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N
° 494

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 décembre 2007.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et la Grande Jamahiriya Arabe Libyenne Populaire Socialiste en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et de prévenir l’évasion fiscale,

par MM. François LONCLE et Eric RAOULT

Députés

Voir les numéros  :

Sénat : 325, 448 et T.A. 145 (2006-2007).

Assemblée nationale : 182 (rectifié).

INTRODUCTION 5

I – LE RETOUR DE LA LIBYE DANS LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE ? 7

A – DE L’EMBARGO AU TOURNANT DE 2004 7

B – LES RELATIONS FRANCO-LIBYENNES APRÈS LE 24 JUILLET 2007 9

C – LA NATURE DES LIENS ENTRE L’UNION EUROPÉENNE ET LA LIBYE 11

II – L’IMPORTANCE ECONOMIQUE DE LA LIBYE 13

A – LES BÉNÉFICES TIRÉS DE L’ÉVOLUTION DU COURS DU PÉTROLE 13

B – UNE ÉCONOMIE QUI COMMENCE À S’OUVRIR 15

C – L’IMPORTANCE GRANDISSANTE DE LA FRANCE DANS L’ÉCONOMIE LIBYENNE 16

III – LA CONVENTION DU 22 DÉCEMBRE 2005 17

A – DES NÉGOCIATIONS COMPLEXES 17

B – LES STIPULATIONS DE LA CONVENTION 18

CONCLUSION 29

EXAMEN EN COMMISSION 31

Mesdames, Messieurs,

La commission des affaires étrangères s’est déjà prononcée sur l’approbation de la convention fiscale signée le 22 décembre 2005 par la France et la Libye. Elle avait émis, le 6 février 2007, sur le rapport de M. François Loncle, un avis favorable à son approbation mais elle avait demandé solennellement au gouvernement de ne pas inscrire ce texte à l’ordre du jour de la séance publique tant que les infirmières bulgares et le médecin palestinien injustement condamnés ne seraient pas libérés. Cette condition ne s’est pas réalisée sous la précédente législature.

Le projet de loi visant à autoriser l’approbation de cette convention de non double imposition a donc été, sous l’actuelle législature, déposée au Sénat qui l’a adoptée le 25 septembre dernier. Il revient maintenant à l’Assemblée nationale de se prononcer, à nouveau, sur ce texte dans un contexte désormais marqué par la libération, le 24 juillet 2007, des soignants bulgares et un retour à la normalisation de nos relations avec la Libye.

Les infirmières et le médecin ont vu leur détention prendre fin après plus de huit années de grande souffrance. Couronnement des efforts menés par l’Union européenne et la France,, un tel événement ne peut que satisfaire celles et ceux qui sont attachés à la défense de la liberté et des droits de l’homme. Il a d’ailleurs été salué à sa juste valeur par tous les gouvernements et toutes les organisations agissant au niveau international en faveur du respect des principes de l’Etat de droit et du droit humanitaire.

Le texte de la convention fiscale franco-libyenne, dont il vous est demandé d’autoriser l’approbation est similaire à celui existant entre la France et ses principaux partenaires. Il est proche du modèle proposé par l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE). Ses objectifs sont, à titre principal, d’éviter la double imposition des revenus perçus par un ressortissant de l’un de ces deux pays exerçant son activité sur le territoire de l’autre mais également de prévenir l’évasion fiscale.

Cet accord doit être resitué dans le contexte général de normalisation des relations de la Libye avec la France et l’ensemble des pays industrialisés, à la fois sur le plan économique mais aussi du point de vue politique.

Depuis la levée des embargos des Nations-Unies en 2003 et de l’Union européenne en 2004, force est de constater que l’ambition de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste de retrouver sa place sur la scène internationale, rencontre des échos favorables au sein de la communauté internationale.

On citera, à cet égard, l’acceptation de la candidature de la Libye à l’OMC en juillet 2004, la signature d’un mémorandum entre l’Union européenne et la Libye le 23 juillet dernier, ou la prochaine nomination d’un ambassadeur américain à Tripoli.

Les conditions dans lesquelles ont été conclus, au lendemain de la libération des infirmières et du médecin bulgare, sept accords franco-libyens, font actuellement l’objet, en partie, de la commission d’enquête créée le 11 octobre à laquelle participent vos deux co-rapporteurs.

Le présent rapport n’entend pas interférer avec ces travaux en cours, mais situera néanmoins le texte qui vous est soumis dans le contexte précédemment décrit. Avant de présenter le contenu de la convention fiscale, vos rapporteurs rappelleront les quelques dates clefs qui ponctuent depuis plus de vingt ans, jusqu’à la visite contestée du Colonel Khadafi à Paris, à compter du 10 décembre, l’évolution de nos relations avec la Libye dont ils souligneront l’importance économique.

I – LE RETOUR DE LA LIBYE DANS LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE ?

A – De l’embargo au tournant de 2004

Les relations entre la France et la Libye se sont progressivement dégradées, alors qu’elles s’étaient avérées prometteuses après l’arrivée au pouvoir du colonel Kadhafi en 1969.

Les revendications libyennes sur la bande d’Aouzou ont été l’un des premiers sujets d’affrontement avec la France. Afin d’obtenir le contrôle de cette région, riche en ressources minières comme l’uranium et le manganèse, la Libye est entrée en conflit avec le Tchad. En 1983, les troupes libyennes engagées dans une offensive sont arrêtées par l’armée française dans le cadre de l’opération Manta, alors qu’elles menacent la capitale tchadienne, N’Djamena.

Les années 1980 sont également celles d’une radicalisation anti-occidentale de la posture internationale libyenne, laquelle donne lieu également à un soutien actif à des organisations terroristes. La tension avec les Etats-Unis est croissante à partir de l’attaque et du pillage de l’ambassade américaine à Tripoli en 1979. Deux avions libyens sont ainsi abattus en 1981, par l’aviation américaine, dans le Golfe de Syrte que la Libye revendique comme faisant partie de son territoire. En 1985 et 1986, une série d’actions terroristes, imputées au régime libyen, frappe Rome, Vienne et Paris ; de plus, un paquebot italien est détourné. En 1986, la sixième flotte américaine, située en Méditerranée, et les forces navales libyennes s’affrontent à plusieurs reprises. Le Président Ronald Reagan décide alors de bombarder Tripoli ainsi que plusieurs sites considérés comme terroristes.

Les années 1988 et 1989 sont marquées par deux nouveaux attentats pour lesquels la Libye est mise en accusation par la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Le 21 décembre 1988, un avion de la compagnie américaine Pan Am explose au-dessus de Lockerbie, en Ecosse. Le 19 septembre 1989, le vol UT-772, qui relie Paris à Brazzaville, fait l’objet d’un attentat similaire, causant la mort de 170 personnes au dessus du désert du Ténéré au Niger. Des ressortissants libyens sont mis en cause par les autorités judiciaires françaises et britanniques mais ne sont pas livrés par la Libye.

Adoptée le 31 mars 1992, la résolution 748 du Conseil de sécurité de l’ONU élargit l’embargo décidé unilatéralement par les Etats-Unis le 6 mars 1982. Les interdictions portent sur les vols aériens, les achats d’armes, les représentations à l’étranger, le déplacement de certains ressortissants libyens et certains avoirs financiers. Prise au vu du non respect par la Libye des obligations fixées l’année précédente, la résolution 883 du 11 novembre 1993 renforce les sanctions en imposant notamment le gel des avoirs financiers des autorités publiques et de certaines entreprises libyennes.

Pendant plus de dix ans, la Libye est restée en marge de la communauté internationale, du fait notamment de l’absence de règlement de la question des attentats contre les avions de la Pan Am et d’UTA. Puis, progressivement, un certain nombre d’éléments vont contribuer à préparer le retour de la Libye au sien de la communauté internationale.

La Libye, ainsi, intervient par deux fois, en 2000 et 2003, pour aider à la libération d’otages occidentaux aux Philippines et au Sahara. Elle conclut en août et septembre 2003 deux accords sur l’indemnisation des familles des victimes des attentats de Lockerbie et du Ténéré.

Après le vote, le 12 septembre 2003, de la levée des sanctions par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, le gouvernement libyen, le 19 décembre 2003, annonce sa décision de mettre fin à ses programmes d’armes de destruction massive et de soumettre son territoire à des inspections de l’Agence internationale pour l’énergie atomique.

Cette décision apparaît aujourd’hui comme le point de départ de l’évolution des relations franco-libyennes. Le 9 janvier 2004, l’accord d’indemnisation des familles des victimes de l’attentat du DC 10 conclu entre la France et la Libye s’accompagne, le même jour, de la signature d’une déclaration conjointe des deux ministres des affaires étrangères, MM. Dominique de Villepin et Abdurrahman Chalgham, indiquant que la France est prête à accompagner la Libye dans son effort de modernisation et de réforme en profondeur de son système économique afin de faciliter son insertion dans la communauté internationale.

L’année 2004 sera marquée par de nombreuses visites, tant ministérielles que parlementaires, avant de s’achever par la venue à Tripoli du Chef de l’Etat français, M. Jacques Chirac.

La visite du ministre délégué au commerce extérieur, M. François Loos, du 5 au 8 mars 2004, a notamment permis de manifester le soutien de la France aux réformes politiques et économiques menées par les Libyens. A cette occasion, plusieurs accords ont été signés : un accord de coopération universitaire destiné à faciliter l’accueil des étudiants libyens en France, notamment par l’octroi de bourses ; un accord de coopération culturelle, scientifique et technique devant permettre la création d’un centre culturel libyen à Paris ; un accord cadre dans le domaine du tourisme ; un accord sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements.

La relance des relations franco-libyennes a été consacrée par la visite officielle en Libye du Président de la République les 24 et 25 novembre 2004. Il a été convenu à cette occasion d’établir un dialogue politique et stratégique bilatéral sur des sujets d’intérêt commun : les crises et le développement en Afrique, la sécurité en Méditerranée, le Maghreb et les relations entre l’Union européenne et la Libye.

L’année 2005 est marquée par la visite en Libye de Mme Michèle Alliot-Marie, Ministre de la défense, qui s’achève par une déclaration d’intention entre la France et la Libye, celle de M. Nicolas Sarkozy, Ministre de l’intérieur, et celle de M. Brice Hortefeux, Secrétaire d’Etat aux collectivités territoriales, qui signe une lettre d’entente sur la sécurité.

En janvier 2006, lors de la visite de M. Douste-Blazy, alors ministre des affaires étrangères, de nouveaux thèmes de coopération ont été définis –l’enseignement supérieur en droit et ingénierie, la recherche scientifique et agricole, la santé ou les archives audiovisuelles.

Ce dernier rend visite aux infirmières bulgares et au médecin palestinien et se déplace à Benghazi pour y rencontrer les enfants contaminés par le virus du sida et leurs familles.

Pendant sa campagne électorale et le soir de son élection, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, fait de la libération des soignants injustement détenus en Libye une priorité. Leur libération devrait constituer un élément majeur de la normalisation des relations entre la France et la Libye.

B – Les relations franco-libyennes après le 24 juillet 2007

La libération des personnels soignants, accusés à tort d’avoir volontairement transmis le virus du sida à plus de 400 enfants a été obtenue grâce à la mobilisation de l’Union européenne, incarnée par Mme Ferrero-Waldner et à l’action décisive de la France, en la personne du Président de la République.

Le 6 mai 2004, les prévenus, détenus depuis 1999, sont condamnés à mort une première fois par le tribunal du peuple de Tripoli. Un recours est toutefois introduit auprès de la Cour Suprême libyenne.

En décembre 2006, en dépit de l’engagement de la Commissaire chargée des relations extérieures pour trouver une solution à cette affaire, une nouvelle condamnation à mort est prononcée. Les 10 et 11 juin 2007, plusieurs émissaires européens, dont Mme Ferrero-Waldner et M. Steinmeier, ministre des affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne, effectuent une mission sur le territoire libyen afin d’examiner les issues possibles. La Cour suprême confirme toutefois cette seconde condamnation à mort, le 11 juillet 2007.

Le 12 juillet 2007, Mme Cécilia Sarkozy effectue un déplacement en Libye pour y rencontrer les détenus, les familles des victimes et le Chef de l’Etat libyen. Le 17 juillet, un accord est trouvé qui garantit le versement d’un million de dollars par victime et commue la peine de mort en prison à vie.

Le 22 juillet, Mme Cécilia Sarkozy, accompagnée notamment de M. Claude Guéant, secrétaire général de la Présidence de la République et de Mme Ferrero-Waldner, se rend une seconde fois en Libye pour y rencontrer le colonel Kadhafi et négocier la libération des prisonniers. Ces derniers quittent le territoire libyen pour Sofia le 24 juillet 2007 à bord d’un avion gouvernemental français.

Le dénouement heureux de cette affaire a permis d’organiser une visite officielle en Libye du Président de la République les 25 et 26 juillet 2007 au cours de laquelle ont été annoncés sept accords bilatéraux portant sur des domaines multiples : accord-cadre de partenariat global, santé, enseignement supérieur, défense, convention de coopération dans le domaine de la recherche scientifique, coopération culturelle, scientifique et technique, mémorandum d’entente sur l’usage de l’énergie nucléaire civile à des fins pacifiques.

Une déclaration conjointe, insistant sur la volonté « de donner un nouvel élan aux relations bilatérales et de bâtir un partenariat stratégique entre les deux pays » a été signée le 25 juillet par M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères, et M. Abdurrahman Chalgham, Secrétaire du Comité populaire général de liaison extérieure et de coopération internationale de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste.

Ces éléments constituent le cadre d’une nouvelle coopération avec la Libye, mais d’autres aspects contribuent également au rapprochement franco-libyen. La Fondation, créée au titre de l’accord du 9 janvier 2004 et dont la mission consistait, à titre principal, à distribuer aux familles des victimes de l’attentat du DC 10 les fonds versés par la Fondation Kadhafi, a affirmé en mai dernier avoir donné la quasi-totalité des montants dus à ces dernières. Seul le volet judiciaire de cette affaire reste donc ouvert, certaines procédures en France et aux Etats-Unis n’étant toujours pas achevées.

De même, le problème de la contribution libyenne au budget de l’Institut du Monde Arabe semble en voie d’être résolu. La conclusion d’un accord financier sur le règlement des arriérés de cotisations libyens, qui s’élèveraient à plus de 14 millions d’euros, permettrait d’apurer le passif et d’organiser une grande exposition patrimoniale sur la Libye, envisagée depuis plusieurs années. Le Président de l’IMA, M. Dominique Baudis, a prévu de se rendre en Libye pour parvenir à l’établissement d’un compromis satisfaisant pour les deux parties.

Les relations entre l’Union européenne et la Libye connaissent également une amélioration significative.

C – La nature des liens entre l’Union européenne et la Libye

L’Union européenne a développé progressivement ses relations avec la Libye. Lors du premier sommet euro-méditerranéen de Barcelone, en 1995, la Libye n’avait pas été invitée à participer aux débats. A l’occasion de la troisième conférence EuroMed en avril 1999, à Stuttgart, il a été décidé que la Libye ne pourrait intégrer le partenariat euro-méditerranéen qu’à deux conditions. D’abord, les sanctions prononcées contre elle par le Conseil de sécurité des Nations Unies devraient avoir été levées. En deuxième lieu, la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste devrait accepter « l’acquis de Barcelone ». Si la première condition est aujourd’hui acquise, les difficultés qu’implique la deuxième plaident en faveur de la définition d’un cadre spécifique pour les relations entre l’Union et la Libye.

Premier facteur de rapprochement, le Conseil de l’Union européenne a en effet décidé de lever l’embargo militaire sur la Libye le 11 octobre 2004, faisant suite à la résolution du Conseil de Sécurité n° 1506 de septembre 2003.

De plus, deux freins importants aux relations entre l’Union européenne et la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste ont été levés récemment.

D’abord, l’affaire dite « La Belle », du nom d’une discothèque fréquentée par des militaires américains à Berlin et qui avait été l’objet d’un attentat en 1986, a été réglée il y a peu. La fondation du Colonel Kadhafi s’est en effet engagée à dédommager les familles des victimes de cet attentat à hauteur de 35 millions de dollars.

Au cours de l’affaire des infirmières bulgares, les relations entre l’Union européenne et la Libye sont marquées, à partir de la levée de l’embargo d’octobre 2004, par le lancement début novembre 2004 d’un plan d’action pour Benghazi et par la mise en place, en février 2006, d’un fonds international d’indemnisation des familles des enfants contaminés par le sida.

La libération des infirmières et du médecin et leur extradition vers la Bulgarie « ouvre la voie à une relation nouvelle et renforcée entre l’Union et la Libye », selon les termes de la commissaire européenne aux relations extérieures.

Malgré ces avancées, la situation de la Libye vis-à-vis de l’Union européenne reste particulière. Lors de son voyage à Bruxelles les 23 et 24 avril 2004, le Colonel Kadhafi avait confirmé l’intérêt de son pays à rejoindre le processus de Barcelone sans toutefois poser formellement sa candidature. Depuis, il a exprimé des réserves, remettant notamment en cause l’efficacité de l’ensemble du processus en novembre 2005.

Pour sa part, la Commission n’entend pas faire d’offre particulière pour l’intégration de la Libye dans ce cadre. La reprise nécessaire de l’acquis suppose donc que la Libye s’engage à respecter les principes de Barcelone en matière de droits de l’homme, de pluralisme et d’instauration d’une zone de libre-échange. Elle signifierait également la reconnaissance par la Libye de la légitimité d’Israël à participer à l’ensemble des activités du processus.

II – L’IMPORTANCE ECONOMIQUE DE LA LIBYE

La Libye a bénéficié de la hausse qu’a connue le cours des hydrocarbures au cours des dernières années. En accroissant les ressources du pays, la rente pétrolière a permis de financer des réformes profondes de l’économie libyenne. La France s’impose peu à peu comme un partenaire économique majeur pour la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste.

A – Les bénéfices tirés de l’évolution du cours du pétrole

La Libye reste un pays de rente. Son économie repose en grande partie sur un secteur public que finance l’exploitation des ressources pétrolières. Ainsi, les recettes publiques représentent environ 72 % du produit intérieur brut, dont 66 % pour celles tirées du secteur pétrolier. La place de ces ressources spécifiques est sans doute vouée à se maintenir, certaines prévisions estimant que la production libyenne pourrait presque doubler pour atteindre 3 millions de barils par jour en 2015. La faiblesse numérique de la population libyenne – 5,7 millions d’habitants – et l’importance de la manne pétrolière contribuent à son niveau de vie, l’un des plus hauts d’Afrique avec un PIB par habitant qui aurait atteint 9 500 dollars en 2007.

Dans ses conclusions publiées le 12 novembre, la mission du Fonds monétaire international envoyée en Libye a souligné le renforcement des capacités de croissance du pays. Illustrant ces propos, les prévisions pour 2007 atteignent 6,8 % contre 5,2 % en 2006. Une telle performance repose en partie sur une diversification de l’économie libyenne puisque la croissance hors pétrole atteindrait 7,5 %. Cette croissance plus forte s’accompagne toutefois d’une hausse de l’inflation au cours de l’année, d’environ 3 % en moyenne au cours du premier semestre à 11 % au troisième trimestre.

Le commerce extérieur de ce pays est structurellement excédentaire, en raison du niveau historique des cours du pétrole. Les exportations auraient été de 39,2 milliards de dollars en 2006 et les importations de 12,9 milliards de dollars, dégageant un solde positif de la balance courante de 25,6 milliards de dollars, soit 51 % du PIB. Les estimations du FMI pour 2007 sont de 44,5 milliards de dollars d’exportations et 18,6 milliards de dollars d’importations avec un solde en légère baisse mais continuant à représenter plus de 40 % du PIB.

Les projections concernant le niveau des réserves de la Libye pour 2007 portent le chiffre à un niveau record de 83,1 milliards de dollars. La Libye a négocié le règlement de ses arriérés avec la quasi-totalité de ses créanciers, dont la France.

Néanmoins, de nouveaux investissements dans l’exploration pétrolière sont nécessaires afin de maintenir et développer la production d’hydrocarbures de 1,7 aujourd’hui aux 3 M b/j espérés en 2015. En 2005 et 2006 ont eu lieu trois rondes d’attribution aux enchères publiques de champs d’exploration permettant la reprise des investissements en 2007–2008, consacrant le retour des sociétés américaines et l’arrivée d’une vingtaine de sociétés étrangères, principalement orientales. En septembre dernier, la quatrième ronde a retenu une trentaine de sociétés dans le cadre d’un appel d’offres pour l’exploitation de gisements de gaz.

Au-delà du renforcement de la productivité du secteur pétrolier, la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste a été récemment invitée par la mission du FMI à approfondir les réformes économiques qu’elle a entreprises. La politique de libéralisation de l’économie lancée en 2003 par le Premier ministre de l’époque, M. Shoukri Ghanem, a donné lieu à de nombreuses mesures administratives et législatives visant à libéraliser l’économie libyenne par la privatisation partielle du secteur public. Si les revenus du pétrole ont sans doute facilité cette transition, l’achèvement de ces réformes a toutefois pris du temps. Malgré cela, la privatisation d’une centaine de petites entreprises publiques a d’ores et déjà été réalisée.

La mission du FMI a pour sa part émis des recommandations qui s’inscrivent dans la continuité de cette approche. L’évolution de la dépense publique, dont le niveau pourrait fortement augmenter suite au plan d’augmentation massive des salaires dans le secteur public, constitue un risque d’emballement de l’inflation. Par ailleurs, le secteur financier, qui a déjà été réformé et concentré, pourrait être rendu plus efficace et la supervision du système bancaire mieux coordonnée. De plus, la poursuite de l’amélioration de la qualité des infrastructures est considérée comme essentielle. Enfin, la manne pétrolière doit continuer à être utilisée afin de constituer des réserves pour les pensions de retraites ou bien pour financer des investissements de long terme.

Ces réformes permettraient de renforcer la place nouvellement acquise par la Libye au sein des échanges économiques mondiaux.

B – Une économie qui commence à s’ouvrir

La fin des embargos imposés à la Libye a autorisé son retour au sein de l’économie internationale. (1)

Suite au retrait du veto américain, le Conseil général de l’Organisation mondiale du commerce a accepté la candidature de la Libye le 27 juillet 2004, ce qui a permis l’ouverture de négociations d’adhésion.

Du fait de cette évolution juridique, le montant des échanges économiques de la Libye avec le reste du monde a progressé. Les exportations ont pratiquement doublé entre 2004 et 2006, notamment du fait de l’évolution du cours du brut. De la même manière, les importations ont connu une forte hausse, d’environ 50 %.

Cependant, hormis les investissements dans le secteur pétrolier qui repartent en 2006 après deux attributions réussies de licences de prospection en 2005, les investissements significatifs du secteur privé sont encore modestes. Le flux entrant d’IDE (investissements directs étrangers) en 2005 a été de 261 millions de dollars. Néanmoins, le développement du secteur privé encourage les investissements locaux et le pays connaît une hausse spectaculaire de la construction révélatrice de la spéculation immobilière naissante et du changement des mentalités en cours.

Une amélioration du fonctionnement de l’administration libyenne contribuerait sans doute à supprimer les lenteurs actuelles qui peuvent faire renoncer une entreprise à investir dans ce pays.

La concurrence internationale entre les compagnies étrangères, exacerbée par le retour de la Libye dans le concert des nations, et sa grande richesse, est forte. On observe le déplacement de missions ministérielles venues du monde entier pour soutenir leurs compagnies. A titre d’exemple, le nombre d’opérateurs étrangers en Libye a doublé entre 2005 et 2006 avec les trois appels d’offres internationaux de la NOC (National Oil Company) ; il est maintenant de 40 sociétés. De même, des sociétés russes ont été associées à la quatrième et dernière ronde, concernant le gaz, ce qui n’avait pas été le cas au cours des rondes précédentes.

Au sein de cette compétition accrue, la France réussit à renforcer sa position.

C – L’importance grandissante de la France dans l’économie libyenne

Entre 2005 et 2006, les exportations françaises vers la Libye ont augmenté de plus de 40 %. Conséquence du rapprochement des deux pays, un tel accroissement a permis de faire passer la France du septième au sixième rang des fournisseurs. Cette position est sans doute encore sous-évaluée parce qu’un grand nombre de produits français sont importés par la Libye via des distributeurs implantés dans d’autres pays du Maghreb.

La nature des exportations françaises vers la Libye reste dominée par les grands contrats. Ainsi, les biens d’équipement et les biens intermédiaires représentent plus des trois quarts de nos exportations contre moins de 8 % pour les biens de consommation. Principal poste d’augmentation de nos exportations, le montant des ventes de biens intermédiaires entre 2005 et 2006 a augmenté de 178 %, notamment pour les composants électriques et électroniques dont les exportations ont crû de 492 % au cours de la même période.

Cette forte augmentation de nos exportations vers la Libye n’a pas empêché un creusement du déficit commercial français. Les importations en provenance de ce pays ont en effet augmenté de 19,4 %, pour un montant total d’environ deux milliards d’euros. Cette évolution est liée principalement à l’augmentation du prix du pétrole, celui-ci représentant environ 97 % du montant total des importations.

Tant du point de vue économique que politique, les relations entre la France et la Libye sont donc vouées à s’intensifier dans un futur proche. Afin de contribuer à cette évolution, le cadre juridique des activités économiques que des ressortissants de l’un des deux pays pourraient souhaiter développer dans l’autre doit être sécurisé et stabilisé. C’est le sens du texte qui a fait l’objet du projet de loi n° 3428 au cours de la précédente législature, pour lequel la commission des affaires étrangères avait émis un avis favorable sous réserve de la libération des cinq infirmières bulgares et du médecin d’origine palestinienne.

La condition posée par la Commission des affaires étrangères en février dernier ayant été levée, il y a lieu de présenter à nouveau l’analyse détaillée des éléments du projet de loi n° 172 autorisant l’approbation de la même convention entre le Gouvernement de la République française et la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire socialiste en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et de prévenir l’évasion fiscale.

III – LA CONVENTION DU 22 DÉCEMBRE 2005

A – Des négociations complexes

C’est la Libye qui a pris l’initiative de négociations avec la France en vue de conclure une telle convention fiscale. Il s’agit du premier accord de ce type que la Libye signe avec un pays occidental. Elle a même suspendu les négociations avec les autres partenaires européens jusqu’à la signature de ce texte.

Le délai nécessaire à la conclusion des négociations s’explique par le caractère nouveau d’un tel exercice pour les négociateurs libyens. Toutefois, la volonté politique d’aboutir ne s’est pas démentie, malgré les difficultés.

Un premier accord avait été finalisé et paraphé le 18 mars 2004, mais la signature de ce projet, prévue le 22 novembre 2004, n’a pu être réalisée. Suite à un renouvellement, les membres de la délégation libyenne ont souhaité accorder de plus amples prérogatives fiscales à l’Etat de la source des revenus. Un engagement a donc été pris au niveau ministériel en vue d’une reprise des négociations sur la base du projet paraphé en mars 2004 avec la perspective de leur aboutissement au plus tard en juin 2005.

C’est dans ce contexte que trois nouveaux tours de négociation ont été organisés dont le dernier s’est tenu du 28 au 30 juin 2005 à Tripoli.

Ces nouvelles rencontres ont surtout eu pour objet d’expliquer les mécanismes conventionnels aux nouveaux négociateurs libyens qui n’ont demandé, in fine, que peu de modifications par rapport au texte initialement paraphé. L’équilibre global du texte a ainsi pu être maintenu, même si quelques concessions ont été faites en matière de bénéfices d’entreprises comme le raccourcissement de douze mois à trois mois du délai de présence pour constituer un chantier, l’imposition à la source des revenus des professions indépendantes dès six mois de présence ou en cas de base fixe d’affaires.

L’accord trouvé dès le premier paraphe sur les revenus passifs n’a pas été remis en cause. En ce qui concerne les dividendes, ceux-ci peuvent être imposés par l’Etat de la source à un taux n’excédant pas 10 % de leur montant brut. Toutefois, ce taux est ramené à 5 % lorsque les dividendes sont payés à une société qui détient directement ou indirectement au moins 10 % du capital de la société distributrice. Les redevances sont, quant à elles, imposables dans les deux Etats. Le taux de retenue à la source applicable a toutefois été limité à 10 % avec une imposition exclusive à la résidence des droits d’auteurs sur des œuvres littéraires, artistiques ou scientifiques ou sur des enregistrements destinés à la diffusion radiophonique ou télévisée.

La France a demandé et obtenu l’insertion d’une clause de la nation la plus favorisée, qui permettra de bénéficier ultérieurement de manière automatique du régime fiscal plus favorable que la Libye pourrait consentir à ses autres partenaires membres de l’OCDE. Cette clause est applicable aux deux Parties ; elle garantit à la Libye les régimes plus favorables que la France pourrait concéder dans ses futures négociations avec des pays membres de l’Union africaine en matière de bénéfices des entreprises ou de profession libérales. La portée de cet engagement demeure toutefois limité compte tenu du fait que la Libye a, d’ores et déjà, obtenu sur ces deux points le régime le plus favorable que la France ait accordé dans son réseau.

Afin de limiter les risques d’incompréhension s’agissant notamment des modalités d’élimination des doubles impositions, une première vérification des concordances de traduction a été réalisée et a donné lieu à des échanges de vues avec la partie libyenne avant le paraphe, qui a été apposé sur les textes français et libyen. La signature du texte est intervenue à Paris le 22 décembre 2005.

B – Les stipulations de la convention

Les stipulations de cette convention sont, à quelques exceptions près, directement inspirées du modèle établi par l’OCDE pour ce type d’accords. Pour s’en convaincre, on se reportera au tableau annexe qui compare, article par article, les stipulations de cette convention avec ce modèle.

L’article 1er précise, de manière classique, que la convention s’applique aux résidents d’un Etat contractant ou des deux Etats contractants.

L’article 2 établit la liste des impôts couverts par la convention. Il s’agit, du côté français, de la taxe sur les salaires, des contributions sociales généralisées et des contributions pour le remboursement de la dette sociale. Cet article fixe aussi la liste des impôts libyens qui entrent dans le champ de la convention.

Conformément à l’usage, l’article 3 énonce les définitions nécessaires à l’interprétation des termes utilisés dans la convention.

Il faut cependant observer qu’à la demande de la partie libyenne, la définition du terme « trafic international » vise aussi expressément le transport effectué par conteneur quand ce transport n’est que le complément d’un transport international. Cette précision demandée par la Libye n’était pas juridiquement indispensable, mais elle est conforme aux commentaires du modèle OCDE sur la notion de « trafic international ». L’insertion de cette mention expresse dans le texte de la convention a permis à la Partie libyenne de s’assurer que ce cas serait bien visé par l’accord.

La France a également accepté que la définition du terme « national » ne mentionne pas expressément les « sociétés de personnes ou associations constituées conformément à la législation en vigueur » dans l’Etat contractant, ce qui apparaît habituellement. L’adoption de cette définition du terme « national » n’a que peu d’impact dans le cadre de cette convention, selon le Gouvernement français. Cette demande de la Libye a été acceptée dans la mesure où le droit libyen ne connaît que les personnes physiques et les personnes morales qui sont ici incluses dans la définition du terme « national », et ne connaît ni les associations, ni les sociétés de fait.

Il est précisé au paragraphe 2 de cet article que le droit fiscal prévaut sur les autres branches du droit pour l’interprétation des termes non définis par ailleurs dans la convention.

L’article 4 définit le lieu d’imposition d’un revenu comme étant situé dans l’Etat où ce revenu est réalisé sous réserve de dispositions contraires dans la convention. A la demande de la Partie libyenne, la France a accepté d’inclure cette disposition alors qu’elle ne fait que confirmer l’application du droit interne de chaque Etat en ce qui concerne les revenus qui y trouvent leur source lorsque les autres stipulations de la convention ne contreviennent pas à ce principe. De fait, la portée pratique de cet article dans la rédaction finalement acceptée par la Libye est nulle.

L’article 5 définit la notion de résidence conformément au modèle de l’OCDE.

Le paragraphe 4 de cet article précise, à la demande de la France, que sont considérés comme résidents des Etats contractants, les sociétés de personnes et les groupements de personnes dont le siège de direction est situé dans ces Etats et dont les actionnaires, associés et autres partenaires, y sont personnellement soumis à l’impôt au titre de leur participation aux bénéfices en application du droit interne des Etats contractants. Cette précision permet à la France de spécifier de manière explicite que les sociétés de personnes sont considérées comme des résidents au sens de la convention, compte tenu du régime fiscal particulier que notre législation confère à ce type d’entité. Ces sociétés sont, en effet, traitées comme des entités imposables, même si l’impôt est payé directement par chacun des associés, alors que la plupart des autres pays considèrent ces sociétés comme transparentes et n’imposent que les associés individuellement sur leurs parts de revenu de la société.

L’article 6 définit la notion d’établissement stable conformément au modèle de l’OCDE.

Pour ce qui concerne les chantiers de construction et de montage, la durée nécessaire à la constitution d’un établissement stable a été fixée à trois mois à la demande de la Partie libyenne alors qu’elle est de douze mois dans le modèle de l’OCDE. En cela la Libye s’est appuyée sur la convention fiscale franco-algérienne signée le 17 octobre 1999 qui fixe également à trois mois cette condition de durée. Les sociétés françaises travaillant en Libye dans le cadre d’un chantier de construction ou de montage seront donc imposables dans cet Etat dès que leur présence sur le territoire libyen dépassera trois mois.

Les activités énumérées au paragraphe 3 et définies comme ne constituant pas un établissement stable, comprennent une définition restrictive des activités communément admises par le modèle de convention de l’OCDE. En effet, la notion « d’activités à caractère préparatoire ou auxiliaire » est limitée aux activités de publicité, de fourniture d’informations et de recherche scientifique et n’inclut pas – contrairement au modèle de l’OCDE – le dernier point relatif au cumul des activités énumérées dans ce même paragraphe.

Ainsi toutes les activités à caractère préparatoire ou auxiliaire, autres que les activités de publicité, de fourniture d’informations et de recherche scientifique, seront susceptibles de constituer un établissement stable en Libye. De ce fait, les bénéfices générés par ces activités pourront être imposés en Libye.

Les activités prévues dans le paragraphe 3 de l’article 6 de la convention, lorsqu’elles sont exercées isolément, ne peuvent pas constituer un établissement stable en Libye. En conséquence, les bénéfices qui proviennent de ces activités sont exclusivement imposables en France.

En revanche, lorsque ces activités sont exercées de façon combinée, elles peuvent donner lieu à la constatation d’un établissement stable en Libye.

L’article 7 se conforme au modèle de convention de l’OCDE en prévoyant, comme cela est usuel, l’imposition des revenus de biens immobiliers au lieu de situation de ces biens. La notion de bien immobilier est définie conformément à la législation de l’Etat où ils sont situés.

Le paragraphe 5 de cet article correspond à une demande française. Notre législation fiscale contient des dispositions particulières en ce qui concerne les revenus des sociétés à prépondérance immobilière. La clause a pour but d’éviter l’interposition de sociétés ou d’autres entités juridiques faisant écran entre le propriétaire réel et l’immeuble ainsi détenu.

En effet, ce paragraphe réserve la possibilité à la France d’appliquer les dispositifs de sa législation interne concernant l’imposition des revenus provenant d’actions ou de parts de sociétés à prépondérance immobilière qui sont traités comme des revenus immobiliers en vertu de celle-ci. En conséquence, que l’immeuble soit détenu directement par une personne physique ou par le biais d’une société à prépondérance immobilière, les revenus de ces immeubles ou des droits relatifs à ces sociétés sont imposables au lieu de situation de l’immeuble, quel que soit le lieu de résidence du détenteur des droits sur l’immeuble.

L’article 8 reprend les règles, conformes au modèle de l’OCDE, d’attribution et de détermination des bénéfices des entreprises.

Il prévoit qu’une entreprise d’un Etat qui exerce une activité sur le territoire de l’autre Etat contractant n’est imposable dans cet autre Etat que si l’activité y est exercée par l’intermédiaire d’un établissement stable et uniquement à raison des bénéfices dégagés par celui-ci. En outre, en ce qui concerne la détermination des bénéfices imputables aux établissements stables, les dépenses qui ne seraient pas déductibles si l’établissement stable constituait une entreprise séparée ne sont pas admises en déduction.

Toutefois, le paragraphe 3 de cet article prévoit que seules les dépenses opérationnelles, y compris une part des dépenses de direction et des frais généraux d’administration dûment justifiés, sont admises en déduction pour déterminer le bénéfice d’un établissement stable. Les dépenses liées aux frais généraux et administratifs engagés sur place par l’établissement stable dans le cadre de son activité sont déductibles sans limitation. En revanche, les dépenses de ce type engagées par le siège ne sont déductibles, en vertu du droit libyen qu’à hauteur de 5 % du montant des dépenses de même nature engagées en Libye par l’établissement stable.

En ne permettant la déduction que des seules dépenses opérationnelles, ainsi que des frais généraux et administratifs dûment justifiés, la partie libyenne entend avoir ainsi la garantie que les dépenses venant en déduction du bénéfice imposable sont bien celles liées à l’activité de l’établissement stable présent sur son territoire et que ce dernier n’aura pas à supporter des charges qui proviendraient en réalité d’activités d’autres établissements stables, de filiales ou du siège.

L’article 9 pose le principe selon lequel les bénéfices d’une entreprise d’un Etat contractant provenant de l’exploitation en trafic international de navires ou d’aéronefs sont imposables exclusivement dans cet Etat.

Compte tenu de la difficulté de répartir le bénéfice imposable entre les différents pays lors d’un transport en trafic international, le principe a été posé, de manière consensuelle entre les Etats de l’OCDE, selon lequel les bénéfices de ces entreprises seraient imposés dans un seul Etat : l’Etat du siège de direction effectif de la société de transport maritime ou aérien quand elle exerce en trafic international.

Le paragraphe 1 de l’article 9 mentionne les activités auxiliaires susceptibles d’être couvertes par cette disposition conformément aux principes qui figurent dans les commentaires de l’article 8 du modèle de l’OCDE.

L’article 10 règle, conformément au principe de pleine concurrence posé par le modèle de l’OCDE, le cas des transferts de bénéfices entre entreprises associées. Il autorise l’Etat à imposer une filiale d’entreprise à hauteur du bénéfice qu’elle aurait dégagé, dans ses relations avec sa maison mère, si elle avait été une entreprise indépendante.

L’article 11 arrête le principe de l’imposition des dividendes dans l’Etat de résidence de leur bénéficiaire, mais l’Etat de la source peut également imposer les dividendes aux taux suivants :

– 5 % du montant brut des dividendes lorsque le bénéficiaire effectif est une société qui détient directement ou indirectement au moins 10 % du capital de la société distributrice ;

– 10 % du montant brut des dividendes dans tous les autres cas.

La définition des dividendes est reprise du modèle de l’OCDE. Cependant afin de cibler expressément les distributions occultes ou déguisées, cette définition précise que la notion de dividendes couvre également tous les revenus soumis au régime fiscal des distributions par la législation fiscale de l’Etat dont la société distributrice est un résident.

Le paragraphe 6 introduit, pour sa part, une clause anti-abus au terme de laquelle l’Etat de la source des revenus peut s’assurer que le résident de l’autre Etat est bien le bénéficiaire effectif des revenus en cause et que la participation génératrice des revenus n’est pas destinée à tirer indûment profit des avantages de la convention.

L’article 12 stipule que les intérêts provenant d’un Etat contractant et payés à un résident de l’autre Etat contractant ne sont imposables que dans cet autre Etat. Cette exonération dans l’Etat de la source est cependant subordonnée à deux conditions : le résident de l’autre Etat doit être le bénéficiaire effectif de ces sommes et, sauf si le bénéficiaire effectif est l’un des Etats contractants ou l’un de ses démembrements, il doit être effectivement imposé dans cet Etat à raison des revenus en cause.

Le paragraphe 6 introduit, là encore, une clause anti-abus excluant du bénéfice des dispositions de la convention fiscale toute créance génératrice d’intérêts constituée ou affectée dans le but principal de tirer avantage des dispositions de cet article.

L’article 13 fixe le régime applicable aux redevances. A la différence du modèle OCDE, cet article ne prévoit pas une imposition exclusive des redevances dans l’Etat contractant dont le bénéficiaire effectif est un résident. Il permet à l’Etat de la source de prélever une retenue à la source n’excédant pas 10 % du montant brut des redevances. Toutefois, les redevances sont exclusivement imposables dans l’Etat de résidence du bénéficiaire effectif lorsque les paiements sont afférents à des droits d’auteur en matière littéraire, artistique ou scientifique, y compris pour les diffusions utilisées dans le cadre d’émissions radiophoniques ou télévisées.

On ajoutera que les conventions conclues par la France avec ses différents partenaires conventionnels ne prévoient pas toujours une imposition exclusive des redevances dans l’Etat de résidence du bénéficiaire effectif. Au contraire, la majeure partie des conventions conclues par la France avec des pays émergents contient en matière de redevances un compromis entre le modèle OCDE et le modèle de l’ONU, c’est-à-dire une imposition partagée de ces revenus entre les deux Etats contractants.

Le taux de retenue à la source adopté ici est un taux relativement faible puisque les conventions fiscales les plus récentes de la zone prévoient un taux de retenue à la source de 12 % (convention avec l’Algérie) et de 15 % (convention avec l’Égypte).

Le paragraphe 8 de cet article 13 introduit également une clause anti-abus.

L’article 14 définit le régime applicable aux gains en capital. Ses dispositions se distinguent de celles du modèle de l’OCDE dans la mesure où le paragraphe 1, b, de l’article 14 permet à la France, conformément à sa pratique habituelle, d’appliquer sa législation pour l’imposition des plus-values provenant de l’aliénation d’actions, parts ou droits dans des sociétés ou entités à prépondérance immobilière. Les gains des cessions de participations substantielles dans le capital des sociétés sont imposables à la source. La participation est considérée comme substantielle quand le cédant dispose directement ou indirectement de titres lui ouvrant droit à au moins 25 % des bénéfices de la société.

Conformément au modèle de l’ONU, l’article 15 prévoit une imposition des revenus des professions indépendantes à la résidence, sauf si l’activité est exercée par le biais d’une base fixe située dans l’autre Etat ou si le bénéficiaire des revenus séjourne dans l’autre Etat pendant une durée supérieure à cent quatre-vingt-trois jours.

L’article 16 reprend les règles du modèle de l’OCDE pour l’imposition des salaires du secteur privé. Il retient le principe de l’imposition des salaires dans l’Etat d’exercice de l’activité mais prévoit également une exception pour le cas des missions temporaires effectuées dans un Etat par un résident de l’autre Etat.

L’article 17 porte sur les rémunérations des administrateurs de sociétés. Il prévoit leur imposition dans l’Etat de résidence de la société, dans les conditions habituelles à ce type de convention.

L’article 18, relatif aux artistes et aux sportifs, attribue à l’Etat où se produisent les intéressés le droit d’imposer les revenus provenant des services rendus dans cet Etat. Toutefois, l’article ajoute que lorsque les activités des intéressés sont financées principalement par des fonds publics d’un Etat, de ses collectivités locales ou de leurs personnes morales de droit public, les revenus correspondants ne sont imposables que dans cet Etat. Une telle clause est conforme à la pratique conventionnelle de la France et aux commentaires du modèle de l’OCDE.

L’article 19 concerne les pensions et autres rémunérations similaires du secteur privé. Conformément au modèle de l’OCDE, il retient le principe de l’imposition exclusive dans l’Etat de résidence de leur bénéficiaire.

L’article 20 définit le régime d’imposition des rémunérations et pensions publiques. Il fixe le principe d’imposition exclusive de ces revenus dans l’Etat de la source, conformément à la règle préconisée par l’OCDE. En revanche, l’imposition de ces sommes est réservée à l’Etat de la résidence lorsque les services sont rendus dans cet Etat et que le bénéficiaire en est un résident et en possède la nationalité sans posséder la nationalité de l’autre Etat.

L’article 21 permet d’exonérer dans l’Etat où ils séjournent, moyennant le respect de certaines conditions, les subsides reçus de l’étranger par les étudiants et les stagiaires conformément au modèle de l’OCDE. Il en est ainsi également des rémunérations perçues par les étudiants ou les stagiaires quand l’emploi exercé dans l’autre Etat est en rapport avec ses études ou son stage et dans la mesure où ces revenus sont nécessaires à son entretien.

L’article 22 détermine le régime fiscal des revenus non expressément visés dans les autres articles de la convention. Comme le fait le modèle de l’OCDE, cet article prévoit l’imposition exclusive de ces revenus dans l’Etat de résidence de leur bénéficiaire effectif, à moins qu’ils ne soient rattachables à un établissement stable ou une base fixe dont celui-ci dispose dans l’autre Etat.

Le paragraphe 1, a, de l’article 22 introduit une clause anti-abus ; ainsi l’exonération dans l’Etat de la source ne s’applique que si le résident de l’autre Etat est effectivement imposé dans cet Etat à raison des revenus en cause. Si l’Etat de la résidence n’exerce pas son droit d’imposer, l’Etat de la source recouvre alors la possibilité d’imposer les sommes en cause conformément à sa législation interne.

L’article 23 traite des modalités d’élimination des doubles impositions par les deux Etats. C’est l’article central de cette convention.

Pour la France, le dispositif retenu est une combinaison des deux méthodes couramment utilisées pour l’élimination des doubles impositions.

S’agissant des revenus des sociétés, la convention maintient le principe de l’exonération en France des revenus qui sont imposables ou ne sont imposables qu’en Libye, dans la mesure où ils sont exemptés d’impôt sur les sociétés en application de la législation française.

Dans les autres cas, la double imposition des revenus provenant de la Libye et perçus par des personnes résidentes de France est éliminée par l’imputation sur l’impôt français d’un crédit d’impôt dont le montant dépend du type de revenu considéré. Le crédit est calculé de façon différente selon les revenus.

Dans un premier cas, le crédit d’impôt est égal au montant de l’impôt libyen payé, dans la limite du montant de l’impôt français correspondant à ces revenus. Cette règle s’applique aux revenus suivants :

– revenus provenant de parts ou actions de sociétés à prépondérance immobilière ;

– dividendes ;

– redevances ;

– plus-values provenant de l’aliénation de biens immobiliers, de parts ou actions de sociétés à prépondérance immobilière et revenus provenant de telles parts ou actions ;

– rémunérations perçues au titre d’un emploi salarié à bord d’un navire ou d’un aéronef exploités en trafic international ;

– jetons de présence ;

– revenus des artistes et sportifs dont l’activité n’est pas financée par des fonds publics.

Pour tous les autres revenus (b) du 1 de l’article 23) qui n’entrent pas dans cette première catégorie, le crédit d’impôt est égal au montant de l’impôt français correspondant à ces revenus, à condition que leur bénéficiaire soit soumis à l’impôt libyen à raison de ceux-ci. Cette méthode de calcul s’apparente à une exonération avec maintien de la progressivité de l’impôt.

L’objectif de ces stipulations est, dans le cas des revenus expressément listés, de donner lieu à un partage d’imposition entre les deux Etats alors que pour les autres, il s’agit d’aboutir à une exonération d’impôt en France. La méthode d’élimination de la double imposition sera donc, dans un cas, l’imputation en France d’un crédit d’impôt afférent au revenu taxe en Libye, dans l’autre cas, une exemption en France du revenu taxé en Libye.

La rédaction de la clause française d’élimination des doubles impositions finalement retenue à l’issue du sixième et ultime tour de négociations avec la partie libyenne ne confirme pas la possibilité pour la France d’appliquer ses régimes du bénéfice mondial consolidé ni d’anticiper une évolution de la territorialité de l’impôt sur les sociétés. En effet, la partie libyenne, qui jusqu’alors n’avait pas refusé le principe de l’introduction de cette possibilité est revenue sur l’accord qui avait été dégagé lors du cinquième tour de négociations à Paris en mai 2005.

L’intérêt pour la France d’introduire l’application de ses régimes du bénéfice mondial et du bénéfice consolidé est de permettre aux sociétés françaises, sur agrément, de pouvoir prendre en compte, dans leurs résultats, les bénéfices ainsi que les pertes réalisées à l’étranger. Lorsque c’est possible, la France cherche également à introduire dans ses conventions fiscales une rédaction qui permet au législateur, s’il le juge opportun, de modifier le régime de territorialité de l’impôt sur les sociétés sans être contraint par les conventions.

Le refus libyen n’a cependant que peu de portée pratique dans la mesure où en 2006, aucun groupe ne bénéficiait du régime mondial et seuls huit agréments avaient été accordés au titre du bénéfice consolidé.

Le maintien de sa méthode d’élimination a néanmoins pu être obtenu par la France. La Libye a alors demandé à reprendre à son compte des modalités d’élimination des doubles impositions identiques à celles retenues par la France, ce qui n’a soulevé aucune difficulté du côté français.

Il en résulte que, du côté de la Libye, la double imposition est éliminée de la façon suivante.

S’agissant des revenus des sociétés, la convention maintient le principe de l’exonération en Libye des revenus qui sont imposables ou ne sont imposables qu’en France, dans la mesure où ils sont exemptés d’impôt sur les sociétés en application de la législation libyenne.

Dans les autres cas, la double imposition des revenus provenant de France et perçus par des personnes résidentes de Libye est éliminée par l’imputation sur l’impôt libyen d’un crédit d’impôt dont le montant dépend du type de revenu considéré. Le crédit est, de la même manière que précédemment, calculé de manière différente suivant la catégorie de revenus. Pour les revenus provenant de parts ou actions de sociétés à prépondérance immobilière, les dividendes, les redevances, les plus-values provenant de l’aliénation de biens immobiliers, de parts ou actions de sociétés à prépondérance immobilière et revenus provenant de telles parts ou actions, les rémunérations perçues au titre d’un emploi salarié à bord d’un navire ou d’un aéronef exploités en trafic international, les jetons de présence ainsi que pour les revenus des artistes et sportifs dont l’activité n’est pas financée par des fonds publics, le crédit d’impôt est égal au montant de l’impôt français payé, dans la limite du montant de l’impôt libyen correspondant à ces revenus.

S’agissant des autres revenus le crédit d’impôt est égal au montant de l’impôt libyen correspondant à ces revenus, à condition que leur bénéficiaire soit soumis à l’impôt français à raison de ceux-ci. Comme on l’a vu cette méthode de calcul s’apparente à une exonération avec maintien de la progressivité de l’impôt.

L’article 24 comporte les clauses habituelles de non-discrimination. Son paragraphe 1, b, permet également de traiter différemment les personnes morales en fonction de leur résidence et non de leur nationalité. Cette particularité française résulte d’une décision de la Cour de Cassation – Cass. 21 décembre 1990, SA Roval – en vertu de laquelle, en droit français, résidence et nationalité se confondent pour les personnes morales. Dès lors, même si une société a la nationalité libyenne, si sa résidence est française c’est ce dernier critère qui comptera dans l’application des stipulations de la présente convention.

Le paragraphe 5 de l’article 24 stipule que les cotisations supportées par une personne physique qui exerce un emploi dans un Etat contractant et cotise à un régime de retraite établi et reconnu aux fins d’imposition dans l’autre Etat sont déductibles dans le premier Etat sous certaines conditions.

Son paragraphe 6 prévoit l’application aux entités publiques de l’autre Etat des avantages fiscaux prévus par chaque Etat au profit de ses propres entités publiques. Le paragraphe 8 enlève toute portée fiscale aux clauses générales de non-discrimination ou de la nation la plus favorisée qui seraient contenues dans d’autres traités ou accords bilatéraux auxquels sont parties les deux Etats.

L’article 25 relatif à la procédure amiable est conforme au modèle de l’OCDE. Le délai de saisine de l’autorité compétente est de trois ans à compter de la notification qui révèle une imposition non conforme à la convention.

L’article 26, également conforme au modèle de l’OCDE, autorise avec les restrictions d’usage, les échanges de renseignements utiles pour l’application des dispositions de la convention et de la législation interne des deux Etats y compris s’agissant des impôts non visés par la convention.

L’article 27 reprend les règles applicables aux membres des missions diplomatiques, des postes consulaires et des délégations permanentes auprès d’organisations internationales, couramment retenues dans les conventions conclues par la France.

L’article 28 introduit, à la demande de la France, une clause de la nation la plus favorisée en vue de permettre à notre pays d’obtenir de façon automatique les taux inférieurs ou les exonérations de retenue à la source qui seraient consentis ultérieurement par la Libye en matière de dividendes ou de redevances à des partenaires conventionnels membres de l’OCDE. Cette clause permet aussi à la Libye d’obtenir les régimes plus favorables que la France pourrait consentir à l’avenir en matière d’imposition des bénéfices d’entreprises ou de professions indépendantes aux Etats membres de l’Union africaine.

L’article 29 précise l’entrée en vigueur de la convention et la prise d’effet des dispositions conventionnelles pour les différents impôts.

L’article 30 stipule que les Etats contractants peuvent régler, ensemble ou séparément, les modalités d’application de la convention. Il prévoit que pour bénéficier dans un Etat des dispositions conventionnelles favorables en matière d’imposition des dividendes, intérêts et redevances, les résidents de l’autre Etat doivent présenter un formulaire d’attestation de résidence comportant la certification des services fiscaux de cet autre Etat.

L’article 31 arrête les modalités selon lesquelles la convention pourra être dénoncée.

CONCLUSION

La commission des affaires étrangères de l’Assemblée Nationale se trouve saisie pour la deuxième fois en quelques mois d’une convention fiscale somme toute classique mais qui intervient à une étape cruciale des relations entre la France et la Libye, et, plus largement, au moment où ce pays cherche à redéfinir sa place dans le monde.

La commission des affaires étrangères n’est pas juridiquement liée par sa décision de février, qui approuvait l’approbation de cette convention et recommandait de suspendre l’inscription de ce projet de loi à l’ordre du jour tant que les personnels soignants bulgares n’auraient pas été libérés.

L’étude de la convention fiscale signée le 22 décembre 2005 montre néanmoins que celle-ci apporte une plus grande stabilité juridique aux investissements effectués dans ces deux pays. Elle contribue de ce fait à renforcer la place de la France au sein d’une économie en croissance rapide et à l’ouverture encore récente. Elle est donc un atout pour notre économie et prévoit des garanties suffisantes à sa bonne application.

Vos rapporteurs vous recommandent dans ces conditions de donner un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 11 décembre 2007.

Le Président Axel Poniatowski a rappelé que le projet de loi demandant l’approbation de la convention fiscale signée le 22 décembre 2005 par la France et la Libye avait déjà reçu, sous la précédente législature, un avis favorable de la commission des affaires étrangères le 6 février dernier. La commission avait toutefois demandé et obtenu du gouvernement que ce projet de loi ne soit pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale tant que les cinq infirmières bulgares et le médecin d’origine palestinienne détenus en Libye n’auraient pas été libérés. C’est aujourd’hui chose faite.

M. Eric Raoult, rapporteur, a rappelé que M. François Loncle et lui-même avaient été désignés rapporteurs sur ce projet de loi. La décision du 6 février avait été prise sur le rapport de M. Loncle, et la condition posée alors prouve la qualité et la justesse de son analyse.

Le projet de loi n °182 demande l’approbation d’une convention signée le 22 décembre 2005 par la France et la Libye, internationalement désignée sous le nom de Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste. Très proche du modèle élaboré par l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), ce texte vise à supprimer les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale.

Ses principales stipulations sont très classiques. Le but du texte est de n’imposer les revenus que dans l’Etat où ils sont effectivement réalisés, tout en évitant des localisations d’activité fallacieuses. Ce principe est donc adapté à chaque cas particulier.

Ainsi, les revenus immobiliers, y compris les gains en capital, sont imposables dans l’Etat où les biens immobiliers sont situés. S’agissant des bénéfices d’entreprise, ils sont imposables dans l’Etat où celle-ci est située sauf si elle dispose d’un établissement stable dans l’autre Etat. Les revenus des personnes physiques sont au contraire imposés dans l’Etat de résidence, à certaines exceptions près, qui concernent notamment les indépendants et les fonctionnaires.

Une fois l’Etat d’imposition choisi, reste à supprimer la possibilité pour l’autre Etat d’imposer les mêmes revenus. Là encore, la convention du 22 décembre 2005 reprend les mêmes modalités que la quasi-totalité des conventions signées par la France dans ce domaine. A part quelques rares cas dans lesquels une double imposition très faible subsiste, il est donc fait recours soit au mécanisme du crédit d’impôt, soit à l’exemption fiscale des revenus déjà imposés.

En réalité, les quelques différences existant entre la convention du 22 décembre 2005 et le modèle de l’OCDE sont minimes. Il convient de citer l’insertion d’une clause de la nation la plus favorisée, qui permet de faire systématiquement bénéficier les ressortissants français du régime fiscal le plus avantageux. De plus, des clauses anti-abus ont été insérées. Quelques précisions supplémentaires dans la définition de certains termes ont été demandées par la Libye, sans qu’elles changent en rien le sens du texte.

La convention fiscale signée entre la France et la Libye le 22 décembre 2005 est donc bâtie sur le modèle des accords existant dans ce domaine entre la France et tous ses autres partenaires. Or, son approbation avait été soumise par la commission des affaires étrangères à une condition qui est aujourd’hui levée.

La libération des infirmières bulgares et du médecin d’origine palestinienne représente incontestablement un grand succès pour la France et pour l’Union européenne. Obtenue suite à des négociations longues et difficiles, elle constitue une nouvelle étape dans le cheminement lent mais sûr de la Libye vers la normalisation et, peut-être, la démocratie.

La commission d'enquête créée le 11 octobre sur les conditions de libération des infirmières et du médecin bulgares détenus en Libye et sur les récents accords franco-libyens a montré que ce cheminement vers la démocratie exigera un intérêt soutenu de la part des pays occidentaux, intérêt déjà manifesté par Tony Blair lors de sa visite en Libye, mais également par Romano Prodi qui a reçu le colonel Kadhafi en Italie. Plusieurs délégations parlementaires venant de divers pays européens ou américains se sont également rendues en Libye, à l’instar de celle composée d’élus canadiens en février.

La France ne doit pas être tenue à l’écart de l’ouverture de l’économie libyenne.

Bien que notre balance commerciale soit structurellement déficitaire du fait de l’importance du pétrole dans nos échanges, il convient de noter que les exportations françaises vers la Libye ont crû de plus de 40 % entre 2006 et 2007, nous permettant de passer du septième au sixième rang des fournisseurs de ce pays.

C’est précisément parce que ces développements étaient en cours que la convention fiscale du 22 décembre 2005 a été signée. En effet, l’augmentation rapide et prévisible des liens économiques entre la France et la Libye rendait nécessaire un certain nombre de clarifications concernant le régime fiscal des activités menées entre ces deux pays. En s’efforçant d’éviter les doubles impositions, tout en se préservant du risque de favoriser l’évasion fiscale, la convention qui est soumise à votre examen permet cette simplification.

La commission des affaires étrangères ne saurait être liée par un engagement pris au cours d’une législature précédente. Pour autant, les arguments qui l’avaient conduite à donner un avis favorable à l’approbation du texte du 22 décembre 2005 paraissent toujours valides et encore plus d’actualité

Parce qu’elle permettra de donner plus de sécurité juridique aux échanges entre la France et la Libye, dont le développement économique laisse entrevoir de grandes opportunités pour nos entreprises, M. Eric Raoult a invité la commission a se prononcer en faveur de l’approbation de la convention du 22 décembre 2005.

Le Président Axel Poniatowski a remercié M. François Loncle d’avoir accepté d’être co-rapporteur de ce texte.

M. François Loncle, rapporteur¸ a indiqué qu’il conclurait dans le même sens que M. Eric Raoult, à savoir en faveur du projet de loi. Il convient toutefois d’apporter quelques précisions aux débats portant sur cette convention.

D’abord, l’idée de suspendre la procédure d’approbation dans l’attente de la libération des personnels soignants revient au Président Axel Poniatowski, qui l’avait proposée à la commission, celle-ci s’étant ensuite prononcée en faveur d’une telle solution, de même que le Président Edouard Balladur.

Le rapport publié sur ce projet de loi s’efforce de rappeler l’histoire des relations franco-libyennes. Cette histoire est tumultueuse et mouvementée, depuis la reconnaissance du nouveau gouvernement de la Libye par la France suite au coup d’Etat de 1969 jusqu’à l’embargo de 1992. En 2004 intervient un premier tournant, qui touche les relations de nombreux pays avec la Libye ; la libération des infirmières et du médecin le 24 juillet 2007 est une étape essentielle de l’évolution de nos relations avec ce pays.

Comme indiqué dans le rapport, du fait de l’existence d’une commission d’enquête parlementaire actuellement en cours, les débats sur la convention fiscale de 2005 ne sauraient aborder ni le déroulement des négociations ayant abouti à cette libération, ni l’avenir des relations franco-libyennes.

Le fait que l’examen de cette convention ait lieu le même jour que la visite du colonel Kadhafi à l’Assemblée nationale est un simple hasard qui ne permet en rien de lier l’avis exprimé sur cette convention au point de vue que chacun peut avoir de la nécessité et de l’opportunité des choix faits pour mener les relations entre la France et la Libye. Entre ces deux pays, une histoire recommence qui devra être suivie de manière attentive par la commission des affaires étrangères. Il est étonnant, par exemple, qu’une convention fiscale somme toute très classique comme celle du 22 décembre 2005 soit soumise à l’examen de la commission alors que des accords aux implications commerciales majeures ne le sont pas. Ces derniers auraient pu être soumis, si ce n’est à l’autorisation d’approbation du Parlement, au moins à une obligation d’information.

Une fois émises ces remarques liminaires, M. François Loncle s’est prononcé en faveur de l’adoption du projet de loi.

Le Président Axel Poniatowski a indiqué que les accords auxquels le rapporteur venait de faire référence étaient des mémorandums, qui ne comportaient pas d’engagement ferme de la part des Etats.

M. François Loncle, rapporteur, a réaffirmé qu’il était toutefois possible d’être informé et de discuter du contenu de tels textes.

Le Président Axel Poniatowski a précisé que ces derniers n’indiquaient que les intentions des parties.

Suivant les conclusions des Rapporteurs, la Commission a adopté le projet de loi (no 182 rectifié).

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La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 182 rectifié).

© Assemblée nationale

1 () Il s’agit de la levée des sanctions internationales par la résolution 1506 votée le 12 septembre 2003 par le Conseil de Sécurité des Nations Unies et de la levée par l’Union européenne de l’embargo militaire sur la Libye par une décision du Conseil en date du 11 octobre 2004.