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N
° 682

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 février 2008.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI (n° 668) autorisant la ratification de l’accord de transport aérien entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États-Unis d’Amérique, d’autre part,

PAR M. Eric RAOULT,

Député

INTRODUCTION 5

I – LE PRÉSENT ACCORD S’INSCRIT DANS UN CONTEXTE DE PROFONDES MUTATIONS DU TRANSPORT AÉRIEN 7

A. – L’ÉVOLUTION DU TRANSPORT AÉRIEN MONDIAL 7

1) Une croissance soutenue du trafic aérien mondial 7

2) L’espace aérien européen 9

B. – LES ENJEUX D’UN ACCORD « CIEL OUVERT » ENTRE L’UNION EUROPÉENNE ET LES ETATS-UNIS 11

1) L’historique des négociations 11

2) Les bénéfices attendus de l’accord 12

II – CET ACCORD CONSTITUE UNE ÉTAPE DECISIVE VERS L’OUVERTURE DE L’ESPACE AÉRIEN TRANSATLANTIQUE 13

A. – UN PREMIER PAS VERS L’OUVERTURE DES ROUTES AÉRIENNES TRANSATLANTIQUES 13

1) La suppression des restrictions sur les droits de trafic 13

2) Les jalons d’une coopération renforcée 15

3) La mise en place de mécanismes de concertation 17

B. – UN ACCORD INTERMÉDIAIRE QUI APPELLE UNE SECONDE PHASE DE NÉGOCIATIONS 18

1) La nécessité d’un meilleur équilibre 18

2) Le choix d’une approche graduelle 20

CONCLUSION 23

EXAMEN EN COMMISSION 25

Mesdames, Messieurs,

Après plus de quatre années de négociations, l’Union européenne et les Etats-Unis sont parvenus à un accord « ciel ouvert » qui ouvre les couloirs aériens transatlantiques à davantage de concurrence. Signé le 30 avril 2007 lors du sommet Union européenne – Etats-Unis, cet accord entrera provisoirement en vigueur le 30 mars prochain.

Grâce à ce texte, toute compagnie aérienne d’un pays membre de l’Union européenne pourra désormais effectuer des vols vers les Etats-Unis depuis n’importe quel aéroport européen. Elle pourra, en outre, opérer sans restriction sur le nombre de vols, d’appareils et de route ; fixer les prix en fonction du marché et signer des accords de coopération. D’après la Commission européenne, l’ouverture des couloirs aériens transatlantiques à plus de concurrence pourrait se traduire par une augmentation du nombre de passagers de 26 millions en cinq ans ainsi que par la création de 80.000 emplois.

Toutefois, s’il crée un cadre réglementaire plus stable, cet accord ne règle pas un certain nombre de questions concernant notamment des possibilités de contrôle et de propriété des transporteurs aériens identiques pour les deux Parties ou encore l’égalité des droits de trafics pour l’accès au marché intérieur de chacune des Parties (cabotage).

C’est pourquoi, l’accord, qui est soumis aujourd’hui à l’Assemblée nationale, appelle à la poursuite des négociations dans les deux mois suivant son entrée en vigueur. L’objectif de ce second cycle de négociations est de parvenir à un meilleur équilibre et, in fine, à un espace aérien totalement libéralisé.

Avant d’aborder le contenu de cet accord de manière détaillée, votre Rapporteur s’attachera à décrire les grandes évolutions du secteur du transport aérien au cours de ces dernières années.

.

I – LE PRÉSENT ACCORD S’INSCRIT DANS UN CONTEXTE DE PROFONDES MUTATIONS DU TRANSPORT AÉRIEN

L’accord entre l’Union européenne et les Etats-Unis vise à libéraliser les échanges aériens entre les deux territoires. Il s’inscrit dans un contexte en profondes mutations du secteur du transport aérien qui se caractérise notamment par une ouverture croissante des marchés.

A. – L’évolution du transport aérien mondial

Le trafic aérien mondial a enregistré une croissance soutenue qui, d’après l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), devrait progresser, pour le transport régulier de passagers, à un taux moyen annuel de 4,6 % d’ici 2025.

1) Une croissance soutenue du trafic aérien mondial

L’évolution du trafic aérien à l’échelle mondiale est suivie par l’OACI, organisme des Nations unies regroupant 189 Etats membres. Fondée sur la Convention relative à l’aviation civile internationale, signée à Chicago le 7 décembre 1944, son activité touche principalement aux techniques de la navigation aérienne, aux transports aériens, à l’assistance technique et au droit aérien.

Fin 2007, l’OACI a publié ses premières estimations sur l’évolution du trafic aérien, faisant apparaître une hausse de 6,6 % environ du trafic de passagers des compagnies aériennes mondiales (1) par rapport à 2006. Le nombre de passagers utilisant les services réguliers a atteint 2,2 milliards, soit une augmentation d’environ 6 %. Ces statistiques montrent également un accroissement général de 5,5 % environ par rapport à 2006, fondé sur le nombre de tonnes – kilomètres réalisées, mesure qui inclut les passagers, le fret et la poste.

Alors que le trafic de passagers internationaux a connu en 2007 un taux de croissance marginalement inférieur par rapport à l’année précédente, soit 7,3 % comparé à 7,6 %, toutes les régions ont enregistré des taux de croissance élevés. En Europe, dont le trafic représente près de 40 % du trafic international, la hausse était de 6,4 %. L’Asie-Pacifique, qui représente près de 28 % du trafic international, a connu une croissance de 6,6 % et l’Amérique du Nord (quelque 17 % du trafic international) un taux de 5,5 %. La région Moyen-Orient, quant à elle (7 % du trafic international), a vu son trafic augmenter de près de 19 % ; l’Amérique latine ainsi que l’Afrique, qui représentent ensemble 7 % du trafic international, ont réalisé des taux de croissance de 5,8 % et 6,8 % respectivement.

Les graphiques ci-après illustrent l’évolution annuelle du trafic régulier mondial de passagers et du trafic total depuis 1998 :

En ce qui concerne le trafic aérien européen de passagers, il a enregistré, en 2006, une hausse de près de 5 % par rapport à 2005, pour atteindre environ 740 millions de personnes (2).

Les plus grands nombres de passagers ont été observés au Royaume-Uni (211 millions, + 4 %), en Allemagne (154 millions, + 6 %), en Espagne (151 millions, + 5 %), en France (113 millions, + 5 %) et en Italie (96 millions, + 9 %). Le nombre de passagers a, en outre, augmenté dans tous les États membres à l’exception de Chypre et de Malte. Quatre États membres ont enregistré une hausse de 30 % ou plus par rapport à 2005 : la Roumanie (+ 35 %), la Slovaquie (+ 34 %), la Lettonie (+ 33 %) et la Pologne (+ 31 %). Huit États membres ont affiché une hausse de 10 % ou plus : sept États membres d’Europe centrale et orientale ainsi que l’Irlande.

Par rapport au nombre total de passagers transportés, 23% (170 millions) l’ont été sur des vols intérieurs, 44% (320 millions) sur des vols intra-communautaires et 34% (250 millions) sur des vols extracommunautaires.

Avec 67 millions de passagers transportés en 2006, Londres/Heathrow est resté l’aéroport le plus fréquenté de l’Union européenne, malgré une baisse de 0,5 % du nombre de passagers entre 2005 et 2006. Paris/Charles de Gaulle (56 millions, + 6 %) et Frankfurt/Main (52 millions, + 1 %) se sont classés en deuxième et troisième position, suivis d’Amsterdam/Schiphol (46 millions, + 4 %) et Madrid/Barajas (45 millions, + 8 %).

Londres/Heathrow a été l’aéroport le plus fréquenté de l’Union européenne en ce qui concerne les passagers extracommunautaires (37 millions de passagers), Amsterdam/Schiphol étant le plus fréquenté pour les passagers au sein de l’Union (27 millions) et Madrid/Barajas pour les passagers sur les vols nationaux (20 millions).

2) L’espace aérien européen

Jusqu’en 1987, le transport aérien européen était caractérisé par des marchés nationaux protégés et fragmentés, laissant peu de choix aux passagers pour les vols à l’intérieur et à l’extérieur de l’Europe. L’adoption d’une série d’actes législatifs a permis de créer, en moins de dix ans, un marché unique du transport aérien. Au sein de ce marché, les transporteurs aériens de l’Union européenne sont libres de proposer leurs services à l’intérieur de l’Union, de fixer leurs prix et, depuis 1997, d’offrir des services de cabotage (vols intérieurs).

Cette libéralisation des transports aériens dans l’Union européenne a connu un véritable succès, avec une augmentation de 20 % du nombre de compagnies aériennes depuis 1990 et une très forte croissance du nombre de liaisons intracommunautaires (+ 170 % depuis 1992). Elle s’est accompagnée d’une série de mesures destinées à harmoniser les normes de sécurité (création de l’Agence européenne de la sécurité aérienne – AESA – en 2002) ainsi que les règles de sûreté dans tous les aéroports de l’Union.

De même, une réglementation sur la gestion du trafic aérien a été élaborée, visant à remodeler l’espace aérien européen : il s’agit de l’initiative « ciel unique européen » lancée en 2004. Comme l’observe l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) (3), cette initiative a pour objectif de réorganiser l’espace aérien européen en fonction des caractéristiques du trafic, d’établir des règles techniques et de procédures communes et d’encourager la mise en place d’un système européen harmonisé de gestion du contrôle aérien. Cette nouvelle organisation vise à réduire les retards, à tripler les capacités, à renforcer la sécurité et à obtenir une réduction des coûts relatifs à la gestion du trafic aérien pouvant aller jusqu’à 50 %, tout en réduisant de 10 % l’incidence environnementale de chaque vol.

La libéralisation du marché intérieur de l’aviation et l’harmonisation des règles techniques et économiques s’accompagnent de l’affirmation d’un début de compétence communautaire dans le domaine des relations aériennes avec les pays tiers. En juin 2006, l’Union européenne et ses Etats membres ont ainsi signé l’accord sur la création d’un espace aérien commun européen (EACE). Cet accord intègre dans le marché unique les pays partenaires du sud-est de l’Europe (4) qui adopteront les dispositions réglementaires de l’UE en matière de transport aérien et libéraliseront leurs marchés en vue de leur intégration au marché unique communautaire. En outre, en décembre 2006, l’Union européenne et ses Etats membres ont signé avec le Maroc un accord sur le transport aérien. Cet accord se conforme aux mêmes principes d’ouverture parallèle des marchés et de convergence réglementaire par rapport aux normes de l’Union européenne. A l’avenir, l’espace aérien commun pourrait encore être étendu afin d’inclure l’Ukraine et d’autres pays voisins, notamment dans la région méditerranéenne.

Ces évolutions attestent de l’émergence d’une nouvelle politique extérieure de l’Union européenne dans le domaine du transport aérien. Un des objectifs de cette politique est de conclure des accords avec des pays partenaires importants visant, à la fois, l’ouverture des marchés et une coopération réglementaire, notamment en matière de sûreté et de sécurité aérienne. C’est dans ce contexte que s’inscrit la négociation du présent accord « ciel ouvert » entre l’Union européenne et les Etats-Unis.

B. – Les enjeux d’un accord « ciel ouvert » entre l’Union européenne et les Etats-Unis

En mars 2007, l’Union européenne et ses Etats membres ont signé avec les Etats-Unis un accord global de première phase sur le transport aérien.

1) L’historique des négociations

Jusqu’à présent, les échanges aériens transatlantiques étaient fondés sur des accords bilatéraux que la Commission européenne a estimé contraires aux règles du marché unique. Ces accords créent, en effet, un désavantage commercial pour les compagnies aériennes des pays qui n’ont pas conclu d’accord bilatéral.

En 2002, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a confirmé l’incompatibilité de ce système hétérogène avec le droit communautaire en condamnant huit Etats membres (Royaume-Uni, Danemark, Suède, Finlande, Belgique, Luxembourg, Autriche, Allemagne) pour avoir conclu avec les Etats-Unis des accords bilatéraux dans le domaine du transport aérien (5). La Cour a estimé qu’en conséquence seule la conclusion d’un accord entre l’Union européenne et les Etats-Unis dans le secteur de l’aviation permettrait de garantir le respect de la législation communautaire.

A la suite de ces décisions de la CJCE, mandat a été conféré à la Commission européenne pour négocier un tel accord avec les Etats-Unis, visant à établir un espace aérien sans frontières. Les négociations destinées à parvenir à cet accord ont été lancées le 25 juin 2003, lors du sommet Union européenne – Etats-Unis qui s’est tenu à Washington.

A la suite de négociations difficiles, un projet d’accord a été mis au point en novembre 2005 pour l’adoption duquel l’Union européenne exigeait cependant des progrès notables dans la levée des restrictions à la propriété et au contrôle des transporteurs aériens américains. Dans cette perspective, le ministère des Transports des Etats-Unis (US Department of Transportation – DOT) a émis un avis de proposition de réglementation réinterprétant l’obligation légale imposée aux transporteurs des Etats-Unis d’être placés sous le « contrôle effectif » de citoyens des Etats-Unis, de manière à étendre les possibilités offertes aux citoyens étrangers d’investir dans les entreprises américaines de transport aérien et de participer à leur gestion. Les nombreuses remarques formulées sur cet avis
– notamment, celles du Congrès américain – ont finalement conduit le ministère à retirer cet avis, en décembre 2006, rendant nécessaire la reprise d’un nouveau cycle de négociations. C’est dans le cadre de ces négociations qu’un nouveau projet d’accord a vu le jour le 2 mars 2007 
(6) puis, a été signé lors du sommet Union européenne – Etats-Unis du 30 avril 2007.

2) Les bénéfices attendus de l’accord

A la suite des décisions de novembre 2002 de la Cour de justice des Communautés européennes, l’accord entre l’Union européenne et les Etats-Unis remplace les accords bilatéraux existants et met ainsi fin à une forme d’insécurité juridique. Il constitue, en outre, un précédent pour la reconnaissance de la nationalité européenne des compagnies de l’Union européenne qui ont scellé des alliances.

En rapprochant les deux plus grands marchés du transport aérien, cet accord couvrira plus de 60 % du trafic aérien mondial. D’après la Commission européenne, l’ouverture des couloirs aériens transatlantiques à plus de concurrence doit profiter aux consommateurs des deux côtés de l’Atlantique. En incitant à la création de nouvelles routes aériennes, cette ouverture pourrait se traduire par une augmentation du nombre de passagers entre l’Europe et les Etats-Unis d’environ 26 millions de personnes en cinq ans – le trafic annuel actuel se situe au-dessous de la barre des 50 millions de passagers –. Sur la même période, la Commission estime que cette initiative pourrait, en outre, contribuer à la création de 80.000 emplois et générer 12 milliards d’euros de bénéfices.

L’accord offrira, par ailleurs, aux compagnies aériennes une plus grande souplesse dans le choix de leurs dessertes et, pour les voyageurs, l’assurance de liaisons plus directes et plus fréquentes.

Enfin, un tel accord pourrait service de modèle à de futurs accords de même nature avec d’autres pays, contribuant ainsi à la libéralisation progressive du transport aérien international. Comme le souligne l’OACI (7), la communauté du transport aérien fait, en effet, face aux mêmes défis : « maintenir des niveaux de sécurité et de sûreté élevés en dépit d’une croissance rapide du trafic aérien ; rendre durable sur le plan écologique le développement du transport aérien ; répondre à la demande future par des infrastructures et des moyens techniques adaptés ; et coopérer au niveau international aussi efficacement que possible sur un marché de plus en plus mondialisé ». Dans ce contexte, une coopération plus étroite à l’échelon international est une voie que le présent accord entre l’Union européenne et les Etats-Unis contribue à explorer, malgré les approfondissements dont il peut encore faire l’objet.

II – CET ACCORD CONSTITUE UNE ÉTAPE DECISIVE VERS L’OUVERTURE DE L’ESPACE AÉRIEN TRANSATLANTIQUE

Après plus de quatre ans de négociations, l’Union européenne et les Etats-Unis sont parvenus, en mars 2007, à un accord « ciel ouvert » destiné à ouvrir à plus de concurrence les couloirs aériens transatlantiques. Cet accord, qui remplace les accords bilatéraux existants entre les Etats-Unis et certains pays européens, s’appliquera provisoirement à partir du 30 mars 2008 (article 25) et définitivement, après l’accomplissement des procédures internes dans chacun des Etats membres de l’Union européenne.

A. – Un premier pas vers l’ouverture des routes aériennes transatlantiques

En l’absence d’accord global, les compagnies aériennes européennes ne peuvent aujourd’hui assurer la liaison avec les Etats-Unis que depuis leur pays d’origine. Le présent accord met fin à ces restrictions en instaurant un cadre global, qui se substitue aux accords bilatéraux (8) sur le transport aérien conclus entre les Etats-Unis et seize Etats membres de l’Union européenne (article 22).

1) La suppression des restrictions sur les droits de trafic

A l’heure actuelle, se rendre aux Etats-Unis de France n’est possible qu’en empruntant une compagnie française ou une compagnie américaine. En outre, tous les Etats membres n’ont pas conclu un accord « ciel ouvert » avec les Etats-Unis, ce qui a pour conséquence de limiter sérieusement le nombre de routes vers les Etats-Unis depuis l’Espagne, l’Irlande ou la Grèce, par exemple.

Le présent accord vise à lever les restrictions qui existent actuellement sur les liaisons internationales entre l’Union européenne et les Etats-Unis. A cette fin, il généralise un certain nombre de droits de trafic aérien, rendant notamment possible le transport des passagers et des marchandises à partir d’un Etat tiers vers les Etats-Unis sur une liaison au départ de l’Union européenne, et inversement (article 3, paragraphe 1er). L’entrée en vigueur de l’accord permettra ainsi aux compagnies aériennes européennes, quelle que soit leur nationalité, de desservir n’importe quelle ville des Etats-Unis à partir de n’importe quelle ville d’Europe. A l’inverse, n’importe quelle compagnie aérienne américaine sera autorisée à opérer vers n’importe quelle destination européenne, puis à se diriger vers d’autres destinations. En outre, les compagnies aériennes européennes auront le droit d’assurer la liaison entre les Etats-Unis et des pays tiers faisant partie de l’Espace aérien commun européenne (EACE), comme la Norvège, l’Islande ou la Croatie.

En ne retenant plus le critère de nationalité de la compagnie, le présent accord respecte les décisions de la Cour de justice des Communautés européennes de 2002, condamnant les accords bilatéraux au motif qu’ils discriminaient les compagnies européennes sur le fondement de leur nationalité. Avec cet accord, les Etats-Unis reconnaissent la nature européenne des compagnies tandis qu’est mis fin à une période d’insécurité juridique.

La libéralisation du trafic aérien ainsi engagée concerne principalement l’aéroport londonien de Heathrow, qui représente plus de 40 % de l’ensemble des vols d’Europe à destination des Etats-Unis. Le présent accord remplace, en effet, l’accord bilatéral restrictif entre les Etats-Unis et la Grande Bretagne, qui limite les liaisons entre les deux pays, au départ de l’aéroport de Heathrow, à quatre transporteurs, deux britanniques (British Airways, Virgin Atlantic) et deux américains (American Airlines et United Airlines). Compte tenu de l’enjeu de cette ouverture pour ses compagnies (9), le Royaume-Uni a obtenu un délai dans l’application de l’accord – jusqu’au 30 mars 2008 – afin de permettre l’achèvement d’un nouveau terminal de l’aéroport de Heathrow, qui sera exploité par la compagnie British Airways.

Votre Rapporteur souligne que le présent accord permettra, en outre, aux compagnies aériennes de l’Union européenne d’opérer sans restriction sur le nombre de vols, d’appareils et de routes (article 3, paragraphes 2, 4 et 5). En revanche, la suppression des restrictions sur les droits de trafic ne concerne pas le droit d’assurer du trafic de cabotage, qui est explicitement exclu de l’accord (article 3, paragraphe 6), pour des raisons précisées infra.

La libéralisation du trafic aérien transatlantique passe également par la liberté de tarification des services aériens. Aux termes de l’article 13 de l’accord, les compagnies aériennes européennes pourront fixer les prix en fonction du marché. Les compagnies américaines devront, pour leur part, respecter la réglementation communautaire pour les tarifs appliqués aux services exploités « entre un point situé dans un Etat membre et un point situé dans un autre Etat membre ».

De même, le présent accord prévoit la libéralisation des activités commerciales en reconnaissant aux transports aériens de chaque partie, le droit d’établir des bureaux sur le territoire de l’autre partie « aux fins de la promotion et de la vente de services aériens et d’activités connexes » (article 10). Ce principe s’applique également aux accords de coopération commerciale, tels que les accords de réservation de capacité ou de partage de code (article 10, paragraphe 7) et les accords de franchisage ou de marque (article 10, paragraphe 8 qui se réfère à l’annexe 5 de l’accord).

Définitions

Franchisage - Octroi par un transporteur aérien d’une franchise, ou droit d’utiliser certains de ses éléments d’identité commerciale (par exemple son indicatif de vol, ses couleurs et ses symboles commerciaux), à un franchisé (bénéficiaire de la franchise), lui permettant de commercialiser ou de fournir ses produits de services aériens, en général sous réserve de normes et contrôles destinés à maintenir la qualité souhaitée par le franchiseur (entité qui a accordé la franchise).

Partage de code - Utilisation de l’indicatif de vol d’un transporteur pour un service assuré par un autre transporteur, service qui en général est également présenté (ceci est parfois obligatoire) comme un service du second transporteur, assuré par celui-ci.

Source : Organisation internationale de l’aviation civile (OIAC)

Au-delà de la levée de ces restrictions, le présent accord précise, de manière classique, le régime applicable à la délivrance des autorisations d’exploitation et des agréments techniques (article 4) ainsi qu’à leur révocation (article 5). De même, il comprend des exemptions en matière de droits de douane et de taxes (article 11) et définit le régime des redevances d’usage qui peuvent être imposées par les autorités compétentes d’une Partie aux transporteurs aériens de l’autre Partie (article 12).

2) Les jalons d’une coopération renforcée

L’accord entre l’Union européenne et les Etats-Unis permet, en outre, de renforcer la coopération entre les deux Parties dans le domaine de la sûreté (article 9), de la sécurité (article 8), de la politique de la concurrence (article 20), des aides d’Etats (article 14), de la protection des consommateurs (article 16) et de l’environnement (article 15).

• Sûreté et sécurité

Le présent accord organise la coopération entre les Parties dans le domaine de la sécurité. Son article 8 prévoit notamment des consultations au sujet des normes de sécurité concernant les installations aéronautiques, les équipages, les aéronefs, etc. Ces consultations, qui doivent se dérouler dans un délai de 45 jours, peuvent déboucher sur une demande de mesures correctives. Si ces mesures correctives ne sont pas mises en œuvre dans un délai raisonnable, les autorités compétentes qui ont fait la demande de consultation se réservent le droit de refuser, révoquer ou limiter l’autorisation d’exploitation ou l’agrément technique du transporteur concerné.

En matière de sûreté, l’accord fait référence à différentes conventions existantes que les Parties s’engagent à respecter. Il pose également le principe d’une assistance mutuelle, sur demande, pour faire face à toute menace pour la sûreté de l’aviation civile. La possibilité de mesures d’urgence est également envisagée, en stipulant l’obligation de notification immédiate aux autorités compétentes de l’autre partie. Enfin, l’accord met l’accent sur l’importance « (…) de collaborer en vue de l’adoption de pratiques et de normes compatibles afin de renforcer la sûreté du transport aérien et de réduire les divergences entre les réglementations » (article 9).

• Politique de la concurrence

Le présent accord organise également la coopération entre les autorités de la concurrence de chaque partie – le ministère américain des transports, d’une part ; la Commission européenne, d’autre part – en y consacrant une annexe séparée (annexe 2).

Cette coopération a pour objet de renforcer la compréhension mutuelle des régimes de concurrence de chacune des Parties afin, notamment, de réduire les possibilités de conflits entre ces régimes et de promouvoir une régulation selon des approches compatibles. Elle prend plusieurs formes : des réunions semestrielles, des consultations spécifiques en cas de besoin, et des notifications d’informations et de données. L’utilisation et la divulgation de ces informations sont encadrées par l’article 5 de l’annexe.

• Subventions et aides de l’Etat

Aux termes de l’article 14 de l’accord, les Parties reconnaissent que les subventions et aides d’Etat peuvent fausser la concurrence loyale et équitable entre les transporteurs aériens. Le même article définit des procédures de concertation permettant aux Parties d’échanger des informations et d’examiner les mesures prises par l’une ou l’autre d’entre elles. Ces dispositions concernent aussi bien « des injections de capitaux, des subventions croisées, des dons, des garanties, la propriété, des réductions ou exonérations d’impôts, de la part de toute entité publique ».

• Protection des consommateurs

L’importance de la protection des consommateurs est affirmée par l’article 16 de l’accord qui ouvre la possibilité de réunions du comité mixte, institué par l’accord (cf. infra), sur ce thème.

• Protection de l’environnement

Aux termes de l’article 15 de l’accord, les Parties reconnaissent « l’importance de protéger l’environnement dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique aéronautique internationale ». Si une Partie estime que l’application d’une mesure de protection de l’environnement soulève des préoccupations quant à la mise en œuvre de l’accord, elle peut demander une réunion du comité mixte pour en débattre.

Dans une résolution sur l’accord, en date du 14 mars 2007, le Parlement européen a souligné « la nécessité, pour l’Union européenne et les Etats-Unis, de prendre des mesures effectives en vue de réduire les incidences négatives du secteur de l’aviation sur l’environnement, sans exclure au préalable tout instrument réglementaire, financier ou d’une autre nature pour atteindre cet objectif ». La prise en compte de ces recommandations devrait conduire à accorder une place importante aux questions environnementales dans les futures négociations sur un accord de deuxième phase.

Le présent accord vise ainsi à encourager la concertation et la coopération entre les Parties sur différents aspects liés à la fourniture de services aériens. Votre Rapporteur considère qu’il ouvre la voie à une meilleure compréhension mutuelle en vue de la réalisation d’un espace transatlantique ouvert de l’aviation.

3) La mise en place de mécanismes de concertation

Dans le but de favoriser la concertation et les échanges entre les Parties, le présent accord établit un comité mixte et définit les conditions de recours à l’arbitrage, en cas de difficultés persistantes.

• L’institution d’un comité mixte

L’article 18 de l’accord établit un comité mixte, composé de représentants des Parties, qui se réunit au moins une fois par an. Ce comité est chargé de développer la coopération entre les Parties, d’examiner la mise en œuvre de l’accord et, le cas échéant, de tenter de résoudre des questions liées à son interprétation ou son application.

En matière de coopération, il promeut les échanges entre experts sur les questions de sûreté, de sécurité, d’environnement, d’infrastructures portuaires et de protection des consommateurs. Il examine également les conséquences sociales de l’accord et tient, par ailleurs, un inventaire des questions relatives aux aides d’Etat, soulevées par l’une ou l’autre partie. Enfin, il encourage la consultation sur les questions liées au transport aérien traitées au sein des organisations internationales et dans les relations avec les pays tiers, en vue notamment d’examiner l’opportunité d’adopter une approche commune.

Le dernier paragraphe de l’article 18 précise que « le comité mixte fonctionne sur la base du consensus ».

• L’arbitrage

L’accord établit, par ailleurs, une procédure d’arbitrage qui peut être mise en œuvre pour résoudre un différend relatif à son application, lorsque ce différend n’a pas pu être résolu par le comité mixte (article 19).

L’arbitrage est rendu par un tribunal composé de trois arbitres, dont deux sont désignés par chacune des Parties et le président, par ces deux arbitres. Une fois constitué, ce tribunal définit l’étendue de sa juridiction et fixe ses règles de procédure. Si, lors de l’examen du cas qui lui est soumis, le tribunal estime qu’il y a eu violation de l’accord et que la Partie responsable n’y remédie pas, l’autre Partie peut suspendre l’application d’avantages comparables découlant de l’accord.

B. – Un accord intermédiaire qui appelle une seconde phase de négociations

Le présent accord constitue une étape importante pour la réalisation d’un espace transatlantique ouvert de l’aviation. Sa portée doit néanmoins être élargie en poursuivant les efforts de libéralisation des droits de trafic – y compris le cabotage –, d’ouverture du capital des compagnies et de convergence réglementaire.

1) La nécessité d’un meilleur équilibre

Si l’accord sur les services aériens constitue une réelle avancée, les efforts engagés doivent être poursuivis afin de parvenir à un meilleur équilibre en termes d’accès au marché, notamment en ce qui concerne le cabotage, le droit d’établissement, la propriété ainsi que les contrôles de fait et les aides d’Etat.

• La libéralisation du cabotage en débat

En droit aérien, le cabotage désigne le transport de passagers, de courrier et de marchandises entre deux points à l’intérieur d’un Etat, effectué par un autre Etat ou une entreprise de transport aérien d’un autre Etat (10).

L’accord entre l’Union européenne et les Etats-Unis ne permet pas aux compagnies aériennes européenne d’effectuer des vols intérieurs aux Etats-Unis. En revanche, les compagnies américaines pourront assurer des liaisons entre pays européens, à condition de ne pas opérer entre deux points à l’intérieur d’un seul Etat membre. L’accord permet toutefois aux transporteurs européens de créer des filiales aux Etats-Unis qui seront, elles, autorisées à assurer des vols intérieurs sous réserve du respect de conditions strictes.

Cette exclusion du cabotage du champ de l’accord vient limiter la portée de la libéralisation des droits de trafic aérien, pourtant au cœur du texte. Certains considèrent que la portée de cette exclusion doit être relativisée dans la mesure où « (…) ce n’est plus dans le modèle dominant des grandes compagnies aériennes d’utiliser ces droits de poursuivre leurs services avec leurs propres appareils au-delà du premier point d’entrée. Le modèle privilégié aujourd’hui est celui des partages de codes inhérent aux logiques de hubs » (11). Elle n’en reste pas moins un sujet qui sera discuté lors d’une nouvelle phase de négociations, destinée à élaborer un accord de deuxième étape (cf. infra).

• Les questions de propriété, d’investissements et de contrôle

Comme l’historique des négociations de l’accord est venu le rappeler, la question de la propriété des compagnies aériennes ainsi que celle des conditions de leur investissement ont suscité des vives tensions entre Européens et Américains. La version finale de l’accord n’offre pas de solution définitive à ces questions qui – traitées dans une annexe séparée (annexe 4 (12)) – seront au cœur des négociations à venir.

S’agissant de la propriété des compagnies aériennes, la législation américaine dispose qu’un étranger ne peut pas détenir 25 % des actions à droit de vote d’une compagnie américaine et qu’il ne peut la contrôler (article 3, paragraphe 2). Compte tenu de cette double contrainte, l’accord prévoit qu’une compagnie européenne a le droit de détenir 50 % ou plus du capital d’un transporteur américain, sans que cette détention ne soit considérée comme constitutive d’un contrôle dudit transporteur (article 1, paragraphe 1). Toutefois, il est peut probable que les compagnies européennes utilisent ce droit d’acquérir des actions sans droit de vote dans les compagnies américaines dans la mesure où cela suppose qu’elles investissent, sans pouvoir s’exprimer sur la gestion des opérations. Malgré l’assouplissement des clauses relatives à la détention du capital, le droit reconnu aux transporteurs de l’Union européenne d’exercer une influence effective sur une compagnie américaine reste donc limité.

En revanche, l’accord rend désormais les investissements des compagnies américaines au sein de leurs homologues européennes plus difficiles, en introduisant une limite équivalente de 25 % qui, jusqu’alors, n’existait pas (article 1, paragraphe 4). Cette possibilité, que les Européens se sont réservée, de limiter au même niveau les investissements américains dans leurs compagnies, est destinée à rééquilibrer l’accord entre les deux Parties.

Dans le même ordre d’idée, l’accord traite dans une annexe séparée (annexe V) la question du franchisage et de la marque. L’objectif est d’offrir une sécurité aux investisseurs européens qui passent des accords de franchise, conformément à l’article 10 de l’accord. Sous réserve de certaines exigences à respecter, les transporteurs aériens sont ainsi autorisés à « nouer des relations commerciales étroites et à conclure des accords de coopération ».

En ce qui concerne les investissements, les règles actuellement en vigueur ne permettent pas aux compagnies européennes d’investir et de contrôler la compagnie d’un pays tiers (les pays européens hors Union européenne (13) et 18 pays africains (14)), sans compromettre ses droits de trafic vers les Etats-Unis. En réponse à cette difficulté, le présent accord prévoit que les Etats-Unis ne pourront plus, à la date de la signature de l’accord, s’opposer aux activités de transporteurs aériens d’un Etat tiers, au motif qu’une part substantielle de la propriété de ces transporteurs serait détenue par des investisseurs ressortissants de l’Union européenne (annexe 4, article 2, paragraphe 2). De la même manière, les Etats-Unis ne remettront pas en cause les vols de compagnies communautaires, si des pays européens, hors Union européenne, investissent dans leur capital.

• L’accès aux services de transports achetés par les pouvoirs publics

Le présent accord ouvre aux compagnies américaines l’accès aux transports aériens financés et achetés par les pouvoirs publics américains, au titre de la loi fédérale sur les transports aériens (programme dit « Fly America »). Toutefois, l’annexe 3 de l’accord, qui porte sur ces services, autorise cet accès de façon extrêmement limitée (exclusion de tout trafic lié département de la Défense, exclusion des routes faisant l’objet d’un contrat avec une compagnie américaine). L’assouplissement de ces conditions d’accès est également un sujet qui, comme le cabotage et la question de la propriété des compagnies, sera au cœur des futures négociations pour un accord de deuxième phase.

2) Le choix d’une approche graduelle

Compte tenu de ces difficultés, l’accord du 30 avril 2007 appelle à la poursuite des négociations dans les deux mois suivant son entrée en vigueur. L’objectif est de parvenir à ouvrir davantage le ciel transatlantique et supprimer les limitations qui subsistent, notamment en matière de propriété des compagnies aériennes américaines.

• La fixation d’un échéancier et d’un programme de travail

L’article 21 de l’accord fixe ainsi un échéancier précis pour les négociations sur un accord de deuxième phase en indiquant que « les Parties entament des négociations, au plus tard, soixante jours après la date d’application provisoire du présent accord, en vue de la préparation rapide de l’étape suivante ». L’accord entrant provisoirement en vigueur le 30 mars 2008, la seconde phase de négociations doit donc commencer avant le 30 mai 2008. Un bilan des progrès accomplis sera effectué au plus tard 18 mois à compter du début de cette seconde phase, c’est-à-dire fin 2009. Cette seconde phase doit, en principe s’achever fin 2010 et porter sur une nouvelle libéralisation de l’accès au marché, des conditions d’investissement et des règles relatives à l’environnement, aux contraintes aéroportuaires ainsi qu’à l’accès au marché du transport des pouvoirs publics américains (« Fly America »).

L’article 21 contient également un programme de travail qui met l’accent sur les aspects jugés d’« intérêt prioritaire » pour l’une ou l’autre partie, à savoir :

- la poursuite de la libéralisation des droits de trafic ;

- des opportunités d’investissements étrangers supplémentaires ;

- l’effet des mesures environnementales et des contraintes liées aux infrastructures sur l’exercice des droits de trafic ;

- un meilleur accès au transport aérien financé par les pouvoirs publics ;

- la fourniture d’aéronefs avec équipage.

• La clause de suspension

Enfin, l’Union européenne s’est réservée le droit de suspendre certaines dispositions de l’accord, si le dialogue ne permet pas son approfondissement dans les trois années suivantes. Le troisième paragraphe de l’article 21 prévoit ainsi que : « si aucun accord de seconde étape n’est atteint par les Parties dans les douze mois qui suivent le début de cet examen, chaque partie se réserve le droit de suspendre des droits prévus dans le présent accord ».

CONCLUSION

Le présent accord entre l’Union européenne et les Etats-Unis permet une ouverture totale des liaisons transatlantiques aux compagnies européennes et américaines. Il instaure, en outre, un cadre réglementaire plus stable qui devrait permettre de résoudre certaines questions difficiles en suspens, comme les mesures environnementales ou la cohérence des mesures de sécurité.

C’est pourquoi, votre Rapporteur recommande l’adoption du projet de loi n° 668 qui en autorise la ratification.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 5 février 2008.

Après l’exposé de Mme Nicole Ameline, suppléant le rapporteur M. Eric Raoult, empêché, un débat a eu lieu.

Le Président, Axel Poniatowski, a estimé que les conditions d’un tel accord rappelaient à quel point les Etats-Unis pouvaient adopter un comportement protectionniste dans certains domaines. La législation concernant la détention par un étranger de titres de propriété d’une compagnie aérienne américaine en est-elle une manifestation, ou est-elle liée aux attentats de 2001 ?

Mme Nicole Ameline, suppléant le rapporteur, a précisé que cette législation en était effectivement la manifestation et que ces aspects de l’accord avaient suscité des discussions très vives lors des négociations. C’est la raison pour laquelle une règle de réciprocité a été introduite par les Européens, qui ont également prévu la possibilité de suspendre certaines dispositions de l’accord si les négociations à venir ne permettaient pas de progresser vers davantage d’ouverture.

M. Jean-Paul Lecoq a affirmé que l’accord n’était pas équilibré, comme l’illustrait l’exemple du cabotage. Si les compagnies américaines peuvent assurer des liaisons entre pays européens, tel n’est en revanche pas le cas pour les compagnies européennes sur les lignes intérieures américaines. En outre, l’article 2 de l’accord, en prévoyant « la possibilité d’une concurrence loyale et équitable » risque d’avoir pour conséquence une remise en cause de la situation des compagnies nationales, comme Air France par exemple. De telles dispositions sont, en effet, de nature à empêcher la puissance publique d’intervenir en leur faveur en cas de nécessité.

En ce qui concerne le cabotage, Mme Nicole Ameline, suppléant le rapporteur, a indiqué, selon les transporteurs aériens européens eux-mêmes, le fait de disposer de points d’entrée sur le marché aérien des Etats-Unis était un aspect essentiel de l’accord. Ce n’est que dans un second temps que la desserte des liaisons intérieures américaines pouvait éventuellement s’avérer intéressante pour certaines compagnies. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cette question fera partie des thèmes de la deuxième phase de négociations, prévue par l’accord lui-même. S’agissant des autres obstacles posés à la mise en place d’un « ciel ouvert » entre l’Europe et les Etats-Unis, les compagnies européennes ont insisté sur l’avancée que représentait le présent accord par rapport à la situation actuelle du trafic aérien, extrêmement fragmenté. Elles ont notamment mis l’accent sur les perspectives offertes par l’accès à l’aéroport d’Heathrow en termes de développement des liaisons transatlantiques.

Le Président, Axel Poniatowski, a fait remarquer que le problème lié à la réciprocité en matière de cabotage n’aurait pas été posé si l’Europe était une fédération, et non pas une union d’Etats-Nations, comme l’était l’Union européenne.

M. Jean-Marc Roubaud a exprimé le souhait que soit apportée une solution à la situation actuelle, inéquitable, qui voit les pilotes français soumis à une interdiction de voler à partir de 60 ans, contre 65 ans pour leurs homologues américains.

Mme Nicole Ameline, suppléant le rapporteur, a indiqué qu’il était prévu que cet aspect, et plus généralement les conséquences sociales de l’accord, soient examinés par le comité mixte institué par l’accord. Plus généralement, cet accord a valeur d’exemplarité, en ce qu’il souligne l’affirmation, dans certains domaines, d’une politique extérieure européenne autonome.

Mme Martine Aurillac a demandé si la procédure de double ratification, par la Communauté européenne et les Etats membres, sera également exigée pour l’accord de deuxième phase, prévu par l’accord du 30 avril 2007.

Mme Nicole Ameline, suppléant le rapporteur, a répondu qu’une telle double ratification s’imposerait à nouveau.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (no 668).

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La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 668).

© Assemblée nationale

1 () En termes de passagers - kilomètres transportés (PKT).

2 () Rapport d’Eurostat sur le transport aérien dans l’Union européenne en 2006.

3 () Note de travail, « L’engagement de l’Union européenne en faveur de la coopération avec la communauté internationale du transport aérien », 14 septembre 2007.

4 () Albanie, ancienne République yougoslave de Macédoine, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Monténégro, Serbie et la Mission d’administration intermédiaire des Nations unies au Kosovo.

5 () Arrêts rendus le 5 novembre 2002.

6 () Ce projet a été approuvé par le Conseil européen lors de sa réunion des 22 et 23 mars 2007.

7 () Note de travail précitée.

8 () Ces accords sont suspendus à compter de l’application provisoire de l’accord, puis remplacés à compter de son entrée en vigueur.

9 () British Airways tire actuellement 60 % de ses revenus de ses vols transatlantiques.

10 () Aux termes de l’article 7 de la convention de Chicago de novembre 1944, les Etats signataires ont le droit de refuser le cabotage.

11 () Paul Journé, chef de bureau des accords aériens à la Direction de la régulation économique, cité dans AVIATIONCivile, n°344, novembre – décembre 2007.

12 () Annexe 4 concernant des questions complémentaires en rapport avec la propriété, les investissements et le contrôle.

13 () Albanie, ARYM, Bosnie et Herzégovine, Confédération helvétique, Croatie, Islande, Liechtenstein, Monténégro, Norvège, Serbie et MINUK.

14 () Burkina Faso, Cap Vert, Cameroun, Ethiopie, Gabon, Gambie, Ghana, Kenya, Libéria, Madagascar, Mali, Maroc, Namibie, Nigeria, Ouganda, Sénégal, Tanzanie, Tchad.