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N° 881

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 mai 2008.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE (n° 820) de modernisation des institutions de la Ve République,

PAR M. Benoist APPARU,

Député.

——

Voir les numéros : 820, 883, 890 et 892.

INTRODUCTION 5

I.- LE CHOIX, OPÉRÉ EN 1958, D’UNE COMMISSION UNIQUE POUR TRAITER DES AFFAIRES CULTURELLES ET SOCIALES N’EST PLUS ADAPTÉ AUX ENJEUX CONTEMPORAINS 7

A. L’ORGANISATION HÉRITÉE DE 1958 A ÉTÉ CONFRONTÉE À D’IMPORTANTES ÉVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES ET SOCIALES 7

1. Les commissions permanentes, victimes du parlementarisme rationalisé 7

a) La tradition française des commissions permanentes 7

b) La rupture de 1958 8

2. Une conception bouleversée par les évolutions politiques et sociales 9

a) Le retour des commissions permanentes dans la procédure législative 9

b) La montée en puissance des activités de contrôle des commissions permanentes 10

c) L’importance grandissante des questions sociales, éducatives et culturelles dans le champ politique 12

B. LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES N’EST PAS ADAPTÉE À CETTE NOUVELLE DONNE 14

1. La plus active des commissions permanentes 14

2. Une variété de missions de plus en plus difficile à assurer 15

a) Un rythme législatif difficile à suivre 15

b) Les questions éducatives et culturelles reléguées au second rang 16

3. Un manque de réactivité préjudiciable 18

II.- UNE COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES DE PLEIN EXERCICE SERA PLUS À MÊME D’EXERCER LA PLÉNITUDE DE SES MISSIONS 19

A. ATTENDUE DEPUIS LONGTEMPS, UNE SCISSION DE LA COMMISSION NE MENACERAIT PAS LA STABILITE DES INSTITUTIONS 19

1. Une anomalie parmi les grandes démocraties 19

2. Une réforme attendue de longue date 20

a) L’impossible modification de la répartition des compétences à nombre de commissions constant 20

b) Les échecs répétés des tentatives d’augmentation du nombre des commissions 22

3. Un rééquilibrage qui ne mettrait pas en cause les acquis fondamentaux de 1958 23

B. UNE COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES DE PLEIN EXERCICE SERA PLUS EN PHASE AVEC LES PROBLÉMATIQUES DU TEMPS 24

1. Un champ de compétence plus cohérent 24

2. Une activité législative mieux assurée 26

3. Un travail de contrôle plus efficace 26

TRAVAUX DE LA COMMISSION 29

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 35

INTRODUCTION

Au moment où la Ve République s’apprête à célébrer son cinquantième anniversaire, le gouvernement entreprend, conformément aux engagements pris par le président de la République durant sa campagne, une audacieuse réforme de nos institutions.

Pour la première fois, en effet, le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis, comprend, outre un volet consacrant des droits nouveaux pour les citoyens et un autre clarifiant les attributions de l’exécutif, toute une série de dispositions visant à renforcer profondément le rôle du Parlement.

Si le retour de l’autorité de l’État et la stabilité gouvernementale sont incontestablement des acquis fondamentaux de la Constitution de 1958, le monde et la société française ont changé depuis un demi-siècle, et ces changements s’accommodent mal d’un déséquilibre de nos institutions au détriment du pouvoir législatif. Cela est d’autant plus vrai depuis la révision constitutionnelle ayant instauré le quinquennat. Cette modification majeure de la constitution de 1958 a renforcé encore le rôle du président de la République en liant l’élection des députés à l’élection présidentielle. Une révision de la Constitution est donc devenue indispensable pour rééquilibrer nos institutions au bénéfice du Parlement.

La revalorisation du rôle du Parlement passe ainsi par un certain nombre de mesures visant à renforcer ses prérogatives, tant dans son organisation interne que dans ses missions de contrôle de l’exécutif et de vote de la loi. Parmi les dispositions les plus emblématiques du projet, on peut retenir le partage de l’ordre du jour entre le Gouvernement et les assemblées (article 22 du projet), la limitation de l’usage de l’article 49 alinéa 3 (article 23), la fixation d’un délai minimum d’examen des textes ou encore la discussion en séance publique du texte adopté par les commissions (article 16).

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a décidé de se saisir pour avis de l’article 17 du projet de loi constitutionnelle, qui prévoit de laisser aux assemblées parlementaires la liberté d’instituer en leur sein jusqu’à huit commissions permanentes, au lieu des six actuellement prévues par l’article 43 de la Constitution. La création de deux nouvelles commissions permanentes à l’Assemblée nationale constitue une formidable opportunité pour la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de se scinder, enfin, en deux et de prévoir dans le Règlement de l’Assemblée nationale l’existence d’une commission des affaires culturelles et éducatives de plein exercice.

Première commission en termes d’effectifs (avec la commission des affaires économiques) et d’activité, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales souffre depuis de nombreuses années de couvrir un champ de compétences disparate et extrêmement vaste. Il n’est qu’à rappeler l’objet des principaux textes qu’elle a examinés depuis le début de la législature : statut des universités, financement de la sécurité sociale, code du travail, pouvoir d’achat, personnels enseignants de médecine générale, organisation du service public de l’emploi, médicament, chèque emploi associatif, journée de solidarité, lutte contre les discriminations…Mais il faut aussi et surtout évoquer les textes sur lesquels elle a renoncé à se saisir – à la différence de la commission des affaires culturelles du Sénat – en raison d’un ordre du jour chargé et accaparé par les questions sociales : projet de loi sur les archives, projet de loi sur le secret des sources des journalistes, approbation d’accords relatifs à la création d’un musée universel Louvre Abou Dabi ou encore ratification de la convention sur la délivrance de brevets européens.

Compte tenu de l’importance dans le champ politique des sujets qu’elle traite – éducation, santé, travail, recherche, solidarité… – le rythme de travail auquel elle est soumise rend chaque année plus difficile l’exercice de leurs missions par les commissaires.

Cette scission aurait donc pour avantages de créer des commissions aux effectifs resserrés, aux blocs de compétences cohérents avec, d’une part une commission chargée de la culture, de la communication, de l’éducation, de la recherche et du sport, d’autre part, une commission chargée de la santé, de la solidarité et du travail, et de tirer ainsi pleinement profit des innovations introduites par le projet de révision constitutionnelle.

Surtout, la création, à l’Assemblée nationale, d’une commission chargée des affaires culturelles et éducatives de plein exercice serait un signe fort de la prise en compte de ces enjeux, fondamentaux pour la société française, par la représentation nationale tout entière et de sa volonté de participer pleinement à l’entreprise de modernisation de notre pays.

Or, bien que souhaitée et encouragée par ses membres et tous les observateurs depuis plusieurs décennies (la première idée de scission remonte à 1969), la division de la commission en deux n’a jamais réussi à aboutir jusqu’à aujourd’hui, en raison de blocages nombreux.

L’article 17 du projet de loi constitutionnelle offre donc une possibilité unique, qu’il s’agit de saisir.

I.- LE CHOIX, OPÉRÉ EN 1958, D’UNE COMMISSION UNIQUE POUR TRAITER DES AFFAIRES CULTURELLES ET SOCIALES N’EST PLUS ADAPTÉ AUX ENJEUX CONTEMPORAINS

A. L’ORGANISATION HÉRITÉE DE 1958 A ÉTÉ CONFRONTÉE À D’IMPORTANTES ÉVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES ET SOCIALES

Le système des commissions permanentes adopté en 1958 a fait face à des évolutions qui n’avaient pas été anticipées par les rédacteurs de la Constitution.

1. Les commissions permanentes, victimes du parlementarisme rationalisé

La Constitution de 1958 a voulu rompre avec la tradition républicaine de commissions permanentes et spécialisées au profit de commissions temporaires et spéciales, constituées expressément pour l’étude d’un projet de texte.

a) La tradition française des commissions permanentes

La tradition française des commissions permanentes remonte aux premiers jours de la Révolution, durant lesquels la Constituante avait créé une quarantaine de comités permanents correspondants aux domaines de compétence de l’administration. Ces comités devinrent réellement la structure de base du travail parlementaire sous la Convention, mais les dérives des comités de la sûreté générale et du salut public pendant la Terreur frappèrent durablement les esprits.

De là naquit une méfiance à l’égard des commissions permanentes, qui perdura tout au long du XIXe siècle, au cours duquel les régimes consulaires, impériaux et monarchiques ont préféré s’appuyer sur des bureaux et des commissions spéciales et temporaires, constituées au cas par cas pour chaque texte. Le mode de désignation des membres de ces commissions spéciales favorisait néanmoins une certaine permanence des personnes en fonction de la technicité des sujets et les commissions spécialisées réapparurent progressivement : la commission du budget en 1840, celle de l’armée et des affaires étrangères en 1871, puis celles de la marine, de la justice et des transports entre 1875 et 1893.

Absentes des lois constitutionnelles de 1875, les commissions permanentes sont institutionnalisées dans les règlements des assemblées en 1902. Aux six déjà mentionnées, dix nouvelles commissions viennent s’ajouter, leur nombre passant même à vingt en 1932. La Constitution de 1946 consacre leur existence dans son article 15 (« L'Assemblée nationale étudie les projets et propositions de loi dont elle est saisie, dans des commissions dont elle fixe le nombre, la composition et la compétence. ») et le Règlement de l’Assemblée crée 19 commissions permanentes et spécialisées. Composées généralement de 44 membres (les appartenances multiples étant autorisées), leurs compétences correspondaient à peu près à chaque département ministériel et étaient pourvues d’un personnel et d’un local spécialisé, ainsi que des instruments de travail nécessaires. Leur spécialisation était un gage de compétence des parlementaires et nombre d’entre elles étaient ainsi des viviers de « ministrables ». Il était ainsi de bon ton, pour les leaders politiques des IIIe et IVe République, de faire des stages plus ou moins longs dans chacune des grandes commissions.

b) La rupture de 1958

La volonté de réduire les pouvoirs des commissions est très nette dans la Constitution de 1958 et elle fut d’ailleurs exprimée dès 1955 par Michel Debré : « Trop de commissions, des commissions trop puissantes, voilà deux phénomènes incompatibles avec le régime parlementaire. »

Tout d’abord, l’article 42 de la Constitution prévoit que, dans la première assemblée saisie, la discussion des projets de loi porte sur le texte présenté par le Gouvernement, et non plus sur le texte tel qu’il résulte des travaux des commissions.

Ensuite, la Constitution rompt avec la tradition républicaine des commissions permanentes en consacrant, dans son article 43, alinéa 1er, la règle du recours aux commissions spéciales et temporaires.

Les rédacteurs de la Constitution entendaient éviter de reconstituer des organes permanents, dont les présidents pouvaient s’ériger en rivaux des ministres en exercice, contribuant ainsi à l’instabilité gouvernementale. Ils reprennent là les critiques formulées par des personnalités telles que Léon Blum ou Raymond Poincaré qui, en leur temps, s’insurgeaient déjà contre ces « ministères au petit pied et aux grandes prétentions » ou ces « groupes de naufrageurs des ministères en fonction ».

Le Constituant consent néanmoins à créer quelques commissions permanentes, « par exception et considérant que certains problèmes exigent une étude continue » (1), pour les projets n’exigeant qu’une instruction simple. Fait totalement inédit dans l’histoire des institutions françaises, leur nombre est inscrit dans la Constitution (article 43 alinéa 2). Le chiffre de six est retenu afin d’éviter toute spécialisation excessive qui ferait des commissions l’interface des ministères ou « les expressions parlementaires d’intérêts particuliers ». Tout le monde a encore en mémoire les commissions de la marine marchande ou des boissons de la IVRépublique. S’il s’agit d’une limitation drastique par rapport au système antérieur, il constituait pourtant un effort puisque Michel Debré avait évoqué la possibilité de se limiter à trois comités permanents d’études (finances, affaires étrangères et outre-mer), éventuellement quatre (affaires étrangères et défense nationale, institutions, affaires économiques et sociales, éducation et culture).

La dénomination, les compétences et l’effectif maximum de ces six commissions permanentes sont renvoyés aux règlements des assemblées. L’article 36 du Règlement de l’Assemblée adopté en 1959 choisit de créer une commission des affaires culturelles, familiales et sociales, une commission des affaires étrangères, une commission de la défense, une commission des finances, une commission des lois et une commission de la production et des échanges. Le choix du Sénat est sensiblement différent puisque affaires étrangères et défense sont regroupées dans une même commission alors que affaires culturelles et sociales constituent deux commissions distinctes.

2. Une conception bouleversée par les évolutions politiques et sociales

La pratique institutionnelle et les évolutions politiques et sociales ont redonné aux commissions permanentes une partie du pouvoir perdu en 1958, rendant obsolète l’organisation prévue par la Constitution.

a) Le retour des commissions permanentes dans la procédure législative

Alors que l’examen des textes de loi par les commissions permanentes n’était prévu qu’à titre subsidiaire par la Constitution, leur utilisation est (re)devenue la règle générale et ce, dès les premières années de fonctionnement de la Ve République. S’il ressort très clairement des travaux préparatoires du Règlement de 1959 que les commissions permanentes étaient avant tout conçues comme des organes assurant, dans leurs champs de compétence, l’information du Parlement (2), celles-ci ont, en effet, vite retrouvé leurs prérogatives en matière législative.

Plusieurs phénomènes expliquent cette continuité de la pratique parlementaire. Outre que les commissions permanentes et leurs présidents (qui ne peuvent présider une commission spéciale, conformément à l’article 39, alinéa 7 du Règlement) ont été peu enclins à se dessaisir de leurs attributions, il est rapidement apparu que la qualité du travail législatif s’accommodait mieux de la présence de parlementaires spécialisés, interlocuteurs habituels du Gouvernement. Il y avait, en outre, une certaine logique à ce que l’organe qui exerce le suivi d’un champ d’activité gouvernemental travaille sur les projets de texte qui s’y rattachent.

La proportion de textes donnant lieu à constitution de commission spéciale n’a donc, en réalité, jamais été supérieure à 1 % (soit un peu moins d’une centaine de lois), même si la pratique n’est pas totalement tombée en désuétude, comme en témoigne l’exemple récent, à l’Assemblée nationale, de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.

Le problème est que les commissions permanentes n’avaient pas été dimensionnées pour répondre à une activité législative aussi soutenue.

Une grande partie de l’intérêt du travail en commission, par rapport à la séance publique, réside dans le fait que, composée d’effectifs réduits et de parlementaires spécialisés, ses travaux peuvent être plus techniques et ses débats plus approfondis. Dans l’esprit des rédacteurs de la Constitution, les effectifs pléthoriques des commissions permanentes – 120 membres, en 1959, pour la commission des affaires culturelles, 145 aujourd’hui, soit l’équivalent de la chambre des représentants de Belgique et une fois et demie le Sénat américain – ne devaient pas constituer un obstacle à la qualité du travail législatif dans la mesure où elles étaient avant tout conçues comme un « vivier » de parlementaires appelés à siéger dans des commissions spéciales, aux effectifs, elles, réduits à une quarantaine de membres (57 aujourd’hui à l’Assemblée). Les travaux préparatoires de la Constitution de 1958 font d’ailleurs ressortir qu’avait été un temps envisagé de limiter l’effectif des commissions à 1/15e des membres de l’Assemblée et l’avant-rapport sur le Règlement de 1959 prévoyait de composer les commissions permanentes de 46 membres titulaires et 46 membres suppléants.

L’attribution aux commissions permanentes de champs de compétence extrêmement vastes, empêchant par là toute spécialisation des parlementaires, se justifiait par le fait qu’elles ne devaient s’occuper que de « projets et propositions mineurs », selon les termes de René Pleven. Le travail de fond et les textes les plus importants devaient, en effet, être renvoyés aux commissions spéciales. Les commissions permanentes n’étaient donc pas du tout préparées à faire face à l’inflation législative de ces dernières décennies et la technicité croissante des textes.

b) La montée en puissance des activités de contrôle des commissions permanentes

La Constitution, dans sa rédaction actuelle, ne mentionne que de manière incidente, à propos du contrôle de l’exécution des lois de finance et des lois de financement de la sécurité sociale, les activités de contrôle effectuées par le Parlement et ne conçoit les commissions parlementaires que comme des organes de préparation du débat législatif.

Or l’on assiste, depuis une dizaine d’années, à une progression forte et continue des activités de contrôle des commissions permanentes, – en particulier au sein de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – contribuant à un important surcroît d’activité.

On peut expliquer cette reconquête d’une mission de contrôle par les commissions permanentes par deux phénomènes : d’une part, la nécessité de compenser l’apparition du fait majoritaire et la paralysie des procédures de mise en cause de la responsabilité gouvernementale prévue par la Constitution, d’autre part, l’affirmation du rôle de médiation des commissions permanentes, soucieuses de se faire les interprètes des préoccupations exprimées au cours de leurs auditions ou de leurs missions d’information.

Les auditions en commission sont ainsi devenues une méthode de travail traditionnelle et privilégiée des commissions permanentes. Depuis la loi du 14 juin 1996 (3), les commissions se sont d’ailleurs vu reconnaître le droit de convoquer toute personne de leur choix réserve faite, d’une part, des sujets de caractère et intéressant la sécurité intérieure ou extérieure de l’État et, d’autre part, du respect du principe de la séparation de l’autorité judiciaire.

Créées au sein de chaque commission ou parfois communes à plusieurs commissions, les missions d’information temporaires ont également tendance à se multiplier depuis les années quatre-vingt-dix. Leurs travaux donnent lieu à la publication de rapports d’information. Elles peuvent constituer une réflexion préalable au dépôt d’un texte par le Gouvernement, servir de support à une réflexion sur un thème donné sans lien immédiat avec l’ordre du jour, procéder à l’évaluation d’une réforme... Le succès croissant que rencontrent ces missions (à titre indicatif, il s’en crée une vingtaine chaque année), spécialement sous la présente législature, est dû en particulier au peu de formalisme exigé pour leur constitution, comparé aux commissions d’enquête. De plus, depuis 1996, les commissions peuvent se voir attribuer les pouvoirs d’investigation des commissions d’enquête pour une mission déterminée et une durée n’excédant pas six mois.

En plus ce large éventail de procédures, largement utilisé, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a créé, en 2004, sur le modèle de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des finances une mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) dont les travaux ont débuté en janvier 2005. Cette mission permet de suivre de manière permanente l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Elle très active puisqu’elle a déjà publié sept rapports en un peu plus de trois ans d’existence. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales est également à l’origine de la création, en 2002, de l’office parlementaire d’évaluation des politiques de santé (OPEPS), coprésidé par les présidents de commission de l’Assemblée nationale et du Sénat en charge des affaires sociales et chargé d’informer le Parlement des conséquences des choix de santé publique afin d’éclairer ses décisions.

Les travaux d’information et d’évaluation réalisés par les commissions permanentes ne sont donc plus seulement, comme les rédacteurs du Règlement de 1959 l’envisageaient, une étude préparatoire à la mise en œuvre du contrôle parlementaire mais bien une forme essentielle de celui-ci. Si le Règlement de l’Assemblée a été adapté pour répondre à ce rôle nouveau, les effectifs de la commission et l’étendue de ses champs de compétences demeurent des obstacles à l’approfondissement de ces missions.

c) L’importance grandissante des questions sociales, éducatives et culturelles dans le champ politique

La variété des champs de compétence de la commission relève, à certains égards, d’un inventaire à la Prévert et témoigne d’une époque où les problématiques éducatives, culturelles et sociales n’avaient pas l’importance qu’elles ont aujourd’hui. En 1959, l’article 36 du Règlement de l’Assemblée avait retenu les domaines suivants : enseignement, arts et lettres, jeunesse et sports, rayonnement culturel ; population, famille, santé publique ; pensions civiles, militaires et d’invalidité ; travail ; sécurité sociale ; information sous toutes ses formes. Force est de constater que le lien entre tous ces domaines n’est pas facile à faire mais est inhérent au choix de grandes commissions généralistes, à l’activité peu soutenue.

Or, au fil de la Ve République, les questions éducatives, culturelles et sociales ont investi massivement le champ politique et sont aujourd’hui au cœur des préoccupations des Français. Pour ne citer que quelques chiffres, on peut rappeler qu’en un demi-siècle, le système éducatif français a doublé de taille, le nombre d’élèves et d’étudiants passant de 6,4 à 13,4 millions et le nombre d’enseignants de 320 000 à plus de 800 000. Le budget de l’éducation nationale, qui représentait 7,5 % du budget de l’État en 1952 en représente aujourd’hui un peu plus de 20 %. Dans le même temps, les dépenses de protection sociale sont passées de 13,8 % du PIB en 1960 à plus de 30 % aujourd’hui et mobilisent plus de 36 % du revenu disponible des ménages. Le besoin de financement de l’ensemble des régimes de la sécurité sociale est aujourd’hui supérieur au budget de l’État, à plus de 400 milliards d’euros.

Souples dans leur organisation, les structures gouvernementales se sont naturellement adaptées à ces bouleversements et ont évolué au fil des attentes de la société française. Aujourd’hui, 11 des 37 portefeuilles ministériels (près de 30 %) du gouvernement de M. François Fillon portent sur ces questions sociales, éducatives et culturelles. Cela était déjà le cas pour 11 ministères sur 32 du gouvernement de M. Dominique de Villepin, pour 15 ministères sur 41 du dernier gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin et de 12 ministères sur 32 du gouvernement de M. Lionel Jospin, traduisant ainsi une tendance lourde.

En comparaison, le gouvernement de Félix Gaillard (1957-1958) ne comprenait que six portefeuilles ministériels sur 35 dans ce domaine (moins de 17 % du total) et le premier gouvernement de Michel Debré, 5 sur 26 (moins de 20 % du total). Parmi les 19 commissions permanentes de la IVe République, « seulement » cinq s’intéressaient à ces problématiques, soit un peu plus du quart du total : la commission de l’éducation nationale (beaux-arts, jeunesse, sports et loisirs), la commission de la famille, de la population et de la santé publique, la commission des pensions, la commission de la presse et la commission du travail et de la sécurité sociale.

Figée dans la répartition des compétences opérée en 1958-1959, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales est le témoignage encore vivant de cette époque, où les questions éducatives, culturelles et sociales n’étaient pas au premier plan des préoccupations. Les compétences de la commission des affaires culturelles se sont par ailleurs enrichies en 1969 – à l’occasion d’une importante révision du Règlement de l’Assemblée – des questions de l’emploi, de la recherche et de la formation professionnelle, venues s’ajouter à la longue liste de l’article 36. En outre, depuis la révision constitutionnelle de 1996, la commission examine les lois de financement de la sécurité sociale (PLFSS) qui déterminent les conditions générales de son équilibre financier et fixent les objectifs de dépense, ce qui chaque année représente un temps fort des travaux du Parlement.

La variété des sujets traités par la commission, empêchant toute spécialisation de ses membres, a souvent été soulignée par les parlementaires, lui valant parfois la qualification de « monstre ». En 1969, déjà, Michel Habib-Deloncle, se souvenait d’un président de la commission qui « s’enorgueillissait de prendre l’homme avant sa naissance, c’est-à-dire au moment de l’attribution de l’allocation prénatale, et de ne l’abandonner qu’après sa mort, c’est-à-dire pour le versement de la pension à sa veuve et à ses orphelins, l’ayant suivi dans toutes les phases de sa vie : enseignement, mariage, travail, etc. »

En ouverture de son rapport sur l’activité de la commission sous la XIIe législature4, le président Jean-Michel Dubernard poursuivait dans le droit fil : « Sous cette législature encore, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a beaucoup travaillé. Avec l’organisation de 369 réunions et près 600 heures de débats, elle se place en tête des six commissions permanentes de l’Assemblée nationale au cours de la XIIe législature.

À elle seule, la commission aura examiné 60 lois au fond, 13 lois pour avis, dont les cinq lois de finances, produit 297 rapports, examiné plus de 40 000 amendements, démontrant ainsi une activité plus intense encore que sous la précédente législature : augmentation de 30 % du nombre de textes examinés, progression de 40 % du nombre de rapports produits, multiplication par trois du nombre d’amendements examinés.

(…) Ce bilan d’activités pose une nouvelle fois la question – déjà évoquée par le président Jean Le Garrec à l’issue de la précédente législature – du partage des attributions de la commission.

Une simple comparaison permet de relever la pertinence de cette interrogation : 11 des 32 portefeuilles ministériels de l’actuel gouvernement relèvent directement d’un secteur de compétences de la commission, compte non tenu des ministères des relations avec le Parlement, des finances, de la fonction publique, de la réforme de l’Etat ou de l’outre-mer qui, à des degrés divers, recouvrent également des compétences de la commission. Et il ne s’agit pas là d’une exception. Une telle répartition n’est pas le fait de l’équilibre spécifique de tel ou tel gouvernement ou de l’alternance droite-gauche mais reflète logiquement l’importance grandissante des questions sociales et culturelles dans le champ politique.

(…) Il est donc regrettable que les deux tentatives menées pour redéfinir les attributions des six commissions permanentes, l’une ou début de la présente législature, la seconde à la fin, n’aient pas trouvé à aboutir, malgré le soutien du président de l’Assemblée nationale, M. Jean-Louis Debré.

Il est donc à espérer que la nouvelle assemblée qui sortira des urnes au mois de juin prochain saura prendre les décisions qui s’imposent. Puisse le présent rapport participer à la convaincre de cette nécessité. »

B. LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES N’EST PAS ADAPTÉE À CETTE NOUVELLE DONNE

Le faible recours aux commissions spéciales, la montée en puissance des activités de contrôle et l’importance des sujets culturels, éducatifs et sociaux dans le champ politique procurent aujourd’hui à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales une charge de travail excessive, qui rend difficile l’exercice de ses attributions et l’empêche de se consacrer pleinement aux questions éducatives et culturelles.

1. La plus active des commissions permanentes

Si, suivant une tendance générale, l’activité de la commission n’a cessé de croître depuis vingt ans, elle a cru plus rapidement et dans des proportions plus importantes que celle des autres commissions. Entre la IXe législature (1988-1993) et la XIIe (2002-2007), le nombre de ses réunions et leur durée ont presque doublé.

Au cours de la dernière législature, la commission a ainsi tenu 369 réunions correspondant à une durée de 597 heures et 15 minutes, ce qui fait d’elle la commission qui s’est réunie le plus souvent et le plus longtemps.

Nombre et durée des réunions de commissions durant la XIIe législature

Commissions

XIIe législature

Nombre de réunions

Durée Globale

Affaires culturelles, familiales et sociales

369

597 heures

Finances, économie générale et plan

367

594 heures

Affaires économiques, environnement et territoire

302

483 heures

Lois constitutionnelles, législation et administration générale de la République

271

340 heures

Affaires étrangères

270

315 heures

Défense nationale et forces armées

182

245 heures

Elle a examiné 60 lois au fond et 13 lois pour avis, dont les cinq lois de finance. Son travail s’est matérialisé par la publication de 297 rapports, soit 171 rapports au fond, 73 rapports pour avis, dont 65 avis budgétaires ainsi que 53 rapports d’information, dont 23 sur la mise en application des lois, 5 de la MECSS et 6 de l’OPEPS. Ces publications ont presque cru de moitié par rapport à la législature précédente et la placent également au premier rang des commissions permanentes sur ce point.

Évolution des publications de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales
entre la XIe et la XIIe législature

Nature des travaux

XIe législature

XIIe législature

Évolution

Rapports législatifs

181

244

+ 35 %

Rapports d’information

21

53

+ 52 %

Total

202

297

+ 47 %

L’activité en séance publique a été tout aussi intensive puisque le nombre d’heures en séance sur des débats législatifs où la commission était saisie au fond s’est établi à 1 276 heures et 52 minutes (sur les 3 608 heures de séance de la XIIlégislature, hors débats budgétaires). À elle seule, la commission a donc occupé plus de 35 % du temps de séance sur les débats législatifs et près de 30 % du temps de séance total (en progression de 50 % par rapport à la XIe législature). Par ailleurs, les textes examinés au fond par la commission ont donné lieu au dépôt de 40 521 amendements (5) soit 26 % du total des 243 807 amendements déposés à l’Assemblée nationale sous la XIIe législature. Cette proportion s’élève même à 38 % si l’on ôte du décompte total les 137 665 amendements, pour l’essentiel des amendements d’obstruction, déposés sur le seul projet de loi relatif au secteur de l’énergie.

Au total, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales comprend un quart des membres de l’Assemblée, représente près du quart de la durée globale des réunions de commissions et occupe près du tiers du temps de séance de l’Assemblée nationale.

2. Une variété de missions de plus en plus difficile à assurer

a) Un rythme législatif difficile à suivre

L’encombrement du calendrier de la commission rend souvent difficile l’exercice de sa compétence législative. Si, comme toutes les autres commissions, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales doit faire face à des délais d’examens des textes souvent extrêmement brefs, s’ajoute en effet pour elle la contrainte du nombre de textes qui lui sont soumis et leur extrême diversité.

L’organisation d’auditions, destinées à éclairer le rapporteur de la commission sur l’ensemble des problématiques abordées dans un projet de loi, et ce de manière complémentaire à l’information fournie par le Gouvernement, est rendue difficile par cet encombrement du calendrier. Or, ces auditions constituent l’occasion privilégiée pour les différents acteurs intéressés au débat de faire connaître leur point de vue, et pour le rapporteur d’anticiper sur les questions qui seront soulevées au cours des débats en commission en en séance publique. Elles permettent ainsi de préparer des réponses adaptées, notamment sous forme d’amendements, et le cas échéant de dissiper certains malentendus ou de désamorcer certaines tensions.

L’enchaînement des textes peut ainsi conduire la commission des affaires culturelles, familiales et sociales à en examiner plusieurs au cours d’une même semaine, ne lui permettant pas toujours d’effectuer un travail préparatoire suffisant ou de leur consacrer le temps d’examen en commission qu’ils méritent. Cela est d’autant plus dommageable que l’on connaît la qualité du travail législatif effectué par les commissions parlementaires et les améliorations substantielles qu’elles apportent aux textes déposés par le Gouvernement. Le taux d’adoption des amendements des commissions en séance publique s’élevait ainsi à près de 80 % au cours de la dernière législature.

L’exemple de la semaine du 22 janvier 2007 illustre parfaitement cet encombrement du calendrier de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Dans le contexte il est vrai particulier d’une fin de législature, la commission a tenu cinq réunions au cours desquelles elle a examiné trois textes : la proposition de loi relative à la revalorisation des pensions de retraite pour les personnes invalides, le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur et la proposition de loi relative aux modalités de dissolution de la mutuelle dénommée Société nationale « Les Médaillés militaires ». Durant la même semaine, elle a procédé à l’examen de deux rapports d’information sur la mise en application de deux lois et auditionné pour cela cinq ministres. En dehors de cette semaine particulièrement chargée, il n’a pas été exceptionnel, au cours de la dernière législature, que la commission tienne trois réunions la même semaine.

Afin de répondre à ces exigences, la commission a opéré depuis un certain temps une sorte de « dédoublement fonctionnel » par la mise en place informelle de deux pôles, l’un culturel, l’autre social. En fonction des sujets examinés, elle se réunit tour à tour en « chambre sociale » ou « chambre culturelle ».

b) Les questions éducatives et culturelles reléguées au second rang

Les textes dans le domaine social représentent plus de 70 % des textes examinés par la commission : 33 sur 47 durant la XIe législature, 44 sur 60 sous la XIIe. Le PLFSS occupe, à lui seul, plus d’un cinquième du temps de présence de la commission en séance publique sur la durée de la législature. Cette prédominance des questions sociales se traduit également dans les missions d’information et de contrôle de la commission, souvent liées à l’actualité législative.

Ainsi, au cours de ces dix dernières années, seulement 12 des 33 missions d’information créées par la commission ont eu trait à des questions culturelles ou éducatives et aucune des trois commissions d’enquête. Pour ce qui concerne l’actuelle législature, le dynamisme de l’activité d’information de la commission ne faiblit pas, puisque pas moins de 9 missions d’informations ont été créées en moins d’un an, mais le déséquilibre s’accentue : une seule concerne le champ culturel. Par ailleurs, seulement 35 des 114 auditions ouvertes à la presse effectuées par la commission pendant la XIIe législature entraient également dans ce champ.

Preuve que les questions sociales occupent la majeure partie du temps de la commission, il avait été question, dès les années soixante, de revoir l’intitulé de la commission afin d’y faire figurer les affaires sociales en première position.

Parce qu’elles ne sont souvent pas immédiatement liées à l’actualité législative, les activités culturelles de la commission trouvent un terrain d’expression privilégié dans les activités informelles, colloques et tables rondes, sans lien direct avec un texte : 9 des 17 colloques et tables rondes tenus au cours de la dernière législature portaient ainsi sur des questions culturelles. Ces tables rondes, où acteurs, experts et témoins sont invités, en présence de la presse, devant les membres de la commission, permettent aux commissaires d’améliorer leur information et de mieux connaître les enjeux du secteur étudié. Par ailleurs, 21 des 22 déplacements effectués par la commission au cours de la dernière législature avaient trait aux questions culturelles. Ces déplacements auront notamment permis aux membres de la commission d’aborder la création artistique et la création du patrimoine dans ses différents aspects, avec la visite de nombreux établissements culturels. Si ces colloques, tables rondes et déplacements enrichissent la réflexion des membres de la commission et leur permettent de tisser des liens avec les différents acteurs du monde de la culture, de la recherche ou de l’éducation, ils ne débouchent malheureusement que très rarement, faute de temps, sur des propositions de loi ou missions d’information.

Les activités d’information et de contrôle de la commission dans le domaine culturel trouvent néanmoins un terrain d’expression privilégié dans les sept rapports budgétaires pour avis publiés chaque automne (6) dans ce domaine. Poursuivant un usage établi depuis 1998 par le bureau de la commission, ces rapports pour avis sont structurés de la même façon : une première partie consacrée à une brève analyse des crédits, une deuxième partie consacrée à un thème particulier choisi par le rapporteur. Cette deuxième partie est ainsi l’occasion pour le rapporteur de souligner un aspect d’une politique publique, de mettre l’accent sur la question de son choix, son travail s’apparentant alors à une « mini-mission d’information ». L’investissement des rapporteurs de la commission est remarquable puisque, pour le seul projet de loi de finances pour 2008, ce ne sont pas moins de 129 auditions qui ont été menées en vue de la rédaction de ces rapports, complétés par de nombreux déplacements en France et à l’étranger.

3. Un manque de réactivité préjudiciable

Si la commission a depuis longtemps intégré une sorte de « dédoublement fonctionnel », elle n’en demeure pas moins une seule et unique commission soumise à de multiples impératifs d’agenda difficilement conciliables.

Traditionnellement, les réunions de commission se tiennent les mardis après-midi et mercredi matin et les contraintes matérielles font que la commission est obligée de choisir l’ordre du jour de ses réunions en donnant la priorité à l’actualité législative. Celle-ci étant, on l’a vu, très largement occupée par les questions sociales, il ne lui reste que peu de temps pour s’intéresser aux questions culturelles. Cela peut avoir pour conséquence de la tenir parfois à l’écart d’un certain nombre de débats d’actualité.

Un exemple récent en témoigne, celui du débat sur la réforme du financement de l’audiovisuel public, lancé par le président de la République au cours de sa conférence de presse du 8 janvier 2008. L’agenda de la commission ne lui a pas permis de participer pleinement à ce débat. La raison est simple : au cours des premiers mois de l’année 2008, la commission a procédé à l’examen du projet de loi relatif à la réforme du service public de l’emploi et du projet de loi relatif à la modernisation du marché du travail, deux textes importants qui ont nécessité de nombreuses réunions.

Dans le même temps, pour étudier cette question du financement de l’audiovisuel public, la commission des affaires culturelles du Sénat a organisé, dès le 5 février, une table ronde réunissant les principaux acteurs du secteur (présidents de chaîne, représentants des annonceurs, des créateurs de programmes, des fournisseurs d’accès à internet…) qui a eu un large écho dans les médias, publié un rapport d’information et a programmé un déplacement à l’étranger pour recueillir des éléments de comparaison.

II.- UNE COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES DE PLEIN EXERCICE SERA PLUS À MÊME D’EXERCER
LA PLÉNITUDE DE SES MISSIONS

A. ATTENDUE DEPUIS LONGTEMPS, UNE SCISSION DE LA COMMISSION NE MENACERAIT PAS LA STABILITE DES INSTITUTIONS

1. Une anomalie parmi les grandes démocraties

La France est le seul pays, parmi tous les grands pays démocratiques, à disposer d’une commission aux effectifs aussi importants et aux champs de compétence aussi vastes, ses attributions correspondant à celles de cinq ou six commissions parlementaires d’autres pays européens. Cela peut s’avérer problématique lors des multiples rencontres organisées entre les présidents de commissions parlementaires d’un même secteur. Dans les États de l’Union européenne, l’image du Parlement français, qui semble faire peu de cas des sujets culturels ou éducatifs, pourtant décisifs pour l’avenir de nos sociétés, s’en trouve altérée.

Dans le domaine de la culture, de l’éducation, de la communication et des sports, les parlements des différents États de l’Union européenne disposent en général de deux ou trois commissions permanentes qui, dans des pays de taille comparable au nôtre, comprennent entre 30 et 40 parlementaires.

Commissions parlementaires dans le domaine de la culture, de l’éducation, de la communication et des sports de pays de l’Union européenne

Allemagne

– commission de l’éducation, de la recherche et de l’évaluation des conséquences techniques ;

– commission de la culture et des médias ;

– commission des sports.

Autriche

– commission pour la culture ;

– commission pour l’éducation ;

– commission pour la science ;

– commission pour le sport.

Bulgarie

– commission de l’éducation et de la science ;

– commission de la culture ;

– commission de la société civile et des médias.

– commission de la jeunesse et des sports.

Espagne

– commission de l’éducation et des sciences ;

– commission de la culture.

Hongrie

– commission des sciences et de l’éducation ;

– commission de la culture et des médias ;

– commission du sport et du tourisme.

Italie

– commission de la culture.

Pays-Bas

– commission de l’éducation, de la culture et de la science.

Roumanie

– commission de l’enseignement, de la science, de la jeunesse et des sports ;

– commission de la culture, des arts et des médias.

Royaume-Uni

– commission chargée de l’enfance, des écoles et des familles ;

– commission de la culture, des médias et du sport ;

– commission de l’innovation, des universités, de la science et des savoirs.

Source : service des affaires européennes de l’Assemblée nationale

2. Une réforme attendue de longue date

Scinder la commission des affaires culturelles et sociales en deux suppose soit de modifier la liste des commissions permanentes prévue à l’article 36 du Règlement de l’Assemblée en fusionnant, en contrepartie, deux autres commissions, soit d’augmenter le nombre des commissions permanentes prévu à l’article 43 alinéa 2 de la Constitution. En un demi-siècle de fonctionnement du régime, et malgré 30 révisions du Règlement de l’Assemblée et 23 révisions de la Constitution, les conditions de cette réforme n’ont jamais été réunies jusqu’ici.

a) L’impossible modification de la répartition des compétences à nombre de commissions constant

La modification de la répartition des attributions entre commissions permanentes sans en changer le nombre s’est toujours heurtée aux résistances des commissions qu’il s’agissait de supprimer…

La solution la plus fréquemment envisagée a été la fusion des commissions de la défense et des affaires étrangères et d’adapter ainsi à l’Assemblée nationale l’organisation en vigueur au Sénat. Le principal argument avancé était que ces deux commissions ont principalement des tâches de contrôle et une activité législative soit occasionnelle, soit spécialisée dans l’examen de projets de ratification de traités ou conventions. À titre d’exemple, l’activité cumulée de ces deux commissions était inférieure, durant la XIIe législature, à l’activité de la seule commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

A pu également être mis en avant le fait que l’approche des questions de défense n’était plus celle qui était en vigueur aux débuts de la Ve République : avec les développements de la défense européenne et l’intervention croissante des armées sur des théâtres extérieurs, une partie de ces compétences de la commission de la défense était en partage avec la commission des affaires étrangères. En outre, chacune de ces deux commissions correspond à l’activité d’un seul ministère, ce que le Constituant de 1958 voulait précisément éviter. Enfin, l’harmonisation des commissions entre les deux assemblées aurait sans doute permis de renforcer la cohérence de la procédure législative : aussi, la loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information présentée par le ministère de la culture a été examinée par la commission des affaires culturelles au Sénat et par la commission des lois à l’Assemblée nationale, car en 1958, le droit d’auteur, qui est aujourd’hui devenu une spécialité en soi, n’était perçu que comme un modeste rameau du droit de la propriété et du droit civil.

Cette réforme du Règlement s’est heurtée à de fortes réticences émanant notamment de la commission de la défense, témoignage de ce que certains qualifient parfois d’ « esprit de commission ». À la fin de la XIIe législature, la commission de la défense s’est ainsi saisie pour avis sur la proposition de résolution du président Jean-Louis Debré tendant à modifier les articles 36 et 39 du Règlement (7) pour répartir plus équitablement les compétences des commissions permanentes, afin de plaider pour le maintien d’une commission de la défense autonome. Son rapport (8) met en avant que la spécialisation de ses commissaires sur les sujets de défense était une garantie de technicité et de qualité de leurs travaux et qu’il était important, pour les cinq millions d’hommes et de femmes composant le monde combattant, de disposer d’une telle représentation.

Au vu de cet argument, il est possible de s’interroger sur le nombre de commissions qu’il serait nécessaire de créer pour représenter la communauté médicale, la communauté éducative, le monde du travail, les familles, le monde sportif, les milieux culturels…Sur un mode humoristique, lors de la dernière réunion de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sous la XIIe législature (9), son président a « renouvelé son profond regret que sa proposition de la scinder en deux, à l’image de l’organisation retenue au Sénat, n’ait pu aboutir, malgré le soutien du président Jean-Louis Debré et des présidents des quatre groupes politiques. Les membres de la commission de la défense, qui préfèrent rester entre eux, ont en effet bloqué cette proposition, alors même qu’ils ont pour activité principale la production de rapports pour avis lors de l’examen du budget. On pourrait même s’étonner qu’ils ne réclament pas que leur commission soit scindée en trois commissions compétentes respectivement pour l’armée de terre, la marine et l’armée de l’air, tandis que la commission des lois, celle des affaires économiques et celle des affaires culturelles, familiales et sociales seraient réunies en une seule… ! »

Si la réforme du Règlement n’a pas abouti sur ce point, la question du partage des attributions des commissions n’en demeure pas moins posée. Seule reste donc aujourd’hui ouverte la voie de la révision de la Constitution.

b) Les échecs répétés des tentatives d’augmentation du nombre des commissions

Le 19 août 1958, le Conseil interministériel réuni pour l’étude du projet de Constitution exprimait déjà ses doutes sur le caractère aléatoire du nombre de commissions retenu. L’hypothèse de renvoyer la fixation de leur nombre à la loi organique, à défaut du règlement des assemblées, a été soulevée par plusieurs participants mais ne fut finalement pas retenue.

Depuis, de nombreuses tentatives visant à augmenter le nombre des commissions permanentes ou à « déconstitutionnaliser » la fixation de leur nombre ont avorté. On peut citer notamment, en 1969, le groupe de travail, présidé par le président Jacques Chaban-Delmas, qui s’était prononcé en faveur d’une augmentation à 8 du nombre des commissions permanentes. En 1969, toujours, une proposition de loi constitutionnelle présentée par Alexandre Sanguinetti proposait de renvoyer au règlement des assemblées la fixation du nombre des commissions permanentes, dans la limite de dix dans chaque assemblée. En 1973, une proposition de loi d’Achille Peretti proposait également le chiffre de huit commissions permanentes. Lorsqu’il était président de l’Assemblée nationale, Edgar Faure s’était lui prononcé en 1975, dans un entretien au journal Le Monde, pour la création de neuf commissions permanentes. Le passage à huit commissions figurait également parmi les propositions du Comité consultatif pour la révision de la Constitution, présidé par George Vedel, mis en place par le président François Mitterrand en 1993. En 1995, plusieurs amendements, déposés à l’occasion de l’examen du projet de révision constitutionnelle allaient également dans ce sens. Enfin, le président Laurent Fabius, en 1998, avait proposé de porter à dix le nombre des commissions permanentes afin d’offrir « un outil de meilleur contrôle, un moyen de mieux travailler sur le plan législatif, en même temps qu’une occasion de nouvelles responsabilités pour les députés », option reprise par le Comité de modernisation et de rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par M. Édouard Balladur, dans le rapport remis au président Sarkozy à l’automne dernier.

À chacune de ces tentatives de révision constitutionnelle, la scission de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales faisait figure de priorité. On relèvera juste qu’en 1969 avait été évoquée la scission de la commission des lois en une commission du droit public dénommée « commission de la Constitution, du Règlement et de l’administration générale » et une commission du droit privé, consacrée à la législation civile, commerciale et pénale, époque où la commission des lois était la première en termes d’activité.

Pourquoi aucune de ces tentatives n’a-t-elle abouti ? À chaque fois, la défense du parlementarisme rationalisé et le spectre des commissions toutes puissantes des précédents régimes ont été des freins trop puissants. Ainsi, M. Pierre Mazeaud, président de la commission des lois et rapporteur du projet de révision constitutionnelle de 1995, s’est opposé à plusieurs amendements proposant d’augmenter le nombre des commissions en ces termes : « [cela] modifierait, incontestablement, l’équilibre des pouvoirs en redonnant aux commissaires le rôle excessif qu’ils avaient sous la IIIe et la IVe République, et transformerait ces commissions, désormais spécialisées en ce que l’on a pu appeler, à une certaine époque, des lobbies ou des groupes de pression » (10).

3. Un rééquilibrage qui ne mettrait pas en cause les acquis fondamentaux de 1958

Force est de constater que, treize ans après cette ultime tentative, le contexte politique et social a évolué.

Nul ne peut aujourd’hui soutenir sérieusement que l’augmentation du nombre de commissions permanentes de six à huit menacerait l’équilibre institutionnel de la Ve République. L’apparition de majorités claires à partir de 1962, phénomène que les constitutionnalistes appellent le « fait majoritaire », couplée à la réforme du mode de scrutin présidentiel, effectif à partir de 1965, qui a entraîné un phénomène de bipolarisation de la vie politique et donné à l’Assemblée nationale des majorités stables, qui offrent aux gouvernements qu’elles soutiennent la possibilité de gouverner dans la durée.

L’instauration du quinquennat présidentiel en 2000 et l’inversion du calendrier électoral à partir de 2002 ont accentué cette tendance et aujourd’hui, le déséquilibre des pouvoirs au détriment du Parlement est devenu trop criant, tant les instruments du parlementarisme rationalisé semblent aujourd’hui superflus pour maintenir la stabilité des majorités parlementaires.

Au contraire, l’exigence d’une « démocratie irréprochable », selon le vœu exprimé par le président de la République, suppose un Parlement plus actif, à la fois dans son rôle de médiation des préoccupations de nos concitoyens et dans son rôle de contrôle de l’exécutif.

Le risque de transformer la future commission des affaires culturelles et éducatives en caisse de résonance des groupes de pression est aujourd’hui assez faible, tant resteraient vastes les sujets traités par la commission. Nous serons encore loin de la commission de la marine marchande ou de celle des boissons de la IVRépublique.

Enfin, on peut rapporter les propos du général de Gaulle, qui dans un entretien avec François Luchaire, le 6 juin 1958, avait exprimé le souhait de donner aux travaux des commissions parlementaires plus d’importance. Un demi-siècle après, on ne peut que se réjouir que le gouvernement ait à cœur de traduire cette volonté dans les faits en donnant aux commissions permanentes toute leur place dans nos institutions.

B. UNE COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES DE PLEIN EXERCICE SERA PLUS EN PHASE AVEC LES PROBLÉMATIQUES DU TEMPS

1. Un champ de compétence plus cohérent

La nouvelle commission des affaires culturelles aurait les compétences actuellement citées dans le Règlement de l’Assemblée : enseignement et recherche ; jeunesse et sports ; activités culturelles ; information.

La nouvelle rédaction de l’article 36 du Règlement qui suivra la révision constitutionnelle sera certainement l’occasion de mettre à jour cette liste (11), qui date de 1969, afin d’en préciser le sens et de prendre en compte les évolutions de ces dernières décennies. Il est vraisemblable que les termes « communication » et « nouvelles technologies », par exemple, fassent leur apparition, témoignant de la prise en compte des enjeux de ce nouveau millénaire.

Cela sera peut-être aussi l’occasion de réfléchir à une nouvelle répartition des compétences entre les différentes commissions permanentes.

On sait que la recherche, par exemple, n’apparaissait pas dans les compétences de la commission en 1959, pas plus que dans celles d’une autre commission. Elle a été introduite dans le Règlement de l’Assemblée à l’occasion de la réforme du 17 décembre 1969. Le choix, âprement discuté, fut alors celui de confier la recherche scientifique à la commission des affaires culturelles, en raison de ses liens avec les activités d’enseignement, déjà dans le champ de la commission (12), et la recherche technique, liée aux applications industrielles, à la commission des affaires économiques.

Dans sa proposition de résolution de 2006, le président Debré envisageait de confier l’examen de l’ensemble des questions de recherche à la seule commission des affaires culturelles. Il avait également avancé l’hypothèse de confier à la commission des affaires culturelles les textes relatifs à la propriété intellectuelle (comme c’est le cas au Sénat), actuellement renvoyés à la commission des lois. La nouvelle commission aurait ainsi été saisie des projets de loi sur le droit d’auteur. Ces deux évolutions semblent judicieuses.

Se pose également la question, plus stratégique encore, du rattachement du secteur des télécommunications, actuellement renvoyé à la commission des affaires économiques, la coupure avec la communication, décidée en 1959 (13), apparaissant de plus en plus artificielle, les « tuyaux » et leur contenu étant désormais intimement liés. Les opérateurs de télécommunications s’orientent en effet résolument vers des activités de diffusion et d’édition, la communication étant devenue un tout qu’il est désormais difficile de séparer. On ne parle plus de « télécom » mais de « communication électronique » où le contenu prime sur le contenant.

En 1995, lors de la création de l’Autorité de régulation des télécommunications (ART), aujourd’hui Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), la frontière entre la télévision et la télécommunication était claire : il ne s’agissait ni du même métier, ni des mêmes fréquences. La télévision diffusait des images à destination du plus large public en utilisant pour cela des fréquences analogiques appartenant au domaine public. Les télécommunications utilisaient d’autres fréquences pour diffuser uniquement des messages individuels, d’abord le téléphone puis les correspondances électroniques.

L’apparition d’internet qui diffuse des contenus à partir de fréquences téléphoniques a évidemment changé les choses. Ce média, qui diffusait d’abord essentiellement de l’écrit, est devenu aujourd’hui un vecteur de contenus audiovisuels. Les opérateurs de téléphonie mobile et les fournisseurs d’accès à internet diffusent aujourd’hui beaucoup plus d’images et de contenus que les télévisions elles-mêmes. Il ne peut plus être question d’évoquer la relation individuelle entre les correspondants dans la mesure où aujourd’hui ces images sont accessibles à tous. Les opérateurs qui disposent de l’ADSL peuvent créer autant de chaînes de télévision qu’ils le souhaitent et en offrir le contenu à leurs abonnés. Les sites de partage de vidéos comme Daily Motion sont devenus en quelques années d’immenses banques de données d’images, que chacun peut alimenter et dans lesquelles chacun peut se fournir. La frontière est de plus en plus ténue entre ces deux univers qui relèvent désormais de la communication publique.

Outre l’augmentation sensible de ses champs de compétence par rapport au périmètre actuel, on peut légitiment penser que la future commission des affaires culturelles et éducatives se saisira plus volontiers pour avis de textes n’entrant pas dans son champ de compétence au sens strict, mais ayant des conséquences dans le domaine culturel, à l’image de ce que fait la commission des affaires culturelles du Sénat. Celle-ci s’est ainsi saisie, récemment, du projet de loi relatif aux archives, du projet de loi relatif à la protection des sources des journalistes, du projet de loi autorisant la ratification de la convention sur la délivrance de brevets européens ou encore du projet de loi autorisant l’approbation d’accords avec les Emirats Arabes Unis relatifs au musée universel Louvre Abou Dabi, par exemple.

Quant à la nouvelle commission des affaires sociales, elle sera recentrée sur les domaines actuellement définis par le Règlement – la protection sociale, le travail et l’emploi ; la santé publique, la famille, la population, la sécurité sociale et l’aide sociale ; les pensions civiles, de retraite et d’invalidité – sujets qui justifient également amplement l’existence d’une commission de plein exercice. Cette liste nécessitera aussi certainement un toilettage à l’occasion de la réforme du Règlement. On peut ainsi sérieusement envisager, comme l’avait proposé le président de la commission de la défense dans son rapport n° 3112 précité, que la question des pensions militaires, c’est-à-dire des questions relatives aux anciens combattants, rejoigne la commission de la défense.

2. Une activité législative mieux assurée

Née de la scission de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, la future commission des affaires culturelles et éducatives disposera d’effectifs resserrés et sera plus en mesure de faire participer l’ensemble de ses membres à ses missions et de tirer ainsi pleinement profit des innovations introduites par le projet de loi constitutionnelle.

Au cours de la XIIlégislature, 67 députés, soit près de la moitié des effectifs de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, avaient exercé la fonction de rapporteur au nom de la commission, sur des textes législatifs ou des propositions de résolution. Si ce chiffre montre que la fonction de rapporteur n’a pas été monopolisée par un petit nombre de parlementaires, en raison notamment de l’institution de rapporteurs « tournants » pour les avis budgétaires, on peut légitiment espérer que cette proportion ne diminuera pas, voire augmentera sensiblement au sein de la future commission. Cela assurera plus de technicité à ses travaux, au moment où le texte discuté en séance publique sera celui issu des travaux de la commission, ce qui constitue une véritable reconnaissance de la qualité de ses travaux (article 16 du projet de loi constitutionnelle).

Enfin, la mise en place d’un ordre du jour partagé entre le Gouvernement et le Parlement (article 22 du projet de loi) redonnera de l’importance aux initiatives parlementaires, particulièrement fécondes dans le domaine culturel. Au cours de la XIIe législature, plus du quart des textes adoptés par la commission dans ce secteur étaient d’origine parlementaire. De même, on a pu constater un fort taux de succès des propositions de lois dans ce domaine puisque les deux tiers des propositions de lois examinées par la commission relatives à ces questions étaient devenues des lois de la République, contre moins du tiers pour les propositions de lois relatives à d’autres questions.

3. Un travail de contrôle plus efficace

Au moment où les missions de contrôle du Parlement seront clairement inscrites dans la Constitution (article 9 du projet de loi), la future commission des affaires culturelles et éducatives bénéficiera enfin du temps nécessaire pour se consacrer pleinement à ses missions de contrôle du domaine éducatif et culturel. Cette activité de contrôle sera d’autant plus importante que l’activité législative de la future commission des affaires culturelles sera moins importante que celle de la future commission des affaires sociales.

Cela sera ainsi l’occasion d’approfondir les réflexions préparées par les avis budgétaires et les tables rondes et de leur donner le suivi que nécessite l’importance des sujets traités, à travers la création de missions d’information, par exemple.

On peut également imaginer que la création d’une nouvelle commission, adaptée aux enjeux du XXIe siècle, sera l’occasion de mettre en place de nouvelles méthodes de travail. Le recours systématique à la pratique des rapports d’information sur le suivi des lois votées, prévue par l’article 86, alinéa 8 du Règlement de l’Assemblée, pourrait ainsi être doublé d’une association plus grande du rapporteur du texte à l’élaboration des décrets et circulaires gouvernementales d’application.

La future commission des affaires culturelles et éducatives pourrait également instaurer des rendez-vous réguliers avec des ministres pour évoquer le calendrier de l’action gouvernementale, se faire l’écho des préoccupations de nos concitoyens et hiérarchiser ainsi les priorités d’action. La commission jouerait ainsi à plein son rôle de caisse de résonance des attentes de la population. La pluralité des expériences de ses membres et les diversités qu’elle représente seraient ainsi des aiguilleurs utiles au débat démocratique de notre pays.

S’inspirant de la mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances, pourquoi ne pas créer une mission d’évaluation et de contrôle sur les questions culturelles et éducatives, chargée de suivre la mise en application de la réforme des universités ou de la loi de programme pour la recherche, de réfléchir à l’allocation des moyens accordés aux universités, autant d’enjeux décisifs pour l’avenir de notre pays ? Cela est d’autant plus important que peu à peu des domaines essentiels de l’activité gouvernementale échappent au Parlement. L’exemple de l’éducation est de ce point de vue frappant. Le premier budget de l’Etat est presque absent des débats de la commission ou de la séance publique. C’est un domaine presque exclusivement réglementaire et le seul rendez-vous annuel avec le ministre reste le débat budgétaire qui, à partir de l’année prochaine, se fera avec le ministre du … budget. Or il est impensable que le premier poste budgétaire demeure aussi éloigné du Parlement.

Enfin, une commission des affaires culturelles et éducatives de plein exercice donnera une véritable lisibilité aux députés spécialistes de ces questions qui la composeront. Actuellement isolés au sein de la commission des affaires sociales ou répartis dans les autres commissions permanentes, leur technicité sera reconnue. Ils pourront ainsi prendre toute leur place dans le débat public au sein des différents organes du Parlement, en tant que parlementaires en mission auprès du Gouvernement ou, encore, dans les médias.

Avec des effectifs resserrés, un champ de compétence cohérent et des députés actifs, la future commission des affaires culturelles et éducatives participera ainsi pleinement à la revalorisation du rôle du Parlement et, par là, à la modernisation de notre pays.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de M. Benoist Apparu, l’article 17 du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République – n° 820, au cours de sa séance du mardi 13 mai 2008.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

Le président Pierre Méhaignerie a remercié le rapporteur pour ses propos dont il a résumé le sens par l’expression « Vivement demain ! ». La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a effectivement du mal à exercer de manière satisfaisante sa fonction de contrôle.

Observant que le vieux rêve de création d’une commission des affaires culturelles à l’Assemblée datait de quarante ans, M. Christian Kert a également souligné que ce débat intervenait immédiatement après qu’a été prononcé en séance publique l’éloge funèbre d’un homme politique de culture, Aimé Césaire, qui aimait à souligner que son combat politique et son œuvre artistique allaient de pair.

La perspective de cette création intervient à un moment où coexistent deux débats sur la culture : celui, essentiel, sur la place que la culture doit conserver dans notre société, d’une part ; celui de la place de l’État dans la politique culturelle, d’autre part, premier dossier dont la future commission des affaires culturelles pourrait se saisir.

Le rapporteur a tout à fait raison de considérer que jusqu’à présent, les questions éducatives et culturelles ont nécessairement eu tendance à passer au second rang : une commission dont le champ de compétence sera moins large pourra notamment mieux se pencher sur les médias et la communication, sans oublier, dans la ligne tracée par le rapport d’information de Mme Muriel Marland-Militello sur cette question, que l’éducation comprend également les enseignements artistiques.

Enfin, il n’aurait pas été satisfaisant que la France demeure en Europe le seul pays à ne pas disposer d’une commission permanente en charge des affaires culturelles et éducatives ; il reste toutefois à en déterminer le périmètre, qui devra en tout état de cause inclure les droits d’auteur. Mais pour l’heure, il faut remercier le président Pierre Méhaignerie d’avoir considéré avec une même importance les questions sociales et les questions culturelles depuis qu’il préside la commission.

Rappelant qu’il avait travaillé deux ans au cabinet de Jacques Duhamel, lorsque celui-ci était ministre de la culture, le président Pierre Méhaignerie a souligné que son intérêt pour l’ensemble des questions traitées par la commission n’était donc pas nouveau.

Reconnaissant ressentir un crève-cœur à la perspective de voir s’opérer la scission de la commission, compte tenu du caractère éclectique et passionnant des sujets qui y sont traités, M. Marcel Rogemont a cependant admis que l’organisation actuelle péchait fortement et que M. Jean Le Garrec, lorsqu’il présidait la commission, avait déjà milité pour une telle réforme. Le débat porte en revanche sur le point de savoir si le nombre maximal de commissions permanentes doit être fixé dans la Constitution ou relever de chaque assemblée. Quant à la discussion sur le périmètre de la future commission, elle est éminemment politique : il faudra donc faire primer le sens sur la technique et adopter une approche large, comme l’a indiqué le rapporteur, en lui confiant par exemple le droit d’auteur de même que l’ensemble des questions liées à la communication et à la télévision.

Jugeant que le fait que le projet de loi en soit réduit à aborder le nombre maximal de commissions permanentes montrait le peu de hauteur pris par le débat sur la réforme constitutionnelle, M. Maxime Gremetz a relevé que ce sujet était débattu depuis au moins trente ans et indiqué qu’il était favorable à ce que ce nombre soit porté à huit ou dix. Débordée de travail, la commission est actuellement un véritable monstre qui doit tout aborder et n’approfondit donc rien. Mais si un accord semble facile sur ce point, celui du champ de compétence des commissions sera certainement beaucoup plus débattu. Par exemple, sait-on à qui sera confié le droit du travail, qui doit être inclus dans les questions sociales mais peut concerner les intermittents du spectacle ? En outre, l’ensemble des associations ne souhaitent pas que les anciens combattants relèvent de la commission de la défense, elles qui craignent déjà que ne soit supprimé le secrétariat d’État en charge de ces questions.

M. Yves Bur s’est félicité qu’après quarante années de tentatives infructueuses, il soit aujourd’hui possible de décider de la scission de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Jusqu’à présent, l’ordre du jour de la commission étant très chargé, il n’est pas possible aux parlementaires de s’impliquer réellement dans l’examen de tous les textes. La scission en deux commissions permettra donc un travail plus approfondi.

Si le principe de la scission de la commission semble acquis, il reste à déterminer les champs de compétences de la commission chargée des affaires sociales et de celle chargée des affaires culturelles et de l’éducation. Certaines questions posent problème, par exemple, la formation professionnelle, qui relève du droit du travail mais qui doit être aussi envisagée comme une forme d’éducation permanente. On pourrait aussi évoquer la question du code du travail qui relève incontestablement de la commission des affaires sociales, mais dont la dimension culturelle ne peut être négligée en raison du poids de sa longue l’histoire.

Concernant les nouvelles modalités d’examen des textes prévues par la révision constitutionnelle, il faut souligner l’importance du changement introduit par l’article 16 qui prévoit qu’un texte ne pourra être examiné en séance publique qu’à l’expiration d’un délai d’un mois après son dépôt, ce qui permettra aux commissaires de s’emparer pleinement des sujets et de les traiter au fond. Cette novation est d’autant plus importante que la discussion des projets de loi en séance publique se fera désormais, selon le même article, à partir du texte adopté par la commission saisie au fond. Par ailleurs, même si les projets de loi de financement de la sécurité sociale ne sont pas visés par cet article 16, il serait souhaitable que les députés disposent du temps nécessaire pour un examen approfondi de ces textes particulièrement complexes et donc que le Gouvernement ne dépose pas les projets de loi de financement de la sécurité sociale moins de quinze jours avant leur examen en séance publique.

M. Jean-Patrick Gille s’est interrogé sur la pertinence de faire figurer dans la Constitution le nombre des commissions permanentes. Dans la mesure où il est envisagé de revaloriser le rôle du Parlement, pourquoi ne pas lui laisser la liberté sur ce point ?

Si la charge de travail de la commission est incontestablement trop lourde, le passage de six à huit commissions permanentes pourrait être l’occasion de réfléchir à une répartition des compétences plus fine que la simple scission des deux grandes commissions, celle des affaires économiques et celle des affaires culturelles. Au partage des questions relatives au travail et à l’emploi, par exemple, actuellement réparties entre ces deux commissions, on risque d’ajouter un éclatement encore plus fort si la question de la formation professionnelle relevait de la commission des affaires sociales et les questions d’éducation de la future commission des affaires culturelles. Il serait donc important d’avoir une réflexion globale sur le nouveau découpage de ces sujets, étroitement liés.

Mme Chantal Brunel, tout en se déclarant favorable à la création de deux nouvelles commissions, s’est interrogée sur leur fonctionnement : sera-t-il assuré par un redéploiement du personnel de l’Assemblée ou par des recrutements supplémentaires ?

En réponse à cette interrogation, le président Pierre Méhaignerie a précisé que la scission de la commission se ferait sans recrutement nouveau de fonctionnaires parlementaires, l’Assemblée nationale n’échappant pas à la nécessité de maîtriser ses dépenses.

M. Dominique Tian a constaté que, depuis la disparition d’Édouard Landrain, très impliqué dans le secteur associatif et sportif, le sport est un peu le parent pauvre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Qu’en sera-t-il à l’avenir ? Il est frappant de constater qu’en Allemagne, en Autriche ou en Bulgarie, il existe des commissions spécifiques pour traiter des questions sportives.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

– Concernant l’opportunité de faire figurer dans la Constitution le nombre de commissions, il convient de souligner que, jusqu’à présent, cette question est de valeur constitutionnelle, la Constitution prévoyant explicitement que le nombre de commissions est fixé à six. Il serait possible de renvoyer à la loi organique le soin de déterminer le nombre de commissions, mais cette décision reviendrait à donner au Sénat un pouvoir considérable sur l’organisation du travail à l’Assemblée nationale puisque la loi organique devrait être votée dans les mêmes termes par le Sénat et l’Assemblée nationale. Par ailleurs, il n’est pas envisagé de renvoyer cette question au règlement des assemblées parlementaires.

Suite à cette remarque, M. Maxime Gremetz a estimé que les précisions données par le rapporteur avaient de fortes chances d’être vaines car il est fort improbable que la révision constitutionnelle aille jusqu’à son terme. À l’avenir, il est donc vraisemblable que l’on évoque à nouveau la nécessité de créer une commission des affaires culturelles pour alléger le travail de la commission chargée des affaires sociales.

Puis, le rapporteur a poursuivi ses réponses :

– Concernant l’intérêt de scinder en deux la commission, celui-ci est incontestable car il permettra un travail beaucoup plus approfondi de chaque commission qui pourra, par exemple, se saisir pour avis de certains projets de loi alors que cette possibilité est rendue aujourd’hui très difficile en raison de l’encombrement de l’ordre du jour de la commission.

– Quant à la question de savoir comment seront traitées les questions relatives à la jeunesse et au sport, il paraît cohérent de les attribuer à la commission qui traitera des questions d’éducation et de culture. En effet, compte tenu des vertus éducatives du sport, et même si actuellement la ministre chargée de la santé est aussi en charge du sport, il paraît préférable que ce soit la commission chargée de l’éducation qui traite des questions sportives. Cette répartition des compétences est aussi préférable pour éviter un trop fort déséquilibre dans le nombre de projets de loi traités par les deux commissions, 70 % des textes adoptés par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sous la précédente législature ayant trait aux questions sociales. Il est en outre important de noter que, dans les projets de loi dits « culturels », une très grande part revient à des textes relatifs aux questions sportives. Si l’on attribuait le sport à la commission des affaires sociales pour en faire un bloc de compétences avec les questions de santé, le déséquilibre entre les deux commissions serait donc beaucoup trop fort. Cela n’interdira cependant pas la commission des affaires sociales de se saisir pour avis des textes relatifs au sport, renvoyés au fond à la commission des affaires culturelles.

Puis, la commission a donné un avis favorable à l’adoption de l’article 17 du projet de loi constitutionnelle sans modification.

*

En conséquence, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter l’article 17 du projet de loi constitutionnelle n° 820 sans modification.

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Outre des commissaires des différents groupes politiques, le rapporteur pour avis a consulté lors de la préparation de ce rapport :

Ø M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles du Sénat

Ø M. Bruno Bourg-Broc, ancien président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale

Ø M. Jean Le Garrec, ancien président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale

Ø M. Jean-Michel Dubernard, ancien président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale

© Assemblée nationale

1 () Compte rendu de la réunion du groupe de travail du 1er juillet 1958.

2 () Article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale : « (…) les commissions permanentes assurent l’information de l’Assemblée pour lui permettre d’exercer son contrôle sur la politique du gouvernement. »

3 () Loi n° 96-517 du 14 juin 1996 tendant à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.

4 M. Jean-Michel Dubernard, rapport d’information n°3738, 20 février 2007.

5 () Ce chiffre comprend les amendements déposés sur le projet de loi relatif à l’assurance maladie dont l’examen a donné lieu à la constitution d’une commission spéciale dont le secrétariat a été assuré par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

6 () francophonie et relations culturelles internationales ; culture ; communication ; enseignement scolaire ; enseignement supérieur ; recherche et nouvelles technologies ; sports.

7 () M. Jean-Louis Debré, proposition de résolution n° 2801, 18 janvier 2006.

8 () M. Guy Tessier, avis n° 3112, 30 mai 2006.

9 () M. Jean-Michel Dubernard, rapport d’information ..

10 () Journal Officiel, débats, 3e séance du 11 juillet 1995, p. 970.

11 () Contrairement au Sénat, l’Assemblée nationale a fait le choix d’édicter très précisément dans son règlement les champs de compétence de ses commissions permanentes.

12 () La rédaction finale, enseignement et recherche, traduit cette proximité.

13 () L’actuel article 36 du Règlement distingue ainsi « les moyens de communication » de « l’information ». En 1959, « l’information sous toutes ses formes » avait été renvoyée à la commission des affaires culturelles tandis que « les moyens de communication de tous ordres » l’avaient été à la commission de la production.