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N° 883

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 mai 2008.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

sur le projet de loi constitutionnelle (N° 820),
de
modernisation des institutions de la Ve République

PAR M. Guy Teissier,

Député.

——

Voir les numéros : 820, 881, 890 et 892

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 5

EXAMEN DES ARTICLES 15

Article 5 : Renforcement du rôle du Parlement et du Conseil constitutionnel en cas d’application de l’article 16 de la Constitution 15

Article 8 : Modification des attributions du Premier ministre en matière de défense nationale 18

Article 11 : Élargissement du champ des lois de programmation 21

Article 13 : Information et contrôle du Parlement dans le domaine des opérations
militaires conduites à l’étranger
22

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 33

AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 35

INTRODUCTION

La faiblesse actuelle des pouvoirs du Parlement en matière de politique de défense trouve sa source dans la lettre de la Constitution de 1958, mais aussi dans une pratique institutionnelle qui a accru de fait le rôle déjà prééminent du Président de la République.

Les dispositions constitutionnelles prévoient ainsi que le chef de l’État est également celui des armées (article 15) et qu’il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités (article 5). Dans le cas où des menaces graves et immédiates pèseraient sur ces intérêts vitaux, l’article 16 de la Constitution confère d’ailleurs au Président de la République la faculté de « prendre les mesures exigées par les circonstances ». Tout au long de la Ve République, la concentration des pouvoirs ainsi prévue ne s’est pas démentie, qu’il s’agisse de la décision de recourir aux forces armées ou de la définition des objectifs et des moyens de la politique de défense, celle-ci relevant dans les faits très largement des conseils de défense présidés par le chef de l’État. Les épisodes de cohabitation ont certes conduit à un certain partage des responsabilités entre le Premier ministre et le Président de la République, mais le texte même de la Constitution et l’existence d’un certain consensus sur les questions de défense n’ont pas conduit à modifier substantiellement l’équilibre des institutions. En tout état de cause, la place assignée au Parlement est restée des plus modestes. Celui-ci a malgré tout progressé dans la pratique du contrôle de l’Exécutif, comme en témoignent, par exemple, les travaux réguliers de la mission de contrôle de l’exécution des crédits de la défense.

Le rapporteur pour avis ne reviendra pas en détail sur les très nombreux commentaires et projets de réforme qui ont eu pour sujet la revalorisation des pouvoirs du Parlement, dans le domaine particulier des questions de défense. On peut cependant relever le travail du comité consultatif pour la révision de la Constitution, présidé par le doyen Georges Vedel, en février 1993. Il convient également de souligner que le Parlement lui-même n’a pas été absent des réflexions, tout particulièrement en ce qui concerne le contrôle des opérations extérieures (OPEX). C’est ainsi qu’une proposition de loi constitutionnelle tendant à compléter l’article 35 de la Constitution a été déposée en 1991 par Jean Lecanuet, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, visant à instaurer une procédure d’information du Parlement sur les interventions des forces militaires à l’extérieur des frontières (1). Plus récemment, sous la onzième législature, notre collègue François Lamy a présenté un rapport d’information qui dressait le constat sans fard de l’insuffisance des pouvoirs du Parlement et proposait d’y remédier, en instaurant une procédure d’information ou d’autorisation, selon la nature des opérations concernées (2).

Il a cependant fallu attendre l’élection présidentielle de 2007 pour que se concrétisent enfin les perspectives d’un renouveau du rôle du Parlement. Conformément aux engagements pris durant la campagne électorale, le 18 juillet 2007, le Président de la République a chargé M. Édouard Balladur de présider un comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, dont l’un des objets était de rééquilibrer les pouvoirs du Parlement par rapport à ceux de l’Exécutif, en étudiant notamment les modalités d’une association plus étroite des assemblées à la détermination de la politique européenne, internationale et de défense de la France. Le comité a remis son rapport au Président de la République le 24 octobre dernier et ce document a largement servi de base à l’élaboration du présent projet.

On notera d’emblée que toutes les propositions formulées par le comité précité n’impliquent pas une réforme de la Constitution.

Il en est ainsi de la proposition relative à l’amélioration de l’information du Parlement s’agissant des accords de défense. Ces derniers ne faisant pas partie des accords internationaux énumérés à l’article 53 de la Constitution, ils n’ont pas à être ratifiés ou approuvés en vertu d’une loi. L’information du Parlement à leur sujet est donc restée d’autant plus parcellaire et inégale que nombre d’entre eux comprennent des clauses confidentielles. Au regard de l’importance de ce type d’engagement international, susceptible d’entraîner nos forces dans des interventions armées en raison de clauses d’aide et d’assistance, une évolution est particulièrement souhaitable, ne serait-ce que pour mettre fin à des soupçons injustifiés. La proposition n° 55 du comité prévoit ainsi que les accords de défense soient portés à la connaissance des commissions compétentes. Au demeurant, cette information devrait être considérablement facilitée grâce au souhait formulé par le Président de la République, à l’occasion de son voyage en Afrique du Sud le 28 février dernier, de discuter avec tous les partenaires africains concernés de l’adaptation des accords de défense aux réalités actuelles. Le principe de transparence devrait également devenir la norme en la matière, ces accords ayant désormais vocation à être intégralement publiés.

*

Compte tenu de l’ampleur des modifications proposées, qui constituent une réforme majeure pour le monde des armées, la commission de la défense nationale et des forces armées a jugé indispensable de se saisir pour avis du présent projet. Quatre articles la concernent directement, bien que d’inégale importance. L’article 8 porte sur la définition des pouvoirs du Premier ministre en matière de défense nationale. L’article 11 concerne l’élargissement du champ des lois de programmation, pour prendre en compte la jurisprudence du Conseil constitutionnel et ainsi pouvoir continuer à utiliser l’outil très utile des programmations pluriannuelles en matière militaire. L’article 5 accroît de manière significative l’encadrement des pouvoirs du Président de la République dans la mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution. Enfin, et surtout, l’article 13 complète l’article 35 de la Constitution en instaurant une procédure d’information rapide et obligatoire du Parlement sur les interventions des forces armées à l’étranger, complétée par la nécessité pour le Gouvernement de solliciter l’autorisation de la prolongation de l’opération si celle-ci dure plus de six mois. Il s’agit là d’un changement en profondeur des équilibres institutionnels attendu depuis longtemps. Cette réforme est nécessaire au regard de l’évolution des missions assignées aux forces armées et de la situation prévalant chez nos principaux partenaires.

*

La situation actuelle du Parlement français en matière de contrôle des opérations extérieures contraste singulièrement avec les pouvoirs de ses homologues des principales grandes démocraties. Un bref rappel des pouvoirs dont ils disposent en droit ou en fait permet de mesurer combien la situation de la France fait figure d’exception.

Au premier abord, la situation au Royaume-Uni peut sembler très proche de celle existant en France : juridiquement, la décision de déploiement de troupes à l’extérieur relève de l’Exécutif seul. Mais l’usage est bien différent et une information officielle est presque systématique par le biais d’une déclaration d’un ministre. Celle-ci est le plus souvent suivie d’un débat, permettant aux diverses forces politiques de prendre position. Le Gouvernement dispose de la faculté de soumettre la déclaration précitée au vote de la Chambre des Communes. Cela a été notamment le cas le 7 septembre 1990 pour l’engagement des forces britanniques dans les opérations liées à la guerre du Golfe. Le 18 mars 2003, les députés ont rejeté une motion s’opposant à la guerre en Iraq, puis ont adopté une résolution appuyant l’utilisation de tous les moyens nécessaires pour s’assurer du désarmement de ce pays.

Alors que la Constitution américaine donne au Congrès des pouvoirs importants en matière de défense (pouvoirs de déclaration de guerre, de lever et d’entretenir des armées, auxquels il faut ajouter des prérogatives considérables en matière de vote et de contrôle du budget), depuis la seconde guerre mondiale, le rôle de commandant en chef des forces armées dévolu au Président a permis à ce dernier d’avoir de fait un rôle prépondérant. L’adoption du War Powers Act le 7 novembre 1973 a de ce point de vue constitué un tournant, ce texte visant à mettre fin aux excès de la « présidence impériale » ayant été adopté malgré le veto du président Nixon. Il précise que le Président est tout d’abord tenu de prendre toute mesure pour consulter le Congrès avant d’engager des troupes américaines dans des hostilités ou dans une situation où la participation imminente à des hostilités est clairement indiquée par les circonstances. Ensuite, en l’absence d’une déclaration de guerre, le Président est tenu, dans un délai de 48 heures, de rendre compte aux deux chambres des circonstances justifiant l’envoi des forces ainsi que des objectifs, de l’ampleur et de la durée estimée des opérations. Enfin, dans un délai de soixante jours après le dépôt de ce rapport, le Président doit mettre fin aux opérations, à moins que la guerre ait été déclarée ou que le Congrès ait spécifiquement autorisé l’emploi des forces. Ce délai peut être rallongé de trente jours supplémentaires si le Président justifie par écrit qu’il existe une nécessité militaire particulière pour assurer la sécurité des États-Unis. La dernière application de cette disposition remonte à la préparation de l’invasion de l’Iraq, le Congrès ayant voté le 11 octobre 2002 une résolution conjointe autorisant le recours à la force contre ce pays.

En Italie, il n’existe pas en droit de pouvoir d’autorisation du Parlement pour l’envoi de troupes à l’extérieur, l’article 78 de la Constitution du 27 décembre 1947 se bornant de manière très classique à réserver aux chambres le pouvoir de décider l’état de guerre et de conférer au Gouvernement les pouvoirs nécessaires. Dans les faits, les choses sont moins simples ; le Gouvernement a en effet toujours sollicité l’accord préalable du Parlement lors d’opérations extérieures. Par ailleurs, il existe une forme d’autorisation indirecte de ces dernières par le biais du contrôle des fonds qui leur sont affectés. Leur financement est en effet réglementé par une loi du 28 décembre 1995. Celle-ci permet de recourir par décret-loi au Fonds de réserve pour les dépenses imprévues afin de financer des interventions militaires extérieures, sous réserve que ces dernières résultent de l’application d’accords internationaux et qu’elles aient été autorisées par le Parlement. L’article 77 de la Constitution prévoit pour sa part que, faute d’être convertis en loi dans un délai de soixante jours, les décrets-lois sont abrogés. Le Parlement dispose donc d’un pouvoir d’autorisation de prolongation des opérations engagées au travers du vote de la loi validant les décrets-lois assurant leur financement.

Dans d’autres cas, la nécessité de demander une autorisation a priori pour l’envoi de troupes à l’extérieur figure expressément dans des dispositions ayant valeur constitutionnelle.

En Espagne, la décision d’envoyer des troupes à l’extérieur relève du conseil des ministres, au sein duquel le Président du Gouvernement occupe une place prépondérante. Toutefois, les effectifs maxima pouvant être déployés à l’étranger sont fixés tous les ans par décret par le conseil des ministres. La limite pour 2007 a ainsi été établie à 3 000 hommes. En outre, l’article 4 de la loi organique 5/2005 du 17 novembre 2005 relative à la défense nationale dispose qu’il appartient désormais au Congrès des députés d’autoriser au préalable la participation des forces armées à des missions en dehors du territoire national.

C’est en Allemagne que le contrôle est le plus étroit s’agissant de l’envoi de troupes à l’étranger. Durant la guerre froide, les missions assignées à la Bundeswehr ont pour l’essentiel consisté à assurer la défense du territoire de la République fédérale dans le cadre de l’OTAN. Avec la réunification et la modification du contexte stratégique, la question a été rapidement posée de l’emploi des forces armées à l’extérieur, notamment pour assurer des missions de maintien ou de rétablissement de la paix. La Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe a rendu le 12 juillet 1994 une décision fixant les conditions dans lesquelles les forces armées allemandes peuvent être amenées à intervenir hors du territoire des pays membres de l’Alliance atlantique (3). À cette occasion, la Cour a qualifié la Bundeswehr d’armée du Parlement et a indiqué que ce dernier devait expressément donner son approbation préalable à toute participation des forces armées à des missions de paix organisées dans le cadre d’organisations internationales. L’autorisation a priori a donc valeur de principe constitutionnel et les débats peuvent être l’occasion du vote de précisions sur la manière de remplir la mission et sur sa durée. Le gouvernement fédéral peut toutefois décider l’engagement des forces armées sans autorisation préalable du Parlement si la réponse à un évènement doit être immédiate, mais il doit soumettre sans délai cette décision à l’approbation du Parlement. En octobre 2007, le Bundestag a ainsi voté l’autorisation de la prolongation de la participation de l’Allemagne aux opérations en Afghanistan (participation à la force internationale d’assistance à la sécurité et participation des forces spéciales à l’opération Enduring Freedom).

Par comparaison, les pouvoirs du Parlement français apparaissent plus que limités. Hormis pour la déclaration de guerre, il n’existe pas d’obligation d’information ou d’autorisation en cas de décision d’envoi des troupes en opérations extérieures. Une information existe pourtant en pratique au travers des auditions des ministres de la défense ou des affaires étrangères réalisées par les commissions compétentes ainsi que par le biais de la séance des questions au Gouvernement ou de la procédure des questions écrites. Tout repose cependant sur le bon vouloir de l’Exécutif. L’engagement par le Gouvernement de sa responsabilité sur le fondement de l’article 49, premier alinéa, de la Constitution, à l’occasion de la « guerre du Golfe » le 16 janvier 1991 fait figure de cas isolé. On notera également que le renforcement du dispositif militaire français en Afghanistan a donné lieu à une déclaration du Gouvernement suivie d’un débat le 1er avril dernier. Il reste cependant que la plupart des opérations ne font jamais l’objet de débats en séance publique. Cette situation n’est plus adaptée à l’exigence d’un meilleur contrôle et d’une plus grande légitimité de ces interventions.

*

L’accroissement du rôle du Parlement en la matière est nécessaire pour au moins trois séries de raisons. Tout d’abord, ces opérations sont coûteuses et ne sont pas sans incidence sur l’évolution de la structure des dépenses du ministère de la défense que l’on peut observer entre la loi de finances initiales et l’exécution réelle du budget. Ensuite, les OPEX constituent désormais dans une large mesure la mission principale des forces armées. Enfin et surtout, la question posée est celle de la légitimité de ces opérations et de leur perception par l’opinion publique.

Comme l’indique le tableau ci-dessous, le coût des OPEX est généralement supérieur à 600 millions d’euros depuis 2004, et la tendance continue à l’augmentation observée depuis 2005 ne devrait pas se démentir en 2008, notamment en raison du lancement de l’opération EUFOR au Tchad et en République Centrafricaine ainsi que du renforcement du dispositif militaire en Afghanistan.

Surcoûts des OPEX par théâtre d’opérations

(en millions d’euros)

Théâtres

2004

2005

2006

2007

2008 estimé

Bosnie Croatie

58,9

33,2

24,2

18,0

11,5

Macédoine Kosovo

146,5

112,9

85,8

84,3

90,8

Côte-d’Ivoire

191,9

191,7

164,2

156,7

136,6

Afghanistan

99,2

89,7

122,3

169,8

288,9

Tchad

76,9

80,3

78,5

96,6

101,5

EU/Tchad/RCA

     

8,3

170,3

Liban

7,1

6,1

42,5

67,8

65,2

Congo

0,4

0,4

21,8

3,0

0,5

Autres

52,4

39,2

64,0

80,6

62,8

Total général

633,3

553,6

603,3

685,0

928,1

Source : ministère de la défense.

Le coût des OPEX est en fait un surcoût par rapport au fonctionnement normal des armées, lié à la fois à des dépenses supplémentaires de rémunérations et de charges sociales, de fonctionnement (munitions, carburant, etc.) et d’usure prématurée ou de perte de matériels. Ils ont d’ailleurs été longtemps traités en purs surcoûts, la charge financière pesant de fait pour tout ou partie en fin d’exercice budgétaire sur les crédits d’équipement par le biais d’annulations de crédits opérées à titre de compensation. Il a été partiellement remédié à cette situation éminemment critiquable grâce à l’adoption d’un amendement au projet de loi de programmation militaire 2003-2008 indiquant dans le rapport annexé qu’« une ligne budgétaire spécifique aux opérations extérieures sera créée en loi de finances initiale ». Cette disposition a connu sa première application à l’occasion de la loi de finances pour 2005, avec une dotation initiale fixée à 100 millions d’euros. Depuis, cette provision n’a cessé de prendre de l’ampleur et s’élève à 460 millions d’euros dans la loi de finances pour 2008. Il serait cependant présomptueux de penser que le problème a été complètement réglé, d’une part, parce que cette somme ne couvre encore que partiellement les besoins réels, d’autre part, parce que l’existence d’une dotation initiale n’évite pas la tentation récurrente de faire peser les surcoûts des OPEX sur les dépenses d’investissement. Ainsi, en 2007, contrairement aux années précédentes, les crédits d’équipement gagés par le décret d’avance n’ont finalement pas été rétablis par la loi de finances rectificative. En proposant de soumettre à l’approbation du Parlement la prolongation des interventions au-delà d’un certain délai, le présent projet permettra que soit abordée lors du débat public l’intégralité des questions qui y sont liées, y compris celle de leur financement.

Avec la modification du contexte stratégique et la professionnalisation des armées, la capacité de projection et de soutien de forces sur des terrains parfois très éloignés est devenue un sujet de préoccupation constant et un élément structurant de la politique d’acquisition de matériels. Au demeurant, la question ne concerne pas seulement la France mais toutes les nations européennes, qu’elles interviennent dans le cadre de l’Union européenne ou de l’Alliance atlantique. L’encadré ci-après souligne le nombre, l’ampleur et la durée des engagements militaires en cours à l’étranger.

Caractéristiques des opérations extérieures en cours
11 100 militaires engagés en mai 2008

Balkans :

- EUFOR en Bosnie (opération Astrée, contribution française à l’opération Althéa)

150 militaires

Présence française militaire en Bosnie depuis l’été 1992.

Mandat confié à l’UE par la résolution 1575 du conseil de sécurité de l’ONU (22 novembre 2004), renouvelé par la résolution 1772 du 21 novembre 2006.

- KFOR au Kosovo

2 000 militaires

Opération menée par l’OTAN sous mandat de l’ONU. Résolution 1244 du conseil de sécurité (10 juin 1999).

Liban :

- Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL)

1 600 militaires

Présence militaire française au sein de la FINUL depuis 1978 (résolution 425 du 19 mars 1978) et depuis l’été 2006 pour la FINUL « renforcée » (résolution 1701 du 11 août 2006).

Asie centrale :

- Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS)

1 500 militaires

Présence militaire française au sein de la FIAS depuis la mise en place de celle-ci (résolutions 1386 du 20 décembre 2003, 1707 du 12 septembre 2006 et 1776 du 19 septembre 2007).

- Task Force 150 et 57

700 militaires

Participation française à l’opération Enduring Freedom dans l’Océan Indien depuis septembre 2001.

Côte d’Ivoire :

- Opération Licorne

1 000 militaires

Résolution 1464 du 4 février 2003 faisant suite aux accords de Linas-Marcoussis. Depuis la résolution 1721 du 1er novembre 2006, la principale mission de l’opération est de soutenir l’ONUCI.

- ONUCI

200 militaires

Résolution 1528 du 27 février 2004 ; mandat prolongé par la résolution 1765 du 16 juillet 2007.

- Bâtiment Corymbe

200 militaires

Présence permanente de la marine nationale dans le Golfe de Guinée depuis 1990.

Afrique centrale :

- Tchad opération Épervier

1 250 militaires

Opération engagée depuis février 1986.

- EUFOR Tchad/ République Centrafricaine

1 200 militaires

Résolution 1778 du 25 septembre 2007. Capacité opérationnelle initiale déclarée le 15 mars 2008.

- Opération Boali

200 militaires

Présence militaire depuis octobre 2002 afin de soutenir la force multinationale de la Communauté des États de l’Afrique centrale (FOMUC).

Autres participations :

- Palestine (mission UE) et Sinaï (force multinationale d’observateurs, depuis 1981)

20 militaires

- Soudan (UE/AMIS 2) et Ethiopie-Erythrée (MINUE)

15 militaires

- République démocratique du Congo : MONUC (résolution du 30 novembre 1999) et missions de l’UE EUSEC et EUPOL.

30 militaires

- Haïti : MINUSTAH (résolution 1529 du 29 février 2004 ; mandat prolongé par la résolution 1780 du 15 octobre 2007).

30 militaires

Source : état-major des armées.

Ces opérations ont des conséquences importantes sur le rythme d’emploi des forces, et, partant, sur les rotations des unités et leur entraînement. De manière générale, c’est la vie des militaires qui est désormais conditionnée par la succession des opérations extérieures. L’outil de défense ayant vu son format réduit, les limites des capacités de projection sont rapidement atteintes. De surcroît, les expériences récentes d’interventions réalisées dans des conditions opérationnelles et de terrain difficiles montrent combien des besoins nouveaux peuvent apparaître pour assurer l’efficacité et la protection de nos troupes. Il s’agit là de paramètres qui ne sont pas seulement techniques et le maintien de leur discussion dans un cercle restreint ne constitue pas une garantie pour les militaires que l’ensemble de leurs besoins sera pris en compte. Le travail de contrôle dans la durée exercé par le Parlement prendra de ce point de vue tout son sens, de même qu’au travers de l’autorisation de la prolongation d’OPEX, c’est le lien entre l’armée et la Nation qui sera affermi.

C’est d’ailleurs sur ce dernier plan de la légitimité des opérations que se situe le principal enjeu de la réforme constitutionnelle pour les questions de défense. Force est de constater qu’il existe souvent un décalage entre la perception des risques et des menaces par les experts des questions militaires et internationales et le désintérêt, voire l’incompréhension, de l’opinion publique au sujet d’interventions dans des contrées parfois bien éloignées. Combinée aux effets de la professionnalisation, cette situation fait peser des risques importants sur l’acceptation de l’effort de défense sur le long terme, alors même que les menaces directes sur notre sécurité perdurent voire s’amplifient. L’organisation de débats au Parlement sur l’envoi de forces permettra aux diverses opinions de s’exprimer et de mieux faire comprendre les enjeux des opérations en cause. À cet égard, le récent débat sur la participation accrue des forces françaises en Afghanistan montre combien l’opinion publique peut s’intéresser à une question qui était jusque là trop confidentielle. La légitimité que le vote du Parlement confèrera aux opérations engagées complètera utilement celle de la première décision d’emploi des forces, relevant du Président de la République, chef des armées élu au suffrage universel direct.

EXAMEN DES ARTICLES

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mardi 13 mai 2008.

Après l’exposé du rapporteur, la discussion s’est engagée sur chacun des articles dont la commission s’est saisie pour avis.

Article 5

Renforcement du rôle du Parlement et du Conseil constitutionnel
en cas d’application de l’article 16 de la Constitution

Composé d’un unique alinéa, le présent article a pour objet de renforcer les pouvoirs du Parlement et du Conseil constitutionnel en cas d’application de l’article 16 de la Constitution.

On rappellera que le premier alinéa de l’article 16 de la Constitution permet au Président de la République, « lorsque l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu », de prendre « les mesures exigées par ces circonstances ».

Ces mesures sont prises après consultation officielle du Premier ministre, des Présidents des assemblées et du Conseil constitutionnel. Le troisième alinéa de l’article prévoit, par ailleurs, que le Conseil constitutionnel est consulté au sujet de ces mesures. Le quatrième alinéa dispose que « Le Parlement se réunit de plein droit ».

L’article 16 de la Constitution résulte largement du traumatisme de mai-juin 1940, marqué par un effondrement des pouvoirs publics, incapables de faire face à l’invasion du pays. L’article 16 a été appliqué à l’occasion du putsch des généraux à Alger, afin de faire face à un péril imminent sur les toutes récentes institutions de la Ve République. Le principal reproche qui lui fut fait a précisément porté sur la longueur du délai pendant lequel il a été appliqué, du 23 avril au 29 septembre 1961.

Le comité constitutionnel présidé par M. Édouard Balladur a considéré qu’au regard « de la diversité des menaces potentielles qui pèsent sur la sécurité nationale à l’ère du terrorisme mondialisé » le maintien de dispositions d’exception est justifié. Il a cependant suggéré d’encadrer la durée d’application des dispositions de l’article 16.

Le présent article le complète par un alinéa qui renforce le rôle du Parlement et du Conseil constitutionnel dans cette circonstance.

La première phrase prévoit qu’au terme de trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par les présidents des assemblées, soixante députés ou soixante sénateurs. Ce mode de saisine est comparable à ce que prévoient les dispositions des articles 54 et 61 de la Constitution, s’agissant du contrôle de la conformité des engagements internationaux et des lois. Dans le cas de la mise en œuvre de l’article 16, la saisine a pour fin « d’apprécier si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies ». Elle reste possible autant de fois que nécessaire, compte tenu de l’évolution de la situation.

La deuxième phrase dispose que le Conseil constitutionnel « se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public ». Si le délai exact n’est pas précisé, la rédaction proposée reprend cependant pour l’essentiel la proposition du comité constitutionnel, qui évoquait « les moindres délais ». On notera que cette notion de « délais les plus brefs » est également celle retenue par le présent projet s’agissant de l’information du Parlement sur les interventions des forces armées à l’étranger (deuxième alinéa de l’article 13, complétant l’article 35 de la Constitution). Allant plus loin que le comité, le présent projet précise que l’avis rendu par le Conseil constitutionnel est public, ce qui constitue un renforcement des garanties pour les libertés publiques.

Enfin, la troisième phrase du présent article précise que le Conseil constitutionnel peut, de sa propre initiative, se prononcer sur le bien-fondé du maintien des pouvoirs d’exception au-delà d’une durée de soixante jours de leur exercice.

Au total, le texte proposé encadre de manière sérieuse les pouvoirs du Président de la République dans la mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution. Le dispositif retenu permettra ainsi de continuer à disposer d’un outil qui pourrait malheureusement s’avérer nécessaire dans des circonstances exceptionnelles, sans que l’on puisse continuer à en craindre un hypothétique dévoiement.

*

M. Jean Michel a rappelé que l’article 16 figure dans la Constitution en raison des événements survenus en France entre mai et juillet 1940 et qu’il a connu une seule application au moment de la guerre d’Algérie, à la suite du putsch des généraux en 1961. Tout le problème est que la mise en œuvre de l’article est conditionnée par l’interruption du fonctionnement régulier des institutions : il semble donc incohérent de prévoir une réunion du Conseil constitutionnel dans ce contexte. En cas d’occupation du territoire, par exemple, un tel dispositif aurait du mal à s’appliquer.

M. Yves Fromion s’est interrogé sur l’articulation des dispositions de l’article 16 avec les engagements européens de la France dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense, le traité de Lisbonne comportant notamment une clause de solidarité liant les différents États membres. Pour que l’article 16 puisse être mis en application, est-il nécessaire que la menace porte directement sur le territoire national ou bien suffirait-il qu’un des États membres de l’Union soit en danger ?

M. François Lamy a évoqué, dans le même esprit, les engagements figurant à l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord.

Le rapporteur a rappelé que la rédaction actuelle de l’article 16 soumet sa mise en œuvre à des conditions cumulatives. En effet, il faut, tout à la fois, que « les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux » soient menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels soit interrompu, ce qui encadre nettement le dispositif.

M. Damien Meslot a estimé que la mise en œuvre de l’article 16 constitue avant tout une prérogative du Président de la République : c’est à lui de juger si les conditions sont réunies, en fonction des évènements.

M. Gilbert Le Bris a considéré que les dispositions de l’article 16 avaient été largement inspirées par la volonté de remédier à la paralysie institutionnelle constatée sous la IVe République, en permettant l’utilisation de moyens particuliers adaptés aux circonstances. Sa mise en œuvre relève effectivement avant tout de l’appréciation du Président de la République. L’alternative est donc de supprimer l’article 16 ou de l’accepter comme un pouvoir particulier confié au Président de la République.

M. Bernard Cazeneuve a souligné que l’importance de l’appréciation du Président de la République ne devait pas empêcher le Parlement de jouer tout son rôle dans le contrôle de ce qui demeure un pouvoir exorbitant du droit commun constitutionnel. Il est du devoir de la représentation nationale de s’intéresser de près aux conditions de mise en œuvre de l’article 16 et, en cela, le dispositif proposé par le projet de loi est satisfaisant.

M. Philippe Dhuicq a ajouté que la remise en cause éventuelle de l’article 16 pouvait être dangereuse en diminuant l’effectivité de la dissuasion nucléaire.

Le rapporteur a rappelé que le débat ne portait pas sur la suppression de l’article 16 mais bien sur l’encadrement de son usage, ce qui constitue indéniablement une avancée.

M. Jean-Jacques Candelier a estimé, au nom du groupe de la gauche démocrate et républicaine (GDR), que les dispositions prévues par le projet de loi pour encadrer l’article 16 étaient insuffisantes. Celui-ci devrait être supprimé car il est dangereux de confier tous les pouvoirs à un seul homme.

M. François Lamy a expliqué que, dans l’attente d’avancées sur d’autres points à l’occasion des débats des différentes commissions saisies du projet de loi, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (SRC) s’abstiendra à ce stade sur les différents articles examinés par la commission, même s’il souhaite pouvoir être en mesure d’émettre finalement un vote favorable.

La commission a émis un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

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Article 8

Modification des attributions du Premier ministre en matière de défense nationale

En modifiant l’article 21 de la Constitution, le présent article propose de revoir la répartition des pouvoirs entre le Président de la République et le Premier ministre dans le domaine de la défense nationale.

L’article 21 de la Constitution traite du rôle du Premier ministre en tant que chef du Gouvernement. Le premier alinéa dispose qu’il « dirige l’action du Gouvernement ». Le deuxième qu’il est « responsable de la Défense nationale », tandis que le troisième prévoit qu’il « supplée, le cas échéant, le Président de la République dans la présidence des conseils et comités prévus à l’article 15 ».

L’article 15 de la Constitution dispose, quant à lui, que « le Président de la République est le chef des armées. Il préside les conseils et comités supérieurs de la Défense nationale ».

Le général de Gaulle a par la suite décidé d’intituler conseil de défense les réunions présidées par le Président de la République au palais de l’Élysée, et comité de défense celles présidées par le Premier ministre à l’hôtel de Matignon.

Par ailleurs, l’article L. 1111-3 du code de la défense définit les responsabilités respectives des différents acteurs institutionnels en matière de défense. S’il revient au conseil des ministres de définir la politique de défense, les décisions concernant la direction générale de la défense sont arrêtées en conseil de défense. Celles sur la direction militaire de la défense sont pour leur part arrêtées en conseil de défense restreint. Entrent dans cette catégorie les décisions portant en particulier sur la définition des buts à atteindre, sur l’approbation des plans correspondants, sur la répartition générale des forces entre les commandants en chef ou interarmées et sur les mesures destinées à pourvoir aux besoins des forces.

Aux termes de l’article R. 1122-1 du code de la défense, le conseil de défense comprend, outre le Président de la République, le Premier ministre, le ministre des affaires étrangères, le ministre de l’intérieur, le ministre de la défense, le ministre chargé de l’économie et des finances et, s’il y a lieu, sur convocation du Président, les autres ministres pour les questions relevant de leur responsabilité. Selon l’article R. 1122-2 du même code : « Le président du conseil de défense peut, en outre, convoquer pour être entendue par le conseil toute personnalité en raison de sa compétence ».

Ce simple rappel des dispositions législatives et réglementaires en vigueur souligne combien la décision relève du Président de la République dès lors qu’il s’agit de trancher les questions essentielles.

Examinant cette question spécifique, le comité constitutionnel a considéré que « la responsabilité du Président de la République, chef des armées, est plus éminente que les textes ne le prévoient et le partage des rôles entre le chef de l’État et le Premier ministre demeure flou, même en période de cohabitation, la pratique ayant montré qu’en une telle occurrence, ni le Président de la République ni le Premier ministre ne pouvaient exercer pleinement la responsabilité que leur confère le texte de la Constitution ». Directement issu de ces travaux, le présent article supprime, dans le premier alinéa de l’article 21 de la Constitution, la phrase relative aux responsabilités du Premier ministre au regard de la défense nationale. Il le complète ensuite par la phrase suivante : « Il met en œuvre les décisions prises dans les conditions prises au titre de l’article 15 en matière de défense nationale ».

Cette modification ne semble pas s’imposer et il convient d’aborder avec prudence une modification de l’équilibre actuel des institutions en matière de défense au sein de l’Exécutif. La répartition entre le Président de la République et le Premier ministre a en effet fait ses preuves, tant en termes de souplesse que d’efficacité. La nécessité d’une concentration accrue des pouvoirs n’est pas établie, et ce d’autant plus que la Constitution accorde d’ores et déjà une prééminence indiscutable au chef de l’État, chef des armées.

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Le rapporteur a rappelé ses réserves sur la modification de l’équilibre actuel et a donné un avis défavorable à l’adoption de l’article, indiquant que le rapporteur de la commission des lois, saisie au fond, proposerait sa suppression.

M. Bernard Cazeneuve a considéré que la position du rapporteur était encore plus prudente que l’abstention globale du groupe SRC, tout en soulignant que ce dernier souhaitait également que la répartition actuelle des pouvoirs entre le Président de la République et le Premier ministre en matière de défense ne soit pas modifiée. La garantie d’une suppression de l’article 8 pourrait contribuer à l’évolution du groupe socialiste vers un vote positif.

Le rapporteur a précisé qu’il était défavorable à l’adoption de l’article, ce qui constitue une position plus tranchée que la simple abstention.

M. Jean Michel a souligné les contradictions du dispositif proposé, qui confirme le Président de la République comme chef des armées et unique décideur et retire au Premier ministre la responsabilité de la défense nationale, alors même que lui seul peut être mis en cause par le Parlement. Encore une fois, l’exercice d’un véritable contrôle en cas de dysfonctionnement des institutions apparaît bien difficile. La préservation du système actuel est donc d’autant plus souhaitable qu’elle offre une souplesse d’application selon les circonstances politiques.

M. Jean-Jacques Candelier a fait valoir que le projet de loi retire toute prérogative au Gouvernement en matière de défense nationale, le Premier ministre ne faisant qu’appliquer les décisions prises par le Président de la République. La responsabilité de l’ensemble de la politique du pays doit incomber au Gouvernement, responsable devant le Parlement, et il n’est pas souhaitable de donner trop de pouvoirs à un seul homme. Qui peut dire quelle serait la situation actuelle de la France vis-à-vis du bourbier iraqien si l’actuel Président de la République avait été aux affaires plus tôt ?

Rappelant l’opposition du général de Gaulle et des constituants à l’instauration d’un domaine réservé pour le Président de la République en matière de défense et de politique étrangère, M. Bernard Cazeneuve a approuvé l’analyse du rapporteur privilégiant l’équilibre actuel des pouvoirs. La nouvelle rédaction du texte induirait en effet une présidentialisation de la défense nationale et un recul du rôle du Parlement, celui-ci ne pouvant plus mettre en cause la responsabilité du Gouvernement dans ce domaine, et ce alors même que le Président pourrait désormais s’exprimer devant les assemblées. Il a donc appelé le rapporteur à aller au bout de la logique en déposant un amendement de suppression de cet article.

Le rapporteur a précisé qu’un avis défavorable a le même effet qu’un amendement de suppression.

M. Bernard Cazeneuve l’a reconnu mais a souligné la différence de portée politique de ces deux approches.

La commission a émis un avis défavorable à l’adoption de cet article.

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Article 11

Élargissement du champ des lois de programmation

Prenant en compte la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le présent article modifie l’article 34 de la Constitution afin d’étendre le champ des lois de programmation au-delà des seuls domaines économique et social.

Dans sa rédaction actuelle, l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution dispose que « des lois de programmes déterminent les objectifs de l’action économique et sociale de l’État ».

Jusqu’à l’entrée en vigueur des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF), cette disposition se combinait avec celle de l’article 1er de l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances qui indiquait que « les autorisations de programme peuvent être groupées dans des lois dites « lois de programme ». »

Par deux décisions rendues en 2005, le Conseil constitutionnel a souligné les limites du recours aux lois de programmation.

Dans celle du 7 juillet 2005 sur la loi de programme fixant les orientations de la politique de l’énergie (n° 2005-516 DC), il a ainsi relevé que, du fait de l’entrée en vigueur de la LOLF, « la catégorie des lois de programme à caractère économique et social est définie, depuis le 1er janvier 2005, par le seul avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution ».

Par ailleurs, dans celle du 21 avril 2005 sur la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école (n° 2005-512), le Conseil a estimé que les engagements figurant dans un rapport annexé peuvent ne pas être revêtus de la portée normative qui s’attache à la loi si « ces dispositions sont de celles qui peuvent trouver leur place dans la catégorie des lois de programme à caractère économique ou social prévue par l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution ». La combinaison de ces deux décisions fait donc peser sur la future loi de programmation militaire une incertitude tant en ce qui concerne les prévisions pluriannuelles de dépenses que pour les dispositions figurant dans le rapport annexé qui n’ont pas de portée normative.

Prenant acte des évolutions législatives et jurisprudentielles, le comité constitutionnel a suggéré une modification de l’avant-dernier alinéa de l’article 34, en substituant au mot programme le mot programmation et en supprimant la référence aux domaines économique et social.

Le présent article reprend l’intégralité de cette proposition, permettant ainsi l’examen de lois de programmation portant sur l’ensemble des domaines d’action de l’Etat. Les lois de programmation militaire pourront donc continuer à tracer les perspectives budgétaires et prévoir les capacités requises pour nos forces armées.

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La commission a émis un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

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Article 13

Information et contrôle du Parlement dans le domaine des opérations militaires conduites à l’étranger

Cet article crée une procédure d’information et de contrôle du Parlement sur les opérations extérieures (OPEX). À cette fin, il complète l’article 35 de la Constitution.

Dans sa rédaction actuelle, celui-ci se borne à indiquer que « La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement ». Il n’a jamais été fait usage de cette disposition durant la Ve République. Ainsi, à l’occasion de la participation des forces françaises à la « guerre du Golfe » en 1991, le Gouvernement avait engagé sa responsabilité sur le fondement de l’article 49, premier alinéa, de la Constitution.

En revanche, aucune disposition particulière ne prévoit de procédure d’information ou de contrôle du Parlement au sujet des OPEX, alors même que celles-ci constituent désormais une mission essentielle des forces armées. Comme cela a été noté précédemment, cette situation apparaît largement comme une anomalie au regard des textes ou de la pratique institutionnelle des autres grandes démocraties. Compte tenu des enjeux budgétaires significatifs des opérations extérieures, mais aussi et surtout du besoin de leur conférer une plus grande légitimité, une réforme accroissant les pouvoirs du Parlement apparaît nécessaire. Des réflexions nombreuses ont été menées sur l’opportunité et les modalités d’une meilleure association du Parlement.

Le comité constitutionnel a ainsi estimé qu’ « entre l’idée du « domaine réservé », dont les expériences de « cohabitation » ont montré qu’il était moins clairement délimité qu’on ne l’avait dit, et les dispositions de l’article 35 de la Constitution aux termes desquelles « la déclaration de guerre est autorisée par le Parlement », assez datées dans la mesure où l’engagement de troupes se fait aujourd’hui sans déclaration de guerre, les assemblées assistent, sans être appelées à donner leur sentiment autrement que par le biais de la discussion budgétaire ou de débats très généraux, au déroulement d’opérations militaires qui engagent la réputation de notre pays et, parfois, son avenir. Plusieurs rapports ont appelé l’attention sur la nécessité de renforcer la place et le rôle du Parlement à cet égard ». Il a donc proposé un dispositif prévoyant dans un premier temps une information du Parlement sur toute intervention des forces armées à l’extérieur du territoire de la République, tandis que, dans un second temps, la prolongation de ces opérations au-delà d’un délai de trois mois devrait être autorisée par la loi. Le comité consultatif précité présidé par le doyen Vedel avait, pour sa part, suggéré d’ajouter à l’article 35 un alinéa disposant que « toute intervention des forces armées de la France à l’extérieur du territoire de la République fait l’objet d’une déclaration du Gouvernement devant le Parlement, au plus tard huit jours après son déclenchement. Cette déclaration est suivie d’un débat. »

On relèvera que l’Assemblée nationale n’a pas été absente du débat, comme en témoigne le rapport d’information précité de notre collègue François Lamy, qui avait envisagé un système de contrôle très détaillé, prévoyant une solution pour chaque cas particulier. Selon cette proposition, toutes les opérations extérieures, à l’exception de l’évacuation de ressortissants, devaient faire l’objet d’un avis préalable du Parlement, la conférence des Présidents décidant du renvoi en séance publique ou en commission. Les opérations extérieures ne résultant pas d’une autorisation explicite du Conseil de sécurité des Nations Unies ou de l’application d’un accord de défense, devaient pour leur part être autorisées au préalable par le Parlement.

L’ensemble de ces réflexions avaient pour origine commune les inquiétudes nées de la durée croissante des OPEX. Ainsi, les opérations Épervier au Tchad (depuis 1986) et la difficile opération de stabilisation en Côte d’Ivoire (depuis 2003) ont été engagées sans que le Parlement ait jamais été amené à se prononcer.

Le présent article reprend l’architecture générale de la proposition du comité constitutionnel en créant une double procédure, associant information rapide et nécessité d’une autorisation du Parlement au-delà d’une certaine durée d’intervention.

En ce qui concerne la procédure d’information du Parlement, il convient de distinguer l’information elle-même et la possibilité d’organiser un débat portant sur la décision d’intervention.

La première phrase du deuxième alinéa du présent article prévoit ainsi l’information du Parlement par le Gouvernement des interventions des forces armées à l’étranger « dans les délais les plus brefs ». On notera que la notion d’intervention à l’étranger retenue par le texte est plus précise que celle proposée par le comité constitutionnel, qui visait les interventions à l’extérieur du territoire de la République. De la sorte, les opérations menées dans les eaux et l’espace aérien internationaux ne sont pas concernées. L’information est, pour sa part, postérieure à l’engagement, comme le confirme d’ailleurs l’exposé des motifs, qui indique que « sitôt l’intervention engagée, le Gouvernement aura déjà été tenu d’en informer le Parlement dans les plus brefs délais ». La notion de rapidité sinon d’immédiateté dans l’information est donc déterminante. Afin de s’assurer de cette rapidité, il serait utile de prévoir précisément un délai maximum que le Gouvernement ne saurait dépasser.

Le dispositif proposé permet donc à l’Exécutif de réagir avec toute la rapidité requise à des circonstances qui peuvent être dramatiques, telle que l’évacuation de ressortissants menacés dans un pays en crise. Par ailleurs, on peut observer que le texte reste muet sur les modalités de cette information, qui relèvent du Gouvernement. Cette souplesse permettra notamment d’adapter la procédure retenue à l’importance même de l’opération engagée ainsi qu’à sa nature. Selon les cas, l’Exécutif pourra choisir d’informer les présidents des commissions concernées, les présidents des assemblées ou d’effectuer une déclaration plus solennelle.

La seconde phrase du même alinéa précise que l’information transmise au Parlement peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote. La décision d’organiser ce débat obéit aux nouvelles règles de fixation de l’ordre du jour prévues par l’article 22 du projet de loi. Son inscription à l’ordre du jour de ce débat serait donc décidée en conférence des présidents, soit à l’initiative du Gouvernement, qui disposera encore de deux semaines de séance sur quatre réservée par priorité à ses projets, soit à l’initiative de la majorité, qui disposera de l’autre moitié du temps de séance, soit à l’initiative des groupes parlementaires qui ne déclarent pas soutenir le Gouvernement et à qui une journée de séance par mois est réservée.

S’agissant de la prolongation des opérations extérieures, le principe retenu est celui d’une autorisation par le Parlement.

Le troisième alinéa du présent article prévoit dans sa première phrase que le Gouvernement soumet à l’autorisation du Parlement la prolongation d’une OPEX, lorsque la durée de celle-ci excède six mois. Le comité constitutionnel avait, pour sa part, proposé un délai de trois mois. On peut estimer que ce délai qui laisse une plus grande marge de manœuvre à l’Exécutif est trop long pour conférer au Parlement un droit de regard suffisant. Dans bien des cas, quand l’opération a duré six mois, les troupes sont déjà solidement installées et d’importants matériels ont été déplacés. On peut dès lors considérer qu’un délai ramené à quatre mois permettrait de concilier la souplesse nécessaire d’action pour le Gouvernement, tout en laissant au Parlement le soin d’intervenir au moment même où il s’agit de savoir si l’intervention de nos forces va s’inscrire dans la durée. Le délai de quatre mois est au demeurant le plus souvent celui de la relève des troupes initialement engagées sur un théâtre d’opérations.

La seconde phrase de cet alinéa dispose qu’« en cas de refus du Sénat, le Gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement sur la prolongation de l’intervention ». La mécanique de la « navette » avec prééminence de l’Assemblée nationale sur le Sénat est en quelque sorte reproduite, avec notamment pour différence avec les textes législatifs un nombre de lectures plus limité.

Enfin, le dernier alinéa du présent article prévoit le cas où le Parlement ne serait pas en session au moment où le délai de six mois expire ; dans cette hypothèse, le vote de l’autorisation est reporté à l’ouverture de la session suivante.

S’agissant de l’entrée en vigueur de cette disposition, selon les informations fournies au rapporteur pour avis, le Gouvernement envisage le dépôt d’un amendement tendant à prévoir désormais une entrée en vigueur le 1er janvier 2009. À partir de cette date, toute nouvelle opération devra faire l’objet d’une information du Parlement. Au surplus, s’agissant des opérations déjà engagées, toutes celles qui auront à cette date une durée supérieure à six mois feront l’objet d’une demande d’autorisation de prolongation au Parlement. Ainsi, c’est l’ensemble des OPEX menées actuellement et qui n’auraient pas pris fin au moment de l’entrée en vigueur de la loi qui seront concernées par cette procédure. Des interventions très anciennes et importantes trouveront donc à cette occasion une nouvelle légitimation.

Le dispositif d’ensemble proposé par cet article, tout en tenant compte des responsabilités internationales et militaires de la France ainsi que des contraintes opérationnelles d’emploi des forces, permet un rééquilibrage en profondeur des institutions. Le Parlement devient désormais un acteur à part entière de la politique étrangère et de défense.

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Le rapporteur a estimé qu’il s’agit de l’élément le plus important de la réforme constitutionnelle en matière de défense. L’article 13 du projet de loi crée en effet une procédure de contrôle parlementaire des OPEX en complétant l’article 35 de la Constitution. Le Gouvernement doit tout d’abord informer le Parlement des interventions des forces armées à l’étranger « dans les délais les plus brefs », l’information transmise au Parlement pouvant donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote. Ensuite, la prolongation des opérations au-delà de six mois doit faire l’objet d’une autorisation.

M. Jean-Jacques Candelier a rappelé qu’aux termes de l’article 35 de la Constitution, le Parlement autorise la déclaration de guerre. Il est nécessaire qu’il autorise désormais les opérations extérieures. La politique du fait accompli en ce qui concerne le renforcement de la présence militaire en Afghanistan constitue à cet égard un déni de démocratie. Le projet de loi va dans le bon sens, même s’il ne propose que des avancées insuffisantes. Un délai significativement plus court, de l’ordre de quelques jours, devrait être prévu pour l’autorisation des opérations.

M. François Lamy s’est félicité de l’évolution des esprits dans le domaine du contrôle des opérations extérieures depuis la XIe législature. Il a souligné qu’il importe de donner aux engagements militaires français la plus grande légitimité, sans pour autant peser sur les impératifs opérationnels. Le Parlement doit pouvoir contrôler les OPEX, leur déclenchement restant de la seule compétence du Président de la République. Bien que le projet de loi mette en place un dispositif satisfaisant sur le principe, il n’en reste pas moins qu’il faut, d’une part, améliorer les modalités d’information du Parlement et, d’autre part, réduire le délai dans lequel un vote intervient.

M. Philippe Folliot a considéré que le cadre institutionnel actuel a montré ses limites et que le projet de loi propose des avancées très positives. Il a souhaité une position unanime de la commission de la défense, estimant qu’un consensus permettrait de renforcer la portée symbolique et pratique de ces dispositions, tout en améliorant la perception des travaux du Parlement par la communauté militaire.

M. Damien Meslot a estimé que la situation actuelle est incompatible avec le bon fonctionnement d’institutions démocratiques modernes. Le projet de loi est donc un progrès certain, même si sa formulation peut paraître parfois incertaine, la notion de « délais les plus brefs » pouvant ainsi laisser place à l’interprétation. Il convient d’en améliorer la rédaction sans pour autant faire peser des contraintes excessives sur les forces déployées.

Après avoir également marqué son approbation face aux avancées du texte, M. Christophe Guilloteau a jugé nécessaire l’apport de précisions sur les délais d’information, huit jours apparaissant comme une solution raisonnable.

M. Michel Voisin, président, s’est interrogé sur les modalités de l’information du Parlement en cas d’opération urgente, comme l’évacuation de ressortissants.

La commission a ensuite examiné trois amendements :

– le premier, présenté par les membres du groupe SRC, prévoyant, tout d’abord, que le Gouvernement informe le Parlement de toute intervention dans les trois jours, en précisant les objectifs poursuivis et les effectifs engagés ; ensuite, que le Parlement se prononce par un vote dans les deux semaines ; et, enfin, que la prolongation des opérations est également autorisée au-delà de six mois ;

– le deuxième, présenté par le rapporteur, visant à encadrer le délai d’information ;

– le troisième, présenté par le rapporteur, visant à ramener de six à quatre mois le délai au terme duquel le Gouvernement doit soumettre la prolongation de l’opération à l’autorisation du Parlement.

Le rapporteur a tout d’abord présenté son amendement précisant que l’information du Parlement sur une intervention extérieure doit intervenir au plus tard dans un délai de huit jours, faisant observer que ce délai avait d’ailleurs été retenu en 1993 par le Comité consultatif pour la révision de la Constitution, dit Comité Vedel.

M. Bernard Cazeneuve a reconnu que la rédaction du projet de loi est certes la plus souple et répond le mieux aux contraintes opérationnelles, mais a estimé qu’elle donne au Gouvernement une marge de manœuvre excessive, incompatible avec le renforcement du rôle du Parlement. Il a donc exposé l’amendement des membres du groupe SRC ramenant le délai à trois jours, de façon à éviter que l’information ne soit fournie après la fin de l’opération s’il s’agit d’une intervention de courte durée, comme dans le cas de l’évacuation de ressortissants par des forces prépositionnées. En tout état de cause, il convient de garantir par un délai précis la rapidité de l’information. Celle-ci doit par ailleurs faire état des objectifs poursuivis et des effectifs engagés. L’amendement propose également d’organiser un vote dans les quinze jours suivant l’information du Parlement, ce qui n’est pas exagéré au regard des pouvoirs dont disposent les parlements dans les autres grandes démocraties.

M. Michel Voisin, président, a fait part de ses réserves sur ce dispositif, considérant que les situations d’urgence ne permettent pas toujours d’organiser un débat en séance publique dans un délai aussi bref.

Le rapporteur a rappelé que certaines opérations particulièrement délicates nécessitent la plus grande discrétion. L’organisation d’un débat public peut être préjudiciable, le caractère confidentiel étant une des clés de la réussite de l’intervention.

Approuvant l’analyse du rapporteur, M. Yves Fromion a indiqué que certaines opérations, comme la libération d’otages, ne peuvent être immédiatement rendues publiques.

Il s’est interrogé sur les modalités d’information du Parlement : s’il s’agit de le réunir alors qu’il n’est pas en session, le délai de trois jours est manifestement trop court. Par souci de bien faire, on risque sans doute de mettre en place un dispositif inapplicable. Le texte proposé, prévoyant une information dans les délais les plus brefs, paraît donc suffisant, le Parlement et le Gouvernement étant capables de dialoguer.

M. Jean-Jacques Candelier s’est déclaré favorable au délai de huit jours pour l’information du Parlement, l’estimant raisonnable. En revanche, le délai de six mois au-delà duquel la prolongation doit être autorisée par le Parlement est excessif.

M. François Lamy a rappelé que seules les nouvelles opérations extérieures devront faire l’objet d’une information du Parlement. La prolongation ou le renforcement d’interventions déjà engagées ne nécessitent pas de nouvelle information. Ainsi, les activités ayant lieu au Tchad dans le cadre de l’opération Épervier, engagée depuis 1986, ne rentrent pas dans le champ de l’article 13, pas plus que l’envoi de 700 hommes supplémentaires en Afghanistan. En revanche, seraient concernées des opérations changeant de nature, comme la participation de la France à la FINUL renforcée, ou entièrement nouvelles, comme au Rwanda en 1994. Il importera donc de définir avec précision la notion d’opération extérieure pour déterminer celles qui doivent faire l’objet d’une information du Parlement.

S’agissant des délais d’information, il n’est certainement pas impossible de réunir le Parlement dans les trois jours s’il doit se prononcer sur une question importante. Le vrai problème réside dans la nature des informations transmises. De ce point de vue, l’amendement présenté par les membres du groupe SRC impose au Gouvernement d’indiquer au Parlement quels sont les objectifs poursuivis et les effectifs engagés. De la sorte, même des opérations brèves, pour évacuer des ressortissants par exemple, devront faire l’objet d’une information précise et complète du Parlement, permettant ainsi d’apprécier par la suite si celles-ci ont changé de nature, comme cela a pu être le cas au Rwanda.

M. Michel Voisin, président, a rappelé que lors de l’engagement de troupes au Rwanda en 1994, le Gouvernement avait indiqué appliquer les accords de coopération en vigueur et s’était refusé à donner plus ample explication.

M. Jean-Louis Bernard a souligné que, par-delà les discussions sur les délais précis d’information du Parlement, il convient de ne pas paralyser l’action du Gouvernement en cas de crise, l’exemple allemand étant instructif à cet égard. Compte tenu des contraintes liées à la réunion du Parlement, le délai de huit jours est le plus raisonnable.

M. Philippe Folliot a fait part de sa crainte que les parlementaires continuent à être informés en premier lieu par les médias. Il est essentiel qu’un débat puisse être organisé et que chaque groupe parlementaire puisse s’exprimer, quel que soit le délai envisagé. La nature de l’information fournie sera certainement liée aux modalités retenues : assez générale dans le cadre d’une séance publique, mais plus précise dans le cadre d’une réunion de la commission de la défense, par exemple.

M. François Lamy a rappelé que l’exigence d’une autorisation préalable du Parlement aurait également pu être envisagée, la consultation de celui-ci ne pouvant en aucun cas être considérée comme une perte de temps. Tel n’a cependant pas été le choix du groupe SRC, qui a volontairement inscrit ses propositions dans le cadre proposé par le projet de loi, mais avec la ferme volonté de voir renforcé le contrôle effectivement exercé. Le dispositif du Gouvernement n’est pas suffisamment précis sur les délais d’information, tout en exposant nos troupes à une incertitude juridique en retenant un délai de six mois pour l’intervention d’un vote.

M. Bernard Cazeneuve a observé que l’équilibre des institutions repose sur une double souveraineté : celle du Président de la République et celle de la représentation nationale, chacune étant équivalente et procédant du suffrage universel. Sur des questions aussi importantes et quel que soit le volume d’engagement des troupes, il serait anormal de rompre l’égalité entre ces deux pôles. Le Gouvernement doit pouvoir décider, tout comme le Parlement doit pouvoir autoriser.

S’agissant des inquiétudes sur une éventuelle divergence entre le Président et le Parlement, il convient d’en limiter la portée : le principe majoritaire continuera à s’appliquer et l’opposition sait faire preuve de responsabilité.

M. François Lamy a précisé que si l’amendement du groupe SRC prévoit un délai de trois jours pour l’information du Parlement, la formulation reste suffisamment générale, comme dans le texte initial, pour pouvoir adapter les modalités de cette information au cas par cas. Ensuite, l’amendement propose un vote dans les quinze jours, afin de conférer rapidement toute leur légitimité aux opérations. Enfin, au bout de six mois, le Gouvernement devra demander la prolongation des opérations au Parlement. Le Parlement ne serait ainsi amené à se prononcer par un vote qu’à deux reprises pour une opération donnée. L’expérience montre que, quel que soit le Gouvernement en place, on ne peut plus se satisfaire de débats sans vote.

Le rapporteur a tenu à rappeler que, si des propositions de revalorisation du rôle du Parlement ont été formulées depuis longtemps, c’est au Gouvernement actuel que revient le mérite d’une réforme de grande ampleur. On peut certes toujours réclamer davantage de contrôle. Au demeurant, si l’on suit jusqu’au bout l’argumentation sur les légitimités équivalentes du Président et du Parlement, on risque de s’engager vers un système plus présidentiel que parlementaire. Pour des raisons opérationnelles, il n’est pas souhaitable d’organiser trop tôt un vote d’autorisation des interventions. Dans bien des cas, les opérations sont terminées en trois mois, comme en témoigne l’opération Artémis, menée conjointement avec l’Allemagne en République démocratique du Congo.

La question posée porte avant tout sur les délais d’autorisation de prolongation. Il est légitime que le Parlement se prononce lorsque les opérations s’installent dans la durée, soit généralement lorsque la première relève est mise en place au bout de quatre mois.

Il a souligné que, si le projet de loi prévoit que l’autorisation de prolongation vaut pour toute la durée ultérieure de l’opération, les nouvelles modalités de partage de l’ordre du jour permettront d’organiser ultérieurement des débats sur le déroulement d’opérations dont la prolongation a été autorisée, si les circonstances l’exigent.

M. François Lamy a rappelé que si ses propositions n’avaient pu trouver une traduction législative, c’était parce que le gouvernement de Lionel Jospin avait renoncé à une réforme faute de consensus politique. L’opposition d’alors avait en effet considéré qu’il n’appartenait pas au Parlement de contrôler les OPEX.

Il s’est par ailleurs interrogé sur la pertinence d’un décalage temporel entre la décision du Président de la République d’engager des forces et le vote du Parlement pour autoriser une éventuelle prolongation de l’opération au-delà d’un délai de quatre ou six mois. Même si le délai de quatre mois proposé par le rapporteur correspond à une réalité opérationnelle, celle de la relève, il n’apparaît satisfaisant ni sur le plan juridique, ni sur le plan politique. Il importe de donner le plus rapidement possible aux diverses opérations la légitimité que confère un vote du Parlement. Le projet de loi entretient la communauté militaire dans une relative incertitude : si le Parlement vote contre la prolongation de l’opération, il en délégitimise rétroactivement les premiers mois.

Reprenant l’analyse du rapporteur sur la capacité du Parlement de débattre sur les opérations extérieures, M. Bernard Cazeneuve a observé que l’existence dans la Constitution d’une procédure spécifique pour les OPEX pourrait faire obstacle à ce que le Parlement use de ses prérogatives ordinaires en la matière. Il a donc demandé au rapporteur de préciser quel serait le fondement juridique d’un tel débat.

Le rapporteur a répondu que l’article 22 du projet de loi prévoit que le Parlement est maître de la moitié de son ordre de jour. Il pourra donc organiser un débat sur tel ou tel engagement militaire extérieur, même si sa prolongation a déjà été autorisée.

M. Jean Michel a relevé que, quelles que soient les nouvelles attributions du Parlement, elles ne permettront pas d’organiser des votes réguliers sur la prolongation à long terme des OPEX. Alors que certaines opérations peuvent durer plusieurs dizaines d’années, elles ne feront de fait l’objet que d’une seule autorisation initiale de prolongation.

Il a par ailleurs fait valoir que l’obligation d’information prévue dans le présent article n’oblige le Gouvernement ni à réunir le Parlement, ni à organiser un débat public. L’amendement du rapporteur précisant le délai d’information est donc insuffisamment contraignant.

Le rapporteur a mis en garde contre les dérives vers une forme de vote préalable au déclenchement des interventions militaires. L’exemple allemand doit être médité : les contraintes constitutionnelles sur l’emploi des forces ne sont pas étrangères au retard de la participation de l’Allemagne à l’EUFOR au Tchad. La mise en place d’un système de contrôle parlementaire trop contraignant conduirait nécessairement à affaiblir nos capacités opérationnelles et ne prendrait pas en considération les spécificités des responsabilités militaires et internationales de la France.

M. François Lamy a fait observer que l’amendement des membres du groupe SRC ne fait état d’aucun vote préalable et ne prévoit qu’un vote a posteriori, le déclenchement des opérations restant de la seule responsabilité du Président de la République. Il a par ailleurs estimé raisonnable qu’un débat soit organisé quinze jours après l’information du Parlement.

Le rapporteur s’est déclaré opposé à ce délai de quinze jours, ne serait-ce que parce que les troupes mettent parfois du temps à être déployées. La décision de participer à la FINUL renforcée a ainsi été prise en août 2006 et les forces n’ont été effectivement déployées que deux mois plus tard.

La commission a rejeté l’amendement présenté par les membres du groupe SRC. Puis elle a adopté les deux amendements présentés par le rapporteur.

Elle a ensuite émis un avis favorable à l’adoption de l’article 13 ainsi modifié.

*

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article 13

Amendement n° 10 présenté par M. Guy Teissier, rapporteur pour avis :

Compléter la première phrase de l’alinéa 2 de cet article par les mots : « et au plus tard dans les huit jours ».

Amendement n° 11 rectifié présenté par M. Guy Teissier, rapporteur pour avis :

I - Dans la première phrase de l’alinéa 3 de cet article, substituer au mot :

« six »,

le mot :

« quatre ».

II – En conséquence, dans l’alinéa 4 du même article, substituer au mot :

« six »,

le mot :

« quatre ».

AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Article 13

Amendement présenté par MM. Bernard Cazeneuve, François Lamy, Mme Patricia Adam et les membres du groupe SRC :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 35 de la Constitution est ainsi complété :

« Le Gouvernement informe le Parlement des interventions des forces armées à l’étranger dans les trois jours qui suivent le début de celles-ci. Il précise les objectifs poursuivis et les effectifs engagés. Il soumet ses propositions au vote des deux assemblées dans les deux semaines qui suivent leur information. »

« L’éventuelle poursuite des opérations au-delà des six premiers mois est soumise au vote des assemblées. »

« Faute d’accord entre les deux assemblées lors des votes évoqués dans le présent article, le Gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement à la majorité absolue de ses membres. »

« Afin d’assurer le respect des délais fixés dans le présent article, les assemblées se réunissent, si besoin est, de plein droit en session extraordinaire. »

© Assemblée nationale

1 () Texte n° 481, déposé le 16 septembre 1991 au cours de la troisième session extraordinaire de 1990-1991.

2 () Contrôler les opérations extérieures, rapport d’information n° 2237, 8 mars 2000, XIe législature.

3 () La question de la légitimité des interventions dans le cadre normal de la défense du territoire des nations membres de l’OTAN ne se posait pas ; c’est la multiplication des opérations « hors zones » et le souhait de voir l’Allemagne réunifiée assumer sa part de la charge croissante des opérations de maintien et de rétablissement de la paix qui ont conduit à cette évolution.