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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 791

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 avril 2008.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 781) de Mme Valérie BOYER visant à combattre l’incitation à l’anorexie,

PAR Mme ValÉrie Boyer,

Députée.

——

INTRODUCTION 5

I.- LA LUTTE CONTRE L’EXTRÊME MAIGREUR ET L’ANOREXIE DOIT DEVENIR UNE PRIORITÉ DE SANTÉ PUBLIQUE 7

A. CONCERNANT ESSENTIELLEMENT LES JEUNES FILLES, CETTE MALADIE EST PARTICULIÈREMENT GRAVE ET INVALIDANTE 7

B. LA VALORISATION EXCESSIVE DE LA MAIGREUR, VOIRE DE L’ANOREXIE, EST TRÈS PRÉOCCUPANTE 7

II.- LA LUTTE CONTRE L’INCITATION À LA RECHERCHE D’UNE MAIGREUR EXCESSIVE PERMETTRA DE MIEUX PROTÉGER LA SANTÉ DES PLUS VULNÉRABLES 11

A. LE GOUVERNEMENT A ENGAGÉ UN PLAN AMBITIEUX POUR AMÉLIORER LA SANTÉ DES JEUNES 11

B. LA PROPOSITION DE LOI PRÉVOIT DE CRÉER UN DÉLIT DE PROVOCATION À LA MAIGREUR EXCESSIVE 12

TRAVAUX DE LA COMMISSION 15

Article unique : Incrimination de la provocation à la recherche d’une maigreur excessive 15

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 23

INTRODUCTION

L’examen de la proposition de loi n° 781 visant à combattre l’incitation à la maigreur extrême et à l’anorexie, déposée par la rapporteure le 3 avril 2008, permettra au Parlement, sans doute pour la première fois et c’est tout un symbole, de se prononcer sur cette question majeure trop longtemps occultée du débat public.

Au déni, qui caractérise si profondément cette affection, à l’isolement des malades, au sentiment d’impuissance qui envahit souvent leurs proches, à ce cri silencieux, douloureux, qu’est l’anorexie, il n’est que temps d’opposer aujourd’hui un signe fort marquant la prise de conscience et la mobilisation des pouvoirs publics contre ce fléau.

En effet, l’anorexie est une maladie qui constitue non seulement un grand enjeu de santé publique mais aussi, « tant se trouve liée aux représentations du corps féminin dans nos sociétés, le symptôme d’une sorte de malaise dans la civilisation sur lequel les médecins mais aussi les philosophes, les sociologues et les psychologues auraient beaucoup à dire et beaucoup à nous apprendre », comme l’a très justement souligné la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, Mme Roselyne Bachelot-Narquin (1).

Il est important de souligner que le présent texte n’a pas pour ambition de traiter tous les problèmes soulevés par la maladie qu’est l’anorexie.

En effet, le présent texte n’a pas pour objectif de répondre, à lui seul, à l’ensemble des questions soulevées par cette maladie particulièrement complexe, et notamment celles relatives à sa prise en charge, psychologique et médicale, qui relève évidemment en premier lieu des professionnels compétents.

Cependant, en insérant de nouvelles dispositions dans le code pénal, la proposition de loi permettra de prévenir certaines dérives, en luttant plus efficacement contre le développement des incitations à l’adoption de comportements alimentaires qui peuvent menacer la santé, voire la vie des personnes les plus fragiles, et de ne pas se résoudre à l’idée que l’on puisse continuer à faire des icônes de ces corps décharnés.

I.- LA LUTTE CONTRE L’EXTRÊME MAIGREUR ET L’ANOREXIE DOIT DEVENIR UNE PRIORITÉ DE SANTÉ PUBLIQUE

A. CONCERNANT ESSENTIELLEMENT LES JEUNES FILLES, CETTE MALADIE EST PARTICULIÈREMENT GRAVE ET INVALIDANTE

Rappelons avant tout que l’anorexie est une maladie. L’anorexie est un trouble du comportement qui se caractérise par un amaigrissement important associé à une aménorrhée, ainsi que par un rapport angoissé à l’alimentation, une obsession d’un surpoids supposé et une déformation de l’image corporelle.

Les répercussions somatiques de l’anorexie, à moyen ou à long terme, sont souvent graves. Elle peut en effet entraîner, notamment, une fatigue permanente, une anémie, une infertilité ou des problèmes durant la grossesse, une ostéoporose, la perte des capacités physiques et musculaires, voire la détérioration des organes vitaux et des problèmes cardiaques. Certaines personnes souffrant d'anorexie présentent aussi d'autres troubles tels que la dépression ou l'anxiété.

En France, près de 30 000 à 40 000 personnes en seraient aujourd’hui atteintes, dont environ 90 % de femmes. Le taux de prévalence de la maladie, qui serait sous-estimé selon plusieurs spécialistes, est évalué entre 0,5 % et 1 % sur une vie entière. Le diagnostic intervient le plus souvent à l’adolescence, avec deux pics de déclenchement de la maladie à 12-13 ans, puis à l’entrée dans l’âge adulte, à 18-19 ans.

Le taux de mortalité serait ainsi l’un des plus importants parmi les troubles psychiques : pour l’anorexie mentale de type restrictif, c’est-à-dire sans accès boulimique, le taux de mortalité serait en effet de 5 % par dénutrition, après dix ans d’évolution, et de 10 % dans la forme dite boulimique. Certaines études ont également démontré un lien fort entre anorexie et suicide, le risque de décéder par suicide étant multiplié par vingt-deux en cas d’anorexie mentale, soit un facteur de risque qui serait supérieur à celui d’une dépression caractérisée.

C’est pourquoi il apparaît essentiel d’identifier certains facteurs de risques aggravants.

B. LA VALORISATION EXCESSIVE DE LA MAIGREUR, VOIRE DE L’ANOREXIE, EST TRÈS PRÉOCCUPANTE

 Une étiologie multifactorielle qui pourrait être associée aux représentations du corps dans la société

L’anorexie est une affection psychique, dont l’analyse des causes, sans doute multiples, est particulièrement complexe. De manière générale, certains spécialistes suggèrent que le comportement alimentaire pourrait dépendre de facteurs individuels, notamment d’ordre psychologique, qui agissent en étroite interaction avec des facteurs environnementaux et socio-culturels, comme l’a notamment fait valoir une expertise collective de l’Institut national de la recherche médicale (INSERM) sur les troubles mentaux chez l’enfant et l’adolescent (2). En particulier, ce rapport souligne que « dans les pays occidentaux, la pression sociale véhiculée par les médias qui s’exerce sur les femmes autour de l’image du corps et du poids contribue au développement de pratiques alimentaires et corporelles abusives (régimes restrictifs draconiens, activité physique intense), qui favorisent, pour certaines femmes vulnérables, le début de conduites alimentaires pathologiques secondaires à l’instauration d’un régime ».

Si le rôle de tels facteurs est difficile à mettre en évidence, plusieurs études ont cependant montré que les troubles alimentaires sont plus fréquents dans certains milieux où le corps est au centre de l’activité professionnelle. Et comment ne pas s’interroger sur ces troubles du comportement alimentaire dans une société de consommation, qui semble parfois valoriser à l’excès l’image, le contrôle de soi, la minceur, la performance ou encore l’éternelle jeunesse ?

Au-delà du problème particulier de l’anorexie, la représentation du corps dans notre société soulève en effet de nombreuses questions. Éclairante à cet égard est l’analyse du processus d’émancipation féminine développée par Éliette Abécassis (3), selon laquelle « le corps de la femme est libre extérieurement, mais en réalité, il reste cloisonné dans un corset invisible, sous les formes d’une pression exercée notamment par des modèles de minceur, de maigreur (à la limite de l’anorexie), d’une injonction à ne pas vieillir », ou encore de vie familiale, en soulignant que « toutes ces règles et ces normes sont intériorisées ».

 Le développement inquiétant des incitations à l’anorexie et tout particulièrement des mouvements « pro-ana »

Depuis quelques années tendent à se développer des incitations à une maigreur excessive, par des privations alimentaires prolongées, de façon directe ou à travers des medias divers et en particulier les sites internet pro-anorexiques.

En effet, les membres de ce mouvement « pro-ana » valorisent ouvertement l’anorexie et diffusent leurs idées à travers des forums ou des journaux personnels (blogs), qui sont souvent dédiés à « Ana », une personnification de l’anorexie, « Mia » étant souvent évoquée en parallèle pour la boulimie. On y trouve, par exemple, des recommandations aussi inquiétantes que : « Quand tu as faim, bois de l’eau glacée avec un citron et compte jusqu’à 100 dans ta tête, tu n’auras plus faim », « Tu dois jeûner, faire n’importe quoi qui puisse te rendre plus mince » ou encore « Tu ne mangeras point sans te punir après coup »… Dans les cas les plus extrêmes, des pratiques à la limite de la manipulation mentale ne sont d’ailleurs pas sans évoquer certaines dérives sectaires, puisqu’il s’agit ouvertement de « communauté ».

L’anorexie comme fait de société : l’émergence du mouvement « pro-ana »

« Malgré la multiplication des cas extrêmes et tragiques, l’anorexie reste une maladie désirable, voire un phénomène de mode. (…) Ainsi en témoigne le succès du mouvement pro-ana, qui signifie pro-anorexique. Le pro-ana, très répandu aux États-Unis et maintenant arrivé en France, est considéré comme tellement dangereux que les sociétés AOL et Yahoo se sont engagées à n’héberger aucun lien permettant de se connecter aux sites de ce mouvement. Son but est de rassembler par le net des jeunes filles atteintes de troubles du comportement alimentaire. Cette communauté propose une morale et un ensemble de règles et de valeurs qui régissent la vie quotidienne de ces jeunes filles : maigrir de plus en plus, et de plus en plus vite (…).

« La dictature des régimes rend les jeunes femmes anorexiques. L’anorexie est partout. Dans les magazines, dans la pub, dans les films, dans les défilés, dans la rue. L’anorexie, pathologie circonscrite aux névroses individuelles, est devenue une pathologie sociale. Certaines adolescentes ne s’alimentent plus, d’autres se font vomir, notamment parce qu’elles veulent être comme les filles des magazines. Face à cela, la famille se sent désemparée, impuissante. En effet, comment pourrait-elle lutter contre l’anorexie alors que la société prône constamment les valeurs qui sont à la source de l’anorexie ? ». 

Source : « Le corset invisible. Manifeste pour une nouvelle femme française », d’Éliette Abécassis et Caroline Bongrand (mars 2007)

Or, quelqu’en soit le support, de telles provocations présentent des risques importants pour la santé des personnes les plus fragiles, qui peuvent être incitées à adopter des comportements alimentaires de nature à compromettre gravement leur santé, et nécessitent dès lors d’être plus efficacement combattues, comme le prévoit la présente proposition de loi.

II.- LA LUTTE CONTRE L’INCITATION À LA RECHERCHE D’UNE MAIGREUR EXCESSIVE PERMETTRA DE MIEUX PROTÉGER
LA SANTÉ DES PLUS VULNÉRABLES

A. LE GOUVERNEMENT A ENGAGÉ UN PLAN AMBITIEUX POUR AMÉLIORER LA SANTÉ DES JEUNES

Dans un discours fondateur, prononcé à l’occasion du lancement d'une campagne sur la contraception et la politique de santé des femmes, le 11 septembre 2007, la ministre chargée de la santé, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, a clairement identifié comme l’une de ses priorités « la lutte contre les risques liés à la condition féminine en matière de nutrition ». Plus largement, la promotion d’une alimentation équilibrée et de qualité représente un enjeu stratégique en termes de prévention et de santé publique.

Cette volonté politique forte s’est notamment traduite par l’annonce, le 4 février 2008, de plusieurs mesures destinées à lutter contre l’obésité infantile, ainsi que par la présentation en Conseil des ministres, le 27 février dernier, d’une série d’actions visant à mieux protéger la santé des jeunes, principalement de 16 à 25 ans, en luttant notamment contre l’adoption de comportements alimentaires en lien avec l’image du corps véhiculée par notre société, tels que l’anorexie.

Dans cet objectif, le groupe de travail, mis en place en janvier 2007 par le ministère de la santé dans le cadre du Plan national nutrition santé (PNNS), a été chargé de préparer une charte d’engagement collectif et volontaire sur l’image du corps. Coprésidé par M. Marcel Rufo, pédopsychiatre, et M. Jean-Pierre Poulain, sociologue, et réunissant des représentants des professionnels de la mode, de la publicité et des médias, des personnalités qualifiées, des médecins ainsi que différentes associations, ce groupe s’est notamment penché sur la question du regard de la société sur les personnes en surpoids ainsi que sur la valorisation excessive de la maigreur féminine.

Ses travaux ont permis d’élaborer une charte sur l’image du corps et contre l’anorexie, dont la signature, le 9 avril 2008, constitue le premier engagement significatif des professionnels du mannequinat, de la communication, de l’habillement, de la santé et des pouvoirs publics dans ce domaine. Elle comporte plusieurs mesures regroupées autour des trois axes suivants : sensibiliser le public à l’acceptation de la diversité corporelle ; mieux l’informer sur l’utilisation de l’image du corps pour éviter des comportements de stigmatisation ou de promotion de la maigreur, auxquels les jeunes sont particulièrement réceptifs ; protéger la santé des mannequins.

Sur ce dernier point, le plan « Santé des jeunes » prévoit par ailleurs la détermination d’un référentiel sur le contenu des visites médicales des mannequins adultes ou mineurs de plus de seize ans, concernant notamment le suivi de l’indice de masse corporelle (IMC), et le rapprochement de la fréquence de ces visites.

C’est donc dans la continuité d’une politique particulièrement volontariste en matière de protection de la jeunesse et de lutte contre les troubles du comportement alimentaire que s’inscrit la présente proposition de loi, qui vise à en accroître l’efficacité par la création d’une nouvelle incrimination pénale.

B. LA PROPOSITION DE LOI PRÉVOIT DE CRÉER UN DÉLIT DE PROVOCATION À LA MAIGREUR EXCESSIVE

Afin notamment de lutter contre la diffusion de contenus médiatiques qui mettent en danger la santé des personnes fragiles, le plus souvent des mineurs, l’article unique de la proposition de loi institue un délit de provocation à la maigreur excessive. Il a à la fois une vocation répressive et dissuasive.

Il est ainsi proposé de sanctionner d’une peine maximum de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de provoquer une personne à rechercher une maigreur excessive, en encourageant des restrictions alimentaires prolongées ayant pour effet de l’exposer à un danger de mort ou de compromettre sa santé. En outre, les peines seront portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende s’il apparaît que cette provocation a entraîné la mort de la personne concernée.

Cette formulation permet d’exclure du champ de ce nouveau délit l’incitation à des pratiques alimentaires dont la finalité n’est pas la recherche d’une maigreur excessive, comme les jeûnes religieux, des actes à finalités thérapeutiques, des régimes alimentaires ou des grèves de la faim revendicatives.

Par ailleurs, si le délit est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les modalités de détermination des personnes responsables seront identiques à celles actuellement prévues en cas de provocation au suicide.

À l’initiative de la rapporteure, la commission a également adopté un amendement permettant de compléter ce dispositif par la création d’un délit de publicité, quelqu’en soit le mode, en faveur de produits, d’objets ou de méthodes préconisés comme moyens de parvenir à une maigreur excessive ayant pour effet de compromettre directement la santé. Par analogie avec les dispositions actuellement applicables en matière de provocation au suicide et de publicité en faveur des moyens de se donner la mort, il s’agit ainsi d’éviter que le champ de la proposition de loi ne se restreigne aux provocations visant une ou plusieurs déterminées, en prévoyant de sanctionner également la diffusion de contenus préconisant des moyens de parvenir à une maigreur excessive, en particulier certains sites internet pro-anorexiques.

En revanche, si elle constitue le symbole fort d’une prise de conscience de ce problème majeur et de la détermination des pouvoirs publics à lutter contre ce fléau, la création d’une sanction pénale n’épuise évidemment pas l’ensemble des questions liées à la prévention et à la prise en charge de l’anorexie, et plus largement des problèmes posés par les représentations du corps dans notre société.

Parallèlement, il est en effet essentiel d’améliorer, notamment, l’offre de prise en charge des personnes atteintes de troubles du comportement alimentaire dans un cadre adapté aux spécificités de leur pathologie, comme les maisons des adolescents, ainsi que la formation des professionnels de santé, le dépistage de cette affection, dans le cadre notamment des visites scolaires et universitaires, et le suivi médical des professionnels de l’image du corps et de la beauté. Mais il est aussi important de mieux en comprendre les ressorts profonds pour agir plus efficacement en termes de prévention, de diagnostic et de prise en charge.

Puisse cette proposition de loi contribuer également à promouvoir de telles initiatives et à ouvrir très largement le débat sur ce problème majeur de santé publique.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur le rapport de Mme Valérie Boyer, la présente proposition de loi, au cours de sa séance du mercredi 9 avril 2008.

M. Georges Colombier, président, a souligné le grand intérêt de ce texte, alors que l’anorexie concernerait entre 30 000 à 40 000 personnes en France. On ne peut que se réjouir des avancées en cours dans ce domaine, à l’image de la signature de la charte d’engagement sur l’image du corps et contre l’anorexie.

La commission est ensuite passée à l’examen de l’article unique de la proposition de loi.

Article unique

Incrimination de la provocation à la recherche d’une maigreur excessive

L’article unique de la présente proposition de loi vise à réprimer l’incitation à l’anorexie, en s’inspirant notamment des dispositions actuelles du code pénal relatives au délit de provocation au suicide.

1. La réglementation actuelle

a) La provocation au suicide est pénalement réprimée

Sans remettre en cause le droit au suicide, la loi n° 87-1133 du 31 décembre 1987 a réprimé l’incitation à cet acte. Dans la section VI (« De la provocation au suicide ») du chapitre III (« De la mise en danger de la personne ») du titre II (« Des atteintes à la personne humaine ») du livre II (« Des crimes et délits contre les personnes ») du code pénal, figurent ainsi des dispositions définissant deux délits distincts :

– la provocation au suicide d’autrui, punie de trois ans d'emprisonnement et d’une amende de 45 000 euros, constitue une infraction dite de résultat, en ce sens que l’article 223-13 du même code ne réprime que la provocation, visant une ou plusieurs personnes déterminées, qui est suivie d’effet, soit la tentative de suicide ou le suicide de celle(s)-ci, les peines encourues étant par ailleurs portées à 75 000 euros d’amende et cinq ans d’emprisonnement si la victime de l’infraction est un mineur de moins de quinze ans ;

– la propagande ou la publicité, quelqu’en soit le mode, en faveur de produits, d’objets ou de méthodes préconisés comme moyens de se donner la mort est également passible d’une peine maximum de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, conformément à l’article 223-14 du même code. Il s’agit ainsi d’une infraction dont le champ est plus large que celui de la provocation au suicide, la publicité étant un acte aux conséquences collectives. Cette infraction présente par ailleurs un caractère formel, dans la mesure où ce délit est constitué que la propagande ou la publicité ait ou non été suivie d’effet.

Il convient par ailleurs de rappeler que l’article 23 de la loi n° 1881-07-09 du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, tel que modifié par l’article 2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dispose que : « Seront punis comme complices d’une action qualifiée crime ou délit ceux qui, par des discours, cris, menaces proférés dans des réunions ou lieux publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autres support vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans les lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l’auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d’effet. Cette disposition sera également applicable lorsque la provocation n’aura été suivie que d’une tentative de crime ».

Selon les informations communiquées par le ministère de la justice, cette définition de la publicité, au sens de mise à disposition d’un public indéterminé, permet donc d’engager des poursuites dans le cas où ces infractions sont commises par internet. Par ailleurs, en application de l’article 6-8 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 précitée, l’autorité judiciaire peut prescrire, en référé ou sur requête, à un hébergeur ou un fournisseur d’accès, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne.

b) En revanche, il n’existe pas d’incrimination spécifique de l’incitation à l’anorexie

Si les incitations à la recherche d’une maigreur excessive par des privations alimentaires prolongées tendent à se développer, de façon directe ou à travers différents moyens de communication, tels que les sites internet, dont certains vont jusqu’à faire l’apologie ouverte de l’anorexie (cf. sur ce point, l’exposé général du présent rapport), il n’existe aucune disposition légale réprimant spécifiquement les auteurs de tels agissements, alors même que ceux-ci peuvent conduire des personnes fragiles, le plus souvent des mineurs, à adopter des comportements alimentaires présentant de graves risques pour leur santé.

En effet, l’extrême maigreur ou l’anorexie n’étant évidemment pas un délit pénal, tout acte d’incitation ne peut être réprimé puisqu’en application du principe de « l’emprunt de criminalité », l’acte de complicité suppose un fait principal répréhensible, qui en l’occurrence fait défaut. Par ailleurs et pour la même raison, le droit pénal spécial ne peut non plus être invoqué, en particulier les dispositions prévues par l’article 23 de la loi n° 1881-07-09 du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui sanctionne la provocation à un crime ou à un délit.

Les auteurs de ces agissements ne peuvent non plus être poursuivis sur le fondement de l’article 223-1 du code pénal relatif à la mise en danger d’autrui, car celui-ci pose plusieurs conditions qui ne peuvent manifestement pas être satisfaites dans le cas d’une provocation à la maigreur extrême. Le délit de mise en danger d’autrui ne peut en effet être constitué que s’il apparaît qu’une personne a été directement exposée à un risque « immédiat » de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par « la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ».

L’incitation aux « comportements anorexiques » ne peut non plus être poursuivie du chef de provocation au suicide ou encore d’homicide involontaire, puisque l’anorexie ne conduit pas nécessairement au décès de la personne qui en est atteinte. Elle n’en mérite pas moins d’être plus efficacement combattue au regard des importantes répercussions sanitaires et psychologiques de cette maladie.

Toutefois, il pourrait être envisageable de poursuivre les auteurs de ces agissements, suivant les principes posés par l’article 121-3 du code pénal. L’incitation à des privations alimentaires prolongées pourrait en effet être regardée comme constitutive a minima d’une imprudence, voire d’une faute caractérisée exposant à un risque d’une particulière gravité pour l’auteur indirect (celui qui crée la situation qui a permis la réalisation du dommage), au sens des articles 221-6 et 222-19 du même code relatifs à l’homicide et aux blessures involontaires.

Afin de lever toute ambiguïté sur ce point et de pouvoir réprimer spécifiquement ces pratiques par des sanctions appropriées, il est proposé de créer un délit de provocation à l’extrême maigreur.

2. La création proposée du délit de provocation à la maigreur excessive

a) Les éléments constitutifs de l’infraction et les sanctions pénales encourues

Le I de l’article unique de la proposition de loi vise à modifier l’intitulé de la section VI précitée du chapitre III du titre II du livre II du code pénal, dans laquelle il est proposé d’introduire l’article 223-14-1. Cet intitulé serait ainsi renommé : « De la provocation au suicide et à la maigreur excessive ».

Il s’agit d’une modification de cohérence avec les dispositions prévues au II du même article, qui a pour objet d’insérer un nouvel article 223-14-1 incriminant la provocation à la maigreur excessive, après l’article 223-14 du code pénal relatif à la publicité en faveur des moyens de se donner la mort.

 L’infraction simple

En vertu du principe constitutionnel de légalité des délits et des peines, les éléments constitutifs d’une infraction passible d’une sanction pénale doivent être déterminés précisément et de manière univoque, afin de préserver non seulement la liberté individuelle mais aussi l’effet d’exemplarité et de prévention de la sanction pénale. Aussi le Conseil constitutionnel a-t-il déduit de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 (4) la « nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire (5) ».

Dans cet objectif, le premier alinéa du nouvel article 223-14-1 du code pénal réprime d’une peine maximum de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait de provoquer une personne à rechercher une maigreur excessive, en encourageant des restrictions alimentaires prolongées ayant pour effet de l’exposer à un danger de mort ou de compromettre sa santé. La rédaction de cet alinéa appelle plusieurs observations.

– Le dispositif proposé s’inspire des dispositions du code pénal relatives à deux autres infractions : la mise en danger d’autrui, pour la définition de l’infraction, et la provocation au suicide, pour la détermination de la sanction encourue, une peine plus lourde étant prévue par le deuxième alinéa du même article lorsque la provocation à la maigreur excessive a entraîné le décès de la victime de l’infraction (cf. infra).

– Le terme « provoquer », qui serait sensiblement plus fort que le mot « inciter », présente l’avantage d’être une notion juridique déjà utilisée en droit pénal, qui sanctionne par exemple le fait de provoquer un mineur à l’usage de stupéfiants ou à la consommation excessive de boissons alcooliques (articles 227-18 et 227-19 du même code).

– En l’état actuel du droit, la provocation à des actes, non suivie d’effet, n’est réprimée que lorsque ceux-ci constituent des infractions pénales, par exemple en matière de toxicomanie. Lorsque la provocation porte sur un comportement ne présentant pas le caractère d’une infraction, comme c’est le cas pour le suicide, le législateur a au contraire exigé que la provocation soit suivie d’effet. L’anorexie n’étant pas une infraction, il est dès lors apparu nécessaire d’inclure dans les éléments constitutifs de l’infraction les conséquences néfastes effectivement produites par l’incitation.

C’est pourquoi le premier alinéa de l’article 223-14-1 précise que l’incitation à des restrictions alimentaires prolongées doit avoir pour effet d’exposer la personne « à un danger de mort » – sans qu’il soit fait référence au caractère immédiat de ce risque, comme c’est le cas pour le délit de mise en danger d’autrui – ou « de compromettre directement sa santé ». Ces dernières dispositions correspondent, là encore, à une notion déjà utilisée dans le code pénal, par exemple à l’article 227-15 relatif à la privation de soins ainsi qu’à l’abandon de famille (6).

– Si la notion de « recherche de maigreur excessive » peut sembler subjective, elle permet cependant d’introduire une notion de finalité, qui vise à exclure du champ d’application du dispositif proposé des pratiques dont l’objectif n’est pas d’inciter à l’anorexie. Sont par exemple concernés les jeûnes religieux, les régimes alimentaires équilibrés présentés dans des magazines – ces régimes ne présentant pas au surplus, du moins en principe, le caractère de privations alimentaires « prolongées » – ou encore les grèves de la faim revendicatives ainsi bien évidemment que des actes à finalité thérapeutique.

– Pour que le délit soit légalement constitué, il faut ainsi qu’ait été commis un acte de provocation, que cette provocation ait été suivie d’effet et qu’un lien de causalité ait été établi entre celle-ci et l’impact sur la santé ou la mort de la personne concernée, dont l’autonomie aurait été d’une certaine façon altérée par l’incitation à la recherche d’une maigreur excessive.

– Enfin, ce nouvel article 223-14-1 s’inspire de la rédaction des dispositions relatives à la provocation au suicide stricto sensu (article 223-13), sans reprendre cependant celles concernant l’incrimination plus générale de la propagande ou la publicité en faveur des moyens de se donner la mort (article 223-14). Par analogie avec cette distinction, il pourrait être envisagé d’introduire de nouvelles dispositions visant à sanctionner la propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de produits, d’objets ou de méthodes préconisés comme moyens de parvenir à une maigreur excessive ayant pour effet de compromettre directement la santé.

 La circonstance aggravante

Le second alinéa du nouvel article 223-14-1 prévoit, d’autre part, que les peines encourues sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende « lorsque cette recherche de maigreur excessive » – ou plus exactement, les privations alimentaires qui en ont résulté – « a entraîné la mort de la personne ».

L’échelle des peines apparaît ainsi cohérente et proportionnée à la gravité des actes commis au regard notamment des peines principales prévues pour les délits de mise en danger d’autrui et de provocation au suicide, avec lesquels la comparaison semble pertinente, comme l’illustre le tableau présenté ci-après.

Il convient toutefois d’observer que, dans la rédaction actuelle de la proposition de loi, les dispositions prévues par les articles 223-16 et 223-17 du code pénal, relatifs aux peines complémentaires encourues notamment pour les délits de provocation au suicide ou de publicité en faveur des moyens de se donner la mort – comme l’interdiction des droits civiques, civils et de famille ou la confiscation des documents ayant servi à réaliser l’infraction – ne s’appliqueraient pas au délit de provocation à l’extrême maigreur défini à l’article 223-14-1, c’est-à-dire après l’article 233-14 du même code. En effet, les articles 223-16 et 223-17 précités font notamment référence aux infractions mentionnées aux articles 223-10 à 223-14 du même code.

Comparaison entre les sanctions pénales encourues pour les délits de mise en danger d’autrui, de provocation à la maigreur excessive et au suicide et d’homicide involontaire

Nature de l’infraction

Peine principale

Délit d’homicide involontaire (article 221-6 du même code)

 

– Infraction simple

3 ans d’emprisonnement 45 000 euros d’amende

– En cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement

5 ans d’emprisonnement 75 000 euros d’amende

Délit de provocation au suicide et délit de propagande ou de publicité en faveur des moyens de se donner la mort (articles 223-13 et 223-14 du même code)

 

– Infraction simple

3 ans d’emprisonnement 45 000 euros d’amende

– Circonstance aggravante pour la provocation au suicide, lorsque la victime est un mineur de quinze ans

5 ans d’emprisonnement 75 000 euros d’amende

Délit de mise en danger d’autrui (article 223-1 du code pénal)

1 an d’emprisonnement 15 000 euros d’amende

Délit d’incitation à une maigreur excessive (dispositif prévu par la proposition de loi)

 

– Infraction simple

2 ans d’emprisonnement 30 000 euros d’amende

– Circonstance aggravante si la recherche de maigreur excessive a entraîné la mort de la personne

3 ans d’emprisonnement 45 000 euros d’amende

L’article 223-15-1 du code pénal précise par ailleurs la nature des peines encourues par les personnes morales qui peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du même code, des infractions définies à la section VI précitée relative à la provocation au suicide et, comme le prévoit la présente proposition de loi, à la maigreur excessive.

b) Le principe d’une « responsabilité en cascade » lorsque le délit est commis par voie de presse écrite ou audiovisuelle

L’article 223-15 du nouveau code pénal prévoit actuellement que lorsque les délits de provocation au suicide ou de publicité en faveur des moyens de se donner la mort sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, « les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables », selon la même formulation que celle prévue pour d’autres infractions pénales.

Comme l’a précisé la circulaire du ministère de la justice du 14 mai 1993 relative aux dispositions de la partie législative du nouveau code pénal, les « dispositions particulières » auxquelles renvoie, sans les citer, l’article 223-15 sont l’article 42 de la loi précitée du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et l’article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, qui instituent une responsabilité pénale dite « en cascade ».

Il en résulte que pour les délits commis par voie de presse écrite, sont considérés comme auteurs principaux : les directeurs de publications ou éditeurs, quelles que soient leurs professions ou leurs dénominations ; à défaut des directeurs de publications ou éditeurs, les auteurs ; à défaut des auteurs, les imprimeurs ; à défaut des imprimeurs, les vendeurs, les distributeurs et afficheurs.

De même façon, la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle prévoit que lorsqu’une infraction est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication ou à défaut, l'auteur, et à défaut de l'auteur, le producteur sera poursuivi comme auteur principal. Il est également précisé que lorsque le directeur de la publication est mis en cause, l'auteur est par ailleurs poursuivi comme complice.

Toutefois, la responsabilité du directeur de publication n’est engagée comme auteur principal que lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une « fixation préalable à sa communication au public ». En d’autres termes, un message diffusé en direct n’engage pas la responsabilité pénale du directeur de publication, sauf s’il peut lui peut être reproché un acte de complicité en application des règles du droit commun.

La circulaire susmentionnée du 14 mai 1993 précise enfin qu’une infraction commise par la voie de la presse audiovisuelle désigne celle réalisée par un moyen de communication audiovisuelle au sens de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (services de radio ou de télévision ainsi que toute communication au public par voie électronique de services autres que de radio et de télévision et ne relevant pas de la communication au public en ligne telle que définie par la loi du 21 juin 2004 précitée).

S’agissant des contenus diffusés sur internet, le régime spécifique de responsabilité en cascade prévu par l’article 223-15 s’applique aux cas dans lesquels il existe un contrôle préalable des contenus avant mise à disposition du public, selon les informations communiquées par le ministère de la justice, par exemple si un contenu écrit, déjà publié, est ensuite mis en ligne. En dehors de ces cas et compte tenu de la structure habituelle des sites internet, il en résulte que c’est l’auteur de l’article mis en ligne qui est le seul responsable au niveau pénal selon les règles de droit commun.

Le III du présent article vise à compléter la rédaction de l’article 223-15 du code pénal par la référence au nouvel article 223-14-1, relatif à la provocation à la maigreur excessive, afin que la détermination des personnes responsables de ce délit, s’il est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, obéisse aux mêmes règles que celles actuellement applicables en matière de provocation au suicide.

*

La commission a examiné un amendement de la rapporteure visant à compléter le dispositif prévu par la proposition de loi par la création d’un délit de propagande ou de publicité, quelqu’en soit le mode, en faveur de produits, d’objets ou de méthodes préconisés comme moyens de parvenir à une maigreur excessive, à l’article 223-14-2 du code pénal.

La rapporteure a rappelé que la proposition de loi permet d’incriminer les provocations directes à la recherche d’une maigreur excessive, c’est-à-dire celles visant une ou plusieurs personnes déterminées. Par analogie avec les dispositions applicables en matière de provocation au suicide, l’amendement prévoit de réprimer également la publicité en faveur des moyens de parvenir à une maigreur excessive ayant pour effet de compromettre la santé, quel qu’en soit le support, c’est-à-dire notamment sur les sites internet.

La commission a adopté l’amendement.

Puis la commission a examiné un amendement de coordination de la rapporteure.

La rapporteure a expliqué qu’il s’agit de compléter l’article 223-15 du code pénal, afin de préciser que la détermination des personnes responsables du délit de publicité en faveur des moyens de parvenir à une maigreur excessive, s’il est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, est soumise aux mêmes dispositions que celles prévues par le même article pour la provocation au suicide.

Puis la commission a adopté l’article unique de la proposition de loi ainsi rédigé.

*

En conséquence, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la proposition dont le texte suit.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI VISANT Á COMBATTRE L’INCITATION Á L’ANOREXIE

Article unique

I. – L’intitulé de la section 6 du chapitre III du titre II du livre II du code pénal est ainsi rédigé : « De la provocation au suicide et à la maigreur excessive ».

II. – Après l’article 223-14 du même code, il est inséré deux articles 223-14-1 et 223-14-2 ainsi rédigés :

« Art. 223-14-1. – Le fait de provoquer une personne à rechercher une maigreur excessive en encourageant des restrictions alimentaires prolongées ayant pour effet de l’exposer à un danger de mort ou de compromettre directement sa santé est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.

« Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende lorsque cette recherche de maigreur excessive a provoqué la mort de la personne. »

« Art. 223-14-2. – La propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de produits, d’objets ou de méthodes préconisés comme moyens de parvenir à une maigreur excessive ayant pour effet de compromettre directement la santé, est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. »

III. – Dans l’article 223-15 du même code, le mot et la référence : « et 223-14 » sont remplacés par la référence : « à 223-14-2 ».

© Assemblée nationale

1 () Discours prononcé à l’occasion du lancement d'une campagne sur la contraception et la politique de santé des femmes, le 11 septembre 2007.

2 () Expertise collective de l’INSERM, « Troubles mentaux : dépistage et prévention chez l'enfant et l'adolescent », publiée en 2002.

3 () « Le Corset invisible. Manifeste pour une nouvelle femme française », d'Éliette Abécassis et Caroline Bongrand, publié en mars 2007.

4 () Aux termes de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, « la loi doit établir des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».

5 () Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 relative à la loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes.

6 () L’article 227-15 punit ainsi de sept ans demprisonnement et de 100 000 euros damende le fait, par un ascendant ou toute autre personne exerçant à son égard l'autorité parentale ou ayant autorité sur un mineur de quinze ans, de priver celui-ci d'aliments ou de soins au point de compromettre sa santé.