2 () Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, signée le 10 décembre 1982 à Montego Bay.

3 () Située au-delà de la mer territoriale et adjacente à celle-ci, la ZEE ne peut s’étendre au-delà de 200 miles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale.

4 () Une isobathe, ou courbe isobathe, est une ligne joignant des points d’égale profondeur ; c’est donc une courbe de niveau

5 () Cf. supra.

6 () Organisation régionale créée par la convention sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l’Atlantique nord-ouest, conclue à Ottawa le 24 octobre 1978. La « zone de la convention » est divisée en sous-zones, numérotées de 1 à 6, puis en divisions, identifiées par une lettre, pouvant elles-mêmes être subdivisées en une partie nord et une partie sud. Les bancs de Terre-Neuve se trouvent dans la sous-zone 3, et l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon se situe dans la subdivision 3 PS (partie sud de la division 3 P). La subdivision 3 PS englobe le banc de Burgéo, le chenal de l’Hermitage, le banc de Saint-Pierre, le chenal du Flétan et une partie du banc A vert.

7 () Hibernia (Hibernia / Avalon) : environ 10,3 millions m3 en 2006 et 4 millions m3 au 1er semestre 2007 ; Terra Nova (Jeanne d’Arc) : environ 2,2 millions m3 en 2006 et 3,5 millions m3 au 1er semestre 2007.

8 () « Saint-Pierre-et-Miquelon et le Canada atlantique : stratégie pour une coopération profitable et durable », rapport au Premier ministre de M. Denis Detcheverry, sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon, mars 2007.