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N
° 691

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 février 2008.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI (n° 690), autorisant la ratification du traité de Lisbonne, modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne et certains actes connexes,

PAR M. Hervé de CHARETTE,

Député

Résumé du rapport 7

INTRODUCTION 15

I – LE TRAITÉ DE LISBONNE RÉFORME DURABLEMENT LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE 19

A – UNE RÉPONSE AU DÉFICIT DÉMOCRATIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE 19

1) Le renforcement des compétences du Parlement européen 19

2) L’instauration d’une citoyenneté européenne active 22

3) La consécration juridique de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne 24

4) L’association des parlements nationaux 25

B – UNE RÉPONSE À LA CONFUSION INSTITUTIONNELLE 29

1) La clarification du cadre institutionnel européen 29

2) La clarification des relations entre l’Union européenne et les Etats membres 30

3) La clarification de la répartition des compétences entre l’Union européenne et les États membres 31

4) La simplification des instruments juridiques et des procédures 33

C – UNE RÉPONSE À L’INERTIE DÉCISIONNELLE DE L’UNION ÉLARGIE 35

1) La nouvelle règle de majorité qualifiée 35

2) L’extension du champ d’application de la majorité qualifiée 38

3) Des procédures simplifiées de révision des traités 38

D – UNE RÉPONSE À L’ABSENCE DE LEADERSHIP EUROPÉEN 40

1) L’instauration d’une présidence stable du Conseil européen : une voix et un visage pour l’Europe 40

2) La création d’un Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité 42

3) Une meilleure coordination des présidences du Conseil de l’Union 43

II – LE TRAITÉ DE LISBONNE TIENT COMPTE DES CRITIQUES ADRESSÉES AU TRAITÉ CONSTITUTIONNEL EUROPÉEN 45

A –L’ABANDON DE LA DÉMARCHE CONSTITUTIONNELLE 45

1) Un traité modificatif, dans le prolongement des traités précédents 45

2) La disparition du vocabulaire d’inspiration constitutionnelle 47

B – DES RETRAITS POUR APAISER LES CRAINTES 48

1) La disparition des symboles de l’Union 48

2) L’abandon de la référence à la « concurrence libre et non faussée » 50

C – DES AJOUTS AU SERVICE D’UNE EUROPE PROTECTRICE 50

1) Un protocole sur les services d’intérêt général 50

2) Une clause consacrée à la lutte contre le changement climatique 51

3) L’affirmation de la solidarité énergétique entre les États membres 52

III – IL NE FAUT PAS SOUS-ESTIMER LES FAIBLESSES D’UN TRAITÉ À GÉOMÉTRIE VARIABLE 55

A – UNE GÉOMÉTRIE VARIABLE DANS LE TEMPS 55

1) Les dispositions du traité de Lisbonne qui consistent à formaliser une pratique 55

a) L’obligation faite au Conseil de siéger en public 55

b) L’instauration d’une présidence stable de l’Eurogroupe 56

c) La formalisation du cadre financier pluriannuel 56

d) Le dialogue direct entre la Commission européenne et les parlements nationaux 57

e) La création de l’Agence européenne de défense 58

2) L’entrée en vigueur différée de certaines dispositions 59

a) La composition de la Commission européenne 59

b) La mise en œuvre de la nouvelle règle de majorité qualifiée 60

3) L’activation facultative de certaines dispositions 61

a) La mise en œuvre des clauses passerelles 61

b) Le recours aux nouvelles bases juridiques prévues par le traité 63

B – UNE GÉOMÉTRIE VARIABLE DANS L’ESPACE 63

1) Les clauses d’exemption (« opting out ») ou l’Europe à la carte 63

2) L’approfondissement possible à quelques uns 65

a) Le nouveau régime juridique des coopérations renforcées et la clause dite de « frein-accélérateur » 65

b) La création possible d’une « coopération structurée permanente » dans le domaine de la défense 67

IV – IL FAUT DÉSORMAIS PRÉPARER L’ENTRÉE EN VIGUEUR DU TRAITÉ DE LISBONNE 71

A – ACHEVER AU PLUS VITE LE PROCESSUS DE RATIFICATION POUR PERMETTRE UNE ENTRÉE EN VIGUEUR DÈS LE 1ER JANVIER 2009 71

1) La procédure de ratification en France 71

a) Les étapes de la ratification 71

b) Le choix de la voie parlementaire 72

2) L’état d’avancement du processus de ratification au sein de l’Union européenne 73

a) Le calendrier prévisionnel des ratifications 73

b) Enjeux nationaux et européens du processus de ratification 73

B – ADOPTER LES DÉCISIONS PRÉPARATOIRES À LA MISE EN œUVRE DU TRAITÉ 74

1) Une responsabilité de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne 74

2) Un traité qui ne préjuge pas des politique futures de l’Union 77

CONCLUSION 79

EXAMEN EN COMMISSION 81

ANNEXES 89

Annexe n°1 - Extension du champ d’application de la majorité qualifiée 91

Annexe n°2 - Extension du champ d’application de la codécision (« procédure législative ordinaire ») entre le Parlement européen et le Conseil 95

Annexe n°3 - Auditions réalisées par la commission des affaires étrangères sur le traité de Lisbonne 99

Annexe n°4 - Mandat de négociation de la conférence intergouvernementale chargée d’élaborer le traité de Lisbonne 131

Résumé du rapport

I – Le traité de Lisbonne réforme durablement le fonctionnement des institutions européennes.

Le traité de Lisbonne met un terme à dix années de tentatives infructueuses de réforme des institutions de l’Union. Il apporte des réponses plutôt convaincantes au déficit démocratique de l’Union, à la confusion de ses institutions, à l’inertie décisionnelle et au manque de leadership européen.

Sur le plan de la démocratie européenne, le traité de Lisbonne fait du Parlement européen le grand gagnant de la réforme institutionnelle. L’Assemblée de Strasbourg devient le co-législateur de l’Union, de plein exercice, sur un pied d’égalité avec le Conseil. Son rôle politique est renforcé et ses pouvoirs budgétaires étendus. Le renforcement du rôle du Parlement européen va de pair avec l’approfondissement de la citoyenneté européenne qui trouvera de nouveaux moyens d’expression, en particulier à travers le droit d’initiative populaire qui permettra à au moins un million de citoyens de l’Union de demander à la Commission de prendre une initiative législative sur un sujet donné. Les droits des citoyens européens seront également mieux protégés grâce à la reconnaissance d’une valeur juridique contraignante à la Charte des droits fondamentaux.

Davantage de démocratie en Europe passe également par une meilleure association des parlements nationaux à la construction européenne. Les nouveaux pouvoirs qui leur sont reconnus sont considérables et représentent un progrès remarquable s’agissant du contrôle du respect du principe de subsidiarité. Il faudra toutefois veiller à ne pas limiter le rôle des parlementaires nationaux au seul pouvoir de dire « non » aux initiatives et aux actions de l’Union ; il s’agira en effet de les associer également aux grandes réformes politiques dont l’Europe a besoin.

Le traité de Lisbonne apporte aussi une réponse à la confusion des institutions. Pour la première fois, une liste des institutions est établie dans le traité, qui précise clairement les attributions de chacune d’entre elles. Le Conseil européen acquiert le statut d’institution, comme la Banque centrale européenne. L’obligation de coopération loyale qui lie les institutions les unes aux autres pourrait inciter davantage au dialogue entre le Conseil (l’Eurogroupe) et la BCE.

La clarification de la répartition des compétences entre l’Union européenne et les Etats membres ainsi que la simplification des procédures législatives doivent également contribuer à remettre de l’ordre dans les relations entre l’Union et les Etats membres. Ces relations doivent s’articuler autour de trois principes directeurs que sont les principes d’attribution, de subsidiarité et de proportionnalité.

Le traité de Lisbonne répond également à l’inertie décisionnelle. La principale réforme est celle de la nouvelle règle de majorité qualifiée, à savoir 55 % des Etats représentant 65 % de la population. C’est probablement la disposition qui a été la plus difficile à faire adopter en raison de l’opposition de la Pologne, qui perd en influence par rapport au système actuel de pondération des voix.

Si cette nouvelle règle a finalement été acceptée par tous, son entrée en vigueur est différée au 1er novembre 2014, voire au 1er avril 2017. En effet, entre 2014 et 2017, n’importe quel Etat pourra demander, sur un sujet donné, à revenir à la règle de la pondération des voix. Qui plus est, le « compromis de Ioanina » a été réactivé : il signifie que si l’on est proche de la minorité de blocage, il faut différer le vote pour tenter de trouver, dans un « délai raisonnable » une solution qui convienne au plus grand nombre.

Malgré ces aménagements, la capacité décisionnelle de l’Union se trouvera sensiblement améliorée par cette nouvelle règle de majorité qualifiée que le traité de Lisbonne étend à une cinquantaine de nouveaux domaines.

Le traité de Lisbonne ouvre enfin la voie au renforcement du leadership européen, à travers deux changements essentiels : d’une part, l’instauration d’une présidence stable du Conseil européen pour une durée de 2 ans et demi renouvelable une fois ; et d’autre part, la création d’un Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (que la Constitution européenne appelait ministre des affaires étrangères) qui appartiendra au Conseil tout en étant simultanément vice-président de la Commission européenne. Voici donc deux nouveaux visages qui contribueront à incarner l’Union tant sur la scène intérieure qu’à l’échelon international.

Il faudra clarifier la répartition des rôles entre les futurs dirigeants de l’Union que seront le Président du Conseil européen, le Président de la Commission, le Haut Représentant et aussi le dirigeant du pays en exercice de la présidence tournante de l’Union qui elle, subsiste.

II – Le traité de Lisbonne tient compte des critiques adressées à la Constitution européenne.

La prise en compte des critiques adressées à la Constitution européenne se traduit par plusieurs changements, à commencer par l’abandon de la démarche constitutionnelle, qui signe le retour à la méthode traditionnelle de révision des traités. C’est ainsi que le traité de Lisbonne n’abroge pas les traités précédents mais se limite à les amender. Mais les 295 amendements apportés par le traité de Lisbonne sont pour la plupart incompréhensibles s’ils ne sont pas mis en regard avec le texte des traités qu’ils modifient.

L’abandon de la démarche constitutionnelle entraîne l’abandon de la structure en quatre parties de la Constitution européenne. Quant au vocabulaire juridique d’inspiration constitutionnelle (lois européennes, ministre européen des affaires étrangères), il est également supprimé. Les symboles de l’Union ne figurent plus dans le traité, ce qui est regrettable. Seize Etats membres ont toutefois signé une déclaration commune par laquelle ils s’estiment liés par ces symboles.

Un autre retrait est celui de la « concurrence libre et non faussée » qui disparaît de la liste des objectifs de l’Union. La concurrence n’est en effet qu’un simple instrument et non une fin en soi. Il est tout à fait normal de ne pas faire de la concurrence un principe supérieur à d’autres principes tels que, par exemple, la cohésion sociale et territoriale.

Si le traité de Lisbonne se traduit par des retraits par rapport à la Constitution européenne, il comporte aussi des ajouts parmi lesquels une clause consacrée à la lutte contre le changement climatique, l’affirmation de la solidarité énergétique entre les Etats membres ainsi qu’un nouveau protocole sur les services d’intérêt général (ce qui correspond, en droit français, aux services publics industriels et commerciaux).

III – Il ne faut pas sous-estimer les faiblesses d’un traité à géométrie variable.

Le traité de Lisbonne résulte en effet d’un compromis négocié à 27 Etats membres. Un accord politique unanime n’a été possible qu’au prix d’un certain nombre de concessions qui se traduisent par l’adoption d’un traité à géométrie variable, tant dans le temps que dans l’espace. Trois catégories de dispositions révèlent une géométrie variable dans temps :

Tout d’abord, les dispositions qui consistent à formaliser une pratique institutionnelle : obligation faite au Conseil de siéger en public, consécration d’une présidence stable de l’Eurogroupe occupée depuis 2005 par le Premier ministre luxembourgeois M. Jean-Claude Juncker, formalisation du cadre financier pluriannuel qui existe en pratique depuis 1988, transmission directe aux parlements nationaux de documents législatifs et de consultation que la Commission européenne effectue de façon informelle depuis bientôt un an et demi.

Ensuite, les dispositions dont l’application est différée à une date ultérieure à celle de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne : il s’agit essentiellement des nouvelles règles de composition de la Commission européenne et de définition de la majorité qualifiée qui ne seront applicables, au mieux, qu’en 2014.

Enfin, les dispositions dont la mise en oeuvre dépendra du bon vouloir des Etats membres : c’est notamment le cas de l’activation possible des « clauses passerelles » qui permettront de faire passer un domaine de l’unanimité à la majorité qualifiée et / ou d’une procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire.

A la géométrie variable dans le temps, s’ajoute également une géométrie variable dans l’espace. Celle-ci prend différentes formes : il peut s’agir d’une part, des clauses d’ « opting-out » dont bénéficient certains Etats membres (le Danemark, le Royaume-Uni et la Pologne) et, d’autre part, de la faculté ouverte aux pays qui le souhaitent d’approfondir à quelques uns leur coopération sur un sujet donné, à travers les coopérations renforcées et, en matière de politique de défense, ce que le traité appelle la « coopération structurée permanente ».

IV – Il faut désormais préparer l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

Les Chefs d’Etat ou de Gouvernement ont fixé au 1er janvier 2009 la date d’entrée en vigueur du nouveau traité, à condition toutefois qu’il ait d’ici là été ratifié à l’unanimité des Etats membres.

La voie parlementaire a été choisie dans 26 des 27 Etats membres. L’Irlande est en effet le seul pays, pour des raisons constitutionnelles, à organiser un référendum. Il semble se confirmer que la quasi-totalité des pays pourraient avoir achevé leur procédure de ratification d’ici à la fin du premier semestre 2008, soit avant le début de la présidence française de l’Union européenne qui s’ouvrira le 1er juillet prochain. C’est en effet à la France qu’il reviendra de négocier les décisions préparatoires à la mise en œuvre du traité. Ces décisions, au nombre d’une quarantaine, vont de la désignation des personnalités appelées à occuper les nouvelles fonction de Président du Conseil européen et de Haut Représentant pour les affaires étrangères, à la décision établissant la liste des formations du Conseil en passant par les modalités de mise en œuvre du nouveau droit d’initiative citoyenne et par la décision instaurant le futur service européen d’action extérieure.

Le traité de Lisbonne – comme les traités précédents – n’est qu’un instrument, seulement un instrument. Des compétences et des objectifs ne suffisent pas à faire des politiques. Ce traité comporte d’incontestables avancées qui doivent contribuer au développement d’une vie politique européenne et permettre une meilleure incarnation du pouvoir européen. En ratifiant ce traité, la France et les Français doivent tourner la page des divisions provoquées par la Constitution européenne. Le temps est venu de se rassembler car ce traité permet à l’Europe de sortir par le haut de la crise dans laquelle elle était plongée depuis bientôt trois ans.

Les principaux apports du Traité de Lisbonne

1. La clarification des principes fondateurs de l’Union

– Les Communautés européennes et l’Union européenne ne font plus qu’une : l’Union européenne, dotée de la personnalité juridique.

– Les valeurs et les objectifs de l’Union sont énoncés de façon simple et claire : la paix, le bien-être des peuples, un espace de liberté, de sécurité et de justice, le plein emploi, le progrès social, une économie sociale de marché hautement compétitive, la lutte contre l’exclusion sociale et les discriminations, la protection des citoyens.

– La répartition des compétences entre l’Union européenne et les Etats membres est clarifiée. En vertu du principe d’attribution, toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux Etats membres.

– L’action de l’Union doit respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité, lesquels sont soumis au contrôle politique des Parlements nationaux et au contrôle juridictionnel de la Cour de justice de l’Union européenne.

2. Un cadre institutionnel rénové

– Le Conseil européen devient une institution à part entière de l’Union européenne. Il est doté d’un président stable à plein temps élu pour un mandat de deux ans et demi renouvelable une fois. La fonction de Président du Conseil européen n’est pas compatible avec un mandat national.

– Le Parlement européen voit ses pouvoirs sensiblement renforcés par l’extension de la procédure législative ordinaire qui le met sur un pied d’égalité avec le Conseil de l’Union européenne.

– La Commission européenne verra, à partir de 2014, sa composition réduite à un nombre de commissaires égal aux deux tiers du nombre d’Etats membres (soit 18 dans une Union à 27), selon un principe de rotation égalitaire entre les pays.

– Le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité aura désormais une double casquette : il sera à la fois le mandataire du Conseil pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et vice-président de la Commission pour les relations extérieures. La cohérence de l’action externe de l’Union devrait s’en trouver renforcée.

– Un mode de décision plus démocratique et plus efficace qui renforcera la capacité de l’Union à décider et à agir. A partir du 1er novembre 2014, la majorité dite « qualifiée » correspondra à 55 % des Etats représentant 65 % de la population. Une minorité de blocage devra inclure au moins quatre Etats membres. Toutefois, un protocole sur les dispositions transitoires prévoit qu’entre le 1er novembre 2014 et le 31 mars 2017, tout État pourra demander à revenir aux règles de vote du traité de Nice pour un vote particulier. Le « compromis de Ioannina » est réactivé ; il signifie que lorsque la minorité de blocage est presque atteinte, la discussion doit se poursuivre pour essayer de parvenir à un quasi-consensus.

3. De nouveaux droits pour les citoyens

– La citoyenneté de l’Union s’ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas.

– La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, sans être reproduite dans le traité, acquiert une pleine valeur juridique, ce qui signifie qu’elle devient opposable. Les citoyens européens pourront ainsi s’en prévaloir devant un juge pour faire annuler des actes pris par les institutions de l’Union ou par les Etats membres pour la mise en œuvre de la législation européenne.

– L’Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH), sans que cette adhésion modifie les compétences de l’Union telles qu’elles sont définies dans les traités.

– La création d’un droit d’initiative citoyenne permettra à au moins un million de citoyens originaires d’un nombre significatif d’Etats membres de prendre l’initiative de demander à la Commission de soumettre toute proposition appropriée sur les questions qui leur paraissent nécessiter l’élaboration d’un acte juridique pour la mise en œuvre des traités. Le traité de Lisbonne renvoie à un règlement européen les modalités de mise en œuvre de ce nouveau droit (article 24 TFUE).

– Le Conseil de l’Union siège obligatoirement en public lorsqu’il délibère et vote la législation européenne.

– L’espace de liberté, de sécurité et de justice sera renforcé grâce à une coopération européenne accrue au niveau judiciaire en matière civile et pénale. Des définitions communes des euro-crimes (terrorisme, blanchiment, traite des êtres humains, trafic d’armes, criminalité organisée, etc.) pourront être adoptées. Le traité de Lisbonne ouvre également la possibilité de créer un Parquet européen.

4. De nouveaux droits pour les Parlements nationaux

– Un article du traité de Lisbonne est spécifiquement consacré au rôle des Parlements nationaux qui « contribuent activement au bon fonctionnement de l’Union ». Le protocole sur le rôle des Parlements nationaux consacre le droit à l’information des Parlements nationaux ainsi que « leur capacité à exprimer leur point de vue sur les projets d’actes législatifs de l’Union ainsi que sur d’autres questions qui peuvent présenter pour eux un intérêt particulier ».

– Des prérogatives nouvelles leur sont reconnues pour contrôler le respect du principe de subsidiarité, à travers un mécanisme d’alerte précoce ainsi que la possibilité de saisir directement la Cour de justice de l’Union européenne de recours pour violation, par un acte législatif européen, du principe de subsidiarité.

– Chaque Parlement national pourra s’opposer à la procédure de révision simplifiée des traités ainsi qu’à l’activation de la clause passerelle en matière de coopération judiciaire civile (aspects du droit de la famille ayant une incidence transfrontière).

5. Une Europe protectrice face à la mondialisation

– Pour la première fois, l’Union se donne pour objectif de protéger ses citoyens dans le cadre de la mondialisation.

– Une clause sociale générale impose de prendre en compte les « exigences liées à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale ainsi qu’à un niveau d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine » dans la définition et dans la mise en œuvre de l’ensemble des politiques de l’Union.

– Les services publics à caractère économique (dénommés « services d’intérêt économique général ») sont inscrits dans le traité, ce qui donne un fondement juridique aux institutions de l’Union pour définir les principes et les conditions qui régissent leur mise en place et leur fonctionnement, dans le respect de la compétence des États. Quant aux services publics administratifs, ils demeurent de la compétence exclusive des États membres.

6. Des progrès en matière de politique étrangère et de sécurité commune, au service d’un rôle accru de l’Europe dans le monde

– La création d’un Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui s’appuiera sur un nouveau service européen d’action extérieure, permettra de renforcer la cohérence de l’action extérieure de l’Union.

– Une « clause de défense mutuelle » est instaurée, en vertu de laquelle si l’un des Etats membres de l’Union européenne fait l’objet d’une agression, les autres ont un devoir d’assistance à son égard.

– Une « clause de solidarité » assigne à l’Union et à chaque Etat membre le devoir de porter assistance, par tous les moyens, à un Etat membre touché par une catastrophe d’origine humaine ou naturelle ou par une attaque terroriste.

– Dans le domaine de la défense, le traité de Lisbonne consacre l’existence de l’Agence européenne de défense et introduit la « coopération structurée permanente », ouverte aux Etats qui s’engageront à participer aux principaux programmes européens d’équipement militaire et à fournir des unités de combat immédiatement disponibles pour l’Union européenne.

Mesdames, Messieurs,

Réforme des institutions européennes. Dernier acte.

Le traité de Lisbonne pourrait bien être l’épilogue d’une histoire commencée il y a maintenant plus de dix ans. Dix ans de rendez-vous manqués qui ont freiné l’Union sur la voie de son unité et qui ont pesé sur sa capacité à influencer les affaires du monde.

Acte Ier : juin 1997. l’Union européenne compte quinze États membres ; un élargissement sans précédent se profile avec l’adhésion des pays d’Europe centrale et orientale qui vient sceller la réunification d’un continent divisé pendant près d’un demi-siècle. Il faut préparer les institutions de l’Union à ce défi. Les Chefs d’Etats ou de Gouvernement n’y parviennent pas. Le traité d’Amsterdam renvoie le « reliquat institutionnel » à un prochain traité.

Acte II : Décembre 2000. La France préside le Conseil de l’Union européenne. L’Europe est au pied du mur. Sans réforme institutionnelle, pas d’élargissement. La France et l’Allemagne s’affrontent sur leur influence respective au sein du système décisionnel européen. Un accord est finalement obtenu à l’arrachée à l’issue du Conseil européen de Nice. Un accord indispensable, mais un accord provisoire. Chacun reconnaît l’absolue nécessité de remettre l’ouvrage sur le métier. La déclaration annexée au traité de Nice relative à l’avenir de l’Union pose les questions essentielles auxquelles l’Union doit répondre : répartition des compétences avec les États membres, statut juridique de la Charte des droits fondamentaux, simplification des traités pour les rendre plus clairs et mieux compris, rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne. En décembre 2001, le Conseil européen adopte la Déclaration de Laeken, qui lance officiellement le débat sur l’avenir de l’Union. Cette déclaration pose une centaine de questions, tant sur les réformes institutionnelles indispensables à mettre en œuvre que sur l’avenir du projet européen et des politiques de l’Union. Pour la première fois dans l’histoire de la construction européenne, le processus de révision des traités est confié à une « Convention » dont la présidence est assurée par M. Valéry Giscard d’Estaing.

Acte III : 28 février 2002. L’ouverture des travaux de la Convention européenne marque une ère nouvelle. La méthode conventionnelle rompt avec la pratique des conférences intergouvernementales siégeant à huis clos. Au secret, la Convention oppose la transparence. Aux seuls représentants des gouvernements nationaux, la Convention associe des députés européens, des parlementaires nationaux, des commissaires européens et des observateurs issus de la société civile. La Convention siège sans relâche pendant 17 mois et remet son projet au Chefs d’Etat ou de Gouvernement le 18 juillet 2003. Une conférence intergouvernementale examine le projet des conventionnels. Mais l’opposition de l’Espagne et de la Pologne à la nouvelle règle de majorité qualifiée empêche un accord unanime. Il faut attendre les élections législatives espagnoles du printemps 2004 pour relancer les négociations.

Acte IV : 29 octobre 2004. La signature à Rome du traité établissant une Constitution pour l’Europe est saluée dans toutes les capitales européennes. L’Espagne ouvre le bal des ratifications en organisant un référendum qui se traduit par un franc soutien du peuple espagnol à la Constitution européenne. D’autres ratifications parlementaires suivront.

Acte V : 29 mai 2005. Plus d’une dizaine de pays ont déjà ratifié le texte lorsque le peuple français donne un coup d’arrêt au processus de ratification en s’opposant, par 54,6 % des voix, au traité constitutionnel. Il sera suivi quelques jours plus tard par les citoyens néerlandais qui, à leur tour, rejettent massivement le texte. S’ouvre alors une période de doute et de réflexion. La Constitution européenne est-elle morte ? Peut-elle ressusciter ? Y a-t-il un « plan B » ? Certains pays poursuivent malgré tout leur processus de ratification, au cas où. In fine, dix-huit pays ratifient la Constitution européenne, deux la rejettent et sept ne se prononcent pas. Devant cette situation inédite, les dirigeants européens veulent se donner du temps. La Commission européenne adopte son « Plan D », comme démocratie, dialogue et débat. L’heure est à la grande explication du projet européen. Un seul mot d’ordre : communiquer sur des projets européens concrets et leur valeur ajoutée sur la vie quotidienne des citoyens. Mais l’ambition européenne peut-elle se limiter à cela ? Les Européens cherchent une solution à la crise institutionnelle dans laquelle l’Union est plongée depuis les référendums négatifs du printemps 2005. Mais rien n’est possible avant l’issue de l’élection présidentielle française.

Acte VI : 6 mai 2007. L’élection de M. Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République laisse enfin entrevoir une possible sortie de crise. Le candidat Nicolas Sarkozy avait lancé l’idée d’un traité simplifié consistant à reprendre l’essentiel des avancées institutionnelles de la Constitution – qui n’avaient pas soulevé de difficultés particulières lors du débat référendaire – tout en abandonnant la démarche constitutionnelle. Grâce au soutien et à la détermination de la chancelière allemande Mme Angela Merkel, alors présidente en exercice de l’Union européenne, cette solution est acceptée par nos partenaires. Un accord politique est conclu à Bruxelles le 23 juin 2007. Le Conseil européen donne mandat à une nouvelle conférence intergouvernementale de rédiger au plus vite un nouveau traité. La négociation du traité – fait remarquable – se fera exclusivement en langue française.

Acte VII : 13 décembre 2007. Les 27 Chefs d’Etat ou de Gouvernement signent à Lisbonne le traité modificatif européen, dont ils souhaitent l’entrée en vigueur dès le 1er janvier 2009. Le processus de ratification est aussitôt enclenché dans chacun des pays de l’Union.

L’adoption le 4 février dernier par le Parlement réuni en Congrès à Versailles de la modification du titre XV de notre Constitution, ouvre désormais la voie à la ratification du traité de Lisbonne.

Beaucoup a déjà été écrit sur ce traité. Plusieurs documents parlementaires, de l’Assemblée nationale comme du Sénat, ont été publiés tandis que de nombreux think tank et organisations issues de la société civile ont apporté leur contribution à l’information des citoyens sur les modifications apportées par le traité de Lisbonne.

Le présent rapport ne prétend ainsi pas à l’exhaustivité ; il s’agit d’éclairer la représentation nationale sur les enjeux politiques liés à la ratification d’un traité qui réforme durablement le fonctionnement des institutions de l’Union et qui tient compte des critiques adressées à la Constitution européenne. Sans sous-estimer les faiblesses d’un traité à géométrie variable, il s’agit dès à présent d’en réussir l’entrée en vigueur.

I – LE TRAITÉ DE LISBONNE RÉFORME DURABLEMENT
LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DE L’UNION EUROPÉENNE

Le traité de Lisbonne met un terme à dix années de tentatives avortées de réforme des institutions de l’Union. L’élargissement à douze nouveaux pays a presque fait doubler le nombre d’État membres de l’Union. Il fallait en tirer les conséquences en termes d’architecture institutionnelle.

Le traité de Lisbonne réforme durablement le fonctionnement des institutions de l’Union européenne en contribuant à combler le déficit démocratique, en clarifiant le fonctionnement des institutions, en améliorant la capacité décisionnelle et en favorisant l’émergence d’un leadership européen.

A Une réponse au déficit démocratique de l’Union européenne

Le traité de Lisbonne contribue à la réduction du déficit démocratique de l’Union par le renforcement des compétences du Parlement européen, l’instauration d’une citoyenneté européenne active, la reconnaissance d’une valeur juridique à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi qu’une meilleure association des parlements nationaux au processus décisionnel européen.

1) Le renforcement des compétences du Parlement européen

Le Parlement européen est le grand bénéficiaire de la réforme institutionnelle. Il figure d’ailleurs en tête de la liste des institutions mentionnées au nouvel article 13 TUE, avant le Conseil européen, le Conseil et la Commission européenne.

Le traité de Lisbonne renforce sensiblement les compétences du Parlement européen. Cela concerne tant son rôle politique que ses pouvoirs législatifs et budgétaires.

L’article 14 TUE indique en effet que le Parlement européen « élit le président de la Commission ». L’élection se substitue ainsi à la « désignation (1) » par les chefs d’État ou de gouvernement, et approuvée par le Parlement européen. Certes, le candidat à la présidence de la Commission continuera toujours d’être désigné par le Conseil européen, mais cette désignation devra désormais explicitement tenir compte du résultat des élections au Parlement européen (art. 17 § 7 TUE). Le candidat proposé devra alors être élu par le Parlement européen à la majorité des membres qui le composent. En proposant en juin 2004 M. José-Manuel Barroso à la tête de la Commission européenne, les Chefs d’Etat ou de Gouvernement avaient anticipé cette règle puisqu’ils avaient désigné une personnalité issue de la formation politique ayant remporté les élections européennes. Cette pratique, désormais inscrite dans le traité, devra favoriser une politisation accrue des élections européennes et renforcera la légitimité de la Commission. La procédure de désignation des autres membres de la Commission européenne continuera toutefois à se faire sur la base des suggestions des États membres, indépendamment du résultat des élections européennes même si, in fine, c’est au Parlement européen qu’appartient le pouvoir d’investir le collège des commissaires.

Sur le plan des compétences législatives, le traité de Lisbonne reconnaît au Parlement européen un rôle de co-législateur de l’Union qui n’était pas le sien au commencement de la construction européenne. Il a en effet fallu attendre l’entrée en vigueur de l’acte unique, en 1987, pour que le Parlement obtienne, avec la procédure de coopération, la possibilité d’influencer la procédure législative en amendant les propositions d’actes européens (2). Mais c’est avec le traité de Maastricht (1992) et la création de la procédure de codécision que les députés européens ont été placés sur un pied d’égalité avec le Conseil (3).

Introduite par le traité de Maastricht, cette procédure de codécision a vu son champ d’application étendu à un nombre de domaines de plus en plus important par les traités d’Amsterdam (1997) et de Nice (2000). Au fil du temps, la procédure d’exception est ainsi devenue la procédure de droit commun.

Le traité de Lisbonne parachève cette évolution en requalifiant la codécision en « procédure législative ordinaire » et en supprimant la procédure de coopération. La liste des nouveaux domaines régis par la procédure législative ordinaire figure en annexe n°2 du présent rapport (p. 85).

La procédure budgétaire se trouve également, dans ses grandes lignes, alignée sur la procédure législative ordinaire. Le traité de Lisbonne supprime en effet la distinction entre les « dépenses obligatoires » (en particulier les crédits de la politique agricole commune) sur lesquelles le Conseil avait le dernier mot et les « dépenses non obligatoires » (notamment les fonds structurels) sur lesquelles c’est le Parlement européen qui avait le dernier mot. Toutefois, à la différence de la procédure législative ordinaire, la procédure budgétaire ne prévoit qu’une seule lecture dans chaque institution en raison des contraintes de calendrier qu’impose l’adoption du budget.

Toutes les autres procédures d’association du Parlement européen sont ainsi désormais présentées comme des dérogations à la procédure législative ordinaire. Il s’agit, selon l’article 289 TFUE, de l’adoption d’un acte juridique « par le Parlement européen avec la participation du Conseil » ou « par le Conseil, avec la Participation du Parlement européen ». Ces expressions font référence aux procédures de consultation ou d’approbation qui, à la différence de la procédure de codécision, interdisent tout droit d’amendement.

Le traité de Lisbonne reconnaît au Parlement européen un pouvoir d’approbation dans des domaines où il n’était jusqu’alors que consulté : activation de la clause de flexibilité (4) (art. 352 TFUE), adoption du cadre financier pluriannuel (art. 312 TFUE), constatation de la violation grave aux valeurs de l’Union par un État membre (art. 7 TUE), autorisation de procéder à une coopération renforcée en dehors de la politique étrangère et de sécurité commune (art. 329 TFUE), autorisation donnée au Conseil européen de procéder à une révision des traités européens sans convocation préalable d’une convention (art. 48 TUE).

Il prévoit également la consultation du Parlement européen dans des domaines où son intervention n’était jusqu’alors pas requise. C’est notamment le cas des mesures concernant la protection diplomatique et consulaire (art. 23 TFUE) les passeports, cartes d’identité, titres de séjour, protection et sécurité sociale (art. 21 TFUE) et les régimes linguistiques des titres de propriété intellectuelle (art. 18 TFUE).

Si les procédures législatives spéciales consacrent en général la supériorité du Conseil sur le Parlement européen, il est toutefois trois cas où l’initiative appartient aux Parlement européen qui se prononce après approbation du Conseil. Il s’agit de :

– la fixation du statut et des conditions générales d’exercice des fonctions des membres du Parlement européen (art. 223 TFUE) ;

– la fixation des modalités d’exercice du droit d’enquête parlementaire (art. 226 TFUE) ;

– la fixation du statut et des conditions d’exercice des fonctions du médiateur européen (art. 228 TFUE).

2) L’instauration d’une citoyenneté européenne active

La notion de citoyenneté européenne a été introduite par le traité de Maastricht, au début des années 1990.

L’existence d’une citoyenneté européenne – qui s’ajoute à la citoyenneté nationale mais ne la remplace pas – s’accompagne de la reconnaissance d’un certain nombre de droits, parmi lesquels celui de voter et de se présenter aux élections municipales et européennes dans un autre pays de l’Union européenne que son Etat d’origine. En outre, la citoyenneté européenne offre :

– le droit de circuler et de résider librement dans les pays de l’Union ;

– la protection à l'étranger de la part des ambassades et des consulats de n'importe quel État membre lorsqu’un pays n’a pas de représentation diplomatique dans cet État ;

– le droit de pétition devant le Parlement européen ;

– le droit de déposer, auprès du Médiateur européen, une plainte concernant un mauvais fonctionnement de l'administration européenne.

Le traité de Lisbonne doit permettre le passage d’une citoyenneté passive à une « citoyenneté européenne active » (5). L’innovation la plus emblématique de cette citoyenneté active – ou participative – est incontestablement le droit d’initiative citoyenne prévu à l’article 11 § 4 TUE ; il permettra à des citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’États membres, de prendre l’initiative d’inviter la Commission à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fin de l’application des traités. Au cours de la campagne référendaire du printemps 2005, des opposants au traité constitutionnel européen avaient critiqué le fait que les citoyens n’aient pas la possibilité de contraindre la Commission à déposer une initiative législative. Or leur donner ce pouvoir conduirait à remettre en cause le monopole d’initiative de la Commission qui est gardienne de l’intérêt général européen. Rien ne garantissant en effet qu’une initiative citoyenne soit conforme à l’intérêt général européen, il est parfaitement justifié de laisser à la Commission européenne le soin de juger du bien fondé des initiatives qui lui seront transmises. Il s’agit notamment d’éviter que des groupes de pression utilisent le droit d’initiative populaire – le seuil d’un million de citoyens est relativement aisé à atteindre puisqu’il ne correspond qu’à 0,2 % de la population de l’Union européenne – pour assurer la défense d’intérêts exclusivement catégoriels.

En tout état de cause, l’article 11 TUE mentionne l’obligation qu’ont les institutions d’entretenir « un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives de la société civile » tandis « qu’en vue d’assurer la cohérence et la transparence des actions de l’Union, la Commission procède à de larges consultations des parties concernées ».

Cette rédaction ne fait en réalité que codifier une pratique ancienne : celle de relations institutionnalisées entre les décideurs européens et les groupes d’intérêt accrédités à Bruxelles. C’est très en amont du processus législatif qu’interviennent les lobbyistes, notamment dans le cadre des consultations publiques régulièrement lancées par la Commission européenne, en particulier à travers les « livres verts » qui visent à recueillir les positions des différents acteurs concernés par une projet de législation européenne.

Une importance particulière est accordée au principe de transparence. Outre que les informations relatives à la législation européenne en préparation et aux textes en vigueur sont disponibles sur le portail Internet des institutions de l’Union (6), le traité de Lisbonne contraint le Conseil de l’Union à siéger en public lorsqu’il délibère sur des projets d’actes législatifs européens. En effet, dès lors que s’applique la procédure législative ordinaire, plus rien ne justifie que le Conseil siège à huis clos alors que le Parlement européen, sur le même texte, délibère en public.

Dans le cadre de cette volonté de transparence, votre Rapporteur suggère que l’habitude soit prise qu’un ou deux parlementaires puissent régulièrement faire partie de la délégation française au Conseil de l’Union européenne.

Une autre forme de citoyenneté active, moins connue, réside dans la création, par l’article 214 § 5 TFUE, d’un « corps volontaire européen d’aide humanitaire ». Il s’agit d’établir un cadre pour des contributions communes des jeunes Européens aux actions d’aide humanitaire de l’Union. Cette démarche, pour celles et ceux qui choisiront de l’accomplir, représente un acte fort de citoyenneté européenne. Ce corps volontaire européen ne pourrait-il pas préfigurer un service civil européen qui offrirait un contenu plus concret à la citoyenneté de l’Union et oeuvrerait au rapprochement des peuples et des cultures ?

A côté de la démocratie participative, le traité de Lisbonne consolide le pilier représentatif de la démocratie européenne. L’article 10 § 3 TUE énonce ainsi que « tout citoyen a le droit de participer à la vie démocratique de l’Union » et que « les décisions sont prises aussi ouvertement et aussi près que possible des citoyens ». Il s’agit ainsi de réduire le déficit démocratique dont souffre l’Union mais qui, selon votre Rapporteur, relève davantage d’un défaut d’appropriation du projet européen par les citoyens de l’Union que d’un mauvais fonctionnement démocratique des institutions européennes qui n’ont rien à envier à la légitimité des institutions nationales. En effet, le Parlement européen est démocratiquement élu au suffrage universel direct, le Conseil est composé de ministres responsables devant les parlements nationaux et la Commission est elle-même responsable devant le Parlement européen qui peut la renverser. Le débat n’est donc pas, quoi qu’on en dise, celui de la démocratisation des institutions de l’Union mais plutôt celui d’une indispensable politisation de la vie institutionnelle européenne.

Cette politisation va de pair avec l’approfondissement d’une démocratie représentative qui trouve son expression à travers le renforcement significatif des compétences du Parlement européen qui, au terme de l’article 10 TUE, représente les citoyens de l’Union.

3) La consécration juridique de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

À la différence de la Constitution européenne, le traité de Lisbonne n’intègre pas le texte de la Charte des droits fondamentaux. Cette charte, élaborée par une Convention ad hoc, a été proclamée une première fois en décembre 2000, sous présidence française de l’Union, en marge du Conseil européen de Nice. Sa portée est exclusivement politique, les dispositions de la charte n’ayant aucune valeur juridique contraignante.

La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne se compose d’un préambule et de différents titres relatifs à la dignité, aux libertés, à l’égalité, à la solidarité, à la citoyenneté et à la justice.

Lors de la convention européenne présidée par Valéry Giscard d’Estaing, un consensus s’était dégagé pour conférer une valeur juridique à ce texte afin de permettre aux citoyens de l’Union de s’en prévaloir directement devant le juge. Le Royaume-Uni s’était alors rallié à cette reconnaissance juridique de la charte, qui devenait la partie II du traité constitutionnel européen, à condition toutefois d’en encadrer strictement l’interprétation par le juge en conférant également une valeur juridique aux explications élaborées par le présidium de la convention qui avait rédigé la Charte.

Le traité de Lisbonne, s’il ne reproduit pas directement dans les traités le contenu de la Charte, lui confère néanmoins la même valeur juridique que celle des traités (art. 6 TUE). Il renvoie toutefois à une version de la Charte telle qu’adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg. Cette adaptation ne porte pas sur la substance des droits reconnus par la Charte mais sur la portée et l’interprétation des droits et des principes énoncés qui devra être conforme aux explications élaborées par le présidium de la Convention ayant rédigé par Charte et ne pas heurter les traditions constitutionnelles des États membres.

Quant au champ d’application de la charte, il est limité au droit de l’Union européenne et aux mesures nationales de mise en œuvre du droit de l’Union. En d’autres termes, la charte n’est pas opposable à des mesures nationales ou locales sans lien avec le droit de l’Union. Malgré ces précisions, le Royaume-Uni et la Pologne n’ont pas souhaité être liés par la Charte et ont obtenu de leurs partenaires le droit de bénéficier d’une clause d’opting out.

Par ailleurs, le traité de Lisbonne prévoit que l’Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, sans que cette adhésion modifie les compétences de l’Union telles qu’elles sont définies dans les traités.

4) L’association des parlements nationaux

La question de l’association des parlements nationaux à la construction européenne se pose depuis l’élection des députés européens au suffrage universel direct. Cette élection a en effet rompu le lien organique qui existait jusqu’alors entre les parlements nationaux et un Parlement européen qui était composé de délégués des parlements nationaux.

Depuis trente ans, chaque État membre a alors recherché, selon ses traditions politiques et constitutionnelles, les voies les plus appropriées pour assurer un contrôle parlementaire des affaires européennes. A l’occasion de la ratification du traité de Maastricht, la France a ainsi introduit dans sa Constitution un article 88-4 qui autorise l’Assemblée nationale et le Sénat à voter des résolutions sur des projets d’actes européens. D’autres pays, comme le Danemark, ont instauré un mécanisme plus contraignant de mandat de négociation en matière européenne.

Mais il faudra attendre l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, en 1999, pour que le rôle des parlements nationaux soit reconnu directement par les traités européens. Un protocole leur est alors consacré qui oblige chaque gouvernement à transmettre à son parlement les propositions législatives de la Commission ainsi que les différents documents de consultation que sont les livres verts, les livres blancs et les communications. En outre, ce protocole prévoit que, sauf urgence motivée, un délai minimum de six semaines doit s’écouler entre la présentation d’une proposition législative européenne et son examen par le Conseil de l’Union, afin de laisser aux parlements nationaux le temps d’en prendre connaissance. Enfin, ce protocole reconnaît l’existence de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC), qui réunit des représentants des commissions des affaires européenne des parlements nationaux ainsi qu’une délégation de la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen.

Fallait-il aller plus loin dans l’association des parlements nationaux à la construction européenne ? Assurément oui ; et le traité de Lisbonne comporte en ce domaine les avancées les plus significatives depuis le début de la construction européenne.

Pour la première fois en effet, un article spécifique des traités est consacré au rôle des parlements nationaux, lesquels « contribuent activement au bon fonctionnement de l’Union » (art. 12 TUE). Cet article recense les dispositions des traités (TUE et TFUE) qui intéressent les parlements nationaux. Elles concernent :

 leur droit d’être informé, par les institutions de l’Union, des projets d’actes législatifs européens d’une part, et des demandes d’adhésion à l’Union, d’autre part. L’article 4 du protocole sur le rôle des parlements nationaux fait également passer de six à huit semaines – sauf exception motivée – le délai minimum qui doit s’écouler entre le moment où un projet d’acte législatif est mis à la disposition des parlements nationaux dans les langues officielles de l’Union et la date à laquelle il est inscrit à l’ordre du jour provisoire du Conseil en vue de son adoption ou de l’adoption d’une position dans le cadre d’une procédure législative.

– leurs prérogatives nouvelles s’agissant du contrôle du respect du principe de subsidiarité ;

– leur association à la procédure de révision des traités, qu’il s’agisse de leur participation aux éventuelles conventions convoquées par le Conseil européen pour proposer des projets de révision, ou de leur droit d’opposition à la mise en œuvre de la procédure de révision simplifiée (art. 48 TUE) ;

– les modalités de leur association à la mise en œuvre de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, en raison du rôle traditionnellement exercé par les parlements nationaux s’agissant de la protection des libertés publiques.

Ces nouveaux droits conférés aux parlements nationaux ont nécessité, en France, une révision de notre Constitution, conformément à la décision qu’a rendue le Conseil constitutionnel le 20 décembre 2007 (7). La révision constitutionnelle adopté le 4 février 2008 par le Congrès du Parlement a ainsi transposé dans notre droit constitutionnel les nouvelles prérogatives reconnues à l’Assemblée nationale et au Sénat en matière de contrôle du respect du principe de subsidiarité ainsi que le droit d’opposition du Parlement français à l’activation de la procédure de révision simplifiée des traités.

Le renforcement du rôle des parlements nationaux au sein de l’Union européenne appelle plusieurs observations :

– Le traité de Lisbonne instaure pour la première fois un lien direct entre les parlements nationaux – et même chaque chambre dans le cas des parlements bicaméraux – et les institutions de l’Union européenne, sans passer par le truchement des gouvernements nationaux. C’est un progrès notable qui signifie que l’Union européenne reconnaît en tant que tels les parlements nationaux, au même titre que les gouvernements des États membres.

– La question du droit à l’information a longtemps été la principale revendication des parlements nationaux. Le nouveau protocole annexé au traité de Lisbonne sur le rôle des parlements nationaux établit une liste exhaustive des documents européens dont chaque parlement sera désormais destinataire. Cette transmission se fera vraisemblablement par voie électronique. Pour autant, tous les documents mentionnés dans le protocole sont publics (8) et facilement accessibles sur Internet. En réalité, le débat n’est plus aujourd’hui celui de l’information, mais celui du tri de cette information et de la mise en réseau des parlements nationaux. Car pour peser face aux institutions de l’Union, les parlements nationaux devront s’organiser pour s’efforcer de défendre des positions communes. Ce nouveau contexte a conduit la plupart des parlements nationaux à ouvrir des bureaux de représentation permanente à Bruxelles, auprès des institutions de l’Union. Quant à la mise en place du réseau IPEX (9) – plateforme électronique d’échange d’informations entre les parlements nationaux – elle trouve là toute son utilité.

– Le protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité ne devra pas conduire les parlements nationaux à se réfugier dans un rôle d’opposition systématique à la construction européenne, au motif du non respect du principe de subsidiarité par les institutions de l’Union. Ce protocole présente certes l’avantage de donner un rôle politique aux parlementaires nationaux, sans les mettre en concurrence avec les parlementaires européens. Pour autant, la subsidiarité ne doit pas devenir un prétexte pour dénoncer des orientations politiques qui relèvent du « triangle institutionnel » européen. Par ailleurs, malgré son intitulé, le protocole exclut le principe de proportionnalité des mécanismes de contrôle parlementaire. Or ce sont davantage les atteintes à la proportionnalité – à savoir l’existence de normes européennes parfois trop précises et trop détaillées – qui privent les autorités nationales de leur faculté d’adaptation aux spécificités nationales et locales.

– Les parlements nationaux doivent contribuer, à leur manière, à politiser davantage le fonctionnement institutionnel de l’Union ; à le rendre moins technocratique. L’expérience passée des deux conventions – l’une sur la Charte des droits fondamentaux, l’autre sur la réforme des traités – a démontré combien leur rôle peut-être bénéfique à la construction européenne et a souligné leur capacité de proposition. Or il existe un certain nombre de domaines où l’Union européenne peine à progresser, qu’il s’agisse de l’harmonisation fiscale, de la réforme des politiques communes, de l’évolution du budget européen, de l’avenir de l’Europe sociale, etc. Sur tous ces sujets, les parlements nationaux ne pourraient-ils pas apporter une contribution utile, un éclairage politique inédit qui ouvrirait de nouveaux horizons de réformes ? Plutôt que de limiter le rôle des parlements nationaux au seul pouvoir de dire non dans le cadre du contrôle du respect du principe de subsidiarité, ne faudrait-il pas aussi leur offrir des occasions de dire « oui » à l’Europe en les associant de façon constructive aux réformes politiques dont l’Europe a besoin ? Rien en effet, dans le traité de Lisbonne, n’interdit au Conseil européen de prendre l’initiative de convoquer des conventions ad hoc, non pas pour réviser les traités, mais pour formuler des propositions de réformes sur les sujets évoqués précédemment. Votre Rapporteur appelle de ses vœux la création de telles conventions car en associant des légitimités différentes (parlementaires européens, parlementaires nationaux, gouvernements des États membres, commission européennes, représentants de la société civile, etc.), elles seraient de nature à favoriser l’émergence de consensus européens sur des sujets d’intérêt commun.

Les modalités du contrôle du respect du principe
de subsidiarité par les parlements nationaux

Le carton jaune

– Tout parlement national peut dans un délai de huit semaines (au lieu de six dans la Constitution européenne) à compter de la transmission d’un projet d’acte législatif, adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé exposant les raisons pour lesquelles il estime que le projet en cause n’est pas conforme au principe de subsidiarité. Il appartient par ailleurs à chaque Parlement national ou à chaque chambre de consulter, le cas échéant, les assemblées régionales dotées de compétences législatives.

– Les institutions dont émanent les projets d’actes législatifs tiennent compte des avis motivés adressés par les Parlements nationaux, chaque parlement national disposant de deux voix, une pour chacune des deux chambres dans un système bicaméral. Le projet est réexaminé si les avis motivés sur le non-respect du principe de subsidiarité représentent au moins un tiers des voix attribuées aux parlements nationaux, un quart s’agissant de dispositions prises au titre de l’article 76 TFUE (coopération administrative dans les domaines de la coopération policière et judiciaire en matière pénale). Après réexamen l’institution de laquelle émane le projet d’acte peut le maintenir, le retirer ou le modifier en motivant sa décision.

Le carton orange

– Une procédure de contrôle renforcée est introduite s’agissant des projets d’actes régis par la procédure législative ordinaire. Si des avis motivés émanent d’au moins la moitié des voix attribuées aux Parlements nationaux (et non un tiers ou un quart), l’examen du projet d’acte législatif n’est pas poursuivi dès lors que 55 % des membres du Conseil ou une majorité des voix exprimées au Parlement européen sont d’avis que celui-ci n’est pas compatible avec le principe de subsidiarité.

Le carton rouge

– La Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour se prononcer sur les recours pour violation du principe de subsidiarité effectués par un État membre au nom de son Parlement national ou de l’une de ses chambres.

B – Une réponse à la confusion institutionnelle

La clarification des attributions de chacune des institutions de l’Union et la simplification des instruments et des procédures juridiques remédient à une forme de confusion institutionnelle qui avait pu s’installer au fur et à mesure des modifications successives des traités. Le traité de Lisbonne clarifie également les relations entre l’Union européenne et les États membres et définit la répartition des compétences entre l’échelon européen et l’échelon national.

1) La clarification du cadre institutionnel européen

Le traité de Lisbonne clarifie le cadre institutionnel de l’Union en établissant, pour la première fois, la liste des institutions de l’Union. Il ressort ainsi de l’article 13 TFUE que les institutions de l’Union sont au nombre de sept :

– le Parlement européen ;

– le Conseil européen ;

– le Conseil ;

– la Commission européenne ;

– la Cour de justice de l’Union européenne ;

– la Banque centrale européenne ;

– la Cour des comptes.

Cette liste appelle plusieurs observations :

– L’ordre d’énumération des institutions n’est pas neutre. Le Parlement européen, en raison de son mode d’élection, figure ainsi en tête des institutions de l’Union, devant le Conseil européen qui réunit les Chefs d’Etat ou de Gouvernement.

– Le Conseil européen est érigé au rang d’institution. Créée en 1974 à l’initiative du Président Valéry Giscard d’Estaing, cette enceinte est restée longtemps informelle puisqu’elle n’a été mentionnée pour la première fois dans les traités qu’à l’occasion de l’Acte unique européen. Le traité de Lisbonne fait du Conseil européen une institution à part entière et définit précisément sa composition, son rôle et ses compétences à l’article 15 TUE.

– La Banque centrale européenne acquiert également le statut d’institution de l’Union, alors qu’elle ne figurait pas en tant que telle dans la liste établie par la Constitution européenne. Conséquence de ce statut, la BCE devra souscrire à l’obligation de coopération loyale avec les autres institutions de l’Union (art. 13 § 2 TUE). Ceci ne sera pas sans conséquences sur l’évolution du dialogue politique entre la BCE et le Conseil de l’Union.

– Le Comité économique et social et le Comité des régions ne sont pas assimilés à des institutions de l’Union, mais sont des organes consultatifs sollicités soit obligatoirement, soit facultativement, par le Parlement européen, le Conseil
et / ou la Commission. Le traité de Lisbonne étend sensiblement la liste des sujets sur lesquels ces organes doivent être consultés. Il faut également noter que le Comité des régions obtient un droit de saisine directe de la Cour de justice, mais seulement contre les actes législatifs européens pour l’adoption desquels le traité de Lisbonne prévoit sa consultation.

– Il convient enfin de mentionner le changement d’appellation de la Cour de Justice des Communautés européennes qui devient la Cour de justice de l’Union européenne, conséquence de l’absorption de la Communauté européenne par l’Union européenne.

2) La clarification des relations entre l’Union européenne et les Etats membres

Outre une meilleure articulation des compétences entre l’Union européenne et les États membres, le traité de Lisbonne comporte un certain nombre de dispositions nouvelles qui clarifient les relations qu’entretiennent les États membres avec l’Union.

L’équilibre des relations entre l’Union et les États membres repose sur le respect d’obligations réciproques définies à l’article 4 TUE qui énonce notamment que « l’Union et les États membres se respectent et s’assistent mutuellement dans l’accomplissement des missions découlant des traités ».

L’Union doit ainsi « respecter l’égalité des États membres devant les traités ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l’autonomie locale et régionale ».

Quant aux États membres, il leur appartient de prendre « toute mesure générale ou particulière propre à assurer l’exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l’Union ». A titre d’exemple, ceci concerne tant la transposition des directives européennes, que le respect des engagements relatifs au pacte de stabilité et de croissance, ou encore l’exécution des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne.

D’autres articles des traités concernent indirectement les relations entre l’Union européenne et les États, qu’ils soient candidats ou membres de l’Union européenne :

– l’article 49 TUE précise que tout État européen qui respecte les valeurs de l’Union (telles que définies à l’article 2 TUE) et s’engage à les promouvoir, peut demander à devenir membre de l’Union. Le traité de Lisbonne intègre pour la première fois une référence aux critères d’adhésion tels qu’ils ont été définis par le Conseil européen de Copenhague en décembre 1993(10).

– l’article 7 TUE prévoit une procédure de suspension de certains droits liés à l’appartenance à l’Union pour tout État membre qui en violerait de façon grave et persistante les valeurs définies à l’article 2 TUE.

– l’article 50 TUE créé une clause de retrait volontaire de l’Union qui permet à tout État membre, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union. Dans ce cas, ledit État et l’Union négocient un accord qui établit le cadre de leurs relations futures.

3) La clarification de la répartition des compétences entre l’Union européenne et les États membres

Le traité de Lisbonne soumet l’Union européenne au respect du principe d’attribution (art. 5 TUE), lequel signifie qu’elle n’agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités. En conséquence, l’article 5 TUE énonce explicitement que « toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres ». Qui plus est, la possibilité de restituer des compétences aux Etats membres est spécifiée à l’article 48 TUE qui précise que la révision des traités peut avoir comme objet aussi bien d’accroître que de réduire les compétences de l’Union.

Qui plus est, pour les compétences qui lui sont reconnues, l’Union doit respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité. Les traités renvoient aux parlements nationaux mais aussi aux institutions de l’Union le soin de veiller à la bonne application du principe de subsidiarité. En dernier ressort, la Cour de justice de Luxembourg a le pouvoir d’annuler toutes dispositions non conformes aux principes de subsidiarité et / ou de proportionnalité.

Les articles 2 à 6 TFUE définissent les catégories et domaines de compétences de l’Union qui se répartissent en trois groupes :

– les compétences exclusives de l’Union qui concernent des domaines dans lesquels les États membres ont entièrement transféré leur compétence à l’échelon européen. L’exemple le plus emblématique est celui de la politique monétaire pour les pays membres de la zone euro.

– les compétences des États membres pour lesquelles l’Union ne peut intervenir que pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des Etats membres. Ceci exclut toute mesure d’harmonisation des législations au niveau européen.

– les compétences partagées entre l’Union et les États membres qui se définissent en creux par rapport aux deux catégories précédentes. Il s’agit de la « zone grise » des compétences communes à l’Union et aux États membres pour lesquelles l’action de l’Union, qui doit respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité, a pour effet de déposséder les États de leur compétence. Toutefois, un protocole annexé au traité de Lisbonne sur l’exercice des compétences partagées précise que « lorsque l’Union mène une action dans un certain domaine, le champ d’application de cet exercice de compétence ne couvre que les éléments régis par l’acte de l’Union en question et ne couvre donc pas tout le domaine ».

Il convient de mentionner que deux politiques font l’objet de dispositions particulières :

– d’une part, les politiques économiques et de l’emploi, qui ne relèvent pas strico sensu de la compétence de l’Union mais dont les Etats membres reconnaissent la nécessité d’une coordination à travers ce qu’on appelle la « méthode ouverte de coordination » qui vise à favoriser, en dehors de tout mécanisme contraignant d’harmonisation des législations, une convergence des politiques nationales respectives.

– d’autre part de la politique étrangère et de sécurité commune, y compris la définition progressive d’une politique de défense commune (art. 2 § 4 TFUE).

Cette clarification des compétences, associée aux dispositions relatives aux principes de subsidiarité et de proportionnalité, s’opère clairement au bénéfice des compétences nationales que l’Union doit respecter. La déclaration n° 18 annexée au traité de Lisbonne précise ainsi – était-ce d’ailleurs bien nécessaire ? – que « toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux États membres ».

Néanmoins, la rigidité de la classification des compétences est tempérée par l’existence d’une clause de flexibilité, à l’article 352 TFUE (reprise de l’ex-art. 308 TCE), qui autorise l’Union à agir, dans les cadres des politiques définies par les traités (11), même si elle ne dispose pas de base juridique pour le faire. Le Conseil peut en effet en décider ainsi mais en statuant à l’unanimité, sur proposition de la commission et après approbation du Parlement européen.

4) La simplification des instruments juridiques et des procédures

La question de la simplification des instruments juridiques est liée à celle de la clarification des compétences. Car dès lors qu’il a été décidé de mettre en œuvre une compétence, il faut déterminer qui peut le faire, comment, et avec quels effets.

Au fil du temps et des traités, les instruments juridiques et les procédures de décision européens se sont multipliés et considérablement complexifiés. La structure en piliers de l’Union européenne a provoqué une différenciation des instruments et des procédures pour tenir compte des spécificités propres à chaque domaine d’intervention.

Au-delà de la classification initiale de l’art. 249 TCE (décision, règlement, directive, recommandation et avis), d’autres instruments ont été conçus pour mettre en œuvre telle ou telle politique de l’Union. C’est le cas, pour la politique étrangère et de sécurité commune, des « principes et orientations générales », des « stratégies communes », des « actions communes » et des « positions communes ». Quant à l’espace de liberté, de sécurité et de justice, il est régi par des « positions communes », des « décisions-cadres », des « décisions » et des « conventions ».

Il convient également de mentionner l’existence d’un certain nombre d’instruments qualifiés d’atypiques : accords interinstitutionnels (en ce qui concerne, par exemple, les perspectives financières de l’Union européenne), conclusions et résolutions du Conseil européen et du Conseil, déclarations des Etats membres.

Dans un souci de meilleure lisibilité, le traité de Lisbonne opère une réduction du nombre des instruments juridiques qui s’appliqueront désormais indifféremment à l’ensemble des politiques de l’Union, la distinction selon les piliers étant supprimée. Les instruments juridiques applicables à la politique étrangère et de sécurité commune resteront toutefois identifiés par la mention du qualificatif « PESC » et « PESD » à l’intitulé des « décisions » prises dans ce domaine.

Les instruments juridiques, définis à l’article 288 TFUE sont les suivants :

– le règlement : de portée générale, il est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout Etat membre ;

 la directive : elle lie tout Etat membre destinataire quant aux résultats à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ;

– la décision : elle est obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu’elle désigne des destinataires, elle n’est obligatoire que pour ceux-ci ;

– les recommandations et les avis, qui ne lient pas.

Ce qui peut désormais différer selon les politiques, ce n’est plus la nature de l’instrument juridique mais sa procédure d’adoption. A cet égard, le traité de Lisbonne simplifie les choses en distinguant deux catégories de procédures : la procédure législative ordinaire et les procédures législatives spéciales.

La procédure législative ordinaire est la procédure de droit commun. Elle correspond au vote à la majorité qualifiée au Conseil, dans le cadre d’une adoption en co-décision avec le Parlement européen. Selon les sujets, les traités peuvent prévoir d’associer à la prise de décision certains organes consultatifs de l’Union (en particulier le Conseil économique et social et / ou le Comité des régions).

Les procédures législatives spéciales concernent quant à elles toutes les autres procédures d’adoption prévues par les traités. Les cas de figures sont nombreux selon que le Conseil se prononce à l’unanimité ou à la majorité qualifiée et / ou que le rôle du Parlement européen est limité à un droit de veto (approbation), à une simple consultation (avis) ou que son intervention n’est pas requise.

À la rationalisation des procédures, s’ajoute l’instauration d’une hiérarchie des normes européennes. Le traité de Lisbonne créé en effet une distinction entre trois types d’actes : les actes législatifs, les actes délégués et les actes d’exécution.

Les actes législatifs, définis à l’article 289 TFUE, sont adoptés par la procédure législative européenne, qu’elle soit ordinaire ou spéciale. Il peut en être ainsi des règlements, des directives et des décisions. Il ne faut donc pas se laisser abuser par la terminologie : selon le droit de l’Union, un règlement appartient bien à la catégorie des actes législatifs et non pas réglementaires au sens du droit français.

Les actes délégués – nouvelle catégorie juridique créée par le traité de Lisbonne – complètent ou modifient certains éléments non essentiels d’un acte législatif. L’adjectif « délégué » doit alors être inséré dans l’intitulé de ces actes, pris par la Commission, sous le contrôle du législateur européen (Parlement européen et / ou Conseil) qui peut révoquer sa délégation à tout moment. Les actes législatifs doivent délimiter explicitement les objectifs, le contenu, la portée et la durée de la délégation de pouvoir. Les éléments essentiels d’un domaine sont réservés à l’acte législatif et ne peuvent ainsi faire l’objet d’une délégation de pouvoir. L’intérêt de cette nouvelle catégorie d’actes délégués vise à permettre au législateur européen de concentrer son activité sur la définition des principes et des objectifs politiques des sujets sur lesquels il intervient, sans se perdre dans des détails techniques qui ne sont pas de son niveau. On peut en attendre une législation européenne plus lisible et mieux compréhensible par les citoyens.

La troisième catégorie est celle des actes d’exécution qui, à la différence des actes délégués, ne complètent pas les actes législatifs mais fixent les modalités de leur mise en œuvre. Cela correspond à la procédure de comitologie qui fait intervenir le Commission et / ou le Conseil, sous le contrôle du Parlement européen.

L’instauration d’une hiérarchie des normes au sein du droit dérivé européen permet de mieux cerner l’agencement des normes les unes par rapport aux autres tout en clarifiant les attributions de chacune des institutions. On aurait cependant pu imaginer la création d’une catégorie supplémentaire d’actes juridiques à un niveau supra-législatif, à l’instar des lois organiques prévues par la Constitution française(12). L’existence d’une telle catégorie, soumise à des règles de vote à une majorité « super qualifiée », aurait pu rendre plus facile la modification de certaines dispositions qui imposent aujourd’hui, au-delà de la nouvelle clause passerelle générale de l’article 48 TUE, une révision des traités et donc un vote et une ratification à l’unanimité des Etats membres.

C – Une réponse à l’inertie décisionnelle de l’Union élargie

Le nouveau système de vote à la majorité qualifiée va sensiblement renforcer la capacité décisionnelle de l’Union. Outre la définition du principe de double majorité des États et de la population, le traité de Lisbonne amplifie l’extension du champ de la majorité qualifiée, dans le prolongement des traités précédents de Maastricht, d’Amsterdam et de Nice. De nouvelles modalités de révision des traités visent également à pouvoir modifier plus rapidement et plus facilement le droit des traités européens, un droit qui n’est pas « gravé dans le marbre ».

1) La nouvelle règle de majorité qualifiée

La définition d’une nouvelle règle de majorité qualifiée pour succéder au système de pondération des voix en vigueur avec le traité de Nice a suscité de très importants débats tant pendant la Convention européenne de 2002-2003 que lors des conférences intergouvernementales de 2003-2004 et de 2007.

Il faut rappeler ici que la question de la majorité qualifiée ne concerne que les procédures de décision au Conseil européen et au Conseil, le poids des Etats n’étant pas pris en considération pour les votes au Parlement européen.

Il faut également se souvenir de l’opposition manifestée dans un premier temps par l’Espagne et par la Pologne, puis par la Pologne seule, face à l’abandon d’un mécanisme de pondération des voix fondé sur des critères peu objectifs. Comment expliquer en effet que l’Allemagne, peuplée de 82 millions d’habitants, dispose de 29 voix, c’est-à-dire autant que la France qui compte près de 20 millions d’habitants de moins ? De même, l’Espagne et la Pologne, deux pays peuplés d’environ 40 millions d’habitants bénéficient avec le traité de Nice d’une surreprésentation avec 27 voix au Conseil.

En comparaison avec le système de pondération des voix, l’instauration d’un mécanisme de double majorité des Etats et de la population présente deux avantages :

– le premier est de rendre le système plus juste et plus légitime en fondant le processus décisionnel sur le poids démographique respectif de chacun des Etats membres. On ne peut pas reprocher à l’Union son déficit démocratique et rejeter dans le même temps une règle de vote plus nettement plus représentative ;

– le second est d’élargir sensiblement le champ de ce qu’on appelle les « coalitions gagnantes ». En d’autres termes, le système de double majorité diminue le pouvoir de blocage dont dispose chaque Etat membre. De 2% de coalitions gagnantes parmi les alliances possibles au sein du Conseil avec le traité de Nice, on passe à environ 10 % avec le traité de Lisbonne.

Poids relatif des Etats-membres
dans le système décisionnel de l’Union européenne

Source : rapport d’information de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne – n° 562, tome 1, p. 61.

Le traité de Lisbonne fixe la règle de majorité qualifiée à 55 % des Etats représentant 65 % de la population (art. 16 TUE) (13), reprenant en cela les termes du traité établissant une Constitution pour l’Europe . Une minorité de blocage doit réunir au moins quatre Etats membres, ceci afin d’éviter que les trois pays les plus peuplés de l’Union – qui représentent à eux seuls plus de 40 % de la population –puissent empêcher l’adoption d’une décision.

L’article 16 TUE précise également qu’un acte ne peut être adopté qu’à la condition de réunir au moins quinze Etats membres ; or dans une Union à 27, le seuil de 55 % des Etats correspond de toute façon à 15 Etats membres. Cette précision prendrait cependant un relief nouveau si un ou plusieurs Etats membres usaient de leur faculté de retrait de l’Union, prévue à l’article 50 TUE. En effet, dans l’hypothèse – il est vrai proche du cas d’école – où deux pays quitteraient l’Union, la rédaction de l’article 16 TUE deviendrait mathématiquement absurde en faisant référence à 55 % d’Etats réunissant un nombre minimum de 15 pays. Car dans ce qui redeviendrait alors une Union à 25, 14 États membres suffiraient pour atteindre le seuil de 55 %.

2) L’extension du champ d’application de la majorité qualifiée

Le traité de Lisbonne étend la majorité qualifiée à 28 domaines jusqu’alors régis par l’unanimité, dont un nombre important liés à l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

21 des bases juridiques nouvelles créées par le traité de Lisbonne seront également régies par la règle de la majorité qualifiée.

La liste des matières concernées figure à l’annexe n°1 du présent rapport (p. 81).

3) Des procédures simplifiées de révision des traités

Le traité de Lisbonne prévoit de nouvelles règles de révision des traités afin de pouvoir les modifier plus facilement, sans avoir à recourir systématiquement à la procédure – de moins en moins adaptée au fonctionnement d’une Europe à 27 – de l’exigence de ratification à l’unanimité des Etats membres.

L’article 48 TUE définit les différentes procédures de révision des traités et distingue entre une procédure de révision ordinaire et plusieurs procédures de révision simplifiées.

La procédure de révision ordinaire est largement inspirée de la procédure actuelle de révision des traités, tout en apportant deux modifications importantes. D’une part, le Parlement européen aura désormais la possibilité de proposer au Conseil des projets de révision, au même titre que tout Etat membre et que la Commission européenne. D’autre part, la méthode conventionnelle est pérennisée puisqu’à l’avenir, les projets de révision seront examinés par des conventions composées de représentants des parlements nationaux, des gouvernements, du Parlement européen et de la Commission. Certes, le Conseil européen pourra décider de ne pas convoquer une convention pour les projets de révision jugés mineurs, mais il devra pour cela obtenir l’approbation du Parlement européen. Dans le cadre de la procédure de révision ordinaire, les recommandations adoptées par la Convention seront transmises à une conférence intergouvernementale qui statuera à l’unanimité ; les modifications envisagées ne pourront entrer en vigueur qu’après avoir été ratifiées par tous les Etats membres.

À cette procédure de révision ordinaire, le traité de Lisbonne ajoute de nouvelles procédures de révision simplifiées des traités, qui ne s’appliquent cependant qu’à certaines dispositions des traités. Cela concerne la troisième partie du TFUE, c’est-à-dire les articles 26 à 197 TFUE relatifs aux politiques et actions internes de l’Union. Dans ces matières, le Conseil européen peut adopter, à l’unanimité, une décision modifiant tout ou partie des dispositions de cette troisième partie. Il n’est donc plus nécessaire de convoquer de convention, ni même de conférence intergouvernementale. En revanche, lesdites modifications ne peuvent accroître les compétences attribuées à l’Union et ne peuvent entrer en vigueur qu’après leur approbation par les Etats membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

Une seconde procédure de révision simplifiée est également prévue par le traité de Lisbonne. Qualifiée de « clause passerelle générale », elle consiste à autoriser le Conseil européen, statuant à l’unanimité après approbation du Parlement européen, à adopter une décision permettant au Conseil de statuer à l’avenir à la majorité qualifié dans un domaine jusqu’alors régi par l’unanimité. Elle peut également prévoir le passage d’une procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire. Cette clause passerelle générale concerne l’ensemble du TFUE et le titre V du TUE, à l’exception toutefois des décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense. La décision du Conseil européen peut entrer en vigueur sans avoir à être ratifiée ou approuvée par l’ensemble des Etats membres, ce qui allège sensiblement la procédure et accélère les délais d’entrée en vigueur. Néanmoins, les projets de décisions du Conseil européen doivent être notifiés à tous les parlements nationaux et il suffit que l’un d’entre eux s’y oppose pour que ladite décision ne puisse être adoptée. Un droit de veto est ainsi reconnu à chaque parlement national, ce qui a rendu nécessaire une révision de notre Constitution (14).

Les procédures de révision instaurées par le traité de Lisbonne révèlent la recherche d’un subtil équilibre entre des légitimités différentes que sont celles du Conseil européen, du Parlement européen et des parlements nationaux. Dans une Europe élargie, la révision des traités devient un exercice à l’issue de plus en plus incertaine. Alors que chacun s’accorde à reconnaître le bien fondé de l’extension du champ d’application de la majorité qualifiée à des matières de plus en plus nombreuses du droit dérivé, pourquoi ne pas étendre cette règle de la majorité qualifiée – ou imaginer une règle de majorité « super qualifiée » – à la modification des traités eux-mêmes ? Cette règle pourrait s’appliquer tant au stade de l’adoption de la révision qu’à celui de sa ratification par les Etats membres. Au vu de critères démocratiques, est-il en effet satisfaisant qu’un pays, fut-il le moins peuplé de l’Union, puisse empêcher tous les autres de modifier les traités ?

D – Une réponse à l’absence de leadership européen

On reproche souvent à l’Union de ne pas être suffisamment incarnée auprès des citoyens et de manquer de leadership sur la scène internationale.

Présidence stable du Conseil européen, Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, meilleure coordination des présidences tournantes du Conseil : ces réformes visent justement à répondre à ces critiques récurrentes.

1) L’instauration d’une présidence stable du Conseil européen : une voix et un visage pour l’Europe

Une innovation majeure du traité de Lisbonne réside dans l’institutionnalisation du Conseil européen qui sera désormais doté d’un président stable élu pour un mandat de deux ans et demi renouvelable une fois.

Cette réforme vise à renforcer le leadership de l’Union européenne, tant à l’intérieur de l’Union que sur la scène internationale, en assurant une continuité et une visibilité plus grandes des actions de l’Union. Il s’agit d’incarner l’Europe.

Cette réforme institutionnelle importante, qui aura des conséquences sur l’équilibre institutionnel européen, est reprise du traité constitutionnel. La convention présidée par M. Valéry Giscard d’Estaing avait en effet repris à son compte, après de longs débats, une proposition franco-allemande présentée au début de l’année 2003. La plupart des pays européens ont longtemps été réservés sur la création d’une présidence stable du Conseil européen qui pourrait se déployer au détriment de la Commission en renforçant le pilier intergouvernemental de la construction européenne. Ce n’est qu’au prix de garanties apportées sur les compétences de la Commission et sur le renforcement des pouvoirs du Parlement européen qu’un accord a été possible sur la création d’une présidence stable du Conseil européen.

Ce président sera élu à la majorité qualifiée par les membres du Conseil européen, et ne pourra exercer de mandat national. Cette interdiction de cumul se justifie pleinement par la nécessité d’éviter tout conflit potentiel entre d’éventuels intérêts nationaux et l’intérêt général européen. Le ou la Présidente du Conseil européen devra en effet être impartial pour avoir la confiance des membres de son institution et de l’autorité politique en Europe et dans le monde.

La création d’une présidence stable du Conseil européen appelle plusieurs observations :

– Premièrement, ce nouveau président ne sera pas le Président de l’Union, mais le Président d’une institution de l’Union qu’est le Conseil européen. Il ne s’agit nullement d’un président de l’Europe qui serait élu au suffrage universel par les citoyens de l’Union. Le Président du Conseil européen ne sera d’ailleurs responsable que devant les membres du Conseil européen, à la différence du Président de la Commission qui se trouve à la tête d’une institution responsable collégialement devant le Parlement européen.

– Deuxièmement, il faut garder à l’esprit que l’Union dispose déjà de plusieurs présidents stables : le président du Parlement européen, élu pour cinq ans (15) et le Président de la Commission qui dispose lui aussi d’un mandat de cinq ans. À ces deux présidents stables, s’ajoute la présidence tournante de l’Union que le traité de Lisbonne ne supprime pas. Les Etats membres continueront en effet d’exercer à tour de rôle, tous les six mois, la présidence des formations ministérielles du Conseil de l’Union, à l’exception toutefois du Conseil « Affaires étrangères » qui sera dorénavant présidé par le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. La création d’une présidence stable du Conseil européen aura paradoxalement pour effet de priver le Chef de l’Etat chargé de la présidence semestrielle de présider les réunions du Conseil européen alors que ses ministres, en revanche, continueront de présider les formations sectorielles du Conseil de l’Union. Il est dès lors à parier que des Chefs d’Etat ou de Gouvernement s’inviteront à certaines réunions du Conseil de l’Union qu’ils auront à cœur de présider. Rien ne l’interdit, comme l’a prouvée la participation du Président Nicolas Sarkozy à une session ministérielle du Conseil « Ecofin » en juillet 2007.

– Troisièmement, le rôle exact du futur président du Conseil européen reste à préciser. Le traité de Lisbonne définit sa fonction de façon très restrictive. L’article 16 § 6 TUE lui confère en effet la responsabilité de présider et d’animer les travaux du Conseil européen, d’en assurer la préparation et la continuité et de faciliter la prise de décision. Un rôle de représentation extérieure de l’Union lui est également reconnu. Ce rôle de président « chairman » pourrait rapidement se révéler en décalage avec l’influence institutionnelle croissante du Conseil européen. Peut-on être le président effacé d’une institution de premier plan dans la vie politique européenne ? Quelles seront les activités du Président du Conseil européen en dehors des quatre réunions annuelles de son institution ?

2) La création d’un Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité

L’instauration d’un Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité – qui perd le titre de ministre que lui octroyait la Constitution européenne – représente un progrès significatif au regard de la situation actuelle. L’action extérieure de l’Union fait en effet aujourd’hui intervenir trois acteurs principaux : la présidence semestrielle de l’Union, l’actuel Haut représentant et la Commission européenne. Cette situation n’est pas sans inconvénients : elle nuit à la cohérence de l’action extérieure de l’Union et empêche le Haut représentant de mobiliser les moyens considérables dont dispose la Communauté – première puissance commerciale et premier fournisseur d’aide publique au développement – au service de la PESC. L’Union se trouve ainsi incapable de transformer sa puissance économique en puissance politique.

Afin de renforcer la cohérence de l’action extérieure de l’Union
– partagée entre le Conseil et la Commission –, le traité de Lisbonne procède à la fusion des fonctions actuelles de Haut représentant et de Commissaire chargé des relations extérieures. Il en résulte que le futur Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité sera simultanément le mandataire du Conseil et l’un des vice-présidents de la Commission européenne. Il rendra compte à la fois au président du Conseil européen et au président de la Commission. La durée de son mandat sera logiquement alignée sur celle de la Commission, à savoir cinq ans. Le Haut représentant présidera la formation « affaires étrangères » du Conseil de l’Union et disposera d’un droit d’initiative qu’il pourra exercer seul ou avec la Commission.

La seconde innovation, de taille, est la création d’un service européen d’action extérieure sur lequel s’appuiera le Haut représentant dans l’exercice de ses fonctions. Cette administration, dont la particularité sera d’être composée de fonctionnaires des Etats membres et des institutions de l’Union, sera le « bras opérationnel » du Haut représentant. L’existence de ce service diplomatique devra favoriser une plus forte appropriation des enjeux européens par les diplomaties nationales et, réciproquement, une meilleure appréhension par les institutions de l’Union des spécificités nationales en matière d’action extérieure (16).

3) Une meilleure coordination des présidences du Conseil de l’Union

Comme cela a été précédemment indiqué, le traité de Lisbonne ne met pas fin à la présidence semestrielle de l’Union, mais l’exercice de cette présidence est rationalisé. En effet, la déclaration n°9 annexée au traité fournit des précisions sur le contenu de la décision relative à l’exercice des présidences du Conseil que devra prendre le Conseil européen, en application de l’article 16 § 9 TUE.

Il est prévu que la présidence du Conseil, à l’exception de la formation des affaires étrangères, soit assurée par des groupes déterminés de trois Etats membres pour une période de 18 mois. Ces groupes devront être composés par rotation égale des Etats membres, en tenant compte de leur diversité et des équilibres géographiques au sein de l’Union.

Chaque membre du groupe assurera, à tour de rôle, pour une période de six mois, la présidence de toutes les formations du Conseil, à l’exception de la formation des affaires étrangères. Les autres membres du groupe assisteront la présidence dans toutes ses responsabilités, sur la base d’un programme commun. Il s’agit là de l’institutionnalisation de la pratique existante des « présidences trio », inaugurée par l’Allemagne au premier semestre 2007, et qui consiste à assurer la cohérence et la continuité des priorités politiques des présidences successives de l’Union.

Le projet de décision du Conseil européen relative à l’exercice de la présidence du Conseil prévoit la possibilité pour les membres d’un groupe de trois Etats membres de convenir entre eux d’autres arrangements ; ceci peut notamment concerner le cas d’un pays non membre de la zone euro qui, selon l’ordre du jour, pourrait confier ponctuellement la présidence du Conseil « Ecofin » à l’un des membres de son groupe appartenant à la zone euro.

II – LE TRAITÉ DE LISBONNE TIENT COMPTE DES CRITIQUES ADRESSÉES AU TRAITÉ CONSTITUTIONNEL EUROPÉEN

Le traité constitutionnel est mort. Vive le traité de Lisbonne ! Ce nouveau texte, aux appellations multiples – mini-traité, traité simplifié, traité réformateur, traité modificatif – rompt avec la démarche constitutionnelle et répond aux craintes exprimées par le peuple français lors du référendum du 29 mai 2005.

A –L’abandon de la démarche constitutionnelle

L’abandon de la démarche constitutionnelle signe le retour à la méthode traditionnelle de révision de traités. C’est ainsi que le traité de Lisbonne n’abroge pas les traités précédents mais se limite à les amender. Toute référence à un vocabulaire d’inspiration constitutionnelle est également abandonnée.

1) Un traité modificatif, dans le prolongement des traités précédents

Le traité de Lisbonne scelle l’abandon du principe même de Constitution européenne. En effet, alors que le traité « constitutionnel » abrogeait les traités actuels pour les remplacer par un texte unique à vocation constitutionnelle, le traité de Lisbonne se limite à modifier les traités existants, à savoir le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne qu’il renomme « traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » (TFUE).

Le traité de Lisbonne ne peut pas se lire tel quel. Il s’agit en effet d’une série de 295 amendements qui sont pour la plupart incompréhensibles s’ils ne sont pas mis en regard avec le texte des traités qu’ils modifient. C’est la raison pour laquelle notre commission des affaires étrangères a pris l’initiative heureuse de réaliser une version consolidée des traités européens tels que modifiés par le traité de Lisbonne. Ce document de travail (17), qui ne fait pas foi juridiquement, permet de visualiser facilement les changements qu’apporte le traité de Lisbonne au droit primaire de l’Union.

Que constate-t-on ?

Tout d’abord, que la structure en quatre parties qui était celle de la Constitution européenne n’a plus lieu d’être. Au lieu de quatre parties, on conserve deux traités : le traité sur l’Union européenne (TUE) et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Il faut y ajouter 13 nouveaux protocoles et 65 déclarations. Si les protocoles ont la même valeur juridique que le texte des traités, les déclarations n’ont pour leur part qu’une portée politique.

Le traité sur l’Union européenne (55 articles) correspond au traité de Maastricht, entré en vigueur en 1993 et modifié depuis par les traités d’Amsterdam et de Nice. Dans sa version modifiée par le traité de Lisbonne, le traité sur l’Union européenne correspond en grande partie aux dispositions institutionnelles qui étaient celles de la partie I de la Constitution européenne.

Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (358 articles) correspond quant à lui au traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne, et modifié à de nombreuses reprises, en particulier par l’Acte unique européen de 1985 mais également par les traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Nice. C’est dans ce traité que figurent les dispositions relatives aux politiques de l’Union, qui constituaient la partie III de la Constitution européenne.

L’honnêteté intellectuelle oblige à écrire ici combien il est erroné d’affirmer que le traité de Lisbonne ne reprend pas la troisième partie de la Constitution européenne. Cette troisième partie n’était en réalité, pour l’essentiel, que la reprise de dispositions déjà en vigueur. Ne pas reprendre ces mêmes dispositions dans le traité de Lisbonne signifierait que l’Union européenne ne disposerait plus d’aucune base juridique pour définir et mettre en œuvre ses politiques !

Mais ne nous y trompons pas : ce traité sur le fonctionnement de l’Union européenne n’est qu’un cadre juridique qui ne préjuge pas des orientations politiques de la construction européenne. Une comparaison suffit pour en apporter la démonstration : la Constitution française de la Ve République, qui célèbre cette année son 50e anniversaire, a permis aux dirigeants français de mener des politiques de droite comme de gauche. Il doit en être de même au niveau de l’Union, en fonction d’une part des résultats des élections au Parlement européen et d’autre part de l’orientation politique de la majorité des gouvernements des Etats membres.

La partie II de la Constitution européenne, qui reprenait le contenu de la Charte des droits fondamentaux de l’Union, ne figure plus en tant que telle dans les traités. Toutefois, l’article 6 TUE confère désormais une valeur juridique contraignante à cette charte.

Enfin, les dispositions générales et finales qui constituaient la partie IV de la Constitution européenne sont réparties pour une part dans le TUE (s’agissant en particulier des procédures de révision des traités) et pour une autre part dans le TFUE (en ce qui concerne notamment le champ d’application des traités).

Comme le faisait remarquer le Président Valéry Giscard d’Estaing le 16 janvier 2007 lors de son audition par notre commission des affaires étrangères, on peut s’interroger sur la pertinence qu’il y a à conserver deux traités distincts alors que rien, d’un point de vue juridique, ne s’opposerait à leur fusion. En effet, ces traités ont la même valeur juridique et les procédures de révision – ordinaire ou simplifiées – peuvent être appliquées à l’un ou l’autre des traités. Une fusion des deux traités permettrait une numérotation continue et, indiscutablement, améliorerait la lisibilité du texte. Il est vrai cependant qu’un texte unique rappellerait à beaucoup la défunte Constitution. Mais enfin, il est quelque peu paradoxal d’exiger un traité « simplifié » et de ne pas aller jusqu’au bout de la logique de simplification.

Des simplifications, le traité de Lisbonne en apporte toutefois un certain nombre par rapport à la situation actuelle. L’attention doit être attirée sur deux d’entre elles.

– La première est l’absorption de la Communauté européenne par l’Union européenne. En conséquence, les termes « communauté » et « communautaire » disparaissent du champ lexical européen. On ne parlera désormais à l’avenir plus que d’ « Union européenne », ce qui explique la nouvelle dénomination du « traité instituant la Communauté européenne » en « traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ». Le traité de Lisbonne confère explicitement la personnalité juridique à l’Union (art. 47 TUE).

– La seconde, conséquence logique de la première, est la fusion des trois piliers qu’étaient le pilier communautaire (1er pilier), le pilier « PESC » (2e pilier) et le pilier « Justice et affaires intérieures » (3e pilier). La suppression de la structure en piliers ne signifie pas pour autant l’abandon de procédures juridiques spécifiques selon les domaines d’intervention de l’Union. C’est ainsi, par exemple, que les questions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune continueront de rester largement régies par la règle de l’unanimité.

2) La disparition du vocabulaire d’inspiration constitutionnelle

Le traité de Lisbonne n’est pas un traité fédéral. Certains s’en réjouissent, d’autres le regrettent, mais la réalité est bien celle-ci.

La suppression du vocabulaire d’inspiration constitutionnelle vise en effet à gommer tout ce qui, dans les traités, pourrait laisser penser que l’Europe aurait vocation à devenir un « super Etat ». L’intitulé même de « traité établissant une Constitution pour l’Europe » est abandonné au profit d’une appellation neutre qui correspond, comme par le passé, à la ville de signature du traité.

Outre l’abandon d’un préambule unique et la suppression de la mention des symboles de l’Union (cf. infra), le traité de Lisbonne n’évoque plus le « ministre des affaires étrangères » qui redevient un « Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ». Quant aux lois et aux lois cadres européennes, elles redeviennent elles aussi des règlements et des directives de l’Union.

Enfin, contrairement à la Constitution européenne, le traité de Lisbonne ne mentionne plus, à la demande du Royaume-Uni, le principe de primauté du droit de l’Union sur celui des Etats membres. Cela ne signifie pas pour autant que ce principe de primauté d’origine jurisprudentielle – dégagé par la Cour de justice de Luxembourg dès 1964 avec l’arrêt Costa c/ Enel (18) – cessera de s’appliquer. La déclaration n°17 annexée au traité de Lisbonne porte en effet sur la primauté et rappelle que, « selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne, les traités et le droit adopté par l’Union sur la base des traités priment le droit des Etats membres, dans les conditions définies par ladite jurisprudence ».

L’avis du service juridique du Conseil du 22 juin 2007 est annexé à cette déclaration n°17 qui précise que « le fait que le principe de primauté ne soit pas inscrit dans le futur traité ne modifiera en rien l’existence de ce principe ni la jurisprudence en vigueur de la Cour de justice ».

On peut également rappeler que le Conseil constitutionnel français a considéré, dans sa décision du 19 novembre 2004 relative au traité établissant une Constitution pour l’Europe (19), que le principe de primauté du droit de l’Union sur le droit national n’était pas contraire à la Constitution française.

B – Des retraits pour apaiser les craintes

Le référendum du 29 mai 2005 avait fait ressortir un certain nombre de craintes exprimées par le peuple français, en particulier la peur que l’Union européenne ne devienne à terme un « super Etat » fédéral qui menacerait les Etats nations. La thématique sociale s’était également imposée au centre de la campagne référendaire, symbolisée par la contestation de la notion de « concurrence libre et non faussée ». La suppression de la mention des symboles de l’Union et l’abandon de la référence à la « concurrence libre et non faussée » sont là pour apaiser ces craintes.

1) La disparition des symboles de l’Union

Les symboles de l’Union que sont le drapeau, l’hymne, la devise, la monnaie et la journée de l’Europe ne figurent plus dans le traité de Lisbonne. Cette suppression vise à rassurer ceux qui voyaient dans leur consécration par les traités la préfiguration d’un Etat fédéral européen. Les Britanniques, peu enthousiastes lors de la Convention européenne à l’idée de mentionner les symboles, s’étaient finalement ralliés au consensus. Mais l’échec des référendums français et néerlandais du printemps 2005 et l’ouverture d’une nouvelle conférence intergouvernementale à l’été 2007 leur a permis d’exiger l’abandon des symboles qui disparaissent ainsi du traité, mais seulement du traité ! En effet, les symboles européens continuent d’exister.

16 Etats membres ont même co-signé une déclaration commune (n°52) annexée au traité de Lisbonne, par laquelle ils indiquent que le drapeau, l’hymne, la devise, la monnaie et la journée de l’Europe du 9 mai continueront d’être, pour eux, les symboles de l’appartenance commune des citoyens à l’Union européenne et de leur lien avec celle-ci.

Votre Rapporteur regrette que notre pays ne soit pas co-signataire de cette déclaration, et appelle de ses vœux que le gouvernement français prenne, dans les meilleurs délais, l’initiative de rejoindre la liste des signataires. Comme l’a souligné le Président Valéry Giscard d’Estaing lors de son audition devant la commission des affaires étrangères, c’est la première fois depuis la fondation de la construction européenne que la France et l’Allemagne ne signent pas ensemble une même déclaration.

Quelle est l’origine des symboles de l’Union européennes ?

- Le drapeau : adopté en 1955 par le Conseil de l’Europe, le drapeau bleu aux douze étoiles est devenu officiellement le drapeau de la Communauté européenne le 26 mai 1986. Contrairement à une idée souvent répandue, les étoiles ne représentent pas les Etats membres. Disposées comme les heures sur le cadran d’une montre, leur nombre invariable symbolise la perfection et la plénitude.

- L’hymne : L’ « Ode à la joie », prélude du 4e mouvement de la IXe symphonie de Ludwig van Beethoven, a été choisie comme hymne de l’Union européenne par les chefs d’Etat ou de Gouvernement lors du Conseil européen de Milan, en juin 1985. A la différence de la plupart des hymnes nationaux, il n’existe pas de paroles officielles sur l’hymne de l’Union.

- La devise : « Unie dans la diversité » est la devise de l’Union proposée en 2003 par la convention européenne présidée par M. Valéry Giscard d’Estaing. Cette devise n’évoque pas l’unité contre la diversité mais dans la diversité, ce qui va à l’encontre de tout projet d’uniformisation par l’Europe. La diversité est certes une richesse, mais c’est aussi une source de complexité, s’agissant notamment du fonctionnement linguistique des institutions. Quant à l’unité, elle reste encore à bien des égards un objectif à atteindre pour que l’Europe parle d’une seule voix, en plusieurs langues.

- La monnaie : l’Euro est la monnaie adoptée le 1er janvier 1999 (et entrée en circulation le 1er janvier 2002) par douze Etats membres. La zone euro réunit 15 pays de l’Union depuis le 1er janvier 2008. Le logo de l’euro est inspiré par l’epsilon grec, berceau commun de la civilisation européenne, et par la première lettre du mot Europe. Les deux traits parallèles symbolisent la stabilité de l’euro. Il est à noter que les monuments reproduits sur les billets en euros sont tous imaginaires.

- La journée de l’Europe : le 9 mai, en référence au 9 mai 1950, date à laquelle Robert Schuman, alors ministre français des affaires étrangères, appelait la France, l’Allemagne et d’autres pays européens à mettre en commun leur production de charbon et d’acier dans le cadre de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA).

2) L’abandon de la référence à la « concurrence libre et non faussée »

La mention dans la Constitution européenne de la « concurrence libre et non faussée » au rang des objectifs de l’Union a suscité en France, à tort ou à raison, l’émoi d’une partie importante de l’électorat et de la classe politique lors du référendum du 29 mai 2005.

C’est ainsi à la demande de la France que la concurrence libre et non faussée disparaît de la liste des objectifs de l’Union qui figurent à l’article 3 TUE. La concurrence n’est plus un objectif en soi mais un simple instrument au service du bon fonctionnement du marché intérieur.

Tel est ainsi le sens du protocole annexé au traité de Lisbonne sur le marché intérieur et la concurrence qui précise que « le marché intérieur tel qu’il est défini à l’article 3 du traité sur l’Union européenne comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée ».

La libre concurrence ne disparaît pas des traités, et c’est heureux car elle représente la meilleure protection pour les entreprises et les citoyens qui souhaitent bénéficier des avantages du marché intérieur. Son respect est la condition sine qua non de l’effectivité de la liberté de circulation des personnes, des marchandises et des capitaux.

Mais ce qui change avec le traité de Lisbonne, c’est que la libre concurrence n’est pas un principe absolu mais un principe relatif qu’il faut concilier avec d’autres exigences de valeur au moins aussi importante, telle que la promotion des services d’intérêt général. La concurrence libre et non faussée doit être compatible avec les objectifs définis à l’article 3 TUE, en particulier le progrès social, le plein emploi ainsi que la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres.

C – Des ajouts au service d’une Europe protectrice

En comparaison avec la Constitution européenne, le traité de Lisbonne comporte plusieurs changements au service d’une Europe plus protectrice. Un nouvel objectif est ajouté à l’article 3 TUE qui donne à l’Union un devoir de « protection de ses citoyens ». L’attention doit notamment être portée sur l’ajout d’un protocole sur les services d’intérêt général, d’une clause consacrée à la lutte contre le changement climatique ainsi que l’affirmation de la solidarité énergétique entre les États membres.

1) Un protocole sur les services d’intérêt général

En cohérence avec la suppression de la « concurrence libre et non faussée » de la liste des objectifs de l’Union, le traité de Lisbonne dote l’Union européenne d’une base juridique nouvelle qui permettra au Parlement européen et au Conseil d’adopter un règlement transversal fixant les principes et les conditions de fonctionnement des services d’intérêt économique général (art. 14 TFUE). Cette disposition est reprise du traité constitutionnel européen.

Ce qui est en revanche nouveau avec le traité de Lisbonne, c’est l’ajout d’un protocole spécifique sur les services d’intérêt général, qui précise les « valeurs communes de l’Union » concernant les services d’intérêt économique général. Il s’agit de reconnaître :

– le rôle essentiel et le large pouvoir discrétionnaire des autorités nationales, régionales et locales pour fournir, faire exécuter et organiser les services d'intérêt économique général d'une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs;

– la diversité des services d'intérêt économique général et des disparités qui peuvent exister au niveau des besoins et des préférences des utilisateurs en raison de situations géographiques, sociales ou culturelles différentes;

– un niveau élevé de qualité, de sécurité et quant au caractère abordable, l'égalité de traitement et la promotion de l'accès universel et des droits des utilisateurs.

Il faut bien garder à l’esprit que l’appellation de « service d’intérêt général » ou « service d’intérêt économique général » renvoie à la conception française des services publics industriels et commerciaux dont l’activité se déploie sur des marchés concurrentiels. En aucun cas l’Union européenne n’a vocation à interférer dans la gestion des services publics administratifs tels que les écoles, les hôpitaux ou les crèches.

2) Une clause consacrée à la lutte contre le changement climatique

Le traité de Lisbonne fait de la lutte contre le changement climatique une priorité de l’action de l’Union. L’article 191 TFUE fait de « la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’environnement, et en particulier la lutte contre le changement climatique » un nouvel objectif de la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement.

Cet ajout fait écho à la mention à l’article 3 TUE de la contribution de l’Union au développement durable de la planète ainsi qu’à la clause transversale de l’article 11 TFUE qui énonce que « les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l’Union, en particulier afin de promouvoir le développement durable ».

3) L’affirmation de la solidarité énergétique entre les États membres

Depuis le rejet de la Constitution européenne par la France et les Pays-Bas au printemps 2005, la question énergétique s’est hissée au premier plan de l’agenda européen. Les conclusions du sommet européen informel de Hampton Court, en octobre 2005, soulignent la nécessité d’une politique européenne de l’énergie qui aille largement au-delà de l’objectif traditionnel de la réalisation du marché intérieur.

En mars 2006, la Commission européenne a publié un livre vert qui assigne trois objectifs à la politique européenne de l’énergie : lutter contre le changement climatique, renforcer la sécurité énergétique et améliorer la compétitivité européenne.

Le traité de Lisbonne créée une nouvelle base juridique (art. 194 TFUE) au service d’une politique européenne de l’énergie, un domaine qui figure désormais au rang des compétences partagées entre l’Union européenne et les Etats membres ( art. 4 TFUE).

Par rapport à la rédaction qui figurait dans la Constitution européenne, l’article 194 TFUE fait désormais référence à l’ « esprit de solidarité entre les États membres » en matière énergétique.

Constitution européenne / Traité de Lisbonne :
Quelles différences ?

1. Le traité de Lisbonne abandonne la démarche constitutionnelle. Alors que la Constitution européenne proposait d’abroger l’ensemble des traités actuels et de les remplacer par un texte unique, le traité de Lisbonne se borne à modifier les traités existants, d’où son appellation de « traité modificatif ».

2. Les symboles de l’Union (drapeau, hymne, devise) ne sont plus mentionnés dans le traité. De même, les termes de « Constitution », de « ministre européen des Affaires étrangères », de « lois » et de « lois-cadres » ne sont pas repris par le traité de Lisbonne. Il n’est également plus fait explicitement mention du principe de primauté du droit de l’Union sur le droit des Etats membres.

3. La « concurrence libre et non faussée » ne figure plus dans la liste des objectifs de l’Union. Loin d’être un objectif en soi, elle n’est qu’un outil parmi d’autres, au service des consommateurs.

4. Les services publics à caractère économique sont protégés par un nouveau protocole qui a la même valeur juridique que les traités. En outre, l’Union pourra adopter un règlement sur les services d’intérêt économique général pour garantir leurs conditions de fonctionnement. Celles-ci seront définies de façon positive, et non plus par exception aux règles de la concurrence.

5. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne figure plus dans le texte même des traités, mais se trouve inscrite par le biais d’un renvoi, à l’article 6 du Traité sur l’Union européenne. Un protocole soustrait le Royaume-Uni et la Pologne à l’application de la Charte.

6. La nouvelle règle de majorité qualifiée (55 % des Etats représentant 65 % de la population) n’entrera en vigueur qu’à partir du 1er novembre 2014 (au lieu de 2009 dans le traité constitutionnel). Du 1er novembre 2014 au 31 mars 2017, tout État pourra demander à revenir aux règles de vote du traité de Nice pour un vote particulier. Le « compromis de Ioannina » est maintenu, ce qui signifie que lorsque la minorité de blocage est presque atteinte, la discussion doit se poursuivre pour essayer de parvenir à un quasi-consensus.

7. Le plafond du nombre des membres du Parlement européen passe de 750 à 751, ce siège supplémentaire étant attribué à l’Italie.

8. La Banque centrale européenne figure désormais dans la liste des institutions de l’Union, ce qui lui rend applicable le principe de « coopération loyale » entre institutions.

9. Un article spécifique est désormais consacré au rôle des Parlements nationaux, lesquels « contribuent activement au bon fonctionnement de l’Union ».

10. Le régime général des coopérations renforcées est légèrement modifié : le seuil requis pour les déclencher passe d’un tiers des Etats membres à neuf.

11. Le traité de Lisbonne mentionne la lutte contre le changement climatique parmi les objectifs de l’Union en matière de politique de l’environnement.

12. Le traité de Lisbonne étend à l’ensemble de la coopération judiciaire en matière pénale et de la coopération policière ainsi qu’au développement de l’acquis de Schengen l’ « opt out » dont bénéficient le Royaume-Uni et l’Irlande.

III – IL NE FAUT PAS SOUS-ESTIMER LES FAIBLESSES
D’UN TRAITÉ À GÉOMÉTRIE VARIABLE

Le traité de Lisbonne résulte d’un compromis négocié à 27 Etats membres, dans le contexte particulier d’une nécessaire relance de la réforme institutionnelle européenne tenant compte des référendums négatifs français et néerlandais.

Un accord politique unanime n’a été possible qu’au prix d’un certain nombre de concessions qui se traduisent par l’adoption d’un traité à géométrie variable, tant dans le temps que dans l’espace.

A – Une géométrie variable dans le temps

L’analyse des clauses du traité de Lisbonne conduit à identifier trois catégories de dispositions :

– celles qui consistent à formaliser une pratique institutionnelle ;

– celles dont l’application est différée à une date ultérieure à celle de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne ;

– celles dont la mise en œuvre, facultative, dépendra de la volonté politique des États membres.

1) Les dispositions du traité de Lisbonne qui consistent à formaliser une pratique

Plusieurs dispositions du traité de Lisbonne ont en réalité pour objet de consacrer des pratiques existantes.

a) L’obligation faite au Conseil de siéger en public

L’article 15 § 2 TFUE impose au Conseil de siéger en public lorsqu’il délibère et qu’il vote sur un projet d’acte législatif. Alors que le traité de Lisbonne fait de la codécision entre le Parlement européen et le Conseil la procédure législative ordinaire, il n’y a plus aucune justification à ce que les représentants des gouvernements siègent à huis clos sur des textes également en discussion devant le Parlement européen qui lui, siège systématiquement en public.

Mais cela fait en réalité bientôt deux ans que le Conseil a pris l’initiative d’ouvrir ses travaux législatifs au public. Le point n°35 des conclusions du Conseil européen des 15 et 16 juin 2006 appelle le Conseil à renforcer la transparence de ses travaux et à rendre publiques toutes ses délibérations dans le cadre de la procédure de codécision.

Un bilan d’étape de l’ouverture des travaux du Conseil a été tiré en décembre 2007. Il y est fait état d’une forte augmentation, depuis juillet 2006, du nombre de délibérations, débats et points législatifs traités en session publique. 268 sessions publiques et 178 conférences de presse ont été retransmises sur Internet au cours des seize derniers mois. Pendant la même période, le nombre total de visites de la page web « transmission vidéo » et de la page donnant accès aux documents du Conseil pour des points ayant fait l’objet de délibérations publiques s’est élevé à plus de 45 000.

b) L’instauration d’une présidence stable de l’Eurogroupe

Le traité de Lisbonne n’institutionnalise pas l’Eurogroupe qui demeure une enceinte informelle, la seule instance décisionnelle restant la formation « Ecofin » du Conseil de l’Union. Néanmoins, l’Eurogroupe est désormais directement mentionné dans les traités ce qui équivaut à une forme d’institutionnalisation.

Le protocole sur l’Eurogroupe annexé au traité prévoit également que « les ministres des États membres dont la monnaie est l’euro élisent un président pour deux ans et demi à majorité de ces États membres ».

La mise en œuvre de cette disposition a été anticipée en 2005 avec l’élection du Premier ministre et ministre de l’Économie et des Finances luxembourgeois M. Jean-Claude Juncker à la tête de l’Eurogroupe, pour un mandat de deux ans et demi qui a été renouvelé en 2007.

L’existence d’une présidence stable de l’Eurogroupe contribue à promouvoir le rang international de l’euro et la voix de l’Union dans les instances économiques et financières internationales.

Dans cet esprit, le Président Nicolas Sarkozy a récemment suggéré l’organisation de sommets des Chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro. Cette proposition semble toutefois faire l’objet d’un accueil pour le moment réservé, en particulier chez nos partenaires allemands.

c) La formalisation du cadre financier pluriannuel

L’article 312 TFUE consacre l’existence du cadre financier pluriannuel, c’est-à-dire de ce qu’on a jusqu’à présent appelé les « perspectives financières ». Ce cadre financier pluriannuel, établi pour une période d’au moins cinq ans, vise à assurer l’évolution ordonnée des dépenses de l’Union dans la limite de ses ressources propres.

Le cadre financier pluriannuel est adopté par le Conseil statuant à l’unanimité, après approbation du Parlement européen, qui se prononce à la majorité des membres qui le composent,

Le système des perspectives financières a été mis en place par
M. Jacques Delors lorsqu’il présidait la Commission européenne. Le premier accord de ce type a été conclu en 1988 pour la période 1998-1992. Le mécanisme a été systématiquement reconduit depuis cette date.

Pour chaque période de programmation, le cadre financier définit les
« plafonds » (les montants maxima en crédits d'engagement et en crédits de paiement) par « rubrique » (les catégories de dépenses) pour chaque année. La procédure budgétaire annuelle détermine le niveau exact des dépenses et leur répartition entre les différentes lignes budgétaires pour l'année concernée. Le cadre financier introduit un double plafonnement: celui de la dépense totale d'une part et celui de chaque catégorie de dépenses d'autre part.

d) Le dialogue direct entre la Commission européenne et les parlements nationaux

Le protocole sur le rôle des parlements nationaux prévoit la transmission aux parlements nationaux, directement par les institutions de l’Union, des projets d’actes législatifs et de différents documents d’information et de consultation. Par ailleurs, le protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité prévoit un mécanisme de contrôle, par les parlements nationaux, les invitant à un dialogue permanent avec la Commission européenne. Ces deux protocoles annexés au traité de Lisbonne sont – moyennant quelques modifications – repris de la Constitution européenne.

Dans le contexte de la « période de réflexion sur l’avenir de l’Union » qui s’est ouverte au lendemain des référendums négatifs français et néerlandais, le Président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, a proposé d’ouvrir un dialogue direct informel avec les parlements nationaux, centré sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Il ne s’agit nullement d’une application anticipée de dispositions reprises et complétées par le traité de Lisbonne mais de la prise de conscience d’un dialogue nécessaire entre les parlementaires nationaux et la Commission.

Le Conseil européen de juin 2006 a accueilli favorablement l’initiative du président Barroso, comme en témoigne cet extrait des conclusions adoptées par les Chefs d’Etat ou de Gouvernement les 15 et 16 juin 2006 :

« Le Conseil européen fait observer l'interdépendance qui existe entre les processus législatifs européen et nationaux. Il se félicite donc de l'engagement qu'a pris la Commission de rendre toutes ses nouvelles propositions et ses documents de consultation directement accessibles aux parlements nationaux, et d'inviter ceux-ci à lui faire part de leurs réactions afin d'améliorer le processus d'élaboration des politiques. La Commission est invitée à examiner avec toute l'attention requise les observations formulées par les parlements nationaux, eu égard en particulier aux principes de subsidiarité et de proportionnalité. Les parlements nationaux sont encouragés à renforcer leur coopération dans le cadre de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) lors du contrôle de l'application du principe de subsidiarité ».

Depuis septembre 2006, la Commission européenne transmet ainsi directement, sans passer par les gouvernements, ses propositions et documents de consultation aux parlements nationaux qui peuvent, s’ils l’estiment utile, émettre sur ces textes des avis informels portant, notamment, sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. A l’Assemblée nationale, notre Délégation pour l’Union européenne a ainsi notamment participé aux différents « tests de subsidiarité » menés dans le cadre de la COSAC. Ces tests ont pour objet de recueillir, sur un texte donné, les positions de l’ensemble des commissions et délégations pour l’Union européenne des parlements nationaux quant à leur conformité au regard du principe de subsidiarité(20). Un dialogue politique est alors engagé avec la Commission européenne sur le fondement des résultats de ce test.

Un rapport d’information de la Délégation pour l’Union européenne du Sénat (21), présenté par son président M. Hubert Haenel, dresse un premier bilan de ce dialogue avec la Commission européenne. Il y est indiqué que 787 textes ont été directement transmis par la Commission européenne aux parlements nationaux entre le 1er septembre 2006 et le 31 août 2007. La Délégation pour l’Union européenne du Sénat a estimé que 727 de ces textes n’appelaient pas d’observations ; sur les 60 textes restants, 31 ont fait l’objet d’observations à la Commission, laquelle a adressé 24 réponses au Sénat.

L’expérience menée depuis septembre 2006 semble être bénéfique, au point qu’elle pourrait se prolonger et co-exister avec l’entrée en vigueur des protocoles annexés au traité de Lisbonne. En effet, bien qu’informelle, la procédure initiée par la Commission va d’une certaine façon plus loin que les dispositions des protocoles en permettant aux parlementaires nationaux d’adresser leurs observations non seulement sur la subsidiarité mais également sur la proportionnalité et sur le fond des textes transmis. Il faudra cependant veiller à ne pas multiplier les procédures afin de ne pas encombrer les services de la Commission européenne avec d’éventuelles redondances.

e) La création de l’Agence européenne de défense

L’article 42 TUE mentionne l’existence d’une Agence européenne de défense. Le traité de Lisbonne ne fait en réalité là que consacrer, dans le traité, l’existence de cette agence, créée par l’action commune du Conseil du 12 juillet 2004.

Placée sous l’autorité politique du Conseil, elle vise à développer les capacités de défense dans le domaine de la gestion des crises, à promouvoir et à renforcer la coopération européenne en matière d'armement. Elle a aussi pour but de renforcer la base industrielle et technologique européenne dans le domaine de la défense, de créer un marché européen concurrentiel des équipements de défense, et de favoriser la recherche.

Tous les États membres de l'Union européenne, sauf le Danemark, participent à l'Agence dont le siège est situé à Bruxelles.

2) L’entrée en vigueur différée de certaines dispositions

a) La composition de la Commission européenne

La question de la composition de la Commission européenne est probablement celle qui a soulevé le plus de débats dans le cadre du processus de réforme des traités européens.

Jusqu’à l’entrée en vigueur du traité de Nice, la Commission était composée de deux ressortissants de chacun des cinq États les plus peuplés (Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie et Espagne) et d’un ressortissant pour chacun des autres États membres. Mais avec le traité de Nice, les pays les plus peuplés ont renoncé à « leur » second commissaire et accepté le principe égalitaire selon lequel la Commission est composée d’un ressortissant de chaque État membre.

Cette règle est paradoxale ; elle est même contraire à la vocation de la Commission européenne qui n’est pas de représenter les intérêts nationaux mais de promouvoir l’intérêt général européen. Il y a dès lors une contradiction à caler sa composition sur le nombre des États membres. Qui plus est, les élargissements successifs obligent à scinder les compétences des commissaires, ce qui peut présenter l’effet pervers d’affaiblir l’autorité politique qu’ils exercent sur leur administration.

Mais il est un fait que les pays revendiquent le droit à leur commissaire et qu’il n’a pas été facile d’obtenir un consensus autour du principe d’un collège resserré, correspondant aux nombre de portefeuilles disponibles plutôt qu’au nombre d’États membres.

Le traité de Lisbonne prévoit une composition du collège des commissaires correspondant aux deux tiers du nombre d’États membres ce qui, dans une Union à 27 correspond à 18 commissaires (22), contre 27 actuellement. Mais cet accord n’a été possible qu’au prix de la mention expresse d’une rotation strictement égalitaire des États membres, indépendamment du critère démographique. Or les six pays les plus peuplés représentent environ 70 % de la population de l’Union. L’article 17 § 5 TUE précise toutefois que « les membres de la Commission sont choisis parmi les ressortissants des États membres selon un système de rotation strictement égale entre les États membres permettant de refléter l’éventail démographique et géographique de l’ensemble des États membres ».

L’une des clés du compromis a consisté à reporter l’application de la nouvelle règle au 1er novembre 2014, soit plus de cinq ans après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Rien ne garantit cependant que cette règle de composition sera toujours en vigueur en 2014 : en effet, l’article 17 § 5 autorise le Conseil européen, statuant à l’unanimité, à modifier le nombre de membres de la Commission. Rien ne l’empêchera donc de revenir – certes à l’unanimité – à la règle d’un commissaire par État membre…

La déclaration (n°10) relative à l’article 17 TUE précise les conséquences d’une composition réduite de la Commission européenne à compter du 1er novembre 2014. Elle indique en effet ceci :

« La Conférence considère que, lorsque la Commission ne comprendra plus des ressortissants de tous les États membres, celle-ci devrait accorder une attention particulière à la nécessité de garantir une transparence absolue dans ses relations avec l'ensemble des États membres. En conséquence, la Commission devrait rester en contact étroit avec tous les États membres, que ceux-ci comptent ou non un de leurs ressortissants parmi les membres de la Commission, et, à cet égard, elle devrait accorder une attention particulière à la nécessité de partager les informations avec tous les États membres et de les consulter.

La Conférence considère, en outre, que la Commission devrait prendre toutes les mesures utiles afin de garantir que les réalités politiques, sociales et économiques de tous les États membres, y compris ceux qui ne comptent pas de ressortissant parmi les membres de la Commission, sont pleinement prises en compte. Parmi ces mesures devrait figurer la garantie que la position de ces États membres est prise en compte par l'adoption des modalités d'organisation appropriées ».

b) La mise en œuvre de la nouvelle règle de majorité qualifiée

Si la définition de la majorité qualifiée est identique à celle prévue par le traité constitutionnel, le traité de Lisbonne diffère cependant quant à la date d’entrée en vigueur de cette règle. Ce ne sera plus le 1er novembre 2009 mais, au mieux, cinq ans plus tard, le 1er novembre 2014, à la demande de la Pologne qui a conditionné son accord au principe même de double majorité à son application différée et progressive.

Aux termes du protocole sur les dispositions transitoires, le traité de Lisbonne prévoit ainsi l’entrée en vigueur de la règle de la double majorité qualifiée à partir de 1er novembre 2014. Toutefois, entre le 1er novembre 2014 et le 31 mars 2017, tout Etat membre pourra exiger de voter sur un sujet donné selon les règles de pondération des voix du traité de Nice, celles-ci pouvant en effet lui être plus favorables. Cette faculté de retour au système de pondération des voix signifie qu’en cas d’adhésion à l’Union d’un nouvel Etat membre entre le 1er novembre 2014 et le 31 mars 2017, les négociations d’adhésion devront également porter sur le nombre de voix à attribuer à cet Etat.

Un autre aménagement à la mise en œuvre de la règle de double majorité consiste en la réactivation, toujours à la demande de la Pologne, du « compromis de Ioannina », négocié en 1994 avant l’adhésion à l’Union de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède. Ce compromis prévoit que si la minorité de blocage n’est pas atteinte, mais qu’elle n’est pas loin de l’être, le Conseil doit se donner un délai supplémentaire avant de passer au vote afin de trouver un compromis qui recueille l’accord le plus large possible.

Dans cet esprit, la déclaration n°7 annexée au traité de Lisbonne prévoit qu’entre le 1er novembre 2014 et le 31 mars 2017, des membres du Conseil représentant au moins trois-quarts de la population ou au moins trois-quarts du nombre des États membres nécessaires pour constituer une minorité de blocage, peuvent indiquer leur opposition à l’adoption de l’acte par le Conseil à la majorité qualifiée. Dans ce cas, le Conseil doit délibérer et faire tout ce qui en son pouvoir pour trouver une solution satisfaisante dans un « délai raisonnable ».

Cette même déclaration n°7, bien que dépourvue de valeur juridique contraignante, pérennise l’application du compromis de Ioannina à compter du 1er avril 2017, date à partir de laquelle les États n’auront plus la possibilité d’exiger un retour au système de pondération des voix de Nice. Et pour compenser cela, le seuil de déclenchement du compromis de Ioannina sera même abaissé des trois-quarts à 55 % au moins de la population ou 55 % au moins du nombre de États membres.

Ces aménagements à la mise en œuvre de la règle de la double majorité marquent incontestablement un recul de l’ambition initiale d’un mécanisme simple et efficace de prise de décision. Or les conditions posées et les subtilités d’interprétation auront probablement pour effet de ralentir le processus décisionnel. Pour autant, et malgré cela, le nouveau système demeure bien plus constructif que l’actuel mécanisme de pondération des voix. Il faut également toujours garder à l’esprit que le recours formel au vote reste exceptionnel dans le fonctionnement du Conseil. Le vote est avant tout une arme de dissuasion qui oblige la présidence en exercice à rechercher en permanence la clé d’un compromis acceptable par le plus grand nombre. À la différence de ce qui se passe au Parlement européen, les négociations au sein du Conseil restent des négociations diplomatiques où aucun État ne doit perdre la face. Les modalités de mise en œuvre de la règle de double majorité en sont une illustration éclatante !

3) L’activation facultative de certaines dispositions

a) La mise en œuvre des clauses passerelles

Le traité de Lisbonne prévoit un certain nombre de « clauses passerelles » qui permettent de faire passer un domaine ou un sujet de l’unanimité à la majorité qualifiée et / ou d’une procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire sans avoir à recourir à la procédure de révision des traités.

En effet, à la différence de la « clause passerelle générale » qui nécessite une décision du Conseil européen statuant à l’unanimité après approbation du Parlement européen, les clauses passerelles que l’on pourrait qualifier de spécifiques ne nécessitent pas systématiquement l’intervention du Conseil européen. Mise à part la clause passerelle prévue en matière de coopération judiciaire en matière civile, leur activation ne pourrait également être mise en échec par l’opposition d’un parlement national.

Le traité de Lisbonne prévoit des clauses passerelles dans les domaines suivants :

– S’agissant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), l’article 31 § 3 TUE autorise le Conseil européen a faire passer de l’unanimité à la majorité qualifiée d’autres domaines que ceux mentionnés à l’article 31 § 2 TUE.

– L’adoption du règlement fixant le cadre financier pluriannuel de l’Union. Ce règlement est adopté par le Conseil statuant à l’unanimité, après approbation du Parlement européen. L’article 312 § 2 TFUE prévoit que le Conseil européen peut, à l’unanimité, adopter une décision autorisant le Conseil à statuer à la majorité qualifiée.

– En ce qui concerne la politique sociale, l’article 153 § 2 TFUE autorise le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission après consultation du Parlement européen, à faire passer d’une procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire les mesures prises dans les domaines suivants : protection des travailleurs en cas de résiliation du contrat de travail, représentation et la défense collective des intérêts des travailleurs et des employeurs, conditions d’emploi des ressortissants des pays tiers se trouvant en séjour régulier sur le territoire de l’Union.

– L’article 192 § 2 TFUE permet au Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, du Comité économique et social et du Comité des régions, de rendre la procédure législative ordinaire applicable à certains aspects de la politique de l’environnement.

– En matière de coopération judiciaire civile, l’article 81 § 3 TFUE permet au Conseil, statuant à l’unanimité, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, de rendre applicable la procédure législative ordinaire s’agissant des aspects du droit de la famille ayant une incidence transfrontière. Toutefois, en cas d’opposition d’un parlement national notifiée dans un délai de six mois après cette transmission, la décision n’est pas adoptée.

– S’agissant des coopérations renforcées, l’article 333 TFUE prévoit que lorsqu’une disposition des traités susceptible d’être appliquée dans le cadre d’une telle coopération prévoit que le Conseil adopte des actes conformément à une procédure législative spéciale, il peut, à l’unanimité, adopter une décision prévoyant qu’il statuera conformément à la procédure législative ordinaire. Cette clause passerelle ne s’applique toutefois pas aux décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense.

L’activation des clauses passerelles n’a rien d’obligatoire et dépendra exclusivement de la volonté politique des États membres, chacun d’entre eux détenant en ce domaine un droit de veto. On peut également relever qu’à la différence de la clause passerelle générale, plusieurs des clauses passerelles spécifiques ne pourront être activées qu’à l’initiative de la Commission européenne.

b) Le recours aux nouvelles bases juridiques prévues par le traité

Le traité de Lisbonne offre plusieurs bases juridiques nouvelles qui visent à permettre à l’Union de développer de nouvelles politiques ou d’approfondir celles existantes. Il est toutefois à ce stade difficile de prévoir comment ces dispositions seront utilisées et pour certaines d’entre elles, si les institutions de l’Union y auront ou non recours.

Ainsi, l’article 14 TFUE évoque l’adoption d’un règlement transversal sur les services d’intérêt économique général. Mais existera-t-il un consensus européen sur les termes d’un tel règlement ?

De même, l’article 86 TFUE ouvre la voie à la création d’un Parquet européen pour lutter contre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. Mais il ne s’agit là que d’une possibilité, le premier paragraphe de cet article énonçant que le Conseil « peut » instituer un Parquet européen à partir d’Eurojust.

Par ailleurs, le traité de Lisbonne dote l’Union de nouvelles compétences dans les domaines de l’énergie, du tourisme, de l’espace, du sport, de la coopération administrative et de la protection civile. Il conviendra d’être attentif au passage des compétences aux politiques.

B – Une géométrie variable dans l’espace

À la géométrie variable dans le temps s’ajoute une géométrie variable dans l’espace. Celle-ci prend différentes formes : il peut s’agir d’une part des clauses d’opting-out dont bénéficient certains États membres et d’autre part de la faculté ouverte aux pays qui le souhaitent d’approfondir à quelques uns leur coopération sur un sujet donné à travers les coopérations renforcées et/ou la coopération structurée permanente dans le domaine de la défense.

1) Les clauses d’exemption (« opting out ») ou l’Europe à la carte

Le concept d’ « opting-out » correspond à une dérogation, accordée à un pays ne souhaitant pas se rallier aux autres États membres dans un domaine particulier de la coopération européenne, afin de ne pas bloquer les autres. C’est ainsi que le Royaume-Uni n’a pas souhaité participer à la troisième phase de l’Union économique et monétaire (UEM) menant à l’adoption de l’euro et que des clauses similaires ont été octroyées au Danemark en ce qui concerne l’UEM, la défense et la citoyenneté européenne.

À l’inverse, la formule de l’ « opting in » permet à un Etat membre ayant décidé de ne pas participer à des mesures prévues dans les traités, de pouvoir revenir sur sa position à tout moment. Par exemple, un régime spécifique est aménagé pour le Danemark dans l’actuel traité instituant la Communauté européenne en ce qui concerne le titre IV du traité relatif aux visas, à l’asile et à l’immigration et aux autres politiques liées à la circulation des personnes. Le Danemark peut à tout moment ne plus se prévaloir de ce régime dérogatoire si le peuple danois se prononce dans ce sens.

Le traité de Lisbonne pérennise les exemptions antérieures dont bénéficient certains États membres au sujet de l’euro, Schengen, la politique de défense, les politiques relatives aux contrôles des frontières, à l’asile et à l’immigration, à la coopération policière ainsi qu’à l’égard de la coopération judiciaire en matière civile.

Ainsi, la position particulière du Danemark en ce qui concerne tant la politique européenne de sécurité et de défense que la construction de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, est confirmée par le traité de Lisbonne de la même manière qu'elle l'était par le traité constitutionnel.

En revanche, la position du Royaume-Uni et de l’Irlande vis-à-vis de l'espace de liberté, de sécurité et de justice est sensiblement modifiée. Elle est précisée à l’article 10 du protocole sur les dispositions transitoires annexé au traité de Lisbonne. Ces deux pays bénéficient aujourd'hui d'un traitement dérogatoire pour les politiques relatives à la libre circulation des personnes, à l'asile et à l'immigration, ainsi qu’à la coopération judiciaire en matière civile ; ils ont en effet la possibilité de participer au cas par cas aux mesures concernant ce domaine.

Lorsque le Royaume-Uni ou l’Irlande participent déjà à une mesure mais ne souhaitent pas s’associer à une procédure législative qui modifie ou met à jour cette mesure, ces deux pays auront le droit de ne pas s’associer à ces modifications. Mais les autres Etats membres pourraient décider, à la majorité qualifiée, que la non-participation du Royaume-Uni ou de l’Irlande rend la version modifiée de la mesure « impraticable pour les autres Etats membres ou pour l’Union ». Ils pourraient alors contraindre le pays qui ne participe pas à la procédure de modification à renoncer à l’ensemble de la mesure.

Le traité de Lisbonne étend ce mécanisme à l'ensemble de la coopération judiciaire en matière pénale et de la coopération policière ainsi qu'au développement de l'acquis de Schengen (auquel les deux pays pouvaient participer jusque là sur la base d'un arrangement spécifique). La principale difficulté de cette généralisation de l'« opting out » était de trouver une solution pour les cas où le Royaume-Uni ou l'Irlande décideraient de ne pas participer au développement d'une mesure à laquelle ils auraient jusque là participé (par exemple une étape supplémentaire dans le développement d'un système informatique commun). Dans de tels cas, le Conseil devra se prononcer à la majorité qualifiée, dans un délai de quatre mois, sur l'« opting out ». S'il apparaît que celui-ci compromet le développement de la mesure, il pourra décider d'exclure le Royaume-Uni ou l'Irlande du champ d'application de la mesure existante.

Le traité de Lisbonne prévoit également de nouvelles dérogations, à commencer par l’exemption de l’application de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne à la Pologne et au Royaume-Uni. Un protocole spécifique est ainsi annexé au traité qui énonce en particulier que « lorsqu'une disposition de la Charte fait référence aux législations et pratiques nationales, elle ne s'applique à la Pologne ou au Royaume-Uni que dans la mesure où les droits et principes qu'elle contient sont reconnus dans la législation ou les pratiques de la Pologne ou du Royaume-Uni ».

Le Royaume-Uni se trouve également exempté du contrôle de la Cour de justice dans le domaine de la coopération judiciaire et policière en matière pénale

2) L’approfondissement possible à quelques uns

a) Le nouveau régime juridique des coopérations renforcées et la clause dite de « frein-accélérateur »

Dans le contexte de l’adhésion d’un nombre important de nouveaux pays membres à l’Union, les coopérations renforcées sont un moyen de concilier simultanément approfondissement et élargissement. De telles coopérations doivent en effet permettre aux États membres qui le souhaitent d’approfondir entre eux la construction européenne dans un domaine déterminé, en utilisant le cadre institutionnel de l’Union.

La possibilité de recourir à des coopérations renforcées à été introduite il y a une dizaine d’années par le traité d’Amsterdam. Mais aucune coopération renforcée, au sens des traités, n’a été à ce jour instaurée. Il est vrai que le traité d’Amsterdam les avait soumises au respect de conditions très contraignantes en terme de nombre d’États participants, de champ d’application et de modalités de mise en œuvre. Il s’agit de s’assurer qu’une coopération renforcée favorise les intérêts de l’Union, sans nuire à ceux des États qui ne souhaitent pas y participer.

Le traité de Nice (2000) a légèrement assoupli les conditions posées par le traité d’Amsterdam en réduisant le nombre d’États membres requis pour lancer une coopération renforcée (23) et en autorisant leur création en matière de politique étrangère, à l’exception toutefois des questions de défense. Ces assouplissements n’ont cependant pas ouvert la voie à leur mise en œuvre puisque aucune coopération n’a été à ce jour formellement engagée. Pourtant, les sujets ne manquent pas comme, par exemple, celui de l’harmonisation fiscale européenne.

Le non recours aux coopérations renforcées ne signifie pas pour autant que certains pays de l’Union ne se soient pas engagés dans des formes d’intégration différenciée, ou de géométrie variable, en dehors du cadre institutionnel fixé par les traités. L’exemple le plus connu est celui des accords de Schengen du 14 juin 1985 sur la libre circulation des personnes. D’une certaine façon, le traité de Maastricht a également donné naissance à une forme de coopération renforcée avec la constitution d’une zone monétaire unique entre les pays partageant une même monnaie : l’euro.

Le traité de Lisbonne facilite-t-il le recours aux coopérations renforcées ? La réponse à cette question n’est pas évidente.

Le traité de Lisbonne fait passer de 8 à 9 le nombre minimum d’Etats membres nécessaires au déclenchement d’une coopération renforcée (art. 20 TUE). Le nouveau traité étend la possibilité d’engager des coopérations renforcées à l’ensemble de l’action européenne(24), à l’exception des domaines relevant des compétences exclusives de l’Union (art. 20 TUE). Les pays qui souhaitent instaurer entre eux une coopération renforcée doivent adresser une demande à la Commission à qui il appartient alors de déposer une proposition en ce sens. La Commission n’est absolument pas obligée de donner suite à la demande des États, ce qui signifie qu’elle a le pouvoir d’empêcher le déclenchement d’une coopération renforcée. Elle doit cependant motiver sa décision(25).

Si la Commission donne suite à la demande d’au moins neuf Etats membres en déposant une proposition en ce sens, l’autorisation de procéder à une coopération renforcée est alors accordée par le Conseil statuant à la majorité qualifiée et après approbation du Parlement européen.

En résumé, le régime juridique des coopérations renforcées – à l’exception de celles intervenant dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune – prévoit :

– un droit de veto de la Commission qui peut refuser de donner suite à une demande des États membres ;

– un droit de veto du Parlement européen qui peut s’opposer à leur déclenchement ;

– la nécessité de réunir une majorité qualifiée au Conseil, ce qui implique de convaincre des États qui ne souhaitent pas prendre part à une coopération renforcée de ne pas empêcher ceux qui souhaitent aller de l’avant de le faire.

Le cumul de ces conditions rend bien peu probable le déclenchement d’une coopération renforcée et il est vraisemblable qu’une approche plus pragmatique continuera à prévaloir. Les États intéressés préféreront passer par la voie classique du droit international pour approfondir leur coopération sur certains sujets, quitte à intégrer ensuite les avancées de cette coopération dans l’acquis de l’Union européenne. C’est ce qui s’est déjà passé avec Schengen ; cela s’est également récemment produit avec la communautarisation du traité de Prüm sur la coopération policière transfrontalière(26).

Il faut toutefois mentionner l’existence d’un mécanisme juridique spécifique s’agissant des coopérations renforcées relatives à la coopération judiciaire en matière pénale (art. 82 et 83 TFUE).

En effet, si – comme l’y autorise le traité de Lisbonne – un État membre fait usage de sont droit de veto parce qu’il estime qu’un projet de directive porte atteinte aux aspects fondamentaux de son système de justice pénale, l’autorisation de créer une coopération renforcée est réputée accordée (sans qu’une proposition de la Commission, ni l’accord du Parlement européen ou un vote du Conseil ne soient nécessaires) pour adopter l’acte ainsi rejeté. Le seuil d’au moins neuf États membres reste toutefois requis.

Cette clause, qualifiée d’ « accélérateur », compense ainsi la clause de « frein » constituée par le droit d’appel – donc de veto – d’un État au Conseil européen lorsqu’il estime qu’un projet de directive porte atteinte aux aspects fondamentaux de son système de justice pénale.

b) La création possible d’une « coopération structurée permanente » dans le domaine de la défense

Le traité de Lisbonne ouvre la possibilité, pour les pays qui le souhaitent et qui en ont les capacités militaires, de marquer ensemble leur volonté de progresser dans la voie d'une défense commune, en développant entre eux une « coopération structurée permanente » (art. 42 § 6 TUE et art. 46 TUE).

À la différence des coopérations renforcées, aucun nombre minimum d’États n’est requis pour le déclenchement de la coopération structurée permanente. La décision de création appartient au Conseil qui statue à la majorité qualifiée, après consultation du Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. La coopération structurée permanente reste ouverte en permanence aux États qui souhaiteraient la rejoindre, à condition toutefois de remplir les conditions fixées par le protocole sur la coopération structurée permanente qui est annexé au traité.

Ce protocole – dont la valeur juridique est identique à celle des traités – fixe des critères et des objectifs précis que les États participant à la coopération structurée permanente s’engagent à respecter. Parmi ces critères figure notamment celui de disposer, dès la date d’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, de « la capacité de fournir, au plus tard en 2010, soit à titre national, soit comme composante de groupes multinationaux de forces, des unités de combat ciblées pour les missions envisagées, configurées sur le plan tactique comme un groupement tactique, avec les éléments de soutien, y compris le transport et la logistique, capables d’entreprendre, dans un délai de 5 à 30 jours, des missions visées à l’article 43, du traité sur l'Union européenne en particulier pour répondre à des demandes de l'Organisation des Nations unies, et soutenables pour une période initiale de 30 jours, prorogeable jusqu’au moins 120 jours ».

Ainsi, la coopération structurée permanente est formellement plus facile à mettre en œuvre qu’une coopération renforcée « classique ». En revanche, les contraintes qui pèsent sur les États participants sont sensiblement plus lourdes. Qui plus est, l’article 46 § 4 TUE prévoit que « si un État membre participant ne remplit plus les critères ou ne peut plus assumer les engagements visés aux articles 1 et 2 du protocole sur la coopération structurée permanente, le Conseil peut adopter une décision suspendant la participation de cet État ».

Les principales dispositions du traité de Lisbonne
dans le domaine de la défense européenne

– Le traité de Lisbonne procède à la mise à jour des missions de Petersberg énumérées à l’ex-art. 17 § 2 TUE auxquelles sont ajoutées d'autres missions telles que les actions conjointes en matière de désarmement, les missions de conseil et d'assistance en matière militaire, les missions de prévention des conflits et les opérations de stabilisation à la fin des conflits. Le nouveau traité précise également que toutes ces missions peuvent contribuer à la lutte contre le terrorisme (nouvel art. 43 TUE).

– L’article 42 § 3 TUE consacre l’existence de l « Agence européenne de défense » chargée d’identifier les besoins opérationnels, de promouvoir des mesures pour les satisfaire, de renforcer la base industrielle et technologique du secteur de la défense, de participer à la définition d’une politique européenne des capacités et de l’armement et d’assister le Conseil dans l’évaluation de l’amélioration des capacités militaires.

– L’article 42 § 7 TUE instaure une « clause de défense mutuelle ». Il s'agit d'une obligation de défense mutuelle liant tous les États membres. Au titre de cette obligation, dans le cas où un État membre serait l'objet d'une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui portent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir. Cette obligation, qui n'affecte pas la neutralité de certains États membres, sera mise en œuvre en étroite coopération avec l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord).

– L’article 222 TFUE introduit une « clause de solidarité » selon laquelle, si un État membre fait l'objet d'une attaque terroriste ou d'une catastrophe naturelle ou d'origine humaine, les autres États membres lui portent assistance. Dans ce cas, l'Union mobilise tous les instruments à sa disposition, y compris les moyens militaires mis à sa disposition par les États membres, afin de porter secours à l'État concerné. Cela s'ajoute à la nouvelle disposition en matière de protection civile (art. 196 TFUE).

IV – IL FAUT DÉSORMAIS PRÉPARER L’ENTRÉE EN VIGUEUR
DU TRAITÉ DE LISBONNE

L’article 6 du traité de Lisbonne fixe au 1er janvier 2009 sa date d’entrée en vigueur, à condition toutefois que tous les instruments de ratification aient été déposés à cette date. A défaut, l’entrée en vigueur interviendrait le premier jour du mois suivant le dépôt de l’instrument de ratification de l’État signataire ayant procédé le dernier à cette formalité.

Mais la mise en œuvre de nombreuses dispositions du traité de Lisbonne nécessite l’adoption préalable de décisions préparatoires. C’est à la Présidence française du Conseil de l’Union européenne, au second semestre 2008, qu’il appartiendra de négocier aux mieux ces décisions afin de réussir l’entrée en vigueur du nouveau traité.

A – Achever au plus vite le processus de ratification pour permettre une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2009

Le délai de ratification est donc particulièrement court puisqu’à peine plus d’un an sépare la signature – le 13 décembre 2007 – de l’entrée en vigueur souhaitée. C’est sensiblement moins que les précédents traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Nice où le processus de ratification avait pris entre 17 et 24 mois alors même que l’Union comptait nettement moins d’États qu’aujourd’hui.

1) La procédure de ratification en France

a) Les étapes de la ratification

La procédure de ratification du traité de Lisbonne nécessite l’accomplissement d’un certain nombre de formalités juridiques.

Dès le jour de sa signature, le Président de la République a soumis le traité de Lisbonne à l’examen du Conseil constitutionnel, en application de l’article 54 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision dans un délai très court puisqu’il s’est prononcé dès le 20 décembre 2007. Par sa décision n°2007-560 DC, il a conditionné l’autorisation de ratifier le traité de Lisbonne à une révision préalable de notre Constitution.

Le Gouvernement a ainsi préparé un projet de loi constitutionnelle tendant à modifier le titre XV de la Constitution. Ce projet de loi constitutionnelle a été adopté le 2 janvier 2008 en Conseil des ministres et aussitôt déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale. L’Assemblée nationale a adopté la révision constitutionnelle en première lecture le 16 janvier et le Sénat le 29 janvier 2008, en des termes identiques. La révision de notre Constitution a été entérinée par le Congrès du Parlement réuni à Versailles le 4 février 2008.

C’est n’est qu’une fois cette étape franchie que le Conseil des ministres a pu examiner le 6 février 2008 le projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne que le Président de la République a décidé de soumettre au vote du Parlement.

b) Le choix de la voie parlementaire

Fidèle à l’engagement qu’il avait pris devant les Français pendant sa campagne électorale, le Président de la République a choisi la voie parlementaire pour autoriser la ratification du traité de Lisbonne.

Certaines voix se sont élevées pour exiger un référendum au motif que les similitudes entre le traité de Lisbonne et la Constitution européenne justifieraient que le peuple se prononce directement et non par la voie de ses représentants élus. L’Assemblée nationale a débattu de cette question à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi constitutionnelle déposée par notre collègue M. Patrick Braouezec (27), visant à compléter l'article 11 de la Constitution par un alinéa tendant à ce que la ratification d'un traité contenant des dispositions similaires à celles d'un traité rejeté fasse l'objet de consultation et soit soumis à référendum. L’Assemblée nationale a rejeté cette proposition de loi constitutionnelle le 15 janvier 2008.

À ceux qui contestent la ratification par le Parlement, votre Rapporteur rappelle qu’il n’existe pas de hiérarchie entre la voie référendaire et la voie parlementaire ; les deux ont la même légitimité. Le fait que les Français se soient prononcés par référendum il y a maintenant presque trois ans sur un autre texte ne saurait avoir pour effet de priver le Président de la République de l’alternative que lui offre la Constitution française.

Faut-il rappeler que depuis 2005 les Français ont voté d’abord pour une élection présidentielle puis pour des élections législatives ? Rien n’a été caché au peuple : les candidats à la Présidence de la République avaient indiqué leur préférence soit pour le référendum, soit pour la ratification parlementaire.
M. Nicolas Sarkozy a eu l’idée du traité simplifié et a constamment répété que s’il était accepté par nos partenaires européens, il proposerait sa ratification par la voie parlementaire.

Remarquons enfin que la France n’est pas un cas isolé au sein de l’Union européenne. Sur 27 États membres, 26 ont choisi la voie parlementaire, le seul pays à organiser un référendum étant l’Irlande, pour des raisons d’ordre constitutionnel. L’Espagne, dont le peuple avait massivement voté « Oui » à la Constitution européenne, ratifiera le traité de Lisbonne par la voie parlementaire. Les Pays-Bas, dont le peuple avait massivement voté « Non » à la Constitution européenne, ratifiera aussi le traité de Lisbonne par la voie parlementaire.

Ces deux exemples prouvent qu’il n’y a pas d’exception française. Le traité de Lisbonne s’inscrit dans le prolongement des traités d’Amsterdam et de Nice, pour lesquels l’autorisation de ratifier avait été donnée par le Parlement.

2) L’état d’avancement du processus de ratification au sein de l’Union européenne

a) Le calendrier prévisionnel des ratifications

L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne est conditionnée par sa ratification par l’ensemble des États membres de l’Union européenne. La règle de l’unanimité offre ainsi un droit de veto à chaque pays.

La Hongrie a été le premier pays à ratifier le traité de Lisbonne, dès le 17 décembre 2007 soit quatre jours à peine après sa signature. Depuis cette date, les parlements de trois autres pays ont autorisé la ratification du traité. Il s’agit de la Slovénie, de Malte et de la Roumanie.

La plupart des États devraient avoir achevé leur procédure de ratification avant la fin du premier semestre 2008. L’Irlande pourrait être parmi les derniers pays à accomplir sa procédure de ratification.

Au Royaume-Uni, le gouvernement de M. Gordon Brown vient d’enclencher la procédure de ratification parlementaire avec une première lecture au Communes, en dépit de l’opposition du parti conservateur et d’une minorité du parti travailliste qui exigent un référendum. Un recours en justice contre la décision du gouvernement de procéder par voie parlementaire a été introduit par un donateur du parti conservateur. Le gouvernement britannique semble toutefois décidé à achever sa procédure avant juillet 2008.

b) Enjeux nationaux et européens du processus de ratification

La campagne référendaire menée en France sur la Constitution européenne a souligné à quel point les questions de politique intérieure peuvent interférer sur les processus de ratification. Ce qui est vrai en France l’est partout en Europe. Le contexte l’emporte facilement sur le texte.

Pour atténuer les effets pervers de la nationalisation des procédures de ratification, l’idée circule depuis plusieurs années d’organiser les votes de ratification le même jour ou la même semaine dans tous les pays de l’Union, afin de donner une dimension véritablement européenne au processus de ratification des traités. Il est vrai que cette proposition se heurte à de réelles difficultés politiques et d’organisation liées à la diversité des traditions constitutionnelles des États membres. La réflexion mérite toutefois d’être poursuivie dans cette direction, pour les traités futurs.

Par ailleurs, l’analyse du processus inachevé de ratification de la Constitution européenne indique que sur 27 États membres, dix-huit l’ont approuvée, deux l’ont rejetée et sept ne se sont pas prononcés.

En terme de population de l’Union, les dix-huit pays ayant ratifié la Constitution européenne représentent à eux seuls environ 275 millions de personnes, soit près de 60 % de la population de l’Union. C’est presque le seuil de la majorité qualifiée alors même que sept États n’ont pas pris part aux votes. Ces chiffes soulignent bien les limites de la nationalisation du processus de ratification qui ne permet pas de rendre compte de la dimension européenne des suffrages exprimés.

Aujourd’hui, la règle de la majorité qualifiée peut conduire à ce qu’un État membre soit mis en minorité sur l’adoption d’un acte législatif européen. Face à l’augmentation du nombre des États membres, faudra-t-il un jour étendre la règle de la majorité qualifiée – ou super qualifiée – à la procédure de révision des traités ? Il est probablement prématuré de se prononcer, mais la question mérite d’être posée.

B – Adopter les décisions préparatoires à la mise en œuvre du traité

Il appartiendra à la France, lors de sa présidence, de préparer la mise en application du traité de Lisbonne.

1) Une responsabilité de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne

Auditionné le 29 janvier 2008 par notre Commission des affaires étrangères, conjointement avec la Délégation pour l’Union européenne, M. Pierre Sellal, Représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne a évoqué les modalités de mise en œuvre du traité de Lisbonne qui conduiront la France, lors de sa présidence du Conseil de l’Union européenne du second semestre 2008, à faire adopter un certain nombre de mesures préparatoires à l’entrée en vigueur du traité.

« Trente à quarante mesures, de portées très diverses, devront être prises. La plus symbolique est sans doute la désignation du président du Conseil européen ; d’autres revêtent une importance moindre ou relèvent de la « cuisine » institutionnelle. Ces mesures peuvent être distinguées du point de vue de la chronologie. Certaines d’entre elles doivent être prises dès le 1er janvier 2009, et donc acquises sur le fond auparavant, notamment celle concernant la désignation du président du Conseil européen et du Haut représentant. D’autres, comme la répartition des sièges au Parlement européen, nécessaire d'ici les élections européennes du printemps, devront se mettre en place très tôt après cette date. D’autres encore peuvent relever d'une certaine urgence politique sans être d'une nécessité juridique impérieuse, en particulier l’organisation du droit d’initiative citoyenne. D’autres enfin peuvent franchement attendre, par exemple le fonctionnement de la Commission réduite à dix-huit membres à partir de 2014.Ces mesures peuvent également être classées par thèmes : institutions, justice et affaires intérieures, politique extérieure et défense européenne, nominations ».

Extrait de l’audition de M. Pierre Sellal, le 29 janvier 2008

La désignation des personnalités qui occuperont les nouvelles fonctions créées par le traité de Lisbonne sera à l’ordre du jour du Conseil européen de décembre 2008 afin que les décisions puissent être prises à temps avant l’entrée en vigueur du traité.

Il n’est toutefois pas certain que le Président du Conseil européen et le nouveau Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité prennent leurs fonctions le jour de l’entrée en vigueur du traité. En effet, une période de transition pourrait être envisagée, qui permettrait à la République Tchèque de présider, au moins une partie de sa présidence, le Conseil européen. S’agissant du Haut représentant, le fait qu’il soit simultanément vice-président de la Commission pourrait conduire à attendre le résultat des élections européennes de juin 2009 afin de le désigner dans le cadre de la procédure d’investiture de la future Commission européenne. Jusque là, une option pourrait consister à prolonger le mandat de l’actuel Haut représentant.

La question de la désignation des titulaires des nouvelles fonctions européennes appelle celle des critères de choix. Or le traité de Lisbonne est muet sur le sujet. S’agissant du Président du Conseil européen, l’article 15 § 5 TUE se limite à énoncer que « le Conseil européen élit son président à la majorité qualifiée pour une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois », sans plus de précisions. La seule contrainte est de ne pas exercer de mandat national.

Lors de son audition par notre commission des affaires étrangères, le Président Valéry Giscard d’Estaing a donné les critères qui devraient, selon lui, devraient guider le choix du futur président du Conseil européen. Ses critères sont au nombre de trois :

– Il ou elle devra être en phase avec la future majorité du Parlement européen – et donc désigné après les élections européennes – ainsi qu’avec la majorité de son propre pays ;

– Il ou elle devra appartenir à un État qui respecte tous les engagements européens concernant l’euro, Schengen et la charte des droits fondamentaux ;

– Il ou elle devra s’efforcer de parler le français, l’anglais et l’allemand.

Votre rapporteur souscrit pleinement à ces critères de bon sens.

Parmi les autres décisions préparatoires, les plus importantes concernent :

– La décision relative à la future composition du Parlement européen. Le traité de Lisbonne plafonne à 750 plus le Président la composition du Parlement européen (art. 14 TUE). La répartition des sièges entre les différents Etats membres ne devrait pas poser de difficultés, le Conseil européen étant parvenu, lors de sa réunion des 18 et 19 octobre 2007.

– La décision du Conseil européen fixant son règlement intérieur.

– La décision du Conseil européen établissant la liste des formations du Conseil autres que celles mentionnées à l’article 16 § 6 TUE, à savoir le Conseil des affaires générales et le Conseil des affaires étrangères.

– La décision du Conseil européen relative à l’exercice de la présidence semestrielle du Conseil de l’Union. Il est à noter que la séquence des présidences semestrielles a été adoptée le 1er janvier 2007 jusqu’en 2020.

– La décision du Conseil relative à la mise à jour annuelle du tableau de la population de l’Union européenne. Cette décision doit entrer en vigueur le
1er janvier de chaque année et sert de fondement au calcul de la majorité qualifiée.

– La décision du Conseil européen concernant le système de rotation des membres de la Commission. Cette décision n’est pas urgente, la nouvelle règle de composition de la Commission n’entrant en vigueur que le 1er novembre 2014.

– La décision du Conseil relative à la création du Service européen pour l’action extérieure, sur lequel s’appuiera le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Il s’agira notamment de définir le périmètre de ce service, sa composition, ses compétences et son financement(28).

– Le règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux modalités d’exercice du droit d’initiative citoyenne prévu à l’article 11 TUE.

– La décision du Conseil autorisant l’ouverture des négociations d’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme, en application de l’article 6 § 2 TUE.

– La décision relative à la mise en œuvre de la coopération structurée permanente en matière de défense.

– L’acte législatif européen fixant les règles relatives à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union, ainsi que par les Etats membres dans l’exercice d’activités qui relèvent du champ d’application du droit de l’Union, et à la libre circulation de ces données (art. 16 TFUE).

– La décision du Conseil, sur proposition de la Cour de justice de l’Union européenne, concernant l’augmentation du nombre des avocats généraux.

De nombreuses autres décisions préparatoires devront être négociées, qui concerneront notamment l’espace de liberté, de sécurité et de justice (structures et fonctionnement d’Eurojust, création éventuelle d’un Parquet européen, statut du Comité opérationnel en matière de sécurité intérieure, etc.).

Le programme de travail de la Présidence française de l’Union européenne est donc particulièrement dense et nécessitera d’être adapté aux aléas éventuels du processus de ratification du traité. En effet, les négociations sur certaines décisions préparatoires – en particulier dans le domaine de l’action extérieure de l’Union – pourraient ne débuter qu’une fois la ratification acquise afin de ne pas interférer involontairement et inutilement dans les débats nationaux.

Il convient enfin d’évoquer, parmi les mesures préparatoires à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, celles que devront prendre l’Assemblée nationale et le Sénat dans le cadre de la mise en œuvre des nouvelles procédures de contrôle du respect du principe de subsidiarité et de droit d’opposition à la révision simplifiée des traités(29).

En effet, à compter de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le nouvel article 88-6 de la Constitution prévoit – s’agissant du contrôle du respect du principe de subsidiarité – que « des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d’initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée ». Les modifications apportées aux règlements des assemblées seront obligatoirement soumises à l’examen du Conseil constitutionnel, conformément à l’article 61 de la Constitution.

2) Un traité qui ne préjuge pas des politique futures de l’Union

Le traité de Lisbonne confère de nouvelles compétences à l’Union dans des domaines tels que la politique spatiale, l’énergie, le sport, la protection civile et la coopération administrative.

De nouveaux objectifs lui sont également assignés, qu’il s’agisse notamment de la protection des citoyens, de la lutte contre le changement climatique, de la cohésion territoriale et de la promotion de la diversité culturelle et linguistique.

Mais des compétences et des objectifs ne suffisent pas à faire des politiques. A cet égard, le traité de Lisbonne – comme les traités précédents – n’est qu’un instrument, et seulement un instrument. Sans volonté politique commune, rien ne sera possible. Mais à 27, le risque est grand que le navire le plus lent ralentisse tous les autres. Or le temps presse et la mondialisation créé un nouveau contexte qui nécessite que l’Union européenne s’organise mieux pour peser davantage politiquement.

Chacun doit se mobiliser : les gouvernements mais aussi les opinions publiques. Plus que jamais, il appartiendra au peuple de se rendre plus massivement aux urnes pour élire ses représentants au Parlement européen ; il lui reviendra aussi de faire vivre ses nouveaux droits tels l’initiative citoyenne. La construction européenne doit gagner en légitimité.

Le traité de Lisbonne comporte d’incontestables avancées qui doivent contribuer au développement d’une vie politique européenne et permettre une meilleure incarnation des institutions de l’Union. Grâce à ce traité, la démocratie peut l’emporter sur la technocratie ; grâce à ce traité, l’Europe peut tourner la page de son fonctionnement institutionnel pour se consacrer pleinement à l’avenir de son projet politique. L’avenir politique de l’Europe : le traité de Lisbonne n’en préjuge pas. Il dépendra en grande partie de l’évolution des frontières de l’Union et de l’ambition de ses politiques futures.

À la demande du Président Nicolas Sarkozy, le Conseil européen du 14 décembre 2007 a créé un groupe de réflexion « afin d’aider l’Union à anticiper et à faire face plus efficacement aux difficultés de long terme, c’est-à-dire à l’horizon 2020-2030 ». Dans leurs conclusions, les Chefs d’État ou de Gouvernement mentionnent notamment le renforcement et la modernisation du modèle européen, qui concilie réussite économique et solidarité sociale, la compétitivité accrue de l’Union, l’État de droit, le développement durable, la stabilité mondiale, les migrations, l’énergie et la protection du climat ainsi que la lutte contre l’insécurité mondiale, la criminalité internationale et le terrorisme.

Après le marché unique, après la monnaie unique, après l’élargissement, après la réforme institutionnelle : voici définis les termes la prochaine étape de la construction européenne, une fois le traité de Lisbonne entré en vigueur.

CONCLUSION

Un cycle complet de présidences semestrielles de l’Union européenne aura été nécessaire pour venir à bout de l’indispensable réforme institutionnelle de l’Union. Hasard du calendrier, c’est la présidence française du second semestre 2000 qui avait négocié le traité de Nice ; ce sera la présidence française du second semestre 2008 qui négociera l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

En ratifiant ce traité, la France et les Français doivent tourner la page des divisions provoquées par la Constitution européenne. Le temps est venu de nous rassembler. Le traité de Lisbonne permet à l’Europe de sortir par le haut de la crise dans laquelle elle était plongée depuis bientôt trois ans. Ce traité est un compromis honnête qui n’apporte que des avancées par rapport aux textes actuels : davantage de démocratie, davantage de transparence, davantage d’efficacité décisionnelle, davantage de leadership, davantage d’ambition politique. En tournant la page de la réforme institutionnelle, l’Union européenne va enfin pouvoir se consacrer pleinement à l’avenir de ses politiques et à son rôle dans la mondialisation.

Victor Hugo avait déclaré en son temps : « L’Europe ne peut être tranquille tant que la France n’est pas contente ». Avec le traité de Lisbonne, la France a désormais de bonnes raisons d’être contente.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 6 février 2008.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Pierre Lequiller a relevé un paradoxe: les dispositions du traité relatives à la majorité qualifiée sont aujourd’hui moins favorables à la France que celles de la Constitution européenne alors même que cette question était l’un des arguments des opposants au traité constitutionnel.

Après avoir indiqué s’être joint à l’appel lancé pour que le Gouvernement signe la déclaration sur les symboles européens annexée au traité de Lisbonne, il s’est félicité que ce nouveau traité pérennise la méthode conventionnelle pour les révisions futures des traités européens.

M. François Rochebloine, à son tour, a regretté le report de l’application de la nouvelle règle de majorité qualifiée avant de demander quelles seraient les conséquences d’un rejet du traité par l’Irlande, seul pays de l’Union où la ratification doit intervenir par voie référendaire.

M. Hervé de Charrette, rapporteur, a observé que les modalités, complexes et étalées dans le temps, d’application de la règle de majorité qualifiée ne permettaient pas d’exclure leur remise en cause. De même, la règle de composition de la Commission pourra, à tout moment, être modifiée par une décision du Conseil européen statuant à l’unanimité.

En réponse à M. Pierre Lequiller, il a salué les mérites de la méthode conventionnelle qui a déjà fait ses preuves à deux reprises : pour l’élaboration de la Charte des droits fondamentaux de l’Union et pour la rédaction du traité constitutionnel. L’expérience montre que la conférence intergouvernementale exacerbe les difficultés plutôt que de les aplanir tandis que la convention permet de parvenir à des solutions consensuelles.

Un éventuel refus irlandais de ratifier le traité n’empêcherait pas son application mais pourrait la retarder. L’exemple du rejet danois du traité de Maastricht indique que des concessions limitées peuvent être accordées pour permettre à un pays réfractaire d’obtenir l’approbation de ses citoyens sur un texte nouveau. Cette hypothèse ne pouvait pas être envisagée pour la France en raison de la place particulière que celle-ci occupe dans la construction européenne.

M. Jacques Myard a fait part de son désaccord avec le rapporteur sur l’avancée que représente ce traité pour l’Europe. D’une part, ce traité ne rend pas service à l’Europe ; d’autre part, l’Union européenne qui en résulte ne correspond plus à l’état du monde. Il a enfin précisé que si l’Irlande ne ratifiait pas le traité, celui-ci ne pourrait entrer en vigueur en l’absence d’unanimité.

M. Marc Dolez a déploré les conditions d’examen du traité, faisant valoir que le choix contestable de la voie parlementaire pour la ratification ne pouvait s’accommoder d’une procédure précipitée justifiée par le calendrier des travaux parlementaires. A cet égard, il a estimé que les six semaines de suspension des travaux parlementaires pour cause d’élections locales non seulement ne contribuaient pas à la revalorisation du rôle du Parlement mais constituaient aussi un encouragement au cumul des mandats.

Il a ensuite souligné que, le traité reprenant l’essentiel des dispositions de la Constitution européenne, les raisons de s’y opposer demeuraient :

– Les réponses au déficit démocratique restent insuffisantes : la Commission conserve un rôle prépondérant ; le droit d’initiative populaire est limité ; le vote à l’unanimité est maintenu sur les questions essentielles de l’harmonisation fiscale ou sociale.

– Les critiques émises par le peuple français sont très partiellement prises en compte : si la référence à la « concurrence libre et non faussée » ne figure plus parmi les objectifs de l’Union mentionnés à l’article 3 du traité sur l’Union européenne, la logique de concurrence inspire de nombreuses dispositions du traité et fait l’objet d’un protocole; si le terme de Constitution disparaît, la primauté des traités et du droit communautaire est réaffirmée par la déclaration n° 17 ; en dépit de quelques améliorations, le sort réservé aux services économiques d’intérêt général est préoccupant, à l’instar du mortifère article 106 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

En conclusion, M. Marc Dolez a indiqué qu’il confirmerait le vote émis par les Français en mai 2005, en s’opposant à ce traité.

Le président Axel Poniatowski a indiqué qu’il était d’accord avec M. Marc Dolez aussi bien sur le caractère précipité du débat sur le projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne que sur la longueur excessive de la suspension des travaux préalable aux élections municipales, qui aurait en effet pu être limitée à deux semaines.

M. Hervé de Charette, rapporteur, a précisé qu’il était initialement prévu que le débat sur le projet de loi se déroule entièrement ce soir et cette nuit. Ayant encore en mémoire les conditions dans lesquelles avait été autorisée la ratification du traité élargissant l’Union européenne à dix nouveaux membres, en pleine nuit et en catimini, il avait obtenu que le débat sur le présent projet se prolonge demain matin. Il faut néanmoins reconnaître que le débat sur le traité de Lisbonne a commencé depuis plusieurs semaines à l’occasion de la révision de la Constitution.

Contrairement à la thèse présentée par M. Jacques Myard, le rapporteur a indiqué qu’il défendait une ambition européenne fondée sur un partage de certaines responsabilités mises en commun. Il est vrai que le traité de Lisbonne reprend sous une autre forme l’essentiel des stipulations du traité constitutionnel et qu’il est regrettable d’avoir dû renoncer à certains éléments de celui-ci. Comme l’a dit M. François Bayrou, le traité de Lisbonne c’est « le traité constitutionnel sans l’élan », mais il comporte aussi un certain nombre d’avancées.

Comme M. Marc Dolez l’a souligné, la Commission européenne conservera des compétences importantes au sein des institutions européennes. Il faut rappeler qu’elle a joué un rôle considérable depuis le début de la construction européenne : la création d’un tel organe constituait une innovation qui, malgré beaucoup de critiques, a permis l’essentiel des progrès accomplis. La Commission européenne s’est, il est vrai, peu à peu considérée comme dotée d’une autorité politique qu’elle ne détenait pas. Le traité de Lisbonne la remet à sa juste place – mais à son entière place – en rendant clairement le pouvoir politique au Parlement et au Conseil européen, qui sont tous les deux revalorisés.

La majorité qualifiée continuera à ne s’appliquer qu’à certains domaines. Le rapporteur a estimé qu’il fallait continuer à étendre ces domaines, surtout si l’Union s’élargit encore. En fait, le Conseil ne procède que très rarement à des votes formels mais l’éventualité d’un recours au vote établit le rapport de forces politique au cours de la négociation.

Il est vrai que certaines des critiques formulées à l’encontre du traité constitutionnel ont été prises en compte dans la négociation du traité de Lisbonne mais il est difficile de dire que tous les reproches adressés au traité constitutionnel sont devenus sans fondement dans la mesure où on ne sait pas très exactement ce qui a motivé les votes négatifs aux référendums français et néerlandais. La rédaction de l’article 106 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne correspond parfaitement aux besoins d’un service public à caractère économique et commercial qui doit respecter les règles du marché tout en bénéficiant de prérogatives particulières.

M. François Loncle a remercié le rapporteur pour la qualité de sa présentation et a salué son honnêteté intellectuelle. Son rapport présenté à la commission souligne en effet les limites du traité modificatif, par rapport aux ambitions des forces politiques les plus favorables à l’intégration européenne, mais également par rapport au traité constitutionnel. Ces reculs sont principalement dus aux réticences britanniques, élément dont il fera tenir compte lorsqu’il s’agira de choisir le futur Président du Conseil européen.

S’exprimant au nom du groupe Socialiste, Radical et Citoyen, M. François Loncle a rappelé que les membres de son groupe avaient, à l’unanimité, insisté sur le fait qu’il eût fallu procéder à un référendum pour ratifier le traité modificatif. L’organisation d’un référendum en 2005 sur la Constitution européenne impose en effet la tenue d’un nouveau référendum sur un texte très proche du traité constitutionnel, aux dires du Président Valéry Giscard d’Estaing et du rapporteur de la commission.

Dès lors, il est apparu logique et cohérent de déposer une motion référendaire sur ce texte.

Mme Nicole Ameline a souligné que le rapport présenté devant la commission rendait justice à un texte qui réalise un équilibre intelligent entre la réponse aux inquiétudes exprimées par les Français en 2005, et la reprise des dispositions les plus consensuelles du traité constitutionnel. Il est faux de dire qu’il n’a pas été tenu compte des débats de 2005. Le traité de Lisbonne ne préjuge pas des débats qui devraient nécessairement avoir lieu sur l’avenir du projet politique européen.

Malgré tout, les nombreuses dérogations auxquelles le nouveau traité a donné lieu semblent freiner l’Europe sur la voie de son unité. Comment sera-t-il possible de les limiter à l’avenir ?

M. Jean-Marc Roubaud a félicité le rapporteur pour la lucidité dont celui-ci a fait preuve dans son analyse de la situation actuelle. De nombreuses critiques continuent en effet d’être portées à l’encontre de l’Union européenne, à la fois par les citoyens mais également par les responsables politiques des différents Etats membres. En l’absence de ratification du traité modificatif, seuls les éléments négatifs continueraient à être soulignés. Il convient donc de changer les comportements de chacun vis-à-vis de l’Europe.

Par ailleurs, le choix de demander au Parlement d’autoriser la ratification du traité modificatif ne devrait pas poser de problème de légitimité. La Constitution française rappelle que, si le peuple est le seul détenteur de la souveraineté, il l’exerce par la voie de ses représentants élus. Il serait étonnant de remettre cette situation en cause, particulièrement au moment où le renforcement des pouvoirs du Parlement est demandé. De plus, le traité modificatif, qui comporte plus de trois cents amendements aux traités existants, est un texte si complexe qu’il risque de donner lieu à des erreurs d’interprétation chez certains citoyens. L’autorisation parlementaire de le ratifier s’impose donc, tant par pragmatisme que par logique et réalisme.

M. Hervé de Charrette, rapporteur, a rappelé que la motion référendaire permettait au Parlement de demander au Président de la République, seul décisionnaire en vertu de l’article 11 de la Constitution, d’organiser un référendum. Si cette démarche est tout à fait cohérente avec le souhait de demander au peuple de se prononcer sur le traité modificatif, elle rend toutefois illogique la décision préalable de voter contre la révision de la Constitution rendue nécessaire par la ratification de ce traité. En effet, en cas de rejet du projet de loi constitutionnelle, il n’y aurait alors eu aucune possibilité d’organiser un référendum sur le sujet.

Concernant les stipulations du traité permettant de ne pas associer tous les Etats membres à l’ensemble des politiques de l’Union, une distinction doit être opérée. Les clauses d’opting out sont une réelle prime aux moins disants, dont la présence au sein de l’Europe est toutefois nécessaire. Ainsi, la Grande-Bretagne et la Pologne ont profité sans retenue de la réouverture des débats, suite au rejet du traité constitutionnel, pour multiplier les demandes en ce sens. Dès lors, l’opting out apparaît comme l’hommage rendu au vice par la vertu. Toute autre doit être l’analyse portée sur le mécanisme des coopérations renforcées. Celles-ci permettent notamment d’intégrer dans l’acquis communautaire des projets menés à quelques uns en dehors de tout cadre institutionnel européen, suscitant une certaine méfiance de la part des Etats membres n’y participant pas. Le rapporteur a jugé regrettable que les traités d’Amsterdam, et de Nice et aujourd’hui de Lisbonne fixent des conditions si contraignantes à l’instauration de coopérations renforcées que celles-ci ont en réalité peu de chance de voir le jour. Le seul domaine dans lequel un mécanisme proche pourrait être effectivement utilisé est celui de la défense, avec les coopérations structurées permanentes.

Enfin, si les arguments plaidant en faveur d’une ratification parlementaire sont forts, ils doivent être réservés à la discussion portant sur la motion référendaire en séance publique.

A l’issue de cet échange de vues, le président Axel Poniatowski a remercié le rapporteur pour sa présentation très claire et très complète, à laquelle il a indiqué totalement souscrire. Puis il a souhaité apporter sa contribution personnelle au débat.

Constatant que l’Europe est depuis maintenant plus de dix ans centrée sur sa réforme institutionnelle, il a estimé que le débat institutionnel avait suffisamment duré et que le traité de Lisbonne permettait enfin d’en sortir. Les changements proposés, comme cela a été exposé par le rapporteur, réforment durablement le fonctionnement des institutions de l’Union élargie. Les évolutions institutionnelles correspondent à ce que la France a toujours demandé. Il serait paradoxal de les rejeter. Le Président Axel Poniatowski a notamment évoqué l’instauration d’un président stable du Conseil européen, qui trouve d’ailleurs son origine, il ne faut pas l’oublier, dans la proposition formulée par MM. Blair, Aznar et Chirac en 2002.

Il a également mentionné la nouvelle règle de majorité qualifiée qui prend mieux en compte le critère démographique. Comparé au mécanisme de pondération de voix du traité de Nice, ce nouveau système avantage les pays les plus peuplés de l’Union, et donc la France qui pèsera davantage dans le processus décisionnel.

Puis il a souhaité que l’on sorte d’un débat franco-français sur le traité de Lisbonne pour écouter ce que nous disent nos partenaires européens. Il a rappelé que dix-huit d’entre eux avaient ratifié la Constitution européenne  et ont, malgré cela, accepté de négocier un nouveau traité et de recommencer à zéro leur procédure de ratification. Nous avons certes une responsabilité à l’égard du peuple français qui a voté non le 29 mai 2005, mais nous avons également notre part de responsabilité à l’égard des peuples de l’Union qui avaient approuvé la Constitution européenne.

Le traité de Lisbonne représente un équilibre subtil qui doit nous permettre de nous rassembler. Les avancées institutionnelles sont préservées mais la démarche constitutionnelle est, elle, abandonnée. Il faut tourner la page de nos divisions car entretenir ces divisions ne mène à rien, si ce n’est à l’enlisement européen. Or cela, personne ne le souhaite. Les politiques européennes ne sont pas « gravées dans le marbre » comme cela avait été dit en 2005. Au contraire, il nous faut les imaginer à 27 en mettant davantage de politique dans la construction européenne.

Le Président Axel Poniatowski a considéré que la ratification du traité de Lisbonne ne nous exonérait pas de débats sur des questions fondamentales pour l’avenir de l’Europe et qu’un traité à lui seul ne peut pas régler. Ces questions concernent en particulier :

– la place de l’Union européenne dans la mondialisation, face aux grandes puissances émergentes que sont notamment la Chine, l’Inde, le Brésil et la Russie ;

– les frontières de l’Union : jusqu’où doit aller l’élargissement ? Quelle est l’alternative à l’élargissement sans fin de l’Union ? L’Europe à plusieurs vitesses est-elle inéluctable ?

– la réforme du budget européen : comment financer les nouvelles politiques de l’Union et avec quel argent remplir les objectifs ambitieux de la stratégie de Lisbonne ?

– l’identité européenne : la construction européenne a besoin d’une adhésion renouvelée des peuples, qui doivent s’approprier le projet européen. Il faut donner aux citoyens des raisons d’être fiers d’être Européens. A cet égard, il a regretté – à l’instar du rapporteur – que le traité de Lisbonne ne mentionne plus les symboles de l’Union qui contribuent à l’unité des peuples.

Evoquant la création par le Conseil européen de décembre dernier d’un groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe à l’horizon 2020-2030, dont la présidence a été confiée à l’ancien Premier ministre espagnol M. Felipe Gonzalez, le président Axel Poniatowski a souhaité que ce groupe puisse entendre ce que les parlementaires nationaux ont à dire sur l’avenir de l’Europe.

En conclusion, il a estimé que ratifier le traité de Lisbonne ne signifiait pas signer un chèque en blanc à l’Europe. Mais ne pas le ratifier, c’était en revanche la certitude que l’Union n’aura pas les moyens d’agir dans un monde qui, lui, n’attend pas l’Europe.

___

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (no 690).

*

* *

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte du traité figure en annexe au projet de loi (n° 690).

ANNEXES

Annexe n° 1 : Extension du champ d’application de la majorité qualifiée 91

Annexe n° 2 : Extension du champ d’application de la codécision

(« procédure législative ordinaire ») entre le Parlement européen et le Conseil 95

Annexe n° 3 : Auditions réalisées par la commission des affaires étrangères

sur le Traité de Lisbonne 99

Annexe n° 4 : Mandat de négociation de la conférence intergouvernementale

chargée d’élaborer le traité de Lisbonne 131

Annexe n°1

Extension du champ d’application de la majorité qualifiée

Aux anciennes bases juridiques des traités

- Décision définissant une action ou une position de l’Union sur la base d’une décision du Conseil européen portant sur les intérêts et objectifs stratégiques de l’Union ;

- Décision définissant une action ou une position de l’Union sur proposition du Haut représentant présentée à la suite d’une demande spécifique que le Conseil européen lui a adressée de sa propre initiative ou à l’initiative du Haut représentant ;

- Décision mettant en œuvre une décision qui définit une action ou une position de l’Union ;

- Nomination d’un représentant spécial, sur proposition du Haut représentant ;

- Questions de procédures dans le domaine de la PESC (Art. 31 § 2 et 5 TUE) ;

- Adoption de la liste des formations du Conseil par le Conseil européen

- Décision relative à la présidence des formations du Conseil autres que celle des affaires étrangères (Art. 16 para 6, 9 TUE et 236 TFUE) ;

- Mesures pour assurer la protection diplomatique et consulaire, après consultation du Parlement européen (Art. 23 TFUE) ;

- Coordination de la sécurité sociale pour les travailleurs migrants (salariés et non salariés) (Art. 48 TFUE) ;

- Accès aux activités non salariées et leur exercice et coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres dans ce domaine (Art. 53 TFUE) ;

- Coopération administrative dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen (Art. 74 TFUE) ;

- Contrôles aux frontières (Art. 77 TFUE) ;

- Politique commune en matière d’asile (Art. 78 TFUE) ;

- Politique commune en matière d’immigration (Art. 79 TFUE) ;

- Coopération judiciaire en matière pénale (Art. 82 TFUE) ;

- Règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans des domaines de criminalité grave (Art. 83 TFUE) ;

- Définition de la structure, du fonctionnement, du domaine d’action et des tâches d’Eurojust (Art. 85 TFUE) ;

- Coopération policière non opérationnelle (Art. 87 TFUE) ;

- Définition de la structure, du fonctionnement, du domaine d’action et des tâches d’Europol (Art. 88 TFUE) ;

- Dispositions sur les principes du régime des transports (Art. 91 TFUE §1) ;

- Violation des grandes orientations des politiques économiques, recommandation du Conseil, sur recommandation de la Commission (Art. 121 TFUE) ;

- Décision sur l’existence d’un déficit excessif, sur recommandation de la Commission ;

- Recommandation afin de mettre un terme à un déficit excessif, sur recommandation de la Commission ;

- Mesures visant à la réduction d’un déficit excessif, sur recommandation de la Commission (Art. 126 TFUE) ;

- Modification de certaines dispositions du SEBC et de la BCE, sur recommandation de la BCE ou proposition de la Commission (Art. 129 TFUE) ;

- Actions d’encouragement dans le domaine de la culture (Art. 167 TFUE) ;

- Nomination du président, du vice-président et des membres du directoire de la BCE par le Conseil européen sur recommandation du Conseil et après consultation du Parlement européen et du conseil des gouverneurs (Art. 283 § 2 TFUE) ;

- Règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les Etats membres de l’exercice des compétences d’attribution par la Commission (Art. 291 § 3 TFUE).

Aux nouvelles bases juridiques introduites par le traité de Lisbonne

- Établissement des procédures et conditions requises pour la présentation d’une initiative citoyenne (Art. 11 § 4 TUE et 24 TFUE) ;

- Fonds de lancement PESC (montants financiers alloués, modalités de gestion, modalités de contrôle financier) (Art. 41 § 3 TUE) ;

- Décision définissant le statut, le siège et les modalités de fonctionnement de l’Agence européenne de défense (Art. 45 §2 TUE) ;

- Décision établissant une coopération structurée permanente, acceptant la participation d’un nouvel Etat membre ou suspendant sa participation, après consultation du Haut représentant (Art. 46 § 2 TUE) ;

- Conclusion d’un accord de retrait d’un Etat membre de l’Union après approbation du Parlement européen (Art. 50 § 2 TUE) ;

- Règlements établissant les principes et conditions de fonctionnement des services d’intérêt économique général (Art. 14 TFUE) ;

- Mesures pour encourager et appuyer l’action des Etats membres dans le domaine de la prévention du crime (Art. 84 TFUE) ;

- Mesures relatives à la création de titres européens pour la protection des droits de propriété intellectuelle dans l’Union européenne ainsi que la mise en place de régimes d’autorisation, de coordination et de contrôle centralisés au niveau européen (Art. 118 TFUE) ;

- Décision établissant les positions communes concernant les questions qui revêtent un intérêt particulier pour l’union économique et monétaire au sein des institutions et des conférences financières internationales compétentes après consultation de la banque centrale européenne ;

- Adoption des mesures appropriées pour assurer une représentation unifiée au sein des institutions et conférences financières internationales après consultation de la BCE (Art. 138 §1 et 2 TFUE) ;

- Politique européenne du sport (Art. 165 TFUE) ;

- Politique spatiale européenne (Art. 189 TFUE) ;

- Politique énergétique européenne (Art. 194 TFUE) ;

- Politique européenne du tourisme (Art. 195 TFUE) ;

- Politique européenne de protection civile (Art. 196 TFUE) ;

- Coopération administrative (Art. 197 TFUE) ;

- Mesures définissant le cadre dans lequel sont mises en œuvre les actions d’aide humanitaire de l’Union (Art. 214 §3 TFUE) ;

- Création d’un corps volontaire européen d’aide humanitaire (Art. 214 §5 TFUE) ;

- Mesures assurant le fonctionnement d’une administration européenne ouverte, efficace et indépendante (Art. 298 TFUE) ;

- Révision des règles relatives à la nature de la composition du Comité des régions et du Comité économique et social (Art. 300 TFUE) ;

- Mesures d’exécution du système de ressources propres (si une décision le prévoit), après approbation du Parlement européen (Art. 311 TFUE al. 3).

Annexe n°2

Extension du champ d’application de la codécision
(« procédure législative ordinaire »)
entre le Parlement européen et le Conseil

Aux anciennes bases juridiques des traités

- Application des règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles (Art. 42 TFUE) ;

- Organisations communes de marchés et objectifs de la politique commune de l’agriculture et de la pêche (Art. 43 TFUE) ;

- Exclusion, dans un Etat membre, de certaines activités de l’application des dispositions relatives à la liberté d’établissement (Art. 51 TFUE) ;

- Extension du bénéfice de la liberté de prestation de services aux ressortissants d’un Etat tiers établis à l’intérieur de l’Union (Art. 51 TFUE) ;

- Libéralisation d’un service déterminé (Art. 59 TFUE) ;

- Adoption de mesures relatives aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance des pays tiers, lorsqu’ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l’établissement, la prestation de services financiers ou l’admission de titres sur les marchés des capitaux (Art. 64 §2 TFUE) ;

- Contrôles aux frontières (Codécision depuis le 1.1.2005 sauf pour l’immigration légale) (Art. 77 §2 TFUE) ;

- Politique commune en matière d’asile (Art. 78 §2 TFUE) ;

- Politique commune en matière d’immigration (Art. 79 §2 TFUE) ;

- Coopération judiciaire en matière pénale + frein/accélérateur (Art. 82 §1 et 2 TFUE) ;

- Règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans des domaines de criminalité grave + frein/accélérateur (Art. 83 §1 et éventuellement 2 TFUE) ;

- Définition de la structure, du fonctionnement, du domaine d’action et des tâches d’Eurojust (Art. 85 TFUE) ;

- Coopération policière non opérationnelle (Art. 87 TFUE) ;

- Définition de la structure, du fonctionnement, du domaine d’action et des tâches d’Europol (Art. 88 TFUE) ;

- Mesures nécessaires pour éliminer les distorsions sur le marché intérieur dues aux disparités entre dispositions nationales (Art. 116 TFUE) ;

- Modalités de la surveillance multilatérale en matière de politique économique (Art. 121 TFUE) ;

- Modification de certaines dispositions du SEBC et de la BCE, sur recommandation de la BCE ou proposition de la Commission (Art. 129 TFUE) ;

- Mesures nécessaires à l’usage de l’euro (Art. 133 TFUE) ;

- Fonds structurels (Art. 178 TFUE) ;

- Fonds de cohésion (Art. 178 TFUE) ;

- Mesures définissant le cadre dans lequel est mise en œuvre la politique commerciale commune (Art. 207 §2 TFUE) ;

- Actions de coopération économique, financière et technique avec des pays tiers (Art. 212 TFUE) ;

- Création de tribunaux spécialisés (Art. 257 TFUE) ;

- Modification du statut de la Cour à l’exception de son titre I et de son article 64 (Art. 281 TFUE) ;

- Règles et principes généraux pour le contrôle de l’exercice des compétences d’exécution (Art. 291 §3 TFUE) ;

- Règles financières (Art. 322 TFUE) ;

- Statut des fonctionnaires de l’Union et régime applicable aux autres agents de l’Union (Art. 336 TFUE).

Aux nouvelles bases juridiques introduites par le traité de Lisbonne

- Etablissement des procédures et conditions requises pour la présentation d’une initiative citoyenne (Art. 11 para 4 TUE et 24 TFUE) ;

- Mesures pour encourager et appuyer l’action des Etats membres dans le domaine de la prévention du crime (Art. 84 TFUE) ;

- Mesures relatives à la création de titres européens pour la protection des droits de propriété intellectuelle dans l’Union européenne ainsi que la mise en place de régimes d’autorisation, de coordination et de contrôle centralisés au niveau européen (Art. 118 TFUE) ;

- Politique européenne du sport (Art. 165 TFUE) ;

- Politique spatiale européenne (Art. 189 TFUE) ;

- Politique énergétique européenne (Art. 194 TFUE) ;

- Politique européenne du tourisme (Art. 195 TFUE) ;

- Politique européenne de protection civile (Art. 196 TFUE) ;

- Coopération administrative (Art. 197 TFUE) ;

- Mesures définissant le cadre dans lequel sont mises en œuvre les actions d’aide humanitaire de l’Union (Art. 214 §3 TFUE) ;

- Création d’un corps volontaire européen d’aide humanitaire (Art. 214 §5 TFUE) ;

- Mesures assurant le fonctionnement d’une administration européenne ouverte, efficace et indépendante (Art. 298 TFUE).

Annexe n°3

Auditions réalisées par la commission des affaires étrangères
sur le traité de Lisbonne

- Audition, commune avec la délégation pour l’Union européenne,
de M. Valéry Giscard d’Estaing, le 16 janvier 2008 101

- Audition de M. Reinhard Silberberg, Secrétaire d’État allemand
aux affaires étrangères, le 22 janvier 2008 115

- Audition, commune avec la délégation pour l’Union européenne,
de M. Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne,

le 29 janvier 2008 123

Audition, commune avec la délégation pour l’Union européenne,
de M. Valéry Giscard d’Estaing, le 16 janvier 2008

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères, s’est déclaré heureux et honoré d’ouvrir avec le président Giscard d’Estaing une série d’auditions publiques sur le traité de Lisbonne, dont le processus de ratification vient de s’engager à l’Assemblée nationale avec le débat sur la révision de la Constitution.

Européen parmi les Européens, M. Giscard d’Estaing a créé le Conseil européen en 1974 lorsqu’il était Président de la République. L’Europe lui doit également le système monétaire européen qui est à l’origine de l’euro. Ancien président de la commission des affaires étrangères, il a aussi siégé plusieurs années au Parlement européen.

En décembre 2001, les chefs d’État ou de Gouvernement lui ont confié la présidence de la convention européenne chargée de réformer les traités européens. Il conviendrait d’avoir aujourd’hui son éclairage sur les modifications apportées par ce nouveau traité et sur leurs conséquences sur le fonctionnement futur de l’Union. Quel est le regard porté par le président de la convention européenne qui a élaboré la Constitution européenne, sur ce nouveau traité dont il reviendra à la France de préparer la mise en œuvre dans le cadre de sa future présidence de l’Union européenne ?

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne, après avoir remercié M. Axel Poniatowski d’avoir associé la délégation pour l’Union européenne à cette réunion, a souligné – pour avoir travaillé avec le sénateur Hubert Haenel au sein de la convention européenne parmi les 105 conventionnels représentant vingt-huit pays, y compris la Turquie, les parlements et les gouvernements nationaux, le Parlement européen et la Commission – combien le traité simplifié doit au président Giscard d’Estaing en s’inspirant très fortement, notamment en matière d’avancées institutionnelles, du texte constitutionnel novateur auquel les discussions avaient permis d’aboutir.

S’agissant du président stable du Conseil européen, quel rôle est-il envisagé pour lui : un rôle de négociateur ou un rôle de leader ?

Par ailleurs, quelle articulation est-elle imaginée entre les rôles de ces trois personnalités que seront le président du Conseil européen, le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité – en regrettant que l’appellation de ministre des affaires étrangères décidée par la convention n’ait pas été retenue – et le président de la Commission, d’une part, et entre les rôles du président du Conseil européen et des présidences tournantes des conseils des ministres, d’autre part ?

Comment conçoit-on la campagne du futur président de la Commission, qui sera élu par le Parlement européen : est-il souhaitable que les différents partis puissent présenter des candidats ?

La liberté donnée à la Commission de retenir ou non l’initiative d’un million de citoyens n’est-elle pas plutôt formelle en raison de la force politique qu’aura une telle pétition ?

M. Valéry Giscard d’Estaing a remercié la commission et la délégation de permettre cette rencontre informative qui lui offre la possibilité de revenir sur le traité de Lisbonne ainsi que sur la modification constitutionnelle qui lui est intimement liée, et dont l’Assemblée est saisie en premier lieu.

L’origine de toute cette affaire remonte au traité de Maastricht qui prévoyait non seulement l’union monétaire avec la création de l’euro, aboutissement d’un projet initié avec le chancelier Schmidt, mais également la future structure politique de l’Europe, les Allemands n’ayant accepté d’abandonner le deutschemark, symbole de leur réussite, qu’à la condition d’une organisation politique de l’Europe.

Le traité de Maastricht n’ayant été suivi, en dehors de l’aspect monétaire, que de peu d’applications concrètes faute de volonté politique forte, il a alors été envisagé d’améliorer le système en mettant en place des institutions performantes par la voie intergouvernementale, ce qui a abouti à deux traités négociés, celui d’Amsterdam – qui a permis quelques améliorations, notamment en faveur du Parlement européen – et celui de Nice.

Le président Giscard d’Estaing a ajouté qu’il considérait ce dernier traité comme le plus mauvais traité européen ; d’ailleurs, lorsqu’il était parlementaire, il n’avait pas voté en faveur de sa ratification.

Ce traité n’ayant pas abouti à une réforme des institutions, il a donc été décidé de changer de méthode en faisant appel au milieu politique, et non plus diplomatique, par la mise en place d’une convention.

Composée majoritairement de cinquante-six parlementaires nationaux et de seize parlementaires européens, soit soixante-douze parlementaires sur cent cinq conventionnels, cette convention a abouti, après un travail assidu de dix-huit mois, à un texte qui a été approuvé à la quasi-unanimité de ses membres, puisqu’il n’a manqué que sept voix. Ce texte comprenait, outre un préambule, quatre parties.

Après s’être mis d’accord sur celles concernant les objectifs et les institutions, la charte des droits fondamentaux – qui avait été établie par une convention présidée par un ancien président de la République fédérale d’Allemagne, M. Herzog, et approuvée à Nice –, et les dispositions finales, la convention s’est alors penchée sur la troisième partie, à savoir les politiques de l’Union, qui étaient décrites dans les traités antérieurs de Rome, de Maastricht, d’Amsterdam et de Nice, sachant que reprendre ces derniers présentait l’avantage d’aboutir à un texte unique et cohérent – une sorte de Loi fondamentale de l’Union européenne – et de ne pas donner lieu à des difficultés politiques, tous ces traités ayant été ratifiés.

Ainsi, dans un premier temps, ont été remises au Conseil européen, réuni à Thessalonique le 20 juin 2003, les conclusions de la convention sur le préambule et sur trois des quatre parties du texte. Le Conseil des chefs d’État ou de Gouvernement ayant souhaité conclure rapidement, la convention leur a alors remis la troisième partie en l’état, et le texte a été adopté, après quelques modifications, par la conférence intergouvernementale réunie ultérieurement.

Cette CIG, qui a siégé jusqu’en 2004, a marqué le retour à l’approche diplomatique, ce qui ne peut être considéré que comme un pas en arrière : outre qu’il n’existe pas d’esprit de groupe au sein d’une telle instance, le principe qui y règne n’est plus celui du gagnant-gagnant, mais celui, propre à toute négociation diplomatique, du gagnant-perdant ou, au mieux, de la somme nulle. Les travaux de la CIG, qui devaient se terminer sous présidence italienne, c’est-à-dire en 2003, se sont d’ailleurs prolongés pendant le premier semestre 2004 sous la présidence du Premier ministre irlandais qui a habilement obtenu un accord sous la forme du traité établissant une Constitution pour l’Europe, signé à Rome en octobre 2004.

C’est ce texte qui, après avoir été approuvé par plusieurs parlements et par un premier référendum en Espagne, a été rejeté en France – où le Président de la République avait choisi non pas la procédure parlementaire de l’article 53 de la Constitution, mais celle du référendum de l’article 11 au vu sans doute, comme pour le parti socialiste, de sondages prévoyant un résultat contraire – puis aux Pays-Bas. La posture d’attente qui s’ensuivit ne devait prendre fin qu’avec l’adoption d’un mandat pour une nouvelle CIG, les 21 et 22 juin derniers à Bruxelles, après l’élection présidentielle française. Ce mandat très détaillé, établi sous la présidence allemande et, pour parler franchement, rédigé par les juristes du Conseil
– signe, à nouveau, d’un retour vers Bruxelles – invitait à préparer un texte s’appuyant sur le précédent projet.

Pour évaluer les différences entre le traité de Lisbonne et le projet de traité constitutionnel, il convient de se référer à la fois à ce mandat adopté à Bruxelles – et qui a, en fait, défini le contenu du traité de Lisbonne – et la décision du Conseil constitutionnel français sur ce dernier traité, à laquelle le président Giscard d’Estaing n’a pas participé, estimant que son implication était trop forte pour qu’il puisse intervenir dans le débat. En résumé, le contenu de ces deux textes est très voisin, leur présentation étant simplement différente.

Le traité de Lisbonne – dont on ne peut pas vraiment dire qu’il est simplifié puisqu’il est plus long que le précédent traité – conserve les traités antérieurs, à savoir le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la communauté européenne, rebaptisé traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il s’agit, en fait, d’un catalogue de modifications des traités antérieurs, tel que le prévoit l’alinéa 1 du mandat selon lequel « le concept constitutionnel qui consistait à abroger tous les traités actuels par un traité unique appelé Constitution, est abrogé. »

« Le traité modificatif introduira dans les traités actuels les innovations découlant de la CIG de 2004 » – c’est-à-dire le contenu du traité constitutionnel. Il s’agit donc bien, avec ce catalogue, d’un texte ayant le même contenu que le précédent, mais faisant l’objet d’une présentation différente, dont la lecture est cependant pratiquement impossible, au point d’ailleurs que la commission des affaires étrangères, qui a réalisé une version consolidée, a consacré quatorze pages à des tableaux de correspondance entre le traité de Lisbonne et l’ensemble des traités européens.

Pour ce qui est du contenu du traité de Lisbonne, l’essentiel du traité constitutionnel est maintenu, conformément au mandat donné à la CIG, avec, il est vrai, quelques ajouts et quelques retraits. Ce maintien s’observe, d’une part, dans le mandat donné à la CIG, d’autre part, dans la reprise au mot près des neuf principales avancées de ce dernier, qu’il s’agisse de la présidence stable, de la personnalité juridique de l’Union ou encore du fonctionnement des institutions, et, enfin, dans la décision du Conseil constitutionnel français. Ce dernier, qui avait à se prononcer sur les changements nécessaires à apporter à la Constitution française pour pouvoir ratifier le traité de Lisbonne, s’est en effet référé à la décision qu’il avait déjà rendue en novembre 2004 à propos du traité constitutionnel lui-même, avec quelques petites modifications – selon un chercheur, 98 % de la substance du traité constitutionnel se retrouve dans le traité de Lisbonne.

On trouve d’abord, parmi les ajouts, certaines avancées dans le domaine de la coopération judiciaire et policière, avec cependant des clauses d’opting out pour certains pays. De même, on relève un protocole additionnel sur les services d’intérêt économique général, qui se borne cependant à souligner l’importance de ces services, c’est-à-dire, en France essentiellement les transports, puisque la santé, l’éducation ou encore les administrations ne sont pas concernées par les règles communautaires.

Par ailleurs, on constate – ce dont certains, étrangement, sont satisfaits – la disparition apparente de l’expression « concurrence libre et non faussée ». Or en quoi les Français auraient-ils intérêt à ce que la concurrence puisse être faussée ? Les mots ont certes ce pouvoir dans notre société de communication qu’ils pouvaient donner l’impression, avec le traité constitutionnel, d’un durcissement de la concurrence alors qu’ils aboutissaient, au contraire, à une protection de la concurrence loyale. L’expression a donc été retirée du texte, mais pour figurer dans un protocole annexé au traité qui stipule que le marché intérieur « comprend un système garantissant que la concurrence n'est pas faussée ».

Toujours parmi les ajouts, figure surtout l’adjonction de certains droits additionnels pour les parlements nationaux dans les domaines, d’une part, de la subsidiarité, conformément à un souhait de la convention émis à l’initiative d’un conventionnel espagnol, M. Mendez de Vigo y Montojo, et, d’autre part, du droit de la famille, bien que celui-ci ne relève pas des compétences européennes. Il s’agit, à la demande de la Pologne, de prévoir que toute initiative dans ce domaine est caduque si un seul parlement s’y oppose. Dans les deux cas, une révision de la Constitution française est nécessaire pour permettre au Parlement de se prononcer le cas échéant.

Les retraits par rapport au traité constitutionnel concernent, d’une part, la disparition de la primauté du droit communautaire sur le droit national pour toute décision prise dans le cadre du droit communautaire – ce qui n’a aucun effet pratique puisque la jurisprudence de la Cour de justice continue à s’appliquer –, et, d’autre part, la disparition des symboles de l’Union, c’est-à-dire le drapeau, l’hymne, l’euro ainsi que la devise et la journée de l’Europe, ce qui est profondément regrettable voire ridicule.

Le droit s’éloigne ainsi du réel puisque ces symboles, essentiels à la progression vers l’identité européenne, continueront d’être utilisés, y compris en France et jusqu’au plus haut sommet de l’État comme l’a montré la récente conférence de presse donnée par le président de la République. Les symboles, à l’exemple du drapeau tricolore et de la Marseillaise pour la société française ou de l’Internationale pour la gauche européenne et mondiale, sont pourtant des facteurs d’identité. Aussi la France devrait-elle joindre sa signature à la déclaration commune de seize pays sur ce sujet, après un débat au Parlement. Si elle ne le faisait pas, ce serait la première fois depuis la fondation de l’Union européenne que l’Allemagne et la France ne signeraient pas une même déclaration.

Il faut savoir, enfin, que 50 % des changements proposés correspondent à des concessions faites aux Britanniques, et que les demandes d’exception ou d’opting out connaissent une très forte progression principalement en faveur du Royaume-Uni, parfois de la Pologne et, à un moindre degré, de l’Irlande.

Le traité de Lisbonne n'est sans doute pas le meilleur possible. Il traduit, en effet, un certain recul de l’ambition politique européenne, alors que, dans un monde où la Chine et l’Inde connaissent des progrès considérables et où les États-Unis conservent leur statut de puissance dominante, une volonté forte d’organisation de l’Europe devrait être exprimée. Cependant, il préserve la quasi-totalité des avancées importantes proposées par la convention, et son adoption permettrait d’améliorer sensiblement le fonctionnement des institutions européennes.

Le président Axel Poniatowski s’est déclaré intéressé, avant que le président Giscard d’Estaing réponde aux questions de M. Lequiller puis des autres députés, de savoir, dans le domaine des affaires étrangères, ce que va changer la création du service diplomatique commun par rapport à la situation actuelle, et jusqu’où ses compétences devraient aller en matière par exemple de défense ou de politique de voisinage.

Par ailleurs, que faut-il attendre du groupe de réflexion que vient de créer le Conseil européen sur le devenir de l’Europe dans les vingt prochaines années ?

Enfin, il a demandé l’avis du président Giscard d’Estaing sur le projet d’Union méditerranéenne lancé par le président Nicolas Sarkozy. Comment ce projet devrait-il s’articuler avec l’Union européenne, la question de son périmètre faisant aujourd’hui débat ?

M. Valéry Giscard d’Estaing a d’abord indiqué, à la suite de la question de M. Lequiller relative au futur président du Conseil européen, que l’opinion s’enflammera lorsque viendra le moment de le désigner, sachant toutefois que le traité est à cet égard extrêmement succinct. Quant à son rôle, il sera le même qu’actuellement, ce qui signifie qu’il ne bénéficiera pas d’un pouvoir exécutif, mais d’un pouvoir d’animation, de fixation de l’ordre du jour, de suivi des travaux et d’impulsion des activités du Conseil.

Le grand changement est que ce président sera stable et que les Européens pourront se reconnaître en lui. Aussi conviendrait-il d’engager rapidement une réflexion sur les modalités de sa désignation, laquelle ne pourra se faire à la suite d’une simple réunion du Conseil européen, mais après un débat démocratique, ce qui signifie que la candidate ou le candidat soit connu, qu’il soit en phase avec la future majorité du Parlement européen – et donc désigné après les élections européennes – ainsi qu’avec la majorité de son propre pays, qu’il appartienne à un État qui respecte tous les engagements européens concernant l’euro, Schengen et la charte des droits fondamentaux, et qu’il parle ou s’efforce de parler le français, l’anglais et l’allemand. De même, il serait utile de savoir si les candidats pourront se déclarer eux-mêmes, s’il leur faudra des références et si un tri devra intervenir avant que le Conseil européen ne se prononce.

Quant à l’articulation entre le président du Conseil européen, celui de la Commission et le Haut représentant, terme qui rappelle des périodes post-coloniales, il faut d’abord se rappeler que le président de la Commission n'est pas responsable du système politique européen, mais du fonctionnement de la Commission. L’impulsion à donner à l’Union européenne viendra du président du Conseil européen, qui pourra réunir l’instance qu’il préside plus fréquemment et de façon moins formelle, la Commission continuant à faire des propositions et à suivre la procédure actuelle devant le Parlement européen.

S’agissant du ministre des affaires étrangères – appellation que les journalistes finiront bien par retenir – il sera en même temps vice-président de la Commission parce que celle-ci a des attributions dans le domaine de l’action extérieure, non pas en termes politiques, mais en termes de gestion de l’aide européenne aux Etats, laquelle est la première dans le monde. Aussi le ministre des affaires étrangères doit-il pouvoir également parler des programmes d’aide et de coopération, ce qu'il ne pourrait pas faire dans le cadre actuel. Voilà pourquoi le ministre des affaires étrangères sera membre du Conseil après avoir été nommé exclusivement par celui-ci, ce qui pose là encore un intéressant problème de désignation, tout en siégeant au sein de la Commission pour les questions relevant de sa compétence.

Pour ce qui est enfin du droit d’initiative citoyenne, introduit par la convention et repris à juste titre dans le traité de Lisbonne, il faut qu’un grand mouvement d’opinion en Europe puisse obliger la Commission à agir, à condition que la pétition ait réuni un nombre élevé de signatures – encore que le chiffre d’un million représente 0,2 % des citoyens européens – réparties dans un certain nombre de pays.

En réponse aux questions posées par le président Axel Poniatowski, M. Valéry Giscard d’Estaing a indiqué qu’en matière diplomatique, le traité de Lisbonne ne change pas fondamentalement ce qui figurait déjà dans le traité de Maastricht. Il y est fait simplement quelques adjonctions : les attributions du Haut représentant et le fait que les missions seront plus opérationnelles. Dans le cadre du traité de Maastricht, on cherchait à élaborer une politique commune. Lorsque celle-ci est établie, ceux qui n’en sont pas partisans ne doivent pas la contredire et peuvent demander simplement à en être dispensés, ce qui n’a pas été fait jusqu’à présent. Ce sera vraisemblablement appliqué par le futur ministre des affaires étrangères. C’est ce qu’on peut, en tout cas, souhaiter.

La question de son service a été longuement débattue. A l’époque, M. Joschka Fischer, qui était ministre des affaires étrangères d’Allemagne, se voyait assez bien futur ministre des affaires étrangères européen. Il était donc très actif dans la discussion.

L’idée est qu’il faut qu’il y ait un service, une cellule, diplomatique auprès du ministre européen des affaires étrangères. Cette cellule devra inspirer ce que ce dernier a à faire au travers des relations bilatérales entre les Etats, c’est-à-dire proposer de mettre en œuvre les éléments de la politique étrangère commune. Elle sera probablement située à Bruxelles. Elle devra travailler avec les administrations nationales. Sous quelle forme ? On n’est pas allé très loin dans la définition. Ses membres seront vraisemblablement des membres détachés des ministères des affaires étrangères pour constituer un Etat-major, un staff, pour le ministre européen des affaires étrangères. Les diplomaties traditionnelles continueront d’exercer leurs attributions, c’est-à-dire la politique étrangère non communautaire – qui existe puisque la politique étrangère commune n’englobe pas tous les sujets. Il restera un réseau de relations bilatérales qui sera suivi par les ministres des affaires étrangères.

Il faut rappeler que les conseils des ministres des affaires étrangères qui se réunissent une fois par mois seront désormais présidés de façon stable par ce Haut représentant pendant cinq ans.

M. Lionnel Luca a remercié le président Giscard d’Estaing pour cette explication de texte claire, précise et honnête.

Dans le débat qui a eu lieu au sein de l’Assemblée sur la révision constitutionnelle nécessaire à la ratification du traité de Lisbonne, il a souvent été dit l’inverse de ce qu’il vient d’entendre pour justifier l’adoption parlementaire du traité. Il convient donc d’apprécier la rigueur de cette analyse.

Comme le traité de Lisbonne reprend à 98 % la substance du projet de traité constitutionnel, ne faut-il pas craindre qu’une adoption parlementaire n’engendre un malentendu entre l’opinion, qui a eu à s’exprimer il y a deux ans, et la représentation parlementaire, et – plus grave – avec la construction européenne telle qu’elle s’élabore ?

Deuxièmement, il est question, dans la prochaine réforme des institutions, de supprimer l’article 88-5 de la Constitution que le président Chirac avait fait inscrire, dans lequel il était précisé que tout élargissement futur, après l’adhésion de la Croatie, nécessiterait un référendum. Cette suppression va faire l’objet d’un débat. Que faut-il penser de cette éventualité ?

Enfin, après la description faite du futur président de l’Union européenne, M. Luca se demande si le président Giscard d’Estaing accepterait la fonction si un certain nombre de chefs d’Etat se tournaient vers lui et le sollicitaient.

M. Hervé de Charette a souhaité, sur la question de la ratification déjà posée par M. Luca, avoir l’avis du président Giscard d’Estaing d’un autre point de vue : le projet de traité constitutionnel ayant été soumis à référendum, est-il juridiquement et politiquement acceptable que la ratification du traité de Lisbonne soit autorisée par la voie parlementaire ?

Quant à la nécessité, en vertu de notre Constitution, de réviser celle-ci dès lors qu’un traité européen contient des dispositions qui la heurtent, cela signifie-t-il que la France est entrée dans une période de révision quasi-permanente de la Constitution ? N’existe-t-il pas des moyens juridiques, acceptables politiquement, d’éviter ce dispositif, en s’inspirant, par exemple, de la clause générale qui figure dans la loi fondamentale allemande ?

Pour ce qui est de l’ambition politique européenne, avec – sauf événement malheureux – la ratification du traité de Lisbonne, l’Europe va sortir d’une assez longue période de stagnation dans ce domaine. De quelle la façon la construction européenne devrait-elle reprendre son cours ?

M. Valéry Giscard d’Estaing a d’abord repris la question de savoir s’il était légitime de ratifier le traité de Lisbonne par voie parlementaire après le refus du texte précédent par référendum, et si cela n’allait pas engendrer une insatisfaction de la part de l’opinion.

Selon lui il faut traiter le sujet avec calme et sérénité ; cela devrait d’ailleurs être toujours le cas pour les grandes affaires politiques françaises.

Selon l’article 53 de la Constitution, la voie normale d’autorisation de ratification d’un traité est la voie parlementaire. C’est un progrès, une victoire républicaine, parce que les traités pouvaient être auparavant signés par les chefs d’Etat, les souverains. La Constitution dispose que certains d’entre eux ne peuvent l’être qu’après y avoir été autorisés par la loi, c’est-à-dire par la procédure parlementaire. Par ailleurs, dans l’article 11 de la Constitution, relatif au référendum, il est fait allusion aux traités. Il y est précisé que le Président de la République, sur proposition du gouvernement ou proposition conjointe des deux assemblées, peut décider de soumettre à référendum différents textes, dont éventuellement un traité.

Pourquoi le président de la République a-t-il soumis le traité portant constitution pour l’Europe à référendum ? Cela suivait une logique dans la mesure où l’on considérait qu’il s’agissait d’un acte constitutionnel, ce qui est d’ailleurs mon opinion. L’inconvénient, c’est que, ce texte comportant près de 300 articles, il suffisait qu’un seul de ces derniers déconcerte ou dérange quelqu’un pour qu’il dise non à l’ensemble. A moins que le travail d’élaboration ait été très long, la procédure du référendum est difficilement applicable sur un texte long et complexe, les « non » s’additionnant pour une raison ou pour une autre.

Ce qui a manqué au référendum français, c’est l’information : aux yeux de l’opinion, le texte n’avait pas été suffisamment élaboré en amont et la société civile, les forces économiques et les universités n’y avaient pas suffisamment été associées, contrairement à ce qui s’est passé en Espagne. Le travail ayant été fait, les Espagnols ont été d’accord et ont voté oui. Les Français avaient le sentiment qu’on leur demandait de dire oui à un texte qu’ils ne connaissaient pas bien.

Le texte d’aujourd’hui est différent, non dans les avancées institutionnelles mais dans l’approche puisque, au lieu d’être de tonalité constitutionnelle, il modifie les anciens traités. Cela fait une différence fondamentale. Si on se rapproche des anciens traités, on revient à l’article 53 de la Constitution française, selon lequel c’est normalement le Parlement qui se prononce, le président de la République pouvant, éventuellement, faire appel au référendum.

C’est ainsi que se pose le problème.

Certains réclament un référendum par scrupule juridique : pour voter dans un sens, après avoir voté dans un autre, il faudrait que ce soit selon la même procédure. A ceux-là, il faut répondre que ce n’est pas exactement le même texte : on passe d’un texte constituant homogène à un texte modificatif qui revoit les traités antérieurs. On peut donc adopter une procédure différente.

Cependant beaucoup plus nombreux sont ceux qui demandent un référendum parce que c’est la seule chance de faire échouer le texte. Ils prennent des positions morales très emphatiques mais, en réalité, ils savent que le texte sera normalement facilement adopté dans toute l’Europe par la voie parlementaire, alors que, par référendum, ils peuvent espérer que les citoyens se prononcent sur les 35 heures ou sur les retraites et, de ce fait, repoussent le projet.

La demande de référendum, chez certains, est honnête. Pour d’autres, c’est une opération politique pour essayer de faire rejeter le traité de Lisbonne.

Quant à la suppression de l’article 88-5 de la Constitution prévoyant un référendum en cas d’élargissement, ce serait une erreur. Cet article a été proposé par le président de la République ; il a fait l’objet d’un vote en Congrès. On ne voit pas les éléments qui conduiraient, quelques années plus tard, à revenir dessus.

La crainte était qu’on modifie cette clause à l’occasion de la révision préalable à la ratification. Cela n’a pas été le cas. Toutes les modifications proposées par le projet de loi ont été rendues nécessaires par la décision du Conseil constitutionnel sur le traité de Lisbonne. La modification de l’article 88-5 pourrait, éventuellement, être proposée dans la future réforme institutionnelle française. Mais la procédure suivra alors son cours et donnera l’occasion aux uns et aux autres de se prononcer sur chaque point.

Comme M. de Charette l’a souligné, la France est entrée dans une ère de révision, non pas quasi permanente, mais trop fréquente, de la Constitution. C’est une mauvaise chose. Pendant le mandat de trois présidents de la République, à savoir celui du général de Gaulle, celui de M. Pompidou et le sien, il y a eu, en tout, cinq modifications de la Constitution. Au cours des dernières années, il y en a eu plus d’une quinzaine.

Les constitutions doivent être des textes stables. C’est leur nature. Elles doivent donc être rarement modifiées.

Toutefois il y a une mécanique de modification qui est rendue nécessaire par l’Union européenne. Quand certaines modifications européennes sont incompatibles avec la Constitution, il faut bien modifier cette dernière.

Ce qui a été fait offre maintenant un cadre constitutionnel assez large et il ne semble pas nécessaire de procéder à des révisions fréquentes. Par ailleurs, il serait souhaitable que les institutions européennes, elles-mêmes, prennent l’habitude de la stabilité, c’est-à-dire qu’il n’y ait pas, tous les deux ans, des propositions, des inventions plus ou moins imaginatives qui conduisent à remettre en cause le système. Celui-ci a besoin, au sens juridique et humain, d’être consolidé et stabilisé. Cela limiterait les inconvénients évoqués.

M. Lionnel Luca a relevé que le président Giscard d’Estaing n’avait pas répondu à sa troisième question, sur une éventuelle candidature à la présidence de l’Union européenne.

M. Valéry Giscard d’Estaing a répondu qu’il ne l’avait pas entendue !

M. Michel Herbillon s’est demandé, ce qui se passerait dans l’hypothèse où, dans le processus de ratification parlementaire, un pays n’approuverait pas le traité de Lisbonne.

Deuxièmement, lors du référendum sur le projet de traité constitutionnel, il y a eu une mobilisation très forte des Français. Cela n’a pas abouti au résultat que les députés étaient nombreux à souhaiter, mais cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu autant de monde dans les réunions publiques, autant de livres dans les libraires et autant de débats jusqu’au sein des familles. Après le vote négatif, le soufflet est retombé. Qu’est-ce qui, dans l’évolution de l’Europe, pourrait à nouveau susciter une mobilisation de nos concitoyens ?

Selon le président Giscard d’Estaing, le nouveau texte traduit un recul de l’ambition politique européenne. Or c’est l’ambition politique qui peut mobiliser nos compatriotes, français comme européens. Le procédé parlementaire retenu – que M. Herbillon comprend et auquel il adhère –, l’abandon des symboles – qu’il n’accepte pas – ne contribuent pas à susciter l’adhésion des Français.

Enfin, le président Pompidou a dit qu’on ne tombe pas amoureux d’un taux de croissance. Comment va-t-on pouvoir tomber amoureux du traité de Lisbonne alors que, selon les termes mêmes employés par le président Giscard d’Estaing, c’est un catalogue de modifications dont la lecture est quasiment impossible ?

M. Jacques Myard s’est déclaré ravi de retrouver le président Giscard d’Estaing en ces murs. Bien qu’il ne soit pas d’accord avec lui, il approuve l’honnêteté intellectuelle de sa démarche. Cela lui fait plaisir de voir qu’il y a encore des hommes politiques qui y croient.

Au moment de l’élargissement, il avait été frappé, au cours d’une conversation privée qu’il avait eue avec le président Giscard d’Estaing, par sa pugnacité et par la sagacité de son analyse, montrant qu’il avait parfaitement compris que, lorsque l’Europe allait compter vingt-sept Etats – et peut-être trente dans peu de temps – il faudrait s’occuper des institutions. Il avait notamment dit : « Nous avons élargi l’Europe. Il faut maintenant faire autre chose. »

Or le problème de l’Europe aujourd’hui est qu’elle ne fait pas autre chose. Elle suit aveuglément une logique implacable qui poursuit la captation des compétences.

M. Myard a tenu à attirer l’attention sur le fait que le traité appelé de ses vœux par le président Giscard d’Estaing allait transférer à Bruxelles cinquante-quatre nouvelles catégories de compétences. Dans ces conditions, la notion de subsidiarité est vidée de sens.

Certes, il existe une possibilité de recours devant la Cour de justice, mais il est singulier de voir une assemblée parlementaire faire un recours devant une cour de justice ! Le mécanisme de subsidiarité est monté à l’envers parce que, quand on aura tout transféré, Bruxelles aura beau jeu de dire : « Trop tard. Tout est de ma compétence ! ».

Ensuite, chacun sait très bien que les coopérations renforcées ne se feront pas, car elles sont totalement bloquées. Avoir neuf États volontaires, l’aval du Conseil et l’accord de tous les autres pour pouvoir avancer est illusoire.

Par ailleurs, le président du Conseil européen n’aura aucun mandat national. M. Myard a souligné que ce sera un président « retraité » des réalités nationales, voire même battu ou écarté du pouvoir dans son pays.

Il est frappé par cette démarche technocratique qui fait qu’on ne se rend pas compte du décalage qui existe entre cette démarche – honnête sur le plan politique et qu’il convient de saluer – et le monde actuel, le monde politique des peuples et, surtout, avec quelque chose qui a complètement transformé l’Europe, à savoir la globalisation. En effet le monde est entré dans l’ère des puissances relatives au milieu desquelles l’Europe est dépassée.

Sur le point de savoir ce qui se passerait si un pays n’approuvait pas le traité de Lisbonne, M. Valéry Giscard d’Estaing a d’abord répondu que cela était prévu dans le texte : on se réunit pour voir. Le pays concerné sera sans doute mis en demeure de demander une situation d’exception ou de quitter l’Union.

En réalité, le seul pays pour lequel le problème pourrait se poser est le Royaume-Uni, puisque la Pologne a changé de ligne politique et que l’Espagne, qui était très opposée à la double majorité, l’a ensuite facilement acceptée. Il ne reste finalement que le Royaume-Uni, qui suit une ligne assez continue en ce domaine, et qui bénéficie déjà de trois exceptions, puisqu’il n’a adhéré ni à l’euro, ni à Schengen, ni à la charte des droits fondamentaux ; il n’applique pas non plus certains aspects de la politique judiciaire et policière commune.

Si M. Gordon Brown s’est engagé assez fortement en direction de l’Europe, c’est parce qu’il voit venir le péril. C’est en fait le « non » français qui a facilité la vie du Royaume-Uni. S’il n’y avait pas eu ce « non », tous les pays auraient ratifié, à l’exception, peut-être, d’un ou deux, et cela aurait fait apparaître l’isolement du Royaume-Uni. D’un autre côté, le « non » français a ouvert la boîte dans laquelle les Britanniques ont puisé un certain nombre de modifications du texte.

Dans le système à vingt-sept Etats, un « non » isolé n’empêchera pas l’adoption du texte. Il mettra en difficulté – difficulté qui devra être gérée avec le savoir-faire diplomatique – le ou les pays qui se mettraient en marge.

Pour ce qui est de l’opinion, elle ne se mobilise pas sur rien. Il faut une cause. Quelle est la nouvelle dimension de la nécessité européenne ? La France est trop petite. Un pays, même de 63,5 millions d’habitants, n’est pas à l’échelle des grands courants mondiaux. Il ne peut pas résister aux forces de la globalisation. Un ensemble de 500 millions d’habitants n’est pas considérable non plus, puisque cela fait moins de 10 % du système, mais a quand même un poids plus élevé.

En lisant la presse internationale on constate que, à propos des sujets économiques, sociaux et commerciaux, on ne parle que des positions européennes. On ne parle plus des positions nationales. Cela signifie que, le jour où l’opinion française comprendra qu’elle a, elle-même, une dimension européenne et que cette dimension la protège, lui permet de jouer un rôle, d’être représentée et d’influencer les décisions, elle se passionnera davantage pour les enjeux européens.

Cette passion devrait s’exprimer, le moment venu, à l’occasion des élections européennes. Ces dernières auront, en effet, des conséquences puisque le président de la Commission sera choisi en fonction des résultats des élections. Il devrait d’ailleurs également être choisi, non pas par la majorité et l’opposition qui se dégageront, mais en fonction de celles-ci. Les élections européennes entraîneront de fortes impulsions dans le système européen. Elles susciteront dès lors un intérêt.

Il est certain que le retour des symboles et l’affirmation d’une volonté politique forte, comme cela a été le cas au cours de deux ou trois périodes de l’histoire de la Ve République, aideraient à reconstituer cette mobilisation.

Le président Giscard d’Estaing a relevé que l’observation de M. Myard était injuste. Il est lui-même contre la conquête sournoise des compétences européennes. Cette méthode, choisie et acceptée pendant une dizaine d’années, constitue une dérive malsaine. Elle n’est pas démocratique et irrite l’opinion publique.

Les textes en cours – traité constitutionnel mais aussi traité de Lisbonne – s’efforcent d’arrêter cette dérive et il faut espérer qu’ils y parviendront.

D’abord, il y a une définition beaucoup plus précise des compétences. Il a même été souhaité qu’elle soit extrêmement rigoureuse. Elle l’est peut-être moins que le président Giscard d’Estaing l’aurait voulu, car il pensait, en effet, qu’on aurait pu mentionner à la fois les compétences européennes et, en regard, les compétences nationales pour que les gens voient bien que la santé, l’éducation, le système de protection sociale et la législation familiale appartiennent à ce second groupe. Pour des raisons de complexité et du fait de l’action des lobbies en ce domaine, on ne l’a pas fait.

Néanmoins, le texte sur les compétences est beaucoup plus précis. On a modifié l’article du traité de Rome qui permettait le glissement des compétences et créé une possibilité de contrôle par le Parlement, contrôle qu’il ne faut pas traiter avec dérision. On ne peut pas à la fois demander que le Parlement joue un rôle et, quand on lui donne un rôle, dire que cela ne sert à rien.

Les parlementaires recevront tous les textes. Le délai d’examen sera assez long pour permettre au Parlement de travailler. Si ces textes sortent des compétences européennes, comme pour le droit de la famille, le Parlement pourra s’y opposer. S’il considère qu’ils sont contraires à la subsidiarité, il suffira qu’un tiers des parlements nationaux partage cet avis.

M. Jacques Myard a souligné que la Commission jouait les États les uns contre les autres en permanence. « Depuis que j’ai commandé une armée de coalition », a dit Foch, « j’admire beaucoup moins Napoléon ! »

M. Valéry Giscard d’Estaing a relevé le regret de M. Myard, que le président de l’Union européenne, n’ait aucun mandat national. Il trouve au contraire cela judicieux Il serait grotesque d’avoir quelqu’un qui gère à la fois des affaires nationales et des affaires européennes. Cette disposition a été introduite contre la volonté de certains dirigeants politiques européens qui se voyaient bien être à la fois président de la République et président européen. Ce serait le conflit de fonctions à l’état pur.

Il a enfin souligné que si M. Myard estime que la vision de l’Europe qu’il a est décalée par rapport au monde moderne, celle de M. Myard l’est encore davantage.

M. Jacques Myard a relevé qu’il s’agissait d’une réponse facile, mais l’avenir dira le contraire !

M. Valéry Giscard d’Estaing lui a rétorqué qu’il concevait l’adaptation au monde moderne par la marche arrière alors que lui estime qu’on s’y adaptera par la marche avant.

M. Jacques Myard a estimé que c’était une fuite en avant !

Mme Chantal Brunel a demandé au président Giscard d’Estaing s’il croyait possible, au moment où un débat s’instaure sur l’euro, en particulier avec l’Allemagne, d’améliorer la gouvernance économique de l’Europe et ses relations avec la Banque centrale européenne.

Par ailleurs, le président Nicolas Sarkozy a souligné que l’absence de référence aux valeurs chrétiennes dans le traité constitutionnel a été l’un des facteurs qui a conduit à la victoire du « non » au référendum dans notre pays. Mme Brunel a souhaité connaître la position du président Giscard d’Estaing sur ce sujet.

M. Claude Gatignol a relevé que le président Giscard d’Estaing a souligné, la complexité du texte et le côté peu encourageant de sa présentation, qui dissuadent d’en faire une lecture quotidienne. Alexis de Tocqueville avait, lui-même, vanté la simplicité de certaines autres constitutions, tout particulièrement la lisibilité du texte de la constitution des Etats-Unis d’Amérique. Est-il possible de parvenir un jour à une présentation plus claire, plus lisible, qui faciliterait l’adhésion populaire à ce texte ?

Certains ont dit que la troisième partie du traité constitutionnel, à savoir les politiques européennes, avait fait l’objet de grands débats à la convention. Cela conditionne aussi la perception de l’opinion publique. Une grande politique européenne, la politique agricole commune, traitée d’ailleurs avec grand succès, a entraîné l’adhésion majoritaire de la population vivant de l’agriculture. La nouvelle configuration peut-elle amener à plus d’efficacité dans le domaine – ô combien important ! – de l’énergie ? Peut-on espérer un jour une politique énergétique commune ?

Enfin, l’application des nouvelles dispositions du traité de Lisbonne aura-t-elle une conséquence sur l’élection future du Parlement européen ?

M. Pierre Forgues a relevé l’affirmation du président Giscard d’Estaing selon laquelle l’Europe était trop petite, dans une économie mondialisée. D’autres le pensent également. Cette constatation peut-elle être un élément déterminant pour favoriser l’élargissement de l’Europe à la Turquie ou à l’Ukraine, pour ne citer que ces deux pays ?

M. Valéry Giscard d’Estaing a insisté sur le fait que le débat sur l’euro n’est pas lié à la question du traité de Lisbonne. Il est d’ailleurs intéressant de le noter parce que le traité reprend intégralement et au mot près les dispositions du traité de Maastricht sur l’union économique et monétaire. C’est en particulier le cas de l’indépendance de la banque centrale et du fait que la politique monétaire est conduite par la Banque centrale européenne et relève de sa responsabilité.

La politique monétaire ne peut pas ignorer la situation économique. D’ailleurs, elle ne l’ignore pas mais elle est actuellement évaluée uniquement par la Banque centrale européenne alors qu’aux Etats-Unis, où les règles sont les mêmes, il y a une communication régulière entre le président de la Banque centrale, le ministre du Trésor et les commissions parlementaires. L’information circule et la politique monétaire est moins unilatérale.

Il faut remarquer que les problèmes actuels en Europe proviennent non de l’euro mais du dollar. L’Europe se trouve, hélas, dans une situation économique un peu trop stable. Elle n’envoie pas d’impulsions fortes dans le domaine monétaire. Les impulsions viennent de l’extérieur. Il est néanmoins souhaitable d’améliorer la gouvernance économique.

Dans le projet constitutionnel, il avait été prévu une amélioration du fonctionnement de la zone euro, en particulier par l’institution d’un président stable. Cela a été appliqué par anticipation. Le président de l’Eurogroupe est actuellement M. Juncker, Premier ministre en exercice du Luxembourg.

La difficulté tient au fait qu’il faut arriver à affirmer cette politique économique vis-à-vis des Etats, puisque ces derniers restent maîtres de la politique budgétaire et fiscale. Des progrès ont été réalisés, mais ils sont limités. La France elle-même n’applique pas scrupuleusement toutes les orientations et décisions macro-économiques que l’Europe lui propose.

Il s’agit d’un effort collectif et il est indispensable d’avancer en ce domaine. L’institution de l’Eurogroupe, avec une présidence stable, et la fixation de grandeurs économiques chaque année devraient le permettre. La France devrait essayer de se rapprocher de la norme. Il ne faut pas oublier qu’elle détient le record du déficit budgétaire et du chômage en Europe.

Un débat a eu lieu, à la Convention, sur une référence aux valeurs chrétiennes dans la constitution européenne. La difficulté vient de ce qu’il y a des expressions différentes. Les Anglo-saxons parlent de racines judéo-chrétiennes parce que, dans la lecture protestante, la Bible est presque aussi importante que l’Evangile. Or, si l’on parle de racines judéo-chrétiennes, il faut également, puisqu’il y a d’importantes minorités musulmanes en Europe, mentionner l’islam.

Si l’on commençait à dénommer les religions, on se mettait dans une situation très difficile. C’est pourquoi le président Giscard d’Estaing avait proposé, dans le Préambule du traité constitutionnel, la rédaction suivante : «S’inspirant des héritages culturels, religieux » – ce qui n’a jamais été dit dans un texte public français, notamment dans la Constitution – « et humanistes de l’Europe, dont les valeurs, toujours présentes dans son patrimoine, ont ancré […] ». Ces « valeurs toujours présentes dans son patrimoine » sont manifestement les valeurs chrétiennes. C’était une façon de décrire ces dernières sans les nommer pour ne pas « antagoniser » d’autres familles d’esprit. Or cette référence a disparu dans le traité de Lisbonne. Il y a donc un recul sur ce point, que personne n’a relevé. Cela montre bien que c’est un texte qui a été fait dans une culture bureaucratique plus que politique.

Il convient également de souligner qu’il y a eu un vote sur la référence aux valeurs chrétiennes au Praesidium de la convention, à partir d’un amendement espagnol. Le relevé de ce vote est assez curieux : le président Giscard d’Estaing a voté pour, les Belges et les Allemands aussi. Les Français ont voté contre. Il faut donc être prudents quand on prend des positions sur ce sujet.

Arrivera-t-on un jour à une présentation plus claire du traité ? Evidemment oui.

Il n’y avait aucune raison de garder deux traités. S’ils n’ont pas été fusionnés, c’est parce que les juristes du Conseil avaient une arrière-pensée en tête : ils voulaient qu’il y eût des procédures de révision différentes, une très difficile pour le traité sur l’Union européenne et une plus facile pour le traité sur le fonctionnement de l’Union. Cela a été refusé puisqu’on a finalement retenu la même procédure de révision pour les deux traités. Il n’y a plus de raison d’avoir deux traités. Après les élections européennes, dans une atmosphère de sérénité, on pourra décider de revenir à un texte unique, dans lequel seront repris, dans une seule lecture continue, les deux textes actuels.

La nouvelle configuration permettra-t-elle d’avancer sur la voie de certaines politiques communes ? Probablement, mais il faut qu’il y ait la volonté politique pour cela. Cette volonté n’apparaît pas à l’heure actuelle en matière énergétique. Les Allemands ont conclu une opération avec les Russes pour acheminer le gaz par pipeline au-dessous de la mer Baltique. Les Italiens se sont félicités récemment – et ont fait de grandes manifestations de joie, auxquelles l’Europe n’a pas été associée – de la construction d’un futur pipeline en provenance de la mer Caspienne.

S’il y a un président déterminé et actif et une pression de l’opinion publique, il y aura un système institutionnel qui permettra de mieux poser le problème et d’aboutir à des solutions plus opérationnelles.

Tant que les institutions sont aussi molles, il est impossible de prendre des décisions : un Conseil européen à vingt-sept membres se réunissant quatre fois par an ne peut pas décider grand-chose. Il commence par un tour de table. A partir du sixième ou septième orateur, personne n’écoute plus et, à partir du vingtième, on ne se rappelle plus qui a parlé en premier. Il faut structurer l’ensemble. Le traité de Lisbonne est un premier effort en ce sens.

Cela étant, il faudra parler bientôt – du moins peut-on l’espérer – de l’après-Lisbonne, et il y aura encore des chantiers à mener. Il est absolument indispensable de réformer les méthodes de travail du Conseil : il faut un bureau, une présidence permanente.

Le préalable institutionnel permettra d’aborder les grands dossiers dans de meilleures conditions. Encore faut-il qu’il y ait la volonté politique d’aboutir.

Il n’y a pas de dimension optimale dans le monde moderne, mais il est des dimensions qui permettent, ou non, d’avoir une influence. Quand les Européens votent ensemble, ils représentent, aux Nations unies, un groupe très important. Ils pèsent beaucoup moins quand ils votent séparément. Dans les affaires commerciales internationales, si les Européens décident ensemble de prendre des sanctions ou d’imposer un certain nombre de limitations, cela fait reculer les autres. S’ils le décident isolément, l’influence est moindre.

L’Europe du continent européen représente, à l’heure actuelle, une échelle suffisante. Elle n’a pas besoin d’élargissement en tant que tel – il peut y en avoir pour des raisons politiques – car celui-ci se fait toujours vers des pays moins développés et au niveau de vie inférieur, ce qui diminue l’impact du système. On serait bien inspiré de maintenir une composition de l’Europe assez stable pour la période qui vient. On verra, dans le monde d’après-demain, si cela doit changer. Pour l’instant, dans le monde de demain, la dimension de l’Europe actuelle paraît adaptée.

Le président Axel Poniatowski a remercié le président Giscard d’Estaing.

Audition de M. Reinhard Silberberg,
Secrétaire d’État allemand aux affaires étrangères, le 22 janvier 2008

Le Président Axel Poniatowski a remercié M. Reinhard Silberberg, secrétaire d’Etat allemand aux affaires étrangères, d’avoir accepté l’invitation de la commission des affaires étrangères en ce jour de célébration du 45e anniversaire du traité de l’Elysée.

Compte tenu du caractère privilégié de la relation franco-allemande dans la construction européenne, il a déclaré qu’il était particulièrement intéressant de recueillir son analyse sur l’avenir de l’Europe et sur les changements proposés par le traité de Lisbonne, mais que d’autres sujets d’intérêt communs pourraient également être évoqués.

M. Reinhard Silberberg, secrétaire d’Etat allemand aux affaires étrangères, a souligné combien la coopération franco-allemande avait toujours été le moteur de la construction européenne et que cela n’avait pas changé. Il a rappelé la volonté commune exprimée il y a cinq ans, lors de la commémoration du 40e anniversaire du traité de l’Élysée, d’approfondir cette coopération tant sur le plan bilatéral que sur la scène européenne et internationale. Il a toutefois insisté sur le caractère non exclusif de la relation franco-allemande.

Puis il a évoqué les grandes étapes de l’histoire de la construction européenne et s’est félicité des succès que sont notamment le marché intérieur et la monnaie unique. Les bases d’une politique étrangère et de sécurité commune ont également été jetées, tandis que l’Europe progresse dans le domaine de la défense et sur les sujets relatifs à l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Mais cela fait des années que les limites inhérentes au fonctionnement institutionnel de l’Union handicapent l’Europe pour défendre au mieux ses intérêts dans la mondialisation, en particulier face aux nouvelles puissances que sont aujourd’hui la Chine et l’Inde et que seront demain le Brésil et l’Indonésie. Ce monde globalisé offre de nouvelles opportunités mais suscite également de nouvelles menaces liées au terrorisme, à la prolifération et, sur le plan économique, aux distorsions de concurrence à l’échelle internationale.

M. Reinhard Silberberg a estimé que le traité de Lisbonne représentait une réponse adaptée au défi institutionnel de l’Union et que ce texte portait la marque de la coopération franco-allemande. Nos deux pays ont en effet tiré les enseignements des difficultés rencontrées lors du Conseil européen de Nice de décembre 2000. Le traité de Lisbonne garantira un fonctionnement plus efficace et plus démocratique de l’Union grâce à une meilleure participation des citoyens à la construction européenne.

Il a alors évoqué les principales avancées institutionnelles du traité de Lisbonne, qui concernent :

– l’instauration d’une présidence stable du Conseil européen qui renforcera la visibilité de l’action de l’Union et permettra à l’Europe de mieux faire valoir ses intérêts dans la mondialisation ;

– la création d’un Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui sera également vice-président de la Commission européenne. La mise en place d’un service européen d’action extérieure, sur lequel s’appuiera ce Haut Représentant, contribuera à renforcer la cohérence de l’action extérieure de l’Union ;

– la réduction de la taille de la commission, à compter de 2014 ;

– la définition d’une nouvelle règle de « double majorité » – qui a longtemps été un point de désaccord franco-allemand – et son extension à de nombreux domaines jusqu’à présent régis par le vote à l’unanimité.

S’exprimant sur l’avenir de la politique européenne de défense et le rapprochement de la France avec l’OTAN, il a indiqué qu’il s’agissait d’une question très débattue en France. L’Allemagne est prête à apporter son soutien pour contribuer au rapprochement avec l’OTAN et le développement d’un pilier européen de politique de sécurité et de défense commune.

M. Reinhard Silberberg a ensuite apporté des précisions sur l’état d’avancement du processus de ratification du traité de Lisbonne, indiquant que l’examen parlementaire par le Bundesrat et le Bundestag devrait être achevé d’ici au mois de mai. Il reviendra à la présidence française de l’Union européenne du second semestre 2008 de préparer l’entrée en vigueur du traité en précisant notamment le rôle du président du Conseil européen et l’architecture du futur service européen d’action extérieure. D’importantes décisions devront également être prises lors du Conseil européen de décembre 2008 s’agissant des nominations aux nouvelles fonctions prévues par le traité. M. Reinhard Silberberg a assuré à la France le plein soutien de l’Allemagne pour mener à bien ce travail préparatoire.

La présidence française de l’Union est très attendue et devra permettre à l’Union de progresser sur des sujets essentiels tels que la politique européenne d’immigration ou les questions de sécurité et de défense avec la mise à jour de la stratégie européenne définie en 2003. Evoquant le dossier de la lutte contre le changement climatique, il a souhaité que des décisions soient prises avant les élections européennes de juin 2009.

Le Président Axel Poniatowski a interrogé le secrétaire d’Etat sur trois sujets. Il lui a tout d’abord demandé s’il partageait les critères de désignation du futur président du Conseil européen tels que les a définis le Président Valéry Giscard d’Estaing lors de son audition par la commission des affaires étrangères, à savoir :

– être en phase avec la future majorité du Parlement européen – et donc désigné après les élections européennes – ainsi qu’avec la majorité de son propre pays ;

– appartenir à un État qui respecte tous les engagements européens concernant l’euro, les accords de Schengen et la charte des droits fondamentaux ;

– s’efforcer de parler le français, l’anglais et l’allemand.

Puis il l’a interrogé sur l’idée d’Union méditerranéenne lancée par le Président Nicolas Sarkozy et qui donnera lieu à un sommet à Paris, le 13 juillet prochain. La commission des affaires étrangères a récemment adopté, à l’unanimité, un rapport d’information dans lequel elle propose un mode d’organisation possible d’une Union méditerranéenne fondée sur une logique de projets. Comment cette idée d’Union méditerranéenne est-elle accueillie en Allemagne ? Les précisions apportées ces dernières semaines par le Gouvernement français et par le Parlement sont-elles de nature à convaincre les autorités allemandes du bien fondé de ce projet ?

Enfin, alors qu’est célébré le 45e anniversaire du traité de l’Elysée, le Président Axel Poniatowski a interrogé le secrétaire d’Etat sur sa vision de l’avenir du couple franco-allemand et sur les nouvelles impulsions politiques qu’il pourrait donner à la construction européenne.

M. Reinhard Silberberg a indiqué qu’il ne se prononcerait pas sur les critères de choix du président du Conseil européen avancés par M. Giscard d’Estaing. Toutefois, l’un d’entre eux s’impose de toute évidence : le futur Président devra être au-dessus de tout soupçon s’agissant de la sincérité de son engagement européen. Concernant les compétences linguistiques demandées par l’ancien Président de la République française, celles-ci ne sont sans doute pas une condition sine qua non. En revanche, il est clair que la personnalité choisie devra comprendre les particularités, tant politiques que diplomatiques, de la France, de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne. Pour ce faire, la maîtrise des langues peut être un atout.

Il est, de toute façon, encore trop tôt pour se prononcer sur les personnalités les plus à même de remplir cette fonction. Dans le cadre de sa présidence du Conseil, la France devra mener les consultations nécessaires afin qu’une décision puisse être prise au plus tard lors du Conseil européen de décembre 2008. La proposition d’un candidat par l’Allemagne est de la seule responsabilité de la chancelière Angela Merkel et de son ministre des affaires étrangères. Il n’en reste pas moins que, pour le moment, aucune spéculation concernant un éventuel candidat allemand n’a émergé.

La question de la création d’une Union méditerranéenne est plus complexe. L’Allemagne s’est depuis longtemps engagée en faveur du renforcement de la politique étrangère de l’Union européenne. Elle a donc été surprise qu’un Etat membre propose de renforcer les relations de certains Etats membres avec des pays du Sud dans un cadre qui ne garantisse pas un rôle égal pour les autres pays de l’Union européenne. Depuis le Traité de Maastricht, la France et l’Allemagne ont œuvré ensemble pour un cadre institutionnel unique de la politique extérieure. C’est dans ce cadre de l’Union que doivent être défendus nos intérêts communs. La proposition française a donc suscité l’étonnement en ne tenant pas compte de ce principe. Les précisions apportées par la suite ont permis de calmer certaines inquiétudes. D’abord, le projet d’Union méditerranéenne est entendu comme complémentaire au processus euro-méditerranéen, dit « de Barcelone ». En second lieu, l’Allemagne a été rassurée par le fait que l’Union méditerranéenne sera fondée sur des projets concrets ouverts à tous les membres de l’Union européenne sur la base d’un simple volontariat.

La participation de l’ensemble des membres de l’Union européenne au projet d’Union méditerranéenne s’imposait de toute façon. D’abord, tous les Etats membres ont développé des relations bilatérales avec des Etats méditerranéens, comme c’est aussi le cas pour l’Allemagne. Les relations bilatérales abordent presque la totalité des domaines politiques, à savoir l’énergie et l’environnement. Enfin, les tendances en matière de recrutement des terroristes requièrent une coopération renforcée avec le bassin méditerranéen, sujet également de préoccupation commune au sein de l’Union européenne.

Enfin, le couple franco-allemand est, au-delà de ce qui peut en être dit dans la presse, la coopération de la plus grande ampleur qui existe actuellement. Des contacts sont recherchés à tous les niveaux, quel que soit le sujet abordé. Aucun risque majeur ne pèse sur l’avenir du partenariat entre ces deux pays, et celui-ci continuera à œuvrer aux progrès de la construction européenne. La France et l’Allemagne sont les Etats européens qui ont le plus intérêt à la voir aboutir.

M. Jacques Myard a souligné que la vision développée par le secrétaire d’Etat était empreinte d’allant et d’optimisme, ce qui était réjouissant pour l’avenir du couple franco-allemand. Toutefois, l’évolution que représenterait l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne n’est pas souhaitable dans le cadre d’une Union européenne comportant vingt-sept membres voire trente dans un futur proche. S’agissant de la politique étrangère, ce traité confirme la primauté de l’organisation du traité de l’Atlantique Nord sur la mise en œuvre d’une politique étrangère européenne autonome et indépendante. De plus, le fait que le président du Conseil européen ne puisse pas être titulaire d’un mandat exécutif national le prive de la légitimité nécessaire pour faire partager ses vues par des chefs d’Etats en exercice. Enfin, le traité de Lisbonne transfère trop de compétences à l’Union européenne, amplifiant dès lors la thrombose dont celle-ci souffre déjà.

Une coopération européenne toujours plus importante est pourtant nécessaire. La France et l’Allemagne ont des intérêts communs, nombreux, et parfois des intérêts divergents. Par ailleurs, s’il est effectivement nécessaire d’intégrer les particularités françaises, allemandes et britanniques dans les débats sur l’avenir de l’Europe, il faut alors tenir compte du fait que les Anglais refuseront de disparaître dans une construction fédérale. Le traité de Lisbonne, parce qu’il ne permet pas de doter l’Europe de la souplesse de fonctionnement dont elle a pourtant un si grand besoin aujourd’hui, marque donc un recul dans l’histoire de la construction d’une Europe pacifiée et unie.

M. Reinhard Silberberg a estimé que le traité de Lisbonne, loin de créer un problème, apportait une solution aux difficultés que rencontre l’Europe pour s’affirmer au niveau international. A l’égard de l’OTAN, le traité ne modifie pas les dispositions des traités antérieurs.

L’Allemagne et les Länder sont satisfaits des avancées que comporte le traité en faveur de la subsidiarité. Il établit une liste claire des compétences de l’Union, d’une part, et renforce le rôle des Parlements nationaux en matière de contrôle du respect du principe de subsidiarité d’autre part. Le traité sera très probablement approuvé à l’unanimité par le Bundesrat.

L’opposition entre deux conceptions de l’Europe, l’une intégrationniste, l’autre reposant sur une coopération plus souple est aujourd’hui vaine. En mettant un terme au débat institutionnel qui a paralysé l’Europe pendant dix ans, le traité de Lisbonne permet de s’intéresser enfin aux questions de fond.

S’appuyant sur les propos tenus par le président Valéry Giscard d’Estaing lors de son audition par la commission, M. Jean-Paul Bacquet a interrogé le Secrétaire d’Etat sur quatre points : le traité de Lisbonne constitue t-il un recul de l’ambition politique ? La satisfaction des exigences britanniques a-t-elle été l’objet de la moitié des modifications introduites par le traité ? En quoi le traité diffère t-il de la Constitution européenne ? Quelles sont les conséquences pour l’adhésion des citoyens au projet européen de la disparition de la référence aux symboles de l’Union ?

M. Reinhard Silberberg a fait valoir que l’Allemagne était favorable à l’inscription des symboles de l’Union dans le traité. Cette référence permettait notamment de remédier au défaut d’identification des citoyens vis-à-vis de l’Union européenne. Seize pays, dont l’Allemagne, ont néanmoins souligné l’importance que revêt cette question en signant une déclaration par laquelle ils reconnaissent les symboles de l’Union.

Le traité de Lisbonne diffère par nature de la Constitution européenne puisqu’il modifie les traités existants au lieu de s’y substituer. Établi sur des bases politiques nouvelles, il résulte de concessions réciproques nécessaires. Si l’opting out ne constitue pas une solution satisfaisante, il demeure préférable à un échec du traité condamnant tout progrès de l’Europe. En outre, la Grande-Bretagne n’était pas le seul Etat membre à demander des modifications.

Le traité met en œuvre un ensemble d’instruments efficaces et transparents pour agir au sein de l’Union et sur la scène internationale. En améliorant la lisibilité de la politique européenne, le traité favorise l’adhésion des citoyens à celle-ci. Il facilite également la défense des intérêts européens au plan international dès lors que ceux-ci seront définis. Il est temps de se consacrer aux questions qui préoccupent les citoyens.

M. Jean-Louis Christ a rappelé que l’Allemagne participait à plusieurs forces opérationnelles de l’Union européenne et a indiqué qu’il avait cru comprendre que l’Allemagne et le Royaume-Uni étaient sur le point de contribuer aussi à la mission des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour (MINUAD). Est-ce le cas ? En quoi la contribution de l’Allemagne va-t-elle consister ?

Il ne fait aucun doute que la prospérité de l’Europe passe par l’intégration économique de l’Afrique. Le secrétaire d’Etat pense-t-il que cette intégration puisse se faire par le seul moyen du développement des échanges bilatéraux ou qu’il faille privilégier les relations multilatérales, notamment par l’intermédiaire du Fonds européen de développement (FED) ?

M. Reinhard Silberberg a confirmé que le Bundestag avait approuvé le projet de participation de l’Allemagne à la mission hybride au Darfour. L’Allemagne propose de lui fournir des moyens de transports, comme elle le fait déjà pour d’autres opérations des Nations unies. Les pays africains manquent en effet de capacités dans ce domaine. Les réticences du Président Béchir vis-à-vis de la participation de troupes européennes à cette mission ont déjà conduit au retrait de la participation de la Norvège et la Suède. Elles contribuent à retarder la mise en place de la mission hybride, ce qui est d’autant plus problématique que la situation humanitaire continue à se dégrader. Chaque processus d’intermédiation devrait inclure l’ensemble des groupes rebelles, ce qui n’a jamais été le cas jusqu’ici. La mission hybride doit absolument inspirer le respect afin d’éviter que les forces soudanaises s’attaquent à nouveau à elle.

En ce qui concerne la coopération économique avec l’Afrique, le développement des échanges bilatéraux et le recours au FED ne constitue pas une alternative. Le FED est richement doté et très utile pour étayer le partenariat entre les deux continents. L’Union européenne doit se présenter unie vis-à-vis de l’Afrique mais chaque Etat membre doit contribuer au rapprochement des deux continents. Il faut en effet maintenir les relations bilatérales séculaires qui existent entre certains Etats membres et certains pays africains. Les deux niveaux sont nécessaires et doivent être mieux coordonnés.

Revenant sur la question du futur président stable du Conseil européen, M. François Loncle a demandé au secrétaire d’Etat s’il était d’accord avec les critères de choix énoncés par le Président Giscard d’Estaing, à savoir la désignation d’une personnalité politique issue d’un Etat membre de la zone euro, faisant partie de l’espace Schengen et ayant accepté la charte des droits fondamentaux.

Bien que le secrétaire d’Etat a indiqué que tout allait bien pour le « couple » franco-allemand, que M. François Loncle a préféré qualifier de « moteur » franco-allemand, la réalité semble plus nuancée. La presse peut certes se tromper lorsqu’elle déplore la dégradation des relations franco-allemandes mais les parlementaires allemands qui représentent leur pays à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe expriment aussi le sentiment que le climat est moins bon qu’à l’époque où étaient au pouvoir Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt, François Mitterrand et Helmut Kohl, ou Jacques Chirac et Gerhard Schröder. Ce sentiment n’est pas seulement le résultat de relations humaines moins chaleureuses entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. D’où provient-il ?

M. Reinhard Silberberg a rappelé que depuis près de vingt ans qu’il s’occupe de relations franco-allemandes dans le cadre européen, il a toujours entendu les commentaires de la presse sur la dégradation de leur qualité. Les rapports entre le Président Giscard d’Estaing et le Chancelier Schmidt comme les relations entre le Président Mitterrand et le Chancelier Kohl ont également connu des débuts difficiles. Cela n’a jamais mis en danger une coopération bilatérale dont les deux pays sont très conscients du caractère essentiel, lequel dépasse d’ailleurs le strict domaine de la construction européenne : la gestion du dossier iranien en est un exemple. Il y a toujours eu des sujets sur lesquels il était difficile de trouver une position commune : c’est le cas de la politique agricole commune mais aussi des négociations financières qui ont souvent été difficiles mais se sont toujours conclues par un accord. Il en sera certainement de même pour l’Union méditerranéenne à propos de laquelle les points de divergence existants ont été repris par la presse. La qualité du dialogue franco-allemand nécessite une volonté commune permanente à tous les niveaux afin que les deux pays relèvent ensemble les nouveaux défis auxquels ils sont confrontés.

Pour ce qui est des critères à respecter dans le choix du futur président stable du Conseil européen, l’Allemagne suit avec intérêt les discussions qui ont lieu en France. A titre personnel, M. Silberberg a fait remarquer qu’il est difficile d’imaginer que le représentant de l’Union européenne au G8 soit originaire d’un pays dont la monnaie n’est pas l’euro. Il ne serait en effet guère crédible. Les conditions soulignées par le Président Giscard d’Estaing lui apparaissent donc raisonnables.

Se félicitant de l’évocation d’un couple franco-allemand uni et solide, Mme Martine Aurillac a fait observer que la relation entre les deux pays, si elle était forte, n’en était pas moins empreinte d’inquiétudes et de divergences. Tel est notamment le cas en ce qui concerne le projet d’Union méditerranéenne qui, s’il est ambitieux, n’en reste pas moins un projet ouvert, qui n’exclut aucun pays de l’Union européenne. D’autres sujets font l’objet de divergences comme la politique agricole commune, la question du nucléaire civil, le pilotage de la politique monétaire ainsi qu’en matière de politique extérieure, les relations avec la Russie. A cet égard, elle a souhaité recueillir le sentiment du secrétaire d’Etat sur le contenu de ces relations ainsi que sur leurs perspectives.

Evoquant la politique monétaire de l’Union européenne, M. Reinhard Silberberg a insisté sur la difficulté qu’avait rencontrée à l’époque le Chancelier Helmut Kohl pour faire accepter l’euro par les Allemands. Il ne faut, en effet, pas oublier que les Allemands ont été profondément marqués par les effets néfastes d’une inflation excessive, à laquelle ils ont été confrontés à deux reprises au cours du XXème siècle : en 1923, tout d’abord, puis, après la seconde guerre mondiale. La mémoire de ces événements est essentielle pour comprendre le profond attachement du peuple allemand à l’existence d’une banque centrale indépendante. Elle explique la condition d’indépendance de la Banque centrale européenne (BCE), posée par l’Allemagne lors de son adhésion à l’euro et au traité de Maastricht. Certes, la réévaluation forte de l’euro peut susciter des inquiétudes mais ces fluctuations d’unité d’échange ont toujours existé. Aujourd’hui, l’euro représente une devise de réserve, utilisée pour de nombreuses transactions comme l’achat de matière premières, ce dont les Européens peuvent être fiers. Si les positions de la BCE peuvent être critiquées, elle n’en doit pas moins rester indépendante. Il s’agit d’une condition essentielle posée par l’Allemagne, qui est au cœur de l’accord politique, trouvé à l’époque, entre les partenaires de l’Union européenne.

S’agissant des relations avec la Russie, le secrétaire d’Etat a considéré que l’exercice était compliqué mais que ce pays constituait un partenaire stratégique pour la paix et la stabilité en Europe. Pendant longtemps, la Russie a été confrontée à d’importantes difficultés économiques et financières mais, aujourd’hui, elle entend reconquérir son rang de puissance. Son attitude vis-à-vis de l’Estonie l’année dernière ou la suspension des activités du British Council à Saint-Pétersbourg et Ekaterinbourg montrent que cette politique peut être à l’origine de fortes tensions. Dans ce contexte, l’Europe doit parler d’une seule voix et rester ferme vis-à-vis de la Russie. Dans le même temps, elle doit veiller à préserver le dialogue avec ce partenaire stratégique pour la paix et la sécurité sur le continent.

Au-delà de cette question importante des relations entre l’Union européenne et la Russie, M. Daniel Garrigue s’est interrogé sur le cadre dans lequel le projet américain de défense anti-missiles devait être traité : s’agit-il d’une question qui ne concerne que les Américains ou qui doit être abordée au sein de l’OTAN ou encore dans le cadre de la politique européenne de défense ? Puis, il a évoqué la question des fonds souverains. A l’heure où les activités de ces fonds sont au cœur des préoccupations de nombreux dirigeants européens – dont la Chancelière allemande Angela Merkel –, comment l’Union européenne peut-elle s’organiser pour les contrôler ? Compte tenu du défi que ces fonds représentent, quels instruments pourraient être envisagés à l’échelle européenne ?

Reconnaissant que les fonds souverains sont aujourd’hui très puissants, M. Reinhard Silberberg a estimé qu’ils représentaient effectivement un défi non seulement pour les économies nationales, mais également pour l’économie européenne. Toutefois, ces fonds sont de nature très différente. A titre d’exemple, il existe un fonds norvégien, alimenté par les revenus pétroliers du pays, qui investit dans le secteur de la construction automobile en Allemagne. Dans ce cas, un fonds souverain peut représenter une opportunité. En revanche, tel n’est pas le cas d’un fonds qui investirait dans les mêmes conditions pour procéder à des transferts de technologie illégaux. Un autre exemple est celui des fonds provenant des Emirats arabes unis. Parce qu’ils ne sont pas soupçonnés de transferts illicites de technologie, ils sont accueillis favorablement. Pourtant, les Etats-Unis ont réagi de manière très négative au projet de gestion de leurs ports par ces fonds. Il convient donc de rester attentif, tout en faisant la part des choses, c’est-à-dire en privilégiant une approche du cas par cas.

En ce qui concerne le projet américain de défense anti-missiles, il a indiqué qu’il s’agissait d’un projet propre aux Etats-Unis. Si des négociations ont été engagées avec certains pays, comme la République tchèque ou la Pologne, il n’en reste pas moins indispensable que ce projet fasse l’objet d’une concertation au sein de l’OTAN. La mise en place de ce système de défense doit être discutée dans cette enceinte et non faire l’objet de décisions individuelles. Cette dernière approche menace, en effet, un des principes essentiels de l’OTAN qui est celui de l’absence de zones de sécurité différenciées : si le système de défense anti-missiles proposé par les Etats-Unis était mis en place, les pays du sud de l’Europe formant un arc entre la Turquie et l’Espagne ne seraient pas protégés. Il faudrait donc réfléchir, au sein de l’OTAN, à la création d’un système complémentaire permettant de maintenir le même niveau de protection pour tous les Etats. Une démarche reposant sur le dialogue et la coopération avec la Russie est la seule option viable, ce qui a été plaidé auprès des Etats-Unis, l’année dernière. Malheureusement, les prochaines élections américaines et russes viennent aujourd’hui freiner ce processus qui doit absolument être préservé à l’avenir.

Manifestant sa perplexité sur cette position vis-à-vis de l’OTAN, M. Jacques Myard a, par ailleurs, estimé que les grandes crises économiques de nature systémique avaient été le résultat de l’indépendance des banques centrales, qui manquaient de vision à long terme. Au-delà de cet aspect, il a souhaité connaître la position de l’Allemagne sur la conduite de la politique industrielle au niveau européen.

En désaccord avec le jugement exprimé au sujet du rôle des banques centrales en cas de crise, M. Reinhard Silberberg a jugé que la France et l’Allemagne avaient un intérêt commun à l’existence d’une politique industrielle à l’échelle européenne, afin notamment de ne pas réduire leur économie à une simple économie de services. Dans ces conditions, on ne peut qu’être favorable à une coopération franco-allemande en matière industrielle, fondée, naturellement, sur une relation équilibrée.

Audition, commune avec la délégation pour l’Union européenne,
de M. Pierre Sellal, représentant permanent de la France
auprès de l’Union européenne, le 29 janvier 2008

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères, s’est réjoui d’accueillir, conjointement avec M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne, M. Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne. L’ambassadeur connaissant parfaitement le fonctionnement au quotidien des institutions de l’Union, il sera intéressant d’entendre son analyse du traité de Lisbonne. Quels progrès son entrée en vigueur entraînera-t-elle ? Quelles mesures préparatoires à sa mise en œuvre appartiendra-t-il à la France de négocier au cours de la présidence européenne du second semestre 2008 ?

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne, a émis le souhait que le Traité de Lisbonne soit ratifié par l’ensemble des Vingt-sept. Des questions essentielles restent cependant à régler pour garantir une mise en œuvre efficace. C’est l’un des chantiers des présidences slovènes et françaises en 2008. L’une des difficultés concerne l’articulation des nouvelles institutions. Quel sera le rôle du nouveau président du Conseil européen ? Comment ses prérogatives s’articuleront-elles avec celles du président de la Commission et du haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune ?

On sait que le Conseil des ministres met en œuvre les grandes orientations décidées par le Conseil européen. Aujourd’hui, le relais est naturel : l’« arbitre » du Conseil européen est le chef d’Etat ou de gouvernement des ministres qui préside le Conseil. Demain, le Conseil européen sera animé par le nouveau président de l’Europe. Comment recréer une « chaîne de commandement » efficace relayant les priorités portées par le président de l’Europe au sein du Conseil des ministres toujours présidé par les ministres des présidences tournantes ?

Le travail pour la mise en place du service européen pour l’action extérieure a-t-il commencé ?

Sur le fond des politiques, enfin, quelles priorités la France poursuivra-t-elle (construction de l’Europe de la défense par exemple) ? D’un point de vue matériel, selon quelles modalités le président du Conseil européen sera-t-il désigné ? De manière transparente, selon une procédure fixée à l’avance, ou de manière plus informelle ?

M. Pierre Sellal a indiqué qu’il concentrerait son intervention sur les modalités de mise en œuvre du Traité de Lisbonne plutôt que sur son contenu, désormais largement connu.

L’objectif politique, confirmé à l’unanimité par les chefs d’État et de gouvernement lors du dernier Conseil européen de décembre, est l’entrée en vigueur du traité au 1er janvier 2009. L’expérience le montre, la fixation d’une date suffisamment proche est importante et a un effet mobilisateur car il faut que les procédures nationales s’inscrivent dans ce calendrier. Un an, c’est court, mais l’objectif est parfaitement atteignable.

Indépendamment des ratifications, des décisions restent à prendre pour permettre l’entrée en vigueur effective du Traité au 1er janvier 2009. Il ne s’agit pas, dans les six mois à venir, de commencer à mettre en œuvre toutes les politiques ou les initiatives rendues possibles par ce texte. Ainsi, il faudra du temps pour élaborer une politique commune dans le domaine spatial ou donner un contenu au nouveau concept de cohésion territoriale. L’important, pour cette année et donc pour la présidence française, est d'assurer le bon fonctionnement du Traité dès son entrée en vigueur.

Dans ce cadre, trente à quarante mesures, de portées très diverses, devront être prises. La plus symbolique est sans doute la désignation du président du Conseil européen ; d’autres revêtent une importance moindre ou relèvent de la « cuisine » institutionnelle.

Ces mesures peuvent être distinguées du point de vue de la chronologie. Certaines d’entre elles doivent être prises dès le 1er janvier 2009, et donc acquises sur le fond auparavant, notamment celle concernant la désignation du président du Conseil européen et du Haut-Représentant. D’autres, comme la répartition des sièges au Parlement européen, nécessaire d'ici les élections européennes du printemps, devront se mettre en place très tôt après cette date. D’autres encore peuvent relever d'une certaine urgence politique sans être d'une nécessité juridique impérieuse, en particulier l’organisation du droit d’initiative citoyenne. D’autres enfin peuvent franchement attendre, par exemple le fonctionnement de la Commission réduite à dix-huit membres à partir de 2014.

Ces mesures peuvent également être classées par thèmes : institutions, justice et affaires intérieures, politique extérieure et défense européenne, nominations.

Une tâche particulière de la présidence française consistera à assurer la continuité du fonctionnement de l’Union, alors que s’appliquerait un nouveau traité. En effet, chaque fois que les procédures européennes de décision ont changé, les affaires en cours d’examen ont connu des problèmes de continuité. Afin d’éviter un hiatus dans les politiques communes, il sera essentiel de mettre au point avec le Parlement européen les arrangements pragmatiques nécessaires, par exemple pour considérer comme des avis pris au titre de la procédure de codécision les avis consultatifs déjà donnés sur la base du traité actuel. S’il fallait reprendre les procédures à zéro, le renouvellement du Parlement et de la Commission, en 2009, ferait perdre plusieurs années à l’Union sur certains sujets.

M. Pierre Sellal a identifié des difficultés de trois ordres.

Premièrement, des questions qui sont d’ordre juridique et procédural. Les mesures à prendre reposent sur des dispositions du Traité de Lisbonne, qui par définition n’est pas encore ratifié. Dès lors, leur adoption formelle ne sera possible que lorsque le Traité sera effectivement en vigueur. Ainsi, le Conseil européen, qui deviendra une institution au sens plein avec le nouveau Traité, ne pourra adopter son règlement intérieur avant cette échéance; de même, le service européen pour l’action extérieure sera organisé par le Conseil sur la base d'un proposition du Haut représentant (après consultation du Parlement et avec l'approbation de la Commission). Comment dans ces conditions travailler sur ces sujets en 2008 et être prêts pour le 1er janvier? La solution est que chacune des institutions accepte de travailler de manière informelle et officieuse, ce qui est habituel pour le Conseil, un peu plus difficile pour la Commission, un peu plus encore pour le Parlement et sans doute plus gênant pour la Cour de justice.

Deuxièmement, des difficultés tiennent au contexte politique. Les procédures de ratification en cours, dans certains États membres, s’avèrent sensibles ou du moins délicates. La règle absolue est de ne pas préjuger des votes des parlements nationaux et des consultations populaires: aucun accord politique ne sera acté avant que la ratification ne soit acquise dans chaque État membre. Cela signifie qu’il faudra probablement attendre vers la fin du deuxième semestre pour acter ces accords.

Troisièmement, des difficultés sont intrinsèques à certains sujets : le rôle exact du président du Conseil européen, l’articulation de ses prérogatives avec celles du président de la Commission, de la présidence tournante et du Haut représentant, le périmètre du service européen pour l’action extérieure, l'organisation de la coopération structurée en matière de Défense.

Les modalités de travail ont été débattues lors du Conseil européen de décembre 2007, sous présidence portugaise. Les chefs d’État et de gouvernement ont décidé que tous ces sujets seraient étudiés selon un cadre unique et une procédure unifiée.

Pour garder le contrôle de l’exercice, compte tenu de son importance politique, le Conseil européen a placé cette procédure sous son autorité directe. Les représentants permanents ont été chargés du travail technique, à Bruxelles, et celui-ci vient d'être engagé. Enfin, un programme de travail a été défini pour les mois à venir, en tenant compte du caractère politiquement sensible des procédures de ratification dans certains États membres: il est des sujets, comme la politique étrangère, par exemple, qui pourrait donner lieu à polémique dans ces débats de ratification et ne gagneraient pas à être approfondis trop tôt.

Le premier objectif pour la France est d’assurer l’entrée en vigueur pleine et entière du nouveau traité et le fonctionnement institutionnel de l’Union. En effet la première vertu attendue du Traité de Lisbonne est de rendre l'Union plus efficace, ce qui rejoint l’intérêt français.

Le deuxième objectif a été très bien exprimé par le Président de la République lui-même, qui a appelé de ses vœux à la fois un président du Conseil européen fort, un président de la Commission européenne fort, un président du Parlement européen fort. La France tourne donc le dos à l’image qui lui était jadis associée : désirer une Europe forte avec des institutions faibles, en nourrissant le jeu de la neutralisation réciproque.

Contrairement à une idée fausse, le système présidentiel de l’Union ne sera pas totalement unifié : 90 % des activités du Conseil resteront du ressort de la présidence tournante semestrielle, même si ces dernières seront lissées par des programmes de travail de dix-huit mois, couvrant trois présidences successives. Seuls le Conseil européen et le Conseil affaires étrangères échapperont, avec l'Eurogroupe, à la présidence tournante. Ce système complexe nécessitera la définition de relations de travail efficaces entre les organes préparatoires, notamment le comité des représentants permanents (COREPER), et chacune des formations du Conseil. Des questions restent à préciser, comme par exemple l’autorité du président du Conseil européen sur une partie des services actuellement mis à la disposition de la présidence tournante à travers le secrétariat général du Conseil.

Quoi qu’il en soit, la France s’emploiera à faire en sorte que sous l'autorité de son président, le Conseil européen soit en mesure de jouer le rôle central d’impulsion et d’orientation pour l’ensemble des activités de l’Union que lui confère le Traité.

M. Jean-Paul Lecoq a regretté que M. Sellal n’ait pas du tout évoqué la Banque centrale européenne (BCE) et les effets dévastateurs du capitalisme financier. Qui détiendra le pouvoir réel ? Les Français attendent de l’Europe une protection de leurs emplois et de leurs entreprises. La présidence permanente exercera-t-elle une autorité particulière sur la BCE ?

M. Pierre Sellal a indiqué qu’il n’avait pas parlé de la BCE car le Traité de Lisbonne n’affectait aucunement son organisation et que le mandat de son président en exercice n’arrivera pas à échéance sous présidence française. Cependant, le Traité de Lisbonne institutionnalise l’Eurogroupe, même si ce regroupement des ministres des finances de la zone euro restera avant tout une instance de concertation; c'est dans ce cadre rénové que devra se développer le dialogue entre les gouvernements, la Banque centrale et la Commission. La France espère que ce dialogue indispensable avec la BCE et son président s’en trouvera intensifié et enrichi.

La France attend fondamentalement de ces nouvelles institutions une Europe qui agit, apporte de la valeur ajoutée, renforce son potentiel et soit protectrice. L’introduction de la notion de protection, qui figure parmi les objectifs novateurs du traité de Lisbonne, constituera l’un des axes forts de la présidence française.

M. Jérôme Lambert s’est inquiété du fait que la France, à la veille de l’exercice de la présidence européenne, se singularise parfois par des déclarations contraires à des décisions européennes prises la veille, notamment sur les quotas de pêche et la politique de la concurrence, ou par des positions mal comprises voire rejetées par ses partenaires, en particulier à propos de l’Union pour la Méditerranée. Cela préjuge mal du succès de sa présidence de l’Union. Quelles réactions la cacophonie française suscite-t-elle au sein des instances européennes ? N’affaiblit-elle pas notre capacité à dégager des solutions ambitieuses pour l’Europe ?

M. Pierre Sellal a répondu que l’idée selon laquelle la France se mettrait plus souvent qu'à son tour en infraction ou en porte-à-faux vis-à-vis des décisions européennes est un cliché sans fondement, ou en tout cas dépassé. Vendredi dernier, la visite officielle et sans précédent du Premier ministre à la Cour de justice, à Luxembourg, témoignait de notre attachement au respect du droit, comme l' a relevé avec satisfaction le président de la Cour de justice, M. Vassilios Skouris. En matière d'infractions, et en particulier de transposition des directives, la France se situe désormais dans la bonne moyenne communautaire après avoir sensiblement amélioré sa performance.

La politique des quotas de pêche se justifie par la raréfaction de la ressource et le besoin de sa répartition entre les pêcheurs communautaires. Ce n’est donc pas la nécessité des quotas qui est en cause, mais leur mode d’élaboration et leur gestion. Il est très difficile, pour la profession, de devoir attendre l’extrême fin de l’année pour savoir quelle pourra être son activité économique quelques semaines plus tard. Il n'est pas raisonnable de la priver, par des décisions annuelles, de toute visibilité à moyen terme. Il n'est pas sain que ce qui devrait être un dialogue objectif entre experts scientifiques et pêcheurs tourne presque systématiquement à une confrontation caricaturale. Il y a donc matière à amélioration pour cette politique et ses procédures, et comme il se trouve que la fixation des quotas pour l’exercice suivant incombe traditionnellement à la présidence du second semestre, le Président de la République a évoqué le sujet au titre des responsabilités qui incomberont à la présidence française de l'Union.

La politique de la concurrence européenne n’est plus guère contestée dans sa légitimité et ses principes. C’est une politique commune parmi d’autres, avec beaucoup de décisions positives et de rares décisions négatives : cela fait déjà longtemps que la Commission n’a pas censuré un dispositif français d’aide ou de soutien. Il importe que les règles du jeu soient respectées partout en Europe., il est également essentiel que les entreprises européennes ne soient pas désarmées ou affaiblies vis à vis de la concurrence mondiale. Lors du Conseil européen de juin 2007, la France a obtenu que la concurrence figure non pas parmi les objectifs de premier rang de l’Union, mais parmi les instruments au service de l’emploi, de l’activité économique et du bien-être des citoyens européens; c'est un outil indispensable, ce n'est pas une fin en soi.

La réflexion du Président de la République sur l’Union pour la Méditerranée est inspirée par les insuffisances de la politique méditerranéenne qui a été menée jusqu'ici. Chacun constate que les actions entreprises dans le cadre de la politique du voisinage ou du processus de Barcelone n’ont pas encore produit les résultats attendus. De surcroît, comme l’a indiqué le commissaire Peter Mandelson, la rive sud de la Méditerranée est la zone géographique du monde la moins intégrée économiquement. Enfin, on doit constater que la Méditerranée est une des très rares régions du monde à ne pas faire l'objet d'une organisation collective de coopération.

Le processus de Barcelone n’a certes pas été dénué de résultats, mais l’ambition de départ n’a pas été encore satisfaite. Pour quelles raisons ?

Premièrement, l’investissement politique a probablement été insuffisant ; or, depuis l’initiative prise par le Président de la République il y a six mois, l’intérêt politique pour la Méditerranée s’est manifestement accru.

Deuxièmement, de nombreux pays du Sud ressentent le processus de Barcelone comme inégal, dès lors qu'il met en relation l'Union européenne en tant que telle et chacun de ces pays ; il convient par conséquent de rendre la coopération euro-méditerranéenne plus paritaire.

Troisièmement, il faut sortir des exercices trop généraux ou abstraits pour se consacrer à des projets beaucoup plus concrets : par exemple la gestion des flux migratoires, la dépollution de la Méditerranée, la coopération énergétique, pour bâtir, comme dans l'Europe des années cinquante des solidarités de fait. L’aspect le plus délicat consiste à articuler efficacement la politique méditerranéenne de l’Union, qui devra naturellement être poursuivie et développée, et les projets menés dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée, qui réuniront tous ceux qui voudront y contribuer et qui concernent plus directement les États riverains.

Mme Nicole Ameline a rappelé que les présidences se réussissent en amont. Les conditions sont-elles réunies pour que la France réponde à ses ambitions sur toutes les thématiques affichées ? Le contexte politique, avec la série de ratifications à venir, n’est-il pas de nature à affaiblir ces ambitions ? La France est-elle dans les temps ?

M. Jacques Myard a noté que Bruxelles, une fois le Traité de Lisbonne ratifié, récupérera cinquante-quatre compétences qui, soit, sont nouvelles, soit entrent dans le domaine de la majorité qualifiée, c’est-à-dire sortent du droit des Etats de s’opposer à une décision qu’ils réprouvent. Dans ce nouveau contexte, quels moyens la France se donnera-t-elle pour assurer la cohérence de ses positions et peser au maximum dans le jeu de coalitions dans lequel la Commission excelle, jouant les États les uns contre les autres ?

M. Pierre Sellal a constaté que, à cinq mois de la présidence française, le compte à rebours est engagé et que le temps est compté. En réalité, pour parvenir à une décision sur un sujet déterminé au Conseil européen de décembre, pratiquement tout doit être prêt, fond, stratégie et procédure, le 1er juillet. Une présidence est courte, surtout une présidence de second semestre, qui ne dure en réalité que quatre mois et demi.

Le 1er décembre 2007, sept mois avant le début de la présidence, la France a communiqué à ses partenaires le calendrier de toutes les formations du Conseil et des Conseils européens de la présidence française. Dans la dernière semaine de juin, il faudra leur présenter les ordres du jour de toutes les réunions ministérielles du second semestre. La représentation permanente est donc en train de préparer le programme de travail des plus de 200 groupes et comités qui assureront la préparation de ces Conseils. Parallèlement, le travail se poursuit sur le fond, avec une série de réunions interministérielles pour préciser dans le détail les objectifs de la France. Enfin, la France travaille en ce moment au programme de dix-huit mois avec la République tchèque et la Suède, qui lui succéderont. La France est dans les temps.

La question de M. Myard a une portée beaucoup plus générale. L’efficacité d’un pays, à Bruxelles, dépend en effet de la cohérence de ses positions. La représentation permanente a pour responsabilité de négocier au quotidien sur la base des instructions et orientations définies par le Gouvernement, mais également d’assurer cette cohérence. La négociation n’a plus uniquement lieu au Conseil, entre les gouvernements nationaux et la Commission. Elle suppose dorénavant une action beaucoup plus diversifiée, et une coordination de tous ceux qui, à un titre ou un autre, ont en charge les intérêts français, au Comité des régions, au Parlement européen, voire à la Commission elle-même. La promotion des idées françaises passe aussi par la participation à l’activité extraordinairement foisonnante des think tanks et colloques variés. Rien ne serait plus faux que de considérer que la France souffre de faiblesses dans ce domaine: dans cet exercice de présence et d’orchestration, elle est au moins aussi performante que les autres pays.

M. François Loncle s’est étonné que l’on puisse songer, pour le poste de président du Conseil européen, à un responsable politique ressortissant d’un pays dont la vocation européenne est tellement tiède qu’il n’appartient ni à l’espace Schengen ni à la zone euro et qu’il réfute la Charte des droits fondamentaux.

M. Christophe Caresche a estimé que le projet d’Union pour la Méditerranée devient une vraie pomme de discorde avec un certain nombre de partenaires européens de la France. Le secrétaire d’État Jean-Pierre Jouyet lui-même a du reste récemment déclaré que la France devra adapter sa position si elle veut être entendue par ses partenaires et ne pas perdre sa capacité à mener des compromis.

L’idée de la France n’est pas comprise, notamment par les Allemands, qui ne sont pas hostiles au renforcement de la politique méditerranéenne de l’Europe, mais reprochent plutôt à la France de jouer une partition solitaire en jetant un deuxième pont, à côté du processus de Barcelone lancé en 1992, sur la Méditerranée qui n’intègre pas tous les pays de l’Union, pourtant tous impliqués, d’une manière ou d’une autre, dans les enjeux méditerranéens. La France ne doit-elle pas mieux expliquer à ses partenaires les ambitions et les moyens de la nouvelle politique qu’elle envisage dans ce domaine ?

M. Pierre Sellal a observé qu’il faut savoir si c’est un pays ou un homme que l’on nomme à la tête du Conseil européen. La question se pose déjà pour beaucoup de fonctionnaires, en particulier britanniques, mais personne ne songerait par exemple à remettre en cause l’intégrité et la compétence du directeur général chargé de la justice et des affaires intérieures, en dépit de sa nationalité. En revanche, il est évident qu'il serait inconcevable que la présidence de l’Eurogroupe incombe à un pays n’appartenant pas à la zone euro.

Lorsqu’il s’agira de choisir le président du Conseil européen, les chefs d’État et de gouvernement prendront sans doute en compte tous les paramètres, y compris ceux évoqués par M. Loncle. Cependant le choix du président du Conseil européen dépendra avant tout de la façon dont les uns et les autres conçoivent cette fonction. Le Traité, tel qu’il est rédigé, ouvre de multiples possibilités : le profil choisi sera celui d’un chairman ou au contraire d’une figure incarnant la légitimité de l’Union européenne, à l’intérieur comme à l’extérieur, sans doute plus proche de l’idée initiale du président Giscard d’Estaing. La France aurait tendance à rechercher une personnalité forte.

Sur la Méditerranée, le diagnostic posé par la France, partagé désormais par l'Espagne et l'Italie, est incontestable : il est possible et souhaitable de faire davantage. Reste à concilier ce nouveau dispositif avec l’existant, à savoir le cadre européen à vingt-sept, la politique de voisinage, la politique de Barcelone et les moyens financiers déjà déployés par l'Union. La première réponse est que l’Union européenne en tant que telle participe pleinement à la démarche, mais cela ne suffira pas, notamment pour notre partenaire allemand; il faut tenir compte à la fois de l'intérêt de tous pour les enjeux méditerranéens et du fait que certains, parce que riverains, sont plus directement concernés. La France ne prétend pas avoir déjà trouvé la bonne articulation mais elle y travaille, avec ses partenaires et la Commission.

M. Jean-Louis Bianco a remarqué que quatre institutions fortes pourront aussi être touchées par des conflits forts, notamment en matière de politique étrangère, d’autant que les politiques nationales demeureront. Dans la perspective d’une Europe plus protectrice, quelles réflexions et dans quels domaines la présidence française pourrait-elle travailler ? L’agenda prévoit-il une réflexion sur les services publics, services d’intérêt général et services d’intérêt économique général ? Quelle attitude les Britanniques semblent-ils déterminés à adopter lors de la présidence française ?

M. Michel Delebarre a estimé que l’Europe navigue à l’image d’un pétrolier. Elle est imposante, avance lentement et vire extrêmement difficilement ; il arrive qu’une question, avant d’aboutir, soit traitée par trois présidences successives de l’Union. Dans ce contexte, la réussite d’une présidence se mesure au moins autant à ce qu’elle sème qu’à ce qu’elle récolte. Il est vrai que la tâche qui nous attend au second semestre 2008 est immense, et que les sujets sont déjà très nombreux. Mais deux chantiers décisifs aux yeux de nos concitoyens doivent être lancés dès aujourd’hui si on veut qu’ils aboutissent un jour.

Le premier concerne les services sociaux d’intérêt général, pour la première fois mentionnés dans le droit primaire européen grâce à l’article 2 du protocole sur les services publics qui rappelle que l’Union ne doit porter en aucune manière atteinte à la compétence des Etats membres pour les définir et les fournir. La mise sur l’ouvrage d’une directive serait souhaitable pour apporter les garanties nécessaires à ce principe. La France, profondément attachée à ses services publics, devrait lancer le mouvement.

De même, le concept de « cohésion territoriale » consacré par le traité est appelé à devenir une référence essentielle de l’Union européenne. Il faut cependant en préciser les contours et en inspirer les principes fondateurs si l’on ne veut pas que son contenu concret soit en contradiction avec les intérêts de la France.

M. Hervé de Charrette a souligné que le projet d’Union pour la Méditerranée provoque beaucoup d’interrogations, pour le moins, de la part des États membres d’Europe du Nord – notamment l’Allemagne, qui oublie les pressions naguère exercées sur la France pour faire aboutir l’élargissement aux pays d’Europe centrale – mais aussi de la part de pays de l’autre rive de la Méditerranée, à commencer par l’Algérie. Si les intentions sont excellentes, le calendrier du projet semble assez court. Pour surmonter les résistances et substituer l’enthousiasme au scepticisme, il est temps de passer du diagnostic à la proposition, qui reste pour l’instant en pointillés.

M. Pierre Sellal a confirmé qu’une présidence est l’exercice momentané d’une fonction - essentielle- de l’Union par un État membre. Le bilan d’une présidence dépend de trois éléments : les dossiers inscrits à l’agenda du semestre ont-ils été bouclés ? Comment les affaires de l’Union ont-elles été conduites ? Des perspectives ont-elles été ouvertes ?

S’agissant des services publics, la Commission considère en effet aujourd’hui qu'une directive à portée générale, sur laquelle elle ne s'était jamais vraiment engagée, n'ajouterait pas beaucoup au protocole désormais annexé au Traité. Toujours est-il que le sujet ne figure pas au programme législatif 2008 de la Commission.

Si le concept de cohésion territoriale est reconnu, sa traduction en termes de politique européenne reste à écrire. Au cours de la présidence française, un colloque ou un séminaire sur ce sujet, rassemblant élus, ministres et spécialistes, pourrait être très utile.

En ce qui concerne l’Union pour la Méditerranée, l’important est de démontrer la valeur ajoutée du projet présidentiel, qui s’appuie sur le renforcement des coopérations concrètes, autour de projets soigneusement définis. Il est vrai que les pays du sud de la Méditerranée sont attentifs aux précisions qui pourront leur être apportées à cet égard.

La question de la protection doit être appréhendée de la manière la plus large possible. L’introduction de l’idée de protection parmi les missions de l’Union constitue un message politique très fort qu’il convient de décliner dans tous les champs. Dans le domaine commercial, pour protéger les Européens, il faut commencer par ne pas les exposer à une concurrence déloyale et par se doter des instruments nécessaires à cette fin ; un marché intérieur aussi fort et efficace que possible doit aussi être conçu comme un atout face à la mondialisation. La protection des Européens passe également par le développement de règles communautaires et internationales propres à améliorer, par la transparence et la supervision, la stabilité financière. Enfin, au cœur du sujet, l’Europe cherche depuis des années à mettre sur pied des capacités coordonnées de protection civile et de sécurité civile ; la présidence française s’efforcera de progresser dans ce domaine.

Les Britanniques, sur certains dossiers, prient la France de ne pas pousser les feux trop vite, ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils seront spontanément ouverts à ses idées une fois la ratification acquise. Toutefois des terrains d’entente pourront certainement être trouvés, comme cela a déjà été le cas, il y a quelques années, en matière d’armement et de défense. Un sommet est d’ailleurs organisé par Gordon Brown ce soir même, à Londres, sur le thème de la stabilité et de la régulation financières ; cela prouve qu’il n’est pas de partenaire dont il faille désespérer.

M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères, a remercié M. Pierre Sellal pour ses explications extrêmement pertinentes.

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Annexe n°4

Mandat de négociation de la conférence intergouvernementale
chargée d’élaborer le traité de Lisbonne

MANDAT DE LA CIG
(annexé aux conclusions du Conseil européen des 21 et 22 juin 2007)

Le présent mandat constitue la base et le cadre exclusifs des travaux de la CIG qui sera convoquée conformément au point 10 des conclusions du Conseil européen.

I. OBSERVATIONS GÉNÉRALES

1. La CIG est invitée à rédiger un traité (ci-après dénommé "traité modificatif") modifiant les traités actuels en vue de renforcer l'efficacité et la légitimité démocratique de l'Union élargie et d'améliorer la cohérence de son action extérieure. Le concept constitutionnel, qui consistait à abroger tous les traités actuels pour les remplacer par un texte unique appelé "Constitution", est abandonné: le traité modificatif introduira dans les traités actuels, qui restent en vigueur, les innovations découlant des travaux de la CIG de 2004, de la manière décrite en détail ci-dessous.

2. Le traité modificatif contiendra deux clauses de substance modifiant respectivement le traité sur l'Union européenne (traité UE) et le traité instituant la Communauté européenne (traité CE). Le traité UE conservera son titre actuel, tandis que le traité CE sera intitulé traité sur le fonctionnement de l'Union, l'Union étant dotée d'une personnalité juridique unique. Le terme "Communauté" sera partout remplacé par le terme "Union"; il sera indiqué que les deux traités constituent les traités sur lesquels est fondée l'Union et que l'Union se substitue et succède à la Communauté. D'autres clauses reprendront les dispositions habituelles relatives à la ratification et à l'entrée en vigueur ainsi que des dispositions transitoires. Les modifications techniques du traité Euratom et des protocoles actuels, telles qu'agréées par la CIG de 2004, seront apportées par le biais de protocoles annexés au traité modificatif.

3. Le traité UE et le traité sur le fonctionnement de l'Union n'auront pas de caractère constitutionnel. La terminologie qui y sera utilisée reflétera ce changement: le terme "Constitution" ne sera pas utilisé, le "ministre des affaires étrangères de l'Union" sera appelé haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et les termes "loi" et "loi-cadre" seront abandonnés au profit du maintien des termes actuels de "règlements", "directives" et "décisions". De même, les traités modifiés ne contiendront aucun article mentionnant les symboles de l'UE tels que le drapeau, l'hymne ou la devise. En ce qui concerne la primauté du droit de l'UE, la CIG adoptera une déclaration rappelant la jurisprudence de la Cour de justice de l'UE (30).

4. Pour ce qui est du contenu des modifications apportées aux traités actuels, les innovations résultant des travaux de la CIG de 2004 seront incorporées dans le traité UE et dans le traité sur le fonctionnement de l'Union, comme spécifié dans le présent mandat. Les modifications à y apporter, pour donner suite aux consultations tenues avec les États membres ces six derniers mois, sont clairement indiquées ci-dessous. Elles concernent en particulier les compétences respectives de l'UE et des États membres et leur délimitation, la spécificité de la politique étrangère et de sécurité commune, le rôle renforcé des parlements nationaux, le sort de la Charte des droits fondamentaux, ainsi que, dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, un mécanisme permettant à certains États membres d'aller de l'avant dans un acte donné tout en permettant à d'autres de ne pas participer.

II. MODIFICATIONS DU TRAITÉ UE

5. La clause 1 du traité modificatif contiendra les amendements à apporter à l'actuel traité UE. Sauf indication contraire dans le présent mandat, le texte du traité actuel reste inchangé.

6. Le texte du premier considérant agréé lors de la CIG de 2004 sera inséré en tant que deuxième considérant dans le préambule.

7. Le traité UE sera divisé en six titres: I. Dispositions communes; II. Dispositions relatives aux principes démocratiques; III. Dispositions relatives aux institutions; IV. Dispositions sur la coopération renforcée; V. Dispositions générales sur l'action extérieure de l'Union et dispositions spécifiques concernant la politique étrangère et de sécurité commune; VI. Dispositions finales. Les titres I, IV (actuel VII), V et VI (actuel VIII) suivent la structure de l'actuel traité UE, avec les modifications agréées lors de la CIG de 2004 (31). Les deux autres titres (II et III) sont nouveaux et introduisent les innovations agréées lors de la CIG de 2004.

I. Dispositions communes

8. Le titre I de l'actuel traité UE, qui contient entre autres des articles sur les valeurs et les objectifs de l'Union, sur les relations entre l'Union et les États membres et sur la suspension des droits des États membres, sera modifié conformément aux innovations agréées lors de la CIG de 2004 (voir annexe 1, titre I).

9. L'article sur les droits fondamentaux contiendra un renvoi (32) à la Charte des droits fondamentaux, telle qu'agréée lors de la CIG de 2004, à laquelle il conférera une valeur juridiquement contraignante et dont il définira le champ d'application.

10. Dans l'article sur les principes fondamentaux concernant les compétences, il sera précisé que l'Union n'agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités.

II. Dispositions relatives aux principes démocratiques

11. Ce nouveau titre II contiendra les dispositions agréées lors de la CIG de 2004 sur l'égalité démocratique, la démocratie représentative, la démocratie participative et l'initiative citoyenne. Quant aux parlements nationaux, leur rôle sera encore renforcé par rapport aux dispositions agréées lors de la CIG de 2004 (voir annexe 1, titre II):

• le délai accordé aux parlements nationaux pour examiner des projets d'actes législatifs et donner un avis motivé sur le respect du principe de subsidiarité passera de six à huit semaines (les protocoles sur le rôle des parlements nationaux et sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité seront modifiés en conséquence);

• un mécanisme de contrôle renforcé de la subsidiarité sera instauré dans le sens où, si un projet d'acte législatif est contesté à la majorité simple des voix attribuées aux parlements nationaux, la Commission le réexaminera et pourra ensuite décider de le maintenir, de le modifier ou de le retirer. Si elle choisit de le maintenir, la Commission devra, dans un avis motivé, justifier la raison pour laquelle elle estime que le projet est conforme au principe de subsidiarité. Cet avis motivé ainsi que les avis motivés des parlements nationaux devront être transmis au législateur de l'Union afin d'être pris en compte dans le cadre de la procédure législative. Cela déclenchera une procédure spécifique:

- avant d'achever la première lecture dans le cadre de la procédure législative ordinaire, le législateur (le Conseil et le Parlement) examine si la proposition législative est compatible avec le principe de subsidiarité, en tenant compte en particulier des motifs invoqués et partagés par la majorité des parlements nationaux ainsi que de l'avis motivé de la Commission;

- si, par une majorité de 55% des membres du Conseil ou par une majorité des suffrages exprimés au Parlement européen, le législateur est d'avis que la proposition n'est pas compatible avec le principe de subsidiarité, l'examen de la proposition législative n'est pas poursuivi. (Le protocole sur la subsidiarité et la proportionnalité sera modifié en conséquence)

Un nouvel article général reflètera le rôle des parlements nationaux.

III. Dispositions relatives aux institutions

12. Les changements institutionnels agréés lors de la CIG de 2004 seront intégrés en partie dans le traité UE et en partie dans le traité sur le fonctionnement de l'Union. Le nouveau titre III donnera une vue d'ensemble du système institutionnel et reprendra les modifications apportées au système actuel, à savoir les articles portant sur les institutions de l'Union, le Parlement européen (nouvelle composition), le Conseil européen (transformation en une institution (33) et création de la fonction de président), le Conseil (introduction du système de vote à la double majorité et changements apportés au système de présidence semestrielle du Conseil, avec la possibilité de le modifier), la Commission européenne (nouvelle composition et renforcement du rôle de son président), le ministre des affaires étrangères de l'Union (création de la nouvelle fonction, dont la dénomination devient haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité) et la Cour de justice de l'Union européenne (34).

13. Le système de vote à la double majorité, tel qu'agréé lors de la CIG de 2004, prendra effet le 1er novembre 2014, et jusqu'à cette date, l'actuel système de vote à la majorité qualifiée (article 205, paragraphe 2, du traité CE) continuera de s'appliquer. Par la suite, pendant une période transitoire allant jusqu'au 31 mars 2017, lorsqu'une décision doit être adoptée à la majorité qualifiée, un membre du Conseil peut demander que la décision soit prise à la majorité qualifiée telle que définie à l'article 205, paragraphe 2, de l'actuel traité CE.

En outre, jusqu'au 31 mars 2017, si des membres du Conseil représentant au moins 75% de la population ou au moins 75% du nombre des États membres nécessaires pour constituer une minorité de blocage résultant de l'application de l'article [I-25, paragraphe 1, premier alinéa], ou paragraphe 2], indiquent leur opposition à l'adoption d'un acte par le Conseil à la majorité qualifiée, le mécanisme prévu dans le projet de décision qui figure dans la déclaration n° 5 annexée à l'acte final de la CIG de 2004 s'appliquera. À compter du ler avril 2017, le même mécanisme s'appliquera, les pourcentages correspondants s'élevant respectivement à au moins 55% de la population ou à au moins 55% du nombre des États membres nécessaires pour constituer une minorité de blocage résultant de l'application de l'article [I-25, paragraphe 1, premier alinéa], ou paragraphe 2].

IV. Dispositions sur la coopération renforcée

14. Le titre IV (ex-titre VII de l'actuel traité UE) sera modifié comme convenu lors de la CIG de 2004. Le nombre minimum d'États membres requis pour le lancement d'une coopération renforcée sera de neuf.

V. Dispositions générales sur l'action extérieure de l'Union et dispositions spécifiques
concernant la politique étrangère et de sécurité commune

15. Un nouveau chapitre 1 contenant les dispositions générales sur l'action extérieure de l'Union sera inséré au titre V de l'actuel traité UE; il comprendra deux articles, agréés lors de la CIG de 2004, sur les principes et les objectifs de cette action extérieure et sur le rôle du Conseil européen, pour en définir les intérêts et objectifs stratégiques. Le chapitre 2 contient les dispositions du titre V (35) de l'actuel traité UE, telles qu'amendées par la CIG de 2004 (notamment le service européen pour l'action extérieure et la coopération structurée permanente dans le domaine de la défense). Dans ce chapitre, un nouvel article 1er sera inséré pour indiquer que l'action de l'Union sur la scène internationale repose sur les principes, poursuit les objectifs et est menée conformément aux dispositions générales sur l'action extérieure de l'Union qui figurent au chapitre 1. Il sera clairement spécifié dans ce chapitre que la PESC est soumise à des règles et procédures particulières. Une base juridique propre à la protection des données à caractère personnel dans le domaine de la PESC sera aussi prévue (36).

VI. Dispositions finales

16. Le titre VI (ex-titre VIII de l'actuel traité UE) sera modifié comme convenu lors de la CIG de 2004. Il contiendra en particulier un article sur la personnalité juridique de l'Union (37)et un article sur le retrait volontaire de l'Union, et l'article 48 sera modifié de manière à regrouper les procédures de révision des traités (la procédure ordinaire et les deux procédures simplifiées). Cet article indiquera clairement, en son paragraphe sur la procédure de révision ordinaire, que les traités peuvent être révisés pour accroître ou pour réduire les compétences attribuées à l'Union. À l'article 49, qui porte sur les critères d'éligibilité et la procédure d'adhésion à l'Union, la référence aux principes sera remplacée par une référence aux valeurs de l'Union, et on ajoutera un engagement à promouvoir ces valeurs, une obligation d'informer le Parlement européen et les parlements nationaux d'une demande d'adhésion à l'Union ainsi qu'une référence à la prise en compte des critères d'éligibilité ayant fait l'objet d'un accord du Conseil européen (cf. annexe 1, titre VI). Les dispositions finales habituelles seront aussi adaptées (champ d'application territoriale, durée, ratification et textes authentiques et traductions) (38).

III. MODIFICATIONS DU TRAITÉ CE

17. La clause 2 du traité modificatif contiendra les modifications à apporter à l'actuel traité CE, qui deviendra le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne.

18. Les innovations telles qu'agréées lors de la CIG de 2004 seront insérées dans le traité de la manière habituelle, sous la forme de modifications ponctuelles. Elles concernent les catégories et les domaines de compétence, le champ d'application du vote à la majorité qualifiée et de la codécision, la distinction entre les actes législatifs et non législatifs, les dispositions relatives entre autres à l'espace de liberté, de sécurité et de justice, la clause de solidarité, l'amélioration de la gouvernance de l'euro, les dispositions horizontales telles que la clause sociale, les dispositions particulières telles que les services publics, l'espace, l'énergie, la protection civile, l'aide humanitaire, la santé publique, le sport, le tourisme, les régions ultrapériphériques, la coopération administrative, et les dispositions financières (ressources propres, cadre financier pluriannuel, nouvelle procédure budgétaire).

19. Par rapport aux résultats de la CIG de 2004, les modifications suivantes seront apportées (cf. annexe 2) :

a) un nouvel article 1er indiquera l'objectif du traité sur le fonctionnement de l'Union ainsi que son lien avec le traité UE. Il précisera que les deux traités ont la même valeur juridique ;

b) dans l'article sur les catégories de compétences placé au début du traité CE, il sera clairement précisé que les États membres exerceront à nouveau leur compétence dans la mesure où l'Union aura décidé de cesser d'exercer la sienne (39) ;

c) la phrase introductive de l'article sur les actions d'appui, de coordination ou de complément sera modifiée de manière à souligner que l'Union mène des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l'action des États membres ;

d) à l'article 18, paragraphe 3, tel qu'amendé lors de la CIG de 2004, la phrase relative à l'adoption de mesures concernant les passeports, les cartes d'identité, les titres de séjour ou tout autre document assimilé sera supprimée et introduite dans une base juridique similaire sur cette question qui figurera dans le titre sur l'espace de liberté, de sécurité et de justice, dans l'article concernant les contrôles aux frontières ;

e) à l'article 20 (protection diplomatique et consulaire), tel qu'amendé lors de la CIG de 2004, la base juridique sera modifiée de façon à prévoir, dans ce domaine, l'adoption de directives établissant des mesures de coordination et de coopération ;

f) à l'article 286 (protection des données à caractère personnel), tel qu'amendé lors de la CIG de 2004, un alinéa sera ajouté pour indiquer que les règles adoptées sur la base de cet article seront sans préjudice de celles adoptées au titre de la base juridique propre à cette question qui sera introduite dans le titre relatif à la PESC (la CIG adoptera également une déclaration sur la protection des données à caractère personnel dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale et prévoira, le cas échéant, des mentions spécifiques dans les protocoles pertinents sur la position de certains États membres précisant leur applicabilité à cet égard) ;

g) à l'article 42 (totalisation des périodes d'assurance et exportation des prestations de sécurité sociale), un ajout indiquera que la procédure sera interrompue (système de frein) si le Conseil européen ne se prononce pas dans les quatre mois (voir le point 1) de l'annexe 2) (40;

h) l'article 60 (gel des avoirs en vue de lutter contre le terrorisme), tel qu'amendé lors de la CIG de 2004, sera déplacé et inséré à la fin du chapitre sur les dispositions générales figurant dans le titre sur l'espace de liberté, de sécurité et de justice ;

i) en ce qui concerne la question des services d'intérêt économique général (cf. l'article 16, tel qu'amendé lors de la CIG de 2004), un protocole sera annexé aux traités (41) ;

j) dans le chapitre sur les dispositions générales applicables à l'espace de liberté, de sécurité et de justice, une disposition relative à la coopération et à la coordination entre les États membres dans le domaine de la sécurité nationale sera insérée (cf. point 2 a) de l'annexe 2) ;

k) dans le chapitre sur la coopération judiciaire en matière civile, le paragraphe 3 de l'article relatif à une telle coopération, tel qu'agréé lors de la CIG de 2004, sera amendé afin de donner un rôle aux parlements nationaux dans le cadre de la "clause-passerelle" en matière de droit de la famille (cf. point 2) b) de l'annexe 2) ;

l) dans les chapitres sur la coopération judiciaire en matière pénale et la coopération policière, tels qu'amendés lors de la CIG de 2004, dans les articles sur la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, les règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions, le Parquet européen et la coopération policière, un nouveau mécanisme sera inséré, qui permettra à certains États membres d'aller de l'avant dans un dossier donné tout en permettant à d'autres de ne pas participer (cf. point 2) c) et d) de l'annexe 2). En outre, le champ d'application du Protocole sur la position du Royaume-Uni et de l'Irlande (1997) sera étendu afin d'inclure, en ce qui concerne le Royaume-Uni, et dans les mêmes termes, les chapitres sur la coopération judiciaire en matière pénale et la coopération policière. Il pourrait également porter sur l'application du protocole en ce qui concerne les mesures fondées sur Schengen et les modifications des mesures existantes. Cette extension tiendra compte de la position du Royaume-Uni dans le cadre de l'acquis préexistant de l'Union dans ces domaines. L'Irlande déterminera sa position en temps utile à l'égard de cette extension;

m) à l'article 100 (mesures en cas de graves difficultés dans l'approvisionnement en certains produits), une référence à l'esprit de solidarité entre les États membres et au cas particulier de l'énergie pour ce qui est des difficultés dans l'approvisionnement en certains produits sera insérée (cf. point 3) de l'annexe 2);

n) à l'article 152 (santé publique), tel qu'amendé lors de la CIG de 2004, le point d) sur les mesures concernant la surveillance de menaces transfrontières graves pour la santé, l'alerte en cas de telles menaces et la lutte contre celles-ci sera déplacé et inséré dans le paragraphe sur l'adoption de mesures d'incitation (la CIG adoptera également une déclaration précisant l'aspect "marché intérieur" des mesures sur les normes de qualité et de sécurité pour les médicaments et les dispositifs médicaux);

o) dans l'article concernant la politique spatiale européenne, agréé lors de la CIG de 2004, il sera précisé que les mesures arrêtées ne peuvent pas comporter d'harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres;

p) à l'article 174 (environnement), tel qu'amendé lors de la CIG de 2004, la nécessité particulière de lutter contre les changements climatiques par des mesures menées à l'échelle internationale sera précisée (cf. point 4) de l'annexe 2);

q) à l'article sur l'énergie, agréé lors de la CIG de 2004, une référence à l'esprit de solidarité entre les États membres sera insérée (cf. point 5) de l'annexe 2), ainsi qu'un nouveau point d) concernant la promotion de l'interconnexion des réseaux énergétiques;

r) au début de la partie consacrée à l'action extérieure de l'Union, un article sera inséré pour indiquer que l'action de l'Union sur la scène internationale repose sur les principes, poursuit les objectifs et est menée conformément aux dispositions générales sur l'action extérieure de l'Union qui figurent au chapitre 1 du titre V du traité UE;

s) dans l'article sur la procédure de conclusion des accords internationaux, il sera ajouté que l'accord sur l'adhésion de l'Union à la CEDH sera conclu par le Conseil, statuant à l'unanimité et moyennant la ratification des États membres;

t) l'article 229 A (extension de la compétence de la Cour de justice aux litiges liés aux titres européens de propriété intellectuelle) demeurera inchangé;

u) l'article 249 (définition des actes de l'UE: règlement, directive et décision) comportera une nouvelle section 1 sur les actes juridiques de l'Union, dans laquelle la définition d'une décision sera alignée sur celle agréée lors de la CIG de 2004;

v) en raison de l'abandon des dénominations "loi" et "loi-cadre", les innovations agréées lors de la CIG de 2004 seront adaptées, tout en maintenant la distinction entre ce qui est législatif et ce qui ne l'est pas et les conséquences qui en découlent. Il s'ensuit que trois articles concernant, respectivement, les actes qui sont adoptés selon une procédure législative, les actes délégués et les actes d'exécution seront insérés après l'article 249. L'article sur les actes législatifs prévoira que les actes (règlements, directives ou décisions) adoptés conformément à une procédure législative (ordinaire ou spéciale) sont des actes législatifs. La terminologie utilisée dans les articles sur les actes délégués et les actes d'exécution, tels qu'agréés lors de la CIG de 2004, sera modifiée en conséquence.

w) à l'article 308 (clause de flexibilité), tel qu'amendé lors de la CIG de 2004, sera ajouté un paragraphe prévoyant que cet article ne peut servir de fondement pour atteindre un objectif relevant de la PESC et que tout acte adopté conformément audit article doit respecter les limites fixées par l'article [III-308, second alinéa] (42) ;

x) un article sera inséré après l'article 308 en vue d'exclure du champ d'application de la procédure de révision simplifiée les bases juridiques qui en avaient été exclues dans les textes agréés lors de la CIG de 2004.

20. En outre, un certain nombre de dispositions agréées lors de la CIG de 2004 se trouveront dans le traité sur le fonctionnement de l'Union (cf. liste figurant à l'annexe 2, partie B).

IV. LES PROTOCOLES ET LE TRAITÉ EURATOM

21. Les nouveaux protocoles agréés lors de la CIG de 2004 (43)14 seront annexés aux traités actuels (c'est-à-dire le protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne, le protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, le protocole sur l'Eurogroupe, le protocole sur la coopération structurée permanente dans le domaine de la défense et le protocole sur l'adhésion de l'Union à la CEDH).

22. Un protocole annexé au traité modificatif modifiera les protocoles actuels, comme convenu lors de la CIG de 2004 (y compris la suppression de dix d'entre eux).

23. Un protocole annexé au traité modificatif apportera les modifications techniques nécessaires au traité Euratom, comme convenu lors de la CIG de 2004.

V. DÉCLARATIONS

24. Outre les déclarations visées dans le présent mandat, la CIG reprendra les déclarations
adoptées par la CIG de 2004, dans la mesure où elles ont trait aux dispositions ou protocoles
examinés dans le cadre de l'actuelle CIG.

___________

Annexe 1 au mandat de la CIG

Cette annexe a pour objet de préciser le libellé exact dans les cas où cela a été jugé nécessaire

Modifications apportées au traité UE

Titre I - Dispositions communes

1) Insertion, dans le préambule du traité UE, du deuxième considérant suivant* (44) :

"S'INSPIRANT des héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe, à partir desquels se sont développées les valeurs universelles que constituent les droits inviolables et inaliénables de la personne humaine, ainsi que la liberté, la démocratie, l'égalité et l'État de droit,".

2) À l'article 1er, insertion des phrases suivantes :

La phrase suivante est ajoutée à la fin du premier alinéa: "…, à laquelle les États membres attribuent des compétences pour atteindre leurs objectifs communs." ;

le troisième alinéa est remplacé par le texte suivant: "L'Union est fondée sur le présent traité et sur le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Elle se substitue et succède à la Communauté européenne.".

2 bis) Insertion d'un article 2 relatif aux valeurs de l'Union.*

3) Remplacement de l'article 2 relatif aux objectifs de l'Union, renuméroté article 3, par le texte suivant (45) :

"1. L'Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples.

2. L'Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, en liaison avec des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures, d'asile, d'immigration ainsi que de prévention de la criminalité et de lutte contre ce phénomène.

3. L'Union établit un marché intérieur. Elle œuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique.

Elle combat l'exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l'égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l'enfant.

Elle promeut la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres.

Elle respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen.

3 bis. L'Union établit une union économique et monétaire dont la monnaie est l'euro.

4. Dans ses relations avec le reste du monde, l'Union affirme et promeut ses valeurs et ses intérêts et contribue à la protection de ses citoyens. Elle contribue à la paix, à la sécurité, au développement durable de la planète, à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples, au commerce libre et équitable, à l'élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l'homme, en particulier ceux de l'enfant, ainsi qu'au strict respect et au développement du droit international, notamment au respect de la Charte des Nations unies.

5. L'Union poursuit ses objectifs par des moyens appropriés, en fonction des compétences qui lui sont attribuées dans les traités."

4) Remplacement de l'article 3 par un article 4 sur les relations entre l'Union et les États membres*, avec ajout, au début, de la phrase ci-après, ainsi que d'une phrase à la fin du paragraphe 1 actuel renuméroté 2:

"1. "Conformément à l'article [I-11], toute compétence non attribuée à l'Union dans les traités appartient aux États membres.".

2. L'Union respecte l'égalité des États membres devant les traités ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l'autonomie locale et régionale. Elle respecte les fonctions essentielles de l'État, notamment celles qui ont pour effet d'assurer son intégrité territoriale, de maintenir l'ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale. En particulier, la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre.

(paragraphe 2 actuel renuméroté 3)".

5) Remplacement de l'article 6 sur les droits fondamentaux par un texte libellé comme suit (46)(47)(48)(49):

"1. L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux du 7 décembre 2000, telle qu'adaptée le [… 2007 (50)], laquelle a la même valeur juridique que les traités.

Les dispositions de la Charte n'étendent en aucune manière les compétences de l'Union telles que définies par les traités.

Les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte sont interprétés conformément aux dispositions générales du titre VII de la Charte régissant l'interprétation et l'application de celle-ci et en prenant dûment en considération les explications visées dans la Charte, qui indiquent les sources de ces dispositions."

2. L'Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l'Union telles qu'elles sont définies dans les traités.

3. Les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l'Union en tant que principes généraux.

6) Insertion d'un article 7 bis sur l'Union et son environnement proche*.

Titre II - Dispositions relatives aux principes démocratiques

7) Insertion d'un nouvel article sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union, libellé comme suit :

"Les parlements nationaux contribuent activement au bon fonctionnement de l'Union :

a) en étant informés par les institutions de l'Union et en recevant notification des projets d'actes législatifs européens conformément au protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne;

b) en veillant au respect du principe de subsidiarité conformément aux procédures prévues par le protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité;

c) en participant, dans le cadre de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, aux mécanismes d'évaluation de la mise en œuvre des politiques de l'Union dans cet espace, conformément à l'article [III-260] et en étant associés au contrôle politique d'Europol et à l'évaluation des activités d'Eurojust, conformément aux articles [III-276 et III-273];

a) en prenant part aux procédures de révision des traités, conformément aux articles [IV-443 et IV-444];

b) en étant informés des demandes d'adhésion à l'Union, conformément à l'article [I-58];

c) en participant à la coopération interparlementaire entre parlements nationaux et avec le Parlement européen, conformément au protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne.".

Titre V - Dispositions générales sur l'action extérieure de l'Union et dispositions spécifiques concernant la politique étrangère et de sécurité commune

8) À l'article 11, insertion d'un paragraphe 1 libellé comme suit (le texte actuel du paragraphe 1 étant supprimé): (51)

1. La compétence de l'Union en matière de politique étrangère et de sécurité commune couvre tous les domaines de la politique étrangère ainsi que l'ensemble des questions relatives à la sécurité de l'Union, y compris la définition progressive d'une politique de défense commune qui peut conduire à une défense commune.

La politique étrangère et de sécurité commune est soumise à des procédures spécifiques. Elle est définie et mise en œuvre par le Conseil européen et le Conseil, qui statuent à l'unanimité, sauf dans les cas où les traités en disposent autrement, et l'adoption d'actes législatifs est exclue. Cette politique est exécutée par le Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et par les États membres, conformément aux traités. Les rôles spécifiques du Parlement européen et de la Commission dans ce domaine sont définis par les traités. La Cour de justice de l'Union européenne n'est pas compétente en ce qui concerne ces dispositions, à l'exception de sa compétence pour contrôler le respect de l'article [III-308] et pour contrôler la légalité de certaines décisions visées à l'article [III-376, second alinéa] du traité sur le fonctionnement de l'UE."

Titre VI - Dispositions finales

9) À l'article 49, premier alinéa, insertion d'une nouvelle phrase à la fin, le deuxième alinéa restant inchangé:

"Article 49

Critères d'éligibilité et procédure d'adhésion à l'Union

Tout État européen qui respecte les valeurs visées à l'article 2 et qui s'engage à les promouvoir peut demander à devenir membre de l'Union. Le Parlement européen et les parlements nationaux sont informés de cette demande. L'État candidat adresse sa demande au Conseil, qui statue à l'unanimité après avoir consulté la Commission et après avis conforme du Parlement européen, qui se prononce à la majorité absolue des membres qui le composent. Les critères d'éligibilité approuvés par le Conseil européen sont pris en compte."

Annexe 2 au mandat de la CIG

Cette annexe a pour objet de préciser le libellé exact dans les cas où cela a été jugé nécessaire (A) et l’emplacement de certaines dispositions (B)

Modifications apportées au traité CE

A. Modifications apportées par rapport aux résultats de la CIG de 2004

1) À l'article 42, insertion des modifications agréées lors de la CIG de 2004 et ajout du passage suivant à la fin:

"Lorsqu'un membre du Conseil déclare qu'un projet d'acte législatif visé au premier alinéa porterait atteinte à des aspects importants de son système de sécurité sociale, notamment pour ce qui est du champ d'application, du coût ou de la structure financière, ou en affecterait l'équilibre financier, il peut demander que le Conseil européen soit saisi. Dans ce cas, la procédure législative ordinaire est suspendue. Après discussion et dans un délai de quatre mois à compter de cette suspension, le Conseil européen:

a) renvoie le projet au Conseil, ce qui met fin à la suspension de la procédure législative ordinaire; ou

a) n'a pas agi ou demande à la Commission de présenter une nouvelle proposition; dans ce cas, l'acte initialement proposé est réputé non adopté."

2) Remplacement, comme agréé lors de la CIG de 2004, du titre IV par les dispositions d'un nouveau titre sur l'espace de liberté, de sécurité et de justice*, incluant le chapitre 1 (Dispositions générales), le chapitre 2 (Politiques relatives aux contrôles aux frontières, à l'asile et à l'immigration), le chapitre 3 (Coopération judiciaire en matière civile), le chapitre 4 (Coopération judiciaire en matière pénale) et le chapitre 5 (Coopération policière).

a) Au chapitre I (Dispositions générales), insertion à [l'article III-262] d'un deuxième alinéa nouveau:

"Il est loisible aux États membres d'organiser entre eux et sous leur responsabilité des formes de coopération et de coordination qu'ils jugent appropriées entre les services compétents de leurs administrations chargées de sauvegarder la sécurité nationale."

b) Au chapitre 3 (Coopération judiciaire en matière civile), le paragraphe 3 de [l'article III-269] est remplacé par le texte suivant:

3. Par dérogation au paragraphe 2, les mesures relatives au droit de la famille ayant une incidence transfrontière sont établies par le Conseil, statuant selon une procédure législative spéciale. Le Conseil statue à l'unanimité, après consultation du Parlement européen.

Le Conseil, sur proposition de la Commission, peut adopter une décision déterminant les aspects du droit de la famille ayant une incidence transfrontière susceptibles de faire l'objet d'actes adoptés selon la procédure législative ordinaire. Le Conseil statue à l'unanimité, après consultation du Parlement européen.

La proposition visée au deuxième alinéa est transmise aux parlements nationaux. En cas d'opposition d'un parlement national notifiée dans un délai de six mois après cette transmission, la décision visée au deuxième alinéa n'est pas adoptée. En l'absence d'opposition, le Conseil peut adopter ladite décision."

c) Au chapitre 4 (Coopération judiciaire en matière pénale), remplacement, respectivement, des paragraphes 3 et 4 de [l'article III-270] et de [l'article III-271] par le texte suivant:

"3. Lorsqu'un membre du Conseil estime qu'un projet de directive visé au [paragraphe 2 de l'article III-270] [paragraphe 1 ou 2 de l'article III-271] porterait atteinte aux aspects fondamentaux de son système de justice pénale, il peut demander que le Conseil européen soit saisi. Dans ce cas, la procédure législative ordinaire est suspendue. Après discussion, et en cas de consensus, le Conseil européen, dans un délai de quatre mois à compter de cette suspension, renvoie le projet au Conseil, ce qui met fin à la suspension de la procédure législative ordinaire.

Dans le même délai, en cas de désaccord, et si au moins neuf États membres souhaitent instaurer une coopération renforcée sur la base du projet de directive concerné, ils en informent le Parlement européen, le Conseil et la Commission. Dans un tel cas, l'autorisation de procéder à une coopération renforcée, qui est visée à [l'article I-44, paragraphe 2] et à [l'article III-419, paragraphe 1], est réputée accordée et les dispositions sur la coopération renforcée s'appliquent."

d) Au chapitre 4 (Coopération judiciaire en matière pénale) et au chapitre 5 (Coopération policière), insertion des nouveaux alinéas suivants, respectivement, au paragraphe 1 de [l'article III-274] et au paragraphe 3 de [l'article III-275]:

"En l'absence d'unanimité au sein du Conseil, un groupe composé d'au moins neuf États membres peut demander que le Conseil européen soit saisi du projet de [règlement/mesures]. Dans ce cas, la procédure au Conseil est suspendue. Après discussion, et en cas de consensus, le Conseil européen, dans un délai de quatre mois à compter de cette suspension, renvoie le projet au Conseil pour adoption.

Dans le même délai, en cas de désaccord, et si au moins neuf États membres souhaitent instaurer une coopération renforcée sur la base du projet de [règlement/mesures] concerné, ils en informent le Parlement européen, le Conseil et la Commission. Dans un tel cas, l'autorisation de procéder à une coopération renforcée, qui est visée à [l'article I-44, paragraphe 2] et à [l'article III-419, paragraphe 1], est réputée accordée et les dispositions sur la coopération renforcée s'appliquent."

[à l'article III-275, paragraphe 3, uniquement: "La procédure spécifique prévue aux deuxième et troisième alinéas ne s'applique pas aux actes qui constituent un développement de l'acquis de Schengen."].

3) À l'article 100, le paragraphe 1 est remplacé par le texte suivant:

"1. Sans préjudice des autres procédures prévues par les traités, le Conseil, statuant sur proposition de la Commission, peut décider, dans un esprit de solidarité entre les États membres, des mesures appropriées à la situation économique, en particulier si de graves difficultés surviennent dans l'approvisionnement en certains produits, notamment dans le domaine de l'énergie."

4) Au titre XIX (Environnement), insertion des amendements agréés lors de la CIG de 2004, avec le remplacement du dernier tiret à l'article 174 par le tiret suivant:

"- la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l'environnement, et en particulier la lutte contre les changements climatiques."

5) Insertion d'un nouveau titre consacré à l'énergie, comme convenu lors de la CIG de 2004, avec le remplacement de la phrase d'introduction du paragraphe 1 de l'article [III-256] par le texte suivant:

"1. Dans le cadre de l'établissement ou du fonctionnement du marché intérieur et en tenant compte de l'exigence de préserver et d'améliorer l'environnement, la politique de l'Union dans le domaine de l'énergie vise, dans un esprit de solidarité entre les États membres, (…)".

B. Précisions concernant l'emplacement de certaines dispositions

6) Statut des églises et des organisations non confessionnelles (fin du titre II relatif aux dispositions d'application générale);

7) La citoyenneté de l'Union (partie II);

8) Base juridique pour l'adoption des dispositions relatives à la présentation d'une initiative citoyenne [I-47(4)] (au début de l'article 27);

9) Transparence des travaux des institutions, organes et organismes de l'Union (article 255, déplacé dans la partie II);

10) Les partenaires sociaux et le dialogue social (début du chapitre sur la politique sociale);

11) Clause de solidarité (nouveau titre VII dans la partie relative à l'action extérieure);

12) Le médiateur européen (à l'article 195);

13) Disposition prévoyant que les règles relatives au vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil s'appliquent également au Conseil européen ([article I-25, paragraphe 3] (dans la nouvelle section 1 bis relative au Conseil européen);

14) Bases juridiques pour l'adoption de la liste des formations du Conseil [article I-24, paragraphe 4] et de la décision concernant la présidence de ces formations [article I-24, paragraphe 7], et remplacement de l'article 205, paragraphe 2, par la règle relative au vote à la majorité qualifiée applicable lorsque le Conseil ne statue pas sur proposition de la Commission [article I-25, paragraphe 2](section 2 relative au Conseil);

15) Base juridique pour l'adoption du système de rotation pour la composition de la Commission [article I-26, paragraphe 6, points a) et b)] (section 3 relative à la Commission);

16) Banque centrale européenne (dans la nouvelle section 4 bis de la Partie V);

17) Cour des comptes (à la section 5 de la Partie V);

18) Les organes consultatifs de l'Union (aux chapitres 3 et 4 de la Partie V);

19) Titre II spécifique sur les dispositions financières (chapitres concernant les ressources propres de l'Union, le cadre financier pluriannuel, le budget annuel de l'Union, l'exécution du budget et la décharge, les dispositions communes et la lutte contre la fraude);

20) Titre III et dispositions sur la coopération renforcée, y compris le transfert des articles 27 A à 27 E et des articles 40 à 40 B du TUE, ainsi que des informations détaillées concernant les modalités de vote [article I-44, paragraphe 3];

21) Modification de l'article 309 (détail des règles de vote en cas de suspension de certains droits résultant de l'appartenance à l'Union [article I-59, paragraphes 5 et 6]);

22) Insertion dans les dispositions générales et finales des détails sur le champ d'application territoriale [article IV-440, paragraphes 2 à 7].

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© Assemblée nationale

1 () Article 214 § 2 TCE en vigueur.

2 () En application de cette procédure, lorsque l'avis du Parlement européen en 1ère lecture n'a pas été pris en compte dans la position commune du Conseil, il peut rejeter la proposition en 2ème lecture. Le Conseil ne peut alors passer outre la position du Parlement européen qu'à l'unanimité.

3 () Alors que dans la procédure de coopération le Conseil peut passer outre l'avis rendu par le Parlement, cela n'est pas le cas dans la procédure de codécision. À défaut d'accord entre les deux institutions, un comité de conciliation composé de représentants du Conseil et du Parlement est mis en place. Si la conciliation ne permet toujours pas de parvenir à un accord, l'acte ne peut pas être adopté.

4 () La clause de flexibilité permet au Conseil, statuant à l’unanimité, d’ajuster les compétences de l’Union pour atteindre les objectifs fixés par les traités.

5 () L’expression « citoyenneté européenne active » trouve son origine dans une décision du Conseil du 26 janvier 2004 (n°2004/100/CE) établissant un programme d’action communautaire pour la promotion de la citoyenneté européenne active, c’est-à-dire de la participation civique.

6 () www.europa.eu

7 () Décision n°2007-560 DC du 20 décembre 2007.

8 () Le protocole sur le rôle des parlements nationaux mentionne en effet la transmission des documents « lors de leur publication ».

9 () www.ipex.eu

10 () Les critères d’adhésion définis par le Conseil européen de Copenhague en décembre 1993 sont les suivants :

– le critère politique : la présence d'institutions stables garantissant la démocratie, l'État de droit, les droits de l'homme, le respect des minorités et leur protection ;

– le critère économique : l'existence d'une économie de marché viable et la capacité à faire face aux forces du marché et à la pression concurrentielle à l'intérieur de l'Union ;

– le critère de l'acquis communautaire: l'aptitude à assumer les obligations découlant de l'adhésion, et notamment à souscrire aux objectifs de l'Union politique, économique et monétaire.

À ces trois critères s’ajoute celui de la capacité d’intégration par l’Union européenne d’un nouvel Etat membre.

11 () A l’exception toutefois de la politique étrangère et de sécurité commune (art. 352 § 4 TFUE).

12 () Voir à ce sujet le rapport du député européen M. Jean-Louis Bourlanges sur la typologie des actes et la hiérarchie des normes dans l’Union européenne (rapport A5 0425/2002). L’adoption de ce rapport a été suivie du vote d’une résolutoin du Parlement européen [P5_TA (2002) 0612].

13 () Lorsque le Conseil ne statue pas sur proposition de la Commission ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, le seuil de la majorité qualifiée est élevé de
55 % à 72 % des États membres représentant au moins 65 % de la population.

14 () A compter de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, un nouvel article 88-7 sera inséré au titre XV de la Constitution. Cet article énonce que : « Par le vote d’une motion adoptée en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat, le Parlement peut s’opposer à une modification des règles d’adoption d’actes de l’Union européenne dans les cas prévus, au titre de la révision simplifiée des traités ou de la coopération judiciaire civile, par le traité sur l’Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tels qu’ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 ».

15 () Toutefois, en pratique, les deux groupes majoritaires du Parlement européen que sont le PPE et le PSE partagent ce mandat de cinq ans en deux mandats de deux ans et demi, ce qui leur permet d’élire leur représentant à la présidence du Parlement européen pendant la moitié d’une législature.

16 () Se reporter à ce sujet au rapport d’information publié par notre collègue M. Roland Blum sur « l’avenir de la PESC et de son financement » (n°291, octobre 2007).

17 () Axel Poniatowski, Le traité de Lisbonne : version consolidée du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (Rapport d’information n°439, décembre 2007).

18 () CJCE, Costa c/ E.N.E.L, affaire 6/64, 15 juillet 1964.

19 () Décision DC 2004-505 du 19 novembre 2004.

20 () A titre d’exemple, voir la communication de MM. Jérôme Lambert et Didier Quentin sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de décision-cadre du Conseil modifiant la décision-cadre 2002/475/JAI relative à la lutte contre le terrorisme (compte rendu n°24, réunion de la Délégation pour l’Union européenne du 19 décembre 2007).

21 () Hubert Haenel, Dialogue avec la Commission européenne sur la subsidiarité, Rapport n°88, Délégation pour l’Union européenne du Sénat, novembre 2007.

22 () Y compris le Président de la Commission et le Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

23 () D’au moins une majorité d’États membres avec le traité d’Amsterdam, le seuil de déclenchement d’une coopération renforcée est passée à 8 États membres avec le traité de Nice.

24 () Un régime juridique spécifique est toutefois prévu dans le domaine de la défense, à travers la « coopération structurée permanente » visée à l’article 42 TUE.

25 () Un régime juridique différent est toutefois prévu s’agissant des coopérations renforcées dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune. Dans ce cas, la Commission européenne est seulement consultée et le Parlement européen est informé. L’autorisation de procéder à une coopération renforcée est accordée par une décision du Conseil statuant à l’unanimité. Cela signifie que chaque État membre dispose d’un droit de veto pour s’opposer au déclenchement d’une coopération renforcée à laquelle il ne participerait pourtant pas.

26 () Cf. André Schneider, Rapport n°77 (juillet 2007) au nom de la Commission des affaires étrangères adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne, le Royaume d’Espagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d’Autriche, relatif à l’approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale.

27 () Proposition de loi constitutionnelle n°560 déposée le 21 décembre 2007.

28 () Votre Rapporteur renvoie à ce sujet au rapport d’information précité de M. Roland Blum sur 
« l’avenir de la PESC et de son financement » (n°291, octobre 2007).

29 () Voir à ce sujet le rapport de la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne : MM. Jérôme Lambert et Didier Quentin, « Vers une Europe plus démocratique et plus efficace : les parlements nationaux, nouveaux garants du principe de subsidiarité », Rapport d’information n°1919, XIIe législature
(16 novembre 2004)

30 () L'article sur la primauté du droit de l'Union ne sera pas repris dans le TUE, mais la CIG adoptera la déclaration suivante: "La Conférence rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'UE, les traités et le droit adopté par l'Union sur la base des traités priment le droit des États membres, dans les conditions définies par ladite jurisprudence." En outre, l'avis du service juridique du Conseil (doc. 11197/07) sera annexé à l'acte final de la conférence.

31 () Le contenu du titre VI, consacré à la coopération policière et judiciaire en matière pénale, sera transféré dans le titre sur l'espace de liberté, de sécurité et de justice du traité sur le fonctionnement de l'UE (voir ci-dessous "Modifications du traité CE").

32 () Par conséquent, le texte de la Charte sur les droits fondamentaux ne figurera pas dans les traités.

33 () Y compris les modalités de vote.

34 () La fusion de certaines dispositions nécessitera quelques modifications rédactionnelles.

35 () La CIG adoptera la déclaration suivante: "La conférence souligne que les dispositions du traité sur l'Union européenne portant sur la politique étrangère et de sécurité commune, y compris la création de la fonction de haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et la mise en place d'un service pour l'action extérieure, ne portent pas atteinte aux responsabilités des États membres, telles qu'elles existent actuellement, pour l'élaboration et la conduite de leur politique étrangère ni à leur représentation nationale dans les pays tiers et au sein des organisations internationales.

La conférence rappelle également que les dispositions régissant la politique de sécurité et de défense commune sont sans préjudice de la nature spécifique de la politique de sécurité et de défense des États membres.

Elle souligne que l'UE et ses États membres demeureront liés par les dispositions de la Charte des Nations unies et, en particulier, par la responsabilité principale incombant au Conseil de sécurité et à ses États membres du maintien de la paix et de la sécurité internationales."

36 () S'agissant du traitement de ces données par les États membres lorsqu'ils exercent des activités relevant de la PESC ou de la PESD, ainsi que de la circulation de ces données.

37 () La CIG adoptera la déclaration suivante: "La Conférence confirme que le fait que l'Union européenne a une personnalité juridique n'autorisera en aucun cas l'Union à légiférer ou à agir au-delà des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités."

38 () Les articles 41, 42, 46 et 50 du traité UE seront supprimés, l'article 47 étant déplacé, après avoir été amendé comme convenu lors de la CIG de 2004, dans le chapitre consacré à la PESC.

39 () a) La CIG adoptera également une déclaration concernant la délimitation des compétences: "La conférence souligne que, conformément au système de répartition des compétences entre l'Union et les États membres tel que prévu par le traité sur l'Union européenne, toute compétence non attribuée à l'Union dans les traités appartient aux États membres. Lorsque les traités attribuent à l'Union une compétence partagée avec les États membres dans un domaine déterminé, les États membres exercent leur compétence dans la mesure où l'Union n'a pas exercé la sienne ou a décidé de cesser de l'exercer. Ce dernier cas de figure peut se produire lorsque les institutions compétentes de l'Union décident d'abroger un acte législatif, en particulier en vue de mieux garantir le respect constant des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Sur l'initiative d'un ou de plusieurs de ses membres (représentants des États membres) et conformément à l'article 208, le Conseil peut demander à la Commission de soumettre des propositions visant à abroger un acte législatif.

De même, les représentants des gouvernements des États membres, réunis en Conférence intergouvernementale, conformément à la procédure de révision ordinaire prévue à l'article [IV-443] du traité sur l'Union européenne, peuvent décider de modifier les traités sur lesquels l'Union est fondée, y compris en vue d'accroître ou de réduire les compétences attribuées à l'Union dans lesdits traités."

b) Le protocole suivant sera annexé aux traités :

"En ce qui concerne l'article [I-12, paragraphe 2] relatif aux compétences partagées, lorsque l'Union mène une action dans un certain domaine, le champ d'application de cet exercice de compétence ne couvre que les éléments régis par l'acte de l'Union en question et ne couvre donc pas tout le domaine."

40 () La CIG adoptera également une déclaration concernant cet article: "La Conférence rappelle que, dans ce cas, le Conseil européen se prononce par consensus, conformément à l'article [I-21], paragraphe 4".

41 () Le protocole ci-après sera annexé aux traités: "Protocole sur les services d'intérêt général Les Hautes Parties Contractantes,

Souhaitant souligner l'importance des services d'intérêt général,

Sont convenues des dispositions interprétatives ci-après, qui seront annexées au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union:

Article premier

Les valeurs communes de l'Union concernant les services d'intérêt économique général au sens de l'article 16 du traité CE comprennent notamment:

- le rôle essentiel et la grande marge de manœuvre des autorités nationales, régionales et locales dans la fourniture, la mise en service et l'organisation des services d'intérêt économique général d'une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs;

- la diversité des services d'intérêt économique général et les disparités qui peuvent exister au niveau des besoins et des préférences des utilisateurs en raison de situations géographiques, sociales ou culturelles différentes;

- un niveau élevé de qualité, de sécurité et d'accessibilité, l'égalité de traitement et la promotion de l'accès universel et des droits des utilisateurs;

Article 2

Les dispositions des traités ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des États membres relative à la fourniture, à la mise en service et à l'organisation de services non économiques d'intérêt général."

42 () La CIG adoptera également deux déclarations en rapport avec cet article:

1) "La Conférence déclare que la référence aux objectifs de l'Union figurant à l'article 308 vise les objectifs fixés à l'article [I-3(2) et (3)] ainsi que les objectifs énoncés à l'article [I-3(4)] relatif à l'action extérieure, à la partie III, titre V, du traité. Par conséquent, il est exclu qu'une action fondée sur l'article 308 poursuive uniquement les objectifs fixés à l'article [I-3(1)]. Dans ce cadre, la Conférence note que, conformément à l'article [I-40(6)], des actes législatifs ne peuvent être adoptés dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune".

2) "La Conférence souligne que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, l'article 308, qui fait partie intégrante d'un ordre institutionnel basé sur le principe des compétences d'attribution, ne saurait constituer un fondement pour élargir le domaine des compétences de l'Union au-delà du cadre général résultant de l'ensemble des dispositions des traités, et en particulier de celles qui définissent les missions et les actions de l'Union. Cet article ne saurait en tout cas servir de fondement à l'adoption de dispositions qui aboutiraient en substance, dans leurs conséquences, à une modification des traités échappant à la procédure que ceux-ci prévoient à cet effet."

43 () Certains de ces protocoles, inutiles du fait que les traités actuels ne sont pas abrogés, ne sont pas énumérés. Rappelons que tous les traités actuels, y compris les actes d'adhésion, restent en vigueur.

44 () Dans l'ensemble de la présente annexe, ce symbole (*) indique que les innovations à insérer sont les mêmes que celles qui ont été agréées lors de la CIG de 2004.

45 () Le protocole ci-après sera annexé aux traités: "Protocole sur le marché intérieur et la concurrence

Les Hautes Parties Contractantes, compte tenu du fait que le marché intérieur tel qu'il est défini à l'article 3 du traité sur l'Union européenne comprend un système garantissant que la concurrence n'est pas faussée,

Sont convenues que, à cet effet, l'Union prend, si nécessaire, des mesures dans le cadre des dispositions des traités, notamment l'article 308 du traité sur le fonctionnement de l'Union."

46 () La CIG approuvera la déclaration suivante: "La conférence déclare que:

1. La Charte des droits fondamentaux, légalement contraignante, confirme les droits fondamentaux garantis par la Convention des droits de l'homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres.

La Charte n'étend pas le champ d'application du droit de l'Union au-delà des compétences de l'Union, ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l'Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies par les traités.

47 () Déclaration unilatérale de la Pologne:

"La Charte ne porte atteinte en aucune manière au droit des États membres de légiférer dans le domaine de la moralité publique, du droit de la famille ainsi que de la protection de la dignité humaine et du respect de l'intégrité humaine physique et morale."

48 () Le protocole ci-après sera annexé aux traités: "Les Hautes Parties Contractantes

Considérant qu'à l'article [xx] du traité sur l'Union européenne, l'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux;

Considérant que la Charte doit être appliquée en stricte conformité avec les dispositions de l'article [xx] susmentionné et du titre VII de la Charte proprement dite;

Considérant que l'article [xx] précité dispose que la Charte doit être appliquée et interprétée par les juridictions du Royaume-Uni en stricte conformité avec les explications visées à cet article;

Considérant que la Charte contient à la fois des droits et des principes;

Considérant que la Charte contient des dispositions qui revêtent un caractère civil et politique et des dispositions qui revêtent un caractère économique et social;

Considérant que la Charte confirme les droits, les libertés et les principes reconnus dans l'Union et les rend plus visibles, sans toutefois créer de nouveaux droits ou principes;

Rappelant les obligations qui incombent en Royaume-Uni en vertu du traité sur l'Union européenne, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et du droit de l'Union en général;

Prenant acte du souhait du Royaume-Uni de clarifier certains aspects de l'application de la Charte;

Désireuses dès lors de clarifier l'application de la Charte en ce qui concerne les lois et l'action administrative du Royaume-Uni, ainsi que sa justiciabilité au Royaume-Uni;

Réaffirmant que les références, dans le présent protocole, à la mise en œuvre de dispositions spécifiques de la Charte sont strictement sans préjudice de la mise en œuvre des autres dispositions de la Charte;

Réaffirmant que le présent protocole est sans préjudice de l'application de la Charte aux autres États membres;

Réaffirmant que le présent protocole est sans préjudice des autres obligations qui incombent au Royaume-Uni en vertu du traité sur l'Union européenne, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et du droit de l'Union en général;

Sont convenues des dispositions suivantes, qui sont annexées au traité sur l'Union européenne:

Article premier

La Charte n'étend pas la faculté de la Cour de justice, ou de toute juridiction du Royaume-Uni, d'estimer que les lois, règlements ou dispositions, pratiques ou action administratives du Royaume-Uni sont incompatibles avec les droits, les libertés et les principes fondamentaux qu'elle réaffirme.

En particulier, et pour dissiper tout doute, rien dans le [titre IV] de la Charte ne crée des droits justiciables applicables au Royaume-Uni, sauf dans la mesure où le Royaume-Uni a prévu de tels droits dans sa législation nationale.

Article 2

Lorsqu'une disposition de la Charte fait référence aux législations et pratiques nationales, elle ne s'applique au Royaume-Uni que dans la mesure où les droits et principes qu'elle contient sont reconnus dans la législation ou les pratiques du Royaume-Uni."

49 () Deux délégations se sont réservé le droit de se joindre au protocole mentionné à la note 19.

50 () C'est-à-dire la version de la Charte, telle qu'arrêtée lors de la CIG de 2004, qui sera réadoptée par les trois institutions en [2007]. Elle sera publiée au Journal officiel de l'Union européenne.

51 () La CIG approuvera la déclaration suivante: "En plus des procédures spécifiques visées à [l'article 11, paragraphe 1], la conférence souligne que les dispositions concernant la PESC, y compris pour ce qui est du Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ainsi que du service pour l'action extérieure, n'affecteront pas la base juridique existante, les responsabilités ni les compétences de chaque État membre en ce qui concerne l'élaboration et la conduite de sa politique étrangère, son service diplomatique national, ses relations avec les pays tiers et sa participation à des organisations internationales, y compris l'appartenance d'un État membre au Conseil de sécurité des Nations unies.

La conférence note par ailleurs que les dispositions concernant la PESC ne confèrent pas de nouveaux pouvoirs à la Commission de prendre l'initiative de décisions ni n'accroissent le rôle du Parlement européen.

La conférence rappelle aussi que les dispositions régissant la politique de sécurité et de défense commune n'affectent pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense des États membres."