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N° 771

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 avril 2008.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (N° 735) relatif à la protection du secret des sources des journalistes,

PAR M. Étienne BLANC,

Député.

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INTRODUCTION 5

I. LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DES SOURCES DES JOURNALISTES 7

A. UNE CONDITION DE LA LIBERTÉ ET DE LA CRÉDIBILITÉ DE LA PRESSE 7

1. Un corollaire de la liberté d’information… 7

2. …qui compte au nombre des principes déontologiques de la presse 9

B. UNE EXIGENCE JURIDIQUE 9

1. Le droit existant est insuffisant… 9

a) Le droit au silence du journaliste, un droit limité à l’instruction 10

b) L’encadrement des perquisitions, une portée limitée 10

2. … au regard de la Convention européenne de Sauvegarde des droits de l’Homme 12

II. LE PROJET DE LOI CONSACRE DANS NOTRE DROIT LE PRINCIPE GÉNÉRAL DE LA PROTECTION DU SECRET DES SOURCES JOURNALISTIQUES 16

A. LA CONSÉCRATION LÉGISLATIVE D’UN PRINCIPE GÉNÉRAL DE PROTECTION DU SECRET DES SOURCES JOURNALISTIQUES 16

B. DES GARANTIES NOUVELLES ENTOURANT LES PERQUISITIONS DONT LES JOURNALISTES PEUVENT FAIRE L’OBJET 17

C. L’EXTENSION DU DROIT DU JOURNALISTE DE TAIRE SES SOURCES LORSQU’IL EST ENTENDU COMME TÉMOIN TOUT AU LONG DE LA PROCÉDURE PÉNALE 18

EXAMEN DES ARTICLES 27

Article 1er [articles 2 et 35 de la loi du 29 juillet 1881] : Consécration législative du principe général de la protection du secret des sources journalistiques 27

Article 2 [article 56-2 du code de procédure pénale] : Accroissement des garanties procédurales en cas de perquisition concernant un journaliste 38

Article 3 [articles 326 et 437 du code de procédure pénale] : Extension du droit du journaliste de taire ses sources en cas d’audition en tant que témoin 45

Après l’article 3 47

Après l’article 3 : Application du principe de protection du secret des sources en matière de réquisitions judiciaires 47

Après l’article 3 : Application du principe de protection du secret des sources en matière d’écoutes judiciaires 48

Après l’article 3 49

Article 4 : Application de la loi 49

TABLEAU COMPARATIF 51

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 59

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 61

ANNEXE 1 : recommandation n° R (2000) 7 du Comité des Ministres
du Conseil de l’Europe aux États membres sur le droit des journalistes
de ne pas révéler leurs sources d'information
65

ANNEXE 2 : protection du secret des sources des journalistes : éléments de droit comparé 70

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 77

MESDAMES, MESSIEURS,

La libre diffusion d’informations par voie de presse ou par tout autre moyen de communication, déclinaison particulière de la liberté d’expression, constitue un facteur de propagation des idées indispensable aux démocraties. Du foisonnement des publications dans les mois qui suivirent la Révolution française, à l’été 1789, jusqu’à la dénonciation du scandale du Watergate par deux journalistes du Washington Post en 1972, en passant par les retombées du « J’accuse » d’Émile Zola dans l’Aurore, le 13 janvier 1898, la liste est longue des exemples illustrant ce constat.

L’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 pose le principe de la liberté de communication et précise qu’il revient à la loi de déterminer les cas où cette liberté peut être encadrée. Aux termes de cet article en effet « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». C’est sur ce fondement que le législateur a été amené, à de nombreuses reprises, à encadrer – principalement dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse plusieurs fois modifiée – l’exercice de la liberté de la presse pour éviter qu’elle n’empiète sur d’autres droits fondamentaux – respect de la vie privée, interdiction de l’injure ou de la diffamation, notamment – ou qu’elle ne soit détournée à des fins inacceptables – propagation de fausses nouvelles, apologie de la haine raciale, mise en danger des mineurs, entre autres.

La liberté de la presse ne se conçoit pas sans que soient apportées des garanties aux journalistes dans l’exercice de leur profession et, notablement, sans que soit protégé le secret de leurs sources : la possibilité pour un journaliste de taire l’origine de ses informations permet d’éviter un tarissement de ses sources et favorise donc une réelle liberté d’informer. Il serait sans doute extrêmement difficile pour les journalistes de mener des enquêtes approfondies si les témoins qu’ils interrogent n’avaient pas l’assurance de pouvoir s’exprimer sans courir le risque de voir leur identité révélée ou leur situation sociale remise en cause.

La loi française ne reconnaît pas aux journalistes un secret professionnel, qui impliquerait pour eux une interdiction absolue de révéler les informations reçues à l’occasion de l’exercice de leur profession et serait donc totalement antinomique avec leur mission d’information. N’a pas plus jusqu’ici été érigé dans notre droit le principe de protection du secret des sources journalistiques, comme règle générale. Est en revanche reconnu aux journalistes, depuis la loi du 4 janvier 1993, un droit de non-divulgation de leurs sources lorsqu’ils sont entendus comme témoins dans le cadre d’une procédure d’instruction (article 109 du code de procédure pénale). Un tel droit préserve l’entière liberté du journaliste, libre de taire ses sources, mais aussi de les révéler.

Notre législation n’est pas sans poser des difficultés au regard des obligations internationales auxquelles la France est partie, spécialement des dispositions de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, dont la Cour de Strasbourg a formulé une interprétation extensive.

La profession des journalistes réclame d’ailleurs depuis plusieurs années déjà des aménagements du régime juridique qui leur est opposable en la matière. Dans le récent rapport de la mission d’information de la commission des Affaires culturelles du Sénat sur la crise de la presse (1), le rapporteur, M. Louis de Broissia, préconisait également une meilleure garantie de la protection des sources dans le droit positif français.

Répondant à cette attente, le présent projet de loi, adopté par le Conseil des ministres le 12 mars dernier, entend renforcer la liberté d’exercice du métier de journaliste, ainsi que, de manière plus générale, la crédibilité dont les journalistes pourront se prévaloir auprès de leurs informateurs en affirmant de manière solennelle et absolue le principe de la protection du secret de leurs sources et en tirant les conséquences de ce principe en matière de procédure pénale.

Malgré un calendrier d’examen parlementaire particulièrement resserré, votre rapporteur a pu procéder à de nombreuses auditions (2) qui lui ont permis de nourrir sa réflexion sur une question importante, qui va bien au-delà de revendications professionnelles et qui touche au fondement même de notre démocratie : la Cour de Strasbourg n’a-t-elle pas reconnu aux journalistes le rôle de « chiens de garde de la démocratie » ? Si le droit des citoyens à être informés implique que les sources des journalistes puissent être tues, cette protection ne peut être sans limite. La question de la définition de cette limite a été au cœur de la réflexion de votre rapporteur.

I. LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DES SOURCES DES JOURNALISTES

A. UNE CONDITION DE LA LIBERTÉ ET DE LA CRÉDIBILITÉ DE LA PRESSE

1. Un corollaire de la liberté d’information…

La mission du journaliste est d’informer les citoyens en rendant publics les faits et événements dont il a connaissance. Ce rôle d’information implique la recherche d’éléments susceptibles d’éclairer le public, par des canaux plus ou moins officiels, qui constituent ses sources.

Qu’est-ce qu’une source journalistique ?

Aux termes de la Recommandation 2000/7 du Conseil de l’Europe, dont le texte est reproduit en annexe 1, la notion de source recouvre deux éléments :

1- non seulement la source proprement dite, qui désigne toute personne qui fournit des informations à un journaliste ;

2- mais aussi les informations permettant d’identifier une source, qui comprennent :

—  le nom et les données personnelles ainsi que la voix et l'image d'une source,

—  les circonstances concrètes de l'obtention d'informations par un journaliste auprès d'une source,

—  la partie non publiée de l'information fournie par une source à un journaliste,

—  les données personnelles des journalistes et de leurs employeurs liées à leur activité professionnelle.

Dans sa recherche, le journaliste se doit de procéder aux vérifications et recoupements nécessaires pour s’assurer de la véracité de ces éléments avant de les publier. Les personnes entendues par votre rapporteur ont souligné l’importance cruciale de cette étape du travail journalistique consistant à « croiser » les sources. Comme le rappelle Loïc Denis dans un article paru en 2004 (3), « La source qui est à l’origine d’une information est mue le plus souvent par l’avantage qu’elle entend tirer de la diffusion matérielle, stratégique ou en terme d’image ; elle cherche à « faire passer » certaines informations ». Lors de son audition, le journaliste Guillaume Dasquié n’a rien dit d’autre lorsqu’il a évoqué les « stratégies d’influence » au milieu desquelles évoluent les journalistes et qui impliquent de leur part vigilance et recoupements.

Dans l’exercice de sa profession, le journaliste peut être confronté de diverses manières à la justice : il peut lui être demandé d’apporter la preuve des informations qu’il a publiées en cas de contestation, notamment lorsqu’il est accusé de diffamation. Dans la mesure où son travail d’enquête est parfois mené concurremment avec une enquête judiciaire, les enquêteurs peuvent également vouloir l’entendre dans leur recherche d’éléments de preuve. Dans ce dernier cas, les enquêteurs tendent parfois à transformer les journalistes en « auxiliaires de la justice », ce qu’ils ne sont pas et refusent de devenir, ainsi que l’ont rappelé les journalistes présents lors de la table ronde organisée par le Président de notre Commission le 27 mars dernier.

Citons encore Loïc Denis : « Deux pouvoirs revendiquent chacun leur rôle dans la recherche de la vérité. Le premier [la justice] met en avant les grands principes : liberté des preuves, secret de l’instruction, présomption d’innocence. Il considère que les moyens d’investigation du juge n’ont pas à être contestés, que les informations nécessaires à ses enquêtes ne sauraient lui être refusées (…). Le second [la presse] obéit à sa propre logique (…) : tout ce qui se sait doit être dit, tout ce qui est caché peut être dévoilé, et la publication des nouvelles ne saurait attendre une date aussi tardive que celle du procès public ». (4)

La justice n’exige assurément pas en permanence de la presse qu’elle révèle ses sources ; elle ne le fait que pour certains sujets sensibles pour l’opinion publique et, plus fréquemment, lorsqu’ont été divulguées des informations confidentielles à l’insu du juge en charge d’une affaire. Tout dépend donc du sujet traité et, partant, du choix initial du journaliste quant au domaine de ses investigations. Il reste que cette liberté de choix apparaît étroitement corrélée à la liberté d’information.

La protection des sources de la presse est tout aussi étroitement liée à la liberté d’information. Comme le souligne Mme Marion Jacquemin dans un ouvrage consacré à la protection des sources des journalistes : « La source d’information est (…) à la base du métier de journaliste. Sans information, il n’y a pas de journaliste. Or, sans informateur, il n’y a pas d’information et sans confidentialité des sources, il n’y a pas d’informateur. » (5).

La garantie de la confidentialité des sources se situe donc au cœur de la crédibilité et de l’efficacité du travail de la presse, notablement de celui des journalistes d’investigation. En vertu de l’adage « Qui cite ses sources, les tarit », il apparaît improbable que l’accès aux informations les plus diverses et, parfois, les plus gênantes, serait possible sans que l’anonymat des informateurs des journalistes puisse être préservé. À l’occasion d’un récent colloque sur la question organisé par l’Association Presse-Liberté, M. Franz-Olivier Giesbert ne déclarait-il pas au sujet des sources : « Si la justice entend nous contraindre à les révéler à chaque occasion, c’est l’exercice même de notre métier qui sera mis en cause et la population devra se contenter de journaux de communiqués officiels », notant également que la protection du secret des sources relève de l’« essence même » du métier de journaliste (6) ?

2. …qui compte au nombre des principes déontologiques de la presse

Les principaux textes que la profession s’est donnés, tant au niveau national qu’au niveau international, pour lui servir de code de déontologie consacrent une place importante à la protection des sources : la Charte des devoirs professionnels des journalistes français, adoptée en juillet 1918 et révisée en janvier 1938 sous l’égide du syndicat national des journalistes, affirme en effet que « tout journaliste digne de ce nom doit garder le secret professionnel » tandis que de la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes, approuvée le 25 novembre 1971 à Munich par les principaux syndicats de journalistes européens, énonce parmi les devoirs essentiels de la profession le fait de ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement.

Néanmoins, aussi importantes soient-elles, ces chartes syndicales n’ont pas de portée juridique contraignante. Aucun journaliste ne peut ainsi s’en prévaloir devant l’autorité judiciaire pour conserver, en toutes circonstances, le secret sur l’origine de ses sources. Il n’existe d’ailleurs en France aucune instance qui serait chargée de contrôler et de sanctionner les dérives éventuelles de la pratique journalistique (7).

Le présent projet de loi devrait faire converger davantage la loi avec les principes déontologiques de la presse. La reconnaissance d’un droit à part entière à la protection des sources donnera plus de poids et de garanties aux journalistes dans leurs enquêtes ; par voie de conséquence, la dimension qualitative de leur travail s’en trouvera renforcée. En un sens, la presse d’investigation va se voir davantage reconnue et considérée, ce qui, aux yeux de votre rapporteur, n’est pas le moindre des arguments en faveur du dispositif proposé.

B. UNE EXIGENCE JURIDIQUE

1. Le droit existant est insuffisant…

À l’heure actuelle, notre droit ne traduit le principe du secret des sources que par des dispositions indirectes qui n’assurent qu’une protection partielle de ce secret.

L’état actuel du droit se justifie par le souci qui a été celui du législateur de rechercher un point d’équilibre entre protection des sources, efficacité des enquêtes judiciaires et respect de la présomption d’innocence. Il ne correspond néanmoins pas, ou plus, aux canons du droit européen ; tant le Conseil de l’Europe que le Parlement européen ont d’ailleurs expressément invité la France à faire évoluer sa législation en la matière.

a) Le droit au silence du journaliste, un droit limité à l’instruction

La législation française ne reconnaît pas aujourd’hui aux journalistes un droit au secret professionnel : les journalistes ne figurent pas au nombre des personnes dépositaires, par état ou par fonction, d’une information à caractère secret au sens de l’article 226-13 du code pénal (8)(Cass. crim., 24 mai 2005). Elle leur reconnaît en revanche un droit au silence dans un contexte bien précis, ce qui a une portée bien différente sur le plan juridique : alors que le secret professionnel emporte obligation absolue de ne pas révéler, la protection du secret des sources donne la liberté de ne pas révéler.

C’est l’article 56 de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale qui, modifiant l’article 109 du code de procédure pénale, consacre pour la première fois dans notre droit le principe du secret des sources d’information du journaliste. Il dispose en effet : « Tout journaliste, entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l’origine ».

Si cette loi a énoncé un principe fondamental, elle l’a limité dans son application, l’article 109 n’étant applicable qu’aux témoins entendus dans le cadre d’une information judiciaire.

b) L’encadrement des perquisitions, une portée limitée

L’article 55 de la même loi de 1993 a par ailleurs inséré dans le code de procédure pénale un article 56-2, relatif aux perquisitions dans les locaux des entreprises de presse : il dispose que les perquisitions dans les locaux d’une entreprise de presse ou de communication audiovisuelle ne peuvent être effectuées que par un magistrat – le juge d’instruction, si une information judiciaire est ouverte, ou le procureur de la République, dans le cadre d’une enquête préliminaire – qui est chargé de veiller à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au « libre exercice de la profession de journaliste » et ne constituent pas un obstacle ou n’entraînent pas un retard injustifiés à la diffusion de l’information.

Les perquisitions menées au siège du Canard Enchaîné le 1er août 1996 s’agissant de révélations sur le meurtre de notre regrettée collègue Yann Piat et, plus récemment, celles réalisées au Point et à l’Équipe, en janvier 2005, à la suite de la publication d’éléments relevant de l’instruction de l’affaire de dopage cycliste dans l’équipe Cofidis lors du Tour de France de 2004, ont toutefois montré que les évolutions législatives n’ont eu pour principal effet que d’accroître le formalisme entourant les procédures. Ainsi que le souligne Mme Marion Jacquemin, dans l’ouvrage précité : « La substitution d’un magistrat à la police judiciaire n’a apporté qu’une différence de degré mais non une différence de nature » (9).

L’article 56-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction actuelle, n’est de fait pas dénué de critiques :

—  Tout d’abord, ne sont concernées que les perquisitions dans les entreprises de presse et de communication audiovisuelle, à l’exclusion des locaux des agences de presse (10), des agences de communication en ligne et du domicile des journalistes, alors que ces derniers sont de plus en plus amenés à travailler chez eux. Le champ couvert par cet article ne semble donc plus en adéquation avec les réalités actuelles de l’exercice de la profession journalistique.

—  Ensuite, les journalistes n’étant pas organisés en ordre professionnel, ils ne bénéficient pas d’une protection similaire à celle accordée, par exemple, aux avocats par l’article 56-1 du code de procédure pénale. En l’espèce, la présence du bâtonnier ou de son représentant est requise pour toute perquisition effectuée dans un cabinet d’avocats, ce qui offre une garantie de contrôle indépendant du déroulement de la procédure ;

—  Enfin, la notion d’« atteinte au libre exercice de la profession de journaliste » ouvre la voie à beaucoup d’interprétations. D’un certain point de vue, la recherche et la saisie de documents de travail d’un journaliste dans les locaux de son entreprise de presse pourraient fort bien être considérées comme une telle atteinte mais, dans la pratique, il semble en aller différemment (11). Par ailleurs, ne sachant pas à l’avance quelles seront les découvertes effectuées à l’occasion de la perquisition d’un local de presse, le magistrat instructeur ou du parquet ne peut savoir a priori si cette démarche est de nature à constituer ou pas un obstacle ou un retard injustifié à la diffusion de l’information.

Par ailleurs, la loi dite « Perben II » du 9 mars 2004 (12) a complété le cadre des perquisitions et saisies en instituant, à l’intention des officiers de police judiciaire, un droit de réquisition de documents intéressant l’enquête, englobant notamment les éléments issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives. Dans le cas des entreprises de presse, l’article 60-1 du code de procédure pénale prévoit que, si le secret professionnel n’est pas opposable, la remise des documents demandés ne peut intervenir qu’avec l’accord des journalistes.

Au total, en dépit du cadre fixé par le législateur, le régime des perquisitions et des saisies dans les locaux des entreprises de presse peut constituer un moyen efficace de contournement du droit au silence des journalistes. Ce faisant, l’équilibre entre liberté de la presse et efficacité des investigations judiciaires est potentiellement remis en cause. Le législateur est donc dans son rôle lorsqu’il cherche à rétablir ce fragile et nécessaire équilibre, et ce d’autant que les engagements internationaux de la France l’y invitent.

2. … au regard de la Convention européenne de Sauvegarde des droits de l’Homme

L’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales garantit le droit à la liberté d’expression tout en précisant les motifs qui peuvent légitimer les atteintes au principe.

Article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme
et des Libertés fondamentales

« Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.

L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. »

La Cour européenne des droits de l’Homme est régulièrement amenée à expliciter cette disposition. Elle s’est, à chaque fois, posée en gardienne sourcilleuse des droits de la presse et, notamment, de la protection de ses sources. Elle a progressivement construit une théorie générale en la matière. Quelques arrêts importants méritent plus particulièrement d’être évoqués, en raison de leurs incidences potentielles sur la législation en vigueur dans notre pays.

—  Le premier est l’arrêt « Goodwin c/ Royaume-Uni de Grande-Bretagne », rendu le 27 mars 1996, dans lequel la Cour de Strasbourg a pour la première fois posé le principe de la liberté du journaliste de ne pas révéler ses sources.

Statuant sur l’obligation faite en 1989 à un journaliste britannique, William Goodwin, de communiquer des éléments obtenus par téléphone sur les difficultés financières d’une entreprise britannique et de révéler l’identité de son informateur, la Cour a estimé que « la protection des sources journalistiques est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse », ajoutant à l’appui de sa démonstration que « l’absence d’une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d’aider la presse à informer le public sur des questions d’intérêt général. En conséquence, la presse pourrait être moins à même de jouer son rôle indispensable de « chien de garde » et son aptitude à fournir des informations précises et fiables pourrait s’en trouver amoindrie ». Il ressort de cette jurisprudence que condamner un journaliste pour détention d’un document obtenu loyalement, mais soumis au secret, équivaut à cantonner le rôle de la presse à la diffusion d’informations officielles, ce qui entre en totale contradiction avec l’intérêt de la société démocratique qui est d’assurer et de maintenir la liberté de l’information. Il en résulte également que les journalistes sont fondés à ne pas révéler leurs sources à l’autorité judiciaire, sauf à ce que celle-ci justifie d’un « impératif prépondérant d’intérêt public ».

À la suite de cet arrêt, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté en mars 2000 une recommandation (13) qui invite les États membres à « prévoir une protection explicite et claire du droit des journalistes de ne pas divulguer les informations identifiant une source ». Il reconnaît la possibilité de prévoir des exceptions à cette protection, justifiées par l’existence d’un « impératif prépondérant d’intérêt public », tout en insistant sur le fait que les restrictions à apporter à la protection du secret des sources doivent respecter la prééminence du droit de non-divulgation.

—  Le deuxième arrêt fondamental de la Cour, dit « Roemen et Schmit c/ Luxembourg » du 25 février 2003, donne un éclairage complémentaire à la jurisprudence Goodwin en matière de perquisitions.

En l’espèce, la juridiction européenne a sanctionné des perquisitions opérées sur le lieu de travail et au domicile d’un journaliste, Robert Roemen, à la suite du dépôt d’une plainte pour recel de violation de secret professionnel après la publication d’un article relatant qu’un ministre avait été condamné pour fraude fiscale (14). Observant que de telles perquisitions ont par nature un effet encore plus conséquent sur la protection des sources qu’une sommation de divulgation de l’identité des sources – cas de l’affaire Goodwin –, elle a estimé dans le cas d’espèce que d’autres mesures auraient sans doute permis de parvenir aux mêmes résultats, citant la possibilité de procéder à des interrogatoires des fonctionnaires de l’administration de l’enregistrement et des domaines. Ce faisant, aux termes de cette jurisprudence (15), une perquisition chez un journaliste ne peut être juridiquement tolérée que lorsque pèsent sur cette personne des présomptions particulièrement graves.

—  Le troisième apport essentiel de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur la question de la protection des sources réside dans l’arrêt « Fressoz et Roire c/ France », rendu le 21 janvier 1999.

Portant sur la condamnation pour recel de violation de secret professionnel – fiscal, en l’occurrence – de deux journalistes travaillant au Canard Enchaîné ayant divulgué des avis d’imposition de M. Jacques Calvet, alors président-directeur général du groupe PSA, la décision de la Cour n’a pas contesté l’existence d’un secret fiscal mais elle a vu dans la sanction judiciaire prise un moyen non raisonnablement proportionné à la poursuite des buts visés. De la sorte, elle a considéré que ce type de condamnation remet en cause la nature et la précision de l’information en laissant planer une menace de sanction à l’encontre des journalistes qui la détiennent. Dans cet arrêt, la Cour a rappelé que l’article 10 de la Convention, « par essence, laisse aux journalistes le soin de décider s’il est nécessaire ou non de reproduire le support de leurs informations pour en asseoir la crédibilité. Il protège le droit des journalistes de communiquer des informations sur les questions d’intérêt général dès lors qu’ils s’expriment de bonne foi, sur la base de faits exacts, et fournissent des informations fiables et précises dans le respect de l’éthique journalistique ».

Ces décisions illustrent un attachement particulier des juges de Strasbourg aux conditions dans lesquelles les journalistes mènent leurs enquêtes. Dans ce contexte, sans qu’il soit qualifié comme tel, une sorte de droit des journalistes au secret de leurs sources semble émerger au niveau européen. Autrement dit, comme l’a indiqué M. Jean-Manuel Larralde dans un article de la revue trimestrielle des droits de l’homme paru en 2007 : « La Cour cherche à protéger et à valoriser la presse de qualité, d’opinion et d’investigation. Elle tend vers cet objectif en mettant l’accent sur la protection des sources journalistiques » (16).

Il est à noter par ailleurs que le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a pour sa part reconnu, dans une décision du 11 décembre 2002, le « droit au silence » consistant dans une dispense de témoigner, aux journalistes correspondants de guerre qui sont cités à témoigner. L’affaire concernait un journaliste du Washington Post, Jonathan Randal, qui avait publié, le 11 février 1993, un article, versé au dossier pénal, où il rapportait les propos attribués à l’accusé de génocide Radoslav Brdjanin. Ce dernier préconisait notamment « le départ volontaire de personnes afin de créer un espace ethniquement pur ». La demande du journaliste d’être dispensé de témoigner fut dans un premier temps rejetée au motif que le témoignage concernait des informations publiées et non des sources confidentielles. En appel toutefois, la dispense lui a été accordée. Le TPIY a déclaré que « le degré de protection qui doit être accordé aux correspondants de guerre est proportionnel aux conséquences que leur témoignage devant le TPIY pourrait avoir sur leur travail d’investigation (risque que les personnes, commettant des exactions, interrogées sur le terrain ne répondent plus aux journalistes et risque de perte du statut d’observateur d’individus commettant des infractions et même d’en devenir la cible au péril de leur vie). Le Tribunal a considéré qu’un correspondant de guerre ne peut être enjoint à témoigner que si deux conditions sont remplies : le témoignage doit présenter un intérêt direct et être d’une particulière importance pour une question fondamentale de l’affaire et ce témoignage ne peut raisonnablement être obtenu d’une autre source ».

Au total, un certain consensus se dessine entre journalistes, juristes et magistrats pour considérer que la législation en vigueur en France ne répond sans doute qu’imparfaitement à la lettre comme à l’esprit de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Comme l’expliquait M. Jean-Yves Monfort, lors du colloque Presse-Liberté qui s’est tenu en 2006 : « Il faut, en tout état de cause, s’interroger sur la conformité de notre droit actuel aux exigences de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. (…) L’analyse du droit européen montre que la France court le risque incontestable d’être condamnée par la Cour de Strasbourg pour ses pratiques actuelles. » (17).

Si la France n’est certainement pas le pays membre du Conseil de l’Europe dont la législation s’avère la plus éloignée de ses engagements internationaux, il apparaît que d’autres pays européens ont des législations plus libérales, à l’instar de l’Autriche – où le secret rédactionnel est prévu par la loi depuis plus d’un siècle (18) –, de la Suède – où le secret des sources est une obligation légale (19) – et, plus récemment, de la Belgique. Cette dernière applique en effet, depuis le 7 avril 2005, une loi (20) limitant les exceptions à la protection des sources aux seuls cas de risque grave pour l’intégrité des personnes, afin de tirer les conséquences d’un arrêt rendu à son encontre, le 15 juillet 2003, par la Cour de Strasbourg (21). L’article 5 de cette loi vise même expressément les mesures d’information ou d’instruction – à savoir les fouilles, perquisitions, saisies, écoutes téléphoniques et enregistrements – en leur conférant un caractère exceptionnel et conditionné.

On trouvera en annexe 2 des éléments de droit comparé.

II. LE PROJET DE LOI CONSACRE DANS NOTRE DROIT LE PRINCIPE GÉNÉRAL DE LA PROTECTION DU SECRET DES SOURCES JOURNALISTIQUES

Le projet de loi soumis à l’examen de notre assemblée procède opportunément du souci de faire évoluer le droit sur la confidentialité des sources journalistiques, en s’inspirant notamment des dispositions protectrices existant pour les avocats. En consacrant un principe général au sein de la loi de 1881 et en complétant les dispositifs actuels applicables en matière pénale, il permettra aux journalistes de s’opposer plus efficacement à la remise en cause de leur droit au silence et de bénéficier, dans le cadre de perquisitions effectuées à leur domicile, des mêmes garanties procédurales que dans le cadre des perquisitions effectuées dans les entreprises de presse. Un des principaux enjeux du texte est la recherche du juste équilibre entre les nécessités de l’enquête judiciaire et les garanties de la liberté de la presse. Votre rapporteur estime que le projet de loi, compte tenu des amendements qu’il présente devant notre commission des Lois, parvient à cet équilibre.

A. LA CONSÉCRATION LÉGISLATIVE D’UN PRINCIPE GÉNÉRAL DE PROTECTION DU SECRET DES SOURCES JOURNALISTIQUES

L’article 1er du projet de loi complète la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse afin d’y inscrire de manière solennelle le principe de la protection du secret des sources des journalistes. Ce principe reçoit ainsi une pleine consécration législative dans un texte emblématique, soulignant son caractère de direct corollaire de la liberté d’information (qui est garantie par l’article 1er de cette loi).

Le deuxième alinéa de l’article 1er du projet de loi précise les conditions, restrictives, dans lesquelles il peut être porté atteinte au principe : reprenant une terminologie chère à la Cour de Strasbourg, il dispose qu’il « ne peut être porté atteinte à ce secret que lorsqu’un intérêt impérieux l’impose ». Il précise en outre qu’en matière de procédure pénale, il ne peut y être porté atteinte « qu’à titre exceptionnel, si la nature et la particulière gravité du crime ou du délit sur lequel (…) porte (la procédure) ainsi que les nécessités des investigations le justifient ». Sans doute est-il possible d’améliorer la rédaction de cet alinéa pour apporter une plus grande précision à la définition du champ des exceptions au principe.

Restait à répondre à une interrogation : qui peut se prévaloir de l’appellation « journaliste » ? La réponse à cette question n’est pas évidente tant, depuis son origine avec la loi du 29 mars 1935, la définition légale du journaliste est imprécise. L’évolution constante des techniques de communication accroît encore l’insuffisance de cette définition. Le journaliste n’est aujourd’hui défini que par le code du travail, aux articles L.7111-3 et suivants. Le 3ème alinéa de l’article 1er du projet de loi fournit une définition légèrement différente et précise qu’il faut entendre par journaliste, au sens du premier alinéa de ce même article, « toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse ou de communication au public par voie électronique, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil et la diffusion d’informations au public ».

L’article 1er du projet de loi pose ainsi un principe général, qui en quelque sorte « irradie » l’ensemble de la procédure pénale : tout acte d’investigation qui concerne un journaliste doit appliquer le principe et ses exceptions. Ainsi, l’exposé des motifs du projet de loi précise que « le principe de la protection du secret des sources introduit dans la loi sur la presse trouve son prolongement dans les dispositions spécifiques du code de procédure pénale en matière de perquisition et d’audition des journalistes (…) Mais, de par sa portée générale, ce principe aura également des incidences directes sur le déroulement des procédures menées devant les juridictions répressives. La protection du secret des sources devra ainsi, même en l’absence de disposition particulière, être respectée dans la conduite de l’ensemble des actes d’enquête menés par l’autorité judiciaire et notamment en ce qui concerne les interceptions des correspondances émises par la voie des télécommunications.

En conséquence, il ne pourra être procédé à des écoutes téléphoniques afin de découvrir la source d’un journaliste dans une instruction ouverte, par exemple, pour des faits de violation du secret professionnel. »

En matière pénale, un juge ne pourra décider de ne pas faire application du principe de la protection du secret des sources que si la triple condition posée par le deuxième alinéa est réunie – caractère exceptionnel, particulière gravité du crime ou du délit, nécessités des investigations –, à peine de nullité de l’ensemble de la procédure dans le cas la juridiction d’appel conclurait au caractère infondé de la dérogation.

Votre rapporteur juge utile de préciser explicitement dans les articles du code de procédure pénale relatifs aux actes d’investigation visés que le principe posé par l’article 2 de la loi de 1881 doit s’appliquer.

B. DES GARANTIES NOUVELLES ENTOURANT LES PERQUISITIONS DONT LES JOURNALISTES PEUVENT FAIRE L’OBJET

La consécration du principe de protection des sources rend nécessaire l’instauration, à l’image de ce qui prévaut pour les avocats, d’un régime spécifique en matière de perquisitions dans les locaux où sont amenés à travailler les journalistes et où ils pourraient donc disposer de documents en lien avec leur activité professionnelle. L’article 2 du projet de loi accroît considérablement les garanties procédurales entourant une perquisition concernant un journaliste, en s’inspirant très largement du dispositif prévu à l’article 56-1 du code de procédure pénale s’agissant des perquisitions réalisées dans les bureaux ou au domicile des avocats :

—  La protection est étendue aux locaux des agences de presse et au domicile des journalistes, lorsque les investigations réalisées sont liées à leur activité professionnelle. Une telle extension est plus conforme aux réalités du métier de journaliste. Il n’est pas nécessaire de rappeler que les agences de presse sont très impliquées dans le journalisme d’investigation et que les journalistes travaillent beaucoup à leur domicile. Votre rapporteur proposera que le champ posé par cet article soit étendu aux véhicules professionnels.

—  L’article 2 instaure par ailleurs une procédure d’opposition à la saisie de documents lors de la perquisition : le journaliste – ou, en son absence, son représentant – peut s’opposer à la saisie d’un document qu’il jugerait irrégulière. Dans ce cas, le document litigieux doit être placé sous scellé fermé et transmis sans délai au juge des libertés et de la détention qui, après avoir entendu le magistrat et le journaliste, décide soit la restitution immédiate du document s’il estime qu'il n'y a pas lieu à le saisir – ce qui implique également la destruction du procès-verbal des opérations et la cancellation de toute référence à ce document dans le dossier de la procédure –, soit le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure.

C. L’EXTENSION DU DROIT DU JOURNALISTE DE TAIRE SES SOURCES LORSQU’IL EST ENTENDU COMME TÉMOIN TOUT AU LONG DE LA PROCÉDURE PÉNALE

En l’état actuel du droit, l’article 109 du code de procédure pénale permet au journaliste de ne pas révéler l’origine des informations recueillies dans le cadre de son activité lorsqu’il est cité comme témoin dans le cadre d’une procédure d’instruction. Il s’agit d’une dérogation au principe selon lequel toute personne citée pour être entendue comme témoin par un juge d’instruction est tenue non seulement de comparaître et de prêter serment mais aussi de déposer.

L’article 3 du projet de loi vise à garantir le même droit du journaliste à taire ses sources lorsqu’il est cité comme témoin devant la cour d’assises – article 326 du code de procédure pénale – ou devant le tribunal correctionnel – article 437 du même code (22).

Le droit à la non divulgation des sources est ainsi reconnu aux journalistes tout au long de la procédure pénale. Il s’agit d’un principe absolu, qui ne souffre aucune exception et qui emporte que le journaliste entendu comme témoin n’est jamais tenu de divulguer ses sources. Votre rapporteur a présenté un amendement qui précise qu’en aucun cas une atteinte au secret des sources ne peut consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources. Les atteintes ne visent que les mesures d’investigations – perquisitions, réquisitions, écoutes – auxquelles il pourra être procédé dans des circonstances exceptionnelles.

*

* *

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 2 avril 2008. Après l’exposé de votre rapporteur, une discussion générale a eu lieu.

Relevant le caractère particulièrement important du présent projet de loi au regard du lien nécessaire qui lie protection des sources, liberté de la presse, liberté d’expression et société démocratique, Mme Aurélie Filippetti, a jugé indispensable de renforcer la confiance entre les journalistes, la police, la justice et les citoyens, confiance mise à mal par la multiplication récente des affaires et des tensions mettant en cause des journalistes, en particulier des journalistes d’investigation, sur le fondement le plus souvent de recel de violation du secret professionnel ou de l’instruction.

Elle a observé qu’à ces affaires justifiant à elles seules que le législateur se saisisse de la question s’ajoutaient plusieurs condamnations d’États par la Cour européenne des droits de l’homme, ce qui, par exemple, avait incité la Belgique à adopter dès avril 2005 une nouvelle législation qui se révèle sans doute la plus proche du droit européen et la plus protectrice des sources des journalistes.

Puis, elle a annoncé qu’elle présenterait des amendements qui, sans instaurer en matière de droits une exception pour les journalistes ni assimiler comme cela existe dans les pays scandinaves protection des sources et secret professionnel, favoriseraient la possibilité pour eux de bien exercer leur métier et de rétablir cette confiance perdue entre eux et la société.

Ainsi, elle a précisé qu’il convenait de remédier à certaines faiblesses du texte, ce qui, s’agissant d’un enjeu comme la liberté de la presse, nécessitait de bien préciser certains termes qui, aujourd’hui trop vagues, suscitent interprétation et inquiétude, à l’exemple de la définition du principe de la protection des sources inscrit dans la loi de 1881 ou de la question de « l’intérêt impérieux » qui justifie que soit porté atteinte à ce principe.

Elle a également jugé nécessaire que soit pris en compte le caractère extensif de la notion d’instruction telle qu’interprétée par la jurisprudence européenne ou encore le champ du droit au silence tel que défini par l’application de l’article 109 du code de procédure pénale, tandis que les exceptions à la protection, les personnes couvertes par cette protection et ce que recouvre le concept de source méritent une attention particulière. La question du recel de violation du secret de l’instruction, dont le Garde des sceaux, en 1957, avait pourtant expressément écarté l’application à l’encontre des journalistes, mais qui est aujourd’hui fréquemment invoqué à l’appui des poursuites engagées contre eux, nécessite également d’être tranchée. Il conviendrait de renforcer les droits des journalistes en matière de perquisition, en ouvrant notamment une possibilité d’appel de la décision du JLD de refuser l’opposition à la saisie de documents, mais aussi dans leur protection à l’égard des écoutes téléphoniques et de la possible interception de leurs correspondances.

Mme Aurélie Filippetti a conclu que c’est au prix de ces avancées que les journalistes pourraient travailler dans de meilleures conditions et s’engager dans la voie d’un renforcement de leurs responsabilités et de leur déontologie.

Après avoir félicité votre rapporteur pour la qualité de son travail, M. Jean-Jacques Urvoas a observé que le droit est affaire d’interprétation. Il a donc estimé, à l’instar des débats que la Commission avait eus sur la notion de « troubles sérieux » dans un établissement privatif de liberté, lors de l’examen de la loi instaurant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, que le projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes appelait des précisions sur certaines des notions évoquées.

Évoquant tout d’abord l’expression d’« intérêt général », il s’est demandé si le texte ne procédait pas, en l’espèce, à un renversement de perspectives par rapport au cadre posé par la Cour européenne des droits de l’homme dans sa décision Roemen et Schmit de 2003, considérant que l’article 1er semblait faire de l’intérêt général une condition du secret là où la Cour en faisait la justification de la protection du secret des sources. Il a également relevé, à ce sujet, que certaines affaires privées pouvaient avoir une implication sur l’intérêt général, alors même que la définition retenue les excluait du champ de la protection instituée.

Abordant ensuite la nature des affaires couvertes par le projet de loi, il a souligné qu’une lecture a contrario semblait permettre des atteintes au secret des sources des journalistes dans le cadre d’enquêtes administratives et a demandé des précisions à votre rapporteur sur cette question.

S’intéressant enfin au dispositif relatif aux perquisitions, il a jugé que la présence d’un magistrat lors des éventuelles saisies de documents constitue une garantie bien illusoire, le juge censé veiller au bon déroulement des opérations étant à l’origine des investigations et de la demande de saisie, de sorte qu’il peut consulter les éléments qui l’intéressent et que le secret des sources se voit ainsi le plus souvent éventé.

M. Noël Mamère a estimé que le projet de loi constituait une « belle charrette » de bonnes intentions sur un sujet essentiel pour notre démocratie. Il a fait valoir qu’à juste titre, nombre de journalistes s’inquiètent au sujet de ce texte qui, s’il a pour objet de protéger leurs sources, ne protège pas leur profession.

À l’appui de son propos, il a insisté sur certains termes à ses yeux révélateurs. Il a ainsi noté que l’expression « en particulier » conduisait à remettre en cause l’exclusivité de la compétence de l’autorité judiciaire en matière d’atteinte au secret des sources, certains services administratifs comme la direction de la surveillance du territoire pouvant, de ce fait, agir en la matière. Il s’est également interrogé sur la portée des mots « particulière gravité », se demandant si les atteintes aux policiers dépêchés dans les banlieues lors des émeutes de 2005 relevaient de cette définition et auraient ainsi pu justifier une atteinte au secret des sources des journalistes couvrant alors les événements.

Posant ensuite le problème des bénéficiaires de la protection instaurée, il a mis en exergue que le texte était imprécis à ce sujet, les agences de presse n’en relevant pas. Indiquant que les sources des journalistes sont multiples et s’apparentent à une chaîne d’information, il a estimé qu’il convenait d’étendre à l’ensemble de leurs composantes le bénéfice de l’article 1er du projet de loi.

Il a par ailleurs souligné que la minutie des modalités de la saisie de documents, telle qu’elle résultait de la rédaction de l’article 2, risquait d’ouvrir la voie, par un raisonnement a contrario, à de larges possibilités d’atteinte au secret des sources. Il a notamment insisté sur la nécessité de corriger l’absence de voie de recours à l’ordonnance motivée du JLD. Il a aussi observé que les propositions d’amélioration de votre rapporteur n’empêcheront pas les contournements de la loi Vauzelle de 1993, ces amendements ne pouvant avoir pour effet que de rajouter un droit factice devant tous les degrés de juridiction.

Il a enfin souligné que le texte était muet au sujet des opérateurs de téléphonie qui, comme l’a montré la récente mise en cause d’un journaliste du Télégramme de Brest sur le fondement des appels passés depuis son portable, fournissent en dehors de tout contrôle juridictionnel les factures détaillées de leurs clients journalistes et permettent ainsi d’avoir accès à l’intégralité de leurs interlocuteurs sur l’année expirée.

Pour conclure, M. Noël Mamère a considéré que, dans un contexte de recul de la liberté d’exercer le métier de journaliste en France, le projet de loi devait être singulièrement amélioré pour remplir les objectifs qu’il est censé poursuivre. Il a ajouté que les journalistes attendaient davantage qu’un « bricolage » et que notre pays se devait de montrer l’exemple sur un sujet aussi important aux États auxquels il entend donner des leçons en matière de droits de l’homme.

Exprimant sa convergence de vues avec la totalité des orateurs précédents, M. Dominique Raimbourg a observé que le projet de loi abordait la question de la protection des sources sans réflexion plus générale sur l’exercice de la profession de journaliste, notamment vis-à-vis du secret de l’instruction et du respect de la vie privée. Il s’est lui aussi montré critique à l’égard du flou de la notion d’« intérêt impérieux », se demandant s’il ne faudrait pas en la matière fixer une limite plus objective reposant sur la durée de la peine encourue. Il a ensuite estimé que la définition des journalistes était sans doute trop restrictive, s’interrogeant sur le cas des bénévoles et des pigistes. Il a enfin suggéré que la protection des sources des journalistes entendus en qualité de témoin soit élargie aux enquêtes préliminaires.

Mme Brigitte Barèges a qualifié le projet de loi d’équilibré, considérant qu’il est nécessairement difficile d’amender la loi de 1881 qui constitue, en matière de protection de la liberté de la presse, un monument juridique subtil.

Se réjouissant que les problèmes afférents à l’exercice de la profession de journaliste ne soient pas les mêmes dans notre pays que dans nombre d’autres États dans le monde, elle a justifié les dispositions prévoyant la possibilité de lever le secret des sources par le fait que le législateur ne saurait instaurer une immunité de principe des journalistes. Elle a souligné, en outre, que l’intervention du juge constitue une garantie supplémentaire.

Sans disconvenir qu’il faudrait peut-être se poser la question du statut des journalistes, elle a enfin fait valoir que celle de leur éthique devait tout autant être envisagée.

M. Christian Vanneste a souligné que le projet de loi ne vise pas à protéger une profession mais un principe fondamental de notre démocratie, à savoir la protection des sources des journalistes. Il a considéré que les journalistes ne sont en effet que l’un des moyens de la liberté d’expression et que s’ils jouent le rôle de « chiens de garde de la démocratie », ils ne sont pas pour autant la mère des libertés, contrairement au Parlement.

Il a indiqué que les auditions menées sous l’égide de votre rapporteur avaient montré une satisfaction des intéressés à 80 % sur le fond du texte. Il a estimé, en outre, qu’il convenait de ne pas faire d’angélisme dans la mesure où les journalistes peuvent aussi ne pas être les mieux placés pour défendre l’intérêt général, comme l’a d’ailleurs reconnu implicitement une directive de 2003.

Il a, en revanche, jugé qu’il ne faut pas limiter la protection aux seuls journalistes répondant à la définition du code du travail. Citant le cas de M. Guillaume Dasquié, journaliste d’investigation ne travaillant pas de manière régulière pour un journal, il a souhaité que la protection des sources instituée par le projet de loi soit étendue aux journalistes non professionnels dès lors qu’ils diffusent une information d’intérêt général.

Il s’est enfin félicité de l’esprit d’équilibre du texte, complété par un amendement de votre rapporteur définissant les limites de la protection des sources en retenant non plus l’« intérêt impérieux » mais l’« impératif prépondérant d’intérêt public », notion directement issue de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, au motif que l’intérêt général, c’est-à-dire le bien commun, doit primer sur les intérêts particuliers.

M. Noël Mamère a estimé que la définition des journalistes concernés par le projet de loi constitue un réel problème, notamment au regard du développement d’Internet. Il a considéré que la question du statut des journalistes, même si elle relève incontestablement d’un autre projet de loi, devra être posée. Il a ajouté que l’éthique concerne aussi d’autres professions que les journalistes, ceux-ci n’ayant pas à s’organiser en ordre professionnel et ne devant répondre que de leurs convictions personnelles en la matière.

Il a fait valoir que, dans le prolongement de ces problèmes, se pose la question de l’indépendance de la profession. Il a, à cet égard, regretté que les principaux titres de la presse écrite française et que la principale chaîne télévisée privée appartiennent à des entreprises privées dont le chiffre d’affaires dépend de commandes publiques.

Revenant au cœur du projet de loi, il a relevé que la législation belge de 2005 est plus ambitieuse et que la France se devait de faire mieux. Observant que l’équilibre était devenu l’antienne de la majorité parlementaire depuis sa défaite aux élections municipales, il a réfuté pour sa part toute adhésion à ce terme en y voyant la recherche du plus petit dénominateur commun et non la satisfaction des aspirations des Français.

Mme Brigitte Barèges a déclaré d’autant plus souscrire à l’idée d’un débat sur la liberté de la presse qu’elle a indiqué n’avoir pas été épargnée, lors des dernières échéances électorales, par la Dépêche du Midi dont le propriétaire n’est autre que le président du conseil général du Tarn-et-Garonne, par ailleurs sénateur du département, situation qu’elle a qualifiée d’anormale. Elle a ensuite contesté l’interprétation de M. Noël Mamère de la recherche de l’équilibre, y voyant pour sa part une notion de tolérance et le souci d’agir pour la satisfaction du plus grand nombre, c’est-à-dire dans un esprit parfaitement républicain.

Répondant à Mme Aurélie Filippetti, votre rapporteur a déclaré partager sa vision de la philosophie générale du texte : il s’agit bien de protéger le secret des sources, corollaire direct de la liberté de la presse, et non de répondre à des revendications catégorielles d’une profession. Il a noté que Mme Aurélie Filippetti ne s’était pas déclarée opposée par principe à ce que le texte prévoit des cas exceptionnels dans lesquels le principe pourra être écarté. S’il paraît évidant que des affaires de terrorisme pourront justifier qu’il soit porté atteinte au secret, le cas des autres crimes et délits est plus délicat et emporte des avis divergents. Votre rapporteur s’est déclaré notamment défavorable à ce que soit fixé a priori un quantum minimal de peines définissant les infractions pouvant justifier l’exception, préférant la notion de « particulière gravité » qu’il appartiendra au juge d’apprécier, au cas par cas.

S’agissant de la nécessaire extension de la protection aux collaborateurs directs des journalistes, votre rapporteur a indiqué avoir entendu la demande faite par les organisations syndicales de journalistes et déposé un amendement en ce sens, qui prévoit le cas des atteintes indirectes au secret, évitant l’écueil de l’établissement d’une liste qui comporte toujours le risque d’un oubli. Il s’agit de protéger le détenteur direct de la source, mais aussi tous ceux qui peuvent avoir eu connaissance, indirectement, de celle-ci ou détiennent des informations permettant de remonter jusqu’à elle. Il a aussi estimé que les amendements qu’il a déposés répondent aux objections relatives aux ordinateurs portables, qui peuvent être saisis, et aux réquisitions adressées aux opérateurs de téléphonie mobile.

En matière de recel de violation du secret de l’instruction, il a jugé que l’amendement qu’il a déposé comporte une avancée significative en ce qu’il emporte l’impossibilité non seulement de condamner, mais aussi de poursuivre, sur ce chef d’accusation un journaliste poursuivi pour diffamation.

Répondant à M. Jean-Jacques Urvoas, votre rapporteur a indiqué qu’il avait déposé un amendement visant à remplacer la notion d’« intérêt impérieux » par une terminologie plus conforme à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.

S’agissant de l’objection relative aux termes de « questions d’intérêt général », il a estimé cette référence tout à fait nécessaire car directement liée à la fonction des journalistes de « chiens de garde de la démocratie », reconnue par la CEDH, et répondant aussi au souci, parfois exprimé par la profession, que ne soient pas protégées les sources d’un journaliste qui abuserait de sa fonction pour régler des comptes personnels. La formulation retenue par le projet de loi est d’ailleurs directement tirée de la jurisprudence Goodwin. Elle ne revient pas à dire que toute affaire impliquant des intérêts privés ne revêt pas un intérêt général : la CEDH n’a-t-elle pas jugé dans l’affaire Fressoz et Roire que la publication des avis d’imposition d’un dirigeant d’une grande entreprise française, dans un contexte social particulièrement tendu pour cette entreprise, relevait de l’intérêt général ?

En matière de perquisitions, votre rapporteur a indiqué que le régime de nullités serait précisé par amendement : si une irrégularité était commise en matière de perquisition dans les locaux d’une entreprise de presse, elle emporterait la nullité de toute la procédure engagée. S’agissant de l’absence de recours possible de la décision du JLD en matière de contestation d’objets saisis, il a rappelé qu’un tel régime prévaut déjà pour les avocats et qu’il existe toujours une voie de recours en nullité de la procédure soit devant la chambre de l’instruction, soit devant le tribunal correctionnel.

Répondant à M. Noël Mamère, votre rapporteur a indiqué que le principe posé par l’article 2 de la loi de 1881 s’applique à toute matière, qu’elle soit civile, commerciale, administrative, notamment, et non pas seulement à la matière pénale. Un amendement proposera d’ailleurs que soient retirés du texte les mots « en particulier ».

S’agissant de la définition du « journaliste » par le dernier alinéa de l’article 1er du projet, votre rapporteur a estimé qu’elle était nécessaire, la seule définition existante étant fournie par l’article L. 7111-3 du code du travail et excluant de fait tous les journalistes qui ne tirent pas la majorité de leurs revenus de leur activité journalistique. Or nombre de journalistes d’investigations sont dans ce cas !

S’agissant de l’éthique professionnelle, votre rapporteur a indiqué que nombre des personnes entendues ont souligné le besoin de mieux enseigner les principes déontologiques dans les écoles de journalisme et de refonder les principes déontologiques dans un cadre plus précis et plus ferme.

Répondant à M. Dominique Raimbourg, votre rapporteur, a rappelé qu’en matière d’enquête préliminaire, il n’existe aucune obligation de déposer pour une personne entendue. Le journaliste dispose donc a fortiori du droit de taire ses sources.

Répondant à Mme Brigitte Barèges et à M. Christian Vanneste, votre rapporteur a déclaré partager le jugement positif d’ensemble sur le texte et son opposition à ce que soit instaurée une immunité pour les journalistes, qui ne doivent pas devenir des citoyens privilégiés.

Votre rapporteur s’est d’une manière générale étonné de la méfiance que certains journalistes entendus pouvaient entretenir à l’égard de la justice : qui mieux qu’elle est à même de trouver le bon équilibre entre des principes contradictoires ? Il ne faut pas oublier que le juge est le garant traditionnel des droits de la presse et que les juges ont établi, depuis plus de 120 ans, une jurisprudence sur la base de la loi de 1881.

La Commission est ensuite passée à l’examen des articles du projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

[articles 2 et 35 de la loi du 29 juillet 1881]


Consécration législative du principe général de la protection du secret des sources journalistiques

Le présent article insère, au sein de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (23), un nouvel article 2 qui consacre le principe général de la protection du secret des sources des journalistes.

L’article 1er de cette même loi fonde la liberté de la presse ; il dispose que « l’imprimerie et la librairie sont libres ». C’est donc tout naturellement à sa suite qu’a sa place l’article qui consacre le corollaire direct de cette liberté qu’est la garantie de la protection du secret des sources des journalistes. La consécration législative de ce principe dans un texte aussi emblématique a d’ailleurs été saluée par l’ensemble des personnes entendues par votre rapporteur.

1. Le premier alinéa de l’article pose le principe de la protection du secret des sources des journalistes

Le premier alinéa de l’article énonce le principe de la protection du secret des sources des journalistes et en précise la justification fondamentale : il s’agit de « permettre l’information du public sur des questions d’intérêt général ».

Cette formulation appelle deux remarques :

—  Elle souligne tout d’abord le fait que le principe de la protection du secret des sources des journalistes est le corollaire de la liberté d’information et du droit des citoyens à être informés ;

—  Elle est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme : ainsi, dans l’arrêt Goodwin (24), la Cour a jugé que « la protection des sources journalistiques est l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse (…). L'absence d'une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d'aider la presse à informer le public sur des questions d'intérêt général ». Les représentants de diverses organisations syndicales de la presse ont regretté la présence de la mention des « questions d’intérêt général », jugeant préférable de ne pas distinguer selon la nature de l’information, car c’est l’acte journalistique qui en lui-même est d’intérêt général.

La Commission a examiné un amendement de Mme Aurélie Filippetti, visant à affirmer que le « droit au secret » des sources d’information est protégé par la loi sans que soient mentionnées des « questions d’intérêt général », son auteur faisant valoir que l’énumération de restrictions atténue considérablement la portée du principe posé dans la version initiale du projet de loi et que l’arrêt Goodwin de la Cour européenne des droits de l’homme, s’il fait référence à des « informations sur des questions d’intérêt général », ne fait pas de ce critère une restriction au principe de la protection des sources.

Votre rapporteur a rappelé que le projet de loi procédait d’une volonté de protéger les sources des journalistes, mais pas dans tous les domaines. Il a estimé qu’il n’y a pas de raison de protéger des intérêts personnels privés ni de permettre aux journalistes de régler des comptes à titre personnel. Il a en outre ajouté que la jurisprudence Goodwin de la Cour européenne des droits de l’homme admet la limitation, dans certaines conditions, de la protection du secret des sources des journalistes.

Mme Aurélie Filippetti a rappelé que la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que c’est l’exercice même de la profession de journaliste qui est d’intérêt général. Elle a indiqué également que son amendement ne conduisait pas à exonérer les journalistes des exigences posées par ailleurs par la loi en matière de respect de la vie privée, notamment.

Votre rapporteur a répondu que l’ancien président de la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris, lors de son audition, n’a pas paru particulièrement critique à l’égard de la rédaction retenue à l’article 1er du projet de loi. Il a estimé approprié d’inscrire explicitement dans le texte les limites posées à la protection du secret des sources des journalistes, de manière à lever toute ambiguïté en la matière.

La Commission a rejeté cet amendement, puis a examiné un autre amendement de Mme Aurélie Filippetti tendant à insérer après le premier alinéa de l’article 2 de la loi de 1881 des dispositions visant à définir de manière exhaustive les personnes bénéficiant du droit au secret des sources d’information, son auteur faisant valoir que la définition de la profession de journaliste au sein du code du travail s’avérait dépassée, notamment s’agissant des journalistes-auteurs et des journalistes sur le Web, comme l’avait démontré l’affaire Dupuis. Précisant que cet amendement s’inspirait de la loi belge, elle a indiqué qu’il englobait à la fois toute personne qui contribue directement à la collecte, à la rédaction, à la production, au stockage ou à la diffusion d’informations par le biais d’un média ou d’un ouvrage au profit du public ainsi que le directeur de la publication, les collaborateurs de la rédaction et toute personne qui, par l’exercice de ses fonctions ou de sa profession est amenée à prendre connaissance d’informations permettant d’identifier une source.

Après que M. Nöel Mamère eut fait part de sa volonté de sous-amender cet amendement et que le Président Jean-Luc Warsmann lui eut suggéré de déposer un amendement qui serait examiné au titre de l’article 88 du Règlement, votre rapporteur a émis un avis défavorable à l’adoption de l’amendement de Mme Filippetti en faisant valoir, d’une part, qu’un de ses propres amendements apportait une réponse plus complète au problème soulevé en englobant l’entourage proche du journaliste, notamment les conjoints, dans le champ de la protection et, d’autre part, que les directeurs de la publication se trouvaient déjà couverts par le dernier alinéa de l’article 1er. Il a, en outre, estimé que tout effort d’énumération portait en germe le risque de l’inexhaustivité, ce qui serait contraire à l’objectif communément poursuivi par les parlementaires.

Mme Aurélie Filippetti a alors attiré l’attention sur la nécessité de prendre en compte les opérateurs téléphoniques et l’importance prise par Internet, votre rapporteur ayant précisé que certains de ses propres amendements s’attachaient à répondre à cette préoccupation.

La Commission a alors rejeté cet amendement.

2. Le deuxième alinéa de l’article précise les conditions, qui doivent demeurer exceptionnelles, d’atteinte au principe

Au deuxième alinéa de l’article est abordée la question cruciale des exceptions au principe posé à l’alinéa précédent : à quelques rares exceptions près, toutes les personnes entendues par votre rapporteur ont estimé qu’il était nécessaire de prévoir des cas dans lesquels le secret des sources ne pourrait être protégé. Il s’agit en effet de ne pas faire du journaliste un citoyen extraordinaire devant bénéficier d’une protection hors du commun. Pour autant, nombreuses ont été les personnes entendues qui ont jugé trop floue la formulation retenue par le Gouvernement et qui ont exprimé la crainte que le principe n’en soit vidé de son sens.

L’alinéa est composé de deux phrases : la première pose un critère général d’exception, tandis que la seconde traite du cas particulier de la procédure pénale.

a) Le critère général : l’existence d’un « intérêt impérieux »

La première phrase du deuxième alinéa de l’article précise qu’il ne peut être porté atteinte au secret des sources des journalistes que « lorsqu’un intérêt impérieux l’impose ».

Ce critère de dérogation est général et s’appliquera en toute matière : aussi bien devant le juge administratif, que devant le juge commercial ou le juge civil, notamment. Il s’appliquera aussi devant le juge pénal, les critères énoncés en cette matière par la phrase suivante n’étant que la déclinaison particulière de ce principe général.

La Commission a été saisie d’un amendement de Mme Aurélie Filippetti, définissant les restrictions exceptionnelles à la protection du secret des sources des journalistes sur le fondement de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et des recommandations du Conseil des ministres du Conseil de l’Europe. Indiquant qu’il s’agissait de viser le principe de subsidiarité et de définir de manière restrictive les infractions justifiant que soit porté atteinte au secret des sources, elle a considéré, à l’appui de son argumentation, que les journalistes ne doivent pas être les supplétifs de la justice et de la police, même s’ils jouent un rôle indispensable dans la recherche de la vérité, comme l’a notamment démontré l’affaire Yann Piat.

Après que votre rapporteur eut indiqué que cet amendement entrait en contradiction avec des amendements ultérieurs définissant mieux le champ de la protection, la Commission a rejeté cet amendement.

Votre rapporteur a présenté un amendement qui précise le champ de l’atteinte qui peut être portée au secret, cette atteinte pouvant être directe ou indirecte, ce qui permet de souligner que le secret est protégé, quelle que soit la personne qui le détient.

Il doit en effet être énoncé le plus clairement possible que c’est le secret des sources des journalistes qui est protégé et non les journalistes eux-mêmes. Dès lors, les conditions de dérogation au principe devront être appliquées à toute mesure d’investigation qui viserait à obtenir la communication des sources d’un journaliste de manière indirecte, par exemple auprès d’un de ses collaborateurs (secrétaires de rédaction, cameraman, monteur, preneur de son…) ou d’un membre de sa famille.

Cet amendement répond à une des préoccupations des organisations professionnelles de journalistes qui est d’éviter que le principe de la protection du secret des sources journalistiques ne soit contourné par les enquêteurs : toute personne qui a connaissance d’une source ou des moyens pour remonter à celle-ci est ainsi donc bien visée par le texte.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 1) à l’unanimité.

La formulation du critère d’« intérêt impérieux » a été critiquée par la plupart des personnes entendues par votre rapporteur : jugée trop floue et trop large, elle est vue comme laissant une trop grande latitude d’appréciation aux juges, faisant peser aux yeux de certaines organisations syndicales la crainte d’une juridictionnalisation du droit de la presse, voire d’un risque d’arbitraire. Pour le journaliste Guillaume Dasquié, il est important de reprendre les termes de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg et les exceptions prévues au second alinéa de l’article 10 de la Convention de Sauvegarde.

Votre rapporteur juge nécessaire de retenir une formulation relativement large et d’éviter l’écueil de l’établissement d’une liste, qui comporte le risque d’oubli, et renvoie au juge national le soin d’apprécier, au regard de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, la balance qui devra être faite dans chaque cas entre le principe de la protection du secret et l’intérêt impérieux qui pourrait justifier une exception. Le terme « impérieux » renvoie à l’imperium latin : il est l’impératif, ce qui s’impose de soi-même du fait d’une gravité particulière, presque irrésistible.

Pour autant, il est apparu préférable à votre rapporteur, dans un souci de clarification, de reprendre plus clairement les termes posés par la Cour de Strasbourg dans sa jurisprudence.

Il a donc présenté un amendement substituant à la notion d’« intérêt impérieux » celle d’« impératif prépondérant d’intérêt public ». Cette dernière notion est retenue par la CEDH comme justification d’une atteinte au principe du secret des sources. Dans l’arrêt Goodwin précité, elle a jugé qu’« eu égard à l’importance que revêt la protection des sources journalistiques pour la liberté de la presse dans une société démocratique et à l’effet négatif sur l’exercice de cette liberté que risque de produire une ordonnance de divulgation, pareille mesure ne saurait se concilier avec l’article 10 de la Convention que si elle se justifie par un impératif prépondérant d’intérêt public ». La même formulation est d’ailleurs retenue par la recommandation du Conseil de l’Europe de 2000, reproduite en annexe I, qui a précisé que « les autorités compétentes des États membres (…) ne peuvent ordonner la divulgation que si (…)existe un impératif prépondérant d’intérêt public et si les circonstances présentent un caractère suffisamment vital et grave. ».

Cet amendement précise en outre que toute atteinte au principe de la protection du secret des sources doit demeurer exceptionnelle. Le projet de loi prévoit ce caractère exceptionnel en matière de procédure pénale uniquement (seconde phrase de l’alinéa). Votre rapporteur juge plus pertinent d’en faire une condition générale qui, dès lors, s’appliquera en toute matière.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 2) à l’unanimité.

b) Le cas particulier de la procédure pénale

La deuxième phrase du même alinéa précise comment le critère général doit être décliné en matière pénale. Elle précise que l’identification de l’origine d’une information ne pourra être recherchée qu’à titre exceptionnel et à condition que la nature et la particulière gravité du crime ou du délit ainsi que les nécessités des investigations le justifient.

Votre rapporteur a présenté un amendement rédactionnel visant, notamment, à supprimer cette mention du caractère exceptionnel du fait de son intégration à la première phrase au titre de critère général.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 3) à l’unanimité.

En matière pénale, deux conditions cumulatives doivent être réunies pour qu’il soit porté atteinte au secret :

—  Il faut que la « nature et la particulière gravité du crime ou du délit (sur lequel porte la procédure) le justifient ».

Cette formulation a été jugée trop vague par nombre des personnes entendues par votre rapporteur. M. Jean-Marie Huet, Directeur des Affaires criminelles et des Grâces, interrogé par votre rapporteur sur ce point, a jugé impossible de fixer a priori une liste d’infractions ou un quantum minimum de peine à partir duquel pourrait s’appliquer cette condition. Votre rapporteur estime qu’elle pourrait même s’avérer moins protectrice des droits des journalistes et qu’il vaut mieux laisser au juge le soin d’apprécier, au cas par cas, si l’infraction commise présente le caractère de particulière gravité justifiant qu’il puisse être porté atteinte au principe du secret des sources du journaliste. Sans doute le terrorisme ou la criminalité organisée relèveront-ils de ce champ qui, par exemple, permettra qu’il soit procédé à des perquisitions dans les locaux d’un journal ayant publié un article laissant penser que le journaliste dispose d’informations sur l’affaire.

—  Et il faut que les « nécessités des investigations le justifient ».

Ce critère suppose qu’il n’est possible d’obtenir une information nécessaire à l’enquête qu’en portant atteinte au principe du secret de sources : soit que la levée du secret des sources constitue l’unique moyen pour les enquêteurs d’obtenir cette information, soit que la situation particulièrement urgente empêche les enquêteurs de mener eux-mêmes des investigations plus poussées. Sans doute une affaire de violences volontaires graves justifiera la saisie d’une vidéo contenant les images de l’agression et permettant l’identification, qui n’aurait pas été possible par d’autres moyens, des auteurs des faits. Sans doute la publication d’un article faisant état de menaces imminentes de commission d’un attentat justifiera une perquisition dans les locaux du journal pour obtenir les sources de l’information et tenter de prévenir la réalisation de cet attentat.

Votre rapporteur estime que ces deux critères sont pertinents, mais il a jugé préférable de substituer au terme « justifient » ceux plus précis et plus restrictifs de « rendent cette atteinte strictement nécessaire ». Il a donc présenté un amendement en ce sens.

Il s’agit par cet amendement de mieux souligner le caractère subsidiaire que devra revêtir en pratique l’atteinte au principe : ce n’est que dans le cas où l’infraction sur laquelle porte l’enquête est particulièrement grave et où les actes de procédures, tels une perquisition dans les locaux d’un journal ou la réquisition d’un opérateur de téléphonie mobile pour obtenir la liste des appels d’un journaliste, constituent quasiment l’unique moyen d’obtenir des informations nécessaires à l’enquête qu’il pourra être porté atteinte au principe.

Le terme de « nécessité » n’est d’ailleurs pas étranger à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg qui a jugé, dans un arrêt Ernst et autres c/ Belgique (25), que « d’une manière générale, la « nécessité » d’une quelconque restriction à l’exercice de la liberté d’expression doit se trouver établie de manière convaincante ».

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 4) à l’unanimité.

Votre rapporteur a ensuite présenté un amendement précisant comment s’articule le nouvel article 2 de la loi de 1881 avec les dispositions existantes qui garantissent le droit du journaliste à taire ses sources lorsqu’il est entendu comme témoin – dispositions qui sont par ailleurs étendues par l’article 3 du projet de loi tout au long de la procédure pénale.

Il précise clairement que les atteintes au secret ne peuvent en aucun cas porter sur ce droit de non-divulgation, qui demeure un droit absolu et auquel on ne peut pas porter atteinte, même à titre exceptionnel et sur le fondement d’un impératif prépondérant d’intérêt public.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 5) à l’unanimité.

3. Le troisième alinéa de l’article fournit une définition précise du sens que revêt dans le cadre de cet article le terme « journaliste »

Le dernier alinéa de l’article précise comment il faut entendre le terme « journaliste » au sens du premier alinéa : il s’agit de « toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse ou de communication au public par voie électronique, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil et la diffusion d’informations au public ».

Cette définition pose deux séries de questions : la première a trait à l’opportunité de définir dans la loi de 1881 ce qu’est un journaliste alors même qu’il existe une définition fournie par le code du travail. La seconde s’intéresse au contenu même de cette définition.

—  S’agissant de l’opportunité même de prévoir une définition distincte de celle figurant dans le code du travail

Certaines personnes entendues par votre rapporteur se sont déclarées favorables à ce que le critère de la carte professionnelle de presse (26) soit retenu pour définir la qualité de journaliste. Il n’est à leurs yeux pas utile de prévoir une définition ad hoc dans ce texte puisqu’il existe un critère facile à appliquer et que cette définition risquerait d’affaiblir un système qui a fait ses preuves.

Votre rapporteur estime que la possession de la carte professionnelle n’est pas le bon critère, d’autant que la chambre sociale de la Cour de cassation estime que la remise d’une carte professionnelle n’importe pas pour la reconnaissance de la qualité de journaliste au sens du code du travail (Cass. Soc, 1er avril 2002). La possession de la carte n’est pas une condition d’accès à la profession.


DÉFINITION DU JOURNALISTE FOURNIE PAR LE CODE DU TRAVAIL

Article L. 7111-3 - « Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse et qui en tire le principal de ses ressources.

Le correspondant, qu'il travaille sur le territoire français ou à l'étranger, est un journaliste professionnel s'il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa. »

Article L. 7111-4 - « Sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction, rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l'exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n'apportent, à un titre quelconque, qu'une collaboration occasionnelle. »

Article L. 7111-5 - « Les journalistes exerçant leur profession dans une ou plusieurs entreprises de communication au public par voie électronique ont la qualité de journaliste professionnel. »

Le renvoi à la définition posée par le code du travail soulèverait une autre difficulté : l’article L. 7111-3 de ce code pose comme condition que la personne tire au moins 50 % de ses revenus de son activité journalistique, ce qui n’est pas le cas de tous les journalistes d’investigation, notamment de ceux qui, publiant de nombreux ouvrages, reçoivent des droits d’auteur d’un montant plus élevé que les revenus qu’ils tirent de leur activité journalistique.

Dans ces conditions, votre rapporteur juge opportun d’apporter une définition du sens que l’on doit donner au terme de « journaliste » employé à l’article 2 de la loi de 1881, sans que cette définition ne doive être vue comme emportant des conséquences au-delà de ce texte.

—  S’agissant du contenu de la définition proposée

La définition contenue dans le projet de loi, qui s’inspire de la recommandation du Comité des ministres du Conseil de l’Europe, reproduite en annexe 1, comprend trois critères :

—  la nature de l’activité

Le journaliste est celui qui exerce la « profession » de journaliste, notion qui est définie comme la pratique du « recueil et de la diffusion d’informations au public ». Cette formulation est à rapprocher de celle retenue au premier alinéa de cet article : c’est l’objectif constitué par « l’information du public sur des questions d’intérêt général », qui justifie que soient protégées les sources de ceux qui sont chargés de cette mission. Il est à noter qu’en l’état actuel du droit, le code du travail n’apporte pas de définition précise au contenu de la profession de journaliste, cette définition étant fondée par la jurisprudence, qui la qualifie de travail intellectuel, en lien avec l’actualité. Il est vrai que, par tradition, le journalisme est une profession ouverte, à laquelle on peut accéder sans avoir à justifier d’un diplôme spécifique, ce qui ne rend pas la définition aisée.

Le terme « diffusion » permet d’inclure dans cette définition le directeur de publication d’un organe de presse, qui n’est pas nécessairement un journaliste au sens du droit du travail. Dans la mesure où il est responsable de la publication sur un plan pénal, il est très important qu’il entre dans le champ de la protection apportée par cet article. Il peut en effet être alerté par le rédacteur en chef du journal dans des affaires sensibles, et, dans ce cas, avoir connaissance des sources du journaliste. L’exposé des motifs du projet de loi précise d’ailleurs clairement que la définition retenue par le projet de loi « permet d’englober les directeurs de publication».

—  limportance de l’activité

L’exercice de la profession de journaliste doit être « pratiqué à titre régulier et rétribué ». Ne peut donc se prévaloir de la qualité de journaliste celui qui n’exerce cette activité qu’occasionnellement ou à titre bénévole.

Là réside la principale différence avec la définition fournie par le code du travail, qui précise quant à lui que l’exercice de la profession de journaliste doit être une « occupation principale, régulière et rétribuée » et qu’il doit en tirer le principal de ses ressources. L’exposé des motifs du projet de loi souligne d’ailleurs cette différence : « cette définition (…), n’exige pas que le journaliste professionnel tire le principal de ses ressources de son activité ».

—  le lieu de l’activité

Le journaliste doit exercer son activité dans une ou plusieurs « entreprises de presse ou de communication au public par voie électronique ».

Ce champ est identique à celui prévu par la définition contenue dans le code du travail : l’article L. 7111-3 vise les « entreprises de presse » et l’article L. 7111-5 (27) fait mention des « entreprises de communication au public par voie électronique », tenant ainsi compte des évolutions techniques et de la nature des médias (presse sur Internet)

Si on se réfère à la circulaire du 1er mars 1993 prise en application de la loi du 4 janvier 1993 précitée, « par entreprise de presse, il convient d’entendre, au sens de la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, toute entreprise exploitant un service qui utilise un mode écrit de diffusion de la pensée mis à la disposition du public ou de catégories de publics et qui paraît à intervalles réguliers ».

L'article 1er de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, modifié par l’article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, a précisé par ailleurs qu’« on entend par communication au public par voie électronique toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de communication électronique, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée. »

Votre rapporteur a présenté un amendement de précision visant à harmoniser la rédaction retenue à cet article avec celle de l’article 2 : ce sont bien les mêmes lieux qui doivent être visés comme lieux de travail des journalistes et lieux où sont réalisées les perquisitions. Il est donc proposé de remplacer la mention générique d’« entreprise de communication au public par voie électronique » en distinguant les « entreprises de communication au public en ligne » et les « entreprises de communication audiovisuelle ». Après que votre rapporteur a précisé qu’un amendement sera présenté à l’article 2 tendant aux mêmes fins, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 6).

4. Diffamation et recel de violation du secret de l’instruction

Votre rapporteur a présenté un amendement visant à répondre à une des incohérences de notre droit : alors qu’un journaliste, poursuivi pour diffamation, est sommé par la justice d’apporter la preuve de la véracité des informations publiées, il peut ensuite être poursuivi pour recel de violation du secret de l’instruction si la preuve qu’il apporte est issue de la violation de ce secret.

Le recel au sens de l’article 321-1 du code pénal est « le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit ». L’infraction est punie de 5 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende.

Une personne poursuivie pour diffamation dispose de trois voies pour se défendre :

—  Soutenir que l’imputation litigieuse ne vise pas le plaignant, ou n’est pas assez précise, ou ne porte pas atteinte à son honneur ou sa réputation ;

—  Faire la preuve de sa bonne foi (légitimité du but poursuivi, absence d’animosité personnelle, sérieuse enquête préalable, prudence et mesure de l’expression) ;

—  Prouver la vérité des imputations diffamatoires (« exceptio veritatis »).

L’amendement présenté par votre rapporteur précise qu’une personne poursuivie pour diffamation ne pourra être poursuivie pour recel si elle produit pour sa défense des pièces couvertes par le secret de l’enquête ou de l’instruction qui sont de nature à établir sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires. Il s’agit de faire primer les droits de la défense du journaliste sur le principe du secret de l’instruction.

Cet amendement consacre et prolonge la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui a jugé le 11 février 2003 que « le droit à un procès équitable et la liberté d’expression justifient que la personne poursuivie du chef de diffamation soit admise à produire, pour les nécessités de sa défense, les pièces d’une information en cours de nature à établir sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires » (28). L’amendement étend cette protection aux journalistes qui ne pourront plus être non seulement condamnés mais également poursuivis pour recel de violation du secret de l’instruction s’ils ont produit pour leur défense une pièce couverte par le secret.

Cet amendement est aussi conforme à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg : « la Cour estime (…) qu’il convient d’apprécier avec la plus grande prudence, dans une société démocratique, la nécessité de punir pour recel de violation de secret de l’instruction ou de secret professionnel des journalistes qui participent à un débat public d’une telle importance [affaires des écoutes de l’Élysée] exerçant ainsi leur mission de « chiens de garde » de la démocratie », arrêt Dupuis et autres c/ France, 7 juin 2007(29)

Mme Aurélie Filippetti a considéré que la jurisprudence permet déjà de protéger le journaliste qui fait jouer l’exceptio veritatis. Elle a souhaité que le législateur aille plus loin, en prévoyant qu’un journaliste ne puisse en aucune hypothèse être incriminé pour recel.

Votre rapporteur a souligné que l’amendement proposé constitue une avancée législative effective, car il confirme la jurisprudence de la Cour de cassation et étend dans le même temps le principe dégagé par cette jurisprudence aux poursuites dont le journaliste pourrait ultérieurement faire l’objet. Il a par ailleurs estimé qu’il serait excessif – et sans doute contraire au principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant la loi pénale – de prévoir une exonération de principe des journalistes de toute incrimination en matière de recel.

M. Dominique Raimbourg a souhaité savoir s’il ne serait pas pertinent de prévoir que la production par le journaliste de pièces d’une procédure pénale couvertes par le secret de l’enquête ou de l’instruction ne puisse donner lieu à des poursuites pour recel dans d’autres hypothèses que celle d’une action en diffamation.

Votre rapporteur a expliqué que l’amendement proposé modifie l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881, qui est relatif à la diffamation, et qu’il s’agit du seul cas de figure dans lequel le jeu de l’exceptio veritatis justifie pleinement l’impossibilité de poursuivre un journaliste pour recel.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 7), puis l’article premier ainsi modifié.

Article 2

[article 56-2 du code de procédure pénale]


Accroissement des garanties procédurales en cas de perquisition concernant un journaliste

L’article 2 du projet de loi modifie et complète l’article 56-2 du code de procédure pénale et accroît considérablement les garanties procédurales entourant une perquisition concernant un journaliste : la consécration du principe de protection des sources rend nécessaire l’instauration, à l’image de ce qui prévaut pour les avocats, d’un régime spécifique en matière de perquisitions dans les locaux où sont amenés à travailler les journalistes et où ils pourraient donc disposer de documents en lien avec leur activité professionnelle.

DISPOSITIONS PARTICULIÈRES APPLICABLES AUX PERQUISITIONS RÉALISÉES DANS LE CABINET D’UN AVOCAT OU A SON DOMICILE

Les perquisitions dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile (article 56-1 du code de procédure pénale, dans le cadre de l’enquête de flagrance et, par renvoi opéré par l’article 96, dans le cadre d’une instruction) sont entourées d’un grand nombre de garanties particulières :

—  Elles doivent être effectuées par un magistrat (procureur de la Républiques ou juge d’instruction) ;

—  Elles doivent être effectuées en présence du bâtonnier ou de son délégué qui a seul droit de consulter les documents qui sont saisis (respect du secret professionnel) (30) ;

—  Elles doivent être précédées d’une décision écrite et motivée du magistrat, qui indique la nature de l’infraction sur laquelle portent les investigations ainsi que les raisons justifiant la perquisition. Le contenu de cette décision est porté, dès le début de la perquisition, à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué qui veille à ce que les documents saisis relèvent bien de l’infraction mentionnée dans la décision.

—  Ne peuvent être saisies les pièces déposées chez un avocat pour une partie qui lui a confié sa défense (tels les courriers échangés entre un client et son avocat) : les droits de la défense l’emportent sur le droit de saisie.

—  Il existe une procédure permettant au bâtonnier ou à son délégué de s'opposer à la saisie d'un document (31) à laquelle le magistrat a l'intention de procéder, s'il estime que cette saisie serait irrégulière.

Dans ce cas, le document litigieux doit être placé sous scellé fermé. Ces opérations font alors l'objet d'un procès-verbal distinct de celui mentionnant, le cas échéant, d’autres documents saisis non contestés ; ce procès-verbal n'est pas joint au dossier de la procédure et mentionne les objections du bâtonnier ou de son délégué. Le document placé sous scellé fermé et le procès-verbal sont transmis avec le dossier de la procédure au juge des libertés et de la détention (32) qui a cinq jours à compter de la réception des pièces pour statuer sur la contestation.

Le JLD statue par ordonnance motivée, non susceptible de recours. À cette fin, il entend le magistrat qui a procédé à la perquisition (et, le cas échéant, le procureur de la République, si ce n’est pas lui qui y a procédé), ainsi que l'avocat au cabinet ou au domicile duquel elle a été effectuée et le bâtonnier ou son délégué. Il peut ouvrir le scellé en présence de ces personnes.

À la suite de ces auditions, le JLD peut :

—  soit ordonner la restitution immédiate du document, s’il estime qu'il n'y a pas lieu à le saisir, ainsi que la destruction du procès-verbal des opérations et, le cas échéant, la cancellation de toute référence à ce document ou à son contenu qui figurerait dans le dossier de la procédure ;

—  soit ordonner le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure. Une telle décision n'exclut pas la possibilité ultérieure pour les parties de demander la nullité de la saisie devant, selon les cas, la juridiction de jugement (si aucune instruction n’a été ouverte) ou la chambre de l'instruction.

Aujourd’hui, les perquisitions effectuées dans les locaux des entreprises de presse sont entourées de deux garanties spécifiques par rapport aux perquisitions « de droit commun » :

—  Elles doivent être effectuées par un magistrat (procureur de la République ou juge d’instruction).

—  Le magistrat doit veiller à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au « libre exercice de la profession de journaliste » et qu’elles ne « constituent pas un obstacle ou n'entraînent pas un retard injustifiés à la diffusion de l'information ». La circulaire du 1er mars 1993 a précisé cette notion : « ces obligations doivent conduire à éviter que la saisie de documents constituant la preuve d’une infraction soit effectuée sans qu’un double soit remis à l’entreprise de communication audiovisuelle. En outre, ce double doit être établi avec diligence afin d’éviter tout retard injustifié dans la diffusion de l’information ».

Les dispositions de cet article s’appliquent aux perquisitions menées aussi bien dans le cadre d’une enquête de flagrance – directement visée par l’article 56-2 –, que dans le cadre d’une information judiciaire – l’article 96 du code précise que les dispositions de cet article, notamment, sont applicables aux perquisitions menées par le juge d’instruction – ou d’une enquête préliminaire : il résulte en effet de la pratique que les articles 56-1 et suivants du code sont applicables dans ce cadre (33).

On est donc loin du régime dont bénéficient les avocats. L’article 2 du projet de loi renforce considérablement ces garanties, en s’inspirant très largement du régime des avocats.

1. Une extension de la protection aux locaux d’une agence de presse et au domicile du journaliste

La protection est étendue aux locaux d’une agence de presse et au domicile du journaliste, lorsque les investigations réalisées sont liées à son activité professionnelle. Une telle extension est plus conforme aux réalités du métier de journaliste : les agences de presse sont très impliquées dans le journalisme d’investigation, les journalistes travaillent beaucoup à leur domicile.

La Commission a été saisie d’un amendement de Mme Aurélie Filippetti ayant pour objet d’étendre aux entreprises de communication au public par voie électronique et aux prestataires techniques les dispositions relatives à la protection accordée en matière de perquisitions aux entreprises éditrices et aux entreprises de communication audiovisuelle.

Après que votre rapporteur a expliqué qu’un amendement adopté à l’article premier ainsi que l’amendement qu’il s’apprête à présenter permettent de satisfaire son objet, cet amendement a été retiré par son auteur.

Votre rapporteur a ensuite présenté, par parallélisme avec l’amendement adopté à l’article 1er, un amendement visant à harmoniser la rédaction retenue pour le premier alinéa de l’article 56-2 avec celui visé par le dernier alinéa de l’article 2 de la loi de 1881. La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 8).

—  extension aux locaux des agences de presse

Au sens de l’article 1er de l’ordonnance n° 45-2646 du 2 novembre 1945 portant réglementation provisoire des agences de presse, « sont considérés comme agences de presse, les organismes privés qui fournissent aux journaux et périodiques, des articles, informations, reportages, photographies et tous autres éléments de rédaction et qui tirent leurs principales ressources de ces fournitures.» Ces agences réalisent de nombreuses enquêtes d’investigation et il est donc tout à fait nécessaire que leurs locaux soient soumis aux mêmes règles que ceux des entreprises de presse en matière de perquisition.

Lors de leur audition par votre rapporteur, les représentants de la Fédération française des agences de presse lui ont cependant signalé que dans la pratique, les perquisitions menées dans les locaux d’une agence de presse se conforment d’ores et déjà aux prescriptions de l’article 56-2 du code de procédure pénale. Le projet de loi vient dès lors donner une base textuelle à une heureuse pratique des magistrats.

—  extension au domicile du journaliste, lorsque les investigations sont liées à son activité professionnelle

La jurisprudence a apporté des précisions sur la notion de domicile qui ne doit pas être entendu seulement comme le lieu où une personne a son principal établissement mais encore le lieu où, qu’elle y habite ou non, elle a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux – telle une chambre d’hôtel, Cass Crim 31 janvier 1914). A contrario, cette définition ne couvre pas les véhicules automobiles (Cass Crim 11 septembre 1933), ni les casiers de consigne de gares (Cass Crim 12 octobre 1993).

Il n’existait jusqu’ici aucune protection du domicile du journaliste, comme l’illustre une affaire demeurée célèbre : à la suite de la publication dans l’hebdomadaire Le Point et le quotidien L'Équipe de procès-verbaux de transcriptions d'écoutes téléphoniques, non encore transmis au juge d'instruction, pratiqués dans le cadre d'une enquête sur des faits de dopage dans le milieu du cyclisme professionnel, une information a été ouverte des chefs de violation du secret de l'instruction et de recel. Des perquisitions ont notamment été réalisées aux domiciles de deux journalistes de L'Équipe. La Cour de cassation a rejeté les pourvois formés par les journalistes sur le fondement de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, considérant que « les dispositions prévues par l'article 56-2 du code de procédure pénale ne s'appliquent pas à la perquisition du domicile personnel du journaliste, qu'il soit salarié ou collaborateur occasionnel ». (34)

—  extension aux véhicules professionnels

Votre rapporteur a présenté un amendement étendant aux véhicules professionnels le champ d’application de la procédure spécifique de perquisition applicable aux journalistes, de tels véhicules constituant le prolongement direct de l’entreprise de presse ou de communication audiovisuelle, notamment. Il a pris l’exemple des cars-régies dans lesquels sont montés les reportages tournés par les équipes de télévision : une perquisition aux fins de saisir les rushs d’un tournage dans un tel véhicule ne pourra dès lors être opérée que par un magistrat et devra respecter les prescriptions de l’article 56-2 du code de procédure pénale. La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 9).

  renforcement des garanties en cas de perquisition

Votre rapporteur a ensuite présenté un amendement visant à renforcer les garanties apportées aux perquisitions concernant les journalistes, en s’inspirant des dispositions de l’article 56-1 du code de procédure pénale relatif aux perquisitions dans les cabinets d’avocat. Il prévoit que toute perquisition doit être précédée d’une décision écrite et motivée du magistrat indiquant la nature des infractions sur lesquelles portent les investigations et l’objet de la perquisition : il s’agit de préciser le champ de la perquisition, qui doit se limiter à l’affaire en cause. La personne qui pourra s’opposer à la saisie des documents sera dès lors à même de vérifier que les saisies demandées par le magistrat entrent bien dans le champ fixé par cette décision préalable.

Cet amendement précise en outre que la méconnaissance des prescriptions posées par le premier alinéa de l’article 56-2 du code, tel que réécrit par le projet de loi, est une cause de nullité de l’ensemble de la procédure.

Mme Aurélie Filippetti a fait observer que les avocats dont le cabinet est perquisitionné peuvent être assistés par le bâtonnier, sans qu’une disposition similaire soit prévue pour les journalistes.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 10), ainsi qu’un amendement de conséquence rédactionnelle de votre rapporteur (amendement n° 11).

2. Les précautions que doit prendre le magistrat sont précisées

L’actuel article 56-2 du code de procédure pénale fait référence à une notion, sans doute un peu floue, de « libre exercice de la profession de journaliste », auquel les investigations ne peuvent porter atteinte. Il est à noter qu’une formulation comparable a été retenue au deuxième alinéa de l’article 56-1 s’agissant des perquisitions dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile et qui fait obligation au magistrat de veiller « à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession d’avocat ».

La réécriture de l’article 56-2 par le projet de loi permet de préciser cette notion : cette atteinte peut se manifester, notamment, par celle portée « de façon disproportionnée au regard de la nature et de la gravité de l’infraction à la protection qui est due au secret des sources ». Le reste de la phrase est en revanche une reprise du droit existant : le magistrat doit veiller à ce que la perquisition ne constitue pas un obstacle ou n’entraîne pas de retard injustifiés à la diffusion de l’information. Cette formulation doit être comprise comme un encadrement dans l’espace et dans le temps des investigations menées, afin que l’activité de l’entreprise de presse puisse se dérouler normalement.

Après avoir adopté un amendement rédactionnel (amendement n° 12), la Commission a été saisie d’un amendement de précision de votre rapporteur, procédant à un renvoi à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : il s’agit de préciser que c’est à l’aune des critères posés par cet article que doivent être appréciés le degré de l’atteinte portée au principe et l’appréciation du caractère proportionné ou non de cette atteinte au regard de la nature et de la gravité de l’infraction. La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 13).

3. Une procédure d’opposition à la saisie de documents lors de la perquisition est instaurée

Autre avancée majeure du projet de loi en matière de perquisition, cet article instaure une procédure, inspirée de l’article 56-1 du code de procédure pénale s’agissant des perquisitions dans les bureaux ou au domicile des avocats, permettant une opposition à la saisie de certains documents.

Le rôle dévolu au bâtonnier pour les perquisitions réalisées dans des bureaux d’avocats est tenu par « la personne présente lors de la perquisition en application des dispositions de l’article 57 » du code de procédure pénale, c’est-à-dire le journaliste lui-même, son représentant, ou, à défaut, les témoins requis par le magistrat pendant la perquisition (35).

En cas d’opposition, la procédure suivie est identique à celle prévue pour les avocats : le document litigieux doit être placé sous scellé fermé et la procédure consignée sur un procès-verbal distinct, contenant les objections de la personne. Les documents et le procès-verbal sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention avec une copie de la procédure. Le JLD statue dans les cinq jours par ordonnance motivée, non susceptible de recours. Il entend le magistrat et la personne en présence de laquelle la perquisition a été effectuée. Il peut ouvrir le scellé en présence de ces personnes.

À la suite de ces auditions, le JLD peut :

—  soit ordonner la restitution immédiate du document, s’il estime qu'il n'y a pas lieu à le saisir, ainsi que la destruction du procès-verbal des opérations et, le cas échéant, la cancellation de toute référence à ce document ou à son contenu qui figurerait dans le dossier de la procédure ;

—  soit ordonner le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure, une telle décision n'excluant pas la possibilité ultérieure pour les parties de demander la nullité de la saisie devant, selon les cas, la juridiction de jugement ou, si une instruction a été ouverte, la chambre de l'instruction.

Cette procédure soulève un certain nombre de questions. La première concerne le périmètre des objets pour lesquels la saisie peut être contestée.

Votre rapporteur a présenté un amendement visant à inclure dans les choses dont la saisie peut faire l’objet d’une contestation devant le JLD, outre les « documents » visés par le projet de loi, certains matériels utilisés par les journalistes pour recueillir, conserver ou transmettre les informations. Sont essentiellement visés par cet amendement les ordinateurs (disques durs d’ordinateurs fixes, ordinateurs portables) et les téléphones mobiles qui contiennent de nombreux documents pouvant aider à remonter jusqu’aux sources : documents conservés sous format électronique, e-mails, agendas, répertoires…

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 14).

Mme Aurélie Filippetti a ensuite présenté un amendement ayant pour objet de permettre que le procès-verbal recueillant les objections formulées par la personne présente lors de la perquisition figure en toute hypothèse au dossier de l’instruction.

Votre rapporteur ayant expliqué que l’article 2 du projet de loi prévoit, à l’instar de la procédure relative aux perquisitions dans des cabinets d’avocat, qu’un procès-verbal distinct doit être établi en ce qui concerne les documents dont la saisie soulève des contestations, afin de faciliter la modification du dossier de l’instruction dans l’hypothèse où le juge des libertés et de la détention ordonnerait la restitution de ces documents et annulerait ce procès-verbal, l’amendement a été retiré par son auteur.

Mme Aurélie Filippetti a défendu un amendement ayant pour objet de préciser que la motivation de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention doit être fondée en fait et en droit. Après que votre rapporteur a expliqué que la jurisprudence de la Cour de cassation exige déjà que les motivations soient toujours fondées en fait comme en droit, la Commission a rejeté cet amendement.

Mme Aurélie Filippetti a ensuite défendu un amendement ouvrant la possibilité d’un recours contre l’ordonnance du JLD.

Votre rapporteur a exprimé un avis défavorable à cet amendement, dans la mesure où la partie qui succombe disposera déjà de voies de recours en nullité de l’ensemble de la procédure, soit qu’elle saisisse la chambre de l’instruction, soit qu’elle dépose des conclusions en ce sens lors de l’audience.

M. Dominique Raimbourg a exprimé la crainte que l’ordonnance du JLD puisse être considérée comme ayant autorité de chose jugée, et empêche de ce fait de contester ultérieurement la perquisition.

Votre rapporteur a rappelé que l’article 56–2 du code de procédure pénale prévoit que l’ordonnance du juge des libertés et de la détention « n’exclut pas la possibilité ultérieure pour les parties de demander la nullité de la saisie devant, selon les cas, la juridiction de jugement ou la chambre de l’instruction ».

La Commission a alors rejeté l’amendement et adopté l’article 2 ainsi modifié.

Article 3

[articles 326 et 437 du code de procédure pénale]


Extension du droit du journaliste de taire ses sources en cas d’audition en tant que témoin

Cet article étend tout au long de la procédure pénale le droit du journaliste de taire ses sources. Cet article est à rapprocher de la phrase ajoutée par voie d’amendement de votre rapporteur à l’article 1er et qui précise qu’en aucun cas une atteinte au secret des sources ne peut consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources.

C’est bien un droit absolu au silence – qui n’emporte pas l’interdiction de révéler - qui est reconnu aux journalistes lorsqu’ils sont cités comme témoins.

1. Le droit existant : la reconnaissance du droit du journaliste de taire ses sources lorsqu’il est entendu comme témoin dans le seul cadre d’une information judiciaire

Cette protection figure au 2ème alinéa de l’article 109 du code de procédure pénale, introduit par la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 : dans le cadre de la procédure d’instruction, alors qu’en principe toute personne citée pour être entendue comme témoin est tenue de comparaître, de prêter serment et de déposer, « tout journaliste, entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de sons activité, est libre de ne pas en révéler l’origine ».

2. L’article 3 étend cette protection au cours de la phase de jugement

a) Une extension de la protection des sources du journaliste cité à comparaître en tant que témoin devant une cour d’assises

Le paragraphe I du présent article insère un alinéa après le deuxième alinéa de l’article 326 du code de procédure pénale dont la rédaction est identique à celle figurant aujourd’hui à l’article 109 du même code. Il s’agit de garantir la même protection des sources du journaliste en cas de citation comme témoin devant une cour d’assises.

Votre rapporteur a présenté un amendement visant à ce que cet alinéa soit inséré non pas après le deuxième alinéa de l’article 326 du code de procédure pénale mais à la fin de cet article : la lecture de ce dernier sera en effet facilitée si l’alinéa est ajouté in fine. La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 15).

b) Une extension de la protection des sources du journaliste cité à comparaître en tant que témoin devant un tribunal correctionnel

Par parallélisme, le paragraphe II du présent article complète l’article 437 du code de procédure pénale pour prévoir la même protection du journaliste cité comme témoin devant un tribunal correctionnel.

Ce droit se trouve donc consacré dans tous les cas où existe une obligation de déposer pour toute personne entendue comme témoin (instruction et phase de jugement). Il n’est en revanche pas nécessaire de le préciser dans toutes les autres hypothèses où un journaliste pourrait être appelé à témoigner dans la mesure où il n’existe pas, en phase d’enquête préliminaire, d’obligation de déposer. Libre de se taire, le journaliste est a fortiori libre de taire ses sources.

La Commission a été saisie d’un amendement de Mme Aurélie Filippetti ayant pour objet de prévoir que le journaliste peut taire ses sources lorsqu’il est entendu « à quelque titre que ce soit ». Votre rapporteur ayant observé, d’une part, qu’une personne mise en cause a toujours droit de se taire et, d’autre part, que le projet de loi reconnaît aux journalistes entendus comme témoin un droit absolu de taire leurs sources, la Commission a rejeté cet amendement.

Puis elle a adopté l’article 3 ainsi modifié.

Après l’article 3

Mme Aurélie Filippetti a présenté un amendement visant à exclure les journalistes du champ de l’incrimination de recel, et notamment de recel de violation d’un secret de l’instruction ou de l’enquête.

Votre rapporteur a rappelé qu’un amendement adopté à l’article premier permet d’apporter une réponse précise au problème des journalistes divulguant une information protégée par le secret de l’instruction ou de l’enquête. Il a souligné que l’objectif qui doit être recherché n’est pas une protection des journalistes en tant que tels - l’amendement proposé excluant les journalistes du champ de tout recel – mais une protection du secret des sources dont ils tirent leurs informations.

La Commission a alors rejeté cet amendement ainsi qu’un amendement de cohérence du même auteur.

Après l’article 3

Application du principe de protection du secret des sources en matière de réquisitions judiciaires

L’article 1er du projet de loi fonde un principe général de protection du secret des sources qui doit être appliqué dans la conduite de tout acte d’enquête, même en l’absence de mention expresse dans le code de procédure pénale.

Mais de même que l’article 2 apporte des précisions quant à la procédure de perquisition, votre rapporteur juge préférable de prévoir une disposition particulière en matière de réquisitions comme en matière d’interceptions des communications, compte tenu des graves atteintes qu’elles peuvent porter à ce principe.

Votre rapporteur a présenté un amendement visant à compléter les dispositions du code de procédure pénale relatives aux réquisitions judiciaires (articles 60-1, en matière d’enquête de flagrance, 77-1-1 pour l’enquête préliminaire et 99-3 en cas d’ouverture d’une information), afin de préciser que celles-ci ne peuvent porter atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l’infraction, à la protection qui est due au secret des sources d’un journaliste, ce qui peut être le cas dans l’hypothèse de réquisitions adressées à un opérateur de télécommunication ou de communication en ligne (pour obtenir la liste des numéros appelés ou reçus par un journaliste ou la liste de ses correspondants e-mails).

Lors des auditions menées par votre rapporteur, mais aussi à l’occasion de la table ronde organisée à l’initiative du Président de votre commission des Lois, des journalistes ont souligné l’existence de techniques permettant de retrouver indirectement la source d’une information journalistique (certains évoquant la « traçabilité » accrue des individus dans notre société), notamment au travers des remontées d’appels des téléphones portables des journalistes.

Cet amendement vise à répondre à ces objections appliquant très clairement aux réquisitions judiciaires le principe de la protection du secret des sources consacré à l’article 2 de la loi de 1881.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 16).

Après l’article 3

Application du principe de protection du secret des sources en matière d’écoutes judiciaires

Votre rapporteur a présenté un amendement relatif aux écoutes téléphoniques dont peuvent faire l’objet les journalistes.

Cet amendement institue une protection similaire à celle prévue par le deuxième alinéa de l’article 100-5 du code de procédure pénale pour les avocats. Cet alinéa interdit, à peine de nullité, la retranscription de toute correspondance avec un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense.

Il s’agit ici de prévoir qu’à peine de nullité, ne pourront être transcrites les correspondances avec un journaliste portant atteinte de façon disproportionnée, au regard la gravité et de la nature de l’infraction, à la protection du secret des sources. Dès lors, le juge d’instruction devra écarter les écoutes téléphoniques constitutives d’une telle atteinte, en dehors des cas où celle-ci serait justifiée, conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 17).

Après l’article 3

Après que votre rapporteur eut expliqué que l’amendement précédemment adopté satisfaisait un amendement de Mme Aurélie Filippetti ayant pour objet de protéger les journalistes en matière d’interceptions téléphoniques, son auteur a retiré cet amendement.

Mme Aurélie Filippetti a ensuite présenté un amendement visant à exonérer de toute incrimination le fait pour un journaliste de détenir des sources d’information protégées.

Votre rapporteur s’étant déclaré défavorable à un amendement qui créerait un droit particulier des journalistes et ne serait pas sans soulever des problèmes de constitutionnalité, la Commission l’a rejeté.

Article 4

Application de la loi

Cet article dispose que la loi est applicable sur le territoire de la République française. Elle est donc applicable à l’ensemble des collectivités d’outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et dans les TAAF.

La Commission a adopté l’article 4 sans modification.

Elle a ensuite adopté l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes (n° 735), modifié par les amendements figurant au tableau comparatif ci-après.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte de référence

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Texte du projet de loi

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Propositions de la Commission

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Article 1er

Article 1er

 

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :

(Alinéa sans modification)

 

1° L’article 2 devient l’article 3 ;

1° (Sans modification)

 

2° Après l’article 1er, il est rétabli un article 2 ainsi rédigé :

2° (Alinéa sans modification)

 

« Art. 2. —  Le secret des sources des journalistes est protégé afin de permettre l’information du public sur des questions d’intérêt général.

« Art. 2. —  (Alinéa sans modification)

 

« Il ne peut être porté atteinte à ce secret que lorsqu’un intérêt impérieux l’impose. En particulier, il ne peut y être porté atteinte au cours d’une procédure pénale qu’à titre exceptionnel, si la nature et la particulière gravité du crime ou du délit sur lesquels elle porte ainsi que les nécessités des investigations le justifient.

… atteinte directement ou indirectement à ce secret qu’à titre exceptionnel et lorsqu’un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie. Au cours d’une procédure pénale, il ne peut y être porté atteinte que si la nature …

… investigations rendent cette atteinte strictement nécessaire. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources.

(amendements nos 1, 2, 3, 4 et 5)

Loi du 29 juillet 1881
sur la liberté de la presse

« Est considérée comme journaliste, au sens du premier alinéa, toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse ou de communication au public par voie électronique, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil et la diffusion d’informations au public. »

… public en ligne, de communication audiovisuelle ou agences de presse, y pratique …

(amendement n° 6)

Art. 35. —  La vérité du fait diffamatoire, mais seulement quand il est relatif aux fonctions, pourra être établie par les voies ordinaires, dans le cas d’imputations contre les corps constitués, les armées de terre, de mer ou de l’air, les administrations publiques et contre toutes les personnes énumérées dans l’article 31.

 

3° L’article 35 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

La vérité des imputations diffamatoires et injurieuses pourra être également établie contre les directeurs ou administrateurs de toute entreprise industrielle, commerciale ou financière, faisant publiquement appel à l’épargne ou au crédit.

   

La vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée, sauf :

   

a) Lorsque l’imputation concerne la vie privée de la personne ;

   

b) Lorsque l’imputation se réfère à des faits qui remontent à plus de dix années ;

   

c) Lorsque l’imputation se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision.

   

Les deux alinéas a et b qui précèdent ne s’appliquent pas lorsque les faits sont prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal et ont été commis contre un mineur.

   

Dans les cas prévus aux deux paragraphes précédents, la preuve contraire est réservée. Si la preuve du fait diffamatoire est rapportée, le prévenu sera renvoyé des fins de la plainte.

   

Dans toute autre circonstance et envers toute autre personne non qualifiée, lorsque le fait imputé est l’objet de poursuites commencées à la requête du ministère public, ou d’une plainte de la part du prévenu, il sera, durant l’instruction qui devra avoir lieu, sursis à la poursuite et au jugement du délit de diffamation.

   
   

« Le prévenu peut produire pour les nécessités de sa défense, sans que cette production puisse donner lieu à des poursuites pour recel, les pièces d’une procédure pénale couvertes par le secret de l’enquête ou de l’instruction si elles sont de nature à établir sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires. »

(amendement n° 7)

 

Article 2

Article 2

Code de procédure pénale

L’article 56-2 du code de procédure pénale est remplacé par les dispositions suivantes :

(Alinéa sans modification)

Art. 56-2. —  Les perquisitions dans les locaux d’une entreprise de presse ou de communication audiovisuelle ne peuvent être effectuées que par un magistrat qui veille à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession de journaliste et ne constituent pas un obstacle ou n’entraînent pas un retard injustifiés à la diffusion de l’information.

Art. 57. —  Cf. annexe.

« Art. 56-2. —  Les perquisitions dans les locaux d’une entreprise de presse ou de communication audiovisuelle, d’une agence de presse, ou au domicile d’un journaliste lorsque les investigations sont liées à son activité professionnelle, ne peuvent être effectuées que par un magistrat.

« Art. 56-2. —  

… de presse, d’une entreprise de communication audiovisuelle, d’une entreprise de communication au public en ligne, d’une agence de presse, dans les véhicules professionnels, ou au domicile …                  … magistrat. Ces perquisitions sont réalisées sur décision écrite et motivée du magistrat qui indique la nature de l’infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, ainsi que les raisons justifiant la perquisition et l’objet de celle-ci. Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance de la personne présente en application des dispositions de l’article 57. Aucune saisie ne peut concerner des documents relatifs à d’autres infractions que celles mentionnées dans cette décision. Les dispositions du présent alinéa sont édictées à peine de nullité.

(amendements nos 8, 9 et 10)

Loi du 29 juillet 1881 précitée

Art. 2. —  Cf. supra art. 1er du projet de loi.

« Celui-ci veille à ce que les investigations conduites respectent le libre exercice de la profession de journaliste, notamment en ne portant pas atteinte de façon disproportionnée au regard de la nature et de la gravité de l’infraction, à la protection qui est due au secret des sources et qu’elles ne constituent pas un obstacle ou n’entraînent pas de retard injustifiés à la diffusion de l’information.

« Le magistrat qui effectue la perquisition veille …

… de journaliste. Il veille à ce qu’elles ne portent pas atteinte …

… sources en application de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et qu’elles …

(amendements nos 11, 12 et 13)

Code de procédure pénale

Art. 57. —  Cf. annexe.

« La personne présente lors de la perquisition en application des dispositions de l’article 57 peut s’opposer à la saisie d’un document à laquelle le magistrat a l’intention de procéder si elle estime que cette saisie serait irrégulière au regard des alinéas précédents. Le document doit alors être placé sous scellé fermé. Ces opérations font l’objet d’un procès-verbal mentionnant les objections de la personne, qui n’est pas joint au dossier de la procédure. Si d’autres documents ont été saisis au cours de la perquisition sans soulever de contestation, ce procès-verbal est distinct de celui prévu par l’article 57. Ce procès-verbal ainsi que le document placé sous scellé fermé sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention, avec l’original ou une copie du dossier de la procédure.

… d’un document ou du matériel de toute nature utilisé, dans l’exercice de ses fonctions, par le journaliste pour recueillir, conserver ou transmettre les informations à laquelle …

(amendement n° 14)

 

« Dans les cinq jours de la réception de ces pièces, le juge des libertés et de la détention statue sur la contestation par ordonnance motivée non susceptible de recours.

(Alinéa sans modification)

 

« À cette fin, il entend le magistrat qui a procédé à la perquisition et, le cas échéant, le procureur de la République, ainsi que la personne en présence de qui la perquisition a été effectuée. Il peut ouvrir le scellé en présence de ces personnes.

(Alinéa sans modification)

 

« S’il estime qu’il n’y a pas lieu à saisir le document, le juge des libertés et de la détention ordonne sa restitution immédiate, ainsi que la destruction du procès-verbal des opérations et, le cas échéant, la cancellation de toute référence à ce document ou à son contenu qui figurerait dans le dossier de la procédure.

(Alinéa sans modification)

 

« Dans le cas contraire, il ordonne le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure. Cette décision n’exclut pas la possibilité ultérieure pour les parties de demander la nullité de la saisie devant, selon les cas, la juridiction de jugement ou la chambre de l’instruction. »

(Alinéa sans modification)

 

Article 3

Article 3

Art. 326. —  Lorsqu’un témoin cité ne comparaît pas, la cour peut, sur réquisitions du ministère public ou même d’office, ordonner que ce témoin soit immédiatement amené par la force publique devant la cour pour y être entendu, ou renvoyer l’affaire à la prochaine session.

I. —  Il est inséré, après le deuxième alinéa de l’article 326 du même code, un troisième alinéa ainsi rédigé :

I. —  L’article 326 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

(amendement n° 15)

Dans tous les cas, le témoin qui ne comparaît pas ou qui refuse soit de prêter serment, soit de faire sa déposition peut, sur réquisitions du ministère public, être condamné par la cour à une amende de 3 750 €.

   

La voie de l’opposition est ouverte au condamné qui n’a pas comparu. L’opposition s’exerce dans les cinq jours de la signification de l’arrêt faite à sa personne ou à son domicile. La cour statue sur cette opposition soit pendant la session en cours, soit au cours d’une session ultérieure.

   
 

« Tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l’origine. »

(Alinéa sans modification)

Art. 437. —  Toute personne citée pour être entendue comme témoin est tenue de comparaître, de prêter serment et de déposer.

II. —  L’article 437 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

II. —  (Sans modification)

 

« Tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l’origine. »

 
   

Article additionnel

Art. 60-1. —  Le procureur de la République ou l’officier de police judiciaire peut, par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l’enquête, y compris ceux issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l’obligation au secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, la remise des documents ne peut intervenir qu’avec leur accord.

 

I. —  L’article 60-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

À l’exception des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, le fait de s’abstenir de répondre dans les meilleurs délais à cette réquisition est puni d’une amende de 3 750 €. Les personnes morales sont responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal, du délit prévu par le présent alinéa.

   

Loi du 29 juillet 1881 précitée

Art. 2. —  Cf. supra art. 1er du projet de loi.

 

« À peine de nullité, ne peuvent être versés au dossier les éléments obtenus par une réquisition portant atteinte de façon disproportionnée au regard de la gravité et de la nature de l’infraction à la protection qui est due au secret des sources en application de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

Code de procédure pénale

   

Art. 77-1-1. —  Le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l’officier de police judiciaire, peut, par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l’enquête, y compris ceux issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l’obligation au secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, la remise des documents ne peut intervenir qu’avec leur accord.

 

II. —  Les articles 77-1-1 et 99-3 du même code sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

En cas d’absence de réponse de la personne aux réquisitions, les dispositions du second alinéa de l’article 60-1 sont applicables.

   
   

« Les dispositions du dernier alinéa de l’article 60-1 sont également applicables. »

(amendement n° 16)

Art. 99-3. —  Le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire par lui commis peut, par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l’instruction, y compris ceux issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l’obligation au secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, la remise des documents ne peut intervenir qu’avec leur accord.

   

En l’absence de réponse de la personne aux réquisitions, les dispositions du deuxième alinéa de l’article 60-1 sont applicables.

   
   

Article additionnel

Art. 100-5. —  Le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire commis par lui transcrit la correspondance utile à la manifestation de la vérité. Il en est dressé procès-verbal. Cette transcription est versée au dossier.

 

L’article 100-5 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Les correspondances en langue étrangère sont transcrites en français avec l’assistance d’un interprète requis à cette fin.

   

À peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense.

   

Loi du 29 juillet 1881 précitée

Art. 2. —  Cf. supra art. 1er du projet de loi.

 

« À peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un journaliste portant atteinte de façon disproportionnée au regard de la gravité et de la nature de l’infraction à la protection qui est due au secret des sources en application de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

(amendement n° 17)

 

Article 4

Article 4

 

La présente loi est applicable sur tout le territoire de la République française.

(Sans modification)

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Code de procédure pénale

Art. 57. —  Sous réserve de ce qui est dit à l’article précédent concernant le respect du secret professionnel et des droits de la défense, les opérations prescrites par ledit article sont faites en présence de la personne au domicile de laquelle la perquisition a lieu.

En cas d’impossibilité, l’officier de police judiciaire aura l’obligation de l’inviter à désigner un représentant de son choix ; à défaut, l’officier de police judiciaire choisira deux témoins requis à cet effet par lui, en dehors des personnes relevant de son autorité administrative.

Le procès-verbal de ces opérations, dressé ainsi qu’il est dit à l’article 66, est signé par les personnes visées au présent article ; au cas de refus, il en est fait mention au procès-verbal.

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article 1er

Amendements présentés par Mme Aurélie Filippetti et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

•  Rédiger ainsi l’alinéa 4 de cet article :

« Art. 2. —  Le droit au secret des sources d’information est protégé par la loi. »

•  I. —  Après l’alinéa 4 de cet article, insérer les trois alinéas suivants :

« Bénéficient de la protection des sources les personnes suivantes :

« 1° Toute personne qui contribue directement à la collecte, à la rédaction, à la production, au stockage ou à la diffusion d’informations par le biais d’un média ou d’un ouvrage au profit du public ;

« 2° Le directeur de la publication, les collaborateurs de la rédaction et toute personne qui, par l’exercice de ses fonctions ou de sa profession, est amenée à prendre connaissance d’informations permettant d’identifier une source. »

II. —  Supprimer l’alinéa 6 de cet article.

•  Rédiger ainsi l’alinéa 5 de cet article :

« Il ne peut être porté atteinte à ce secret qu’à titre exceptionnel, dans la mesure où la révélation des sources est de nature à prévenir la commission d’une infraction punie de 10 ans d’emprisonnement au moins, constituant une menace grave pour l’intégrité des personnes et sous réserve que cette information ne puisse être obtenue d’aucune autre manière. »

Article 2

Amendements présentés par Mme Aurélie Filippetti et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

•  [retiré] Rédiger ainsi l’alinéa 2 de cet article :

« Art. 56-2. —  Les perquisitions dans les locaux d’une entreprise de presse ou de communication au public par voie électronique, d’une agence de presse, d’un opérateur de communications électroniques visé à l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, d’une personne visée au II de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dans un lieu de stockage d’informations protégées par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou au domicile d’un journaliste lorsque les investigations sont liées à son activité professionnelle, ne peuvent être effectuées que par un magistrat. »

•  [retiré] I. —  Supprimer la quatrième phrase de l’alinéa 4 de cet article.

II. —  Dans la dernière phrase du même alinéa, substituer au mot : « Ce » le mot : « Le ».

•  Dans l’alinéa 5 de cet article, après le mot : « motivée », insérer les mots : « en fait et en droit ».

•  Dans l’alinéa 5 de cet article, supprimer les mots : « non susceptible de recours ».

Article 3

Amendement présenté par Mme Aurélie Filippetti et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Dans l’alinéa 2 de cet article, substituer aux mots : « comme témoin » les mots : « à quelque titre que ce soit ».

Après l’article 3

Amendements présentés par Mme Aurélie Filippetti et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

•  Insérer l’article suivant :

« Après le deuxième alinéa de l’article 321-1 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les faits ont été commis par un journaliste ou toute personne visée aux troisième et quatrième alinéas de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dans l’exercice de la liberté de l’information, pour les besoins de sa défense. »

•  Insérer l’article suivant :

« Le premier alinéa de l’article 62 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois les personnes visées à l’article 3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sont autorisées à taire leurs sources dans les conditions prévues par ledit article ; leur placement en garde à vue afin d’obtenir des sources d’information est réputé irrégulier. »

•  [retiré] Insérer l’article suivant :

« Après le troisième alinéa de l’article 100-7 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune interception ne peut avoir lieu sur un service téléphonique ou sur un service de communications électroniques d’un journaliste, ou de toute personne visée aux troisième et quatrième alinéas de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, y compris à son domicile, sans que le juge des libertés et de la détention en soit informé. »

•  Insérer l’article suivant :

« Le fait de détenir des sources d’information protégées ne constitue pas une infraction, lorsque le détenteur de l’information est un journaliste ou toute personne visée aux troisième et quatrième alinéas de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

ANNEXE 1

Recommandation n° R (2000) 7 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe aux États membres sur le droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources d'information

adoptée par le Comité des Ministres le 8 mars 2000, lors de la 701e réunion du Comité des Ministres

Le Comité des Ministres, en vertu de l'article 15.b du Statut du Conseil de l'Europe,

Considérant que le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun ;

Rappelant l'engagement des États membres à respecter le droit fondamental à la liberté d'expression, tel qu'il est garanti par l'article 10 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ;

Réaffirmant que le droit à la liberté d'expression et d'information constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique et l'une des conditions primordiales de son progrès et du développement de tout individu, comme le proclame la Déclaration de 1982 sur la liberté d'expression et d'information ;

Réaffirmant la nécessité pour les sociétés démocratiques de mettre en œuvre des moyens appropriés pour promouvoir le développement de medias libres, indépendants et pluralistes ;

Reconnaissant que l'exercice libre et sans entrave du journalisme est consacré par le droit à la liberté d'expression et constitue un préalable fondamental au droit du public d'être informé des questions d'intérêt général ;

Convaincu que la protection des sources d'information des journalistes constitue une condition essentielle pour que les journalistes puissent travailler librement ainsi que pour la liberté des médias ;

Rappelant que nombre de journalistes ont prévu dans des codes de conduite professionnels l'obligation de ne pas révéler leurs sources d'information dans le cas où ils ont reçu cette information à titre confidentiel ;

Rappelant qu’une protection des journalistes et de leurs sources a été instaurée dans les systèmes juridiques de certains États membres ;

Rappelant également que l'exercice par les journalistes de leur droit de ne pas révéler leurs sources d'information comporte des devoirs et des responsabilités, comme indiqué à l'article 10 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ;

Prenant acte de la Résolution de 1994 du Parlement européen sur le secret des sources d'information des journalistes et le droit des fonctionnaires à divulguer les informations dont ils disposent ;

Prenant acte de la Résolution n° 2 sur les libertés journalistiques et les droits de l'homme de la 4e Conférence ministérielle européenne sur la politique des communications de masse tenue à Prague en décembre 1994, et rappelant la Recommandation n° R (96) 4 sur la protection des journalistes en situation de conflit et de tension,

Recommande aux gouvernements des États membres :

1. de mettre en œuvre dans leur droit et leur pratique internes les principes annexés à la présente recommandation,

2. de diffuser largement cette recommandation et les principes qui lui sont annexés, en les assortissant le cas échéant d'une traduction, et

3. de porter en particulier ces textes à l'attention des pouvoirs publics, des autorités de police et du pouvoir judiciaire, ainsi que de les mettre à la disposition des journalistes, des médias et de leurs organisations professionnelles.

 

Annexe à la Recommandation n° R (2000) 7

Principes concernant le droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources d'information

 

Définitions

Aux fins de la présente Recommandation :

a. le terme « journaliste » désigne toute personne physique ou morale pratiquant à titre régulier ou professionnel la collecte et la diffusion d'informations au public par l'intermédiaire de tout moyen de communication de masse ;

b. le terme « information » désigne tout exposé de fait, opinion ou idée, sous forme de texte, de son et/ou d’image ;

c. le terme « source » désigne toute personne qui fournit des informations à un journaliste ;

d. le terme « information identifiant une source » désigne, dans la mesure où cela risque de conduire à identifier une source :

i. le nom et les données personnelles ainsi que la voix et l'image d'une source,

ii. les circonstances concrètes de l'obtention d'informations par un journaliste auprès d'une source,

iii. la partie non publiée de l'information fournie par une source à un journaliste, et

iv. les données personnelles des journalistes et de leurs employeurs liées à leur activité professionnelle.

Principe 1 (Droit de non-divulgation des journalistes)

Le droit et la pratique internes des États membres devraient prévoir une protection explicite et claire du droit des journalistes de ne pas divulguer les informations identifiant une source, conformément à l'article 10 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (ci-après dénommée : la Convention) et aux présents principes, qui doivent être considérés comme des normes minimales pour le respect de ce droit.

Principe 2 (Droit de non-divulgation d'autres personnes)

Les autres personnes qui, à travers leurs relations professionnelles avec les journalistes, prennent connaissance d'informations identifiant une source à travers la collecte, le traitement éditorial ou la publication de cette information, devraient bénéficier de la même protection en application des présents principes.

Principe 3 (Limites au droit de non-divulgation)

a. Le droit des journalistes de ne pas divulguer les informations identifiant une source ne doit faire l'objet d'autres restrictions que celles mentionnées à l'article 10, paragraphe 2 de la Convention. En déterminant si un intérêt légitime à la divulgation entrant dans le champ de l’article 10, paragraphe 2, de la Convention l’emporte sur l’intérêt public à ne pas divulguer les informations identifiant une source, les autorités compétentes des États membres porteront une attention particulière à l’importance du droit de non-divulgation et à la prééminence qui lui est donnée dans la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, et ne peuvent ordonner la divulgation que si, sous réserve des dispositions du paragraphe b, existe un impératif prépondérant d’intérêt public et si les circonstances présentent un caractère suffisamment vital et grave.

b. La divulgation des informations identifiant une source ne devrait être jugée nécessaire que s'il peut être établi de manière convaincante :

i. que des mesures raisonnables alternatives à la divulgation n'existent pas ou ont été épuisées par les personnes ou les autorités publiques qui cherchent à obtenir la divulgation, et

ii. que l’intérêt légitime à la divulgation l’emporte clairement sur l’intérêt public à la non-divulgation, en conservant à l’esprit que :

- un impératif prépondérant quant à la nécessité de la divulgation est prouvé ;

- les circonstances présentent un caractère suffisamment vital et grave ;

- la nécessité de la divulgation est considérée comme répondant à un besoin social impérieux, et

- les États membres jouissent d’une certaine marge d’appréciation pour juger de cette nécessité, mais cette marge est sujette au contrôle de la Cour européenne des Droits de l’Homme.

c. Les exigences précitées devraient s’appliquer à tous les stades de toute procédure où le droit à la non-divulgation peut être invoqué.

Principe 4 (Preuves alternatives aux sources des journalistes)

Dans une procédure légale à l’encontre d’un journaliste aux motifs d’une atteinte alléguée à l'honneur ou à la réputation d'une personne, les autorités compétentes devraient, pour établir la véracité de ces allégations, examiner toute preuve à leur disposition en application du droit procédural national et ne devraient pas pouvoir requérir à cette fin la divulgation par un journaliste des informations identifiant une source.

Principe 5 (Conditions concernant la divulgation)

a. La proposition ou demande visant à introduire une action des autorités compétentes en vue d'obtenir la divulgation de l'information identifiant une source ne devrait pouvoir être effectuée que par les personnes ou autorités publiques ayant un intérêt légitime direct à la divulgation.

b. Les journalistes devraient être informés par les autorités compétentes de leur droit de ne pas divulguer les informations identifiant une source, ainsi que des limites de ce droit, avant que la divulgation ne soit demandée.

c. Le prononcé de sanctions à l'encontre des journalistes pour ne pas avoir divulgué les informations identifiant une source devrait seulement être décidé par les autorités judiciaires au terme d’un procès permettant l'audition des journalistes concernés conformément à l’article 6 de la Convention.

d. Les journalistes devraient avoir le droit que le prononcé d'une sanction pour ne pas avoir divulgué leurs informations identifiant une source soit soumis au contrôle d'une autre autorité judiciaire.

e. Lorsque les journalistes répondent à une demande ou à une injonction de divulguer une information identifiant une source, les autorités compétentes devraient envisager de prendre des mesures pour limiter l’étendue de la divulgation, par exemple en excluant le public de la divulgation, dans le respect de l'article 6 de la Convention lorsque cela est pertinent, ainsi qu’en respectant elles-mêmes la confidentialité de cette divulgation.

Principe 6 (Interceptions des communications, surveillance et perquisitions judiciaires et saisies)

a. Les mesures suivantes ne devraient pas être appliquées si elles visent à contourner le droit des journalistes, en application des présents principes, de ne pas divulguer des informations identifiant leurs sources :

i. les décisions ou mesures d'interception concernant les communications ou la correspondance des journalistes ou de leurs employeurs,

ii. les décisions ou mesures de surveillance concernant les journalistes, leurs contacts ou leurs employeurs, ou

iii. les décisions ou mesures de perquisition ou de saisie concernant le domicile ou le lieu de travail, les effets personnels ou la correspondance des journalistes ou de leurs employeurs, ou des données personnelles ayant un lien avec leurs activités professionnelles.

b. Lorsque des informations identifiant une source ont été obtenues de manière régulière par la police ou les autorités judiciaires à travers l’une quelconque des actions précitées, même si cela pourrait ne pas avoir été le but de ces actions, des mesures devraient être prises pour empêcher l’utilisation ultérieure de ces informations comme preuve devant les tribunaux, sauf dans le cas où la divulgation serait justifiée en application du Principe 3.

Principe 7 (Protection contre l'auto-accusation)

Les principes posés par le présent texte ne doivent en aucune façon limiter les lois nationales sur la protection contre l'auto-accusation dans les procédures pénales, et les journalistes devraient, dans la mesure où ces lois s'appliquent, jouir de cette protection s'agissant de la divulgation des informations identifiant une source.

ANNEXE 2

Protection du secret des sources des journalistes :

éléments de droit comparé

La plupart des pays démocratiques (Allemagne, Belgique, Canada, Danemark, États-Unis, Luxembourg, Portugal, Suède, Suisse, Royaume Uni) reconnaissent d’une façon ou d’une autre le secret professionnel des journalistes et notamment leur droit à ne pas dévoiler le nom de leurs sources.

Certains États ont reconnu ce droit dans un texte spécifique : c’est le cas du Luxembourg, de la Belgique ou de la Suède Dans d’autres pays, comme en Suisse ou en Allemagne, le principe existe comme une exception prévue dans les lois pénales ou de police.

Au Canada, au Danemark et au niveau fédéral américain, le principe a été dégagé par la jurisprudence : les juges ont déduit du principe à valeur constitutionnelle de la liberté de la presse, un droit pour les journalistes de taire leurs sources dans certaines hypothèses.

Toutefois, ces États, tout comme la Cour européenne des Droits de l’Homme, reconnaissent des hypothèses où un intérêt supérieur légitime peut justifier la fin de la protection des sources.

Le tableau ci-après présente de manière synthétique les dispositions protégeant le secret des sources des journalistes dans les pays dotés d’une législation en la matière(36), ainsi que les motifs autorisant qu’il soit porté atteinte à cette protection.

PAYS

CHAMP D’APPLICATION
ET ÉTENDUE DE LA PROTECTION
DES SOURCES

HYPOTHÈSES DE DÉROGATION
AU PRINCIPE

Belgique

Loi du 7 avril 2005 sur la protection des sources des journalistes, révisée le 7 mars 2007

La protection n’est pas limitée aux seuls journalistes stricto sensu : la protection concerne les journalistes professionnels, quel que soit le médium (y compris ceux exerçant occasionnellement, notamment sur Internet, conformément à la décision de la Cour d’arbitrage (37) du 7 juin 2006), ainsi que leurs collaborateurs pouvant identifier leurs sources.

La protection a une portée étendue : elle emporte prohibition des poursuites pour recel de documents ou complicité, dans le cas où une information a été confiée par une personne qui aurait violé les règles du secret professionnel auquel elle est soumise, et emporte pour les personnes concernées le droit de taire leurs sources lorsqu’elles sont entendues comme témoins (identité, nature et provenance des informations, auteur de l’article ou du film).

Depuis la révision de mars 2007, ces personnes sont également protégées contre toute « mesure d’information ou d’instruction concernant des données relatives aux sources d’information » (la loi mentionnait auparavant la prohibition de certains actes seulement, telles les perquisitions, les saisies et les écoutes)

Le journaliste ne peut être tenu de livrer ses sources à la requête du juge que pour fournir des informations d’un intérêt crucial (exemple : affaire de terrorisme), qui ne peuvent être obtenues autrement, dans l’unique but de prévenir une menace d’« atteinte grave pour l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes ».

Toutefois, la Cour d’arbitrage a émis une réserve dans sa décision du 7 juin 2006 : tout en rappelant que le législateur a limité les exceptions aux cas d’atteintes à l’intégrité physique, elle a rappelé que « lorsque la liberté d’expression et la liberté de la presse menacent d’entrer en conflit avec le respect de la vie privée et familiale, il convient de ménager un juste équilibre entre ces droits et libertés et les intérêts qui y sont liés ».

Luxembourg

Loi du 8 juin 2004 sur la liberté d’expression dans les médias

La protection n’est pas limitée aux seuls journalistes stricto sensu : la protection concerne les journalistes professionnels (salariés ou indépendants) qui exercent régulièrement et en tirent des revenus substantiels, mais aussi les personnes ayant obtenu, dans le cadre de leurs relations professionnelles avec un journaliste, l’information susceptible d’identifier une source.

La protection a une portée étendue : elle emporte le droit pour le journaliste de taire ses sources lorsqu’il est entendu comme témoin (« tout journaliste entendu comme témoin par une autorité administrative ou judiciaire dans le cadre d’une procédure (…) a le droit de refuser de divulguer des informations identifiant une source ainsi que le contenu des informations qu’il a obtenues ou collectées » article 7 de la loi), ainsi que l’interdiction pour les autorités de procéder à des perquisitions ou saisies sur le lieu de travail ou au domicile du journaliste.

Les hypothèses d’atteinte au principe sont étendues : la police, la justice et les autorités administratives peuvent porter atteinte au secret des sources lorsque leur action concerne « la prévention, la poursuite ou la répression de crimes contre les personnes, de trafic de stupéfiants, de blanchiment d’argent, de terrorisme ou d’atteintes à la sûreté de l’État » (article 8 de la loi).

Dans ces cas, le journaliste ne peut se prévaloir du droit à la protection de ses sources et toutes les mesures contraignantes peuvent être autorisées. Le champ de la dérogation est donc extrêmement large et vise de fait un très grand nombre de procédures judiciaires.

Allemagne

Code de procédure pénale
(articles 53-1-5, 97-5 et 98)

La protection n’est pas limitée aux seuls journalistes stricto sensu : sont visées par l’article 53-1-5 « les personnes qui collaborent, dans l’exercice de leurs fonctions, à la préparation, à la réalisation et à la diffusion d’ouvrages périodiques ou d’émissions radiophoniques ».

La protection a une portée étendue : ces personnes ne peuvent être obligées de témoigner « sur les informations qui leur ont été faites en raison de leur activité » (sauf s’il existe contre eux des soupçons sérieux de culpabilité) et ne peuvent se voir imposer des perquisitions ou des saisies (sous cette même réserve).

La protection cesse dans le cas où il existe contre le journaliste lui-même des preuves suffisantes de culpabilité.

Par ailleurs, le code pénal punit la « complicité de divulgation de secret d’État » qui sert de base à la poursuite de journalistes qui révéleraient certaines informations confidentielles au niveau de l’État

Dans un arrêt du 12 mars 2003, la Cour constitutionnelle allemande a estimé que, dans les affaires « graves » (sans que le caractère de gravité soit défini avec précision), la surveillance des contacts téléphoniques d’un journaliste n’était pas contraire à la garantie constitutionnelle de la confidentialité de l'information. Le juge d’instruction peut donc demander à la police de retracer les communications dudit journaliste.

Suède

Loi fondamentale relative à la liberté de la presse, complétée par quelques lois techniques

La protection du secret des sources est garantie constitutionnellement dans une des quatre lois fondamentales de la Suède. Elle constitue un droit absolu, qui emporte pour les autorités l’interdiction d’enquêter sur la source d’une information et oblige les journalistes à protéger l’anonymat de leurs informateurs.

La loi oblige par ailleurs toute autorité à répondre aux questions des journalistes.

Il n’existe à l’heure actuelle aucune hypothèse de dérogation.

Toutefois, des exceptions à la liberté totale d'informer sur les enquêtes criminelles sont à l’étude à la suite des excès ayant entouré la couverture médiatique de l’assassinat de la ministre des Affaires étrangères, Madame Anna Lindh en septembre 2003. Des parlementaires ont notamment présenté des propositions de loi visant à limiter le droit des fonctionnaires de fournir des informations à la presse, certains proposant d’autoriser les autorités à enquêter sur les sources d’une information.

Aucune modification législative n’est encore cependant intervenue à ce jour.

Suisse

Articles 169 et 270 du code de procédure pénale

La protection est réservée aux seuls journalistes professionnels et à « leurs auxiliaires », définis comme « les personnes qui à titre professionnel participent à la publication d’informations dans la partie rédactionnelle d’un média à caractère périodique et leurs auxiliaires peuvent refuser de témoigner sur l’identité de l’auteur ou le contenu de la source de leurs informations » (art. 169).

La portée de la protection est plus limitée : elle emporte la liberté de taire l’identité ou le contenu d’une source, sauf dans deux hypothèses (cf. ci-contre).

L’article 270 du code de procédure pénale prévoit par ailleurs que, comme pour toute personne soumise au secret professionnel, des écoutes sont possibles s’il pèse sur un journaliste des soupçons graves et si « des raisons particulières l’exigent ». Dans le cas d’écoutes autorisées, le tri des informations qui n’ont pas de rapport avec l’enquête doit être fait sous la direction du président du tribunal, afin d’éviter que les autorités de poursuite pénale n’aient connaissance d’un secret professionnel.

Le code prévoit deux hypothèses emportant obligation de témoigner :

—  « lorsque le témoignage est nécessaire pour sauver une personne dont l’intégrité physique ou la vie est directement menacée » ;

—  lorsque le témoignage est nécessaire pour élucider une infraction ou appréhender un prévenu dans des affaires d’homicide, stupéfiants, crimes punis d’au moins trois ans, infractions de nature sexuelle, blanchiment et corruption.

Portugal

Code pénal et code de procédure pénale

Le code pénal portugais reconnaît le secret professionnel des journalistes qui emporte la protection du secret des sources.

Les hypothèses dans lesquelles il peut être porté atteinte au principe sont étendues en droit : le juge peut lever le secret si cela est utile et enjoindre le journaliste de révéler ses sources si « le secret n’est plus justifié ».

Elles sont toutefois limitées en fait : un seul cas dans les années récentes, en 2002.

Canada

Il n’existe pas de disposition législative relative à la protection des sources journalistiques au Canada. Cette question est traitée par la jurisprudence, au cas par cas, dans le cadre des dispositions constitutionnelles de la Charte des Droits et Libertés qui protègent « le droit à la liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication ».

Il est à noter toutefois qu’une proposition de loi a été déposée devant la Chambre des communes en avril 2007 qui établit le principe selon lequel les journalistes ne peuvent être contraints de divulguer au juge leurs documents non publiés (notes, enregistrements…) à moins que ceux-ci ne soient « d'une importance déterminante » pour la solution du litige et qu'ils ne puissent « être mis en preuve par aucun autre moyen ». Dans le cas où l'identité d'une source confidentielle est en jeu, le juge devrait s'assurer que sa divulgation est dans l'intérêt public en tenant compte de la conclusion du litige, de la liberté de l'information mais aussi des conséquences sur la source de la divulgation de son identité.

Le texte prévoit en outre que le juge ne pourrait ordonner une perquisition que si la police démontre que l’intérêt de l’enquête l’emporte sur le droit à la confidentialité du journaliste. Le juge pourrait soumettre la perquisition à certaines conditions : tout document saisi devrait être scellé et ne pourrait être exploité sans nouvelle autorisation judiciaire.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

• Ministère de la Justice

—  M. Jean-Marie Huet, directeur des Affaires criminelles et des Grâces

• Secrétariat général du Gouvernement

—  Mme Laurence Franceschini, directrice du développement des médias

MAGISTRATS

• M. Jean-Yves Monfort, président du tribunal de grande instance de Versailles, ancien président de la 17ème chambre du tribunal de grande instance de Paris

• M. Nicolas Bonnal, vice-président de la 17ème chambre du tribunal de grande instance de Paris

JOURNALISTES

• M. Guillaume Dasquié, journaliste

• Table ronde organisée le 27 mars 2008

—  Mme Elisabeth Fleury, journaliste au Parisien

—  Mme Laurence Girard, journaliste au Monde

—  M. Aït Habbouche, directeur de l’agence Elle est pas belle la Vie

—  M. Louis-Marie Horeau, journaliste au Canard Enchaîné

—  M. Marc Joanny, rédacteur en chef de l’agence Reuters

—  M. Stéphane Manier, rédacteur en chef de Galaxie Presse

—  M. Pascal Pinning, chef service événement de TF1

—  M. Laurent Valdiguié, rédacteur en chef de Paris Match

SYNDICATS DE PRESSE

• Fédération nationale de la Presse Française

—  M. François Devevey, directeur général

• Syndicat de la Presse Quotidienne Nationale

—  M. Francis Morel, président

—  M. Denis Bouchez, directeur

• Syndicat de la Presse Quotidienne Régionale

—  Mme Haude d’Harcourt, conseiller

—  M. Michel Lépinay, PDG de Paris Normandie

• Fédération nationale de la Presse d’Information Spécialisée

—  M. Basile Ader, directeur de la rédaction de Légipresse

• Fédération de la Presse Périodique Régionale

—  M. Hervé Gueneron, directeur

• Fédération Française des Agences de presse

—  M. Arnaud Hamelin, président

—  M. Jacques Morandat, directeur

—  Mme Florence Braka, directrice adjointe

• Fédération nationale des Agences de Presse Photos et informations

—  M. Jean Desaunois, président

—  Mme Béatrice Garrette, secrétaire générale

• Syndicat des radios généralistes privées

—  M. Jacques Esnous, directeur de l’information de RTL, suppléant M. Rémy Sautter, président

SYNDICATS DE JOURNALISTES

• Syndicat national des journalistes

—  Mme Dominique Pradalié, secrétaire générale

—  M. Philippe Piot, journaliste à l’Est Républicain, expert sur les questions de protection des sources des journalistes

• Syndicat général des journalistes-FO

—  M. Tristan Malle, secrétaire général

• Syndicat national des journalistes-CGT

—  Mme Dominique Candille, secrétaire générale

—  M. Jean-François Téaldi, en charge de l’audiovisuel

• Syndicat des journalistes-CFTC

—  M. Gilles Pouzin, membre du bureau en charge de la déontologie

• Union syndicale des journalistes–CFDT

—  Mme Nathalie Boisson, membre du bureau national, en charge des problèmes liés à la déontologie et à l'indépendance de la presse

—  M. Nicolas Thierry, membre du bureau national

• Syndicat national de la presse et de la communication CFE-CGC

—  M. Friedrich Wulz, vice-président

—  M. Jean-Marc Chardon, secrétaire général

ASSOCIATIONS DE PRESSE ET DE JOURNALISTES

• Association « Presse-Liberté »

—  M. Alain Chastagnol, secrétaire général

—  Maître Marie-Christine de Percin, avocat

• Reporters Sans Frontières

—  M. Jean-François Julliard, responsable de la recherche

—  Mme Martine Ostrovsky, consultante juridique

—  Mme Elsa Vidal, responsable du bureau Europe

• Press Club

—  M. Olivier Galzi, directeur

• Association confraternelle des journalistes de la presse judiciaire

—  M. Stéphane Durand-Souffland, président

• Association des journalistes économiques et financiers

—  Mme Françoise Crouïgneau, présidente

© Assemblée nationale

1 () Rapport d’information sur la crise de la presse, Commission des Affaires culturelles du Sénat, M. Louis de Broissia, rapporteur n° 13 (2007-2008) octobre 2007, p 54.

2 () La liste des personnes entendues figue en annexe au présent rapport.

3 () « La protection des sources journalistiques », Les Cahiers du journalisme n° 13, printemps 2004.

4 () Article précité.

5 () « La protection des sources des journalistes », Marion Jacquemin, Centre de formation et de perfectionnement des journalistes, 2000, p. 16.

6 () Actes du colloque Presse-Liberté : « Les médias sous contrôle judiciaire ? », PUF, 2006, p. 60.

7 () La profession n’a pas souhaité organiser un pouvoir disciplinaire à l’égard de ses membres. La plupart des journalistes restent en effet attachés à l’absence d’organisation ordinale qui risquerait aboutir à leurs yeux à l’instauration d’une sorte de « vérité officielle » dictée par une instance morale chargée de contrôler leur activité.

8 () Cet article dispose : « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».

9 () Opus cit., p. 47.

10 () Il est ressorti des auditions menées par votre rapporteur que si les agences de presse ne sont pas expressément visées par l’article 56-2, il apparaît qu’en pratique, les règles posées par cet article ont été suivies pour les perquisitions menées dans leurs locaux.

11 () Voir à ce sujet le témoignage de M. Christophe Labbé au sujet de la perquisition du Point, le 13 janvier 2005, publié dans les actes du colloque Presse-Liberté de 2006, p. 69 à 71.

12 () Loi n° 2004-204 portant adaptation de la justice à l’évolution de la criminalité organisée.

13 () Recommandation n°R (2000) 7 du 8 mars 2000, dont le texte figue en annexe.

14 () L’objet de la perquisition était de déterminer l’identité du fonctionnaire de l’administration fiscale qui était impliqué dans le traitement du dossier du ministre qui avait divulgué l’information aux journalistes.

15 () Confortée par l’arrêt « Ernst et autres c/ Belgique », le 15 juillet 2003.

16 () Jean-Manuel Larralde : « L’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme et la liberté de la presse », revue trimestrielle des droits de l’homme n° 69, janvier 2007, p. 54.

17 () Actes du colloque Presse-Liberté, 2006, p. 66. La France a été condamnée par un arrêt de la Cour du 7 juin 2007 dans l’affaire de la publication du livre sur les écoutes de l’Élysée.

18 () Le droit à la protection des sources est actuellement garanti par le § 31 de la loi du 12 juin 1981 sur la presse et les autres publications par voie de médias.

19 () Cf. loi de 1949 sur la liberté de la presse.

20 () Loi relative à la protection des sources journalistiques.

21 () « Ernst et autres c/ Belgique », précité.

22 () Il s’agit de la consécration législative d’une heureuse pratique issue d’une lecture extensive de l’article 109 du code de procédure pénale.

23 () L’article 2 actuel devient l’article 3 qui avait été abrogé.

24 () Arrêt précité, §. 39

25 () Arrêt précité du 15 juillet 2003.

26 () La reconnaissance de l’appartenance d’un individu à la catégorie des journalistes professionnels est assurée par l’attribution (qui n’est pas obligatoire) d’une carte d’identité professionnelle. À la différence des avocats ou des médecins, la commission chargée de délivrer cette carte n’exerce aucune fonction de nature déontologique.

27 () Déjà la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique avait modifié l’article 93 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle pour prévoir que : « Les journalistes exerçant leur profession dans une ou plusieurs entreprises de communication au public par voie électronique ont la qualité de journalistes au même titre que leurs confrères de la presse écrite.»

28 () Déjà dans un arrêt du 11 juin 2002, la chambre criminelle avait jugé que « ne donne pas de base légale à sa décision la cour d’appel qui déclare un journaliste coupable de recel de violation du secret de l’instruction au motif qu’il a détenu et produit en justice des copies de pièces issues d’une information pénale en cours, sans rechercher si, en l’espèce, la production de ces pièces par l’intéressé n’avait pas été rendue nécessaire pour sa défense dans une instance engagée à son encontre ».

29 () Il est à noter que la Cour a aussi rappelé dans d’autres arrêts, notamment Ernst et autres c/ Belgique du 15 juillet 2003, que « les journalistes qui rédigent des articles sur les procédures en cours doivent veiller à ne pas franchir les bornes fixées aux fins d’une bonne administration de la justice, et à respecter le droit de la personne mise en cause à être présumée innocente ».

30 () Il est à noter que d’autres professions bénéficient de règles dérogatoires au droit commun : en application de l’article 56-3 du code de procédure pénale, les perquisitions dans le cabinet d’un médecin, d’un notaire, d’un avoué ou d’un huissier doivent être effectuées par un magistrat, en présence de la personne responsable de l’ordre ou de l’organisation professionnelle à laquelle appartient l’intéressé.

31 () Depuis la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000.

32 () Dans le cas de perquisitions effectuées dans les locaux de l'ordre des avocats ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats, ou au cabinet ou au domicile du bâtonnier, les attributions confiées au JLD sont exercées par le président du tribunal de grande instance.

33 () Voir aussi Cass crim 8 août 2007.

34 () Cass crim 30 octobre 2006.

35 () L’article 57 du code de procédure pénale prévoit que la perquisition doit se faire en présence de la personne au domicile de laquelle elle a lieu ; en cas d’impossibilité, l’officier de police judiciaire a l’obligation de l’inviter à désigner un représentant de son choix et à défaut, il devra choisir deux témoins requis par lui à cet effet, en dehors des personnes placées sous son autorité administrative.

36 () Dans tous les États où il n’existe pas de texte, la jurisprudence établit un équilibre entre les droits des journalistes et ceux des autres citoyens dont les limites sont fixées par les juges et peuvent varier en fonction des situations et des périodes. La protection du journaliste peut également se trouver limitée dans les hypothèses où il est lui-même suspecté d’un crime ou délit.

37 () Instance constitutionnelle belge