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N
° 603

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 janvier 2008.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale démocratique d’Éthiopie en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu,

PAR M. Jean-Pierre KUCHEIDA,

Député

Voir les numéros  :

Sénat : 282, 447 et T.A. 144 (2006-2007)

Assemblée nationale : 184

INTRODUCTION 5

I – L’ETHIOPIE, UN PAYS STRATÉGIQUE AUX PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT PROMETTEUSES 3

A. L’ETHIOPIE CONNAÎT UNE SITUATION ÉCONOMIQUE FAVORABLE 3

1) L’économie éthiopienne affiche de solides performances 3

2) La persistance de déséquilibres 3

B. QUOIQUE ANCIENNES, LES RELATIONS FRANCO-ÉTHIOPIENNES RESTENT MODESTES 3

1) Les relations économiques 3

2) La coopération bilatérale 3

II – LA PRÉSENTE CONVENTION FISCALE ENTRE LA FRANCE ET L’ETHIOPIE VISE A CONFORTER LES RELATIONS ÉCONOMIQUES ET COMMERCIALES ENTRE LES DEUX PAYS 3

A. UNE CONVENTION CLASSIQUE DESTINÉE À ÉVITER LES DOUBLES IMPOSITIONS ET PRÉVENIR L’ÉVASION ET LA FRAUDE FISCALES 3

1) Un texte largement inspiré du modèle de convention fiscale de l’OCDE 3

2) Les différents régimes d’imposition applicables 3

B. LES AMÉNAGEMENTS APPORTÉS PAR LA PRÉSENTE CONVENTION 3

1) Les adaptations relatives à certaines catégories de revenus 3

2) Les modalités d’élimination des doubles impositions 3

3) L’introduction de clauses anti-abus 3

CONCLUSION 3

EXAMEN EN COMMISSION 3

Mesdames, Messieurs,

Second pays d’Afrique par sa population, l’Éthiopie est l’une des plus anciennes nations au monde, et l’une des seules nations d’Afrique à avoir conservé sa souveraineté pendant le démembrement du continent au XIXème siècle. Située dans la Corne de l’Afrique, elle partage des frontières communes avec l’Érythrée, le Soudan, le Kenya, Djibouti et la Somalie. L’Ethiopie accueille aujourd’hui le siège de l’Union africaine (UA) et de la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies.

Le pays connaît actuellement une croissance soutenue de 8,9 % en moyenne sur la période 2004 – 2006, principalement grâce à la vitalité de son agriculture. Si le pays ne s’est pas encore tout à fait relevé du conflit avec l’Erythrée (1998 – 2000), son économie enregistre cependant de solides résultats.

La France s’intéresse encore très peu à ce pays de près de 80 millions d’habitants, certes très pauvre mais au taux de croissance annuel de 10 % qui pourrait être demain une des puissances émergentes du continent. Avec une part de marché d’environ 3,5 %, notre pays reste un partenaire commercial modeste de l’Ethiopie, se situant au 11ème rang de ses fournisseurs et au 13ème rang de ses clients. Ces chiffres ne doivent cependant pas masquer un dynamisme croissant de nos relations commerciales avec l’Ethiopie.

Afin d’encourager cette évolution, les deux pays ont conclu, en juin 2003, un accord d’encouragement et de protection réciproques des investissements. Le présent projet de loi, qui autorise l’approbation d’une convention fiscale entre la France et l’Ethiopie, vient compléter ce dispositif, marquant ainsi une volonté commune de renforcer les relations économiques et commerciales entre les deux pays.

I – L’ETHIOPIE, UN PAYS STRATÉGIQUE AUX PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT PROMETTEUSES

Second pays d’Afrique par sa population, l’Éthiopie est l’une des plus anciennes nations au monde, située dans la Corne de l’Afrique. Elle accueille aujourd’hui le siège de l’Union africaine (UA) et de la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies. Elle est également membre de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), qui regroupe six pays de la région. En mars 2003, le pays a entamé des négociations d’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Avec un taux de croissance annuel de 10 % au cours de ces dernières années, l’Ethiopie pourrait être, demain, une des puissances émergentes du continent africain.

A. L’Ethiopie connaît une situation économique favorable

1) L’économie éthiopienne affiche de solides performances

Au cours de ces dernières années, l’économie éthiopienne a enregistré de solides performances, avec une croissance de 8,9 % en moyenne sur la période 2004 – 2006. D’après l’OCDE (1), elle a bénéficié de la vitalité de l’agriculture et du niveau élevé des cours du café ainsi que d’investissements dans les infrastructures, principalement financés par les bailleurs de fonds, et de la poursuite des réformes.

En 2007, pour la troisième année consécutive, cette croissance soutenue s’est confirmée, portée par les excellents résultats du secteur agricole qui contribue pour près de la moitié (42,5 %) du PIB et fait vivre 80 % de la population. Depuis 2003 – 2004, ce secteur connaît une croissance forte due, notamment, à des conditions climatiques favorables, à la hausse des cours internationaux des prix du café ainsi qu’au développement du secteur de l’horticulture. L’agriculture éthiopienne se compose, en effet, essentiellement de produits destinés à l’exportation, en particulier du café, du thé et des épices, ainsi que d’autres cultures telles que des céréales, légumineuses, graines oléagineuses, fruits et légumes. Le café est la première culture commerciale de l’Ethiopie, qui se situe au 1er rang des exportateurs d’Afrique et au 6ème rang mondial. Quant à la production et à l’exportation de fleurs, elles progressent rapidement grâce à l’implication de nouveaux investisseurs locaux et étrangers. Ainsi, les recettes d’exploitation de cette nouvelle filière, qui se sont élevées à 20 millions de dollars en 2005, ont quasiment doublé en 2006 et devraient atteindre 100 millions de dollars en 2007. L’Ethiopie dispose, en effet, de nombreux atouts favorables au développement de cette filière, à commencer par son climat, un régime d’incitations favorable aux investisseurs et des coûts de transport inférieurs à ceux des principaux concurrents kenyans et indiens.

Pour sa part, l’industrie ne contribue qu’à 11 % du PIB éthiopien, dont 6 % pour les industries manufacturières (agroalimentaire, textile, cuir, etc.). Elle a toutefois affiché une vive croissance en 2005 – 2006, à laquelle les mines et l’extraction, les activités manufacturières, l’électricité et le gaz ont tous contribué. Ainsi, dans la branche manufacturière, la petite industrie et l’artisanat familial ont fortement progressé, au rythme de 10,8 % en 2005 – 2006, contre 4,8 % en 2003 – 2004. Ce même taux de croissance a été enregistré par l’électricité, le gaz et l’eau en 2005 – 2006, grâce à la mise en valeur des gisements gaziers de Caleb et Shalala par la compagnie Petronas (Malaisie), qui en a obtenu la concession en 2006. Il n’en reste pas moins que l’Ethiopie dispose d’importantes ressources (minerais, hydroélectricité, tourisme, etc.) encore largement inexploitées, tandis que l’émergence d’un tissu industriel, reposant sur le développement du secteur privé, est une nécessité.

Depuis 1992, la politique menée par les dirigeants éthiopiens vise à préserver la stabilité macroéconomique et à libéraliser progressivement l’économie du pays (privatisations, assouplissement du régime de change, etc.). Si cette dynamique a été ralentie par la guerre avec l’Erythrée (1998 – 2000), des réformes ont néanmoins été engagées, dont la révision du code des investissements en 2002 – 2003 et l’introduction, au 1er janvier 2003, de la TVA au taux unique de 15 %. D’après l’OCDE, quelque 111 entreprises publiques ont été mises en vente sur la période 2003 – 2005, principalement dans l’alimentation, les boissons, l’habillement, le cuir et la chaussure, l’hôtellerie et le tourisme, l’imprimerie, le BTP, le textile et l’agriculture. L’Etat tarde cependant à se défaire du monopole qu’il détient dans certains secteurs (télécommunications, secteur bancaire) tandis que la tradition étatique continue de marquer certains aspects de la vie des affaires.

Par ailleurs, a été mis en place un Programme de développement durable et de lutte contre la pauvreté (2), dont la deuxième phase – le Plan d’accélération du développement durable (Plan for Accelerated and Sustained Development to end Poverty – Pasdep) – a été lancée pour les cinq prochaines années. Ce plan a pour objectif de :

− porter la croissance économique annuelle de 7 à 10 % d’ici la fin du dispositif, grâce à des investissements massifs dans des secteurs clés pour la lutte contre la pauvreté ;

− favoriser un essor soutenu de la productivité et de la production agricoles, les récoltes devant passer d’environ 15 à 38 millions de tonnes par an ;

− concentrer les efforts sur le textile, le cuir et la floriculture, afin de dynamiser les exportations.

Il vise notamment à atténuer le déficit commercial du pays en encourageant la diversification des exportations dans des produits comme la viande, les articles en cuir et l’horticulture, tout en stimulant les exportations traditionnelles (café, thé, épices). Dans cette perspective, le Pasdep doit contribuer à porter la superficie plantée de caféiers de 500.000 hectares en 2005 à plus de 700.000 hectares en 2006, afin de parvenir à un accroissement de 37 % de la production de café. Par ailleurs, le Pasdep cherche à dynamiser les entrées d’investissements directs étrangers (IDE). L’Etat a ainsi amendé une loi sur l’investissement afin de ramener à 100.000 dollars le niveau minimum de l’IDE pour les entreprises entièrement à capitaux étrangers et a supprimé les exigences de fonds propres pour les investisseurs extérieurs qui exportent au moins 75 % de leur production.

Toutefois, en dépit de ces initiatives et des performances enregistrées au cours de ces dernières années, l’économie éthiopienne souffre de déséquilibres d’ordre structurel.

2) La persistance de déséquilibres

Malgré ces résultats positifs, l’économie éthiopienne est fortement vulnérable aux chocs extérieurs, notamment au renchérissement du pétrole sur les marchés mondiaux, qui explique en partie le creusement du déficit budgétaire.

Cette croissance soutenue pèse sur le niveau de l’inflation ainsi que sur les déficits courant et budgétaire. D’après l’OCDE, l’inflation s’élevait à 6,8 % en 2005 et a été estimée à 10,5 % en 2006, reflétant la cherté des denrées alimentaires, principalement imputable à la progression de la demande globale, au renchérissement des facteurs de production ainsi qu’à la flambée du prix des carburants. Compte tenu de cette évolution, les forts taux de croissance du PIB depuis trois ans ne favorisent pas l’éradication de la pauvreté. Comme le relève la Mission économique (3), la création de richesses reste en effet combinée à un niveau, peu acceptable par les populations, de l’inflation, résultant principalement d’une hausse des prix des produits alimentaires et de l’énergie. Afin de lutter contre une inflation croissante, le Gouverneur de la Banque centrale éthiopienne a décidé, en juillet dernier, de doubler le niveau des réserves obligatoires des banques commerciales, le faisant passer de 5 à 10 % des dépôts, et d’augmenter la rémunération minimale des dépôts d’un point, pour atteindre 4 %.

Par ailleurs, le déficit budgétaire éthiopien équivaut, depuis les trois dernières années, en moyenne, à environ 5 % du PIB du pays. En 2005 – 2006, il a été estimé à 5,2 points du PIB (10,7 % hors dons) et pourrait atteindre 5,7 % en 2006 – 2007. La persistance de ce déficit s’explique par un recouvrement inefficace de l’impôt auquel s’ajoute une compression de l’aide des donateurs à la suite des événements de novembre 2005.

L’aide extérieure fournie à l’Ethiopie

Pour couvrir son déficit budgétaire, et financer notamment une partie de ses investissements, l’Etat est très tributaire des bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux. L’Ethiopie est ainsi l’un des premiers pays destinataires de l’aide (en valeur absolue) de la Banque mondiale et de l’Union européenne en Afrique. Cependant, à la suite des événements de novembre 2005, l’aide budgétaire directe – sur laquelle les bailleurs de fonds sont largement revenus – prend désormais la forme d’une assistance financière à des secteurs considérés comme essentiels : santé, éducation, assainissement (enveloppe de 2,1 milliards de dollars). Le gouvernement éthiopien devrait en financer la plus grande partie sur fonds propres : 1,7 milliard de dollars, la Banque mondiale participera à hauteur de 225 millions de dollars, la Grande Bretagne pour 191 millions de dollars et le Canada 21 millions de dollars.

Sur le plan européen, le 9ème FED (Fonds européen de développement) prévoit une aide de 437,9 millions d’euros. L’Ethiopie est le 5ème bénéficiaire de l’aide européenne en Afrique. Le 20 avril 2004, l’Ethiopie a atteint le « point d’achèvement» de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Plusieurs pays créanciers ont conclu avec l’Ethiopie, fin 2004 et en 2005, des accords bilatéraux de réaménagement de leurs créances vis-à-vis de ce pays, lui faisant bénéficier bien souvent d’une annulation totale (réduction de près 80 % de la dette externe qui se montait en 2003 – 2004 à 7,2 milliards de dollars en valeur actualisée nette). Au titre de ces accords, la France a annulé sa dette bilatérale (environ 5 millions d’euros).

Source : Ambassade de France en Ethiopie, Mission économique, mars 2007.

Parallèlement, les dépenses publiques ont enregistré une progression afin de couvrir les principaux secteurs prioritaires (santé, éducation et agriculture) et permettre la poursuite de projets d’investissement à grande échelle pour améliorer les infrastructures.

L’Ethiopie doit également faire face à une augmentation plus rapide de ses importations par rapport à ses exportations – quatre fois plus importantes en volume –, qui contribue au creusement des déficits commerciaux. En 2006, le creusement du déficit de la balance commerciale (4) a pesé sur le déficit du compte courant pour le porter à 16,5 % du PIB contre 16,1 % l’année précédente.

Au-delà du creusement des déficits et de l’inflation, l’Ethiopie doit faire face à une situation alimentaire caractérisée par un déficit chronique, en particulier dans certaines régions du pays, plus vulnérables sur le plan climatique. En raison de la sécheresse, le pays a ainsi connu une grave crise alimentaire en 2003, qui a affecté près de quinze millions de personnes. En 2006, une pénurie alimentaire, proche de la famine, a de nouveau touché l’Ethiopie. L’insécurité alimentaire constitue donc un problème récurrent, affectant environ cinq millions de personnes de manière chronique et près de dix autres millions de personnes durant les années de sécheresse. Ce phénomène est accru par l’augmentation du nombre de réfugiés en provenance des pays voisins de l’Ethiopie. A l’heure actuelle, le Programme alimentaire mondial (PAM) distribue, chaque mois, des rations alimentaires à quelque 84.000 réfugiés, la moitié en provenance du Soudan. Environ 20.000 réfugiés viennent de Somalie et 20.000 autres d’Erythrée (5).

En dépit d’une croissance soutenue au cours de ces dernières années, l’économie éthiopienne reste donc fragile du fait de déséquilibres structurels que les réformes et l’aide de la communauté internationale tentent de résorber.

B. Quoique anciennes, les relations franco-éthiopiennes restent modestes

Paris et Addis Abeba entretiennent des relations diplomatiques depuis 1897, date de la signature d’une convention d’amitié et de reconnaissance entre les deux pays. 1897 est également la date du début de la construction du chemin de fer destiné à relier Addis Abeba à Djibouti, qui s’achèvera en 1917.

1) Les relations économiques

Avec une part de marché d’environ 3,5 %, la France reste un partenaire commercial modeste de l’Ethiopie, se situant au 11ème rang de ses fournisseurs et au 13ème de ses clients. Ces chiffres ne doivent pas masquer un dynamisme croissant de nos relations commerciales avec l’Ethiopie : avec 94 millions d’euros d’échanges en 2006, notre relation économique et commerciale a, en effet, atteint des niveaux jamais enregistrés au cours des dix dernières années.

En 2006, les exportations françaises se sont élevées à 68 millions d’euros, soit un niveau comparable à 2005 mais deux fois plus important par rapport à 2004. Après un doublement en 2005, les ventes de biens d’équipement ont progressé de près de 20 % (27,2 millions d’euros) pour représenter notre premier poste à l’export. D’après la Mission économique (6), le secteur électrique a permis aux ventes françaises de tripler en 2006 (10 millions contre 3,2 millions d’euros) tandis que l’essor du secteur immobilier a fait passer les ventes d’équipements mécaniques de 13,3 millions d’euros à 15,8 millions d’euros (+ 20 % environ). En outre, les ventes de produits pharmaceutiques sont restées dynamiques (16,8 millions d’euros) même si elles ne représentent plus le premier poste français à l’export, comme ce fut le cas en 2005 (24,8 millions d’euros). La Mission économique relève, en outre, que le secteur des produits intermédiaires est resté stable (11 millions d’euros), avec une part toujours importante des composants électriques et électroniques et une progression des produits chimiques. Enfin, les ventes de produits des industries agricoles et alimentaires ont été dynamiques (6,4 millions d’euros en 2006 contre 4,3 millions l’année précédente), représentant désormais près de 10 % de nos exportations.

Parallèlement, les importations éthiopiennes en France ont atteint 26 millions d’euros en 2006, dont 21,4 millions d’euros d’achats de café (82 %). Le café éthiopien renoue ainsi avec les performances des années passées en raison de la hausse des cours enregistrée sur les marchés internationaux. Nos importations ont également bénéficié du renforcement de nos achats de produits de l’industrie textile, du cuir travaillé ainsi que des fleurs coupées.

Le graphique ci-après retrace l’évolution des échanges commerciaux entre la France et l’Ethiopie au cours des dix dernières années :

Source : Ambassade de France en Ethiopie, Mission économique, mars 2007.

Si 2006 a été l’année de la confirmation d’une reprise dynamique de la relation commerciale franco-éthiopienne, elle l’a également été sur le plan des investissements français dans le pays (Accor, Brasseries Saint Georges et Kombolcha - BGI Castel -, Total, etc.). La France est le deuxième investisseur en Ethiopie, derrière l’Arabie Saoudite qui détient environ 60 % du total des investissements étrangers. Les investissements français sont concentrés dans quatre secteurs : brasserie, distribution de produits pétroliers, floriculture et hôtellerie. De nombreuses autres sociétés sont représentées, le plus souvent par le biais d’agents. Dans le secteur des infrastructures, de nombreux contrats ont été remportés par des entreprises françaises depuis 1993, parmi lesquelles : Alcatel, Alstom Power, Areva T&D, Coyne et Bellier, EDF, etc. Cependant, les volumes d’investissements (125 millions d’euros) restent faibles et des efforts sont à mener dans des secteurs porteurs où les entreprises françaises sont peu présentes, comme les télécommunications, ou absentes (aéronautique civile notamment).

En juin 2003, la France et l’Ethiopie ont conclu un accord d’encouragement et de protection réciproques des investissements (7) pour une durée de vingt ans. Aux termes de cet accord, chaque Partie accorde aux investisseurs de l’autre Partie un traitement juste et équitable, conformément aux principes du droit international, et en particulier un traitement non moins favorable que celui qu’elle accorde à ses investisseurs ou à ceux de la nation la plus favorisée, s’il est plus avantageux. L’accord prévoit la liberté des transferts des revenus tirés des investissements, le principe d’une indemnisation prompte et adéquate en cas de dépossession et la possibilité de recourir à une procédure d’arbitrage international en cas de différend entre un investisseur et les autorités du pays hôte, ou entre les Parties contractantes.

Le présent projet de loi, qui autorise l’approbation d’une convention fiscale entre la France et l’Ethiopie, vient compléter ce dispositif, marquant ainsi une volonté commune de renforcer les relations économiques et commerciales entre les deux pays.

2) La coopération bilatérale

La célébration, en 2007 – 2008, du centenaire des alliances éthio-françaises d’Addis Abeba et de Dire Dawa ainsi que du soixantième anniversaire du Lycée Guebre Mariam témoigne de l’ancienneté de la coopération culturelle entre les deux pays. Toutefois, malgré l’ancienneté de ces relations, la présence française en Ethiopie reste modeste au regard des enjeux.

Depuis 2000, l’Ethiopie fait partie de la « zone de solidarité prioritaire » (ZSP) et bénéficie à ce titre de financements de la coopération française et de l’Agence française de développement (AFD), qui a ouvert un bureau à Addis-Abeba en septembre 2006. Cette coopération s’inscrit dans le document-cadre de partenariat (DCP), conclu en novembre 2006, qui met l’accent sur deux secteurs (développement des infrastructures urbaines ; eau et assainissement) et trois thèmes transversaux : la gouvernance et la justice, l’enseignement supérieur et la promotion de la francophonie et de la diversité culturelle. Il porte sur une enveloppe globale de 67,9 à 79,6 millions d’euros sur cinq ans (2006 – 2010).

Dans le cadre du DCP, des projets de coopération dans le secteur de la justice et de la gouvernance urbaine ont été lancés. Parallèlement, la coopération universitaire connaît un réel essor, par le biais de deux projets du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) : l’un sur la langue française avec le développement d’une filière de français et d’une filière francophone de gestion des entreprises ; l’autre sur la création de mastères et centres d’excellence dans quatre domaines prioritaires : l’eau, la sécurité alimentaire, la gestion urbaine et l’informatique. Enfin, la coopération culturelle reste une priorité grâce notamment au Centre français des études éthiopiennes ainsi qu’aux alliances éthio-françaises d’Addis Abeba et de Dire Dawa et au Lycée Guebre Mariam, évoqués précédemment.

Au-delà de ces axes prioritaires d’intervention, la France est également présente dans le domaine de la santé (un conseiller régional santé est en poste à Addis Abeba) et de la sécurité alimentaire, même si elle reste un très petit donateur en proportion des besoins (l’Ethiopie est le premier pays récipiendaire d’aide alimentaire au monde). Notre pays est, en outre, un acteur important par le biais de ses contributions multilatérales au Fonds européen de développement (FED), au Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, à la Facilité UNITAID, etc.

Toutefois, malgré ces atouts, la France demeure un bailleur bilatéral modeste en Ethiopie. En 2005, l’aide publique française au développement (APD) s’est élevée à 15,87 millions de dollars. Ces moyens sont très insuffisants au regard non seulement des besoins et des attentes dans un pays aussi stratégique en Afrique, mais aussi de l’accroissement substantiel des contributions des autres donateurs.

II – LA PRÉSENTE CONVENTION FISCALE ENTRE LA FRANCE ET L’ETHIOPIE VISE A CONFORTER LES RELATIONS ÉCONOMIQUES ET COMMERCIALES ENTRE LES DEUX PAYS

Des relations économiques et humaines denses ne peuvent s’établir entre deux pays sans que soient posées des règles claires visant à éviter les doubles impositions aux personnes physiques ou morales qui ont des activités dans les deux pays. L’intérêt des finances publiques de chaque Etat suppose parallèlement de prévenir l’évasion et la fraude fiscales. Tel est l’objet de la présente convention, signée le 15 juin 2006, qui fait suite à l’entrée en vigueur, en 2004, de l’accord d’encouragement et de protection réciproques des investissements entre la France et l’Ethiopie.

A. Une convention classique destinée à éviter les doubles impositions et prévenir l’évasion et la fraude fiscales

La perspective du développement des échanges entre les deux pays a conduit la France à proposer un projet de convention fiscale aux autorités éthiopiennes en décembre 2004. Un premier tour de négociation s’est déroulé à Addis Abeba qui a très rapidement permis de finaliser un accord technique le 17 juin 2005. La version finale de la convention a été signée à Paris le 15 juin 2006.

1) Un texte largement inspiré du modèle de convention fiscale de l’OCDE

La présente convention a pour objet d’éliminer les doubles impositions entre la France et l’Ethiopie et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu. Dans ses grandes lignes, elle est conforme au modèle de convention de l’OCDE, sous réserve des aménagements liés aux spécificités de la législation des deux Etats.

La convention du 15 juin 2006 s’applique à tous les résidents d’un Etat contractant ou des deux Etats contractants (article 1er). Elle s’applique aux seuls impôts sur le revenu dans la mesure où l’Ethiopie ne dispose pas d’impôt sur la fortune. Ces impôts, énumérés par l’article 2 du texte, comprennent, pour la France, l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés, la taxe sur les salaires ainsi que les contributions sociales généralisées et les contributions pour le remboursement de la dette sociale.

Par ailleurs, selon l’usage, la présente convention précise les définitions nécessaires à l’interprétation des termes qu’elle contient (article 3) ainsi que les notions de résidence (article 4) et d’établissement stable (article 5). S’agissant de cette dernière notion, les exemples d’installations fixes d’affaires, énumérés au paragraphe 2, ont été enrichis tandis qu’au paragraphe 3, la durée nécessaire à la constitution d’un établissement stable a été fixée à 6 mois, au lieu de 12, pour les chantiers de construction et de montage.

2) Les différents régimes d’imposition applicables

Conformément au modèle de convention de l’OCDE, le projet de convention fiscale franco-éthiopienne prévoit l’imposition des revenus de biens immobiliers au lieu de situation de ces biens (article 6). De même, les règles d’attribution et de détermination des bénéfices des entreprises sont reprises (article 7). Ainsi, une entreprise d’un Etat qui exerce une activité sur le territoire de l’autre Etat contractant n’est imposable dans cet autre Etat que si l’activité y est exercée par l’intermédiaire d’un établissement stable et uniquement à raison des bénéfices dégagés par celui-ci.

Le projet de convention reprend les règles traditionnelles pour l’imposition des salaires du secteur privé, en retenant le principe d’imposition dans l’Etat d’exercice de l’activité (article 15). En ce qui concerne les pensions, rentes viagères à titre onéreux et autres rémunérations similaires du secteur privé, le projet prévoit l’imposition exclusive dans l’Etat de résidence de leur bénéficiaire, à l’exception des sommes payées en vertu de la législation sur la sécurité sociale de l’un des Etats contractants. Dans ce cas, ces sommes ne sont taxables que par l’Etat d’où elles proviennent (article 18). Ainsi, les pensions privées de source française, versées à des expatriés français en Ethiopie en application de la législation sur la sécurité sociale, sont exclusivement imposables en France.

S’agissant des rémunérations et pensions publiques, elles sont imposables par l’Etat qui les verse (article 19). Toutefois, la convention maintient expressément les avantages fiscaux dont bénéficient jusqu’à présent les coopérants culturels, scientifiques et techniques ainsi que les enseignants français en poste en Ethiopie, aux termes des accords signés entre les deux Etats le 27 août 1966 (article 30, paragraphe 4). De manière classique, cette convention permet par ailleurs d’exonérer, dans l’Etat où ils séjournent et sous certaines conditions, les subsides reçus de l’étranger par les étudiants et les stagiaires (article 20). Elle prévoit également que les professeurs et les chercheurs sont exclusivement imposables dans l’Etat d’envoi, au titre des deux premières années où ils exercent leur activité dans l’autre Etat, pour autant que leurs travaux soient entrepris dans un intérêt public (article 21). Pour leur part, les membres des missions diplomatiques sont exclus de l’application de la convention (article 28).

Enfin, le présent projet de convention comporte, comme c’est l’usage, des clauses de non-discrimination (article 24) et fixe une procédure amiable conforme, dans ses grandes lignes, au modèle de convention de l’OCDE (article 25).

B. Les aménagements apportés par la présente convention

Si le présent projet de convention s’inspire largement des modèles internationaux en vigueur en matière fiscale, il comporte quelques adaptations liées aux spécificités des deux Etats.

1) Les adaptations relatives à certaines catégories de revenus

La présente convention aménage certaines dispositions du modèle de convention de l’OCDE, en ce qui concerne notamment l’imposition des dividendes, des intérêts et des redevances. Ainsi, les dividendes sont, en principe imposés dans l’Etat de résidence de leur bénéficiaire mais l’Etat de la source peut également les imposer au taux général de 10 % qui correspond au taux de retenue à la source applicable en droit éthiopien (article 10). Il s’agit d’une concession importante de la France en contrepartie de laquelle l’Ethiopie a accepté de réduire de moitié l’imposition qui résulte de sa législation interne pour les intérêts (5 % aux termes de l’article 11) et les redevances (7,5 % d’après l’article 12). La France a également obtenu l’insertion d’une clause de la nation la plus favorisée pour ces trois catégories de revenus (article 29). Cette clause permet à la France de bénéficier de manière automatique des taux inférieurs ou des exonérations de retenue à la source que l’Ethiopie pourra consentir à ses futurs partenaires conventionnels membres de l’OCDE en matière d’intérêts, de dividendes et de redevances.

Par ailleurs, à la demande de l’Ethiopie, le régime applicable aux artistes et aux sportifs a été aménagé. L’article 17 de la présente convention attribue à l’Etat où se produisent les intéressés le droit d’imposer les revenus provenant des services rendus dans cet Etat. Toutefois, il ajoute que, lorsque les déplacements des intéressés sont financés principalement par des fonds publics, les revenus ne sont imposables que dans l’Etat dont l’artiste ou le sportif est un résident.

S’agissant, enfin, des revenus non expressément visés dans les autres articles de la convention, l’article 22 du présent projet prévoit, contrairement au modèle de l’OCDE, leur imposition exclusive dans l’Etat d’où ils proviennent.

2) Les modalités d’élimination des doubles impositions

La double imposition juridique internationale peut être définie comme l’application d’impôts comparables dans deux ou plusieurs Etats au même contribuable, pour le même fait générateur et pour des périodes identiques. Du fait de ses effets néfastes sur l’échange de biens et services et sur les mouvements de capitaux, elle constitue un obstacle au développement des relations économiques entre les pays. L’article 23 du présent projet de convention traite ainsi des modalités d’élimination des doubles impositions par la France (paragraphe 2) et l’Ethiopie (paragraphe 3).

En ce qui concerne la France, une distinction est opérée entre les revenus des sociétés et les autres revenus. S’agissant des revenus des sociétés, la convention maintient le principe de l’exonération en France des revenus qui sont imposables ou ne sont imposables qu’en Ethiopie, dans la mesure où ils sont exemptés d’impôt sur les sociétés en application de la législation française. Dans les autres cas, la double imposition des revenus provenant de l’Ethiopie et perçus par des personnes résidentes de France est éliminée par l’imputation sur l’impôt français d’un crédit d’impôt, dont le montant dépend du type de revenu considéré.

En ce qui concerne l’Ethiopie, les revenus exclusivement imposables en France sont exemptés d’impôt en Ethiopie mais pris en compte pour la détermination de l’impôt afférent aux autres revenus imposables en Ethiopie. S’agissant des revenus dont l’imposition est partagée entre les deux Etats – essentiellement les dividendes, intérêts et redevances –, ils ouvrent droit à un crédit d’impôt en Ethiopie correspondant au montant de l’impôt payé en France, dans la limite de la fraction de l’impôt éthiopien correspondant à ces revenus.

Enfin, un mécanisme de crédit d’impôt fictif a été introduit (article 23, paragraphe 3) qui s’applique exclusivement aux revenus d’activités exercées sur le territoire éthiopien qui y bénéficient d’avantages fiscaux en vue de promouvoir le développement de cet Etat. Cette clause ne vise pas les revenus passifs de source éthiopienne perçus par les résidents en France.

3) L’introduction de clauses anti-abus

Conformément au modèle de convention de l’OCDE, le présent projet de convention autorise, avec les restrictions d’usage, les échanges de renseignements utiles pour l’application de ses dispositions ainsi que de la législation interne des deux Etats (article 26).

Au-delà de ces dispositions classiques d’assistance et d’échanges d’informations, ce projet comporte plusieurs clauses destinées à prévenir l’utilisation abusive des avantages qu’il procure, en maintenant notamment la possibilité pour la France d’appliquer sa législation en vue de lutter contre l’évasion fiscale (article 209 B du code général des impôts). Ainsi, la rédaction de la clause française d’élimination des doubles impositions confirme la possibilité pour la France d’appliquer sa législation interne destinée à lutter contre la délocalisation des bénéfices des sociétés (article 209 B précité) dès lors que les revenus « non dénommés », visés par l’article 22 de la présente convention, ouvrent droit à un crédit d’impôt égal à l’impôt éthiopien.

Par ailleurs, à la demande de la France, plusieurs clauses ont été introduites visant à exclure du bénéfice de la convention fiscale toute forme de participation, génératrice de revenus, constituée dans le but de tirer indûment profit des avantages de la convention (article 10, paragraphe 6 ; article 11, paragraphe 8 ; article 12, paragraphe 7 ; etc.)

Enfin, une clause anti-abus d’origine française a été introduite au terme de laquelle l’exonération dans l’Etat de la source ne s’applique que si le résident de l’autre Etat est effectivement imposé dans cet Etat à raison des revenus en cause. Si l’Etat de la résidence n’exerce pas son droit d’imposer, l’Etat de la source recouvre alors la possibilité d’imposer les sommes en cause conformément à sa législation interne (article 22, paragraphe 4).

CONCLUSION

La présente convention fiscale entre la France et l’Ethiopie doit permettre de renforcer la présence française en Ethiopie et de sécuriser les relations des investisseurs français dans cet Etat.

C’est pourquoi votre Rapporteur recommande l’adoption du projet de loi n°184 qui en autorise l’approbation.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 16 janvier 2008.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a eu lieu.

Le Président Axel Poniatowski a demandé au Rapporteur s’il avait une idée du nombre de Français résidant en Ethiopie et d’Ethiopiens vivant en France, M. Jean-Paul Dupré faisant remarquer que les Français rencontrent souvent des difficultés avec la douane de ce pays. Il a aussi interrogé le Rapporteur sur le nombre d’habitants en Ethiopie.

M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur, a précisé que peu de Français vivent en Ethiopie, pays de 80 millions d’habitants, dont la taille est plus importante que sa représentation sur les planisphères le laisse penser.

A la question de M. Jacques Remiller sur les relations entre l’Ethiopie et la Somalie, M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur, a répondu que l’intervention de l’Ethiopie en Somalie était motivée par le souci de la première de préserver ses intérêts sur le territoire de la seconde, qui, en l’absence d’Etat depuis de nombreuses années, constitue une zone de non-droit. La partie de la Somalie qui jouxte l’Ethiopie est quasi désertique, contrairement aux plateaux éthiopiens relativement humides.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (no 184).

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La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 184).

© Assemblée nationale

1 () Perspectives économiques en Afrique 2006/2007.

2 () Sustainable Development and Poverty Reduction Program – SDPRP.

3 () Ambassade de France en Ethiopie, « Situation économique et financière de l’Ethiopie au premier trimestre 2007 », 26 mars 2007.

4 () En 2006, les exportations ont représenté 1,1 milliard de dollars et les importations 4,3 milliards de dollars. Les principaux débouchés des exportations éthiopiennes ont été l’Asie (39,3 %) - la Chine représentant une part de 34,4 % - suivie de l’Europe (37 ,8 %) et l’Afrique (environ 17 %). En ce qui concerne les importations, plus de la moitié proviennent d’Asie (55 %). L’Europe est un autre fournisseur important (29 %).

5 () « Ethiopie : 3,3 millions de dollars nécessaires pour éviter l’interruption de la distribution alimentaire », Centre de nouvelles de l’ONU, 17 décembre 2007.

6 () Ambassade de France en Ethiopie, « Le commerce extérieur franco-éthiopien 2006 », 15 février 2007.

7 () Loi n°2004-497 du 7 juin 2004 autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République démocratique fédérale d’Ethiopie sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole).