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N° 892

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 mai 2008.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE (N° 820) de modernisation des institutions de la Ve République,

PAR M. Jean-Luc WARSMANN,

Député.

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Voir les numéros : 881, 883, 890.

INTRODUCTION 7

I. — LA CONSTITUTION DE 1958 : SOLIDE, ADAPTABLE, PERFECTIBLE 11

A. UNE RÉPUBLIQUE QUI N’EST PAS RESTÉE MONOLITHIQUE 11

1. La nécessaire préservation des acquis de la Ve République 11

2. Le suffrage populaire, l’État de droit, l’Europe et la décentralisation 15

B. UNE RÉPUBLIQUE QUI MÉRITE D’ÊTRE MODERNISÉE 20

1. Un Parlement, pour quoi faire ? 21

a) Un processus législatif dégradé 23

b) Une activité de contrôle insuffisamment développée 28

2. Une meilleure participation des citoyens, comment faire ? 33

a) La désaffection persistante des Français pour la vie publique 33

b) La recherche inaboutie d’une meilleure implication des citoyens 34

II. — LA RÉVISION DE 2008 : NÉCESSAIRE, COHÉRENTE, AMBITIEUSE 36

A. LA PRÉSERVATION DES FONDEMENTS DU RÉGIME 37

1. Les risques inutiles de l’aventure constitutionnelle 37

2. Le maintien de l’alliance du pouvoir incarné et du pouvoir représentatif 39

B. LES MOYENS DE LA MODERNISATION 43

1. Un Parlement pour restaurer la force de la loi et équilibrer le pouvoir exécutif 43

a) Un pouvoir exécutif tempéré et un pouvoir législatif revalorisé 44

b) Une procédure législative réformée en profondeur 47

c) Une fonction de contrôle reconnue dans sa plénitude 51

d) Une place garantie à l’opposition 54

2. Un État de droit pour renforcer la place du citoyen 59

a) Un accès des citoyens à la justice constitutionnelle assuré 59

b) Une autorité judiciaire raffermie 63

c) Un Conseil économique et social modernisé 65

d) Un Défenseur des droits des citoyens institué 66

AUDITION DE MME RACHIDA DATI, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE
DE LA JUSTICE, ET DE M. ROGER KAROUTCHI, SECRÉTAIRE D’ÉTAT CHARGÉ DES RELATIONS AVEC LE PARLEMENT
69

AUDITION DE M. ÉDOUARD BALLADUR, PRÉSIDENT DU COMITÉ DE RÉFLEXION ET DE PROPOSITION SUR LA MODERNISATION ET LE RÉÉQUILIBRAGE DES INSTITUTIONS DE LA Ve RÉPUBLIQUE 87

EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE 93

Avant l’article 1er 93

Article 1er (art. 4 de la Constitution) : Statut de l’opposition 105

Article 2 (art. 6 de la Constitution) : Limitation du nombre de mandats présidentiels consécutifs 122

Après l’article 2 126

Article 3 (art. 8 de la Constitution) : Composition du Gouvernement 126

Après l’article 3 133

Article 4 (art. 13 de la Constitution) : Consultation d’une commission composée
de parlementaires sur les nominations
136

Article 5 (art. 16 de la Constitution) : Contrôle du Conseil constitutionnel sur les conditions de mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels 148

Article 6 (art. 17 de la Constitution) : Droit de grâce 154

Article 7 (art. 18 de la Constitution) : Déclaration du Président de la République
au Parlement
160

Article 8 (art. 21 de la Constitution) : Clarification du rôle du Premier ministre en matière de défense nationale 169

Article additionnel après l’article 8 (art. 23 de la Constitution) : Incompatibilité entre fonction ministérielle et fonction exécutive locale 177

Article 9 (art. 24 de la Constitution) : Missions et composition du Parlement 178

Après l’article 9 208

Article 10 (art. 25 de la Constitution) : Retour des ministres au Parlement et délimitation des circonscriptions électorales 209

Après l’article 10 230

Article additionnel après l’article 10 (art. 33 de la Constitution) : Publicité des auditions réalisées par les commissions parlementaires 230

Article 11 (art. 34 de la Constitution) : Domaine de la loi 235

Article 12 (art. 34-1 [nouveau] de la Constitution) : Vote de résolutions par les assemblées parlementaires 241

Article 13 (art. 35 de la Constitution) : Information et contrôle du Parlement sur l’intervention des forces armées à l’étranger 253

Après l’article 13 266

Article 14 (art. 39 de la Constitution) : Avis du Conseil d’État sur les propositions de loi 268

Après l’article 14 276

Article 15 (art. 41 de la Constitution) : Protection du domaine législatif 277

Article 16 (art. 42 de la Constitution) : Engagement de la discussion législative sur le texte de la Commission 294

Article 17 (art. 43 de la Constitution) : Nombre de commissions permanentes 315

Article 18 (art. 44 de la Constitution) : Exercice du droit d’amendement 323

Article 19 (art. 45 de la Constitution) : Conditions de mise en œuvre de la procédure d’urgence 351

Article 20 (art. 46 de la Constitution) : Délai d’examen des projets et propositions de loi organique 356

Après l’article 20 359

Article 21 (art. 47, 47-1 et 47-2 [nouveau] de la Constitution) : Missions de la Cour des comptes 360

Article 22 (art. 48 de la Constitution) : Fixation de l’ordre du jour 368

Après l’article 22 389

Article 23 (art. 49 de la Constitution) : Engagement de la responsabilité du Gouvernement 390

Article additionnel après l’article 23 (art. 50-1 [nouveau] de la Constitution) : Déclaration du Gouvernement à caractère thématique 398

Article 24 (art. 51-1 [nouveau] de la Constitution) : Droits des groupes parlementaires 398

Article 25 (art. 56 de la Constitution) : Composition du Conseil constitutionnel 418

Après l’article 25 423

Article 26 (art. 61-1 [nouveau] de la Constitution) : Question préjudicielle de constitutionnalité 423

Article 27 (art. 62 de la Constitution) : Conséquence d’une inconstitutionnalité prononcée en réponse à une question préjudicielle 443

Après l’article 27 444

Article 28 (art. 65 de la Constitution) : Conseil supérieur de la magistrature 445

Article additionnel après l’article 28 (titre XI de la Constitution) : Intitulé du titre relatif au Conseil économique et social 460

Article 29 (art. 69 de la Constitution) : Saisine du Conseil économique et social par voie de pétition 460

Article 30 (art. 70 de la Constitution) : Compétence du Conseil économique et social en matière environnementale 463

Article additionnel après l’article 30 (art. 71 de la Constitution) : Coordination 466

Article additionnel après l’article 30 (art. 71 de la Constitution) : Nombre maximal
de membres du Conseil économique, social et environnemental
466

Article 31 (titre XI bis [nouveau] et art. 71-1 [nouveau] de la Constitution) : Défenseur des droits des citoyens 467

Après l’article 31 474

Article 32 (art. 88-4 de la Constitution) : Suivi parlementaire des activités de l’Union européenne 476

Article 33 (art. 88-5 de la Constitution) : Procédure d’autorisation de ratification
des traités portant élargissement de l’Union européenne
504

Après l’article 33 510

Article 34 : Entrée en vigueur 510

Article 35 (art. 88-4 et 88-5 de la Constitution ; art. 4 de la loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution et art. 2 de la loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution) : Prise en compte de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne 514

TABLEAU COMPARATIF 519

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 545

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 547

ANNEXES 579

MESDAMES, MESSIEURS,

La Constitution du 4 octobre 1958, approuvée par près de 83 % des suffrages exprimés lors du référendum organisé le 28 septembre, aura bientôt un demi-siècle d’existence. Elle a fait entrer la France dans une période de stabilité sans précédent dans son histoire institutionnelle si riche en soubresauts, en surprises et, parfois, en revers. Truisme que de constater que cette stabilité est d’autant plus remarquable que les évolutions culturelles, sociales, économiques, internationales ne laissent de donner l’impression de s’accélérer.

Cette accélération n’est cependant pas sans conséquence sur nos institutions, qui méritent d’être modernisées.

Fort de ce constat et répondant aux engagements pris devant les Français durant la campagne pour l’élection présidentielle des 22 avril et 6 mai 2007, le Président de la République, le 12 juillet 2007, dans son discours fondateur d’Épinal (1), a prôné l’avènement d’une démocratie irréprochable et annoncé, dans un même mouvement, la mise en place d’un « comité qui associera des hommes politiques, des juristes, des intellectuels, auxquels je demanderai de réfléchir ensemble et me faire des propositions d’ici au 1er novembre pour que notre République devienne irréprochable. Pour que nos institutions soient adaptées aux exigences de la démocratie du XXIe siècle, qui ne sont pas celles du XIXe, ni celles d’il y a cent ans, ni celles d’il y a cinquante ans. »

Ainsi, a été créé par un décret du 18 juillet 2007 ((2), sous la présidence de M. Édouard Balladur, le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, composé de treize membres, issus de tous les courants de pensée, d’horizons différents et complémentaires (3). Sur le fondement d’une lettre de mission du Président de la République en date du même jour, ayant procédé à un travail approfondi d’analyse complété par de très nombreuses auditions, le Comité remit son rapport le 29 octobre 2007, après trois mois et demi d’analyses, d’auditions et de rédaction (4).

Dans une lettre du 12 novembre adressée au Premier ministre, le Président de la République a fait connaître les suites qu’il entendait donner aux soixante-dix-sept propositions formulées par ce comité. Dans le même temps, il l’a chargé de conduire auprès des différentes forces politiques les consultations nécessaires pour recueillir le plus large accord possible sur un projet de révision de la Constitution.

À l’Assemblée nationale, lors de la séance des questions d’actualité qui a immédiatement suivi la remise du rapport du « comité Balladur », le Premier ministre a ainsi fort opportunément rappelé que « les institutions serviront à plusieurs majorités » (5). Il a communiqué au Président de la République le résultat de ces consultations le 15 décembre 2007. Après de nouvelles discussions, un avant-projet de loi a été transmis au Conseil d’État le 20 mars dernier. Le présent projet de loi constitutionnelle a été adopté en Conseil des ministres le 23 avril et déposé immédiatement sur le bureau de notre Assemblée.

Certes, le temps qui nous est imparti peut sembler relativement court, compte tenu des enjeux. Mais qui nierait que les questions sont posées depuis des années, voire des décennies ? Qui ne reconnaîtrait pas que toutes les solutions ont été proposées depuis des mois, en particulier au cours de la campagne de l’élection présidentielle et de la campagne des élections législatives, et ce, par tous les candidats ? Qui oublierait les travaux du comité présidé par M. Édouard Balladur, qui se sont déroulés en toute transparence, comité dont la composition même et le large consensus que ses conclusions ont recueilli parmi ses membres empêchent de qualifier de partial et de partisan ? Enfin, le rapporteur a pu procéder à de très nombreuses auditions ouvertes à tous les députés (6), au-delà des seuls membres de la commission des Lois, ainsi qu’à la presse. Le temps est venu pour le constituant de décider, de choisir parmi les différentes options.

Comme le soulignait M. Maurice Duverger en 1961, « si l’on néglige les plans mirifiques ou naïfs qui correspondent à la science politique-fiction ou aux inventions du concours Lépine, pour s’en tenir aux seules solutions sérieuses, il faut bien constater que celles-ci sont rares » (7). Rappelons qu’en 1958, entre la loi du 3 juin (8) qui lançait le processus et la promulgation de la Constitution elle-même, le 4 octobre, quatre mois seulement – trois si l’on considère le seul temps d’élaboration – se sont écoulés et l’ampleur de la tâche était sans nul doute incomparable. Le président du Groupe socialiste au Sénat lui-même, M. Jean-Pierre Bel, dans ses propositions de réforme institutionnelle adressées à la candidate socialiste à la dernière élection présidentielle, préconisait l’organisation, « dans le cadre du régime parlementaire majoritaire dont le chef de l’État demeure la clef de voûte », d’un référendum dès le mois de septembre 2007 (9).

Sur le fond, le « comité Balladur » a fait trois constatations. En premier lieu, il a déduit de la présidentialisation du régime et du « parlementarisme rationalisé » (10), que « le rééquilibrage des institutions passe d’abord, dans le cadre du régime tel qu’il fonctionne aujourd’hui, par un accroissement des attributions et du rôle du Parlement ». En deuxième lieu, il a relevé « la nécessité, apparue du fait de la survenance des expériences dites de " cohabitation ", de clarifier les attributions respectives du Président de la République et du Premier ministre ». Enfin, il a estimé que « les institutions de la Ve République ne reconnaissent pas aux citoyens des droits suffisants ni suffisamment garantis ».

À partir de ce triple constat, pour moderniser et rééquilibrer les institutions de la Ve République, le comité constitutionnel a proposé à la fois de mieux contrôler l’exécutif, de renforcer le Parlement et d’accorder aux citoyens des droits nouveaux. Ce triptyque rejoint largement celui dessiné avant lui par le comité présidé par le doyen Vedel (11) − un exécutif mieux défini, un Parlement plus actif, un citoyen plus présent −, montrant ainsi la permanence des difficultés que rencontrent nos institutions. Mais, quinze ans après le « comité Vedel », le consensus parmi les membres du comité constitutionnel présidé par M. Édouard Balladur a sans doute été encore plus fort.

La stabilité nécessaire pour dépasser les limites du « Parlement gouvernant » de la IVe République a été obtenue au prix de contraintes très fortes sur le pouvoir législatif, incarné par un « parlementarisme rationalisé » devenu progressivement un « parlementarisme corseté ». Analysant les fondements de la Constitution de 1958, l’historien peut relever que « jamais sans doute, au cours de deux siècles d’histoire du parlementarisme pourtant riche d’innovations constitutionnelles, on n’a vu une telle débauche de moyens mis au service de la suprématie du pouvoir " exécutif ", une telle combinaison d’instruments de discipline parlementaire » (12). Analysant la pratique, il constate qu’en tendance l’arbitrage ministériel a remplacé la délibération parlementaire (13).

Or, compte tenu de l’évolution de notre société et des démocraties qui nous entourent, certaines de ces contraintes ne peuvent plus être acceptées. C’est l’objectif du présent projet de loi constitutionnelle que d’y remédier. Réviser sans bouleverser, moderniser sans nier, adapter sans détruire, tels sont les principes qui doivent gouverner notre assemblée dans son œuvre constituante.

En matière de réforme institutionnelle, il paraît sans doute plus facile de brandir l’étendard de la révolution, idée bien française selon laquelle la solution de tous les problèmes politiques, économiques et sociaux se trouve dans le changement de Constitution. Certains utilisent ainsi le discours de la réforme constitutionnelle comme une force symbolique, manifestation suprême de la volonté politique, capable de fonder tous les changements. Une telle croyance justifierait mille fois de changer le numéro de la République. Mais il s’agit là seulement d’une croyance.

La réalité est toute autre. Notre République éprouve certains dysfonctionnements. Chacun les connaît et les reconnaît. Si la République a changé depuis cinquante ans – il suffit de rappeler le chapelet des révisions pour s’en convaincre –, elle n’a pas connu de « mise à jour » globale qui suspende, pour un temps, le cours des choses et permette de faire le point et de présenter des remèdes efficaces aux difficultés que peut subir le jeu de nos institutions. C’est cet exercice qu’il nous est proposé aujourd’hui de faire.

La présente révision n’est ni une fin en soi ni un moyen suffisant. Elle doit se lire non seulement dans un contexte général de réforme profonde de l’État (14), mais surtout comme le point de départ de modifications qui nécessiteront d’adapter, parfois de manière substantielle, la loi organique, la loi et les règlements des assemblées, et qui permettront de prendre la mesure exacte de ce qu’impliquent les changements constitutionnels proposés. Pour reprendre la formule de Royer-Collard, « les Constitutions ne sont pas des tentes faites pour le sommeil » (15). Cela implique également un changement dans les pratiques. Selon la formule du Général de Gaulle, utilisée lors de sa conférence de presse du 31 janvier 1964, « une Constitution, c’est un esprit, des institutions, une pratique ». L’esprit qui était alors évoqué doit rester le même : il « procède de la nécessité d’assurer aux pouvoirs publics l’efficacité, la stabilité et la responsabilité ». Les institutions doivent être adaptées. La pratique, telle qu’elle s’est construite, gouvernement après gouvernement, décennie après décennie, devra être changée.

I. — LA CONSTITUTION DE 1958 : SOLIDE, ADAPTABLE, PERFECTIBLE

Née dans la crise, la Ve République, en perdurant, a acquis sa force et sa légitimité, donnant à tous les acteurs politiques les moyens d’exercer leurs responsabilités. Si sa Constitution a été régulièrement aménagée, ces modifications n’ont pas permis de palier certains manques ou de corriger certains déséquilibres.

A. UNE RÉPUBLIQUE QUI N’EST PAS RESTÉE MONOLITHIQUE

La Constitution du 4 octobre 1958 est classée de manière traditionnelle parmi les Constitutions rigides. En effet, sa procédure de révision, fixée dans son article 89, impose l’addition d’un accord entre les deux assemblées et d’un référendum, lorsqu’il s’agit d’une proposition de révision, du même accord entre les deux assemblées et soit d’un Congrès qui se prononce à la majorité qualifiée, soit d’un référendum, lorsqu’il s’agit d’un projet de révision.

Paradoxalement, cette rigidité n’a empêché ni une grande souplesse dans la pratique, ni un nombre de révisions – vingt-trois – important depuis 1958 (16). Nonobstant, les principes fondateurs de la Ve République ont été préservés.

1. La nécessaire préservation des acquis de la Ve République

Il n’est pas inutile de le rappeler, cinquante ans après. La Ve République est née d’abord de l’échec de la IVe République. Cette dernière, qui n’a pas résisté à l’élargissement de l’espace public, ne parvenait pas non plus à assurer la stabilité du Gouvernement. Un observateur patenté pouvait ainsi en constater le décès : « la IVe République n’a été en réalité ni renversée ni abattue. L’anémie pernicieuse, l’espèce de leucémie dont elle souffrait depuis longtemps, ne lui laissait plus la force de réagir. Le char de l’État n’était pas seulement embourbé. À l’instant critique sa lourde masse demeurait immobile, paralysée, les commandes ne répondant plus, les engrenages tournant dans le vide. » (17)

À l’instabilité des gouvernements s’ajoutait l’instabilité de leur chef. De sa naissance à sa mort, en douze ans, la IVe République aura connu vingt-cinq gouvernements, soit environ un tous les six mois, pour dix-huit présidents du Conseil différents, quand la Ve République en a connu trente-quatre en cinquante ans, soit un tous les dix-huit mois environ, pour dix-neuf Premiers ministres différents (18).Sous la IIIe République, l’instabilité était déjà décriée. Quarante-six gouvernements se succédèrent de janvier 1920 à juin 1940, avec une durée moyenne inférieure à six mois.

Le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, lors du discours d’Épinal du 12 juillet 2007, a fait la même analyse : « Le régime des partis revint avec le régime d’assemblée. La IVe République ressuscita ce qu’il y avait de pire dans la IIIe. On sait comment cela se termina. Derrière l’énergie française qui accomplit en un temps record le miracle de la reconstruction, derrière la mise en place de ce nouveau contrat social que les hommes du Conseil National de la Résistance avaient imaginé, derrière tant d’ardeur, tant de courage, tant de travail français, le régime armait la machine infernale qui pouvait une fois de plus placer le pays au bord du gouffre.

« 1958, ce fut une fois encore moins la défaillance des hommes que l’aboutissement de la longue crise institutionnelle qui n’avait pratiquement pas cessé depuis que la IVe République avait commencé. (…) Il faut avoir la mémoire bien courte ou la haine viscérale de l’État et de la République pour éprouver de la nostalgie pour ce régime d’impuissance où les gouvernements se trouvaient renversés aussitôt qu’ils étaient formés. »

L’éclipse à la fois régulière et impromptue du pouvoir exécutif, particulièrement dommageable lorsque la République a dû faire face à des questions aussi graves que les crises indochinoise et algérienne (19), a ainsi précédé, sans interruption constitutionnelle – fait quasi inédit dans l’histoire institutionnelle française (20) – une période marquée par la stabilité, seule susceptible d’assurer la continuité de la vie républicaine, face à des événements tout aussi graves. Le fondateur de la Ve République en a fait une description à la fois juste et haute en couleurs.

LES ERREMENTS DE LA IVe RÉPUBLIQUE
VUS PAR LE GÉNÉRAL DE GAULLE

Pendant douze ans, leur système fit donc, une fois de plus, ses preuves. Tandis que se nouait et se dénouait sans relâche dans l’enceinte du Palais-Bourbon et dans celle du Luxembourg l’écheveau des combinaisons, intrigues et défections parlementaires, alimentées par les motions des congrès et des comités, sous les sommations des journaux, des colloques, des groupes de pression, dix-sept présidents du Conseil, constituant vingt-quatre ministères, campèrent tour à tour à Matignon. (…) tous hommes de valeur et, à coup sûr, qualifiés pour les affaires publiques – six d’entre ces dix-sept (1) avaient été ministres, quatre le seraient plus tard – mais successivement privés, par l’absurdité du régime, de toute réelle emprise sur les événements. Combien de fois, les voyant se débattre loin de moi dans l’impossible, me suis-je attristé de ce gaspillage ! Quoi que chacun d’eux pût tenter, le pays et l’étranger assistaient donc au spectacle scandaleux de « gouvernements » formés à force de compromis, battus en brèche de toutes parts à peine étaient-ils réunis, ébranlés dans leur propre sein par les discordes et les dissidences bientôt renversés par un vote qui n’exprimait, le plus


souvent, que l’appétit impatient de candidats aux portefeuilles, et laissant dans leurs intervalles des vacances dont la durée atteignait jusqu’à plusieurs semaines. Encore, sur les tréteaux, où se jouait la comédie, assistait-on, en intermèdes, aux entrées et sorties des présidents « consultés », ou « pressentis », ou « investis », avant que l’un fût en charge. À l’Élysée, Vincent Auriol, puis René Coty, chefs de l’État qui n’en pouvaient mais quel que fût leur souci du bien public et de la dignité nationale, présidaient avec résignations aux dérisoires figures de ballet.

Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir. Le renouveau 1958-1962, in Mémoires, Paris, Gallimard, 2000 (1970 pour l’édition originale), pages 885 et 886.

(1) Le Général refuse d’être classé parmi les « anciens présidents du Conseil », mais intègre à sa liste Félix Gouin, Georges Bidault et Léon Blum qui furent après lui, en 1946-1947, présidents du Gouvernement provisoire et, comme lui, à la fois chefs d’État et de gouvernement.

A contrario la qualité de stabilité des institutions de la Ve République est d’abord incarnée par le Président de la République, qui, en application du premier alinéa de l’article 5 de la Constitution, « assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État ». Dans le droit et dans les faits, le Président de la République occupe ainsi une place originale, qui distingue notre régime. Ainsi que le soulignait M. Maurice Duverger, dès 1961, avant même que le Président ne soit élu au suffrage universel direct, « la situation du chef de l’État de la Constitution de 1958 repose sur une contradiction fondamentale. S’il a réellement du prestige et de l’autorité, il ne se confinera point dans ce rôle de Père éternel, regardant de très loin le cours normal des actions humaines, descendant du Ciel à des moments exceptionnels pour donner la chiquenaude qui remet les choses en place, puis reprenant ensuite sa position confortable de Dieu fainéant. Il voudra s’occuper effectivement des affaires, c’est-à-dire gouverner. » (21)

C’est précisément cette contradiction fondamentale, mais non dirimante, qui a été assumée par tous les Présidents de la République depuis 1958, que légitime l’élection directe du chef de l’État par le peuple et qui permet au pays d’être conduit et dirigé, à travers les aléas de la vie nationale et les crises internationales. Cité par Alain Peyrefitte, le Général de Gaulle soulignait dès le 12 septembre 1962 que les institutions « ont fait leurs preuves. Avec elles, nous avons traversé des drames qui auraient emporté dix fois les précédentes Républiques » (22). Durant toutes ces épreuves, les Premiers ministres ont pu demeurer en place jusqu’à la résolution de la crise.

Le pari d’un équilibre entre régime d’assemblée et régime présidentiel lancé par Michel Debré, dans son discours du 27 août 1958 de présentation du projet de nouvelle Constitution au Conseil d’État, a réussi : « À la confusion des pouvoirs dans une seule assemblée, à la stricte séparation des pouvoirs avec priorité au chef de l’État, il convient de préférer la collaboration des pouvoirs – un chef de l’État et un Parlement séparés, encadrant un Gouvernement issu du premier et responsable devant le second ». Cette originalité est bien apparue au fil du temps. Elle mérite d’être conservée. Dès 1963, la question constitutionnelle a été posée par le dépôt d’une série de propositions de loi, dont l’examen a révélé cette double nature du régime, alors mal acceptée, les uns voulant tirer la Constitution vers le régime présidentiel, les autres souhaitant l’avènement d’un régime parlementaire plus net (23).

Le régime a survécu au départ de son fondateur, les alternances politiques ont pu intervenir sans bouleversement institutionnel. Cette continuité institutionnelle a été scellée lors de l’élection de François Mitterrand à la Présidence de la République en 1981, alors même que celui-ci avait résolument fait campagne contre l’adoption de la Constitution et fut l’auteur, en 1964, d’un essai intitulé Le coup d’État permanent. Mais il est vrai aussi qu’il avait été candidat à la première élection du Président de la République au suffrage universel direct et qu’il avait affirmé, lors d’un entretien donné à la revue Pouvoirs, qu’il n’était pas opposé à l’utilisation de l’article 11 de la Constitution pour une révision constitutionnelle, utilisation à laquelle le Général de Gaulle recourut en 1962 et en 1969 (24).

La Constitution, interprétée dans sa lettre, a également résisté à trois périodes dites « de cohabitation », caractérisées par un Président de la République et une Assemblée nationale issus de majorités différentes, entre mars 1986 et mai 1988, entre mars 1993 et mai 1995 et entre juin 1997 et mai 2002 (25).

Faisant preuve de sa solidité et de sa plasticité, résistant à tous les carcans, ne se laissant enfermer dans aucune définition sclérosante, la Constitution de 1958, loin de devenir une « vache sacrée » – expression utilisée par Maurice Duverger pour désigner le régime présidentiel ou le régime d’assemblée et dire la rigidité de ces modèles auxquels la réalité devrait, selon certains, se conformer en toutes circonstances (26) –, a su répondre aux deux exigences de la légitimité et de l’efficacité.

L’expérience française reposait sur trois principes : seule la première chambre du Parlement était élue au suffrage universel direct ; le Président de la République était élu par le Parlement et le président du Conseil, désigné par le chef de l’État, était investi par l’assemblée élue au suffrage universel ; le système de partis était impuissant à répercuter clairement le choix des électeurs effectué à l’occasion des élections législatives sur la composition et la direction du Gouvernement. Ce dernier inconvénient a aussi été surmonté par la Constitution de 1958.

Si l’esprit qui anime la Ve République est resté le même et mérite d’être conservé – il a apporté la stabilité et autorisé l’alternance –, les pratiques ont pu être adaptées et de nombreuses modifications du texte constitutionnel lui-même, sans qu’il soit nécessaire d’évoquer son enrichissement par la lecture qui en a été faite par le Conseil constitutionnel, ont permis de prendre acte de plusieurs évolutions majeures.

2. Le suffrage populaire, l’État de droit, l’Europe et la décentralisation

Avec vingt-trois révisions, la Constitution du 4 octobre 1958 est la Constitution française qui a été le plus fréquemment modifiée. Avant elle, les dix Constitutions qui l’ont précédée n’ont été « amendées » que quinze fois. Ainsi la Constitution de 1799 dite de « l’an VIII » a été révisée à deux reprises, celle du 14 janvier 1852 sept fois (27), les textes de 1875 quatre fois et la Constitution du 27 octobre 1946 à deux reprises (28). Encore faut-il tenir compte du fait que deux révisions, celles des 18 mai 1804 et 7 novembre 1852, avaient transformé la République en Empire, et que deux autres, celles du 10 juillet 1940 et du 3 juin 1958, avaient pris la forme de lois de délégation du pouvoir constituant ayant mis fin à la République en place.

Le constituant de la Ve République n’est pas resté insensible, pendant cinquante ans, aux nécessités de son temps et a pu adapter, régulièrement et par touches successives, le texte constitutionnel. Aussi a-t-il pris en compte le besoin d’asseoir et de renouveler plus fréquemment la légitimité du Président de la République en adéquation avec les pouvoirs que lui conférait la Constitution. Il a également assimilé les progrès qu’appelait l’approfondissement de l’État de droit ou encore les modifications que réclamait le processus d’intégration européenne ou la mise en œuvre d’un pouvoir décentralisé.

En 1958, le Président de la République était élu pour sept ans par un collège électoral restreint. Aujourd’hui, il est élu pour cinq ans directement par le peuple. La loi du 6 novembre 1962 (29), adoptée par référendum organisé sur le fondement de l’article 11 de la Constitution, a, en effet, substitué au système initial d’élection du chef de l’État par un collège de « grands électeurs » (30) le suffrage universel direct, tandis que la loi constitutionnelle du 2 octobre 2000 (31), elle aussi adoptée par référendum, le 24 septembre 2000, mais sur le fondement de l’article 89 de la Constitution, a remplacé le septennat par le quinquennat. Ainsi, la première loi réalise l’esprit de la Constitution, autour d’un pouvoir exécutif fort et d’un chef de l’État restauré, pour reprendre les termes du discours de Bayeux du 16 juin 1946, tandis que la seconde, accompagnée d’une inversion du calendrier électoral (32), tire les conséquences des aléas de la cohabitation entre deux majorités, présidentielle et à l’Assemblée nationale, distinctes.

L’institution parlementaire elle-même a vu ses conditions de travail modifiées. En 1958, le Parlement siégeait six mois par an en deux sessions séparées. En 2008, il siège neuf mois en session continue à laquelle il n’est pas rare que s’ajoutent des sessions extraordinaires. Il faut se souvenir qu’avant 1958, les assemblées étaient, sur la base d’une durée minimale des sessions inscrite dans la Constitution, libres de fixer leurs sessions et que même le Président de la République ne pouvait les convoquer en session extraordinaire (33). Par ailleurs, la loi constitutionnelle du 4 août 1995 (34) a réservé une séance par mois à un ordre du jour fixé par chaque assemblée et modifié le régime de l’inviolabilité parlementaire pour permettre que des poursuites soient engagées contre un parlementaire, pendant la durée des sessions sans autorisation préalable de l’assemblée concernée, l’arrestation ou le placement sous contrôle judiciaire devant être autorisé par son Bureau. Auparavant, une réforme importante du Règlement de l’Assemblée nationale lui avait permis, en janvier 1994, de rééquilibrer le travail législatif au profit des commissions permanentes, de rationaliser l’emploi du temps des députés grâce à la suppression de la séance du vendredi, mais aussi de modifier la procédure des questions au Gouvernement avec la suppression du dépôt préalable du thème des questions et l’instauration du principe de brièveté des questions et des réponses, d’adapter les conditions de recevabilité des amendements en séance et de renforcer le rôle de la délégation pour les Communautés européennes.

En 1958, le référendum était circonscrit à des sujets limités à la vie de l’État. Aujourd’hui, il peut être utilisé, par l’effet de la loi constitutionnelle du 4 août 1995 précitée, sur des questions de politique économique et sociale et les services publics qui y concourent (35).

En 1958, le Parlement n’avait pas compétence sur le budget de la sécurité sociale. En 2008, grâce à la loi constitutionnelle du 22 février 1996 (36) qui a révisé les articles 34 et 39 et introduit un article 47-1 dans la Constitution, il vote les lois de financement de la sécurité sociale. Grâce à la loi organique du 2 août 2005 (37), il discute des prélèvements sociaux, ce débat pouvant être concomitant du débat prévu à l’article 48 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) (38).

En 1958, le Conseil constitutionnel ne pouvait être saisi que par un nombre très limité d’autorités – le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’une ou l’autre assemblée – et sa compétence était essentiellement envisagée dans le cadre de l’examen du respect des domaines normatifs respectifs du Parlement et du Gouvernement. Désormais, il peut être saisi par la minorité parlementaire et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ainsi que le préambule de la Constitution de 1946 font partie des normes de référence.

En effet, d’une part, la loi constitutionnelle du 29 octobre 1974 a permis à soixante députés ou à soixante sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel sur le fondement de l’article 61 (39), afin qu’il se prononce sur la conformité à la Constitution d’un projet ou d’une proposition de loi. La loi constitutionnelle du 25 juin 1992 a ouvert la même possibilité sur le fondement de l’article 54, afin de vérifier la conformité à la Constitution d’un engagement international (40).

En 1971, dans sa décision fondatrice Liberté d’association, le Conseil constitutionnel a contrôlé la conformité d’une loi aux dispositions du préambule de 1946 et en a utilisé expressément le contenu en faisant référence aux « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », au nombre desquels il a rangé la liberté d’association (41). En 1973, il a déclaré contraire à la Constitution une disposition d’une loi de finances qui portait atteinte au principe de l’égalité devant la loi contenu dans la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens de 1789 (42).

Au registre des progrès de l’État de droit, il faut aussi mentionner le fait qu’en 1958, la France appliquait la peine capitale et qu’en 2008, l’interdiction de celle-ci figure au rang des principes protégés par notre Constitution (43).

En 1958, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) était une institution dont tous les membres étaient nommés par le Président de la République et qui n’avait qu’un pouvoir consultatif. En 2008, le Président ne nomme plus qu’un membre sur seize et le Conseil possède un pouvoir de décision sur la nomination de tous les magistrats du siège (44). La loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 a ainsi révisé les articles 65 et 68 de la Constitution et introduit les articles 68-1, 68-2 et 93 dans la Constitution, son objet principal étant de modifier la composition et les pouvoirs du CSM et d’instituer une Cour de justice de la République devant laquelle peuvent être poursuivis les ministres pour les crimes ou délits accomplis dans l’exercice de leurs fonctions.

En 1958, l’Europe était absente de la Constitution. En 2008, un titre entier, le titre XV, lui est consacré. Cette prise en compte du phénomène européen s’est faite progressivement.

La loi constitutionnelle du 25 juin 1992 a pris en considération le traité sur l’Union européenne, signé à Maastricht le 7 février 1992 (45). Elle a autorisé, notamment, les transferts de compétences nécessaires à l’établissement de l’Union économique et monétaire européenne ainsi qu’à la détermination des règles relatives au franchissement des frontières extérieures des États membres de la Communauté européenne. Elle a prévu que le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux citoyens de l’Union résidant en France. Elle a mis en place une procédure qui permet aux assemblées de voter des résolutions sur les propositions d’actes communautaires de nature législative qui doivent leur être soumises par le Gouvernement dès leur transmission au Conseil des Communautés.

La mise en œuvre des accords de Schengen a également nécessité une révision préalable de la Constitution, opérée par la loi du 25 novembre 1993 (46). En effet, saisi en application de l’article 61 de la Constitution de la loi relative à la maîtrise de l’immigration, le Conseil constitutionnel, dans une décision du 13 août 1993 (47), par la réserve d’interprétation qu’il a faite d’une disposition de ladite loi relative à l’examen de la situation des demandeurs d’asile, a révélé l’existence d’un hiatus entre les obligations constitutionnelles et l’application desdits accords.

Selon la même logique, la loi constitutionnelle du 25 janvier 1999 (48) a introduit les modifications préalables nécessaires à la ratification du traité d’Amsterdam, signé le 2 octobre 1997, qui permet des transferts de compétences dans le domaine de la libre circulation des personnes. Motivée, après un avis du Conseil d’État en date du 26 septembre 2002, par la transposition de la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen du 13 juin 2002, la révision du 25 mars 2003 a permis de constitutionnaliser la participation française au mécanisme du mandat d’arrêt européen (49).

La loi constitutionnelle du 1er mars 2005 (50) a introduit une nouvelle rédaction du titre XV de la Constitution relatif à l’Union européenne pour tenir compte de l’entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l’Europe, qui fut refusée par le peuple français, tout en ajoutant un article 88-5 imposant l’organisation d’un référendum lors des élargissements susceptibles de suivre l’adhésion à l’Union européenne de la Croatie. Récemment, le Congrès a adopté, le 4 février 2008, un projet de loi de loi constitutionnelle permettant d’ouvrir la voie à la ratification, intervenue quelques jours plus tard, du traité modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 (51).

Enfin, en 1958, la République était jacobine. Aujourd’hui, elle est décentralisée. En effet, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 (52) a ajouté à l’article 1er la Constitution un alinéa qui dispose que l’« organisation » de la République est « décentralisée », elle affirme le principe de subsidiarité en vertu duquel « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon » et ouvre un droit à l’expérimentation normative, tout en prévoyant un accroissement de l’autonomie financière des collectivités territoriales tel que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources ».

LES RÉVISIONS DE LA CONSTITUTION DEPUIS 1958

Date

Objet

Modalités

4 juin 1960

Modification des dispositions relatives à la Communauté

Article 89 – Congrès

6 novembre 1962

Élection du Président de la République au suffrage universel

Article 11

30 décembre 1963

Dates des sessions parlementaires

Article 89 – Congrès

29 octobre 1974

Possibilité pour soixante députés ou soixante sénateurs de déférer une loi au Conseil constitutionnel

Article 89 – Congrès

18 juin 1976

Intérim de la Présidence de la République

Article 89 – Congrès

LES RÉVISIONS DE LA CONSTITUTION DEPUIS 1958 (suite)

Date

Objet

Modalités

25 juin 1992

Traité de Maastricht (Union économique et monétaire, vote des ressortissants européens aux élections municipales, politique commune des visas), langue française, lois organiques relatives aux territoires d’outre-mer, résolutions parlementaires sur les actes communautaires

Article 89 – Congrès

27 juillet 1993

Responsabilité pénale des ministres, création de la Cour de justice de la République

Article 89 – Congrès

25 novembre 1993

Droit d’asile

Article 89 – Congrès

4 août 1995

Session parlementaire unique (du premier jour ouvrable d’octobre au dernier jour ouvrable de juin), aménagement des « immunités » parlementaires et élargissement des possibilités de recours au référendum

Article 89 – Congrès

22 février 1996

Loi de financement de la sécurité sociale

Article 89 – Congrès

20 juillet 1998

Avenir de la Nouvelle-Calédonie

Article 89 – Congrès

25 janvier 1999

Traité d’Amsterdam

Article 89 – Congrès

8 juillet 1999

Cour pénale Internationale

Article 89 – Congrès

8 juillet 1999

Égalité entre les femmes et les hommes

Article 89 – Congrès

2 octobre 2000

Durée du mandat du Président de la République

Article 89 – référendum

25 mars 2003

Mandat d’arrêt européen

Article 89 – Congrès

28 mars 2003

Organisation décentralisée de la République

Article 89 – Congrès

1er mars 2005

Traité établissant une Constitution pour l’Europe

Article 89 – Congrès

1er mars 2005

Charte de l’environnement

Article 89 – Congrès

23 février 2007

Corps électoral de la Nouvelle-Calédonie

Article 89 – Congrès

23 février 2007

Responsabilité du Président de la République

Article 89 – Congrès

23 février 2007

Interdiction de la peine de mort

Article 89 – Congrès

4 février 2008

Traité modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne (traité de Lisbonne)

Article 89 – Congrès

B. UNE RÉPUBLIQUE QUI MÉRITE D’ÊTRE MODERNISÉE

Les effets de la conjonction des outils du parlementarisme rationalisé, forgés en 1958 et destinés à lutter contre l’absence de fait majoritaire, et le surgissement de ce dernier, depuis la réforme de 1962, n’ont cessé de se faire sentir pour cantonner le Parlement dans un rôle considéré par beaucoup comme trop mineur. La stabilité que devaient apporter ceux-là est devenue abusive quand le fait majoritaire s’y est ajouté au lieu de s’y substituer.

Et chaque fois que l’on a cru donner des capacités nouvelles au pouvoir législatif, c’est bien souvent celles du pouvoir exécutif qu’on a augmentées, à l’exemple de la session unique qui a permis à ce dernier de présenter plus de projets de loi. Aujourd’hui, il est temps de rééquilibrer ce système.

1. Un Parlement, pour quoi faire ?

Il faut se méfier de l’idée d’un retour à l’âge d’or du parlementarisme. Nombre d’acteurs évaluent encore le Parlement de la Ve République sans réussir à se départir d’une vision mythique et d’une certaine fiction historique. Or, comme l’a montré récemment M. Marcel Gauchet, à peine celui-ci était-il mis en place que son affaiblissement était constaté et son déclin annoncé (53). Dans ces conditions, chercher à revenir à une hypothétique époque idéale revient à se fourvoyer et à entretenir une illusion qui ne crée que frustrations et attire sur le Parlement de vaines acrimonies.

Ce décalage n’est d’ailleurs pas propre à la France. L’idée de réviser la Constitution pourrait même être découragée par l’analyse comparative qui montre que tous les gouvernements des régimes parlementaires modernes disposent des moyens d’imposer leurs vues au Parlement. Partout, l’initiative des lois leur appartient au premier chef. Partout, ils imposent leur marque à l’ordre du jour, soit qu’ils aient les moyens d’en fixer directement le contenu, soit qu’ils le fassent par l’entremise de leur majorité. Partout, ils possèdent les moyens de faire adopter un texte. La différence entre les régimes réside surtout dans la manière dont ils usent de ces différents moyens. Dans ces conditions, changer les règles de droit du jeu institutionnel pourrait apparaître vain dans le pire des cas, sans grande portée dans le meilleur.

Les questions de la domination excessive du Parlement par le Gouvernement se posent, en effet, dans tous les pays comparables. Un observateur du système allemand pouvait ainsi poser la question suivante et y répondre : « Que peut faire un député dans le système parlementaire allemand ? (…) Rien de constructif, mais il peut certainement ralentir sensiblement le processus législatif. » (54) Selon la même logique, un observateur reconnu du système britannique, forçant quelque peu le trait, relevait que « si certains auteurs continuent de considérer l’élaboration de la loi comme l’une des fonctions de la Chambre des Communes, c’est une fonction, en tout cas, qu’elle n’a pas exercée au XXe siècle » (55).

Toutefois, cela ne doit pas nous interdire de construire un parlementarisme plus moderne et d’utiliser, pour ce faire, le secours de la règle constitutionnelle. Deux raisons doivent y inciter.

En premier lieu, la place de la règle constitutionnelle dans la définition de la culture parlementaire, sans pouvoir être évaluée avec précision, ne saurait être pour autant négligée, soit qu’elle est à l’origine d’un changement des comportements, soit qu’elle les fixe dans un état donné. Il n’est donc pas inutile d’y avoir recours.

En second lieu, le système français possède des règles bien particulières ou présente des lacunes spécifiques, à l’exemple du mécanisme de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (56), de la place de l’opposition ou encore de la faiblesse de la culture de contrôle – que l’on songe que cette fonction du Parlement n’est inscrite nulle part dans notre Constitution, si ce n’est de manière indirecte par la description des procédures de mise en jeu de la responsabilité gouvernementale.

Le parlementarisme rationalisé est une idée qui a trop bien réussi. Ses manifestations sont connues : détermination constitutionnelle du régime des sessions, soumission du règlement des assemblées au contrôle du Conseil constitutionnel, fixation de l’ordre du jour et organisation des débats par le Gouvernement, réduction du nombre des commissions, délimitation du domaine de la loi, encadrement financier des initiatives parlementaires, définition de procédures contraignantes d’engagement de la responsabilité gouvernementale.

Jadis sans doute nécessaire pour réagir aux errements passés, cette rationalisation des pouvoirs des assemblées, amplifiée par la pratique majoritaire s’est progressivement transformée en cantonnement, puis, bientôt, en rationnement. Ce qui se concevait bien dans un système de foisonnement des partis, d’alliances sans cesse changeantes, s’est traduit, dans un système majoritaire, par un déséquilibre préjudiciable au bon fonctionnement de notre démocratie. Ce fait s’est imposé très rapidement après la promulgation de la nouvelle Constitution.

La question posée il y a exactement quarante ans par M. André Chandernagor « un Parlement pour quoi faire ? » (57), fondée sur le constat d’une crise de l’institution parlementaire, constat continuellement et régulièrement renouvelé, n’a pas depuis lors quitté l’actualité. En 1991, un de nos collègues pouvait plaisamment intituler son rapport Les miettes parlementaires ou un Parlement à refaire (58). Mais, fait nouveau, l’antienne du renforcement des pouvoirs du Parlement, chantée ainsi depuis plusieurs décennies sur tous les tons et par tous, a trouvé dans le rapport du « comité Balladur » une réponse à la fois réaliste et audacieuse.

« Plus de deux siècles après sa naissance, le parlementarisme à la française semble à un tournant de son histoire. La rénovation sera la condition de sa survie. » (59) Cette entreprise est d’autant plus nécessaire que le quinquennat a changé quelque peu les données du régime. Comme l’a souligné le « comité Vedel », « le quinquennat conduit nécessairement à un régime présidentiel marqué par l’effacement du Premier ministre réduit à un rôle de chef d’état-major. Un chef d’État dont la durée de mandat serait la même que celle de l’Assemblée nationale et qui disposerait dans cette assemblée d’une majorité fidèle risquerait de rencontrer des limites bien réduites à son pouvoir. »

a) Un processus législatif dégradé

Comme l’observe M. Pierre Avril, le Parlement pourrait sembler s’être transformé en une espèce de machine à fabriquer les lois tellement sollicitée qu’elle atteint aujourd’hui ses limites (60). L’encombrement de l’ordre du jour justifie que le Gouvernement légifère par voie d’ordonnances, au point qu’elles sont devenues « le principal mode de législation ». Le Parlement porte aussi sa part de responsabilité. Le Gouvernement ne maîtrise pas la durée de débats qui s’éternisent, le nombre d’amendements déposés explose.

Entre discussions sans fin, avalanches d’amendements et obstruction, le Parlement n’est pas loin de se noyer. Il apparaît nécessaire de simplifier nos débats, d’en fluidifier le déroulement et, parfois, de pouvoir les raccourcir. Ainsi que le constatait le Président Pierre Mazeaud en présentant les vœux du Conseil constitutionnel au Président de la République, le 3 janvier 2005, « d’autres phénomènes que la session unique concourent, pour des raisons plus profondes, à un allongement de la durée des débats. Il s’agit d’abord, de façon spectaculaire, de l’augmentation du nombre d’amendements déposés au cours du débat parlementaire. » La forte augmentation du nombre des amendements déposés, qui s’accompagne au demeurant de la baisse de leur taux d’adoption, est en effet l’une des évolutions les plus marquantes des trois dernières décennies.

Du nombre croissant, exponentiel serait-on tenté d’écrire, d’amendements enregistrés depuis les débuts de la Ve République, il est difficile de savoir s’il constitue un symptôme du mal ou le mal lui-même. Il est probable qu’il s’agisse d’un phénomène autoentretenu. En tout état de cause, une réponse doit être trouvée, sans que le principe d’une direction du travail parlementaire efficacement assumée par un Gouvernement dont l’autorité et la stabilité sont protégées ne soit atteint. Rien ne justifie que notre République renoue avec l’instabilité ministérielle chronique et les délégations législatives permanentes.

Pour ne prendre que le cas de l’Assemblée nationale – le Sénat a d’ailleurs connu une évolution semblable en tendance –, moins de 5 000 amendements avaient été déposés sous la Ière législature (1959-1962). Le double a été enregistré sous la IVe (1968-1972). La XIe législature (1997-2002) a dépassé le cap des 50 000 amendements, tandis que la XIIe législature a connu un record de 244 000 amendements (61). Parallèlement, le temps passé en séance n’a pas considérablement varié sur moyenne période. Si l’Assemblée nationale a passé 592 heures en séance publique en 1962, elle en a passé 1 177 heures en 1982, 959 heures en 2000, 1 044 heures en 2006, le passage à la session unique n’ayant pas modifié radicalement la situation (62). Il résulte du rapprochement de ces tendances deux hypothèses : soit le temps réservé aux motions, aux discussions générales et aux questions a fortement été réduit, soit le temps d’examen de chaque amendement a été considérablement diminué. Il est possible de conclure, sans s’éloigner par trop de la réalité vécue par chacun, que, nonobstant la diminution réglementaire du temps consacré, notamment, aux motions de procédure (63), la seconde hypothèse est la bonne.

En première analyse, l’examen d’un nombre croissant d’amendements peut révéler une crise institutionnelle. Le droit d’amendement joue alors un rôle de substitut à l’initiative législative en assurant à ses titulaires la garantie d’intervenir oralement en séance publique. De nombreux amendements, trop précis, trop techniques, proposent des mesures de nature réglementaire ou non normative, tandis que d’autres portent sur des sujets sans véritable rapport avec l’objet du projet ou de la proposition de loi, voire sont fantaisistes (64). « Exutoire de parlementaires soumis aux pressions de leurs électeurs ou de groupes de pression, économiques, syndicaux ou idéologiques, moyen permettant l’adoption, plus rapidement et facilement que par la voie réglementaire, de dispositions voulues par le Gouvernement, l’amendement est devenu l’instrument idéal de fabrication de la norme. La difformité, l’enflure et l’inintelligibilité de la norme ainsi créée justifient bien une rationalisation de l’usage du droit d’amendement. » (65)

Cependant, la principale explication de cette évolution réside sans doute dans l’utilisation du droit d’amendement à des fins d’obstruction, comme en témoigne la proportion croissante des amendements issus de l’opposition. Il suffit pour s’en convaincre de citer, pour la seule Assemblée nationale, les 12 805 amendements au projet de loi relatif à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques, les 11 153 amendements au projet de loi portant réforme des retraites (66), les 14 888 amendements au projet de loi relatif à la régulation des activités postales et bien sûr les 137 665 amendements déposés lors de l’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi relatif au secteur de l’énergie. Le dépôt massif d’amendements permet, d’une part, d’allonger considérablement les débats afin de retarder l’adoption du projet et, d’autre part, d’attirer l’attention de l’opinion publique sur les problèmes posés par le texte. Ainsi, les débats sur le projet de loi portant réforme des retraites, en juillet 2003, et sur le projet de loi relatif à l’assurance maladie, en juillet 2004, ont nécessité respectivement 157 et 142 heures de débat. On s’est trouvé là bien au-delà des excès tant dénoncés de la IVe République.

Bien sûr, l’obstruction fait partie de la vie parlementaire. Le filibustering, permettant à l’orateur de parler tant qu’il parvient à rester debout ou de se faire succéder les votes par appel nominal dont on demande la validité par constatation du quorum grâce à… un vote par appel nominal, fait ainsi partie de la légende du Congrès américain. L’obstruction a pu correspondre, dans une certaine mesure, au droit sacré d’insurrection inscrit dans l’article II de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Mais à mesure que notre démocratie se perfectionne − et elle n’a cessé de se perfectionner depuis un demi-siècle, mouvement largement masqué par une exigence justifiée mais de plus en plus grande −, la voie de l’obstruction, qui peut être légitime lorsqu’une majorité ne respecte pas le jeu parlementaire et entend imposer sa loi sans égard pour les droits de la minorité, devient le signe extérieur de l’impuissance parlementaire et de la vanité des échanges. En résumé, elle devient incongrue.

Certes, le temps est révolu où l’on pouvait, à la tribune, infliger aux auditeurs la lecture successive de la liste des augmentations de capital de toutes les sociétés françaises, des prix comparés des denrées entre 1939 et 1949 avec les pourcentages d’augmentation, et, en version française, du texte intégral pris en Union Soviétique tendant à faire baisser les prix, sans omettre l’énumération des produits et les prix comparés (67).

Si l’obstruction est, dans une certaine mesure, légitime, il ne faut pas qu’elle soit organisée par le Règlement − recours à des systèmes de vote « chronophages », demandes de quorum à répétition, suspensions nombreuses de séance, multiplication des rappels au règlement, provocation d’incidents personnels − et a fortiori par la Constitution.

Ainsi, il faut s’interroger sur le principe constitutionnel réservant au parlementaire le droit personnel de déposer des amendements et de les défendre. En effet, le Conseil constitutionnel a pu développer une jurisprudence particulièrement protectrice du droit d’amendement, en y voyant le corollaire de l’initiative parlementaire qui peut, sous réserve des limitations prévues à l’article 45 de la Constitution, s’exercer à chaque stade de la procédure législative. Le Conseil s’est ainsi attaché à vérifier que de nouvelles dispositions réglementaires ne risquaient pas de porter atteinte à l’exercice effectif du droit d’amendement. Par exemple, en examinant la conformité à la Constitution de la procédure de vote sans débat, il a rappelé l’exigence du « respect des droits des membres de l’assemblée concernée et, notamment, l’exercice effectif du droit d’amendement garanti par l’article 44 de la Constitution » (68).

C’est ainsi qu’il a censuré comme portant « atteinte au droit d’amendement, reconnu à chaque parlementaire par le premier alinéa de l’article 44 de la Constitution, l’interdiction faite à tout membre de l’assemblée saisie du texte de reprendre en séance plénière un amendement relatif à celui-ci au motif que cet amendement aurait été écarté par la commission saisie au fond ». La disposition censurée avait certes pour caractéristique d’interdire non seulement la discussion mais aussi le dépôt et le vote d’un amendement antérieurement rejeté par la commission. On peut légitimement se demander si la protection de l’exercice effectif du droit d’amendement ne s’étend pas également à sa présentation.

Au-delà de ces principes, des progrès ont été régulièrement apportés pour limiter les risques d’obstruction. Sans évoquer le cas ancien où le Règlement fut changé en cours de discussion d’un projet de loi pour permettre à celle-ci de sortir de l’enlisement (69), on peut rappeler l’encadrement progressif des motions de procédure, dont l’objet n’est cependant pas toujours en rapport direct avec le projet ou la proposition auquel elles sont censées s’appliquer.

Dans le même souci de lutter contre l’obstruction, le Règlement de l’Assemblée nationale a été modifié en 1994 pour prévoir qu’en cas de demande de suspension formulée « personnellement et pour une réunion de groupe, par le président d’un groupe ou son délégué dont il a préalablement notifié le nom au Président », « toute nouvelle délégation annule la précédente » (70).

Si l’on devait proposer une synthèse de la situation actuelle, on constaterait que le temps passé aujourd’hui à la discussion des motions et la succession parfois répétitive des orateurs dans la discussion générale (71), l’accumulation des amendements facilitée par les moyens techniques et encouragée par la surenchère médiatique, dont la discussion allonge démesurément les premiers jours de débat, et, par contraste, l’accélération impromptue en fin de débat de l’examen des amendements se conjuguent pour introduire un biais négatif entre délibération et qualité de la loi.

Pour simplifier et décrire une procédure type, sur une semaine parlementaire de débats – c’est-à-dire en général les mardi, mercredi et jeudi – consacrés à l’examen d’un projet de loi, l’après-midi et la soirée du mardi voire la séance du mercredi après-midi peuvent être occupés par la défense des motions et la discussion générale, la séance suivante par l’examen des amendements avant l’article 1er qui n’ont souvent qu’un lointain rapport avec le projet et qui prolongent parfois la discussion générale, les séances restantes par la discussion à rythme plus ou moins lent des autres articles et amendements, avant que soudainement, dans la soirée ou la nuit du jeudi, le débat s’accélère et que soient alors « examinés » plusieurs dizaines d’amendements, sans pratiquement aucune discussion, alors que rien ne permet de préjuger que les derniers articles du projet seront moins intéressants ou substantiels que les premiers (72).

La conclusion n’est pas difficile à tirer. Pour prendre un exemple emblématique des résultats d’un tel processus, la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux comportait, lors de son examen en Conseil des ministres, soixante-seize articles, mais deux cent quarante in fine. Selon un processus qui ne laisse d’impressionner, le nombre des articles de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (ENL) a été multiplié par plus de dix, passant de onze à cent douze.

L’enjeu n’est pas mince. Il est celui d’une loi claire, à la fois précise et intelligible. Cet objectif est largement partagé par toutes les démocraties. Dès 1972, la Cour suprême des États-Unis estimait que « les lois floues portent atteinte à plusieurs valeurs importantes. Premièrement, parce que nous tenons pour acquis que l’homme est libre d’agir légalement ou illégalement, nous tenons à ce que les lois permettent à la personne d’intelligence moyenne d’avoir une possibilité raisonnable de savoir ce qui est interdit afin d’agir en conséquence (…). Deuxièmement, si l’on veut prévenir l’application arbitraire et discriminatoire des lois, celles-ci doivent prévoir des normes explicites à l’intention de ceux qui les appliquent. Une loi floue délègue de façon inadmissible des questions de principe fondamentales aux policiers, aux juges et aux jurys qui y répondent de façon ponctuelle et subjective avec les risques que comporte l’application arbitraire et discriminatoire de la loi. » (73)

La présente révision permettra ainsi de répondre de nouveau à la conclusion de M. André Chandernagor dans Un Parlement pour quoi faire ? : « Il n’y a qu’une tradition parlementaire : l’adaptation ». Et ceci vaut également pour les activités de contrôle que le Parlement est amené à conduire.

b) Une activité de contrôle insuffisamment développée

• Une activité de contrôle ancienne

En France, le contrôle parlementaire s’ancre historiquement, d’une part, dans la tradition du contrôle budgétaire, d’autre part, dans celle de la mise en jeu de la responsabilité gouvernementale.

Le contrôle budgétaire trouve son origine dans l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel « tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ». Le dernier alinéa de l’article 47 de la Constitution du 4 octobre 1958, qui dispose que « la Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances » permet au Parlement de disposer de moyens de contrôle significatifs en matière de finances publiques. En outre, les principes guidant le contrôle des finances publiques par le Parlement ont servi de base à la mise en place d’un contrôle des finances sociales, dans le cadre de l’examen annuel et du vote par le Parlement d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale, prévu par l’article 47-1 de la Constitution, introduit par la révision constitutionnelle du 22 février 1996 (74).

La Constitution du 4 octobre 1958 a apporté un terme aux excès de la mise en jeu de la responsabilité gouvernementale, tout en lui donnant toute sa place dans l’équilibre des pouvoirs. Le Premier ministre peut engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale dans le cadre d’un débat avec vote sur son programme ou sur une déclaration de politique générale (premier alinéa de l’article 49 de la Constitution). La pratique des gouvernements successifs a consisté à mettre en jeu leur responsabilité sur un programme ou sur une déclaration de politique générale dans les mois qui suivent leur constitution (75). L’Assemblée nationale peut, d’autre part, discuter et adopter à la majorité de ses membres une motion de censure du Gouvernement en application du deuxième alinéa de l’article 49 de la Constitution. L’adoption éventuelle d’une motion de censure a pour effet, conformément à l’article 50 de la Constitution, de contraindre le Gouvernement à démissionner. Si une motion de censure fut adoptée par l’Assemblée nationale en 1962 (76), la pratique des motions de censure s’est depuis lors infléchie vers un exercice de nature plus symbolique, l’opposition utilisant cette procédure pour marquer sa désapprobation et son opposition virulente à telle ou telle politique gouvernementale mais sans espoir d’aboutir à une adoption de la motion par l’Assemblée nationale.

Si ces deux formes pour ainsi dire primordiales du contrôle parlementaire bénéficient d’une reconnaissance dans le texte constitutionnel, le Parlement dispose également de nombreux autres instruments de contrôle : questions au Gouvernement (écrites, orales, d’actualité) ; débats en séance publique ; commissions d’enquête ; missions d’information ; pouvoirs des président, rapporteur général et rapporteurs spéciaux des commissions des Finances en matière de finances publiques ainsi que des président et rapporteurs des commissions des Affaires sociales en matière de finances sociales ; rapports sur l’application des lois.

À l’exception des questions au Gouvernement, explicitement mentionnées au deuxième alinéa de l’article 48 de la Constitution (77), les autres modalités de contrôle sont précisées soit par des dispositions de nature organique (78), soit par des dispositions législatives simples (79), soit par des dispositions du règlement des assemblées parlementaires (80).

• Les tendances récentes du contrôle parlementaire

Le contrôle parlementaire s’est enrichi de nouveaux instruments ces vingt dernières années, que ce soit par le biais des offices (81) et des délégations parlementaires (82), par l’émergence d’un contrôle spécifique des actes communautaires (83) ou par le développement de la mission de contrôle de l’application des lois (84).

Les principales transformations concernent toutefois la nature du contrôle parlementaire, plus encore que ses instruments.

Alors que le contrôle était traditionnellement exercé individuellement, par les questions des parlementaires, par le travail des rapporteurs budgétaires, et de manière discontinue, dans le cadre de la discussion du budget, lors du vote d’une motion de censure ou d’une déclaration de politique générale, il tend à acquérir un caractère collectif et continu, par exemple en matière budgétaire par la création de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) (85), puis sur le même modèle en matière de finances sociales par la création d’une mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) (86).

À l’Assemblée nationale, ce contrôle collectif est aussi pluraliste, qui accorde une place grandissante à l’opposition, par le « droit de tirage » permettant à celle-ci d’obtenir l’inscription à l’ordre du jour de propositions de résolution visant à la création de commissions d’enquête (introduit en 1988), par la coprésidence des MEC, par l’octroi systématique, depuis 2003, soit de la fonction de président soit de celle de rapporteur des commissions d’enquête créées par l’Assemblée nationale, par le recours à la même pratique pour de nombreuses missions d’information créées par la Conférence des Présidents et pour certaines missions créées par les commissions permanentes, par la nomination de co-rapporteurs pour les rapports d’application des lois. Comme le résume le professeur Guy Carcassonne : « c’est la place faite à la minorité dans leur mise en œuvre qui qualifie les instruments de contrôle » (87).

Au contrôle principalement concentré sur la mise en cause ou la vérification est désormais associée une dimension évaluative. Les rapports sur la mise en application des lois s’efforcent d’évaluer leurs effets et non seulement de contrôler que les décrets ont été publiés à temps. Le travail des offices parlementaires, qui sont pour certains d’entre eux assistés par un conseil scientifique et qui peuvent recourir à des experts extérieurs, est dans une grande mesure un travail d’évaluation objective et scientifique. Les instruments d’évaluation des lois de finances ont enfin été perfectionnés par la LOLF du 1er août 2001. Les programmes budgétaires doivent désormais être accompagnés d’indicateurs, qui permettent d’évaluer la performance de l’action publique. Le bilan annuel des objectifs de performance que renseignent les indicateurs de performance est communiqué au Parlement à la fin du deuxième trimestre de l’année sous la forme de rapports annuels de performances et permet donc d’aborder la discussion du prochain projet de loi de finances en bénéficiant d’une évaluation.

Le contrôle, classiquement associé au secret, a au contraire désormais vocation à être rendu public, que ce soit par la publicité des auditions des commissions d’enquête ou des missions d’information, par la retransmission audiovisuelle de certaines de ces auditions ou par la publicité donnée aux rapports demandés par le Parlement à la Cour des comptes. Cette publicité n’est pas seulement la manifestation d’une démocratie moderne mais également un moyen pour renforcer les effets du contrôle, par l’incitation à prendre en temps et en heure les décrets d’application ou à corriger les dysfonctionnements administratifs constatés.

Enfin, le contrôle s’articule de manière de plus en plus immédiate et directe avec le travail de proposition et d’élaboration de nouveaux textes législatifs. Par exemple, la commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite « d’Outreau » et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement, dont les conclusions furent présentées le 6 juin 2006, a directement inspiré le projet de loi organique relatif à la formation et à la responsabilité des magistrats et le projet de loi tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, examinés par la commission des Lois de l’Assemblée nationale dès le 6 décembre 2006.

• Un développement qui demeure insuffisant

En dépit de ces nombreuses adaptations et évolutions, le développement du contrôle parlementaire est insuffisant.

À la source de tout contrôle, il est nécessaire de disposer d’une information à la fois la plus exacte et la plus complète possible. Les moyens juridiques dont disposent les rapporteurs budgétaires ainsi que les commissions d’enquête pour obtenir une telle information sont de ce point de vue pleinement justifiés. Mais ces outils, très efficaces et contraignants, d’une part ne sont réservés qu’à une partie de l’activité de contrôle parlementaire et d’autre part ne gomment pas un effet de structure : le pouvoir exécutif demeure le principal pourvoyeur d’informations du Parlement.

La dépendance à l’égard de l’exécutif est d’ailleurs reconnue par les parlementaires eux-mêmes, qui proposent très fréquemment des amendements ayant pour objet de prévoir la remise par le Gouvernement au Parlement de rapports, soit ponctuels soit périodiques. De plus, ces rapports, alors même qu’ils sont exigés par un texte législatif, sont parfois remis avec retard, voire ne sont jamais remis (88). Un autre exemple de la dépendance concerne les expérimentations législatives. En effet, à chaque fois que le législateur en prévoit une, il doit préciser son objet, sa durée, ainsi que les conditions selon lesquelles elle sera à terme reconduite, généralisée ou abandonnée. Or, toutes les dispositions expérimentales adoptées par le Parlement prévoient que l’évaluation de ces expérimentations sera effectuée par le Gouvernement.

Les commissions des Finances et les commissions chargées d’examiner les lois de financement de la sécurité sociale peuvent bénéficier de l’assistance de la Cour des comptes dans leurs tâches de contrôle et d’évaluation, dans des conditions qui ont été précisées et améliorées par le législateur ces dernières années. En dépit de cela, cette assistance trouve sa limite dans le fait que la Cour se situe à égale distance du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. Elle dispose ainsi d’une certaine latitude pour interpréter le concours qu’elle doit apporter au Parlement.

• Quelle participation à l’évaluation des politiques publiques ?

Comme le faisait remarquer il y a de cela une douzaine d’années le professeur Jacques Chevallier, « tout se passe comme si s’était dessiné un partage des rôles tacite entre l’exécutif et le législatif : à l’exécutif, la mission de mettre sur pied des dispositifs d’évaluation des politiques publiques ; au législatif, le soin de recourir à des procédures de contrôle sur l’application des lois » (89). Le Parlement ne pourrait-il pas plus efficacement contribuer au travail d’évaluation des politiques publiques ?

Il est peu satisfaisant de confiner le Parlement dans un simple rôle de contrôle, sans l’associer au travail d’évaluation. L’évaluation à laquelle il doit concourir peut être un enrichissement direct de ses deux missions principales : légiférer et contrôler. En somme, il s’agit d’évaluer pour mieux légiférer et pour mieux contrôler.

L’évaluation peut avoir des effets sur la nature même de l’activité du législateur : « La promotion de la démarche évaluative contribue au demeurant à priver la loi de certains des attributs dont elle était dotée, et notamment de la stabilité. La loi n’est plus posée une fois pour toutes, mais soumise à une véritable " clause d’adaptation ", au vu des résultats enregistrés. Par là, l’évaluation confirme le passage du droit classique, à effet durable, à un " droit transitoire ", à espérance de vie limitée, et qu’on n’hésitera pas à modifier au gré des circonstances. » (90) Un tel constat ne signifie pas que le Parlement doit renoncer à l’évaluation, mais au contraire qu’il doit s’efforcer de se l’approprier le plus possible afin de maîtriser la transitivité du droit, au lieu de laisser cette maîtrise au seul pouvoir exécutif.

Une évaluation pratiquée par le Parlement de manière indépendante de l’exécutif peut donc sembler nécessaire. Mais cette évaluation exige du temps ainsi que des structures spécifiques. Aux États-Unis, au sein du General Accounting Office (GAO), la division de l’évaluation et de la méthodologie compte près de cent chercheurs. À l’inverse, on rencontre dans certains cas une structure d’évaluation parlementaire légère qui est assistée par des experts extérieurs. Ainsi, en Suisse, le Contrôle parlementaire de l’administration (CPA), service spécialisé qui est spécifiquement en charge des évaluations et rattaché administrativement au secrétariat des commissions de gestion de l’Assemblée fédérale, compte moins d’une dizaine de fonctionnaires.

L’exemple suisse est tout aussi intéressant en ce qui concerne la question de l’inscription dans la Constitution du rôle du Parlement en matière d’évaluation des politiques publiques. Alors que l’article 169 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse charge l’Assemblée fédérale d’exercer « la haute surveillance sur le Conseil fédéral et l’administration fédérale, les tribunaux fédéraux et les autres organes ou personnes auxquels sont confiées des tâches de la Confédération », l’article 170 prévoit, pour sa part, que « l’Assemblée fédérale veille à ce que l’efficacité des mesures prises par la Confédération fasse l’objet d’une évaluation ». C’est sur le fondement de ces dispositions constitutionnelles que des dispositions législatives attribuent au CPA des droits à l’information très étendus, afin de lui donner les moyens d’assurer au mieux sa mission et lui permettent de recourir à des experts extérieurs à l’administration et de leur transmettre les droits nécessaires à la tâche d’évaluation.

2. Une meilleure participation des citoyens, comment faire ?

a) La désaffection persistante des Français pour la vie publique

Comme l’a souligné le comité présidé par M. Édouard Balladur, « l’œuvre de modernisation et de rééquilibrage des institutions de la République ne saurait se limiter à la clarification et à l’encadrement des prérogatives des gouvernants, non plus qu’au renforcement du Parlement. Elle implique que des droits nouveaux soient reconnus aux citoyens eux-mêmes, détenteurs de la souveraineté et, d’une manière plus générale, à tous les individus. »

La désaffection des Français pour la vie publique, que l’on peut constater sur moyenne période et nonobstant les chiffres encourageants de participation à la dernière élection présidentielle notamment, se manifeste de plusieurs manières.

La première pourrait être trouvée dans un phénomène qui, s’il peut être interprété comme le signe tangible de la vitalité démocratique, peut se lire aussi comme la manifestation d’une insatisfaction permanente du citoyen. En effet, l’alternance, pendant trente ans, a été quasi systématique : 1981, 1986, 1988, 1993, 1997 et 2002. Cette évolution est d’autant plus singulière lorsqu’on compare la situation française à la longévité des gouvernements anglais, allemands ou espagnols.

Par ailleurs, si l’on fait précisément abstraction de la dernière élection présidentielle (91), le taux d’abstention a nettement progressé depuis les années 1970. Il est ainsi passé de 12,7 % en 1974 à 28 % en 2002 pour le premier tour de l’élection présidentielle, de 18,7 % en 1973 à 39,5 % en 2007 pour le premier tour des élections législatives, de 21,1 % à 33,5 % en 2008 pour le premier tour des élections municipales et de 39,3 % en 1979 à 57,7 % en 2004 pour les élections européennes. Les sources de ce phénomène ont été maintes fois recherchées (92). D’une part, l’abstention peut révéler un désengagement passif de la sphère politique, soit pour des raisons d’exclusion sociale, soit pour des raisons d’âge. D’autre part, elle peut constituer la manifestation d’une attitude réfléchie de protestation.

Mais, la désaffection pour la vie publique peut se traduire également par la proportion des votes blancs et nuls (93). Ils représentaient 0,9 % des inscrits en 1974, mais 3,5 % pour le second tour de l’élection présidentielle de 2007, ce qui représente environ 1,6 million de bulletins.

Si le regain d’intérêt que les dernières campagnes électorales ont suscité est indéniable, la progression, là aussi sur moyenne période, des votes que l’on pourrait qualifier par souci de simplification de « votes hors système » participe de la crise de la représentation politique, nombre d’électeurs préférant apporter leur suffrage à des formations non conventionnelles plutôt qu’aux partis politiques classiques.

Au total, sans tenir compte des citoyens qui ne se sont pas inscrits sur les listes électorales, la somme de l’abstention, du vote blanc et nul et du vote « hors système », qui englobait 30 % des électeurs lors de l’élection présidentielle de 1981, en rassemblait entre 55 % et 58 %, soit 28 millions de personnes, selon la classification de certains partis dans ou hors du système en 2002. Si ce chiffre est descendu aux alentours de 35 % au premier tour de l’élection présidentielle de 2007 grâce à la baisse de l’abstention, il représente encore plus de 15 millions de personnes. Nonobstant ce regain de participation, le souvenir du 21 avril 2002 mérite d’être conservé à l’esprit.

b) La recherche inaboutie d’une meilleure implication des citoyens

Des avancées importantes ont été faites depuis 1958 pour améliorer la participation du citoyen et la prise en compte de ses droits.

Il suffit de rappeler à ce titre les progrès considérables apportés par le développement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et par la mise en place d’un système européen de garantie des droits fondamentaux dans le cadre de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La création du Médiateur de la République en 1973 (94), comme celle du Défenseur des enfants en 2000 (95) ou encore de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) en 2004 (96) participe de ce mouvement.

En outre, comme on l’a vu, le champ du référendum a été élargi, tandis que la décentralisation, dans son principe mais aussi dans ses derniers développements, a favorisé la participation des citoyens à la vie publique locale.

Dans son rapport remis au Président de la République, le « comité Balladur » a néanmoins relevé, dans nos institutions, une série de défauts, dont la correction permettrait de garantir une meilleure place aux citoyens.

Le premier défaut réside dans l’impossibilité de saisir le Conseil constitutionnel de la conformité à la Constitution d’une loi déjà promulguée. Est ainsi ouverte la question de l’introduction de l’« exception d’inconstitutionnalité » qui permettrait à chaque citoyen d’invoquer, au cours d’un procès, le respect de la Constitution et demander, en cas de non-conformité d’une disposition normative constatée par le Conseil constitutionnel dûment saisi de cette question, que soit écartée l’application de cette disposition.

Le deuxième défaut relevé par le comité constitutionnel se trouve dans la difficulté à saisir le Médiateur de la République des différends qui opposent les citoyens aux administrations publiques. En effet, saisir le Médiateur exige… une « médiation », celle d’un parlementaire. Or, cette institution, qui n’est pas reconnue par la Constitution, permet de traiter de différends nombreux qui opposent les citoyens aux administrations. À la difficulté de saisine, s’ajoute une lisibilité générale toute relative du système de recours extra-juridictionnels marqué par une multiplicité d’autorités administratives indépendantes (AAI) compétentes, défaut relevé en 2006 par un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation de la législation (97).

La prolifération et l’instabilité des normes législatives et réglementaires, parfois rétroactives, constituent un autre défaut de nos institutions. Un seul chiffre suffirait à l’illustrer : le recueil des lois qui faisait 380 pages en 1964 en faisait 1 600 en 2002, qui était pourtant une année interrompue par une élection présidentielle et des élections législatives. Le phénomène a pris une telle ampleur, il a été tant de fois dénoncé qu’un auteur de la doctrine pouvait récemment intituler son article : « À propos de l’inflation des chiffres mesurant l’inflation des lois » (98). Les premières mesures ne se sont pas fait attendre.

Déjà, à l’occasion de l’examen de la première loi dite « de simplification » (99), notre collègue Étienne Blanc pouvait en souligner les conséquences : « la complexité des réglementations qui s’accumulent entraîne inégalité et insécurité pour les citoyens. Le coût d’entrée dans certains dispositifs interdit aux personnes les moins favorisées de faire valoir leurs droits. Ensuite, la norme, dans sa complexité, ne reçoit pas toujours une application pleine et entière et risque de perdre de sa crédibilité. (…) Complexité, délais trop longs, empilement, voire contradiction des normes mettent en cause les autorités qui les édictent. » (100) En 2007, dans son rapport sur la proposition de loi de simplification déposée à l’initiative de la commission des Lois et adoptée définitivement le 11 décembre dernier, il pouvait de nouveau relever l’urgence d’agir dans ce domaine, non seulement pour réaménager l’état du droit, mais aussi pour éviter la complexité à l’avenir (101).

Si tous les remèdes ne doivent pas être recherchés dans une modification de la Constitution, celle-ci pourrait contribuer à maîtriser le phénomène.

Au chapitre des difficultés auxquelles se heurte une meilleure implication des citoyens dans la vie publique, le comité constitutionnel a également rangé la question de la place de la justice dans le fonctionnement des institutions. Renouer un lien de confiance entre les citoyens et la justice implique de réformer cette dernière et de corriger les dysfonctionnements constatés.

Enfin, se pose la question des modalités de représentation des citoyens et donc celle des modes de scrutin. S’il n’est pas dans la tradition française d’inscrire les modes de scrutin parlementaires dans la Constitution, nul ne peut nier que, dans le débat plus général sur les institutions, ce problème a été soulevé à maintes reprises et constitue un point important de fixation des discussions. C’est pourquoi, si le présent projet de loi constitutionnelle ne saurait être le véhicule idoine pour répondre à ces interrogations, il devra être prolongé par un débat sur celles-ci.

L’ensemble de ces constats appelle des modifications substantielles, bien que non essentielles, de la Constitution du 4 octobre 1958, dans une mesure sans précédent, mais qui se justifie après un demi-siècle de fonctionnement.

II. — LA RÉVISION DE 2008 : NÉCESSAIRE, COHÉRENTE, AMBITIEUSE

Il convient de ne pas rompre la synthèse qu’a opérée la Constitution de la Ve République, mais en retrouver l’inspiration parlementaire, condition sine qua non d’une rénovation des institutions. Cette voie avait déjà été ouverte, en 1993, par le comité consultatif pour la révision de la Constitution présidé par le doyen Vedel. Elle a été approfondie par le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République présidé par M. Édouard Balladur. Elle sera inscrite dans notre texte fondamental grâce au présent projet de loi constitutionnelle.

A. LA PRÉSERVATION DES FONDEMENTS DU RÉGIME

Rien ne justifie aujourd’hui d’instituer une Constitution nouvelle.

1. Les risques inutiles de l’aventure constitutionnelle

La France s’est épuisée, par le passé, dans la recherche de chimères constitutionnelles. Elle a basculé au gré des crises politiques d’un modèle à l’autre, ne décourageant jamais les projets les plus audacieux, allant toujours chercher « le » modèle qui sauverait le pays de la ruine, idéalisant souvent ce qui se passait à l’étranger ou glorifiant à l’excès l’originalité du fonctionnement de ses institutions.

La tentation de renouer avec l’utopie constitutionnelle qui résoudrait tous les problèmes de la société française, qui permet, à bon compte, d’apparaître dans une position de rupture, n’est jamais très loin lorsque les élections approchent. De nouveau, alors, ressurgissent les exemples inspirés par les modèles étrangers, présentés comme idéaux, mais souvent idéalisés.

Le modèle américain apparaît souvent le premier, auréolé de la puissance du pays qui le pratique − cette tentation constitue un classique de la pensée institutionnelle française depuis au moins Tocqueville −, faisant passer la séparation stricte des pouvoirs incarnée par le régime présidentiel comme l’alpha et l’oméga de la démocratie.

Or, l’épisode de la présidence de William J. Clinton ou plus récemment de la présidence de George W. Bush, avec leur cortège de négociations interminables engagées avec un Congrès qui n’appartient pas à la même majorité, au point souvent de bloquer la machine pendant plusieurs années, devrait suffire à effrayer tout observateur qui reconnaît les difficultés créées par la « cohabitation » à la française dans le fonctionnement de nos institutions. Comme l’a souligné Raymond Aron, « un système présidentiel, par lui-même, ne donne pas une grande capacité d’action à l’exécutif ; l’exécutif est stable, non efficace. Le Président des États-Unis est assuré d’un règne de quatre années (on ne s’en félicite pas toujours), mais il a besoin de l’assentiment des représentants et des sénateurs élus d’une autre façon. Aux États-Unis, et dans tout système présidentiel, la majorité dans les assemblées n’est pas toujours celle qui a fait élire le Président de la République. La coopération est nécessaire entre un exécutif d’une certaine couleur politique et un législatif d’une autre couleur (…). Tout député ou sénateur vote sans tenir grand compte des ordres de son parti. (…) L’indiscipline des partis est la condition d’existence du système américain, comme la discipline des partis est la condition de fonctionnement du système britannique. Avec des partis comme les nôtres, les uns disciplinés, les autres indisciplinés, que se passerait-il ? L’exécutif serait stable à coup sûr, mais un président choisi par les partis parce qu’il ne porterait ombrage à personne, comme nombre de nos présidents du Conseil, serait faible. Un Président de la République énergique, en conflit avec les assemblées législatives, provoquerait une crise constitutionnelle, phénomène fréquent dans les pays qui pratiquent le système présidentiel. » (102)

En outre, il ne faudrait pas oublier que le système fédéral permet de faire fonctionner le pays, nonobstant l’existence des frictions paralysantes à Washington. S’y ajoute, de manière décisive, la différence des histoires et des pratiques politiques (103).

Le Général de Gaulle lui-même, lors de sa conférence de presse du 31 janvier 1964, releva le caractère spécifique du régime présidentiel américain et rappela le contexte du fédéralisme « où le Gouvernement n’assume que les tâches générales : défense, diplomatie, finances ». Il profita de cette occasion pour mettre en valeur la possibilité pour le chef de l’État français de solliciter l’arbitrage des électeurs par le référendum ou par la dissolution : « si nous adoptions le système américain, il n’y en aurait aucune. (…) Il en résulterait, ou bien la paralysie générale, ou bien des situations qui ne seraient tranchées que par des pronunciamientos, ou bien enfin la résignation d’un Président mal assuré qui, sous prétexte d’éviter le pire, choisirait de s’y abandonner, en se pliant comme autrefois aux volontés des partisans. »

Certains, plus nuancés, concèdent la spécificité du régime américain et proposent un régime présidentiel accommodé aux spécificités françaises et visant d’abord à supprimer la dyarchie au sommet. Dans ce système, seul le Président de la République serait responsable devant le Parlement. Dans ce cas, peu importerait qu’il y ait un Premier ministre ou non. Le Président de la République pourrait avoir le droit de dissolution, mais ne pourrait l’exercer qu’une seule fois au cours de son mandat, ce qui permettrait de dépasser les blocages qui surviennent dans le système américain, dans lequel, s’il y a désaccord entre le Président et le Parlement, le projet en discussion est bloqué, aucune dissolution n’étant possible. En réalité, le système présidentiel ainsi accommodé forme un système essentiellement parlementaire. Dans ce cas, il faut se demander quel est l’intérêt d’une telle réforme par rapport aux modes d’application actuels de la Constitution de 1958.

Le modèle primo-ministériel prôné par d’autres, qui invoquent les nombreux exemples qui nous entourent, constitue l’autre pôle d’attraction du réformisme constitutionnel. S’il a pour lui les atours du classicisme parlementaire, il paraît difficile de nier l’attachement des Français à l’élection directe du Président de la République dont l’adoption d’un tel modèle rendrait la suppression nécessaire, à moins qu’on ne retire au Président tous ses pouvoirs. Dans ce cas, à quoi bon le faire élire par le peuple souverain ? Par ailleurs, il serait difficile de ne pas entendre les critiques qui s’élèvent dans presque tous les pays qu’on présente comme des modèles contre la personnalisation du pouvoir, incarné par le chef du Gouvernement, tendance qui semble, en définitive, être plus le mal du siècle, peut-être nécessaire dans une démocratie de communication, qu’une particularité française.

Changer de modèle paraît séduisant, a certes l’attrait de la nouveauté, mais c’est inutile. Il serait plus utile, en revanche, pour notre pays, d’assurer un rééquilibrage entre les deux pôles agissants du pouvoir constitutionnel.

2. Le maintien de l’alliance du pouvoir incarné et du pouvoir représentatif

Les fondements institutionnels, dessinés lors du discours d’Épinal, prononcé par le Général de Gaulle le 29 septembre 1946, transposés dans la Constitution de la Ve République, doivent être conservés :

« Il nous paraît être nécessaire que le chef de l’État en soit un, c’est-à-dire qu’il soit élu et choisi pour représenter réellement la France (…), qu’il lui appartienne, dans notre pays si divisé, si affaibli, et si menacé, d’assurer au-dessus des partis le fonctionnement régulier des institutions et de faire valoir au milieu des contingences politiques les intérêts permanents de la Nation. Pour que le Président de la République puisse remplir de tels devoirs, il faut qu’il ait l’attribution d’investir les gouvernements successifs, d’en présider les conseils et d’en signer les décrets, qu’il ait la possibilité de dissoudre l’Assemblée élue au suffrage direct au cas où nulle majorité cohérente ne permettrait à celle-ci de jouer normalement son rôle législatif ou de soutenir aucun Gouvernement, enfin qu’il ait la charge d’être, quoi qu’il arrive, le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et des traités signés par la France.

« Il nous paraît nécessaire que le gouvernement de la France en soit un, c’est-à-dire une équipe d’hommes unis par des idées et des convictions semblables, rassemblés pour l’action commune autour d’un chef et sous sa direction, collectivement responsables de leurs actes devant l’Assemblée nationale, mais réellement et obligatoirement solidaires dans tous leurs actes, dans tous leurs mérites et dans toutes leurs erreurs, faute de quoi il peut y avoir une figuration exécutive mais non pas de gouvernement.

« Il nous paraît nécessaire que le Parlement en soit un, c’est-à-dire qu’il fasse les lois et contrôle le Gouvernement sans gouverner lui-même, ni directement, ni par personnes interposées. Ceci est un point essentiel et qui implique, évidemment, que le pouvoir exécutif ne procède pas du législatif, même par une voie détournée qui serait inévitablement celle des empiétements et des marchandages. Le Parlement doit comporter deux chambres : l’une prépondérante, l’Assemblée nationale, élue au suffrage direct, la seconde, le Conseil de la République, élue par les conseils généraux et municipaux. »

Les deux piliers de la Constitution du 4 octobre 1958, ceux qui lui ont apporté stabilité et efficacité, sont préservés par le présent projet de loi constitutionnelle : l’élection directe du Président de la République par le peuple, la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale. La première assure la légitimité du « leadership » qui lui-même garantit l’efficacité du régime, la seconde assoit le caractère parlementaire du régime qui assure un contrôle de l’exécutif.

L’originalité du régime mais aussi son équilibre reposent sur un double circuit de légitimation que certains qualifient d’« incarnatif » et de « représentatif » (104).

Dans son premier aspect, le pouvoir est incarné par le chef de l’État, issu directement de la volonté populaire, relation à propos de laquelle le Général de Gaulle parlera à la fois de perception intime et d’accord fondamental. Dans toutes les démocraties modernes, cette évolution peut être constatée. Il suffit de citer, à cet égard, l’évolution du rôle des Premiers ministres tant au Royaume-Uni qu’en Allemagne, en Italie qu’en Espagne. Nul n’échappe à ce besoin d’incarnation. Dans le cas spécifique de la Ve République, l’élection du Président permet de passer un contrat avec le peuple − l’engagement de choisir la voie parlementaire pour autoriser la ratification du traité de Lisbonne (105) annoncé pendant la campagne électorale et aujourd’hui tenu est là pour le montrer. Au-delà de l’élection, le recours au référendum permet la circulation de la volonté et des soutiens dans ce corps unique que composent la France et son Président. Participent de cette même incarnation la possibilité de recourir aux dispositions de l’article 16 de la Constitution et, plus généralement, le pouvoir de prendre des décisions sans contreseing ministériel en application de l’article 19 de la Constitution.

Avec le quinquennat, la mise en jeu de la responsabilité politique du Président de la République est devenue plus fréquente. Comme l’a analysé M. Nicolas Tenzer, à propos de la réforme du 2 octobre 2000, « on aurait pu aussi bien conserver un septennat si l’on restait attaché à un président irresponsable et qui, selon la formule que La Rochefoucauld appliquait au cardinal de Retz, " s’éloigne du monde qui s’éloigne de lui " » (106). Et cette responsabilité répond à un Président qui est plus acteur qu’arbitre. Qui peut nier, par ailleurs, que le Président de la République sous le régime de la Constitution de 1958 est resté cantonné dans cette dernière fonction ? De nombreux auteurs ont montré que, à partir de la réforme constitutionnelle de 1962, par construction, l’institution présidentielle entre dans le cycle majoritaire – composé plus ou moins largement il est vrai – et le Président, s’il incarne l’unité, ne peut plus se prévaloir de l’unanimité.

Dans son second aspect, représentatif, le pouvoir tel qu’établi par la Constitution de 1958 revêt l’aspect classique du pouvoir parlementaire, mettant en jeu une majorité et une opposition, permettant de relayer et de structurer les débats qui animent la société, selon des procédures préétablies, régulièrement légitimées aux sources du suffrage universel direct − pour l’Assemblée nationale − ou indirect − pour le Sénat. Notre démocratie permet d’ouvrir la discussion à l’éventail des opinions et de la clore sur un compromis raisonnable. Le pari lancé en 1958 par les promoteurs de la nouvelle Constitution est réussi. Michel Debré relevait ainsi que « parce qu’en France la stabilité gouvernementale ne peut résulter d’abord de la loi électorale, il faut qu’elle résulte au moins en partie de la réglementation constitutionnelle, et voilà qui donne au projet son explication décisive et sa justification historique. Si nous voulons que le futur régime parlementaire de la démocratie française ne connaisse qu’un Gouvernement par législature, il n’est pas possible d’agir autrement. » (107)

Il faut reconnaître, en outre, que cette situation est très comparable à celle de nos voisins. Chez chacun, l’initiative de la loi appartient essentiellement au pouvoir exécutif et traduit la mise en œuvre du programme gouvernemental, la discussion des projets de loi se présente formellement comme une prérogative parlementaire, mais tend plus à rendre publiques les prises de position de l’opposition qu’à déterminer le contenu des décisions et le vote de la loi, enfin, est, en règle générale, acquis au Gouvernement par le jeu majoritaire et grâce à l’exercice de la discipline partisane.

Mais, en France, la prééminence du chef de l’État sur le Parlement, c’est la « substantifique moelle » du dessein gaullien, formant un « parlementarisme à correctif présidentiel » selon l’expression de M. Jean-Claude Colliard. Abordant son projet de faire élire le Président de la République au suffrage universel direct, le Général de Gaulle estime qu’en 1958, « dès lors que je demandais au pays d’arracher l’État à la discrétion des partis en décidant que le Président, et non plus le Parlement, serait la source du pouvoir et de la politique, mieux valait prendre quelque délai avant d’achever cette immense mutation » (108). Il estime nécessaire de « remédier aux abus que l’omnipotence impuissante du Parlement étalait naguère à tous les yeux » (109) et, évoquant le rôle du chef de l’État, estime que « le bon sens commande de n’y point confondre en une seule personne le rôle suprême de chef de l’État, à qui incombe le destin, c’est-à-dire le lointain et le continu, et la charge seconde de Premier ministre, qui, au milieu des saccades de toutes les sortes et de tous les jours, mène l’action du moment et dirige les exécutants » (110).

Auparavant, dans la première partie de ses Mémoires d’espoir, il rappelait : « En prenant mes fonctions, je fais connaître au Parlement par un message qu’il faut qu’il en soit ainsi : " Le caractère de notre époque et le péril couru par l’État faute de l’avoir discerné ont conduit le peuple français à réformer profondément l’institution parlementaire. Cela est fait dans les textes. Il reste à mettre en pratique les grands changements apportés au fonctionnement des assemblées et aux rapports entre les pouvoirs. En le faisant, l’Assemblée nationale assurera, pour ce qui la concerne, à l’État républicain l’efficacité, la stabilité et la continuité exigées par le redressement de la France… Là sera l’épreuve décisive du Parlement. " Par la suite, je vais m’employer à ce que ne soit pas altérée peu à peu et en détail la réforme capitale du système représentatif, suivant laquelle le Parlement, s’il délibère et vote les lois et contrôle le ministère, a cessé d’être la source d’où procèdent la politique et le Gouvernement. » (111)

La Ve République a permis la fin de certains errements parlementaires, un renforcement de l’exécutif, la mise en place d’un contrôle de constitutionnalité des lois et la stabilité des coalitions.

Ce qu’il manque, ainsi que M. Édouard Balladur l’a souligné à maintes reprises à l’occasion et à l’issue des travaux du comité qu’il a présidé, ce sont des contre-pouvoirs. La solution n’est pas dans l’affaiblissement du Président de la République, élu par le peuple, mais dans l’émergence de pôles susceptibles d’apporter plus d’équilibre dans l’ensemble du système institutionnel.

La notion de contre-pouvoir ne doit pas elle-même faire l’objet d’une mauvaise interprétation. Il ne s’agit pas de réaliser un équilibre si parfait que rien ne bouge plus, jamais, et d’attendre l’avènement du royaume de l’inertie. Il s’agit de créer un débat duquel puisse naître la bonne politique, celle qui est légitimée par la majorité des citoyens, celle est qui est efficace pour tous. C’est précisément dans la création de ce débat que réside la modernisation de notre République.

Gage d’efficacité par rapport à la dilution des responsabilités caractéristique des Républiques précédentes, le pouvoir incarné est devenu, par l’élection au suffrage universel direct, représentatif. En revanche, le pouvoir représentatif classique, celui incarné par l’Assemblée nationale en particulier et par le Parlement en général, a vu son efficacité continuer d’être contestée, justifiant par là même « l’abaissement du Parlement ». La place du peuple souverain lui-même souffre encore d’incertitudes. Donner à l’un les moyens d’accroître son efficacité, donner à l’autre une place mieux adaptée aux exigences de notre temps constitue le double enjeu de la modernisation de nos institutions.

L’Académie des sciences morales et politiques, dans son avis sur le projet de révision constitutionnelle en date du 14 avril 2008, rendu sur le rapport de M. Jean Foyer, a pu constater que « la Constitution ne serait pas modifiée au point de remettre en cause sa " double lecture " parlementaire et présidentielle. Il convient à cet effet de veiller à ce que rien ne vienne porter atteinte à l’équilibre et à la souplesse dont le régime a fait la preuve notamment grâce à la " double lecture " qui a garanti depuis cinquante ans la stabilité institutionnelle, en même temps que la stabilité gouvernementale. »

B. LES MOYENS DE LA MODERNISATION

La place du Parlement dans la réalisation du principe démocratique est bien établie. En effet, cette dernière suppose « que la " volonté " exprimée dans l’ordre juridique (...) est identique à la volonté des sujets » (112). La démocratie repose ainsi sur l’identification des auteurs et des destinataires des normes, identification fondée sur la fiction de la représentation. Rendre du pouvoir aux uns et aux autres, sans pour autant affaiblir un pouvoir exécutif qui a permis de conduire notre pays à travers alternances, cohabitations et crises pendant près de cinquante ans, tel est le pari de la présente révision constitutionnelle.

1. Un Parlement pour restaurer la force de la loi et équilibrer
le pouvoir exécutif

À lire tous ceux qui ont écrit sur le Parlement depuis 1959, il serait « l’homme malade » des institutions de la Ve République. Il suffit pour s’en convaincre de citer quelques titres : Un Parlement pour quoi faire ? de M. André Chandernagor en 1967 (113) ; Réinventer le Parlement de MM. Pierre Birnbaum, Francis Hamon et Michel Troper en 1977 (114) ; « Réhabiliter le Parlement » de M. Guy Carcassonne en 1989 (115) ; Les miettes parlementaires ou un Parlement à refaire de M. Jean-Michel Belorgey en 1991 ; « La crise identitaire du Parlement français » de M. Joël Boudant en 1992 (116; « La crise des assemblées parlementaires françaises » de M. Jean-Pierre Duprat également en 1992 (117) ; « Le dévoiement » de M. Pierre Avril en 1993 (118; Les 577, des députés pour quoi faire ? de MM. Paul Quilès et Ivan Levaï en 2001 (119) ; « La rénovation du Parlement : mythes et réalités », également de M. Pierre Avril, en 2007 (120), sans compter le célèbre « Quand le dormeur s’éveillera » publié par Edgar Faure dans Le Monde en 1971.

Face à ces multiples appels en forme tout à la fois d’angoisse, d’avertissement, de programme et de regrets, deux attitudes, qui ne s’excluent d’ailleurs pas l’une l’autre, sont possibles.

La première consiste à relativiser, comme le faisait M. Guy Carcassonne en 1989 dans son article précité : « Implicitement mais nécessairement, ce thème de la dévalorisation renvoie à des modèles de référence contestables : au mieux celui du Parlement traditionnel, qui décide souverainement de lois dont il prend l’initiative et contrôle effectivement le Gouvernement, modèle dont on sait qu’il n’a existé sous cette forme que durant quelques décennies du XIXe siècle et dans la seule Grande-Bretagne ; au pire, celui du Parlement de la IVe République dont nul ne songerait à nier qu’il avait plus de facultés qu’aujourd’hui mais dont il serait audacieux de prétendre qu’il en usait de manière satisfaisante. En réalité la comparaison internationale fait bien vite apparaître que les pouvoirs du Parlement français sont, à très peu de chose près, identiques à ceux de tous ses homologues et que les données statistiques sur l’initiative législative ou le contrôle du Gouvernement, sont très voisines. »

La seconde attitude implique l’action. Mais force est de reconnaître que, si le même diagnostic est donné à chaque fois, aucune des très nombreuses réformes qui sont intervenues depuis cinquante ans n’a constitué un remède pleinement efficace. Le Parlement a sans doute épuisé les ressources réglementaires de sa réforme. Une modification substantielle de la Constitution apparaît nécessaire pour que le discours du Président Edgar Faure, prononcé le 30 juin 1973, lors de son allocution de prise de fonction, de prophétie devienne réalité : « Il était inévitable, sans doute, que, dans un premier temps, la réhabilitation du pouvoir exécutif, son installation dans la durée et dans l’efficacité aient eu comme contrepartie un certain effacement de la fonction parlementaire. Cette période est maintenant terminée, la transition est accomplie, la pénitence doit prendre fin. »

C’est pourquoi il est proposé de modifier la Constitution sur des points importants, susceptibles de rééquilibrer le fonctionnement de nos institutions en faveur du Parlement, sans pour autant affaiblir le pouvoir exécutif. « Organiser mieux, légiférer moins, négocier plus », tel pourrait être le mot d’ordre de cette révision (121).

a) Un pouvoir exécutif tempéré et un pouvoir législatif revalorisé

La mécanique des institutions n’est pas un jeu à somme nulle dans lequel tout renforcement des pouvoirs de l’un se traduirait nécessairement par l’affaiblissement du pouvoir de l’autre et dans lequel toute prérogative supplémentaire attribuée à l’un se ferait au prix de l’amputation des prérogatives de l’autre. Limiter sa réflexion dans le cadre d’un système de vases communicants entre régime présidentialisé et régime parlementarisé empêcherait de progresser. La somme finale doit, et peut, être positive.

Dans ces conditions et dans le contexte de la Ve République, il convient de trouver les moyens de donner de l’oxygène à un Parlement par trop enserré dans le carcan dessiné en 1958, tout en tempérant le pouvoir exécutif sans pour autant l’amoindrir.

Au-delà de la clarification par l’adaptation du droit au fait des missions confiées respectivement au Président de la République et au Premier ministre en matière de défense nationale dans l’article 21 de la Constitution modifié par l’article 8 du présent projet de loi constitutionnelle (122) – disposition que votre commission des Lois a estimée inutile et supprimée en conséquence –, ce dernier permettra :

―  de favoriser le renouvellement de la vie politique en limitant à deux le nombre de mandats consécutifs qu’un même Président de la République pourra effectuer, dans la suite logique et démocratique de l’instauration, en 2000, du quinquennat (article 2(123) ; votre commission des Lois a adopté cet article sans modification ;

―  d’encadrer, comme l’a recommandé le « comité Balladur », le pouvoir de nomination du Président de la République pour les emplois qui ne sont pas pourvus en Conseil des ministres par un avis qui sera donné par une commission composée de parlementaires (article 4(124), cette réforme s’appliquant également aux membres du Conseil constitutionnel (article 25(125), aux personnalités nommées au CSM (article 28) (126) et au Défenseur des droits des citoyens, dont la fonction est créée par la présente révision (article 31(127) ; votre commission des Lois a retenu un mécanisme de réunion conjointe des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, afin de ne pas alourdir excessivement le dispositif ; elle a également retenu le principe d’un veto qui s’imposerait au Président de la République dès lors que sa proposition recueillerait l’avis défavorable de trois cinquièmes des membres des deux commissions réunies ;

―  d’encadrer également son pouvoir de grâce (article 6(128), qu’il ne pourra plus exercer qu’à titre individuel et après avis d’une commission compétente pour examiner les recours en grâce, tandis qu’il ne présidera plus le CSM (article 28) (129;

―  d’instaurer un contrôle renforcé de l’utilisation des pouvoirs exceptionnels du Président de la République dans le cadre de l’article 16 de la Constitution, modifié par l’article 5 du présent projet de loi constitutionnelle (130) ;

―  de stabiliser les structures gouvernementales par la limitation par la loi organique du nombre non seulement des ministres, mais également des autres membres du Gouvernement (article 3(131) ; votre commission des Lois n’a pas jugé indispensable d’inscrire dans la Constitution un tel renvoi à une loi organique et a, en conséquence, supprimé cet article. En revanche, à l’initiative de M. René Dosière et des membres du groupe SRC, elle a modifié l’article 23 de la Constitution pour rendre incompatible l’exercice d’une fonction ministérielle avec celui d’une fonction de maire d’une commune de plus de 20 000 habitants, de président de conseil régional ou de conseil général (article additionnel après l’article 8).

En outre, en application des préconisations du « comité Balladur », la possibilité ouverte par l’article 7 au Président de la République de pouvoir s’adresser directement au Parlement (132), loin de pouvoir s’analyser seulement comme la marque d’une nouvelle prérogative présidentielle, outre qu’elle met fin à une interdiction archaïque, tend à éviter le risque d’enfermement de la fonction présidentielle et doit contribuer à revaloriser le Parlement en conduisant le chef de l’État à venir devant lui pour dresser les perspectives, faire le bilan de son action ou si une crise le commande. Votre commission des Lois a modifié les modalités d’application de ce mécanisme, en réservant la déclaration du Président de la République au Congrès du Parlement, tandis qu’un débat, hors sa présence et sans qu’un vote puisse être organisé, pourrait avoir lieu. Ainsi, seraient respectés les grands équilibres de la Ve République.

Cette mesure ainsi que la faculté offerte par l’article 10 aux ministres, qui étaient parlementaires lorsqu’ils ont accepté des fonctions gouvernementales, de retrouver leur siège lorsqu’ils quittent celles-ci (133), sans pour autant que la règle fondamentale de l’incompatibilité entre les fonctions ministérielles et parlementaires ne soit enfreinte, permettront de participer au renforcement de l’identité du Parlement dans le paysage constitutionnel français.

Doivent participer de cette revalorisation du Parlement, sur le fondement de l’article 9 du présent projet de loi constitutionnelle (134), tant l’inscription claire de ses missions dans la Constitution – qui sont le vote de la loi et le contrôle de l’action gouvernementale, missions auxquelles votre commission des Lois a ajouté l’évaluation des politiques publiques –, que la plus grande légitimité offerte au Sénat grâce au renforcement de son caractère représentatif ou encore la représentation à l’Assemblée nationale des Français établis hors de France. Votre commission des Lois a également souhaité limiter le nombre maximum de députés et de sénateurs à cinq cent soixante-dix-sept pour les premiers, soit l’effectif actuel, et à trois cent quarante-huit pour les seconds, soit l’effectif qui sera atteint lorsque la réforme de 2003 sera complètement entrée en vigueur.

L’amélioration du caractère représentatif du Parlement dans son ensemble implique également que la délimitation des circonscriptions dans lesquelles se déroule l’élection de ses membres obéisse à un processus impartial. Pour garantir ce caractère aux opérations de « découpage » électoral, il est proposé, dans l’article 10 du présent projet de loi constitutionnelle (135), de soumettre tous les projets de délimitation des circonscriptions et de répartition des sièges entre elles à une commission indépendante dont il reviendra à la loi ordinaire de fixer les règles d’organisation et de fonctionnement. Votre commission des Lois a jugé utile de préciser que la composition de la commission sera également fixée par cette loi.

Le projet de loi constitutionnelle permettra, en outre, de mieux associer le Parlement à la définition des objectifs de l’action du Gouvernement, en autorisant le vote de lois de programmation dans tous les domaines de l’action de l’État, au-delà du domaine économique et social qui est aujourd’hui le seul visé (article 11(136).

Enfin, l’augmentation de six à huit du nombre des commissions permanentes dans chaque assemblée permise par l’article 17 du présent projet de révision (137), permettra au Parlement de mieux organiser son travail, de concentrer son attention sur des secteurs mieux circonscrits et d’augmenter sa capacité d’examen des textes et de contrôle de l’action du Gouvernement. Dans la détermination du nombre de commissions, il convient de trouver un juste milieu entre la spécialisation – il ne s’agit pas d’aller jusqu’aux trente-neuf commissions établies par le Bundestag lors de sa Ière législature, soit le double du nombre qui existait sous la République de Weimar – et la dilution « à la française » – avec des commissions de cent quarante-cinq membres à l’Assemblée nationale, soit le nombre le plus important atteint dans les parlements européens comparables et si l’on fait exception de la particularité britannique de la « Commission de la Chambre entière ».

Mais le rééquilibrage des institutions au profit du Parlement passe aussi par la réforme de ses fonctions principales, ce qui implique à la fois de réformer en profondeur la procédure législative, de trouver les voies d’un meilleur exercice du contrôle de l’action du Gouvernement et d’attribuer un véritable statut à l’opposition.

b) Une procédure législative réformée en profondeur

Revaloriser le Parlement, c’est permettre de revaloriser sa « production » c’est-à-dire améliorer la qualité de la norme. Une meilleure délibération produit une meilleure loi. Pour ce faire, il est proposé de modifier de manière importante les règles présidant à la procédure législative.

Le « comité Vedel » constatait déjà dans son rapport du 15 février 1993 que « l’amélioration de la procédure législative est un volet essentiel de la rénovation de la fonction parlementaire (…). La révision de la Constitution doit ainsi être l’occasion de prendre en compte les souhaits très convergents de tous ceux qui ont eu l’occasion de se pencher sur la réalité du travail parlementaire. »

La tradition parlementaire française repose sur le primat de la séance plénière : les commissions nont en droit quun rôle dinstruction et de préparation en amont de la séance plénière et la Constitution du 4 octobre 1958 a renforcé la primauté de celle-ci en même temps que les prérogatives du Gouvernement par leffet de deux dispositions, les articles 42 et 44. Or, compte tenu des évolutions du travail parlementaire rendues nécessaires par le rééquilibrage des institutions, il convient de revoir l’articulation entre la commission et la séance plénière.

L’enjeu est de ne pas refaire dans l’une ce qui a déjà été fait dans l’autre. Le travail de maturation doit être préservé, d’où l’importance de fixer des délais. L’encombrement de la séance publique résulte souvent du fait que les discussions traînent en longueur parce que les questions n’ont pas pu être traitées en commission faute de temps. Tous les acteurs ont d’ailleurs fini par intégrer cet état de fait dans leurs comportements. Ainsi, combien de fois l’examen des amendements est renvoyé à la réunion qui se tient le jour même de la séance, quelques minutes avant le début de celle-ci ? Or, le temps dans les réunions de ce type est encore plus compté.

Tout converge ainsi pour justifier de donner une place plus grande aux commissions dans l’élaboration de la loi. Ceci résulte tant des déclarations des acteurs que des exemples étrangers. Notre collègue Laurent Fabius, alors Président de l’Assemblée nationale, pouvait ainsi écrire que « s’il fallait retenir un critère pour estimer le poids réel du Parlement vis-à-vis de l’exécutif, quel que soit le caractère du régime, ce serait justement la place donnée aux commissions » (138). Dans le même esprit, deux auteurs qui se sont livrés à une grande étude de droit comparé relèvent que « l’existence de commissions fortes constitue au moins une condition nécessaire à une influence parlementaire réelle dans la procédure d’élaboration de la loi » (139). Partout, s’est fait sentir la nécessité de renforcer leurs prérogatives. Dans leur étude comparative, MM. Lawrence Longley et Roger Davidson observent que le renouveau parlementaire reposerait sur des innovations structurelles, au premier rang desquelles se trouve le renforcement des commissions (140).

Nous nous acheminons ainsi vers une plus grande concentration et une plus grande spécialisation du travail législatif, en faveur des commissions, dont le nombre augmenterait et dont le rôle serait accru. Accorder plus de pouvoirs à des commissions plus nombreuses constitue une des voies privilégiées de la revalorisation du Parlement. « Le nombre de commissions est corrélé de manière positive avec la puissance des commissions (…). Il y a une relation inverse entre le nombre de commissions et le pouvoir de l’exécutif. La logique qui sous-tend cette conclusion est claire : plus grand est le nombre de groupes restreints de parlementaires, moins facile est le contrôle du Gouvernement sur eux que s’il avait à s’exercer sur une seule et grande commission. » (141)

Le présent projet de loi constitutionnelle enregistre et amplifie ce mouvement :

―  en organisant la discussion en séance publique dans l’assemblée saisie, non plus sur la base du projet de loi déposé par le Gouvernement ou du texte transmis par l’autre l’assemblée, mais, comme pour les propositions de loi en première lecture, sur celle du texte adopté par la commission saisie au fond (article 16(142) ; il sera plus difficile au Gouvernement de modifier cet état consolidé des positions de la commission que de repousser ses amendements ; cette « révolution » dans la méthode sera étendue aux projets et propositions de loi organique (article 20(143) ;

―  en fixant un délai minimum pour la première lecture, d’un mois entre le dépôt d’un texte et son examen en séance et de quinze jours entre la première assemblée saisie et la seconde (article 16) ; votre commission des Lois, pour donner à la réforme toutes ses chances de réussir, a souhaité porter ces délais respectivement à six et trois semaines ;

―  en permettant au Parlement, par le biais d’une position commune de la Conférence des Présidents de chaque assemblée, de s’opposer à la procédure d’urgence (article 19(144) ;

―  en autorisant les règlements des assemblées, dans le cadre d’une loi organique, à opérer des distinctions entre le régime des amendements en commission et celui des amendements en séance, que ce soit pour ceux des parlementaires ou pour ceux du Gouvernement (article 18(145) ; cette mesure permettra, d’une part, de faciliter le recours à des procédures simplifiées pour des textes à caractère essentiellement technique, et, d’autre part, d’autoriser la Conférence des Présidents de chaque assemblée à fixer une durée programmée d’examen des textes en réponse aux actions d’obstruction, mais surtout, pour les textes les plus complexes, à en organiser la délibération dans les meilleures conditions de prévisibilité pour tous les acteurs du débat législatif ; en contrepartie, votre commission des Lois a prévu que le champ des amendements, en première lecture, soit élargi au-delà du cadre rigide défini par la jurisprudence constitutionnelle relative aux « cavaliers législatifs » (146) (article 19) ;

―  en confiant à la Conférence des Présidents de chaque assemblée, et non plus au Gouvernement, la mission constitutionnelle de fixer l’ordre du jour (article 22(147) ; cette modification des règles de fixation de l’ordre du jour dans chaque assemblée constitue l’un des points essentiels de la réforme de la procédure législative. La possibilité pour le Gouvernement d’obtenir l’inscription par priorité de textes, dans la limite de deux semaines de séance sur quatre, permet de déroger au principe de la fixation de l’ordre du jour par la Conférence des Présidents sans rétablir pour autant un monopole gouvernemental. Le Gouvernement pourra également obtenir l’inscription par priorité, en dehors des semaines qui lui sont réservées, des textes financiers (projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale), des textes en navette et des textes et demandes d’autorisation liés à des situations exceptionnelles. Par ailleurs, la séance mensuelle d’initiative parlementaire, introduite par la révision constitutionnelle du 4 août 1995, deviendra un jour de séance par mois, réservé à un ordre du jour fixé par les groupes d’opposition. Enfin, la nouvelle rédaction de l’article 48 permettra une extension aux sessions extraordinaires des séances réservées aux questions au Gouvernement ;

―  en limitant l’usage de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution aux seuls projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale et, par « mesure de précaution », à un autre texte par session (article 23(148).

Par ailleurs, deux autres dispositions pourront très directement favoriser l’amélioration de la qualité de la norme : l’article 14 autorisera le Président de l’assemblée saisie d’une proposition de loi à la soumettre pour avis au Conseil d’État dans des conditions fixées par une loi ordinaire (149) ; l’article 15 favorisera la protection du domaine de la loi des empiétements de mesures réglementaires en autorisant, à l’instar de ce qui est déjà prévu au profit du Gouvernement, le Président de chaque assemblée à opposer l’irrecevabilité à un amendement qui aurait un caractère réglementaire, qu’il s’agisse d’un amendement parlementaire ou d’un amendement du Gouvernement (150). Votre commission des Lois a ajouté une troisième disposition faisant droit aux recommandations du « comité Balladur » et consistant à prévoir une loi organique qui permettra d’améliorer la qualité de la préparation des projets de loi grâce à la réalisation d’études d’impact obligatoires (article 14).

La possibilité ouverte, sous certaines conditions, par l’article 12 du présent projet de loi constitutionnelle (151), au Parlement de voter des résolutions, est présentée comme devant participer à l’amélioration de la qualité du travail législatif, dès lors qu’elle pourrait donner aux parlementaires les moyens d’exprimer leurs positions sans pour autant éprouver le besoin de leur donner une traduction législative souvent artificielle.

Mais votre commission des Lois a considéré que cette disposition, loin de revaloriser le Parlement, soit le conduirait sur la voie des bavardages inutiles, soit l’entraînerait sur des chemins détournés de mise en cause de la responsabilité du Gouvernement et elle l’a supprimée. Mieux vaut, pour assurer cet objectif de revalorisation, donner aux assemblées parlementaires les moyens de renforcer leur capacité de contrôler l’action gouvernementale.

En insérant un nouvel article 50-1 dans la Constitution, votre commission des Lois a préféré donner la possibilité aux assemblées parlementaires de débattre et de voter sur une déclaration du Gouvernement, qui, par contraste avec une déclaration de politique générale, pourrait porter sur un thème spécifique ou une politique sectorielle – l’éducation ou une entreprise diplomatique particulière par exemple – et qui, là aussi par contraste avec une déclaration de politique générale, n’emporterait pas la responsabilité gouvernementale. En revanche, ce mécanisme permettrait à chaque assemblée de dire son opinion, de présenter formellement sa position (article additionnel après l’article 23(152).

c) Une fonction de contrôle reconnue dans sa plénitude

La nouvelle rédaction de l’article 24 de la Constitution (article 9) permet de faire figurer au premier alinéa de cet article une définition des missions du Parlement et de mentionner ainsi la fonction de contrôle de l’action du Gouvernement qui incombe au Parlement (153). Comme on l’a vu, votre commission des Lois y a ajouté la mission d’évaluation des politiques publiques.

L’article 13 remédie à une anomalie dénoncée de longue date, qui voyait le Parlement privé de la possibilité de s’exprimer sur les interventions des forces armées françaises à l’étranger autrement que par le biais de débats généraux organisés à la discrétion du Gouvernement ou de la discussion budgétaire. Il sera désormais informé dans les plus brefs délais de ces interventions, dont la prolongation au-delà de six mois sera soumise à son autorisation (154). À l’initiative de M. Arnaud Montebourg, votre commission des Lois a précisé que cette information devait être fournie dans les trois jours et qu’elle devait préciser les objectifs poursuivis ainsi que les effectifs engagés.

Dans l’exercice de cette mission de contrôle de l’action du Gouvernement, le Parlement pourra également s’appuyer sur les dispositions du nouvel article 47-2 qui est introduit dans le titre relatif aux relations entre le Parlement et le Gouvernement (article 21(155). Cet article 47-2 énumère les missions d’assistance de la Cour des comptes. Il affirme sa mission d’assistance au Parlement pour le contrôle de l’action du Gouvernement. Il regroupe les dispositions figurant aujourd’hui aux articles 47 et 47-1 de la Constitution, relatives à l’assistance de la Cour des comptes au Parlement et au Gouvernement pour le contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Il consacre enfin la contribution de la Cour à l’évaluation des politiques publiques.

Sur le fondement de ce nouvel article, les différents organismes internes à chacune des deux assemblées pourront requérir l’assistance de la Cour des comptes. Il est ainsi mis un terme à la relation exclusive de la Cour des comptes avec les commissions des Finances et avec les commissions chargées de l’examen des lois de financement de la sécurité sociale des deux assemblées. La disposition de l’article 21 du projet de loi permettra par conséquent d’apporter au Parlement un soutien décisif dans sa mission de contrôle et d’évaluation.

Les articles 9 et 21 du projet de loi n’en suscitent pas moins une interrogation, qui tient à l’absence de toute mention relative à l’évaluation des politiques publiques par le Parlement et à l’assistance de la Cour des comptes dans le cadre de ce travail d’évaluation. Cette absence est d’autant plus surprenante que le « comité Balladur » avait au contraire proposé de faire figurer dans la Constitution tant la mission d’évaluation des politiques publiques que la mission de contrôle de l’action du Gouvernement (156).

Il pourrait être soutenu que le terme de contrôle permet de désigner à la fois des tâches de contrôle et des tâches d’évaluation. Il est vrai que les deux activités semblent souvent indissociables. Toutefois, le contrôle est cantonné à « l’action du Gouvernement », tandis que l’évaluation concerne l’ensemble des « politiques publiques ». Ces deux domaines ne sont pas strictement équivalents. Certaines actions du Gouvernement ne sont pas à proprement parler des politiques publiques. En sens inverse, d’autres personnes publiques que le Gouvernement, au premier chef les collectivités territoriales, conduisent des politiques publiques qui leur sont propres.

Le principal argument à l’encontre de la mention dans la Constitution du rôle du Parlement dans l’évaluation des politiques publiques est celui selon lequel il conviendrait de mentionner dans la Constitution uniquement les missions qui sont l’apanage exclusif du Parlement. Il serait dès lors peu satisfaisant d’y faire figurer une mission qui peut également être assurée par le Gouvernement lui-même. Cependant, on peut observer que si le Parlement vote la loi, la Constitution permet également au peuple français, consulté par la voie du référendum, d’adopter certaines lois (article 11 de la Constitution), sans qu’aucune délibération du Parlement n’intervienne. Ainsi, la mention du rôle du Parlement en matière d’évaluation des politiques publiques pourrait très bien être compatible avec le fait que cette évaluation n’est pas une mission exclusive du Parlement et que le Gouvernement et la Cour des comptes peuvent également, et de manière distincte, procéder à des évaluations.

Votre commission des Lois vous propose pour cette raison de prévoir, au nouvel article 47-2 de la Constitution, que la Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans leur mission d’évaluation des politiques publiques. Enfin, pour donner au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques toute leur place dans le cadre des travaux parlementaires, votre commission des Lois propose également de réserver par priorité une semaine de séance sur quatre à un ordre du jour consacré au contrôle et à l’évaluation (article 22).

En outre, comme on l’a vu, le projet de loi permettra au Président de l’Assemblée nationale, à celui du Sénat, mais aussi à soixante députés ou soixante sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels du Président de la République exercés sur le fondement de l’article 16 de la Constitution (157).

De manière spécifique, le contrôle du Parlement est renforcé en matière européenne. En application de l’article 32 (158), les projets et propositions d’actes européens seront transmis sans limitation au Parlement, tout en prenant compte de l’existence d’une base conventionnelle de transmission directe par les institutions européennes de documents aux parlements nationaux dans le cadre du contrôle de subsidiarité organisé par les traités. De la même façon, le Parlement pourra adopter des résolutions sur l’ensemble de ces documents européens, y compris lorsque les assemblées ne sont pas en session, ce qui constitue une différence notable avec le régime général des résolutions créé par l’article 12, insérant un article 34-1 de la Constitution. Est constitutionnalisé, sous l’appellation de « comité des affaires européennes », l’organe qui, dans chaque assemblée, est chargé de suivre les affaires européennes.

Par ailleurs, le Parlement retrouverait, sur le fondement de l’article 33, qui modifie l’article 88-5 de la Constitution (159), la possibilité de participer au contrôle du processus qui conduirait à la ratification du traité d’adhésion d’un nouvel État membre à l’Union européenne (160). Le cas de la Croatie continuant d’être réservé (161), le présent projet de loi constitutionnelle prévoit d’appliquer aux autres futures adhésions éventuelles la procédure qui s’applique aujourd’hui à la révision de la Constitution en vertu de son article 89 : le projet de loi autorisant la ratification devra être adopté par les deux assemblées en termes identiques et pourra, dès lors, être soumis par le Président de la République soit au peuple par référendum, soit au Parlement réuni en Congrès, auquel cas une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés serait requise.

Cette modification, inutilement compliquée, qui accorderait à chaque assemblée, de manière strictement égalitaire, le pouvoir de bloquer le processus d’adhésion, a été remplacée par votre commission des Lois par un dispositif qui maintient la voie référendaire dès lors qu’une nouvelle adhésion aurait pour conséquence d’accroître la population de l’Union européenne de plus de 5 %. Cette disposition permettra ainsi de distinguer celles des entrées dans l’Union européenne qui auraient nécessairement, compte tenu du poids démographique des candidats, des conséquences importantes sur les institutions.

d) Une place garantie à l’opposition

Reconnaître à l’opposition une place particulière, c’est répondre aux exigences d’une démocratie moderne et responsable. C’est aussi un moyen efficace de revaloriser le Parlement, comme lieu privilégié de l’expression démocratique.

En effet, la modernité démocratique se définit par le principe majoritaire, mais aussi par la place accordée à la minorité et à l’opposition dans la compétition électorale et, une fois l’élection acquise, dans les assemblées délibérantes. Aussi la promotion d’un statut de l’opposition marque-t-elle l’avènement d’une démocratie parvenue au terme de son développement, ayant atteint l’âge de raison.

Dans le cours de la vie démocratique, un tel statut ne saurait se concevoir uniquement comme un carcan de règles écrites rigides qui, loin de la libérer, cantonnerait l’opposition dans les limites d’une expression véhémente mais vaine, garantissant à la majorité l’assurance de pouvoir passer outre tout débat, en toutes circonstances. Ce statut doit donc recouvrir certes une série de lois écrites mais également prendre en compte – l’exemple britannique est là pour le montrer – les us et coutumes.

Ainsi défini, un statut de l’opposition doit conférer à un parti ou à un groupement de partis, celui qui n’est pas au pouvoir, des droits spécifiques, qui vont plus loin que le seul poids de ce parti ou groupement de partis.

En conséquence, pour acquérir une réalité au-delà des seuls discours, un authentique statut de l’opposition nécessite la réunion de trois éléments indissociables :

―  un élément structurel : c’est l’appartenance individuelle à un collectif, local ou national, qu’il s’agisse d’un parti, d’un groupement politique ou d’un groupe parlementaire, qui confère des droits particuliers ;

―  un élément politique : l’opposition est une façon d’agir, qui se traduit par des actes répétés à l’encontre du pouvoir – refus de voter un budget, exercice d’un contrôle, contestation des politiques menées ;

―  un élément juridique : le statut confère un droit collectif et privilégié, qui dépasse la seule représentativité du groupe qui en bénéficie.

La justification d’une telle dérogation au principe d’égalité est bien établie. De manière générale, pour Hans Kelsen, « la démocratie estime la volonté politique de tous égale, de même qu’elle respecte également toutes les croyances, toutes les opinions politiques, dont la volonté politique est simplement l’expression. (...) La domination de la majorité, si caractéristique de la démocratie, se distingue de toute autre domination parce qu’en son essence la plus profonde, non seulement elle suppose par définition même, mais encore reconnaît politiquement et, par les droits et libertés fondamentaux, par le principe proportionnaliste, protège une opposition – la minorité. » (162) Il ajoute : « Une dictature de la majorité sur la minorité n’est à la longue pas possible du seul fait qu’une minorité condamnée à n’exercer absolument aucune influence renoncera finalement à une participation purement formelle » (163).

La notion d’opposition s’apparente cependant à une « réalité insaisissable, quelque part entre droit et politique, entre le jeu des institutions et celui des rapports de forces » (164). Selon M. Pascal Jan, « l’opposition se présente comme une position reconnue d’un groupe au sein d’un régime politique en compétition pour l’accession légale au pouvoir et son exercice pacifique » (165).

C’est presque devenu un lieu commun que d’expliquer que la réelle séparation des pouvoirs n’est pas à chercher entre le Parlement et le Gouvernement, mais entre la majorité et l’opposition. Ainsi, Louis Favoreu estime que « la confrontation traditionnelle entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif s’efface de plus en plus désormais devant celle entre majorité et opposition. En France comme au Royaume-Uni ou dans d’autres systèmes parlementaires européens, le régime constitutionnel se caractérise en effet par une division bien marquée entre deux camps antagonistes : celui de l’exécutif soutenu par une majorité à l’Assemblée nationale ou à la Chambre des Communes et celui de la minorité représentée au Parlement, c’est-à-dire l’opposition. » (166) Comme l’exprime clairement M. Wilhelm Hennis, en évoquant l’Allemagne, « depuis le jour de sa première constitution, il n’y a jamais eu de Bundestag en tant que tel qui, dans sa totalité au sens de la doctrine constitutionnelle, aurait fait face aux autres pouvoirs. Depuis le début, il n’existait qu’en tant que majorité et opposition. » (167)

Si elle est partout présente dans les régimes démocratiques, cette reconnaissance s’inscrit dans un cadre plus ou moins formel en rapport avec les marques historiques de la naissance du parlementarisme propres à chaque pays (168).

La notion est née avec le régime parlementaire au Royaume-Uni. M. Jean-Louis Quermonne remarque qu’aujourd’hui encore « le parlementarisme se manifeste au Royaume-Uni à travers le dialogue permanent qu’entretient l’activité parlementaire entre la majorité et l’opposition » (169). Ces rapports sont consacrés, notamment, par le recours aux usual channels, instance de consultation informelle réunissant représentants du Gouvernement et de l’opposition et chargée de rechercher un terrain d’accord sur nombre de questions parlementaires, telles que l’ordre du jour ou le temps de parole.

Dans tous les pays, une meilleure place garantie à l’opposition est un signe de maturité démocratique du débat politique. Pour M. Roger-Gérard Schwartzenberg, le régime parlementaire, par nature, « valorise l’opposition. Il suppose une opposition cohérente, prête à prendre la relève de la majorité au pouvoir. Il tend à mettre sur le même plan le Gouvernement et l’opposition. » (170)

Si l’opposition trouve ainsi son expression la mieux admise au sein du Parlement, elle devrait également pouvoir être reconnue au niveau local. Si elle se laisse le plus facilement approcher dans le cadre des assemblées élues, elle doit aussi pouvoir être prise en compte durant la période électorale. L’avènement d’un authentique statut de l’opposition exigerait donc de couvrir l’ensemble du spectre du local au national, des élections à la vie des assemblées délibérantes.

Reconnaître l’opposition constitue aussi un levier fort de revalorisation du Parlement. Ce postulat est d’autant plus prégnant que la fonction de contrôle prend de l’importance dans l’activité des assemblées. S’il n’est pas question de revenir sur la logique majoritaire qui a apporté au régime stabilité et clarté des choix politiques – au rebours des expériences des Républiques précédentes –, en particulier dans le domaine législatif, la modernisation de notre démocratie impose d’accorder une véritable place à l’opposition au-delà des seuls discours bienveillants, mais impuissants.

La France, en 1958, avait pour principale préoccupation institutionnelle de se doter d’un Gouvernement stable, capable d’affronter les crises qui ont assombri les dernières années de la République précédente. Dès lors, le silence des textes sur la notion de minorité autant que sur celle de l’opposition peut s’expliquer aisément. Encore convient-il de rappeler que Michel Debré, lors de son discours devant le Conseil d’État, le 27 août 1958, avait déclaré : « un jour par semaine est réservé aux questions des parlementaires. La voix de l’opposition est ainsi assurée de se faire entendre. » Il ajoutait : « cette disposition est la marque décisive du régime parlementaire et des droits reconnus, dans le régime, à l’opposition. (…) L’intervention des assemblées est un contrôle et une garantie. Il ne faut pas, cependant, qu’un Gouvernement accapare les travaux des assemblées au point que l’opposition ne puisse plus manifester sa présence. Si elle ne doit pas pouvoir faire obstruction, elle doit pouvoir interroger. » Commentant, le 10 septembre 1946, le deuxième projet de l’Assemblée constituante, il avait déjà souligné la nécessité d’instituer « une opposition respectée, maintenant le pouvoir en éveil » (171).

La stabilité du Gouvernement ayant été assurée, la procédure des questions, si elle est nécessaire, se révèle à l’usage insuffisante et le silence de la Constitution sonne comme un manque. L’opposition doit accepter que la majorité est fondée à mettre sa politique en œuvre par la loi. En revanche, la majorité doit admettre que le contrôle est la vocation de l’opposition. La minorité doit être privilégiée, voire participer à égalité dans la responsabilité des activités de contrôle. Reconnaître à l’opposition sa juste place implique donc une sorte de « discrimination positive » à son égard, difficile à formaliser.

La recherche de ce que sont la majorité et l’opposition n’est pas nouvelle et a préoccupé nombre d’acteurs depuis les débuts de la Ve République avec l’apparition, puis, bientôt, la domination du fait majoritaire. Au cours de la Ière législature, notre ancien collègue, Robert Triboulet, député du Calvados, était ainsi allé jusqu’à proposer de séparer la majorité de l’opposition par un couloir divisant en deux parties l’hémicycle, afin de marquer physiquement l’appartenance de chacun à l’une ou à l’autre, selon un modèle tout britannique. Le passage d’un côté à l’autre n’aurait été admis que lors des « scrutins où le sort du ministère serait en jeu ». En vue des élections législatives de 1967, une nouvelle réglementation de la propagande radiotélévisée est mise en place avec la substitution au principe d’égalité entre toutes les formations présentant un minimum de candidats du principe de l’égalité entre la majorité, d’une part, et l’opposition, d’autre part.

Aujourd’hui, de manière relativement paradoxale, si l’opposition existe d’un point de vue politique, elle ne dispose de droits, dans une mesure d’ailleurs non négligeable, que dans le cadre des droits reconnus aux groupes parlementaires et de ceux dont bénéficie chacun des membres de l’Assemblée nationale et du Sénat, sans que soit distinguée l’appartenance à la majorité ou à l’opposition.

Comme l’a fait valoir le rapporteur devant le comité présidé par M. Édouard Balladur, « tout le monde parle de la majorité et de l’opposition, chacun sait ce que c’est. Mais personne ne l’a défini. Or, pour accorder des droits spécifiques à l’opposition, au-delà de son " poids démographique ", une définition juridique apparaît nécessaire. Le plus simple paraît de désigner membres de l’opposition ceux qui se déclarent tels ; un tel système déclaratif lié à l’octroi de droits spécifiques ne lèse personne, puisque lesdits droits sont des droits supplémentaires. Dans ce contexte, celui qui souhaite n’appartenir ni à la majorité, ni à l’opposition peut choisir de ne rien déclarer. Il ne perdra aucun droit, puisque, dans le système actuel, il n’en a aucun, l’essentiel des postes étant réparti au mieux à la représentation proportionnelle. »

Sur le modèle de ce qui a été fait en faveur de l’égal accès des hommes et des femmes aux fonctions et mandats électifs, il pourrait être envisagé de donner un ancrage constitutionnel à l’octroi à l’opposition parlementaire de droits spécifiques, notamment en matière de contrôle de l’application des lois.

Il convient de créer un modèle original. L’exemple britannique reste avant tout une référence historique. En effet, s’ils forment un des éléments forts du parlementarisme, les droits de l’opposition nés au Royaume-Uni n’y connaissent pas le développement qu’on imagine parfois. Ainsi Eric Forth, qui a été Shadow Leader of The House, considère, dans cet esprit, que « la convention » de l’alternance est « une des rares protections accordées aux membres de l’opposition ». Cependant, si les droits de parole de l’opposition ne sont pas matériellement institutionnalisés, ils orientent traditionnellement les choix opérés par le Speaker.

Pour répondre à l’ensemble de ces exigences, le présent projet de loi constitutionnelle prévoit, au premier chef, dans son article 1er, d’accorder, dans un cadre national et sur le fondement de la loi, des droits particuliers aux partis et groupements qui n’ont pas déclaré soutenir le Gouvernement, ce qui permettra notamment de faciliter l’accès au financement public des partis qui ne composent pas la majorité qui soutient celui-ci (172). Votre commission des Lois a souhaité préciser et enrichir cette déclaration de principe, d’une part, en l’étendant au niveau local et, d’autre part, en adoptant la notion de « participation » ou de « non-participation » à la majorité des assemblées délibérantes de préférence à celle de déclaration ou d’absence de déclaration de soutien au Gouvernement.

Ce principe trouvera son prolongement au niveau parlementaire dans l’article 24 qui insère un article 51-1 nouveau dans la Constitution et qui renvoie aux règlements des assemblées le soin de déterminer les droits respectifs des groupes parlementaires – dont l’existence est ainsi consacrée dans la Constitution – qui ont déclaré soutenir le Gouvernement et de ceux qui n’ont pas déclaré le soutenir (173). Pour se conformer au choix fait dans l’article 1er et pour permettre de prendre en compte la possibilité d’avoir deux assemblées parlementaires qui n’ont pas la même majorité, votre commission des Lois a modifié la rédaction de l’article 24 pour substituer à la notion de déclaration de soutien au Gouvernement celle de participation à la majorité de chaque assemblée.

Toujours dans le cadre parlementaire, l’article 22 consacré à l’ordre du jour réserve de droit un jour de séance mensuelle à l’initiative des groupes qui n’ont pas déclaré soutenir le Gouvernement (174), tandis que l’opposition trouvera naturellement sa place dans la commission qui sera chargée, en application de l’article 4 du présent projet de loi constitutionnelle, de donner un avis sur certaines des propositions de nomination aux emplois publics faites par le Président de la République (175). En outre, la minorité parlementaire aura la possibilité de contester devant le Conseil constitutionnel la poursuite au-delà de trente jours de la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels du Président de la République, prérogative qu’il détient en vertu de l’article 16 de la Constitution. Cette saisine sera, en effet, comme on l’a vu, ouverte à soixante députés ou soixante sénateurs (article 5(176).

Un tel statut implique évidemment, en premier lieu, la reconnaissance des droits de l’opposition mais également, en contrepartie, de ses devoirs, qui sont d’accepter la loi majoritaire, ce qui pose notamment la question de l’obstruction, et surtout de demeurer dans le cadre démocratique, dont le renforcement implique aussi d’améliorer la place accordée au citoyen.

2. Un État de droit pour renforcer la place du citoyen

La question à résoudre est bien celle de la réconciliation entre l’esprit public et les institutions, entre la société et les pouvoirs publics (177). La réponse passe certainement par la possibilité pour chacun de faire valoir ses droits et ses aspirations, ce que ne peuvent que faciliter l’organisation de l’accès des citoyens au Conseil constitutionnel, le raffermissement de l’autorité judiciaire dans son indépendance, la modernisation du Conseil économique et social, qui accueille les forces vives de la société française, ou encore la création d’une nouvelle institution, le Défenseur des droits des citoyens, appelé à intervenir dans les interstices de notre État de droit.

a) Un accès des citoyens à la justice constitutionnelle assuré

Près de cinquante années après son entrée en vigueur, la Constitution du 4 octobre 1958 a connu, comme on l’a vu, avec l’élection du Président de la République au suffrage universel direct et l’extension progressive du contrôle de constitutionnalité de la loi deux modifications importantes contenues en germe dans le texte originel. Or, les deux institutions bénéficiaires de ces évolutions sont celles qui paraissaient les plus étrangères à notre tradition juridique.

Une nouvelle étape est franchie avec le présent projet de révision (articles 26 et 27) (178). L’élargissement de la saisine du Conseil constitutionnel aux questions de constitutionnalité soulevées à l’occasion d’une instance devant les juridictions judiciaires ou administratives vient parfaire le processus engagé en 1958 et complété en 1974.

Aussi cette disposition peut-elle être présentée, selon un paradoxe apparent, comme constituant à la fois une continuité et une rupture.

La continuité est évidente avec la réforme de 1974 et l’importance prise par le Conseil constitutionnel dans notre vie institutionnelle. L’auteur du rapport sur la révision de 1974 pouvait commencer son propos par les mots suivants : « Dans notre droit public, le Conseil constitutionnel constitue une greffe qui a réussi » (179).

La rupture est à rechercher dans l’apparente atteinte que cette réforme porterait à la conception française de la suprématie de la loi, expression de la souveraineté nationale. Mais il faut bien constater que la véritable rupture a réellement eu lieu dès 1958. En effet, si l’on peut trouver dans le droit public français antérieur quelques discrètes prémices ou ébauches à peine esquissées d’un contrôle de constitutionnalité de la loi (180), si la Constitution du 27 octobre 1946, dans ses articles 91 à 93, institue un Comité constitutionnel présidé par le Président de la République (181), c’est bien la Ve République qui lui a donné une réalité tangible.

Ainsi, depuis lors, le Conseil constitutionnel contrôle ou peut contrôler les normes juridiques émanant des assemblées parlementaires. En effet, aux termes de l’article 61 de la Constitution, ce contrôle se subdivise entre un examen obligatoire pour les lois auxquelles la Constitution confère un caractère organique et pour les règlements des assemblées et une saisine facultative pour les lois ordinaires.

Dans le texte initial de la Constitution, ce contrôle facultatif ne pouvait être mis en œuvre que par quatre autorités, le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale ou celui du Sénat. Comme on l’a vu, la loi constitutionnelle n° 74-904 du 29 octobre 1974, en étendant cette possibilité de saisine à soixante députés ou à soixante sénateurs, a provoqué un changement d’échelle dans le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel (182). Si entre 1959 et l’entrée en vigueur de la réforme de 1974, il a rendu neuf décisions portant sur des lois ordinaires, soit moins d’une décision par an, ce sont plus de trois cent cinquante-six décisions qui auront été rendues entre 1974 et 2007, soit plus de dix décisions par an en moyenne.

Une logique identique sera d’ailleurs suivie pour le contrôle de conformité à la Constitution des engagements internationaux signés par la France. Comme à l’article 61, le texte initial de la Constitution réservait la saisine aux quatre autorités que sont le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale et celui du Sénat. La loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992, dans son article 2, a élargi cette saisine à soixante députés ou soixante sénateurs (183).

Le système mis en place en 1958, renforcé en 1974, étendu en 1992, a montré son efficacité. Sans qu’il soit besoin d’en faire une démonstration détaillée, en bientôt cinquante années d’activité et notamment pendant les deux dernières décennies, le Conseil constitutionnel a pu élaborer une jurisprudence à la trame serrée et dont il n’est pas contestable, en particulier dans le domaine de la protection des droits fondamentaux des individus, qu’elle a contribué à parfaire l’État de droit dans notre pays.

La France, contrairement à d’autres pays, a choisi un contrôle à la fois spécialisé, qui n’est pas exercé par les juridictions ordinaires, préventif, puisqu’il intervient avant qu’un texte, loi ou traité, n’entre en vigueur, et abstrait, parce qu’il s’apprécie en dehors de toutes espèces particulières. Son effet vaut erga omnes. Mais, s’il garantit une grande sécurité juridique, c’est un contrôle limité car la saisine n’est ni systématique, ni ouverte à tout justiciable. Le système français est le seul en Europe à ne pas donner le droit à un citoyen de soulever, dans un procès, le moyen de l’inconstitutionnalité de la loi, tandis que tout juge, en revanche, peut exercer un contrôle de conventionalité de celle-ci et peut, sur ce fondement, en écarter l’application.

C’est pourquoi, en complément du contrôle direct de constitutionnalité et dans la perspective du parachèvement de notre système de contrôle des droits fondamentaux, plusieurs tentatives ont été menées depuis près de vingt ans pour permettre aux citoyens d’avoir accès, par l’entremise des juridictions ordinaires, à la justice constitutionnelle en les autorisant à invoquer la non-conformité à la Constitution de la loi dont il leur est fait application au cours d’un procès.

Un projet de loi constitutionnelle fut débattu en 1990. Après deux lectures dans chacune des deux assemblées, les positions de celles-ci paraissant inconciliables, la procédure s’arrêta à ce stade. Après la remise du rapport du « comité Vedel » qui se prononça dans ce sens, un nouvel essai fut entrepris en 1993 avec le dépôt d’un projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses titres VII, VIII, IX et X, sur le bureau du Sénat qui décida de supprimer l’ensemble de ses dispositions relatives au Conseil constitutionnel. Le projet poursuivit son cours amputé de ces dispositions pour aboutir à la loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993 précitée.

Saisi de cette question, le « comité Balladur », dans sa proposition n° 74, proposa de nouveau d’instituer un contrôle, « qui aurait pour objet de permettre à tout justiciable d’invoquer, par la voie dite " de l’exception ", devant le juge qu’il a saisi, la non-conformité à la Constitution de la disposition législative qui lui est appliquée, à charge pour ce juge d’en saisir le Conseil constitutionnel dans des conditions à définir. Ne seraient naturellement invocables que les normes constitutionnelles de fond, le justiciable n’ayant pas vocation à s’ériger en gardien de la procédure législative ou du respect des compétences respectives du législateur et du pouvoir réglementaire. » (184)

Reprise dans le présent projet de loi constitutionnelle qui insère un article 61-1 nouveau dans la Constitution, cette proposition permettra au Conseil constitutionnel, saisi sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation, de répondre à la question, soulevée au cours d’une instance, de la conformité à la Constitution d’une disposition législative postérieure à 1958 (185). Aux fins de garantir un fonctionnement optimal de ce mécanisme, votre commission des Lois l’a complété par la possibilité, pour les justiciables, de demander au Conseil constitutionnel de se prononcer lorsque le Conseil d’État ou de la Cour de cassation n’auront pas répondu dans un délai qui serait fixé par la loi organique.

En outre, pour assurer l’efficacité du système, il est prévu, dans l’article 62 de la Constitution, que la disposition déclarée non conforme par le Conseil constitutionnel sera abrogée, soit à compter de la publication de sa décision, soit à compter d’une date fixée par lui (186).

b) Une autorité judiciaire raffermie

La commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite « d’Outreau » et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement a montré la nécessité de rétablir la confiance des Français dans leur justice. Pour cela, elle a formulé un certain nombre de propositions (187). Tirant les conséquences des conclusions de cette commission d’enquête, le garde des Sceaux, M. Pascal Clément, avait présenté, à la fin de la XIIe législature, une première réforme, modifiant l’ordonnance portant loi organique relative au statut de la magistrature (188) ainsi que le code de procédure pénale.

La loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats a rétabli une obligation de formation continue des magistrats et procédé à de nombreuses modifications dans la formation initiale des magistrats : stage obligatoire en cabinet d’avocat ou auprès d’un barreau, généralisation de la formation probatoire des candidats admis à l’intégration directe au corps judiciaire ainsi que des juges de proximité, prise en compte des réserves du jury pour la nomination à un premier poste. En matière de discipline, le CSM est chargé d’élaborer un recueil des obligations déontologiques des magistrats et l’autorité disciplinaire peut interdire à un magistrat d’être nommé dans des fonctions de juge unique.

La loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale a, pour sa part, permis de mettre en œuvre plusieurs recommandations du rapport de la commission d’enquête en matière de procédure pénale : instauration, à un horizon de trois ans, de pôles de l’instruction, renforcement du contradictoire pour la mise en examen et le recours à l’expertise, enregistrement audiovisuel des interrogatoires lors des gardes à vue et des mises en examen.

La présente révision constitutionnelle est l’occasion de poursuivre la réforme de la justice, dans le sens des propositions formulées par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale. Cette dernière proposait de modifier la composition du CSM, afin d’établir la parité entre magistrats et non-magistrats et de faire élire directement les magistrats par leurs pairs sans critère de représentativité syndicale et sans seuil (189). Elle suggérait également de confier la vice-présidence du CSM alternativement à un membre du collège des magistrats et à un membre du collège des non-magistrats, pour une durée de deux ans chacun (190).

De la même manière, le « comité Balladur » a proposé de rénover le CSM, en supprimant la présidence de droit par le Président de la République, en assurant une composition plus ouverte sur la société (comprenant un avocat, un professeur d’université) et en élargissant les attributions du CSM à l’égard des magistrats du parquet (191).

La confiance des citoyens dans la justice passe en effet par un CSM plus autonome et moins « corporatiste ». Pour cette raison, la modification proposée de l’article 65 de la Constitution (article 28(192) a pour objet :

—  de supprimer la présidence du CSM par le Président de la République et la vice-présidence par le garde des Sceaux ;

—  de confier la présidence de la formation « siège » au Premier président de la Cour de cassation et la présidence de la formation « parquet » au Procureur général près la Cour de cassation, sans faire de distinction entre les réunions relatives aux nominations et celles relatives aux questions disciplinaires ;

—  d’élargir la composition du CSM, en prévoyant la nomination d’un représentant de la profession d’avocat et en faisant passer de trois à six le nombre de personnalités n’appartenant ni au Parlement ni à l’ordre judiciaire désignées par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat ;

—  de soumettre les nominations de personnalités qualifiées à l’avis de la commission parlementaire chargée de donner son avis sur les nominations à certains emplois ;

—  de maintenir une possibilité pour le garde des Sceaux d’assister aux réunions relatives aux nominations, afin de lui permettre ainsi de défendre son point de vue et d’expliquer ses propositions de nominations.

Ainsi, alors que chacune des deux formations du CSM compte à l’heure actuelle dix membres (non compris le Président de la République et le garde des Sceaux), dont une majorité de magistrats, les formations renouvelées compteront chacune quinze membres, dont une minorité de magistrats (sept magistrats, dont le président, et huit personnalités extérieures communes aux deux formations).

S’il est apparu que la nouvelle composition du CSM permettrait de lever tout soupçon de corporatisme, votre commission des Lois a également souhaité éviter tout risque de politisation de l’institution et vous propose, pour cette raison, de diversifier les modes de nomination des non-magistrats. Elle vous propose, par ailleurs, d’établir la parité entre magistrats et non-magistrats lorsque les formations du CSM se réunissent en matière disciplinaire.

Dans le même temps, ce CSM rénové voit son champ de compétence élargi, puisqu’il sera désormais compétent pour donner son avis sur l’ensemble des nominations de magistrats du parquet. Certains n’en considèrent pas moins cette réforme comme trop timide. Ainsi le professeur Dominique Rousseau regrette qu’aucun pouvoir ne soit confié au CSM en matière de formation des magistrats, en matière de fonctionnement du service public de la justice, et que les pouvoirs du CSM en matière disciplinaire ainsi que pour la nomination des magistrats du parquet ne soient pas accrus. « Premier pays à avoir inventé l’institution " CSM ", la France n’est plus aujourd’hui un modèle pour les pays européens qui, après l’avoir copié, ont accordé à leur CSM un vaste domaine de compétences. » (193)

Il convient toutefois de faire observer que, d’après l’exposé des motifs du présent projet de loi constitutionnelle, une loi organique devrait dans un second temps modifier l’ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature afin de « permettre la saisine disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables eux-mêmes, avec des filtres appropriés, et non plus seulement par le garde des Sceaux et les Premiers présidents de cours d’appel ». Dans son rapport annuel d’activité pour 2006, le CSM a également recommandé cette modification de l’ordonnance du 22 décembre 1958, qui permettrait de renforcer le lien de confiance entre les citoyens et l’institution judiciaire. Dans le prolongement de ces propositions, votre commission des Lois souhaite inscrire dans la Constitution le principe d’une saisine du CSM par tout justiciable, tout en renvoyant à une loi organique le soin de préciser les conditions de cette saisine.

c) Un Conseil économique et social modernisé

Au moment où la France est engagée dans un vaste mouvement de réformes, le renforcement de la démocratie sociale apparaît comme un impératif pour surmonter les blocages de la société. Le Conseil économique et social, qui incarne la diversité nationale, avec ses contradictions, mais aussi avec sa volonté de dégager des synthèses originales, doit devenir le lieu privilégié de la rénovation du dialogue social, une assemblée dont les travaux préparent des réformes mieux conçues et mieux comprises.

Le présent projet de loi constitutionnelle engage une profonde réforme de cette institution, qui se poursuivra par le vote d’une loi organique réactualisant sa composition, afin qu’elle représente plus finement la France d’aujourd’hui et les idées de notre temps. La réforme centrale de la représentativité syndicale, qui renforcera l’influence et la responsabilité des organisations syndicales, est par ailleurs en cours ; elle contribuera également à une meilleure représentation des forces vives de la société au sein du Conseil.

René Rémond (194) considérait que le développement de la mission consultative pouvait être une réponse à l’interrogation qui travaille notre société sur la façon de moderniser la démocratie à une double condition :

—  que ces organes consultatifs inspirent confiance et que le citoyen se sente effectivement représenté. La loi organique annoncée visera cet objectif ;

—  qu’il y ait un dialogue entre le citoyen et les instances consultatives, que le courant passe dans l’un et l’autre sens. L’instauration d’une saisine du Conseil économique et social par voie de pétition citoyenne (article 29) favorisera ce dialogue en facilitant l’intervention directe de la « société civile » dans l’assemblée qui la représente (195).

Tenant compte de l’importance grandissante prise par les problématiques environnementales, l’article 30 étend les compétences de ce Conseil économique et social rénové en prévoyant qu’il puisse être consulté par le Gouvernement sur toute question relative à l’environnement (196). Votre commission des Lois, à l’initiative de MM. Bertrand Pancher et Christophe Caresche, a estimé opportun de modifier en conséquence le nom du Conseil économique et social, en lui adjoignant le qualificatif d’« environnemental » (article additionnel après l’article 28) (197). Elle a par ailleurs souhaité limiter le nombre de membres dudit Conseil à deux cent trente-trois, soit l’effectif actuel (article additionnel après l’article 30(198).

d) Un Défenseur des droits des citoyens institué

La question de la constitutionnalisation du Médiateur de la République a été posée à plusieurs reprises au cours de ces dernières années. Dès 1992, Jacques Pelletier, alors lui-même Médiateur de la République, appelait de ses vœux cette constitutionnalisation. Envisagée par le « comité Vedel » puis par le projet de révision constitutionnelle déposé au Sénat le 10 mars 1993, elle n’aurait alors consisté qu’à mentionner cet emploi au titre de ceux nommés par le Président de la République en Conseil des ministres (troisième alinéa de l’article 13 de la Constitution).

Le « comité Balladur » a formulé une proposition plus audacieuse : consacrer un titre spécifique de la Constitution à un Défenseur des droits fondamentaux, qui s’inspirerait de l’exemple espagnol du Défenseur du Peuple. Ce Défenseur des droits fondamentaux, désigné à la majorité des trois cinquièmes par l’Assemblée nationale, se substituerait à l’ensemble des AAI œuvrant dans le champ de la protection des libertés. Le rapport du comité expliquait que « la création d’une telle autorité, seule élue par l’Assemblée nationale et dont la mission serait incompatible avec l’exercice d’un mandat parlementaire, non seulement répondrait à un besoin réel, mais encore améliorerait le fonctionnement global de nos institutions » (199).

Le nouveau titre XI bis et le nouvel article 71-1 qui sont introduits dans la Constitution répondent à cette proposition (article 31(200).

Le Défenseur des droits des citoyens, nommé par le Président de la République après consultation de la commission des nominations, pourra être saisi par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public. Il aura donc vocation non seulement à se substituer à l’actuel Médiateur de la République mais également à remplacer d’autres AAI dont les missions correspondent au domaine d’action du Défenseur, à l’instar du Contrôleur général des lieux de privation des libertés ou de la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

Cette constitutionnalisation donnerait un poids plus grand au Défenseur face aux administrations, lui assurerait une reconnaissance plus explicite et permettrait un recours plus aisé de chacun à cette institution.

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* *

La Commission a procédé, le mercredi 30 avril 2008, à l’audition de Mme Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la justice, et de M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République (n° 820).

Le président Jean-Luc Warsmann, rapporteur, après avoir souhaité la bienvenue à Mme Rachida Dati, garde des Sceaux et à M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, a souligné que si, en cinquante ans de fonctionnement, la Constitution de la VRépublique a démontré sa solidité et son adaptabilité et a fait l’objet d’une très forte adhésion des citoyens, des aspirations nouvelles se sont fait jour. Aussitôt élu, le Président de la République a souhaité que des propositions de modernisation de nos institutions lui soient soumises. Il en a chargé un comité pluraliste, présidé par l’ancien Premier ministre M. Édouard Balladur, qui sera entendu immédiatement après les ministres.

Au mois d’octobre dernier, après trois mois et demi de travaux, ce comité a remis son rapport, à partir duquel un avant-projet de loi a été élaboré. Celui-ci a été soumis à une large consultation et le projet de loi définitif a été déposé mercredi dernier sur le bureau de l’Assemblée. Il vise tout à la fois à mieux contrôler le pouvoir exécutif, à renforcer les droits du Parlement et à en accorder de nouveaux aux citoyens.

Mme Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la justice, a d’abord rappelé que les institutions étant au cœur de la vie politique et constituant le socle de l’action de l’État, elles ne peuvent rester à l’écart de l’effort de modernisation souhaité par les Français.

Si la vie démocratique du pays a déjà connu, depuis 1958, plusieurs inflexions, jamais l’équilibre général des institutions n’a été repensé dans une réflexion d’ensemble. C’est dire l’ambition du projet de loi constitutionnelle.

Il convient à cet égard de rendre hommage au comité de réflexion, présidé par M. Édouard Balladur, qui a été chargé par le Président de la République de lui soumettre des propositions sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la VRépublique. Ce comité, dans sa diversité, a formulé, après trois mois et demi de travaux et de consultations, soixante-dix-sept recommandations qui, pour la plupart, ont été soumises à la consultation des différentes forces politiques du pays, l’objectif étant d’élaborer un texte susceptible de recueillir un accord large.

Le projet de loi constitutionnelle, fruit de toutes ces réflexions et consultations, rassemble les mesures qui relèvent du niveau constitutionnel. Les autres seront reprises, le moment venu, dans les textes du niveau adéquat, sur la base de la Constitution révisée.

Le texte s’articule autour de trois orientations qui se confortent mutuellement : des droits nouveaux pour les citoyens, un pouvoir exécutif mieux contrôlé et un Parlement profondément renforcé, point qui est le principal apport de la réforme.

La réforme des institutions ne doit pas se limiter à améliorer les rapports entre les pouvoirs constitués, car les Français veulent être davantage écoutés et voir leurs droits garantis de manière plus efficace. Aussi, le projet de loi constitutionnelle crée de nouveaux droits à leur profit en apportant cinq avancées majeures.

D’abord, l’article 1er reconnaît des droits au profit de l’opposition en termes, par exemple, de règles de financement ou de création de commissions d’enquête ou de missions d’information.

Ensuite, le projet ouvre la voie à un renforcement du Conseil économique et social, qui pourra être saisi par une pétition citoyenne et qui sera consulté sur les questions environnementales, sachant que, parallèlement, une vaste réforme de sa composition devra être entreprise.

Le projet propose, en outre, de franchir une étape fondamentale dans le respect de la Constitution en permettant aux justiciables d’évoquer, devant le juge administratif ou judiciaire, l’inconstitutionnalité d’une loi postérieure à 1958. La disposition déclarée inconstitutionnelle en dernier ressort par le Conseil constitutionnel ne sera alors pas appliquée au justiciable. De plus, elle sera automatiquement abrogée par la seule décision du Conseil.

Par ailleurs, si la création du Médiateur de la République a constitué un progrès notable, la fonction, qui reste très encadrée, n’est pas celle de l’Ombudsman des pays nordiques. Aussi le texte instaure-t-il, en remplacement, un Défenseur des droits des citoyens doté d’un véritable pouvoir de contrôle. Une loi organique précisera ses modalités d’intervention. À terme, il pourrait notamment reprendre les attributions du Contrôleur général des lieux de privation et de liberté, lequel sera d’ailleurs désigné prochainement.

Enfin, le projet reconsidère la composition du CSM, réforme qui a été portée par Élisabeth Guigou en 1998, souhaitée par la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau en 2006 et expressément demandée par le « comité Balladur ».

Le Gouvernement propose que le Président de la République et le garde des Sceaux ne président plus le CSM et que ses deux formations – celle du siège et celle du parquet – soient respectivement présidées par le Premier président de la Cour de cassation et par le Procureur général près la Cour de cassation. Le CSM émettra désormais un avis sur toutes les nominations du parquet, y compris aux postes de Procureur général près la Cour de cassation et de procureurs généraux de cours d’appel.

Pour éviter toutes les critiques de corporatisme, les magistrats de l’ordre judiciaire, au nombre de sept sur quinze membres, président compris, ne seront plus majoritaires. Par ailleurs, les six personnalités désignées par les autorités politiques – Présidents de la République, du Sénat et de l’Assemblée – verront leur nomination soumise à l’avis d’une commission parlementaire et ne seront pas non plus majoritaires à elles seules. Enfin, deux personnalités indépendantes siégeront aussi au CSM : un conseiller d’État et un avocat.

Le deuxième objectif du projet est de rénover les modalités d’exercice du pouvoir exécutif.

Le Président de la République ne pourra exercer plus de deux mandats présidentiels consécutifs – le titulaire de la charge mettra ainsi son énergie à agir plutôt qu’à durer –, le nombre de membres du Gouvernement sera plafonné et tant les désignations au sein des AAI, du CSM et du Conseil constitutionnel, que les nominations des présidents des établissements publics effectuées par le Président de la République seront soumises à l’avis d’une commission parlementaire.

Par ailleurs, sans remettre en cause les pleins pouvoirs que l’article 16 de la Constitution donne au Président de la République en cas de crise exceptionnelle, il faut renforcer les garanties qui entourent son application. Le Conseil constitutionnel contrôlera la nécessité de maintenir en vigueur l’article 16.

Le projet de loi modernise également le régime du droit de grâce reconnu au Président de la République. Il ne s’exercera qu’à titre individuel et après qu’une commission de sages aura émis un avis sur la demande.

Aujourd’hui, les députés doivent écouter un message du Président de la République, ce qui est une pratique désuète : il peut s’exprimer dans tous les parlements étrangers de même qu’il peut parler directement aux Français par l’intermédiaire de la télévision, mais il ne peut s’adresser à leurs représentants. Aussi est-il proposé qu’il puisse prendre la parole devant le Parlement réuni en Congrès, ou devant l’une ou l’autre des assemblées, non pas à sa guise, mais dans des moments particulièrement solennels de la vie de la Nation. Son allocution pourra être suivie d’un débat hors de sa présence, mais non d’un vote : il ne s’agit pas de remettre en cause la nature même du régime.

Par ailleurs, si le Premier ministre est, selon la Constitution, responsable de la défense nationale, le Président de la République est le chef des armées et le Gouvernement est collégialement responsable de l’ensemble de la politique de la Nation devant le Parlement. Afin de clarifier les responsabilités en la matière, le texte prévoit que le Premier ministre mettra en œuvre les décisions prises par le comité de défense nationale.

Dans le même temps, la décision d’engager l’armée dans des opérations extérieures donnera lieu à une information du Parlement qui pourra déboucher sur un débat sans vote. Au bout de six mois, la prolongation de l’intervention devra être autorisée par la Représentation nationale.

Enfin, le troisième objectif du projet de loi est de renforcer le Parlement car, si nos institutions fonctionnent bien, elles sont déséquilibrées au détriment du pouvoir législatif.

Les contraintes du parlementarisme rationalisé doivent donc correspondre aux exigences d’une démocratie irréprochable, sans pour autant diminuer l’efficacité qui caractérise le fonctionnement actuel de nos institutions.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, après avoir également rendu hommage au « comité Balladur », a estimé que le système de relations entre l’exécutif et le législatif a atteint ses limites. Aussi convient-il d’évoluer vers un système de coresponsabilité qui permette à chacun, Gouvernement, majorité, mais aussi opposition, de jouer son rôle et d’assumer ses responsabilités au profit de tous les Français.

Le Parlement sera donc renforcé, d’abord en le rendant encore plus représentatif. C’est ainsi que le texte prévoit que le Sénat assurera la représentation des collectivités territoriales « en tenant compte de leur population », que les Français établis hors de France seront aussi représentés à l’Assemblée nationale, que le redécoupage des circonscriptions sera effectué de manière régulière – pour éviter toute polémique, une commission indépendante rendra un avis public sur ce redécoupage périodique – enfin, que les membres du Gouvernement pourront retrouver leur siège au Parlement lorsqu’ils cesseront d’exercer leurs fonctions ministérielles.

Renforcer le Parlement, c’est également accentuer ses prérogatives, que ce soit en matière législative ou de contrôle.

Outre que la Constitution indiquera clairement en son article 24 que le Parlement vote la loi et contrôle l’action du Gouvernement, assisté en cela par la Cour des comptes, toutes les propositions d’actes européens, sans plus aucune restriction, seront transmises aux assemblées et pourront faire l’objet de résolutions.

Concernant les élargissements de l’Union, le Parlement, réuni en Congrès, pourra adopter, selon une procédure renforcée, à la majorité des trois cinquièmes, les lois autorisant les nouvelles adhésions, sachant, ainsi que le Président de la République l’a rappelé solennellement, que le référendum sera toujours la voie naturelle pour les adhésions les plus importantes, comme celle de la Turquie.

Renforcer le Parlement, c’est aussi le rendre plus efficace et plus maître de ses travaux.

Les assemblées parlementaires auront ainsi la liberté d’instituer en leur sein jusqu’à huit commissions permanentes. Les Conférences des Présidents fixeront l’ordre du jour des assemblées qui auront désormais la maîtrise de la moitié de leur ordre du jour. Les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale resteront prioritaires, de même que les lois autorisant la prolongation des états de crise.

Plus fondamentalement, le texte discuté en séance plénière ne sera plus le projet du Gouvernement, mais le texte issu des travaux de la commission, gage, pour le travail parlementaire, d’une efficacité et d’un intérêt accrus.

Outre les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, l’article 49, alinéa 3, ne pourra être utilisé que pour un seul texte par session. Quant au droit d’amendement, il pourra être mieux organisé. Pour l’examen des textes techniques, une simple ratification dans l’hémicycle du travail fait en commission pourra être prévue par les règlements des assemblées. De même, la pratique de l’encadrement du dépôt des amendements pourrait trouver une base certaine : tous les amendements seront examinés à un moment ou à un autre, mais la séance plénière devra gagner en solennité et en clarté pour les citoyens.

Le Parlement disposera également de plus de temps pour examiner les textes, avec un minimum d’un mois en première lecture, et la procédure d’urgence sera plus encadrée. Il pourra aussi, sur des questions juridiques ponctuelles et délicates, saisir le Conseil d’État pour examiner une proposition de loi en vue de son passage en commission.

Enfin, renforcer le Parlement c’est redonner toute sa place à la loi, qui doit demeurer la norme essentielle.

Les assemblées pourront adopter des résolutions dans tous les domaines et dans les conditions fixées par les règlements des assemblées. Elles pourront ainsi marquer une volonté politique sans forcément adopter une loi sans aucune portée normative. Le Président de chaque assemblée pourra opposer l’irrecevabilité à un amendement intervenant dans une matière non législative, et le champ des lois de programmation sera étendu en dehors du champ économique et social, ce qui concernera, notamment, la loi de programmation militaire.

Le président Jean-Luc Warsmann, a tout d’abord demandé pourquoi, en matière de droit de grâce, était prévu l’avis préalable d’une commission ad hoc plutôt que celui du CSM.

Dans le domaine de la défense nationale, comment le Parlement pourra-t-il exercer son contrôle sur l’exécutif si le Gouvernement, responsable devant la Représentation nationale, ne fait plus que mettre en œuvre les décisions prises par le Président de la République ?

Quant aux Français établis hors de France, quels seront le nombre de leurs députés qu’ils désigneront et le mode d’élection de ces derniers ?

Enfin, en matière d’intervention des forces armées, pourquoi l’absence de vote du Parlement est-elle systématiquement prévue, alors qu’un vote en la matière permettrait de renforcer le poids de la décision du Président de la République ? Par ailleurs, sous quelle forme l’information du Parlement en la matière est-elle prévue ? De même, alors que le « comité Balladur » proposait un vote du Parlement pour les interventions excédant trois mois, pourquoi le Gouvernement a-t-il choisi de porter ce délai à six mois ? Enfin, si ces dispositions sont adoptées, vaudront-elles pour les interventions en cours, ce qui impliquerait à l’automne prochain un vote sur les interventions commencées depuis plus de six mois ?

La garde des Sceaux a rappelé, concernant le droit de grâce, qui ne serait d’ailleurs plus que d’ordre individuel, que la mission première du CSM concerne les nominations, l’avancement et la discipline des magistrats. L’objet du CSM n’est pas d’apprécier de nouveau une décision de justice au regard d’une situation individuelle.

S’agissant de la défense, l’objectif est simplement de lever une ambiguïté puisque la Constitution précise que si le Président de la République est le chef des armées, le Premier ministre est responsable de la défense nationale. La réforme a pour objet de préciser que le Premier ministre a pour tâche de mettre à exécution les décisions prises dans le cadre du comité de défense nationale par le Président de la République. Le Gouvernement reste donc responsable devant le Parlement de la politique suivie en matière de défense nationale.

Concernant les engagements extérieurs, si le Parlement en débattra sans vote, son autorisation sera nécessaire pour leur prolongation au-delà de six mois. Il pourra en outre contrôler l’intervention en refusant, par le biais budgétaire, de la financer.

Le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement a précisé à cet égard que le Gouvernement s’engageait à ce que les nouvelles dispositions constitutionnelles s’appliquent aux opérations militaires extérieures en cours.

S’agissant de la représentation du 1,4 million de Français de l’étranger, il est envisagé, au stade actuel de la réflexion, un nombre de dix à douze députés élus au scrutin de liste, soit majoritaire soit proportionnel, au sein de très grandes circonscriptions délimitées au niveau mondial – sans que le découpage en soit encore arrêté.

M. Bernard Roman ayant demandé si, dans ces conditions, le nombre de députés actuel resterait inchangé, le secrétaire d’État a précisé que, là non plus, rien n’était décidé.

M. Arnaud Montebourg a rappelé que, face à la crise démocratique profonde que connaît le pays, les socialistes proposent depuis de nombreuses années une réforme d’ampleur du système politique national. Leur candidate, Mme Ségolène Royal, lors de la dernière élection présidentielle a d’ailleurs défendu avec eux un grand projet de VIRépublique affectant plus de cinquante articles de l’actuelle Constitution.

La Ve République est naturellement portée vers l’autoritarisme ou vers la dérive du pouvoir personnel et se révèle impuissante à établir des compromis politiques durables permettant au pays de résoudre ses problèmes. Le livre de Pierre Mendès France, Pour une République moderne, n’a pas pris une seule ride.

La discussion de ce texte ne saurait donc être raccourcie si l’on veut que ce dernier ne soit pas seulement celui d’une majorité, mais également celui d’une minorité, d’autant qu’un chantier portant sur le préambule de la Constitution a également été ouvert, dont les conclusions ne seront rendues publiques qu’au mois de septembre par Mme Simone Veil. On comprend d’autant mieux dans ces conditions les réticences exprimées par le président du groupe Socialiste quant au calendrier de l’examen du présent texte.

Conscients que celui-ci recèle, à côté d’éléments inacceptables, des éléments positifs, les socialistes tenteront cependant de rechercher un compromis, à la condition que, de chaque côté, un pas vers l’autre soit accompli.

Ce ne sont pourtant pas les doutes qui manquent, s’agissant des propositions qui sont avancées, du fait des pratiques du pouvoir actuel. S’agissant du Parlement, alors que sont proposées la fin de l’urgence et l’augmentation des délais, la pratique n’est guère encourageante, comme l’illustre l’exemple du projet de loi sur le pouvoir d’achat. Les seuls incidents concernant le procureur général d’Agen et le procureur de Nancy – celui-ci ayant même été convoqué par la garde des Sceaux – ne peuvent en effet que faire craindre une repolitisation du CSM. D’ailleurs, la proposition du Gouvernement relative à la composition du CSM constitue un recul par rapport au statu quo et est donc inacceptable en l’état.

Il en va de même s’agissant du pouvoir de nomination du Président de la République, que la réforme tend à soumettre à l’avis simple d’une commission paritaire. Aussi les socialistes proposeront-ils que, pour les emplois dont l’indépendance doit être garantie, cette commission statue à la majorité des trois cinquièmes, avec avis conforme. La codécision appliquée aux désignations au CSM, au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et au Conseil constitutionnel constituerait en effet un progrès significatif, plutôt que d’aboutir à la création d’un « comité Théodule » supplémentaire.

Plus généralement, les propositions des socialistes tendent à combattre tout ce qui augmente les pouvoirs de l’exécutif et à encourager tout ce qui améliore la séparation et l’équilibre des pouvoirs. Ainsi n’est-il pas acceptable que le Premier ministre perde des pouvoirs en matière de défense nationale au profit du Président de la République. Le « comité Balladur » lui-même y a renoncé au motif qu’en cas de cohabitation une telle réforme aboutirait à une crise de régime.

Quant à l’intervention du Président de la République devant le Parlement, tous les parlementaires socialistes s’y opposeront. C’est en effet le Premier ministre que le Parlement contrôle. Si le Président, qui dispose du pouvoir de dissolution, venait à y parler sans qu’aucun vote ne puisse le sanctionner, comme dans le cas de l’impeachment, cela constituerait un déplacement sensible du centre de gravité du pouvoir vers la Présidence de la République.

Le dernier élément inacceptable du texte tient à l’actuel article 49, alinéa 3. Si les socialistes sont d’accord pour que ce dernier soit applicable en matière de lois de finances et de lois de financement de la sécurité sociale, envisager son application sur un autre texte une fois par session reviendrait selon eux à ne pas faire de réforme en la matière.

Pour ce qui est de leurs revendications, la première porte sur l’élection du Sénat. Les socialistes estiment en effet inacceptable que le Sénat n’ait pas connu l’alternance depuis cinquante ans. Certes, le texte modifie, de façon homéopathique, les conditions d’élection des sénateurs, mais que signifie vraiment la disposition selon laquelle le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République en tenant compte de leur population » ?

La seconde revendication a trait au pluralisme audiovisuel. Du fait de l’absence de prise en compte du temps de parole du Président de la République et de ses collaborateurs, le gain pour l’exécutif, en termes de temps de parole, sur France 2 et TF1 est respectivement de 99 % et de 256 %. L’opposition est en voie d’élimination audiovisuelle.

Aussi le groupe Socialiste proposera-t-il à la discussion les 20 et 22 mai, dans le cadre de l’ordre du jour qui lui est réservé, deux propositions de loi relatives, l’une au pluralisme dans l’audiovisuel, l’autre aux conditions d’élection des sénateurs. Elles s’expliquent par le désir des socialistes de participer à la construction d’un système politique plus équilibré.

M. Manuel Valls a souligné que la réforme constitutionnelle était l’occasion pour les socialistes de rappeler leur attachement au principe de l’équilibre des pouvoirs et de proposer, dans un état d’esprit constructif, des solutions à la crise de confiance actuelle des citoyens dans leurs institutions en donnant plus de pouvoir d’initiative et de contrôle au Parlement.

À cet égard, il convient d’abord d’encadrer le pouvoir présidentiel, tant son exercice, notamment récent, a montré les excès dangereux auxquels les règles actuelles pouvaient conduire. Aussi convient-il d’approuver les propos de M. Montebourg concernant le rôle du Premier ministre en matière de défense, le droit du Président de la République à venir s’exprimer devant le Parlement, ou encore le délai accordé pour débattre du texte.

Quant à la prise en compte du temps de parole du Président de la République dans celui de la majorité et du Gouvernement, la préservation des règles existantes ne pourrait s’expliquer que si le Président de la République redevenait un simple arbitre. En revanche, si l’on estime qu’il est le principal acteur du pouvoir exécutif, son absence de neutralité implique que son temps de parole soit compris dans celui du Gouvernement.

Afin d’assurer, ensuite, une meilleure représentativité de la population, il convient, premièrement, que le collège électoral du Sénat soit reconsidéré si l’on ne veut pas que la Haute Assemblée devienne toujours plus une anomalie démocratique ; deuxièmement, que le mode de scrutin aux élections législatives intègre une part de proportionnelle – à cet égard qu’en est-il des informations qui circulent sur un possible changement du mode de scrutin pour les élections régionales ? – et que le découpage, dans la transparence, des circonscriptions électorales garantisse mieux l’égalité entre les citoyens ; troisièmement, enfin, que le droit de vote des étrangers aux élections locales soit proposé, car les députés de l’opposition sont prêts à fournir au Président de la République la majorité qu’il craint de ne pas trouver sur ce point dans son propre camp.

Enfin, il convient de garantir l’indépendance de la justice afin qu’elle devienne un pouvoir à part entière, tout soupçon de collusion entre les responsables politiques et l’appareil judiciaire faisant le lit du populisme. À cet égard, le mode de désignation prévu des membres du CSM rend celui-ci beaucoup trop tributaire du pouvoir politique. C’est une commission des nominations, désignée en début de législature et composée à la proportionnelle des groupes, qui, dans ce domaine, doit prendre des décisions à la majorité des trois cinquièmes.

M. Michel Hunault, après avoir à son tour salué les travaux du « comité Balladur » et souligné que si un point faisait consensus, c’était bien celui du renforcement du rôle du Parlement, a souhaité, au nom du Nouveau Centre, que la réforme soit l’occasion d’une meilleure représentation des Français grâce à l’élection de quelques députés à la proportionnelle.

M. Guy Geoffroy, soulignant que quatre nouvelles lois organiques au moins seront nécessaires pour décliner des dispositions envisagées au niveau constitutionnel – en matière, par exemple, de droit d’amendement –, a demandé que le Parlement dispose rapidement de l’architecture la plus précise possible de ces textes afin de pouvoir valablement analyser et soutenir la réforme.

La garde des Sceaux a d’abord répondu à M. Arnaud Montebourg qu’il y a loin entre la pratique actuelle et la politisation ou la « caporalisation » des magistrats : l’expression de certains d’entre eux ne va-t-elle pas bien au-delà de leur devoir de réserve ? En tout état de cause, si les mots ont un sens, dès lors qu’un pouvoir politique s’exprime, cette expression est politique, tout comme celle d’une commission parlementaire donnant un avis sur une nomination.

Au sein du CSM aujourd’hui, qui comprend dix membres votants, les six magistrats sont majoritaires. Si la réforme tend à leur donner encore plus d’importance avec l’augmentation du nombre des membres du Conseil, ils n’y seront plus cependant majoritaires, conformément d’ailleurs au projet de loi constitutionnelle de Mme Guigou en 1998. Quant aux six personnalités désignées par les autorités politiques, elles ne seront nommées qu’après avis d’une commission parlementaire. La confiance envers les magistrats est d’autant plus accrue que les deux formations du CSM seront présidées, celle du siège par le Premier président de la Cour de cassation, et celle du parquet par le Procureur général près la Cour de cassation.

S’agissant du procureur général d’Agen – qui était en poste depuis plus de quatorze ans et qui souhaitait bénéficier d’avantages supérieurs à ceux de ses collègues – le Conseil d’État lui-même a estimé que la mutation avait été effectuée dans l’intérêt du service. Quant au procureur de la République de Nancy, si les magistrats n’aiment pas, dans le cadre de la séparation des pouvoirs, que les décisions de justice soient commentées, il est normal que, dans leurs réquisitions, ils ne commentent pas une décision du pouvoir législatif. Ce magistrat ayant cependant affirmé que tel n’avait pas été le cas, la garde des Sceaux a tenu à l’assurer de sa confiance.

On peut d’autant moins parler de reprise en main des magistrats du parquet que le code de procédure pénale prévoit lui-même que le garde des Sceaux peut leur adresser des instructions écrites. En outre, ces magistrats sont des procureurs « de la République » et non des procureurs indépendants. Ils sont donc là pour appliquer la loi votée par le Parlement et portée par le Gouvernement. De plus, les nominations en Conseil des ministres des procureurs généraux seront dorénavant soumises à l’avis du CSM, sachant que 99 % des avis de ce dernier sont déjà suivis par la Chancellerie.

Si les nominations en Conseil des ministres aux emplois d’exécution
– directeurs d’administration centrale, préfets, ambassadeurs, recteurs – ne soulèvent pas de difficultés, toute autre nomination, notamment à des postes en matière économique et sociale ou en rapport avec des libertés, sera soumise à l’avis d’une commission parlementaire. Le pouvoir de nomination est donc très encadré puisqu’un tel avis n’est pas exigé aujourd’hui.

Le secrétaire d’État a rappelé qu’il s’agissait avant tout d’une réforme constitutionnelle et qu’il convenait d’être prudent à propos d’une supposée crise démocratique ou d’un prétendu isolement des dirigeants. Il y a trente-sept ans, une motion de protestation émanant des six présidents de commission de l’Assemblée nationale ne dénonçait-elle pas déjà le manque de respect du Parlement, l’insuffisance des délais d’examen, le recours systématique à l’urgence, le défaut d’écoute de la voix du Parlement et l’absence de tout contrôle sur les nominations ? Le Premier ministre de l’époque était pourtant Jacques Chaban-Delmas, qui avait été lui-même Président de l’Assemblée nationale de 1958 à 1969.

Pour un « gaulliste absolu », l’architecture du régime a fait, depuis cinquante ans, la preuve de sa durabilité. Pour autant, le Parlement ne dispose pas, collectivement ou individuellement, de pouvoirs suffisants pour exercer sa vraie mission de représentant de la nation. En effet, avec l’élection du Président de la République au suffrage universel, l’instauration du quinquennat ou encore l’inversion du calendrier, on a pu assister sinon à un abaissement du législatif, du moins à l’apparition d’un pôle dominant. Or la réforme tend précisément à renforcer les pouvoirs du Parlement. Ce n’est pas en effet le système institutionnel qui est à bout de souffle, mais le système relationnel entre l’exécutif et le législatif.

Quant à vouloir reporter la réforme, outre que le sujet des institutions a été évoqué par Mme Royal et M. Sarkozy dès le début de la campagne de la présidentielle en 2007, voire avant, la mise en place du « comité Balladur » a suivi immédiatement l’élection du Président de la République, l’avant-projet de loi constitutionnelle issu de ses travaux ayant alors été soumis aux responsables de toutes les formations politiques.

De même, alors qu’il était prévu que le texte adopté lors du Conseil des ministres du 23 avril soit discuté le 13 mai, cette discussion a été reportée au 20 mai à la demande du Président Accoyer. Aussi faut-il raison garder. Le temps de la réforme est maintenant venu, même si celle du préambule de la Constitution doit intervenir plus tard, car celle-ci n’implique en rien les pouvoirs du Parlement.

Enfin, si la présente réforme est adoptée au printemps puis en juillet par le Congrès, tous les tenants du renforcement des pouvoirs du Parlement doivent comprendre qu’elle ne sera applicable qu’au 1er janvier 2009 du fait de la modification nécessaire, à l’automne, des règlements des deux assemblées.

Concernant les inquiétudes de M. Montebourg à propos des pratiques actuelles, issues d’ailleurs directement de la Constitution elle-même, la réforme tend justement à les réviser. L’utilisation de l’article 49, alinéa 3, est ainsi considérablement réduite.

Quant à l’expression du Président de la République sur des sujets de nature exceptionnelle devant le Parlement, elle n’est en rien attentatoire à celle du Premier ministre et du Gouvernement devant les assemblées. Au contraire, elle permettrait au Parlement d’être au cœur du débat public plutôt que de s’en remettre au journal télévisé.

S’agissant des modes d’élection, les lois organiques n’ont été prises en ce domaine en 1958 que treize mois après l’adoption de la Constitution. Si le Gouvernement s’engage à les soumettre plus rapidement, il n’en reste pas moins que, comme en 1958, ces lois organiques ne peuvent être présentées avant que le changement constitutionnel ne soit adopté.

Si le mode d’élection au Sénat représente pour les socialistes un point de discussion important, de même, pour le Nouveau Centre, que l’instillation d’une dose de proportionnelle pour les élections législatives, ces points ne relèvent pas de la révision constitutionnelle elle-même. Le Parlement est cependant libre d’avancer des propositions en la matière.

Pour ce qui est du pluralisme audiovisuel, le groupe Socialiste a souhaité, dès le début de la discussion de la réforme constitutionnelle, qu’il ne soit pas touché aux articles 20 et 21, c’est-à-dire à l’architecture des pouvoirs entre le Président de la République et le Premier ministre, cela afin d’éviter tout problème en cas de cohabitation. Or, si une telle cohabitation advenait, le temps de parole du Président de la République, selon le vœu même du groupe Socialiste, serait alors associé à celui de la majorité...

D’une manière générale, la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement n’est en rien modifiée. Rien n’empêchera ce dernier d’évoquer les problèmes de défense dans sa fonction de contrôle du Gouvernement. La contradiction entre le Premier ministre, responsable de la défense nationale, et le Président de la République, chef des armées, avait d’ailleurs déjà été soulignée à l’époque par le « comité Vedel ». La nouvelle rédaction tend simplement à clarifier et à simplifier ces rapports, non à retirer un quelconque pouvoir du Parlement en la matière.

M. André Vallini a d’abord rappelé que la « commission Outreau » avait, s’agissant de la composition du CSM, préconisé la parité entre magistrats et non-magistrats.

Quant à l’expression du Président de la République devant les assemblées, les socialistes y restent unanimement opposés, car ce n’est pas revaloriser le Parlement que de l’obliger à écouter sans pouvoir débattre, sinon une fois le « père de la Nation » reparti.

Enfin, si le comité présidé par Mme Simone Veil ne rend ses conclusions qu’à l’automne, cela signifie que le Parlement devra alors se rendre deux fois à Versailles alors que la réunion du Congrès coûte très cher aux contribuables et que la révision de la Constitution, qui demande du temps – ne serait-ce que pour examiner les nombreuses propositions des socialistes –, pourrait très bien attendre l’automne pour se dérouler alors de manière sinon consensuelle, du moins républicaine.

M. Claude Goasguen a estimé que le débat portait en fait sur deux propositions, soutenues, l’une par le Gouvernement et sa majorité, l’autre par l’opposition. L’objectif étant d’aboutir à un texte rassembleur, cela implique de la part du législateur une grande liberté, mais en même temps une grande mesure.

S’agissant du renforcement des pouvoirs du Parlement, le texte est assez décevant. En effet, qu’il s’agisse du contrôle de l’application de la loi, de celui effectué par la Cour des comptes ou encore de l’évaluation des lois, ce qui est proposé est très en retrait de ce qu’on peut attendre d’un pouvoir législatif moderne.

Cela étant, l’attitude de l’opposition est paradoxale, car elle ne tire pas les conséquences de ce qu’elle a imposé. Avec le quinquennat, réforme qui est restée inachevée, elle devrait en effet être considérée comme le véritable initiateur de la révision constitutionnelle proposée.

De même, la mémoire de l’opposition est courte s’agissant de ses relations avec les magistrats. N’a-t-elle pas en effet largement usé, pendant deux septennats, de pouvoirs discrétionnaires en matière de nomination des procureurs ? Il ne sert à rien de donner des leçons de vertu, d’autant que le projet de réforme du CSM de 1998 était très en retrait par rapport au projet actuel.

Pour autant, il faut éviter que le débat constitutionnel ne tourne qu’autour de l’indépendance de la magistrature, alors que le texte traite de la revalorisation du Parlement. Aussi conviendrait-il de faire droit à la demande de la « commission Outreau » s’agissant de la parité au sein du CSM.

De même, c’est à tort que les Français de l’étranger sont concernés par le texte, car cela aboutit à ouvrir le débat sur les modes de scrutin, qui ne relèvent pas de la Constitution.

Enfin, concernant l’importance accordée par l’opposition à la venue ou non du Président de la République devant les assemblées, il convient de rappeler que l’interdiction faite au Président de la République – en l’occurrence M. Thiers – de s’y rendre, tenait essentiellement au fait que ce dernier était trop bon orateur. Il est amusant de constater que ce qui était à l’époque un coup bas porté contre Thiers, soit devenu, pour l’opposition, une pierre angulaire de l’édifice constitutionnel.

Mme Élisabeth Guigou a rappelé, pour avoir défendu à l’époque le quinquennat devant le Parlement, que c’est M. Chirac qui avait voulu le quinquennat sec, sans augmentation concomitante des pouvoirs du Parlement. C’est le même d’ailleurs qui avait bloqué la réforme de la justice, pourtant votée dans les mêmes termes par les deux assemblées, en ajournant à la dernière minute la convocation du Congrès. Il s’agissait pourtant d’inscrire dans les textes l’indépendance de la magistrature en supprimant la nomination des procureurs généraux en Conseil des ministres et en garantissant l’indépendance des magistrats du parquet, avec interdiction de toute instruction dans les dossiers individuels – contrairement aux périodes précédentes.

La réforme actuelle est en tout cas abordée par les socialistes dans un état d’esprit constructif. Encore faut-il que le Gouvernement accède à certaines de leurs demandes, voire de leurs exigences.

En aucun cas les pouvoirs du Président de la République ne doivent être accrus, que ce soit vis-à-vis du Premier ministre ou du Parlement. À cet égard, si l’on veut que le Président de la République vienne devant les assemblées, il faut passer à un véritable régime présidentiel, avec absence du droit de dissolution.

Si l’on ne peut que saluer les progrès en matière de droit de regard du Parlement sur son ordre du jour et sur les nominations, encore faut-il que la parité entre majorité et opposition soit prévue au sein des grands organes institutionnels. Or le prochain renouvellement du Conseil constitutionnel, par exemple, aboutira à la nomination de personnalités, certes estimables, mais qui toutes seront proches de la majorité actuelle.

Concernant le droit de vote des étrangers – adopté sous la XIe législature à l’Assemblée nationale pour les élections locales à l’initiative du groupe Socialiste –, le pays est mûr. Si le Président de la République estime qu’il n’a pas de majorité à cet effet, un référendum peut toujours être organisé sur le sujet, d’autant que si l’on s’en donne les moyens, il peut être gagné.

On ne peut, par ailleurs, que regretter l’absence de dispositions concernant le cumul des mandats, car ce serait là la meilleure façon de revaloriser le rôle du Parlement.

Certes, le CSM reste garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, et conserve ses prérogatives en matière disciplinaire, puisque le garde des Sceaux n’assiste pas à ses séances consacrées à ce sujet. Cependant, le fait que le Conseil soit présidé par des magistrats et non plus par le Président de la République et le garde des Sceaux, ne change pas la nature de ses relations avec le pouvoir exécutif. Seule en effet une nomination de ses membres par une commission paritaire, où le Parlement aurait son mot à dire, changerait tout.

S’agissant, plus généralement, de la nomination des magistrats, le fait de laisser désigner les procureurs généraux par le Conseil des ministres, sans prévoir un avis conforme du CSM et une interdiction des instructions individuelles, ne peut que jeter un doute profond quant à l’indépendance des magistrats du parquet.

Enfin, la saisine du CSM devrait être rendue possible pour les citoyens s’agissant du fonctionnement matériel de la justice – notamment en matière de délais –, et non, bien entendu, en appel de décisions de justice.

Encore une fois, les socialistes sont prêts à s’associer, dans un esprit constructif, à une réforme d’ensemble. Il conviendrait cependant, par respect du Parlement, d’organiser une présentation à la fois de la réforme constitutionnelle, des lois organiques et ordinaires associées et, éventuellement, de la réforme du préambule de la Constitution. Un délai supplémentaire de quelques mois permettrait à cet égard d’effectuer un bien meilleur travail.

M. Jean-Christophe Lagarde s’est réjoui, au nom du Nouveau Centre, que le projet ait pour objet principal de redonner des pouvoirs au Parlement. Cependant, le fait que le Congrès ait été appelé à se réunir tous les six à huit mois ces dernières années, ne peut que conduire à s’interroger sur la façon dont la question de la réforme des institutions est abordée.

Par ailleurs, si le texte marque certaines avancées, il en manque suffisamment d’autres pour être adoptable en l’état. Si le mode de scrutin ne relève pas de la Constitution, il n’en reste pas moins que la question de la proportionnelle pourrait empêcher le Gouvernement de trouver une majorité au Congrès. De même, il serait étonnant que les représentants des Français de l’étranger soient élus à la proportionnelle alors que le reste de la Représentation nationale ne le serait pas. Faudra-t-il, pour un parti minoritaire, faire élire ses députés à l’étranger afin de disposer d’une représentation au Parlement ? Par ailleurs, peut-on donner plus de pouvoirs à ce dernier tout en refusant que, grâce à la proportionnelle, il représente mieux la population française, sachant qu’aujourd’hui plus de 40 % des votants ne sont déjà pas représentés ?

S’il est très satisfaisant de limiter l’application de l’article 49, alinéa 3, aux projets de loi de finances et aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, il est en revanche inutile d’en prévoir l’utilisation pour un texte par session, puisque cela reviendrait à maintenir la pratique actuelle. Plutôt que d’imposer au Parlement – le plus souvent d’ailleurs à la majorité – une loi dont il ne veut pas, mieux vaut pour le Gouvernement laisser du temps à la négociation.

Concernant l’intervention du Président de la République devant le Parlement, elle ne présente pas d’inconvénient majeur, à condition toutefois que la périodicité de sa venue soit encadrée, et qu’un caractère solennel lui soit conféré. Aussi conviendrait-il de donner seulement au chef de l’État la possibilité de s’exprimer devant le Congrès, puisqu’il ne peut le dissoudre. En tout cas, si le Président de la République doit venir s’exprimer devant les assemblées, un débat doit être organisé en sa présence, même si sa responsabilité ne peut être mise en cause par le Parlement au moyen d’un vote. Le Président de la République risquerait sinon de s’exposer à ce que des parlementaires, en désaccord avec lui, quittent l’hémicycle, ce qui ne pourrait qu’abaisser la fonction présidentielle.

Par ailleurs, l’article 1er relatif à des droits nouveaux attribués à la majorité et à l’opposition est inacceptable. Si des droits nouveaux doivent être attribués, c’est aux groupes parlementaires eux-mêmes, sauf à créer des difficultés de fonctionnement accrues pour certains d’entre eux.

Quant aux interventions militaires, leur prolongation doit faire l’objet d’un vote au bout de trois mois comme le prévoyait le « comité Balladur », surtout s’il s’agit d’intervenir au sein d’une coalition.

Les nominations doivent, elles, n’être prononcées qu’après avis de la commission ad hoc statuant à la majorité qualifiée, afin de s’assurer de la compétence des personnes concernées.

Enfin, le justiciable doit pouvoir mieux accéder à la justice constitutionnelle. En effet, si le Parlement venait à adopter une loi non constitutionnelle, personne ne pourrait aujourd’hui la déférer. S’il faut prévoir des filtres s’agissant de la saisine du Conseil constitutionnel, tout citoyen doit pouvoir faire valoir son droit au respect des dispositions constitutionnelles le concernant. La décision que le Conseil sera amené à rendre s’imposera-t-elle à toutes les instances en cours ?

M. Bernard Derosier a tenu à rappeler que les députés socialistes souhaitent participer à la modernisation des institutions. Or, sans préjuger du débat dans l’hémicycle, le Gouvernement semble, dans ses réponses aux observations tant de l’opposition que de sa majorité, camper sur ses positions.

S’agissant de l’intervention du Président de la République devant les assemblées, si le seul art oratoire de M. Thiers a pu à l’époque expliquer certaines oppositions, une raison plus fondamentale existe aujourd’hui, liée au type de régime souhaité, présidentiel ou parlementaire.

Quant aux nominations, faut-il rappeler l’intervention de M. Sarkozy au congrès de l’UMP le 14 janvier 2007 dans laquelle ce dernier soulignait que « la démocratie irréprochable, ce n’est pas une démocratie où les nominations se décident en fonction des connivences et des amitiés, mais en fonction des compétences » ?

Concernant les lois organiques ou ordinaires auxquelles le texte renvoie, il est souhaitable d’en savoir plus, car si l’on se réfère à l’exemple de l’article 1er du projet, qui fixe les droits de l’opposition, les nombreux changements intervenus depuis le texte du « comité Balladur » conduisent à ne pouvoir se satisfaire de simples déclarations du Gouvernement en la matière.

M. Hervé Mariton a estimé que le problème du calendrier ne constituait pas une difficulté particulière, car il est certainement possible, d’ici au 20 mai, de clarifier plusieurs points. En tout état de cause, la question qui est posée plus généralement par les citoyens n’est pas d’ordre technique. Elle est plutôt de savoir pourquoi l’on veut réformer les institutions. Aussi le Gouvernement ferait-il bien d’expliquer en quoi son projet est de nature à améliorer la vie du pays, par exemple en ce qui concerne le contrôle de la dépense publique, l’exécution des lois de finances ou encore les moyens d’éviter les dérapages budgétaires qui ne figurent pas dans le projet, ce qu’on peut regretter.

S’agissant de la réforme elle-même, le Gouvernement met en avant le rôle du Parlement alors que le problème vient de la présidentialisation de fait du régime – laquelle n’est d’ailleurs pas forcément une mauvaise chose. Or, faute d’assumer cette présidentialisation, le texte aboutit à un réel déséquilibre. À cet égard, la solution consistant à faire venir le Président de la République non pas devant les assemblées, mais devant le Congrès, tend à oublier que ce dernier est un constituant, et qu’à ce titre il doit être le plus libre possible vis-à-vis de l’exécutif.

Quant aux nominations, les commissions permanentes des assemblées auraient pu être le lieu adéquat de consultation. Certes, la Nation ne souhaite pas que l’avis en la matière soit l’affaire des partis, mais elle aurait pu tout à fait comprendre, s’agissant des grandes nominations, qu’une commission parlementaire qui a, par exemple, l’habitude de traiter d’affaires culturelles, puisse être consultée sur une nomination au CSA. Au contraire, une commission des nominations ad hoc ne pourrait aboutir qu’à un fonctionnement politique et partisan, étant entendu que les nominations seraient réparties à l’avance entre les groupes.

Il aurait donc été plus clair d’assumer l’évolution institutionnelle constatée aujourd’hui et d’en tirer les pleines conséquences dans la définition à la fois du rôle du Président de la République et de celui du Parlement.

Tel n’étant pas le cas, le Parlement ferait mieux, plutôt que de chercher en vain un renforcement de son rôle dans une réforme constitutionnelle, de se saisir déjà des pouvoirs qu’il n’exerce pas, notamment en matière de contrôle de l’exécutif. Si le Parlement n’est pas plus fort aujourd’hui, c’est en effet essentiellement de sa faute, et il ne faudrait donc pas que le texte proposé le détourne de l’effort qu’il doit accomplir sur lui-même.

La garde des Sceaux a précisé, s’agissant des personnalités, hors les magistrats, qui composent le CSM, qu’elles seront toujours nommées par les mêmes autorités politiques, mais après avis d’une commission, ce qui permettra de renforcer leur indépendance.

Quant à la parité entre magistrats et non-magistrats préconisée par la « commission Outreau », il faut rappeler que cette commission avait regretté à l’époque le corporatisme de la magistrature et le manque d’oxygène en matière de nomination et de promotion, n’excluant donc pas d’aller au-delà de la stricte parité. En outre, le projet de réforme du CSM de 1998 prévoyait, ainsi que Mme Guigou l’a confirmé, dix magistrats sur vingt et un membres, soit une minorité.

Si le choix a également été fait aujourd’hui de disposer d’une minorité de sept magistrats sur quinze membres, c’est tout simplement pour éviter tout risque de blocage, notamment en matière de désignation, sachant que le CSM émettra désormais un avis non seulement sur les nominations, mais également sur les conditions d’avancement des magistrats ainsi qu’en matière disciplinaire.

S’agissant des instructions individuelles écrites et versées au dossier, domaine dans lequel le Parlement est intervenu en 2004, elles ont pour effet de renforcer la transparence dans les rapports entre le pouvoir exécutif et les parquets. L’indépendance de ces derniers compromettrait, à l’inverse, la mise en œuvre, en application de la loi, d’une politique pénale claire sur tout le territoire.

Mme Élisabeth Guigou a précisé que rien n’a jamais empêché le garde des Sceaux, dans le cadre de la politique pénale, d’adresser des instructions générales aux procureurs généraux. Ce sont les instructions individuelles qui posent un problème.

La garde des Sceaux a rappelé que celles-ci s’inscrivent dans le cadre des dispositions adoptées par le Parlement en 2004 et ne sont pas verbales, mais écrites.

Quant au rôle du Président de la République, le fait de prévoir qu’il ne présidera plus le CSM constitue une réelle avancée. Rien ne lui interdirait en effet aujourd’hui de prendre part au vote en matière de nomination des magistrats. Le Président de la République a choisi de ne plus présider le CSM et donc de s’interdire de prendre part aux décisions. Ce choix, dont la cohérence doit être soulignée, se traduit par une confiance accrue accordée aux deux plus hauts magistrats de France, d’autant que la nomination des procureurs généraux fera désormais l’objet d’un avis du CSM.

S’agissant de l’exception d’inconstitutionnalité, il faut rappeler que le contrôle du Conseil constitutionnel s’exerce aujourd’hui avant promulgation, sur la saisine, notamment, de soixante députés ou sénateurs. Il s’agit aujourd’hui d’aller plus loin afin de donner plus de pouvoirs en la matière aux justiciables qui pourront invoquer devant le juge administratif ou judiciaire l’inconstitutionnalité d’une loi. Si le Conseil constitutionnel, statuant en dernier ressort, déclare une disposition inconstitutionnelle, celle-ci ne sera alors pas appliquée au justiciable concerné et sera automatiquement abrogée.

En réponse à M. Jean-Christophe Lagarde, la garde des Sceaux a confirmé que la disposition en question sera bien abrogée erga omnes et non pour le seul justiciable concerné.

L’engagement pris en matière de nomination par le Président de la République lorsqu’il était candidat est tenu, puisque le pouvoir de nomination est encadré. C’est ainsi que les nominations aux plus hautes responsabilités tant en matière économique et sociale que de libertés seront soumises à un avis avant décision du Président de la République.

Enfin, les droits des citoyens sont renforcés puisqu’il sera créé dans la Constitution – ce qui n’était pas le cas pour le Médiateur de la République – un Défenseur des droits des citoyens, que tout citoyen pourra saisir.

Le secrétaire d’État a rappelé, s’agissant du calendrier, que la Constitution de 1958, à laquelle il est fait souvent référence, a été élaborée en moins de deux mois après la mise en place du comité consultatif constitutionnel au mois de juin précédent, et qu’elle a été soumise à référendum dès le 28 septembre 1958. Le fait d’avoir aujourd’hui disposé d’un an pour préparer la révision de la Constitution paraît donc suffisant.

Pour autant, l’application du seul règlement des assemblées ne saurait suffire à renforcer leur rôle, car ce dernier ne peut être modifié, s’agissant du partage de l’ordre du jour, de l’examen en séance plénière du texte issu des travaux de la commission ou de la limitation de l’utilisation de l’article 49, alinéa 3, qu’après réforme de la Constitution.

Il convient également de rappeler que si, en 1873, M. Thiers s’est vu refuser la possibilité de venir s’exprimer devant le Parlement, c’est parce que ce dernier était monarchiste et qu’il ne voulait pas qu’un républicain entre à l’Assemblée.

S’agissant enfin des droits de l’opposition, ils sont considérablement renforcés tant en ce qui concerne les partis que les groupes, étant rappelé qu’une disposition constitutionnelle est nécessaire en la matière afin de plus se heurter au principe d’égalité. C’est donc bien une avancée en faveur des partis d’opposition que le Gouvernement, qui est ouvert à des modifications par voie d’amendement, souhaite établir dans la Constitution.

Puis, le même jour, la Commission a procédé à l’audition de M. Édouard Balladur, président du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République.

Le président Jean-Luc Warsmann a rappelé que la commission avait souhaité entendre M. Édouard Balladur juste après que Mme la garde des Sceaux et M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement ont présenté le projet de révision constitutionnelle, grandement inspiré des travaux du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République qu’il a présidé. Il a demandé à M. Balladur s’il reconnaissait ses propositions dans le projet de révision et s’il regrettait de ne pas en voir figurer certaines.

M. Édouard Balladur, président du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, a précisé que le Gouvernement a retenu 80 % environ des propositions formulées. Ce ne fut hélas pas le cas de celles concernant la clarification de la répartition des pouvoirs entre le Président de la République et le Premier ministre, au motif qu’une trop grande précision dans les textes compliquerait une éventuelle cohabitation. C’est d’autant plus regrettable que, précisément, les institutions ne sont pas toujours d’une extrême clarté et génèrent des conflits entre les deux têtes de l’exécutif. Mais les esprits n’étaient pas prêts à une mutation d’envergure. Dès lors, la question du choix entre un régime présidentiel, dont les partisans, incluant le président du Comité, étaient substantiellement minoritaires, et un régime parlementaire n’a pas été tranchée.

Le président Jean-Luc Warsmann a demandé à M. Édouard Balladur quelle était sa position quant à l’inscription des modes de scrutin dans la Constitution. Faut-il par ailleurs modifier ou non l’article 88-5 de la loi fondamentale disposant que l’entrée d’un nouvel État au sein de l’Union européenne doit être soumise au référendum ?

M. Édouard Balladur a rappelé que le Comité avait proposé que « le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République en fonction de leur population ». Le Gouvernement a préféré la formulation « compte tenu de leur population », ce qui n’est guère différent. La rédaction la plus claire aurait probablement été « proportionnellement à leur population » mais il n’a pas paru utile, pour un certain nombre de raisons, d’aller dans ce sens. D’une manière générale, il n’est pas souhaitable d’inscrire les modes de scrutin dans la Constitution. Il convient également de préciser que le Comité n’avait pas non plus retenu la possibilité d’une représentation spécifique des Français de l’étranger en tant que tels.

S’agissant de l’article 88-5, lors de son audition, M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’État chargé des affaires européennes, s’était interrogé sur la nécessité d’organiser des référendums à chaque ratification de traités d’élargissement de l’Union européenne. Le Comité a estimé qu’il était opportun d’aligner la procédure applicable en la matière sur celle qui régit les révisions de la Constitution à l’article 89 : le Président de la République étant libre, en l’occurrence, de choisir entre le Congrès et le référendum. Étant observé qu’un référendum sur l’entrée de quelque pays que ce soit risque aujourd’hui d’être négatif, il est en effet préférable d’opter pour une formule plus souple que le référendum.

M. René Dosière, ayant rappelé la jurisprudence du Conseil constitutionnel concernant la représentation du territoire et de la population, a demandé si, compte tenu de ses propos, M. Édouard Balladur était favorable à l’élection proportionnelle des sénateurs par rapport à la population.

M. Édouard Balladur a répété que la rédaction la plus précise serait « proportionnellement à leur population », « en fonction » étant toutefois un peu plus précis que « en tenant compte ». Quoi qu’il en soit, la Constitution n’a pas à régler ce type de problèmes.

M. René Dosière a demandé pourquoi, selon le Comité, il faudrait inscrire dans la Constitution le non-cumul des mandats concernant les ministres et dans la loi organique celui concernant les parlementaires.

Il a par ailleurs fait part de sa satisfaction s’agissant du budget de la Présidence de la République, les propositions retenues constituant une avancée sensible.

M. Édouard Balladur a répondu que les dernières élections municipales ont suffi à illustrer la manière dont il est tenu compte des propositions du Comité concernant le non-cumul des mandats.

M. Christophe Caresche a rappelé qu’il aurait préféré la mise en place d’une commission parlementaire pour réfléchir à ces questions institutionnelles mais il a néanmoins salué la grande qualité du travail accompli par le Comité, les propositions qui en sont issues étant particulièrement équilibrées.

Le « traité simplifié » a introduit le contrôle de subsidiarité, lequel s’exerce de deux manières : le « carton jaune » – qui permet aux parlements nationaux de saisir la Commission européenne en cas d’entorse au principe de subsidiarité – et le « carton rouge » – qui permet aux États, sur proposition des parlements, de saisir la Cour de justice européenne en cas d’atteinte forte à ce principe. Le Bundestag est en train d’adopter une disposition qui permettrait à un tiers des parlementaires d’exercer ce « carton rouge », processus assez voisin, mutatis mutandis, de la possibilité de saisine du Conseil constitutionnel par soixante parlementaires en France. Quel est, sur ce point, l’avis de M. Balladur ?

M. Édouard Balladur a répondu qu’il ne serait pas favorable à une telle proposition, qui affaiblirait la défense de l’intérêt national plus qu’elle ne la conforterait.

Il a ajouté qu’il ne fallait pas sous-estimer l’ampleur des propositions du Comité, qui conduisent à une rénovation profonde des institutions à travers l’extension des droits du Parlement, certes, mais aussi la limitation des pouvoirs du Président de la République. Une pareille réforme, si elle était repoussée, risquerait de ne pas être présentée au Parlement avant longtemps. L’opinion publique, d’ailleurs, ne comprendrait pas un tel rejet car restaurer les droits du Parlement, c’est développer la participation des citoyens à la chose publique et permettre aux parlementaires de mieux jouer leur rôle. En outre, les institutions politiques ne se résument pas aux rapports entre les gouvernants et les techniciens du pouvoir que sont les parlementaires : elles visent aussi à permettre aux citoyens eux-mêmes de défendre leurs droits. D’où l’extrême importance de l’exception d’inconstitutionnalité permettant aux Français d’invoquer devant un juge l’éventuelle inconstitutionnalité de la loi.

M. Arnaud Montebourg a également considéré que nombre des propositions du Comité, à condition d’être réunies avec cohérence dans le projet de loi constitutionnelle, favoriseraient en effet des avancées significatives. L’opposition souhaite parvenir à un compromis qui ébranlera l’histoire institutionnelle de la France en donnant un cours nouveau à la Ve République.

Une dizaine de propositions majeures du Comité n’ayant pas néanmoins été retenues, l’opposition en reprendra certaines à travers des amendements : assouplissement des règles de recevabilité financière des amendements ; limitation de la faculté, pour le Gouvernement, de déposer des amendements portant articles additionnels à ses propres projets ; exigence d’études d’impact préalables au dépôt des projets de loi avec procédure spéciale de contrôle par le Conseil constitutionnel ; institution du référendum d’initiative populaire à la demande d’un cinquième des membres du Parlement et d’un dixième des électeurs inscrits ; réforme de la limitation du cumul des mandats ; suppression du droit de veto du Sénat en matière de révision constitutionnelle ; interdiction des lois rétroactives sauf motif déterminant ; création d’un conseil du pluralisme ; privation de la possibilité, pour le Président de la République, de ne pas donner suite à un projet ou une proposition de révision constitutionnelle votés en termes identiques par les deux assemblées.

Le Comité prévoyait par ailleurs qu’une semaine de séance sur quatre devait être réservée au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques ; or, le texte est très en deçà de ses préconisations s’agissant des garanties offertes à l’opposition, des facultés d’expression et d’organisation du contrôle. Comment expliquer cette évolution ?

M. Édouard Balladur a indiqué qu’il ne se plaindra pas de la liberté prise par le Gouvernement à l’endroit des propositions du Comité tant celui-ci a lui-même pris des libertés par rapport à ce que celui-là pouvait considérer comme souhaitable. Telle est la règle du jeu. Une critique systématique des préconisations gouvernementales serait ainsi malvenue.

Les thèmes non retenus sont d’inégale importance. Mettre fin au droit de veto implicite qu’exerce le Président de la République sur une révision constitutionnelle en ne donnant pas suite à la procédure fait partie des propositions essentielles qui n’ont pas été retenues ; or, une telle possibilité, par exemple, aurait permis l’instauration du quinquennat trente ans plus tôt. De même le référendum d’initiative populaire aurait constitué une mutation majeure. Ce n’est pas nécessairement le cas avec le conseil du pluralisme, qu’il aurait été par ailleurs difficile d’installer.

M. Sébastien Huyghe a rappelé que le Comité préconisait que le Parlement soit informé de toutes opérations militaires hors du territoire national et qu’il fallait soumettre à autorisation législative la prolongation de ces interventions au-delà d’une durée de trois mois. Pourquoi un tel délai ? Le passage à six mois proposé par le Gouvernement change-t-il fondamentalement la donne ?

M. Édouard Balladur a estimé que cela ne constituait pas un changement fondamental mais que cette disposition constituait en soi une grande avancée puisque des milliers de soldats français sont par exemple déployés en Côte d’Ivoire depuis plusieurs années sans qu’aucune délibération parlementaire n’ait été organisée.

M. Jean-Christophe Lagarde s’est interrogé sur le maintien, hors le cas des projets de loi finances et de financement de la sécurité sociale, de l’article 49, alinéa 3, une fois par session, qui n’apparaît ni utile, ni légitime car le Parlement doit pouvoir refuser un texte sans pour autant remettre en cause l’existence du Gouvernement. Fallait-il par exemple utiliser cet article lors de la discussion d’un texte relatif aux téléchargements sur Internet ?

Par ailleurs, l’intervention du Président de la République devant le Parlement ne devrait-elle pas être solennisée et encadrée ? La fonction présidentielle ne risque-t-elle pas d’être affaiblie en cas de chahut ? Un débat parlementaire est-il en outre envisageable après le départ du Président ?

Enfin, s’il faut se réjouir de l’institution de l’exception d’inconstitutionnalité, le Conseil constitutionnel ne peut être aujourd’hui saisi que par le Président de la République, le Premier ministre, les Présidents des assemblées ou soixante parlementaires réunis. Un groupe parlementaire ne pourrait-il pas également en avoir la possibilité ? Vingt personnes représentent tout de même deux millions d’électeurs !

M. Édouard Balladur a considéré que l’on « en fait vraiment trop » s’agissant de l’intervention du Président de la République devant le Parlement. Il est tout autant possible d’estimer qu’il s’agit là d’un moyen, pour le Président, de faire pression sur le Parlement que, pour le Parlement, de contrôler le Président. Un encadrement est par ailleurs tout à fait envisageable selon des modalités à définir.

S’agissant de l’article 49, alinéa 3, c’est au Gouvernement de juger ce qu’il considère comme étant essentiel ou non à sa politique et donc, ce sur quoi il estime devoir engager sa responsabilité hors le projet de loi finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Enfin, il est assez facile de réunir soixante parlementaires afin de saisir le Conseil constitutionnel – pour peu qu’ils le souhaitent, ce qui n’est pas toujours le cas. L’exception d’inconstitutionnalité n’en a, à ce propos, que plus d’importance.

M. Michel Hunault a rendu hommage à M. Édouard Balladur et aux travaux du Comité.

Il a par ailleurs considéré que le Parlement avait pleinement joué son rôle à l’occasion des périodes de cohabitation. Or, si la révision constitutionnelle est une occasion unique pour limiter le pouvoir du Président de la République, la fonction de ce dernier ne serait-elle pas trop affaiblie en cas de nouvelle cohabitation ?

M. Édouard Balladur a répondu que la révision constitutionnelle est une occasion unique pour renforcer les prérogatives du Parlement, ce qui n’est pas exactement la même chose… Quant à la cohabitation, elle prive structurellement le Président de la République de la plupart de ses pouvoirs en les conférant au Premier ministre, lequel est issu de la majorité parlementaire. La modification de la Constitution ne changerait donc pas grand-chose de ce point de vue.

M. Manuel Valls a confirmé que cette révision était sans doute une occasion unique pour mieux affirmer les droits d’initiative et de contrôle du Parlement et que cette occasion invitait les uns et les autres à faire les pas nécessaires afin de rapprocher leurs points de vue.

M. René Dosière a noté que le Comité avait proposé de substituer au système actuel de parrainage pour l’élection présidentielle une présélection des candidats par un collège de 100 000 élus. Cela a-t-il suscité d’importants débats au sein du Comité ?

M. Édouard Balladur a répondu qu’il était d’autant plus attaché à cette préconisation qu’il en était l’auteur. Il avait même envisagé que ne puissent se présenter à l’élection présidentielle que les quatre ou cinq premiers candidats retenus au lieu des quinze. Non seulement il n’aurait pas été possible d’invoquer un déni de démocratie parce qu’un candidat ayant recueilli 1 % des voix n’aurait pu se présenter, mais la démocratie y aurait gagné en évitant l’éparpillement des votes. Les questions de fond sont de savoir s’il faut ou non se diriger vers un régime plus bipartisan et si l’exactitude de la représentation doit l’emporter sur l’efficacité. M. Édouard Balladur considère quant à lui que cette dernière doit primer.

*

* *

La Commission a examiné le projet de loi constitutionnelle au cours de ses deux séances du mercredi 14 mai 2008. Elle est directement passée à l’examen des articles.

EXAMEN DES ARTICLES
DU PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Avant l’article 1er

La Commission a rejeté un amendement de M. Patrick Braouezec tendant à inscrire dans le préambule de la Constitution le principe de l’indivisibilité et de l’opposabilité des droits fondamentaux.

Elle a ensuite été saisie d’un amendement de M. Noël Mamère visant à compléter l’article 1er de la Constitution pour y inscrire le principe selon lequel la République se reconnaît comme « plurielle et garante de la diversité qui la compose ». Après que son auteur eut indiqué que cet amendement annonçait une série d’amendements « déclinant » ce principe dans l’ensemble du texte constitutionnel, M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur, a donné un avis défavorable et la Commission a rejeté l’amendement.

M. Manuel Valls a jugé que l’importance des débats en cours justifiait que s’instaure dans la sérénité un réel dialogue républicain, que le rapporteur réponde avec précision aux arguments défendus par les différents orateurs et que le Président donne le décompte exact des voix lorsque cela lui serait demandé.

La Commission a été saisie d’un amendement de M. Noël Mamère visant à réécrire la deuxième phrase de l’article 1er de la Constitution pour préciser explicitement que la République assure l’égalité des citoyens devant la loi et rejette toutes les formes de discrimination. Son auteur a précisé qu’il s’agissait de consacrer dans la Loi fondamentale ce principe, certes déjà reconnu par la jurisprudence constitutionnelle, et d’assurer ainsi une réelle protection des citoyens, dans le respect des textes européens. Le rapporteur, ayant indiqué que le principe d’égalité est d’ores et déjà garanti par la Constitution et par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, a jugé que l’inscription dans notre Loi fondamentale de l’exception d’inconstitutionnalité, qui permettra à tout citoyen de soulever, le cas échéant, le non-respect du principe d’égalité par une loi déjà promulguée, est de nature à assurer un réel renforcement de la protection de l’égalité des citoyens devant la loi, d’autant qu’un amendement viendra étendre son champ d’application aux lois promulguées avant 1958. Il a donc invité la Commission à rejeter l’amendement.

La Commission a rejeté cet amendement.

Elle a été saisie d’un amendement de M. Arnaud Montebourg visant à supprimer le mot « race » de la deuxième phrase de l’article 1er de la Constitution. Son auteur a rappelé que, depuis des décennies, il est arrivé que les conceptions originelles des constituants de 1958 soient contestées, voire jugées dangereuses. Tel est le cas de l’usage du mot « race » dans l’article 1er de la Constitution : même s’il s’agissait bien, depuis l’origine, de lui dénier toute implication, la seule présence dans notre Constitution d’un terme scientifiquement rejeté et politiquement dangereux est contestable. L’objet de cet amendement est donc de mettre un terme à cette anomalie sémantique et politique.

Le rapporteur s’est déclaré défavorable à l’adoption de cet amendement dont il a cependant déclaré comprendre les motivations. Il a tout d’abord indiqué que cette question avait fait l’objet de plusieurs débats qui se sont toujours soldés par un vote de rejet par notre assemblée, qu’il se soit agi d’un amendement de M. Victorin Lurel en novembre 2002 ou de la proposition de loi de M. Michel Vaxès, repoussée en mars 2003. De fait, la présence du mot « race » dans notre législation est nécessaire pour combattre toutes les infractions racistes. Le professeur Guy Carcassonne ne dit pas autre chose dans son ouvrage La Constitution de 1958 commentée, cité par l’exposé sommaire de l’amendement. Le rapporteur a ensuite rappelé que la suppression du mot « race » de la Constitution ne le ferait pas pour autant disparaître de notre droit positif, citant notamment l’article 1er de la Charte des Nations unies, l’article 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, l’article 3 de la Convention de Genève ou bien encore l’article 10 du traité sur l’Union européenne dans sa rédaction issue du traité de Lisbonne. Suivant l’avis du rapporteur, la Commission a alors rejeté l’amendement.

Puis, elle a été saisie d’un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde visant à compléter l’article 1er de la Constitution pour prévoir que la « France a vocation à faire devenir citoyen français, si elle le désire, toute personne qu’elle accueille régulièrement sur son territoire et qui souhaite s’y installer ». Le rapporteur a jugé que cet amendement semble donner l’impression, par nature illusoire, que la naturalisation est un droit alors qu’à ses yeux elle doit demeurer le fruit d’une démarche volontaire de la personne concernée de rejoindre la communauté nationale. La Commission a alors rejeté cet amendement.

La Commission a rejeté un amendement de M. Patrick Braouezec visant à inscrire à l’article 1er de la Constitution le principe de la « démocratie participative », le rapporteur ayant jugé inutile d’inscrire ce principe dans la Constitution, estimant qu’une telle démarche pouvait prospérer en dehors de tout cadre constitutionnel et qu’il était par ailleurs curieux de prévoir qu’il revenait aux seules collectivités territoriales le soin de l’organiser.

La Commission a été saisie de trois amendements pouvant être soumis à une discussion commune, tendant à la reconnaissance des langues régionales au sein de l’article 2 de la Constitution, respectivement défendus par MM. Noël Mamère, Jean-Jacques Urvoas et François Bayrou.

M. Noël Mamère a indiqué que son amendement tendait à prévoir que, si le français demeure la langue officielle de la République, cette dernière reconnaît également les langues régionales de France. Il a estimé que le principe de l’indivisibilité de la République ne devait pas conduire au refus de la reconnaissance des langues régionales, situation qui prévaut pourtant de fait dans notre pays. Il a ainsi rappelé que l’État espagnol consacrait soixante fois plus de crédits à la promotion des langues régionales que ne le fait notre pays et s’est déclaré favorable à une politique volontariste en la matière, les langues régionales étant le reflet de la diversité de notre pays.

M. Jean-Jacques Urvoas a expliqué que son amendement, précisant que la langue de la République est le français « dans le respect des langues régionales qui font partie de notre patrimoine », visait à desserrer la contrainte pesant sur celles-ci depuis la révision constitutionnelle de 1992 qui a introduit le principe selon lequel la langue de la République est le français. Il a rappelé qu’il s’agissait alors à l’époque, à la veille de la ratification du traité de Maastricht, de défendre notre langue face à la langue anglaise très largement majoritairement parlée dans le monde et en aucun cas d’interdire la promotion des langues régionales et minoritaires. C’est pourtant ainsi que l’a interprété le Conseil constitutionnel en 1999. À l’heure où on célèbre Aimé Césaire, il s’agit par cet amendement de résoudre cette difficulté et de permettre une réelle reconnaissance de la diversité linguistique dans notre pays.

M. François Bayrou a déclaré souscrire aux arguments développés par M. Urvoas sur le dévoiement de la volonté des constituants de 1992 par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il a estimé que des trois amendements le sien était celui qui allait le plus loin puisqu’il prévoit que la République « protège » les langues régionales qui appartiennent au patrimoine de la Nation, ce qui va au-delà de leur simple reconnaissance car cela implique la mise en place de politiques volontaristes de promotion de ces langues. Il a donc invité ses collègues à se rallier à son amendement.

Rappelant que dès 1995, le Président Chirac s’était engagé à mettre en place des mesures de protection des langues régionales dans un discours prononcé à Quimper, M. Claude Goasguen a indiqué qu’il voterait l’amendement de M. Bayrou car il était important de sortir de la situation juridique actuelle qui empêche la mise en œuvre de politiques volontaristes en la matière.

M. Michel Hunault a rappelé que le 7 mai dernier s’était tenu à l’Assemblée un débat sur les langues régionales et a souhaité citer les propos tenus à cette occasion par Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, qui a déclaré : « En donnant une forme institutionnelle à la notion de patrimoine linguistique, en inscrivant dans la loi la diversité linguistique interne, nous conforterons la bataille que nous menons en Europe et dans le monde pour favoriser le multilinguisme et la diversité culturelle ». Il a jugé que ces propos témoignaient de l’accord du Gouvernement en faveur de la reconnaissance des langues régionales.

Le rapporteur a rappelé que le débat s’était concentré depuis plusieurs années sur la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, dont la ratification pose des problèmes institutionnels, mais aussi des difficultés de principe et de pratique. Elle impliquerait en effet que les langues régionales puissent être utilisées dans la vie publique, ce qui poserait des problèmes pratiques de traduction mais aussi la question de principe de l’usage par des agents publics de langues autres que le français. Une autre difficulté est liée à l’assise territoriale de ces langues régionales qui suppose la reconnaissance de bassins géographiques, en méconnaissance du principe d’unicité de notre territoire. Il a rappelé que le débat qui s’est tenu dernièrement à l’Assemblée avait pour but d’évaluer la possibilité d’avancer sur le plan de la promotion des langues régionales en dehors de la ratification, problématique, de la Charte – que la France n’est d’ailleurs pas le seul pays à ne pas avoir ratifiée. Après avoir rappelé que la ministre de la culture et de la communication avait annoncé au cours de ce débat le dépôt prochain d’un projet de loi relatif à la promotion et la défense des langues régionales, le rapporteur a estimé que de telles avancées législatives, accompagnées de moyens financiers et humains supplémentaires, qu’il appelle par ailleurs de ses vœux, étaient possibles sans que soit modifiée la Constitution et a donc émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. Claude Goasguen a estimé à l’inverse qu’en l’absence de révision constitutionnelle, la future loi encourrait la censure du Conseil constitutionnel.

M. Jean-Jacques Urvoas a déclaré ne pas partager la lecture faite par le rapporteur de la Charte européenne. Il a rappelé que cette dernière peut être ratifiée par un État à partir du moment où il accepte au moins 35 des 98 articles qui la composent. Missionné par le Premier ministre de l’époque, M. Guy Carcassonne avait estimé que la France pouvait signer 52 articles sans que cela ne pose de difficultés juridiques. M. Lionel Jospin avait alors accepté de signer 39 articles, relevant de la partie III de la Charte, aucun de ces points ne soulevant de problème constitutionnel, ainsi que l’a confirmé le Conseil constitutionnel dans sa décision de 1999. Il en va certes différemment de la partie II de la Charte, qui a une portée normative propre, mais qui impliquerait, en cas de ratification par la France, l’adoption d’une déclaration interprétative.

Le rapporteur a estimé que l’exemple alsacien illustre bien qu’une politique de promotion d’une langue régionale est possible sans que le cadre constitutionnel ne soit modifié. Il a ensuite cité le Conseil constitutionnel, qui a considéré, dans sa décision du 15 juin 1999 sur la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (201), « qu’en vertu (des dispositions de la Charte), l’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public ; que les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d’un droit à l’usage d’une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage » et que, par ailleurs, « la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, en ce qu’elle confère des droits spécifiques à des " groupes " de locuteurs de langues régionales ou minoritaires, à l’intérieur de " territoires " dans lesquels ces langues sont pratiquées, porte atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français ». Le rapporteur a alors estimé que deux séries de difficultés se posaient : d’une part, s’agissant de l’usage de langues autres que le français dans la vie publique et, d’autre part, s’agissant de la reconnaissance de groupes de locuteurs et de territoires, en méconnaissance des principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français. Il a jugé que dans le cadre constitutionnel actuel pouvaient être envisagées des politiques volontaristes de promotion des langues régionales, dont il a d’ailleurs regretté qu’elles n’aient pas été mises en place plus tôt, dans le respect de la liberté de choix de chacun ; en revanche, à n’en pas douter, le Conseil constitutionnel censurerait une démarche obligatoire.

Après que M. Claude Goasguen eut estimé que le débat actuel n’était pas celui relatif à la Charte, M. Noël Mamère a réitéré les craintes déjà exprimées qu’en l’absence de révision constitutionnelle la future loi ne soit censurée par le Conseil constitutionnel. Il a estimé crucial que soit inscrit dans la Constitution le principe de la diversité culturelle, reconnu notamment par le traité de Lisbonne et a jugé les arguments développés par le rapporteur plus politiques que juridiques. À ses yeux, les amendements déposés ne remettent nullement en cause l’usage du français et n’impliquent pas l’évolution redoutée vers un modèle communautariste.

M. François Bayrou a estimé que la discussion était en train de s’égarer, la Charte européenne n’étant pas le sujet du débat. Il a rappelé que la question posée par ces amendements était celle de la difficulté posée par la rédaction actuelle du premier aliéna de l’article 2 de la Constitution qui interdit, en l’état, au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, toute mise en œuvre de politiques actives de promotion des langues régionales. Ces amendements ne visent pas à affaiblir l’usage du français mais bien au contraire à enrichir la Constitution de la référence aux langues régionales.

M. Claude Goasguen a estimé que le rapporteur avait déplacé le débat sur un plan international alors que ce n’est pas le cœur du sujet : il s’est d’ailleurs lui-même déclaré défavorable à une ratification par la France de la Charte car certaines de ses dispositions contreviennent aux principes de notre République. Il a estimé en revanche qu’il était nécessaire de réviser aujourd’hui la Constitution pour éviter que la future loi promouvant une politique volontariste de développement des langues régionales ne soit censurée par le Conseil constitutionnel.

M. Jean-Christophe Lagarde a estimé nécessaire de reconnaître le fait que les langues régionales doivent être protégées par la République. Se fondant sur les exemples ultramarins, notamment celui de Mayotte, il a estimé que l’existence de langues locales à côté du français ne posait aucune difficulté. Dans le contexte actuel de mondialisation qui induit une crainte de perte d’identité, il a estimé urgent et nécessaire de soutenir ces amendements.

M. Jean-Jacques Urvoas ayant estimé que le problème dont il est débattu avait des implications concrètes importantes, en rappelant que les locuteurs de langue bretonne sont passés de plus de un million en 1950 à moins de 250 000 aujourd’hui, le rapporteur a maintenu son avis défavorable sur les trois amendements. Il a estimé que M. Mamère lui avait livré le meilleur argument en faveur de sa position en citant le traité de Lisbonne qui a fait l’objet d’un examen par le Conseil constitutionnel sans que celui-ci n’ait jugé sa reconnaissance de la diversité culturelle et linguistique contraire à la Constitution. Il y a vu la preuve qu’il n’était donc nullement nécessaire de réviser la Constitution pour mettre en œuvre des politiques de promotion de cette diversité. Après que le rapporteur eut estimé que l’amendement de M. Mamère posait en outre une difficulté en ce qu’il autorisait l’usage des langues régionales dans la vie publique, la Commission a successivement rejeté les trois amendements.

MM. François Bayrou, Bruno Le Roux et Bernard Roman s’étant étonnés du résultat de ces scrutins et ayant réclamé qu’il soit procédé à un nouveau vote, M. Jacques-Alain Bénisti, président, a refusé de faire droit à cette demande, en précisant que le dernier amendement avait été rejeté par vingt voix contre dix-neuf et en rappelant que seuls les membres de la Commission avaient droit de vote.

M. Manuel Valls ayant fait part de ses craintes que les débats ne se déroulent pas dans l’atmosphère de sérénité nécessaire, a solennellement demandé qu’il soit procédé à un nouveau vote, et déclaré qu’à défaut il demanderait une suspension de séance.

M. Jacques-Alain Bénisti, président, a rappelé que, dans le respect des règles de fonctionnement de la Commission, il ne comptait que les votes exprimés clairement en faveur ou en défaveur d’un amendement et a indiqué avoir clairement relevé vingt votes contre et dix-neuf votes pour l’amendement de M. Bayrou, sur les quarante et un députés présents en Commission.

Devant le refus du président de procéder à un nouveau vote, M. Manuel Valls a réitéré sa demande de suspension de séance.

La séance a alors été suspendue durant cinq minutes.

À la reprise de la séance, M. Jacques-Alain Bénisti, président, a donné lecture de la composition de la Commission et a précisé que M. Jérôme Lambert et Mme Élisabeth Guigou, qui assistaient à la réunion mais ne sont pas membres de la Commission, n’avaient pas pu voter valablement.

La Commission a ensuite été saisie d’un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde tendant à prévoir que les modes de scrutin assurent la représentation pluraliste des opinions et des territoires. Après avoir indiqué que l’objectif de l’amendement était de favoriser une meilleure représentation des opinions et des territoires dans les assemblées élues, M. Jean-Christophe Lagarde a précisé qu’une dose de proportionnelle était nécessaire pour atteindre cet objectif, mais qu’elle ne remettrait pas en cause la stabilité des exécutifs. Il a ainsi jugé paradoxal que les modes de scrutin des élections municipales et régionales se déroulent au scrutin proportionnel, sans que cela empêche la constitution d’exécutifs locaux stables, tandis qu’à l’échelon du département et de la représentation à l’Assemblée nationale la proportionnelle n’existe pas. Il a estimé que cette situation était malsaine, les débats qui ne peuvent avoir lieu au Parlement ayant lieu dans la rue ou par des actions non démocratiques, avec pour conséquence de favoriser la montée des extrémismes. L’objectif de permettre aux citoyens de mieux se reconnaître dans la représentation nationale doit donc être un objectif constitutionnel.

La Commission a également été saisie d’un amendement de M. François Bayrou ayant un objet similaire. Après avoir indiqué qu’il compléterait son amendement en vue de son examen en séance publique pour préciser que la loi prévoit la représentation pluraliste « et équitable » des opinions et des territoires, M. François Bayrou a souligné qu’il avait relevé avec une certaine ironie que l’exposé des motifs du projet de loi comportait un intitulé affirmant qu’« un Parlement renforcé est un Parlement plus représentatif ». Il a rappelé que tous les pays d’Europe occidentale, à l’exception de la France, avaient adopté une loi électorale garantissant la représentation de tous les courants d’opinion dès lors qu’ils regroupent un nombre significatif de suffrages, en général fixé à 5 %. Il a considéré comme anormal que des millions de voix exprimées dans les scrutins en France, par exemple les voix de gauche à Neuilly ou les voix de droite dans de nombreuses communes de Seine-Saint-Denis, soient perdues et ne soient jamais représentées. Il a estimé, comme le préconisait Léon Blum, que les modes de scrutin devaient garantir le pluralisme et que leur détermination devait relever du niveau constitutionnel.

Le rapporteur a émis un avis défavorable sur les deux amendements, indiquant que la tradition française voulait que les modes de scrutin ne soient pas régis par une norme de niveau constitutionnel, afin de conserver une certaine souplesse dans leur détermination.

M. Arnaud Montebourg a rappelé que le problème soulevé par les deux amendements était celui de la représentation de millions de nos concitoyens, qui n’ont de porte-parole ni au Sénat ni à l’Assemblée. Il a considéré qu’il était inexact de dire que la Constitution ne se mêlait pas des modes de scrutin, celle-ci fixant déjà des règles générales, en prévoyant notamment que le scrutin peut être direct ou indirect et que la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux. Après avoir estimé que la Constitution peut prévoir le droit pour chaque citoyen à être représenté, il a jugé nécessaire que la volonté du Gouvernement de permettre la représentation des Français établis hors de France soit étendue aux Français vivant sur le territoire national.

Après avoir indiqué que cette question ferait l’objet d’une attention particulière des députés de son groupe lors de l’examen du projet de loi en séance, M. Bruno Le Roux s’est interrogé sur la question de savoir si la souplesse dans la fixation des modes de scrutin consistait à apprendre par la presse qu’une réforme du scrutin régional était envisagée, à apprendre par un préfet qu’un projet de redécoupage de circonscriptions était étudié, ou encore à découvrir qu’un projet de scrutin à un tour était envisagé pour éliminer les plus petites formations politiques. Il a estimé que l’adoption de la révision constitutionnelle supposait que l’Assemblée dispose de précisions sur les modes de scrutin.

M. Noël Mamère a indiqué que les amendements présentés allaient dans le sens du projet de loi, qui prévoit de renforcer la représentativité du Parlement. Après avoir rappelé qu’il était aujourd’hui impossible de dire que le Parlement était représentatif de la diversité sociale de la France, il a regretté que la démocratie soit entrée dans une spirale du bipartisme qui empêche la représentation de certaines idées. Il a souhaité que la réforme de la Constitution soit l’occasion de rénover les institutions dans le sens d’une représentation de tous les habitants du pays, y compris des étrangers, qui sont comptabilisés dans les populations des communes dans lesquelles ils vivent sans y disposer du droit de vote pour les élections locales.

M. Jean-Christophe Lagarde a considéré qu’il était paradoxal de refuser à l’échelon de l’Assemblée nationale et du département une représentation proportionnelle qui avait pourtant été acceptée sans difficulté pour le Parlement européen. Après avoir estimé que la Constitution pouvait fixer des règles concernant les modes de scrutin, il a indiqué que le projet de loi créerait une inéquité entre les Français de l’étranger, dont les représentants seront élus à la proportionnelle, et les Français vivant en métropole, dont plusieurs millions continueront de ne pas avoir de représentant.

M. Christian Vanneste a rappelé qu’il était nécessaire de réfléchir aux conséquences des choix qui seront faits en matière de modes de scrutin : les députés représentent-ils des opinions ou des citoyens ? Participent-ils à des débats d’opinion ou ont-ils pour mission de voter la loi ? Après avoir indiqué qu’il estimait, comme Max Weber, que la politique ne relevait pas seulement d’une éthique de conviction mais exigeait également une éthique de responsabilité, il a rappelé que le scrutin proportionnel avait permis en Allemagne l’accession au pouvoir des nazis et en France la représentation d’un parti extrémiste à l’Assemblée nationale et au Parlement européen.

Après avoir indiqué que le débat sur le renforcement du rôle du Parlement supposait au préalable un débat sur le renforcement de sa représentativité, M. Michel Hunault a déclaré qu’il s’inquiétait de la tournure prise par le débat et qu’il s’étonnait de la contradiction entre l’esprit d’ouverture du Gouvernement qui, tant sur le sujet des langues régionales que sur la question des modes de scrutin, a fait savoir qu’il était prêt à accepter des propositions des parlementaires, et l’esprit de fermeture manifesté par le rapporteur depuis le début de l’examen des amendements. Il a rappelé que si certains candidats aux élections législatives s’étaient ralliés à la majorité présidentielle, ils l’avaient fait sur les bases d’un programme qui prévoyait une réflexion sur les modes de scrutin.

M. Nicolas Dupont-Aignan a rappelé que les amendements présentés n’avaient pas pour objet de mettre en place une représentation proportionnelle intégrale, mais de rendre possible l’introduction d’une dose de proportionnelle, qui permettrait de rééquilibrer les effets du quinquennat et du bipartisme. Tout en se déclarant très attaché à la stabilité de l’exécutif, il a regretté la dérive récente qui tend à laisser à l’écart des courants d’opinion dont on ne peut occulter l’existence. En conséquence, il a apporté son soutien à l’amendement de M. Jean-Christophe Lagarde, qui permet de concilier la diversité et la stabilité.

M. Noël Mamère a estimé que M. Christian Vanneste commettait un contresens en présentant le scrutin proportionnel comme la cause de la montée des extrémismes, et a rappelé que l’existence du scrutin proportionnel n’avait pas empêché la disparition récente d’un parti d’extrême droite allemand et qu’a contrario en France l’absence de scrutin proportionnel avait malgré tout permis la présence de M. Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2002.

M. Jean-Jacques Urvoas a considéré qu’il était nécessaire que le débat soit recentré sur l’essentiel, à savoir ce que pense le Président de la République, et a rappelé que dans la lettre d’orientation que ce dernier avait adressée au Premier ministre, il écrivait qu’un renforcement du Parlement supposait un renforcement de sa représentativité.

Le rapporteur a estimé qu’il n’y avait pas de contradiction entre la volonté du Gouvernement de renforcer la représentativité du Parlement et le fait de ne pas vouloir inscrire la question des modes de scrutin dans la Constitution. En outre, il a indiqué que la mention de la représentation des opinions et des territoires dans le texte constitutionnel pourrait avoir des conséquences inconnues à ce jour. Il a appelé les parlementaires à entrer dans le cœur de la révision constitutionnelle, indiquant que, s’il ne lui paraît pas possible d’accepter les amendements portant article additionnel avant l’article 1er et exprimant des convictions diverses, des avancées pourront être accomplies lorsque sera abordé le texte du projet de loi lui-même.

Les deux amendements, mis aux voix, ont été rejetés.

M. Noël Mamère a présenté un amendement tendant à généraliser le mode de scrutin proportionnel pour assurer l’égalité du suffrage universel. Il a rappelé que le renforcement du recours au mode de scrutin proportionnel avait été souhaité tant par le comité de réflexion présidé par M. Édouard Balladur que lors de multiples débats parlementaires. Il a estimé que ce mode de scrutin constituait le meilleur outil pour améliorer la représentativité politique des deux assemblées et permettrait, par ce biais, de renforcer l’influence du Parlement.

M. Arnaud Montebourg a indiqué que, si les députés du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche (SRC) jugeaient effectivement nécessaire de renforcer le pluralisme politique au sein du Parlement, ils n’étaient pas, en revanche, favorables à la généralisation du mode de scrutin proportionnel proposée dans cet amendement. En effet, l’introduction d’une simple dose de proportionnelle dans les modes de scrutin permettrait d’accroître la représentativité démocratique du Parlement, tout en préservant la stabilité des institutions de la VRépublique.

Le rapporteur ayant indiqué qu’il était défavorable à la généralisation du mode de scrutin proportionnel pour les raisons déjà exposées, la Commission a rejeté cet amendement.

Elle a également rejeté deux amendements de M. Patrick Braouezec tendant respectivement à étendre le mode de scrutin proportionnel à l’ensemble des élections et à donner la qualité d’électeur à toute personne résidant sur le territoire national.

La Commission a ensuite été saisie d’un amendement présenté par M. Noël Mamère, visant à étendre la qualité d’électeur aux personnes résidant légalement et continuellement sur le territoire français depuis au moins cinq ans.

Son auteur a fait valoir que l’octroi du droit de vote aux étrangers avait été promis par François Mitterrand en 1981, mais n’avait jamais été mis en œuvre par la suite, si ce n’est, du fait des engagements européens de la France en 1992, pour la participation des ressortissants communautaires aux élections municipales et européennes. Il est d’ailleurs regrettable que des considérations liées à l’exercice de la souveraineté nationale conduisent à interdire aux ressortissants communautaires d’accéder à des fonctions d’adjoint au maire, qui leur permettraient de participer à l’élection des sénateurs.

Il a jugé paradoxal de ne pas accorder la citoyenneté à des personnes qui, indépendamment de leur nationalité étrangère, sont venues travailler sur le territoire français, payer des impôts, participer à la vie économique et à l’identité collective du pays.

Il a rappelé que, pour mettre fin à cette situation absurde, il avait défendu en 2000 une proposition de loi, adoptée à l’unanimité des députés de gauche, mais qui n’avait jamais été inscrite à l’ordre du jour du Sénat.

M. Arnaud Montebourg s’est déclaré favorable à cet amendement, tout en indiquant que les députés du groupe SRC avaient déposé un amendement de même nature modifiant l’article 72 de la Constitution.

M. Guénhaël Huet a considéré que le droit de vote était l’un des attributs essentiels de la nationalité et a donc jugé incohérent de prévoir que ce droit puisse être exercé par des personnes qui n’ont pas la nationalité française.

M. Christian Vanneste a jugé choquant de faire dépendre la citoyenneté de l’appartenance à un système économique, alors qu’elle doit résulter de l’adhésion volontaire à un contrat social.

M. Jean-Christophe Lagarde a rejoint cette analyse, en remarquant que l’inscription sur les listes électorales n’était pas obligatoire. Il a par ailleurs jugé absurde la position adoptée par la France à l’égard des ressortissants communautaires, qui revient à « saucissonner » un citoyen selon que le scrutin concerné a un caractère national ou local. Il paraît, en particulier, incohérent d’autoriser ces ressortissants à élire les représentants français au Parlement européen, tout en leur interdisant de voter pour l’élection du Président de la République, pourtant appelé à présider le Conseil européen.

M. Philippe Gosselin a rappelé que la tradition juridique française lie la citoyenneté et la nationalité.

M. René Dosière a estimé qu’il est injuste de vouloir renforcer la représentation parlementaire des Français ayant choisi de quitter leur pays et n’y payant plus d’impôts et, à l’inverse, de refuser le droit de vote aux étrangers venus travailler en France en acquittant diverses contributions.

M. Bernard Roman a souhaité que, sur un tel sujet, le vote des parlementaires soit entièrement libre et non déterminé par des consignes partisanes, d’autant plus que le Président de la République a, avec courage, indiqué qu’il était personnellement favorable à l’octroi aux étrangers du droit de vote pour les élections locales. Il a par ailleurs rappelé qu’au-delà de la citoyenneté proprement dite, les étrangers disposent déjà du droit de vote dans les conseils de prud’homme, les conseils d’école, ou encore les comités d’entreprises.

M. Noël Mamère a rappelé que, dans l’entourage du Président de la République lui-même, des considérations fiscales avaient amené certains Français à s’expatrier, par exemple en Suisse. Ces personnes, bien que françaises, ont-elles une plus grande légitimité à exercer le droit de vote que les étrangers ayant choisi de vivre en France et d’y payer leurs impôts ? La discrimination établie, pour l’accès à la citoyenneté, entre Français et étrangers reposerait-elle en réalité sur des préjugés religieux ou ethniques ? Compte tenu de la position personnelle du Président de la République, on ne peut que regretter les réticences des députés du groupe UMP, qui espèrent sans doute flatter un électorat conservateur en liant citoyenneté et nationalité, alors même qu’une majorité de Français fait désormais preuve d’ouverture sur ce sujet.

M. Christophe Caresche a fait valoir que le fait d’accorder aux étrangers le droit de voter lors des élections locales n’aurait aucune influence sur les conditions d’exercice de la souveraineté nationale et ne remettrait nullement en cause le lien entre citoyenneté et nationalité. Cette participation à la démocratie locale pourrait constituer un facteur d’intégration fondamental pour la population étrangère de certains quartiers, pour laquelle l’accès à la nationalité française par naturalisation demeure très difficile. Une telle question ne doit donc pas être abordée selon une logique partisane.

M. Yves Nicolin a rappelé que les députés ne votaient pas en fonction d’instructions partisanes mais d’opinions individuelles qui, lorsqu’elles sont différentes, doivent être respectées par leurs collègues. Il a donc jugé inacceptable que les propos excessifs de M. Noël Mamère l’aient conduit à mettre en cause l’attitude personnelle des députés du groupe UMP.

M. Christian Vanneste a estimé que la célèbre formule de Talleyrand selon laquelle « tout ce qui est excessif est insignifiant » s’appliquait parfaitement à l’intervention outrancière de M. Noël Mamère.

La Commission a alors rejeté cet amendement.

Elle a également rejeté un amendement de M. Noël Mamère tendant à accorder aux étrangers le droit de voter aux élections locales dans des conditions déterminées par une loi organique, ainsi qu’un amendement de M. Patrick Braouezec renvoyant à la loi le soin de limiter ou d’interdire le cumul des mandats électifs.

Puis, M. Noël Mamère a présenté un amendement précisant que la loi « assure » l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Son auteur a souligné que, pour assurer réellement la représentativité du Parlement, il était insuffisant de prévoir dans la Constitution que la loi « favorise » cet égal accès.

M. Arnaud Montebourg a estimé que des progrès avaient été effectués sur cette question depuis une dizaine d’années, même si des efforts nouveaux doivent encore être engagés. En tout état de cause, les actions qu’il convient de mener dans ce domaine relèvent de la loi et non de la Constitution.

La Commission a alors rejeté cet amendement, ainsi qu’un amendement identique de M. Patrick Braouezec.

Elle a ensuite été saisie d’un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde, imposant au fonctionnaire détaché, lorsqu’il est réélu parlementaire, de démissionner de la fonction publique dans un délai de trente jours ou de renoncer à ce mandat électif. Son auteur a indiqué que l’amendement visait à ouvrir plus également l’accès aux fonctions parlementaires pour l’ensemble des citoyens, quelle que soit leur activité professionnelle, alors que les fonctionnaires demeurent surreprésentés au sein du Parlement – environ 40 % des députés bénéficiant d’un statut de fonctionnaire. Il a également estimé que l’amendement permettrait d’éviter qu’un parlementaire ne soit soumis à des pressions dans l’hypothèse de sa future réintégration dans la fonction publique, et qu’il convenait de régler ce problème sans attendre la mise en place, toujours différée, d’un « statut de l’élu ».

M. Arnaud Montebourg a considéré que la question de la composition sociologique des assemblées parlementaires pourrait être abordée lors de la mise en place de ce statut de l’élu, lequel relève de la loi et non de la Constitution. Il a ajouté que les fonctionnaires n’étaient pas la seule catégorie socioprofessionnelle bénéficiant actuellement d’une surreprésentation au sein du Parlement, celui-ci comptant également de nombreux élus exerçant une profession libérale ou dirigeant une entreprise.

M. Jean Tiberi a estimé que cette question ne relevait pas de la Constitution mais de la loi organique.

Le rapporteur s’y étant déclaré défavorable, la Commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite été saisie d’un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde limitant à trois le nombre de mandats pouvant être accomplis consécutivement. Son auteur a jugé qu’une durée de quinze et dix-huit années consécutives pour l’exercice des fonctions de député et de sénateur semblait suffisante, l’instauration de la limite proposée pouvant s’accompagner d’une adaptation du système de retraite des députés.

M. Bruno Le Roux a noté qu’il serait inévitable de mener une réflexion en ce sens, dès lors que le nombre de mandats aura été limité pour la Présidence de la République. Ces débats ne peuvent être dissociés et, dans les deux cas, la rédaction proposée, en ne soumettant à limitation que les mandats « consécutifs », offre des garanties insuffisantes.

La Commission a alors rejeté cet amendement, ainsi qu’un amendement du même auteur interdisant de cumuler plus de deux fonctions publiques électives, exception faite des « responsabilités intercommunales ».

Article 1er

(art. 4 de la Constitution)


Statut de l’opposition

Le présent article, qui recèle de grandes potentialités, complète l’article 4 de la Constitution pour offrir un ancrage constitutionnel aux notions de majorité, définie comme l’ensemble des partis et groupements politiques qui ont déclaré soutenir le Gouvernement, et a contrario de minorité, de telle sorte que des droits spécifiques puissent être attribués par la loi à cette dernière.

1. La préservation des droits de la minorité, garantie démocratique

a) Une question de principe

Les conceptions de la démocratie issues de la tradition du Contrat social de Rousseau n’offrent pas de réel espace à la minorité et a fortiori à l’opposition. En effet, dans une démocratie conçue comme identité des gouvernants et des gouvernés, il n’y a guère de place par la reconnaissance d’un droit d’opposition, celui-ci se limitant au droit de se préparer à l’alternance. Dans ce contexte, la minorité ne conteste que l’opportunité de la loi, non sa légitimité, et se montre ainsi prête à s’incliner devant la volonté de la majorité, à admettre celle-ci comme la volonté générale, jusqu’à ce que, grâce à l’alternance, elle soit en mesure elle-même d’en donner une autre interprétation.

À l’origine de la reconnaissance du droit de la minorité, assimilable en régime parlementaire à l’opposition, se trouve le constat dressé par Madison, dans sa lettre n° 10 du Federalist, après une décennie de fonctionnement du régime républicain dans les jeunes États du Nouveau Monde : « les questions sont trop souvent décidées, non pas d’après les règles de la justice et les droits de la minorité, mais par la force supérieure d’une majorité intéressée et dominatrice » (202). La démocratie s’identifie avec le gouvernement du peuple par la majorité, ainsi que le relevait Tocqueville : « Je regarde comme impie et détestable cette maxime qu’en matière de gouvernement la majorité d’un peuple a le droit de tout faire, et pourtant je place dans les volontés de la majorité l’origine de tous les pouvoirs » (203).

Mais la démocratie, dans une conception moderne, s’identifie également avec le respect de la minorité, constituée en opposition, par la majorité. C’est l’équilibre des deux qui définit la démocratie même comme « le gouvernement du peuple exercé par la majorité librement exprimée de celui-ci, dans le respect pour la minorité de manifester son opposition, garanti par l’État de droit » (204). Kelsen a abordé cette question de manière pragmatique. Le pouvoir de la majorité, qui est l’expression fonctionnelle du principe démocratique, suppose, par définition même, une opposition qui doit être reconnue politiquement et juridiquement protégée. L’opposition est un caractère essentiel, un critère du régime démocratique, corollaire nécessaire de la libre concurrence politique et de la relativité des opinions dans les matières régies par l’ordre politique.

Lorsque le principe majoritaire gouverne les institutions, comme c’est le cas dans la très grande majorité des régimes européens (205), et lorsque le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif procèdent de la même majorité, la conception classique de la séparation des pouvoirs, telle qu’exprimée, à l’origine, dans l’article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, tend à devenir plus souple, voire à s’estomper (206). Prévaut alors une conception moderne de la séparation des pouvoirs, celle-ci se matérialisant dans les rapports entre la majorité et l’opposition. Garantir à l’une les moyens de décider et à l’autre les moyens de s’exprimer, leur donner à chacune le soutien nécessaire à l’exercice de leurs responsabilités respectives, constituent donc un impératif démocratique.

La place de chacun étant mieux définie, mieux garantie, dans les fonctions législatives, la majorité se gardera de recourir à l’urgence et aux voies les plus abruptes du parlementarisme rationalisé – aucun Gouvernement n’a échappé à cette tentation sous la Ve République –, tandis que la minorité n’aura garde, pour se faire entendre, de verser dans les délices de l’obstruction – aucune opposition n’a omis de le faire depuis 1958. Que le Parlement soit brusqué ou que les débats s’y enlisent, dans tous les cas, sa crédibilité et son efficacité s’en trouvent affectées.

Dans les fonctions de contrôle, la majorité s’attachera plus encore à s’assurer que le Gouvernement qu’elle soutient respecte ses engagements, tandis que la minorité aura les moyens d’évaluer les politiques engagées et de les critiquer de manière plus assurée. Là encore que le Parlement soit le lieu d’un perpétuel soutien muet ou d’une critique automatique et aveugle ne peut que nuire à sa position institutionnelle.

Dans un régime démocratique, l’opposition, par la contradiction qu’elle apporte, renforce la qualité des délibérations : « les moyens par lesquels une majorité parvient à être la majorité, voilà la chose la plus importante, autrement dit les débats antérieurs, la modification des conceptions en fonction des opinions défendues par les minorités » (207). Pour reprendre les termes de Georges Burdeau : « La majorité ne fait pas la valeur d’une décision, elle la prouve. C’est parce qu’elle clôt un débat que la majorité est respectable ; c’est la discussion qui la valorise. L’artifice qui lui permet de prévaloir n’est tolérable que dans la mesure où la minorité peut s’incliner sans déchoir, se soumettre sans ratifier pour autant son asservissement. » (208)

Par le contrôle qu’elle exerce sur le Gouvernement, l’opposition incite ainsi la majorité parlementaire à jouer pleinement son rôle. Elle forme avec la majorité un « couple » dont procède l’énergie politique qui meut les mécanismes institutionnels. Plus encore, la situation qui est faite à l’opposition donne la mesure du caractère libéral d’un régime démocratique et in fine de sa force, de son degré de légitimité ainsi objectivement mesurable. Dès lors qu’il se trouve en face d’une opposition responsable, le pouvoir en place est conduit à aller au-delà d’une attitude de simple tolérance. L’opposition peut être entendue et, dans une mesure variable, associée à l’exercice de certaines fonctions. Les objectifs légitimes de l’opposition sont la limitation du pouvoir, mais aussi la collaboration à l’exercice du pouvoir, ce qui lui permet, le cas échéant, d’obtenir l’infléchissement de la politique gouvernementale, à travers le rôle des commissions parlementaires. Le fonctionnement d’un régime démocratique est conditionné par l’état de l’opposition.

Les enceintes internationales se font régulièrement l’écho de cette nécessité. Ces principes ont ainsi été pris en compte par le Conseil de l’Europe, devant l’Assemblée parlementaire, au cours de la première partie de sa session ordinaire de 2008, dans un récent projet de résolution sur les lignes directrices procédurales sur les droits et devoirs de l’opposition dans un Parlement démocratique. Selon ces dernières, trois principes fondamentaux doivent gouverner le statut de l’opposition : le contrôle de l’action du Gouvernement, la participation sur un pied d’égalité aux travaux législatifs et la possibilité de vérifier la constitutionnalité des textes adoptés. Selon le rapporteur du projet de résolution, la mise en œuvre de ces principes participerait de l’amélioration de l’efficacité du Parlement (209). Elles ne peuvent, en effet, que concourir à la mise en place d’une opposition responsable et effective (210). L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dans sa Résolution 1154 (1998) sur le fonctionnement démocratique des parlements nationaux, appelait déjà ces derniers à « créer un statut de l’opposition qui permette à cette dernière de jouer son rôle de manière responsable et constructive (…) » (211).

b) Un manque pour la démocratie française

Selon les termes de Ronald Dworkin, les droits « sont la promesse de la majorité aux minorités que leur dignité et leur égalité seront respectées » et la décision majoritaire tire une grande partie de sa force et de son autorité du respect qu’elle inspire à l’opinion minoritaire.

• Le modèle britannique et sa diffusion

Le modèle de référence en la matière est bien sûr le « modèle de Westminster », qui constitue la consécration la plus institutionnalisée et la plus formalisée – et l’une des plus anciennes –, de l’opposition sous sa forme parlementaire (212). L’opposition y fait partie du système constitutionnel même. Son organisation est favorisée par le bipartisme qui met face au parti gouvernemental un autre parti à vocation majoritaire et très structuré.

L’opposition a son leader et une structure permanente d’action constituée par le Shadow Cabinet qui assume une tâche de contrôle spécialisé de l’activité gouvernementale et représente en même temps l’ébauche d’un Gouvernement prêt à la relève. Cette institution, « décalque de la formation gouvernementale » (213), forme en effet un Gouvernement de réserve, prétendant conduire la politique du pays. Pour ce faire, chaque titulaire d’un « portefeuille fantôme » pourrait être appelé à prendre la tête du ministère correspondant en cas d’alternance. Cette structure bénéficie d’un financement spécifique, tandis que ses membres siègent dans les premiers rangs à la Chambre des Communes.

Certaines règles ont été fixées par écrit. Le Leader de l’Opposition est rémunéré comme un organe de l’État (214). La loi sur les ministres de la Couronne de 1975 précise que qu’il est « le leader du parti de la Chambre des Communes qui s’oppose au Gouvernement de Sa Majesté et qui a le plus grand nombre de membres dans la Chambre ». C’est in fine le Speaker de la Chambre des Communes qui décide qui est le Leader de l’Opposition. La loi sur les services de renseignement de 1994 dispose que le Premier ministre doit consulter ce dernier avant de nommer les membres de la commission du Renseignement et de la sécurité. Le Règlement de la Chambre des Communes réserve vingt jours de l’ordre du jour à la libre disposition des partis de l’opposition (215), dont dix-sept pour le Leader de l’Opposition et trois pour le parti minoritaire de l’opposition ; cet ordre du jour est prioritaire ; le Gouvernement décide du jour (216).

Mais la plupart des droits dont dispose l’opposition parlementaire britannique repose surtout sur des coutumes. Il en est ainsi de la participation du Leader de l’Opposition à toutes les questions d’ordre du jour. Une source coutumière de financement est réservée aux partis de l’opposition depuis une décision du Speaker de 1975. Par convention, un accord informel entre les partis permet d’attribuer la présidence de certaines des commissions de contrôle ministériel (Departmental Select Committees) à un membre de l’opposition. Par convention également, la commission de l’Évaluation des finances publiques (Public Accounts Committee) et la Commission commune des actes réglementaires, chargée d’examiner les mesures d’application des lois (Joint Committee on Statutory Instruments) sont présidées par un membre de l’opposition. Les présidents des commissions législatives peuvent être choisis par le Speaker parmi les membres de l’opposition au sein du Chairman’s Panel, constitué de vingt backbenchers expérimentés. Lors de la séance des questions au Premier ministre (217), trois ou quatre questions peuvent être posées par le Leader de l’Opposition, deux par le leader du parti d’opposition minoritaire.

Le Speaker assume un rôle général de défense des droits de l’opposition. Il est traditionnellement réélu à son poste, même si la majorité parlementaire a changé, mais cette tradition illustre sans doute plus le caractère parfaitement neutre de la fonction de présidence de la Chambre des Communes que la volonté déterminée de confier un poste d’influence politique à l’opposition en tant que telle.

L’expression d’« Opposition officielle » ou d’« Opposition de Sa Majesté », utilisée pour la première fois en 1826 à la Chambre des Communes du Royaume-Uni, a, depuis lors, été diffusée dans de nombreux pays du Commonwealth, que ce soit, par exemple, l’Australie, le Canada, l’Inde ou encore la Nouvelle-Zélande. Cette opposition y est incarnée par le principal parti non majoritaire au Parlement, ce qui, par exemple, exclut du statut de l’opposition le Parti libéral-démocrate, troisième composante de la Chambre des Communes en Grande-Bretagne, qui ne peut actuellement prétendre au statut de l’opposition (218).

Minoritaire par définition, l’opposition se voit reconnaître chez nombre de nos voisins des prérogatives auxquelles elle ne pourrait arithmétiquement prétendre et qui sont cependant indispensables au regard des exigences démocratiques.

Mais, aujourd’hui, seuls quelques États mentionnent expressément le statut de l’opposition dans leur Constitution. Par exemple, l’article 114 de la Constitution du Portugal dispose que « les partis politiques participent aux organes fondés sur le suffrage universel et direct en fonction de leur représentativité électorale », que « le droit d’opposition démocratique est reconnu aux minorités, conformément à la Constitution et à la loi » et que « les partis politiques représentés à l’Assemblée de la République et qui ne font pas partie du Gouvernement jouissent notamment du droit d’être informés régulièrement et directement par le Gouvernement de l’évolution des principaux sujets d’intérêt public ». Cette disposition constitutionnelle a été complétée par une loi sur le statut de l’opposition promulguée en 1998 (219). La Constitution de la Croatie, dans son article 91, dispose expressément que le président des commissions d’enquête parlementaire doit être choisi parmi les membres de l’opposition.

Le modèle binaire britannique majorité-opposition ne peut être totalement et intégralement transposé en France, même si une nette tendance à la bipolarisation peut y être constatée sur moyenne période. Moins monolithique, caractérisée par l’existence de tiers partis, la relative plus grande complexité du paysage politique français ne doit cependant pas interdire, compte tenu des enjeux démocratiques que représente, comme on l’a vu supra, la reconnaissance de droits spécifiques à l’opposition, d’imaginer un dispositif juridique autorisant des avancées en la matière tout en autorisant le maintien d’une pluralité de partis ou groupements.

• La question de la reconnaissance de l’opposition dans le système institutionnel français

En 1981, M. Jean-Luc Parodi présentait ainsi la situation française : « La majorité, telle est bien la seconde découverte du Parlement de la Ve République, majorité cohérente, disciplinée, délimitée à l’occasion d’une consultation électorale et stable jusqu’à l’élection suivante », mais « l’existence même d’une majorité appelle celle d’une opposition et pose le problème de son éventuel statut. On a assisté ainsi au cours des deux dernières décennies à une évolution, au demeurant très lente, vers une reconnaissance de droit ou de fait de l’opposition, marquée par l’épisode du " contre-gouvernement " de la FGDS ou le regroupement sous un sigle unique, pour la campagne législative radiotélévisée, des " formations n’appartenant pas à la majorité ". » (220)

Il faudrait y ajouter la révision constitutionnelle de 1974, qui, en permettant à soixante députés ou sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel, a bénéficié, au premier chef, à la minorité, à l’opposition, même si le Conseil constitutionnel n’est pas devenu « une chambre d’appel au secours de l’opposition du moment » (221).

Dans son message au Parlement du 30 mai 1974, le nouveau Président de la République avait cependant présenté cette réforme comme un élément du « statut de l’opposition » qu’il voulait mettre en place pour « décrisper » la vie politique. Lorsqu’on analyse les réactions de l’époque – M. Maurice Duverger estimera, à tort, que la réforme n’apporte qu’un « gramme de démocratie » –, il faut bien constater que l’opposition, guère enthousiaste, ne votera pas la réforme, craignant une forme de piège politique. Quant à la majorité d’alors, dans ses rangs, certains, assez nombreux, considérèrent qu’elle ne constituait qu’un « cadeau » peu judicieux fait à l’opposition (222). Georges Vedel estimera que la saisine du Conseil est passée « des mains des quatre Grands (Président de la République, Premier ministre, Présidents des assemblées) aux mains de l’opposition quelle qu’en soit la couleur » (223).

La même logique se vérifie en Allemagne, où le Tribunal constitutionnel fédéral de Karlsruhe apparaît aux yeux de la doctrine comme un instrument de lutte de l’opposition (224).

Mais, au-delà, en France, aujourd’hui, nulle part dans notre droit, il n’est fait allusion à la notion d’opposition, à l’exception d’une mention dans le code électoral qui a, de surcroît, le mérite de concerner expressément les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale. Ainsi, dans le cadre de la campagne pour les élections législatives, le II de l’article L. 167-1 dudit code (225) dispose :

« Pour le premier tour de scrutin, une durée d’émission de trois heures est mise à la disposition des partis et groupements représentés par des groupes parlementaires de l’Assemblée nationale. Cette durée est divisée en deux séries égales, l’une étant affectée aux groupes qui appartiennent à la majorité, l’autre à ceux qui ne lui appartiennent pas.

« Le temps attribué à chaque groupement ou parti dans le cadre de chacune de ces séries d’émissions est déterminé par accord entre les présidents des groupes intéressés. À défaut d’accord amiable, la répartition est fixée par les membres composant le bureau de l’Assemblée nationale sortante, en tenant compte notamment de l’importance respective de ces groupes ; pour cette délibération, le bureau est complété par les présidents de groupe. Les émissions précédant le deuxième tour de scrutin ont une durée d’une heure trente : elles sont réparties entre les mêmes partis et groupements et selon les mêmes proportions. »

En outre, dans le cadre du respect général du pluralisme à la télévision et à la radio, le CSA utilise les concepts d’opposition et de majorité. Pour fonder sa décision, le CSA utilise un faisceau d’indices : vote négatif d’une formation politique lors de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le fondement de l’un des trois premiers alinéas de l’article 49 de la Constitution, rejet de la loi de finances de l’année, absence de ministre appartenant à cette formation au Gouvernement. Selon le CSA, seul le premier indice constitue un « acte de rupture manifeste et irrévocable » à l’encontre du Gouvernement et place la formation politique considérée dans l’opposition.

Ce « vide juridique » n’a pas empêché certaines initiatives de se développer. Ainsi en est-il des « questions au Gouvernement » proposées en 1974 par M. Valéry Giscard d’Estaing. Non seulement, cette procédure est intervenue en dérogation à l’article 48 de la Constitution qui ne prévoyait à l’époque qu’une seule séance de questions, mais elle instituait aussi une parité entre la majorité et la minorité, laquelle pouvait alors s’identifier à l’opposition.

Mais ce qui peut être considéré comme une souplesse – s’en référer à des conventions susceptibles d’être adaptées à chaque circonstance nouvelle – peut également être considéré comme trop fragile pour assurer une authentique « séparation moderne des pouvoirs » entre la majorité qui gouverne et l’opposition qui la contrôle.

Enfin, on ne saurait négliger un fait : le caractère traditionnellement conflictuel des relations en France entre majorité et opposition – il suffit de se référer au système allemand ou aux systèmes nordiques pour, par contraste, s’en convaincre. Cette donnée rend d’autant plus pertinent pour notre pays de doter l’opposition d’un véritable statut.

2. La définition d’un ancrage constitutionnel

Pour faire écho à Norbert Elias, il est possible de considérer que la Constitution doit pouvoir participer du processus de civilisation des mœurs politiques. Attribuer des droits à l’opposition, définie comme l’ensemble des partis et groupements qui n’ont pas déclaré soutenir le Gouvernement, nécessite, dès lors que cela conduit à une forme de « discrimination positive » à son profit, de modifier la Constitution. Cette réforme majeure, en s’appuyant sur l’article 4 de la Constitution qui reconnaît les partis et groupements politiques, devra avoir pour corollaire un approfondissement de la réflexion sur le statut de ces derniers.

a) L’existence d’un verrou constitutionnel ?

Comme l’a souligné, M. Jean-Louis Debré, alors Président de l’Assemblée nationale lors de la présentation, en janvier 2006, de ses propositions de résolution de réforme du Règlement de l’Assemblée nationale, une réforme permettrait de franchir un palier significatif dans l’amélioration à la fois de la fonction délibérative et de la fonction de contrôle de l’Assemblée nationale : l’attribution de droits garantis pour l’opposition.

Mais, en censurant la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale qui reconnaissait les notions de majorité et d’opposition et faisait bénéficier cette dernière de droits particuliers sur la base d’un système de déclaration contrôlé par le Bureau, la décision n° 2006-537 DC du 22 juin 2006 du Conseil constitutionnel a pu laisser penser qu’il n’était pas possible de créer un statut juridique de l’opposition digne de ce nom, hors des seules conventions librement établies par les acteurs politiques et simples expérimentations, toutes soumises aux aléas des alternances.

Le Conseil constitutionnel a, effet, estimé qu’« en requérant des groupes une déclaration d’appartenance à la majorité ou à l’opposition et en conférant, en cas de contestation, un pouvoir de décision au bureau de l’Assemblée nationale, les modalités retenues par la résolution conduisent à méconnaître le premier alinéa de l’article 4 de la Constitution et (…) ont pour effet d’instaurer entre les groupes une différence de traitement injustifiée » (226).

Le premier alinéa de l’article 4 de la Constitution avait déjà été invoqué par le Conseil constitutionnel lors de sa première décision sur le Règlement de l’Assemblée nationale, en 1959, pour rejeter la disposition qui laissait à l’Assemblée le soin d’apprécier la conformité de la déclaration politique d’un groupe, requise par le Règlement, aux prescriptions de la dernière phrase de l’article 4, qui imposent que les partis et groupements « doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie » (227). La disposition censurée, méconnaissant, selon le Conseil, le principe de liberté de formation des partis politiques, aurait pu conduire à empêcher certains députés de se constituer en groupe. Par là même, le Conseil procédait à l’assimilation des groupes parlementaires aux partis politiques et admettait dans le même temps, en ne les censurant pas, les dispositions qui attribuent aux groupes parlementaires des droits spécifiques et qui conduisent à reconnaître à leurs membres des droits différents de ceux qui sont non inscrits (228).

Ainsi que l’a relevé M. Pierre Avril, « partant de la constatation assez évidente que le fonctionnement de l’Assemblée actuelle ne repose pas seulement sur l’organisation traditionnelle des groupes, mais dépend avant tout d’une majorité organique et disciplinée, les dispositions censurées le 22 juin relèvent de la même logique que celle qui fonde les prérogatives reconnues aux groupes, mais en transposant cette logique du terrain des droits individuels des députés sur le plan des droits respectifs des groupes » (229).

Il était également possible de lire, dans le considérant précité tout en sobriété du Conseil constitutionnel, non pas la censure a priori de la possibilité d’accorder des droits particuliers à l’opposition parlementaire, mais seulement celle des modalités retenues pour le faire.

En tout état de cause, il est fréquent que le droit parlementaire progresse grâce à des conventions, plus ou moins formalisées, entre les acteurs. La récente attribution d’une présidence de commission de l’Assemblée nationale à l’opposition est là pour en témoigner. La consolidation des pratiques favorables à l’opposition (230), que la réforme du Règlement de l’Assemblée en juin 2006 souhaitait conduire, appelle en opportunité, sinon en droit, un ancrage constitutionnel, qui pourrait profiter à l’ensemble de la vie démocratique de notre pays en reconnaissant, dans toutes les assemblées politiques, l’existence d’une majorité et d’une opposition définies comme soutenant ou non le Gouvernement et auxquelles pourront être attribués des droits particuliers.

b) La reconnaissance des partis et groupements politiques

Il est une vérité que les circonstances historiques propres à la France ont parfois masquée ou reniée, mais qu’il convient de réaffirmer, comme nous y invite d’ailleurs l’article 4 de la Constitution, qui incarne, dans sa sécheresse, ce compromis entre vérité et circonstances : la démocratie moderne repose sur les partis politiques. Parmi les premiers dans l’entre-deux-guerres, Hans Kelsen en reconnaît l’évidence : « c’est en effet illusion ou hypocrisie que soutenir que la démocratie est possible sans partis politiques... La démocratie est nécessairement et inévitablement un État de partis (Parteienstaat) » (231). M. Pierre Avril reprendra ce thème : les partis « sont indispensables à la démocratie, mais, en même temps, les démocrates les plus exigeants ne laissent pas de s’en méfier » (232), synthétisant ainsi le long cheminement qui conduit l’attitude à l’égard des partis à passer successivement de l’hostilité à l’ignorance, puis à la reconnaissance et à l’incorporation.

En France, en rupture avec une pratique ancienne fortement teintée de méfiance à l’encontre des regroupements à objet politique, la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association avait créé un cadre juridique susceptible de convenir à certains d’entre eux, sans déclaration préalable ni autorisation. Toutefois, seules les associations déclarées et ayant déposé leurs statuts auprès de l’administration peuvent bénéficier de la capacité juridique qui les autorise à ester en justice, recevoir dons et cotisations, acquérir à titre onéreux, posséder et administrer. Les groupements qui ne se sont pas conformés à cette procédure mais ayant une activité politique de fait se sont néanmoins vus reconnaître des droits et obligations.

En 1946, un projet de statut complet – idée apparue pendant l’entre-deux-guerres (233) – avait été envisagé lors des débats préparatoires (234). Ainsi, au sein de la commission de la Constitution réunie sous la première Assemblée constituante au sortir de la guerre, André Philip déclara qu’« un parti politique ne doit plus être considéré comme une association quelconque. Nous sommes arrivés à un moment où le parti devient un organe du suffrage universel, un intermédiaire entre le législateur et le peuple » (235).

Mais les partis n’entrèrent dans la Constitution qu’en 1958. Un projet plus ambitieux avait été rédigé par Michel Debré. Ainsi, dans l’avant-projet de Constitution du 10 juillet 1958, le garde des Sceaux proposa l’article suivant : « Les groupes ou formations politiques qui présentent des candidats aux élections ou qui ont une activité politique peuvent se constituer librement. Ils doivent cependant se déclarer et déposer leurs statuts. Leur organisation doit s’inspirer des principes démocratiques. Ils doivent rendre compte annuellement de leurs ressources et de leurs dépenses au Conseil constitutionnel qui est habilité à vérifier la sincérité des déclarations produites. Les observations du Conseil constitutionnel sont publiées au Journal officiel. La constatation par le Conseil constitutionnel d’une violation des dispositions du présent article autorise le Gouvernement à demander devant la Haute Cour de justice la dissolution du groupement incriminé. » Ce projet fut abandonné par crainte de l’opposition des partis politiques à la nouvelle Constitution, tandis que le Conseil d’État craignit qu’un tel texte ne servît à interdire des partis.

Certains pays ne reconnaissent pas les partis en tant que tels dans leur Constitution, même si, comme en Belgique (article 27), est proclamée la liberté d’association.

Mais, de nombreux autres pays reconnaissent, comme la France, l’existence des partis dans leur Constitution, à l’instar de l’Espagne (article 6) (236), de l’Italie (article 49) (237) et du Portugal (article 10, alinéa 2) (238). Certains la reconnaissent à travers la liberté accordée aux citoyens de s’associer, comme en Suède (chapitre II, article 2) (239), ou par le biais des règles électorales comme en Suède (chapitre III, article 7) (240) ou en Norvège (article 59). En Autriche, l’article 1er de la loi sur les partis politiques a été qualifié de loi constitutionnelle (241).

D’autres pays encore, comme l’Allemagne, la Grèce ou le Portugal, font figurer dans leur Constitution non seulement une reconnaissance explicite des partis, mais également un énoncé de leurs droits et obligations.

L’article 21 de la Loi fondamentale de la République fédérale dispose : « 1. Les partis politiques concourent à la formation de la volonté politique du peuple. Leur fondation est libre. Leur organisation interne doit être conforme aux principes démocratiques. Ils doivent rendre compte publiquement de la provenance et de l’emploi de leurs ressources ainsi que de leurs biens. 2. Les partis qui d’après leurs buts ou d’après le comportement de leurs adhérents, tentent de porter atteinte à l’ordre constitutionnel et démocratique, ou à le renverser, ou à mettre en péril l’existence de la République fédérale d’Allemagne, sont inconstitutionnels. La Cour constitutionnelle fédérale statue sur la question de l’inconstitutionnalité. 3. Les modalités seront réglées par des lois fédérales. »

L’article 29 de la Constitution de la Grèce dispose, d’une part, que « les citoyens hellènes ayant droit de vote peuvent librement créer des partis politiques ou y adhérer ; l’organisation et l’activité de ces partis doivent servir le fonctionnement libre du régime démocratique » et, d’autre part, que « les partis ont droit au soutien financier de l’État pour leurs dépenses électorales et de fonctionnement, ainsi qu’il est prévu par la loi. La loi précise les garanties de transparence en matière de dépenses électorales et définit, d’une manière générale, la gestion financière des partis, des députés, des candidats à la députation et des candidats aux sièges de la décentralisation locale de tout niveau. La loi impose un plafond pour les dépenses électorales, peut interdire certaines formes de promotion électorale et définit les conditions dans lesquelles la violation des dispositions relatives constitue un motif de déchéance de la dignité de député, sur l’initiative de l’organe spécial de la phrase suivante. Le contrôle des dépenses électorales des partis et des candidats à la députation est effectué par un organe spécial incluant la participation de magistrats de rang supérieur, ainsi qu’il est prévu par la loi. La loi peut étendre ces réglementations aux candidats à d’autres postes électifs. »

Dans son article 40, la Constitution du Portugal définit les droits d’accès à l’antenne, de réponse et de réplique politique et accorde une place particulière aux partis politiques. Ainsi, « les partis politiques (…) ont droit, en fonction de leur importance et de leur représentativité et selon des critères objectifs que la loi définira, à des temps d’antenne au sein du service public de la radio et de la télévision », tandis que « les partis politiques représentés à l’Assemblée de la République et qui ne participent pas au Gouvernement ont droit, conformément à la loi, à des temps d’antenne à la radio et à la télévision du service public proportionnels à leur représentativité, ainsi qu’un droit de réponse et de réplique politique aux déclarations politiques du Gouvernement, de durée et d’importance égales aux temps d’antenne et aux déclarations du Gouvernement. »

En France, la question du statut des partis et groupements politiques, qui se résume actuellement à des lois éparses exclusivement consacrées à leur financement (242), peut ainsi de nouveau être posée. En trouvant à cette question une réponse moins elliptique que celle proposée par l’état du droit, la consécration explicite du principe majoritaire et de la protection des droits de la minorité pourrait utilement trouver appui sur la mention de leur existence dans la Constitution, de la même façon que le constituant, en 1999, a assigné pour mission aux partis et groupements de contribuer à la mise en œuvre de l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives (243).

c) Le dispositif proposé et ses développements possibles

Selon un modèle proche de celui que le constituant a prévu à l’article 3 de la Constitution pour permettre l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions électives, le présent article renvoie au législateur « ordinaire » la responsabilité de déterminer les conditions dans lesquelles des droits particuliers peuvent être reconnus aux partis et groupements politiques qui n’ont pas déclaré soutenir le Gouvernement.

Dans sa rédaction, il ne distingue pas à proprement parler l’opposition. Il définit celle-ci « en creux » en évoquant les partis et groupements qui n’ont pas déclaré appartenir à la majorité qui soutient le Gouvernement.

Ainsi, peuvent être inclus dans les partis qui n’ont pas déclaré soutenir le Gouvernement ceux qui s’opposent à lui mais aussi ceux qui le soutiennent de manière continue ou épisodique sans pour autant souhaiter le déclarer de manière formelle. Mais, si la « minorité » qui n’a pas déclaré soutenir le Gouvernement ne se limite pas à l’opposition stricto sensu, elle l’inclut nécessairement et accorder des droits à la « minorité » revient in fine à accorder des droits à l’opposition.

Comme l’a souligné le « comité Balladur », il y a « plus d’avantages que d’inconvénients pour le fonctionnement des institutions, sinon à jeter les bases d’un statut de l’opposition, du moins à reconnaître aux partis qui ne font pas partie de la majorité des garanties spécifiques » (244). C’est pourquoi, dans sa proposition n° 60, il a recommandé de « modifier l’article 4 de la Constitution afin d’y écrire que la loi détermine les conditions dans lesquelles sont garantis les droits des partis et groupements qui ont ou n’ont pas déclaré soutenir le Gouvernement » (245).

Une fois ancré dans la Constitution, le statut de l’opposition, définie largement comme l’ensemble des partis et des groupements qui n’ont pas déclaré soutenir le Gouvernement, pourra être enrichi au fur et à mesure des évolutions politiques.

Il est évident que cette novation trouvera son plus grand effet au niveau parlementaire. Ainsi la notion de déclaration de soutien au Gouvernement trouve sa première traduction dans les assemblées, dès lors que le Gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale. Mais il est possible de trouver d’autres applications du nouveau principe énoncé dans l’article 4, à l’occasion des campagnes électorales par exemple ou encore dans la répartition des temps de parole à la télévision.

Cela peut concerner aussi, comme le relève l’exposé des motifs du présent projet de loi constitutionnelle, à la fois les règles de financement ou les règles protocolaires. Cette piste de réflexion rejoint les positions du « comité Balladur », qui, dans sa proposition n° 59, a souhaité que l’opposition soit mieux représentée dans les manifestations officielles (246).

Ce nouvel alinéa de l’article 4 se décline, au niveau parlementaire, avec l’article 51-1 de la Constitution inséré par l’article 24 du présent projet de loi constitutionnelle qui précise que le Règlement de chaque assemblée détermine les droits respectifs des groupes parlementaires qui ont déclaré soutenir le Gouvernement et de ceux qui ne l’ont pas déclaré (247).

Ainsi, sont distingués deux types de déclaration, selon qu’il est question de partis et de groupements politiques (article 4) ou bien de groupes parlementaires (article 51-1).

L’importance croissante prise par les collectivités territoriales et la consécration constitutionnelle de l’organisation décentralisée de la République en 2003 (248) incitent également à poser la question de la place de l’opposition dans les enceintes locales, ce que devrait permettre de faire également le présent article.

L’existence de la loi de 1998 sur le statut de l’opposition complétant la Constitution du Portugal permet d’illustrer ce que le dispositif ici proposé pourrait avoir comme prolongement, sans qu’une reprise de l’intégralité des dispositions portugaises ne s’avère toutefois nécessaire.

LA LOI SUR LE STATUT DE L’OPPOSITION AU PORTUGAL

La loi portugaise proclame un droit d’opposition en vertu duquel « les minorités ont le droit de constituer et d’exercer une opposition démocratique au Gouvernement et aux organes exécutifs des régions autonomes et des collectivités locales élues, conformément à la Constitution et à la loi ».

L’opposition, exercée par les partis représentés au Parlement et qui ne font pas partie du Gouvernement ainsi que les partis et groupements représentés dans les assemblées locales mais qui ne participent pas à leurs organes exécutifs, est alors définie comme « l’activité de suivi, de contrôle et de critique des orientations politiques du Gouvernement ou des organes exécutifs des régions autonomes et des collectivités locales élues », tandis qu’il est précisé que « les partis politiques représentés à l’Assemblée de la République, aux assemblées législatives des régions autonomes ou à toutes autres assemblées élues au suffrage direct exercent également leur droit d’opposition aux exécutifs dont ils ne font pas partie, en vertu des droits, pouvoirs et prérogatives accordés à leurs députés et à leurs représentations par la Constitution, par la loi et par les règlements ».

Un droit d’information spécifique par le Gouvernement est ouvert aux membres de l’opposition. Ces informations doivent être transmises directement et dans un délai raisonnable. Le Gouvernement est tenu, par ailleurs, de consulter préalablement l’opposition pour certains de ses actes, tels que la fixation de la date des élections locales, l’orientation générale de la politique étrangère et des politiques de défense nationale et de sécurité intérieure ou encore les projets de loi de programmation et de finances. La loi peut prévoir d’autres cas. Ces droits et ces obligations sont déclinés au plan local.

Un droit de présence et de participation à tous les actes et activités officiels qui, par leur nature, le justifient est attribué à l’opposition, ainsi qu’un droit de contrôle, qui va jusqu’à la participation aux travaux préparatoires d’initiatives du Gouvernement, lorsque ces initiatives concernent soit les élections, soit la réglementation des groupements et partis politiques. La participation des partis politiques d’opposition est également prévue devant toutes les commissions constituées pour la réalisation de livres blancs, rapports, enquêtes, inspections ou autres procédures d’établissement des faits sur des questions dites « de grand intérêt national, régional ou local ».

S’ajoute à ces dispositions la possibilité pour les partis représentés au Parlement d’interroger le Gouvernement et d’obtenir de ce dernier, dans un délai raisonnable, une information complète sur les mesures prises pour sauvegarder les garanties constitutionnelles de liberté et d’indépendance des médias vis-à-vis du pouvoir politique et du

pouvoir économique, d’imposition des principes de la spécificité et de la non-concentration des entreprises propriétaires d’organes d’information générale, de non-discrimination et de divulgation des propriétaires et des moyens de financement de tels organes. Ils ont aussi le droit d’interroger le Gouvernement sur les mesures prises afin d’assurer une structure et un fonctionnement des médias du service public qui sauvegardent leur indépendance vis-à-vis du Gouvernement, de l’administration publique et des autres pouvoirs publics, ainsi que sur la garantie constitutionnelle de la possibilité d’expression et de confrontation des différents courants d’opinion. Ces droits sont également déclinés à l’échelon local.

Un rapport annuel d’évaluation de la mise en œuvre de toutes ces mesures doit être remis par le Gouvernement et les exécutifs locaux. L’opposition peut demander à ce qu’un débat soit ouvert sur ce rapport, tandis qu’il est fait obligation aux concessionnaires des services publics de radiotélévision et de radiodiffusion de remettre à l’Assemblée de la République des rapports périodiques sur la manière dont ont été mis en œuvre les droits et les garanties d’objectivité, de rigueur, d’indépendance et de pluralisme de l’information.

Dans un premier temps, le rapporteur a présenté un amendement de suppression de l’article 1er estimant que cet article était destiné à donner à l’opposition au niveau national des droits supérieurs à ceux qu’elle pouvait revendiquer compte tenu de son effectif, ce que la décision du Conseil constitutionnel du 22 juin 2006 précitée pouvait conduire à interdire. Or, dans la mesure où cette dernière difficulté pouvait être résolue par l’article 24 du présent projet de révision pour les assemblées parlementaires, la rédaction du présent article pouvait faire douter de son utilité. En faisant référence aux partis qui ne soutiennent pas le Gouvernement, notion adaptée pour l’Assemblée nationale mais non pour le Sénat, où elle pourrait avoir pour conséquence de donner des droits particuliers à la majorité sénatoriale, lorsque celle-ci ne soutient pas le Gouvernement, en plus de ceux qu’elle détient en tant que majorité au sein de cette assemblée. Dans les collectivités territoriales, la référence au soutien au Gouvernement n’a pas non plus de sens. L’article 1er n’apportant rien par rapport à l’article 24, il est préférable de se concentrer sur des améliorations à apporter à ce dernier.

M. Arnaud Montebourg a estimé que l’article 1er était un point très sensible puisqu’il ébauchait l’amorce d’un statut de l’opposition en appliquant à cette dernière une forme de discrimination positive. Cependant, si les objections du rapporteur sont en partie fondées, il faut néanmoins préciser que seul l’article 1er offre des droits particuliers à l’opposition, l’article 24 se contentant de renvoyer aux règlements des assemblées la définition des droits respectifs des groupes parlementaires. En l’état, il n’est donc pas possible d’accepter une suppression pure et simple de l’article 1er, même si cette position est susceptible d’évoluer en fonction des propositions qui pourront être formulées.

Le rapporteur, déclarant comprendre les interrogations de M. Montebourg, a précisé que son intention était bien d’établir un véritable ancrage constitutionnel du statut de l’opposition.

M. Bernard Roman a également insisté sur la nécessité d’inscrire explicitement dans la Constitution l’existence d’un statut de l’opposition, sans cesse revendiquée comme une avancée considérable apportée par ce texte par le Président de la République. L’article 1er le permet alors que l’article 24 se contente d’un simple renvoi aux règlements des assemblées.

M. Claude Goasguen a alors proposé que la discussion de l’article 1er soit réservée et renvoyée après l’article 24.

Le rapporteur a rappelé qu’il avait été rapporteur, en 2006, de la proposition de résolution de modification du Règlement de l’Assemblée nationale qui avait pour objet de donner des droits particuliers à l’opposition et qui avait entraîné la censure partielle du Conseil constitutionnel. Il s’est donc déclaré totalement convaincu de la nécessité de donner un statut à l’opposition lui accordant une place supérieure à sa seule représentation proportionnelle.

M. Manuel Valls ayant également proposé que la discussion de cet article soit liée à celle de l’article 24, le rapporteur a indiqué qu’il n’était pas hostile à une réserve de son examen.

M. Bernard Roman a reconnu que le rapporteur avait souvent montré son attachement à l’existence d’un statut de l’opposition. Pour autant, l’article 1er est une base nécessaire qui peut ensuite être déclinée, s’agissant des assemblées parlementaires, dans l’article 24. Le statut de l’opposition ne se pose en effet pas seulement au Parlement mais également dans les collectivités territoriales, où l’opposition a commencé à se voir reconnaître certains droits, notamment par la loi du 27 février 2002 sur la démocratie de proximité (249).

Le rapporteur a indiqué que les initiatives mises en œuvre pour donner des droits à l’opposition avaient pu être acceptées uniquement parce qu’elles ne donnaient pas à l’opposition des droits supérieurs à sa place proportionnelle et la rédaction actuelle de l’article 1er, qui fait référence au soutien donné ou non au Gouvernement, ne permettrait pas de donner des droits supplémentaires à l’opposition dans les assemblées locales. Ainsi, l’article 1er ne pourrait être utile que s’il était profondément réécrit, en généralisant l’existence de droits particuliers à l’opposition dans toutes les assemblées, y compris locales. Si l’ensemble des membres de la Commission souhaite aller dans ce sens, il est possible de réfléchir à des rédactions permettant d’atteindre ce but ambitieux, étant précisé que le Gouvernement s’est montré quelque peu réticent à cet égard.

La Commission a alors décidé de réserver après l’article 24 l’examen de l’article 1er et des cinq amendements portant sur cet article.

Reprenant l’examen de cet article après avoir adopté l’article 24 modifié, le rapporteur a indiqué qu’il retirait son amendement de suppression de l’article 1er, la Commission a rejeté l’amendement déposé par M. François Bayrou tendant aux mêmes fins.

Le rapporteur a présenté un amendement tendant à affirmer un principe général de reconnaissance par la loi de droits spécifiques pour la minorité politique. Le rapporteur a indiqué que la rédaction proposée présente l’avantage d’échapper à la définition restrictive et incertaine de soutien au Gouvernement et de couvrir le champ national comme le champ local, le champ de l’élection comme le champ des assemblées délibérantes. Après que M. Arnaud Montebourg eut apporté son soutien à cet amendement, ce dernier a été adopté par la Commission (amendement n° 42).

La Commission a ensuite rejeté deux amendements de M. Jean-Christophe Lagarde, le premier visant à limiter aux assemblées parlementaires le champ de l’article et à préciser les modalités de déclaration de soutien des parlementaires au Gouvernement, le second précisant que la loi détermine les conditions dans lesquelles est garantie l’égalité des droits des partis et groupements politiques dans les assemblées parlementaires et les assemblées locales.

Elle a été saisie d’un amendement de M. François Bayrou défendu par M. Arnaud Montebourg visant à compléter l’article 4 de la Constitution pour préciser que la loi garantit l’indépendance des médias qui concourent, par leur pluralisme, à la libre information des citoyens. Le rapporteur a émis un avis défavorable sur cet amendement, d’une part car l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen garantit déjà le principe du pluralisme des médias et d’autre part parce qu’il ne revient pas au constituant de déterminer le contenu d’une loi, mais au législateur, le constituant devant se limiter à préciser le champ de la matière législative, ce que fait d’ores et déjà l’article 34 de la Constitution. Suivant l’avis du rapporteur, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a adopté l’article 1er ainsi modifié.

Article 2

(art. 6 de la Constitution)


Limitation du nombre de mandats présidentiels consécutifs

« Afin de garantir une respiration démocratique dans l’exercice des fonctions suprêmes et d’inviter leur titulaire à agir plutôt qu’à chercher à se maintenir au pouvoir » (250), le présent article insère, dans l’article 6 de la Constitution, un alinéa qui dispose qu’un même Président de la République ne pourra accomplir plus de deux mandats consécutifs.

Cette disposition, d’équilibre, viendrait utilement contrebalancer les conséquences qui ont résulté du passage du septennat au quinquennat et de l’inversion du calendrier électoral, ce dernier assurant – hors hypothèse de décès, de démission ou de destitution du chef de l’État et de dissolution – que l’élection du Président précède celle de l’Assemblée nationale.

1. La durée du mandat présidentiel

La question de la durée du mandat présidentiel a ressurgi régulièrement pendant près de trente ans avant de trouver une réponse en 2000. En effet, si en 1958, la durée du mandat n’avait pas été discutée, la tradition du septennat inaugurée en 1873 restant la référence en la matière, dès les années 1960, certaines forces politiques proposèrent de raccourcir le mandat à cinq ans. En alignant la durée du mandat présidentiel sur celui de l’Assemblée nationale, les pouvoirs de celle-ci pouvaient sembler être renforcés, au moins symboliquement.

Dans cette logique, en avril 1973, le Président Georges Pompidou annonça une réforme constitutionnelle, la justifiant par un rééquilibrage rendu nécessaire par le relief particulier pris par l’institution présidentielle. L’accroissement des responsabilités implique un renforcement de la responsabilité et, en conséquence, un renouvellement plus fréquent de la légitimité populaire. Le projet fut adopté par les deux assemblées dans des termes identiques, mais le Congrès ne fut jamais convoqué, faute d’une majorité suffisante, l’article 89 de la Constitution imposant une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Les candidats successifs à l’élection présidentielle – ainsi François Mitterrand en 1981 se prononçant pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois ou pour un mandat de sept ans non renouvelable (251) ou M. Jacques Chirac en 1995 faisant observer qu’il n’était pas opposé à un mandat de cinq ans et qu’il avait soutenu la réforme en 1973 (252) – se déclarèrent souvent en faveur de la reprise d’une telle révision. Le « comité Vedel », en 1993, se prononça, en revanche, contre le quinquennat par neuf voix contre six. Plusieurs propositions de loi constitutionnelle continuèrent à alimenter le débat en suggérant des aménagements divers, tels que l’instauration d’un mandat de sept ans non renouvelable (253), la limitation à deux mandats consécutifs de cinq ans (254) ou, plus généralement, la substitution du quinquennat au septennat, sans limitation du nombre de mandats.

Cette discussion fut rouverte en 2000 à l’approche des échéances de 2002 qui voyaient se dérouler la même année les élections présidentielle et législatives, occasion de réduire les risques de nouvelle cohabitation institutionnelle, dont on mesurait alors les inconvénients. Le projet de loi constitutionnelle prévoyait l’instauration d’un quinquennat « sec », c’est-à-dire un raccourcissement de la durée du mandat sans autre modification. Il fut adopté par les deux assemblées à une très large majorité (255) puis soumis à référendum, le 24 septembre 2000 (256). La réforme sera adoptée par 73,2 % des suffrages exprimés (257).

Il convient d’aller jusqu’au bout de la réforme. Dans son discours d’Épinal du 12 juillet 2007, le Président de la République a mis en avant cette problématique en souhaitant « que soit examinée la question de la limitation du nombre de mandats présidentiels : faut-il les limiter à deux mandats successifs ou faut-il laisser les électeurs décider ? »

2. L’institution d’une limitation inédite du mandat dans le temps

Cette disposition, qui était envisagée dans la lettre de mission adressée par le Président de la République au « comité Balladur », n’avait pas été retenue par ce dernier qui avait estimé, à la majorité de ses membres, « qu’il était inutile, voire inopportun, au vu de la rédaction de l’article 6 de la Constitution issue de la révision constitutionnelle du 2 octobre 2000 qui a instauré le quinquennat, de prévoir que le Président de la République ne puisse être élu plus de deux fois », dès lors qu’une telle modification était susceptible de « porter atteinte à la souveraineté du suffrage » (258).

Déjà, en son temps, selon une analyse très similaire, la majorité des membres du « comité Vedel » avait rejeté l’interdiction du renouvellement qu’elle a regardée comme très choquante dans son principe. Elle analysait cette réforme comme d’abord une atteinte au principe démocratique lui-même dans la mesure où elle privait le peuple souverain du droit de choisir de renouveler le chef de l’État dans son mandat. Elle estimait, par ailleurs, qu’il était difficile de justifier le fait que le titulaire du mandat soit en toute hypothèse dispensé de rendre compte à la fin de l’exercice de celui-ci. Retournant aux sources de l’histoire, elle relevait, enfin, que le principe de la non-rééligibilité, adopté par la Constituante puis par la IIe République, avait, au demeurant, eu des résultats pour le moins négatifs. En revanche, sans que les fonctions soient comparables à celles attribuées au chef de l’État sous la Ve République, le Président de la République, sous la IVe République, n’était rééligible qu’une seule fois (259).

Si les comparaisons internationales doivent être prises avec beaucoup de précaution, le statut et les fonctions du chef de l’État pouvant varier à l’infini comme le montre le tableau infra, on peut noter qu’aux États-Unis, après que la limitation à deux mandats présidentiels a résulté de la coutume, la rupture de celle-ci par Franklin D. Roosevelt (260) conduisit à adopter le vingt-deuxième amendement, qui, en 1951, limita à deux le nombre de mandats, qu’ils soient successifs ou non.

LE MANDAT DU CHEF DE L’ÉTAT À L’ÉTRANGER

État

Régime

Mandat

Allemagne

Parlementaire

Mandat de cinq ans renouvelable une fois

Autriche

Parlementaire

Mandat de six ans renouvelable une fois

Croatie

Parlementaire

Mandat de cinq ans renouvelable une fois

États-Unis

Présidentiel

Deux mandats, successifs ou non, de quatre ans (si intérim, durée maximum des mandats de dix ans)

Finlande

Parlementaire

Mandat de six ans renouvelable une fois

Grèce

Parlementaire

Mandat de cinq ans renouvelable une fois

Hongrie

Parlementaire

Mandat de cinq ans sans limitation de renouvellement

Irlande

Parlementaire

Mandat de sept ans non renouvelable

Islande

Parlementaire

Mandat de quatre ans sans limitation de renouvellement

Israël

Parlementaire

Mandat de sept ans non renouvelable

Italie

Parlementaire

Mandat de sept ans sans limitation de renouvellement

Pologne

Semi-présidentiel

Mandat de cinq ans renouvelable une fois

Portugal

Semi-présidentiel

Mandat de cinq ans renouvelable une fois (il ne peut être ni réélu pour un troisième mandat consécutif, ni pendant les cinq années suivant le terme du deuxième mandat consécutif)

Suisse

Parlementaire

Mandat d’un an non renouvelable. En outre, le Président sortant ne peut pas être élu à la vice-présidence

Ces remarques ne suffisent cependant pas à rejeter l’hypothèse d’une limitation dans le temps du nombre de mandats présidentiels susceptibles d’être effectués par la même personne. En effet, dès lors que le constituant estime que les avantages qui résulteraient pour les grands équilibres du régime justifient pleinement une limitation, somme toute limitée au regard de l’expérience, de la souveraineté du suffrage. Si ces exemples historiques ne peuvent être niés, il convient, toutefois, de relever une différence de contexte qui rend toute comparaison avec l’évolution de la Ve République pour le moins audacieuse, inopérante en tout état de cause.

Mais l’impératif de renouvellement régulier est consubstantiel à nos démocraties contemporaines. Il s’impose a fortiori depuis 2002 où la réduction du mandat présidentiel à cinq ans et l’inversion du calendrier électoral ont conduit à déséquilibrer les institutions au détriment du Parlement.

Comme le reconnaît lui-même le « comité Balladur », dix ans constitue un horizon admis comme assez long dans nombre de démocraties. Ce temps est suffisamment long pour permettre de conduire un programme politique très ambitieux. En outre, il convient de ne pas négliger l’inéluctable usure du pouvoir qui peut affecter à terme la capacité d’action du pouvoir exécutif. Ainsi, en limitant à deux le nombre de mandats successifs, le constituant répondrait à la fois à un impératif d’efficacité et de rééquilibrage des institutions.

En application de la rédaction proposée, juridiquement, un même citoyen pourra effectuer deux mandats consécutifs, puis redevenir Président de la République après une interruption.

M. Jean-Claude Sandrier a présenté un amendement supprimant l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, y substituant une élection par le Parlement réuni en Congrès afin d’affirmer la prééminence du pouvoir législatif.

Le rapporteur s’étant déclaré défavorable à cet amendement, la Commission l’a rejeté.

La Commission a adopté l’article 2 sans modification.

Après l’article 2

Suivant l’avis de son rapporteur, la Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Claude Sandrier permettant l’accès au second tour de l’élection présidentielle de tous les candidats ayant recueilli plus de 10 % des suffrages exprimés.

Article 3

(art. 8 de la Constitution)


Composition du Gouvernement

Cet article, qui modifie le second alinéa de l’article 8 de la Constitution vise à limiter le nombre maximum de membres du Gouvernement pour garantir l’efficacité de ce dernier. Pour déterminer ce nombre, il est fait renvoi à la loi organique.

1. Un Gouvernement resserré, gage d’efficacité

Chaque gouvernement cherche à s’adapter à l’évolution des besoins, à se mettre en état d’exprimer et de pratiquer le mieux possible la politique à suivre, ce qui implique de fixer l’effectif gouvernemental, d’en définir la hiérarchie interne et de répartir les attributions de chaque membre.

Dans ce contexte, le nombre élevé de membres d’un gouvernement ne garantit pas nécessairement son efficacité. S’il permet, par exemple, de représenter toutes les sensibilités d’une majorité parlementaire – chaque nouveau gouvernement emportant une vague de commentaires sur la représentation des différentes composantes, les origines professionnelles ou même géographiques de chacun de ses membres –, il peut a contrario être source de chevauchements de compétences et de difficultés de coordination, d’autant plus fortes que certaines questions apparaissent comme requérant de plus en plus un traitement transversal – à l’exemple de l’environnement ou des nouvelles technologies. Comme le soulignait déjà, en 1994, le « Rapport Picq », « l’augmentation du nombre des dossiers qui concernent plusieurs ministères tient pour une part à la complexité des problèmes. Elle résulte surtout de la complication de l’État lui-même. Le nombre des ministres (et des directions) détermine directement le nombre des arbitrages. » (261) C’était déjà le sens de l’étude du Conseil d’État de 1985 consacrée aux structures gouvernementales et à l’organisation administrative.

Des efforts constants ont été réalisés ces dernières années pour réduire le nombre de ministres en se rapprochant de la moyenne des effectifs gouvernementaux qui se situent aux alentours de trente-sept membres depuis 1958.

En effet, après la nomination de gouvernements relativement restreints dans les débuts de la Ve République – avec environ une trentaine de membres (262) –, à partir des années 1970, on a pu assister au gonflement sensible du nombre de membres du Gouvernement, un nombre de quarante étant fréquent – le gouvernement nommé en mai 1988 ayant atteint un maximum de quarante-neuf membres, dont vingt-deux ministres. Un premier resserrement sensible a été opéré avec le gouvernement conduit à partir du 29 mars 1993 par M. Édouard Balladur, qui comptait trente membres.

Mais les variations restent sensibles. Si le gouvernement de M. François Fillon, nommé le 19 juin 2007, complété le 22 octobre 2007 et le 18 mars 2008, composé de quinze ministres et de vingt-deux secrétaires d’État, soit un total de trente-huit membres, se situe dans la moyenne des gouvernements de la Ve République, le nombre de ministres au sens strict a été limité. À titre de comparaison, le gouvernement de M. Dominique de Villepin comptait seize ministres et quinze ministres délégués, soit trente-deux membres, Premier ministre inclus, tandis que le dernier gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin comportait dix-sept ministres, treize ministres délégués et treize secrétaires d’État, soit quarante-quatre membres au total.

Notre histoire constitutionnelle reste muette sur la taille des gouvernements et les attributions ministérielles, à l’exception de quelques fonctions qui, à l’instar de la justice ou des affaires étrangères, sont mentionnées expressément dans les textes constitutionnels. Seule, la Constitution de 1848, dans son article 66, disposait que le nombre des ministres et leurs attributions étaient fixés par le pouvoir législatif. Auparavant, dans son article 150, la Constitution de l’An III (1795) prévoyait que le Corps législatif déterminait les attributions et le nombre des ministres et le fixait entre six et huit.

Les comparaisons internationales fournissent des données très hétérogènes. Le cabinet de M. Gordon Brown, Premier ministre du Royaume-Uni, tel que composé le 25 janvier 2008, compte vingt-trois membres. Mais, il conviendrait d’y ajouter soixante-treize autres ministers et vingt-cinq whips, tous membres du Gouvernement. En Italie, le deuxième gouvernement dirigé par M. Romano Prodi comptait vingt-neuf ministres, neuf vice-ministres et plus d’une soixantaine de sous-secrétaires d’État. Le gouvernement de M. Silvio Berlusconi, investi le 8 mai 2008, comporte pour sa part vingt et un ministres et trente-cinq sous-secrétaires d’État.

Selon un autre modèle, en Allemagne, le gouvernement fédéral de Mme Angela Merkel compte seize membres, Chancelière comprise. Le gouvernement espagnol de M. José Luis Zapatero compte dix-sept ministres, président du Gouvernement exclu.

Dans la majorité des cas, le nombre de ministres relève d’une décision d’espèce. Toutefois, dans d’autres, un texte fixe ou prévoit que soit fixé un maximum.

Ainsi, la Constitution du Royaume de Belgique, dans son article 99, dispose que « le Conseil des ministres compte quinze membres au plus ». Mais, si cette limite peut se justifier par la nécessité de disposer d’un gouvernement efficace, elle peut également s’expliquer par la nécessité de concilier un nombre raisonnable de ministres avec l’autre contrainte fixée par l’article 99, selon laquelle « le Premier ministre éventuellement excepté, le Conseil des ministres compte autant de ministres d’expression française que d’expression néerlandaise ». En revanche, le nombre des secrétaires d’État, également membres du Gouvernement, mais ne siégeant pas au Conseil des ministres, n’est pas précisé. Ainsi, le gouvernement de M. Yves Leterme, nommé en mars dernier, comprend un Premier ministre et quatorze ministres, mais également sept secrétaires d’État. Postulant le principe d’efficacité, l’article 60 de la Constitution de la Finlande dispose, sans le déterminer a priori, que le nombre de ministres doit être strictement nécessaire. Le cabinet finlandais compte aujourd’hui vingt ministres.

En Autriche, la Constitution, dans son article 77, renvoie à la loi ordinaire le soin de fixer le nombre de ministères fédéraux et prévoit, d’une part, que chaque ministère fédéral est dirigé par un ministre fédéral et, d’autre part, que des ministres fédéraux sans portefeuille peuvent être nommés. Selon un mécanisme similaire, la Constitution italienne, dans son article 95, confie au législateur le soin de fixer le nombre, les attributions et l’organisation des ministères. L’article 68 de la Constitution de la Finlande précise que « chaque ministère est dirigé par un ministre » et que « le nombre maximum de ministères et les principes généraux relatifs à leur constitution sont fixés dans une loi ».

La richesse et la diversité des exemples étrangers montrent le caractère spécifique de chaque structure gouvernementale. Il est d’autant plus difficile d’établir une comparaison avec le cas français, que notre situation est marquée par une particularité, celle de l’incompatibilité posée par l’article 23 de la Constitution entre les fonctions ministérielles et l’exercice d’un mandat parlementaire.

L’idée de limiter le nombre de ministres est ancienne. Le projet de loi de révision des lois constitutionnelles de 1875, déposé par Gaston Doumergue, président du Conseil, le 4 novembre 1934 (263), prévoyait déjà de limiter le nombre des ministres à vingt. Plus récemment, des sénateurs proposèrent de limiter le nombre de membres du Gouvernement à trente (264).

Si le « comité Balladur » a jugé que la limitation du nombre maximal de ministres par la loi organique présentait plus d’avantages que d’inconvénients sans plus de précision (265), il reste que le recours à la contrainte juridique permettrait de faciliter l’avènement d’une certaine stabilité de la structure gouvernementale et constituer ainsi un socle plus solide et pérenne pour une réforme des structures ministérielles. La continuité de la composition gouvernementale consoliderait une structure administrative qui doit s’adapter aux changements continuels de l’organisation de l’exécutif. En effet, il existe un contraste marqué entre la rapidité avec laquelle peuvent être effectuées les recompositions gouvernementales et les délais nécessaires à l’adaptation rationnelle des modifications correspondantes dans les administrations. Michel Debré lui-même, lors des travaux préparatoires des institutions de la Ve République, avait émis le souhait que la Constitution, ou tout au moins une loi organique, détermine le nombre de ministères pour que ce nombre ne soit pas modifié à chaque changement de gouvernement.

Réduire le nombre de ministres et stabiliser la structure gouvernementale constituaient aussi deux des objectifs définis par le « Rapport Picq » pour donner au Gouvernement les moyens de diriger l’État : « réduire le nombre des ministres permettrait de recentrer le Gouvernement sur les missions essentielles de l’État, de réduire l’influence des groupes de pression, de faciliter le travail en équipe. La modernisation de l’administration en serait plus aisée : les regroupements de services aux métiers voisins et les redéploiements de moyens (effectifs ou dotations budgétaires) se feraient à l’intérieur d’ensembles plus vastes. Enfin, la réduction des dépenses publiques serait facilitée, beaucoup de doubles emplois ayant pour origine le souci des administrations de défendre leur " fonds de commerce ". » (266)

2. Le dispositif proposé

Pour parvenir à ce résultat et marquer ainsi la volonté du constituant de peser sur les mouvements erratiques de la composition du Gouvernement, il est proposé, dans le présent article, de renvoyer au législateur organique le soin de déterminer le nombre maximum de ses membres, ministres, ministres délégués et secrétaires d’État compris.

Plusieurs solutions étaient alors envisageables. Selon une option rigide, littérale, serait fixé un chiffre global qui concerne tous les membres du Gouvernement, y compris les secrétaires d’État, dont on sait qu’ils n’assistent au Conseil des ministres que dans la mesure où les dossiers dont ils ont la charge y sont abordés. Seraient bien sûr également inclus a fortiori les ministres délégués.

Selon une option plus souple, qui rapprocherait le dispositif français d’un modèle répandu défini par un nombre restreint de ministres assistés de « vice-ministres » ou de « sous-secrétaires d’État » comme en Italie ou au Royaume-Uni, la loi organique se contenterait de déterminer le nombre des ministres de plein exercice – quinze par exemple –, laissant au Premier ministre le soin d’y adjoindre, sans limitation, des secrétaires d’État, permettant de tenir compte de la taille des secteurs ou de prendre en charge un dossier qui requiert un investissement particulier. Cette solution permet de « sélectionner » de futurs ministres et de faire prendre en charge par un responsable politique une partie des administrations au sein d’un ministère. Elle commande également l’institution de cabinets largement communs et facilite ainsi la coordination des services.

Mais ni la formule des secrétaires d’État autonomes, qui sont dans les faits des ministres auxquels l’accès permanent au Conseil des ministres est refusé, ni celle des ministres délégués auprès, non du Premier ministre, mais de l’un des ministres, qui entretient l’ambiguïté entre délégation et attributions, ne devrait être retenue. La première s’avère sans doute contraire à l’esprit de la Constitution, dès lors qu’elle est susceptible de placer un secteur de l’administration sans représentation au Conseil des ministres, que ce soit de manière directe ou par l’intermédiaire d’un secrétaire d’État dépendant d’un des ministres de plein exercice.

Si la fixation d’un nombre maximum de membres peut être déterminée a priori par le législateur organique soucieux de restreindre le collège gouvernemental pour une plus grande lisibilité et efficacité, la question de la structure administrative du Gouvernement doit continuer de relever de son pouvoir de décision. Les expériences étrangères montrent, en effet, que, sans limite maximale du nombre de membres du Gouvernement fixée a priori, le recours à la loi pour fixer les attributions de chacun et l’organisation des ministères se traduit par une perte d’efficacité au début de chaque période de gouvernement, voire perturbe inutilement le cours de la vie institutionnelle. L’article 34 de la Constitution n’inclut d’ailleurs pas l’organisation gouvernementale au rang des matières qui constituent le domaine de la loi. Le « comité Balladur » a ainsi jugé « ni utile ni opportun de prévoir qu’une loi organique fixerait la structure du Gouvernement, le Président de la République et le Premier ministre devant conserver la possibilité d’adapter celle-ci aux nécessités du moment et les impératifs mêmes de la " réforme de l’État " exigeant parfois de la souplesse dans la définition du périmètre de chaque département ministériel » (267).

La voie ici choisie – la Constitution fixe le principe d’une limitation de la structure gouvernementale, la loi organique en précise l’ampleur maximale, le Gouvernement décide lui-même de son organisation dans cette limite – correspondrait mieux à l’équilibre institutionnel déterminé par la Constitution de la Ve République. Ainsi pourrait être instituée une juste mesure entre la nécessaire limitation des aléas liés aux variations de l’amplitude du nombre de ministres et l’indispensable souplesse que requiert une action gouvernementale adaptée aux évolutions constantes des questions à traiter.

Elle éviterait à la fois toute tentation de gonflement des effectifs, source d’incompréhension, voire de suspicion sur les motivations de certaines nominations ministérielles et la saisine systématique du législateur pour déterminer l’organisation administrative de l’exécutif. Elle formerait un premier rempart contre les superpositions ministérielles ou le risque d’instituer des ministères sans moyens suffisants et bien déterminés et accompagnerait le mouvement de réforme des structures engagé ces dernières années dans le sillage de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (268) et de la révision générale des politiques publiques lancée en juillet 2007.

M. Bernard Derosier a présenté un amendement de suppression de l’article. Il a jugé anormal de fixer dans la Constitution des modalités relatives au nombre de membres du Gouvernement. Il a précisé qu’il appartenait au Président de la République de composer le Gouvernement en fonction des priorités d’action qu’il entend mener et qu’en outre, la fixation définitive du nombre des ministres n’existe que dans des régimes de type présidentiel.

M. Arnaud Montebourg a également estimé que la structuration gouvernementale devait relever de l’appréciation de l’exécutif et que la constitutionnaliser ne pourrait que poser des problèmes pour l’avenir. L’important n’est pas le nombre des ministres mais que ceux-ci rendent effectivement compte de leur action devant le Parlement.

M. Jean-Christophe Lagarde a indiqué qu’il voterait en faveur de l’amendement car il serait imprudent de ne pas laisser au Président de la République toute latitude dans la formation du Gouvernement. Si le nombre retenu est faible, cette contrainte ne manquera pas de poser des problèmes. À l’inverse, retenir un nombre trop élevé n’aurait aucun sens. Enfin, il faut se souvenir des problèmes liés à la limitation constitutionnelle du nombre des commissions permanentes.

M. Guénhaël Huet a considéré que la limitation du nombre des membres du Gouvernement serait un signe apprécié par nos concitoyens au moment où il leur est demandé de faire des efforts de rigueur et où il est envisagé de ne remplacer qu’un fonctionnaire sur deux partant en retraite.

Le rapporteur a rappelé que le projet de révision se contente de renvoyer la question du nombre de ministres à une loi organique. Considérant qu’il ne faut pas multiplier les renvois à des lois organiques, il a indiqué qu’il proposerait un amendement fixant dans la Constitution le nombre maximum de ministres, à quinze et de membres du Gouvernement, à quarante. Ce dernier nombre est cohérent avec l’effectif moyen des gouvernements sous la Ve République – trente-sept – qui constitue également le nombre de membres de l’actuel gouvernement. Fixer un plafond dans la Constitution est important car l’opinion n’accepte plus des gouvernements pléthoriques. D’ailleurs, s’agissant des commissions permanentes, il est clair que la limitation constitutionnelle de leur nombre a eu un impact vertueux, en l’absence de laquelle on aurait probablement assisté à une multiplication de celles-ci. L’existence d’un plafond prédéterminé n’est pas une entrave à l’action d’un exécutif, comme le montre la fixation par la loi du nombre des adjoints au maire, fixé à un tiers des membres du conseil municipal.

M. Claude Goasguen a considéré que l’article 3, dans sa rédaction actuelle, est sans intérêt. Quant à la proposition du rapporteur, si la limitation à quinze du nombre des ministres peut être acceptée, le nombre de quarante retenu pour les membres du Gouvernement, peut être regardé comme excessif.

M. Jean-Jacques Urvoas a estimé que la volonté d’autodiscipline du Gouvernement était louable, notamment face à la multiplication de secrétariats d’État aux intitulés parfois étonnants. Pour autant, cette disposition est d’ordre cosmétique.

M. Jean-Christophe Lagarde a indiqué que l’amendement proposé par le rapporteur lui semblait encore plus nocif que le texte du projet de loi constitutionnelle puisque les plafonds, fixés au sein même de la Constitution, seraient encore plus difficiles à modifier. On ne peut accepter qu’un Président de la République élu au suffrage universel direct ne se voie pas reconnaître le droit d’organiser son Gouvernement comme il l’entend.

M. Sébastien Huyghe a également estimé que les modalités de composition du Gouvernement relevaient de la responsabilité du Président de la République et non de la Constitution. Il faut éviter de créer un précédent au risque de devoir introduire d’autres limitations dans le pouvoir de désignation des membres du Gouvernement, relatives à une obligation de parité en son sein par exemple.

M. Bertrand Pancher a indiqué qu’il avait déposé un amendement allant dans le sens de celui du rapporteur, comme cela existe dans de nombreuses démocraties. L’opinion publique est en effet très critique à l’égard de l’existence de gouvernements pléthoriques.

M. Daniel Vaillant s’est prononcé en faveur de la suppression de cet article qui est le signe d’une présidentialisation du régime. L’amendement du rapporteur illustre la difficulté posée l’existence d’un plafond : afin d’en limiter les inconvénients, il est fixé à un niveau élevé, quarante, mais la disposition perd alors de son intérêt.

M. Bruno Le Roux a relevé que les citoyens critiquaient souvent l’absentéisme parlementaire ou la multiplication des structures de décision, notamment dans le domaine de l’intercommunalité, mais rarement le format du Gouvernement. Par ailleurs, le nombre de quinze ministres envisagé reprend celui de l’actuel Gouvernement, dont la composition repose sur la mise en place de nouveaux départements ministériels. Avant de pérenniser une telle organisation qui ne date que d’une année, il sera nécessaire de procéder à son évaluation.

Le rapporteur a admis que cette question pouvait sembler étrangère au domaine constitutionnel mais que l’inscription dans la Constitution était souvent la seule manière d’arriver à un résultat. L’exemple des études d’impact le montre bien : leur création, sans base constitutionnelle, a en effet été un échec. Certes, la limitation du format du Gouvernement encadre la marge de manœuvre de l’exécutif, mais n’est-ce pas l’un des objectifs principaux du projet de révision constitutionnelle ?

La Commission a alors adopté l’amendement de suppression de l’article (amendement n° 43).

En conséquence, sont devenus sans objet un amendement de M. Noël Mamère et un amendement de M. Patrick Braouezec soumettant la nomination du Premier ministre à l’approbation de l’Assemblée nationale, ainsi qu’un amendement du rapporteur limitant le nombre de ministres à quinze et le nombre de membres du Gouvernement à quarante et un amendement de M. Bertrand Pancher limitant le nombre de ministres à quinze et le nombre de ministres délégués ou secrétaires d’État à dix.

L’article 3 est ainsi supprimé.

Après l’article 3

La Commission a été saisie de deux amendements de M. Bertrand Pancher et de quatre amendements de M. Jean-Christophe Lagarde, M. Noël Mamère, M. Jean-Claude Sandrier et M. Arnaud Montebourg tendant à créer une procédure de référendum d’initiative populaire.

M. Bertrand Pancher a expliqué que cette proposition, inspirée des préconisations du « comité Balladur », tendait à accroître la démocratie directe et à responsabiliser les citoyens.

M. Jean-Christophe Lagarde a souhaité que le rééquilibrage des pouvoirs opéré par la révision constitutionnelle n’omette pas les citoyens, en rappelant que la création de ce nouveau droit avait été recommandée par le « comité Balladur ». Il a indiqué que cette possibilité est encadrée par l’exigence de signature d’une pétition par un cinquième des membres du Parlement et par 10 % des électeurs inscrits, soit environ 4,5 millions de personnes, et a ajouté qu’elle permettrait de régler le problème posé par la suppression de l’obligation de référendum en cas d’adhésion de nouveaux États à l’Union européenne.

Après avoir rappelé que le « comité Balladur » avait formulé cette proposition, M. Jean-Claude Sandrier a estimé que cette procédure permettrait de conférer plus de pouvoirs à la fois au Parlement et aux citoyens.

Le rapporteur s’est déclaré réservé, en soulignant que la procédure prévue aboutirait le plus souvent à un débat au Parlement, plutôt qu’à un référendum. Il a exprimé la crainte que les campagnes de signature de pétitions génèrent une frustration des citoyens dont les attentes ne pourraient être satisfaites compte tenu des conditions strictes prévues pour organiser un référendum.

Intervenant conformément aux dispositions de l’article 38, alinéa 1er, du Règlement de l’Assemblée nationale, M. Benoist Apparu a estimé qu’une telle procédure risquait d’être utilisée à des fins politiciennes sur tous les sujets médiatisés, tels que l’instauration de franchises médicales, et que tout désaccord entre la majorité et l’opposition sera suivi d’une campagne tendant à une nouvelle saisine du Parlement ou à l’organisation d’un référendum.

Après avoir rappelé qu’un système comparable existe dans la plupart des pays européens, M. Arnaud Montebourg a considéré que la procédure ne peut aboutir qu’en cas de mobilisation massive des citoyens, compte tenu du nombre requis de signataires. Tout en se déclarant ouvert à une redéfinition des conditions encadrant le recours à cette procédure, il a souhaité l’instauration d’un droit de pétition tendant à l’inscription d’un sujet à l’ordre du jour parlementaire afin de réconcilier les Français avec le système représentatif, sans défiance envers le rôle du peuple.

Après avoir rappelé que le droit de pétition n’a existé en France que sous la Constitution de 1793, M. Claude Goasguen a jugé que cette procédure était surtout adaptée aux petits pays, conformément aux préceptes de Jean-Jacques Rousseau, et aux questions locales ou de proximité. Il a considéré que les parlementaires seraient tentés de déposer un très grand nombre de pétitions afin de bénéficier d’une attention médiatique et que ces abus risqueraient de paralyser la procédure.

M. Jean-Claude Sandrier a estimé que cette procédure accorde aux citoyens une possibilité de recours lorsqu’une majorité ne respecte pas les engagements qu’elle a pris et qu’il était souhaitable d’innover en ayant recours au verdict populaire dès lors que le dispositif est suffisamment encadré.

Après avoir indiqué qu’un référendum organisé au niveau d’une collectivité territoriale ne porte pas nécessairement sur une question de proximité, notamment dans une région, M. Jean-Christophe Lagarde a jugé que le système actuel, dans lequel les citoyens ne sont plus consultés pendant les cinq ans qui suivent les élections législatives, crée plus de risques de frustration des citoyens que la procédure proposée et conduit ceux-ci à s’exprimer en marge des institutions. Il a considéré que le risque d’abus était faible, aucun parti ne disposant des effectifs nécessaires pour assurer à lui seul le succès d’une pétition. Il a souhaité que les citoyens se voient accorder la possibilité de s’opposer à un texte voté par le Parlement, tout en proposant de mieux encadrer la possibilité de dépôt d’une pétition, par exemple en fixant une limite de deux pétitions par session.

M. Bertrand Pancher a déclaré que le modèle actuel de démocratie représentative, hérité de Benjamin Constant, est remis en cause depuis plusieurs années par l’accroissement de l’information fournie aux citoyens, par les interrogations croissantes sur les questions de santé et d’environnement et par l’élévation générale du niveau de culture des citoyens, ce qui impose de redéfinir la manière de gouverner. Il a souhaité que, sans pour autant s’orienter vers un régime de démocratie directe, les citoyens puissent être associés aux débats nationaux par un mécanisme institutionnel encadré.

Le rapporteur a réitéré ses réserves, en expliquant que la procédure proposée pourrait concerner un grand nombre de textes législatifs et que son intitulé est trompeur puisqu’elle aboutirait le plus souvent à un débat au Parlement plutôt qu’à un référendum. La Commission a alors rejeté les amendements de M. Bertrand Pancher, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Noël Mamère, M. Jean-Claude Sandrier et M. Arnaud Montebourg, ainsi qu’un amendement de coordination de M. Noël Mamère. Puis elle a rejeté un amendement de M. Noël Mamère et un amendement de M. Jean-Claude Sandrier ayant tout deux pour objet de prévoir que tout projet de loi comportant des dispositions analogues à celles d’un projet de loi rejeté par voie de référendum doit être soumis à référendum.

Puis la Commission a rejeté un amendement de M. Noël Mamère tendant à supprimer le droit de dissolution de l’Assemblée nationale par le Président de la République.

Article 4

(art. 13 de la Constitution)


Consultation d’une commission composée de parlementaires
sur les nominations

Le système actuel de nomination aux emplois par le Président de la République, à la fois complexe et opaque, est à l’origine des propositions de réforme souhaitées par le Président de la République et précisées par le « comité Balladur ». Le présent article prévoit d’instaurer une procédure de consultation d’une commission de parlementaires préalablement à la nomination à certains emplois par le Président de la République. Cette procédure introduira ainsi une dimension démocratique dans le processus de nomination.

1. Les nominations aux emplois par le Président de la République

a) L’état du droit

L’article 13 de la Constitution reconnaît au Président de la République une compétence générale pour nommer « aux emplois civils et militaires de l’État ». Il énumère d’autre part, au troisième alinéa, un certain nombre d’emplois pour lesquels la nomination intervient en Conseil des ministres : conseillers d’État, grand chancelier de la Légion d’honneur, ambassadeurs et envoyés extraordinaires, conseillers maîtres à la Cour des comptes, préfets, représentants de l’État dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, officiers généraux, recteurs d’académie, directeurs des administrations centrales. Il renvoie enfin à une loi organique la détermination des autres emplois auxquels il est pourvu en Conseil des ministres. La Constitution prévoit dans le même temps, en son article 21, que le Premier ministre nomme aux emplois civils et militaires sous réserve des dispositions de l’article 13.

L’ordonnance du 28 novembre 1958 (269) portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l’État, intervenant sur la base de l’article 13 de la Constitution, énumère ainsi un certain nombre d’emplois pour lesquels la nomination intervient par décret du Président de la République en Conseil des ministres. Il s’agit des emplois de Procureur général près la Cour de cassation, de Procureur général près la Cour des comptes, de procureur général près une cour d’appel, des emplois de direction dans les établissements publics, les entreprises publiques et les sociétés nationales quand leur importance justifie l’inscription sur une liste dressée par décret en Conseil des ministres (270), et des emplois pour lesquels une disposition législative ou réglementaire particulière le prévoit.

Cette ordonnance prévoit par ailleurs qu’un certain nombre d’emplois sont pourvus par décret simple du Président de la République : membres du Conseil d’État et de la Cour des comptes, magistrats de l’ordre judiciaire, professeurs de l’enseignement supérieur, officiers des armées de terre, de mer et de l’air, et enfin, à leur entrée dans leurs corps respectifs, membres des corps dont le recrutement est normalement assuré par l’École nationale d’administration (ENA), membres du corps préfectoral, ingénieurs des corps techniques dont le recrutement est en partie assuré par le tableau de classement de sortie de l’École polytechnique. Ces décrets du Président de la République, s’ils ne sont pas examinés en Conseil des ministres, sont toutefois contresignés par le ou les ministres compétents.

L’ordonnance du 28 novembre 1958 prévoit d’autre part que le Président de la République peut déléguer par décret l’exercice de son pouvoir de nomination pour les emplois autres que ceux énumérés par l’article 13 de la Constitution ou par ladite ordonnance.

Par conséquent, les emplois non explicitement mentionnés par la Constitution mais qui entrent dans le champ de la nomination par le Président de la République sont tantôt visés par une disposition organique, tantôt visés par des dispositions réglementaires.

La répartition, quelque peu byzantine, du pouvoir de nomination entre le Premier ministre et le Président de la République est le résultat de la volonté du constituant de 1958, qui souhaitait dans le même temps augmenter la liste des hauts emplois auxquels nomme le Président de la République sans pour autant procéder à des énumérations fastidieuses dans la Constitution (271).

Cette répartition a présenté un avantage non négligeable pour les Présidents de la République, qui ont pu allonger progressivement la liste des emplois auxquels ils nomment. Les reproches qui peuvent dès lors être faits sont ceux de l’emprise du pouvoir politique sur les nominations dans la haute administration, sans qu’aucune forme de contrôle ou de transparence permette de garantir un niveau de compétence des personnes ainsi nommées.

b) Les propositions de réforme

Le « comité Vedel » avait déjà relevé que la compétence générale reconnue en matière de nomination au Président de la République avait « le double défaut d’être largement nominale et de s’exercer en outre dans une certaine confusion ». Il proposait, par conséquent, « de réserver à la loi organique la définition des emplois autres que ceux figurant dans la Constitution et auxquels il est pourvu en Conseil des ministres, et à la loi ordinaire la définition des emplois auxquels nomme le Président de la République sans cette formalité » (272).

La volonté de soumettre certaines nominations effectuées par le Président de la République à l’avis préalable des parlementaires a été affirmée par M. Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle précédant son élection. Dans son discours prononcé à Épinal le 12 juillet 2007, le Président de la République a souhaité « que le pouvoir de nomination du Président de la République soit encadré, pour que, pour les postes à haute responsabilité, la décision soit partagée avec le Parlement ».

Le « comité Balladur » a proposé d’encadrer le pouvoir de nomination du Président de la République de deux manières :

—  en précisant, dans le sens déjà souhaité par le « comité Vedel », par un texte de nature législative les emplois qui sont pourvus par une nomination délibérée en Conseil des ministres, afin d’éviter que la liste puisse en être modifiée par le simple jeu de la fixation de l’ordre du jour de ce Conseil (273) ;

—  en encadrant certaines nominations par une procédure d’audition parlementaire, sans que le Président de la République perde pour autant son entier pouvoir de nomination (274).

Les auditions parlementaires présenteraient plusieurs avantages, par rapport au système actuel de nomination :

—  les nominations interviendraient à l’issue d’un processus plus transparent ;

––  les personnes pressenties devraient exposer leur conception de leur rôle futur, la manière dont elles envisagent de remplir leurs fonctions ;

—  le Parlement exercerait une certaine forme de contrôle.

Le « comité Balladur » a considéré qu’il serait souhaitable de soumettre à cette procédure des emplois qui revêtent une importance particulière au regard de la protection des libertés, de la régulation des activités économiques ou du fonctionnement des services publics.

En ce qui concerne la procédure elle-même, le « comité Balladur » a proposé la constitution d’une commission mixte ad hoc, dont les auditions seraient publiques et qui rendrait un avis public à la majorité simple.

2. La procédure de consultation

Le nouvel alinéa qu’il est proposé d’insérer dans l’article 13 de la Constitution, largement inspiré des propositions du « comité Balladur », prévoit qu’une commission constituée de membres des deux assemblées du Parlement donnera un avis préalable à la nomination par le Président de la République à certains emplois, dont la liste sera fixée par une loi organique. La loi organique devra également prévoir la composition de la commission et les modalités selon lesquelles elle rendra son avis.

Cette disposition pose des questions ayant trait aux emplois qui seront soumis à cette nouvelle procédure, à la nature, à la composition et aux modalités de fonctionnement de la commission chargée de donner son avis sur certaines nominations, et enfin au caractère et aux conséquences des avis rendus par cette commission.

a) Les emplois soumis à la procédure de nomination après avis

Le nouvel alinéa précise que les emplois concernés devront se distinguer par « leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ». En outre, les emplois visés au troisième alinéa de l’article 13 de la Constitution ne pourront faire l’objet de cette procédure de consultation. Cette exclusion, qui était proposée par le « comité Balladur » (275), est pleinement justifiée par le fait que le constituant a souhaité maintenir ces emplois (conseillers d’État, ambassadeurs, préfets, officiers généraux, directeurs d’administration centrale, recteurs d’académie, conseillers maîtres à la Cour des comptes), dont le caractère est souvent éminemment politique, à la discrétion du pouvoir exécutif.

En revanche, il n’est pas prévu de mentionner dans le dernier alinéa de l’article 13 une exclusion du même ordre pour les magistrats de l’ordre judiciaire. Il serait même possible de considérer que les nominations de magistrats revêtent une importance particulière pour la garantie des droits et libertés et appellent le recours à cette nouvelle procédure. Le rapporteur s’interroge sur l’intérêt qu’il pourrait y avoir à prévoir explicitement dans la Constitution l’interdiction de la consultation de la commission avant de procéder aux nominations dans l’ordre judiciaire. L’argument selon lequel le principe constitutionnel de l’indépendance de la magistrature s’opposerait à ce que la commission soit consultée ne semble pas suffisant, dès lors que la consultation de la commission est sans effet contraignant sur la nomination.

À défaut de pouvoir déjà disposer du projet de loi organique, il est possible de dessiner une ébauche des emplois qui feront sans doute l’objet d’une procédure de consultation, grâce aux propositions du « comité Balladur ». Ce comité a en effet suggéré que soient compris dans la liste fixée par la loi organique :

—  les membres des AAI jouant un rôle en matière de pluralisme, de libertés publiques ou de régulation des activités économiques (276) ;

—  les présidents de grandes entreprises et établissements qui « par l’importance des services publics dont ils assurent la gestion, exercent une influence déterminante sur les équilibres économiques, sociaux, d’aménagement du territoire et de développement durable de notre pays » (277).

Il conviendra sans doute dans certains cas d’envisager la consultation pour la nomination du seul président de l’AAI, et dans d’autres cas pour celle de l’ensemble des membres de l’AAI nommés par le Président de la République (278). La consultation pour la nomination de l’ensemble des membres nommés par le Président de la République sera notamment justifiée lorsque le président de l’AAI est élu par le collège des membres, comme pour la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Par ailleurs, d’autres articles du présent projet de loi prévoient de mentionner dans la Constitution le recours à l’avis de la commission pour :

— la nomination des neuf membres du Conseil constitutionnel par le Président de la République, par le Président de l’Assemblée nationale et par le Président du Sénat (article 56 de la Constitution tel que modifié par l’article 25 du présent projet) ;

— la nomination des six personnalités qualifiées au CSM par le Président de la République, par le Président de l’Assemblée nationale et par le Président du Sénat (article 65 de la Constitution tel que modifié par l’article 28 du présent projet) ;

— la nomination du Défenseur des droits des citoyens par le Président de la République (article 71-1 nouveau de la Constitution créé par l’article 31 du présent projet).

Par conséquent, la commission chargée de donner son avis sur certaines nominations ne se bornera pas à donner son avis sur des nominations effectuées par le Président de la République mais exprimera également son avis sur des nominations effectuées par les présidents des assemblées parlementaires.

b) Nature, composition et modalités de fonctionnement de la commission

La commission qui est créée, composée de parlementaires des deux assemblées, n’est pas pour autant qualifiée de « commission parlementaire ». En ce sens, il ne s’agirait pas nécessairement d’un organe interne au Parlement. La rédaction de l’article 13 n’implique pas que les députés et sénateurs composant cette commission soient obligatoirement désignés par leurs assemblées respectives, ni que cette commission puisse disposer des services des assemblées.

Ce choix peut sembler quelque peu insatisfaisant. En effet, la nature parlementaire de la commission renforcerait son caractère indépendant de l’exécutif et garantirait la sérénité de ses travaux. Elle simplifierait la mise en place de la commission et la mise à disposition de celle-ci de moyens ainsi que de locaux. Elle permettrait également de s’assurer que les députés et les sénateurs seraient désignés par leurs assemblées respectives. Le rapport du « comité Balladur » proposait d’ailleurs la création d’une commission parlementaire. Le rapporteur vous propose par conséquent de consacrer dans la Constitution la nature parlementaire de la commission chargée de donner son avis sur certaines nominations.

Le renvoi à une loi organique du soin de préciser la composition de la commission mixte et les modalités selon lesquelles les avis seront rendus laisse ouvertes plusieurs possibilités, de nature sensiblement différente, tant sur la composition que sur les modalités de fonctionnement de la commission.

Sa composition est une question importante, dans la mesure où il convient d’assurer une représentation équilibrée à la fois des deux chambres et des différents groupes politiques de chaque chambre.

À l’inverse des commissions chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion après une ou deux lectures, qui sont explicitement désignées par le constituant du terme de « commission mixte paritaire » (CMP) dans l’article 45 de la Constitution, la commission chargée de donner son avis sur les nominations à certains emplois n’est pas qualifiée de paritaire par le présent projet de loi. Le législateur organique ne sera donc a priori pas tenu d’établir une parité stricte entre les membres de la commission désignés par l’Assemblée nationale et ceux désignés par le Sénat. Il lui sera loisible de prévoir une représentation différente de chacune des deux assemblées. Toutefois, la loi organique pourra être considérée comme une loi relative à l’organisation du Sénat, qui devra donc être adoptée en des termes conformes par les deux assemblées, et cet aspect ne devrait pas être sans influence sur l’équilibre qui pourrait être instauré au sein de la commission.

Le législateur organique devra préciser la représentation respective des différents groupes politiques des assemblées au sein de cette commission. Il serait possible de prévoir une représentation proportionnelle des différents groupes politiques, comme le propose le rapport du « comité Balladur » (279). Une autre solution pourrait toutefois consister à assurer une représentation équivalente des groupes appartenant à la majorité et des groupes appartenant à l’opposition.

Outre la question des équilibres politiques, se pose également celle du nombre de parlementaires devant composer la commission. En raison du caractère très diversifié des nominations au sujet desquelles la commission sera conduite à se prononcer, il serait préférable que les candidats soient auditionnés par des parlementaires suivant plus particulièrement le domaine d’activité concerné.

Afin de permettre à des parlementaires plus particulièrement compétents dans chacun des principaux domaines concernés (justice et libertés publiques, vie économique et financière, vie sociale) d’être présents au sein de la commission des nominations, trois solutions semblent pouvoir s’offrir :

— prévoir une commission composée d’une soixantaine de membres, de telle sorte que des parlementaires experts dans tous les domaines où doivent être rendus des avis sur des nominations puissent être membres de la commission ;

— prévoir une commission à effectif restreint, mais pouvant siéger dans différentes formations, composées différemment, selon les nominations pour lesquelles son avis serait sollicité (280;

—  prévoir une réunion des commissions permanentes compétentes des deux assemblées.

Seules la première et la troisième solutions offriraient l’avantage de permettre plus aisément à l’ensemble des groupes politiques de chacune des deux assemblées d’être représentés au sein de la commission. En outre, de nombreux arguments plaident en faveur de la troisième solution.

Depuis quelque temps, le législateur français a adopté des dispositions prévoyant la consultation des commissions permanentes de chaque assemblée compétentes sur le fond avant la nomination de certains membres d’AAI :

—  celle du président de la Commission de régulation de l’énergie, nommé après avis des commissions des Affaires économiques des deux assemblées (article 5 de la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l’énergie) ;

—  celle du président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, nommé après avis des commissions des Affaires économiques des deux assemblées (article 17 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur) ;

—  celle du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, nommé après avis des commissions des Lois des deux assemblées (article 2 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté).

Les exemples étrangers en matière de consultation préalable à certaines nominations par l’exécutif plaident également en ce sens. Aux États-Unis où le Sénat est amené à se prononcer sur de nombreuses nominations effectuées par le Président des États-Unis, les auditions sont effectuées par les commissions permanentes compétentes. Au Royaume-Uni, où une procédure d’audition préalable à la nomination est en train d’être mise en place, il est envisagé de confier cette tâche aux commissions permanentes (281).

Dans un récent rapport du sénateur Patrice Gélard au nom de l’Office parlementaire d’évaluation de la législation, il était recommandé que les AAI publient chaque année un rapport adressé aux présidents des deux assemblées et aux présidents des commissions parlementaires compétentes et que ces commissions procèdent à l’audition de chaque AAI après publication de leur rapport annuel (282). Ces recommandations invitent à prévoir que les commissions compétentes auditionnent la ou les personnes pressenties pour être désignées à la présidence des AAI.

Lors des auditions menées par le rapporteur, le professeur Jean-Claude Colliard a également recommandé de confier aux commissions permanentes le soin de se prononcer sur les nominations.

Le rapporteur vous propose par conséquent de prévoir dans la Constitution que l’avis sera rendu par la réunion des commissions permanentes compétentes de chaque assemblée. La réunion comprendra par conséquent les députés et les sénateurs compétents et intéressés par la nomination envisagée, et le caractère bicaméral de cette réunion permettra d’obtenir un avis unique sur les nominations, et non deux avis pouvant être divergents (283).

Les pouvoirs dont disposera la commission devront être définis par le législateur organique. Il importe que cette commission bénéficie de tous les moyens nécessaires pour évaluer au mieux les projets de nomination qui lui seront soumis. De ce point de vue, il pourrait sembler satisfaisant d’accorder à cette commission, ou au membre de la commission chargé de rapporter la proposition de nomination, des pouvoirs équivalents à ceux d’une commission d’enquête (investigations sur pièces et sur place, communication de tous documents d’ordre financier et administratif, possibilité de convoquer en audition contraignante, prestation de serment des personnes auditionnées).

En effet, ces moyens permettraient à la commission de disposer de toutes les informations relatives aux candidats qui lui seront présentés et de se forger ainsi une opinion pertinente et avertie en toute connaissance de cause. Toutefois, ces pouvoirs ne pourraient lui être confiés que dans l’hypothèse où elle aurait la nature d’une commission parlementaire. C’est une raison supplémentaire qui plaide en faveur de la reconnaissance de la nature parlementaire de cette commission dans la Constitution.

La loi organique devrait d’autre part préciser, d’après l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle, que les avis de la commission parlementaire devront être précédés d’une audition. La question de la publicité de ces auditions ne manquera pas de se poser. Cette publicité s’inscrirait dans la démarche actuelle, qui consiste à développer, dans toute la mesure du possible, la publicité des auditions des commissions instituées au sein de chaque assemblée. Mais, si l’on se réfère à l’exemple américain, la consultation des commissions du Sénat avant la nomination à certains emplois publics par le Président des États-Unis n’a pas toujours pris la forme de « public hearings ». Par exemple, le Senate Judiciary Committee n’a procédé à des auditions publiques pour la nomination des juges à la Cour suprême qu’à compter de 1916 (pour la nomination de Louis Brandeis).

Même si la loi organique affirmait le principe de la publicité des auditions, il conviendrait de permettre à la commission de travailler dans certains cas à huis clos, notamment lorsque les informations pouvant être échangées lors de l’audition pourraient concerner des domaines protégés par le secret professionnel ou par le secret défense.

c) Les avis rendus par la commission

La commission devra rendre un avis sur chacune des propositions de nomination qui lui sera soumise.

Dans la mesure où la modification constitutionnelle qui est proposée a pour objet de renforcer la transparence et le caractère démocratique des nominations à certains emplois, il pourrait sembler préférable que l’avis soit systématiquement rendu public, même dans l’hypothèse d’une réunion et d’un travail à huis clos de la commission. Le rapporteur vous propose par conséquent de mentionner explicitement dans la Constitution le caractère public de l’avis rendu par la commission.

Les conditions de majorité applicables aux délibérations de la commission devront être fixées par la loi organique. Le choix d’une majorité qualifiée permettrait de donner à l’avis adopté par la commission une plus grande portée. Toutefois, comme l’a fait observer le professeur Guy Carcassonne lors de son audition par le rapporteur, l’exigence d’une majorité qualifiée pourrait créer une hyper-politisation des nominations. Aussi recommandait-il de ne prévoir une majorité qualifiée que dans l’hypothèse où cette majorité serait exigée pour émettre un veto à l’encontre d’une nomination.

La question de la présentation formelle de l’avis est également importante. Cet avis pourrait en effet être un avis circonstancié, prenant la forme d’un rapport plus ou moins développé, auquel serait annexé le compte rendu de l’audition. Ainsi, au Royaume-Uni où, depuis 1998, la commission du Trésor de la Chambre des communes, de sa propre initiative, auditionne les personnalités nommées au comité de politique monétaire de la Banque d’Angleterre (284), le rapport relatif à chaque audition résume les sujets qui ont été abordés lors de l’audition et comprend en annexe le curriculum vitae de la personne auditionnée ainsi que les réponses au questionnaire qui lui a été adressé par la commission (285). L’avis pourrait au contraire prendre la forme beaucoup plus brève d’une simple décision, qui ne serait accompagnée d’aucun commentaire.

Il conviendra enfin de préciser les conséquences de l’avis de la commission. Le fait que le texte proposé pour le nouvel alinéa de l’article 13 ne mentionne que le terme d’« avis », et non celui d’« avis conforme », implique qu’en aucun cas cet avis ne pourra lier l’autorité procédant à la nomination (286).

À défaut du caractère contraignant de l’avis rendu par la commission parlementaire, sa publicité systématique devrait permettre de rendre malaisée, voire en pratique impossible, une nomination allant à l’encontre de cet avis (287). Comme le reconnaît le professeur Dominique Rousseau : « il sera toujours difficile de confirmer la nomination d’un candidat qui, après une audition publique " compliquée ", aura reçu un avis négatif. Ce pouvoir de contrôle parlementaire est donc réel et redoutable s’il se développe sur le modèle des auditions publiques du Congrès américain devant lesquelles nombre de propositions présidentielles échouent. » (288)

Se pose toutefois la question de la possibilité de prévoir un avis plus contraignant. Le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, avait d’ailleurs envisagé une telle hypothèse lors de la campagne présidentielle précédant son élection : « Je veux que les nominations aux fonctions les plus importantes de l’État se fassent sur des critères de compétences et de hauteur de vue, et non pas sur des critères de proximité avec le pouvoir politique en place. Les candidats à ces nominations seront auditionnés publiquement par le Parlement et celui-ci pourra mettre son veto à leur nomination. » (289)

Si, dans plusieurs pays, la nomination à certains emplois par le pouvoir exécutif est soumise à un avis préalable du Parlement, cet avis est parfois un avis contraignant. Aux États-Unis, le Sénat est chargé d’examiner les propositions de nominations qui lui sont soumises par le Président et son avis lie le pouvoir exécutif. Le caractère contraignant de ces avis, qui sont émis par le Sénat à la majorité simple (y compris pour la nomination des juges à la Cour suprême), est prévu par le texte constitutionnel (290). En Espagne, le Conseil de sécurité nucléaire est composé d’un président et de quatre conseillers, qui sont nommés par le Gouvernement après consultation de la commission de l’Industrie, du tourisme et du commerce du Congrès des Députés. La commission parlementaire a le pouvoir de rejeter les candidats à une majorité des trois cinquièmes de ses membres.

Le rapporteur vous propose pour cette raison de prévoir, dans la Constitution, que la commission pourra émettre un avis défavorable, à une majorité qualifiée correspondant aux trois cinquièmes des suffrages exprimés, à l’encontre d’une nomination. Cet avis défavorable lierait le Président de la République, qui ne pourrait procéder à la nomination envisagée. L’exigence d’une majorité qualifiée des trois cinquièmes pour émettre un avis défavorable permettra de s’assurer que cet avis fait l’objet d’un consensus qui dépasse l’appartenance politique des membres de la commission et justifie par conséquent ses effets contraignants sur la nomination envisagée par le Président de la République. Il s’agirait en somme d’empêcher ce que l’on pourrait qualifier d’erreur manifeste de nomination.

Dans la mesure où l’avis que devra rendre la commission sera une formalité substantielle dont l’absence de respect pourrait entacher de nullité l’acte de nomination, il conviendra sans doute d’imposer à la commission un délai au-delà duquel l’absence d’avis sera réputée être un avis positif tacite. Ce délai devra assurer l’équilibre nécessaire entre l’impératif de continuité du service public, qui peut dans certains cas exiger une nomination dans des délais brefs, et le besoin d’un temps d’examen approfondi des propositions soumises à l’avis de la commission.

Enfin, l’article 34 du projet de loi prévoit une entrée en vigueur de la nouvelle procédure dans les conditions qui seront fixées par la loi organique nécessaire à son application (291). Cette adaptation qui s’impose permettra également au législateur de prendre en compte le fait que certaines nominations interviennent à l’heure actuelle après l’avis de la commission permanente compétente dans chacune des deux assemblées et de prévoir une transition entre le mode actuel de désignation et la nouvelle procédure.

La Commission a rejeté un amendement de M. Noël Mamère précisant que la commission parlementaire chargée de donner un avis sur les nominations est composée à la proportionnelle des groupes politiques du Parlement et peut organiser des auditions publiques des candidats à ces emplois.

Après que M. Jean-Christophe Lagarde a retiré un amendement subordonnant les nominations à un avis favorable des membres des commissions permanentes compétentes des deux assemblées, à la majorité des trois cinquièmes, la Commission a été saisie d’un amendement du même auteur requérant un avis conforme rendu à la majorité des membres des commissions permanentes. Son auteur a souhaité que le Parlement ne soit pas simplement consulté sur les nominations, mais puisse s’opposer à une nomination jugée illégitime et que ce pouvoir soit confié aux commissions permanentes plutôt qu’à une commission ad hoc. Il a ajouté que la formation rassemblant les membres des commissions permanentes des deux assemblées ne devait pas être paritaire, compte tenu de la différence de représentativité entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Il s’est enfin étonné que l’avis du Parlement soit requis pour les emplois civils et militaires de l’État. Le rapporteur ayant précisé que seuls seraient concernés les membres des autorités administratives indépendantes et la présidence d’entreprises publiques et ayant émis un avis défavorable, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur prévoyant que la nomination à certaines fonctions, et non seulement à certains emplois, est soumise à l’avis du Parlement (amendement n° 44).

La Commission a été saisie d’un amendement de M. Arnaud Montebourg soumettant à l’avis du Parlement les nominations à des emplois de direction des autorités de régulation, son auteur ayant estimé que les nominations de membres d’autorités indépendantes du Gouvernement doivent être soumises à cette procédure, à la différence des emplois d’exécution de la politique du Gouvernement tels ceux de préfet ou de recteur. Le rapporteur ayant indiqué que l’amendement précédemment adopté inclut les membres des autorités administratives indépendantes, dont la liste sera établie par une loi organique, M. Arnaud Montebourg a retiré cet amendement.

Puis la Commission a été saisie d’un amendement du rapporteur prévoyant que l’avis de la commission parlementaire est rendu public. En réponse à M. Arnaud Montebourg, qui a souhaité connaître la composition de la commission et la portée de son avis, le rapporteur a indiqué qu’il proposerait un amendement prévoyant que l’avis est rendu par les deux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, sous réserve des précisions qui seront apportées par la loi, et un amendement interdisant de procéder à une nomination lorsque la commission a rendu un avis défavorable à la majorité des trois cinquièmes. La Commission a adopté cet amendement (amendement n° 45).

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur prévoyant que l’avis est rendu par la réunion des deux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat (amendement n° 46). En conséquence, un amendement de M. Arnaud Montebourg définissant la composition de la commission et un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde exigeant un avis conforme de celle-ci sont devenus sans objet.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que le Président de la République ne pourra pas procéder à une nomination lorsque la réunion des commissions permanentes compétentes aura émis un avis négatif à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés (amendement n° 47).

Elle a ensuite adopté un amendement du même auteur prévoyant que la loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés ainsi que les modalités selon lesquelles les avis sont rendus (amendement n° 48). En conséquence, la Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde supprimant le recours à une loi organique pour déterminer la composition de la commission constituée de membres des deux assemblées du Parlement.

La commission a adopté l’article 4 ainsi modifié.

Article 5

(art. 16 de la Constitution)


Contrôle du Conseil constitutionnel sur les conditions
de mise en
œuvre des pouvoirs exceptionnels

Cet article reprend une proposition émise par le « comité Balladur » visant à renforcer les mécanismes de contrôle en cas de mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution. Il prévoit la possibilité pour les parlementaires, au-delà d’une durée de trente jours d’application des pouvoirs exceptionnels, de saisir le Conseil constitutionnel aux fins de vérifier que les conditions de mise en œuvre de ces pouvoirs sont toujours réunies. Au-delà de soixante jours, le Conseil constitutionnel pourrait se prononcer à tout moment de sa propre initiative.

1. Les conditions de mise en œuvre de l’article 16

L’article 16 de la Constitution de 1958, dont on a pu dire qu’il constituait « une sorte de " Constitution de réserve " » (292), permet au Président de la République, « lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu », de prendre « les mesures exigées par les circonstances ». Pour la doctrine, cet article serait le corollaire ou le prolongement pour le temps de crise de l’article 5, qui prévoit que le Président de la République assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État.

Sa mise en œuvre obéit à des conditions de fond et de forme. Les conditions de fond sont au nombre de deux et sont cumulatives : d’une part, une menace grave et immédiate sur les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux ; d’autre part, une interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels. À ces conditions s’ajoutent des conditions de forme, le Président de la République devant consulter officiellement le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale, celui du Sénat ainsi que le Conseil constitutionnel. Il doit ensuite informer la Nation de sa décision par un message.

Seule la consultation du Conseil constitutionnel donne lieu à un avis motivé et publié, comme le prévoit l’article 53 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 (293). Le Président de la République n’est aucunement lié par le résultat des consultations auxquelles il est tenu de procéder, mais le désaccord public du juge constitutionnel ou de l’une des autorités consultées le mettrait dans une position très difficile.

La décision finale de recourir à l’article 16 ne dépend que de lui. Elle est dispensée de tout contreseing. Elle n’est susceptible d’aucun recours, le Conseil d’État ayant jugé que « cette décision présente le caractère d’un acte de gouvernement dont il n’appartient au Conseil d’État ni d’apprécier la légalité, ni de contrôler la durée d’application » (294).

Le Conseil constitutionnel doit également être consulté sur chacune des mesures prises dans le cadre de l’article 16, mais son avis n’est pas publié. La mise en application de l’article 16 a pour effet d’habiliter le Président de la République à intervenir dans les domaines législatifs et réglementaires. Ces mesures peuvent être soumises au juge administratif ; celui-ci n’exerce toutefois de contrôle que sur celles de leurs dispositions qui ont, en période normale, un caractère réglementaire. Celles qui sont de nature législative bénéficient d’une sorte d’immunité juridictionnelle, que seul tempère l’avis préalable du Conseil constitutionnel. Si les décisions prises par le Président de la République en vertu de l’article 16 échappent le plus souvent au contrôle du juge, les mesures individuelles d’application de ces décisions, en revanche, sont de simples actes administratifs contre lesquels le recours pour excès de pouvoir est recevable (295).

Pendant toute la durée d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Parlement se réunit de plein droit et l’Assemblée nationale ne peut être dissoute. Les assemblées ne peuvent cependant pas exercer la plénitude de leurs prérogatives, les décisions du Président de la République pouvant intervenir dans le domaine législatif.

Si le Président de la République outrepassait ses droits, soit en ayant recours à l’article 16 alors que les circonstances ne le justifient pas, soit par le contenu des décisions prises en application de cet article, le seul contrôle serait un contrôle politique :

—  par le Parlement, l’article 68 de la Constitution permettant la destitution du Président « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». Une solution moins radicale pourrait être la censure du Gouvernement lorsque prend fin la mise en œuvre de l’article 16 ;

—  par le peuple, contraignant le chef de l’État à la démission, soit par un désaveu indirect lors de consultations électorales, soit par des manifestations de rue.

Comme le souligne M. Guy Carcassonne, « on objectera que cette garantie est théorique. Certes, mais dans l’exacte mesure où elle répond elle-même à une hypothèse d’école. » (296)

Le « comité Balladur » a estimé qu’il n’existait pas de raisons suffisantes pour revenir sur l’existence même de ces dispositions, « la diversité des menaces potentielles qui pèsent sur la sécurité nationale à l’ère du terrorisme mondialisé justifiant le maintien de dispositions d’exceptions ». Il rejoint en cela l’analyse faite par le Conseil d’État en 1993, lorsqu’il jugeait que « son abrogation pure et simple priverait le Président de la République, dans des circonstances exceptionnelles dont on ne peut exclure l’éventualité, des moyens appropriés de remplir les obligations qui lui incombent, en vertu de l’article 5, d’assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. » Le « comité Vedel », institué par François Mitterrand en 1992, n’avait pas non plus jugé opportun de modifier les conditions d’application de l’article 16, ni les pouvoirs que cet article reconnaît au Président de la République.

2. Les leçons du précédent de 1961

Les pouvoirs exceptionnels prévus par l’article 16 n’ont été mis en œuvre qu’une seule fois, du 23 avril au 29 septembre 1961, pour faire face à une rébellion militaire qui venait d’éclater en Algérie.

Au cours de cette période, le Président de la République a pris dix-huit décisions sur le fondement de l’article 16, le plus souvent dans des matières relevant du domaine législatif. Ces décisions ont notamment eu pour objet de proroger l’état d’urgence, révoquer des fonctionnaires ayant participé au putsch, prolonger le délai des gardes à vue, mettre en congé spécial et radier des cadres des personnels militaires et des fonctionnaires de police, interdire certains écrits et publications, instituer un Haut Tribunal militaire (qui a prononcé vingt-trois condamnations dont plusieurs à la peine capitale par contumace) et un tribunal militaire.

Le quatrième alinéa de l’article 16 dispose que le Parlement se réunit de plein droit mais ne donne aucune indication sur les pouvoirs dont il dispose pendant cette période. En 1961, le Président de la République et le Président de l’Assemblée nationale ont tenté de combler cette lacune en interprétant la Constitution, dans un sens extrêmement restrictif. Les règles qu’ils ont édictées conduisent à distinguer selon que le Parlement est en session ordinaire ou non :

—  en session ordinaire, il résulte du message du Président de la République au Parlement du 25 avril 1961 que « la mise en œuvre de l’article 16 ne saurait modifier les activités du Parlement : exercice du pouvoir législatif et de contrôle », mais avec une réserve importante : « pour autant qu’il ne s’agisse pas de mesures prises ou à prendre en vertu de l’article 16 » ;

—  en session « spéciale », le Parlement ne peut ni légiférer, ni adopter une motion de censure contre le Gouvernement, en application d’une lettre du Président de la République au Premier ministre du 31 avril 1961 et d’une décision du Président de l’Assemblée nationale du 19 septembre 1961.

Si le Parlement se réunit de plein droit, ses capacités d’action sont ainsi réduites. On notera toutefois que, dans l’hypothèse où l’article 16 serait à nouveau mis en œuvre, ce qu’une interprétation a imposé hier, une autre interprétation pourrait le changer demain. De plus, l’instauration de la session unique en 1995 atténuerait les effets de la distinction entre session ordinaire et session « spéciale ».

Le principal reproche formulé lors de cette période a porté sur la durée pendant laquelle les pouvoirs exceptionnels ont été appliqués, puisque ce n’est que le 29 septembre que le Président a décidé de mettre fin à leur application, alors que le putsch s’est terminé dès le soir du 25 avril, avec la reddition de la plupart de ses auteurs. Le maintien en vigueur des pouvoirs exceptionnels a été jugé par la majorité des hommes politiques et de la doctrine comme discutable. Léon Noël, Président du Conseil constitutionnel de 1959 à 1965, a ainsi considéré que « de toute évidence, les conditions avaient, très rapidement, cessé d’être réunies puisque nul n’aurait pu prétendre que " le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels " était " interrompu " » (297), avant d’ajouter : « L’expérience faite a prouvé que l’article 16 comporte une lacune grave et essentielle et qu’il serait sage de combler lors d’une remise sur le chantier de la Constitution : si ce texte précise clairement dans quels cas il peut être utilisé, rien n’est prévu quant à la cessation de son application. »

Le précédent de 1961 a donc mis en évidence la nécessité de mieux encadrer la durée d’application des pouvoirs exceptionnels, suscitant dans les années qui ont suivi le dépôt de plusieurs propositions de loi. Elles visaient à encadrer le pouvoir d’appréciation du Président de la République :

—  soit en limitant la durée des pouvoirs exceptionnels à quatre-vingt dix jours (298) ou à quatre-vingt dix jours au cas où le Parlement peut siéger régulièrement (299) ;

—  soit en accordant au Conseil constitutionnel ou à une « Cour suprême » le pouvoir de mettre fin à l’application de l’article 16 passé un délai de trente jours (300) ou si les circonstances qui ont justifié sa mise en œuvre ne sont plus réunies (301).

Le « comité Vedel » avait également proposé que le Conseil constitutionnel puisse « constater, soit à l’initiative du Président de la République, soit à la demande conjointe du Président du Sénat et du Président de l’Assemblée nationale, que les conditions exigées (…) ne sont plus réunies » et préciser « à partir de quelle date chacune des mesures prises (…) ne pourra plus être mise en œuvre ».

C’est la même volonté de tempérer les pouvoirs exceptionnels du Président de la République qui a poussé le « comité Balladur » à proposer un contrôle en trois temps, qui associe les parlementaires et le Conseil constitutionnel. C’est ce dispositif qui est repris par le présent projet de loi constitutionnelle.

3. L’instauration d’un contrôle renforcé par le Conseil constitutionnel

Après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, ce délai courant à compter du message du Président de la République prévu au deuxième alinéa de l’article 16, le Conseil constitutionnel pourrait être saisi par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs pour apprécier si les conditions de mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels demeurent réunies.

Il lui appartiendrait de vérifier si, d’une part, les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont toujours menacées d’une manière grave et immédiate et si, d’autre part, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels n’a pas été rétabli. Rien ne semble s’opposer à la possibilité pour les parlementaires de saisir à nouveau le Conseil constitutionnel s’ils estiment que les circonstances ont évolué depuis une précédente décision.

Le Conseil se prononcerait dans les délais les plus brefs par un avis public, comme c’est le cas dans le cadre des consultations préalables au déclenchement des pouvoirs exceptionnels. Le « comité Vedel » avait proposé que le Conseil constitutionnel, saisi conjointement par le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat, puisse constater que les conditions exigées pour la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels ne sont plus réunies et préciser à partir de quelle date chacune des mesures prises ne pourra plus être appliquée. Cette solution conduisait à conférer au Conseil constitutionnel un pouvoir excessif et ne correspondait pas à l’esprit de l’article 16. Comme le soulignait Raymond Janot, commissaire du gouvernement, devant le comité consultatif constitutionnel, le 31 juillet 1958 : « L’appréciation de la menace qui pèse sur les institutions, sur l’indépendance de la Nation, etc., c’est une appréciation qui n’a pas uniquement un caractère juridique. Il est essentiel que l’aspect juridique soit envisagé, mais le droit, à lui seul, est impuissant pour porter un jugement de cette nature. »

La menace ne peut pas être constatée objectivement sur la base de conditions mentionnées dans un texte. Les raisons qui avaient conduit le constituant de 1958 à refuser que la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels du Président de la République soit soumise à l’avis conforme du Conseil constitutionnel conduisent aujourd’hui à préférer la solution d’un avis, qui ne lie pas le Président de la République. La publicité expresse de cet avis lui donne cependant un effet dissuasif certain.

Après soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel rendrait un nouvel avis ou procéderait à cet examen pour la première fois s’il n’avait pas été saisi par des parlementaires avant l’expiration de ce délai.

Enfin, au-delà du délai de soixante jours, le Conseil constitutionnel pourrait se prononcer de sa propre initiative, à tout moment, s’il estimait que les conditions n’étaient plus réunies. Cette solution avait, d’une certaine manière, été envisagée par le Conseil constitutionnel en 1961 : Léon Noël aurait attiré l’attention du Premier ministre, Georges Pompidou, sur le risque de voir le Conseil constitutionnel se prononcer contre l’application prolongée de l’article 16 « dans quelque avis dont le sens ne manquerait pas d’être connu au dehors ».

La Commission a examiné trois amendements tendant à supprimer l’article 16 de la Constitution le premier de M. Noël Mamère, le deuxième de M. Jean-Claude Sandrier et le troisième de M. Arnaud Montebourg, qui a précisé que cet article portait atteinte au principe de séparation des pouvoirs. Après avoir rappelé que la IIIe République avait pu conduire la Première guerre mondiale avec un débat parlementaire permanent, il a estimé que l’article 16 de la Constitution n’était que le remède à certains problèmes de la IVe République, devenu aujourd’hui sans objet. Il a ajouté que les législations relatives à l’état d’urgence et à l’état de siège permettaient de répondre aux situations de crise sans qu’il soit besoin de concentrer tous les pouvoirs dans les mains d’une seule personne, situation qu’il a jugée inutile et dangereuse.

M. Guénhaël Huet a souligné que la Constitution devait prévoir toutes les situations possibles. Il a jugé que l’argument selon lequel ce dispositif n’avait été mis en œuvre qu’une fois ne suffisait pas à démontrer son inutilité. Il a indiqué que si ce dispositif était effectivement une entorse au principe de séparation des pouvoirs, il a observé que celle-ci était très encadrée et que son caractère très exceptionnel renforçait le principe même de séparation des pouvoirs.

M. Claude Goasguen a rappelé que la France avait connu, dans le passé, des mutations constitutionnelles violentes. Il a donc jugé que l’article 16 de la Constitution demeurait pertinent, d’autant plus qu’il sera désormais mieux encadré.

Le rapporteur ayant émis un avis défavorable à ces trois amendements, notamment parce que l’encadrement de la mise en œuvre de l’article 16 de la Constitution était renforcé, la Commission les a rejetés.

Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Noël Mamère soumettant le recours à l’article 16 de la Constitution à un contrôle plus strict du Parlement et un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde étendant la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel aux groupes parlementaires après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels.

La Commission a ensuite adopté l’article 5 sans modification.

Article 6

(art. 17 de la Constitution)


Droit de grâce

Droit d’origine régalienne, le droit de grâce du Président de la République fait l’objet de critiques, tenant principalement à l’usage excessif qui a pu être fait des grâces collectives. Le présent article propose de limiter ce droit aux seules grâces individuelles et de l’encadrer par l’avis d’une commission spécialisée.

1. L’exercice du droit de grâce et les critiques à son encontre

Le droit de grâce permet au chef de l’État de dispenser un condamné d’exécuter une peine, de quelque nature qu’elle soit, prononcée par une juridiction judiciaire. Ce droit était à l’origine une prérogative royale et la traduction des liens historiques entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Il fut, pour cette raison, supprimé par le code pénal de 1791, avant que la Constitution du 16 thermidor an X ne le rétablisse. Depuis lors, toutes les Constitutions ont mentionné le droit de grâce du chef de l’État, le subordonnant parfois à une consultation préalable (302), mentionnant dans le même temps le droit d’amnistie confié au pouvoir législatif.

L’article 17 de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoyait dans un premier temps que l’exercice du droit de grâce par le Président de la République était précédé d’un avis du CSM. L’ordonnance du 22 décembre 1958 relative au CSM (303) atténuait toutefois la portée de cette consultation préalable du CSM, en n’imposant au Président de la République de ne solliciter cet avis que dans le cas où la personne graciée avait été condamnée à mort (304). En outre, l’avis émis par le CSM n’avait en tout état de cause qu’un caractère consultatif, non susceptible de lier la décision présidentielle.

Les Présidents de la VRépublique, lorsqu’ils usèrent du droit de grâce pour des condamnations à mort furent donc conduits à consulter le CSM. La combinaison de la suppression de la peine de mort et de l’absence de consultation effective du CSM avant d’accorder les autres types de grâces conduisit, lors de la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993 (305), à supprimer la mention de l’avis du CSM dans l’article 17 de la Constitution (306).

Les questions que pose le droit de grâce sont d’une part celle de sa compatibilité avec le principe de la séparation des pouvoirs, et d’autre part celle de l’usage excessif qui peut en être fait par un recours trop fréquent aux décrets de grâce collective.

Le chef de l’État avait gracié, le 15 septembre 1988, deux élus de La Réunion condamnés à l’interdiction d’exercer toute fonction élective, après que le Conseil constitutionnel avait censuré une disposition de la loi d’amnistie spécialement votée à leur intention (307). Cet usage politique du droit de grâce suscita des critiques et conduisit le garde des Sceaux de l’époque à préciser, en réponse à une question parlementaire, qu’« aucun texte ne limite le droit de grâce du Président de la République, qui apprécie souverainement l’opportunité d’accorder ou de ne pas accorder une grâce. Nul ne peut lui demander compte de l’usage qu’il fait de cette prérogative qu’il tient de la Constitution. » (308) Cette réponse affirme clairement le caractère discrétionnaire du droit de grâce. En outre, les décrets de grâce du Président de la République ne sont jamais publiés au Journal officiel (309) et ne peuvent faire l’objet d’aucun recours contentieux (310). Le bénéfice de la grâce est irrévocable et ne peut être refusé par la personne graciée. Le droit de grâce, discrétionnaire, confidentiel, incontestable, pourrait dès lors apparaître comme une sorte de remise en cause des décisions de justice et une entorse au principe de la séparation des pouvoirs.

Néanmoins, si le chef de l’État peut intervenir dans le cours de la justice, par l’usage du droit de grâce, le législateur peut faire de même, par le vote de lois d’amnistie. Par la grâce qu’il accorde, le chef de l’État libère le condamné de tout ou partie de la peine prononcée. Mais, à l’inverse de l’amnistie, la grâce n’efface pas la condamnation qui subsiste et continue de produire tous ses effets, quant au casier judiciaire, à la condamnation en cas de récidive et aux incapacités juridiques attachées à la peine. Comme l’énonce l’article 133-7 du code pénal : « la grâce emporte seulement dispense d’exécuter la peine ». En ce sens, le droit de grâce est moins une remise en cause des décisions de justice qu’une manifestation de la magnanimité du chef de l’État.

Les recours en grâce, qui sont présentés par les personnes condamnées, sont centralisés et instruits à la Chancellerie par le bureau des grâces. Cette instruction permet de recueillir des renseignements complémentaires auprès du ministère public et de sélectionner les recours méritant de retenir l’attention du chef de l’État (311). En ce sens, une modulation est apportée au caractère exclusif de cette prérogative du chef de l’État.

Le débat principal concernant l’usage du droit de grâce porte toutefois sur les grâces collectives, qui ont pu apparaître récemment comme une forme dévoyée et excessive du droit de grâce. Les grâces collectives bénéficient à toute une catégorie de personnes condamnées auxquels il est accordé une remise d’un quantum de peine. À l’inverse des grâces individuelles, qui concernent tous types de peine, les grâces collectives ne concernent que les peines privatives de liberté (312). La pratique des grâces collectives, abandonnée durant les premières décennies de la Ve République, s’est développée à nouveau à compter de 1974 (313), pour atteindre une périodicité annuelle à compter de 1988 (314). Or, ce développement a suscité un certain nombre de critiques et créé un certain nombre de problèmes.

LES GRÂCES COLLECTIVES ACCORDÉES DEPUIS 1980

Décret de grâce

Quantum de la remise de peine

Plafond de la remise de peine

Plafond de la remise de peine pour les condamnés non incarcérés

Nombre de personnes libérées par anticipation dans le premier mois

14 juillet 1980

15 jours + 15 jours sur décision du juge de l’application des peines (JAP)

Non renseigné

9 juillet 1981

De 3 à 6 mois, selon la durée de la peine

5 000

13 juillet 1985

1 mois + 1 mois sur décision du JAP

2 763

17 juin 1988

7 jours par mois

4 mois

1 mois

2 863

13 juin 1989

10 jours par mois

9 mois

4 mois

3 091

4 juillet 1991

10 jours par mois

9 mois

5 000

2 juillet 1992

10 jours par mois

6 mois

3 mois

6 362

13 juillet 1993

5 jours par mois

4 mois

2 mois

3 571

13 juillet 1994

5 jours par mois

4 mois

2 mois

4 112

10 juillet 1995

7 jours par mois

4 mois

4 898

4 juillet 1996

7 jours par mois

4 mois

2 mois

4 450

11 juillet 1997

7 jours par mois

4 mois

2 mois

4 163

10 juillet 1998

7 jours par mois

4 mois

2 mois

3 637

9 juillet 1999

7 jours par mois

4 mois

2 mois

3 570

16 décembre 1999

7 jours par mois

4 mois

2 mois

Non renseigné

11 juillet 2000

7 jours par mois

4 mois

2 mois

3 194

10 juillet 2001

7 jours par mois

4 mois

2 mois

3 473

10 juillet 2002

7 jours par mois

4 mois

2 mois

3 502

9 juillet 2003

7 jours par mois

4 mois

2 mois

4 160

9 juillet 2004

15 jours par mois

4 mois

2 mois

7 911

12 juillet 2005

15 jours par mois

4 mois

1 mois

5 030

11 juillet 2006

15 jours par mois

4 mois

4 015

Sources : Mme Marie-Hélène Renaut, « Le droit de grâce doit-il disparaître ? », in Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 1996, n° 3 ; M. Jean Dante, Mme Sylvie Grunvald, Mme Martine Herzog-Evans et M. Yvon Le Gall, Prescription, amnistie et grâce en France, Paris, Dalloz, 2008 ; direction de l’administration pénitentiaire.

La grâce collective entre en contradiction avec l’objectif d’individualisation des peines : elle profite indifféremment à tous les condamnés (315), la seule limite étant les exceptions au bénéfice de la grâce qui sont énumérées par le décret de grâce. Ce dernier peut dès lors apparaître comme un simple outil de gestion de la population carcérale. L’Académie des sciences morales et politiques, qui, dans son avis du 14 avril 2008 sur l’avant-projet de révision, désapprouvait la suppression des grâces collectives, a d’ailleurs considéré « qu’il paraît nécessaire de maintenir (les grâces collectives) malgré leurs inconvénients, en raison de la surpopulation des établissements pénitentiaires ».

Traitant en apparence de la même manière l’ensemble des condamnés à une même peine, le décret de grâce collective engendre en fait des inégalités, selon la date de la condamnation ainsi que selon la date d’inscription d’une peine à l’écrou (316).

Enfin, les décrets de grâce collective ont soulevé un nombre croissant de difficultés juridiques, tenant à l’interprétation des exclusions de leur bénéfice et aux contestations de l’interprétation des circulaires d’application de ces décrets.

Aussi, Mme Marie-Hélène Renaut concluait en 1996 un article retraçant l’évolution de l’usage du droit de grâce en France par cette préconisation : « Le plus sage serait de revenir à une pratique modérée et exceptionnelle du droit de grâce en octroyant des grâces individuelles quand les motifs sont sérieux et abandonnant les grâces collectives » (317).

Par conséquent, la modification de l’article 17 de la Constitution s’impose. Il est nécessaire, afin de remédier aux dérives constatées ces dernières années, de conférer à nouveau au droit de grâce présidentiel un caractère d’exception, d’acte de clémence particulier.

2. Un droit de grâce rénové

Le présent article prévoit de manière très explicite que la grâce, qui répond à une demande individuelle du condamné, doit être accordée individuellement. Il empêchera par conséquent tout retour à la pratique des grâces collectives. Il devrait avoir pour conséquence une augmentation sensible du nombre de demandes de grâce individuelle.

Il est donc nécessaire que le Président de la République puisse bénéficier de l’avis éclairé d’une commission, afin de pouvoir ainsi traiter au mieux ces demandes de grâce individuelle (318). La nouvelle rédaction de l’article 17 de la Constitution prévoit la création d’une commission, dont la composition doit être déterminée par la loi, chargée d’émettre un avis sur chaque demande de grâce. La vertu de la consultation d’une « commission des grâces », qui consiste à ne pas faire apparaître la grâce comme le simple « fait du prince » et permet de mettre la décision présidentielle à l’abri de la critique et des soupçons de partialité, dépendra dans une large mesure des caractéristiques de cette commission. Il conviendra donc que le législateur veille attentivement à garantir l’indépendance de ses membres et le caractère impartial de ses travaux. La loi relative à cette commission devra par ailleurs préciser les conditions d’entrée en vigueur de l’article 17 de la Constitution dans sa nouvelle rédaction (319).

Le « comité Balladur » préconisait le rétablissement de l’avis du CSM sur la demande de grâce (320). Il pourrait en effet sembler que la consultation du CSM garantirait, plus efficacement que celle d’une commission créée ad hoc, l’association de l’autorité judiciaire à une décision émanant du pouvoir exécutif mais ayant des conséquences sur une chose jugée. Toutefois, dès lors que la composition de la « commission des grâces » assurera la présence de magistrats, il peut sembler préférable de ne pas confier au CSM une tâche supplémentaire qui alourdirait son fonctionnement et qui poserait le problème de la formation pertinente pour examiner les dossiers de demande de grâce.

Le maintien de la seule possibilité d’octroyer des grâces individuelles, combiné au rétablissement de l’avis d’une commission, permettra de donner à la grâce présidentielle à la fois tout son sens et sa juste mesure, sans que ce droit puisse être ainsi confondu avec le droit d’amnistie, qui appartient au législateur, ou avec les mesures de réductions de peine, décidées par les commissions d’application des peines, et sans qu’il puisse être détourné de sa fonction pour devenir un simple outil de gestion de la détention.

Après avoir rejeté un amendement de suppression de cet article de M. François Bayrou, la Commission a rejeté deux amendements de M. Jean-Christophe Lagarde et de M. Noël Mamère tendant à supprimer l’article 17 de la Constitution. Elle a ensuite rejeté deux amendements de M. Noël Mamère et de M. Jean-Christophe Lagarde conditionnant l’exercice du droit de grâce du Président de la République à un avis du Conseil supérieur de la magistrature.

La Commission a adopté l’article 6 sans modification.

Article 7

(art. 18 de la Constitution)


Déclaration du Président de la République au Parlement

Cet article modifie l’article 18 de la Constitution pour compléter la faculté offerte aujourd’hui au Président de la République de s’adresser par voie de message aux assemblées parlementaires par la possibilité pour lui de prendre directement la parole devant le Parlement réuni en Congrès ou bien devant une des deux assemblées, son allocution pouvant donner lieu à un débat sans vote.

1. Un droit de message historiquement dépassé

Conçu comme un moyen de faciliter la collaboration entre les pouvoirs, institué en France dès 1791 (321), les modalités du droit de message du chef de l’État au Parlement ont varié en fonction du rôle assigné au chef de l’État. Dans la Constitution de 1848 apparaît la notion proprement dite de « message présidentiel ». Elle oblige le Président de la République à présenter « chaque année, par un message à l’Assemblée nationale, l’exposé de l’état général des affaires de la République », procédure dans laquelle il faut reconnaître l’influence des constituants américains de 1787.

L’interdiction de l’accès du Président de la République aux assemblées résulte d’un accident de l’histoire (322). La situation pouvait sembler d’autant plus paradoxale que le Président était, sous la IIIe République comme sous la IVe République, désigné par les assemblées elles-mêmes (323).

Avec la chute de l’Empire, les messages directement prononcés par le responsable de l’exécutif reprirent toute leur importance. Adolphe Thiers, alors chef du Pouvoir Exécutif, adressa lui-même plusieurs messages d’une grande portée.

Une première limitation fut ainsi timidement instituée par la loi du 31 août 1871, dite « Constitution Rivet ». Thiers, devenu Président de la République française, pouvait se faire entendre « toutes les fois qu’il le croit nécessaire », mais seulement « après avoir informé de son intention le Président de l’Assemblée ». Dans un de ses messages, celui du 13 novembre 1872, il se prononça en faveur de la République.

Ce message qui mécontenta la majorité conservatrice entraîna le vote de la loi du 13 mars 1873 qui réglementa restrictivement le droit de message. Désormais, en vertu de l’article 1er : « Le Président de la République communique avec l’Assemblée par des messages qui, à l’exception de ceux par lesquels s’ouvrent les sessions, sont lus à la tribune par un ministre ». Thiers n’est pas dupe, il tempête contre les « chinoiseries » imposées et regrette qu’on veuille faire de lui « un porc à l’engrais dans la Préfecture de Versailles » ou encore un « eunuque politique » ! Dès le 24 mars 1873, il était renversé et remplacé par Mac-Mahon. Ainsi, c’est parce que Thiers était devenu républicain que la majorité monarchiste l’écarta de la salle des séances.

Les lois constitutionnelles de 1875, tout en reconnaissant le droit de message du Président de la République, l’assortirent de formalités destinées à le restreindre. L’article 6 de la loi du 16 juillet 1875 sur les rapports des pouvoirs publics précisait ainsi que « le Président de la République communique avec les chambres par des messages qui sont lus à la tribune par un ministre ». Tous les Présidents de la IIIe République usèrent de ce droit, six d’entre eux une fois, sept d’entre eux plusieurs fois. Lebrun fut le dernier Président à adresser un message le 2 septembre 1939, lors de l’entrée en guerre de la France.

Sous la IVe République, l’article 37 de la Constitution disposait que « le Président de la République communique avec le Parlement par des messages adressés à l’Assemblée nationale », chacun de ces messages étant alors, comme tous les actes du chef de l’État, contresigné par le président du Conseil des ministres et par un ministre (324). Dans le projet de Constitution du 19 octobre 1946, beaucoup plus favorable à la suprématie de l’Assemblée nationale, la réglementation était encore plus sévère. En effet, l’article 108 de ce projet disposait que « les messages sont lus à l’Assemblée par son Président sous le double assentiment de celui-ci et du président du Conseil des ministres ». Les circonstances imposèrent que le message fût lu dans chacune des assemblées par leur président respectif (325).

L’article 18 de la Constitution du 4 octobre 1958 a repris cette disposition en l’élargissant aux deux assemblées et en interdisant tout débat à l’issue de la lecture des messages. Pour certains, cette interdiction rompait avec ce qui avait cours sous les IIIe et IVe Républiques. En réalité, cette prescription correspond très largement à l’usage antérieurement suivi, même si, à différentes reprises, les parlementaires ont été tentés de répondre au Président et de ressusciter ainsi les « Adresses » des Chambres en réponse aux discours du Trône (326).

La Constitution de 1958 apporte une autre innovation : le Parlement peut être réuni hors session pour prendre connaissance d’un message. Dans son allocution devant le Conseil d’État du 27 août 1958, le garde des Sceaux avait estimé que cela pouvait nécessiter une « courte session extraordinaire ». En définitive la seule limitation réelle du droit de message réside dans l’impossibilité pour le Président de monter à la tribune des assemblées.

Comme l’a souligné M. Guy Carcassonne, « le Président de la République, curieusement, est l’unique personne dont la tradition prohibe la présence dans l’hémicycle des assemblées, fût-ce dans les tribunes. Ce que des causes circonstancielles ont produit (la volonté, traduite par la loi de Broglie du 13 mars 1873, d’affranchir le Parlement de l’influence de Thiers), les Républiques l’ont pérennisé ; le chef de l’État n’a de contact officiel avec les chambres que par la voie du message. » (327)

Si la Constitution de 1958 a supprimé l’obligation paralysante du contreseing, qui imposait au Président le contrôle ministériel sur le contenu de sa déclaration, le droit de message n’a pas joué le rôle qui lui fut assigné par le constituant en facilitant sa mise en œuvre, compte tenu, en particulier, du recours accru à l’audiovisuel.

Néanmoins, le droit de message fut utilisé par le Président de la République à dix-huit reprises depuis 1958, comme le montre le tableau suivant.

MESSAGES DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE SOUS LA Ve RÉPUBLIQUE
(ARTICLE 18 DE LA CONSTITUTION)

Général de Gaulle

15 janvier 1959

Prise de fonctions

25 avril 1961

Mise en œuvre de l’article 16

20 mars 1962

Annonce des accords d’Évian et référendum sur l’autodétermination de l’Algérie

2 octobre 1962

Référendum sur l’élection du Président de la République

11 décembre 1962

Message à l’Assemblée nouvellement élue

Georges Pompidou

25 juin 1969

Début du septennat

5 avril 1972

Referendum sur l’élargissement de la Communauté économique européenne

3 avril 1973

Message à l’Assemblée nouvellement élue

M. Valéry Giscard d’Estaing

30 mai 1974

Prise de fonctions

François Mitterrand

8 juillet 1981

Prise de fonctions

8 avril 1986

Message à l’Assemblée nouvellement élue

25 juin 19886

Hommage pour le centenaire de la naissance de Robert Schuman

26 octobre 1988

Référendum du 6 novembre 1988 sur la Nouvelle-Calédonie

27 août 1990

Message au Parlement sur la situation au Moyen Orient

16 janvier 1991

Politique au Moyen-Orient

M. Jacques Chirac

19 mai 1995

Prise de fonctions

2 mars 1999

Message au Parlement sur l’Europe

2 juillet 2002

Message à l’Assemblée nouvellement élue

Il s’agit pour le Président, soit de présenter son programme ou ses conceptions institutionnelles (message du 8 avril 1986 sur la « cohabitation »), soit d’annoncer le recours à certaines prérogatives présidentielles (article 16, référendum), soit d’intervenir en période de crise internationale (situation au Proche-Orient, le 27 août 1990).

Comme l’a rappelé le « comité Balladur », les relations existant actuellement entre le Président de la République et le Parlement « sont placées sous le signe de l’interdit ». « Le Comité a estimé que c’était aller dans le sens d’une meilleure transparence de la vie publique et d’un renforcement du rôle du Parlement que de permettre au Président de la République de s’exprimer directement devant celui-ci pour l’informer de son action et de ses intentions. » (328) Il a, en conséquence, dans sa proposition n° 5, souhaité une modification de l’article 18 de la Constitution dans ce sens.

Une proposition très proche avait déjà été portée, en 1974, par Charles Bignon, qui soulignait alors qu’« il est inutile d’entamer un large débat de droit constitutionnel comparé car la Constitution française est spécifique. Il convient plutôt de souligner qu’il ne s’agit pas, par la présente proposition, d’aller vers le régime présidentiel en renforçant les pouvoirs du Président de la République ou en lui donnant une responsabilité quelconque vis-à-vis du pouvoir législatif. (…) En réalité, ce débat théorique est sans limite et il ne faut jamais perdre de vue les avantages du système français, à mi-chemin entre le régime présidentiel et le régime parlementaire. » (329)

Il serait quelque peu archaïque de penser que la séparation des pouvoirs est réellement assurée par l’impossibilité physique pour le Président de la République de se rendre dans les enceintes parlementaires. Comme le soulignait M. Pierre Avril, « le Président devrait pouvoir venir lui-même exposer les grandes orientations d’une politique que le Gouvernement met en œuvre ainsi que le Général de Gaulle en avait eu l’intention dans les premières années de la Ve République » (330).

La Constitution de la Ve République a ainsi renforcé le droit de message sans aller jusqu’au bout : il manque la présence physique du Président.

Le droit de message tel que pratiqué apparaît, effectivement, comme archaïque. Certains soutiennent que l’interdit qui frappe les relations entre le Parlement et le Président de la République matérialise dans sa plus pure expression la séparation des pouvoirs.

D’une part, cette conception rigide de la séparation des pouvoirs ne peut être revendiquée que dans un régime présidentiel pur – l’exemple type étant les États-Unis où pourtant le Président peut s’exprimer dans l’enceinte parlementaire.

D’autre part, par rapport à une situation où le dialogue direct n’existe qu’entre la majorité et le Président qui l’a conviée à venir le rencontrer, il est préférable que le Parlement dans son ensemble, opposition comprise, puisse être directement informé par le Président de ses orientations.

Dès l’instant où l’on admet que le chef de l’État a le droit de diffuser une opinion personnelle, y compris directement à l’attention des citoyens grâce à la télévision (331), il n’apparaît pas très rationnel de le priver de la possibilité de l’exprimer en personne devant leurs représentants. La présence d’un Président de la République à la tribune d’une assemblée n’est pas réellement de nature à affecter la liberté de jugement et de décision des parlementaires. Ce serait même leur faire injure que de prétendre le contraire.

Si dans certains États, tels l’Italie, le Président de la République ne peut venir lire ses messages à la Chambre, il s’agit de régimes où le Président a des pouvoirs secondaires et où la réalité du pouvoir exécutif est exercée par le Gouvernement responsable. Mais dans la mesure où le Président, élu au suffrage universel, a des responsabilités politiques, sa venue exceptionnelle au Parlement ne paraît devoir soulever aucune objection de principe.

Comme le souligne l’Académie des sciences morales et politiques, dans son avis du 14 avril 2008, « aucune raison décisive ne commande de conserver les restrictions à la liberté de communication du chef de l’État. Le droit comparé et l’histoire montrent que l’intervention orale du chef de l’État serait compatible avec l’une et l’autre lectures de la Constitution », à savoir la lecture parlementaire et la lecture présidentielle.

2. Un droit de message rénové

L’idée de permettre au Président de la République de venir en personne s’adresser aux assemblées parlementaires n’est pas nouvelle. Dans différents projets de Constitution, rédigés en particulier au moment de la rédaction de celle de 1958, certains prévoyaient de l’autoriser « en cas de péril grave » à « venir lui-même lire un message devant le Parlement » (332). Le 21 mai 1963 déjà, le Général de Gaulle, qui recevait le bureau de l’Assemblée nationale, exprima le vœu de pouvoir lire lui-même ses messages au Parlement et il laissa entendre qu’il serait favorable à ce qu’une initiative parlementaire fût prise dans ce sens.

La modification proposée dans le présent article reprend la proposition n° 5 du « comité Balladur » (333). Elle permettrait à la fois de créer un contact direct entre le Président de la République et les assemblées parlementaires, mais aussi d’autoriser un débat à l’issue, sans pour autant que sa présence, durant celui-ci, ne soit ni imposée ni requise. L’allocution présidentielle pourrait avoir lieu, selon les circonstances, devant le Parlement réuni en Congrès, ou bien devant l’une ou l’autre des assemblées.

Il est bien précisé que le Congrès du Parlement serait réuni à cet effet (334) et ne pourrait, dès lors, être utilisé à d’autres fins. Cela signifie également qu’il pourrait être réuni hors session pour ce faire. En revanche, si la déclaration a lieu devant l’une ou l’autre des assemblées, le dernier alinéa de l’article 18, qui dispose que « hors session, le Parlement est réuni spécialement à cet effet », serait pleinement applicable. Prévu dans l’état du droit pour préciser les conditions d’application du premier alinéa – le traditionnel droit de message –, il continuerait de s’appliquer à lui et l’« effet » visé autoriserait la réunion spéciale des assemblées hors session aussi bien pour l’application du droit de message que pour la déclaration du Président de la République lorsque celle-ci n’interviendrait pas devant le Congrès.

Dès lors, pour lever toute ambiguïté en distinguant le cas de la réunion du Congrès prévu au deuxième alinéa et le cas des assemblées prévu au premier et au deuxième alinéa et marquer ainsi la nécessité, lorsque le Parlement n’est pas en session, de réunir spécialement les deux chambres dans le cas d’un message comme dans celui d’une déclaration, il pourrait être utile de modifier le dernier alinéa de l’article 18 pour garantir qu’il couvre les deux alinéas précédents.

Par ces dispositions, le Président pourra s’adresser à la Nation au travers de ses représentants et s’adresser directement à ceux qui devront délibérer de la politique dont il aura fixé et présenté les grandes orientations que le Gouvernement sera amené à « mettre en musique », à déterminer et à conduire, selon les termes mêmes de l’article 20 de la Constitution.

Il serait paradoxal que le Parlement à la fois refuse d’accueillir la parole présidentielle et milite pour faire de son enceinte le haut lieu de la parole politique, signe de sa revalorisation. Comment confondre dans un même opprobre la critique classique de l’isolement du Président de la République et celle de la volonté exprimée par ce dernier de s’adresser directement aux parlementaires, ailleurs que dans le cadre des salons du Palais de l’Élysée ?

Invoquer l’exemple du Président des États-Unis dans son message sur l’état de l’Union pour soutenir que le présent article conduirait à présidentialiser les institutions françaises relèverait soit de l’artifice, soit de la méconnaissance de ce qu’est le régime présidentiel américain.

En effet, cette prérogative du Président américain doit se comprendre comme le pendant du monopole de l’initiative des lois attribué au Congrès (335). C’est précisément parce qu’il ne peut déposer de projet de loi que le Président américain dispose du droit de s’adresser directement à la Chambre des Représentants et au Sénat, réunis ou séparés, pour leur présenter ses orientations politiques. Il assortit ainsi son message annuel d’annexes qui contiennent le programme législatif qu’il souhaite voir adopté, celles-ci allant jusqu’à contenir des projets rédigés, article par article, destinés à inspirer les travaux des commissions parlementaires.

La faculté ouverte au Président de la République dans le présent article de s’adresser directement aux assemblées parlementaires « dans des moments particulièrement solennels de la vie de la Nation », comme le souligne l’exposé des motifs du présent projet de loi constitutionnelle, ne saurait donc s’interpréter comme un pouvoir supplémentaire accordé à un chef de l’État qui ne disposerait pas, par ailleurs, du pouvoir d’initier les lois.

En outre, il pourrait apparaître paradoxal que les assemblées puissent inviter des chefs d’État étrangers à venir s’exprimer devant elles, comme cela s’est pratiqué régulièrement depuis 1993, sans que le Président de la République française ne puisse le faire. À l’inverse, comme le faisaient observer, dès 1976, les auteurs d’une proposition de loi constitutionnelle, il peut sembler « pour le moins discourtois à l’égard du Parlement français que le Président de la République qui, ces derniers temps a pris la parole devant le Congrès américain, la Chambre des Lords et celle des Communes à Londres, ne puisse paraître en France ni devant l’Assemblée nationale, ni devant le Sénat » (336).

Le « comité Balladur » a insisté sur le fait qu’« une fois posé le principe, reste à en fixer les modalités, qui revêtent une importance particulière dans la mesure où seul le Premier ministre demeure responsable devant le Parlement " dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50 " de la Constitution – c’est-à-dire devant l’Assemblée nationale – ainsi qu’en dispose le dernier alinéa de l’article 20 ». D’autres, à l’instar de M. Laurent Fabius (337), estiment que, sur le modèle des États-Unis, le Président de la République pourrait venir devant le Congrès du Parlement, son allocution pouvant donner lieu, hors de sa présence, à un débat qui ne serait suivi d’aucun vote.

C’est pourquoi, pour tirer tous les avantages de cette nouvelle disposition sans pour autant en tirer des conséquences qui mettraient en péril les équilibres institutionnels définis en 1958 et qui reviendraient à transférer la responsabilité devant le Parlement du Premier ministre au Président de la République, un débat pourrait être organisé sans pour autant que celui-ci ne donne lieu à un quelconque vote. De surcroît et selon la même logique, ce débat, s’il peut se tenir, devrait se faire hors de la présence du Président.

Cette double restriction, indispensable, ne devra, en aucune façon être contournée. Il n’est pas question, par exemple, sous peine de dénaturer l’intention du constituant, de détourner le nouveau droit qui serait attribué au Parlement par le présent projet de loi, dans son article 12, de voter des résolutions, en prévoyant, le lendemain de l’allocution présidentielle, de transformer la discussion d’un tel acte en réponse au discours du Président. Un tel détournement de procédure s’apparenterait à un retour au droit d’adresse, qui, dans le cadre de la Constitution du 4 octobre 1958, n’a plus aucune raison d’être.

En revanche, comme le souligne le « comité Balladur », « s’il advenait, à l’usage, que les groupes de l’opposition parlementaire souhaitent tirer des conclusions politiques de l’allocution du chef de l’État, ils auraient tout loisir de le faire ensuite dans l’une ou l’autre des deux assemblées, selon les procédures existantes, lesquelles peuvent permettre, devant l’Assemblée nationale, la mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement si les conditions en sont réunies ».

Par ailleurs, le premier alinéa de l’article 18 serait conservé en l’état et serait donc maintenue la possibilité pour le chef de l’État de faire lire devant chaque assemblée un message écrit.

La Commission a examiné trois amendements de suppression, le premier de M. Noël Mamère, le deuxième de M. Jean-Claude Sandrier et le troisième de M. Arnaud Montebourg, qui a exprimé son opposition à la venue du Président de la République devant le Parlement. Il a souligné que cet article aurait pour effet d’accroître les pouvoirs du chef de l’État, qui dispose du droit de dissoudre l’Assemblée nationale. Il a estimé que le dispositif actuel de lecture de message du Président de la République devant les assemblées parlementaires fonctionnait parfaitement. Il a souligné que seul le Gouvernement, qui est responsable politiquement devant l’Assemblée nationale, pouvait s’exprimer devant elle. Rappelant que le Président de la République était à la fois un responsable politique et aussi l’incarnation spirituelle de la République elle-même, à l’image des deux corps du roi définis par Ernst Kantorowicz, il a exprimé la crainte que sa venue devant le Parlement ne conduise à abaisser sa fonction.

Le rapporteur a rappelé que l’interdiction faite au Président de la République de s’exprimer devant le Parlement résultait d’un vote de la majorité monarchiste visant à empêcher Adolphe Thiers d’exprimer ses convictions républicaines devant les parlementaires. Le Gouvernement étant responsable devant l’Assemblée nationale, il a indiqué qu’un de ses amendements visait à ne permettre au Président de la République de ne s’exprimer que devant le Parlement réuni en Congrès et de débattre, hors sa présence, sans que les parlementaires ne puissent procéder à un vote. Il a précisé qu’en pratique le Président de la République ne mettrait en œuvre cette procédure que pour des discours de grande importance.

Après avoir approuvé la proposition du rapporteur, M. Claude Goasguen a rappelé que l’interdiction faite au Président de la République de s’exprimer devant le Parlement n’était pas gravée dans le marbre. Il a précisé que le Président ne pourrait évoquer devant le Congrès que les sujets relevant des compétences qu’il tire de l’article 5 de la Constitution. Il a donc souligné que le dispositif proposé était équilibré.

M. René Dosière a rappelé que le Président était à la fois le « père de la Nation », à l’égard duquel le respect républicain s’impose, et un responsable politique que l’on peut contester. Il a donc exprimé la crainte que le mécontentement des parlementaires à l’égard du responsable politique ne vienne dégrader la fonction de Président de la République.

M. Sébastien Huyghe a indiqué que le dispositif proposé ne conduirait pas à abaisser la fonction présidentielle mais au contraire à renforcer le rôle du Parlement, qui découvre aujourd’hui les grandes orientations définies par le Président de la République dans les médias. Il a en revanche émis une réserve sur la formulation retenue par le rapporteur, estimant que le discours du Président de la République ne devrait pas être suivi d’un débat.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec a souligné qu’il existait un risque de confrontation entre le Parlement et le Président de la République. Il a rappelé que les parlementaires pourraient montrer leur défiance à l’égard du Président de la République, par exemple par leur absence dans l’hémicycle, comme cela a pu être observé récemment lors de la visite d’un chef d’État étranger. Il a donc estimé que ce dispositif risquait de porter atteinte à la fonction présidentielle.

Le rapporteur a estimé, au contraire, que le recours au Congrès permettait de garantir la solennité du discours du Président de la République. Il a jugé que la question soulevée par M. Sébastien Huyghe méritait d’être approfondie.

La Commission a alors rejeté les trois amendements de suppression de cet article.

Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde prévoyant que la lecture d’un message du Président de la République devant les deux assemblées est une faculté.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant que le Président de la République peut prendre la parole devant le Parlement réunit en Congrès et que sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat sans vote, le groupe SRC ayant indiqué qu’il s’opposait à cet amendement (amendement n° 49). En conséquence, quatre amendements de M. Jean-Christophe Lagarde sont devenus sans objet, le premier précisant qu’hormis le cas des interventions militaires extérieures, le discours ne peut intervenir qu’une fois par an, le deuxième prévoyant que ce discours ne peut avoir lieu que devant le Congrès, le troisième et le quatrième précisant que le débat a lieu en présence du Président de la République.

La Commission a ensuite rejeté un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde empêchant le Président de la République de s’exprimer devant le Parlement lorsqu’une révision constitutionnelle est engagée.

Elle a adopté l’article 7 ainsi modifié.

Article 8

(art. 21 de la Constitution)


Clarification du rôle du Premier ministre en matière de défense nationale

Cet article vise à clarifier la répartition des attributions entre le Président de la République et le Premier ministre en matière de défense nationale. La Constitution leur confère en effet à tous deux des prérogatives importantes en ce domaine ; l’imbrication des responsabilités, inhérente au « bicéphalisme » de l’exécutif, se retrouve dans les textes législatifs et réglementaires organisant la défense nationale. L’article L. 1111-2 du code de la défense témoigne de cette situation, en confiant globalement au « pouvoir exécutif, dans l’exercice de ses attributions constitutionnelles », le soin de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et l’intégrité du territoire, ainsi que la vie de la population.

1. L’ambiguïté du partage des responsabilités en matière de défense nationale

a) Le Premier ministre, responsable de la défense nationale

L’article 21 de la Constitution dispose que le Premier ministre est « responsable de la défense nationale » et son article 20 que le Gouvernement « dispose de l’administration et de la force armée ». Cette rédaction diffère substantiellement de celle retenue par l’article 47 de la Constitution de 1946 pour les pouvoirs du président du Conseil : « Le Président du conseil assure la direction des forces armées et coordonne la mise en œuvre de la défense nationale ».

Les travaux du comité consultatif constitutionnel apportent un éclairage utile sur la volonté des constituants d’insister sur l’importance du rôle du Premier ministre pour l’efficacité de la défense nationale. Le comité consultatif avait deux préoccupations : insister sur le caractère interministériel et les dimensions civiles et économiques de la défense, d’une part, et, en réaction à la pratique de la IVe République, éviter que le Premier ministre ne délègue de manière systématique ses attributions au ministre des forces armées. Raymond Janot, commissaire du gouvernement, soulignait cette nécessité devant le comité consultatif le 6 août 1958 : « Il est apparu que les décisions à intervenir en matière de défense nationale exigeaient un arbitrage entre les différents ministères qui ne sont pas seulement des ministères militaires, mais des ministères civils et militaires, notamment pour les problèmes économiques, la protection civile, etc., etc. Or, il est certain que, pratiquement, il est extrêmement difficile que soit opéré un arbitrage concernant la défense nationale, si les attributions de défense nationale sont déléguées au ministre des forces armées. Ceci est une expérience à peu près constante, qui a été faite sous la IVe République, et qui a été éprouvée d’une façon particulièrement pénible par un certain nombre d’organismes administratifs qui ont été mis, en raison de cette répartition des compétences gouvernementales, dans la quasi-impossibilité de remplir leurs fonctions. » (338)

Les attributions du Premier ministre sont déclinées dans les textes législatifs et réglementaires, regroupés depuis une ordonnance du 20 décembre 2004 (339) dans le code de la défense. L’article L. 1131-1 du code de la défense, issu d’une ordonnance du 7 janvier 1959 (340) dont une partie de la doctrine a pu conclure qu’elle révélait une « prééminence juridique du Premier ministre en matière militaire » (341), définit les responsabilités du Premier ministre de manière très extensive : en tant que responsable de la défense nationale, il « exerce la direction générale et la direction militaire de la défense. À ce titre, il formule les directives générales pour les négociations concernant la défense et suit le développement de ces négociations. Il décide de la préparation et de la conduite supérieure des opérations et assure la coordination de l’activité en matière de défense de l’ensemble des départements ministériels. » L’article 11 de la même ordonnance, ultérieurement remis en cause par un décret (342) du Général de Gaulle, disposait également que le comité de défense restreint, où sont prises les décisions en matière de direction militaire de la défense, était réuni « à la diligence du Premier ministre, qui en fixe la composition pour chaque réunion ».

Pour exercer ces responsabilités et coordonner l’action gouvernementale, le Premier ministre exerce la tutelle de nombreux organismes, dont le Secrétariat général de la défense nationale (article R. 1132-1 du code de la défense), l’Institut des hautes études de la défense nationale (article R. 1132-12), le comité d’action scientifique de la défense (article D. 1132-34), le comité interministériel du renseignement (article D. 1132-39), la commission interministérielle de coordination des instances de contrôle des transferts intéressant la défense et la sécurité (article D. 1132-43), la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (article D. 1132-53), le comité interministériel aux crises nucléaires ou radiologiques et la commission interministérielle pour la sécurité des systèmes d’information.

Le Premier ministre est également l’autorité de décision dans le domaine des exportations d’armement, conformément à un arrêté du 2 octobre 1992 (343).

Enfin, en plus des attributions spécifiques qu’il tient des articles 20 et 21 de la Constitution, il contresigne les actes pris par le Président de la République en application des articles 13 et 15, dispose du pouvoir réglementaire prévu par l’article 21 et de l’initiative des lois prévue par l’article 39. Outre le budget, l’article 34 de la Constitution place notamment dans le domaine législatif les sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens, les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’État et les principes fondamentaux de l’organisation générale de la défense nationale.

b) Le Président de la République, chef des armées

L’article 16 de la Constitution pourrait trouver à s’appliquer en cas d’agression armée contre la France ou d’actions de déstabilisation (344). C’est d’ailleurs en réaction à l’invasion des troupes allemandes en 1940, au cours de laquelle le Président de la République, Albert Lebrun, s’était révélé impuissant à prendre les décisions nécessaires, que le Général de Gaulle a souhaité l’inscription de dispositions spécifiques dans la Constitution ; et c’est une action de déstabilisation menée par quatre généraux qui a donné lieu à la seule application de l’article 16, en 1961.

En dehors de ces circonstances d’une extrême gravité, les attributions militaires du Président de la République sont fixées par l’article 15 : il « est le chef des armées. Il préside les conseils et comités supérieurs de la défense nationale. »

L’article 33 de la Constitution de 1946 disposait : « Le Président de la République préside (…) le Conseil supérieur et le comité de la défense nationale et prend le titre de chef des armées ». Il ne s’agit plus, avec la Ve République, de marquer, dans la continuité de la tradition républicaine ancienne, la primauté du pouvoir civil sur le militaire, mais de donner une réelle substance à une attribution jusqu’alors essentiellement nominale (345). Il s’agit bien de confier au chef de l’État la direction effective, et pas seulement symbolique, de la défense nationale.

Les pouvoirs prévus à l’article 15 doivent en effet être articulés avec ceux de l’article 52 en vertu duquel le Président de la République négocie et ratifie les traités, de l’article 13 en application duquel il nomme aux emplois civils et militaires de l’État (346), et, surtout, avec la mission, que l’article 5 lui assigne, d’être le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. L’article 15 lui donne ainsi le titre et les moyens nécessaires à l’accomplissement de cette mission.

Les conseils mentionnés à l’article 15 sont prévus par l’article L. 1111-3 du code de la défense. Il s’agit du conseil de défense, où sont arrêtées les décisions en matière de direction générale de la défense, et du conseil de défense restreint, où sont arrêtées les décisions en matière de direction militaire de la défense. La politique de la défense est quant à elle définie en Conseil des ministres.

L’ordonnance de 1959 pouvait laisser penser que la présidence de ces conseils était purement formelle, le pouvoir de décision revenant en fait au Premier ministre, qui avait en particulier le pouvoir de convoquer et de fixer la composition du comité de défense restreint et de suppléer le Président de la République dans la présidence de ces conseils. Le décret du 18 juillet 1962 précité, pris par le Général de Gaulle en application de cette ordonnance, affirme au contraire le rôle prééminent du Président de la République dans ces conseils, qui sont « réunis et présidés par le Président de la République » (article 1er), alors que « le Premier ministre assure la mise en œuvre de ces décisions par le Gouvernement » (article 2). L’actuel article L. 1321-2 du code de la défense confirme le rôle décisionnel du Président de la République dans les conseils de défense puisqu’il mentionne, à propos des secteurs de sécurité délimités autour des installations prioritaires de défense, une décision prise « par le Président de la République en conseil de défense » et non par le conseil de défense.

En matière nucléaire, enfin, la responsabilité du Président de la République n’est plus contestée. C’est à lui qu’il revient, en application de l’article R. 1411-5 du code précité, de donner l’ordre d’engagement des forces nucléaires ; l’inspection des armements nucléaires est également placée sous son autorité directe. Le décret pris par le Général de Gaulle le 14 janvier 1964 (347), qui confie au ministre des armées l’organisation, la gestion et la mise en condition d’emploi de la « force de frappe » dont la France vient de se doter et réserve au Président de la République le pouvoir de l’engager, avait été très vivement contesté par l’opposition à l’époque, notamment lors d’une séance de questions à l’Assemblée nationale le 24 avril 1964. François Mitterrand et Paul Coste-Floret fondaient leurs critiques sur deux articles de la Constitution : l’article 34 qui réserve à la loi les principes fondamentaux de l’organisation de la défense et l’article 21 qui fait du Premier ministre le responsable de la défense nationale. Mais la réponse que leur fit le Premier ministre Georges Pompidou s’est imposée : la dissuasion reposant sur la crédibilité de la menace, seul l’élu direct du suffrage universel a une autorité suffisante pour formuler valablement celle-ci. Personne n’a depuis remis en cause la responsabilité exclusive du Président de la République dans l’utilisation de la dissuasion nucléaire. Devenu Président de la République, François Mitterrand revendiquera cet héritage : « la pièce maîtresse de la stratégie de dissuasion en France, c’est le chef de l’État, c’est moi » (348).

2. Le rôle fondamental du Président de la République consacré
par la pratique institutionnelle

Si les interprétations de la répartition des responsabilités opérée par les articles 15 et 21 de la Constitution divergent, la pratique a consacré la prééminence du Président de la République, tout en maintenant au Premier ministre des prérogatives importantes, particulièrement en période de cohabitation. La pratique de la Ve République ne correspond plus que de manière lointaine aux textes applicables.

Alors que le texte de la Constitution et, surtout, l’ordonnance du 7 janvier 1959 prise quelques mois plus tard pouvaient justifier une lecture primo-ministérielle du partage des pouvoirs en matière de défense, un glissement des prérogatives du Premier ministre vers le Président de la République s’est opéré sous l’influence du Général de Gaulle et a été confirmé par ses successeurs.

Plusieurs facteurs ont permis cette évolution. Tout d’abord, la carrière militaire du Général de Gaulle, sa personnalité et sa conception des institutions, connue depuis le discours de Bayeux, semblaient difficilement compatibles avec l’ordonnance de 1959 et l’étendue des pouvoirs qu’elle attribuait au Premier ministre. Certains auteurs ont expliqué cette contradiction par la volonté, exprimée par l’ordonnance, de rassurer une opinion qui s’en tenait encore à une lecture parlementaire de la Constitution. Toujours est-il que cette ordonnance n’apparaissait en harmonie ni avec les circonstances de l’époque, ni avec la personnalité des acteurs politiques, ni même avec plusieurs dispositions que le Général de Gaulle avait fait insérer dans la Constitution, comme les articles 5 et 16.

L’engagement personnel du Général de Gaulle dans la résolution de la crise algérienne et ses désaccords avec son Premier ministre Michel Debré sur cette question ont ensuite conduit à un recentrage du processus de décision autour d’une institution rattachée directement au Président de la République, le Comité des affaires algériennes, créé le 13 février 1960. Ce comité, qui regroupait autour du chef de l’État le Premier ministre, les ministres concernés et les responsables civils et militaires en Algérie, avait notamment pour but de permettre au Président de transmettre directement ses instructions à tous ceux qui avaient la charge de conduire la politique sur le terrain.

La « présidentialisation » de la défense nationale découle également de deux évolutions majeures apparues au début des années 1960. La première, qui n’est pas spécifique aux questions de défense, est l’élection du Président de la République au suffrage universel en 1962 ; la seconde est l’acquisition par la France de capacités de dissuasion nucléaire. Comme on l’a vu, seul l’élu du suffrage universel direct a la légitimité et l’autorité nécessaires pour prendre la décision d’engagement des forces nucléaires, dans des délais qui s’accommodent mal de la collégialité.

Si l’existence d’un « domaine réservé » a toujours été niée, y compris par Jacques Chaban-Delmas, l’inventeur de la formule, la logique politique – celle de la primauté présidentielle – et la logique stratégique – celle de la primauté nucléaire – l’ont emporté sur l’ambiguïté du texte constitutionnel, se conjuguant pour donner au Président un rôle fondamental. Tous les Présidents de la Ve République ont attaché une importance particulière aux questions de défense et plus précisément aux questions militaires. Ils se sont toujours réservé le soin de prendre les décisions essentielles dans ce domaine, même en période de cohabitation.

Lorsque le Président de la République et le Premier ministre sont issus de la même tendance politique, la prééminence du chef de l’État découle de la logique politique, encore renforcée par le quinquennat et la succession des élections présidentielle et législatives. Le texte actuel de la Constitution n’empêche pas le Président de fixer lui-même les orientations de la politique de la Nation, qu’il revient au Premier ministre de mettre en œuvre. C’est particulièrement le cas dans le domaine de la défense, où la Constitution lui reconnaît des responsabilités particulières. En matière militaire, le Président de la République a toujours décidé de l’engagement des troupes. Le Président Mitterrand avait expliqué ainsi le processus de prise de décision pendant la guerre du Golfe : « Pour ce qui touche aux décisions d’ordre militaire, elles relèvent de moi. Mais, bien entendu, je n’agis pas comme cela de mon propre mouvement, sans consulter, sans avoir l’avis du Gouvernement. » (349)

Pendant les trois périodes de cohabitation que la France a connues, la défense nationale est devenue, à des degrés divers, un « domaine partagé », un Premier ministre issu d’une majorité nouvellement élue ne pouvant s’effacer totalement devant un Président de la République désavoué par les électeurs. Compte tenu des pouvoirs que le Premier ministre et le Gouvernement détiennent en matière budgétaire, réglementaire, de contreseing ou d’initiative des lois, leur accord est indispensable. Les prérogatives du chef de l’État en tant que chef des armées ont cependant toujours été respectées, lui permettant d’exercer une influence dont il était privé dans les autres champs d’action du Gouvernement et de conserver un pouvoir de décision.

Il est, en particulier, acquis qu’aucun soldat français ne peut être envoyé à l’étranger sans que le chef de l’État en décide. Les exemples de l’autorité conservée par le chef de l’État sont nombreux, de l’influence du Président François Mitterrand sur la loi de programmation militaire de 1987 à la suppression du service national décidée par le Président de la République, M. Jacques Chirac, et mise en œuvre par le gouvernement de M. Lionel Jospin. Plusieurs opérations d’envergure ont de plus été décidées en période de cohabitation, par exemple au Rwanda en 1994, au Kosovo en 1999 et en Afghanistan en 2001.

3. Une clarification souhaitée à plusieurs reprises

Les ambiguïtés du texte constitutionnel ont déjà été soulignées à de nombreuses reprises par la doctrine et des propositions pour y remédier ont été émises.

a) La proposition du « comité Vedel »

Le Président François Mitterrand avait chargé le « comité Vedel » de réfléchir, entre autres améliorations possibles de la Constitution, aux moyens de remédier aux imprécisions du texte constitutionnel concernant les « rôles respectifs du Président et du Gouvernement dans la politique de la Nation et dans la conduite de la défense ». Sa lettre de mission précisait « qu’il n’y a pas, qu’il ne doit pas y avoir de domaine réservé ».

Après avoir constaté la prééminence de fait du Président de la République et souligné le rôle nécessairement plus marqué du Premier ministre pour la défense que pour les relations internationales, le comité avait proposé de préciser que ce dernier était responsable de « l’organisation de la défense nationale », et non « de la défense nationale ». L’articulation des pouvoirs du Président de la République et du Premier ministre conduirait ainsi à l’affirmation d’une primauté du Président, traduite dans la conception et la définition des objectifs, cependant que le Gouvernement serait responsable, devant le Parlement, de la mise en œuvre des choix de stratégie, d’équipement et de répartition des moyens.

Cette proposition n’a finalement pas été retenue dans le projet de loi constitutionnelle (350) déposé sur le bureau du Sénat, l’exposé des motifs précisant que, parmi les propositions du comité tendant à clarifier les prérogatives des responsables de l’exécutif, certaines avaient été écartées parce que peu opportunes ou parce qu’elles n’apportaient pas un réel progrès ou de véritables solutions aux problèmes évoqués.

b) Les propositions du « comité Balladur » et le présent projet de loi constitutionnelle

Dans sa lettre de mission au « comité Balladur », le Président de la République demandait audit comité d’examiner dans quelle mesure les articles de la Constitution qui précisent l’articulation des pouvoirs du Président de la République et du Premier ministre devraient être clarifiés pour prendre acte de l’évolution qui a fait du Président de la République le chef de l’exécutif.

Non sans avoir relevé qu’il convenait de ne pas priver nos institutions de la souplesse nécessaire en cas de cohabitation, le comité a proposé de modifier les articles 5 et 20 de la Constitution, afin de confier au Président de la République le soin de définir la politique de la Nation et au Gouvernement celui de la conduire. En conséquence, il a proposé que le rôle du Premier ministre en matière de défense nationale, défini à l’article 21, soit de mettre en œuvre les décisions prises dans les conditions prévues à l’article 15, qui dispose que le Président de la République est le chef des armées et qu’il préside les conseils de défense.

La modification des articles 5 et 20 proposée par le comité n’a pas été retenue dans le projet de loi constitutionnelle, au motif que la clarification des rôles entre le Président de la République et le Premier ministre posait plus de problèmes qu’elle n’en résolvait, en l’absence de basculement vers un système totalement présidentiel ou totalement parlementaire. En revanche, a été retenue la modification proposée à l’article 21 pour clarifier les responsabilités en matière de défense nationale, le Premier ministre étant chargé de la mise en œuvre des décisions prises en conseil de défense par le Président de la République. Comme l’a souligné le professeur Olivier Gohin lors de son audition par le rapporteur, le code de la défense, qui a été construit autour de la responsabilité du Premier ministre, devrait le cas échéant être modifié en conséquence.

La clarification proposée pourrait paraître correspondre à l’esprit de la Ve République et à la pratique institutionnelle – qui reconnaît le rôle prééminent du Président de la République en matière de défense nationale – et mettre fin au décalage constaté de longue date entre la rédaction ambiguë de la Constitution et la réalité d’une primauté présidentielle largement reconnue.

Elle suscite cependant plusieurs réserves. Tout d’abord, l’équilibre actuel est issu de cinquante années de pratique ; les institutions se sont adaptées aux ambiguïtés de la rédaction de la Constitution de 1958 et l’efficacité de la défense nationale n’en a semble-t-il pas souffert jusqu’ici. La Constitution a fait la preuve de son adaptabilité en permettant à la défense de fonctionner de manière satisfaisante dans toutes les configurations, que ce soit avec un Président et un Gouvernement de même tendance ou de tendances opposées, que le Président soit issu de la gauche ou de la droite. Il n’est pas certain que dans l’hypothèse d’une nouvelle cohabitation, rendue certes plus improbable par la concordance actuelle des élections présidentielle et législatives, mais pas impossible, le système proposé par le Gouvernement aurait la même souplesse. L’apparente ambiguïté du texte ne fait-elle pas que refléter le « bicéphalisme » de l’exécutif, consubstantiel à la Ve République ? L’unité de commandement en matière militaire est certes indispensable, mais elle n’a jamais été remise en cause.

La défense nationale n’a en outre pas qu’une composante militaire ; elle a également des dimensions civiles et économiques qui relèvent de la conduite de la politique de la Nation, dont la responsabilité incombe au Gouvernement. S’il appartient effectivement au Premier ministre de veiller à la mise en œuvre par le Gouvernement des décisions prises en conseil de défense, comme le précise déjà l’article D. 1131-1 du code de la défense, cette tâche nécessaire ne saurait faire la somme de ses responsabilités.

Enfin, la rédaction proposée pose le problème de la responsabilité de l’exécutif devant le Parlement. Le Gouvernement est certes toujours collectivement responsable devant le Parlement en application de l’article 49 de la Constitution. On peut toutefois s’interroger sur la signification réelle de cette responsabilité dès lors qu’il ne fait que mettre en œuvre les décisions du Président de la République et que la mention expresse de la responsabilité du Premier ministre en matière de défense nationale, qui figure dans la Constitution depuis cinquante ans, est retirée.

La Commission a adopté quatre amendements identiques de suppression du rapporteur, de M. Noël Mamère, de M. Jean-Claude Sandrier et de M. Arnaud Montebourg (amendement n° 50). Le rapporteur a indiqué que la suppression de cet article correspondait à l’opinion majoritairement exprimée lors des auditions. En conséquence, un amendement de M. François Bayrou tendant à ne pas retirer au Premier ministre la responsabilité de la défense nationale est devenu sans objet.

L’article 8 est ainsi supprimé.

Article additionnel après l’article 8

(art. 23 de la Constitution)


Incompatibilité entre fonction ministérielle et fonction exécutive locale

La Commission a rejeté deux amendements identiques de M. Noël Mamère et de M. René Dosière prévoyant que les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat électif. M. René Dosière a estimé que les fonctions ministérielles devaient être exercées à plein temps, tandis que le rapporteur jugeait l’amendement excessif. La Commission a rejeté un amendement de M. René Dosière étendant aux ministres les incompatibilités applicables aux parlementaires.

Elle a ensuite été saisie d’un amendement de M. Arnaud Montebourg prévoyant que les membres du Gouvernement ne pouvaient être ni maire d’une commune de plus de 20 000 habitants, ni président de conseil général, ni président de conseil régional. Après avoir souligné la portée plus limitée de cet amendement, le rapporteur a toutefois relevé son manque de cohérence puisqu’il ne prévoit pas d’incompatibilité avec les fonctions de président d’un établissement public de coopération intercommunale mais il a déclaré ne pas élever d’objection dirimante à son adoption. La Commission a alors adopté cet amendement (amendement n° 51).

Article 9

(art. 24 de la Constitution)


Missions et composition du Parlement

La question de la place du Parlement dans la nouvelle Constitution en 1958 n’allait pas de soi : « Le fait que le régime ait précédé le Parlement, que les institutions aient été élaborées en dehors des assemblées après simple consultation d’un comité consultatif constitutionnel composé en majorité de parlementaires n’est pas le moindre des facteurs qui ont influencé et déterminé le nouveau Parlement. » (351)

Depuis lors, le Parlement, toujours décrié parce que dévalorisé – mais l’on sait que ce thème est né avec le Parlement lui-même –, a su trouver sa place dans nos institutions et développer de nouvelles compétences, tandis que la composition de la seconde chambre a fait constamment l’objet de critiques.

Le présent article permet de prendre en considération le champ exact des compétences du Parlement et donne un ancrage constitutionnel à la possibilité de mieux prendre en compte les différences démographiques entre collectivités territoriales dans la composition du collège électoral désignant les sénateurs. Il permet, enfin, d’assurer une meilleure représentation des Français établis hors de France en prévoyant qu’ils puissent désigner également des députés en sus des sénateurs qu’ils élisent déjà de manière indirecte.

1. La définition des missions et fonctions du Parlement

Le présent article a pour objet d’introduire dans l’article 24 de la Constitution une définition des missions du Parlement.

La Constitution ne mentionne à l’heure actuelle que de manière éparse les différentes missions qui incombent à celui-ci. L’article 34 précise que « la loi est votée par le Parlement ». L’article 47 confie au Parlement le soin de voter les lois de finances et d’en contrôler l’exécution, tandis que l’article 47-1 prévoit qu’il vote et contrôle l’application des lois de financement de la sécurité sociale. L’article 49 dispose que la responsabilité du Gouvernement est engagée devant l’Assemblée nationale. L’article 68 confie au Parlement constitué en Haute Cour le soin de prononcer la destitution du Président de la République. L’article 24, qui est le premier article du titre de la Constitution consacré au Parlement, n’apporte qu’une définition matérielle du Parlement (composition bicamérale, modes d’élection de ses membres).

Dans le cadre d’une revalorisation du rôle du Parlement, une définition constitutionnelle explicite et unifiée de ses missions semble donc nécessaire.

Le rapport du « comité Vedel » reconnaissait déjà en 1993 : « il ne paraît pas inutile de préciser dans le texte constitutionnel ce qu’est la mission du Parlement. D’une part, les articles 5 et 20 de la Constitution respectivement consacrés au Président de la République et au Gouvernement donnent une définition d’ensemble de la mission dévolue à chacune de ces autorités : il est bon qu’il en soit usé de même avec le Parlement. D’autre part et surtout, l’évolution même des assemblées dans les démocraties contemporaines tend, à côté du vote de la loi qui reste la fonction première du Parlement, mais s’exerce dans des conditions très différentes de celles qui prévalaient dans le passé, à l’apparition et au renforcement de la fonction de contrôle de l’activité gouvernementale assortie d’une meilleure implication dans le suivi de l’application des lois. » (352)

Sous la précédente législature, la proposition de loi constitutionnelle de notre ancien collègue Paul Quilès (353), rapportée devant notre commission des Lois (354) puis adoptée par l’Assemblée nationale le 18 mai 2006 (355) avait pour objet d’inscrire dans la Constitution la mission du Parlement en matière de contrôle de l’application et de l’exécution des lois.

Le « comité Balladur », constatant les limites du système actuel de contrôle parlementaire, a souhaité « définir les voies et moyens d’un contrôle parlementaire digne d’une démocratie moderne ». Il a, pour cette raison, proposé de préciser le texte même de la Constitution « de telle sorte que cette mission de contrôle soit expressément dévolue au Parlement » (356). Par conséquent, ce contrôle ne doit pas se limiter au contrôle de la mise en application des lois, mais s’étendre au contrôle des politiques publiques et de l’ensemble de l’action gouvernementale.

C’est la raison pour laquelle le premier alinéa de l’article 24 de la Constitution, définissant les missions du Parlement, prévoit de mentionner, d’une part, sa mission législative et, d’autre part, sa mission de contrôle.

a) Le Parlement législateur

La fonction législative du Parlement est actuellement mentionnée à l’article 34 de la Constitution, dont le premier alinéa dispose : « La loi est votée par le Parlement ».

Il est proposé d’introduire au premier alinéa de l’article 24 de la Constitution la définition de cette fonction législative : « le Parlement vote la loi ».

Comme le résumait déjà Raymond Carré de Malberg : « Suivant l’analyse communément présentée par la doctrine courante, les diverses étapes par lesquelles doit passer toute loi pour prendre naissance et pour entrer en vigueur, sont au nombre de cinq : l’initiative, la délibération, l’adoption, la promulgation, la publication » (357).

L’initiative législative est partagée par le Premier ministre et par les parlementaires à titre individuel, conformément au premier alinéa de l’article 39 de la Constitution. Cette initiative permet tant le dépôt de projets ou propositions de loi que le dépôt d’amendements sur ces textes (qui sont en quelque sorte une initiative au sein de l’initiative).

La délibération est la procédure originale et propre aux assemblées par lesquelles celles-ci, éclairées par le Gouvernement (358), discutent et adoptent les initiatives qui leur sont présentées. Dans certaines hypothèses, le travail législatif peut trouver un terme avant l’adoption définitive d’un texte de loi, soit qu’une assemblée adoptant une motion de procédure renonce à poursuivre l’examen d’un projet ou d’une proposition de loi, soit qu’elle vote un rejet du texte, soit que le texte adopté par une assemblée ne soit pas inscrit à l’ordre du jour de l’autre assemblée.

L’adoption (ou vote) de la loi est la troisième étape de la procédure législative (et la dernière étape parlementaire). L’adoption confère à la loi sa qualité de loi. Si la promulgation, qui doit être assurée par le Président de la République dans les quinze jours qui suivent la transmission de la loi, conditionne l’entrée en vigueur de la loi, elle ne fait que prolonger et certifier l’acte du législateur. Le droit dont dispose le Président de la République de demander au Parlement une « nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles » (article 10 de la Constitution) confirme le fait que le Parlement est seul compétent pour délibérer et voter la loi.

NOMBRE DE LOIS ADOPTÉES PAR LE PARLEMENT

Législature

Lois adoptées

IXe (1988-1993)

304

Xe (1993-1997)

232

XIe (1997-2002)

228

XIIe (2002-2007)

233

Raymond Carré de Malberg considérait que l’adoption résumait à elle seule l’acte du législateur : « cette adoption est (de sa part) un acte de complète puissance législative » (359). En se fondant sur une analyse similaire, il est possible de résumer la fonction législative du Parlement par les mots : « le Parlement vote la loi ».

Il convient de mentionner une exception à l’exercice du pouvoir législatif par le Parlement, prévue par l’article 11 de la Constitution : « le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées publiées au Journal officiel, peut soumettre tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la Nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ». Le résultat positif du référendum a pour conséquence la promulgation de la loi (appelée pour cette raison loi référendaire) dans les quinze jours qui suivent la proclamation des résultats. Dans un tel cas, le Parlement n’est pas associé à la confection de la loi autrement que par une déclaration du Gouvernement suivie d’un débat.

La procédure d’adoption d’une loi par voie référendaire, qui est donc une exception significative au pouvoir de voter la loi accordé au Parlement, a été utilisée, comme on l’a vu, à huit reprises depuis 1958 (360). L’exigence que la proposition formulée par le Gouvernement intervienne pendant la durée des sessions parlementaires et qu’elle soit accompagnée d’une déclaration suivie d’un débat doit permettre à l’Assemblée nationale, en cas de désaccord, de manifester son opposition par le dépôt et le vote d’une motion de censure. Le fait que l’adoption de cette motion de censure ne mette pas un terme à la procédure d’adoption d’une loi référendaire (361) manifeste néanmoins le fait que le Parlement est entièrement dessaisi du pouvoir législatif dans ce cas.

S’il est pertinent de résumer la fonction législative par le vote, un certain nombre d’arguments pourraient toutefois plaider en faveur de la mention de la mission délibérative du Parlement dans le premier alinéa de l’article 24 de la Constitution.

La Constitution du 4 octobre 1958 consacre déjà le fait que la délibération est une fonction qui caractérise l’action législative du Parlement. Le second alinéa de l’article 10 de la Constitution prévoit en effet que le Président de la République peut « demander au Parlement une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles ».

Le terme de délibération permettrait également de faire référence au pouvoir conféré au Parlement par l’article 68 de la Constitution pour destituer le Président de la République. Maurice Hauriou, qui préférait aux termes de « pouvoir législatif » ceux de « pouvoir délibérant », « parce que la délibération est le mode d’opération des organes de ce pouvoir » (362), considérait que les différentes fonctions exercées par le Parlement (faire les lois, voter des subsides et impôts pour les besoins de l’État, contrôler le pouvoir exécutif par le jeu de la responsabilité ministérielle, exercer une fonction juridictionnelle) trouvaient leur unité dans cette « opération de la volonté qui, ici, est la délibération » (363).

Enfin, le présent projet de loi constitutionnelle, en introduisant dans la Constitution le droit pour le Parlement de voter des résolutions (364), conférerait à ce dernier une faculté qui ne correspondrait ni au vote de la loi ni au contrôle de l’action du Gouvernement. Cette faculté ne pourrait être mieux qualifiée que par le terme de délibération.

b) Le Parlement organe de contrôle de l’action du Gouvernement

Le rôle du Parlement de contrôle de l’action du Gouvernement n’est mentionné par la Constitution que de manière sectorielle, dans le cadre des articles relatifs aux lois de finances (article 47) et aux lois de financement de la sécurité sociale (article 47-1) et de l’article relatif à la fixation de l’ordre du jour prévoyant des séances réservées aux questions au Gouvernement (article 48), et de manière implicite, dans le cadre des articles prévoyant que la responsabilité du Gouvernement peut être mise en jeu devant le Parlement (articles 49 et 50).

Si l’absence de mention générale de la fonction de contrôle du Parlement n’a pas empêché chacune des deux assemblées de la développer et de mettre en place des procédures de plus en plus nombreuses et adaptées à l’exigence nouvelle d’évaluation des législations et des politiques publiques, elle n’en a pas moins pour conséquence de limiter l’étendue de ce contrôle.

• Les commissions d’enquête parlementaires

Dans l’histoire parlementaire française, l’une des formes les plus abouties du contrôle est celle des commissions d’enquête parlementaires.

Les propos du député Martin (du Nord), rapporteur de la première commission parlementaire créée pour procéder à des investigations, tenus en 1832, sont toujours d’actualité : « Il faut qu’on se pénètre bien de cette vérité que les droits et les devoirs de la Chambre ne se bornent pas à étudier les vœux et les besoins de la France, à lui donner des lois ou à fixer ses impôts, il faut qu’on sache aussi qu’un désordre grave ne peut pas signaler un vice dans l’administration sans que la Représentation nationale s’en inquiète, porte un regard scrutateur sur les causes du mal, et révèle le résultat de ses investigations quelles que puissent être les conséquences. » (365) Depuis lors, la constitution d’une commission d’enquête est décidée par l’adoption d’une résolution en séance publique.

Le rôle, les conditions de création et les pouvoirs des commissions d’enquête sont définis par l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. Ces commissions « sont formées pour recueillir des éléments d’information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l’assemblée qui les a créées ». Elles ne peuvent toutefois être créées lorsque des poursuites judiciaires sont en cours pour les faits que la commission se propose d’étudier. À la précision de leur objet s’ajoute la durée limitée à six mois de leur mission (366). Elles sont composées à la proportionnelle des groupes politiques. Le pluralisme politique de leur composition a été renforcé à l’Assemblée nationale par l’adoption d’une résolution du 26 mars 2003 prévoyant que la fonction de président ou celle de rapporteur revient de plein droit à un membre du groupe auquel appartient le premier signataire de la proposition de résolution à l’origine de la création de la commission d’enquête.

Les pouvoirs d’investigation des commissions d’enquête sont très larges. Ils comprennent la possibilité de procéder à des investigations sur pièces et sur place, d’exiger la communication de tous documents d’ordre financier et administratif, de convoquer en audition contraignante.

Les travaux menés par une commission d’enquête bénéficient d’une publicité qui valorise cette activité de contrôle. Dans un premier temps, la publicité se limitait au rapport remis par la commission d’enquête au Président de l’assemblée. Le principe de publicité des auditions a été généralisé par une loi du 20 juillet 1991 (367). Cette forme de publicité fait connaître la mission de contrôle du Parlement et le montre à l’œuvre, de la même manière que la publicité des séances publiques le montre à l’œuvre en tant qu’il légifère. Les niveaux d’audience télévisuelle très élevés atteints par certaines auditions auxquelles a procédé, dans les premiers mois de l’année 2006, la commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite « d’Outreau » et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement, confirment l’utilité et le sens démocratique d’une publicité la plus grande possible donnée aux travaux des commissions d’enquête.

Une résolution du 12 février 2004 modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale a prévu qu’à l’issue d’un délai de six mois suivant la publication du rapport d’une commission d’enquête, un membre de la commission permanente compétente, désigné par celle-ci à cet effet, lui présente un « rapport sur la mise en œuvre des recommandations de ladite commission d’enquête », selon les termes du quatrième alinéa de l’article 143 du Règlement. Le Conseil constitutionnel a toutefois émis une réserve sur ces nouvelles modalités de contrôle, en considérant que « les missions de suivi ainsi définies revêtent un caractère temporaire et se limitent à un simple rôle d’information contribuant à permettre à l’Assemblée nationale d’exercer son contrôle sur la politique du Gouvernement dans les conditions prévues par la Constitution ; qu’en particulier s’agissant des commissions d’enquête, dont les conclusions sont dépourvues de tout caractère obligatoire, le rapport présenté ne saurait en aucun cas adresser une injonction au Gouvernement » (368).

• Le contrôle budgétaire

En matière budgétaire, la tâche de contrôle est confiée aux présidents, rapporteurs généraux et rapporteurs spéciaux des commissions chargées des finances dans chaque assemblée. Ils disposent à cet effet de pouvoirs d’investigation assez semblables à ceux d’une commission d’enquête. Ces différents pouvoirs, qui ont été élevés au niveau organique par la LOLF du 1er août 2001, ont été complétés par la possibilité pour le président de la Commission de recourir à une procédure de référé pour faire cesser l’entrave à la communication des renseignements demandés dans le cadre d’une mission d’évaluation et de contrôle.

En outre, la LOLF prévoit que le Gouvernement doit communiquer un grand nombre d’informations aux commissions des Finances, que ce soit sous la forme de réponses aux questionnaires budgétaires adressés chaque année par les rapporteurs spéciaux, sous la forme de rapports (369), d’annexes à la loi de finances de l’année, dont la liste non exhaustive figure à l’article 51 de la LOLF. Son article 60, qui impartit un délai de deux mois au Gouvernement pour répondre par écrit aux observations notifiées à la suite d’une mission de contrôle et d’évaluation, renforce les conditions d’un contrôle efficace, pouvant se poursuivre de manière constructive. Enfin, les commissions des Finances bénéficient de l’assistance de la Cour des comptes dans leur travail de contrôle et d’évaluation (370).

Afin d’institutionnaliser la fonction de contrôle budgétaire du Parlement, la commission des Finances de l’Assemblée nationale a décidé en février 1999, sur la proposition de notre collègue Didier Migaud, de créer une MEC. Cette mission, dont le programme de travail est annuel, s’inscrit dans une démarche globale et continue qui a pour objet d’analyser des politiques publiques de manière transversale, afin de compléter le travail par définition spécialisé et sectorisé des rapporteurs spéciaux. Elle est composée de dix-huit députés membres de la commission des Finances, dont le président et le rapporteur général de cette commission. La coprésidence d’un député de la majorité et d’un député de l’opposition reflète le souci d’associer l’opposition aux travaux de contrôle. La MEC a présenté vingt-deux rapports entre 1999 et 2007, qui parfois donnent lieu à un suivi, afin d’apprécier la manière dont il a été tenu compte des préconisations de la mission.

Le contrôle budgétaire exercé à l’occasion de l’examen des projets de loi de règlement a également été réformé dans le sens d’un approfondissement. Depuis l’examen du projet de loi de règlement du budget pour 2005, certains budgets font, en effet, l’objet de rapports détaillés des rapporteurs spéciaux, examinés par la commission des Finances et donnant lieu à des débats thématiques lors de l’examen du projet en séance.

• Le contrôle des finances sociales

Les principes guidant le contrôle des finances publiques par le Parlement ont servi de base à la mise en place d’un contrôle des finances sociales, dans le cadre de l’examen annuel et du vote par le Parlement d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur le fondement de l’article 47-1 de la Constitution, introduit par la révision constitutionnelle du 22 février 1996 (371).

Le président et les rapporteurs de la commission saisie au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale disposent des mêmes pouvoirs d’investigation que ceux accordés au président, au rapporteur général et aux rapporteurs spéciaux de la commission des Finances (article L.O. 111-9 du code de la sécurité sociale). En outre, de la même manière qu’en matière de lois de finances, le Gouvernement est chargé de fournir aux parlementaires une information très abondante : réponses aux questionnaires des rapporteurs ; rapports (rapport sur les orientations des finances sociales au cours du dernier trimestre de la session ordinaire) ; annexes aux projets de loi de financement de la sécurité sociale (article L.O. 111-4) ; information avant tout relèvement des plafonds d’avances de trésorerie des régimes de sécurité sociale (article L.O. 111-9-2) ; envoi chaque semestre d’un état des créances et des dettes réciproques de l’État et des régimes de sécurité sociale (article L.O. 111-10-1) ; consultation pour la déclinaison des objectifs de dépense en sous-objectifs (article L.O. 111-10-2). Sur le modèle de la MEC, la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie a prévu, en son article 38, qu’il « peut être créé au sein de la commission de chaque assemblée saisie au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale une mission d’évaluation et de contrôle chargée de l’évaluation permanente de ces lois » (372) (actuel article L.O. 111-10).

Les commissions compétentes en matière de lois de financement de la sécurité sociale ont créé, respectivement en 2004 à l’Assemblée nationale et en 2006 au Sénat, une MECSS, dont le programme de travail annuel prévoit le dépôt de rapports d’information. En outre, le Gouvernement et les organismes de sécurité sociale sont tenus de répondre dans un délai de deux mois aux observations notifiées dans le cadre d’une mission d’évaluation et de contrôle. Les commissions et les MECSS bénéficient également de l’assistance de la Cour des comptes (373).

• Les missions d’information

Les règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat permettent par ailleurs de créer des missions d’information, soit au sein d’une commission permanente, soit communes à plusieurs commissions, missions qui contribuent également à l’exercice par le Parlement de sa fonction de contrôle. Lors du contrôle initial de constitutionnalité du Règlement de l’Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel avait émis une importante réserve d’interprétation sur les dispositions permettant aux commissions permanentes d’exercer un contrôle sur l’activité du Gouvernement. Il les avait en effet déclarées conformes à la Constitution « pour autant que ces dispositions n’attribuent aux commissions permanentes qu’un rôle d’information pour permettre à l’Assemblée d’exercer, pendant les sessions ordinaires et extraordinaires, son contrôle sur la politique du Gouvernement dans les conditions prévues par la Constitution » (374). Cette restriction, pénalisante en termes de continuité du contrôle, a toutefois été singulièrement atténuée par la suite, du fait de l’institution de la session unique par la révision constitutionnelle du 4 août 1995 (375).

Une résolution du 26 mars 2003 a introduit dans l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale un alinéa prévoyant que des missions d’information peuvent être créées par la Conférence des Présidents sur proposition du Président de l’Assemblée nationale. À la différence des rapports des missions d’information créées par une ou plusieurs commissions, les rapports de ces missions créées par la Conférence peuvent donner lieu à un débat sans vote en séance publique. Sur ce point, ces missions se rapprochent des commissions d’enquête, dont le rapport peut également donner lieu à un débat sans vote en séance publique. Si aucun rapport d’une mission d’information créée par la Conférence des Présidents n’a pour l’heure donné lieu à un tel débat, en revanche, il convient de signaler que, sur les dix missions créées au cours de XIIe législature par la Conférence des Présidents, trois ont conduit, en aval, à la discussion puis à l’adoption d’une proposition de loi ou d’un projet de loi directement inspiré par les conclusions de la mission d’information (376).

• Le contrôle de l’application des lois

Le thème du contrôle de l’application des textes de loi est devenu de plus en plus pressant au fur et à mesure que l’inflation législative a fait apparaître avec plus d’ampleur les retards en matière d’adoption des textes réglementaires d’application des dispositions législatives votées par le Parlement.

À ce premier aspect s’est ajouté le souhait de disposer d’évaluations des conséquences de la législation adoptée par le Parlement.

La résolution du 12 février 2004 modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale a pris acte de la nécessité de suivre l’application des lois avec plus d’intensité. Elle a introduit dans le Règlement une disposition prévoyant qu’à l’issue d’un délai de six mois suivant l’entrée en vigueur d’une loi dont la mise en œuvre nécessite la publication de textes réglementaires, le député qui en a été le rapporteur ou, à défaut, un autre député nommé par la commission compétente, présente à la commission un rapport sur la mise en application de cette loi (377).

Cette possibilité a été mise en œuvre progressivement par les différentes commissions au cours de la XIIe législature. Depuis le début de la XIIIe législature, à la commission des Lois ainsi qu’à la commission des Affaires économiques, les rapports sur la mise en application des lois sont confiés conjointement à un rapporteur de la majorité et à un co-rapporteur de l’opposition.

Pour autant, le stock de lois en attente de publication de mesures réglementaires d’application, certes globalement stabilisé, s’élevait en septembre 2007 à 237. L’amélioration la plus sensible concerne cependant non le stock mais le flux.

L’APPLICATION DES LOIS : ÉVOLUTION DE 1999-2000 À 2006-2007

Type de loi

1999-2000

2000-2001

2001-2002

2002-2003

2003-2004

2004-2005

2005-2006

2006-2007

Lois non applicables

Près de 60 %

Près de 60 %

33 %

Près de 60 %

Près de 50 %

Plus de 50 %

Près de 40 %

Plus de 30 %

Lois partiellement applicables

Près de 30 %

Plus de 30 %

Près de 60 %

Près de 25 %

Plus de 40 %

Près de 40 %

Plus de 50 %

Près de 60 %

Lois applicables

Plus de 12 %

Plus de 7 %

Plus de 10 %

Près de 20 %

Près de 10 %

Près de 10 %

Près de 10 %

10 %

Si les activités de contrôle tendent de plus en plus vers une évaluation et un suivi des textes législatifs adoptés par le Parlement, le support constitutionnel de cette mission de contrôle fait encore défaut.

• Le contrôle en séance publique

Le contrôle parlementaire peut également être exercé en séance publique. Ce contrôle prend aujourd’hui la forme :

—  de questions au Gouvernement ;

—  de questions orales sans débat et, au Sénat, de questions orales avec débat (378) ;

—  de débats d’orientation financiers et sociaux (379) ;

—  de débats sans vote sur les déclarations du Gouvernement ;

—  de débats avec vote sur le programme ou sur une déclaration de politique générale du Gouvernement ;

—  de motions de censure, à l’Assemblée nationale uniquement ;

—  de l’examen des propositions de résolution visant à la création d’une commission d’enquête ;

—  de la discussion des propositions de résolution portant sur des propositions d’actes communautaires ;

— de débats sans vote sur le rapport d’une commission d’enquête ou sur le rapport d’une mission d’information créée par la Conférence des Présidents

En dépit de la diversité des moyens de contrôle en séance publique, seuls les questions au Gouvernement, les débats et les discussions de motions de censure sont fréquemment utilisés. Ainsi, le temps consacré au contrôle dans le cadre des séances publiques à l’Assemblée nationale oscille, suivant les sessions, entre 10 % et 15 % de la durée cumulée de toutes les séances publiques.

LE TEMPS CONSACRÉ AU CONTRÔLE EN SÉANCE PUBLIQUE À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Sessions (1)

2002-2003

2003-2004

2004-2005

2005-2006

2006-2007

Questions

115 heures 15

109 heures 20

101 heures 50

109 heures 35

60 heures 10

Déclarations et censures

49 heures 20

59 heures 30

30 heures 30

33 heures 20

1 heure 15

Résolutions (2)

8 heures 05

11 heures 50

15 heures 15

14 heures 20

Durée cumulée

172 heures 40

180 heures 40

147 heures 35

157 heures 15

61 heures 25

Durée totale des séances publiques

1 197 heures 10

1 245 heures 35

953 heures 55

1 090 heures 10

560 heures 20

(1) Y compris les sessions extraordinaires de juillet 2003, juillet 2004, juillet 2005, septembre 2006.

(2) Les résolutions examinées en séance publique comprennent à la fois des résolutions visant à la création de commissions d’enquête, des résolutions portant sur des propositions d’actes communautaires et des résolutions modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale. L’examen de ces dernières résolutions ne constitue pas à proprement parler du temps de contrôle.

• L’inscription dans la Constitution de la mission de contrôle de l’action du Gouvernement

Le présent article prévoit d’introduire dans l’article 24 de la Constitution une disposition selon laquelle le Parlement « contrôle l’action du Gouvernement ». La mention explicite de la mission de contrôle permettra de conforter les dispositions relatives au contrôle des finances publiques et des finances sociales, celles relatives aux commissions d’enquête, mais également les dispositions ne figurant que dans les règlements des assemblées et permettant l’organisation de missions d’information ainsi que le suivi de l’application des lois. Aucune limite temporelle ne s’imposera désormais à l’action de contrôle du Parlement sur le Gouvernement.

Le Conseil constitutionnel porte une attention toute particulière aux procédures de contrôle instituées par le Parlement. Il a ainsi émis à plusieurs reprises des réserves d’interprétation sur les dispositions confiant des pouvoirs de contrôle aux commissions permanentes (380), s’attachant à vérifier que ces dispositions n’excèdent pas la volonté du constituant.

La proposition de nouvelle rédaction de l’article 24 de la Constitution, qui définit dans un premier alinéa les fonctions du Parlement, est de ce point de vue importante, car elle permettra au Parlement de se doter de nouveaux moyens de contrôle, sans craindre d’encourir une éventuelle censure du Conseil constitutionnel.

Toutefois, le rapporteur considère qu’il serait restrictif de mentionner dans la Constitution le rôle de contrôle de l’action du Gouvernement qui incombe au Parlement sans prévoir dans le même temps qu’il évalue les politiques publiques. Ces deux missions sont, en effet, complémentaires et ne peuvent souvent pas être dissociées.

En outre, l’évaluation des politiques publiques permet de couvrir un champ plus large que le contrôle de l’action du Gouvernement, car cette évaluation inclut non seulement les établissements publics et les entreprises publiques mais également les organismes de sécurité sociale, les collectivités territoriales et leurs établissements publics. Si la mission du Parlement était cantonnée au seul domaine du contrôle de l’action du Gouvernement, toute une partie des politiques publiques, et notamment les politiques publiques locales, pourrait échapper à son attention.

Dans la mesure où il ne saurait être question de confier au Parlement un monopole de l’évaluation des politiques publiques, il est souhaitable de mentionner le « concours » du Parlement à l’évaluation des politiques publiques. Cette rédaction permettrait ainsi, tout en consacrant le rôle du Parlement, de préserver la possibilité pour le Gouvernement ou pour la Cour des comptes d’effectuer des évaluations des politiques publiques de manière distincte et indépendamment du Parlement.

2. Le mode de désignation des sénateurs

Le Général de Gaulle, dans son discours de Bayeux du 16 juin 1946, avait relevé la nécessité de maintenir le bicamérisme, la seconde chambre étant chargée de faire contrepoids à la première, l’existence d’un double regard permettant de donner une stabilité plus grande à la législation : « Il faut donc attribuer à une deuxième assemblée et composée d’une autre manière la fonction d’examiner publiquement ce que la première a pris en considération, de formuler des amendements, de proposer des projets (…). Tout nous conduit donc à instituer une deuxième chambre dont pour l’essentiel nos conseils généraux et municipaux éliront les membres. »

a) Le mode d’élection des sénateurs

Ainsi, l’article 24 de la Constitution dispose que le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ». Si la mission du Sénat est précisée, le mode de scrutin qui lui applicable ne l’est pas. Comme l’a souligné Michel Debré, dans son discours devant le Conseil d’État, le 27 août 1958, « en ce qui concerne les assemblées, nous sommes demeurés dans la tradition républicaine : la loi électorale de l’une et de l’autre est extérieure à la Constitution. Il est simplement entendu que les députés sont élus au suffrage universel direct, et que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales. Les règles fondamentales de la démocratie française sont donc maintenues. »

• L’évolution des règles encadrant l’élection des sénateurs

À l’origine de la Ve République, les sénateurs étaient élus pour neuf ans, au suffrage universel indirect, par un collège électoral composé des députés, des conseillers généraux et des délégués des conseils municipaux. L’âge d’éligibilité était fixé à trente-cinq ans. Le Sénat se renouvelait par tiers tous les trois ans.

Dans les départements qui avaient droit à quatre sièges de sénateurs ou moins, l’élection se déroulait au scrutin majoritaire à deux tours. Pour être élu au premier tour, il fallait obtenir la majorité absolue des suffrages exprimés et le quart des électeurs inscrits. Au second tour, la majorité relative suffisait. Dans les départements représentés par cinq sénateurs ou plus, la représentation proportionnelle s’appliquait selon la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel.

Jusqu’en 2003, le régime électoral du Sénat avait connu très peu de modifications. Seules avaient été réalisées les adaptations rendues nécessaires par l’évolution des structures administratives françaises, au diapason de la création de nouveaux départements et des modifications statutaires dans l’outre-mer. Intervenue après le recensement général de la population de 1975, la dernière actualisation du nombre des sièges de sénateurs, qui datait de 1976, s’était traduite par la création de trente-trois sièges supplémentaires.

La loi n° 2000-641 du 10 juillet 2000 a étendu l’application du scrutin de listes proportionnel en y introduisant les règles nouvelles de parité entre candidats et candidates. La représentation proportionnelle a ainsi été appliquée dans les départements ayant plus de deux sièges à pourvoir, soit pour l’élection de deux cent douze sénateurs dans cinquante départements et pour l’élection des douze sénateurs représentant les Français établis hors de France. La loi de juillet 2000 a également prévu que l’élection des délégués sénatoriaux se fait au scrutin majoritaire à deux tours dans les communes dont la population est inférieure à 3 500 habitants et à la représentation proportionnelle dans les autres.

Ce régime des élections sénatoriales a été fortement renouvelé par trois lois, la loi organique n° 2003-696 du 30 juillet 2003 portant réforme de la durée du mandat et de l’âge d’éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat, la loi n° 2003-697 du 30 juillet 2003 portant réforme de l’élection des sénateurs et la loi n° 2004-404 du 10 mai 2004 actualisant le tableau de répartition des sièges et certaines modalités de l’organisation de l’élection des sénateurs.

Afin de tenir compte des nombreuses élections qui devaient se tenir en 2007, le législateur a, par ailleurs, modifié le calendrier électoral des élections municipales et cantonales (381). Afin que les sénateurs soient élus désormais et dans les années à venir par des « grands électeurs » en début de mandat, les élections qui devaient initialement se tenir en 2007, 2010 et 2013 ont été repoussées d’une année et se dérouleront donc en septembre 2008, 2011 et 2014.

Par ailleurs, en 2007, la loi n° 2007-224 du 21 février a créé deux nouvelles collectivités d’outre-mer, les îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Pour tenir compte de ces modifications, la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 a créé deux sièges de sénateurs supplémentaires.

Les lois de 2003 ont assuré :

―  la réduction de la durée du mandat sénatorial de neuf à six ans ;

―  la répartition des sièges à pourvoir en fonction du recensement de 1999, conduisant à la création de vingt-deux nouveaux sièges dans les départements (de trois cent quatre à trois cent vingt-six sénateurs) et de trois nouveaux sièges en Nouvelle-Calédonie et dans les collectivités d’outre-mer (de cinq à huit sénateurs) (382) ;

―  la distribution des départements en deux séries (1 et 2) au lieu de trois (A, B et C) (383), selon le schéma transitoire suivant :

DISPOSITIONS TRANSITOIRES APPLICABLES À L’ÉLECTION DES SÉNATEURS

Année

Première série

Deuxième série

Série B

Moitié C

Moitié C

Série A

2004

Élection (7 ans)

Élection (10 ans)

2008

Élection (6 ans)

2011

Renouvellement total (6 ans)

2014

Renouvellement total (6 ans)

―  une nouvelle répartition entre les différents modes de scrutin, avec l’application du scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans les départements ayant d’un à trois sièges (soit soixante-dix départements et cinq collectivités outre-mer) (384) et l’application du scrutin de liste avec élection à la représentation proportionnelle dans les départements comptant quatre sièges ou plus (trente départements) ;

―  une augmentation progressive du nombre de sièges de sénateurs conduisant à la création de vingt-quatre sièges supplémentaires en 2011 (vingt-six avec la prise en compte de Saint-Barthélemy et Saint-Martin) ;

―  ainsi que l’abaissement de l’âge d’éligibilité des sénateurs de trente-cinq à trente ans.

Dans chaque série, en application de l’article L.O. 277 du code électoral, le mandat des sénateurs commence à l’ouverture de la session ordinaire qui suit leur élection, date à laquelle expire le mandat des sénateurs antérieurement en fonction, c’est-à-dire au premier jour ouvrable d’octobre en application de l’article 28 de la Constitution. En vertu de l’article L.O. 278 du même code, l’élection au suffrage indirect des sénateurs doit se tenir dans les soixante jours qui précèdent la date du début de leur mandat.

Le prochain renouvellement doit donc intervenir dans les soixante jours précédant le lundi 1er octobre 2008, soit entre le dimanche 5 août et le dimanche 30 septembre. Le mois d’août étant peu propice aux consultations électorales, les élections sénatoriales ont traditionnellement lieu en septembre.

Seront ainsi concernés par le prochain renouvellement de septembre 2008 les sénateurs de la série A, c’est-à-dire les sénateurs élus la dernière fois en septembre 1998 et représentant les départements de l’Ain à l’Indre (cent trois sénateurs), le département de Guyane (deux sénateurs), la Polynésie française (deux sénateurs), les îles Wallis et Futuna (un sénateur), ceux représentant une part des Français établis hors de France (quatre sénateurs) ainsi que ceux qui représenteront, pour la première fois, Saint-Barthélemy et Saint-Martin (deux sénateurs).

En 2011, seront élus les cent soixante-dix sénateurs de la série 1, et en 2014, les cent soixante-dix-huit sénateurs de la série 2, les deux séries étant composées selon le tableau suivant :

RÉPARTITION DES SÉNATEURS À PARTIR DU RENOUVELLEMENT DE 2011

SÉRIE 1
(élections en 2011)

SÉRIE 2
(élections en 2014)

Représentation des départements

Indre-et-Loire à Pyrénées-Orientales

97

Ain à Indre

103

Seine-et-Marne

6

Bas-Rhin à Yonne (à l’exception de la Seine-et-Marne)

62

Essonne à Yvelines

47

Guadeloupe, Martinique, La Réunion

9

Guyane

2

Total des sénateurs des départements

159

Total des sénateurs des départements

167

Représentation de la Nouvelle-Calédonie, des collectivités d’outre-mer
et des Français établis hors de France

Mayotte

2

Polynésie française

2

Saint-Pierre-et-Miquelon

1

Îles Wallis et Futuna

1

Nouvelle-Calédonie

2

Saint-Barthélemy et Saint-Martin

2

Français établis hors de France

6

Français établis hors de France

6

Total de la série

170

Total de la série

178

Total des sénateurs

348

• Le déséquilibre du collège électoral

La loi constitutionnelle du 24 février 1875 relative à l’organisation du Sénat attribuait à chaque commune, quelle que soit sa population, un seul électeur sénatorial. Puis se fit rapidement sentir le besoin de prendre en considération la diversité des communes, notamment en fonction de leur taille. C’est pourquoi, sans remettre en cause la représentation de chaque commune au sein du collège, la loi du 9 décembre 1884 a fait dépendre la représentation des communes au sein du collège des « grands électeurs » sénatoriaux de l’effectif du conseil municipal, lui-même fonction de la population.

Suspendue par la loi organique du 27 octobre 1946 (385), qui avait prévu l’élection des membres du collège électoral au suffrage universel direct dans le cadre cantonal, la désignation des délégués des communes par le conseil municipal lui-même sera de nouveau instituée par la loi organique du 23 septembre 1948 (386). Afin de mieux prendre en compte l’importance relative de la population, cette loi avait prévu, pour la première fois, la désignation de « délégués supplémentaires », qui bénéficiaient alors aux villes de plus de 45 000 habitants, à raison d’un délégué pour 5 000 habitants ou fraction de ce nombre en sus de 45 000. Les conseillers municipaux des villes de 9 000 habitants et plus étaient tous délégués de droit.

L’ordonnance du 15 novembre 1958 (387) est venue encore atténuer la rigueur de ce système en augmentant le nombre de délégués des communes urbaines pour tenir compte de leur poids démographique. Si le déséquilibre dans la composition du collège électoral a été réduit au fil des réformes, il demeure suffisamment important pour justifier une réforme. Le collège électoral de 150 000 « grands électeurs » comprend 577 députés et environ 1 900 conseillers régionaux, 4 000 conseillers généraux et 142 000 délégués des conseils municipaux.

En 1959, les délégués sénatoriaux des communes de moins de 9 000 habitants étaient désignés au scrutin majoritaire à trois tours, les autres étaient élus à la représentation proportionnelle.

Les critiques faites au système de désignation du Conseil de la République, qui avaient eu un certain retentissement, avaient donc conduit à accroître un peu la représentation des villes. Pour les communes de moins de 9 000 habitants, rien n’avait été changé aux dispositions de la loi de 1948 : un membre du conseil municipal était délégué sénatorial pour les conseils municipaux de neuf à onze membres, deux pour les conseils de treize membres, cinq pour les conseils de dix-sept membres, sept pour les conseils de vingt et un membres, quinze pour les conseils de vingt-trois membres. Dans les communes de plus de 9 000 habitants, et dans toutes les communes de l’ancien département de la Seine, tous les membres du conseil municipal étaient délégués sénatoriaux. De plus, dans les communes de plus de 30 000 habitants, il y avait un délégué supplémentaire pour mille habitants au-delà de 30 000 : là résidait la seule différence avec le recrutement antérieur du Conseil de la République, où les délégués supplémentaires n’existaient que pour les communes de plus de 45 000 habitants, à raison d’un pour 5 000 habitants.

Comme sous la IVe République, la majorité absolue des délégués sénatoriaux était issue des communes de moins de 1 500 habitants, même si cette majorité absolue est passée de 56 % à 53 %. Mais, la part de ces communes dans la population globale étant elle-même passée de 35,5 % à 33 %, la surreprésentation est restée à peu près identique. Les « victimes » de la réforme ont été les petites villes, comprises entre 1 500 à 10 000 habitants, qui n’étaient plus surreprésentées. Leur représentation est devenue équitable.

En revanche, les villes de plus de 10 000 habitants, représentant 41,5 % de la population, ne désignent que 21,5 % de délégués sénatoriaux. Comme sous la IVe République, le fait que l’élection se déroule à la représentation proportionnelle dans les départements les plus peuplés (plus de quatre sénateurs en 1959) et selon le scrutin majoritaire dans les autres aggrave la sous-représentation des villes. Dans les départements très peuplés, à prédominance urbaine, les minorités rurales peuvent tout de même être représentées grâce à la proportionnelle ; dans les départements moins peuplés, généralement à prépondérance rurale, le système majoritaire réduit la place des minorités urbaines.

Pour expliquer cette continuité avec la IVe République, dans son discours devant le Conseil d’État du 27 août 1958, Michel Debré déclarait, à propos du corps électoral du Président de la République, mais l’analyse vaut pour celui du Sénat d’alors : « La seule difficulté de ce collège est constituée par le grand nombre de petites communes et la représentation relativement faible des grandes villes. Ce problème est un problème politique, mais il faut bien voir qu’il est posé par une caractéristique nationale que nous devons admettre à moins de sombrer dans l’idéologie. La France est composée de milliers et de milliers de communes : ce fait est un fait français, un des aspects fondamentaux de notre sociologie. Les inconvénients de cette force considérable des petites communes doivent, il est vrai, être corrigés. Le projet qui vous est soumis accorde aux grandes villes une représentation équitable en donnant à leurs conseils municipaux la possibilité d’élire des électeurs supplémentaires proportionnellement à la population. »

De manière pragmatique, Marcel Prélot, constitutionnaliste et sénateur, pouvait justifier, pour sa part, qu’une péréquation rigoureuse, en privant de représentation les parties de territoires les moins peuplés, leur ferait « perdre de la sorte toute possibilité de redressement », et qu’elles « deviendraient des zones mortes dans le corps de la Nation, rompant ainsi son équilibre et menaçant sa vie ».

De manière plus doctrinale, selon Georges Burdeau, la différence entre le suffrage direct de l’Assemblée nationale et le suffrage présidentiel et sénatorial correspondrait à la dualité de conceptions du peuple en régime démocratique moderne. Le peuple, ce serait d’une part, un ensemble de gens « situés », diversifiés ; ce serait, d’autre part, une collectivité homogène de citoyens abstraits. Le peuple concret s’exprimerait dans les élections à l’Assemblée nationale, où le suffrage direct traduirait la diversité des partis politiques et des familles spirituelles ; la Nation abstraite serait exprimée par le suffrage sénatorial « retenant les volontés citoyennes qu’à tort ou à raison on a cru mieux perceptibles dans les horizons de la vie locale ».

Dans l’état du droit, conformément à l’article L. 280 du code électoral, les sénateurs sont élus, dans chaque département, au suffrage universel indirect par un collège électoral constitué des députés du département, des conseillers régionaux de la section départementale correspondante, des conseillers généraux du département et des délégués des conseils municipaux ou des suppléants de ces délégués.

Les règles de désignation des délégués des conseils municipaux, catégorie de loi la plus nombreuse, sont prévues aux articles L. 283 à L. 293 du même code. Leur nombre dépend de l’effectif du conseil municipal, lui-même fonction de la population de la commune.

Trois « strates » sont distinguées, dont les bornes se situent à 9 000 et à 30 000 habitants :

— dans les communes de moins de 9 000 habitants, le nombre des délégués est inférieur à l’effectif des conseils municipaux et s’échelonne entre un (communes de moins de 500 habitants) et quinze délégués (communes de 3 500 à moins de 9 000 habitants) ;

— dans les communes de 9 000 à 30 000 habitants, tous les conseillers municipaux sont délégués de droit de leur conseil municipal au collège électoral sénatorial, soit vingt-neuf à trente-neuf délégués par commune ;

— dans les communes de plus de 30 000 habitants, les conseillers sont délégués de droit, et les conseils municipaux élisent en outre des délégués supplémentaires, à raison d’un pour 1 000 habitants en sus de 30 000.

Jusqu’à la loi du 10 juillet 2000 précitée, les délégués sénatoriaux de communes de moins de 9 000 habitants étaient désignés au scrutin majoritaire à trois tours, les autres étaient élus à la représentation proportionnelle. Aujourd’hui, l’élection des délégués sénatoriaux se fait au scrutin majoritaire à deux tours dans les communes dont la population est inférieure à 3 500 habitants et à la représentation proportionnelle dans les autres (388).

Les délégués municipaux représentent 95 % des 150 000 « grands électeurs ». Les conseils municipaux des communes de moins de 500 habitants, regroupant 7 % de la population, désignent 16 % des « grands électeurs ». Ceux des communes de 500 à 1 500 habitants, regroupant 15 % de la population, en désignent 25 %. Les villes de plus de 15 000 habitants, où vit plus de la moitié de la population, désignent 30 % des délégués. En leur sein, les quelque 250 communes de plus de 30 000 habitants, fortes de 32 % de la population, désignent environ 17 % des délégués des communes. Seul le rapport entre la population des communes comprises entre 1 500 et 15 000 habitants et la proportion de délégués qu’elles élisent est proche de un.

Dans le but d’établir un rapport entre population et nombre de « grands électeurs », sous la XIe législature, un projet de loi relatif à l’élection des sénateurs, adopté en lecture définitive par l’Assemblée nationale, avait prévu que les délégués municipaux, choisis nécessairement en dehors du conseil municipal, soient désignés, à raison d’un délégué supplémentaire pour trois cents habitants
– cinq cents dans le projet de loi initial – ou fraction de ce nombre, lorsque le nombre de délégués était supérieur à l’effectif du conseil municipal. C’était au-dessus de 8 700 habitants, et non plus de 30 000 comme aujourd’hui, qu’il y aurait eu lieu à élection de délégués supplémentaires.

Cette disposition a été déclarée non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Dans sa décision n° 2000-431 DC du 6 juillet 2000 sur la loi relative à l’élection des sénateurs, saisi par soixante sénateurs, il a donné une valeur constitutionnelle au principe selon lequel le corps électoral du Sénat « doit être essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ». Or, dans la mesure où la loi déférée conduisait à désigner, en dehors des conseils municipaux, des délégués qui pouvaient être majoritaires dans certains départements (389), étaient méconnus les principes en vertu desquels « le Sénat doit, dans la mesure où il assure la représentation des collectivités territoriales de la République, être élu par un corps électoral qui est lui-même l’émanation de ces collectivités », « toutes les catégories de collectivités territoriales doivent y être représentées » et « la représentation des communes doit refléter leur diversité ». Ce faisant, cette jurisprudence a posé un verrou qui rend difficile toute réinstauration de la règle d’un délégué pour trois cents ou même cinq cents habitants et qui limite la possibilité d’améliorer le rapport entre composition du collège électoral sénatorial et population.

• Le dispositif proposé

Afin de dépasser cet obstacle, dans sa proposition n° 63, le « comité Balladur » a estimé utile de préciser que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales « en fonction de leur population » (390). En effet, il a jugé que, si le mode de scrutin ne paraissait pas devoir être modifié, en revanche, « l’adaptation du collège des " grands électeurs " aux évolutions démographiques » a retenu son attention : « il n’est pas douteux que le régime électoral applicable au fonctionnement de ce collège favorise à l’excès la représentation de zones faiblement peuplées, au détriment des zones urbaines ».

Dans un objectif d’équité, il a alors « estimé qu’il était possible d’améliorer la représentativité du corps électoral du Sénat en recommandant que soit affecté à chacune des collectivités territoriales dont les représentants concourent à la désignation un nombre de délégués déterminé de telle manière que soit garantie une représentation équilibrée de chacune d’elles en fonction de sa population. Ainsi serait assuré un meilleur équilibre dans la représentation des populations. Quelle que soit la mission de représentation des collectivités territoriales assignée au Sénat par la Constitution, les zones peu peuplées ne peuvent être représentées au détriment de celles qui le sont davantage. »

Sur les mêmes fondements, le présent article prévoit que le Sénat assure « une représentation des collectivités territoriales de la République en tenant compte de leur population ».

Le passage d’une représentation « en fonction de » la population, proposée par ledit comité à une représentation « tenant compte » de la population dans le présent projet de révision, tout en garantissant que le lien entre la population et les sénateurs devra être renforcé, permettra de conserver la vocation du Sénat à représenter les collectivités territoriales. Ainsi sera mieux assurée la conciliation entre l’essence du bicamérisme qui réside dans la fonction particulière attribuée au Sénat et la nécessaire qualité de sa représentativité qui forme la condition de l’accomplissement de cette fonction (391).

La prise en compte expresse de la population pour la désignation des sénateurs prévue dans le présent article nécessitera de réfléchir aux conséquences de cette disposition sur la manière dont sont élus les sénateurs représentant les Français établis hors de France, aujourd’hui désignés par les seuls cent cinquante-cinq membres de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) alors que 1,33 million de Français sont immatriculés dans nos ambassades et consulats.

3. La représentation des Français établis hors de France

Parmi les nouvelles missions attribuées au Parlement tout entier, Assemblée nationale et Sénat compris, se trouve la représentation des Français établis hors de France, jusqu’à aujourd’hui assurée uniquement par le Sénat.

a) Le régime actuel de représentation des Français établis hors
de France

Le nombre de nos compatriotes établis hors de France a constamment augmenté depuis cinquante ans. En 1975, avant que ne soit adoptée la première loi qui créait des listes électorales à l’étranger, la population française totale vivant à l’étranger était estimée à environ à 1,8 million. Aujourd’hui, elle atteindrait, selon les estimations, entre 1,9 et 2,2 millions de personnes. Ainsi, les Français établis hors de France représentent l’équivalent d’une population comprise entre celle d’un département comme les Bouches-du-Rhône et celle de Paris.

Si l’on ne prend en considération que ceux des Français vivant à l’étranger qui sont inscrits sur le registre des Français établis hors de France tenu par les consulats, la croissance est également significative. Ainsi, la seule population française inscrite est passée de 1 million de Français au 31 décembre 1974 à 1,33 million de personnes au 31 décembre 2007. Si l’on choisit une période de référence plus courte, en dix ans, de 1997 à 2007, la population française établie hors de France inscrite a augmenté d’environ 40 %, soit un taux moyen de croissance supérieur à 3 % par an.

La répartition de cette population s’avère très inégale. Près de 50 % de la population établie hors de France résident en Europe occidentale, 13 % en Amérique du Nord, 13 % au Moyen-Orient et en Afrique francophone. L’Afrique, qui représentait un quart de la population française vivant à l’étranger jusqu’au début des années 1990, n’en représente plus que 15 %. En outre, vingt pays représentent 75 % de la population française établie hors de France. Les quatre premiers, à savoir la Belgique, la Suisse, l’Allemagne et le Royaume-Uni, enregistrent plus de 100 000 Français chacun. La moitié de la population résidant hors de France possède une double nationalité.

• Du Conseil supérieur des Français de l’étranger à l’Assemblée
des Français de l’étranger

Pour prendre en compte l’ensemble de cette population, l’article 24 de la Constitution de 1958 dispose que « les Français établis hors de France sont représentés au Sénat ». Sur ce fondement, ils élisent au scrutin indirect des sénateurs, au nombre de douze depuis 1983. Le collège électoral de ces sénateurs est constitué des membres élus de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) qui a succédé le 9 août 2004 au Conseil supérieur des Français de l’étranger (CSFE) (392).

La question de la représentation politique des Français établis hors de France se pose de manière institutionnelle avec la Constitution du 27 octobre 1946 et la création du Conseil de la République. Dans une résolution en date du 13 décembre 1946, l’Assemblée nationale décida que trois sièges de « conseillers de la République » sur trois cent vingt seraient confiés à des personnalités représentant les Français résidant respectivement en Europe, en Amérique et en Asie-Océanie.

Les associations qui s’étaient constituées au fil du temps pour structurer la voix de ces « Français de l’extérieur », à savoir la fédération des anciens combattants français résidant hors de France, la fédération des professeurs français à l’étranger, l’union des chambres de commerce françaises à l’étranger et l’union des Français de l’étranger, d’une part, demandèrent la possibilité de présenter leurs candidats à l’Assemblée nationale à l’occasion de la désignation des trois conseillers de la République chargés de représenter les Français de l’étranger, et, d’autre part, émirent le souhait que soit créé auprès du ministère des affaires étrangères un « conseil supérieur », composé en majorité d’élus.

Le décret du 7 juillet 1948 institua ainsi un Conseil supérieur des Français de l’étranger (CSFE), composé de cinquante-cinq membres, dont huit membres de droit rassemblant les trois conseillers de la République et les responsables des organismes susmentionnés, quarante-deux membres élus et cinq personnalités qualifiées. Parallèlement à la création du CSFE, une représentation spécifique des Français résidant à l’étranger fut institutionnalisée au Conseil de la République par la loi n° 48-1471 du 23 septembre 1948 (393).

Les premières élections au CSFE se tinrent en 1950 dans soixante-dix pays, selon les modalités définies par un arrêté ministériel du 10 décembre 1949 qui imposait, pour avoir la qualité d’électeur, l’immatriculation dans les consulats et l’appartenance à une association ou un « organisme » français. Dans un premier temps, ces organismes reconnus désignaient un nombre de délégués en fonction du nombre de leurs membres, délégués qui eux-mêmes élisaient le ou les représentants au CSFE dans les mêmes conditions que les collèges sénatoriaux en France, c’est-à-dire selon un scrutin majoritaire à deux tours.

S’inspirant de la loi précitée du 23 septembre 1948 pour l’institution d’une représentation spécifique des Français de l’étranger, les prescriptions de l’article 24 de la Constitution du 4 octobre 1958 susmentionnées, qui s’inscrivent comme une exception au principe fixé au même article et selon lequel le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République », ont été déclinées par deux ordonnances en date du 15 novembre 1958 et du 4 février 1959 (394). Celles-ci ont organisé cette représentation et donné de nouveaux statuts au CSFE qui, tout en conservant son rôle consultatif, est institué en collège électoral unique pour l’élection des sénateurs de l’étranger, dont le nombre est augmenté de trois à six, deux représentant l’Europe et l’Amérique, un l’Asie-Océanie et trois l’Afrique.

Lors des premières élections sénatoriales du 23 avril 1959, le CSFE comptait quatre-vingt-quatre membres. Puis, il est apparu que nos compatriotes qui résidaient en Europe et en Amérique étaient sous-représentés par rapport à l’Afrique. Le nombre des sénateurs fut donc porté à neuf pour les élections de 1962.

La loi n° 82-471 du 7 juin 1982 a instauré l’élection au suffrage universel des cent trente-sept délégués au CSFE ainsi que l’élection des sénateurs par ces seuls membres élus du conseil supérieur, à l’exclusion des vingt membres désignés. La loi n° 90-384 du 10 mai 1990 modifiant la loi du 7 juin 1982 a augmenté le nombre de ses membres élus à cent cinquante et la durée de leur mandat, modifié les modalités de leur renouvellement et prévu la désignation d’un représentant des Français établis dans la principauté d’Andorre.

La loi du 9 août 2004 précitée a créé l’Assemblée des Français de l’étranger, qui s’est substituée au CSFE, et réduit de vingt et un à douze le nombre des personnalités désignées, qui n’auront plus que voix consultative. Parallèlement, le nombre de conseillers élus est augmenté progressivement : il est passé de cent cinquante à cent cinquante-trois à l’occasion du renouvellement triennal de juin 2006 et passera à cent cinquante-cinq lors du renouvellement de juin 2009. Les douze sénateurs représentant les Français établis hors de France sont membres de droit de l’AFE.

Présidée par le ministre des affaires étrangères, l’AFE est aussi chargée, à l’instar du CSFE, d’une part, « de donner au Gouvernement des avis sur les questions et projets intéressant les Français établis hors de France et le développement de la présence française à l’étranger », et, d’autre part, d’élire les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

La désignation des sénateurs représentant les Français établis hors de France

Contrairement aux autres sénateurs, les sénateurs représentant les Français établis hors de France ne sont pas élus dans une circonscription particulière. Leur circonscription est le monde entier moins la France. Ainsi, ils ne représentent pas les Français de tel ou tel pays en particulier, même si, dans les faits, chaque sénateur a une ou plusieurs zones privilégiées.

Jusqu’en 1983, ils étaient désignés par le Sénat sur proposition du CSFE. Depuis la loi n° 83-390 du 18 mai 1983 relative à l’élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France et la loi du 9 août 2004 précitée, ils sont élus par un collège formé des membres élus de l’AFE. La loi n° 92-547 du 22 juin 1992 relative aux circonscriptions électorales pour l’élection des membres du CSFE a défini une nouvelle répartition des circonscriptions consulaires dans les États dont les structures ont connu des bouleversements, à l’instar de l’Allemagne, de l’ex-Union soviétique ou de l’ex-Yougoslavie. La loi de 2004 a également révisé la carte électorale, en prenant notamment en compte l’augmentation du nombre d’élus et les évolutions démographiques des différentes communautés françaises résidant à l’étranger, et a prévu de porter le nombre des circonscriptions de quarante-huit à cinquante-deux.

Renouvelable désormais par moitié tous les trois ans, le collège électoral est donc composé de cent cinquante-cinq membres (395), élus pour six ans, au suffrage universel direct, par les Français de l’étranger inscrits sur une liste électorale créée à cet effet à l’étranger et dressée dans le ressort de chaque consulat ou, en cas de nécessité, dans un département limitrophe d’un État frontalier.

Le mode d’élection, à la représentation proportionnelle intégrale, prévu initialement par la loi du 7 juin 1982, a été modifié par la loi n° 86-1115 du 15 octobre 1986, pour se rapprocher du système retenu pour les sénateurs. Depuis la loi du 10 mai 1990 précitée, l’élection au scrutin majoritaire à un tour a lieu désormais dans les circonscriptions où le nombre de sièges à pourvoir est de un ou deux (quatre ou moins en 1986), tandis que la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne est applicable dans les circonscriptions où le nombre de sièges à pourvoir est de trois ou plus (cinq ou plus en 1986).

Porté, comme on l’a vu, de six à neuf en 1962, le nombre de sénateurs élus par les membres de l’AFE a été augmenté de six à douze par la loi du 17 juin 1983 précitée afin de tenir compte du nombre accru des Français établis à l’étranger. Ladite loi a également aligné sur le droit commun des élections sénatoriales les conditions d’éligibilité, les incompatibilités et les règles applicables au contentieux de ces élections à l’étranger.

Comme les autres sénateurs, les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont, depuis la réforme de 2003, élus pour un mandat de six ans (au lieu de neuf ans auparavant) et sont renouvelables par moitié (au lieu du tiers) tous les trois ans à la représentation proportionnelle. En pratique, le collège électoral composé des élus de l’AFE se réunit au ministère des affaires étrangères le jour du renouvellement de la série concernée.

Pendant la période transitoire courant de 2003 à 2011 (396), la durée du mandat de deux des quatre sénateurs représentant les Français résidant à l’étranger qui ont été élus en septembre 2004 a été fixée à dix ans, leur désignation ayant été faite par tirage au sort par le bureau du Sénat dans le mois suivant leur élection (397). En 2011, les sièges des deux sénateurs qui ont été élus en 2004 pour six ans seront renouvelés au sein de la nouvelle série 1 et les sièges des deux autres seront soumis à renouvellement en 2014 au sein de la nouvelle série 2.

b) Les voies d’une meilleure représentation au sein du Parlement tout entier

Dans sa lettre de mission au « comité Balladur » en date du 18 juillet 2007, le Président de la République lui a demandé « d’étudier dans quelle mesure les Français de l’étranger, qui sont de plus en plus nombreux et qui contribuent au rayonnement de notre pays dans la mondialisation, pourraient être représentés à l’Assemblée nationale en plus du Sénat ».

• Les exemples étrangers

La manière dont les parlements étrangers prennent en compte la représentation de leurs compatriotes établis à l’étranger est marquée par une très grande diversité, qui n’est pas seulement le reflet de l’importance numérique de ces derniers.

Des comparaisons avec les pays européens (398) montrent que le Portugal et l’Italie sont les deux seuls États où, comme en France, les citoyens établis hors de leur pays sont représentés de manière spécifique au Parlement.

L’Assemblée de la République portugaise compte deux cent trente membres, dont quatre représentent les Portugais établis hors du Portugal. Deux sont élus dans la circonscription formée du continent européen, les deux autres étant élus dans la circonscription formée par le reste du monde.

Les Italiens résidant hors d’Italie sont représentés par douze députés et six sénateurs. La Constitution italienne, modifiée à deux reprises en 2000, prévoit, dans son article 48, alinéa 3, que « la loi établit les conditions et les modalités d’exercice du droit de vote des citoyens résidant à l’étranger et en assure l’exercice effectif. Dans ce but, une circonscription " Étranger " pour l’élection des Chambres est créée, à laquelle est attribué un nombre de sièges établi par une norme constitutionnelle et selon des critères définis par la loi. » (399)

Dans les autres États, les citoyens expatriés disposent du droit de vote aux élections législatives, mais dans des conditions parfois limitées. Parmi eux, le Danemark et l’Irlande se révèlent les plus rigoureux.

Le premier, dans sa Constitution, réserve le droit de vote aux élections législatives aux citoyens qui résident dans le pays (400), même si la loi électorale a créé récemment quelques exceptions au profit de certaines catégories d’expatriés (401). La seconde lie droit de vote et résidence dans le pays.

Seuls les Irlandais qui partent vivre à l’étranger avec l’intention de revenir dans les dix-huit mois sont considérés comme remplissant la condition de résidence. La question de la représentation des Irlandais expatriés se pose avec une certaine acuité depuis une dizaine d’années. Leur nombre est estimé 1,3 million, dont les deux tiers résident au Royaume-Uni.

D’autres États, tels que l’Allemagne, le Royaume-Uni ou la Suède, subordonnent le droit de vote de leurs ressortissants résidant à l’étranger à une durée de séjour à l’étranger limitée.

L’Allemagne a ainsi déterminé un délai inférieur à vingt-cinq ans au bénéfice de ses ressortissants qui vivent dans un État qui n’est pas membre du Conseil de l’Europe. Ils exercent alors leur droit de vote par correspondance.

Le Royaume-Uni limite cette durée à quinze ans sans faire de distinction selon l’État de résidence. Les ressortissants britanniques qui souhaitent bénéficier de ce droit l’exercent par correspondance ou par procuration après s’être fait inscrire sur les listes électorales de la circonscription où ils votaient avant leur départ à l’étranger. L’inscription est annuelle.

La Suède prévoit quant à elle une période limitée à dix ans, mais renouvelable sur demande.

L’Autriche, la Belgique, l’Espagne et les Pays-Bas accordent sans restriction le droit de vote à leurs citoyens expatriés.

Les Autrichiens résidant à l’étranger peuvent voter par correspondance.

Les Belges expatriés peuvent voter aux élections législatives et sénatoriales en personne ou par procuration dans le bureau de vote de la commune belge où ils sont inscrits, en personne ou par procuration dans le poste diplomatique ou consulaire où ils sont inscrits, voire par correspondance.

En application de l’article 68, alinéa 5, de la Constitution espagnole, « la loi reconnaît et l’État facilite l’exercice du droit de suffrage aux Espagnols qui se trouvent hors du territoire de l’Espagne ». En conséquence, les Espagnols établis hors d’Espagne peuvent exercent leur droit de vote au consulat ou par correspondance.

Les ressortissants des Pays-Bas qui vivent à l’étranger peuvent demander à être inscrits dans le bureau de vote de leur choix ou, à défaut, sur les listes électorales de la capitale du royaume, et voter en personne, par correspondance ou par procuration.

En Espagne, en Italie et au Portugal, il existe un organisme susceptible d’être comparé à l’AFE. Il s’agit du Conseil général de l’émigration en Espagne, du Conseil général des Italiens de l’étranger et du Conseil des communautés portugaises. Ce dernier n’est composé que de membres élus au suffrage universel direct par les citoyens recensés par les postes consulaires, tandis que les deux autres comportent aussi en leur sein des membres nommés, quinze sur cinquante-huit membres en Espagne et vingt-neuf sur quatre-vingt-quatorze membres en Italie.

Dans son rapport (402), le « comité Balladur » « a pris acte de la grande diversité, dans les pays comparables au nôtre, des modes de représentation des nationaux résidant à l’étranger », mais a relevé que « s’il fallait assurer l’élection de députés des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale, cela ne pourrait se concevoir que par le biais d’un scrutin de liste, appliqué à de vastes circonscriptions regroupant plusieurs régions du monde. Cela supposerait, par ailleurs, l’élection d’une vingtaine de députés au moins. » Relevant les « difficultés inhérentes aux opérations de découpage des circonscriptions », il a estimé « inopportun de modifier le mode de représentation des Français de l’étranger » et a recommandé, en conséquence, que « le système actuel de représentation des Français de l’étranger par le Sénat ne soit pas modifié ».

• Le dispositif proposé

Toutefois fidèle à ses engagements pris pendant la campagne électorale, le Président de la République dans le projet de loi constitutionnelle présenté par le Premier ministre propose de mettre fin à la « singularité » actuelle de nos institutions qui excluent les Français établis hors de France en tant que tels de toute représentation à l’Assemblée nationale.

Le présent article propose donc d’inscrire dans l’article 24 de la Constitution que les Français établis hors de France sont représentés non seulement au Sénat, mais également à l’Assemblée nationale.

C’est sur la base de la représentation des Français de l’étranger dans le seul Sénat que la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 a modifié l’article 39 de la Constitution pour prévoir que « les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales et les projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France sont soumis en premier lieu au Sénat ». Cette disposition a été ainsi appliquée, par exemple, pour l’examen de la loi du 9 août 2004 précitée ou encore pour celui des lois du 20 juillet 2005 relatives au vote des Français établis hors de France pour l’élection présidentielle et à l’Assemblée des Français de l’étranger (403).

En conséquence des modifications introduites par le présent article, il conviendrait donc de modifier cet article pour supprimer la priorité du dépôt au Sénat des projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France.

La détermination du nombre et du mode de scrutin applicable aux députés qui seraient élus sur le fondement des modifications proposées par le présent article nécessitera de recourir à la loi organique, conformément aux dispositions de l’article 25 de la Constitution. Le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement a souligné, de son audition par la Commission, que « s’agissant de la représentation du 1,4 million de Français de l’étranger, il est envisagé, au stade actuel de la réflexion, un nombre de dix à douze députés élus au scrutin de liste, soit majoritaire soit proportionnel, au sein de très grandes circonscriptions délimitées au niveau mondial – sans que le découpage soit encore arrêté ».

Il conviendra également de réfléchir aux conséquences de l’adoption de telles dispositions sur la composition de l’AFE. Par exemple, en cohérence avec les dispositions en vigueur qui font participer les députés au collège électoral des sénateurs des départements et de l’outre-mer, il ne serait pas illogique que soient intégrés au corps électoral composé des élus de l’AFE les députés qui seraient éventuellement élus dans le cadre de la représentation des Français établis hors de France.

En tout état de cause, le présent projet de loi constitutionnelle ne prévoit aucun dispositif d’entrée en vigueur particulier des dispositions relatives à la représentation des Français établis hors de France à l’Assemblée nationale.

4. Les effectifs des membres du Parlement

La réforme de l’État exige une stabilité du format des organes constitutionnels, dont les effectifs ne doivent pas être remis en cause en fonction des aléas politiques. Nos concitoyens l’exigent. Ainsi, il est proposé de fixer dans la Constitution le nombre maximal des membres de l’Assemblée nationale et du Sénat, de la même façon que pourrait y être fixé le nombre maximal de membres du Conseil économique et social.

À titre de comparaison, en Espagne, la Constitution, dans son article 68, dispose que « le Congrès des Députés se compose au minimum de trois cents et au maximum de quatre cents députés ». La Constitution belge précise que la Chambre des Représentants compte cent cinquante membres (article 63) et le Sénat soixante et onze membres (article 67). La Constitution italienne fixe le nombre des membres de la Chambre des députés à six cent trente, dont douze élus dans la circonscription « Étranger » (article 56), et celui des membres du Sénat à trois cent quinze, dont six élus par les Italiens établis hors d’Italie (article 57). La Constitution des Pays-Bas fixe le nombre de députés à cent cinquante et le nombre de sénateurs à soixante-quinze (article 51).

La Constitution hellène, dans son article 51, prévoit que le nombre de députés doit être compris entre deux cents et trois cents. La Constitution portugaise enferme le nombre de membres de l’Assemblée de la République entre cent quatre-vingts et deux cent trente (article 148). La Constitution du Danemark plafonne le nombre de membres du Folketing à cent soixante-dix-neuf (article 28).

Le même souci a motivé les nouvelles démocraties d’Europe centrale et orientale. Ainsi la Constitution polonaise, dans son article 96, détermine précisément le nombre des députés (quatre cent soixante) et, dans son article 97, celui des sénateurs (cent).

Rappelons, enfin, que la Constitution républicaine de 1848 limitait le nombre de représentants du peuple à sept cent cinquante (article 21). Avant elle, la Constitution de 1791 avait fixé le nombre de représentants au corps législatif à sept cent quarante-cinq (article 1er de la section Ière du chapitre Ier du titre III).

La Commission a adopté deux amendements identiques, l’un du rapporteur (amendement n° 52), l’autre de M. Jean-François Copé (amendement n° 2), précisant que le Parlement concourait à l’évaluation des politiques publiques. Le rapporteur a indiqué que ces amendements poursuivaient le même objectif que l’amendement n° 5 de M. Didier Migaud et un amendement de M. Arnaud Montebourg, que la Commission a rejeté par cohérence. Elle a également rejeté un amendement de M. Bertrand Pancher ayant la même finalité.

La Commission a rejeté deux amendements de M. Jean-Claude Sandrier l’un précisant les missions du Parlement, l’autre prévoyant que le Parlement conduit la politique économique et sociale du pays.

Elle a ensuite été saisie de deux amendements du rapporteur le premier fixant le nombre maximal des députés à cinq cent soixante-dix-sept et le second celui des sénateurs à trois cent quarante-huit. Leur auteur a indiqué que la création de sièges de députés représentant les Français établis hors de France ne devait pas accroître le nombre total de sièges. Il a ajouté que le premier amendement aurait également pour effet de revenir sur la décision de créer deux sièges de députés pour les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Il a également précisé que le second amendement ne remettait en cause ni la réforme en cours du Sénat ni la création de deux sièges de sénateurs pour les deux collectivités précitées.

Après s’être déclaré favorable à ces amendements, M. René Dosière a estimé qu’il convenait de revenir également sur la création de ces deux sièges de sénateurs. Il a rappelé que le sénateur de Saint-Barthélemy serait élu avec dix voix et celui de Saint-Martin avec douze voix.

Mme George Pau-Langevin s’est étonnée du manque de cohérence de la majorité qui a créé deux nouvelles collectivités territoriales et qui souhaite aujourd’hui ne pas les doter de représentants.

Le rapporteur a estimé que le maintien du statu quo au Sénat était suffisamment satisfaisant.

M. Dominique Perben a estimé que la limitation du nombre des députés à cinq cent soixante-dix-sept impliquait nécessairement une refonte des circonscriptions électorales, compte tenu de la création de postes de députés représentant les Français établis à l’étranger.

M. Arnaud Montebourg a exprimé sa préoccupation que le rapport entre le nombre de sièges de chaque assemblée soit effectivement figé, compte tenu notamment des compétences dévolues à la réunion des commissions permanentes compétentes des deux assemblées.

La Commission a alors adopté ces deux amendements (amendements nos 53 et 54).

Puis elle a rejeté un amendement de M. Noël Mamère prévoyant l’élection d’au moins deux dixièmes des députés au scrutin proportionnel et un amendement de M. Arnaud Montebourg prévoyant l’élection d’un dixième des députés au scrutin proportionnel.

La Commission a été saisie d’un amendement de M. Arnaud Montebourg précisant que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales « en fonction » de leur population et non en « tenant compte » de celle-ci. Son auteur a indiqué que cette formulation était celle retenue dans l’avant-projet de loi. Il a également rappelé que le collège électoral du Sénat était composé à 96 % de représentants des communes, au sein desquelles les plus petites d’entre elles étaient, en outre, surreprésentées.

Après avoir rappelé que M. Édouard Balladur avait estimé lors de son audition que les deux formulations étaient équivalentes, M. Jean-Jacques Urvoas s’est interrogé sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à modifier le projet de loi.

Le rapporteur a indiqué que l’expression figurant dans le projet de loi était celle retenue par le Conseil constitutionnel en 2000. Il a observé que la proposition de loi déposée par le groupe SRC (404) sur le mode d’élection des sénateurs n’instaurait pas une formule mathématique rigide pour la désignation des délégués, ce qu’impliquerait pourtant le retour à l’expression « en fonction ». Il a rappelé qu’aujourd’hui les conseils généraux et les conseils régionaux n’étaient représentés que par leurs seuls conseillers et que le texte retenu par le projet de loi constitutionnelle conduirait nécessairement à une adaptation. Il a cependant estimé qu’il ne convenait pas pour autant d’instaurer un système de représentation des collectivités territoriales strictement proportionnel à la population.

La Commission a alors rejeté l’amendement.

La Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde prévoyant que les modes de scrutin pour l’élection du Parlement respectent la diversité politique de la Nation et un amendement de M. Noël Mamère prévoyant l’incompatibilité du mandat parlementaire avec tout autre mandat électif.

La Commission a adopté l’article 9 ainsi modifié.

Après l’article 9

La Commission a rejeté un amendement de M. Noël Mamère tendant à prévoir que nul ne peut exercer plus de trois mandats parlementaires consécutifs, après que cet amendement eut reçu un avis défavorable du rapporteur.

Article 10

(art. 25 de la Constitution)


Retour des ministres au Parlement
et délimitation des circonscriptions électorales

Le présent article modifie l’article 25 de la Constitution dans deux directions :

―  d’une part, il autorise, dans des conditions qui restent à définir dans la loi organique, le retour des ministres au Parlement après la cessation de leurs fonctions si ceux-ci avaient été élus député ou sénateur (1°), mesure qui sera applicable aux ministres en poste au moment de l’entrée en vigueur de cette loi organique en application du IV de l’article 34 (405) ;

―  d’autre part, il prévoit, dans les conditions fixées par une loi, la mise en place d’une commission indépendante chargée de donner un avis sur les projets délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou des sénateurs ou répartissant les sièges entre ces dernières (2°).

1. Le retour des ministres au Parlement

a) Une incompatibilité stricte qui ne s’impose plus

La Constitution, dans son article 23, prescrit l’incompatibilité des fonctions de membre du Gouvernement avec l’exercice d’un mandat parlementaire. Cette incompatibilité est de règle dans les régimes qui se réclament de la séparation des pouvoirs et constitue l’un des aspects les plus caractéristiques des régimes présidentiels (406).

Cette règle fait ainsi partie des dispositions constitutionnelles instituées en 1958 pour assurer la séparation des pouvoirs, l’histoire des deux Républiques précédentes ayant montré combien la confusion entre les deux fonctions pouvait nuire au respect de ce principe proclamé à l’article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (407).

L’instauration d’une telle incompatibilité a donc constitué une innovation au regard de la tradition parlementaire et l’on sait que, sur ce point seulement, l’hostilité du comité consultatif constitutionnel a été très ferme. Mais, le même contraste entre incompatibilité des fonctions parlementaire et ministérielle et régime parlementaire peut être constaté en Norvège (408) ou aux Pays-Bas (409). Par ailleurs, la France elle-même a connu, dans son histoire constitutionnelle, avec les Constitutions de 1791 (410), de l’An III (411) ou de 1852 (412), une telle incompatibilité.

Lorsqu’elle fut instaurée en 1958, elle légitimait, de manière implicite, le recours à des ministres « techniciens », qui n’étaient pas issus des rangs parlementaires (413). Elle matérialisait la rupture du cordon ombilical entre le Parlement et le Gouvernement et figurait en bonne place parmi les mesures destinées à stabiliser l’exécutif. Le ministre issu du Parlement ne retrouvant pas son siège si le Gouvernement « tombait », il serait peu enclin à jouer contre la stabilité de celui-ci.

Le Général de Gaulle tenait beaucoup à cette mesure. Dès 1958, il fera adopter deux textes qui consacrent, selon ses vues, la séparation des pouvoirs. La loi constitutionnelle du 3 juin 1958, qui proclame que « le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif doivent être effectivement séparés de façon que le Gouvernement et le Parlement assument chacun pour sa part et sous sa responsabilité la plénitude de leurs attributions », et qui prévoit à cette fin que « c’est du suffrage universel ou des instances élues par lui que dérivent le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ». L’article 23 de la Constitution du 4 octobre 1958 établit le principe du non-cumul entre les fonctions de membre du Gouvernement et l’exercice de tout mandat parlementaire.

Michel Debré, dans son discours de présentation de l’avant-projet de Constitution au Conseil d’État prononcé le 27 août 1958, rangeait cette mesure parmi celles qui, au même titre que l’obligation du vote personnel et « la procédure minutieuse de la motion de censure », « n’auraient pas leur place dans un texte de cette qualité si nous ne savions qu’ils sont nécessaires pour changer les mœurs ». Il ajoutait : « Quand on veut briser de mauvaises habitudes, il faut de rigoureux impératifs ». « La pratique française qui ne connaît quasiment aucune incompatibilité a favorisé l’instabilité d’une manière telle qu’il serait coupable de ne pas réagir. La fonction ministérielle est devenue un galon, une étoile ou plutôt une brisque comme les militaires en connaissent, et qui rappelle une campagne. On reconnaît les politiciens chevronnés au nombre de brisques qu’ils portent sur la manche. Le pouvoir n’est plus exercé pour le pouvoir : il est ambitionné pour le titre qu’il donne et les facilités de carrière ou d’influence qu’il procure à ceux qui l’ont approché ou qui sont susceptibles de l’approcher encore. Au début de la IIIe République, les mœurs étaient différentes. C’était le temps où le vote personnel était encore de rigueur et les parlementaires qui devenaient ministres ne votaient plus, ne siégeaient plus. Jules Ferry, à la veille du débat sur l’affaire de Langson, dont il devinait qu’il pouvait lui être fatal, rappela cependant cette règle à ses ministres. Quelle chute dans nos mœurs depuis cette époque ! La règle de l’incompatibilité est devenue une sorte de nécessité pour briser ce qu’il était convenu d’appeler la " course aux portefeuilles ", jeu mortel pour l’État. Le projet l’étend de telle sorte qu’il est bien entendu pour tous que l’on ne pourra désormais accéder à une fonction ministérielle qu’à condition de s’y consacrer entièrement. »

À la recherche d’une plus grande stabilité dans les institutions, le constituant de 1958 souhaitait donc instituer un mécanisme de remplacement rigide susceptible d’éviter les remous dans les activités du Parlement et dans ses rapports avec l’exécutif. Dans un régime démocratique, tous les citoyens ont droit à être représentés en permanence dans l’organe délibérant. Il en résulte que le Parlement doit toujours être à même de siéger au complet.

Fut donc institué le mécanisme du remplaçant, suppléant à l’Assemblée nationale, suppléant ou suivant de liste au Sénat. Pour permettre d’articuler cette incompatibilité avec la nécessité d’assurer la continuité de la vie parlementaire, la loi organique, prévue à l’article 25 de la Constitution, relative à la durée des pouvoirs de chaque assemblée, au nombre de ses membres, à leur indemnité, aux conditions d’éligibilité et au régime des incompatibilités, devait donc également fixer les conditions « dans lesquelles sont élues les personnes appelées à assurer en cas de vacance du siège, le remplacement des députés ou des sénateurs jusqu’au renouvellement général ou partiel de l’assemblée à laquelle ils appartenaient ».

L’article L.O. 176-1 du code électoral dispose ainsi que « les députés élus au scrutin uninominal dont le siège devient vacant pour cause de décès, d’acceptation de fonctions gouvernementales ou de membre du Conseil constitutionnel ou de prolongation au-delà du délai de six mois d’une mission temporaire confiée par le Gouvernement sont remplacés jusqu’au renouvellement de l’Assemblée nationale par les personnes élues en même temps qu’eux à cet effet. » Symétriquement, l’article L.O. 319 du même code reprend le même dispositif pour « les sénateurs élus au scrutin majoritaire », tandis que l’article L.O. 320 précise qu’« en cas d’élections à la représentation proportionnelle, les candidats venant sur une liste immédiatement après le dernier candidat élu sont appelés à remplacer les sénateurs élus sur cette liste dont le siège deviendrait vacant pour quelque cause que ce soit ».

Conformément à l’article L.O. 177 du code précité, qui reprend le dispositif prévu au deuxième alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution, les mesures nécessaires pour remplacer un membre du Gouvernement dans son mandat de député sont prises dans le mois qui suit l’expiration du délai prévu à l’article L.O. 153 (414). Un parlementaire qui entre au Gouvernement et choisit d’y rester cède sa place à son remplaçant de manière définitive, jusqu’à la fin de la législature s’il était député ou jusqu’au prochain renouvellement s’il était sénateur, sauf à ce que le remplaçant démissionne lorsque l’ancien titulaire quitte le Gouvernement, de telle sorte qu’une élection partielle soit organisée dans le cas de désignation au scrutin uninominal.

Ce mécanisme a donc deux vertus stabilisatrices essentielles : combler la vacance ouverte par l’accès d’un parlementaire à un poste ministériel et éviter le recours trop fréquent aux élections partielles.

La pratique a montré que ce dispositif présente des inconvénients. Elle prive les assemblées parlementaires du concours de certains de leurs membres, désignés en première ligne par le suffrage universel, alors même qu’ils ont cessé d’accomplir une fonction incompatible avec l’exercice de leur mandat. Elle place les membres du Gouvernement issus du Parlement, lorsque leurs fonctions ministérielles prennent fin, dans une situation différente de celle des membres du Gouvernement d’origine non parlementaire, à qui la Constitution n’interdit pas de reprendre leurs activités antérieures et d’exercer leurs responsabilités.

Il arrive également qu’elle conduise, comme nous en avons émis l’hypothèse ci-dessus, des remplaçants à démissionner, au seul motif de provoquer une élection partielle et de fournir aux anciens membres du Gouvernement l’occasion de revenir au Parlement.

Très rapidement après les débuts de la nouvelle République, la plupart des ministres ont été pris dans les assemblées et les ministres non parlementaires ont été priés de plus en plus de se mettre dans la course pour obtenir un mandat au Parlement et ainsi puiser une légitimité supplémentaire à la source de lélection. Le gouvernement du Général de Gaulle investi le 1er juin 1958 comportait sept non-parlementaires sur un total de vingt-quatre ministres. Le gouvernement de Michel Debré, formé en janvier 1959, comptait dix non-parlementaires sur vingt-sept ministres. Dans celui de Georges Pompidou institué le 7 avril 1967, sur vingt-neuf ministres et secrétaires d’État, il ne reste plus que quatre ministres non parlementaires. L’équipe formée par Maurice Couve de Murville, le 14 juillet 1968, ne comprenait plus qu’un seul non-parlementaire, André Malraux. Si certains gouvernements, tels que celui formé par M. Michel Rocard, ont pu comprendre une part importante de non-parlementaires, cette proportion est toujours restée minoritaire et le Parlement a continué de fournir l’essentiel de l’équipe gouvernementale.

Le fonctionnement de nos institutions, tel qu’il résulte de la novation introduite par l’élection du Président de la République au suffrage universel, ainsi que de la pratique parlementaire de la Ve République, conduit à constater que la stabilité gouvernementale, d’une part, la claire séparation des pouvoirs, d’autre part, sont désormais choses acquises. Dès lors, peut être sereinement envisagé un aménagement des conséquences de la mise en œuvre du principe d’incompatibilité, qui demeurerait intangible et inchangé. Il faut aller jusqu’au bout de la logique inachevée de la suppléance et éviter les élections partielles. C’est un élément de revalorisation du Parlement, vivier pour la composition des gouvernements.

b) La nécessité d’une réforme

Conçue à une époque où le constituant avait fort présent à l’esprit l’agitation qui secouait, sous les Républiques précédentes, le Parlement à chaque changement de Gouvernement, l’incompatibilité rigide, qui continuait à produire ses effets même après la cessation des fonctions gouvernementales, ne saurait perdurer dans des institutions désormais marquées par la stabilité et où les coalitions ne changent pas du jour au lendemain, en fonction de la défection de tel ou tel.

Plusieurs pays européens ont aménagé le régime d’incompatibilité pour le rendre moins rigide en permettant au membre du Gouvernement qui cesse de l’être de retrouver son siège de parlementaire s’il avait été élu avant sa nomination. Ainsi, la Constitution du Royaume de Belgique, dans son article 50, tel que révisé en 1994, dispose que « le membre de l’une des deux Chambres, nommé par le Roi en qualité de ministre et qui l’accepte, cesse de siéger et reprend son mandat lorsqu’il a été mis fin par le Roi à ses fonctions de ministre ». Cette disposition trouve à s’appliquer depuis les élections législatives de 1995. Un mécanisme similaire est organisé en Suède.

Après plus de quinze ans de fonctionnement de la Constitution de 1958, il était déjà apparu que la règle de l’incompatibilité entre les fonctions ministérielles et parlementaires ne devait pas emporter nécessairement le remplacement définitif par son suppléant du parlementaire qui devenait ministre et qu’un remplacement temporaire pouvait suffire à faire respecter la séparation des pouvoirs, entrée désormais dans les mœurs. Dès 1973, Achille Peretti déposa une proposition de loi constitutionnelle en ce sens (415).

L’année suivante, cette question fit l’objet d’une tentative de révision. Il était alors proposé, en maintenant le principe d’incompatibilité, de permettre aux députés et aux sénateurs qui ont cessé d’appartenir au Gouvernement d’exercer à nouveau leur mandat parlementaire. Le second alinéa de l’article 25 de la Constitution était complété par la mention « ou leur remplacement temporaire en cas d’acceptation par eux de fonctions gouvernementales ». Une loi organique devait en fixer les conditions d’application et préciser notamment le délai au terme duquel les députés ou les sénateurs reprennent place à leur siège, après qu’il a été mis fin à leurs fonctions au sein du Gouvernement.

Annoncée dans un message au Parlement le 30 mai 1974, puis délibérée en Conseil des ministres le 10 juin 1974 et le 21 août 1974, la réforme tendant à instituer le remplacement temporaire des parlementaires entrés au Gouvernement, fut adoptée en troisième lecture à l’Assemblée nationale, le 17 octobre 1974, et au Sénat, le même jour (416). Le projet, adopté en des termes identiques, ne fut cependant pas soumis au Congrès, faute de recueillir a priori les trois cinquièmes des suffrages exprimés. Trois anciens Premiers ministres, Michel Debré, Maurice Couve de Murville et Pierre Messmer s’étaient alors fermement opposés à une telle révision.

Après le dépôt d’une proposition de loi constitutionnelle à laquelle il ne fut pas donné suite (417), la question fut de nouveau posée en 1977 sur le fondement d’une proposition de loi organique (418), qui prévoyait que le parlementaire ayant quitté le Gouvernement puisse retrouver directement son siège en cas de décès ou de démission de son suppléant. Le Conseil constitutionnel estima alors que cette disposition était incompatible avec la lettre de l’article 25 de la Constitution : « considérant qu’en précisant que le parlementaire dont le siège est devenu vacant est remplacé jusqu’au renouvellement général ou partiel de l’assemblée à laquelle il appartenait, l’article 25 a entendu donner au remplacement un caractère définitif ; qu’ainsi un député ou sénateur qui est remplacé pour cause d’acceptation d’une fonction ou mission incompatible avec son mandat perd définitivement sa qualité de membre du Parlement et ne saurait la retrouver qu’à la suite d’une nouvelle élection ; qu’en prévoyant que ce député ou sénateur, lorsqu’a cessé la cause de l’incompatibilité, a la faculté de succéder à son remplaçant décédé ou démissionnaire, sans qu’il soit recouru à l’élection, les deux lois organiques soumises à l’examen du Conseil constitutionnel méconnaissent les dispositions de l’article 25 ; qu’elles doivent, dès lors, être déclarées contraires à la Constitution. » (419)

Les questions posées en 1974 et en 1977 sont restées les mêmes. Elles furent de nouveau évoquées par des propositions de loi constitutionnelles dans les années qui suivirent (420). Les constats n’ont pas varié. Tant l’incompatibilité entre les deux types de fonctions que le principe de la séparation des pouvoirs sont pleinement intégrés à notre fonctionnement institutionnel.

En 1993, le « comité Vedel », dans son rapport au Président de la République, avait considéré qu’« il est certainement souhaitable qu’un bon nombre de ministres soient issus du Parlement et il paraît tout aussi souhaitable de conserver la règle d’incompatibilité pour qu’ils puissent se consacrer entièrement à leurs fonctions gouvernementales ; mais il semble utile de prévoir, comme cela avait été fait par le projet de révision de 1974, qu’un ministre puisse retrouver son siège de parlementaire lorsqu’il cesse d’exercer ses fonctions, ce après un délai de six mois. » (421) Le projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et relatif à l’organisation des pouvoirs publics du 11 mars 1993 proposait de revenir sur cette stricte interdiction, estimant que celle-ci « qui avait été retenue en 1958 avait pour objet d’éviter les excès ayant marqué les Républiques précédentes. La pratique a toutefois montré qu’un tel système était excessivement rigide ».

Le « comité Balladur », dans sa proposition n° 17, a estimé que, s’il n’y avait pas lieu de revenir sur le principe de l’incompatibilité, « en revanche, le recours à des élections partielles provoquées, après qu’un ministre a quitté ses fonctions gouvernementales, par la démission " forcée " du parlementaire élu en même temps que lui en qualité de suppléant revêt un caractère artificiel. La participation électorale est d’ailleurs particulièrement faible en pareille occurrence. Enfin, il y a quelque inconséquence à prévoir que les anciens ministres d’origine non parlementaire peuvent retrouver sans délai leurs activités professionnelles antérieures et à interdire qu’il en aille de même pour ceux qui, avant leur entrée au Gouvernement, exerçaient un mandat parlementaire. »

Il a souligné également que l’adoption du projet de 1974 « permettrait en outre, sans mettre à mal la solidarité gouvernementale, de renforcer l’autorité des ministres et de favoriser un renouvellement plus apaisé des membres du Gouvernement » (422).

À l’instar du projet de loi constitutionnelle de septembre 1974, il est proposé dans le présent article d’inscrire dans le deuxième alinéa de l’article 25 de la Constitution le caractère temporaire du remplacement du parlementaire devenu ministre et de renvoyer à la loi organique le soin de déterminer dans quelles conditions s’effectue son éventuel retour au Parlement.

Le système proposé présente ainsi un triple avantage :

―  il permet de conserver la stabilité de la vie parlementaire, en réduisant le nombre d’élections partielles ;

―  il maintient un lien entre le pouvoir exécutif et le Parlement ;

―  il continue d’assurer l’indépendance des fonctions.

Si la mesure inscrite en 1958 dans la Constitution permettait que « les ministres puissent s’abstenir des soucis d’ordre électoral en se laissant guider par la seule considération des intérêts généraux de la Nation » (423), la mesure proposée présente a fortiori l’avantage de respecter le principe de séparation des pouvoirs tout en dégageant l’intéressé des préoccupations électorales.

Dans le cas où, à l’Assemblée nationale, le suppléant d’un ministre viendrait à décéder comme cela a pu arriver dans le passé (424), le recours à des élections partielles s’avérerait de nouveau nécessaire.

2. La création d’une commission indépendante chargée d’examiner les projets de « découpage électoral »

Le présent article, afin de mieux garantir l’égalité du suffrage, tend à imposer, pour toutes les élections parlementaires, législatives comme sénatoriales, que les projets ou propositions qui permettent le redécoupage des circonscriptions ou une modification de la répartition des sièges entre ces dernières soient soumis à l’avis public d’une commission indépendante dont la loi fixera les règles d’organisation et de fonctionnement.

a) L’impératif du « remodelage »

Dans la question de la « carte électorale », trois opérations doivent être distinguées : la fixation des effectifs de l’Assemblé considérée, la répartition des sièges par circonscription et la délimitation des circonscriptions, c’est-à-dire la carte électorale proprement dite.

Pour effectuer ces différentes opérations, deux méthodes ont été suivies dans le passé :

―  soit à partir de circonscriptions données – les arrondissements administratifs ou les départements –, une méthode de calcul est appliquée à chacune, sur une base géographique, ce qui détermine in fine les effectifs de l’assemblée. La carte est donc fixe et les effectifs varient en fonction des variations de la population. C’est cette méthode qui sera retenue sous la IIIe République et la IVe République ;

―  soit à partir d’un effectif déterminé a priori, une première méthode de calcul est fixée pour répartir les sièges entre un premier niveau d’unités territoriales – le département –, puis au sein de chacune de ces unités, un « découpage » est effectué en fonction du nombre de parlementaires attribué à chacune. Les effectifs sont fixes, mais la carte varie en fonction de la population. C’est cette méthode qui sera utilisée sous la Ve République.

• Les précédents sous la Ve République

En 1958, la fixation du nombre de sièges et la répartition par département, ainsi que la carte des circonscriptions pour l’élection des députés, a obéi à un processus purement « administratif », sans intervention du Parlement ni contrôle du Conseil d’État, ni publicité, réalisé par les collaborateurs du Général de Gaulle, aidés par le cabinet et les services du ministère de l’intérieur. La rupture avec la République précédente fut double. D’une part, l’arrondissement ne servait plus de base à l’élection. D’autre part, l’effectif des députés était fixé a priori. La carte se déduisait désormais de l’effectif.

Le calendrier de mise en place du nouveau « découpage » fut très serré : le 7 octobre 1958, le Général de Gaulle arbitre en Conseil des ministres en faveur du scrutin uninominal ; le « découpage » paraissait au Journal officiel dès le 14 octobre (425), pour des élections qui se dérouleront les 23 et 30 novembre 1958. Dans un premier temps, les effectifs sont ramenés de cinq cent quarante-quatre à quatre cent soixante sièges. Ils furent distribués sur la base d’un député pour 93 000 habitants, le reliquat étant réparti entre les départements au plus fort reste de la population. Puis, fut décidé le maintien d’une représentation minimale de deux députés pour les départements les moins peuplés, ce qui a eu pour conséquence de créer cinq sièges supplémentaires au profit des Basses-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence depuis 1970), des Hautes-Alpes, de l’Ariège, de la Lozère et du Territoire de Belfort, d’où l’effectif de quatre cent soixante-cinq députés métropolitains fixé par l’ordonnance n° 58-1065 du 7 novembre 1958 (426). Aucune procédure de révision de l’attribution des sièges en fonction de l’évolution démographique ne fut alors prévue.

Les modifications intervenant avant l’établissement du scrutin de liste en 1985 ont eu une origine administrative impérieuse, sans lien direct avec la loi électorale.

Ainsi, la réorganisation administrative de la région parisienne en 1964 provoque le remodelage des vingt-quatre circonscriptions de Seine-Banlieue et des dix-huit de Seine-et-Oise, réparties entre les six nouveaux départements (427). Cinq sièges supplémentaires sont destinés à tenir compte de l’évolution démographique (428).

L’agrandissement du département du Rhône aux dépens de l’Ain et plus encore de l’Isère en décembre 1967 conduit à créer trois circonscriptions supplémentaires dans le Rhône et à modifier une circonscription de l’Ain et trois en Isère (429). Les effectifs de députés métropolitains sont portés à quatre cent soixante-treize (430).

La division de la Corse en deux départements, intervenue en 1975, accompagnée du respect d’une représentation minimale de deux députés par département conduit à diviser l’île en quatre circonscriptions (431) et à porter les effectifs des députés métropolitains de quatre cent soixante-treize à quatre cent soixante-quatorze (432).

À titre de comparaison, on peut souligner que, de 1958 à 1985, seulement vingt-six circonscriptions ont été modifiées, contre cent quatre-vingt dix-huit de 1889 à 1914 (trente-six en 1893, vingt-cinq en 1898, cinquante-neuf en 1902, trente-cinq en 1910 et quarante-trois en 1914).

La loi n° 85-692 du 10 juillet 1985 relative à l’élection des députés établit un scrutin de liste dans le cadre départemental. Le « département forme une circonscription ». La répartition des sièges par circonscriptions était décrite dans un tableau annexé à cette loi.

La loi organique n° 85-688 du 10 juillet 1985 porta à cinq cent soixante-dix le nombre de députés élus dans les départements (cinq cent cinquante-cinq en métropole, soit quatre-vingt-un de plus) (433). S’il est précisé que la « révision de la répartition des sièges a lieu au cours de la première session ordinaire du Parlement qui suit la publication des résultats de recensement général de la population », la loi est, comme en 1958, muette sur les mécanismes aboutissant à l’effectif de cinq cent cinquante-cinq députés métropolitains. Mais, les travaux parlementaires montrent que le Gouvernement avait retenu le principe de l’attribution d’un siège par tranche de 108 000 habitants, sur la base du recensement de 1982 ; chaque département avait été doté d’au moins deux sièges (434).

L’augmentation des effectifs a été justifiée par la nécessité de répondre à la croissance de la population depuis 1958, selon la logique de la représentation proportionnelle, et par le désir de favoriser les plus petits départements pour leur assurer une représentation minimale. La hausse substantielle du nombre global des députés permettait d’assurer une répartition équitable des sièges entre les départements en ne diminuant le contingent que d’un seul, Paris (de trente et un à vingt et un sièges).

Le retour au scrutin uninominal à deux tours constituait le deuxième engagement de la « Plate-forme pour gouverner ensemble » signée par l’Union pour la démocratie française et le Rassemblement pour la République le 16 janvier 1986. Cet engagement fut tenu dès le 6 avril 1986 par l’adoption d’un projet de loi qui, d’une part, modifiait le mode de scrutin et, d’autre part, habilitait le Gouvernement à fixer par ordonnance les délimitations de chaque circonscription.

Le maintien de l’effectif global et de la répartition des sièges déterminés en 1985 permettait d’éviter le recours à une loi organique, nécessaire pour fixer le nombre de députés (cinq cent soixante-dix pour les départements de métropole et d’outre-mer). Il permettait, en outre, de ne pas ouvrir le débat sur la répartition des sièges entre départements et de concentrer les discussions éventuelles sur le « découpage » de chaque département en circonscriptions.

La loi du 11 juillet 1986 (435), qui inscrit également dans le code électoral qu’il est procédé à la révision des limites des circonscriptions, en fonction de l’évolution démographique, après le deuxième recensement général de la population suivant la dernière délimitation, sera adoptée après engagement de la responsabilité du Gouvernement et rejet d’une motion de censure votée par 284 voix.

Elle a fixé les limites de l’ordonnance :

―  celle-ci devait être prise dans les six mois ;

―  sauf en ce qui concerne les départements dont le territoire comporte des parties insulaires ou enclaves, les circonscriptions devaient être constituées par un territoire continu ;

―  à l’exception des circonscriptions à Paris, Lyon et Marseille, la délimitation devait respecter les limites cantonales. Mais la division des cantons était possible « dans les départements comprenant un ou des cantons non constitués par un territoire continu, ou dont la population, au recensement général de la population de 1982, est supérieure à 40 000 habitants » ;

―  la population d’une circonscription ne pouvait s’écarter de plus de 20 % de la population moyenne des circonscriptions du département (436;

―  innovation essentielle destinée à contrebalancer l’absence de débat parlementaire, était prévue l’intervention d’une commission indépendante du Gouvernement, composée de deux conseillers d’État, deux conseillers à la Cour de cassation et deux conseillers maîtres à la Cour des comptes, désignés par leurs pairs. Ses avis devaient être publics (437).

Saisi par les députés socialistes, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion d’émettre des réserves (438). La faculté de ne pas respecter les limites cantonales devait bien être réservée aux seuls départements comprenant un ou des cantons non constitués par un territoire continu, ou dont la population était supérieure à 40 000 habitants. La mise en œuvre de l’écart maximal de 20 % devait être réservée à des cas exceptionnels et dûment justifiés. La délimitation devait se faire sur une base essentiellement démographique sans aucun arbitraire.

S’est alors engagé le processus itératif d’élaboration de l’ordonnance de « découpage ». Début août 1986, la « commission indépendante » rendait un avis sur l’avant-projet présenté par le Gouvernement : trente-cinq départements étaient validés, soixante et un faisaient l’objet d’observations (environ cent quatre-vingt dix circonscriptions sur cinq cinquante-cinq). Le Gouvernement corrigea une première fois son « découpage », suivant l’avis de la commission sur trente-sept départements, présentant un nouveau projet pour treize, conservant son « découpage » sur onze départements contestés par la commission. Celle-ci approuva neuf des treize nouveaux projets. Le Gouvernement proposa deux modifications. Au total, le « découpage » suivit l’avis de la commission pour quatre-vingt-trois départements et ne le rejeta que dans treize cas. L’assemblée générale du Conseil d’État rejeta pour sa part vingt-cinq départements le 20 septembre 1986. Le Gouvernement corrigea alors le « découpage » de quatorze départements, approuvé par le Conseil d’État, à l’exception d’un seul. Le Conseil d’État aura cautionné le « découpage » de quatre-vingt-quatre départements sur quatre-vingt-seize.

Le 2 octobre 1986, par communiqué du secrétariat général de l’Élysée, le Président de la République indiqua qu’il refusait de signer l’ordonnance. Par voie de communiqué, le Gouvernement répondit que lui avait été donné, « par une loi d’habilitation, le mandat d’établir, par ordonnance, le tableau portant délimitation des circonscriptions électorales. Le Gouvernement s’est acquitté de cette obligation au terme de longues consultations, après s’être entouré de toutes les garanties d’objectivité et de justice nécessaires. »

Le 8 octobre 1986, le projet d’ordonnance fut transformé en projet de loi. Les socialistes, par voie d’amendement, demandèrent la modification du « découpage » de cinquante et une circonscriptions dans quatorze départements, les communistes de soixante-treize circonscriptions dans dix-sept départements. L’engagement de la responsabilité du Gouvernement permit l’adoption du projet de loi par l’Assemblée, la motion de censure ne recueillant que 281 voix. Le Sénat adopta une question préalable. La CMP retint le texte de l’Assemblée qui fut adopté par celle-ci après un nouvel engagement de responsabilité mais sans motion de censure, puis par le Sénat.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18 novembre 1986, valida et la procédure et la loi (439). Il a estimé, d’une part, que la procédure utilisée par la majorité du Sénat était intervenue « dans des conditions qui n’affectent pas, au cas présent, sa régularité », et que, d’autre part, la « Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision identique à celui du Parlement » ; « quelle que puisse être la pertinence de certaines critiques adressées par les députés (…) il n’apparaît pas, en l’état du dossier, et compte tenu de la variété de la complexité des situations locales pouvant donner lieu à des solutions différentes dans le respect de la même règle démographique, que les choix effectués par le législateur aient manifestement méconnu les exigences constitutionnelles ». Le « découpage » sera fixé par la loi du 24 novembre 1986 (440).

• Les observations du Conseil constitutionnel

La carte actuelle des circonscriptions législatives, dessinée en 1986 et fondée sur un recensement vieux de vingt-cinq ans, est marquée par de fortes disparités démographiques. D’un département à l’autre, les députés sont loin de « peser » le même poids en termes de population. Ainsi, sur la base du recensement de 1999, un député en moyenne représente environ 130 000 habitants en Seine-et-Marne, en Haute-Garonne, dans le Var, dans l’Ain ou l’Hérault, alors qu’il en représente moins de 90 000 dans plus d’une vingtaine de départements.

Le Conseil constitutionnel veille, depuis sa décision des 1er et 2 juillet 1986 (441), au respect du principe d’égalité démographique entre les circonscriptions. En effet, il avait alors relevé que l’ordonnance qui procéderait au « découpage » devait « déterminer les circonscriptions à l’intérieur des territoires en cause sur des bases essentiellement démographiques » et que « si le Gouvernement a néanmoins la faculté de tenir compte d’impératifs d’intérêt général liés aux caractères spécifiques des territoires considérés, ce ne peut être que dans une mesure limitée ».

De manière récente, en prenant acte du fait que la création des nouveaux sièges de parlementaires à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin résultant de l’adoption de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer n’entrera en vigueur qu’à compter du prochain renouvellement général, il a redit son attachement à ce principe (442) et a donc soumis la constitutionnalité de cette création à la correction ultérieure « des disparités démographiques affectant actuellement l’ensemble des circonscriptions législatives au plan national, y compris celles de Guadeloupe » concernées par la loi organique précitée.

Il a rappelé, plus récemment encore, à l’occasion de l’examen d’une demande demandant l’annulation du décret convoquant les électeurs pour les dernières élections législatives qu’il « incombait au législateur, en vertu des dispositions de l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et des articles 3 et 24 de la Constitution, de modifier le tableau des circonscriptions législatives auquel renvoie l’article L. 125 du code électoral, afin de tenir compte des évolutions démographiques intervenues depuis leur dernière délimitation » (443).

Cette réserve et cette remarque s’inscrivent pleinement dans la suite des observations faites, le 7 juillet 2005, par le Conseil sur les échéances électorales de 2007. Il relevait ainsi à propos du « redécoupage » que « la recherche de l’égalité rendait ce remodelage nécessaire.

« En effet, le découpage actuel résulte de la loi n° 86-1197 du 24 novembre 1986 relative à la délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés. Il repose sur les données du recensement général de 1982. Depuis lors, deux recensements généraux, intervenus en 1990 et 1999, ont mis en lumière des disparités de représentation peu compatibles avec les dispositions combinées de l’article VI de la Déclaration de 1789 et des articles 3 et 24 de la Constitution.

« Ces disparités ne peuvent que s’accroître avec le temps. Il incombe donc au législateur de modifier ce découpage.

« Si cela n’est pas fait avant les prochaines élections législatives, ce qui serait regrettable, cela devra être entrepris au lendemain de celles-ci. »

Le Président du Conseil constitutionnel, en janvier 2006, l’a réaffirmé avec force : « C’est (…) là où l’égalité est à protéger le plus vigoureusement que la " quantité d’intérêt général " à mobiliser pour justifier une différence de traitement devra être la plus importante. C’est le cas en matière de découpage des circonscriptions électorales. Les écarts démographiques entre circonscriptions sont par nature suspects, car non conformes à l’égalité devant le suffrage, dimension fondamentale de l’égalité des droits politiques, de l’indivisibilité de la République et de la souveraineté nationale. Aussi les motifs d’intérêt général susceptibles de justifier des fluctuations du nombre d’habitants par élu entre circonscriptions sont-ils examinés avec rigueur par le Conseil et, en tout état cause, seulement admis à jouer dans des proportions limitées. » (444)

Par ailleurs, le code électoral, dans son article L. 125, dispose, comme on l’a déjà vu, qu’il est « procédé à la révision des limites des circonscriptions, en fonction de l’évolution démographique, après le deuxième recensement général de la population suivant la dernière délimitation ».

Cet impératif nécessite de poser des règles préalables, sur lesquelles chacun puisse s’accorder, qui apportent les garanties nécessaires non seulement au prochain découpage mais également à tous les suivants. De manière générale, les règles qui régissent la délimitation des circonscriptions, mais aussi la manière dont sont répartis les sièges, que ce soit les sièges de députés ou ceux de sénateurs, ne doivent pas faire l’objet du moindre soupçon.

La méthode employée en 1986 a permis des progrès certains. En effet, pour la première fois dans l’histoire de la France, la délimitation des circonscriptions législatives a été réalisée selon des critères annoncés à l’avance. La France pourrait également avec avantage s’inspirer de la pratique britannique par exemple qui a institué une commission indépendante qui, sous le contrôle du Speaker de la Chambre des Communes, procède à un remembrement périodique des circonscriptions électorales.

b) L’organisation d’un « redécoupage » irréprochable

• Les enjeux d’un encadrement rigoureux du découpage électoral

Déterminer les limites des circonscriptions est une étape capitale dans le processus électoral, car des inégalités de représentation « structurelles » fortes en découlent (445).

L’évolution démographique différenciée des territoires rend nécessaire un redécoupage régulier des circonscriptions. L’absence de redécoupage défavorise les circonscriptions les plus dynamiques démographiquement, en général les milieux urbains, par rapport à celles où la population augmente peu, en général les milieux ruraux.

Le « gerrymandering » et ses avatars plus ou moins volontaires peuvent constituer une autre source de déséquilibre. Il consiste dans un habile découpage s’appuyant sur les résultats électoraux précédents et visant à favoriser la représentation du parti au pouvoir. Deux cas de figures peuvent alors se présenter : soit la minorité est volontairement regroupée dans quelques circonscriptions où elle est fortement majoritaire tandis que la majorité ne la devance que très légèrement dans un nombre plus élevé de circonscriptions, soit le découpage est réalisé de telle sorte que la minorité ne puisse obtenir la majorité dans aucune circonscription.

La commission de Venise, organe consultatif du Conseil de l’Europe, a régulièrement souligné la nécessité, pour opérer un découpage « loyal », de prendre l’avis d’une commission indépendante « comprenant en majorité des membres indépendants, et de préférence un géographe, un sociologue, une représentation équilibrée des partis » (446).

La Cour suprême des États-Unis a elle-même bien posé le problème depuis longtemps. En février 1964, dans le cas Wesberry v. Sanders, des électeurs de l’État de Géorgie déclarèrent avoir été privés de l’utilité intégrale de leur voix dans les élections des représentants fédéraux, aucun nouveau découpage n’ayant été entrepris depuis trente ans. Dans sa décision, la Cour souligna : « Nous statuons que, interprétée dans son contexte historique, la disposition (de l’article 1er de la Constitution) selon laquelle " les Représentants doivent être choisis par le peuple des divers États ", signifie que la voix d’un homme dans une élection d’un membre du Congrès doit valoir celle d’un autre autant que possible. (…) Quoiqu’il puisse être impossible de dessiner des circonscriptions avec une précision mathématique, ce n’est pas une excuse pour ignorer l’objectif évident de notre Constitution de faire de la représentation égale pour des nombres égaux de personnes l’objectif fondamental pour la Chambre des Représentants. » (447)

• Le dispositif proposé

Venant compléter les dispositions du premier alinéa de l’article 25 de la Constitution qui dispose notamment qu’une « loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leur indemnité, les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités », le présent article, dans son alinéa 2, prévoit la création d’une commission indépendante chargée de donner un avis public sur les projets qui permettent de définir les limites des circonscriptions servant de cadre à l’élection des députés et des sénateurs et de répartir les sièges entre ces circonscriptions. Les conditions et les délais dans lesquels la commission devra rendre son avis seront déterminés par la même loi organique.

Déjà, en 1993, la commission de réforme du mode de scrutin, présidée par Georges Vedel (448), avait proposé de créer, en s’inspirant d’exemples étrangers, en particulier ceux du Royaume-Uni et de l’Allemagne, une commission indépendante, qui interviendrait en amont de l’élaboration du projet de loi. Elle devait être chargée d’émettre des propositions sur la répartition des sièges à l’intérieur du territoire national, sur la révision des limites de circonscriptions, ainsi que sur la modification de toute autre donnée susceptible d’être affectée par l’évolution démographique, en fonction de critères inscrits dans la loi spéciale précédemment évoquée.

Le « rapport Vedel » prévoyait également que cette commission soit composée, pour une part, de membres des juridictions administratives et judiciaires, et, pour l’autre, d’experts dans les disciplines de la démographie, de la géographie et des sciences politiques, tandis que certains proposaient d’y adjoindre des représentants des formations représentées à l’Assemblée nationale. Elle devait être systématiquement saisie l’année qui suit un recensement général de la population. Les propositions qu’elle émettait devaient faire l’objet d’un rapport public.

La création de cette commission ne devait pas entraîner de modification sur la procédure en aval. Le projet de loi de révision de la carte, qui devait continuer d’être préparé par le Gouvernement au vu des propositions formulées par la commission, devait être adopté en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État, puis soumis au vote du Parlement.

Ces suggestions ont été reprises peu ou prou par le « comité Balladur », dans sa proposition n° 64 (449). Estimant que sa réflexion « ne pouvait faire l’économie de la question du redécoupage des circonscriptions législatives », il s’est associé aux recommandations faites à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel tout en rappelant « son attachement à ce que le nombre des députés ne soit pas augmenté et à ce que soit mis à l’étude le sort réservé à la représentation de celles des collectivités d’outre-mer à statut spécial qui ne comptent souvent qu’une très faible population ». « Surtout, il demande que ces opérations soient conduites selon des règles strictes d’impartialité et dans la plus grande transparence. À cet effet, il forme le vœu que l’article 25 de la Constitution prévoie une révision régulière des circonscriptions, par exemple tous les dix ans, et renvoie à une loi organique le soin de préciser les garanties procédurales particulières qui conviennent. Il souhaite notamment que soit instaurée une commission indépendante chargée de veiller au respect du principe d’impartialité dans la préparation de cette opération. »

Ces propositions ont été largement reprises dans le présent article qui prévoit qu’une commission indépendante se prononce par un avis public sur les projets et propositions qui tendent à délimiter les circonscriptions pour l’élection des députés ou des sénateurs ou à assurer la répartition des sièges entre ces circonscriptions.

Ainsi, deux questions se posent aujourd’hui de nouveau, celle de la procédure permettant de garantir la plus grande objectivité possible de l’adaptation de la carte des circonscriptions électorales et celle du rythme auquel il est procédé à cette adaptation, compte tenu des variations de l’importance et de la répartition géographique de la population.

Quant au rythme d’examen de la carte électorale, le présent projet de loi constitutionnelle écarte, avec raison, la fixation d’un délai maximal de dix ans de validité des lois opérant le remodelage des circonscriptions. Tout en relevant la nécessité d’un redécoupage régulier, susceptible de suivre les modifications démographiques, le rapporteur estime qu’imposer un délai aussi strict dans la Constitution risquerait de se heurter au principe de réalité de la vie institutionnelle et poserait inutilement la question de son non-respect. En effet, si l’on devait retenir un tel délai de dix ans, qu’adviendrait-il d’un scrutin qui serait organisé la onzième année – soit après deux législatures complètes pour l’Assemblée nationale –, alors qu’aucune modification de la loi opérant la délimitation des circonscriptions ne serait intervenue au cours des dix années précédentes ? Faudrait-il le reporter dans l’attente de cette modification et annuler toutes les opérations préparatoires éventuellement engagées ?

L’inscription d’une disposition explicite relative au remodelage des circonscriptions dit suffisamment le caractère nécessaire d’un examen régulier de cette question, et ce d’autant plus que, comme le relève le Conseil constitutionnel, les dispositions combinées de l’article VI de la Déclaration de 1789 et des articles 3 et 24 de la Constitution rendent déjà nécessaire, même sans disposition expresse, une adaptation des limites des circonscriptions électorales aux évolutions de la population.

La loi à laquelle il est fait renvoi pourrait fixer, outre la composition de la commission indépendante, la périodicité avec laquelle celle-ci doit être saisie de projets de modification. Par exemple, les variations, au-delà d’une certaine ampleur qui reste à déterminer, des données fournies par le recensement réalisé par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) pourraient ainsi déclencher un processus de réexamen des limites des circonscriptions électorales, conduisant à l’élaboration d’un projet de « remodelage » qui serait alors automatiquement soumis à la commission indépendante pour un avis rendu public.

Un tel mécanisme garantirait un examen régulier de la question sans pour autant fixer une périodicité par trop rigide. Sa mise en œuvre serait facilitée par la réforme des méthodes de recensement intervenues récemment. En effet, en application du titre V de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, depuis janvier 2004, le recensement de la population résidant en France est annuel. Une nouvelle méthode a remplacé le comptage traditionnel organisé tous les huit ou neuf ans. Le recensement général de la population de 1999 aura ainsi été le dernier recensement concernant toute la population en même temps. Désormais, les communes de moins de 10 000 habitants réalisent une enquête de recensement exhaustive tous les cinq ans, à raison d’un cinquième des communes chaque année, tandis que les communes de 10 000 habitants ou plus réalisent tous les ans une enquête par sondage auprès d’un échantillon de 8 % environ de leur population (450). Ainsi, les premiers résultats de cette nouvelle méthode de recensement devraient être publiés en janvier 2009 et donner les chiffres de la population officielle au 1er janvier 2006. Par la suite, les chiffres pourront être actualisés chaque année, permettant ainsi de disposer en permanence de données récentes.

En tout état de cause, si un rythme plus régulier devait être retenu, il ne saurait figurer dans le texte de la Constitution et justifie un renvoi à la loi.

En ce qui concerne les garanties de procédure applicables à la délimitation des circonscriptions électorales, la création d’une commission indépendante est un gage important.

La loi pourrait également préciser les principes susceptibles de gouverner toute délimitation des circonscriptions électorales ainsi que les exceptions à ces principes justifiées, comme l’observe le Conseil constitutionnel, par des « impératifs d’intérêt général liés aux caractères spécifiques des territoires considérés ».

M. Jean-Jacques Urvoas a présenté un amendement instituant le principe du « mandat parlementaire unique », selon lequel le mandat de député est incompatible avec l’exercice de tout autre mandat ou fonction électif. Il a indiqué qu’une telle proposition, qui avait été faite tant par le « comité Balladur » que par le « comité Vedel » en son temps, répond à une attente de l’opinion publique. Il a remarqué que, si notre système juridique est souvent imité à l’étranger, tel n’est pas le cas du mode de fonctionnement de notre démocratie, rarement pris en exemple. Il a indiqué avoir évalué à environ la moitié des actuels députés ceux qui devront renoncer à un mandat, qui de maire, qui de président de conseil général, qui de président de conseil régional.

M. René Dosière a estimé que le cumul d’une fonction élective locale avec le mandat parlementaire pose un problème de principe, celui du conflit de l’intérêt local et de l’intérêt national. Dans un tel conflit, le parlementaire aura tendance naturellement à défendre la collectivité dont il est l’élu alors qu’en tant qu’élu de la Nation, il a le devoir de poursuivre l’intérêt général, qui n’est en aucun cas la somme des intérêts particuliers.

M. Christophe Caresche a jugé qu’il serait difficile d’expliquer à l’opinion qu’une révision constitutionnelle ayant pour objet de revaloriser le Parlement pourrait n’avoir aucune incidence sur l’organisation et le fonctionnement du Parlement, qui sont aujourd’hui à ses yeux défectueux : nombre de réunions de commission sont organisées simultanément avec la séance publique, ce qui n’est d’ailleurs pas sans conséquence sur certains votes – l’actualité récente a pu le montrer – et ceci est essentiellement dû au fait que l’Assemblée ne siège effectivement que deux ou trois jours par semaine pour permettre aux élus de passer le reste de la semaine dans leur circonscription. À l’appui de sa remarque, il a cité la lettre adressée par le Président de la République au Premier ministre au sujet de la révision constitutionnelle, dans laquelle il estimait envisageable « un plus grand investissement des parlementaires ».

Le rapporteur a émis un avis défavorable sur cet amendement, par cohérence avec ses prises de position antérieures en remarquant que l’amendement ne comprenant pas de date d’entrée en vigueur, celle-ci serait immédiate, ce qui ne manquerait pas de poser des difficultés à nombre de députés. La Commission a alors rejeté cet amendement, de même qu’un amendement de repli de M. Jean-Jacques Urvoas, interdisant le cumul d’un mandat parlementaire avec l’exercice de tout mandat de maire dans une commune de plus de 20 000 habitants, d’une fonction de président de conseil général ou de conseil régional, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle.

M. Bernard Derosier a présenté un amendement tendant à supprimer la disposition du projet de loi constitutionnelle permettant aux parlementaires nommés membres du Gouvernement de retrouver automatiquement leur siège au Parlement lorsque leur fonction ministérielle prend fin. Il a remarqué qu’il était pour le moins curieux que ce soit cette majorité qui décide de supprimer une disposition voulue par le Général de Gaulle en 1958 et le groupe SRC qui défende son maintien.

Le rapporteur a estimé que cette suppression allait dans le sens d’une simplification des procédures, les citoyens ne comprenant pas, selon tous les avis recueillis lors de la préparation de l’examen du texte, pourquoi ils étaient appelés à nouveau aux urnes, y voyant même parfois des élections de convenance. La Commission a alors rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite examiné l’amendement n° 15 de M. Patrick Ollier visant à limiter la possibilité pour le député nommé ministre de retrouver son siège de parlementaire sans élection partielle au seul cas où la fin de ses fonctions ministérielles résulte d’une démission collective du Gouvernement, présentée par le Premier ministre au Président de la République en application de l’article 8 de la Constitution. Selon son auteur, cet amendement permettrait d’éviter une fragilisation de la solidarité gouvernementale induite par un encouragement à la démission. Le rapporteur n’ayant pas émis un avis défavorable, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 15).

La Commission a ensuite été saisie d’un amendement de M. Michel Hunault prévoyant que la commission indépendante chargée de donner un avis public sur le « découpage » électoral sera composée selon une représentation proportionnelle des groupes parlementaires. Le rapporteur ayant émis un avis défavorable, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur visant à préciser qu’il reviendra à la loi de fixer les règles de composition de la commission indépendante (amendement n° 55).

Elle a ensuite examiné un amendement de M. Arnaud Montebourg visant, d’une part, à préciser que la commission indépendante sera composée selon les règles fixées par le nouvel article 13 de la Constitution, de manière à assurer sa réelle indépendance, et, d’autre part, à inscrire une durée maximale de validité de ses avis, fixée à dix ans. Il a jugé que le découpage des circonscriptions électorales est un sujet sensible, qui ne doit pas tomber dans des dérives partisanes. À l’heure actuelle, cette tâche échoit de fait à la majorité en place. Le projet de loi constitutionnelle qui confie à une commission indépendante le soin de présenter un avis sur ce découpage ne saurait être une réelle avancée que si les conditions de son indépendance effective sont assurées. Le rapporteur a estimé que son amendement à l’instant adopté est de nature à assurer cette indépendance puisqu’il confie à la loi, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, le soin de fixer la composition de la commission indépendante. Il a par ailleurs estimé qu’en l’absence de sanction, la caducité automatique au bout de dix ans des avis de la commission ne pourrait être assurée.

M. Jean-Jacques Urvoas a estimé importante la question de la durée de validité des avis de la commission et a rappelé que l’amendement proposé par le groupe SRC s’inspirait très largement des préconisations du « comité Balladur ». Le code électoral fixe d’ores et déjà un terme à la périodicité des découpages.

Après que M. René Dosière eut estimé qu’il était important d’inscrire un tel principe dans la Constitution, M. Arnaud Montebourg a jugé que la sanction existait : il s’agit de la potentielle censure par le Conseil constitutionnel de toute loi qui ne s’appuierait pas sur les avis de la commission indépendante. L’amendement permet donc bien d’éviter que le législateur ne procède à des redécoupages de confort sur la base de chiffres démographiques devenus caducs. Le rapporteur ayant jugé que le problème ne résidait pas dans de tels « redécoupages de confort » mais dans l’absence de sanction d’une inertie législative en la matière, malgré la règle des dix ans, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite été saisie d’un amendement du rapporteur visant à préciser que, quelle que soit la forme du texte gouvernemental, qu’il s’agisse d’un projet de loi ou d’un projet d’ordonnance, qui viserait à modifier le découpage électoral, ce texte devra être soumis à l’avis de la commission indépendante, de la même manière que les propositions de loi. Il s’agit d’éviter que le Gouvernement puisse contourner l’avis de la commission en prenant des ordonnances, qui n’étaient pas expressément visées par le projet de loi constitutionnelle. La Commission a adopté cet amendement, de même que deux amendements rédactionnels du même auteur (amendements nos 56, 57 et 58).

La Commission a ensuite rejeté, par cohérence, un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde visant à ouvrir à un tiers des membres de la commission indépendante un droit de veto sur les projets ou propositions de texte qui lui sont soumis, après que M. Arnaud Montebourg eut exprimé son soutien à cet amendement et que le rapporteur eut émis un avis défavorable.

La Commission a ensuite adopté l’article 10 ainsi modifié.

Après l’article 10

La Commission a été saisie d’un amendement de M. Jean-Claude Sandrier visant à réécrire l’article 29 de la Constitution et à prévoir que les sessions extraordinaires du Parlement sont convoquées soit de sa propre initiative, soit sur proposition du Premier ministre, après avis favorable des trois cinquièmes des membres de l’Assemblée nationale. Son auteur a expliqué que l’objectif de cet amendement était d’éviter que les sessions extraordinaires d’été soient utilisées par le Gouvernement pour faire subrepticement voter des textes importants. Le rapporteur ayant jugé que la rédaction actuelle de l’article 29 de la Constitution est satisfaisante, l’amendement a été retiré par son auteur.

Article additionnel après l’article 10

(art. 33 de la Constitution)


Publicité des auditions réalisées par les commissions parlementaires

La Commission a été saisie d’un amendement de M. Noël Mamère visant, dans un souci de transparence, à rendre publiques les auditions auxquelles procèdent les commissions parlementaires, sauf si elles en décident autrement.

M. Christophe Caresche s’est déclaré favorable à une telle proposition, d’ailleurs préconisée par le « comité Balladur », jugeant qu’elle serait de nature à renforcer le poids et la qualité des travaux des commissions.

M. Bertrand Pancher a estimé qu’il s’agissait de la conséquence logique de l’évolution proposée par le projet de loi constitutionnelle s’agissant du texte servant de base à la discussion en séance publique.

Tout en émettant des doutes sur la place de cette disposition dans la Constitution, M. Jean-Christophe Lagarde a de même estimé que cette proposition s’impose par le fait que c’est le texte adopté par la Commission qui servira désormais de base à la discussion en séance et que la publicité des débats en commission ainsi que la publication d’un compte rendu intégral seront indispensables pour conforter les travaux préparatoires de la loi et éclairer les citoyens sur les intentions du législateur.

Le rapporteur s’est déclaré favorable au principe de la publicité des auditions des commissions, direct corollaire de l’évolution de leurs tâches. Il a d’ailleurs rappelé que depuis le début de la législature un plus grand nombre d’auditions de la commission des Lois ont été rendues publiques, notamment celles préparatoires à la révision constitutionnelle. Il a cependant estimé que la précision contenue dans l’amendement ne relevait pas de la Constitution, mais bien du règlement de chaque assemblée. Il sera par ailleurs nécessaire d’inscrire à l’occasion de la future réforme du Règlement qui suivra celle de la Constitution le principe de la publicité des travaux des commissions et le remplacement du bulletin des commissions par un compte rendu intégral de leurs travaux.

M. Arnaud Montebourg s’est félicité de l’accord du rapporteur sur le fond de la proposition mais a regretté que le débat ne soit reporté sur celui de la future refonte du Règlement. Il a craint que l’argument consistant à renvoyer à un débat ultérieur ne soit par trop utilisé pour faire repousser les initiatives du groupe SRC. Le constituant est maître du contenu de la Constitution, qui d’ailleurs rentre parfois dans les détails de l’organisation parlementaire : le nombre maximal de commissions permanentes de chaque assemblée n’est-il pas fixé depuis 1958 par l’article 43 de la Constitution ? M. Arnaud Montebourg a estimé qu’il n’y avait pas d’obstacle juridique à ce que soit précisé dans la Constitution le principe de la publicité des débats en commission, tout comme d’autres précisions relatives au fonctionnement du Parlement, et que toute opposition à un tel amendement ne pourrait donc être regardée que comme politique et prise en compte comme telle par le groupe SRC au moment du vote sur l’ensemble du projet de loi constitutionnelle.

M. Noël Mamère s’est félicité du consensus existant sur son amendement. Il a estimé qu’il s’agissait d’un amendement de cohérence avec le projet de loi et qu’il y avait toute sa place, pour peu que le constituant en décide ainsi.

Le rapporteur a alors déclaré n’avoir aucun état d’âme s’agissant du vote sur l’ensemble du texte : chaque parlementaire devra voter en conscience sur un projet qui revalorise les travaux du Parlement. Il a jugé que la précision apportée par l’amendement n’avait pas sa place dans la Constitution et que s’il devait être adopté par l’Assemblée, il ne fait que peu de doute que le Sénat reviendrait sur ce vote.

Après que M. Manuel Valls eut estimé qu’il était préférable d’adopter l’amendement pour que la position de la commission des Lois de l’Assemblée nationale soit connue, même si la disposition devait ne pas prospérer dans le texte, la Commission a adopté, à l’unanimité, l’amendement de M. Noël Mamère (amendement n° 59) et par conséquent rejeté l’amendement de M. Bertrand Pancher qui visait à rendre publics l’examen des textes et les auditions effectuées au sein des commissions.

L’amendement portant article additionnel ainsi adopté introduit dans l’article 33 de la Constitution une disposition posant le principe de la publicité des auditions des commissions instituées au sein de chaque assemblée. Afin de tenir compte des cas de figure dans lesquels des informations sensibles ou confidentielles seraient échangées lors de l’audition, la rédaction qui est proposée prévoit que les commissions pourront décider de déroger au principe de la publicité des auditions. Si les auditions des commissions permanentes, des commissions spéciales et des commissions d’enquête seront publiques, sauf si la commission concernée en décide autrement, l’examen des projets et propositions de loi par les commissions permanentes ou les commissions spéciales pourra en revanche toujours avoir lieu, comme à l’heure actuelle, à huis clos. La disposition correspond à la proposition n° 39 du « comité Balladur », qui a suggéré de modifier l’article 33 de la Constitution afin que « le travail des commissions statuant en procédure simplifiée soit, par principe, public, sauf si elles en décident autrement, que toutes les auditions auxquelles elles procèdent soient également publiques mais que leurs séances de " droit commun " se déroulent selon les procédures actuellement en vigueur » (451).

La possibilité d’organiser la publicité des auditions des commissions permanentes a été reconnue à l’Assemblée nationale par une résolution du 11 octobre 1988. Le Conseil constitutionnel a considéré que cette publicité n’était contraire à aucune disposition de la Constitution (452). Le Sénat, s’inspirant de cet exemple, modifia son Règlement par une résolution du 4 octobre 1990 et permit ainsi la publicité des travaux en commission permanente ou en commission spéciale. L’entrée de la télévision dans les enceintes des assemblées a donné au principe de publicité des travaux parlementaires un relief particulier et a pu changer la perception que les citoyens en avaient en positif comme en négatif, par un effet à la fois grossissant − une visibilité plus grande étant apportée aux débats − et réducteur − l’activité des parlementaires ne se résumant pas à ce que montrent les caméras. Ainsi, les débats de l’Assemblée nationale sont intégralement diffusés, en direct, depuis 1993, d’abord sur les réseaux câblés, puis grâce à la télévision numérique terrestre (453). Ceux du Sénat le sont depuis février 1994.

Le Règlement de l’Assemblée nationale a en outre été modifié par une résolution du 26 janvier 1994 afin de permettre la retransmission audiovisuelle des travaux en séance publique et de certains travaux des commissions (auditions des commissions d’enquête, travaux des commissions).

Le cas des commissions d’enquête illustre la nécessité de prévoir une dérogation au principe de la publicité des auditions parlementaires. La règle du secret était appliquée aux commissions d’enquête parlementaires depuis leur apparition sous la IIIe République (454). Cette règle, devenue écrite par une loi du 8 décembre 1953, fut ensuite confirmée par l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (455).

L’évolution des conditions dans lesquelles les commissions d’enquête ont travaillé et présenté leurs conclusions a conduit à s’interroger sur le bien-fondé de la règle du secret. Cette règle est d’abord apparue comme très contraignante pour les commissaires eux-mêmes, qui devaient prendre connaissance des procès-verbaux, des documents et du projet de rapport sur place.

En outre, la multiplication des commissions d’enquête constituées pour étudier une situation plutôt que pour enquêter sur un fait précis a révélé le caractère excessif de la règle du secret. Progressivement, les commissions d’enquête ont modifié leur pratique, dans le sens d’une publicité de leurs travaux, en joignant au rapport la liste des personnes auditionnées, et dans certains cas tout ou partie des procès-verbaux d’auditions ainsi que des documents recueillis par la commission.

Tirant toutes les conséquences de cette évolution, une loi du 20 juillet 1991 (456) a modifié l’ordonnance du 17 novembre 1958 et permis la publicité des auditions des commissions d’enquête.

Toutefois, depuis lors, certaines commissions d’enquêtes parlementaires ont décidé d’appliquer la règle du secret à leurs travaux, en raison de la sensibilité des informations évoquées lors des auditions. Ce fut notamment le cas de la commission d’enquête sur les sectes créée à l’Assemblée nationale, sous la XIe législature (457).

Après l’article 10

La Commission a ensuite été saisie d’un amendement de M. Noël Mamère complétant l’article 33 de la Constitution pour instaurer un « droit de tirage » au profit de l’opposition en matière de création de commission d’enquête : l’amendement pose le principe selon lequel il ne peut être fait obstacle à la création d’une commission d’enquête demandée par soixante députés ou soixante sénateurs, dans la limite de trois demandes par session ordinaire et une par session extraordinaire pour chaque parlementaire. Il s’agit de mettre fin à la situation actuelle qui veut que les demandes de création de commissions d’enquête formulées par l’opposition n’aboutissent que très rarement à la création effective d’une telle commission, ce qui est pour le moins paradoxal, s’agissant d’un outil majeur du contrôle parlementaire de l’action gouvernementale. Cet amendement permettra la création d’une commission d’enquête à l’initiative d’une minorité de parlementaire, ce qui est plus conforme à la pratique qui prévaut dans les démocraties comparables à notre pays.

Le rapporteur a estimé que des avancées ont été réalisées en la matière à l’initiative du Président Debré, puisque désormais le poste de président ou celui de rapporteur est réservé au groupe parlementaire qui a été à l’origine de la demande de création d’une commission d’enquête. Il a jugé par ailleurs que l’amendement proposé aboutirait à un flot considérable de demandes potentielles et a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. Arnaud Montebourg, évoquant un amendement déposé par le groupe SRC à l’article 22 du projet de loi et qui poursuit le même objectif que celui de M. Mamère, a alors interrogé le rapporteur sur ses intentions en matière de création de commissions d’enquête et sur le rééquilibrage souhaitable au profit de l’opposition.

M. Jean-Christophe Lagarde a déclaré partager les objectifs posés par l’amendement de M. Mamère, tout en estimant qu’il posait des problèmes de rédaction. Il a jugé préférable que le droit de tirage soit reconnu aux groupes parlementaires constitués, dont il faut d’une manière générale accroître les prérogatives. S’il est crucial de permettre à une minorité de créer une commission d’enquête, il faut réserver ce droit aux groupes parlementaires et le limiter, sans doute à une création par session.

Le rapporteur a estimé qu’il revenait au groupe pluraliste constitué à l’initiative du Président Accoyer de traiter de cette question qui en tout état de cause n’est pas de nature constitutionnelle mais législative ou réglementaire. Il a donc invité les défenseurs de cet amendement à prendre attache avec les membres de ce groupe pluraliste pour défendre devant lui leur proposition.

M. Yves Nicolin a estimé que compte tenu de l’enjeu majeur que constitue la constitution des commissions d’enquête, il serait souhaitable d’associer les parlementaires de la majorité à la démarche engagée visant au rééquilibrage au profit de l’opposition.

M. Noël Mamère s’est félicité de cette position de principe prise par la majorité et, jugeant l’amendement déposé plus loin dans le texte par le groupe SRC mieux rédigé que le sien, a proposé de retirer son propre amendement si le rapporteur s’engageait à donner un avis favorable à l’amendement du groupe SRC lorsqu’il viendrait en discussion. Le rapporteur ayant réitéré son avis défavorable à cet amendement comme à celui du groupe SRC, sous réserve de son examen approfondi ultérieurement, au motif qu’ils n’ont pas leur place dans la Constitution, l’amendement a été rejeté par la Commission. M. Noël Mamère a alors indiqué qu’il demanderait prochainement à rencontrer le Président de l’Assemblée nationale sur cet important sujet.

Article 11

(art. 34 de la Constitution)


Domaine de la loi

Cet article vise à permettre l’adoption de lois de programmation pour fixer les objectifs de l’action de l’État dans tous les domaines, et non plus uniquement dans le champ économique et social. Il répond à la situation créée par le durcissement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la normativité de la loi et par l’entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) (458) qui, par un effet de ciseaux, condamnent les dispositions de programmation prises hors du champ économique ou social. En effet, d’une part, depuis sa décision n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004, le Conseil constitutionnel n’admet plus qu’un nombre limité d’exceptions à l’exigence de normativité de la loi : les lois de programme, les lois de plan et les annexes des lois de finances et de financement de la sécurité sociale. D’autre part, suite à l’abrogation de l’article 1er de l’ordonnance du 2 janvier 1959 (459), qui prévoyait que « les autorisations de programme peuvent être groupées dans des lois dites " lois de programme " », la définition des lois de programme résulte désormais uniquement de l’article 34 de la Constitution, qui est limité au domaine économique ou social. Les lois de programmation intervenant par exemple dans un domaine régalien, comme les lois de programmation militaire, répondaient à la définition donnée par l’article 1er de l’ordonnance du 2 janvier 1959, mais ne répondent pas à celle de l’article 34 de la Constitution. En l’absence d’intervention du constituant, elles seraient donc dépourvues de fondement constitutionnel.

1. La jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la normativité de la loi

Le Conseil constitutionnel a longtemps estimé que des dispositions dépourvues de portée normative, notamment les rapports annexés aux lois, n’étaient pas pour autant contraires à la Constitution. Cette position rejoignait celle définie par le Conseil d’État à propos du rapport annexé à la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 (460). Le Conseil constitutionnel a notamment fait application de cette jurisprudence à propos des rapports annexés à la loi d’orientation et de programmation sur la sécurité intérieure (461) et à la loi d’orientation et de programmation pour la justice (462).

Dans ces deux décisions, le Conseil constitutionnel a opposé le rapport approuvé par l’article 1er de chacune des deux lois au rapport approuvé par leur article 2, jugeant que, si la programmation des moyens pour les années 2002 à 2007 approuvée par l’article 2 avait la valeur normative qui s’attache aux lois de programme prévues par l’article 1er de l’ordonnance du 2 janvier 1959, les « orientations » présentées dans le rapport annexé à l’article 1er ne relevaient en revanche d’aucune des catégories de textes législatifs prévues par la Constitution et n’étaient dès lors pas revêtues de la valeur normative qui s’attache à la loi. Conformément à sa jurisprudence antérieure, il n’a pas pour autant censuré ces dispositions, préférant souligner leur absence d’effets juridiques.

Cette jurisprudence a été abandonnée par la décision n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004 sur la loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel a alors jugé « qu’aux termes de l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : " La loi est l’expression de la volonté générale " ; qu’il résulte de cet article comme de l’ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l’objet de la loi que, sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative ». Il a donc censuré une disposition à la portée normative incertaine. Cette censure a été accompagnée d’un commentaire en forme d’avertissement publié dans les Cahiers du Conseil constitutionnel : « La décision du Conseil constitutionnel sur l’autonomie financière des collectivités territoriales donne à la censure (…) une portée allant très au-delà du cas d’espèce. Le dernier alinéa de l’article 4 de la loi organique a fourni en effet l’occasion au Conseil de préciser sa position quant aux dispositions législatives dont la portée normative est incertaine (cas de l’espèce) et d’adresser un avertissement au législateur, préfigurant un éventuel changement de jurisprudence, quant aux dispositions législatives dépourvues de toute portée normative. » (463)

Quelques mois, plus tard, le Conseil constitutionnel est passé de l’avertissement à la sanction en censurant le II de l’article 7 de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école (464), dépourvu de toute portée normative.

Cette jurisprudence a pour effet de condamner les dispositions des lois « d’orientation » dès lors qu’elles ne peuvent se rattacher à la catégorie des lois de programme, le Conseil constitutionnel ayant pris soin de ménager une exception pour les lois faisant l’objet « de dispositions particulières prévues par la Constitution », c’est-à-dire les lois de plan, les rapports annexés aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale et les lois de programme déterminant les objectifs de l’action économique et sociale de l’État.

2. Les conséquences de l’entrée en vigueur de la LOLF

L’article 67 de la LOLF a abrogé, à compter du 1er janvier 2005, l’article 1er de l’ordonnance du 2 janvier 1959, qui prévoyait que « les autorisations de programme peuvent être groupées dans des lois dites " lois de programme " ». Cette abrogation a deux conséquences :

—  la présence de prévisions budgétaires dans une loi ne suffit pas pour en faire une loi de programme. Avant le 1er janvier 2005, le Conseil constitutionnel s’appuyait sur la catégorie des « lois de programme prévues à l’article 1er de l’ordonnance du 2 janvier 1959 » pour reconnaître une valeur normative aux éléments de programmation intervenant hors du champ économique et social, notamment dans un domaine régalien (465). Cette ordonnance ayant été abrogée, la catégorie des lois de programme se limite désormais aux lois de programme de caractère économique et social prévues par l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution ;

—  la jurisprudence qui combinait l’ordonnance du 2 janvier 1959 et les articles 34 et 70 de la Constitution pour définir les lois de programme à caractère économique et social (466) est caduque. Il n’est plus nécessaire que les objectifs figurant dans la loi aient une traduction financière pour que la loi en cause puisse être qualifiée de loi de programme.

Il résulte de cette évolution que des dispositions de programmation sont désormais inconstitutionnelles, sauf si elles entrent dans la catégorie particulière des lois de programme à caractère économique et social définies par l’article 34 de la Constitution, ce qui implique de respecter les conditions de fond et de procédure propres à ces lois.

Pour qu’une loi puisse se rattacher à la catégorie constitutionnelle des lois de programme à caractère économique et social, elle doit remplir les trois conditions suivantes :

—  toucher au domaine économique et social. Toute disposition ayant des incidences économiques et sociales n’appartient pas pour autant au domaine économique et social. Il a pu être déduit d’une décision du Conseil constitutionnel de 2000 (467) que « ni la jurisprudence ni les textes n’ont jamais englobé les questions fiscales dans les questions économiques et sociales » et que « la matière financière n’est pas incluse, en droit constitutionnel, dans la matière économique et sociale » (468). Il appartient au Conseil constitutionnel de contrôler l’appartenance des dispositions de la loi à ce domaine ;

—  se présenter comme un catalogue d’objectifs, dont le caractère financier n’est plus indispensable. Pour trouver sa place dans une loi de programme, un énoncé non normatif ou d’une normativité incertaine doit assigner un objectif à l’action économique ou sociale de l’État ou, à tout le moins, contribuer à la définition d’un tel objectif ;

—  s’agissant d’un projet de loi, avoir été soumis au Conseil économique et social.

3. Une révision de la Constitution nécessaire pour mieux associer
le Parlement à la définition des objectifs de l’action du Gouvernement

Afin de permettre au Parlement d’être associé à la définition des objectifs de l’action du Gouvernement dans tous les domaines, la nouvelle rédaction proposée supprime l’une des trois conditions posées par le Conseil constitutionnel pour qu’une loi puisse entrer dans la catégorie des lois de programme.

Une loi de programmation devra désormais comporter un catalogue d’objectifs, qualitatifs ou quantitatifs, dont le caractère financier n’est pas indispensable, mais ne devra plus nécessairement appartenir au domaine économique ou social. Cette révision donne par conséquent un fondement constitutionnel à des lois de programmation intervenant dans le domaine régalien ; elle pourrait également permettre le vote de lois de programmation concernant les finances publiques.

Conformément à l’article 70 de la Constitution, inchangé sur ce point, les projets de loi à caractère économique ou social devront toujours être soumis pour avis au Conseil économique et social.

En premier lieu, M. Jean-Claude Sandrier a présenté un amendement tendant à supprimer les restrictions pesant actuellement sur le champ de compétence du législateur, afin de renforcer le pouvoir du Parlement en matière de vote de la loi. Il a souligné que cet amendement était d’autant plus justifié que l’article 15 du projet, s’il est adopté, resserrera davantage encore la contrainte de recevabilité pesant sur les initiatives des parlementaires, puisqu’un amendement ou une proposition de loi pourront être déclarés irrecevables s’ils ne relèvent pas du domaine de la loi, non plus seulement à l’initiative du Gouvernement mais aussi à celle du Président de l’assemblée saisie.

Après que le rapporteur eut émis un avis défavorable, la Commission a rejeté cet amendement.

Après l’adoption d’un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 60), la Commission a été saisie d’un amendement du même auteur tendant à étendre le domaine de la loi à la constitution de blocs de compétence que la jurisprudence du Conseil constitutionnel rend aujourd’hui aléatoire. L’objectif de l’amendement est de permettre au législateur de simplifier, au nom de la bonne administration de la justice et du droit à l’accès au juge, la répartition des contentieux entre les deux ordres de juridiction, dans le respect de la compétence du juge judiciaire pour la protection des libertés individuelles.

Après avoir indiqué qu’il approuvait la volonté du rapporteur de remédier aux difficultés d’accès au juge compétent pour le justiciable, M. Arnaud Montebourg a estimé que la question de la modernisation de la justice administrative devait être posée à l’occasion de la réforme des institutions. Le défaut d’indépendance des magistrats administratifs, qui sont avant tout des fonctionnaires, ainsi que la double compétence du Conseil d’État, à la fois conseiller du Gouvernement sur la rédaction des actes administratifs et juge de la légalité de ces mêmes actes, a conduit ces dernières années à une multiplication de recours contre la France devant la Cour européenne des droits de l’homme qui ridiculisent notre pays. À cet égard, et sans même évoquer la question des nominations au tour extérieur, les fonctions du commissaire du gouvernement, qui ne représente pas le Gouvernement mais s’exprime devant les juridictions en dernier sans qu’il soit possible de lui répondre, sont révélatrices de l’anomalie que constitue aujourd’hui le fonctionnement de la justice administrative française. Il s’est donc déclaré en faveur d’une clarification du rôle et de la situation du Conseil d’État dont la fonction juridictionnelle ne doit pas être consacrée par la Constitution.

Après avoir rappelé les critiques dont faisait l’objet la justice administrative de la part de nombre de parlementaires, notamment en raison du fait que le Conseil d’État, dans le domaine de la protection de l’environnement, n’a rendu dans les vingt-cinq dernières années aucune décision favorable aux associations de défense de l’environnement, M. Noël Mamère a estimé que la confusion du rôle de contrôleur et de contrôlé qui caractérise le Conseil d’État était particulièrement nocive et devait amener à s’interroger sur le maintien de sa section du contentieux.

Mis aux voix, l’amendement a été adopté à l’unanimité (amendement n° 62).

La Commission a ensuite été saisie de deux amendements de M. Jean-Christophe Lagarde tendant à prévoir que la loi ne dispose que pour l’avenir. Après avoir rappelé que de trop nombreuses lois adoptées par le Parlement avaient un effet rétroactif, notamment en matière fiscale, M. Jean-Christophe Lagarde a estimé que cette pratique était contraire à la sécurité juridique et devait être strictement limitée, soit aux cas où un motif déterminant d’intérêt général le justifie, comme le prévoit le premier amendement présenté, soit au seul cas de la loi pénale moins sévère, conformément au principe constitutionnel en vigueur rappelé par le second amendement.

Après que le rapporteur a émis un avis défavorable au second amendement limitant la rétroactivité au seul droit pénal, et un avis favorable au premier des deux amendements instaurant le principe de non-rétroactivité de la loi sauf motif déterminant d’intérêt général, sous réserve que sa rédaction soit éventuellement améliorée avant l’examen en séance du projet de loi, la Commission a adopté le premier amendement (amendement n° 61) et M. Jean-Christophe Lagarde a retiré le second.

Après avoir retiré un amendement relatif à l’équilibre budgétaire de l’État, M. Michel Hunault a présenté un amendement tendant à supprimer la possibilité pour le Parlement de voter des lois d’amnistie. Bien que, pendant la campagne présidentielle de 2007, l’ensemble des candidats se soient engagés à ne pas faire voter de loi d’amnistie après l’élection, il a jugé nécessaire d’empêcher que de telles lois démagogiques puissent être adoptées.

Après avoir rappelé qu’il n’avait jamais voté une loi d’amnistie et qu’il s’était engagé en tant que candidat à l’élection présidentielle à ne pas faire voter une telle loi, M. François Bayrou a estimé que certains moments de l’histoire d’un pays justifiaient parfois une amnistie et qu’il était nécessaire de laisser cette faculté ouverte pour de telles périodes.

M. René Dosière a rappelé que la République n’avait été réellement installée en France qu’après l’amnistie accordée aux participants aux événements de la Commune.

M. Arnaud Montebourg a indiqué que, bien qu’il ait toujours été réticent sur les lois d’amnistie qui suivent immédiatement une élection présidentielle, il considérait également que l’amnistie pouvait être nécessaire à la réconciliation de la Nation après des heurts tragiques, tels que la guerre d’Algérie ou la Commune.

M. Jean-Christophe Lagarde a indiqué qu’il soutenait l’amendement de M. Michel Hunault, estimant que si le vote d’une loi d’amnistie pouvait être nécessaire dans certaines situations, il fallait que la Constitution interdise le vote d’une telle loi dans la période suivant immédiatement une élection présidentielle. Il a précisé qu’il déposerait en vue de l’examen en séance un amendement modifié en ce sens.

Après avoir rappelé qu’il avait été rapporteur du dernier projet de loi d’amnistie présenté et voté en 2002 et qu’il avait pendant les débats sur ce texte entendu des arguments très hostiles à l’amnistie de la part des députés qui se sont exprimés en faveur du maintien de la possibilité de voter une loi d’amnistie, M. Michel Hunault a indiqué qu’il travaillerait avec M. Jean-Christophe Lagarde à une nouvelle rédaction de son amendement, afin d’encadrer les amnisties démagogiques suivant l’élection présidentielle et a retiré l’amendement.

Après que M. Arnaud Montebourg eut retiré un amendement relatif à la détermination par les lois de finances des conditions générales d’équilibre financier de la sécurité sociale, la Commission a adopté l’article 11 ainsi modifié.

Article 12

(art. 34-1 [nouveau] de la Constitution)


Vote de résolutions par les assemblées parlementaires

À rebours de ce qu’avait prévu le constituant de 1958 mais dans le but d’accroître les possibilités offertes aux assemblées parlementaires de s’exprimer et de rééquilibrer ainsi les institutions à leur profit, il est proposé de leur accorder le droit de voter des résolutions. Les conditions de vote de ces résolutions seront définies dans leur Règlement.

1. Un droit aujourd’hui strictement limité

Largement confondues avant l’avènement de la Ve République, les deux catégories d’actes adoptés par le Parlement, législatifs et non législatifs, se sont trouvées nettement distinguées depuis 1958.

Parmi la seconde catégorie – les actes non législatifs – deux types peuvent être distingués : les motions et les résolutions. Le domaine des premières est bien circonscrit dès l’origine (469), celui des secondes s’est trouvé contraint par le Conseil constitutionnel. Avant 1958, les résolutions adoptées par le Parlement étaient un moyen détourné, et parfois redoutable, de mise en cause de la responsabilité du Gouvernement. La création de dispositifs innovants d’engagement de la responsabilité rendait inutiles le système des résolutions et ses dérives.

Mais, dans la « querelle du Règlement » qui marque les premières années de la Ve République, la question du vote de résolution sera placée au centre de la controverse.

Dès la première session ordinaire du Parlement de la Ve République, de fin avril à fin juillet 1959, un désaccord est apparu entre les assemblées et le Gouvernement quant à l’interprétation des dispositions de la Constitution sur la procédure parlementaire. Ce désaccord, manifesté par deux interventions du Premier ministre, devant l’Assemblée nationale et devant le Sénat, au sujet des règlements dont les assemblées allaient se doter, a été finalement tranché par le Conseil constitutionnel dans un sens qui différait et de la thèse gouvernementale et de la thèse parlementaire.

La divergence d’interprétation, qui portait essentiellement sur les votes indicatifs des assemblées, c’est-à-dire sur leurs vœux éventuels, et non pas sur leurs décisions, concernait, d’une part, la recevabilité des propositions de résolution déposées par les membres du Parlement et soumises à l’examen et au rapport des commissions, d’autre part, la possibilité de conclure les débats ouverts à l’occasion de certaines questions orales par le vote de textes, conclusions que les règlements provisoires adoptés par l’Assemblée nationale et le Sénat au cours de la session extraordinaire de janvier 1959 qualifiaient également de propositions de résolution (470).

En ce qui concernait les propositions de résolution du premier type, non liées aux questions orales, la thèse parlementaire consistait à soutenir, non seulement qu’elles devaient pouvoir exister, mais en outre, au moins en ce qui concernait le Sénat, que leur recevabilité n’était pas réglementée par l’article 40 de la Constitution. Le Gouvernement, sans écarter le droit pour les membres des assemblées de déposer, et pour les assemblées de voter, après rapport d’une commission, des propositions de résolution, c’est-à-dire des vœux, soutenait que l’article 40 concernait ces initiatives parlementaires au même titre que les propositions de loi, et qu’en conséquence toute proposition de résolution préconisant des mesures susceptibles d’entraîner les conséquences définies par l’article 40 de la Constitution devrait être considérée comme irrecevable.

La question rebondit lors de l’examen d’un projet de Règlement définitif en avril 1959. La possibilité de voter des résolutions est maintenue, mais sous réserve d’un accord gouvernemental.

Malgré cette réserve, le Conseil constitutionnel, saisi automatiquement du projet de Règlement en application du premier alinéa de l’article 61 de la Constitution, dans ses deux décisions nos 59-2 du 17 juin 1959 et 59-3 du 24 juin 1959 relatives respectivement au Règlement de l’Assemblée nationale et à celui du Sénat, a considéré que le Règlement ne pouvait « assigner aux propositions de résolution un objet différent de celui qui leur est propre, à savoir la formulation de mesures et décisions relevant de la compétence exclusive de (l’assemblée), c’est-à-dire les mesures et décisions d’ordre intérieur ayant trait au fonctionnement et à la discipline de (ladite) assemblée, auxquelles il conviendrait éventuellement d’ajouter les seuls cas expressément prévus par des textes constitutionnels et organiques tels que les articles 18 et suivants de l’ordonnance n° 59-1 du 2 janvier 1959 portant loi organique sur la Haute Cour de justice ».

Il précisa que « dans la mesure où de telles (résolutions) tendraient à orienter ou à contrôler l’action gouvernementale, leur pratique serait contraire aux dispositions de la Constitution qui, dans son article 20, en confiant au Gouvernement la détermination et la conduite de la politique de la Nation, ne prévoit la mise en cause de la responsabilité gouvernementale que dans les conditions et suivant les procédures fixées par ses articles 49 et 50 ».

Le Conseil constitutionnel souligna, en outre, que « dans la mesure où les propositions de résolution participeraient du droit d’initiative des parlementaires en matière législative, tel qu’il est défini et limité par les dispositions des articles 34, 40 et 41 de la Constitution, la pratique de telles propositions, outre qu’elle ferait double emploi avec celle des propositions de loi, se heurterait à la lettre de la Constitution, et notamment de ses articles 40 et 41 dont la rédaction ne vise que les propositions de loi, qui sont les seules dont l’adoption puisse avoir pour conséquence une diminution des ressources publiques, une création ou une aggravation d’une charge publique, et puisse porter atteinte au pouvoir réglementaire du Gouvernement défini par l’article 37 ou à la délégation qui lui aurait été consentie en application de l’article 38 » (471). Le nouveau Règlement fut finalement adopté fin juillet.

Ainsi, ne sont actuellement recevables que les résolutions ayant pour objet de modifier le règlement des assemblées, de créer une commission d’enquête, de suspendre les poursuites ou la détention d’un membre d’une assemblée, de mettre en accusation le Président de la République devant la Haute Cour et, depuis les révisions constitutionnelles du 25 juin 1992 et du 25 janvier 1999, de définir une position sur des textes de l’Union européenne soumis au Parlement en application de l’article 88-4 de la Constitution.

S’y ajouteraient avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007, les résolutions adoptées sur le fondement du futur article 88-6 de la Constitution introduit par la loi constitutionnelle du 4 février 2008 (472) et destinées à servir de support aux avis que les assemblées pourront donner sur la conformité d’un projet d’acte législatif européen au principe de subsidiarité et aux recours qu’elles pourront former devant la Cour de justice de l’Union européenne contre un acte législatif européen pour violation de ce même principe.

Hors de ces cas limitativement énumérés, le Parlement, pour émettre son opinion, peut être tenté de recourir au dépôt de propositions de loi ou d’amendements dont la portée normative est limitée, voire dont le seul objet est de servir de support à l’expression de cette opinion. Cette situation n’est pas satisfaisante. Le dilemme entre le silence et le dépôt d’amendements ou de propositions de loi de portée non normative serait sans doute moins pénible si l’existence de résolutions permettait aux membres du Parlement d’exprimer leurs préférences de principe dans des débats distincts des décisions législatives.

Pour reprendre la formule de Georges Berlia, utilisée en 1959 : « il était inévitable que (la nécessaire rupture) ne puisse être entreprise que sous un certain climat d’antiparlementarisme propice à quelques excès maladroits qu’il conviendrait maintenant de dominer » (473). Nul doute que l’interdiction absolue des résolutions en faisait partie. Le respect du droit – la préservation de la qualité normative de la loi – et la pression des faits – le besoin de revaloriser le Parlement –, appellent le constituant à revenir sur cet excès justifié par les circonstances.

2. Le dispositif proposé

a) Le besoin d’un nouvel instrument d’expression ?

Par le dispositif proposé dans le présent projet de loi constitutionnelle, le constituant est invité à s’affranchir de l’imagerie constitutionnelle française selon laquelle les « propositions de résolution témoignent du dérèglement des institutions des IIIe et IVe Républiques » (474).

M. Pierre Avril voit dans le vote de résolutions l’une des voies d’affirmation du Parlement. Selon lui, cette réforme permettrait de donner aux assemblées une capacité d’expression distincte de la réponse législative. Le vote de la loi répond parfois à un souci fébrile de communication, qui n’est pas le seul fait du Gouvernement et qui peut expliquer une part non négligeable de l’inflation législative.

À chaque événement que fait surgir l’actualité, il faut une réponse législative immédiate. L’auteur prend l’exemple du génocide arménien ou de la mémoire de l’esclavage et de la colonisation, qui auraient plus justement fait l’objet d’une résolution si la jurisprudence du Conseil constitutionnel n’avait interdit ce mode d’expression en 1959. Il serait donc opportun, selon lui, de reconsidérer une interprétation trop rigoureuse et, pour ce faire, de réviser la Constitution (475).

Les mécanismes d’engagement de la responsabilité du Gouvernement étant désormais bien établis, l’usage des résolutions pourrait être rendu au Parlement sans que la crainte de leur détournement ne ressurgisse.

Il s’agit d’un mode traditionnel d’expression des parlements à l’étranger.

LA PRATIQUE DES RÉSOLUTIONS DANS LES PAYS EUROPÉENS

Certains pays autorisent expressément dans leur Constitution les assemblées parlementaires à adopter des résolutions.

En Belgique, l’article 53 de la Constitution prévoit explicitement la possibilité d’adopter des résolutions et précise leurs modalités d’adoption : toute résolution doit être prise à la majorité absolue des suffrages, sauf ce qui sera établi par les règlements des Chambres à l’égard des élections et présentations. En cas de partage des voix, la proposition mise en délibération est rejetée et aucune des deux assemblées ne peut prendre de résolution qu’autant que la majorité de ses membres se trouve réunie.

Récemment, des propositions de résolution ont été déposées pour demander au Gouvernement de transmettre annuellement au Parlement un rapport sur l’évaluation des objectifs fixés en terme d’emploi des personnes handicapées dans les administrations publiques, sur la situation des droits de l’homme en Chine à l’occasion des Jeux Olympiques, ou encore « concernant la situation au Tibet et la répression brutale des manifestations du 10 mars 2008 et des jours suivants », mais on peut également citer des propositions de résolution « visant à instaurer un système de remboursement de coagulomètres permettant au médecin ou au patient de déterminer eux-mêmes la valeur de l’INR (International Normalized Ratio) », « visant à permettre aux travailleuses indépendantes qui le souhaitent de pouvoir prolonger leur repos de maternité en cas d’hospitalisation du nouveau-né » ou « à promouvoir la communication d’informations au citoyen en vue d’accélérer le déroulement d’enquêtes criminelles en cours », relatives au désarmement nucléaire et à la préparation de la conférence du traité de non-prolifération 2010 ou « visant à organiser une conférence regroupant l’ensemble des acteurs nationaux et internationaux concernés par les problèmes de santé de par le monde ». Ainsi, le domaine des résolutions n’est pas limité. Mais le contraste est fort entre le nombre de propositions déposées – 152 durant la session ordinaire 2007-2008 – et celui des résolutions adoptées – 6 durant la même session (1).

Au Danemark, l’article 41 de la Constitution autorise les députés à présenter des « propositions de loi ou de résolution » et le Règlement du Folketing, dans son article 17, précise que les propositions autres que législatives prennent la forme de propositions de résolution et qu’elles sont examinées selon la même procédure que les propositions de loi, mais que leur examen se limite à deux lectures, au lieu de trois dans la procédure législative de droit commun. Comme en Belgique, de nombreuses propositions de résolution sont déposées et relativement peu sont adoptées. Sur la période 2002-2006, 773 propositions de résolution ont été déposées, 66 ont été adoptées. Elles concernent également des sujets aussi variés que le classement d’une certaine substance comme stupéfiant, l’introduction de l’enseignement de l’informatique à l’école primaire, le déplacement d’une sculpture à Copenhague, l’application de règles environnementales plus strictes, le soutien à l’agriculture biologique ou l’étiquetage des produits alimentaires mauvais pour la santé.

L’article 159 de la Constitution du Portugal autorise les députés à présenter des propositions de « loi ou de résolution ». L’article 4 du Règlement de l’Assemblée de la République reprend cette formulation, tandis que les commissions permanentes se voient notamment attribuer pour rôle celui de veiller à ce que le Gouvernement et l’administration observent les résolutions de l’Assemblée. Une centaine de résolutions sont déposées par session, les trois quarts sont approuvés. Elles portent aussi bien sur des sujets d’intérêt local, que national ou international, social, diplomatique ou économique.

Dans d’autres États, c’est le règlement des assemblées parlementaires qui définit les conditions dans lesquelles une résolution peut être adoptée.

Ainsi, en Allemagne, si la Loi fondamentale ne comporte effectivement aucune disposition en la matière, le Règlement du Bundestag prévoit que ses membres peuvent présenter des propositions de loi et des motions. La plupart des motions tendent à inciter le Gouvernement à présenter un projet de loi, certaines permettant au Bundestag de manifester son opinion sur des sujets qui ne relèvent pas de sa compétence législative.

En Espagne, la Constitution n’interdit pas les résolutions. Le Règlement du Congrès des Députés, dans son titre X (articles 193 à 195), en réserve l’initiative aux groupes. Le bureau du Congrès décide de leur recevabilité, en fonction de la volonté manifestée par le groupe et de l’importance du thème. Sous la précédente législature (2004-2007), ont été déposées 2 655 propositions de résolution, dont 806 ont été adoptées. Au Sénat, le Règlement, dans son titre VII (articles 174 à 181), exige que toute proposition de résolution, qui peut être déposée par une commission, un groupe ou un minimum de dix sénateurs doit être accompagnée d’une évaluation de son coût.

En Italie, le Règlement de la Chambre des Députés consacre son chapitre XXVI aux motions et résolutions. L’article 110 prévoit qu’un président de groupe ou dix députés peuvent présenter une motion « afin de provoquer une délibération de l’assemblée sur un sujet déterminé ». En application de son article 117, « chaque commission peut voter (…) des résolutions tendant à manifester des orientations ou à définir des principes directeurs » et en vertu de son article 118, « chaque député peut, à l’occasion d’un débat en assemblée plénière, sur communication du Gouvernement ou sur des motions, présenter une proposition de résolution sur laquelle un vote a lieu à la fin de la discussion ». Sous la législature précédente (2006-2008), sur 276 motions déposées, la Chambre des Députés en a adopté 146. Elle a été saisie de 30 propositions de résolution et en a adopté 27. En revanche, en commission, elle a examiné, sur la même période, plus de 430 résolutions et en adoptée environ 300. Le Règlement du Sénat consacre lui aussi un chapitre, le chapitre XIX, aux questions, interpellations et motions. L’article 157 dispose qu’une motion « vise à provoquer une délibération du Sénat », mais sans en préciser l’objet.

Au Royaume-Uni, aucune disposition explicite du Règlement de la Chambre des Communes ne fait référence aux résolutions. Cependant, dans la pratique, certaines portent sur des points de procédure et d’autres sur des questions de fond, ces dernières pouvant être soit des substantive motions (motions autonomes), soit des Early Day Motions.

Les premières offrent à la Chambre des Communes la possibilité d’exprimer une opinion sur un sujet, qu’il soit législatif ou non. Celles qui émanent du Gouvernement ou de la majorité parlementaire peuvent être déposées et discutées tout au long de l’année. Celles de l’opposition doivent en principe être inscrites à l’ordre du jour de l’une des vingt séances annuelles qui lui sont, depuis 1985, réservées. Une cinquantaine d’entre elles sont adoptées.

Les Early Day Motions sont des motions dont la discussion peut être inscrite en séance. Très peu de ces motions sont en réalité débattues, mais elles sont utilisées par les membres de la Chambre pour exprimer des opinions personnelles, attirant l’attention de l’opinion sur des événements particuliers ou des campagnes d’information qu’ils souhaitent soutenir. 1 516 Early Day Motions ont été déposées sur les sujets les plus divers depuis le début de la session 2007-2008 : situation en Afghanistan, administration de la justice, éducation permanente, pollution de l’air, alternatives à la prison, santé animale, soutien à l’archevêque de York dans ses prises de position contre le comportement d’un chef d’État africain… Ce sont près de 3 000 motions de ce type qui sont enregistrées durant chaque session.

(1)  Sous la législature précédente (2003-2007), 371 propositions de résolution furent déposées, 57 furent adoptées, soit un taux d’adoption de 15 %.

Si la limitation qui s’impose aux assemblées françaises n’existe dans aucun des pays européens comparables, la pratique ne suffit pas à conclure à l’utilité d’un droit de résolution.

Certes, au-delà des sujets anecdotiques, la pratique étrangère montrerait que la voie des résolutions permettrait aux assemblées parlementaires, dans une fonction d’orientation, d’exprimer leur opinion sur des questions qui n’appellent pas nécessairement une modification de la loi. Dans ce contexte, se disant « soucieux à la fois d’éviter l’adoption de lois " bavardes " et dénuées de portée normative et de permettre au Parlement d’exercer la fonction " tribunitienne " utile au fonctionnement de toute démocratie », le « comité Balladur » a préconisé, dans sa proposition n° 48, que les assemblées parlementaires puissent « voter des résolutions dans les conditions fixées par leur Règlement » (476).

Le présent article reprend ces dispositions à l’identique.

Mais l’examen des textes non normatifs adoptés par les parlements des pays voisins doit inciter à réfléchir sur les critères qui seraient susceptibles de garantir une réelle utilité à une telle procédure. En effet, la portée médiatique des résolutions, si elle peut être réelle, ne saurait suffire à en justifier l’usage sans frein pour un Parlement moderne et réhabilité.

b) La nécessité à tout le moins d’encadrer fortement cette procédure

Une première limitation se trouve dans l’impossibilité, dans le silence de la Constitution, pour les assemblées d’examiner et d’adopter des résolutions hors session.

Une seconde limitation doit être recherchée dans le renvoi qui est fait aux règlements des assemblées pour fixer les conditions dans lesquelles ce nouveau droit trouvera à s’appliquer.

Pour déterminer ces conditions, auxquelles il pourrait être utile d’adjoindre de manière explicite des « limites », les exemples étrangers peuvent utilement servir d’inspiration. Les usages qui sont faits des résolutions s’avèrent extrêmement divers. Ainsi, l’injonction faite au Gouvernement pour qu’il prenne une mesure ou dépose un projet de loi côtoie le soutien à un candidat au prix Nobel de littérature – exemple pris au Congrès des Députés espagnols motivé par les partis catalans –, la volonté de déplacer une statue dans la capitale du pays
– exemple pris au Folketing danois, souvent montré en idéal-type du Parlement – ou encore la nécessité de mettre fin à la dictature birmane.

L’hypothèse de la transformation d’une pétition de principe en proposition de loi, objet juridique bien identifié, ne saurait être écartée et justifie de s’interroger sur la nécessité de permettre au Parlement de voter des résolutions pour l’empêcher d’adopter des propositions de loi purement déclamatoires.

La succession infinie et réitérée des déclarations de principe, le risque de voir les résolutions se transformer en armes d’obstruction et se multiplier les bonnes résolutions qui masquent de mauvaises intentions appellent à la prudence. Si le présent article prévoit de renvoyer aux règlements des assemblées la fixation des conditions d’exercice des résolutions, portant par exemple sur l’institution d’un délai minimum entre le dépôt d’un projet de résolution et son inscription à l’ordre du jour, sur les modalités de signature et de présentation des propositions, il conviendrait sans doute, pour ne pas décrédibiliser le Parlement en le détournant de ses missions de délibération, de vote de la loi et de contrôle de l’action gouvernementale, de prévoir la possibilité que ces règlements déterminent également certaines limites à l’exercice du droit de résolution.

En conséquence, des conditions minimales portant sur le nombre de signataires d’une proposition de résolution, sur le nombre de votes nécessaires pour l’adopter ou encore sur le nombre annuel de résolutions susceptibles d’être adoptées sont des pistes qui mériteront d’être approfondies.

La résolution doit rester l’acte par lequel une assemblée émet un avis sur une question déterminée. Elle ne peut en conséquence concerner la politique générale du Gouvernement. C’est pourquoi, il sera utile de préciser que si l’adoption d’une proposition de résolution lui paraît de nature à mettre en jeu la responsabilité du Gouvernement en dehors des formes prévues par l’article 49 de la Constitution ou même la responsabilité d’un seul ministre, l’irrecevabilité de la proposition devra être prononcée, à moins qu’une motion de censure soit déposée à l’Assemblée nationale dans les formes prévues par l’article 49, alinéa 2.

Le Parlement ne doit pas renoncer à agir et s’en remettre à la grâce de « motions » ou de « résolutions » déclaratives, dont la discussion risque d’être, comme les exemples historiques ou étrangers le montrent, « chronophage ». « Pouvoir dire tout pour renoncer à faire » ne correspond pas à une vision moderne du Parlement.

La mise en œuvre de ce nouveau droit exigeant que soient modifiés les règlements des assemblées, en application du II de l’article 34 du présent projet de loi constitutionnelle, ces dispositions n’entreraient en vigueur qu’au 1er janvier 2009 (477).

3. Les dangers inhérents à cette procédure conduisant à ne pas l’introduire

Comme l’a souligné le professeur Olivier Gohin lors de son audition par le rapporteur, les mécanismes de mise en cause de la responsabilité du Gouvernement étant fixés de manière satisfaisante dans la Constitution du 4 octobre 1958, il serait paradoxal d’y inscrire une nouvelle procédure qui pourrait conduire à les contourner et qui pourrait même amener les promoteurs d’une résolution à mettre en cause les membres du Gouvernement de manière individuelle et dissociée, en contradiction avec le principe de responsabilité collective gouvernementale. Il s’agirait là d’une atteinte profonde aux principes fondateurs de la Ve République.

Rien ne permet non plus de conclure qu’une inquiétude qui se traduirait, dans un premier temps, au travers d’une résolution, ne finirait pas être inscrite dans la loi, alors même que sa valeur normative serait nulle.

De manière générale, le Parlement a tous les moyens de contrôler l’action gouvernementale – la présente révision les renforce – sans qu’il soit nécessaire d’y ajouter une procédure de « droit mou », plus nuisible à sa crédibilité que nécessaire à sa revalorisation.

Le rapporteur a alors présenté un amendement de suppression de cet article, qui tend à permettre le vote de résolutions par les assemblées du Parlement. Il a estimé que la possibilité de voter des résolutions n’était pas utile pour renforcer le rôle du Parlement et risquait même d’avoir des conséquences institutionnelles dangereuses. En effet, il a indiqué craindre que l’actualité ne suscite un flot important de résolutions sur tous les sujets provoquant une émotion dans l’opinion, tels que, ces dernières semaines, la situation au Tibet ou la question de la participation du Président de la République à la cérémonie d’ouverture des prochains Jeux olympiques. De telles résolutions risqueraient de placer la diplomatie française dans des situations délicates voire schizophréniques.

En outre, il a souligné le risque d’instabilité gouvernementale que pouvait comporter le vote de telles résolutions, rappelant que M. Arnaud Montebourg avait indiqué lors des auditions ayant précédé l’examen en commission du projet de loi que le vote d’une résolution aurait pu permettre au Parlement, il y a quelques années, d’obtenir la démission de M. Claude Allègre, alors ministre de l’Éducation nationale.

Après avoir indiqué que le vote de résolutions ne lui semblait pas de nature à recrédibiliser l’action du Parlement, il a estimé que d’autres solutions lui paraissaient plus adaptées pour permettre à celui-ci de renforcer son rôle de législateur et de contrôleur. Ainsi, il a fait savoir qu’il présenterait plusieurs amendements tendant à desserrer les contraintes imposées par la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel à l’exercice du droit d’amendement, à mettre en place une « super-priorité » d’inscription à l’ordre du jour de séances réservées au contrôle ou encore à permettre au Gouvernement de procéder à des déclarations de politique thématique suivies d’un débat et, le cas échéant, d’un vote. En conclusion, il a appelé les membres de la Commission à voter l’amendement de suppression du présent article, le droit de résolution pouvant paraître séduisant sur le papier mais étant en fait dangereux pour le Parlement.

Après avoir indiqué que certaines dispositions du projet de loi lui paraissaient relativement anodines, M. François Bayrou a précisé que la possibilité de voter des résolutions lui paraissait au contraire essentielle. Ainsi, il a estimé inacceptable que le Parlement n’ait pu, lorsqu’avait été prise la décision d’ouvrir des négociations d’adhésion à l’Union européenne avec la Turquie, obtenir qu’un débat de deux heures sans vote sur cette décision historique à laquelle la majorité des parlementaires et des Français était opposée. Il a considéré comme insuffisante la proposition du rapporteur de remplacer les résolutions par la création de nouveaux débats à l’initiative du Gouvernement, même suivis d’un vote, et a estimé que le Parlement devait avoir à sa disposition un instrument lui permettant de faire connaître sa position avant que le Gouvernement ne prenne certaines décisions.

M. Jean-Christophe Lagarde a indiqué qu’il n’était pas convaincu par les arguments du rapporteur, pour trois raisons. Tout d’abord, il a estimé que, dans la mesure où le vote des résolutions sera encadré par le règlement de chaque assemblée, le risque de vote de résolutions intempestives est exclu. Ensuite, il a indiqué qu’il avait trouvé extrêmement frustrant, sur la question de l’ouverture de négociations d’adhésion à l’Union européenne de la Turquie, que le Parlement ne puisse s’exprimer sur un sujet aussi essentiel. Enfin, il a estimé qu’il y avait un paradoxe à permettre le vote de résolutions sur les projets de textes européens mais pas sur les sujets nationaux qui intéressent au premier chef la souveraineté nationale.

M. Arnaud Montebourg a indiqué qu’il ne trouvait les arguments du rapporteur ni convaincants ni recevables. En premier lieu, il a considéré que le vote de résolutions permettrait de diminuer le nombre de lois purement déclaratives, telles que les lois sur l’esclavage ou la colonisation. Ensuite, il a estimé que l’absence d’un outil permettant à la majorité de faire connaître sa position au Gouvernement contraignait celle-ci à adopter des positions incohérentes, telles que le refus par certains députés du groupe UMP de voter le budget de la justice à la seule fin de manifester leur désapprobation à l’égard de la méthode suivie par la ministre de la justice sur la réforme de la carte judiciaire. En troisième lieu, dans le domaine diplomatique, il a considéré que le vote d’une résolution était le seul moyen pour le Parlement de manifester son opposition à une décision du Gouvernement, et a rappelé que, sans la détermination de M. Jacques Chirac, les forces françaises auraient pu être engagées en Iraq en dépit de l’hostilité de la majorité de la population française à cette intervention. Enfin, il a fait part de son inquiétude face à la tendance du rapporteur à présumer l’irresponsabilité des parlementaires et a souligné le paradoxe de la situation, le Gouvernement soutenu par l’opposition étant favorable aux résolutions auxquelles s’oppose la majorité.

M. Jean-Jacques Urvoas a rappelé que si, sous la IVe République, le détournement de la procédure des résolutions était réel et expliquait la sévère jurisprudence du Conseil constitutionnel en 1959, l’Assemblée nationale n’était plus une assemblée éruptive réagissant de façon inconsidérée à tout sujet suscitant l’émotion. Dès lors, une restauration de la fonction tribunitienne du Parlement lui apparaît justifiée, dans la mesure où il est possible de faire confiance aux parlementaires pour faire preuve de leur sens des responsabilités dans le vote des résolutions et où cette procédure y permettra de rendre à la loi son caractère normatif.

Après avoir rappelé que le professeur Guy Carcassonne, suivi par le « comité Balladur » et le Gouvernement, avait estimé que le vote de résolutions était un des piliers du renforcement du rôle du Parlement, M. Jean-Claude Sandrier a cité les termes de l’exposé des motifs du projet de loi, qui indique que « l’article 12 du projet offrira (au Parlement) la faculté, à l’instar de la grande majorité des parlements étrangers, d’adopter, en tout domaine, des résolutions n’ayant pas de valeur contraignante, mais marquant l’expression d’un souhait ou d’une préoccupation ; déchargée de cette fonction tribunitienne, la loi pourra retrouver son caractère normatif. Il appartiendra aux règlements des assemblées d’encadrer l’exercice de ce pouvoir nouveau, par exemple en fixant un délai minimum entre le dépôt d’un projet de résolution et son inscription à l’ordre du jour ou encore en fixant des règles relatives aux modalités de signature et de présentation des propositions de résolution. » Il a estimé que dans la mesure où le droit de résolution sera encadré, les craintes du rapporteur ne sont pas fondées, et que la seule question qui se pose est de savoir si les résolutions devraient ou non avoir une valeur contraignante, ce que pour sa part il souhaiterait.

Après avoir indiqué que le blocage du rôle de contrôle du Parlement résultait, comme l’avait indiqué le professeur Jean-Claude Colliard, de la conjonction du parlementarisme rationalisé et du fait majoritaire, M. Christophe Caresche a estimé que, compte tenu de l’ancrage du fait majoritaire, le parlementarisme rationalisé pouvait aujourd’hui être assoupli. Le fait majoritaire permettra que l’usage des résolutions soit différent de l’usage détourné qui en avait été fait sous la IVe République. Il a en outre estimé que le renforcement de la qualité du travail législatif supposait la mise en place d’une procédure d’expression du Parlement et a regretté, sur cette question, le conservatisme inexplicable du rapporteur.

Intervenant conformément aux dispositions de l’article 38, alinéa 1er, du Règlement, M. Benoist Apparu a indiqué comprendre le souhait de certains parlementaires de pouvoir exprimer des opinions sur certains grands débats, mais a estimé que le risque de multiplication des résolutions sur tous sujets justifiait de supprimer l’article 12 du projet. En outre, deux nouveaux outils permettront aux parlementaires d’inscrire à l’ordre du jour des débats : l’article 48, alinéa 2, de la Constitution, tel qu’il résulte de l’article 22 du projet de loi, permettra à l’Assemblée de fixer l’ordre du jour deux semaines sur quatre, tandis que l’alinéa 4 du même article permettra aux groupes de l’opposition de disposer d’un jour de séance par mois pour inscrire à l’ordre du jour les débats qu’ils souhaitent.

M. Guénhaël Huet a estimé que le renforcement du Parlement passait par un développement de ses pouvoirs de contrôle, plutôt que par la possibilité d’adopter des résolutions qui risqueraient, compte tenu des pratiques parlementaires, de déstabiliser le fonctionnement des institutions. Le projet de loi constitutionnelle atténue déjà beaucoup la rationalisation du parlementarisme résultant de la Constitution du 4 octobre 1958.

M. Bertrand Pancher a regretté qu’après avoir craint, lors de la précédente réunion de la Commission, la consultation du peuple par la voie du référendum d’initiative populaire, une partie des commissaires redoutent à présent une mauvaise gestion parlementaire des nouveaux droits d’expression accordés aux assemblées. Il a suggéré que le règlement des assemblées parlementaires encadre les conditions de dépôt et d’examen de résolutions, outil intéressant qui ne remettra pas en cause la nature du régime de la Ve République.

M. Yves Nicolin a considéré que la possibilité d’adopter des résolutions ne constituait pas un nouveau pouvoir pour le Parlement, ces textes n’ayant aucune conséquence juridique et risquant, dans ces conditions, de se transformer en « vœux pieux », conformément à la pratique qui prévaut dans de nombreuses collectivités locales. Cet outil n’est en rien moderne, car il avait été créé dans de nombreuses démocraties lorsque les médias jouaient un rôle bien moins important qu’aujourd’hui.

M. Claude Goasguen s’est interrogé sur le champ d’application des résolutions dont le nouvel article 34-1 de la Constitution permettrait le vote au sein du Parlement, en soulignant le risque que la politique étrangère, qui ne fait pas partie des matières visées à l’article 34 de la Constitution, ne puisse faire l’objet de tels textes. Il a estimé que le texte de cet article proposé par le Gouvernement était mal rédigé et que ces résolutions risquaient de demeurer des vœux pieux, qui ne renforceraient absolument pas le Parlement.

M. Christian Vanneste a considéré, en se référant aux tribuns romains sous l’Antiquité et au Parlement britannique à l’époque moderne, que les résolutions proposées constitueraient un faux cadeau pour le Parlement, compte tenu de leur fonction purement tribunitienne. Il a estimé que le renforcement du Parlement supposerait plutôt qu’il soit à l’initiative de la moitié des lois examinées, alors que les propositions de lois s’apparentent aujourd’hui, bien souvent, à de simples « gadgets ».

M. Jean-Christophe Lagarde a rappelé que tous les parlementaires avaient utilisé le dépôt d’amendements à des fins non normatives, notamment pour obtenir du Gouvernement qu’il prenne des engagements solennels en contrepartie de leur retrait en séance publique. Il est inquiétant que l’on veuille à la fois remettre en cause cette pratique, en permettant au Président de l’Assemblée nationale ou à celui de sa commission des Lois de s’opposer à la discussion d’amendements ne relevant pas du domaine de la loi, et priver le Parlement de la possibilité d’adopter des résolutions, comme le propose le projet du Gouvernement. Refuser ce nouveau droit en invoquant le risque d’une utilisation irresponsable par le Parlement est d’autant plus paradoxal que le Président de la République a déclaré récemment que l’impossibilité faite au Parlement de s’exprimer par l’adoption de textes non normatifs favorisait l’irresponsabilité parlementaire.

Le rapporteur a estimé que l’objectif de revalorisation du Parlement ne pourrait être atteint qu’au moyen d’un renforcement de ses pouvoirs législatifs et de contrôle. L’adoption de résolutions sera possible dans le cadre de la procédure élargie de transmission des documents communautaires au Parlement, tandis que les interventions militaires pourront faire l’objet de débats et de votes. La pratique consistant à retirer en séance des amendements en contrepartie d’engagements gouvernementaux subsistera, car elle résulte naturellement du dialogue entre le Gouvernement et les parlementaires.

Il est très improbable que la possibilité donnée au Parlement d’adopter des résolutions non normatives permette d’éviter les « lois bavardes », car après le vote de résolutions, leurs initiateurs plaideront certainement pour qu’il leur soit donné plus de force grâce au vote de dispositions législatives.

La Commission a alors adopté cet amendement (amendement n° 63), privant d’objet un amendement de M. Arnaud Montebourg tendant à supprimer l’encadrement des résolutions par les règlements des assemblées parlementaires.

L’article 12 a été ainsi supprimé.

Article 13

(art. 35 de la Constitution)


Information et contrôle du Parlement sur l’intervention
des forces armées à l’étranger

Cet article renforce les pouvoirs du Parlement en matière internationale, en lui assurant une information sur les interventions des forces armées à l’étranger et en soumettant à son autorisation expresse la prolongation de ces interventions au-delà de six mois.

1. L’insuffisance des moyens de contrôle du Parlement sur l’intervention des forces armées à l’étranger

La conduite des relations internationales est une prérogative essentielle du pouvoir exécutif. En matière de défense et d’engagement des forces armées, en particulier, la Constitution confère au pouvoir exécutif (478) un rôle éminent : le Président de la République, chef des armées, est garant de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire ; le Gouvernement dispose de la force armée et le Premier ministre est responsable de la défense nationale. Le rôle du Parlement est plus limité : l’article 35 de la Constitution dispose que « la déclaration de guerre est autorisée par le Parlement ».

a) L’obsolescence de l’autorisation de déclarer la guerre

Le principe de l’autorisation parlementaire de déclarer la guerre est un héritage de la Révolution française. Le système inscrit dans la Constitution de 1791 est à l’origine de ce que l’on peut appeler la tradition républicaine en matière de guerre, et qui se retrouve dans de nombreuses Constitutions nationales. L’article 2 de cette Constitution disposait : « La guerre ne peut être décidée que par un décret du Corps législatif, rendu sur la proposition formelle et nécessaire du roi, et sanctionné par lui. » Ce système, proposé par Mirabeau, qui insistait sur le devoir mutuel d’être d’accord lorsqu’il s’agit de guerre, est au fondement du type de répartition des compétences pour la déclaration de guerre le plus souvent utilisé dans les Constitutions françaises, et le plus répandu dans les démocraties. Il nécessite l’accord du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, avec deux variantes possibles :

—  la déclaration de guerre est décidée par le législatif, mais sur l’initiative exclusive de l’exécutif (Constitutions de 1791, de 1795 et de 1799) ;

—  la déclaration de guerre est décidée par l’exécutif, mais avec l’assentiment préalable du législatif (Constitutions de 1848, 1875, 1946 et 1958).

La présence dans de nombreuses Constitutions de la déclaration de guerre est sans doute conditionnée par l’article 1er de la Convention III de La Haye du 18 octobre 1907 relative à l’ouverture des hostilités, qui interdit l’ouverture des hostilités sans un avertissement préalable et non équivoque, qui aura soit la forme d’une déclaration de guerre motivée, soit celle d’un ultimatum avec déclaration de guerre conditionnelle.

Sous la IIIe République comme sous la IVe, la pratique s’est en fait avérée assez éloignée des dispositions constitutionnelles qui prévoyaient que la guerre ne pouvait être déclarée sans un vote du Parlement. En 1914, la mobilisation fut décidée le 1er août, le Parlement n’étant pas en session. L’Allemagne déclara la guerre à la France le 3 août et, le 4, le Parlement fut convoqué en session extraordinaire pour entendre un message du Président de la République et une communication du Gouvernement et voter un certain nombre de lois relatives à la défense nationale. La guerre ayant été déclarée par l’Allemagne, il n’y avait formellement pas lieu à un vote des chambres sur la déclaration de guerre.

De même, en 1939, le Parlement fut convoqué en session extraordinaire le 2 septembre, alors que la mobilisation générale avait été décidée la veille. Après un message du Président de la République et une déclaration du Gouvernement, le Parlement fut appelé à voter l’ouverture des crédits supplémentaires nécessaires à la guerre. La déclaration de guerre eut lieu le lendemain, sans autre assentiment du Parlement.

Sous la IVRépublique, l’article 7 de la Constitution du 27 octobre 1946 n’a guère connu davantage d’application. Le Parlement ne fut pas consulté en 1950 lors de l’engagement de forces en Corée sous l’égide de l’Organisation des Nations unies (ONU), tandis que les conflits en Indochine et en Afrique du Nord constituaient, à l’origine, des opérations de maintien de l’ordre dans des territoires sous souveraineté française et n’ont pas fait l’objet d’une déclaration de guerre. En revanche, l’intervention de la France dans la zone du canal de Suez a fait l’objet de votes des deux chambres le 31 octobre 1956 sur un ordre du jour « approuvant les déclarations du Gouvernement » à l’Assemblée nationale, et sur une proposition de résolution « donnant son approbation aux mesures prises » au Conseil de la République. Les opérations aéronavales franco-anglaises ayant débuté trois heures après ce vote, on peut toutefois douter de sa réelle portée.

Depuis le début de la Ve République, l’article 35 n’a reçu aucune application. Deux explications peuvent être avancées.

Il y a d’abord sans doute une certaine réticence de l’exécutif à soumettre ses décisions en matière militaire à un vote de l’assemblée, ce qui a souvent donné lieu à de vifs débats sémantiques entre l’exécutif et le Parlement, ou une partie des parlementaires, pour déterminer si telle ou telle intervention devait être qualifiée de guerre ou non et, en conséquence, faire l’objet d’une autorisation du Parlement. Ces échanges, qui ont eu lieu à l’occasion des opérations en Irak, au Kosovo ou, plus récemment, en Afghanistan, ne sont pas seulement concomitants du développement des formes modernes d’interventions militaires. L’intervention du sénateur Louis Buffet, lors de la séance du 10 décembre 1881, montre qu’ils sont plus anciens : « Porter un corps d’armée sur un territoire étranger, pénétrer le palais du souverain, lui présenter un ultimatum à la pointe de l’épée, (…) lutter contre les habitants qui résistent, en tuer un plus ou moins grand nombre, ce n’est pas la guerre… Je veux bien admettre cette définition, mais vous reconnaîtrez alors qu’elle (…) restreint beaucoup les limites de l’état de guerre, les seules qu’il ne soit pas permis de franchir sans l’autorisation préalable du Parlement. »

La seconde explication réside dans l’obsolescence de la déclaration de guerre, eu égard à la profonde transformation des modes d’intervention des forces armées et à l’évolution du droit international. L’article 2 de la Charte des Nations unies proscrit en effet le recours à la force, tandis que son article 42 ouvre la possibilité d’actions décidées par le Conseil de sécurité. Ces évolutions ont eu pour conséquence de multiplier les engagements sur des théâtres extérieurs, dans des cadres juridiques variés (missions d’observation, de maintien ou d’imposition de la paix, sous l’égide de l’ONU, dans le cadre de coalitions multinationales...) sans permettre de vote du Parlement, la guerre n’étant pas déclarée puisqu’il ne s’agit pas d’une guerre d’État à État.

C’est le raisonnement qui avait été tenu lors de la première guerre du Golfe par le Premier ministre, M. Michel Rocard, devant l’Assemblée nationale le 12 décembre 1990 : « au sens du droit international, comme du droit interne, c’est-à-dire tout simplement en droit, il ne s’agirait pas alors d’une guerre déclarée par un État à un autre État mais d’une action de sécurité collective au sens du chapitre VII de la Charte » (479). Ce fut également le cas pour l’intervention au Kosovo en 1999, le Premier ministre considérant que « la portée pratique de l’article 35, dans la Constitution telle qu’elle est, se limite donc à l’hypothèse d’une guerre classique entre États, situation dans laquelle, à l’évidence, nous ne nous trouvons pas » (480).

Cette interprétation de l’article 35 de la Constitution est parfois contestée, certains auteurs soulignant qu’il ne doit pas être lu comme s’il était rédigé « la déclaration de guerre, et uniquement la déclaration de guerre, est autorisée par le Parlement », mais comme rappelant la tradition républicaine qui veut que la France ne puisse pas mener à bien des opérations contre un État sans le consentement des représentants de la Nation (481).

b) L’inadéquation des moyens classiques du contrôle parlementaire

Malgré la mise à l’écart des dispositions de l’article 35, le Parlement a pu être informé des différentes opérations militaires conduites par la France par le biais d’informations délivrées par le Gouvernement et par les moyens habituels du contrôle parlementaire (482). Ces moyens d’information ne permettent cependant pas une information complète et, surtout, ils ne permettent pas d’exprimer la position de la Représentation nationale par un vote spécifique pour chaque intervention.

Le contrôle exercé jusqu’alors a pris des formes variables, selon les opérations concernées. L’engagement de la France dans des opérations militaires d’importance a plusieurs fois donné lieu à des déclarations du Gouvernement suivies d’un débat, mais sans vote, en application de l’article 132 du Règlement de l’Assemblée nationale, tandis que les commissions des Affaires étrangères et de la Défense ont auditionné, parfois de façon conjointe, les ministres et responsables militaires compétents. Cette information a été complétée, lors de certaines opérations, par des entretiens réguliers du Premier ministre avec les présidents de groupe et les présidents des commissions concernées (483).

Le Parlement n’a pu s’exprimer par un vote qu’à une seule reprise, à l’occasion de l’intervention des forces françaises en Irak en 1991. L’exécutif avait écarté le recours à la déclaration de guerre prévue par l’article 35, mais souhaitait légitimer son action et, comme l’a expliqué le Président de la République dans son message au Parlement du 16 janvier 1991, « exprimer l’unité profonde de la Nation dans cette épreuve ». Le Parlement a donc été convoqué en session extraordinaire le 16 janvier 1991 et, après lecture du message du Président de la République, l’Assemblée s’est prononcée sur une déclaration de politique générale sur la politique française au Moyen-Orient, en application du premier alinéa de l’article 49 de la Constitution, le Sénat faisant de même dans le cadre du quatrième alinéa du même article. Dans l’optique de l’exécutif, le vote des assemblées n’était ni indispensable, ni même suspensif de la décision du Président de la République. Pour M. Guy Carcassonne, à l’époque conseiller du Premier ministre, en cas de vote négatif, « la France aurait vraisemblablement participé de la même manière au conflit » (484), d’une part parce que l’exécutif ne jugeait pas ce vote juridiquement indispensable, d’autre part parce que le vote de l’Assemblée aurait pu être considéré comme provisoire : s’il avait été suivi d’une dissolution, c’eût été aux électeurs de trancher.

DÉBATS EN SÉANCE PUBLIQUE À L’ASSEMBLÉE NATIONALE EN LIEN
AVEC DES INTERVENTIONS MILITAIRES DEPUIS LA IXE LÉGISLATURE

Date

Objet

Fondement

27 août 1990

Situation au Moyen-Orient

Article 132 RAN

16 janvier 1991

Politique au Moyen-Orient

Article 49, alinéa 1,
de la Constitution

19 mars 1991

Situation au Moyen-Orient

Article 132 RAN

12 octobre 1993

Situation en Somalie

Communications hebdomadaires
du Gouvernement

12 avril 1994

Ex-Yougoslavie et prévention des conflits en Europe

Article 132 RAN

6 juin 1995

Situation en ex-Yougoslavie

Article 132 RAN

26 mars 1999

Situation au Kosovo

Article 132 RAN

27 avril 1999

Situation au Kosovo

Article 132 RAN

8 juin 1999

Situation au Kosovo

Article 132 RAN

21 novembre 2001

Situation en Afghanistan

Article 132 RAN

7 septembre 2006

Situation au Liban

Article 132 RAN

1er avril 2008

Situation en Afghanistan

Article 132 RAN

Il s’agit de la seule utilisation de l’article 49 de la Constitution aux fins de permettre au Parlement de se prononcer sur une intervention des forces armées et, comme l’a souligné le Premier ministre à l’Assemblée nationale le 1er avril 2008, la procédure du vote de confiance n’est pas adaptée à l’engagement de nos forces dans une opération de maintien de la paix. En engageant la responsabilité du Gouvernement sur une déclaration de politique générale et en faisant planer la menace d’un renversement du Gouvernement, elle peut mêler des considérations de politique intérieure à un sujet qui rassemble souvent au-delà des partis. Elle rend inconfortable la position des parlementaires qui approuvent l’intervention mais s’opposent à la politique du Gouvernement (485), comme de ceux qui soutiennent le Gouvernement mais s’opposent à l’intervention militaire. Les positions des parlementaires sur les questions de politique étrangère ne recoupant que rarement les clivages politiques traditionnels, un vote ayant un fondement constitutionnel spécifique aux interventions des forces armées aurait plus de clarté.

Hormis les débats organisés à l’initiative du Gouvernement, le Parlement exerce un contrôle sur les opérations extérieures par le biais de leur financement, dans le cadre de l’examen des projets de loi de finances initiale et rectificative. L’article 164 de l’ordonnance du 30 décembre 1958 (486) encadre toutefois strictement les pouvoirs de contrôle des rapporteurs spéciaux, en excluant des documents qu’ils sont habilités à se faire communiquer ceux qui portent sur des sujets de caractère secret concernant la défense nationale.

Les commissions compétentes ont également conduit des missions d’information sur certaines opérations extérieures, notamment celles menées au Rwanda et au Kosovo, tandis que des délégations de membres des commissions de la défense et des affaires étrangères se rendent régulièrement sur des théâtres d’opérations extérieures. Les rapporteurs des commissions d’enquête et des missions d’information se heurtent cependant aux mêmes restrictions que les rapporteurs spéciaux pour ce qui concerne les documents secrets, ce qui retire une partie de leur intérêt aux investigations de ces commissions et missions.

Dans le cadre constitutionnel actuel, il n’est pas mis en œuvre de consultation formalisée et systématique du Parlement sur l’engagement d’opérations extérieures, sur leur poursuite dans la durée et leur achèvement, et encore moins d’autorisation. Le contrôle s’exerce largement a posteriori et sa portée s’avère relativement restreinte au regard des pratiques observées dans les autres pays.

MODALITÉS DE CONTRÔLE DU PARLEMENT DANS PLUSIEURS PAYS ÉTRANGERS SUR LES INTERVENTIONS MILITAIRES

Des dispositions analogues à l’article 35 de la Constitution figurent dans les Constitutions de la plupart des pays occidentaux. La question s’est donc posée aussi pour eux de l’effectivité du contrôle parlementaire sur les interventions des forces armées et de l’adaptation de leurs textes ou de leurs pratiques à l’obsolescence de la déclaration de guerre.

D’après une étude du Conseil de l’Europe (1), une autorisation préalable du Parlement est désormais requise par les textes ou la coutume, avec des exceptions plus ou moins importantes, dans les pays suivants : Allemagne, Autriche, Bulgarie, Danemark, Espagne, Finlande, Hongrie, Irlande, Italie, Lituanie, Luxembourg, Roumanie, Slovaquie, Suède et République Tchèque. Elle n’est pas requise par la France, la Belgique, la Grèce, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, le Royaume-Uni et la Slovénie. Une information du Parlement est toutefois prévue en Grèce, aux Pays-Bas, en Pologne et au Portugal.

C’est en Allemagne, où la question de la légitimité des interventions extérieures se pose de façon plus aiguë pour des raisons historiques, que le contrôle du Parlement est le plus fort. La mission essentiellement défensive des forces armées est inscrite à l’article 87a de la Loi fondamentale. La Cour constitutionnelle de Karlsruhe, qui a qualifié l’armée d’« armée parlementaire », a fixé, dans une décision du 12 juillet 1994, les conditions dans lesquelles l’armée allemande peut être appelée à intervenir hors du territoire allemand.

Cette décision lève ainsi l’interdiction faite aux armées d’agir hors du territoire allemand et de la zone couverte par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Tout engagement extérieur est soumis à une autorisation préalable du Bundestag, dans les conditions définies par une loi du 18 mars 2005. Cette loi précise les informations que doit comporter la demande d’autorisation du Gouvernement (base juridique, durée prévue, effectifs concernés, coût et financement) ; cette demande n’est pas amendable. Les opérations pour lesquelles une autorisation n’est pas nécessaire (action humanitaire notamment) sont déterminées par cette loi, qui prévoit également une procédure d’autorisation simplifiée pour les opérations de faible intensité. Pour ces opérations, la demande est considérée comme acceptée, sauf si un groupe ou 5 % des membres du Bundestag demandent un vote du Bundestag. Enfin, le Bundestag est régulièrement tenu informé de l’évolution des opérations et peut exiger leur arrêt.

En Espagne, la loi organique 5/2005 du 17 novembre 2005 impose au Gouvernement une consultation préalable et une autorisation du Congrès des Députés pour les opérations extérieures qui ne sont pas en lien direct avec la défense du pays ou de l’intérêt national. Le Gouvernement doit informer le Congrès des Députés du développement des opérations périodiquement, dans un délai qui ne peut excéder un an. Lorsque, pour des raisons d’urgence, il n’est pas possible d’effectuer la consultation préalable, le Gouvernement doit faire ratifier sa décision par le Congrès des Députés dans les plus brefs délais.

Le Gouvernement italien peut engager des troupes sans autorisation préalable par le Parlement. En pratique, cependant, alors qu’un débat au Parlement était généralement organisé après le début des interventions, un vote préalable a eu lieu en 2003 et 2006, pour les interventions en Irak et au Liban. De plus, le financement de ces opérations est assuré par un décret-loi qui doit impérativement être transformé en loi par le Parlement dans un délai de soixante jours, ce qui conduit le Parlement à se prononcer systématiquement dans un délai de deux mois. Le financement des opérations doit de plus être régulièrement renouvelé par le vote d’une nouvelle loi.

Au Royaume-Uni, le Gouvernement peut engager des troupes sans autorisation préalable du Parlement. Il peut faire une déclaration devant le Parlement suivie d’un vote, qui n’a pas valeur d’autorisation. Le financement des opérations extérieures est assuré par des réserves pour dépenses imprévues ; si le montant de cette enveloppe est dépassé, le Gouvernement doit demander des crédits supplémentaires par le biais d’une loi de finances rectificative.

Aux États-unis, la War Powers Resolution de 1973 impose au Président de rendre compte dans les quarante-huit heures au Congrès de tout engagement militaire de longue durée et dispose qu’à moins d’une attaque contre elles, les troupes doivent être retirées dans les soixante jours (avec une prolongation possible de trente jours pour des raisons de sécurité) si la guerre n’est pas déclarée ou l’utilisation des forces armées autorisée. Des actions plus ponctuelles relèvent de la seule autorité du Président et ne requièrent pas d’autorisation.

(1) Commission européenne pour la démocratie par le droit, Report on the Democratic Control of the Armed Forces, 27 mars 2008.

2. Les réformes proposées précédemment

La volonté d’améliorer et de développer le contrôle parlementaire a donné lieu à plusieurs initiatives depuis une quinzaine d’années, destinées à associer plus systématiquement la Représentation nationale à des actions qui engagent la réputation de notre pays et la vie des soldats français.

Le dépôt, à l’Assemblée nationale et au Sénat (487), de plusieurs propositions de loi visant à rendre obligatoire une information du Parlement sur les opérations des forces armées à l’extérieur du territoire témoigne de l’intérêt des parlementaires pour cette question. Un rapport d’information de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale (488) s’était également penché, sous la XIe législature, sur la question du contrôle parlementaire des opérations extérieures. Parmi ses nombreuses propositions figurait une modification de l’article 35 de la Constitution.

En 1993, le « comité Vedel » avait proposé dans ses conclusions d’adjoindre à l’article 35 de la Constitution un alinéa disposant que toute intervention des forces armées hors du territoire national devait faire l’objet, dans les huit jours suivant leur déclenchement, d’une déclaration du Gouvernement devant le Parlement, suivie d’un débat. Cette procédure, extrêmement lourde compte tenu des nombreuses participations de militaires français aux opérations de l’ONU, n’a pas été retenue dans le projet de loi constitutionnelle (489) déposé en 1993. Le Gouvernement de l’époque avait préféré une information des commissions compétentes et, pour les interventions le justifiant, une déclaration du Gouvernement avec débat. Le projet de loi constitutionnelle n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour.

Le « comité Balladur », enfin, chargé par le Président de la République d’étudier les modalités d’une association plus étroite des assemblées parlementaires à la politique de défense de la France, a suggéré une modification de l’article 35 de la Constitution qui a largement inspiré la rédaction de l’article 13 du présent projet de loi constitutionnelle.

3. Le dispositif proposé

Le dispositif envisagé marque une rupture avec la tradition de la Ve République et constitue une augmentation importante des pouvoirs de contrôle du Parlement, en prévoyant son information systématique sur les interventions des forces armées à l’étranger et un vote pour autoriser leur prolongation.

a) Une information systématique du Parlement

Reprenant les propositions du « comité Balladur », le mécanisme proposé est simple et compatible avec la réactivité que le Gouvernement est en droit d’attendre des armées lorsqu’il a décidé d’engager des opérations militaires, puisque la décision initiale d’engagement appartient toujours à l’exécutif.

Il se caractérise tout d’abord par l’absence de définition restrictive des interventions devant faire l’objet d’une information du Parlement. Le terme d’intervention englobe ce que l’on désigne habituellement sous le vocable « d’opérations extérieures », habituellement définies comme des opérations nécessitant la projection d’hommes en dehors du territoire national, sur un théâtre de crises, dans l’objectif de préserver ou de rétablir la paix. Mais il peut désigner également des opérations à caractère humanitaire et, surtout, ne rend pas l’information du Parlement dépendante de la qualification juridique d’une opération, comme peut l’être la couverture indemnitaire des personnels engagés dans des opérations extérieures, en application de l’article L. 4123-4 du code de la défense.

Les modalités d’information du Parlement ne sont pas précisées dans la Constitution. Il appartiendra au Gouvernement, qui seul dispose des informations nécessaires, d’apprécier, selon les circonstances, quelles sont les modalités d’information les plus adaptées. En fonction de la nature de l’opération (intervention militaire, humanitaire, opération de police), de son cadre juridique (opération dans le cadre de l’ONU ou d’une coalition, application d’un accord de défense) et de son ampleur, les assemblées pourraient être informées par une déclaration du Gouvernement en séance publique, suivie d’un débat ou non, par l’intermédiaire de leurs commissions permanentes compétentes, des Présidents des assemblées ou des présidents desdites commissions permanentes. La souplesse de ce dispositif permet d’assurer une information permanente du Parlement, y compris hors session, sans exiger la réunion d’une session extraordinaire, que toutes les interventions ne justifient pas, dès lors que l’information du Parlement n’est pas limitée aux opérations les plus importantes. Le projet de loi précise que l’information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote. Le rapporteur regrette que l’on prive ainsi le Gouvernement de la possibilité de solliciter l’approbation des élus de la Nation au début d’une intervention, par exemple pour témoigner du soutien de la Nation à nos forces armées. Comme cela a été dit, dans ce cadre, l’engagement de responsabilité du Gouvernement ne paraît pas la voie la plus adaptée pour obtenir un vote du Parlement. Votre commission des Lois a adopté, dans un article additionnel après l’article 23 du présent projet de loi constitutionnelle (490) insérant un article 50-1 dans la Constitution, un dispositif proposé par le rapporteur permettant au Gouvernement de faire une déclaration thématique suivie d’un débat et, éventuellement, d’un vote. Ce nouvel article 50-1 permettra au Gouvernement de demander un vote du Parlement sur une intervention des forces armées sans engager sa responsabilité.

Dans l’hypothèse où un débat sans vote, souhaité par les parlementaires, n’est pas spontanément organisé par le Gouvernement, le partage de l’ordre du jour prévu par l’article 22 du présent projet de loi constitutionnelle permettra à la Conférence des Présidents – et à l’opposition dans le cadre du jour de séance mensuel qui lui est réservé – de l’organiser (491).

En laissant le soin au Gouvernement d’adapter les modalités de l’information au contexte de l’intervention, le dispositif proposé permet également de mieux concilier information et confidentialité, et de s’adapter à la discrétion qui doit entourer certaines opérations. Le Parlement étant par nature un lieu de débat public, le problème de la confidentialité des informations qui lui sont transmises se pose. Le Parlement européen a mis en place des procédures spéciales pour l’examen des documents confidentiels (492).

La voie choisie en France jusqu’à présent repose sur le pragmatisme et la confiance. Depuis la guerre du Golfe, l’information des parlementaires sur les opérations extérieures s’est développée, le pouvoir exécutif permettant l’accès de certains parlementaires à des informations classifiées. Ainsi, lors de la guerre du Golfe, le Gouvernement avait mis en place des modalités particulières d’information des parlementaires. Chaque semaine, le Premier ministre réunissait pour les informer du déroulement des opérations les présidents de groupe et les parlementaires spécialisés dans les questions internationales et de défense. Cette vingtaine de parlementaires avait, au total, participé à vingt-sept réunions d’information à Matignon pendant la durée des opérations. M. Guy Carcassonne, alors conseiller du Premier ministre, a tiré un bilan positif de cette expérience : « dès la première réunion ont été livrés quelques éléments confidentiels qui le sont demeurés, autorisant ainsi à poursuivre cet effort d’information en toute liberté : il n’avait pas forcément chaque semaine des secrets à révéler, mais lorsque le Gouvernement en détenait, il savait pouvoir les livrer sans craindre des fuites » (493). Sur les mêmes bases, les engagements en Bosnie et au Kosovo, par exemple, ont pu donner lieu à une information privilégiée.

b) Un vote sur la prolongation des interventions

En prévoyant une information du Parlement sur les interventions des forces armées puis une autorisation de leur prolongation sans se référer à la notion de guerre, le projet de loi constitutionnelle permet de sortir de la querelle sémantique qui a entouré nombre d’interventions militaires et permis à l’exécutif de ne jamais appliquer l’article 35 de la Constitution ou ses équivalents dans les Constitutions antérieures. Le vote du Parlement ne dépendra plus d’une décision de l’exécutif jugeant que telle opération militaire est constitutive ou non d’une guerre.

Si la durée d’une intervention excède six mois, le Gouvernement devra soumettre sa prolongation à l’autorisation du Parlement. Il s’agit d’une demande d’autorisation, qui engage le Gouvernement, et non d’une simple consultation. En cas de refus de l’autorisation, les armées devraient tout de même disposer d’un délai pour organiser leur retrait dans les meilleures conditions possibles, sans qu’il soit nécessaire de le préciser dans la Constitution.

Dans l’hypothèse d’un désaccord entre les deux assemblées, il reviendrait à l’Assemblée nationale, élue au suffrage universel direct, de statuer définitivement, éclairée par les débats du Sénat. La question d’un désaccord entre les deux assemblées avait été posée à propos de l’autorisation de déclarer la guerre ; le cas ne s’est jamais présenté, mais la doctrine s’accorde à penser qu’un « vote négatif du Sénat dans cette hypothèse n’a pas de conséquence juridique » (494).

Les modalités du vote seront fixées par les règlements des assemblées. Il importe, s’agissant d’une demande d’autorisation de prolongation d’une intervention militaire, qu’elle ne puisse pas faire l’objet d’amendements. Le Parlement autorisera ou non la prolongation, mais il ne pourra pas la soumettre à des conditions. On rappellera qu’à l’heure actuelle, pour les demandes d’autorisation prévues aux articles 35 (déclaration de guerre) et 36 (prolongation de l’état de siège) de la Constitution, l’article 73 du Règlement du Sénat prévoit que l’autorisation est donnée dans la forme prévue au quatrième alinéa de l’article 49 de la Constitution, c’est-à-dire une déclaration du Gouvernement suivie d’un vote. L’article 131 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoit pour sa part un vote sur un texte exprès d’initiative gouvernementale, dont la forme est laissée à l’appréciation du Gouvernement.

L’inscription à l’ordre du jour de ces demandes d’autorisation est prévue par l’article 22 du projet de loi constitutionnelle (495) : dans sa nouvelle rédaction, l’article 48 de la Constitution dispose que les demandes d’autorisation visées à l’article 35 de la Constitution sont inscrites à l’ordre du jour par priorité. Si le Parlement n’est pas en session à l’expiration du délai de six mois, le vote a lieu à l’ouverture de la session suivante, qui peut être une session extraordinaire s’il en est décidé ainsi en application de l’article 29 de la Constitution.

Le secrétaire d’État aux relations avec le Parlement a précisé, lors de son audition par votre commission des Lois, que le Parlement serait appelé à se prononcer sur les interventions ayant débuté depuis plus de six mois à la date de promulgation de la loi constitutionnelle.

La Commission a, tout d’abord, rejeté deux amendements de M. Noël Mamère et M. Jean-Claude Sandrier soumettant à une autorisation parlementaire toute intervention de l’armée française à l’étranger, le rapporteur ayant jugé préférable de préserver la réactivité militaire de la France, ainsi que les prérogatives militaires que le Président de la République tient de l’article 15 de la Constitution.

Puis, la Commission a été saisie d’un amendement de M. Arnaud Montebourg améliorant les conditions d’information du Parlement, dans un délai de trois jours, sur toute intervention militaire de la France à l’étranger et prévoyant l’organisation d’un vote du Parlement, dans un délai de quinze jours à compter de cette information.

Son auteur a rappelé qu’en Allemagne, l’autorisation préalable du Bundestag est requise pour toute intervention militaire dont le coût dépasse 25 millions d’euros, et que les autres parlements européens sont associés aux interventions militaires à l’étranger. Les pouvoirs de contrôle que le projet de loi constitutionnelle accorde au Parlement sur les interventions extérieures de l’armée française sont donc beaucoup trop limités. L’amendement proposé privilégie une approche souple pour renforcer l’information du Parlement, puisqu’à compter du début des opérations militaires, le Gouvernement disposera d’un délai de deux à trois semaines pour préciser leur motif et soumettre ses projets au vote du Parlement. En outre, on ne peut exclure qu’un parlementaire demande l’organisation d’un vote, s’agissant par exemple d’une opération militaire ponctuelle effectuée dans le cadre de l’ONU. Sur cette question comme sur d’autres, le projet gouvernemental témoigne d’une peur irrationnelle du peuple, qu’il est absolument nécessaire de surmonter.

Le rapporteur a considéré que prévoir dans la Constitution l’information du Parlement sur les interventions armées à l’étranger, ainsi qu’une autorisation parlementaire pour leur prolongation au-delà de six mois, constitue une avancée historique pour le contrôle parlementaire, d’autant que, lors de l’entrée en vigueur de cette réforme, un vote devra être organisé sur le « stock » de toutes les interventions déjà en cours depuis plus de six mois.

La solution consistant à rendre systématique un vote des deux assemblées parlementaires quinze jours après leur information sur une intervention militaire semble trop contraignante. En revanche, il serait possible de préciser, comme le propose l’amendement, que l’information du Parlement doit avoir lieu « dans les trois jours » suivant le début de l’intervention militaire, plutôt que « dans les délais les plus brefs ». Par ailleurs, un amendement ultérieur du rapporteur, déjà évoqué, permettra au Gouvernement d’effectuer, sur de telles opérations, une déclaration devant le Parlement suivie d’un débat et, le cas échéant, d’un vote n’engageant pas la responsabilité gouvernementale.

Suivant son rapporteur, la Commission a alors rejeté cet amendement.

Après que M. Christian Vanneste s’est interrogé sur les conséquences d’une information parlementaire précoce pour la sécurité des militaires engagés, la Commission a adopté un amendement de M. Arnaud Montebourg prévoyant que l’information du Parlement doit avoir lieu dans un délai de trois jours à compter du début de l’intervention militaire et qu’elle doit préciser « les objectifs poursuivis et les effectifs engagés » (amendement n° 64).

Un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde précisant que cette information doit également être fournie en dehors des sessions parlementaires est alors devenu sans objet.

M. Arnaud Montebourg a présenté un amendement permettant la tenue d’un éventuel vote du Parlement à l’issue du débat sur l’information transmise par le Gouvernement sur les opérations militaires engagées à l’étranger et ramenant de six à trois mois le délai au terme duquel la poursuite d’une intervention militaire est obligatoirement soumise au vote du Parlement.

Le rapporteur ayant indiqué que cet amendement serait satisfait par l’amendement, déjà évoqué, permettant au Gouvernement de faire, devant l’une ou l’autre des assemblées parlementaires, une déclaration suivie d’un débat et d’un vote sans engagement de responsabilité, M. Arnaud Montebourg a retiré cet amendement, ainsi qu’un amendement précisant les modalités de consultation du Parlement en dehors des périodes de session ordinaire ou en cas de désaccord entre les deux assemblées.

Puis, la Commission a été saisie d’un amendement du même auteur subordonnant la poursuite d’une opération militaire externe à une nouvelle autorisation parlementaire tous les six mois.

Le rapporteur a constaté que la rédaction du projet gouvernemental laissait subsister effectivement un vide juridique, mais a suggéré d’attendre les propositions actuellement élaborées au sein de la commission des Affaires étrangères pour résoudre ce problème.

M. Arnaud Montebourg a alors retiré cet amendement en annonçant qu’il en améliorerait la rédaction avant la séance publique.

La Commission a ensuite rejeté un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde visant à ramener de six à trois mois le délai au terme duquel la poursuite d’une intervention de l’armée française à l’étranger est soumise à l’autorisation du Parlement.

Puis, M. Arnaud Montebourg a présenté un amendement prévoyant une information du Parlement par le Gouvernement sur le contenu des accords de défense et de coopération militaire en vigueur. Son auteur a estimé que cet objectif de transparence sur des accords militaires restés secrets depuis trente ou quarante ans, en Afrique notamment, devrait rassembler l’ensemble des parlementaires, compte tenu du « désastre » engendré par ceux-ci dans un pays tel que la Côte d’Ivoire. De tels accords, qui conduisent souvent à un envoi précipité des soldats français, devraient bien souvent être modernisés et appellent un contrôle démocratique. L’intention annoncée du Gouvernement de mieux informer le Parlement n’est pas suffisante, car la bonne volonté n’apporte pas des garanties comparables à une obligation juridique.

Le rapporteur a rappelé que le Président de la République s’était récemment engagé à publier intégralement les accords de défense liant la France à divers pays africains, et annoncé que la Commission pourrait entendre prochainement Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, ainsi que d’autres responsables administratifs. Il a estimé que, dans ces conditions, l’amendement proposé n’était pas utile.

La Commission a alors rejeté cet amendement.

Puis, elle a adopté l’article 13 ainsi modifié.

Après l’article 13

M. Jean-Jacques Urvoas a présenté un amendement prévoyant qu’à l’instar de l’état de siège, l’état d’urgence est décrété en Conseil des ministres et ne peut être prorogé au-delà de douze jours qu’avec l’autorisation du Parlement.

Son auteur a indiqué que cet amendement reprenait une proposition formulée par le comité de réflexion présidé par M. Édouard Balladur, l’absence de mention de l’état d’urgence dans la Constitution du 4 octobre 1958 tenant à des motifs conjoncturels. Même si le Conseil d’État a précisé, en 2005, les conditions dans lesquelles la loi de 1955 sur l’état d’urgence pouvait être utilisée, il est plus prudent de soumettre le régime exceptionnel de l’état d’urgence à un encadrement constitutionnel explicite.

Le rapporteur a indiqué que le Conseil constitutionnel avait apporté les précisions nécessaires dans la décision n° 85-187 DC du 25 janvier 1985, Loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances, et a estimé que l’amendement proposé risquait de remettre en cause certains régimes particuliers institués outre-mer pour surmonter les situations de crise.

La Commission a alors rejeté cet amendement.

La Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Claude Sandrier abrogeant l’article 37 de la Constitution et deux amendements de M. Jean-Claude Sandrier et de M. Noël Mamère abrogeant son article 38.

M. Arnaud Montebourg a présenté un amendement excluant la possibilité de recourir à la procédure d’habilitation de l’article 38 lorsque les mesures envisagées sont susceptibles de porter atteinte aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques. Il a estimé que le recours croissant aux ordonnances constituait un dessaisissement du Parlement et que cette tendance était préjudiciable à la lisibilité et à l’accès au droit ainsi que pour la sécurité juridique. Le Conseil d’État lui-même dans son rapport de 2006 a dénoncé cette pratique, utilisée par tous les gouvernements. M. Arnaud Montebourg a rappelé qu’il s’était d’ailleurs ému de l’habilitation demandée par le gouvernement de M. Jospin pour transposer par ordonnance cent quarante-huit directives européennes. Le recours de plus en plus fréquent à de simples ratifications implicites accentue encore les risques du recours massif aux ordonnances.

Le rapporteur s’est étonné de la rédaction de l’amendement qui ne modifie en rien le droit positif. En effet si les mesures envisagées dans une loi d’habilitation sont de nature à porter atteinte aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, le Conseil constitutionnel ne peut qu’annuler la loi.

M. Arnaud Montebourg a reconnu que l’amendement gagnerait à être réécrit et l’a retiré. Il a ensuite présenté deux amendements interdisant d’une part les ratifications implicites et d’autre part les habilitations accordées par l’intermédiaire d’un amendement gouvernemental. Face au déferlement des ordonnances, le minimum est au moins d’exiger leur ratification explicite par le Parlement qui s’est dessaisi de son pouvoir.

M. Alain Vidalies a rappelé que les ratifications implicites permettaient de donner une valeur législative à des dispositions sans aucun débat ni aucune publicité. On ne peut pas non plus accepter que le Gouvernement ait pu, par un simple amendement, être autorisé à modifier par ordonnance des pans entiers du code civil. L’exigence de clarté du droit exige de mettre fin à la pratique des ratifications implicites qui est une façon détournée de donner une valeur législative à des dispositions réglementaires, ce qui est à l’origine d’une situation de grande confusion juridique. Alors que le Gouvernement prétend revaloriser le rôle du Parlement, il semble indispensable de réagir à cette tendance en votant ces amendements.

M. Philippe Gosselin a estimé que ce débat soulevait un véritable problème et que s’il était nécessaire de maintenir la procédure des ordonnances, il serait légitime de l’encadrer davantage.

Le rapporteur a estimé que la pratique des ratifications implicites était nécessaire afin d’assurer la sécurité juridique des dispositions concernées dont il n’est pas bon qu’elles gardent longtemps une valeur juridique incertaine. Le problème, réel, provient de la profusion d’habilitations à légiférer par ordonnance mais, une fois ces ordonnances trop nombreuses rédigées, l’intérêt général conduit à leur donner valeur législative le plus rapidement possible. En outre, le recours aux ordonnances peut être légitime, par exemple pour tenter de combler le retard de la France dans la transposition des directives européennes. Néanmoins, des abus existent, certains ministères usant manifestement trop de ce moyen, comme l’a montré par exemple la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit (496).

Le rapporteur a indiqué qu’il allait réfléchir, d’ici la séance publique, à des moyens de mieux encadrer le recours aux ordonnances, ce que ne permettent pas les deux amendements proposés.

La Commission a ensuite rejeté les deux amendements.

Article 14

(art. 39 de la Constitution)


Avis du Conseil d’État sur les propositions de loi

Cet article complète l’article 39 de la Constitution par un troisième alinéa permettant au président de chaque assemblée de soumettre à l’avis du Conseil d’État toute proposition de loi avant son examen en commission. Cette procédure s’inspire de celle qui prévaut aujourd’hui pour les projets de loi.

1. Une mission consultative du Conseil d’État ancienne et reconnue par la Constitution

L’article 39, dans sa rédaction en vigueur, prévoit que tout projet de loi, avant son adoption en Conseil des ministres, doit avoir été soumis pour avis au Conseil d’État.

Muette sur les attributions juridictionnelles du Conseil d’État et plus généralement sur l’existence d’une juridiction administrative (497), la Constitution du 4 octobre 1958 impose ainsi la consultation du Conseil d’État sur les projets de loi avant qu’ils soient délibérés en Conseil des ministres. Cette mission consultative est ancienne. Elle apparaît d’ailleurs comme relativement spécifique à la France (498).

En effet, elle avait déjà été reconnue constitutionnellement par l’article 52 de la Constitution consulaire du 22 frimaire an VIII (1799), par l’article 75 de la Constitution républicaine du 4 novembre 1848 et par l’article 50 de la Constitution impériale du 14 janvier 1852. M. Michel Bernard, président de section au Conseil d’État, soulignait ainsi, en 1994, le lien historique entre l’importance des fonctions consultatives de celui-ci et la présence d’un exécutif fort : « en renforçant les pouvoirs du Gouvernement, la Constitution (de 1958) a par là-même accru le rôle du Conseil d’État qui a pour mission de le conseiller », tout en précisant qu’« en instituant un contrôle de constitutionnalité des lois, elle a donné une nouvelle dimension aux avis du Conseil d’État sur les projets de loi » (499). Il reste que c’est l’ordonnance du 31 juillet 1945 sur le Conseil d’État qui imposa cette consultation pour tous les projets de loi. Elle dispose, dans son article 21, que « le Conseil d’État participe à la confection des lois ou ordonnances dans les conditions fixées par l’ordonnance du 31 juillet 1945. Il est saisi par le président du Gouvernement provisoire (le Premier ministre) des projets établis par les ministres ; il donne son avis sur ces projets et propose les modifications de rédaction qu’il juge nécessaires. »

Il s’agit d’une formalité substantielle, c’est-à-dire obligatoire, sous peine de vicier la procédure d’adoption du projet de loi, mais aussi constitutionnellement sanctionnée. En effet, cette consultation ne répondrait pas aux exigences constitutionnelles si le texte déposé sur le bureau de celle des deux assemblées parlementaires appelée à en délibérer la première soulevait une question essentielle que le Conseil d’État n’aurait pas été en mesure d’examiner. Le Conseil des ministres ne serait pas éclairé, comme l’a voulu le constituant, par l’avis du Conseil d’État.

En conséquence, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003 (500) confirmant sa décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990 (501), dans le cas où, après avoir recueilli l’avis du Conseil d’État, le Premier ministre envisage d’apporter au projet de loi des modifications substantielles, il doit soit consulter à nouveau le Conseil d’État si le projet n’a pas été déjà déposé, soit, si le projet est déjà déposé, lui soumettre pour avis une « lettre rectificative », qui devra être délibérée en Conseil des ministres puis déposée sur le bureau de l’assemblée saisie du projet initial. Mais, il peut également faire ultérieurement usage de son droit d’amendement.

Les avis que le Conseil d’État rend dans ce cadre ne sont pas publics. Le Gouvernement, qui est l’unique destinataire des avis qu’il demande au Conseil d’État, peut seul lever le secret qui les caractérise. Une proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par MM. Pierre Mazeaud et Robert Pandraud, enregistrée le 20 avril 1993 mais jamais inscrite à l’ordre du jour, avait envisagé de faire de la publicité des avis le principe, de la confidentialité l’exception.

La règle du secret correspond d’abord à l’idée que, dans ses formations administratives, le Conseil d’État est un organe directement lié au pouvoir exécutif et chargé de l’aider. Dans une réponse à une question orale, au Sénat, le Premier ministre, M. Pierre Mauroy, avait ajouté que « cette règle répond (…) à une exigence d’efficacité : la valeur des avis du Conseil d’État dépend, dans une large mesure, de la liberté d’appréciation qu’il exerce sur les questions qui lui sont soumises, liberté qu’une instance non politique ne peut trouver qu’à l’abri de toute publicité » (502). Comme l’écrit M. Yves Jégouzo, « le conseiller du Gouvernement aide, corrige, parfois morigène » (503). Des mentions de ces avis sont néanmoins publiées dans le rapport annuel du Conseil d’État.

2. Une mission consultative étendue aux propositions de loi

La procédure consistant à associer le Conseil d’État aux propositions de loi est ancienne. Dès 1947, par la voix de René Cassin, le Conseil d’État avait souhaité pouvoir être associé à l’étude de propositions de loi d’origine parlementaire (504). Conçue comme une aide complémentaire, elle s’avérerait d’autant plus utile que la loi s’inscrit désormais dans un contexte constitutionnel et conventionnel supra-législatif contraignant et sanctionné. D’ailleurs, tous les observateurs l’ont souligné : l’avènement d’un contrôle de constitutionnalité de la loi attentif et actif a profondément modifié le sens et la portée des avis donnés sur les projets de loi et renforcé le rôle du Conseil d’État (505).

À la différence de la procédure prévue pour les projets de loi, interne à la « machine gouvernementale », qui intervient avant que le texte du projet n’ait réellement d’existence juridique par l’effet de son adoption en Conseil des ministres, la procédure proposée dans le présent article, d’une part, s’applique à un texte qui existe déjà, qui a déjà fait l’objet d’un dépôt, et, d’autre part, ne revêt qu’un caractère facultatif.

Le présent article reprend la proposition n° 28 du « comité Balladur » qui a estimé utile pour la qualité du travail législatif que « le Conseil d’État puisse être saisi pour avis de celles des propositions de loi qui sont inscrites à l’ordre du jour de l’une ou l’autre assemblée ». Il convient de rappeler que, dans sa proposition n° 27, il estimait également utile de modifier le code de justice administrative aux fins de permettre que les « avis émis par le Conseil d’État sur les projets de loi dont il est saisi en application de l’article 39 de la Constitution soient rendus publics. Ainsi serait mis un terme aux rumeurs qui entourent ces avis, dont la publication n’est autorisée, au cas par cas, par le Gouvernement, qu’à la fin de chaque année. » (506)

Le présent projet de loi constitutionnelle prévoit un renvoi à une loi ordinaire pour définir les conditions dans lesquelles le Conseil d’État pourrait être saisi par le président de chaque assemblée d’une proposition de loi avant son examen en commission.

Il convenait de préciser, notamment, si cette saisine ne s’applique qu’à la première assemblée saisie ou bien à chaque assemblée, au stade initial de l’examen d’une proposition de loi, en première lecture, ou bien à n’importe quelle étape de la procédure. Tel que libellé, le nouvel alinéa de l’article 39 ne pourrait pas permettre, par exemple, que le Président de l’Assemblée nationale, saisi d’une proposition de loi adoptée par le Sénat en première lecture, la transmette pour avis au Conseil d’État. Elle ne pourrait pas non plus permettre au Président du Sénat de saisir le Conseil d’État d’une proposition de loi transmise par l’Assemblée nationale qui l’a adoptée en première lecture. Dans tous les cas, le législateur devra déterminer un délai dans lequel le Conseil d’État serait amené à se prononcer, sous peine de risquer de voir retarder par trop l’examen de propositions de loi qu’il est prévu d’inscrire à l’ordre du jour.

De la même façon, il conviendra de prévoir les conséquences d’une telle saisine sur la procédure suivie par chaque assemblée. Dans l’état du droit, les propositions de loi, en application de l’article 81 du Règlement de l’Assemblée nationale, sont transmises au Bureau ou à certains de ses membres délégués par lui à cet effet pour examiner leur recevabilité au regard de l’article 40 de la Constitution. Recevable, la proposition est déposée ; ce dépôt est annoncé en séance publique ou, hors période de séance, au Journal officiel. Le dépôt étant assuré, la proposition est renvoyée devant la commission compétente. Elle peut faire l’objet d’une inscription à l’ordre du jour. L’article 24 du Règlement du Sénat prévoit un schéma identique.

La procédure envisagée par le présent article trouverait son plein effet avant l’examen effectif de la proposition par la commission, éventuellement dès son dépôt, dès lors que le Président de l’assemblée concernée le juge opportun.

En effet, l’expérience montrant que les propositions de loi sont parfois inscrites à l’ordre du jour, voire déposées, dans des délais très brefs avant l’examen en commission, en particulier dans le cadre de l’ordre du jour complémentaire ou réservé, l’introduction d’une étape supplémentaire, nécessitera sans doute de suspendre la procédure ou bien exigera une programmation plus respectueuse des contraintes inhérentes à un examen sérieux de chaque initiative, sous peine de rendre une telle procédure d’avis inutile.

Aussi peut-on espérer de l’introduction de la possibilité de saisine du Conseil d’État par le Président de l’assemblée intéressée non seulement un complément utile d’information mais également une contrainte supplémentaire susceptible d’inciter les initiateurs d’une proposition de loi à déposer leur texte suffisamment à l’avance pour permettre son examen dans les meilleures conditions. Dans ce contexte, s’avérerait plus difficile l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de loi dont le texte ne serait pas encore connu une semaine avant son passage en séance publique, séance pourtant réservée au groupe à l’initiative de la proposition et programmée de longue date dans le cadre de l’ordre du jour réservé aux initiatives parlementaires.

La loi, ou à défaut les règlements de chaque assemblée, devra également déterminer les conséquences de la prise en compte éventuelle d’un avis du Conseil d’État qui jugerait l’initiative juridiquement incertaine. Cet avis sera-t-il pris en compte au stade de la commission qui pourra proposer des modifications au texte initialement déposé ou bien faudra-t-il prévoir le dépôt d’un nouveau texte ? En tout état de cause, de la même façon que l’avis du Conseil d’État ne lie pas le Gouvernement lorsqu’il est saisi sur le fondement du premier alinéa de l’article 39 de la Constitution, l’avis qu’il rendra dans le cadre proposé par le présent article ne liera pas l’assemblée destinataire.

L’ANALYSE PAR LE CONSEIL D’ÉTAT DU DISPOSITIF D’AVIS
INSTITUÉ À L’ARTICLE 39 DE LA CONSTITUTION

Intervention de M. Jean-Marc SAUVÉ, Vice-président du Conseil d’État,
auditionné par le rapporteur, le lundi 5 mai 2008

Ce texte crée à mes yeux un dispositif utile et même nécessaire compte tenu, notamment, des dispositions nouvelles qui sont proposées à l’article 48 de la Constitution pour l’ordre du jour des assemblées. Le renforcement du rôle du Parlement dans la fixation de cet ordre du jour et la part croissante des lois qui seront issues de propositions de loi appellent presque corrélativement ou mécaniquement que l’intervention du Conseil d’État, dans le processus législatif, ne se limite pas aux seuls projets de loi. L’objectif d’amélioration de la qualité de la réglementation, qui est largement partagé, milite aussi pour que tous les textes soumis à débat sinon fassent tous, sinon puissent faire, l’objet d’un avis du Conseil d’État, quelle que soit leur origine, gouvernementale ou parlementaire.

Au passage, le dispositif proposé permettra de faire l’économie de deux procédures ou méthodes de travail également insatisfaisantes.

La première a consisté dans la reprise par le Gouvernement, sous forme de demande d’avis au Conseil d’État, des principales questions que pouvait poser une proposition de loi, ce qui a été fait, par exemple, en 2000, avec la proposition de loi organique relative aux lois de finances. Je crois qu’il est plus convenable que le Conseil d’État puisse se prononcer directement sur une proposition de loi à la demande du Président de l’assemblée concernée.

La seconde méthode qui a été utilisée a consisté à présenter sous forme de proposition de loi ce qui est en réalité un projet de loi, rédigé par le Gouvernement afin d’éviter, un avis du Conseil d’État, dont on pourrait redouter qu’il ne fût pas favorable.

Le texte qui vous est soumis met donc sur la voie de l’extinction, d’une part, un artifice, et, d’autre part, un mécanisme de contournement de l’article 39. (…)

Cela étant, je suis conscient que ce simple alinéa qui est un élément d’un dispositif d’ensemble plus vaste et plus ambitieux, conduit à modifier le positionnement du Conseil d’État dans nos institutions.

Si l’article 39 de la Constitution est modifié, comme le propose le projet de loi constitutionnelle, le Conseil d’État, dans son rôle consultatif cessera de s’inscrire exclusivement au cœur du pouvoir exécutif, ce qu’il est peu ou prou depuis le XIIe siècle et l’émergence du Conseil du Roi ou depuis la Constitution du 22 frimaire An VIII qui a créé le Conseil dans sa forme moderne.

Le Conseil d’État sera, en effet, comme conseil et comme juge, à l’interface entre les pouvoirs publics et la société française. Cette évolution de son positionnement, le Conseil d’État ne la subit pas, il l’accueille avec faveur.

Le mécanisme proposé par le projet de loi constitutionnelle sur ce point est extrêmement sobre mais me paraît suffisant. Il est très différent que ce qui existe pour les projets de loi pour lesquels l’avis du Conseil d’État est à la fois préalable et obligatoire.

Le projet de loi constitutionnelle propose un dispositif optionnel, relevant du président de chaque assemblée. L’avis du Conseil d’État serait sollicité, en outre, sur un texte cristallisé, une proposition de loi déjà déposée en vue de son examen en commission, alors que, pour les projets de loi, l’avis du Conseil d’État précède le moment même où le Gouvernement arrête son texte. C’est d’ailleurs cette chronologie qui explique qu’en l’état de la législation, les avis du Conseil d’État sur les projets de loi ne soient pas rendus publics.

Ces différences dans la procédure applicable aux projets et aux propositions de loi apparaissent pleinement justifiées pour des raisons qui s’expliquent d’elles-mêmes. Il y a un seul Gouvernement mais plus de neuf cents parlementaires, ce qui suffit à justifier, d’une part, le moment de l’avis et, d’autre part, la sélectivité de la saisine du Conseil d’État pour les propositions de loi. En outre, l’inscription dans la Constitution de l’obligation du Conseil d’État de consulter sur toutes les propositions de loi examinées en commission représenterait certainement une trop grande rupture par rapport à la situation actuelle et pourrait susciter des contraintes et donc des difficultés aussi bien du côté du Parlement que du Conseil d’État.

Le dispositif souple qui est proposé permettra donc d’acclimater dans de meilleures conditions la nouvelle procédure d’avis.

Le troisième alinéa de l’article 39 pose toutefois plusieurs questions qu’il convient d’examiner attentivement, j’en recense à ce stade au moins six. Quels seront les critères de sélection des propositions de loi soumises à l’avis du Conseil d’État et, plus exactement, parmi celles destinées à être examinées en commission, comment seront choisies celles qui viendront au Conseil ? Si les considérations d’opportunité sont appelées à jouer un grand rôle dans cette sélection, il serait souhaitable que les saisines soient prévisibles. Quels seront les délais d’examen des propositions et comment s’équilibrera le plan de charge des formations consultatives du Conseil d’État entre les textes d’origine gouvernementales et les propositions de loi ? L’auteur de la proposition ou le Parlement sera-t-il représenté dans la procédure devant le Conseil d’État, et dans l’affirmative, selon quelles modalités ? Le Gouvernement ou l’administration jouera-t-il un rôle dans cette procédure et notamment pourra-t-il être entendu, fut-ce comme expert ? Quelles seront les modalités de l’avis rendu par le Conseil ? Quelle sera la publicité de cet avis, qui en sera le destinataire ?

Les réponses données à ces questions devront pour certaines d’entre elles être apportées par la loi à laquelle renvoie le troisième alinéa proposé de l’article 39. Pour le surplus, elles procéderont de la pratique aussi bien du Parlement que du Conseil. Le Conseil d’État a commencé à réfléchir à toutes ces questions. Il souhaite se concerter à leur sujet avec les assemblées et être associé, en amont même de la procédure d’avis de l’article 39, à la préparation de la loi qui fera application du projet de loi constitutionnelle.

Dans le cadre de l’objectif d’amélioration de la qualité du processus d’élaboration de la loi en général, au-delà de la seule question des propositions de loi, le rapporteur souhaite insister sur l’utilité d’engager dès aujourd’hui une action efficace en faveur de la mise en œuvre d’études d’impact accompagnant les projets de loi, au moins les plus importants d’entre eux.

Ainsi que le soulignait le Conseil d’État dans son Rapport public de 2006, « il est (…) aujourd’hui nécessaire de s’interroger sur l’opportunité de recourir à un instrument juridique de rang plus élevé dans la hiérarchie des normes que la circulaire et tendant à fixer quelques obligations de procédure, en particulier à subordonner le dépôt d’un projet de loi devant les assemblées à ce qu’il soit assorti d’une évaluation préalable de l’impact de la réforme ». Il ajoutait que « ces règles pourraient figurer dans une loi organique, prise sur le fondement d’un alinéa ajouté à l’article 39 de la Constitution en vue d’organiser la procédure d’élaboration et de dépôt des projets de loi devant le Parlement ». Il envisageait même à cette époque que « la prochaine réforme constitutionnelle annoncée par le Président de la République pour l’inscription dans la Constitution de l’abolition de la peine de mort pourrait offrir l’occasion de cette modification » (507).

Le Conseil dÉtat suggérait alors que létude dimpact puisse, notamment, présenter les raisons du choix d’une stratégie normative plutôt que d’une autre stratégie, les conséquences du projet de texte sur le secteur concerné, les conditions d’insertion de ce projet dans l’ordre juridique. Puis, il faisait l’hypothèse que cette évaluation préalable formalisée puisse, comme dans plusieurs pays, former « un élément de la régularité de la procédure » (508).

L’amélioration de la qualité de la loi exige donc la mise en place d’une procédure rigoureuse qui passe, en particulier, par la présentation d’études d’impact en appui et soutien des projets de loi, conformément aux recommandations ainsi réitérées du Conseil d’État et aux propositions faites par le « comité Balladur » (509).

Comme l’a rappelé le Vice-président du Conseil d’État lors de son audition par le rapporteur, « on sait que le volume des lois a décuplé depuis les années 1960. Cette inflation va en s’accélérant au cours des dernières années. Par ailleurs, les dispositions législatives sont des dispositions qui sont de plus en plus instables. On évalue aujourd’hui à 10 % le pourcentage des dispositions des codes qui, chaque année, sont abrogées, modifiées ou créées. Pour le code général des impôts (CGI), ce pourcentage approche de 18 % par an. J’ai fait ce calcul pour l’année 2005 et 2006 : j’étais arrivé à un chiffre de 37,5 % de dispositions du CGI qui avaient été créées, modifiées ou abrogées. Je crois que l’enjeu de la maîtrise à la fois du volume de la norme et de sa stabilité est un enjeu absolument essentiel, démocratique, c’est une question de confiance dans la loi. C’est aussi, certainement, un enjeu économique, budgétaire. L’attractivité de notre pays dépend pour partie de la prévisibilité des lois qui y sont applicables. » Il a souligné, en outre, que « le Conseil d’État s’est prononcé sans ambages en 2006 pour la mise en place d’un mécanisme d’évaluation ex ante des projets de loi, de telle sorte que le Parlement puisse être en capacité de se prononcer sur la nécessité de légiférer et notamment sur les impacts de toutes natures que pourrait entraîner l’entrée en vigueur d’un dispositif législatif nouveau ».

La Commission a rejeté un amendement de M. Arnaud Montebourg rendant publics les avis du Conseil d’État et imposant la réalisation d’études d’impact préalablement au dépôt d’un projet de loi.

M. René Dosière a présenté un amendement supprimant la priorité donnée au Sénat, en 2003, pour l’examen des projets de loi concernant l’organisation des collectivités territoriales et ceux relatifs aux Français établis hors de France. Cette disposition fait, dans ces domaines, de l’Assemblée nationale une assemblée de second rang par rapport à une chambre élue au suffrage indirect.

Le rapporteur a indiqué qu’il avait déposé un amendement répondant à l’objectif de M. Dosière s’agissant des Français établis hors de France. Ne souhaitant pas modifier la priorité donnée au Sénat pour les textes relatifs aux collectivités territoriales, il a donné un avis défavorable à l’amendement, que la Commission a alors rejeté.

Le rapporteur a présenté un amendement offrant un ancrage constitutionnel à la pratique des études d’impact qui devront être fournies avant l’examen d’un projet de loi. Ces études permettront de faire le point systématiquement sur le coût des mesures envisagées, sur leur nécessité ainsi que sur la faisabilité du recours à d’autres instruments juridiques que la loi. M. Alain Juppé, alors Premier ministre, avait tenté de généraliser cette pratique par la publication d’une circulaire, sans réussir à l’imposer dans les faits. Un ancrage constitutionnel est donc nécessaire.

Le rapporteur a par ailleurs indiqué que M. Jean-François Copé avait déposé un amendement n° 1 poursuivant le même objet, mais plus complet parce qu’il envisage des sanctions en cas de non-respect de la règle. Dans l’attente de la position du Gouvernement sur l’amendement n° 1, il a cependant suggéré d’adopter son amendement qui renvoie à une loi organique les modalités de mise en œuvre des études d’impact.

M. Arnaud Montebourg a indiqué que son groupe était favorable à l’évaluation des politiques publiques, y compris avant l’intervention du législateur. Dans la mesure où les circulaires se heurtent à l’inertie, il est nécessaire de constitutionnaliser les études d’impact, comme le permet le très intéressant amendement de M. Copé, qui a la préférence du groupe SRC.

La Commission a alors adopté l’amendement du rapporteur (amendement n° 66), rendant sans objet l’amendement n° 1 de M. Jean-François Copé.

La Commission a ensuite rejeté un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde conférant à la Conférence des Présidents de chaque assemblée, plutôt qu’à son Président, le pouvoir de soumettre pour avis au Conseil d’État une proposition de loi.

Après avoir adopté un amendement de précision du rapporteur (amendement n° 67), la Commission a examiné un amendement présenté par M. Bertrand Pancher donnant aux présidents de commissions permanentes le pouvoir de soumettre pour avis au Conseil d’État une proposition de loi.

Le rapporteur a estimé que l’objectif louable de l’amendement pourrait être atteint par la modification du règlement des assemblées en soulignant qu’il n’était pas souhaitable de consacrer dans la Constitution les présidents des commissions permanentes.

M. Bertrand Pancher a alors retiré l’amendement.

Après avoir rejeté un amendement de M. Jean-Claude Sandrier prévoyant la publicité des avis du Conseil d’État, la Commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant la priorité donnée au Sénat pour l’examen des projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France en coordination avec les dispositions adoptées à l’article 9 du projet de loi (amendement n° 65).

La commission a adopté l’article 14 ainsi modifié.

Après l’article 14

La Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Claude Sandrier abrogeant l’article 40 de la Constitution ainsi qu’un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde assouplissant les règles de recevabilité financière des amendements fixées par l’article 40.

Article 15

(art. 41 de la Constitution)


Protection du domaine législatif

Le constituant du 4 octobre 1958 a entendu assigner au règlement un domaine distinct du domaine de la loi, défini de manière restrictive, de telle sorte que la loi n’entre pas dans des détails où elle perdrait en force et clarté, à l’image des dérives constatées sous les Républiques précédentes.

Pour protéger le domaine du règlement des tendances expansives de la loi, la Constitution, dans son article 41, a autorisé le Gouvernement à opposer une irrecevabilité, en cours de procédure législative, aux propositions ou aux amendements qui ne ressortiraient pas du domaine de la loi.

Afin de renforcer le caractère effectif de cette protection des domaines respectifs de la loi et du règlement, le présent article 15 modifie l’article 41 de la Constitution pour accorder au Président de chaque assemblée la faculté de soulever cette même irrecevabilité et lui attribuer ainsi une mission de gardien du domaine de la loi.

Cet enjeu est d’autant plus important que les initiatives parlementaires prendront un relief particulier, dès lors que c’est le texte issu des travaux des commissions qui servira de base aux débats en séance publique, en application de la nouvelle rédaction de l’article 42 de la Constitution proposée par le présent projet de loi constitutionnelle (510).

1. L’insuffisante protection du domaine de la loi

a) Les principes d’une « révolution juridique » : les articles 34 et 37

• Les origines de la « révolution juridique »

Au cours des débats menés par les assemblées nationales constituantes de 1945 et 1946, des députés proposèrent déjà d’instituer un partage des domaines de la loi et du règlement. M. Jean-Pierre Giraudoux suggéra ainsi qu’une telle novation permettrait « d’alléger la tâche du Parlement, d’éviter qu’il ne gaspille son temps et ses forces à des travaux mineurs qui ne sont pas faits pour rehausser son prestige ». En réponse, Pierre Cot estima qu’il « n’est pas possible que ce soit une loi écrite qui délimite ces champs respectifs. La question doit être réglée par la coutume, par la pratique, par les circonstances » (511).

Or, sur la base de la doctrine révolutionnaire inscrite dans la Constitution de 1791, en vertu de laquelle « il n’y a point en France d’autorité supérieure à celle de la loi » (512), traduction juridique de la souveraineté nationale, la loi ne supportait aucune limite, l’intervention du législateur suffisant à en établir le domaine. En 1946, un contrôle de constitutionnalité embryonnaire, qui n’existait pas sous le régime de 1875, impliquait, au moins en théorie, une certaine limitation de la compétence du législateur ordinaire, tandis que certaines autres prescriptions constitutionnelles attribuaient impérativement une compétence au législateur pour certaines matières, la liste des cas de compétence législative obligatoire n’épuisant cependant pas la compétence de ce dernier. Le dispositif de 1946 créait ainsi un domaine législatif minimal, mais potentiellement illimité. A contrario le domaine réglementaire était limité (513).

Par contraste, le constituant de 1958 a conçu le domaine législatif comme limité, répondant ainsi à la volonté de mettre fin aux pratiques passées qui, en entrant dans le détail des choses de l’administration, nuisaient à la force de la loi.

Évoquant la genèse de ce dispositif, un témoin souligne : « C’était notre grande idée. Celle de notre génération. Celle des administrateurs de terrain, plus que des politiques, et que des magistrats de l’ordre administratif. Dans cet été de l’année 1958, l’évidence d’un dispositif nouveau, à même d’éviter la " fureur législative ", n’a rencontré aucune opposition. La complexité croissante de la société contemporaine, la demande forte de multiples règles, pour rendre les désordres moins absurdes, multipliaient les difficultés de l’inscription dans un débat d’assemblée des exigences de détails. L’idée simple : à la loi, les grands traits. Au règlement, les dispositions d’application, détaillées mais susceptibles d’adaptation permanente. » (514)

Méritant d’être cité intégralement, Michel Debré, dans son intervention du 27 août 1958 devant le Conseil d’État, soulignait que « l’article où l’on a tenté de définir le domaine de la loi est de ceux qui ont provoqué le plus d’étonnement. (…) Du point de vue des principes, la définition est normale et c’est la confusion de la loi, du règlement, voire de la mesure individuelle qui est une absurdité. Du point de vue des faits, notre système juridique était arrivé à un tel point de confusion et d’engorgement qu’un des efforts les plus constants, mais tenté en vain au cours des dernières années, était de " désencombrer " un ordre du jour parlementaire accablé par l’excès des lois passées depuis tant d’années en des domaines où le Parlement n’a pas normalement compétence législative. Un observateur de notre vie parlementaire aurait pu, entre les deux guerres, mais davantage encore depuis la Libération, noter cette double déviation de notre organisation politique : un Parlement accablé de textes et courant en désordre vers la multiplication des interventions de détail, mais un Gouvernement traitant sans intervention parlementaire des plus graves problèmes nationaux. Le résultat de ces deux observations conduisait à une double crise : l’impuissance de l’État du fait que l’administration était ligotée par des textes inadmissibles, la colère de la Nation, du fait qu’une coalition partisane placée au Gouvernement la mettait devant de graves mesures décidées sans avoir été préalablement soumises à un examen sérieux. Définir le domaine de la loi, ou plutôt du Parlement, ce n’est pas réduire la vie parlementaire, c’est également, par détermination des responsabilités du Gouvernement, assurer entre le Ministère et les assemblées une répartition nécessaire des tâches. »

Michel Debré pouvait ainsi estimer, dans son discours précité, que « la définition du domaine de la loi rend au règlement, c’est-à-dire à la responsabilité du Gouvernement, un domaine étendu. Il faut en outre qu’une arme soit donnée au Gouvernement pour éviter les empiétements à venir ; c’est l’exception d’irrecevabilité qui peut être contestée par l’assemblée, auquel cas le Conseil constitutionnel, dont nous parlerons tout à l’heure, a mission d’arbitrer. »

La Constitution de 1958 met moins en place une distinction entre le « domaine » de la loi et celui du règlement − cette distinction existait auparavant − qu’elle ne délimite les attributions de chacun et lui donne les moyens de les faire respecter. Des frontières claires étant établies, il faut un « garde-frontière ». Ce rôle sera dévolu au Conseil constitutionnel dont c’était, à n’en pas douter et nonobstant les développements ultérieurs de sa jurisprudence, la première des missions que le constituant lui a confiées.

• Les moyens de poursuivre la « révolution juridique »

Le constituant a ainsi assorti la délimitation du domaine de la loi d’instruments de régulation. Il a, en effet, jeté les bases à la fois d’une procédure de déclassement, d’une procédure d’irrecevabilité et d’un contrôle de qualification (515).

En premier lieu, l’article 37, alinéa 2, de la Constitution crée une procédure de déclassement : « Les textes de forme législative intervenus en ces matières peuvent être modifiés par décrets pris après avis du Conseil d’État. Ceux de ces textes qui interviendraient après l’entrée en vigueur de la présente Constitution ne pourront être modifiés par décret que si le Conseil constitutionnel a déclaré qu’ils ont un caractère réglementaire. » Mais, comme le relève le Conseil d’État, il est fait un « usage exagérément modéré de la procédure de déclassement ouverte au Gouvernement par l’article 37 alinéa 2 de la Constitution en cas d’empiétements antérieurs du législateur sur le domaine réglementaire » (516).

En deuxième lieu, le mécanisme de l’article 41 de la Constitution, permet au Gouvernement – et à lui seul – d’opposer l’irrecevabilité aux propositions ou aux amendements contraires à ce principe : « S’il apparaît dans la procédure législative qu’une proposition ou un amendement n’est pas du domaine de la loi ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l’article 38, le Gouvernement peut opposer l’irrecevabilité.

« En cas de désaccord entre le Gouvernement et le Président de l’assemblée intéressée, le Conseil constitutionnel, à la demande de l’un ou de l’autre, statue dans un délai de huit jours. »

L’article 93 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoit que « l’irrecevabilité tirée de l’article 41, alinéa premier, de la Constitution peut être opposée par le Gouvernement à une proposition ou à un amendement avant le commencement de sa discussion en séance publique. Après consultation éventuelle du président de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ou d’un membre du Bureau désigné à cet effet, le Président de l’Assemblée peut admettre l’irrecevabilité. Dans le cas contraire, il saisit le Conseil constitutionnel.

« L’irrecevabilité peut aussi être opposée par le Gouvernement au cours de la discussion. Le Président de l’Assemblée, lorsqu’il préside la séance, peut statuer après consultation éventuelle du président de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ou d’un membre du Bureau désigné à cet effet.

« Lorsque le Président de l’Assemblée ne préside pas la séance, celle-ci est suspendue jusqu’à ce qu’il ait statué, si l’irrecevabilité est opposée à une proposition ; si elle est opposée à un amendement, la discussion de celui-ci et, le cas échéant, celle de l’article sur lequel il porte, est réservée jusqu’à ce que le Président de l’Assemblée ait statué.

« En cas de désaccord entre le Gouvernement et le Président de l’Assemblée, la discussion est suspendue et le Président de l’Assemblée saisit le Conseil constitutionnel. »

L’article 45, alinéa 5, du Règlement du Sénat dispose, pour sa part, que « l’irrecevabilité tirée de l’article 41, premier alinéa, de la Constitution peut être opposée par le Gouvernement à une proposition ou à un amendement avant le commencement de sa discussion en séance publique. Lorsqu’elle est opposée en séance publique, la séance est s’il y a lieu suspendue jusqu’à ce que le Président du Sénat ait statué si l’irrecevabilité est opposée à une proposition ; si elle est opposée à un amendement, la discussion de celui-ci et, le cas échéant, celle de l’article sur lequel il porte, est réservée jusqu’à ce que le Président du Sénat ait statué. » L’alinéa 6 du même article précise que « dans tous les cas prévus à l’alinéa précédent, il n’y a pas lieu à débat. Le Président du Sénat peut consulter le président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale ou un membre du Bureau désigné à cet effet. L’irrecevabilité est admise de droit lorsqu’elle est confirmée par le Président du Sénat. S’il y a désaccord entre le Président du Sénat et le Gouvernement, le Conseil constitutionnel est saisi dans les formes fixées par l’article 41 de la Constitution et la discussion est suspendue jusqu’à la notification de sa décision, laquelle est communiquée sans délai au Sénat par le Président. »

Ainsi, l’irrecevabilité ne fonctionne sans saisine du Conseil constitutionnel que si le Président de l’Assemblée nationale ou du Sénat marque son accord. À la discrétion du Gouvernement et alourdie par ces consultations successives, peu aisées à mettre en œuvre, cette procédure est tombée quasiment en désuétude, les gouvernements parvenant en pratique plus aisément à leurs fins en faisant voter contre les dispositions en cause.

En troisième lieu, saisi sur le fondement de l’article 61 des dispositions adoptées par le Parlement, le Conseil constitutionnel ne s’interdit pas « de déclarer " préventivement " réglementaires les dispositions en cause ». « Cette déclaration de la nature réglementaire de dispositions contenues dans une loi déférée, si elle ne conduit pas à leur censure, n’en stigmatise pas moins la malfaçon législative dont elles sont entachées. » (517)

Cette jurisprudence ne peut se comprendre que si on l’inscrit dans le regain d’attention que le Conseil constitutionnel a porté, ces dernières années, au respect de certaines dispositions constitutionnelles qui tendent à condamner les dispositions de portée normative incertaine – qui, n’étant pas du domaine de la loi, peuvent être qualifiées de réglementaires –, dispositions qui à la fois contredisent les principes constitutionnels de clarté, d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi et heurtent le principe de séparation des pouvoirs.

Dès 2002, le Conseil relevait, dans un considérant de principe, la nécessité de la clarté de la loi : « Considérant qu’il appartient au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie l’article 34 de la Constitution ; qu’il doit, dans l’exercice de cette compétence, respecter les principes et règles de valeur constitutionnelle et veiller à ce que le respect en soit assuré par les autorités administratives et juridictionnelles chargées d’appliquer la loi ; qu’à cet égard, le principe de clarté de la loi, qui découle du même article de la Constitution, et l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui découle des articles IV, V, VI et XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, lui imposent, afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d’arbitraire, d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques » (518).

L’évocation successive ou concomitante par le Conseil constitutionnel des notions de « clarté », d’« intelligibilité » et d’« accessibilité » de la loi a pu créer l’impression d’une jurisprudence paradoxalement relativement complexe, même si, en théorie, le principe de clarté incitait le législateur à aller au bout de sa compétence, l’intelligibilité supposait que le destinataire puisse être à même de comprendre ses droits et obligations, tandis que la notion d’accessibilité devait être entendue dans son acception physique. Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel a renoncé à utiliser la notion de clarté de la norme pour l’intégrer dans celle d’intelligibilité, objectif de valeur constitutionnelle, qui constitue désormais l’unique norme de référence pour juger de la qualité de la loi (519).

À propos d’un rapport annexé à une loi, comme on l’a vu dans les commentaires sur l’article 11 du présent projet de loi (520), le Conseil avait mis en garde contre ce type de dispositions qui ne relèvent « d’aucune des catégories de textes législatifs prévues par la Constitution et ne sont dès lors pas revêtues de la valeur normative qui s’attache à la loi » et que seules « les mesures législatives ou réglementaires qui, le cas échéant, mettront en œuvre ces orientations pour leur attacher des effets juridiques pourront, selon le cas, faire l’objet de saisines du Conseil constitutionnel ou de recours devant la juridiction administrative » (521).

Il s’est borné à reprendre la jurisprudence du Conseil d’État qui, confronté à ce problème tant à propos du rapport annexé à la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 qu’à propos du rapport présentant les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale annexé à la loi du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale, avait estimé que ces rapports, se bornant à énoncer des objectifs, « n’avaient pas la valeur normative qui s’attache aux dispositions de la loi elle-même » (522).

Dans sa décision du 29 juillet 2004, le Conseil constitutionnel a rappelé « qu’aux termes de l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : " La loi est l’expression de la volonté générale " » et relevé « qu’il résulte de cet article comme de l’ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l’objet de la loi que, sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative » (523).

M. Pierre Mazeaud, alors Président du Conseil constitutionnel avait déclaré, à l’occasion de ses vœux pour l’année 2005, qu’« il faut désormais lutter plus activement contre les intrusions de la loi dans le domaine réglementaire. (…) Nous portons tous notre part de responsabilité dans ce phénomène qui, depuis les années 1970, a vu la loi se gonfler de textes réglementaires. Peut-être le Conseil constitutionnel doit-il faire son autocritique à cet égard. » (524)

L’examen de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école a donné au Conseil constitutionnel, dans sa décision du 21 avril 2005 (525), l’occasion de préciser sa jurisprudence sur le caractère normatif de la loi et de faire la liste des griefs à l’encontre de la « loi bavarde » et, en particulier, des empiétements de la loi sur le règlement.

Dans le droit fil de ses décisions précitées, il a ainsi déclaré contraires à la Constitution, parce que « manifestement dépourvues de toute portée normative », les dispositions du paragraphe II de l’article 7 de ladite loi qui proclamaient que « l’objectif de l’école est la réussite de tous les élèves. Compte tenu de la diversité des élèves, l’école doit reconnaître et promouvoir toutes les formes d’intelligence pour leur permettre de valoriser leurs talents. La formation scolaire, sous l’autorité des enseignants et avec l’appui des parents, permet à chaque élève de réaliser le travail et les efforts nécessaires à la mise en valeur et au développement de ses aptitudes, aussi bien intellectuelles que manuelles, artistiques et sportives. Elle contribue à la préparation de son parcours personnel et professionnel. »

Par ailleurs, alors que les requérants relevaient que « la loi déférée comporte, outre l’article 12, de nombreuses dispositions sans aucune portée législative (...), en contradiction avec les articles 34 et 37 de la Constitution », le Conseil a déclaré réglementaires les plus caractéristiques des dispositions ayant empiété sur le domaine du règlement, précisant que son contrôle n’avait pas un caractère exhaustif.

Comme le souligne un commentaire autorisé (526), la préoccupation légitime que suscite l’intrusion fréquente de la loi dans le domaine réglementaire rend très difficile une limitation de la jurisprudence à la simple application de la jurisprudence de 1982 (527). En conséquence, le Conseil constitutionnel a accepté de relever le caractère réglementaire des dispositions qui sont expressément contestées ou, si le grief tiré des empiétements est « transversal », de signaler les plus caractéristiques des dispositions réglementaires du texte. Cette qualification a pour effet de permettre au Gouvernement de déclasser les dispositions en cause sans saisine nouvelle du Conseil constitutionnel.

En résumé, si une approche chronologique est préférée, le Conseil constitutionnel peut être saisi à trois moments : au cours de la procédure législative sur la base de l’article 41 de la Constitution, avant la promulgation de la loi sur le fondement de l’article 61 de la Constitution et, enfin, après la promulgation de la loi en application du second alinéa de l’article 37.

La pratique de l’article 41 de la Constitution montre les limites auxquelles s’est heurtée la « révolution juridique » de la séparation des domaines de la loi et du règlement.

b) Les limites de la « révolution juridique » : la pratique de l’article 41

Arrêter le champ de la loi depuis 1958 s’est révélé aussi difficile qu’arrêter le champ réglementaire sous les Républiques précédentes. L’idée d’une frontière stricte et étanche entre les deux domaines de la loi et du règlement a cédé le pas à la réalité d’une unité irréductible de la norme. Dès les travaux préparatoires de la Constitution de 1958, M. François Luchaire pouvait souligner que l’article 34 ne faisait « que déterminer le domaine minimum de la loi mais il est évident que le législateur peut statuer sur toutes les autres matières » (528), comme l’a confirmé plus tard le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence précitée Blocage des prix et des revenus de 1982, estimant qu’une loi intervenant dans le domaine réglementaire n’est pas de ce seul fait inconstitutionnelle.

En tout état de cause, l’article 41 de la Constitution ne permet même pas aujourd’hui d’assurer une séparation, pourtant nécessaire à la revalorisation de la loi, entre les deux domaines.

• Les risques de dilatation législative

Malgré la « révolution juridique » des articles 34 et 37, le mouvement d’inflation législative, apparemment interrompu, un temps, en 1958, reprit rapidement son cours. Incontestable, il se nourrit d’une matière qui ne s’en tient pas strictement au domaine que la Constitution de 1958 lui assigne, provoquant une véritable « dilatation » législative. Moins concentrée, la norme devient plus floue et plus instable, moins forte. Normes nécessaires et normes moins nécessaires se mêlent au détriment des premières.

Les lois trop nombreuses dévalorisent la loi. Le phénomène est dénoncé depuis longtemps. En 1977, un auteur estimait déjà que « l’inflation juridique » n’était pas loin de signifier « la fin de l’État de droit » (529). Certes, le nombre de lois adoptées n’a pas sensiblement augmenté. 52 lois ont été votées durant la session 1987-1988 et 69 ont été adoptées durant la session 2005-2006, année sans scrutins nationaux (530). Des années telles que 1993-1994, avec 80 lois votées, s’avèrent exceptionnelles.

Mais la longueur des textes et le nombre des dispositions ont indéniablement crû. Les chiffres sont éloquents. Dès 1995, la mission d’information commune de l’Assemblée nationale sur les problèmes généraux posés par l’application de la loi constatait : « on est passé d’une production législative moyenne de l’ordre de 150 pages de Journal officiel par an de 1965 à 1981, à environ 300 de 1982 à 1994 » (531). Le Conseil d’État estime, dans son Rapport public 2006, à 9 000 lois le stock de textes en 2000, auxquels sont venus s’ajouter, en moyenne, 70 lois et 50 ordonnances par an (532).

Le nombre de pages et le poids du Recueil des lois, publié par l’Assemblée nationale, abstraction faite des ordonnances et des tables, n’ont cessé de croître : 620 pages et 912 grammes en 1970, 632 pages et 1 022 grammes en 1980, 1 055 pages et 1 494 grammes en 1990, 1 663 pages et 2 780 grammes en 2000, 2 556 pages et 3 266 grammes en 2004. Ainsi, « l’évolution sur une longue période, quadruplement du volume des lois promulguées en trente-cinq ans, plus que doublement au cours des quinze dernières années, n’en est pas moins nette » (533).

La multiplication des ordonnances constitue un autre indice des dérives de l’appareil producteur de normes. En 2004, pour la première fois, leur nombre a dépassé celui des lois. Intervenant dans le domaine législatif, les ordonnances sont élaborées par les bureaux, tandis que la pratique des ratifications implicites, théorisée par les juridictions administratives, vient vider de sa signification la procédure de ratification prévue par l’article 38 de la Constitution.

Le phénomène d’inflation législative, nourri par la multiplication des mesures de forme législative mais de nature réglementaire, et encouragé par les mesures également de forme législative mais de nature incantatoire, a aggravé cette tendance.

Les exemples d’incursion de la loi dans le domaine réglementaire sont légion. Il suffit de se référer à la décision précitée du Conseil constitutionnel sur la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école (534) : institution dans chaque académie d’une commission sur l’enseignement des langues vivantes étrangères (article 19 de la loi), modification de la terminologie relative à un organisme déjà existant (article 22), création et définition des conditions d’attribution d’un label « lycée des métiers » (article 33), définition du projet d’école ou d’établissement et règlement intérieur (article 34).

Les exemples de pénétration de la loi dans le domaine non normatif sont également très nombreux :

—  « L’architecture est une expression de la culture » (535) ;

—  « Les activités physiques et sportives constituent un facteur important d’équilibre » (536;

—  « L’identité et les spécificités de la montagne sont reconnues par la Nation et prises en compte par l’État, les établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements dans les actions qu’elles conduisent » (537;

—  « La famille est une des valeurs essentielles sur lesquelles est fondée la société. C’est sur elle que repose l’avenir de la Nation. À ce titre, la politique familiale doit être globale » (538) ;

—  « L’objectif est la mise en œuvre du droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé » (539) ;

—  « Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l’air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la Nation » (540;

—  « L’eau fait partie du patrimoine commun de la Nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général » (541) ;

—  « Compte tenu de la diversité des élèves, l’école doit reconnaître et promouvoir toutes les formes d’intelligence pour leur permettre de valoriser leurs talents » (542)

Certaines dispositions cumulent les deux qualités : « Le foie gras fait partie du patrimoine culturel et gastronomique protégé en France. On entend par foie gras, le foie d’un canard ou d’une oie spécialement engraissé par gavage. » (543)

À force d’entrer dans le détail de la sphère du pouvoir réglementaire et de s’étendre dans l’espace infini des pétitions de principe, la loi se dilate au point de perdre sa substance solide. Devenue liquide, elle passe comme elle coule. Devenue gazeuse, elle s’évapore.

Il suffit, pour s’en convaincre, de relire ce qu’écrivait déjà en 1991 le Conseil d’État, lui-même partie prenante du processus d’élaboration des normes, dans ses « Considérations générales » intitulées « De la sécurité juridique » (544). Il soulignait la prolifération des textes, l’instabilité des règles, la dégradation de la norme. Ces jugements, qui concernent aussi les actes réglementaires, dénoncent les « textes d’affichage, un droit mou, un droit flou, un droit à l’état gazeux ». Quinze ans après, le Conseil d’État, dans l’étude précitée qu’il a consacrée à la sécurité juridique dans son Rapport public 2006, fait le même constat et l’institution ne peut en exergue que s’autociter dans ses œuvres de 1991 : « Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite » (545).

Les conséquences de cette évolution sont connues : la loi, victime d’une déperdition de portée normative ou d’un excès de précision, tend à devenir purement symbolique ou inapplicable ; modifiée trop souvent, elle devient instable. Le citoyen se perd dans les méandres d’un droit imprévisible et peu lisible. Les répercussions pour les acteurs économiques sont loin d’être négligeables. Les fonctionnaires chargés de l’application de la loi telle que déclinée par les mesures réglementaires et les tribunaux éprouvent de réelles difficultés à s’adapter aux changements fréquents de normes, les situations de risque d’interprétation divergente se multiplient.

Sans pour autant focaliser toutes les critiques et constituer l’explication unique de ces mouvements, les « débordements » de la loi de son domaine y participent.

Face à ce phénomène de « dilatation », le Conseil constitutionnel a affiné, comme on l’a vu, sa jurisprudence pour distinguer plus nettement deux séries de dispositions de forme législative qui ne respectent pas les prescriptions constitutionnelles de clarté et d’intelligibilité de la loi : celles qui empiètent sur le domaine réglementaire au sens de la hiérarchie des normes, celles qui n’ont pas de portée normative, l’ensemble formant un domaine que l’on pourrait qualifier de « domaine non législatif ».

Mais les instruments qui permettent de cantonner plus sûrement la loi dans son domaine constitutionnel, à l’instar de l’article 41 de la Constitution, sont, pour l’essentiel, entre les mains du Gouvernement, qui les utilise avec parcimonie.

• Les défauts de l’article 41

La procédure instituée par l’article 41 de la Constitution est lourde et difficile à mettre en œuvre dès lors que le Président de l’assemblée intéressée estime que l’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement en cours de discussion n’est pas justifiée. En effet, dans ce cas, il s’avère nécessaire de suspendre la discussion en cours pour laisser au Conseil constitutionnel la possibilité de statuer sur ce désaccord.

Cette difficulté renforcée par celle de l’interprétation délicate de délimitation des domaines respectifs de la loi et du règlement explique que cette procédure a été relativement peu utilisée depuis 1958.

Entre 1960 et aujourd’hui, le Gouvernement n’a invoqué l’article 41 de la Constitution qu’à quarante-cinq reprises à l’encontre d’amendements déposés à l’Assemblée nationale. Invoqué à treize reprises sous les quatre premières législatures (1959-1973), il le sera vingt-quatre fois sous les deux législatures suivantes (1973-1981), puis seulement six fois sous la Xe législature (1993-1997). Le Président de l’Assemblée nationale n’a estimé les amendements recevables qu’à deux reprises, en 1961 et en 1979 (546). Dans les deux cas, il a saisi le Conseil constitutionnel qui a confirmé l’irrecevabilité soulevée par le Gouvernement dans le premier, mais admis la recevabilité plaidée par le Président de l’Assemblée nationale dans le second.

Remis à l’ordre du jour pour lutter contre l’obstruction, sous la XIIe législature (2002-2007), l’article 41 a été invoqué à deux reprises, en janvier 2005 (547) et en avril 2005, le Président de l’Assemblée nationale acceptant l’irrecevabilité invoquée par le Gouvernement (548).

À l’encontre des propositions de loi, l’irrecevabilité a été soulevée au moins à six reprises par le Gouvernement : une fois en 1966 et en 1975, deux fois en 1977, une fois en 1979 et une fois en 1980. Dans deux cas, en 1966 et en 1977 (549), le Conseil constitutionnel a été amené à statuer : dans le premier cas (550), il a confirmé l’irrecevabilité de la proposition de loi quand il en a déclaré le caractère recevable dans le second (551).

Au total, en comptant les recours ayant suivi des irrecevabilités prononcées au Sénat, seules onze décisions relatives à une irrecevabilité ont été prises par le Conseil constitutionnel depuis 1958.

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL RENDUES
EN APPLICATION DE L’ALINÉA 2 DE L’ARTICLE 41 DE LA CONSTITUTION

Type de texte

Saisissant

Décision du Conseil constitutionnel

Nature

Proposition

Président du Sénat

N° 59-1 FNR du 27 novembre 1959, Prix des baux à ferme

Non législatif

Amendement

Président du Sénat

N° 61-2 FNR du 30 juin 1961, Organisation des corps d’officiers

Non législatif

Proposition

Président du Sénat

N° 61-3 FNR du 8 septembre 1961, Prix des produits agricoles

Non législatif

Amendement

Président de l’Assemblée nationale

N° 61-4 FNR du 14 octobre 1961, Fixation des prix agricoles

Non législatif

Proposition

Président du Sénat

N° 63-5 FNR du 11 juin 1963, Prime de transport

Partiellement législatif

Proposition

Président du Sénat

N° 64-6 FNR du 22 mai 1964, Conseil de prud’hommes

Non législatif

Proposition

Président de l’Assemblée nationale

N° 66-7 FNR du 21 décembre 1966, Indemnisation des dommages subis par les rapatriés

Non législatif

Proposition

Président du Sénat

N° 68-8 FNR du 27 novembre 1968, Qualité de combattant en Algérie

Législatif

Proposition

Président de l’Assemblée nationale

N° 77-9 FNR du 7 juin 1977, Sécurité sociale des mines

Législatif

Amendement

Président de l’Assemblée nationale

N° 79-10 FNR du 26 avril 1979, Économie d’énergie

Législatif

Proposition

Président du Sénat

N° 79-11 FNR du 23 mai 1979, 8 mai jour férié

Législatif

2. Le dispositif proposé

a) La nécessité de recourir à une modification constitutionnelle

Afin répondre à la nécessité de rétablir une certaine séparation entre le domaine de la loi et celui du règlement, plusieurs efforts ont été engagés pour compléter le dispositif constitutionnel existant de protection du domaine législatif, dispositif dont le déclenchement appartient au seul Gouvernement.

Il faut citer à ce titre la proposition de loi constitutionnelle présentée par le Président de l’Assemblée nationale et tendant à renforcer l’autorité de la loi (552), mais aussi la proposition de loi organique déposée en 2005 par le rapporteur et visant à confier au Conseil constitutionnel une mission permanente de contrôle systématique de préservation du domaine de la loi (553).

Il faut également citer la proposition de résolution déposée par M. Jean-Louis Debré, alors Président de l’Assemblée nationale, en janvier 2006 (554), qui s’est inscrite dans le droit fil de ces initiatives.

Elle répondait aux souhaits que le Président de l’Assemblée nationale avait exprimés, lors de ses vœux au Président de la République, le 3 janvier 2006, insistant sur cette question : « Dans sa fonction législative, en faisant en sorte que nous légiférions sur l’essentiel et en rappelant que la Constitution impose la séparation entre ce qui relève de la loi et ce qui est du domaine du règlement, ce qui me paraît être la première priorité. Il me semble que dans ce domaine, on puisse miser davantage sur l’incitation et la pédagogie que sur la contrainte. Depuis la décision du Conseil constitutionnel du 21 avril 2005, on peut considérer que le principe de séparation entre le domaine de la loi et celui du règlement n’a plus pour seule raison d’être la protection du champ de compétence du Gouvernement mais constitue désormais une norme garantissant la qualité de la loi et qu’il est, à ce titre, opposable au Gouvernement. Ainsi, j’envisage de conférer à notre commission des Lois la charge d’émettre un avis sur le caractère législatif ou réglementaire de chacun des projets du Gouvernement ou des propositions des députés. Cette réforme pourrait être utilement complétée par la publication des avis du Conseil d’État sur les projets de loi. »

La proposition avait choisi une voie procédurale moins contraignante qu’une révision constitutionnelle d’initiative parlementaire – qui nécessiterait un référendum – ou même qu’une modification organique. Elle a donné l’occasion de réfléchir de nouveau aux causes de « débordements » de la loi de son domaine, « débordements » qui ne sont pas toujours injustifiés et qui tiennent, parfois, au caractère mouvant et, dans certains cas d’espèces, artificiel de la frontière instituée en 1958 (555).

Mais, elle posait surtout certaines questions, d’ordre pratique, constitutionnel et d’opportunité.

Le flot des projets et propositions de loi, la multiplication des amendements « de dernière minute », le manque de temps pour les examiner de manière approfondie – les réunions de commission tenues sur le fondement de l’article 88 du Règlement de l’Assemblée nationale sont de plus en plus souvent l’occasion d’examiner des quantités de plus en plus importantes d’amendements –, semblaient, dans l’état du droit, difficilement compatibles avec l’institution d’une procédure de contrôle systématique des projets et propositions et d’examen même facultatif des amendements.

En outre, il fallait bien constater que la jurisprudence constitutionnelle et administrative n’aurait éclairé le choix du président de la commission des Lois que de manière extrêmement parcellaire.

De surcroît, la comparaison avec la procédure de recevabilité financière instituée sur le fondement de l’article 40, souvent citée à titre de modèle, ne pouvait être invoquée en l’espèce, et ce à un double titre.

En premier lieu, la détermination de l’aggravation d’une charge publique ou d’une réduction des ressources publiques, si elle semble relever de l’arithmétique pure, a suscité suffisamment d’interprétations (556) pour montrer toute la difficulté d’un tel contrôle. Que dire alors de la frontière entre domaine législatif et domaine non législatif, qu’il soit réglementaire ou non normatif ?

En second lieu, a contrario de l’application de l’article 40 qui, par l’irrecevabilité au dépôt qu’elle impose, enlève à un amendement contraire toute chance non seulement d’entrer dans l’ordre juridique mais aussi d’être discuté, le dispositif proposé, de portée purement consultative, n’empêchait aucunement l’amendement de « naître » et, si le Gouvernement n’exerçait pas ses prérogatives sur le fondement de l’article 41 de la Constitution, de prospérer. La portée théorique et pratique de la déclaration du caractère réglementaire d’un amendement, d’une proposition, voire d’une disposition initiale d’un projet de loi, en aurait été aussi singulièrement affaiblie.

À ces raisons pratiques, que l’institution d’un délai de dépôt des amendements moins proche de la séance publique pouvait permettre de rendre moins dissuasives, s’ajoutait une interrogation sur la compatibilité du dispositif proposé avec la Constitution. Le Conseil constitutionnel a rappelé que cette dernière a entendu « conférer au Gouvernement, par la mise en œuvre des procédures spécifiques des articles 37, alinéa 2, et 41, le pouvoir d’en assurer la protection contre d’éventuels empiétements de la loi » (557). La jurisprudence issue de la décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005 précitée n’a pas conduit à une remise en cause de ce principe. Aussi il n’était pas garanti qu’une procédure mise en œuvre par le seul pouvoir législatif, même consultative, reçoive l’aval du gardien du texte constitutionnel.

De surcroît, la commission des Lois, saisie de cette proposition de résolution, s’était interrogée sur le type de dispositions qu’il conviendrait de sanctionner par une telle procédure pour avis. Il n’était pas à exclure que des procès en opportunité fussent instruits à l’encontre de l’autorité chargée de prononcer un avis, qu’il s’agisse du président de la commission des Lois ou de toute autre personne qui aurait pu également être chargée d’un tel contrôle, à l’instar du Président de l’Assemblée ou des présidents de chaque commission permanente...

En effet, comme on l’a déjà écrit, la frontière entre ce qui relève strictement de la loi et ce qui n’en relève pas est particulièrement délicate à établir. Le commentaire autorisé de la décision précitée du Conseil constitutionnel du 21 avril 2005 relevait ainsi que « la censure des dispositions réglementaires conduirait à un revirement de jurisprudence d’une portée incommensurable, inopportun du point de vue de la lisibilité des textes (la loi peut légitimement combler un " interstice " de nature réglementaire pour permettre au dispositif d’être accessible d’un seul tenant) et soulevant de redoutables problèmes vis-à-vis du Parlement (il suffit de songer à la loi sur les retraites, dont les éléments quantitatifs étaient réglementaires, alors qu’ils étaient les plus importants de la réforme) ».

Louable dans son principe, la séparation du bon grain de l’ivraie peut donc toutefois se révéler délicate à mettre en œuvre. En effet, si les gouvernements successifs ont aussi facilement admis les empiétements du législateur sur le domaine réglementaire et ont laissé la procédure de l’article 41 tomber en désuétude, comme on l’a vu, c’est avant tout parce qu’ils ont eux-mêmes trouvé leur compte dans cette évolution en incluant de nombreuses dispositions étrangères au domaine de la loi dans leurs projets, directement ou par voie d’amendement. Un légitime souci de cohérence interne d’un texte peut au demeurant justifier parfois l’insertion de dispositions étrangères au domaine de la loi.

Compte tenu des difficultés, dans l’état du droit constitutionnel et organique, à aboutir dans une brève échéance à un dispositif techniquement assuré, constitutionnellement irréprochable et insusceptible de prêter le flanc à toute critique de contrôle en opportunité, il était apparu raisonnable de compter tant sur la diffusion des avertissements adressés par toutes les autorités sur la nécessité de restreindre les « débordements » (558) de la loi que sur les effets que d’autres propositions de réforme du Règlement du Président de l’Assemblée nationale, en particulier sur le délai de dépôts des amendements, n’ont pas manqué d’avoir sur la qualité des débats.

En définitive, en la matière, seule une disposition d’ordre constitutionnel à l’image de celle qu’a proposée le Président de l’Assemblée nationale en 2004 (559), permettrait d’instituer un contrôle d’irrecevabilité plus large.

b) La mise en place d’un mécanisme d’irrecevabilité élargi

Comme le souligne le « comité Balladur », « l’irrecevabilité prévue à l’article 41 de la Constitution en cas de méconnaissance de la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire reste sans grande portée pratique » (560).

En élargissant le champ des autorités – aujourd’hui limité au Gouvernement – susceptible d’invoquer l’article 41 de la Constitution au cours de la procédure législative, le présent article lui donnera une vigueur nouvelle. Il reprend la proposition n° 30 présentée par le « comité Balladur » (561).

Le Président de l’assemblée intéressée pourra non seulement soulever l’irrecevabilité pour empiétement de la loi sur le domaine réglementaire à l’encontre des propositions de loi et des amendements de ses collègues, dès lors qu’il estime qu’ils ne ressortissent pas du domaine de la loi, mais également à l’encontre des amendements du Gouvernement. Cet élargissement sera facilité par l’important changement du régime du droit d’amendement favorisé par la nouvelle rédaction de l’article 44 de la Constitution proposée par l’article 18 du présent projet de loi constitutionnelle (562).

Si le Gouvernement estime que son amendement appartient bien au domaine législatif, il pourra saisir, sur le fondement de l’article 41, alinéa 2, de la Constitution, le Conseil constitutionnel, qui devra, comme dans l’état du droit, statuer dans un délai de huit jours.

La mise en œuvre de cette irrecevabilité exigera que soit modifié le Règlement de chaque assemblée et les nouvelles dispositions n’entreront en vigueur, conformément au II de l’article 34 du présent projet de loi constitutionnelle, qu’au 1er janvier 2009 (563).

M. Jean-Jacques Urvoas a présenté un amendement de suppression de l’article 15 au motif qu’il constitue un danger pour l’initiative parlementaire.

Le rapporteur a rappelé qu’il était très – et sans doute trop – peu fait usage des dispositifs de protection du domaine réglementaire contre les empiétements du pouvoir législatif. Par ailleurs, il a indiqué que l’article 15 permettrait également d’agir contre les empiétements causés par des amendements du Gouvernement.

La Commission a rejeté l’amendement ainsi qu’un amendement de M. Jean-Claude Sandrier ayant le même objet.

La Commission a rejeté deux amendements de M. Jean-Christophe Lagarde permettant au président d’une commission permanente ou d’un groupe parlementaire d’opposer l’irrecevabilité à une disposition ne respectant pas le domaine du règlement ainsi qu’un amendement de cohérence du même auteur.

La Commission a rejeté un amendement de M. Noël Mamère permettant à soixante députés ou soixante sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel en cas de désaccord sur l’application de l’article 41 de la Constitution.

La commission a adopté l’article 15 sans modification.

Article 16

(art. 42 de la Constitution)


Engagement de la discussion législative sur le texte de la Commission

En application du présent article, les assemblées parlementaires ne seraient plus amenées à discuter du texte présenté par le Gouvernement ou transmis par l’autre assemblée, mais du texte tel qu’il aura été amendé par la commission saisie au fond, tandis qu’un délai minimum serait imposé, en première lecture, à la fois entre le dépôt d’un projet ou d’une proposition de loi et sa discussion en séance (un mois) et entre la transmission du texte à la seconde assemblée saisie et l’examen par celle-ci de ce texte en séance (quinze jours).

Il s’agit d’un élément clef de la révision proposée par le chef de l’État, comme l’ont souligné tous les membres du « comité Balladur » auditionnés par le rapporteur, mais aussi des personnalités telles que M. Jean-Claude Colliard et plusieurs responsables politiques également auditionnés par le rapporteur.

Cette réforme s’appliquera à l’examen des projets et propositions de loi organiques en application de l’article 46 de la Constitution modifié par l’article 20 du présent projet de loi constitutionnelle (564).

En donnant un poids plus grand au rapport des commissions, cette mesure, qui exclut toutefois certaines catégories de textes – lois de financement de la sécurité, lois de finances, lois relatives « aux états de crise » –, permettra de valoriser le travail effectué en amont de la séance publique par les parlementaires, tout en allégeant la séance publique des considérations les plus techniques – amendements rédactionnels, de cohérence, de coordination – et les moins nécessaires au débat politique.

1. La revalorisation du travail des commissions

La réforme proposée tendra ainsi, à l’instar de ce que l’on peut constater dans la plupart des démocraties, à renforcer le rôle des commissions : « Les chambres font des lois, contrôlent le Gouvernement, établissent le budget. Il est logique que les commissions auxiliaires des chambres les assistent dans les trois aspects de leur activité. » (565)

a) Une source indéniable de revalorisation du Parlement

Depuis une quinzaine d’années, plusieurs réformes, en particulier à l’Assemblée nationale, ont conduit à la revalorisation de l’activité des commissions, et pas seulement dans le domaine du contrôle. Pour mieux légiférer, le législateur a, en effet, souvent cherché à renverser la tendance qui dévalorise le travail législatif préparatoire en commission et donne à la séance publique une place excessive dans le vote de la loi.

« Pour donner un caractère plus approfondi aux travaux législatifs des commissions et éviter, ainsi, que l’Assemblée ne se livre en séance publique à ce qu’il est convenu d’appeler du " travail en commission ", c’est-à-dire à la discussion excessivement longue et parfois confuse d’amendements à caractère technique », M. Pierre Mazeaud avait déjà proposé, en 1994, à l’occasion d’une réforme importante du Règlement de l’Assemblée nationale, « le rééquilibrage, en importance et en durée, des deux phases : examen des textes en commission et débat en séance publique » (566). M. Didier Migaud, rapporteur d’une précédente modification du Règlement, se prononçait, en 1991, dans le même sens et en des termes identiques : « une nouvelle procédure d’adoption simplifiée qui assure une meilleure répartition du travail entre la séance plénière et les commissions avec le double objectif de valoriser le travail des commissions et d’alléger l’ordre du jour de nos séances publiques » (567). On trouve des propositions similaires dès la IVe législature (1968-1973).

Le renforcement progressif du rôle législatif préparatoire des commissions est passé, notamment en 1994, par une double revalorisation, celle de la participation des députés aux réunions de commission et celle du travail en commission.

Au titre du premier mouvement, les députés non membres d’une commission sont invités à venir assister à ses réunions. Auparavant, les auteurs de propositions de lois ou d’amendements extérieurs à la commission, désireux de participer aux travaux d’une commission, se voyaient imposer nombre de contraintes. Après avoir demandé au président de la commission d’être convoqués aux séances, ils devaient se retirer au moment du vote sur leur texte et leur participation n’était pas expressément prévue par les textes. L’article 86, alinéa 5, du Règlement de l’Assemblée nationale tel que rédigé par la résolution du 26 janvier 1994, lève ces différents obstacles : « L’auteur d’une proposition de loi ou d’un amendement peut participer aux débats de la Commission ». La recherche de la valorisation de la participation aux travaux des commissions a également concerné les membres du Gouvernement. Rompant avec le système antérieur, l’article 86, alinéa 5, tel que rédigé par la même résolution, prévoit également que « la participation du Gouvernement est de droit » (568), cette disposition étant accompagnée d’une recommandation demandant « au Gouvernement de " jouer le jeu " en participant, chaque fois que lui-même ou la commission le jugera utile, aux travaux législatifs des commissions, notamment aux discussions d’amendements » (569).

Au titre du second mouvement, tendant à revaloriser le travail lui-même en commission, l’exercice du droit d’amendement a été affermi. Dans ce contexte, la question du délai de dépôt qui conditionne la possibilité pour les commissions d’effectuer un examen plus ou moins approfondi des amendements s’avère cruciale. Les variations des réponses données à cette question sont emblématiques de la recherche permanente que les assemblées ont menée pour trouver le juste équilibre entre les commissions et la séance publique.

La question n’est pas nouvelle. Raymond Poincaré regrettait l’« assaut d’amendements inopinés qu’on jette, au cours des discussions, à la traverse des projets votés et qui apportent dans les textes législatifs le désordre et l’obscurité » (570).

Selon l’ancien article 88, alinéa 1er, du Règlement de l’Assemblée nationale, la commission saisie au fond devait se réunir, le jour d’examen en séance publique d’un projet ou d’une proposition de loi, afin de retenir ou non les amendements déposés. Il pouvait être reproché à cette procédure de ne pas permettre un examen dans un délai suffisamment long pour ne pas être formel, reportant en séance la véritable étude des amendements. Ce dispositif était complété par l’article 91, alinéa 9, aux termes duquel « avant l’ouverture de la discussion des articles, le débat est suspendu, s’il y a lieu, et sauf avis contraire formulé conjointement par son président et son rapporteur, pour l’examen immédiat, par la commission, des amendements déposés depuis la réunion qu’elle a tenue en application de l’article 88, alinéa 1. Le débat est ensuite repris sans délai ». Dans la pratique, les réunions fondées sur cette disposition étaient rares. La distinction entre les réunions fondées sur l’article 88 du Règlement de l’Assemblée nationale, constitutives de la procédure de principe, et celles de l’article 91, alinéa 9, formant l’exception, était battue en brèche. Pour permettre un examen réel et effectif des amendements, il a été prévu que l’examen des amendements pouvait avoir lieu la veille et, en tout état de cause, le jour de la séance publique.

En complément, l’utilité des réunions d’examen des amendements a été accrue grâce à la modification du délai permettant leur étude. L’article 99 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoyait deux délais de dépôt des amendements : ceux-ci pouvaient être déposés au cours des quatre jours suivant la distribution du rapport de la commission saisie au fond et, à défaut, jusqu’au début de la discussion générale. Mais, en pratique, le délai de droit commun ne jouait que rarement. En conséquence, de très nombreux amendements étaient soumis au vote de l’Assemblée sans avoir été examinés au préalable par la commission. Source de confusion et moyen d’obstruction pour l’opposition, cette pratique constituait également un facteur de déséquilibre entre le droit d’amendement des parlementaires et celui du Gouvernement.

L’essentiel de la réforme a consisté à réduire le délai de quatre jours de séance en un délai de trois jours de séance. Cette modification, qui a restreint le délai de forclusion, opposable aux amendements parlementaires, a été accompagnée de la recommandation suivante : « Le succès suppose toutefois que le Gouvernement s’inspire de la même volonté d’améliorer l’organisation du travail parlementaire dans ses décisions d’inscription de textes à l’ordre du jour et que, de leur côté, le Président de l’Assemblée et la Conférence des Présidents mettent tout en œuvre pour l’amener à changer d’attitude » (571). L’équilibre était le suivant : il vaut mieux garantir effectivement un délai de trois jours plutôt que prétendre respecter un délai de quatre jours, plus long, mais quasi systématiquement ignoré. Par ailleurs, le dépôt d’un amendement par le Gouvernement ou par la commission saisie au fond, après le début de la discussion générale, ouvre aux députés la possibilité de déposer des amendements sur le même article.

En prenant acte du fait que « l’un des principaux progrès réalisés dans le cadre de la réforme du Règlement intervenue en 1994 a sans doute été la réduction du délai de dépôt des amendements des députés de quatre à trois jours de séance suivant la distribution du rapport » (572), la réforme du Règlement de l’Assemblée intervenue par la résolution du 10 octobre 1995, rendue nécessaire par la révision constitutionnelle du 4 août 1995, a conduit à aménager les dispositions relatives au dépôt des amendements : compte tenu de la nouvelle organisation de la semaine parlementaire prévue à l’article 50 du Règlement, selon laquelle l’Assemblée nationale ne tiendrait séance, sauf exception, que les mardi, mercredi et jeudi, le maintien du statu quo exigeait que la rédaction de l’article 99 soit à nouveau revue et que la notion de jours ouvrables soit substituée à celle de jours de séance (573). Pour ne pas réduire le délai de dépôt, le chiffre de trois a alors été remplacé par le chiffre de quatre. En outre, a été fixé un nouveau délai de deux jours ouvrables ouvert lorsque la discussion d’un texte est inscrite à l’ordre du jour au cours d’une session autre que celle durant laquelle le rapport a été distribué.

Orientés dans le bon sens, ces aménagements sont cependant restés partiellement contournés par le resserrement du calendrier parlementaire, les réunions de commissions étant trop proches des séances, enserrées entre un dépôt tardif des projets de textes et une programmation « courte » des séances. Ainsi, très souvent, c’est le délai par défaut qui joue, en vertu duquel les amendements des députés cessent d’être recevables dès le début de la discussion générale.

Récemment, l’Assemblée nationale, toujours dans le souci de donner aux commissions les moyens de leur mission, a fixé un nouveau délai pour le dépôt des amendements.

Dans un premier temps, issue d’une initiative du Président de l’Assemblée nationale, la résolution n° 485 du 6 octobre 2005 tendant à modifier les dispositions du Règlement de l’Assemblée nationale relatives à la discussion des lois de finances a réformé l’article 118 du Règlement. Tout en maintenant le délai de quatre jours à compter de la distribution du rapport pour accepter les amendements à la première partie du projet de loi de finances, elle a, en revanche, prévu que les amendements des députés aux missions de la seconde partie et aux articles qui leur sont rattachés pouvaient être présentés jusqu’à l’avant-veille de la discussion de la mission concernée à dix-sept heures. Cette réforme était motivée à la fois par le fait qu’il n’y a pas de discussion générale sur les articles de la seconde partie du projet de loi de finances, ce qui empêche de prendre cette référence comme délai limite de dépôt des amendements, et par le souci de disposer d’un temps suffisant pour traiter des amendements présumés plus nombreux qu’auparavant, en raison du fait que la LOLF a élargi les possibilités offertes aux parlementaires d’amender le projet de loi de finances.

Dans un deuxième temps, la même voie d’amélioration du travail des commissions par l’intermédiaire de la valorisation du droit d’amendement a été suivie lors de la réforme du Règlement opérée par la résolution n° 582 du 7 juin 2006. En effet, compte tenu du nombre croissant d’amendements et de la technicité toujours plus grande des textes examinés, il convenait d’aménager de nouveau le délai de dépôt des amendements pour permettre aux commissions d’exercer leur rôle dans de meilleures conditions. Ainsi, le délai de dépôt de droit commun ne dépend plus de la date de distribution du rapport, mais de celle de l’examen en séance publique. Les amendements doivent, depuis lors, être déposés jusqu’à la veille de la discussion en séance publique, à dix-sept heures.

Mais, compte tenu de l’importance du rapport rendu par la commission pour faciliter l’exercice par les parlementaires de leur droit d’amendement, un délai de dépôt des amendements plus tardif, par défaut, a été prévu lorsque le rapport est mis en ligne très peu de temps avant le début de la discussion d’un texte sur le site Internet de l’Assemblée nationale : dans ce cas, les parlementaires peuvent déposer des amendements jusqu’au début de la discussion générale. Le délai de quarante-huit heures prévu par le dispositif n’inclut pas le dimanche en application de l’article 6 de l’Instruction générale du Bureau.

Il reste une difficulté, le fait que le Gouvernement ait la possibilité à tout moment, sans qu’aucun délai ne s’impose à lui (574), de déposer des amendements.

Par ailleurs, procède de la même revalorisation du travail en commission l’inscription dans le Règlement de l’Assemblée nationale (article 117), par la résolution précitée du 7 juin 2006 de la procédure des commissions dites « élargies », permettant d’améliorer l’articulation entre, d’une part, le travail réalisé en commission des Finances et dans les commissions saisies pour avis du projet de loi de finances initial ou de règlement et, d’autre part, le travail effectué en séance publique à l’occasion de la discussion budgétaire des missions, de telle sorte que les mêmes débats n’aient pas lieu sur les mêmes budgets à la fois dans chaque commission et en séance publique.

Ainsi, un mouvement continu tend à accorder aux commissions les moyens d’effectuer un travail de plus en plus approfondi de préparation. C’est dans cette suite logique que doit se comprendre la présente révision. Ce mouvement ne doit pas être interrompu et les expériences passées, qu’il convient de relativiser, ne doivent pas servir de prétexte à l’immobilisme.

b) Des expériences passées à relativiser

En revenant au principe d’une discussion fondée sur le texte adopté par la commission en lieu et place du projet de loi initial, la réforme proposée semble faire retour aux pratiques des Républiques précédentes et pourrait faire craindre, en première analyse, un retour aux démons du passé.

Sous la IIIe République, comme le décrit Léon Blum, « la règle primordiale de notre procédure parlementaire est qu’aucune loi ne soit portée directement devant les Chambres ; elles statuent sur un rapport écrit présenté au nom d’une commission qui a procédé à un examen préalable. Même pour les projets ministériels, le texte mis en discussion est le texte de la commission qui, parfois, n’a plus rien de commun avec le texte préparé par le ministre. » (575)

Sous la IVe République comme sous la IIIe, la base de discussion a toujours été constituée par le rapport de la commission compétente. C’est en effet une règle traditionnelle de la procédure parlementaire française que les assemblées discutent sur ce texte de la commission et non sur la proposition ou le projet initial. Les expériences passées montrent que le choix du texte servant de base à une discussion a sur son déroulement une influence primordiale.

Dans deux cas seulement, sous la précédente République, la discussion pouvait avoir pour point de départ le texte gouvernemental. D’une part, en vertu de l’article 57 du Règlement de l’Assemblée nationale, « lorsque la commission ne présente aucune conclusion, l’Assemblée est appelée à se prononcer sur le passage à la discussion des articles du texte initial du projet ou de la proposition ». D’autre part, l’article 73 dispose que « le Gouvernement peut demander la prise en considération de son texte initial régulièrement déposé sur le bureau de l’Assemblée. Il peut, en cours de discussion, faire la même proposition pour un ou plusieurs articles ou chapitres, sa demande a la priorité sur les autres contre-projets ou amendements. »

Cette possibilité constituait pour le Gouvernement une prérogative importante, fréquemment utilisée, tandis qu’était souvent posée la question de confiance à l’appui de sa demande de prise en considération de son projet de loi initial. Mais cette disposition ne lui permettait pas pour autant de rétablir la situation à son profit. Du fait de l’importance qu’ils revêtaient habituellement dans le déroulement de la discussion en séance, le Gouvernement ne pouvait pas ne pas tenir compte des travaux de la commission. Bien que privé de moyens d’action efficaces, il s’efforçait donc d’obtenir que le rapport de celle-ci ne soit pas trop éloigné du projet initial qu’il avait présenté. Pour nécessaire qu’il fût, ce premier combat risquait d’être en grande partie perdu. De cette première lutte, de cet éventuel échec, le Gouvernement sortait handicapé pour affronter l’obstacle du débat en séance publique.

Si le rapport de la commission lui semblait fournir une base de discussion peu favorable, alors il pouvait être amené à demander, conformément à l’article 73 précité du Règlement, la prise en considération de son propre projet. S’il y était fait droit – succès qui risquait d’être éphémère – le texte était renvoyé à la commission, laquelle, bien que tenue alors de prendre ce projet comme base de discussion, pouvait néanmoins, dans son nouveau rapport, y apporter de sensibles modifications. De surcroît, une victoire sur la prise en considération de son texte n’épargnait pas au Gouvernement, en séance publique, le combat décisif sur le vote des articles, le troisième qu’il devait soutenir ! Aussi, dans un débat difficile comme celui, par exemple, de la loi de finances, préféra-t-il souvent renoncer aux dispositions de l’article 73 pour éviter les risques d’un vote supplémentaire ou l’usure qui y était nécessairement liée. Le seul droit important reconnu au Gouvernement dans la discussion législative était alors celui de prendre la parole chaque fois qu’il le désirait.

Si ces expériences passées méritent d’être rappelées, elles doivent l’être au regard de l’ensemble des modifications apportées par la Constitution du 4 octobre 1958.

D’une part, le Gouvernement ne disposait pas du droit d’amendement que lui a expressément accordé le premier alinéa de l’article 44 de la Constitution. Il arrivait qu’il y suppléât indirectement en sollicitant le concours de certains parlementaires qui acceptaient de se substituer à lui pour déposer l’amendement dont il aurait pris l’initiative si ce droit lui avait été reconnu. Le fait qu’il fut admis que le Gouvernement demandât lui-même, à l’occasion d’un débat budgétaire, des modifications au montant des crédits discutés, notamment en vue d’obtenir le rétablissement des chiffres qui, figurant dans son projet initial, avaient été postérieurement réduits par la commission, ne suffisait pas à pallier l’impuissance gouvernementale.

D’autre part, contrairement à la situation qui prévalait sous les Républiques précédentes, le Gouvernement dispose aujourd’hui de nombreux autres moyens que la seule discussion engagée sur son texte pour faire prévaloir ses vues et entamer un dialogue constructif avec les assemblées. Il n’est point besoin ici de rappeler l’ensemble des dispositions qui permettent de rationaliser la discussion parlementaire.

Les constituants de 1958 voulaient permettre au Gouvernement, absent des commissions, de ne pas perdre le contrôle du contenu de leurs textes et éviter par là même qu’il n’ait à réintroduire toutes ses dispositions par la voie d’amendements en assemblée plénière grâce au soutien de quelques députés.

L’article 42 de la Constitution, en obligeant la première assemblée saisie à délibérer sur le texte présenté par le Gouvernement et en imposant à la seconde assemblée saisie de débattre sur le texte transmis – la seule exception valant pour les propositions de loi examinées en première lecture devant la première assemblée saisie et pour les textes issus des commissions mixtes paritaires –, a ainsi conduit à un allongement des discussions législatives puisque les modifications proposées par la commission doivent être formellement présentées en séance publique sous la forme d’amendements. Aujourd’hui, ce sont bien les commissions qui doivent batailler pour faire adopter leurs propositions de modifications.

Or, les amendements des commissions, dont le taux d’adoption est très important à l’Assemblée nationale (576) comme au Sénat, ne bénéficient guère d’avantages particuliers par rapport à ceux déposés individuellement ou collectivement par les députés. Ils sont assujettis aux mêmes règles de contrôle de leur recevabilité financière ou au regard de la répartition des domaines législatif et réglementaire. Ils ne bénéficient d’aucune priorité de discussion. Ils n’ont pour seul privilège que d’échapper au délai de forclusion, à l’instar des amendements du Gouvernement (577).

Sans réelle justification aujourd’hui, cette protection des projets de loi s’avère même préjudiciable aux commissions, puisqu’elle « dissuade le travail au sein de celles-ci, ce qui nuit à la fois à son intérêt et, partant, à la qualité d’ensemble de la production législative. De plus la règle actuelle contraint à discuter en séance publique les amendements purement rédactionnels, parfois nombreux ». (578)

2. Le dispositif proposé

Le présent article modifie de manière substantielle l’article 42 de la Constitution qui vise, en imposant, nonobstant le travail effectué par les commissions, l’examen du projet de loi comme base de discussion en séance publique, à garantir l’intégrité du droit d’initiative confié au Gouvernement en application de l’article 39.

L’article 42 qui consacre donc l’inégalité certaine existant entre le Gouvernement et le Parlement dans l’élaboration de la loi n’a plus guère de raison d’être et l’examen direct du texte de la commission – sous certaines réserves – se justifie, ce qui permettra d’économiser temps et énergie.

Comme l’a relevé le « comité Balladur », dans sa proposition n° 37, « c’est là le point essentiel de ses propositions dans ce domaine », souhaitant « que soit apportée une transformation profonde au mode de travail parlementaire et aux obligations du Gouvernement » (579).

a) L’économie générale de la réforme

Le présent article pose pour premier principe de réforme que la discussion législative portera en séance publique sur le texte élaboré par la commission saisie au fond, qu’il s’agisse des propositions de loi, comme c’est le cas aujourd’hui en première lecture devant la première assemblée saisie, ou, plus important encore, des projets de loi (premier alinéa de l’article 42 modifié). Comme l’a souligné le « comité Balladur », « il en résulterait nombre d’avantages. Les amendements techniques et rédactionnels ne viendraient plus encombrer les séances publiques et obscurcir les débats ; le Gouvernement, qui serait tenu de participer aux séances des commissions pour y défendre son texte, aurait à justifier sa position s’il venait à contester le bien-fondé des dispositions introduites par la commission ; le travail parlementaire serait plus approfondi et les travaux des commissions mieux connus. » (580)

Ce principe souffrira quelques exceptions qui impliquent une discussion en séance publique, soit du texte du Gouvernement en première lecture devant l’assemblée saisie, soit du texte transmis par une assemblée à l’autre dans les étapes ultérieures de la procédure (deuxième alinéa de l’article 42 modifié).

Ces exceptions sont de deux ordres :

―  il peut s’agir d’exceptions circonstancielles, lorsque la commission n’aura pas réussi à conclure ou bien lorsqu’elle aura rejeté le texte déposé ou transmis ; c’est tout le sens de l’expression « à défaut » utilisée dans l’alinéa 2 du présent article ;

―  des exceptions constitutionnelles pour les projets de révision constitutionnelle, d’une part, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale, d’autre part, compte tenu du caractère particulier de ces projets, dont l’examen est encadré, par ailleurs, par les articles 47 et 47-1 de la Constitution (581).

Comme l’a souligné le « comité Balladur », « l’instauration de cette règle nouvelle aurait pour effet d’améliorer la qualité des lois. Elle suppose, en effet, que les commissions disposent de plus de temps pour accomplir leur travail et qu’à l’issue de celui-ci, les parlementaires aient le loisir de prendre connaissance du texte adopté par la commission pour préparer les amendements qu’ils souhaiteraient déposer en séance. » (582)

C’est pourquoi, le présent article pose pour second principe de réforme qu’un temps minimal doit être réservé à la préparation, en première lecture, de la discussion en séance (troisième alinéa de l’article 42 modifié). La première assemblée saisie disposerait d’un temps incompressible d’un mois entre le dépôt de la proposition de loi ou du projet de loi et l’examen en séance. La deuxième assemblée saisie disposerait, pour sa part, d’un minimum de quinze jours à compter de la transmission du texte adopté ou rejeté par la première assemblée.

Outre qu’il ne s’appliquera pas aux lectures postérieures à la première, ce principe souffre également deux séries d’exceptions (quatrième alinéa de l’article 42 modifié) :

―  des exceptions circonstancielles, lorsque le Gouvernement demandera l’urgence et que les Conférences des Présidents des deux assemblées ne s’y seront pas opposées dans les conditions fixées par l’article 45 tel que modifié par le présent projet de loi (583) ;

―  des exceptions constitutionnelles pour les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale, pour lesquels il existe des délais constitutionnels fixés par les articles 47 et 47-1 ; si les projets de révision constitutionnelle sont exclus du champ de ces exceptions pour des raisons évidentes, en revanche, y est inclus ce que le présent article qualifie de « lois relatives aux états de crise », expression qu’on retrouve à l’article 22 du présent projet de révision (584).

Ainsi, la réforme renforcera réellement les pouvoirs des commissions, mais également les charges qui s’imposent à elles. Elle pourrait limiter le nombre d’amendements discutés en séance, en particulier les amendements rédactionnels ou techniques. Elle responsabilisera encore plus les commissions qui porteront leur propre texte et se trouveront renforcées dans leur volonté de ne pas adopter d’amendements qui sont seulement des amendements d’appel, qui présentent une fragilité juridique certaine, par leur caractère réglementaire, coûteux, purement déclaratoire, imprécis ou peu clair, ou qui sont inutilement complexes.

L’examen du dispositif imposant une discussion en séance sur le texte de la commission conduit nécessairement à s’interroger sur les conséquences d’une telle réforme sur les conditions qui doivent entourer sa réussite, qu’il s’agisse des conditions de délai ou des conditions d’examen de la recevabilité financière des initiatives parlementaires, dont on sait qu’elles ne doivent avoir pour conséquence, en application de l’article 40 de la Constitution, ni de diminuer les ressources publiques ni d’augmenter une charge publique.

b) L’engagement de la discussion sur le texte de la commission
et ses exceptions

Les critères de qualité du processus d’élaboration des lois sont connus (585). Le Gouvernement doit ainsi pouvoir faire examiner ses projets et obtenir l’approbation de l’assemblée saisie dans un temps raisonnable. L’opposition en particulier et les parlementaires en général doivent avoir la possibilité de discuter et de chercher à modifier les dispositions auxquelles ils attachent de l’importance. L’ensemble des dispositions du projet ou de la proposition de loi doivent pouvoir être examinées avec le même soin.

Dans le système français, dans la mise en œuvre de ces principes, la Constitution protège le Gouvernement contre la possible extension du pouvoir des commissions et l’influence de ces dernières se trouve ainsi, en partie, contrôlée par le Gouvernement. Par ailleurs, la production par la commission saisie au fond d’un rapport n’est pas une condition de la poursuite de la discussion. Si l’article 90 du Règlement de l’Assemblée nationale et l’article 31 de celui du Sénat imposent un rapport préalable à l’ouverture de la discussion, cette condition ne fait pas obstacle à la priorité gouvernementale dans la fixation de l’ordre du jour. Ainsi, un rapport incomplet ou même absent, notamment parce qu’une obstruction forte a eu lieu en commission, n’entache pas la procédure, ainsi que l’a fait observer le Conseil constitutionnel en 1984 (586).

Dans la plupart des pays comparables, la discussion s’engage sur le texte issu de la commission. Ainsi apparaît comme anormale au regard des expériences étrangères la distinction entre proposition et projet de loi imposée dans l’état du droit aux commissions par l’article 42 de la Constitution. Comme le souligne M. Guy Carcassonne, « avec la découverte du parlementarisme majoritaire, avec l’usage d’autres armes lui permettant d’éviter la dénaturation de ses intentions, le Gouvernement est à l’abri des tracas de ses prédécesseurs ». Il estime alors « qu’il y aurait lieu de revenir sur cette règle, pour prévoir que, sauf pour les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, c’est le texte issu des travaux de la commission qui sert de base à la discussion en séance » (587).

Cette réforme permettra de revaloriser le travail en commission dont on a vu l’importance pour la revalorisation du Parlement lui-même. Selon M. Pierre Avril, il n’y aura pas de « revalorisation sans repenser la relation au Gouvernement, largement responsable de l’hypertrophie des travaux législatifs » (588). D’un point de vue pratique, on peut, en premier lieu, considérer l’assistance indispensable que les commissions apportent à des assemblées plénières inadaptées au travail technique.

Dans cette perspective, l’utilité des commissions se pose comme un principe général, applicable à l’ensemble des parlements contemporains. L’enrichissement du processus d’élaboration des lois constitue certainement un des apports les plus remarquables du travail des commissions, qui reste cependant largement théorique si on ne le traduit pas en termes d’influence effective sur le contenu des textes. Or, l’influence des commissions peut être assimilée à la prise en compte de leurs recommandations dans les étapes ultérieures de la procédure législative. Cette prise en compte se conçoit évidemment de manière plus extensive que l’intégration des propositions des commissions dans le texte législatif en séance publique. Elle justifie pleinement que le texte débattu en séance soit celui qui aura été travaillé et élaboré par la commission saisie au fond, éclairée par les avis éventuels des autres commissions.

Il ne s’agit pas d’adopter la procédure classique britannique, dont le modèle s’est largement répandu et qui consiste à organiser d’abord une discussion générale en séance plénière permettant à la majorité et à l’opposition de fourbir leurs armes, première phase suivie par un examen en commission à l’issue duquel le texte définitif est établi pour être adopté tel quel ou rejeté par l’assemblée plénière. De surcroît, il faut se rappeler qu’au Royaume-Uni, pour qu’un amendement soit adopté en commission, il faut qu’il ait reçu l’aval du Gouvernement.

Il ne s’agit pas non plus de copier de manière scrupuleuse la procédure en vigueur sous la IVe République qui, certes, reposait, comme on l’a vu, sur l’adoption en commission d’un rapport dont la conclusion, rédigée en forme de texte de loi, servait de base au débat en séance publique, le droit d’amendement du Gouvernement étant strictement limité au retour à son texte initial. Un amendement examiné en commission, mais rejeté par elle, pouvait cependant être déposé et examiné en séance publique.

Le choix proposé dans le présent article est le choix de la raison, une raison qui prend en compte les nécessités de notre temps et, en particulier, le rééquilibrage des institutions en faveur du Parlement, mais aussi une raison qui ne saurait faire fi de l’efficacité.

La première trouve satisfaction dans le choix de discuter, à l’avenir, du texte adopté par la commission en séance publique. La seconde sera satisfaite dans les exceptions prévues par le deuxième alinéa de l’article 42, tel que modifié par le présent article, exceptions qui englobent non seulement les cas, logiques, où la commission ne serait pas parvenue à conclure ou aurait rejeté le texte du projet 
– ce qui en période de non-concordance des majorités dans les deux assemblées n’est pas une hypothèse d’école –, mais aussi les projets de révision constitutionnelle, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Ce changement de paradigme impliquera que plusieurs questions soient résolues dans sa mise en œuvre et sa déclinaison dans les règlements des assemblées notamment.

Ces questions porteront, en particulier, sur les points suivants :

—  les modalités d’intervention du Gouvernement en commission ;

—  l’organisation éventuelle, comme sous la IVe République, de la possibilité pour le Gouvernement de demander un examen de son texte initial en lieu et place du texte remanié par la commission saisie au fond ; mais, il faut rappeler que sous la République précédente, cette faculté constituait une contrepartie à l’interdiction faite au Gouvernement de déposer tout amendement qui n’aurait pas pour objet de revenir sur son texte initial (589) ;

—  la prise en compte des travaux des commissions saisies pour avis ; ces dernières devront soit présenter des amendements sur le texte issu de la commission saisie au fond, soit pouvoir intervenir durant les travaux de cette dernière pour proposer leurs propres amendements au texte initial ; s’il ne s’agit pas de créer automatiquement une commission spéciale en cas de demande de saisine pour avis par deux commissions permanentes, disposition supprimée du Règlement de l’Assemblée nationale, la possibilité d’augmentation du nombre de saisines pour avis, qui ne risque pas de se réduire avec l’accroissement du nombre de commissions (590), devra être envisagée ;

—  la prise en compte par la commission saisie au fond des amendements des parlementaires qui ne sont pas membres de la commission ;

—  l’éventualité de l’examen en séance publique des amendements déjà examinés mais non retenus par la commission saisie au fond durant ses travaux.

Au-delà de ces questions, si les amendements techniques et rédactionnels – qui sont souvent rendus nécessaires par une qualité rédactionnelle parfois insuffisante des projets déposés et ce, malgré une procédure d’avis devant le Conseil d’État (591) –, ne viendront plus en séance publique grâce à la réforme proposée, il convient de tirer les conséquences de celle-ci que ce soit en termes de délais laissés aux commissions pour mener à bien leurs travaux préparatoires ou en termes d’examen de recevabilité financière des amendements.

c) Les conséquences en termes de délai et de recevabilité financière
des amendements

Le changement de modèle qu’induira la mise en œuvre des modifications proposées par le présent article aura deux conséquences très directes qui imposent de prévoir un délai minimum d’examen des textes inscrits à l’ordre du jour :

―  les commissions devront disposer de plus de temps pour travailler et élaborer le texte qui sera discuté en séance publique ;

―  l’examen de recevabilité nécessaire à l’application de l’article 40 de la Constitution devra être pris en compte de telle manière que le texte issu des travaux de la commission réponde à ses prescriptions, ce qui peut, là aussi, nécessiter d’imposer un délai minimum.

• L’institution d’un délai minimal et ses exceptions

Comme l’a souligné M. Guy Carcassonne, « pour faire de bonnes lois (…) le Parlement a besoin de temps » (592). En 1976, les auteurs d’une proposition de loi constitutionnelle destinée à améliorer la qualité de la délibération parlementaire faisaient déjà observer que « force, en effet, est de constater que l’essentiel des difficultés tient au fait que le délai qui s’écoule entre le dépôt d’un texte par le Gouvernement et son inscription à l’ordre du jour est manifestement insuffisant. (…) Outre qu’il dispose de moyens humains et matériels importants, le pouvoir exécutif consacre de longs mois à la préparation de ces projets. Il est dès lors anormal qu’une procédure accélérée soit imposée aux assemblées élues pour l’examen et le vote de ces textes. » (593)

Répondant à cette critique ancienne et réitérée, le présent article prévoit un délai minimal pour examiner un projet ou une proposition de loi en première lecture laissé aux assemblées parlementaires entre le dépôt ou la transmission de ce texte et la séance publique. Ce délai est d’un mois devant la première assemblée saisie. Il est réduit à quinze jours devant la seconde assemblée saisie.

Si aucun délai réservé à la discussion parlementaire n’est prévu dans l’état du droit – hormis le cas des projets de loi organique (article 46) et des projets de loi de finances (article 47) et de financement de la sécurité sociale (article 47-1) –, sous la IVe République, les commissions étaient tenues, en principe, de déposer leurs rapports dans un délai de trois mois. Mais, les auteurs des propositions ne disposaient pour obliger une commission à déposer son rapport que d’une procédure compliquée qui, dans la pratique, avait peu de chances d’aboutir, tandis que le Gouvernement, en faisant pression sur la Conférence des Présidents et sur l’Assemblée elle-même pour inscrire l’affaire à l’ordre du jour, plaçait la commission dans l’alternative de rapporter ou d’avouer sa carence.

― Le principe d’un délai minimal

Aujourd’hui, la combinaison des nécessités liées au programme gouvernemental, soumis lui-même aux contraintes de l’actualité, et du caractère intrinsèquement limité du temps parlementaire – même si la session unique depuis 1995 et le recours fréquent aux sessions extraordinaires permettent de le dilater quelque peu –, conduit fréquemment le Parlement à examiner des textes dans des délais qui ne garantissent pas une préparation optimale des débats.

Dans ce contexte, rien ne servirait de donner une place nouvelle aux travaux issus des commissions si le temps imparti à celles-ci pour les mener et dévolu à tous les acteurs pour les examiner avant la séance publique était si réduit qu’il conduise à rendre les nouvelles dispositions sans portée.

En conséquence, un temps minimal doit effectivement être prévu pour permettre aux commissions de préparer dans des conditions satisfaisantes le texte qui servira désormais de base à la discussion par l’assemblée plénière, mais aussi pour laisser la possibilité à tous les acteurs – Gouvernement, opposition, commissions saisies pour avis et tous les autres membres de l’assemblée saisie – d’examiner ce texte avant la séance.

En janvier 2007, M. Pierre Mazeaud, Président du Conseil constitutionnel, lors de ses vœux au Président de la République, relevait que « le Conseil constitutionnel ne peut que déplorer que, même sur des textes importants, se banalise la déclaration d’urgence et que des amendements substantiels soient introduits trop tard au cours de la procédure (notamment devant la deuxième assemblée saisie lorsque la loi est examinée en urgence) » (594). Dans sa proposition n° 38, le « comité Balladur » a ainsi souhaité que soit imposé un délai minimal avant l’examen d’un texte en séance. Selon lui, en effet, « il est impératif de donner plus de temps aux commissions parlementaires pour accomplir leur tâche ainsi redéfinie. Aujourd’hui chacun s’accorde à penser que les textes sont déposés trop peu de temps avant leur examen, que les rapporteurs ne peuvent pas travailler de manière approfondie et que les amendements déposés en commission sont insuffisamment préparés. Une meilleure organisation du travail est possible, qui obligerait également le Gouvernement à plus de tempérance normative. »

Sur ce fondement, le « comité Balladur » a proposé qu’en première lecture, devant la première assemblée saisie, aucun projet ou proposition de loi ne puisse être inscrit à l’ordre du jour moins de deux mois après avoir été déposé sur le bureau de cette assemblée, ce délai étant porté à un mois pour la seconde assemblée saisie. Ce calendrier nécessiterait que les rapports des commissions soient rendus publics « suffisamment tôt pour permettre le dépôt d’amendements utiles ».

Ainsi, le principe d’un délai minimal semble s’imposer pour la première lecture d’un texte. Reste deux questions, d’une part, celle des exceptions susceptibles de conserver suffisamment de souplesse au système pour permettre une gestion optimale des nécessités de l’actualité et, d’autre part, celle de la durée du délai.

― Les exceptions

S’agissant de la première question, le « comité Balladur » lui-même a relevé que « pour réserver les cas d’urgence réelle qui peuvent survenir dans la vie publique, d’une part et, d’autre part, ménager à un Gouvernement nouveau la possibilité de mettre en œuvre rapidement les mesures attendues, un tempérament serait apporté à cette règle : celle-ci pourrait être écartée si l’urgence était constatée par l’assemblée concernée à la demande du Gouvernement. Enfin, ces délais ne trouveraient pas à s’appliquer aux projets de lois de finances et aux projets de lois de financement de la sécurité sociale, qui obéissent aux règles posées par les articles 47 et 47-1 de la Constitution. »

Le présent article a ajouté à cette liste d’exceptions les « projets de loi relatifs aux états de crise », qui, sans être définis, pourraient concerner les projets de textes relatifs à l’état de siège et ceux relatifs à l’état d’urgence.

En premier lieu, la question pourrait se poser de savoir si cette notion de « loi relative à l’état de crise » recouvre l’état de siège. S’il n’y a aucune hésitation à avoir sur le fond de la question (595), des incertitudes demeurent sur sa forme.

Le premier alinéa de l’article 36 de la Constitution dispose que l’état de siège est décrété en Conseil des ministres, mais le second précise que sa prorogation au-delà de douze jours doit se faire par voie parlementaire. Cette prorogation n’appelle pas nécessairement le vote d’un projet de loi en tant que tel.

En effet, le support juridique de la prorogation de l’état de siège reste incertain. L’article 131 du Règlement de l’Assemblée nationale précise que l’autorisation résulte « d’un vote sur un texte exprès d’initiative gouvernementale » se référant à l’article 36 de la Constitution. Pour sa part, le Règlement du Sénat, d’un côté, dans son article 47 nonies fait référence, pour les exclure des procédures abrégées, aux projets de loi tendant à autoriser la prorogation de l’état de siège, et, d’un autre côté, dans son article 73, précise que le Sénat donne l’autorisation visée à l’article 36 de la Constitution dans la forme prévue l’article 49 de la Constitution, dernier alinéa, c’est-à-dire sous la forme d’une déclaration de politique générale dont le Premier ministre demande l’approbation.

En deuxième lieu, la question pourrait se poser de savoir si cette notion de « loi relative à l’état de crise » recouvre également l’état d’urgence. La réponse à cette question n’appelle aucune hésitation ni sur le fond, ni sur la forme. En effet, en cas de crise, l’« état d’urgence », distinct de l’état de siège, permet, en vertu d’une loi du 3 avril 1955 (596), d’apporter des restrictions aux libertés publiques, mais conserve aux autorités civiles leur compétence en matière de police.

L’état d’urgence fut mis en œuvre en 1960 en Algérie puis étendu à toute la France le 22 avril 1961, avant l’application de l’article 16 de la Constitution. Prorogé à plusieurs reprises, il ne prit fin que le 31 mai 1963. Plus récemment, l’état d’urgence fut appliqué en Nouvelle-Calédonie le 12 janvier 1985, et, de nouveau, en 2005 sur le fondement d’un décret du 8 novembre 2005 sur l’ensemble du territoire (597). Sa prorogation pour trois mois est intervenue par une loi du 18 novembre 2005 (598).

Le calendrier d’adoption de cette loi dit suffisamment la nécessité d’exclure ce type de projet des contraintes de délai imposées dans la nouvelle rédaction de l’article 42 de la Constitution. Le projet de loi fut enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 novembre 2005. La commission des Lois l’examina le 15 novembre. Le projet fut délibéré en séance ce même jour. Le Sénat l’examina et l’adopta le 16 novembre et le texte fut promulgué le 18.

― La durée du délai minimal

S’agissant de la deuxième question, celle de la durée du délai minimal octroyé aux assemblées pour préparer leurs délibérations, la différence entre le présent projet de loi et les propositions du « comité Balladur » est sensible.

Dès lors que des aménagements au principe du délai minimal sont prévus, il ne semble pas qu’un délai trop court s’impose. En effet, il serait paradoxal d’organiser une valorisation du travail des commissions et, subséquemment du Parlement, et ne pas tenir compte du caractère nécessairement plus long du temps consacré à la préparation des délibérations en séance qu’impliquent les mesures proposées.

Pour que la logique de la réforme soit respectée, il convient à la fois de permettre à la commission d’établir un texte satisfaisant, ce qui requiert un examen approfondi du projet ou de la proposition de loi, mais aussi de ne pas interdire au Gouvernement et à l’ensemble des députés, opposition comprise, de se fonder sur le nouveau texte, issu des travaux de la commission, pour arrêter leur position avant la séance publique termine ante quem.

En conséquence, le temps indispensable à l’examen du texte adopté par la commission, entre la réunion de celle-ci et la séance publique, est nécessairement plus long qu’aujourd’hui – il suffit pour s’en convaincre de songer à la place des commissions saisies pour avis dans le nouveau schéma procédural –, mais ne doit pas être allongé au détriment du temps dont dispose la commission saisie au fond pour mener à bien ses propres travaux.

Or, les statistiques montrent que le dispositif proposé ne modifierait pas sensiblement la pratique telle que l’expérience l’a fixée. Ainsi, sous la XIe législature, sur les cent neuf projets de loi déposés en premier à l’Assemblée nationale, 35,7 % ont été examinés moins de trente jours après leur dépôt, mais seulement 11 % seraient entrés dans le champ de la révision, compte tenu des exceptions prévues, c’est-à-dire hors projets de loi de finances, projets de financement de la sécurité sociale, projets de loi liés à un état de crise et projets ayant l’objet d’une déclaration d’urgence. Sous la XIIe législature, ce taux s’établit à 12 % pour un total de textes déposés en premier lieu sur le bureau de l’Assemblée nationale de cent onze. Quant aux textes transmis par le Sénat, durant cette même législature, seulement sept textes sur soixante et un ont été examinés dans un délai inférieur à quinze jours après leur dépôt, mais six d’entre eux avaient fait l’objet d’une déclaration d’urgence.

La question des délais est d’autant plus sensible que le passage au texte de la commission comme base de discussion nécessitera de prendre en compte, après la réunion de la commission, le temps nécessaire à l’examen de recevabilité financière, tel que prévu par l’article 40 de la Constitution, en application duquel « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ».

• L’examen de la recevabilité financière des initiatives parlementaires

Rien ne concerne directement cette question dans le présent projet de révision. Néanmoins, il sera nécessaire de tirer les conséquences sur l’appréciation de la recevabilité financière des initiatives parlementaires des changements présidant à l’examen des projets et propositions de loi en séance publique.

Le contrôle de la recevabilité financière s’exerce, à l’Assemblée nationale, de manière systématique et a priori. En effet, le Conseil constitutionnel a jugé de façon réitérée, s’agissant des propositions de loi, que l’article 40 de la Constitution « établit une irrecevabilité de caractère absolu et fait donc obstacle à ce que la procédure législative s’engage à l’égard de propositions de loi irrecevables ». En conséquence, le Conseil exige « qu’il soit procédé à un examen systématique de la recevabilité (financière) des propositions de loi (…) antérieurement à (…) leur dépôt » et « que puisse être constatée, au cours de la procédure législative, l’irrecevabilité des propositions qui auraient, à tort, été déclarées recevables au moment où elles étaient formulées » (599). Il en est de même pour les amendements, le Conseil constitutionnel ayant réaffirmé que les procédures d’examen de la recevabilité financière « doivent s’exercer au moment du dépôt d’un amendement » (600).

Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion récemment de préciser sa position. Dans sa décision n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006, il a apprécié d’office la recevabilité financière d’amendements adoptés par le Sénat, considérant que « si la question de la recevabilité financière des amendements d’origine parlementaire doit avoir été soulevée devant la première chambre qui en a été saisie pour que le Conseil constitutionnel puisse en examiner la conformité à l’article 40, cette condition est subordonnée, pour chaque assemblée, à la mise en œuvre d’un contrôle de recevabilité effectif et systématique au moment du dépôt de tels amendements ». Il constate alors qu’« une telle procédure n’a pas encore été instaurée au Sénat » (601).

Il avait déjà eu l’occasion d’inviter le Sénat à se mettre en conformité avec les exigences de l’article 40 de la Constitution : d’une part, il avait souligné que tout amendement doit être motivé et accompagné des justifications qui en permettent la mise en œuvre, ce qui permet de vérifier, « dans le cadre des procédures d’examen de la recevabilité financière qui doivent s’exercer au moment du dépôt d’un amendement, la conformité de celui-ci à l’article 40 de la Constitution » (602; d’autre part, il a souligné que « les procédures d’examen de la recevabilité prévues par les articles 92 et 98 du Règlement (de l’Assemblée nationale), qui s’exercent au moment du dépôt des amendements, permettront de vérifier, en particulier, la conformité à l’article 40 de la Constitution des amendements s’appliquant aux missions du projet de loi de finances, d’une part, et " aux objectifs de dépenses " du projet de loi de financement de la sécurité sociale, d’autre part » (603).

Tirant les conséquences de ces décisions, qui n’appliquaient pas la règle du préalable parlementaire aux amendements adoptés par le Sénat, ce dernier a organisé un contrôle systématique de la recevabilité financière des amendements (604).

L’application de ces règles couplée avec les nouvelles dispositions relatives à l’examen du texte adopté par la commission en séance publique peut donner lieu à deux interprétations.

Selon une première hypothèse, l’examen de recevabilité devra être exercé au dépôt des amendements en commission dès lors que le texte adopté par la commission risque de comprendre des dispositions introduites par amendement parlementaire. Il devra de nouveau être exercé au dépôt des amendements en séance sur le texte adopté par la commission. Cela implique un double contrôle. Dans ce cas, plusieurs systèmes sont envisageables :

―  mise en place d’un contrôle déconcentré au niveau de chaque commission saisie au fond pour les amendements déposés auprès d’elle, tandis que les amendements déposés en séance continueraient d’être contrôlés par le président de la commission des Finances ; ce système risque, outre sa complexité, de donner lieu à plusieurs jurisprudences, dont la divergence serait particulièrement choquante lorsqu’elle apparaîtrait entre les amendements adoptés par une commission saisie pour avis et la commission saisie au fond sur un même texte ; l’article 86, alinéa 4, du Règlement de l’Assemblée nationale (605), qui permet au président de chaque commission d’apprécier la recevabilité financière des amendements, n’est que très rarement utilisée dans les commissions autres que celle chargée des finances ; il conviendrait alors d’y recourir de manière plus fréquente ;

―  concentration du contrôle à la commission des Finances, qui serait saisie de tous les amendements susceptibles d’être examinés par la commission ; un délai supplémentaire devra être prévu entre les délais de dépôt des amendements en commission et la réunion de la commission saisie au fond ; le contrôle serait ainsi exhaustif et unifié, mais plus lourd.

Selon une seconde hypothèse, l’examen de recevabilité pourrait être exercé, comme aujourd’hui, au dépôt des amendements en séance ; mais, sans modification de l’article 40, il devrait aussi porter sur le texte adopté par la commission saisie au fond, dès lors qu’une modification a été apportée au texte initial du projet de loi par un amendement parlementaire ; dans ce cas, la commission des Finances, ou bien le bureau de l’assemblée comme cela est prévu pour les propositions de loi au dépôt, serait appelée à trancher, ce qui impliquerait de disjoindre les dispositions en cause du texte examiné en séance publique, à la manière dont le Conseil constitutionnel disjoint de la loi les dispositions qu’il a déclarées non conformes à la Constitution ; si cette disjonction ne poserait sans doute pas de problème dirimant dans un grand nombre de cas, les cas les plus difficiles pourraient ralentir de manière considérable la publication du texte adopté par la commission, ce qui retarderait d’autant la discussion en séance publique.

La nouvelle procédure ne s’appliquerait pas aux lois de finances, ni aux lois de financement. En tout état de cause, quelle que soit la solution retenue, l’examen de la recevabilité financière des initiatives parlementaires interviendra plus tôt dans la procédure et de manière exhaustive, ce qui exigera du temps. Cette implication entre dans la logique de la réforme qui renforcera la qualité et la portée du travail des commissions.

Accordant un relief nouveau aux rapports des commissions, c’est-à-dire aux textes élaborés par elles, la réforme ne devra pas conduire à reporter en amont, c’est-à-dire en commission, le risque d’obstruction, d’où l’importance de la révision de l’article 44, qui, en permettant de définir un régime spécifique pour les amendements examinés en commission, permettra de fixer certaines conditions qui pourraient limiter ce risque de dérive (606).

La mise en œuvre de cette nouvelle procédure impliquerait que soient modifiés, de manière substantielle, les règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat. C’est pourquoi, en vertu du II de l’article 34 du présent projet de loi constitutionnelle, ces dispositions n’entreront en vigueur qu’au 1er janvier 2009. Mais les nouvelles règles ne s’appliqueraient pas aux projets et propositions en cours d’examen à cette date (607).

La Commission a, d’abord, été saisie de l’amendement n° 9 de M. Didier Migaud et d’un amendement identique présenté par M. Arnaud Montebourg supprimant, pour les projets de loi de finances, de loi de financement de la sécurité sociale et de révision constitutionnelle, la dérogation à la règle de l’examen du texte élaboré par la Commission.

Le rapporteur a considéré que cet amendement se heurtait à des contraintes pratiques réelles qui empêcheraient de les mettre matériellement en œuvre, dans la mesure où la discussion des textes financiers est enserrée dans des délais constitutionnels très stricts. D’un point de vue plus politique, il n’est pas anormal que la discussion s’engage sur le projet présenté par le Gouvernement s’agissant de textes mettant directement en œuvre le programme du Gouvernement.

La Commission a alors rejeté l’amendement.

Puis, elle a examiné deux amendements identiques de M. Noël Mamère et de M. Bertrand Pancher fixant à deux mois, comme proposé par le comité présidé par M. Édouard Balladur, le délai minimum entre le dépôt d’un texte et le début de son examen.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec a indiqué que son groupe avait présenté un amendement quasi identique, fixant aussi un délai pour l’examen par la deuxième assemblée saisie.

Le rapporteur a indiqué qu’il partageait la préoccupation des auteurs des différents amendements, mais a suggéré des délais moins ambitieux. Il a alors proposé un premier amendement qui fixe à six semaines le délai incompressible entre le dépôt et l’examen par la première assemblée saisie, ainsi qu’un second amendement qui porte à trois semaines le délai entre le vote par la première assemblée et l’examen par la seconde.

Après que M. Bertrand Pancher et M. Jean-Yves Le Bouillonnec eurent retiré leur amendement, la Commission a rejeté l’amendement de M. Mamère et adopté, à l’unanimité, les deux amendements du rapporteur (amendements nos°68 et 69).

M. Arnaud Montebourg a présenté un amendement fixant, en cas d’urgence, un délai de huit jours entre le dépôt d’un texte et le début de son examen par la première assemblée saisie.

Le rapporteur a craint que l’existence d’un délai minimum soit source de difficulté dans certains cas où l’urgence commande d’agir plus rapidement encore, comme dans le cas du projet de loi prorogeant l’état d’urgence en 2005. La procédure envisagée par le projet de révision est déjà très novatrice, il importe d’en évaluer les premiers résultats avant de songer à l’appliquer de façon plus étendue.

Après avoir rejeté cet amendement, la Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 70).

La commission a adopté l’article 16 ainsi modifié.

Article 17

(art. 43 de la Constitution)


Nombre de commissions permanentes

Le présent article a pour objet de fixer à huit le nombre maximal de commissions permanentes au sein de chaque assemblée. Cette augmentation du nombre de commissions permanentes, souhaitée depuis plusieurs années et rendue nécessaire par l’accroissement de leurs activités, tant législatives que de contrôle, est d’autant plus légitime que le présent projet de loi constitutionnelle les place au cœur de la procédure législative.

1. La constitutionnalisation du nombre de commissions permanentes

L’histoire contemporaine du nombre de commissions permanentes dans les assemblées françaises est scandée par trois étapes.

Dans un premier temps, les commissions émergent, de manière coutumière, de la nécessité et de la volonté de réguler et de rationaliser le travail parlementaire et de préparer dans de meilleures conditions le travail de la séance plénière. Cette expérience durera plusieurs décennies. Certaines commissions, comme celle du Budget à partir de 1876 ou celle de l’Armée depuis 1882, seront pérennisées. Progressivement, elles en viennent à examiner la plupart des textes : entre 1898 et 1902, sur 1 219 projets ou propositions de loi renvoyés en commission, moins de 12 % sont attribués à des commissions spéciales.

Dans un deuxième temps, leur nombre est fixé dans le règlement des assemblées. Ainsi, pour la première fois, la résolution du 17 novembre 1902 officialise l’existence des commissions permanentes, au nombre de dix-sept, réunissant chacune trente-trois membres de la Chambre des Députés et chargées d’examiner tous les projets et propositions de loi déposés à la Chambre (608). Cette reconnaissance de la spécialisation accrue des parlementaires sera complétée dès le 16 juin 1903 par une résolution de la Chambre qui consacre l’existence des vice-présidents, des secrétaires et des rapporteurs des commissions permanentes et impose un résumé rendu public de leurs travaux. Si la Constitution du 27 octobre 1946 reconnaît l’existence de commissions, chargées d’étudier les projets et propositions de loi dont l’Assemblée nationale est saisie, elle laisse à cette dernière le soin d’en fixer le nombre, la composition et la compétence (609). C’est ainsi qu’à la fin de la IVe République, le nombre de commissions était de dix-huit.

Dans un troisième temps, le nombre maximal de commissions permanentes a été fixé par la Constitution du 4 octobre 1958 elle-même, dans son article 43. Cette mesure s’inscrivait dans une volonté plus générale exprimée par le constituant de 1958 d’encadrer strictement les commissions permanentes pour en limiter l’influence. Selon la même logique, le constituant souhaitait faire du recours à une commission spéciale le droit commun (610) et de l’examen des projets et propositions de loi par les commissions permanentes l’exception. Il s’agissait alors de réagir aux excès passés, d’éviter que ne se constituent de véritables « contre-ministères » pouvant concurrencer le Gouvernement. Raymond Poincaré, alors député de la Meuse, déplorait déjà en 1896, avant même leur officialisation, que les commissions se soient « peu à peu arrogé la plupart des prérogatives gouvernementales » au prix d’une « violation de la Constitution » (611). Le « comité Bardoux », quarante années plus tard, précisait les dangers que représentaient des commissions permanentes trop puissantes : « Elles assurent parmi les Parlementaires une sélection qui n’est pas toujours celle des plus aptes et des plus compétents, mais la promotion des intrigants et des bavards. Elles transforment une section des assemblées politiques en une sorte de Ministère hydrocéphale. Elles paralysent mieux qu’elles ne contrôlent. Elles accroissent l’instabilité, plus qu’elles n’assurent l’efficacité des Administrations. » (612)

2. Un contexte qui appelle une réforme

Prenant le contre-pied de l’intention du constituant de 1958, la pratique parlementaire a donné le rôle principal aux commissions permanentes, en raison de la lourdeur relative qu’impliquent la mise en place et l’organisation d’une commission spéciale. Ainsi, sous la XIIe législature, quatre textes seulement ont été examinés par une commission spéciale à l’Assemblée nationale (613). L’expérience a montré le bien-fondé d’une telle évolution, en particulier à l’heure où les commissions permanentes s’attachent avec un soin particulier à suivre l’application des lois qu’elles ont examinées sous forme de projet ou de proposition. La commission spéciale, cessant d’exister avec l’adoption du texte dont elle est saisie, pourrait difficilement remplir cet office.

Toutefois, le recours systématique aux commissions permanentes pour l’examen des projets et propositions de loi n’est pas sans poser des problèmes. En effet, les commissions permanentes sont de ce fait très sollicitées, dans la mesure où elles développent dans le même temps des activités de contrôle (auditions, missions d’information, suivi de l’application des lois).

Plusieurs moyens ont été utilisés pour accommoder les nécessités du temps avec l’obstacle constitutionnel qui fixe un plafond au nombre de commissions permanentes.

Un premier moyen a consisté à créer des structures spécifiques au sein des commissions permanentes. Il suffit de mentionner la multiplication des groupes de travail thématiques − le dernier exemple en date peut être recherché au sein de la commission des Affaires économiques, de l’environnement et du territoire de l’Assemblée nationale qui, à l’initiative de son président, notre collègue Patrick Ollier, a mis en place six groupes de travail thématiques − ou la création en février 1999 de la MEC au sein de la commission des Finances, de l’économie générale et du Plan de l’Assemblée nationale sur le fondement d’une simple décision, suivie bientôt de la création en août 2004, autorisée par la loi (614), d’un organe équivalent au sein de la commission chargée des affaires sociales, la MECSS.

Un deuxième moyen a consisté à créer des organes spécialisés, mais hors des commissions permanentes, qu’il s’agisse des délégations, propres à chaque assemblée, au premier rang desquelles se trouvent les délégations pour l’Union européenne, ou des offices, communs à l’Assemblée nationale et au Sénat.

En dépit de ces moyens contournés, la tendance prononcée à l’inflation législative et à l’accroissement concomitant des tâches de contrôle a fait apparaître en pleine lumière la charge de travail excessive de certaines commissions permanentes.

La commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, à l’Assemblée nationale, a été particulièrement affectée par la montée en charge de l’activité législative, que ce soit en matière de droit du travail, de droit social ou encore de financement de la sécurité sociale. Ainsi, au cours de la XIIe législature, sur l’ensemble des projets et propositions de loi adoptés, soixante dix-neuf lui avaient été renvoyés au fond et elle a tenu plus de 596 heures de réunion (soit en moyenne plus de 100 heures de réunion par session). Aux activités de nature législative s’ajoute une activité croissante de contrôle marquée par la mise en place de la MECSS et de l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé. Dans un rapport d’information sur les moyens d’information des parlements étrangers en matière économique et sociale, M. Laurent Dominati écrivait déjà en 1995 : « sans aller jusqu’à proposer une augmentation du nombre de commissions conduisant à refléter la structure gouvernementale – au demeurant changeante –, il convient d’augmenter ce nombre raisonnablement pour permettre, à tout le moins, de mieux répartir les compétences dévolues aux commissions des Affaires culturelles, familiales et sociales et de la Production et des échanges. » (615)

Afin de remédier à cet alourdissement des tâches des commissions, l’une des propositions de résolution déposées par le Président Jean-Louis Debré en 2006 proposait, dans un cadre constitutionnel inchangé, de scinder en deux la commission des Affaires culturelles et de compenser cette scission par un regroupement des commissions de la Défense d’une part et des Affaires étrangères d’autre part (616). Toutefois, lors de l’examen de ces propositions par la commission des Lois, force avait été de constater que la réflexion sur cette question n’était pas encore aboutie et ne permettait donc pas de modifier la répartition des compétences entre commissions permanentes. Décharger l’une pour charger l’autre ne faisait que transférer le problème.

Aussi, le rapporteur avait considéré qu’il convenait d’orienter la réflexion vers la question du nombre de commissions permanentes : « La solution la plus adaptée consisterait à augmenter le nombre de commissions. Mais ce choix nécessiterait une révision de la Constitution. Ainsi, en 1998, M. Laurent Fabius, alors Président de l’Assemblée nationale, avait proposé de porter à dix le nombre des commissions permanentes. Mais, cette question doit être débattue de telle sorte qu’il ne soit pas fait retour in fine aux pires excès de la IVe République. » (617)

S’inscrivant dans la poursuite de cette réflexion, le « comité Balladur » a suggéré « d’introduire un peu de souplesse dans le système actuel en prévoyant que la Constitution autorise les assemblées du Parlement à fixer à dix au maximum le nombre de leurs commissions permanentes, à charge pour chacune d’entre elles d’utiliser ou non tout ou partie de la possibilité qui lui serait ainsi donnée » (618).

Le « comité Vedel » avait, en février 1993, proposé de porter à huit le nombre de commissions permanentes et cette modification figurait dans le projet de loi constitutionnelle relatif à l’organisation des pouvoirs publics déposé au Sénat le 11 mars 1993 (619). Plus anciennement, M. Jean-Philippe Lecat, qui rapportait en octobre 1969 une proposition de résolution du président Jacques Chaban-Delmas modifiant substantiellement le Règlement de l’Assemblée nationale, préconisait déjà l’augmentation du nombre de commissions permanentes : « Dotée de huit commissions permanentes d’un effectif maniable, l’assemblée serait certainement mieux informée et plus efficace et cela d’autant plus que l’augmentation du nombre de commissions pourrait être mis à profit pour leur attribuer des blocs de compétence rationnels » (620).

3. Un nombre maximal augmenté dans des proportions raisonnables

Le présent article propose de modifier l’article 43 de la Constitution afin de fixer à huit le nombre maximal de commissions permanentes pouvant être créées dans chaque assemblée. Cette modification constitutionnelle est sans aucun doute souhaitable. Elle permet de trouver un équilibre entre la tentation de la prolifération des commissions permanentes et la tentation inverse d’une contrainte excessive imposée aux assemblées parlementaires en matière d’organisation interne. Elle contribuera à assurer une meilleure répartition de la charge de travail entre les différentes commissions permanentes qui pourront pleinement exercer leurs tâches de contrôle et d’évaluation et remplir leur nouveau rôle dans le cadre de la procédure législative.

Il reviendra à chaque assemblée, dans le cadre de la révision de son règlement, de décider d’augmenter ou non le nombre de commissions permanentes. Sans préjuger de la future réforme du Règlement de l’Assemblée nationale, il est possible de suggérer, à l’instar du rapport du comité présidé par M. Édouard Balladur, la scission de la commission des Affaires culturelles familiales et sociales ainsi que de la commission des Affaires économiques, de l’environnement et du territoire, qui ont toutes deux à la fois des effectifs très nombreux – plus de cent quarante membres chacune – et des attributions extrêmement vastes et hétérogènes. Chacune des nouvelles commissions pourrait ainsi être composée d’un huitième de l’effectif total de l’Assemblée (soit soixante-douze membres par commission en l’état actuel).

Comme le rapporteur l’envisageait déjà dans le rapport précité sur les propositions de résolution du Président Jean-Louis Debré, la commission des Affaires culturelles familiales et sociales pourrait être scindée en deux commissions, l’une compétente pour les questions qui relèvent du domaine social, de l’emploi et de la formation professionnelle, l’autre compétente pour les questions culturelles, audiovisuelles et d’éducation, auxquelles pourraient être ajoutés le droit de la propriété intellectuelle qui relève aujourd’hui de la commission des Lois, et la partie de la recherche qui relève aujourd’hui du domaine de la commission des Affaires économiques (621). Cette partition a également été suggérée par M. Benoist Apparu, rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales sur le présent article du projet de loi constitutionnelle. En outre, M. Benoist Apparu a signalé deux autres matières législatives qui pourraient faire l’objet de nouvelles délimitations : les textes relatifs aux anciens combattants, qui pourraient être attribués à la commission de la Défense ; les textes relatifs au secteur des communications électroniques, qui sont actuellement partagés entre les Affaires économiques et les Affaires culturelles et qui mériteraient d’être tous renvoyés à la même commission (622).

Un autre type de restructuration de la commission des Affaires culturelles, consistant à transférer la compétence pour les lois de financement de la sécurité sociale à une commission des comptes publics, qui serait également compétente pour les lois de finances et qui exercerait ainsi les missions de contrôle et d’évaluation qui sont actuellement réparties entre la commission des Finances et la commission des Affaires culturelles, semble moins pertinent, dans la mesure où l’activité de cette nouvelle commission serait excessivement concentrée sur la période budgétaire.

Afin de pleinement prendre en compte l’importance nouvelle des questions d’environnement et d’aménagement du territoire, la commission des Affaires économiques, de l’environnement et du territoire (623) pourrait également être scindée en deux commissions, l’une compétente pour les affaires économiques, l’autre en matière d’aménagement du territoire et d’environnement.

Le rapporteur émet enfin le souhait que l’augmentation éventuelle du nombre de commissions permanentes ne se traduise pas par une augmentation excessive du nombre des saisines pour avis sur des projets de loi. Il arrive en effet déjà que deux, voire trois commissions permanentes se saisissent pour avis et l’on peut se demander si l’exercice n’atteindrait pas dans certains cas un point critique (624).

Bien que la hausse du nombre de commissions puisse mathématiquement augmenter le nombre d’occasions pour plusieurs commissions permanentes de souhaiter se saisir pour avis, il peut en effet sembler préférable que la présente réforme permette un accroissement des tâches de contrôle. À ce titre, il serait possible de poursuivre l’association systématique de l’opposition au travail de contrôle en confiant à deux vice-présidents dans chaque commission – l’un de la majorité et l’autre de l’opposition – un rôle spécifique de coordination et de suivi.

Enfin, par cohérence avec le fait que les autres dispositions constitutionnelles relatives à la réforme du fonctionnement des assemblées parlementaires entreront en vigueur à compter du 1er janvier 2009, il est logique de prévoir que la possibilité de créer de nouvelles commissions permanentes ne soit ouverte qu’à compter de cette date (625).

La Commission a été saisie de deux amendements identiques de M. Jean-Christophe Lagarde et M. Jean-Yves Le Bouillonnec portant de huit à dix le nombre maximum des commissions permanentes.

Le rapporteur a estimé qu’à l’Assemblée nationale, deux commissions permanentes, la commission des Affaires économiques et la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, justifiaient d’être scindées en deux, expliquant ainsi le nombre choisi de huit commissions permanentes.

M. Jean-Christophe Lagarde a estimé que la scission envisagée de seulement deux commissions conduirait à un déséquilibre important d’activité entre les commissions. Par exemple, il est envisagé de créer une commission des Affaires culturelles, alors que les questions culturelles ne représentent que 10 % de l’activité de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales. Par ailleurs, les comparaisons internationales montrent que les parlements modernes disposent d’un nombre important de commission, trente-deux au Royaume-Uni, vingt-trois en Espagne ou vingt au Parlement européen par exemple. M. Jean-Christophe Lagarde a par ailleurs souhaité la constitution d’une véritable commission des affaires européennes, et non d’un simple comité comme envisagé par le projet de révision, et d’une commission chargée du suivi de l’application des lois.

M. Christophe Caresche a jugé utile, même si le nombre de huit commissions apparaît suffisant aujourd’hui, d’adopter des règles constitutionnelles suffisamment souples pour permettre des évolutions futures du Règlement afin de réorganiser les commissions en fonction des nécessités de l’activité parlementaire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec a indiqué que la plupart des autres pays européens ne limitent pas le nombre de commissions permanentes car les rapports entre les ministres et les commissions n’y sont pas conflictuels. Il a souhaité que la France puisse se rapprocher du modèle allemand, dans lequel les ministres ont le sentiment de faire un travail constructif en étant entendus par une commission parlementaire, et non d’être mis en difficulté. Il a par ailleurs exprimé une inquiétude sur la capacité des commissions permanentes dont les secteurs de compétences sont très larges, comme la commission des Affaires économiques, à assurer le travail d’évaluation et de contrôle qui leur incombe.

Après avoir rappelé l’existence d’un accord général sur le nombre de huit commissions, le rapporteur a jugé que les situations allemande et française ne peuvent pas être comparées, la Constitution française ayant pour but d’éviter que chaque commission corresponde à un ministère, et a observé que la limitation à huit du nombre de commissions n’interdit pas de redéfinir les compétences de chacune. Il a estimé que la transformation des délégations en commissions n’est pas souhaitable, car la compétence des premières est transversale tandis que celle des secondes est sectorielle. La Commission a alors rejeté ces deux amendements, ainsi qu’un amendement de M. Bertrand Pancher ayant le même objet.

La Commission a ensuite été saisie de l’amendement n° 18 de M. Patrick Ollier permettant aux commissions de s’organiser en sous-commissions et d’un amendement identique de M. Jean-Christophe Lagarde, qui a expliqué que cette spécialisation renforcée permet de mieux traiter les sujets présentant une certaine technicité. M. Yves Nicolin a jugé que le nombre de commissions devrait relever du Règlement de chaque assemblée plutôt que de la Constitution. Le rapporteur a estimé que le travail en commission, dont l’importance est accrue, ne doit pas pouvoir être délégué et a rappelé que les commissions peuvent déjà créer des groupes de travail.

La Commission a rejeté l’amendement n° 18 et l’amendement de M. Jean-Christophe Lagarde. Elle a également rejeté un amendement du même auteur prévoyant la représentation proportionnelle de chaque groupe parlementaire au sein des commissions et des sous-commissions.

La Commission a rejeté un amendement de M. Michel Hunault instituant des délégations permanentes à l’écologie et au développement durable.

Elle a ensuite adopté l’article 17 sans modification.

Article 18

(art. 44 de la Constitution)


Exercice du droit d’amendement

Le présent article tire les conséquences sur le droit d’amendement des nouvelles dispositions procédurales définies à l’article 42 de la Constitution, tel que modifié par l’article 16 du présent projet de loi constitutionnelle (626), et les prolonge.

Le droit d’amendement semble être la prérogative par excellence du parlementaire, sa meilleure arme dans la procédure législative, mais aussi un instrument de contrôle – tout amendement entraînant une discussion au cours de laquelle le Gouvernement doit expliquer sa position.

Il est ainsi considéré en France comme un corollaire du pouvoir d’initiative parlementaire (627), voire comme un palliatif efficace et nécessaire de ses défauts (628) ou même comme « l’ultime vestige de l’initiative parlementaire » (629). Sa préservation doit être assurée, sous peine de transformer le Parlement en Corps législatif sur le modèle de celui défini par la Constitution de l’An VIII – le « corps des muets » – qui n’autorisait les parlementaires qu’à adopter ou à rejeter les textes qui leur étaient proposés, sans possibilité de modification.

Il ne s’agit pas de limiter ce droit, mais d’en aménager les modalités d’exercice aux fins d’amélioration de la qualité et de la clarté des débats parlementaires, exigence constitutionnelle relevée à maintes reprises par le Conseil constitutionnel et fortement ancrée dans nos valeurs telles qu’inscrites dans l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, selon lequel « la loi est l’expression de la volonté générale », et dans le premier alinéa de l’article 3 de la Constitution, aux termes duquel « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ».

L’exercice du droit d’amendement pour d’autres usages que celui auquel il devrait être réservé – améliorer le texte initial – conduit à sa banalisation. Sa banalisation l’entraîne vers son affadissement. Son affadissement risque de le conduire à l’insignifiance, d’où la nécessité d’assurer son affermissement.

Aussi est-il proposé de permettre la distinction du régime des amendements examinés en commission et de celui des amendements débattus en séance publique, ces différents régimes pouvant fixer des conditions et des limites à l’exercice du droit d’amendement. Ces conditions et limites seront fixées par le règlement des assemblées, dans le cadre d’une loi organique, ce qui permettra de soumettre les amendements du Gouvernement à ces nouveaux régimes.

Cette réforme permettra à la fois de faciliter le recours à des procédures simplifiées d’adoption des projets et propositions de loi, d’organiser les débats à l’avance et, notamment, de leur fixer une limite dans le temps et, enfin, de fixer des délais de dépôt des amendements compatibles avec leur examen approfondi, en cohérence avec la réforme adoptée à l’article 42 de la Constitution modifié par l’article 16 du présent projet de révision.

1. Un droit mal maîtrisé

Le débat sur le droit d’amendement semble singulariser la situation française, tant cette question peut paraître secondaire ailleurs, soit qu’un pouvoir de sélection « drastique » soit attribué au Président de l’assemblée ou aux présidents de commission, comme au Royaume-Uni, soit que l’influence parlementaire trouve à s’exercer en amont, comme en Allemagne.

a) Une histoire erratique

On pourrait, dès lors, estimer avec le poète, à une époque où le droit d’amendement était largement dénié aux assemblées, que « vouloir fixer des bornes au droit d’amendement (…), savoir exactement quand cet amendement empiète, quand il n’empiète pas sur la prérogative, c’est se perdre dans une métaphysique politique, sans rivages et sans fond » (630). Mais, si l’on sait que dans le silence d’une Constitution, les parlementaires qui ont le droit d’initiative ont aussi le droit d’amendement, la Constitution de 1958 cite le droit d’amendement pour le limiter. Son étendue a été précisée par le Conseil constitutionnel.

Dans notre histoire institutionnelle, le droit d’amendement a oscillé entre inexistence et toute-puissance. Sous l’empire de la Constitution de l’an VIII, le Corps législatif, on l’a vu, était contraint de rejeter ou d’accepter en bloc les projets émanant du Conseil d’État ; l’article 46 de la Charte constitutionnelle du 4 juin 1814 est le premier texte qui reconnaît aux parlementaires le droit d’amendement mais c’est pour le limiter en disposant qu’un amendement ne peut être proposé qu’avec l’accord du roi ; en 1852, les amendements devaient être acceptés par le Conseil d’État qui se livrait au « massacre des innocents » (631).

La Charte du 14 août 1830 octroya aux parlementaires un droit d’initiative et, en particulier, un droit d’amendement, auquel les IIIe et IVe Républiques ouvriraient un champ quasi illimité : « selon une constatation désabusée, les chambres votent moins de vraies lois qu’une suite d’amendements. Il en résultait une rédaction diffuse, compliquée, obscure et parfois même contradictoire. » (632) Ce droit n’était reconnu qu’aux membres du Parlement. Lorsque le Gouvernement souhaitait modifier un projet de loi déposé par lui, il pouvait soit déposer un autre projet qui avait alors un caractère rectificatif de la procédure, soit solliciter un parlementaire pour que celui-ci dépose l’amendement souhaité.

La Constitution de 1958 s’attache à fixer un cadre au droit d’amendement. Si elle redonne au Gouvernement, en application du premier alinéa de son article 44, un pouvoir d’amendement plein et entier, elle soumet les amendements parlementaires, visés au même alinéa, à la fois à la recevabilité financière (article 40), à la recevabilité fondée sur la distinction entre le domaine de la loi et celui du règlement (article 41), à celle fondée sur l’accord du Gouvernement lorsque l’amendement porte sur le texte de la CMP (article 45, alinéa 3), sans compter les irrecevabilités qui sont édictées dans les lois organiques relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale (articles 47 et 47-1).

Mais, au-delà de ces irrecevabilités, outre l’explosion de leur nombre (633), les amendements présentent d’autres inconvénients qui peuvent justifier, dans une certaine mesure, les limites imposées.

b) Un régime progressivement circonscrit

L’abondance d’articles dont certains sont issus d’amendements, le nombre de dispositions relevant du domaine réglementaire, les contradictions internes du texte n’en facilitent pas toujours la lecture. Le Gouvernement lui-même, comme on l’a vu (634), peut parfois être tenté d’accepter un amendement de nature réglementaire pour faciliter le vote de la loi mais également son application. Un amendement qui introduit des dispositions essentielles à un stade avancé de la procédure et qui n’aurait pas fait l’objet d’une navette pourrait également soulever certaines difficultés.

• La logique de l’« entonnoir »

Cette logique de resserrement de la procédure législative, présente dans la très grande majorité des pays, impose une non-remise en question des acquis obtenus par voie d’amendement. Guidée par ce principe, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a elle-même connu à l’égard du droit d’amendement, en tendance, un certain resserrement.

Dans un premier temps, dans sa décision n° 86-221 DC du 29 décembre 1986 (635), le Conseil constitutionnel a estimé que l’adoption par la CMP d’un texte commun sur les dispositions restant en discussion n’empêchait pas le Gouvernement de le modifier ou de le compléter par amendements, y compris sous forme d’articles additionnels. Ces modifications pouvaient même porter sur des dispositions pourtant adoptées dans les mêmes termes par les deux assemblées. À ce stade, seuls étant recevables les amendements déposés ou acceptés par le Gouvernement, celui-ci pouvait donc introduire des mesures entièrement nouvelles. Une seule réserve était apportée : les adjonctions ou modifications gouvernementales ne pouvaient « ni être sans lien avec ce dernier, ni dépasser par leur objet et leur portée, les limites inhérentes à l’exercice du droit d’amendement ». Les « limites inhérentes » ont servi, dès le mois suivant, à censurer un amendement du Gouvernement qui reprenait intégralement le texte d’une ordonnance que le Président de la République avait refusé de signer (636).

Dans un deuxième temps, en 1998 (637), la solution introduite par la décision de décembre 1986 a été modifiée, le Conseil estimant que « des adjonctions ne sauraient, en principe être apportées au texte soumis à la délibération des assemblées » après la réunion de la CMP. Dans sa décision du 29 juin 2000, il a été amené à préciser que les seuls amendements pouvant être adoptés après la réunion de la CMP doivent être « soit en relation directe avec une disposition restant en discussion, soit dictés par la nécessité de respecter la Constitution, d’assurer une coordination avec d’autres textes en cours d’examen au Parlement ou de corriger une erreur matérielle » (638). La décision du 20 juillet 2000 a interdit au Gouvernement de remettre en cause une disposition adoptée conforme par les deux assemblées (639).

Cette orientation a été confirmée par une décision du 19 juin 2001 (640), ainsi que par celle du 11 juillet 2001, dans laquelle le Conseil indique que « les requérants ne sauraient utilement se prévaloir de ce que l’amendement critiqué excèderait, par son ampleur, les limites inhérentes au droit d’amendement » (641), consacrant ainsi l’abandon de cette jurisprudence.

Enfin, l’interdiction d’introduire des mesures nouvelles ne concerne plus seulement les amendements présentés après la CMP mais concerne ce texte lui-même : les dispositions concernées « ne figuraient pas parmi celles qui restaient en discussion à l’issue de l’examen du projet de loi en première lecture », puisqu’« elles ont été introduites par la commission mixte paritaire réunie à ce stade de la discussion parlementaire », « il s’ensuit qu’elles ont été adoptées selon une procédure non conforme à la Constitution » (642).

Dans cette logique, la consécration, depuis 2006, de la règle dite de l’« entonnoir » est emblématique de ce mouvement de circonscription du droit d’amendement. En vertu de cette règle, la discussion législative doit se concentrer, au fil des lectures, sur les seules dispositions restant en discussion, règle désormais applicable dès la deuxième lecture des projets ou propositions, et non plus seulement à partir de la CMP prévue par l’article 45 de la Constitution : « les adjonctions qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion » (643).

• La proscription des « cavaliers législatifs »

Pour le reste, le Conseil constitutionnel vérifie que les amendements « ne sont pas dépourvus de tout lien » avec les dispositions figurant dans le projet de loi initial. Dans le cas contraire, il sanctionne ce qu’il est convenu d’appeler les « cavaliers législatifs ». La notion de lien avec le texte en discussion est apparue dès 1985 (644) et a trouvé rapidement son fondement constitutionnel dans les articles 39 et 44 de la Constitution (645), tandis que les règlements des assemblées lui font également une part (646). Cette question du lien a régulièrement été posée par le Conseil constitutionnel depuis lors et son absence a servi à censurer plusieurs dispositions législatives, y compris à l’initiative du Conseil lui-même (647).

Sur ce fondement, la jurisprudence, en 2007, s’est montrée particulièrement sévère. Ainsi, le Conseil a jugé qu’une habilitation à prendre par ordonnance des mesures relatives à la pratique des soins psychiatriques sans consentement ne pouvait être incluse dans un texte relatif à l’organisation institutionnelle des professions de santé, même si le Sénat avait modifié l’intitulé de la loi pour tenir compte de cet ajout (648). Il a également censuré deux articles relatifs au statut des psychothérapeutes, qui ne pouvaient être inclus dans une loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament (649).

Dans une mesure encore plus sévère, faisant application de cette jurisprudence aux amendements du Gouvernement dès la première lecture, le Conseil constitutionnel a censuré, dans sa décision du 1er mars 2007, pas moins de sept articles, dont trois d’office, « dépourvus de tout lien avec les dispositions qui figuraient dans ce projet de loi » et donc « adoptés selon une procédure contraire à la Constitution » (650).

Parallèlement à ce contrôle du bon déroulement de la procédure législature d’une lecture à l’autre, d’une navette à l’autre, le Conseil constitutionnel a jugé, à plusieurs reprises, non conforme à la Constitution toute tentative, qui aurait été inscrite dans les règlements des assemblées, destinée à restreindre l’exercice du droit d’amendement, qu’il s’agisse des sous-amendements (651) ou bien des procédures abrégées (652).

Le renforcement de l’encadrement du droit d’amendement par les règlements des assemblées et ses limites

Il a cependant admis certaines restrictions, dès lors qu’elles avaient pour objet de limiter l’obstruction, dont l’exercice répété et outrancier vide de son sens le droit d’amendement et contrevient au bon déroulement du processus législatif.

La décision du 30 décembre 1995 précise ainsi que « le bon déroulement du débat démocratique » suppose, certes, le plein exercice du droit d’amendement et des procédures afférentes, mais aussi qu’il « implique qu’il ne soit pas fait un usage manifestement excessif de ces droits » (653). Au nom du bon déroulement du débat parlementaire, comme on l’a vu, le Conseil constitutionnel a accepté que, dans le cadre de la mise en œuvre de LOLF, soit appliqué un délai de dépôt des amendements ramené à dix-sept heures l’avant-veille de la discussion « sauf décision contraire de la Conférence des Présidents », celle-ci pouvant fixer un autre délai, le cas échéant plus restrictif (654).

Les tentatives réglementaires pour encadrer le droit d’amendement sont anciennes.

Ainsi, peu de temps avant sa disparition, l’Assemblée nationale de la IVe République tenta d’ériger une digue réglementaire contre le flot des amendements de dernière heure en n’admettant, mais pour les seules dispositions financières, que les amendements déposés au plus tard quatre jours après la distribution du rapport. Mais, déjà à cette époque, il était rare qu’il s’écoule plus de quatre jours entre la distribution du rapport et la discussion en séance plénière (655).

On a vu les efforts constants engagés par l’Assemblée nationale pour ajuster les délais de dépôt des amendements aux nécessités de leur examen approfondi par les commissions (656). Mais, on a vu aussi que ces dispositions demeurent inapplicables aux amendements d’une commission ou du Gouvernement, ainsi qu’aux amendements portant sur des articles qui ont fait l’objet d’amendements déposés après l’expiration du délai et à ceux susceptibles d’être mis en discussion commune avec des articles additionnels présentés après l’expiration de ces délais.

De même, les sous-amendements ne sont pas soumis aux règles de forclusion. Par ailleurs, comme on l’a vu également dans le commentaire sur l’article 42, il faut rappeler qu’« à défaut de la mise à disposition du rapport par voie électronique quarante-huit heures avant le début de la discussion du texte, les amendements sont recevables jusqu’au début de la discussion générale ». (657)

Cette limite temporelle, assortie de la possibilité laissée à la Conférence des Présidents d’en fixer une autre en cas de difficulté, a été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel (658). Loin de limiter le droit d’amendement, le fait de disposer d’un délai suffisant pour préparer l’examen des amendements est l’une des conditions de la clarté et de la sincérité du débat parlementaire.

Dans cette logique, en janvier 2006, le Président de l’Assemblée nationale avait proposé d’encadrer le temps de discussion des articles (659), la Conférence des Présidents pouvant décider que cette discussion fera l’objet d’une organisation globale, avec attribution d’un crédit temps à chaque groupe, de manière que celui-ci soit amené à concentrer son temps de parole sur les amendements qu’il choisit de défendre. Dans le cadre de la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale de juin 2006, cette proposition fut adoptée, dans un premier temps, par la commission des Lois avant que celle-ci ne la retire (660).

Si aucune modification réglementaire n’est parvenue à véritablement résorber la fracture apparemment irréductible entre clarté, qualité et efficacité des débats, d’une part, et respect du droit d’amendement comme manifestation de l’initiative parlementaire, d’autre part, une solution constitutionnelle mérite d’être recherchée. Ce constat rejoint celui fait par le « comité Balladur » : « Certes, des instruments existent pour limiter cet afflux damendements et empêcher que le droit damendement, qui est au cœur même du travail parlementaire, ne soit dévoyé. Mais la vérité oblige à dire que ces instruments se révèlent peu efficaces et que seule une modification constitutionnelle peut porter remède à cette crise grave. » (661)

La présente révision doit permettre de dépasser ces difficultés pour faciliter un usage raisonné du droit d’amendement, seul moyen de lui redonner tout son sens. L’enjeu est de taille (662). Un usage déraisonné devient symptomatique d’une inflation législative dont on ne connaît que trop les maux et que tous s’accordent à combattre.

Le « comité Balladur » a dressé un constat sombre que le rapporteur – il a eu l’occasion de le souligner lors de son audition par le Comité – partage largement : « il existe aujourd’hui une véritable dérive du droit d’amendement. Qu’on en juge : en 1970, seulement 2 260 amendements étaient déposés devant l’Assemblée nationale et 576 devant le Sénat. Lors de la session 2002-2003, ils étaient respectivement 32 475 et 9 250. Cette situation ne cesse de se dégrader. Ainsi, au cours de la dernière législature, on a vu les amendements déposés par dizaines de milliers : 137 665 amendements furent déposés lors de l’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi sur la fusion entre Gaz de France et le groupe Suez ; 14 888 sur le projet de loi portant régulation des activités postales. Contrairement aux idées reçues, cette explosion du nombre des amendements n’est pas uniquement le fait de l’opposition. Les amendements déposés et adoptés en séance par la majorité le sont dans une telle proportion qu’il n’est pas rare de voir un projet de loi doubler voire décupler de volume en cours de discussion. Et plus de la moitié des amendements adoptés sont déposés par les commissions. Il s’ensuit que les initiatives politiques importantes que l’opposition pourrait prendre sur un texte sont noyées sous le nombre et que les priorités de la majorité deviennent, elles aussi, indiscernables. Ni sur les bancs de la majorité ni sur ceux de l’opposition le principal n’est plus distingué de l’accessoire. » (663)

Les conséquences de ce phénomène sont connues. Le Gouvernement, qui souhaite réaliser dans des délais raisonnables son programme législatif, est tenté paradoxalement pour les textes les plus volumineux de déclarer l’urgence, à seule fin d’économiser le temps d’une deuxième lecture à l’occasion de laquelle les amendements rejetés en première lecture peuvent être redéposés. Il peut également être tenté de recourir à la législation déléguée, c’est-à-dire à la multiplication des ordonnances prises sur le fondement de l’article 38 de la Constitution.

Autant de critiques appellent une réaction et un affermissement nécessaire du droit d’amendement dans sa portée réelle, c’est-à-dire la modification des projets et propositions soumis à l’examen des assemblées.

2. Un affermissement nécessaire du droit d’amendement

Le renforcement du rôle préparatoire du travail effectué par les commissions peut passer non seulement par l’avènement d’une discussion en séance publique sur le fondement des textes qu’elles auront adoptés, mais également par l’« allégement » relatif de la séance publique.

Cet « allégement » peut impliquer, d’une part, de transférer aux commissions un certain pouvoir décisionnel pour des textes techniques comme certaines transpositions de directives, les lois de codification ou même des ratifications d’ordonnances, et, d’autre part, de concentrer les débats publics sur les enjeux les plus importants, ceux qui permettent à chacun de s’expliquer.

En tout état de cause, ces avancées exigent une différenciation du traitement des amendements selon qu’ils sont présentés en commission ou qu’ils sont défendus en séance, sous peine de conserver une duplication inutile et « chronophage » des discussions. Elles posent également la question du traitement différencié entre les amendements du Gouvernement et ceux des parlementaires.

a) La promotion des procédures simplifiées

La question du « desserrement » de la séance publique au profit, en amont, de travaux des commissions enrichis et, en aval, d’espaces réservés aux activités de contrôle, a été régulièrement posée.

Le « comité Balladur », en soutien à sa proposition n° 36 en faveur du développement des procédures simplifiées, a rappelé que « le Conseil constitutionnel réaffirme régulièrement le principe selon lequel l’exercice effectif du droit d’amendement est garanti par le premier alinéa de l’article 44 de la Constitution, ce droit demeurant, à ses yeux, reconnu à chaque parlementaire. Le Comité a déduit de cette jurisprudence que s’il était décidé, comme il est souhaitable, de recourir à des procédures simplifiées d’adoption de certaines lois, ce principe constitutionnel devrait être aménagé. » (664)

L’une des solutions à cette question doit être recherchée dans la promotion de procédures simplifiées ou abrégées, qui permettent à certaines phases de la procédure en séance plénière de se dérouler uniquement en commission. Cette solution présente, en outre, l’avantage d’introduire un peu de souplesse dans une procédure législative unique, utilisée pour tous les textes, quel que soit leur degré de technicité ou l’ampleur des débats qu’ils sont susceptibles de susciter.

Ainsi, en modifiant l’article 44 de la Constitution, le présent projet de loi constitutionnelle permettrait de discuter d’amendements en commission qui ne pourraient plus être défendus en séance publique, ce qui ouvrirait la voie à une nouvelle forme de discussion abrégée qui dégagerait du temps en plénière au profit d’un examen plus approfondi en commission.

• Une tradition ancienne qui, nonobstant de multiples adaptations,
n’a guère répondu aux attentes qu’on plaçait en elle

Les assemblées ont cherché à remédier à cette difficulté en organisant la possibilité, dans le respect des droits des uns et des autres, de limiter le temps d’examen en séance publique de textes faisant l’objet de peu d’oppositions et/ou d’un nombre réduit d’amendements.

Instituées en 1915 sous la forme du vote sans débat, les procédures de discussion abrégées répondaient bien aux nécessités d’une époque où le Parlement s’occupait de tout, y compris du plus local et du plus sectoriel et où il apparaissait indispensable de disposer, à côté de la procédure de droit commun, de procédures permettant aux assemblées de ne pas passer trop de temps à discuter de sujets plus mineurs.

La volonté d’alléger la procédure législative était présente dans plusieurs projets conçus dans la Résistance. Certains prévoyaient même de conférer un authentique pouvoir législatif aux commissions. Une telle solution aurait permis de désengorger l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Par exemple, André Hauriou estimait que seuls les projets de loi importants devaient être discutés en assemblée plénière. Il s’agissait des lois relatives « au budget et aux lois de finances, à la défense nationale et à la sécurité de l’empire, aux accords internationaux et, le cas échéant, aux déclarations de guerre, aux libertés publiques, à l’organisation territoriale et politique de la métropole (…), aux discussions de principe concernant l’organisation sociale et économique, aux communications (…), à l’éducation nationale » (665).

Signe d’une tendance à l’accroissement des pouvoirs accordés aux commissions, la résolution du 23 novembre 1945 modifiée par celle du 18 janvier 1946 a institué une procédure exceptionnelle pour l’examen et le vote des projets de loi urgents. Le recours à cette procédure nécessitait la réunion de la majorité des deux tiers. Dans ce cadre, les amendements ne pouvaient être déposés qu’en commission et ceux que la commission avait rejetés n’avaient plus la possibilité d’être repris en séance publique. Cette procédure aboutissait donc à limiter le droit d’amendement des députés en même temps qu’elle accroissait le rôle des commissions. Cette procédure ne donna pas satisfaction, elle ne fut donc pas reprise par la Constitution du 27 octobre 1946.

En revanche, les procédures créées en 1915, maintenues sous la IVe République, seront complétées, en 1952, par celle du vote avec débat restreint, qui n’est « que l’aboutissement d’une procédure d’inscription à l’ordre du jour " sans débat " qui a échoué à la suite d’oppositions multiples » (666). Ainsi enrichies, elles seront fréquemment utilisées pendant cette période dans la mesure où le Parlement était alors souvent appelé à délibérer de questions d’importance mineure ou limitée
– à l’image de ce qui existe en Italie avec le phénomène des « leggine » 
(667).

Ces deux procédures ont été reprises avec des modifications dans le Règlement de l’Assemblée nationale élaboré sous l’empire de la Constitution de 1958. Mais l’avènement constitutionnel de la séparation entre les matières législatives et réglementaires a rendu leur utilité moins prégnante. Elles furent néanmoins conservées, avec des restrictions, notamment procédurales, plus fortes et continuèrent à perdurer sous la forme de procédure d’adoption simplifiée (à partir de 1991) puis d’examen simplifiée (à partir de 1998) à l’Assemblée nationale (668) et sous forme de vote sans débat et de vote avec débat restreint au Sénat (669).

La procédure du vote sans débat a vu sa portée fortement réduite, en dépit d’une tentative de relance intervenue dans le cadre de la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale adoptée en 1969 (670). Cette réforme a prévu que, pour tout texte, le président de la commission saisie au fond devait, après le vote sur l’ensemble, appeler celle-ci à décider si elle en demandait le vote sans débat. Elle n’a pas suffi à revivifier cette procédure, de plus en plus réservée à l’examen des projets de loi autorisant la ratification des traités ou l’approbation d’accords internationaux (671).

La complexité de la procédure, l’extrême facilité avec laquelle il est possible de s’y opposer, la nature des textes soumis et la fréquence de l’« étincelle législative » (on comprendrait mal qu’on examinât en procédure simplifiée 
– c’est-à-dire sans la caisse de résonance que constitue la séance publique – tous ces projets et propositions qui naissent en réaction à un problème d’actualité) ont conduit ces outils à rester cantonnés dans l’examen des projets de loi autorisant la ratification ou l’approbation de conventions internationales, soit autant de textes qui, en tout état de cause et par nature, n’appellent pas le dépôt d’amendements, n’encombrent pas la séance publique et qui servent, souvent, de variable d’ajustement dans l’ordre du jour – l’examen en procédure d’examen simplifiée étant alors utilisée ou non selon que l’on a besoin d’allonger ou de concentrer une séance, l’ordre du jour ayant horreur du vide. En outre, il est un fait d’expérience que certains textes d’importance mineure peuvent être discutés selon la procédure normale dans des conditions assez proches de la procédure sans débat.

La complexité des procédures qu’entraîne la décision de recourir à l’une ou l’autre des formules de discussion abrégée a pendant longtemps représenté un frein. C’est dans ces conditions qu’au début des années 1990, tant l’Assemblée nationale que le Sénat ont cherché, dans les limites imposées par la Constitution (672), à donner une nouvelle dimension à ces procédures, la première avec la procédure d’examen simplifiée, le second avec les procédures abrégées.

À l’Assemblée nationale, une nouvelle réforme est ainsi intervenue en 1991 (673), substituant aux formes traditionnelles du vote sans débat et du vote avec débat restreint une procédure d’adoption simplifiée destinée à mettre fin à la saturation de la séance publique liée à l’accumulation de textes au contenu essentiellement juridique et technique, aux enjeux politiques de faible intensité. Les griefs étaient connus ; la Commission ne pouvait décider de présenter une demande de vote sans débat qu’après s’être prononcée sur l’ensemble du texte concerné et non dès le moment où elle en était saisie ; sa demande, ou celle du Gouvernement, ne pouvait être transmise à la Conférence des Président qu’au cours de sa première réunion suivant la distribution du rapport de la Commission ; les délais, dissuasifs, s’accumulaient…

Selon la nouvelle procédure :

―  l’initiative du recours à la procédure d’adoption simplifiée appartient concurremment au Président de l’Assemblée nationale, au Gouvernement, au président de la commission saisie au fond ou au président d’un groupe ;

―  la demande a lieu en Conférence des Présidents, qui en assure la publicité ;

―  le Gouvernement, le président de la commission saisie au fond et le président d’un groupe peuvent s’opposer (674) à l’utilisation de cette procédure jusqu’à la veille de la discussion à dix-sept heures (675) ;

―  les textes auxquels la procédure d’adoption simplifiée est appliquée peuvent faire l’objet d’amendements ; si le Gouvernement dépose un amendement postérieurement au délai de dépôt prévu pour les députés (676), le texte est retiré de l’ordre du jour et sa discussion est reportée.

Cette procédure a été rénovée en 1998 (677). La résolution, qui a substitué à la dénomination de « procédure d’adoption simplifiée » celle de « procédure d’examen simplifiée », a déterminé les conditions de recevabilité des demandes de recours à cette procédure et en a défini les différentes modalités, selon que le texte soumis à celle-ci fait ou non l’objet d’amendements, ou qu’il s’agit d’un projet de loi autorisant la ratification d’un traité ou l’approbation d’un accord international non soumis à ratification.

Dans ce dernier cas, les textes en cause continuent à faire l’objet d’une procédure abrégée, le président mettant directement aux voix l’ensemble du texte, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents ; la procédure d’examen simplifiée « de droit commun » fait, depuis lors, une plus large place aux interventions des parlementaires, puisque sont autorisées celle du rapporteur de la commission saisie au fond, pour dix minutes au maximum, celle du ou des rapporteurs pour avis, pour cinq minutes chacun au maximum, ces interventions étant suivies d’une discussion générale limitée à un orateur par groupe, pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun.

Désormais, sur chaque amendement, ne peuvent intervenir, outre le Gouvernement, qu’un des auteurs de l’amendement, la commission et un orateur contre. Le président ne peut plus autoriser un orateur à répondre au Gouvernement ou à la commission et les interventions des commissions ou des députés sur les articles ont été interdites.

PROCÉDURE D’EXAMEN SIMPLIFIÉE

(articles 104 à 107 du Règlement de l’Assemblée nationale)

Phase

Texte sans amendement (article 106)

Texte autorisant la ratification d’un traité

(article 107)

Texte avec amendements

(article 106)

Discussion générale

– Rapporteur de la commission saisie au fond (10 minutes)

– Rapporteur(s) de la ou des commissions saisies pour avis (5 minutes)

– Représentant de chaque groupe (5 minutes)

Pas d’intervention

– Rapporteur de la commission saisie au fond (10 minutes)

– Rapporteur(s) de la ou des commissions saisies pour avis (5 minutes)

– Représentant de chaque groupe (5 minutes)

Discussion des
articles

Appel des seuls articles faisant l’objet d’amendements

Sur chaque amendement :

― Auteur de l’amendement ou membre de son groupe

― Gouvernement

― Président et rapporteur de la commission saisie au fond

― Un orateur contre

Adoption

Vote sur l’ensemble

Mise aux voix immédiate de l’ensemble du texte.

Vote sur l’ensemble

NB : le Gouvernement peut prendre la parole à tout moment pour chacune de ces procédures (article 31 de la Constitution : « les membres du Gouvernement ont accès aux deux assemblées. Ils sont entendus quand ils le demandent. »)

Parmi les pistes explorées depuis des décennies pour revaloriser le Parlement, l’idée d’accorder un pouvoir législatif aux commissions a été souvent évoquée. Ainsi, notre collègue Pascal Clément, dans son rapport sur la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale en 2003, en évoquant les exemples italien et espagnol, estimait qu’« on pourrait imaginer de déléguer aux commissions un rôle législatif et de ne renvoyer en séance publique que certains textes ou articles. Cette innovation nécessiterait une révision des articles 34, 42 et 44 de notre Constitution » (678), tout en s’interrogeant sur l’introduction d’une telle réforme eu égard « à l’esprit de la Constitution de 1958 qui donne d’importantes prérogatives à l’exécutif et à la conception française de la souveraineté nationale ».

Un même mouvement a été engagé par le Sénat. Dans leur rapport remis le 31 janvier 1990 sur le fonctionnement du Sénat, MM. Henri de Raincourt, Guy Allouche et Gérard Larcher, relevant une « multiplication anarchique des séances et tout particulièrement des séances de nuit souvent obstruées par un nombre excessif d’amendements techniques », avaient proposé d’« alléger les débats législatifs » en augmentant le rôle délibératif des commissions et en promouvant la législation déléguée et la législation sous réserve de ratification. Mais la réforme s’est heurtée à une limite constitutionnelle rédhibitoire.

• Une limite constitutionnelle

En effet, dans sa décision n° 90-278 DC du 7 novembre 1990 (679), le Conseil constitutionnel a relevé le caractère inconstitutionnel des dispositions que le Sénat souhaitait introduire dans son Règlement afin, notamment, d’autoriser, en séance publique, les votes sans débat de textes examinés et éventuellement amendés en commission.

S’il précise que l’examen d’un projet ou d’une proposition de loi par la commission saisie au fond constitue une phase de la procédure législative et « qu’il est loisible à une assemblée parlementaire, par les dispositions de son règlement, d’accroître le rôle législatif préparatoire de la commission saisie au fond du texte d’un tel projet ou d’une telle proposition, dans le but de permettre une accélération de la procédure législative prise dans son ensemble », il relève que « les modalités pratiques retenues à cet effet doivent être conformes aux règles de valeur constitutionnelle de la procédure législative », ce qui implique que soient respectés aussi bien les prérogatives conférées au Gouvernement dans le cadre de cette procédure que les droits des membres de l’assemblée concernée et, en particulier, l’exercice effectif du droit d’amendement.

Sur ce fondement, les projets de loi de finances, les projets de loi de l’article 38 de la Constitution et les projets de loi tendant à autoriser la prorogation de l’état de siège étant notamment exclus du dispositif, le délai de dépôt des amendements ne s’imposant qu’aux sénateurs, la présence du Gouvernement en commission étant prévue, l’application de l’irrecevabilité des articles 40 et 41 de la Constitution de même que celle du vote bloqué étant possibles, le Conseil constitutionnel a admis que le mécanisme ne portait pas atteinte aux prérogatives du Gouvernement.

En revanche, il a déclaré contraire à la Constitution la procédure qui prévoyait, dans le cadre d’un « vote sans débat », que le président de séance puisse mettre aux voix l’ensemble du texte, y compris les amendements adoptés par la commission lorsqu’il n’en existe pas d’autres, dès lors qu’elle interdirait à tout membre de l’assemblée saisie du texte de reprendre en séance plénière un amendement relatif à celui-ci au motif que cet amendement aurait été écarté par la commission saisie au fond.

Cette position sera confirmée dans sa décision n° 91-292 DC du 23 mai 1991 ou encore dans sa décision n° 94-338 DC (680). Cette invalidation retirait au vote sans débat une grande partie de son intérêt pratique, ce qui explique l’insuccès au Sénat des procédures abrégées.

• Un aménagement souhaitable

La sphère des procédures simplifiées reste encore trop largement limitée aux projets autorisant la ratification des traités ou l’approbation d’accords internationaux, comme le montre, pour l’Assemblée nationale, le tableau ci-dessous.

BILAN DE L’UTILISATION DE LA PROCÉDURE D’EXAMEN SIMPLIFIÉE
À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Années

Textes ayant fait l’objet d’une
demande

Opposition

Textes adoptés selon la procédure d’adoption simplifiée, dont :

Autorisation de ratification d’un traité

Autres

1990-1991

6

2

2

2

1991-1992

24

1

20

3

1992-1993

13

2

11

1993-1994

20

20

1994-1995

15

1

14

1995-1996

34

1

33

1996-1997

13

3

10

1997-1998

35

3

29

3

1998-1998

22

3

19

1999-2000

68

1

53

14

2000-2001

24

17

7

2001-2002

27

27

2002-2004

53

45

8

2004-2005

54

1

52

1

2005-2006

26

2

22

2

2006-2007

28

28

TOTAL

462

20

402

40

En tout état de cause, la Constitution, telle qu’éclairée par le Conseil constitutionnel, en particulier dans sa décision précitée de 1990, interdit d’aller plus loin, dès lors que chaque amendement, conformément aux principes constitutionnels du droit d’amendement, doit pouvoir être défendu en séance publique, même s’il a été rejeté lors de l’examen du projet ou de la proposition par la commission saisie au fond.

Pourtant, ainsi que le soulignait déjà notre collègue Didier Migaud, aujourd’hui président de la commission des Finances, dans son rapport sur la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale, en 1991, « la rénovation des procédures abrégées de discussion de certains textes législatifs (…) permettra sans nul doute de gagner un temps qui pourra être utilement consacré à d’autres débats, relevant de la fonction de contrôle de l’action gouvernementale » (681).

Le dispositif sénatorial, censuré en 1990 par le Conseil constitutionnel, pourrait être réintroduit. Si c’était le cas, le rapport de la commission devrait reproduire en annexe le texte des amendements non retenus par elle ainsi que leur motivation, impliquant a contrario que ces amendements ne pourraient être défendus une seconde fois, en séance plénière.

Reprenant la proposition n° 36 du « comité Balladur », la révision, en autorisant la possibilité de prévoir un régime distinct des amendements selon qu’ils sont examinés seulement en commission ou bien à la fois en commission et en séance, permettra donc de lever un verrou.

Mais plusieurs questions se posent.

La première est celle de l’intérêt qu’une telle réforme pourrait avoir dès lors que les amendements techniques et rédactionnels à des textes eux-mêmes techniques seront intégrés dans le texte de la commission soumis à l’examen de l’assemblée concernée en application de la nouvelle rédaction de l’article 42 de la Constitution : le temps gagné ne serait sans doute pas considérable, mais la différence se trouverait tout de même dans l’absence de discussions de motions et d’inscription d’orateurs sur les articles.

La deuxième question est celle de la catégorie de textes susceptibles d’être examinés de cette manière.

Aujourd’hui, potentiellement, tous les textes peuvent être soumis aux procédures abrégées, sauf au Sénat qui exclut expressément un certain nombre de textes (682). Mais, on l’a vu, seuls les projets autorisant la ratification ou l’approbation de conventions internationales sont régulièrement examinés de cette manière.

Demain, les souplesses apportées rendront la nouvelle procédure plus attractive et il est possible de penser, ainsi que l’ont déjà réclamé plusieurs parlementaires (683), qu’elle sera parfaitement adaptée à l’examen des projets de loi habilitant le Gouvernement à prendre des mesures de codification, par exemple (684) ou plus encore à l’examen des projets de loi de transposition de directives, textes souvent très techniques et à l’enjeu politique « réduit » – tout a été décidé en amont par l’Union européenne –, même si l’enjeu symbolique peut être important.

Cette solution serait une alternative, efficace et plus respectueuse des droits du Parlement, à celle utilisée ces dernières années pour combler, à juste titre, un retard de transposition, consistant à habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnances, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution (685).

Cette voie a d’ailleurs déjà été évoquée à plusieurs reprises dans ce contexte (686). En 2000, M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement, à l’occasion du débat sur un projet de loi d’habilitation du Gouvernement à transposer des directives communautaires, pouvait ainsi déclarer : « Faudra-t-il, comme en Allemagne, imaginer une procédure de discussion accélérée permettant d’introduire un même texte de transposition simultanément dans les deux chambres ? Faudra-t-il, comme en Italie, habiliter chaque année en bloc l’exécution des obligations communautaires dans des secteurs multiples ? Faudra-t-il prévoir pour les projets de loi transposant des directives une saisine pour avis de votre délégation pour l’Union européenne, comme le propose son président, M. Alain Barrau, ou bien encore appliquer davantage la procédure d’examen simplifiée, qui a été introduite dans le Règlement de l’Assemblée en mai 1991 mais qui reste sous-utilisée ? Le débat est ouvert, ici comme dans les autres pays de l’Union, jusque même en Grande-Bretagne où la Chambre des Communes, la mère de tous les parlements, autorise pourtant des délégations législatives afin que le Gouvernement transpose par voie réglementaire des textes communautaires de nature technique. » (687)

Cette voie pourrait être également empruntée dans le cas de mesures d’actualisation et d’adaptation du droit applicable outre-mer.

En troisième lieu, dès lors que des débats sur certaines questions ne pourront avoir lieu qu’en commission, la question de la publicité se pose.

Il se pourrait même que la publicité ainsi consacrée ait pour corollaire la publication d’un compte rendu intégral des débats en commission publié au Journal officiel, à l’instar du compte rendu intégral de la séance publique. En tout état de cause, la présence des députés non membres de la commission saisie au fond se fera plus forte.

Il existe, à cet égard, trois degrés dans l’ouverture. Le premier consiste à ouvrir la commission saisie au fond à tous les membres de l’assemblée concernée, comme cela est prévu aujourd’hui à l’Assemblée nationale (688) et comme cela est appelé à se développer dans le futur, dans la mesure où la commission saisie au fond est susceptible d’intégrer les amendements « extérieurs ». Le second degré permet au Gouvernement d’accéder aux réunions de commission : c’est la règle au Royaume-Uni, c’est possible en Allemagne (689) et en France (690). Le troisième degré consiste à ouvrir la commission au public, c’est la règle au Royaume-Uni, c’est possible en Allemagne.

Enfin, il convient de souligner que l’exemple des leggine ou « petites lois » italiennes – qui vont encore plus loin que la procédure proposée puisqu’elles constituent une véritable procédure de législation en commission, sans ratification en séance plénière –, si souvent cité à l’appui de la promotion de procédures abrégées, ne résiste pas à un examen un tant soit peu attentif : cette procédure même est de moins en moins utilisée.

À ce propos, le « comité Vedel » n’avait pas cru devoir retenir la proposition figurant dans la lettre de mission du Président de la République et tendant à ce que la loi puisse, en certains cas, être définitivement votée en commission. « Il ne lui a pas paru que l’encouragement à une spécialisation des élus était une bonne chose pour la démocratie ni d’ailleurs que les critères permettant de réserver certains textes à cette procédure simplifiée fussent en eux-mêmes faciles à définir. Par ailleurs, la solution qui consisterait à faire autoriser le renvoi en commission par l’assemblée elle-même ne paraît pas de nature à apporter une véritable simplification du travail législatif. »

LES LEGGINE ITALIENNES : CONTRE CERTAINES IDÉES REÇUES

La Constitution de la République italienne du 27 décembre 1947, dans son article 72, dispose que « tous projets ou propositions de loi, présentés à l’une des deux Chambres sont, suivant les dispositions de son règlement, examinés par une commission et ensuite par cette même assemblée », mais aussi que le règlement de chaque chambre « peut prévoir dans quels cas et sous quelles formes l’examen et l’adoption des projets ou propositions de loi sont envoyés à des commissions, même permanentes, composées de manière à reproduire la représentation proportionnelle des groupes parlementaires. Dans ces cas aussi, jusqu’au moment de leur adoption définitive, le projet ou la proposition de loi sont remis à l’assemblée, si le Gouvernement ou un dixième des membres de l’assemblée ou un cinquième des membres de la commission demandent qu’ils soient discutés et votés par cette même assemblée ou qu’ils soient soumis à son adoption finale par de simples explications de vote. Le règlement détermine les formes de publicité des travaux des commissions. » Ainsi, la procédure en commission doit revêtir les mêmes formes de publicité et de transparence que la procédure en assemblée.

Il y est également précisé que « la procédure normale d’examen et d’adoption directe par l’assemblée est toujours adoptée pour les projets ou propositions de loi en matière constitutionnelle et électorale et pour ceux portant délégation législative, autorisation de ratifier des traités internationaux, adoption de budgets et de comptes ».

Le Règlement de la Chambre des Députés, dans son article 92, précise que peuvent être concernés par la procédure d’approbation en commission les projets ou propositions de loi « qui n’ont pas une importance manifeste d’ordre général » ou « revêtant une urgence particulière ». Dans ce cas, le Président de la Chambre peut proposer à celle-ci que le projet ou la proposition de loi soit renvoyé à une commission permanente ou spéciale, qui siège alors « en procédure législative » (in sede legislativa). Cette proposition est inscrite à l’ordre du jour de la séance suivante. En cas d’opposition, la Chambre, après avoir donné la parole à un orateur contre et à un orateur pour, vote à main levée. L’opposition peut provenir soit du Gouvernement, soit d’un dixième des députés.

Les leggine, permises par l’article 72 de la Constitution, sont souvent données en exemple pour justifier la promotion d’une adoption des textes en commission aux fins d’alléger la séance publique de questions secondaires.

La première remarque qui s’impose concerne le champ de la matière traitée respectivement par le Parlement italien et par le Parlement français. Le premier investit des champs normatifs qui ont été bannis, à juste titre, du second. C’était tout le sens de la « révolution juridique » matérialisée en 1958 par les articles 34 et 37 de la Constitution (1).

La deuxième remarque porte sur la différence de nature entre les leggine et ce que la France connaît avec les procédures d’examen simplifiées. En effet, dans le premier cas, il s’agit d’une véritable législation déléguée, où les droits de l’opposition sont préservés par la garantie d’une représentation proportionnelle dans les commissions et par la possibilité pour elle, dès lors qu’elle réunit au moins un dixième des députés, de s’opposer à cette procédure. Dans le second cas, en revanche, la procédure n’est qu’allégée ; le dernier mot revient à la séance plénière. Il ne s’agit que d’une compétence législative des commissions sous réserve de ratification.

Par ailleurs, le succès toujours évoqué n’a pas eu lieu. Chaque année, ce ne sont qu’une dizaine ou une vingtaine de textes (quinze en 2006, neuf en 2007) qui sont examinés selon cette procédure, le plus souvent des projets de loi modifiant de manière très limitée des lois en vigueur.

Les conditions strictes auxquelles elle est soumise expliquent que cette procédure ne s’est pas développée dans la mesure attendue.

Selon certains observateurs, ce système aurait « grandement contribué au discrédit de la loi aux yeux des citoyens. En effet, la plupart du temps les lois approuvées par les commissions parlementaires règlent des matières assez spécifiques, à tel point qu’elles se réduisent souvent à réglementer des cas individuels et concrets. 

« Les commissions sont largement responsables du phénomène de la bureaucratisation de la loi en raison de leur liaison permanente avec les différents bureaux de l’administration publique chargés de traiter la même matière. Ces derniers ont tendance à renvoyer aux commissions permanentes les problèmes qu’ils devraient examiner et résoudre, à demander une loi ad hoc et à transférer au Parlement la responsabilité de faire des choix qui seraient de leur compétence. La loi devient de plus en plus un acte de gouvernement.

« Le système des commissions permanentes et la possibilité qu’elles ont d’approuver directement des projets de loi sont une des causes de la transformation de la loi en un véritable acte administratif. » (2)

(1) M. Claude Goyard, « Équilibre des institutions et équilibre des pouvoirs », in L’esprit des institutions, l’équilibre des pouvoirs, mélanges en l’honneur de Pierre Pactet, Dalloz, 2003, page 3.

(2) Intervention de M. Damiano Nocilla, Actes du colloque « Vive la loi », Sénat, 25 mai 2004.

Ainsi, aujourd’hui, les procédures abrégées au Parlement français ne sont qu’extrêmement rarement utilisées pour les textes appelant quelques amendements. La nécessité constitutionnelle de prévoir un droit d’opposition, qui s’effectue en Conférence des Présidents (691) ou au plus tard la veille de la discussion à dix-sept heures à l’initiative du Gouvernement, du président de la commission saisie au fond ou du président d’un groupe (692), rend, en effet, relativement incertain le recours à cette procédure pour des projets de loi appelant des amendements autres que techniques.

Mais, la rédaction nouvelle proposée du premier alinéa de l’article 44 pourrait permettre d’aller au-delà de la seule « revitalisation » des procédures abrégées en autorisant, lorsque la nature des textes l’exige, d’organiser la discussion en séance publique des articles et des amendements de manière plus prévisible.

b) La promotion d’une procédure de discussion concertée

La question de la « tonicité » des débats en séance publique n’est pas tout à fait nouvelle. Le général De Gaulle, dans ses Mémoires, notait déjà que « la complexité de la société moderne pour laquelle légifèrent les Chambres complique leur tâche de plus en plus. Les sujets de leurs délibérations sont si variés et divers que les interventions foisonnent. Mais, comme sessions et séances sont limitées, il en résulte que les " temps de parole " se trouvent réduits à l’extrême. De ce fait, auquel s’ajoutent la primauté des considérations techniques et l’embrigadement des opinions, on ne mêle plus guère aux débats les émouvantes généralités, envolées et argumentations dont les grandes voix d’autrefois remuaient et charmaient l’assistance. Une sorte de mécanisation morose régit maintenant les assemblées. À moi, qui ai toujours révéré les talents oratoires dont s’illustrait la tribune française, cet effacement de la rhétorique inspire de la mélancolie. » (693)

M. Jean-Louis Debré, alors Président de l’Assemblée nationale, à l’occasion de ses vœux au Président de la République, avait estimé qu’« il importe également de transformer notre façon de légiférer. L’absence d’organisation dans la conduite de nos débats nous amène, presque systématiquement, à consacrer un temps qui n’est pas forcément justifié aux premiers articles d’un texte de loi, trop souvent déclaratifs, et aux premiers amendements inscrits, au détriment des articles ultérieurs dont la portée pratique est parfois bien plus considérable. » (694) Déjà, M. Michel Ameller avait estimé qu’il faudrait « revenir à la règle ancienne consistant à attribuer un temps de parole global à chaque groupe. Une fois ce temps épuisé par les manœuvres de retardement, la procédure reprendrait son cours normal. » (695)

Le Règlement de l’Assemblée nationale de 1959 permettait ainsi d’organiser l’ensemble de la discussion d’un texte soumis à l’Assemblée, y compris celle des articles et amendements. Cette possibilité a été supprimée à l’occasion de la réforme de 1969 (696) sans que les travaux préparatoires ne permettent d’en déterminer la justification (697). Mais ce qui apparaissait alors comme une évidence apparaît aujourd’hui comme une lacune.

Si le faible nombre d’amendements déposés alors sur les textes en discussion ne justifiait pas, à l’époque, le maintien de ce dispositif (698), l’inflation normative, l’explosion du nombre d’amendements, l’utilisation du temps de présence dans l’hémicycle comme moyen existentiel, ne permettent plus de maintenir de bonne foi cette suppression et fondent a contrario la nécessité de rétablir un tel mécanisme qualifié parfois de « temps global ».

Les enjeux sont connus. La réglementation doit concilier deux exigences opposées : « la discussion doit être libre et complète, pour permettre à toutes les opinions de se manifester, mais elle doit être aussi féconde et suffisamment rapide pour permettre aux Chambres d’aboutir et de remplir les exigences d’un ordre du jour de plus en plus lourdement chargé ». Ces propos ne datent pas d’hier mais de 1930 (699).

Plus récemment, deux auteurs pouvaient relever tous les inconvénients qu’il y avait pour le Parlement à laisser se développer l’obstruction par le jeu de la multiplication des amendements : « Ce parasitage de la délibération par des éléments qui lui sont étrangers n’a pas seulement pour effet de l’alourdir inutilement, il induit trois effets négatifs qui parfois se cumulent. Le temps oiseux, le temps vide se substitue au temps dialectique, au temps productif de la délibération : le temps perdu chasse le temps utile. L’argumentation redondante ou spécieuse tend à vicier l’ensemble du débat, en le déplaçant de l’essentiel vers l’accessoire ou l’inutile : la mauvaise délibération chasse la bonne. Enfin, pour vaincre les lenteurs ou briser l’obstruction, le Gouvernement, " maître de l’ordre du jour ", sera tenté d’user des armes constitutionnelles qui raccourcissent ou suppriment la délibération pour en venir plus vite à la décision : le bruit engendre un mal peut-être pire, le silence. » (700)

C’est pourquoi, il est proposé de permettre, sur la base de l’inscription autorisée par le présent article dans les règlements des assemblées et dans le cadre d’une loi organique, de fixer des conditions et des limites au droit d’amendement.

Cette modification reprend la proposition n° 33 du « comité Balladur » qui estimait qu’« en l’état actuel, le déroulement de la procédure législative s’apparente souvent plus à un jeu de rôles qu’à un travail. Discussion prolongée de motions de pure procédure en préambule à l’examen du texte lui-même, discussion générale trop longue, émaillée de discours convenus et répétitifs, bataille d’amendements en trop grand nombre, examen précipité des articles : le président de la commission des Lois de l’Assemblée nationale a brossé, lors de son audition par le Comité, un tableau sans complaisance de ce qu’est devenue une séance dans l’hémicycle. Et nul ne l’a démenti. » (701)

Selon lui, « la voie d’une réforme durable passe (…) par une organisation concertée des débats », ce qui impliquerait, selon un schéma proche de celui proposée par la commission des Lois lors de l’examen de la réforme du Règlement de juin 2006, « de donner à la Conférence des Présidents de chaque assemblée la charge de fixer une durée programmée de discussion pour l’examen des projets et propositions de loi. Cela suppose que le temps de la discussion, y compris celui consacré aux motions de procédure, à la discussion générale et à celle des articles soit réparti entre les groupes politiques et, on y reviendra, que les textes aient été suffisamment examinés en commission avant leur passage » en séance. « Une fois écoulé le temps de la discussion, celle-ci serait close et l’on en viendrait au vote. En cas de besoin, la Conférence des Présidents disposerait de la faculté de décider qu’il y a lieu de prolonger le débat, en accord avec le Gouvernement. »

Dans le même esprit, M. Jean-Pierre Bel, président du groupe Socialiste du Sénat, dans sa proposition de loi constitutionnelle de juillet 2007, suggérait de modifier l’article 48 de la Constitution pour prévoir que le Gouvernement puisse, après avis de la Conférence des Présidents de l’assemblée saisie, fixer un délai pour l’examen d’un projet de loi. À l’expiration de ce délai, qui ne peut être inférieur à une semaine, l’assemblée se prononcerait par un seul vote sur les dispositions du texte qu’elle n’a pas encore examinées, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement (702).

Mais la portée de ces nouvelles dispositions serait anéantie si les efforts d’organisation de la séance publique, recentrée sur une délibération exigeante, prévisible, plus riche dans son contenu, en résumé, plus bénéfique pour la qualité de la loi, étaient précédés d’une dérive dommageable des débats au sein des commissions. Il serait inutile d’organiser la séance publique pour lutter contre l’obstruction si celle-ci était reportée en amont et n’autorisait pas les commissions à aboutir à un texte susceptible de servir de fondement à la discussion en séance publique.

Ainsi, non seulement, cette dérive entrerait en contradiction avec la nécessité d’améliorer les débats en séance, amélioration permise par la nouvelle rédaction proposée de l’article 44 de la Constitution, mais également avec la revalorisation du travail parlementaire qu’offre la nouvelle rédaction de l’article 42.

En conséquence, il convient de souligner que la faculté qui est ouverte par le présent article de distinguer le régime des amendements discutés en commission et celui des amendements discutés en séance et d’appliquer à ces différents régimes certaines conditions d’exercice et certaines limites permettra d’organiser également les débats et l’examen des amendements en commission, de telle sorte que l’obstruction, toujours source de dévalorisation du Parlement, puisse être évitée.

Cette mesure doit également se comprendre au regard de la restriction apportée, dans l’article 23 du présent projet de loi constitutionnelle, au mécanisme de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution qui ne pourra plus être utilisé pour lutter contre l’obstruction (703).

Par ailleurs, la loi organique prévue par le présent article devra fixer certaines conditions à l’exercice par le Gouvernement de son droit d’amendement. En effet, si le Conseil constitutionnel censure déjà, comme on l’a vu, des amendements qui sont dépourvus de tout lien avec le projet de loi que le Gouvernement a lui-même déposé, l’expérience montre qu’il n’est pas rare que celui-ci dépose tardivement, voire après que la discussion générale a commencé, des amendements qui, sans être dépourvus de tout lien avec le texte, sont suffisamment substantiels pour mériter d’être examinés avec toute l’attention nécessaire par la commission saisie au fond.

Lors de ses vœux au Président de la République, le 4 janvier 2007, M. Jean-Louis Debré, alors Président de l’Assemblée nationale, avait eu l’occasion d’appeler le Gouvernement à réserver les lois aux actions publiques qui rendent indispensable une approbation du Parlement, à ne pas présenter des textes trop longs mais aussi à ne pas abuser de son droit d’amendement : « le Gouvernement doit se montrer plus vigilant qu’il ne l’est sur la nature des amendements qu’il accepte et veiller à ce qu’ils n’accroissent pas la complexité d’un ordonnancement juridique déjà passablement obscur » (704).

Dans ses vœux au Président de la République du 4 janvier 2007, M. Pierre Mazeaud, Président du Conseil constitutionnel, a pu rappeler que « le Conseil constitutionnel s’est montré déterminé à défendre la qualité de la loi et à revaloriser le travail parlementaire. La meilleure illustration de cette résolution est sa décision du 14 décembre sur une loi de financement de la sécurité sociale qui a battu tous les records précédents en matière (…) d’amendements tardifs du Gouvernement. » (705)

Ces déclarations soulèvent donc bien une difficulté, celle des amendements du Gouvernement qui, très souvent loin d’être de pure forme, apportent des modifications substantielles à son propre projet de loi initial et auxquels ne s’appliquent aucune limite de délai, ce qui conduit parfois à placer le Parlement dans la position abrupte d’accepter ou de rejeter en bloc des dispositifs qui auraient mérité la même attention que le projet de loi lui-même.

Certes, la jurisprudence de l’« entonnoir » développée par le Conseil constitutionnel (706), qui s’applique aussi bien aux amendements des parlementaires qu’à ceux du Gouvernement, contraint celui-ci à élaborer avec un plus grand soin les projets qu’il dépose, le repentir lui étant chichement compté. Mais, elle ne s’applique pas à la première lecture.

De la même façon que l’« entonnoir » s’applique aux amendements du Gouvernement, il ne serait pas déraisonnable de leur appliquer, à l’instar des amendements des parlementaires, certaines limites. C’est pourquoi, le « comité Balladur », dans sa proposition n° 31, envisageait de modifier l’article 44 de la Constitution pour interdire au Gouvernement le dépôt d’articles additionnels à ses propres projets, dès lors que ces articles sont sans lien direct avec une des dispositions du texte en discussion ou « dont l’adoption est soit justifiée par des exigences de caractère constitutionnel soit nécessitée par la coordination avec d’autres textes en cours d’examen au Parlement ». Il excluait de cette interdiction les projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, dont le caractère par essence adaptable et hétérogène, requiert une plus grande souplesse.

Cette règle pourra être utilement reprise dans la loi organique prévue par le présent article. Elle se justifie pleinement. Elle se justifie d’autant plus que, dans le futur, en application de l’article 42 de la Constitution tel que modifié par le présent projet de loi constitutionnelle, c’est le texte de la commission qui servira de base à la discussion. Le principe d’un délai de droit commun pour tous les amendements doit donc être envisagé. Les moyens dont bénéficie l’administration exécutive et les délais dont elle dispose pour élaborer ses projets, sans commune mesure avec ceux du Parlement, expliquent qu’une telle limite puisse être imposée dans un contexte de bonne législation. Il faut qu’au début de la discussion toutes les pièces du dossier soient réunies, que les positions des uns et des autres soient mûries autant que faire se peut avant la délibération publique.

En contrepartie, les règles qui régissent l’interdiction des « cavaliers législatifs » mériteraient d’être assouplies en première lecture, comme le propose votre commission des Lois en modifiant l’article 45 de la Constitution (707).

L’entrée en vigueur du présent article est subordonnée à une double condition :

―  la première est liée à l’entrée en vigueur de la loi organique prévue, conformément au II de l’article 34 du présent projet de loi constitutionnelle (708) ;

―  la seconde est liée à la modification des règlements des deux assemblées prévue également par le présent article.

Si la loi organique n’est pas adoptée avant le 1er janvier 2009, les modifications des Règlements ne pourront intervenir à cette date. Un régime transitoire s’ouvrirait alors, régime durant lequel les règles actuelles encadrant le droit d’amendement continueront à s’appliquer à la nouvelle procédure législative telle qu’organisée par les articles 42, 45 et 46 de la Constitution modifiés par le présent projet de loi constitutionnelle (articles 16, 19 et 20). Or, il est prévu, par le II de l’article 34, que cette nouvelle procédure législative entre en vigueur au 1er janvier 2009. En conséquence, compte tenu de la nécessité d’adopter une nouvelle loi organique régissant le droit d’amendement, la réforme dans son ensemble – procédure législative et droit d’amendement – entrerait en vigueur en deux étapes et nécessiterait deux séries de modifications des règlements des assemblées.

La Commission a été saisie de trois amendements de suppression présentés par M. Noël Mamère, M. Patrick Braouezec et M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg a jugé inacceptable d’encadrer le droit d’amendement par une loi organique et par le règlement des assemblées, ce qui permettra à la majorité de restreindre les droits de l’opposition et a fait part de la vive inquiétude du groupe SRC sur ce sujet.

Après avoir rappelé que le respect du droit d’amendement est garanti par le contrôle obligatoire du Conseil constitutionnel sur les lois organiques et les règlements des assemblées, le rapporteur a annoncé qu’il présenterait un amendement tendant à supprimer des restrictions introduites par le Conseil constitutionnel en matière de droit d’amendement, en disposant que, sous réserve des articles 40 et 41 de la Constitution, tout amendement est recevable en première lecture s’il a un lien avec la matière dont traite le texte de loi.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec s’est interrogé sur les moyens de garantir cet objectif dès lors que les conditions d’exercice du droit d’amendement seront fixées par le Règlement.

M. Arnaud Montebourg a réitéré ses inquiétudes sur les intentions de la majorité en matière de réglementation du droit d’amendement, compte tenu de certaines déclarations relatives à l’usage supposé abusif du droit d’amendement par l’opposition.

Après s’être déclaré favorable à l’amendement proposé par le rapporteur à l’article 19 du présent projet de loi constitutionnelle, M. Jean-Christophe Lagarde a considéré que l’introduction dans la Constitution de la notion de limites du droit d’amendement permettrait au Conseil constitutionnel d’accepter des restrictions à ce droit prévues par le Règlement, par exemple une limitation du nombre d’amendements, et a appelé à modifier la rédaction de cet article.

M. François Bayrou a jugé préférable de conserver la rédaction actuelle de l’article 44 de la Constitution, qui garantit le droit d’amendement de manière absolue et intelligible pour tous. Il a estimé que le projet de loi amoindrit cette affirmation en introduisant des réserves, ce qui peut se révéler dangereux dans l’avenir et peut encourager le Conseil constitutionnel à adopter une jurisprudence plus restrictive sur le droit d’amendement.

M. Christophe Caresche a rappelé que les propositions du « comité Balladur » mentionnaient uniquement les conditions du droit d’amendement, et non ses limites. Mme Marietta Karamanli a estimé que le renvoi à une loi organique méconnaît le principe d’autonomie des assemblées.

Le rapporteur a expliqué que son amendement garantirait la recevabilité des amendements, ce qui empêche toute limitation du droit d’amendement. Il a indiqué que le texte permettrait d’imposer des dates limites pour le dépôt des amendements, ce que le Règlement ne peut pas faire s’agissant des amendements du Gouvernement. Il a jugé indispensable une modification des délais de dépôt des amendements, notamment pour le contrôle du respect de l’article 40 de la Constitution par les commissions, dans le cadre de la nouvelle procédure législative.

Après que M. Jean-Yves Le Bouillonnec a considéré que les délais de dépôt constituent des modalités de l’exercice du droit d’amendement et non des limites, la Commission a rejeté ces trois amendements.

Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Patrick Braouezec prévoyant que les parlementaires et le Gouvernement disposent du droit d’amendement à tout moment du débat.

La Commission a rejeté un amendement de M. Noël Mamère et un amendement de M. Patrick Braouezec tendant à supprimer la procédure du vote bloqué, ainsi que deux amendements des mêmes auteurs limitant les possibilités de dépôt d’amendements par le Gouvernement.

Elle a été saisie d’un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde tendant à supprimer la possibilité pour le Gouvernement de demander une nouvelle délibération. Son auteur a déclaré que cette possibilité permettait au Gouvernement de revenir sur un débat qui a eu lieu lorsque les amendements ne lui donnent pas satisfaction, alors qu’il conviendrait de ne remettre en cause les dispositions adoptées qu’au cours de la navette. Le rapporteur ayant émis un avis défavorable, la Commission a rejeté cet amendement.

Puis la Commission a été saisie d’un amendement de M. Arnaud Montebourg prévoyant que le Gouvernement ne peut introduire par amendement des dispositions nouvelles que si celles-ci sont en relation directe avec des dispositions restant en discussion, se justifient par des exigences constitutionnelles ou effectuent une coordination avec d’autres textes en cours d’examen. Son auteur a indiqué que cette proposition a été formulée par le « comité Balladur ».

M. Christophe Caresche a relevé que le projet de loi constitutionnelle reprend les propositions du « comité Balladur » relatives au Parlement mais écarte celles qui instituent des contraintes pour le Gouvernement.

Le rapporteur ayant indiqué que le Conseil constitutionnel contrôle déjà l’usage du droit d’amendement par le Gouvernement, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a été saisie d’un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde permettant au représentant d’un groupe parlementaire de demander, lorsque le Gouvernement sollicite un vote bloqué, un vote sur cette procédure. Le rapporteur ayant émis un avis défavorable, la Commission a rejeté cet amendement.

Puis la Commission a adopté l’article 18 sans modification.

Article 19

(art. 45 de la Constitution)


Conditions de mise en
œuvre de la procédure d’urgence

Cet article renforce les garanties offertes au Parlement dans l’application de la procédure d’urgence qui permet au Gouvernement, dans l’état du droit, de déclencher une telle procédure sans aucune restriction ni limite et de réunir, ainsi, la CMP après seulement une lecture dans chaque assemblée. En effet, il accorde au Parlement un droit de veto exercé conjointement par les Conférences des Présidents des deux assemblées, organes internes à celles-ci dont l’existence est ainsi constitutionnalisée (709).

1. L’efficacité du mécanisme institué par l’article 45

La mécanique législative instituée par la Constitution de 1958 fonctionne. Un nombre de textes très important est adopté au cours de chaque session, dans des délais raisonnables. Le parcours du combattant imposé au Gouvernement sous la IVe République, tant de fois décrit et décrié, appartient au passé. Dès lors que celui-ci exprime la volonté d’aller jusqu’au bout d’un projet, il dispose des moyens de le faire ; les multiples chausse-trappes du débat législatif ont très largement disparu. Le stock des textes en navette reste raisonnable.

À l’exception de certaines catégories de projet mentionnées aux articles 39, 47 et 47-1 de la Constitution, le projet ou la proposition de loi peut être examiné en premier dans l’une ou l’autre des deux chambres. Après ce premier examen, le Sénat délibère sur le texte qui lui a été transmis par l’Assemblée nationale ou réciproquement. Si nécessaire, le projet ou la proposition fait ensuite la navette entre les deux assemblées.

Dans certains systèmes constitutionnels, par exemple celui de la France sous la IIIe République ou celui des États-Unis aujourd’hui, l’adoption définitive d’une loi nécessite toujours l’accord des deux assemblées sur un texte identique et la navette peut donc continuer indéfiniment. Cette conception égalitaire du bicamérisme est évidemment mal adaptée aux besoins de la société actuelle, car il ne suffit pas de faire de bonnes lois, il faut encore les faire rapidement. Et les exemples, tels que la réforme de l’impôt sur le revenu, les congés payés ou le droit de vote des femmes, ne manquent pas dans l’histoire pour montrer les défauts d’un tel système.

En cas de désaccord persistant entre les deux assemblées, il paraît légitime que celle qui représente le plus directement la volonté populaire puisse avoir le dernier mot, ainsi que l’a conçu le Général de Gaulle (710). C’est la solution que consacre la Constitution de 1958, qui, par ailleurs, laisse à la discrétion du Gouvernement le soin de déclencher la procédure de « dernier mot », qui, depuis 1959, a été utilisé pour une sur huit lois adoptées (711).

Lorsque, par suite d’un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de loi n’a pu être adopté après deux lectures par chaque assemblée, le Premier ministre a la faculté de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire (CMP). Mais si le Gouvernement souhaite que le texte soit voté plus rapidement, il peut déclarer l’urgence, ce qui permet au Premier ministre de déclencher la même procédure après une seule lecture par chaque assemblée. L’article 102 du Règlement de l’Assemblée nationale précise que « le Gouvernement peut déclarer l’urgence (…) jusqu’à la clôture de la discussion générale, par une communication adressée au Président. Celui-ci en donne immédiatement connaissance à l’Assemblée. » Si aucune disposition spécifique n’est prévue dans le Règlement du Sénat, une règle similaire à celle fixée par l’article 102 précité y est appliquée.

La CMP, qui comprend sept députés et sept sénateurs désignés par leurs collègues, est chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion.

La suite de la procédure dépend du résultat auquel aboutit cette tentative de conciliation.

Si la CMP parvient à adopter un texte, celui-ci peut être soumis par le Gouvernement aux deux assemblées. Aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement.

Si la CMP n’a pas réussi à élaborer un texte, ou si celui qu’elle a proposé n’a pas été adopté, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par l’Assemblée nationale et par le Sénat, demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement. Dans ce cas, l’Assemblée nationale peut choisir de reprendre soit le texte élaboré par la CMP, soit le dernier texte voté par elle, modifié, le cas échéant, par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat.

Contrairement à ce que certains acteurs des travaux préparatoires des institutions de la Ve République, à l’instar de M. André Chandernagor, avaient estimé, l’utilité de la CMP s’est avérée, dans la très grande majorité des cas, réelle. L’idée selon laquelle les membres représentant l’Assemblée nationale n’y feraient aucun effort de compromis, puisqu’en cas d’échec le dernier mot leur reviendrait, a fait long feu (712).

Si la procédure de l’article 45 peut se combiner avec d’autres mécanismes contraignants pour les assemblées, tels que le vote bloqué ou le recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, les statistiques montrent, d’une part, qu’il n’est pas systématiquement nécessaire de réunir une CMP et, d’autre part, que celle-ci, lorsqu’elle intervient et hors hypothèse de cohabitation, parvient généralement à mettre au point un texte jugé satisfaisant par les deux assemblées et le Gouvernement.

2. La nécessité de préserver cette efficacité tout en tenant compte des améliorations apportées à la procédure de l’article 42

L’article 42 de la Constitution, tel que modifié par l’article 16 du présent projet de loi constitutionnelle, prévoit qu’en cas d’urgence, les délais minimaux d’examen garantis aux assemblées pour examiner les projets ne s’imposent pas.

Le « comité Balladur » a regretté l’abus manifeste avec lequel les gouvernements successifs avaient recouru à la procédure d’urgence. Il constatait ainsi « que le recours à la " déclaration d’urgence " est devenu la règle dans l’organisation des débats parlementaires, ce qui prive, souvent sans motif sérieux, la navette parlementaire de son intérêt, qui est d’améliorer la qualité des textes en discussion. Cette pratique, aggravée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le droit d’amendement, est critiquée de manière récurrente par les Présidents des deux assemblées. » (713)

Les données statistiques, comme le montre le tableau suivant, sont là pour confirmer ce diagnostic.

FRÉQUENCE DES DÉCLARATIONS D’URGENCE (*)

Législature

Taux moyen de déclaration d’urgence
(hors conventions)

Ière législature (1959-1962)

2,53 %

IIe législature (1962-1966)

13,33 %

IIIe législature (1967-1968)

10,20 %

IVe législature (1968-1972)

24,75 %

Ve législature (19673-1977)

30,41%

VIe législature (1978-1980)

33,59 %

VIIe législature (1981-1985)

44,24 %

VIIIe législature (1986-1988)

65,22 %

IXe législature (1988-1991)

51,81%

Xe législature (1993-1997)

37,64%

XIe législature (1997-2002)

42,86%

XIIe législature (2002-2007)

29,49%

(*) Voir statistiques détaillées en annexe, page 611.

En conséquence, le « comité Balladur », en appui à sa proposition n° 34, a estimé « qu’il convenait d’encadrer la procédure de déclaration d’urgence. Aussi propose-t-il de modifier l’article 45 de la Constitution de telle manière que les deux assemblées ensemble puissent opposer leur veto à l’urgence avant même le début de la discussion dans la première des deux chambres (…). Cette décision relèverait de la compétence conjuguée de chacune des deux assemblées. Ainsi celles-ci seraient-elles en mesure d’éviter que l’examen d’un texte ne fasse l’objet que d’une seule lecture dans chacune d’elles. »

Pour éviter que l’exception prévue à l’article 42 modifié ne joue trop souvent et trop facilement et conformément aux recommandations du « comité Balladur », le présent article prévoit de soumettre toute déclaration d’urgence faite par le Gouvernement à un éventuel veto conjoint. Dès lors que les Conférences des Présidents des deux assemblées s’y opposent, il ne pourra plus être fait droit à cette déclaration. Ainsi, ces organes où est représenté le Gouvernement et qui rassemblent autour du Président, les vice-présidents, les présidents des commissions permanentes, le rapporteur général de la commission des Finances, les présidents de groupe et le président de la délégation pour l’Union européenne (714), pourront être juges de l’opportunité d’une telle urgence.

Les règlements des deux assemblées devront être modifiés sur ce point de manière coordonnée de telle sorte que cette procédure de veto soit définie de façon précise et articulée.

Cette disposition répond aux préoccupations exprimées non seulement par les Présidents des assemblées, comme l’a rappelé le « comité Balladur », mais aussi par de très nombreux parlementaires, ainsi qu’en témoigne la récente proposition de loi constitutionnelle déposée par notre collègue Richard Mallié (715).

La limitation du recours à la déclaration d’urgence s’impose d’autant plus – même si elle peut s’avérer nécessaire, par exemple, en début de législature – que la discussion s’engagera sur le texte de la commission, réforme qui, on l’a vu, pour être réussie, doit laisser du temps aux commissions pour travailler.

L’entrée en vigueur des nouvelles règles encadrant les demandes d’urgence par le Gouvernement est subordonnée à la modification des règlements des assemblées, qui doit elle-même intervenir avant le 1er janvier 2009 en application du II de l’article 34 du présent projet de loi constitutionnelle (716).

La Commission a rejeté l’amendement n° 17 de M. Patrick Ollier de suppression de l’article.

Elle a ensuite adopté, à l’unanimité, un amendement du rapporteur prévoyant la recevabilité en première lecture de tout amendement présentant un lien, même indirect, avec le texte en discussion, sous réserve des articles 40 et 41 de la Constitution, M. Arnaud Montebourg ayant exprimé l’accord du groupe SRC avec cet amendement (amendement n° 71).

La Commission a été saisie d’un amendement de M. Arnaud Montebourg prévoyant une répartition égalitaire du temps de parole entre les groupes parlementaires à l’occasion de l’examen des textes législatifs. Le rapporteur ayant jugé que cette question relève du Règlement et rappelé que le partage égalitaire du temps de parole pour les questions au Gouvernement a été supprimé en 1981, la Commission a rejeté cet amendement.

Puis elle a rejeté un amendement de M. Patrick Braouezec supprimant la possibilité de réunir une commission mixte paritaire.

La Commission a été saisie d’un amendement de M. Bertrand Pancher permettant au président de la Conférence des Présidents de l’une des assemblées de s’opposer à la déclaration d’urgence par le Gouvernement.

Le rapporteur ayant observé que cette disposition confère un droit de veto au Sénat lorsque sa majorité est différente de celle de l’Assemblée nationale, cet amendement a été retiré.

La Commission a ensuite rejeté un amendement de M. Noël Mamère permettant à un tiers des députés ou à un tiers des sénateurs de s’opposer à une déclaration d’urgence.

Elle a adopté un amendement de M. Arnaud Montebourg permettant au Président de l’assemblée dont émane une proposition de loi de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire, conformément aux propositions du « comité Balladur », le rapporteur s’y étant déclaré favorable (amendement n° 72).

Puis la Commission a été saisie d’un amendement de M. Arnaud Montebourg interdisant au Gouvernement de déclarer l’urgence plus de cinq fois par session ordinaire, son auteur ayant jugé le recours à la déclaration d’urgence trop fréquent et nuisible au travail parlementaire, comme l’illustre l’examen dans des délais extrêmement contraints du projet de loi sur le pouvoir d’achat en décembre 2007. Le rapporteur ayant émis un avis défavorable, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a adopté l’article 19 ainsi modifié.

Article 20

(art. 46 de la Constitution)


Délai d’examen des projets et propositions de loi organique

Dans un souci de coordination, l’article 20 transpose aux lois organiques en les adaptant les règles d’examen des lois ordinaires prévues à l’article 42 de la Constitution tel que modifié par l’article 16 du présent projet de loi constitutionnelle (717).

1. Le régime juridique des lois organiques

L’article 46 de la Constitution organise la procédure applicable aux lois auxquelles est conféré le caractère de lois organiques, dont l’objectif est de permettre de mettre en œuvre et de préciser les dispositions constitutionnelles. En conséquence, elles doivent pouvoir être modifiées plus facilement que la loi constitutionnelle, mais plus difficilement que la loi ordinaire.

Avant 1958, la notion de loi organique n’était guère stabilisée et pouvait servir à désigner trois types de lois.

D’abord, elle a pu désigner à certaines époques les lois destinées à régir l’organisation générale de l’État et connexes aux dispositions de la Constitution. Ainsi, la Constitution du 27 octobre 1946 prévoyait, dans son article 16, qu’une loi organique réglera le mode de présentation du budget, et, dans son article 66, qu’une loi du même type déterminerait les conditions dans lesquelles pouvaient être représentées à l’Assemblée de l’Union française les diverses parties de la population. Avant elle, la Constitution de 1848, dans son article 115, renvoyait à des lois organiques le soin de compléter les dispositions constitutionnelles, concernant, par exemple, les élections, l’organisation départementale, l’organisation judiciaire ou encore l’enseignement, la force publique ou la presse. C’est dans ce cadre que furent élaborées les lois sur l’état de siège en 1849 et la « loi Falloux » en 1850.

Dans d’autres cas, la Constitution renvoyait à la loi la tâche de régler certaines questions touchant l’organisation des pouvoirs publics sans pour autant utiliser la dénomination de loi organique. Ce fut le cas en 1875 de la loi sur l’élection des sénateurs en date du 2 août ou de la loi du 30 novembre sur celle des députés. Ce fut le cas également en 1946 pour les lois particulières touchant le Conseil économique, la Haute Cour de justice ou encore le régime des collectivités territoriales, visées respectivement dans les articles 25, 59, 86 et 88 de la Constitution du 27 octobre.

Dans d’autres cas encore, des lois de nature organique ont été adoptées sans que la Constitution les ait expressément prévues à l’instar de la loi du 6 janvier 1950 portant modification et codification des textes relatifs aux pouvoirs publics, regroupant les dispositions réglant le statut des parlementaires et le fonctionnement des assemblées.

Ce n’est qu’avec la Constitution de 1958 et son article 46 que la loi organique est sortie du régime procédural de la loi ordinaire et a été hissée au-dessus d’elle. Le texte constitutionnel renvoie à près de trente reprises à des lois organiques. Désormais, le caractère organique d’un texte déclenche, en effet, une série de procédures spécifiques.

S’impose d’abord une condition de délai qui se justifie par le caractère particulièrement important de cette catégorie de loi. Le projet ou la proposition organique n’est donc soumis à la délibération et au vote de la première assemblée qu’à l’expiration d’un délai de quinze jours après son dépôt.

S’imposent ensuite des contraintes particulières de vote.

D’une part, le bicamérisme devient égalitaire dès lors que le projet ou la proposition concerne le Sénat : le texte doit alors être voté dans les mêmes termes par les deux assemblées (718). Un mécanisme semblable est également expressément prévu pour le vote de la loi organique spécifique mentionnée à l’article 88-3 de la Constitution relatif au droit de vote et à l’éligibilité des citoyens de l’Union européenne.

D’autre part, et dans les autres cas, le texte ne peut être adopté par l’Assemblée nationale en dernière lecture qu’à la majorité absolue de ses membres, soit, lorsque l’effectif est complet, par au moins deux cent quatre-vingt-neuf députés.

Enfin, s’impose une contrainte juridique forte, puisque la saisine du Conseil constitutionnel, en cas d’adoption d’une loi organique, est automatique, comme dans le cas des règlements des assemblées. L’article 46 précise que les lois organiques ne peuvent être promulguées qu’une fois déclarée par le Conseil constitutionnel leur conformité à la Constitution. L’article 61 de la Constitution, dans son premier alinéa, dispose que « les lois organiques, avant leur promulgation (…) doivent être soumis(es) au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution ».

2. La garantie d’un délai minimal d’examen des lois organiques

En première lecture, les propositions et les projets de loi organiques seront examinés en séance publique sur la base du texte adopté par la commission saisie au fond, sous réserve que celle-ci soit parvenue à conclure ou n’ait pas rejeté le texte soumis à son examen. Si ces cas se présentent, alors c’est le texte déposé initialement qui sera examiné.

De la même façon, les délais qui s’imposent pour l’examen des lois ordinaires sont applicables aux lois organiques, ce que prévoit expressément le présent article qui modifie le deuxième alinéa de l’article 46. Ainsi la première assemblée saisie bénéficierait d’un minimum d’un mois pour examiner en première lecture le projet ou la proposition de la loi organique, tandis que la seconde assemblée saisie se verrait attribuer, pour sa part, un délai minimal de quinze jours.

Mais l’état du droit prévoyant déjà un délai incompressible de quinze jours pour l’examen d’un projet ou d’une proposition de loi organique entre son dépôt sur le bureau de l’assemblée concernée et sa discussion en séance, ce délai est rendu applicable seulement lorsque l’urgence est déclarée.

Cette procédure d’urgence obéira elle-même aux nouvelles règles définies par l’article 45 de la Constitution tel que modifié par le présent projet de loi (719). Ainsi, les Conférences des Présidents des assemblées pourront conjointement mettre leur veto à une déclaration d’urgence demandée par le Gouvernement sur un projet ou une proposition de loi organique.

Le régime d’entrée en vigueur du présent article suivra, logiquement, celui de l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure législative déterminée par l’article 42 modifié de la Constitution. Dès lors, également subordonnée à la modification des règlements des assemblées, cette entrée en vigueur interviendra le 1er janvier 2009 en application du II de l’article 34 du présent projet de loi constitutionnelle (720).

La Commission a rejeté un amendement de M. Patrick Braouezec supprimant la procédure d’urgence et la pratique de la CMP en matière de loi organique.

La Commission a été saisie d’un amendement de M. Arnaud Montebourg supprimant la disposition selon laquelle les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées en termes identiques par les deux assemblées. Son auteur a indiqué que dès lors que les conditions d’élection des sénateurs ne sont pas modifiées, il convient de limiter les prérogatives du Sénat.

M. Jean-Christophe Lagarde a souligné que si l’idée était bonne, l’adoption de l’amendement risquait d’être interprétée comme une provocation par le Sénat.

Après que son auteur eut contesté qu’il s’agisse d’une provocation, la Commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite adopté l’article 20 sans modification.

Après l’article 20

La Commission a examiné un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde prévoyant l’équilibre des lois de finances, en fonctionnement, à compter de 2012. Son auteur a indiqué que cet amendement visait à mettre en œuvre un engagement du Président de la République. Estimant que sa rédaction devait être améliorée, il a retiré cet amendement en vue du dépôt ultérieur d’un amendement plus complet.

La Commission a alors été saisie d’un amendement de M. François Bayrou tendant à interdire le déficit de fonctionnement du budget de l’État, en dehors des cas de récession économique.

Son auteur a indiqué que cet amendement visait à instituer un garde-fou contre la persistance des déficits et l’augmentation de la dette publique. Il a jugé l’amendement vertueux, tout en soulignant qu’il n’était pas rigide puisqu’il permet de s’exonérer de cette règle en cas de récession.

Le rapporteur a rappelé qu’un groupe de travail constitué à l’initiative de M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, et comprenant parmi ses membres M. Gilles Carrez, rapporteur général du budget, M. Didier Migaud et M. Charles de Courson réfléchissait à la rédaction d’un amendement ayant une telle finalité.

La Commission a alors rejeté cet amendement.

Un amendement similaire concernant les lois de financement de la sécurité sociale a été retiré par M. Jean-Christophe Lagarde.

Article 21

(art. 47, 47-1 et 47-2 [nouveau] de la Constitution)


Missions de la Cour des comptes

L’assistance de la Cour des comptes au Parlement, qui a pour fondement les articles de la Constitution relatifs aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, privilégie les relations avec les commissions chargées des finances et celles chargées de l’examen des lois de financement de la sécurité sociale. L’inscription dans la Constitution d’une définition des missions du Parlement (article 9 du projet) et la volonté de développer les activités de contrôle parlementaire justifient qu’un nouvel article 47-2 de la Constitution étende et précise les missions de la Cour des comptes en matière de contrôle et d’évaluation des politiques publiques.

1. Une assistance de la Cour des comptes au Parlement en essor

L’assistance de la Cour des comptes au Parlement est prévue par deux dispositions constitutionnelles :

—  le dernier alinéa de l’article 47, qui dispose que « la Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances » (721;

—  le dernier alinéa de l’article 47-1, introduit par la révision constitutionnelle du 22 février 1996 (722), qui dispose que « la Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ».

Le contenu de la mission d’assistance de la Cour des comptes en matière de lois de finances est précisé par la LOLF précitée, dont l’article 58 a élevé au niveau organique les relations entre la Cour des comptes et les commissions parlementaires chargées des finances :

—  la Cour des comptes participe aux missions de contrôle et d’évaluation, à la demande des présidents et rapporteurs généraux de ces commissions (723) ;

—  elle doit réaliser « toute enquête demandée par (ces commissions) sur la gestion des services ou organismes qu’elle contrôle », les conclusions de ces enquêtes devant être « obligatoirement communiquées dans un délai de huit mois après la formulation de la demande à la commission dont elle émane, qui statue sur la publication » (724).

Dans le cadre de sa mission d’assistance au Parlement, la Cour des comptes remet, par ailleurs, chaque année au Parlement un certain nombre de rapports :

—  le traditionnel « rapport annuel », transmis au Parlement depuis une loi du 21 avril 1832 et rendu public depuis 1936. Ce rapport peut donner lieu, depuis une loi organique du 12 juillet 2005 (725), à un débat lors de sa présentation en séance publique au Parlement (726) ;

—  un rapport sur l’exécution des lois de finances de l’exercice antérieur, qui est déposé conjointement au projet de loi de règlement, et qui est rendu public depuis 1994 ;

—  un rapport sur la certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l’État, qui est annexé au projet de loi de règlement, cette certification étant effective depuis l’exercice budgétaire 2006 (727) ;

—  un rapport préliminaire conjoint au rapport présenté chaque année par le Gouvernement au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, qui permet de préparer l’éventuel débat d’orientation budgétaire (728;

—  un rapport conjoint au dépôt de tout projet de loi de finances sur les mouvements de crédits opérés par voie administrative dont la ratification est demandée dans ledit projet.

La multiplication récente des enquêtes demandées à la Cour des comptes par la commission des Finances de l’Assemblée nationale et par celle du Sénat traduit la volonté d’exercer pleinement les pouvoirs de contrôle confiés au Parlement. De 2002 à 2006, quarante-trois rapports ont ainsi été transmis par la Cour des comptes aux commissions des Finances. Il peut arriver que la Cour des comptes, du fait de son programme de travail, ne transmette son enquête qu’à l’issue d’un délai supérieur à huit mois (729). La plupart du temps, la commission décide de procéder à la publication de l’enquête, ce qui confère une publicité et une transparence souhaitables aux activités de contrôle exercées par les instances parlementaires. Toutefois, la Commission demeure libre de renoncer à publier une enquête de la Cour des comptes (730).

LES ENQUÊTES DE LA COUR DES COMPTES DESTINÉES À LA COMMISSION
DES FINANCES DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

 

2003

2004

2005

2006

2007

Total

Enquêtes demandées

8

4

8

5

2

27

Enquêtes transmises et publiées

4

2

6

6

5

23

En outre, la Cour des comptes transmet également aux commissions des Finances les référés qu’elle adresse aux ministres (731). Ces référés permettent aux rapporteurs spéciaux d’orienter leurs travaux ou de mener des auditions spécifiques.

La mission d’assistance de la Cour des comptes aux commissions compétentes en matière de lois de financement de la sécurité sociale, plus récente, est également précisée par des dispositions organiques :

—  la Cour établit un rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (article L.O. 132-3 du code des juridictions financières) ;

—  elle établit un rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale, à compter de l’exercice 2006 (article L.O. 132-2-1 du même code) (732) ;

—  elle peut être saisie de toute question relative à l’application des lois de financement de la sécurité sociale et doit alors procéder aux enquêtes nécessaires et communiquer ses conclusions à la Commission, qui statue sur leur publication (article L.O. 132-3-1 du même code) (733).

L’assistance de la Cour des comptes au Parlement est donc de plus en plus large. Ses travaux communiqués au Parlement représentent aujourd’hui 52 % de l’ensemble de ses travaux, contre 26 % en 2002 (734).

Le Parlement, s’il peut recourir à la Cour des comptes pour l’assister dans son contrôle des finances de l’État et des finances sociales, rencontre toutefois des limites dans cette assistance.

Lors du contrôle de la LOLF du 1er août 2001, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition de l’article 58 qui prévoyait la transmission annuelle au Parlement, pour avis, du projet de programme de travail de la Cour des comptes. Le Conseil a en effet considéré que cette transmission serait une atteinte à son indépendance (735).

Rappelant que la Cour des comptes est chargée conjointement d’une mission d’assistance du Parlement et d’une mission d’assistance du Gouvernement, le Conseil constitutionnel considère qu’« il appartiendra aux autorités compétentes de la Cour des comptes de faire en sorte que l’équilibre voulu par le constituant ne soit pas faussé au détriment de l’un de ces deux pouvoirs », le respect de cet équilibre pouvant ainsi primer sur un délai imposé à la Cour des comptes par le législateur (736).

Une coopération efficace a toutefois pu s’établir entre les commissions permanentes et la Cour des comptes. D’un point de vue institutionnel, un président de chambre honoraire est spécifiquement chargé des relations avec le Parlement. Des échanges ont lieu entre les bureaux des commissions permanentes et les autorités de la Cour sur les thèmes d’enquête souhaités par la Commission et sur la coordination avec les sujets que la Cour des comptes a prévu d’examiner l’année suivante. Les commissions des Finances des deux assemblées s’efforcent également de faire parvenir à la Cour des comptes leurs demandes officielles d’enquête dès le début du mois d’octobre, afin de faciliter l’organisation du travail de cette dernière.

Le « comité Balladur », constatant les limites du système actuel de contrôle parlementaire, a souhaité « définir les voies et moyens d’un contrôle parlementaire digne d’une démocratie moderne ». Il a, pour cette raison, proposé de préciser le texte même de la Constitution « de telle sorte que cette mission de contrôle soit expressément dévolue au Parlement » (737). Il a proposé que la mission d’assistance de la Cour des comptes au Parlement soit également mentionnée dans Constitution, estimant que cette affirmation d’une mission générale d’assistance permettra de surmonter les objections opposées jusqu’à présent par le Conseil constitutionnel à une communication au Parlement du programme de contrôle de la Cour des comptes (738).

2. Un nouvel article 47-2 consacré à la Cour des comptes

La mission de contrôle du Parlement sera consacrée par le premier alinéa de l’article 24 de la Constitution (739). Le présent article a pour objet, par cohérence avec la mention de cette mission de contrôle, de réunir dans un seul nouvel article 47-2 de la Constitution l’ensemble des missions de la Cour des comptes.

L’article 47-2 affirme la mission d’assistance de la Cour des comptes au Parlement pour le contrôle de l’action du Gouvernement. Il réunit également les dispositions, qui figurent actuellement aux derniers alinéas des articles 47 et 47-1 de la Constitution, relatives à l’assistance de la Cour des comptes au Parlement et au Gouvernement pour le contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Il consacre enfin la contribution de la Cour des comptes à l’évaluation des politiques publiques.

a) L’assistance au Parlement

La mention explicite, dans un nouvel article 47-2 de la Constitution, d’une mission générale d’assistance de la Cour des comptes au Parlement pour l’exercice de la mission de contrôle de l’action du Gouvernement, permettra de garantir une association plus étroite au travail parlementaire.

L’ensemble des commissions permanentes devraient pouvoir demander à la Cour des comptes, sur le fondement du nouvel article 47-2, la réalisation d’études ainsi qu’une assistance dans leurs travaux de contrôle et d’évaluation, au même titre que les commissions des Finances et celles chargées d’examiner les lois de financement de la sécurité sociale. La même faculté de demander l’assistance de la Cour des comptes pourrait être accordée aux commissions d’enquête.

De manière fort logique, le Parlement disposera de l’assistance exclusive de la Cour des comptes pour sa fonction de contrôle de l’action du Gouvernement, tandis que l’assistance en matière de contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement est une assistance conjointe au Parlement et au Gouvernement. Le fait que l’assistance de la Cour des comptes soit exclusive devrait avoir des conséquences sur ses modalités. Le législateur pourra par exemple prévoir une transmission préalable de certains programmes de contrôle établis par la Cour des comptes. Il pourra exiger la remise des travaux demandés au titre du contrôle dans des délais contraignants et sans que la Cour des comptes puisse invoquer son propre programme de travail pour se soustraire à la demande ou la reporter.

Selon la définition qui sera choisie du contrôle de l’action du Gouvernement, les limites de l’assistance pouvant être demandée par le Parlement à la Cour des comptes seront différentes. Par exemple, il est évident que l’action des collectivités territoriales et de leurs établissements publics n’entre pas dans le champ de l’action du Gouvernement. En revanche, dans certains cas, la frontière est plus imprécise. Le contrôle d’un organisme de sécurité sociale peut-il par exemple être considéré comme un contrôle de l’action du Gouvernement ? Il reviendra au législateur de résoudre cette difficulté en définissant les conditions et les limites de l’assistance de la Cour des comptes au Parlement et à ses organes. Au regard de l’importance des conséquences de la mission d’assistance sur l’accomplissement de ses missions par le Parlement ainsi que sur le travail de la Cour des comptes, le rapporteur se demande s’il ne serait pas souhaitable de renvoyer la définition des conditions et limites de cette assistance à une loi organique.

Par ailleurs, l’insertion des dispositions relatives au contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale dans le nouvel article 47-2 ne devrait pas avoir de conséquences directes sur les missions qui peuvent être demandées par les commissions concernées à la Cour des comptes. L’assistance aux commissions des Finances et aux commissions chargées d’examiner les lois de financement de la sécurité sociale devra toutefois s’articuler avec les nouvelles demandes d’assistance qui seront formulées par d’autres organes des assemblées.

C’est la raison pour laquelle le « comité Balladur » considérait que l’un des compléments à la consécration constitutionnelle de l’assistance de la Cour des comptes au Parlement serait « la création, auprès du président de chaque assemblée, d’une instance, qui pourrait être dénommée " Comité d’audit parlementaire ", dotée de moyens spécifiques, comportant des parlementaires issus de l’ensemble des commissions permanentes, et notamment de leurs présidents, définissant un programme coordonné de contrôle et d’évaluation, assurant la liaison avec la Cour des comptes et les autres organismes d’évaluation et chargée d’organiser les débats sur les suites à donner, (…) dans l’ordre du jour, aux fonctions de contrôle » (740). Le Comité d’audit parlementaire ne serait donc pas un organe de contrôle mais plutôt un organe de coordination et d’impulsion des travaux de contrôle, lesquels pourraient être menés aussi bien par le Parlement lui-même que par la Cour des comptes ou des organismes d’audit et d’évaluation, publics ou privés, ou encore par les services d’inspection ministériels. La création, à l’initiative de M. Bernard Accoyer, Président de l’Assemblée nationale, d’un comité d’évaluation et de contrôle, devrait permettre de coordonner les demandes qui seront formulées par les différents organes internes de l’Assemblée à la Cour des comptes.

b) La contribution à l’évaluation des politiques publiques

La Cour des comptes participe à l’évaluation des politiques publiques, que ce soit dans le cadre de son rapport public annuel ou dans celui des rapports publics particuliers (aussi dénommés rapports thématiques). Ces rapports, qui sont définis aux articles L. 136-1 à L. 136-5 du code des juridictions financières, sont adressés au Président de la République et présentés au Parlement. Ils exposent les observations et dégagent les enseignements tirés par la Cour des comptes sur les services, organismes et entreprises qui sont contrôlés par les juridictions financières. Sont ainsi visés tant les services de l’État et les établissements publics que les organismes de sécurité sociale, les entreprises publiques, les organismes bénéficiant de concours financiers publics. La création des chambres régionales des comptes, en 1982, a permis de développer une évaluation des politiques publiques menées par les collectivités territoriales et leurs établissements publics. Cette évaluation est intégrée dans les rapports publics réalisés par la Cour des comptes.

Le rôle de la Cour des comptes en matière d’évaluation des politiques publiques est donc un rôle charnière, qui permet d’informer tant le pouvoir exécutif que le pouvoir législatif. Toutefois, un ancien Premier président de la Cour des comptes soulignait les conditions particulières du travail d’évaluation de la Cour : « une institution comme la Cour des comptes – et cela semble vrai aussi pour les chambres régionales des comptes – ne dispose peut-être pas de la totale liberté d’expression de l’évaluateur. Nous sommes une institution publique ; quel que soit notre statut d’autonomie entre le législatif et l’exécutif, nous appartenons à l’appareil d’État, et donc, au stade des propositions ou des remises en cause d’une action publique ou d’une politique publique, la Cour est forcément tenue à un minimum de réserve – les évaluations de la Cour prendront la forme de rapports publics – et doit donc se limiter à des conclusions d’ordre technique. Quant aux conclusions sur les remises en cause éventuelles des politiques, elles devront ressortir de ces constatations et ne pas être suggérées directement par la juridiction financière. » (741)

La mention de la fonction d’évaluation de la Cour des comptes dans la présente révision est dissociée de tout autre lien avec le Parlement et le Gouvernement que celui exprimé par la place de l’article 47-2 au sein du titre de la Constitution consacré aux relations entre le Parlement et le Gouvernement. En outre, alors que le « comité Balladur » avait proposé de mentionner dans la Constitution le rôle d’assistance de la Cour des comptes au Parlement et au Gouvernement pour l’évaluation des politiques publiques (742), la rédaction de l’article 47-2 ne prévoit pas de mention équivalente.

Il est donc permis de s’interroger sur les conséquences éventuelles de cette rédaction en termes d’assistance de la Cour des comptes au Parlement dans son travail d’évaluation des politiques publiques.

L’article 58 de la LOLF prévoit que, dans le cadre de l’assistance de la Cour des comptes aux commissions des Finances du Parlement, la Cour a obligation de répondre aux demandes d’assistance non seulement en matière de suivi et de contrôle de l’exécution des lois de finances mais également pour « l’évaluation de toute question relative aux finances publiques » (article 57 de la loi organique). Ce second champ d’assistance de la Cour des comptes aux commissions des Finances, qui a été ouvert par la LOLF, excède le simple domaine des lois de finances. Il permet aux commissions des Finances de solliciter l’assistance de la Cour des comptes pour toute question relative aux entreprises publiques, aux finances sociales, aux collectivités territoriales et à l’ensemble des établissements publics. C’est ainsi que la commission des Finances de l’Assemblée nationale a pu demander à la Cour des comptes la remise d’une enquête sur les régimes spéciaux de retraite. S’il n’est pas dans l’intention du rapporteur, ni des rédacteurs du présent projet, d’interdire dans le futur aux commissions des Finances de solliciter l’assistance de la Cour des comptes pour évaluer toute question relative aux finances publiques, le nouvel article 47-2 pourrait toutefois créer un doute.

Plus encore, il peut sembler difficile, sur le seul fondement du nouvel article 47-2, de permettre aux commissions permanentes autres que les commissions des Finances de solliciter l’assistance de la Cour des comptes pour évaluer certaines politiques publiques, et notamment les politiques conduites par les collectivités locales et leurs établissements publics. Les demandes des commissions permanentes en ce sens pourraient en effet se heurter au fait que ces politiques ne peuvent entrer dans le champ du contrôle de l’action du Gouvernement, qui permettra au Parlement d’être assisté par la Cour des comptes. Il est en outre possible que le principe de libre administration des collectivités territoriales, reconnu par l’article 72 de la Constitution, puisse s’opposer à une évaluation, effectuée par le Parlement assisté de la Cour des comptes, de la politique conduite par une collectivité territoriale, à défaut d’une disposition de rang constitutionnel permettant cette évaluation.

Le rapporteur suggère donc de mentionner explicitement dans la Constitution la mission générale d’assistance de la Cour des comptes au Parlement et au Gouvernement dans le cadre de l’évaluation des politiques publiques. Cette rédaction présenterait le double avantage de ne pas inscrire le texte constitutionnel en retrait par rapport à la LOLF et de faire apparaître l’équidistance de la Cour des comptes vis-à-vis du Parlement et du Gouvernement en matière d’évaluation des politiques publiques.

Ainsi, l’évaluation des politiques publiques pourrait être effectuée soit par le Parlement, soit par le Parlement assisté de la Cour des comptes, soit par le Gouvernement, soit par le Gouvernement assisté de la Cour des comptes, soit par la Cour des comptes proprio motu.

Par ailleurs, les travaux de la Cour des comptes sont dans certains cas portés à la connaissance des citoyens, dans le prolongement de l’article XV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en vertu duquel « la Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration ». Le traditionnel rapport annuel, qui est transmis au Parlement depuis une loi du 21 avril 1832, est rendu public depuis 1936. Des rapports thématiques ont été publiés à compter de 1990. La publicité croissante des travaux de la Cour des comptes contribue à l’information des citoyens sur les politiques publiques. À ce titre, elle mériterait de figurer dans la Constitution. Le rapporteur vous propose pour cette raison de compléter l’article 47-2 en mentionnant le fait que la Cour des comptes, par ses rapports publics, contribue à l’information des citoyens.

Après que M. Arnaud Montebourg eut retiré un amendement identique, la Commission a rejeté l’amendement n° 6 de M. Didier Migaud tendant à prévoir l’assistance de la Cour des comptes au Parlement pour l’évaluation des politiques publiques, le rapporteur ayant estimé qu’il convenait de prévoir que la Cour des comptes apporte également son concours au Gouvernement, ce que prévoit un de ses amendements, que la Commission a alors adopté (amendement n° 73).

Elle a adopté un amendement du rapporteur précisant que la Cour des comptes contribue à l’information des citoyens par ses rapports publics (amendement n° 74).

La Commission a rejeté deux amendements de M. Patrick Braouezec, le premier précisant que le rôle de la Cour des comptes s’exerce prioritairement au service du Parlement et le second élargissant les missions de la Cour des comptes au contrôle de l’utilisation des fonds publics par les entreprises privées.

La Commission a adopté l’article 21 ainsi modifié.

Article 22

(art. 48 de la Constitution)


Fixation de l’ordre du jour

La maîtrise de l’ordre du jour est un point essentiel duquel dépend la conduite des travaux parlementaires. Sous la IIIe République, André Tardieu évoquait les conséquences néfastes d’un ordre du jour fixé par le Parlement en prenant l’exemple du projet de loi sur l’équipement national qu’il avait présenté à la Chambre des Députés en 1929 : « Il me fallut attendre six mois la désignation d’un rapporteur par la commission des Finances, qui consulta ensuite dix commissions, dont plusieurs gardèrent le projet huit ou douze mois. Il fallut consacrer soixante-dix séances à ce qui aurait pu se faire en dix et poser quarante fois la question de confiance. » (743) Léon Blum exprimait pour sa part dès 1918 le souhait que le chef du Gouvernement puisse « faire accepter au Parlement des programmes de travail impératifs et (…) en maintenir inflexiblement le respect contre tous les hasards, contre toutes les improvisations de la vie parlementaire » (744).

Il faudra toutefois attendre la Constitution de la Ve République pour que la fixation de l’ordre du jour soit confiée par priorité au Gouvernement (article 48 de la Constitution).

Le présent article a pour objet de substituer à cette règle celle d’un ordre du jour partagé entre le Gouvernement et le Parlement. Il s’inscrit donc pleinement dans l’objectif de revalorisation du rôle et d’accroissement des pouvoirs du Parlement, tout en maintenant les réserves nécessaires à un travail parlementaire efficace.

1. De l’ordre du jour parlementaire à l’ordre du jour gouvernemental

Sous la IIIe République, l’ordre du jour est fixé par la Chambre des Députés à la fin de chaque séance, sur proposition de son président, pour la séance suivante et les plus prochaines séances. Comme l’explique Eugène Pierre dans son Traité de droit parlementaire : « La fixation de l’ordre du jour est chose essentiellement provisoire ».

Pour remédier à ce caractère provisoire de l’ordre du jour, une résolution du 8 novembre 1911 modifiant le règlement intérieur de la Chambre des Députés permet la constitution d’une Conférence des Présidents, qui est chargée de proposer à la Chambre des Députés un programme hebdomadaire de travail. L’ordre du jour ainsi établi peut toutefois être modifié, à la demande du Gouvernement ou de cinquante députés.

Les problèmes posés par un ordre du jour à la discrétion des parlementaires ont également incité à permettre une limitation des débats, sans ôter au Parlement son pouvoir de fixation de l’ordre du jour. Par une résolution du 22 janvier 1935, la Conférence des Présidents a pu fixer la date limite pour la discussion générale et répartir à l’avance le temps de parole entre parlementaires. Le Gouvernement était d’autant mieux associé à ce travail de rationalisation qu’il était représenté au sein de la Conférence des Présidents.

Ces divers remèdes ne suffirent cependant pas à assurer l’établissement d’un ordre du jour offrant au Gouvernement une marge d’action propre.

Le rôle de la Conférence des Présidents pour la fixation de l’ordre du jour fut toutefois confirmé sous la IVe République. Le Règlement de l’Assemblée nationale, modifié par des résolutions successives, prévoit que l’ordre du jour est établi par quinzaine et limite les possibilités de modification décidées en séance publique. Si le Gouvernement, représenté au sein de la Conférence des Présidents, est associé au premier chef à l’établissement de l’ordre du jour, la discussion d’un projet est toutefois soumise à la distribution du rapport de la commission. Les gouvernements de la IVe République sont donc contraints, à plusieurs reprises, d’engager leur responsabilité sur l’inscription d’un projet de loi à l’ordre du jour.

Le constituant de 1958 a souhaité apporter une réponse aux problèmes posés par un ordre du jour déterminé de manière prépondérante par les parlementaires. La détermination de l’ordre du jour du Parlement par priorité par le Gouvernement, en vertu de l’article 48 de la Constitution, participe à la rationalisation du travail parlementaire.

Si le premier alinéa de l’article 48 de la Constitution confie au Gouvernement la fixation de l’ordre du jour dit « prioritaire », celui-ci n’est pas exclusif, en théorie, de la fixation d’un ordre du jour complémentaire, fixé par chaque assemblée. Ainsi, Jacques Chaban-Delmas considérait, en juillet 1961, que « la direction des travaux de l’Assemblée par le Gouvernement ne saurait étouffer l’initiative parlementaire, à moins d’un détournement débouchant sur un abus de pouvoir » (745).

Toutefois, force est de constater que l’ordre du jour complémentaire n’a guère été utilisé et que la prérogative gouvernementale dans la fixation de l’ordre du jour des assemblées est devenue dans la pratique un quasi-monopole.

Lorsque des propositions de loi ont été inscrites à l’ordre du jour, cette inscription a eu lieu plus souvent dans le cadre de l’ordre du jour prioritaire que dans celui de l’ordre du jour complémentaire : « il est en effet beaucoup plus simple d’inclure les propositions de loi dans l’ordre du jour prioritaire que de créer un ordre du jour complémentaire soumis au vote de l’assemblée » (746).

L’ordre du jour complémentaire a connu un léger renouveau à l’occasion de l’introduction d’un ordre du jour réservé aux initiatives parlementaires par la loi constitutionnelle du 4 août 1995 (747). Sous la XIe législature, l’ordre du jour complémentaire a en effet été utilisé pour inscrire la suite de l’examen de propositions de loi inscrites lors des séances mensuelles d’initiative parlementaire. Toutefois, à compter de la XIIe législature, les propositions de loi inscrites à la séance mensuelle réservée et dont l’examen n’est pas achevé sont inscrites directement par le Gouvernement dans le cadre de l’ordre du jour prioritaire, et l’ordre du jour complémentaire n’est plus utilisé que très ponctuellement, pour permettre la discussion de propositions de résolutions.

La monopolisation de l’ordre du jour par le Gouvernement, qui n’a trouvé qu’un correctif récent et limité dans l’instauration d’une séance mensuelle d’initiative parlementaire, n’est pas sans inconvénients. Dans certains cas, les modifications de l’ordre du jour prioritaire par le Gouvernement peuvent sembler intempestives et récurrentes. Le président Edgar Faure regrettait ainsi, lors d’une allocution prononcée en 1975, la « tendance du Gouvernement à abuser du droit qui lui est reconnu de modifier l’ordre du jour » (748). L’adoption d’une motion de procédure par une commission afin d’obtenir du Gouvernement qu’il retire de l’ordre du jour un projet de loi pour permettre son examen par la commission dans des délais suffisants ne peut par conséquent avoir que la valeur d’un vœu.

2. Un partage plus équilibré de l’ordre du jour est nécessaire

Le « comité Balladur », analysant la situation particulière de la répartition des pouvoirs en France, a estimé qu’elle « porte la marque d’un profond déséquilibre : les prérogatives du Gouvernement l’emportent sur la capacité de chacune des deux assemblées à déterminer par elle-même l’ordre dans lequel elle souhaite organiser ses propres travaux » (749). Afin de rétablir un meilleur équilibre, il a formulé quatre propositions :

—  prévoir une fixation de l’ordre du jour par les assemblées lors des Conférences des présidents, dont le rôle serait consacré par le texte de la Constitution ;

—  réserver la moitié de l’ordre du jour au Gouvernement ;

—  laisser à l’appréciation de la Conférence des Présidents une semaine de séance sur quatre, consacrée à l’examen de propositions de loi et, le cas échéant, de projets de loi, les groupes n’appartenant pas à la majorité disposant d’une journée de séance au sein de cette semaine ;

—  réserver une semaine de séance sur quatre au contrôle et à l’évaluation des politiques publiques, les groupes n’appartenant pas à la majorité disposant d’une journée de séance au sein de cette semaine.

La nouvelle rédaction de l’article 48 qui est proposée dans le présent article est directement issue des deux premières de ces quatre propositions.

La fixation de l’ordre du jour par la Conférence des Présidents est posée comme un principe. La possibilité pour le Gouvernement d’obtenir l’inscription par priorité de « textes » (750), dans la limite de deux semaines de séance sur quatre, permet de déroger à ce principe sans rétablir pour autant un monopole gouvernemental. Le Gouvernement pourrait également obtenir l’inscription par priorité de certains textes en dehors des semaines qui lui sont réservées.

L’ordre du jour serait ainsi partagé entre un ordre du jour exclusivement législatif fixé par le Gouvernement et un ordre du jour fixé par la Conférence des Présidents dans chacune des deux assemblées.

Par ailleurs, la séance mensuelle d’initiative parlementaire, introduite par la révision constitutionnelle du 4 août 1995, deviendrait un jour de séance par mois, réservé à un ordre du jour fixé par les groupes d’opposition.

Enfin, la nouvelle rédaction de l’article 48 permettra une extension aux sessions extraordinaires des séances réservées aux questions au Gouvernement.

Ce nouveau mode de fixation de l’ordre du jour, indissociable des autres dispositions ayant pour conséquence de réformer la procédure parlementaire, devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2009, conformément au II de l’article 34 du présent projet (751).

3. Un ordre du jour fixé par la Conférence des Présidents

Depuis le début de la Ve République, la Conférence des Présidents joue un rôle marginal mais néanmoins réel en matière de fixation de l’ordre du jour. Elle est informée par le Premier ministre des demandes d’inscription à l’ordre du jour lors de sa réunion hebdomadaire. Cette information n’est toutefois qu’un usage, et l’absence d’information n’entache pas d’irrégularité l’inscription d’un texte à l’ordre du jour (752). La Conférence des Présidents est compétente pour prendre une décision en matière de demande d’inscription à l’ordre du jour complémentaire, à la demande d’un président de groupe ou d’un président de commission. Une telle proposition d’inscription à l’ordre du jour complémentaire peut éventuellement être discutée en séance publique. Dans les faits, l’utilisation de l’ordre du jour complémentaire est, comme on l’a vu, extrêmement rare. La Conférence des Présidents est également compétente, depuis la révision constitutionnelle du 4 août 1995, pour l’inscription à l’ordre du jour de la séance mensuelle réservée par priorité à un ordre du jour parlementaire.

Elle joue par ailleurs un rôle fondamental en matière d’organisation des discussions en séance publique. Elle décide s’il y a lieu ou non d’organiser une discussion générale sur un projet ou une proposition de loi, arrête le temps global de la discussion générale. Ces décisions s’imposent aussi bien au Gouvernement qu’à l’assemblée.

Elle serait désormais chargée par le premier alinéa de l’article 48 de la Constitution de la fixation de l’ordre du jour.

a) La constitutionnalisation de la Conférence des Présidents

La mention de la Conférence des Présidents de chaque assemblée dans la Constitution est nouvelle. Elle figure à la fois dans la nouvelle rédaction de l’article 48 et dans la nouvelle rédaction de l’article 45 de la Constitution (753). Cette constitutionnalisation d’un organisme interne à chaque assemblée assure sa reconnaissance institutionnelle.

La composition de la Conférence des Présidents est fixée par le règlement de chaque assemblée. Dans les deux cas, les membres de cette conférence sont : le président et les vice-présidents de l’assemblée, les présidents des commissions permanentes, le rapporteur général de la commission des Finances, le président de la délégation pour l’Union européenne et les présidents de groupes.

En outre, les présidents des commissions spéciales intéressées peuvent également participer à la Conférence des Présidents. Le Règlement de l’Assemblée nationale prévoit qu’un représentant du Gouvernement peut être délégué à la Conférence des Présidents. Sans que le Règlement du Sénat la mentionne, cette présence est également d’usage. Depuis une résolution adoptée le 25 mai 1954, le système de vote appliqué en Conférence des Présidents à l’Assemblée nationale est celui du vote pondéré : chaque président de groupe détient un nombre de voix égal au nombre de membres de son groupe, après défalcation des autres membres de la Conférence. Cette disposition qui, sous la IVe République, permettait d’éviter que le programme de travail établi par la Conférence ne soit remis en cause en séance publique, a été maintenue lors de l’adoption du Règlement de l’Assemblée nationale en 1959.

b) La question de la relation entre Conférence des Présidents
et assemblée plénière

En l’état actuel du droit, l’ordre du jour, lorsqu’il est établi par la Conférence des Présidents (cas de l’ordre du jour complémentaire), est soumis à l’assemblée, qui a la faculté, lors de la séance suivant la réunion de la Conférence, de se prononcer positivement ou négativement. À l’Assemblée nationale, le vote sur l’ordre du jour établi par la Conférence des Présidents a lieu sur l’ensemble (neuvième alinéa de l’article 48 du Règlement).

Désormais, la nouvelle rédaction de l’article 48 de la Constitution interdirait à l’assemblée de discuter en séance publique l’ordre du jour établi par la Conférence des Présidents. Celle-ci exercerait ses attributions sans partage, comme elle le fait actuellement en matière d’organisation des discussions.

Il est donc possible de se demander s’il est préférable de préciser dans la Constitution que la fixation de l’ordre du jour est confiée à la Conférence des Présidents de chaque assemblée ou s’il conviendrait au contraire de mentionner uniquement une fixation de son ordre du jour par chacune des assemblées, le règlement intérieur pouvant le cas échéant confier cette tâche de manière privilégiée à la Conférence et prévoir comment s’articulent la décision de celle-ci avec une éventuelle discussion en séance publique de l’ordre du jour ainsi établi.

Un argument plaide en faveur de la possibilité de discuter en séance publique l’ordre du jour. À défaut de pouvoir évoquer en tant que telle la question de l’ordre du jour, les députés ont souvent recours au dépôt d’une motion de procédure sur un projet de loi, qui permet d’évoquer indirectement cette question. La tendance à l’utilisation de la motion de procédure comme moyen indirect de remettre en cause l’ordre du jour sera pérennisée s’il n’est pas offert aux parlementaires une autre possibilité d’en discuter en séance.

Toutefois, la discussion éventuelle de l’ordre du jour en séance publique permettrait de remettre en cause, le cas échéant, un ordre du jour établi par la Conférence des Présidents. Cette remise en cause serait préjudiciable au bon déroulement des travaux. Comme l’expliquait Léon Blum dès 1918 : « il faut à tout prix défendre la Chambre contre l’habitude de bouleverser son programme de travail en fin de séance, par un vote à mains levées, au milieu de l’inattention générale » (754).

En outre, la Conférence des Présidents pourra, en présence du représentant du Gouvernement, s’assurer que les textes qu’elle envisage d’inscrire à l’ordre du jour seront débattus en séance en présence du ministre compétent sur le fond. Elle aura tout avantage à travailler, en amont, en concertation avec le Gouvernement, pour établir un programme de travail qui soit compatible avec celui établi par le Gouvernement lui-même pour son ordre du jour réservé. Un ordre du jour modifié en séance publique ne bénéficierait pas de la même cohérence.

De plus, dans la mesure où les présidents de groupe participent à la Conférence des Présidents et où sa composition reflète l’équilibre politique d’ensemble de l’assemblée, lui confier la tâche d’établir l’ordre du jour n’est pas un dessaisissement du pouvoir de l’assemblée mais un exercice délégué de ce pouvoir.

c) La compatibilité de la fixation de l’ordre du jour par la Conférence des Présidents avec les règles de l’article 28 de la Constitution relatives à l’organisation de la session ordinaire

Il convient de concilier la fixation de l’ordre du jour par la Conférence des Présidents avec l’article 28 de la Constitution, qui prévoit un certain nombre de règles relatives aux sessions et aux séances du Parlement.

Le deuxième alinéa de l’article 28 de la Constitution limite à cent vingt le nombre de jours de séance que chaque assemblée peut tenir au cours de la session ordinaire. Cet alinéa prévoit également que « les semaines de séance sont fixées par chaque assemblée ».

Le troisième alinéa de l’article 28 de la Constitution prévoit, par dérogation au deuxième alinéa, que la tenue de jours supplémentaires de séance est décidée par « le Premier ministre ou la majorité des membres de chaque assemblée ». Les jours supplémentaires de séance sont des jours qui permettent de tenir des séances au cours de la session ordinaire nonobstant la règle de plafonnement à cent vingt jours qui a été fixée par le deuxième alinéa de l’article 28.

Si les travaux parlementaires relatifs à la révision constitutionnelle du 4 août 1995 auraient pu laisser penser que des jours supplémentaires ne pourraient être tenus qu’une fois épuisé le contingent de cent vingt jours (755), le Conseil constitutionnel a considéré que la tenue de jours supplémentaires de séance est également possible au cours des semaines pendant lesquelles l’assemblée n’a pas décidé de tenir séance (756).

Enfin, le quatrième et dernier alinéa de l’article 28 confie au règlement de chaque assemblée le soin de déterminer les jours et horaires de séance.

La nouvelle rédaction du premier alinéa de l’article 48 de la Constitution précise que la fixation de l’ordre du jour par la Conférence des Présidents s’opère « sans préjudice des dispositions des trois derniers alinéas de l’article 28 ».

Par conséquent, les semaines de séance des sessions ordinaires de chaque assemblée seront fixées par l’assemblée elle-même (deuxième alinéa de l’article 28) et des jours supplémentaires de séance pourront, le cas échéant, être fixés par le Premier ministre, après consultation du Président de l’assemblée concernée, ou par la majorité des membres de chaque assemblée (troisième alinéa de l’article 28). Enfin, il reviendra toujours au règlement de chaque assemblée le soin de déterminer les jours et horaires de séance (quatrième et dernier alinéa de l’article 28).

La Conférence des Présidents devra donc en référer à l’assemblée elle-même si elle souhaite inscrire des débats ou des textes en dehors des semaines au cours desquelles l’assemblée aura décidé de tenir séance ou au-delà du plafond de cent vingt jours de séance.

d) Ordre du jour législatif et ordre du jour de contrôle

La nouvelle rédaction de l’article 48 de la Constitution qui est proposée ne prévoit pas de distinguer, au sein de l’ordre du jour fixé par la Conférence des Présidents, entre un « temps de contrôle » et un « temps de législation », contrairement à ce qui était proposé par le « comité Balladur ».

L’ordre du jour, s’il met explicitement en évidence le travail législatif du Parlement, peut comporter de nombreux points relatifs au travail de contrôle. Toutefois, en l’état actuel, à l’exception des questions au Gouvernement et des questions orales sans débat, la plupart des possibilités de discussion en séance publique en matière de contrôle ne sont utilisées qu’avec parcimonie (757). Il a pour cette raison été proposé de consacrer une plus grande partie des discussions en séance publique aux résultats du travail de contrôle (758).

Toutefois, la distinction entre des séances de contrôle et des séances consacrées au travail législatif n’est pas toujours évidente. Comme le souligne M. Pierre Avril : « la législation est un des moyens par lesquels s’exerce le contrôle » (759). Les conséquences et le suivi des actions de contrôle et d’évaluation se traduisent tout aussi bien par la discussion et l’adoption d’un projet ou d’une proposition de loi que par une discussion limitée au commentaire du travail de contrôle.

Pour ne citer qu’un exemple récent, la mission d’information de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur l’exécution des décisions de justice pénale a présenté un rapport d’information à cette commission le 13 décembre 2007 (760). La proposition de loi présentée par le rapporteur de la mission d’information ainsi que par le président de la commission des Lois, déposée le 10 janvier 2008, a repris l’essentiel des propositions de nature législative de cette mission d’information et a été inscrite à l’ordre du jour de la troisième séance publique du 17 janvier 2008.

Dans les faits, toute latitude sera offerte à chacune des deux assemblées pour inscrire dans son ordre du jour des discussions relatives au contrôle.

Toutefois, l’avantage que présenterait l’inscription dans la Constitution d’un ordre du jour réservé par priorité au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques serait d’inciter le Parlement à développer le contrôle et l’évaluation et à assurer à cette fonction une publicité ainsi qu’une solennité équivalentes à celle de la fonction législative.

Le rapporteur considère que l’introduction d’une semaine d’ordre du jour sur quatre réservée au contrôle parlementaire serait cohérente avec la nouvelle définition des missions du Parlement, à l’article 24 de la Constitution.

Le caractère prioritaire de cet ordre du jour réservé permettrait à la Conférence des Présidents d’inscrire au cours de cette semaine des propositions de résolution visant à la création de commissions d’enquête, des débats sur les conclusions d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information, des propositions de résolution portant sur des propositions d’actes communautaires...

Le cas échéant, il lui serait possible de consacrer tout ou partie de cet ordre du jour réservé à l’examen de projets ou de propositions de loi ― ce qui serait notamment pertinent lorsque le projet ou la proposition de loi est la traduction législative des conclusions d’une mission de contrôle ou d’évaluation.

4. L’ordre du jour prioritaire d’origine gouvernementale

Afin d’assurer au Gouvernement la possibilité de mettre en œuvre les réformes législatives qu’il estime primordiales dans des délais raisonnables, la préservation d’une fraction d’ordre du jour gouvernemental est nécessaire.

Le projet de loi constitutionnelle prévoit toutefois de distinguer des priorités gouvernementales qui s’imposeront à tout moment et que l’on peut sans doute pour cette raison qualifier de « super-priorités » (troisième alinéa de l’article 48) et des priorités gouvernementales qui interviendront dans le cadre d’un partage de l’ordre du jour avec la Conférence des Présidents (deuxième alinéa de l’article 48).

Ces différentes dérogations à un ordre du jour fixé par le Parlement sont nécessaires afin de trouver le juste équilibre entre un ordre du jour qui serait entièrement à la discrétion du Gouvernement et un ordre du jour qui lui échapperait complètement et l’empêcherait de mener à bien ses principaux projets de réforme.

a) Un ordre du jour « super-prioritaire » pour les textes financiers,
les navettes et les textes et demandes d’autorisation liés
à des situations de crise

Le troisième alinéa de l’article 48 prévoit l’inscription à l’ordre du jour par priorité, à la demande du Gouvernement, d’un certain nombre de textes ou de délibérations :

—  les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale (troisième alinéa de l’article 48) ;

—  les projets et propositions de loi adoptés par la première assemblée saisie depuis un mois ou plus (troisième alinéa de l’article 48) ;

—  les projets de loi relatifs aux états de crise (troisième alinéa de l’article 48) (761) ;

—  les demandes d’autorisation relatives à une intervention des forces armées à l’étranger pour une durée de plus de six mois (762) ou à une déclaration de guerre.

En ce qui concerne les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale, il est nécessaire de permettre leur inscription par priorité à l’ordre du jour, dans la mesure où leur examen doit avoir lieu dans des délais très stricts, imposés par le texte constitutionnel (cf. articles 47 et 47-1 de la Constitution).

Le Gouvernement pourra également demander à une assemblée saisie d’un texte voté par l’autre assemblée « depuis un mois ou plus » d’inscrire ce texte à l’ordre du jour par priorité. Cette inscription permettra d’assurer la poursuite de l’examen d’un texte dans les meilleurs délais, sans que les conséquences d’un ordre du jour partagé puissent ralentir à l’excès la navette parlementaire. Cette inscription à l’ordre du jour sera applicable non seulement au cas d’un texte adopté mais également au cas d’un texte rejeté par l’autre assemblée.

La Constitution mentionne déjà des conditions de délai pour l’inscription de certains textes dans chacune des chambres du Parlement (articles 47 et 47-1 de la Constitution). Ces délais sont des délais qui courent à compter du lendemain du dépôt du projet de loi concerné. Il serait donc logique que, de la même manière, le délai d’un mois soit interprété comme un délai n’incluant pas le jour de la transmission du texte (le dies a quo) mais incluant en revanche le jour qui correspond au terme du délai (le dies ad quem). Ainsi, un texte transmis le 1er février pourrait être inscrit à l’ordre du jour par priorité à compter du 2 mars, un texte transmis le 30 avril à compter du 1er juin.

L’inscription à l’ordre du jour de ces textes ou délibérations ne s’imputera pas nécessairement sur les deux semaines d’ordre du jour prioritaire du Gouvernement. Elle pourra intervenir à tout moment, mais compte tenu de l’ordre du jour réservé qui est lui aussi « super-prioritaire » (prévu aux quatrième et cinquième alinéas de l’article 48 de la Constitution), qui comprend une séance par semaine de questions au Gouvernement et un jour de séance par mois d’ordre du jour réservé à l’opposition gouvernementale. En ce sens, il est possible de qualifier cet ordre du jour, qui constitue une dérogation sans limite temporelle ni quantitative à l’ordre du jour fixé par la Conférence des Présidents, d’ordre du jour « super-prioritaire ».

On peut toutefois estimer, dans la mesure où une compétence générale de principe est désormais conférée à la Conférence des Présidents par le premier alinéa de l’article 48 de la Constitution, que le Gouvernement sera désormais dans l’obligation d’informer la Conférence des Présidents avant d’inscrire des textes à l’ordre du jour sur le fondement du troisième alinéa de l’article 48.

b) Deux semaines sur quatre d’ordre du jour législatif prioritaire réservées au Gouvernement

La possibilité pour le Gouvernement d’inscrire par priorité des projets et propositions de loi à l’ordre du jour, dans la limite de deux semaines de séance sur quatre (deuxième alinéa de l’article 48 de la Constitution), lui assurera la possibilité d’inscrire dans des délais raisonnables la discussion en séance publique de textes qu’il juge particulièrement importants ou urgents. Le rapporteur souhaite permettre de la même manière l’inscription, dans le cadre de cet ordre du jour prioritaire, de débats à la demande du Gouvernement (763).

Le maintien d’une fraction d’ordre du jour réservée au Gouvernement, combiné à la possibilité d’inscrire à tout moment un texte transmis par une assemblée depuis un mois au moins, permettra d’obtenir une date certaine pour les réformes législatives considérées comme primordiales.

Les textes dont le Gouvernement demandera l’inscription à l’ordre du jour seront, tout comme les autres textes inscrits à l’ordre du jour (excepté les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale ainsi que les projets de révision de la Constitution), examinés en séance dans la version adoptée par la commission. En cas de rejet du texte par la commission, la discussion portera en séance sur le texte dont l’assemblée a été saisie (764).

L’indication selon laquelle seront ainsi réservées par priorité à l’examen des textes dont le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour « deux semaines sur quatre » permet d’inscrire dans la Constitution l’obligation d’établir un programme de travail pour les quatre plus prochaines semaines de séance. En revanche, cette indication ne permet pas de présager la répartition qui sera adoptée, ni que cette répartition soit identique dans les deux assemblées parlementaires. Il serait possible que les semaines d’ordre du jour gouvernemental alternent avec les semaines d’ordre du jour fixé par la Conférence des Présidents. Cette alternance pourrait être soit une alternance hebdomadaire, soit une alternance par quinzaine. Toutefois, il conviendra, en toute hypothèse, que l’ordre du jour soit établi, de manière glissante, pour les quatre semaines à venir.

Afin d’assurer une certaine cohérence, le deuxième alinéa de l’article 48 de la Constitution précise que ces semaines réservées le sont « dans l’ordre que le Gouvernement a fixé » (765). Par conséquent, il sera loisible au Gouvernement de décider la manière dont la répartition entre semaines parlementaires et semaines gouvernementales s’effectuera, et le cas échéant de modifier cette répartition en cours de session, dans la limite du respect du partage égal des semaines de séance.

Les semaines d’ordre du jour réservé par priorité au Gouvernement pourront comporter un éventuel ordre du jour complémentaire fixé par la Conférence des Présidents, dans l’hypothèse où le Gouvernement ne ferait pas pleinement usage des séances qui lui sont accordées.

En sens inverse, le Gouvernement conservera la possibilité, conformément au troisième alinéa de l’article 28 de la Constitution, d’obtenir la tenue de jours supplémentaires de séance, en dehors des semaines de séance fixées par chaque assemblée. Ces jours supplémentaires ne seront pas décomptés du contingent des semaines de séance réservées par priorité au Gouvernement et offriront ainsi un moyen supplémentaire d’inscription à l’ordre du jour des assemblées de projets dont le Gouvernement souhaite un examen rapide.

Enfin, lorsque le vote solennel sur un texte interviendra au cours d’une autre semaine de séance que celle durant laquelle le texte a été examiné, soit cette autre semaine sera à nouveau une semaine d’ordre du jour gouvernemental, soit il s’agira d’une semaine d’ordre du jour parlementaire. Dans cette seconde hypothèse, il reviendra à la Conférence des Présidents d’accepter l’inscription du vote solennel au cours de cette semaine de séance, sans que le Gouvernement puisse l’imposer.

5. L’ordre du jour réservé à l’opposition

La révision constitutionnelle du 4 août 1995 a permis d’introduire dans l’article 48 la mention d’une séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par chaque assemblée, dite « séance d’initiative parlementaire ».

Cet ordre du jour réservé représente une part minoritaire mais néanmoins significative des travaux parlementaires. À l’Assemblée nationale, l’ordre du jour réservé correspond, une semaine par mois, à la première séance du mardi ainsi qu’à la première séance du jeudi, soit un total de dix-huit séances par session. Au Sénat, où une séance équivaut à un jour de séance, l’ordre du jour réservé correspond pour cette raison à une journée mensuelle, soit un total de neuf jours de séance par session.

L’ordre du jour de cette séance mensuelle est établi par la Conférence des Présidents de chaque assemblée, selon des méthodes quelque peu différentes dans chacune des deux assemblées.

À l’Assemblée nationale, un droit de tirage est accordé à chaque groupe parlementaire, selon une fréquence proportionnelle à l’importance numérique du groupe au sein de l’assemblée.

Au Sénat, la Conférence des Présidents s’efforce de dégager un consensus autour des propositions de loi à inscrire dans cet ordre du jour.

En ce sens, la liberté des groupes de l’opposition pour inscrire une proposition de loi dans le cadre d’une séance d’initiative parlementaire est plus limitée au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. Mais, en contrepartie, les propositions qui sont inscrites ne sont pas une simple tribune d’opposition – à l’Assemblée, la discussion générale s’achève le plus souvent par un vote négatif sur le passage à l’examen des articles.

La séance mensuelle d’initiative parlementaire est avant tout l’occasion d’inscrire l’examen de propositions de loi. Toutefois, dans une moindre mesure, les groupes demandent parfois l’inscription d’un débat (cette demande étant plutôt le fait des groupes de la majorité) ou d’une proposition de résolution visant à la création d’une commission d’enquête (cette demande étant plutôt le fait des groupes de l’opposition).

La principale différence entre les séances d’initiative parlementaire accordées à la majorité et à l’opposition réside dans l’absence d’adoption des propositions de loi présentées par l’opposition. Cette différence conduit à s’interroger sur la possibilité que l’ordre du jour législatif d’opposition acquière une dimension plus constructive. L’aboutissement législatif d’une initiative parlementaire qui débute dans le cadre d’une séance mensuelle réservée dépend toutefois dans une large mesure du Gouvernement, qui permet le plus souvent la poursuite de l’examen de cette proposition de loi par son inscription à l’ordre du jour prioritaire, comme en atteste le faible nombre de propositions de loi ayant uniquement fait l’objet d’une inscription à l’ordre du jour réservé dans chacune des deux assemblées.

LES SÉANCES MENSUELLES D’INITIATIVE PARLEMENTAIRE À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Propositions

Xe législature

XIe législature

XIIe législature

XIIIe législature

Propositions de loi examinées (1)

17

71

54

10

Propositions de loi adoptées

11

33

19

4

Dont propositions sénatoriales

3

9

7

0

Dont propositions d’opposition

1

4

0

0

Dont propositions uniquement inscrites à l’ordre du jour réservé

1

5

10

2

Propositions de résolution examinées

0

1

8

0

Débats

3

0

12

2

(1) Les propositions de loi qui ont été inscrites lors de plusieurs lectures à l’ordre du jour réservé ne sont dénombrées qu’une seule fois.

NB : La première séance mensuelle d’initiative parlementaire sous la Xe législature s’est tenue le 26 octobre 1995. Les chiffres relatifs à la Xe législature, ainsi que ceux relatifs à la XIIIlégislature (qui ne sont renseignés que jusqu’au 15 avril 2008), doivent donc être analysés en tenant compte du fait qu’ils ne correspondent pas à la durée totale d’une législature.

Si la pratique assure une association réelle et significative de l’opposition à la fixation de l’ordre du jour réservé, aucune disposition constitutionnelle ne l’imposait. De ce point de vue, le présent article introduit une innovation importante. Le cinquième alinéa de l’article 48 dans sa nouvelle rédaction prévoit de réserver un ordre du jour « arrêté par la Conférence des Président à l’initiative des groupes parlementaires qui ne déclarent pas soutenir le Gouvernement ».

La transformation de l’ordre du jour prioritaire réservé aux assemblées en un ordre du jour réservé aux groupes politiques n’ayant pas déclaré soutenir le Gouvernement constitue une consécration constitutionnelle de la possibilité pour l’opposition de fixer une partie de l’ordre du jour. Cette consécration est elle-même permise par la consécration constitutionnelle des droits des groupes politiques d’opposition au sein du Parlement (766). Comme cette dernière, elle pose un problème de cohérence en cas de discordance de majorité entre les deux chambres du Parlement.

Il est en effet possible que les groupes politiques qui ne déclarent pas soutenir le Gouvernement soient majoritaires au Sénat (767). L’opposition gouvernementale étant la majorité sénatoriale, il ne serait pas justifié qu’elle bénéficie de cet ordre du jour réservé, dès lors qu’elle disposerait également des deux semaines de séance dont l’ordre du jour est fixé par la Conférence des Présidents (sous réserve de l’ordre du jour réservé et de l’ordre du jour « super-prioritaire »), voire de jours de séances dans les deux semaines d’ordre du jour gouvernemental non utilisées par le Gouvernement. Le rapporteur vous propose par conséquent de réserver le jour de séance mensuel aux groupes politiques qui ne participent pas de la majorité au sein de l’assemblée concernée ― ce qui permettrait de résoudre le problème de l’attribution de cet ordre du jour réservé en cas de discordance de majorité entre les deux assemblées.

L’ordre du jour prioritaire accordé à l’opposition correspond à « un jour de séance par mois ». Cette rédaction présente l’avantage, par rapport à une rédaction faisant référence à un nombre de séances, d’être compatible tant avec un décompte des séances par journée (à l’instar de ce que pratique actuellement le Sénat) qu’avec un décompte horaire des séances (à l’instar de ce que pratique actuellement l’Assemblée nationale). Alors que les groupes appartenant à l’opposition bénéficient actuellement à l’Assemblée nationale de sept séances d’initiative parlementaire par session (768), ils devraient ainsi bénéficier demain de vingt-sept séances d’initiative parlementaire par session (à raison de trois séances par jour).

La place accordée à l’opposition dans la fixation de l’ordre du jour est par conséquent très sensiblement améliorée. Cette amélioration devrait permettre aux groupes d’opposition d’inscrire, dans le cadre de leur ordre du jour réservé, non seulement des initiatives législatives mais également des propositions de résolutions et des débats ou des discussions relatives aux missions de contrôle et d’évaluation du Parlement.

Alors que l’avant-dernier alinéa de l’article 48 de la Constitution précise que la séance mensuelle est réservée « par priorité » à l’ordre du jour fixé par chaque assemblée, la rédaction du nouvel alinéa ne retient pas cette mention. Sa suppression aura pour conséquence de sanctuariser ce jour de séance réservé : il ne sera pas possible d’y inscrire d’autres discussions ou délibérations que celles demandées par les groupes parlementaires d’opposition.

6. L’ordre du jour réservé aux questions au Gouvernement

Les questions posées par les parlementaires au Gouvernement, soit par écrit, soit dans le cadre d’une séance publique, demeurent l’une des voies principales de contrôle du Gouvernement, avec les débats sur les déclarations et les motions de censure. Si la procédure des questions écrites, dont l’introduction à la Chambre des Députés date de 1907, est uniquement reconnue par des dispositions du règlement de chacune des deux assemblées, en revanche, la procédure des questions orales (769) a été consacrée constitutionnellement par l’article 48 de la Constitution de la Ve République, qui prévoyait dès l’origine la tenue d’une séance par semaine réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement. Michel Debré, alors Premier ministre, soulignait l’innovation capitale que représentait cette valeur constitutionnelle conférée aux questions orales : « la qualité du contrôle (…) est renforcée par le mécanisme pur et simple des interrogations faites au Gouvernement à dates fixes » (770).

LES QUESTIONS DES DÉPUTÉS : UNE SOURCE D’INFORMATION CONSIDÉRABLE

Sessions (1)

2002-2003

2003-2004

2004-2005

2005-2006

2006-2007 (2)

Nombre de questions au Gouvernement

771

744

659

688

436

Nombre de questions orales sans débat

432

405

388

408

197

Nombre de questions écrites ayant fait l’objet d’une réponse

16 282

18 647

22 658

25 293

16 882

(1) Y compris les sessions extraordinaires de juillet 2003, juillet 2004, juillet 2005, septembre 2006.

(2) Le nombre moins élevé de questions pour la session 2006-2007 tient à une durée de la session sensiblement plus courte, puisqu’elle s’est achevée le 7 mars 2007, en raison de l’organisation successive des élections présidentielle et des élections législatives.

Le Conseil constitutionnel, en exerçant le contrôle de constitutionnalité des règlements des assemblées, a permis de préciser certaines des caractéristiques des questions orales. Il a affirmé le principe de la liberté de réponse du Gouvernement aux questions orales (771) ainsi que le caractère individuel du droit de poser des questions (772).

Alors que les questions orales étaient initialement inscrites à l’Assemblée nationale à la séance publique du vendredi, une résolution adoptée par l’Assemblée nationale le 19 décembre 1963 avait notamment pour objet de déplacer leur inscription au jeudi et de les scinder en deux parties (questions orales sans débat lors de la séance du matin, questions orales avec débat lors de la séance de l’après-midi). Le Conseil constitutionnel censura la modification du Règlement de l’Assemblée nationale sur ce second point, considérant que « si, par son règlement, chacune des assemblées du Parlement fixe librement le jour de la semaine et la séance de ce jour où elle doit, par priorité, délibérer sur les questions de ses membres et les réponses du Gouvernement, ces délibérations ne peuvent excéder la durée d’une séance » (773). C’est la raison pour laquelle les « questions au Gouvernement » introduites en 1974 le furent en marge du Règlement.

Depuis lors, la loi constitutionnelle du 4 août 1995, en modifiant la rédaction du deuxième alinéa de l’article 48 de la Constitution (« une séance par semaine au moins »), a permis de constitutionnaliser la possibilité de prévoir plusieurs séances hebdomadaires consacrées par priorité aux questions des parlementaires au Gouvernement. À cette occasion, le Conseil constitutionnel a précisé que si une séance hebdomadaire doit être réservée par priorité aux questions, cela ne signifie pas pour autant que le constituant aurait entendu imposer que ladite séance leur fût entièrement consacrée (774).

La nouvelle rédaction de l’article 48 prévoit une nouvelle modification de l’alinéa relatif aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement, afin de permettre leur inscription à l’ordre du jour par priorité, au moins une séance par semaine, « y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l’article 28 ».

Cette extension de l’inscription prioritaire des questions aux sessions extraordinaires permettra de renforcer le caractère continu de l’action de contrôle du Parlement. Elle répond à l’une des propositions du « comité Balladur » (775). Elle corrige la dissymétrie actuelle entre les questions écrites, qui peuvent être posées à tout moment par les parlementaires, et les séances de questions, cantonnées aux périodes de session ordinaire. Elle devrait rencontrer l’assentiment de l’ensemble des groupes politiques, qui y trouveront ainsi un moyen d’être tenus informés et de pouvoir engager des débats avec le Gouvernement sans pâtir des périodes de suspension des travaux, et notamment de l’inter-législature. Lors de la première séance de la deuxième session extraordinaire de la XIIIe législature, le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, M. Jean-Marc Ayrault, demandant au Gouvernement l’organisation d’un débat à partir d’une déclaration du Gouvernement sur la question de la situation en Iran, faisait observer, en appui à sa demande, que, « après une interruption des travaux de notre assemblée le 20 février (2007) en raison des élections, nous n’avons pas eu la possibilité, au cours de la session extraordinaire du mois de juillet, d’interroger le Gouvernement » (776). Il pourra donc désormais être porté remède à une interruption des séances de questions au Gouvernement pendant une période excessivement longue.

La rédaction de l’alinéa supprime la mention du fait que l’ordre du jour réservé aux questions au Gouvernement l’est « par priorité ». La suppression de cette mention pourrait avoir pour conséquence de sanctuariser cet ordre du jour : il ne serait pas possible d’inscrire dans le cadre de la séance ainsi réservée, d’autres discussions ou délibérations. Le rapporteur vous propose par conséquent de réintroduire la mention du fait que l’ordre du jour ainsi réservé l’est uniquement « par priorité », et non en sa totalité, afin de conserver la souplesse actuelle dans l’inscription des questions à l’ordre du jour.

Par ailleurs, une autre proposition du « comité Balladur », qui n’appelle pas de modification constitutionnelle en tant que telle, mériterait d’être prise en considération lors de la réforme du Règlement qui sera rendue nécessaire par l’adoption du présent projet. En effet, il a proposé de revoir la procédure des questions au Gouvernement « de telle sorte que la majorité et les autres groupes y disposent d’un temps de parole équivalent » (777). Lors de la mise en place coutumière des questions au Gouvernement à l’Assemblée nationale, en juin 1974, sur proposition du Président de la République, M. Valéry Giscard d’Estaing, le temps de parole était partagé à égalité entre majorité et opposition. Lors du changement de législature, en 1981, le temps de parole a été réparti au prorata de l’effectif de chacun des groupes politiques au début de la législature, à l’instar de la règle appliquée aux questions orales sans débat. Depuis lors, si cette règle de répartition prévaut, elle est uniquement fondée sur la pratique constante. Par conséquent, le retour à un partage égalitaire du temps de parole pourrait s’inscrire opportunément dans la présente réforme, qui consacre la reconnaissance de droits spécifiques aux groupes parlementaires qui n’ont pas déclaré soutenir le Gouvernement.

7. Les inscriptions de droit à l’ordre du jour

Certains sujets doivent être inscrits de droit à l’ordre du jour, nonobstant l’ordre du jour prioritaire. Cette inscription de droit à l’ordre du jour doit permettre de discuter dans les meilleurs délais des questions primordiales et qui peuvent concerner aussi bien le contrôle exercé sur le Gouvernement que le fonctionnement intérieur de l’assemblée ou le déroulement de la procédure législative. Si l’article 48 de la Constitution ne mentionne pas ces inscriptions à l’ordre du jour, elles se déduisent d’autres articles de la Constitution.

L’article 51 de la Constitution dispose que, lorsque la responsabilité du Gouvernement est engagée ou mise en cause devant l’Assemblée nationale, des séances supplémentaires sont de droit et que, le cas échéant, la clôture de la session ordinaire ou des sessions extraordinaires est retardée. Le Règlement de l’Assemblée nationale prévoit que le débat sur une motion de censure doit avoir lieu au plus tard le troisième jour de séance suivant l’expiration du délai de quarante-huit heures suivant son dépôt (article 154 du Règlement). Il prévoit également que, lorsque le Gouvernement engage sa responsabilité sur le vote d’un texte, conformément au troisième alinéa de l’article 49, le débat est immédiatement suspendu durant vingt-quatre heures (article 155 du Règlement).

La Constitution prévoit également que l’assemblée intéressée peut être « réunie de plein droit pour des séances supplémentaires » pour discuter de la suspension de la détention, de mesures privatives ou restrictives de liberté ou de poursuite visant un parlementaire, sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 26 de la Constitution. Chaque assemblée précise dans quelles conditions la discussion sur la demande de suspension intervient. À l’Assemblée nationale, la discussion a lieu lors de la plus prochaine séance réservée par priorité aux questions au Gouvernement, à la suite de ces questions, sans que cette séance puisse se tenir plus d’une semaine après la distribution du rapport de la commission ou plus de quatre semaines après le dépôt de la demande (article 80 du Règlement de l’Assemblée nationale).

L’article 10 de la Constitution permet au Président de la République de demander au Parlement une nouvelle délibération d’une loi ou de certains de ses articles. Dans un tel cas, il est précisé que « cette nouvelle délibération ne peut être refusée ». L’inscription à l’ordre du jour de chacune des deux assemblées est donc de droit. À l’Assemblée nationale, la commission compétente doit statuer sur cette nouvelle délibération dans le délai qui lui est imparti, et qui ne peut excéder quinze jours (article 116 du Règlement de l’Assemblée nationale). Le texte est alors inscrit à l’ordre du jour selon la procédure ordinaire.

La modification de l’article 48 de la Constitution n’aura pas d’incidence sur ces inscriptions à l’ordre du jour.

Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur et un amendement de précision du même auteur (amendements nos 75 et 76), la Commission a examiné en discussion commune un amendement de M. Arnaud Montebourg prévoyant que l’ordre du jour des assemblées comporte pour un tiers la discussion des projets de loi déposés par le Gouvernement et des propositions de loi acceptées par lui, pour un tiers les propositions de loi des groupes parlementaires qui ont déclaré leur appartenance à la majorité qui soutient le Gouvernement et pour un tiers les propositions de loi de ceux qui ne l’ont pas déclarée ainsi qu’un amendement du rapporteur instituant la possibilité de réserver une semaine de séance par mois au contrôle.

Le rapporteur a jugé préférable d’adopter son amendement qui tend à instaurer une priorité au contrôle dans les semaines de séance relevant de l’initiative parlementaire.

M. Arnaud Montebourg a estimé que rien ne garantissait que les droits de l’opposition soient préservés dans ce cadre.

Le rapporteur a rappelé que si l’opposition disposait aujourd’hui de sept séances réservées par session, elle en disposera de vingt-sept dans le cadre de la réforme des institutions. Il a ajouté que ces séances trouveraient leur place dans les semaines de séance réservées à l’initiative parlementaire. Il a précisé que l’amendement qu’il a déposé permet de réserver par priorité une semaine de séance sur quatre, et dans l’ordre fixé par la Conférence des Présidents, au contrôle de l’action du Gouvernement.

M. Arnaud Montebourg s’est interrogé sur le contenu de ces séances. Le rapporteur a indiqué qu’il pourrait s’agir par exemple de débats sur des rapports de commissions d’enquête ou de missions d’information, sur des rapports sur l’application des lois ou encore sur des rapports d’évaluation.

M. Benoist Apparu s’est inquiété que ces semaines réservées à l’initiative parlementaire ne soient en réalité consacrées à l’examen des textes prioritaires du Gouvernement.

Le rapporteur a rappelé qu’en effet le Gouvernement pouvait y inscrire les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale ainsi que les textes en navette. Il a donc ajouté qu’il convenait d’éviter que le Gouvernement puisse remplir la totalité de l’ordre du jour.

M. Benoist Apparu a alors demandé si, compte tenu de ces éléments et du temps de séance réservé au contrôle, il resterait de la place pour l’examen de propositions de lois. Le rapporteur a répondu que son amendement visait précisément à permettre à la Conférence des Présidents de consacrer, si elle le souhaite, une semaine entière de séance au contrôle pour inciter le Gouvernement à se montrer conciliant quant à l’inscription des propositions de loi.

La Commission a alors rejeté l’amendement de M. Arnaud Montebourg et adopté celui du rapporteur (amendement n° 77).

En conséquence, la Commission a rejeté un amendement de M. Arnaud Montebourg prévoyant qu’une semaine de séance sur quatre est consacrée aux fonctions de contrôle et l’amendement n° 13 de M. Patrick Ollier prévoyant qu’un jour de séance par mois est réservé au contrôle et à l’évaluation des politiques publiques.

La Commission a rejeté un amendement de M. Bertrand Pancher rendant automatique la discussion d’un texte transmis par l’autre assemblée dans un délai de trois mois, sans demande du Gouvernement, le rapporteur ayant estimé ce dispositif contradictoire avec les règles prévues pour l’ordre du jour.

La Commission a rejeté l’amendement n° 16 de M. Patrick Ollier relatif au caractère dérogatoire des demandes d’examen prioritaire émanant du Gouvernement.

Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur corrigeant une imprécision (amendement n° 78). Mme Delphine Batho a demandé pourquoi la rédaction proposée permettait de mieux prendre en compte le cas de la prolongation de l’état d’urgence. Le rapporteur a précisé que cette rédaction, visant les « projets relatifs aux états de crises », concerne à la fois les demandes d’autorisation relatives à l’état de siège et les projets de loi relatifs à l’état d’urgence.

La Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde prévoyant que l’inscription prioritaire des textes en navette n’interviendra que deux mois après leur transmission et a adopté un amendement du rapporteur fixant ce délai à six semaines (amendement n° 79). Elle a ensuite adopté un amendement grammatical du rapporteur (amendement n° 80).

Elle a rejeté un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde prévoyant l’inscription à l’ordre du jour des assemblées des propositions de chaque groupe parlementaire, qu’il soutienne ou non le Gouvernement. Le rapporteur a indiqué qu’il convenait plutôt de renforcer les droits de l’opposition.

La Commission a rejeté deux amendements de M. Jean-Christophe Lagarde, le premier prévoyant que plus d’un jour de séance par mois puisse être consacré à l’ordre du jour souhaité par l’opposition et le second permettant à chaque groupe de disposer d’un jour de séance par mois, qu’il soutienne ou non le Gouvernement. Son auteur a indiqué que le rejet de cet amendement serait pris en compte par son groupe lors du vote du projet de loi constitutionnelle au Congrès.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant de réserver la séance mensuelle aux groupes politiques qui ne participent pas de la majorité de l’assemblée concernée (amendement n° 81).

Elle a rejeté l’amendement n° 3 de M. Jacques Remiller rendant obligatoires deux séances de questions au Gouvernement par semaine.

La Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que les questions au Gouvernement peuvent constituer la première partie d’une séance, dont l’ordre du jour pourra comporter d’autres points (amendement n° 82).

La Commission a rejeté un amendement de M. Arnaud Montebourg consacrant l’égalité du temps de parole entre les groupes lors des questions au Gouvernement, le rapporteur ayant estimé que cette question relevait du règlement de chaque assemblée.

La Commission a été saisie d’un amendement de M. Arnaud Montebourg permettant la création d’une commission d’enquête à la demande de soixante députés ou de soixante sénateurs et pouvant porter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires. Son auteur a indiqué que la commission d’enquête parlementaire recherchait la vérité politique qui se distingue de la vérité judiciaire.

Après avoir rappelé la position qu’il avait précédemment exprimée sur un amendement similaire, le rapporteur a estimé que la disposition relative à l’interdiction de constitution d’une commission d’enquête sur des faits donnant lieu à des poursuites judiciaires était bien de nature constitutionnelle mais que la rédaction de l’amendement devrait être améliorée.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec a rappelé que les poursuites judiciaires faisaient aujourd’hui échec aux commissions d’enquête. Or, comme les poursuites peuvent être engagées par le parquet, elles peuvent être instrumentalisées pour empêcher les parlementaires d’investiguer.

M. Benoist Apparu a estimé qu’il conviendra en tout état de cause de veiller au respect du secret de l’instruction.

Après avoir rappelé qu’un simple dépôt de plainte pouvait faire échec à une commission d’enquête, M. Claude Goasguen a estimé qu’il était possible de préserver le secret de l’instruction.

M. Sébastien Huyghe a également estimé qu’il convenait d’être vigilant sur cette question ainsi que sur le respect du principe de la présomption d’innocence.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec a estimé que la commission d’enquête s’intéressait aux faits et non à la culpabilité des personnes mises en cause. Il a souligné qu’une plainte avec constitution de partie civile d’un simple particulier pouvait faire obstacle à la création d’une commission d’enquête.

Le rapporteur a invité l’auteur de l’amendement a en modifier la rédaction afin notamment de prévoir le recours à une loi organique et indiqué à M. Sébastien Huyghe que la commission d’enquête pouvait travailler à huis clos.

M. Arnaud Montebourg a alors retiré son amendement.

La Commission a adopté l’article 22 ainsi modifié.

Après l’article 22

La Commission a rejeté un amendement de M. Noël Mamère visant à instituer le principe selon lequel toute proposition de loi adoptée par une assemblée doit être inscrite à l’ordre du jour de l’autre assemblée dans un délai d’un an, ainsi qu’un amendement du même auteur visant à permettre aux parlementaires d’opposition de convoquer les membres du Gouvernement en audiences publiques.

Article 23

(art. 49 de la Constitution)


Engagement de la responsabilité du Gouvernement

Le mécanisme de l’article 49, alinéa 3, avec la maîtrise de l’ordre du jour assurée par le Gouvernement, constitue sans aucun doute la meilleure illustration de la sophistication du mouvement de « rationalisation » du parlementarisme. Il s’agit de combiner la domination gouvernementale sur la procédure législative et les contraintes du pouvoir de contrôle parlementaire. C’est aussi l’un des mécanismes les plus stigmatisés pour dénoncer les déséquilibres de la Ve République.

Par ce mécanisme, le Premier ministre, à tout moment de la procédure législative, peut engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote de tout ou partie d’un texte. Si dans les vingt-quatre heures qui suivent, aucune motion de censure n’est déposée, le texte est considéré comme adopté, bien qu’il n’y ait pas eu vote sur toutes les dispositions en cause. Si, en revanche, une motion de censure est déposée, celle-ci ne peut être adoptée qu’à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale. Ne sont recensés que les seuls suffrages favorables à la censure, les abstentions étant alors techniquement assimilées à des votes contre la motion de censure. Par ce moyen le Gouvernement peut donc faire adopter des textes qui, dans les conditions de droit commun, ne recueilleraient sans doute pas la majorité des suffrages.

Le Président de la République a déclaré, lors de son discours d’Épinal, le 12 juillet 2007 : « Je suis réservé quant à la suppression de l’article 49-3 qui permet au Gouvernement de faire adopter un texte quand il n’y a pas de majorité pour voter la censure. Sa suppression, sans doute, modifierait profondément les équilibres de la Ve République. Mais je suis bien obligé de reconnaître que l’utilisation du 49-3 a toujours suscité des débats. Ces débats n’ont jamais été conduits à leur terme. Je veux que l’on aille jusqu’au bout de ce débat. » (778)

Le présent article propose d’en réserver l’usage à l’adoption d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale et, hormis cette hypothèse, d’en limiter le recours à un seul autre projet ou une seule autre proposition de loi par session.

1. Une pratique préjudiciable à la délibération parlementaire

Mécanisme inspiré par l’expérience de la IVe République pour neutraliser les effets pervers des abstentions sur la question de confiance et contraindre les partenaires d’une coalition à assumer leur responsabilité, et moyen d’esquiver le dilemme incontournable du régime parlementaire entre construction d’une coalition capable de soutenir un Gouvernement et retour devant les électeurs, l’article 49, alinéa 3, de la Constitution a cessé de jouer son rôle d’ultima ratio.

a) Un objectif louable

La mise en place en 1958 du mécanisme de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution doit s’apprécier au regard de l’ensemble constitué par les articles 11, 34, 37, 38 et 48, construit en réaction aux errements des Républiques antérieures.

Par ce mécanisme, la majorité est placée au pied du mur : soit elle prend la décision de congédier le Gouvernement en condamnant le projet qu’il propose, soit elle choisit d’y renoncer, son absence de vote de l’éventuelle motion de censure signifiant tout à la fois survie du Gouvernement et adoption du projet concerné. Il en résulte qu’un texte, ayant fait l’objet d’un début de débat, mais sur lequel le scrutin n’a porté qu’indirectement, aura force de loi (779).

L’origine de cette construction doit être trouvée dans la recherche d’une réforme destinée à conforter la notion de majorité, base essentielle de tout régime parlementaire, afin de lutter contre l’instabilité ministérielle de la République précédente et la succession des crises irrésolues et marquées par le passage fréquent de la majorité d’investiture à l’abstention ou à l’opposition d’un certain nombre de députés, qui rejoignaient la majorité, après la vacance gouvernementale, provoquée… par eux. En application de l’article 49 de la Constitution du 27 octobre 1946, la confiance au Gouvernement ne pouvait en effet être refusée qu’à la majorité absolue des députés. Mais, dans les faits, ce sont quatorze gouvernements sur vingt qui ont dû démissionner sans que les conditions constitutionnelles aient été réunies, soit parce que la majorité s’était disloquée sans vote de l’Assemblée, soit en raison de la mise en minorité du Gouvernement sur un texte sans que la confiance fût formellement refusée. C’est par cette pratique que toute possibilité de majorité stable s’éloignait et que le régime parlementaire dérivait vers un gouvernement d’assemblée.

Un consensus s’est alors fait sur trois objectifs. Il s’agissait, d’abord, de faire en sorte que les mécontents occasionnels ne sortent pas de la majorité d’investiture de façon intempestive et « de leur permettre de se comporter de manière à demeurer dans la majorité tout en laissant au Gouvernement, qu’ils ne condamnent pas, la responsabilité principale des mesures auxquelles il lie son existence ». Il s’agissait ensuite d’obliger l’opposition à faire la preuve qu’elle est devenue majoritaire avant que de déclarer le pouvoir vacant (780). Il s’agissait, enfin, de déterminer le sort du projet auquel le Gouvernement liait lui-même son sort.

Un projet de révision constitutionnelle prévoyant un dispositif pour répondre à ces trois objectifs fut d’ailleurs déposé par Félix Gaillard sur le bureau de l’Assemblée nationale, le 16 janvier 1958 (781). Ce projet fortement remanié lors de son examen fut adopté avant que le régime ne sombre.

C’est à l’initiative des ministres d’État, réunis dans un comité interministériel, que cette disposition a été ajoutée à celles présentées initialement par Michel Debré (782). À l’origine, il n’était pas prévu de reprendre le mécanisme imaginé dans les dernières années de la IVe République par ceux qui souhaitaient garantir une plus grande stabilité gouvernementale et qui permettait qu’un projet de loi soit considéré comme adopté par l’Assemblée nationale si celle-ci, informée que le Gouvernement engageait son existence sur ce texte, ne votait pas dans un délai donné une motion de censure.

b) Une pratique critiquée

Mis en regard avec tout un ensemble de dispositifs destinés à encadrer les pouvoirs du Parlement, l’article 49, alinéa 3, est devenu le symbole du déséquilibre institutionnel qui, progressivement, se serait installé dans les débats législatifs entre le Gouvernement et le Parlement (783).

En effet, ce mécanisme a été utilisé depuis l’avènement de la Ve République par presque tous les gouvernements. Conçu pour fonctionner en cas de crise, son usage s’est banalisé. Depuis 1958, le Gouvernement a engagé sa responsabilité sur ce fondement à quatre-vingt-deux reprises. Dans près des deux tiers des cas – cinquante et une fois exactement –, cette procédure a donné lieu au dépôt d’une motion de censure. Elle a permis l’adoption de quarante-huit textes.

Dans les faits, la procédure a été utilisée dans deux cas de figure :

―  soit pour contraindre la majorité de l’Assemblée nationale à accepter un texte qu’elle n’approuve pas ; le « comité Balladur » distingue ainsi les cas d’une majorité « continuellement rétive » (de 1976 à 1981), « ponctuellement hostile à un texte » (exemples, en 1960, du Gouvernement dirigé par Michel Debré sur le projet de loi de programme militaire et, en 1982, du Gouvernement mené par Pierre Mauroy sur le projet de loi relatif au règlement de certaines situations résultant des événements d’Afrique du nord « réhabilitant » des généraux d’Algérie), ou « étroite et incertaine » (entre 1967 et 1968 puis entre 1988 et 1993) (784) ;

―  soit pour lutter contre l’obstruction parlementaire, alors qu’il n’avait pas été institué pour cela. À titre d’exemple, il est possible de citer le projet de loi de nationalisation de 1982, le projet de loi relatif au statut de la Régie Renault en 1990 ou encore le projet de loi relatif aux élections régionales et européennes en 2003 sur lesquels les gouvernements respectifs de MM. Mauroy, Rocard et Raffarin ont engagé la procédure du troisième alinéa de l’article 49 afin de lutter contre l’obstruction parlementaire ; en juin 1993, lors de l’examen du projet de loi sur les privatisations, l’opposition avait déposé des milliers d’amendements ; en 1995, le même usage en sera fait dans le cadre de l’examen des projets de modernisation de la sécurité sociale et de réforme des régimes spéciaux de retraite, l’opposition ayant déposé près de 5 500 amendements.

ENGAGEMENTS DE RESPONSABILITÉ PAR LÉGISLATURE SUR LE FONDEMENT
DE L’ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Législature

Nombre

Cumul

Première législature du 9 décembre 1958 au 9 octobre 1962

7

7

Deuxième législature du 6 décembre 1962 au 3 avril 1967

7

Troisième législature du 3 avril 1967 au 30 mai 1968

3

10

Quatrième législature du 11 juillet 1968 au 2 avril 1973

10

Cinquième législature du 2 avril 1973 au 2 avril 1978

2

12

Sixième législature du 3 avril 1978 a 22 mai 1981

6

18

Septième législature du 2 juillet 1981 au 1er avril 1986

11

29

Huitième législature du 2 avril 1986 au 14 mai 1988

8

37

Neuvième législature du 23 juin 1988 au 1er avril 1993

39

76

Dixième législature du 2 avril 1993 au 21 avril 1997

3

79

Onzième législature du 12 juin 1997 au 18 juin 2002

79

Douzième législature du 25 juin 2002 au 19 juin 2007

3

82

ENGAGEMENTS DE RESPONSABILITÉ PAR PREMIER MINISTRE
SUR LE FONDEMENT DE L’ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION
ET MOTIONS DE CENSURE

Premier ministre

Nombre d’engagements
de responsabilité

Nombre
de textes concernés

Nombre
de motions de censure

Michel Debré (1959-1962)

4

2

4

Georges Pompidou (1962-1968)

6

2

4

Maurice Couve de Murville (1968-1969)

0

0

0

Jacques Chaban-Delmas (1969-1972)

0

0

0

Pierre Messmer (1972-1974)

0

0

0

Jacques Chirac (1974-1976)

0

0

0

Raymond Barre (1976-1981)

8

5

13

Pierre Mauroy (1981-1984)

7

5

6

Laurent Fabius (1984-1986)

4

2

1

Jacques Chirac (1986-1988)

8

7

7

Michel Rocard (1988-1991)

28

12

5

Édith Cresson (1991-1992)

8

4

2

Pierre Bérégovoy (1992-1993)

3

3

1

Édouard Balladur (1993-1995)

1

1

1

Alain Juppé (1995-1997)

2

2

2

Lionel Jospin (1997-2002)

0

0

0

Jean-Pierre Raffarin (2002-2005)

2

2

2

Dominique de Villepin (2005-2007)

1

1

3

Total

82

48

51

NB : statistiques détaillées en annexe du présent rapport, page 620.

Si le recours aux ressources de la procédure de l’article 49, alinéa 3, a été évité sous la XIe législature (1997-2002), ce fut en contrepartie de menaces de démission répétées du Premier ministre et de l’utilisation, à plusieurs reprises, du « vote bloqué » ou bien de l’acceptation d’amendements dont la censure par le Conseil constitutionnel était prévisible (785).

À propos de l’utilisation de l’article 49, alinéa 3, M. Maurice Duverger estimait, en 1988, qu’« une telle procédure n’est pas scandaleuse si elle intervient après un large débat, où toutes les opinions ont pu s’exprimer librement. L’abus vient seulement quand la discussion parlementaire est supprimée, le rapporteur de la commission et le ministre concerné (appartenant à la majorité) ayant seuls pu parler à la tribune avant que tombe le couperet. Cela ne s’était pas fait avant 1986. Si l’on évite de nouveau ces excès, il est normal dans une démocratie que les députés soient contraints de prendre ouvertement leurs responsabilités, le Gouvernement ne pouvant être renversé que si plus de la moitié d’entre eux le décident expressément. » (786)

Tirant un bilan des usages passés, le « comité Balladur » a relevé que « l’examen de la nature des textes ainsi adoptés montre qu’il s’agit de projets qui ne sont pas tous appelés à passer à la postérité, même si quelques textes importants n’ont pu voir le jour que par cette " manière forte ". Surtout, il apparaît que parmi les textes le plus souvent adoptés grâce à l’article 49, alinéa 3, figurent au premier rang les lois de finances et les lois portant sur la matière sociale. » Il suffit, pour illustrer ce propos, de rappeler qu’en 1979, le vote de la loi de finances pour 1980 n’exigea pas moins de quatre recours à cette procédure.

2. Un recours mieux encadré

Face à cette situation, deux voies sont possibles : la première consisterait à supprimer purement et simplement la procédure ; la seconde nécessiterait de l’aménager pour la recentrer sur son objectif originel.

a) Une suppression à exclure

Des critiques régulières se sont élevées contre cette disposition. Ainsi, Paul Reynaud écrivit en 1961 à Michel Debré à la suite de la triple application de l’article 49, alinéa 3, pour l’adoption de la « force de frappe » nucléaire. Gaston Defferre s’indigna auprès de M. Valéry Giscard d’Estaing lorsque Raymond Barre fut amené à y recourir à quatre reprises. D’autres s’inquiétèrent que l’engagement de responsabilité soit utilisé même pour des questions secondaires Ainsi, selon Michel Debré, « l’arme de l’article 49, alinéa 3, ultime sauvegarde du Gouvernement, ne peut être utilisée que pour les projets que le Gouvernement juge essentiels. Un emploi fréquent serait de nature à réduire de manière caricaturale la fonction parlementaire » (787).

Si elle a le mérite de la simplicité, la suppression du dispositif de l’article 49, alinéa 3, pécherait par simplisme. Il est des circonstances – il suffit de rappeler à ce titre la situation délicate qui a suivi les élections législatives de 1988 – qui commandent d’assurer une stabilité du Gouvernement, sous peine de faire subir au pays des soubresauts dont il n’a pas besoin.

Faute de dispositif idoine, le risque, dans ces circonstances, serait de voir des projets essentiels comme les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale ne pas être adoptés, alors même que la continuité de la vie nationale exige leur mise en application.

La suppression aurait été justifiée si, d’une part, l’alinéa 3 de l’article 49 avait toujours été invoqué sans aucun débat préalable et si, d’autre part, le Gouvernement n’avait pas la faculté de retenir des amendements dans son texte. De surcroît, elle conduirait à réduire la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement.

b) Un aménagement souhaitable

Plus sûrement mérite d’être explorée la voie consistant, d’une part, à limiter son nombre d’applications et, d’autre part, à en réserver l’usage aux textes les plus importants (788).

Dans un souci de rééquilibrage des institutions, la pratique commande, en effet, que soit révisé le troisième alinéa de l’article 49. Le « comité Vedel », en 1993, avait « unanimement estimé que le mécanisme prévu par cette disposition était indispensable à l’efficacité gouvernementale et n’était que la mise en forme d’une règle qui, sous d’autres formulations, existe dans les régimes parlementaires modernes. En même temps, il n’a pas été indifférent aux abus qui ont pu lui être reprochés. Il a donc étudié les différentes solutions, et notamment celles qui figurent dans la lettre du Président de la République, qui permettraient d’en restreindre l’usage.

« Qu’il s’agisse de limiter l’utilisation du mécanisme à un certain nombre de textes par session, ou bien à certains textes en raison de leur nature, aucune de ces solutions ne lui a paru satisfaisante. Elles aboutissent en effet à une paralysie excessive du mécanisme. C’est le cas de la restriction de son usage à un petit nombre de textes par session, par définition impossibles à connaître à l’avance, ou de l’interdiction de cet usage après trois ou quatre utilisations excessives, ou encore de sa limitation à certaines catégories de textes comme la loi de finances. (789)

« Le comité a toutefois estimé dans sa majorité qu’une modification tendant à mieux préciser le sens et les limites du recours à l’article 49-3 pourrait être retenue. En laissant au Gouvernement le soin d’apprécier si le recours à ce mécanisme est nécessaire à l’exécution de son programme, on inviterait celui-ci à faire un usage raisonnable de cette prérogative. »

Sans sanction, invite plus qu’encadrement, la proposition faite par le « comité Vedel » n’aurait eu d’autre portée que symbolique. De manière à la fois plus opérationnelle et plus restrictive, mais considérant que le Gouvernement pouvait disposer d’un nouvel outil pour lutter contre l’obstruction parlementaire grâce à l’institution d’une organisation concertée des débats (790), le « comité Balladur », dans sa proposition n° 23, reprise dans le présent projet de loi constitutionnelle, avait choisi de limiter le recours à l’article 49, alinéa 3, aux seuls projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, « c’est-à-dire aux textes les plus essentiels à l’action du Gouvernement ». L’existence de délais constitutionnels enserrant l’examen de ces textes spécifiques permet d’éviter une dérive des débats, contre laquelle il n’est donc pas besoin d’user de l’article 49, alinéa 3, réservé alors à son objet initial.

Il est proposé, dans le présent projet de loi constitutionnelle, d’aller un peu au-delà, en ouvrant au Premier ministre le droit de recourir à cette disposition de l’article 49 également pour un seul autre texte par session.

Cette faculté pourra être utilisée au cours d’une session ordinaire, mais également au cours d’une session extraordinaire.

Dans la rédaction proposée, elle pourra être ouverte pour un seul texte, mais pas nécessairement pour une seule lecture, ce qui signifie qu’un même texte pourra être adopté à chaque stade de son examen par l’Assemblée nationale grâce au recours à l’article 49, alinéa 3, que ces différentes lectures interviennent au cours de la même session ou au cours de deux sessions. Ainsi, la nouvelle disposition s’appliquerait à un cas tel que celui de la loi n° 86-1197 du 24 novembre 1986 relative à la délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés, loi rendue nécessaire par le refus opposé par le Président de la République à la signature de l’ordonnance relative à cette délimitation et qui a été adoptée en première et en deuxième lecture grâce au secours de l’article 49, alinéa 3. Elle s’appliquerait également à un cas comme le projet de loi portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales qui donna lieu en décembre 1990 à un engagement de responsabilité en première, en deuxième et en troisième lecture.

En outre, dans le cas d’un changement de Premier ministre au cours d’une même session, il conviendra de lire la présente disposition comme permettant au nouveau Gouvernement de recourir de nouveau à la faculté de recourir à l’article 49, alinéa 3, même si son prédécesseur l’a déjà utilisé, au cours de la même session. En effet, il serait difficilement admissible que les choix opérés par le premier limitent ceux du second.

L’utilisation, dans le même alinéa, de la notion de « projet » de loi de finances ou de loi de financement d’un côté et de celle de « texte » de l’autre peut introduire une certaine ambiguïté. Pour cette raison, il conviendrait d’harmoniser la rédaction et de ne mentionner que les projets et les propositions de loi.

Par ailleurs, devrait demeurer possible la faculté ouverte aujourd’hui de n’engager la responsabilité du Gouvernement que sur une partie seulement du projet ou de la proposition. En pratique, ce cas de figure concerne essentiellement les projets de loi de finances, compte tenu du caractère distinct et successif de la première et de la deuxième partie. Ainsi, le Gouvernement pourra être amené à invoquer à deux reprises les dispositions de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, sur un même projet ou une même proposition.

Cette proposition équilibrée, qui rend le recours à l’article 49, alinéa 3, possible mais dissuasif, sera applicable à compter du 1er janvier 2009 selon le II de l’article 34 du présent projet de loi constitutionnelle (791). Elle pourrait, en effet, nécessiter que soient adaptés les règlements des assemblées.

La Commission a rejeté un amendement de M. Patrick Braouezec supprimant le troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution. Elle a ensuite adopté deux amendements rédactionnels présentés par le rapporteur (amendements nos°83 et 84).

La Commission a ensuite été saisie de trois amendements identiques de MM. Noël Mamère, Bertrand Pancher et Jean-Yves Le Bouillonnec tendant à supprimer les troisième et quatrième alinéas de l’article 23 du projet de loi dans le but de limiter le recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution aux seuls projets de loi de finances et projets de loi de financement de la sécurité sociale, à l’exclusion de tous les autres textes. Après que M. Jean-Christophe Lagarde eut apporté son soutien à ces amendements, car il lui a paru important de prévenir tout usage abusif de cet article par le Gouvernement sur des projets de loi dont l’importance ne justifierait pas la mise en jeu de la responsabilité gouvernementale, et que le rapporteur eut émis un avis défavorable, préférant l’équilibre établi par le projet de loi, les trois amendements ont été rejetés, de même que l’amendement de M. Jean-Christophe Lagarde tendant à la suppression du quatrième alinéa de l’article 23 et l’amendement du même auteur tendant à encadrer la procédure de l’article 49, alinéa 3, en permettant au représentant d’un groupe parlementaire d’opposition de réclamer un scrutin public immédiat sur l’interruption des débats induite par le recours à cet article.

La Commission a adopté l’article 23 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 23

(art. 50-1 [nouveau] de la Constitution)


Déclaration du Gouvernement à caractère thématique

La Commission a adopté un amendement du rapporteur insérant un nouvel article 50-1 dans la Constitution permettant au Gouvernement de faire devant les assemblées une déclaration à caractère thématique suivie d’un débat, et éventuellement d’un vote, sans que ce dernier mette en cause la responsabilité du Gouvernement (amendement n° 85). Son auteur a rappelé que ce mécanisme innovant permettra au Parlement d’exprimer une opinion sans présenter les risques de dérive que contenait le vote de résolutions.

Article 24

(art. 51-1 [nouveau] de la Constitution)


Droits des groupes parlementaires

Le présent article insère un nouvel article 51-1 dans la Constitution. Il décline, au niveau parlementaire, la reconnaissance de droits garantis à la majorité et à l’opposition dans l’article 4 de la Constitution tel que modifié par l’article 1er du présent projet de loi constitutionnelle.

Cette proposition vient à la fois consacrer un long processus de constitution de groupes politiques stables au sein des assemblées et une série d’expériences d’attribution, par convention, de droits spécifiques à ceux qui ne soutiennent pas le Gouvernement, dans la mesure de leur poids numérique ou même au-delà de la seule représentation proportionnelle.

1. La reconnaissance progressive de la majorité et de l’opposition

Dans le régime représentatif, la délibération et le principe majoritaire revêtent une importance particulière. Ce sont eux qui permettent de trouver une solution aux conflits, de déboucher sur la formulation d’une volonté unique. Celle-ci, expression de la majorité parlementaire, n’est plus transcendée et attribuée à une entité plus ou moins fictive. Elle est bien la résultante des débats parlementaires, donc de la confrontation des idées de la majorité et de l’opposition. Elle constitue la traduction parlementaire du pluralisme politique.

• À la recherche d’un statut de l’opposition

Il faut reconnaître que, dans le passé, des efforts constants ont été entrepris pour préserver, puis renforcer, les droits de l’opposition.

Tout d’abord, dans le fonctionnement des assemblées et, en particulier, la constitution de leurs organes, la recherche d’une représentation satisfaisante de l’opposition a toujours fait partie du consensus républicain.

On pourrait remonter en 1910, date à laquelle il a été mis fin à la fermeture des commissions aux membres de l’opposition. Depuis lors, le principe d’une représentation de la minorité politique s’est largement imposé.

Aujourd’hui, plusieurs mécanismes permettent de faire une place aux groupes dans le fonctionnement des assemblées et donc aux groupes qui n’appartiennent pas à la majorité. La représentation proportionnelle des groupes constitue une première étape. La reconnaissance de droits spécifiques à ceux qui ne soutiennent pas le Gouvernement en constituerait une seconde.

Le principe de représentation proportionnelle des groupes est d’ores et déjà appliqué par le Règlement de l’Assemblée nationale dans certains cas. Ainsi en est-il de la composition de la commission spéciale de quinze membres chargée de vérifier et d’apurer les comptes (article 16), de la composition des commissions spéciales (article 33) et permanentes (article 37), ou encore de la composition par défaut de la commission chargée de l’examen des demandes de suspension de la détention, des mesures privatives ou restrictives de liberté ou de la poursuite d’un député (article 80). Un dispositif proche est prévu dans le Règlement du Sénat. Par ailleurs, cette règle de représentation proportionnelle des groupes est respectée dans la composition des CMP.

Au-delà, plusieurs tentatives ont été engagées par le passé pour permettre à l’opposition de jouer son rôle.

Après les élections législatives des 4 et 11 mars 1973, l’opposition a demandé des présidences de commissions. Si elle ne les a pas obtenues, plusieurs rapports de la commission des Finances lui ont été attribués, tandis que certains membres de l’opposition ont pu siéger au sein la délégation à l’ORTF. Au lendemain des élections législatives des 12 et 19 mars 1978, dans une intervention télévisée en date du 22 mars, le Président de la République suggéra, sans suite, d’attribuer des présidences de commission à l’opposition.

La pratique a ainsi permis d’améliorer le sort fait à l’opposition. Un autre exemple peut être cité, celui des questions d’actualité. En effet, sur le modèle du question time en vigueur à Westminster, une séance hebdomadaire d’une heure, le mercredi, réservée aux questions au Gouvernement, partagée à égalité entre la majorité et l’opposition, en présence de l’ensemble du Gouvernement, a été organisée pour la première fois le 12 juin 1974, sans modification du Règlement de l’Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel ayant déclaré en 1964 une disposition analogue non conforme à la Constitution, comme on l’a vu (792).

En outre, l’élargissement de la saisine du Conseil constitutionnel à soixante sénateurs et à soixante députés en 1974 a constitué une étape importante dans la reconnaissance des droits de la minorité parlementaire.

En 1981, un groupe de travail animé par le président de la commission des Lois, Raymond Forni, est mis en place pour chercher à améliorer le travail parlementaire. Dans ce cadre, il sera proposé que soit organisé, chaque semaine, un débat d’actualité dont l’opposition aurait l’initiative tous les quinze jours, tandis que celle-ci pourrait aussi obtenir, une fois par an, la création d’une commission d’enquête. Aucun rapport ne sera publié et ces propositions ne seront pas suivies d’effet. La proposition faite par le Premier ministre, au début de la VIIe législature, de soumettre la présidence des commissions à la représentation proportionnelle connaîtra le même sort. En revanche, le Sénat, alors dans l’opposition, obtient que la procédure des questions au Gouvernement lui soit appliquée, une fois par mois, à partir d’avril 1982.

Sous la IXe législature (1988-1993), l’Assemblée nationale ouvre l’accès des commissions d’enquête à l’opposition, tandis qu’à titre expérimental chaque président de groupe peut faire inscrire chaque année à l’ordre du jour complémentaire une proposition de résolution visant à créer une commission d’enquête : onze commissions d’enquête seront mises en place durant cette législature, l’opposition étant ou participant à l’initiative de sept d’entre elles, obtenant cinq présidences et un rapport (793).

Parallèlement, la publicité des débats est développée, le principe du caractère public des auditions des commissions d’enquête étant admis (794), ce qui donne une caisse de résonance particulière aux interventions de l’opposition. La publicité est également autorisée pour les commissions permanentes avec le même effet (795).

Des efforts ont été faits généralement pour favoriser l’initiative parlementaire, mais cela n’a pas toujours suffi à dessiner un statut de l’opposition. Par exemple, les premiers résultats de la révision intervenue en 1995 de l’article 48 de la Constitution réservant par priorité une séance par mois à l’ordre du jour fixé par chaque assemblée tendaient à montrer que « le Parlement dans sa généralité n’apparaît pas vraiment comme le bénéficiaire de l’innovation constitutionnelle » et que « ce bénéfice revient plutôt à la majorité parlementaire dans chacune des deux assemblées » (796), dans la mesure où c’est le principe majoritaire qui finalement décide du sort des propositions de la « fenêtre parlementaire ».

Cependant, l’usage « minoritaire » de cette fenêtre parlementaire a été reconnu par le Conseil constitutionnel. En effet, la question préalable est conçue d’abord comme une arme de l’opposition qui peut, par ce moyen, contester la politique gouvernementale. Le Règlement de l’Assemblée nationale, par la résolution n° 106 du 26 mars 2003, a intégré cette finalité en interdisant l’usage de la question préalable lors des séances tenues en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution (797), mesure contestée alors par le rapporteur lui-même, mais constituant la clé de l’accord réalisé unanimement sur l’ensemble de la résolution. La suppression de la question préalable dans ce cadre spécifique a néanmoins été validée par le Conseil constitutionnel, qui, selon un commentaire autorisé, a estimé que « c’est un élément des droits de l’opposition que méconnaîtrait la possibilité, pour la majorité, de refuser toute discussion en votant une question préalable » (798).

Alors même que, sous la XIIe législature, pour la première fois de l’histoire un seul parti, l’Union pour un Mouvement Populaire, a la majorité dans les deux chambres, il a été proposé de jeter, au-delà de la simple coutume, les bases juridiques solides d’un authentique statut de l’opposition.

Au début de la présente législature, l’attribution à l’opposition, par simple convention entre les groupes de l’Assemblée nationale, d’une présidence de commission – celle de la commission des Finances –, a constitué un geste fort, d’autant plus remarquable que le nombre de commissions en France est très réduit par rapport à celui qui existe dans les parlements de nos partenaires.

Une telle mesure avait déjà été préconisée par M. Guy Carcassonne, lorsqu’il fut auditionné par le groupe de travail présidé par M. Laurent Fabius sur le contrôle parlementaire de la dépense publique : « Je serais d’ailleurs tenté de rappeler l’expérience que l’on peut tirer des vice-présidents de l’Assemblée nationale. Lorsqu’au perchoir c’est un vice-président de l’opposition qui préside loyalement, il a de l’autorité. C’est en confiant des responsabilités à l’opposition qu’on la rend responsable, et je ne crois pas que ce serait un risque pour le Gouvernement – pour les législatures futures – de confier la présidence de la commission des Finances à un député de l’opposition. Ce serait même une garantie pour tous, conforme à l’intérêt de tous. La simple présence d’un député de l’opposition à la tête de la commission des Finances serait, non pas un gage absolu de la sincérité des chiffres budgétaires, mais une garantie supplémentaire extrêmement significative qui épurerait le débat de toute querelle sur ce registre. » (799)

Mais des exemples de présidences de commission données à la minorité dans les assemblées délibérantes peuvent être trouvés dans le passé. À l’Assemblée nationale, M. Roland Dumas fut président de la commission des Affaires étrangères en 1986-1987 et M. Valéry Giscard d’Estaing en 1988-1989. Au Sénat, le poste de président et de rapporteur général de la commission des Finances a été occupé par des personnalités de l’opposition sénatoriale entre 1959 et 1971, tandis que le poste de président de la commission des Finances a été conservé à l’opposition entre 1972 et 1983. Le poste de président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense a été occupé par un membre de l’opposition entre 1959 et 1967, ainsi que le poste de président de la commission des Affaires sociales entre 1968 et 1983 et le poste de président de la commission des Affaires culturelles entre 1978 et 1984.

Le domaine du contrôle semble être le mieux adapté aux exigences de participation de l’opposition. Comme l’a relevé M. Pierre Avril, « la domination de la majorité sur le plan législatif, qui a pour conséquence qu’une proposition de loi qui n’émane pas d’elle n’a pratiquement aucune chance d’aboutir (on le constate pour les initiatives inscrites à la " niche " mensuelle de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution), appelle une contrepartie évidemment nécessaire sur le plan du contrôle. Ce sont là des banalités qu’il n’est pas nécessaire de développer ici. Encore faut-il organiser cette contrepartie. » (800)

C’est le cas, d’abord, dans les délégations parlementaires pour l’Union européenne. Depuis la loi du 10 mai 1990, dite « loi Josselin » (801), les membres des délégations doivent être désignés en leur sein par chacune des deux assemblées de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes politiques.

C’est le cas, ensuite, dans les commissions d’enquête. La loi du 20 juillet 1991 (802) a consacré la représentation proportionnelle des groupes politiques au sein des commissions d’enquête.

L’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 précitée, dans son article 6, tel que modifié par la loi du 20 juillet 1991, précise ainsi que la désignation des membres de la commission doit être assurée de façon à permettre une représentation proportionnelle des groupes. Jusqu’en 1991, la désignation devait s’effectuer au scrutin majoritaire, mais la rigueur de cette règle s’est révélée inadaptée. Le choix des membres des commissions d’enquête a donc résulté, de manière constante, d’un accord politique permettant de respecter la représentation proportionnelle des groupes, ce qui a favorisé une représentation de l’opposition dans toutes les commissions d’enquête constituées depuis 1958. Les membres des commissions d’enquête, dont l’effectif maximum est fixé à trente, sont désignés selon des modalités identiques à celles retenues pour la nomination des membres des commissions permanentes, c’est-à-dire sur la base des listes de candidatures établies par les groupes.

Comme toute commission parlementaire, les commissions d’enquête sont administrées par un bureau, composé obligatoirement d’un président, de deux vice-présidents et de deux secrétaires, élus au scrutin secret, sauf lorsque le nombre de candidats, pour chaque catégorie de fonction, n’est pas supérieur au nombre de postes à pourvoir (803).

Si, dans la plupart des cas, l’opposition était représentée au sein du Bureau, on relève plusieurs exemples où ce ne fut pas le cas, à l’exemple des commissions sur les activités du Service d’action civique en 1982, sur l’affectation de fonds à une « invention scientifique » susceptible de bouleverser la recherche pétrolière en 1984, sur les événements de novembre et décembre 1986 ou sur le régime étudiant de sécurité sociale en 1999.

La dévolution des fonctions de président et de rapporteur, en raison du rôle de chacun d’eux dans le fonctionnement de la commission d’enquête, revêt une importance particulière. L’action du président est déterminante pour la conduite des travaux de la commission, puisqu’il la convoque et en dirige les débats. Il a notamment la charge de veiller à ce que la commission n’empiète pas sur les affaires judiciaires en cours, tout en garantissant le plein exercice de ses prérogatives (804).

Le rapporteur, désigné selon les mêmes modalités que le Bureau, dispose de pouvoirs propres qui lui permettent d’enquêter sur pièces et sur place. Tous les renseignements de nature à faciliter sa mission doivent lui être fournis. Il est habilité à se faire communiquer tous documents de service, à l’exclusion de ceux qui ont un caractère secret et concernent la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l’État, et sous réserve du respect du principe de la séparation de l’autorité judiciaire et des autres pouvoirs.

Dans la perspective ouverte en 1991, une première réforme du Règlement de l’Assemblée nationale du 26 mars 2003 a permis, lors de la constitution d’une commission d’enquête de réserver l’une des « fonctions exécutives », celle de président ou de rapporteur, à un membre du groupe auteur de la proposition de résolution à l’origine de la création de la commission.

Jusqu’à la réforme de 2003, la fonction de rapporteur avait toujours été attribuée à un représentant d’un groupe de la majorité, sauf en 1995, pour la commission d’enquête sur les sectes (805). Il n’en a pas toujours été de même pour la fonction de président, qui est parfois revenue à un membre d’un groupe de l’opposition. Ce fut le cas à cinq reprises durant la IXe législature (806) et à quatre reprises sous la XIe législature (807). Dans la majorité de ces cas, la création de la commission d’enquête avait été demandée par l’opposition.

De surcroît, la création, par la résolution du 26 mars 2003, d’une nouvelle catégorie d’organes de contrôle, les missions d’information et d’évaluation créées par la Conférence des Présidents sur proposition du Président de l’Assemblée nationale, a été l’occasion d’introduire dans notre Règlement la possibilité de confier la fonction de président ou de rapporteur d’une commission d’enquête à un membre du groupe auteur de la proposition de résolution à l’origine de la création de cette commission (808). Certes, ce dispositif ne garantit pas, d’un point de vue strictement technique, le pluralisme, puisque rien n’interdit que le groupe auteur de la proposition de résolution appartienne à la majorité et puisse ainsi désigner non seulement le président, mais aussi le rapporteur.

Cette réforme a toutefois été inspirée par le souci d’assurer un véritable pluralisme dans la conduite des commissions d’enquête (809). Ainsi, la réforme de 2003 a conduit dans son esprit, sinon dans sa lettre, à rendre en pratique ce dispositif quasi systématique, comme le montre le tableau ci-dessous. Le pluralisme des fonctions exécutives a été presque systématiquement respecté, non seulement dans les commissions d’enquête pour lesquelles le Règlement le prévoyait et pour celles où le Règlement ne le prévoyait pas, mais aussi pour presque toutes les missions d’information créées après la réforme.

MISSIONS D’INFORMATION ET COMMISSIONS D’ENQUÊTE CRÉÉES
DEPUIS LA RÉFORME DU 26 MARS 2003 À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Président

Groupe

Rapporteur

Groupe

Mission d’information sur la question des signes religieux à l’école
(27 mai 2003)

M. Jean-Louis Debré

UMP

M. Jean-Louis Debré

UMP

Mission d’information sur l’accompagnement de la fin de vie
(1er octobre 2003)

M. Jean Leonetti

UMP

M. Jean Leonetti

UMP

Commission d’enquête sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule
(7 octobre 2003)

M. Claude Evin

Socialiste

M. François d’Aubert

UMP

Mission d’information commune sur la télévision française à vocation internationale
(21 octobre 2003)

M. François Rochebloine

UDF

M. Christian Kert

UMP

Mission d’information sur la sécurité du transport aérien de voyageurs
(13 janvier 2004)

Mme Odile Saugues

Socialiste

M. François-Michel Gonnot

UMP

Mission d’information sur la problématique de l’assurance maladie
(13 avril 2004)

M. Jean-Louis Debré

UMP

M. Jean-Louis Debré

UMP

Mission d’information sur les conséquences environnementales et sanitaires des autorisations d’essais d’organismes génétiquement modifiés
(5 octobre 2004)

M. Jean-Yves Le Déaut

Socialiste

M. Christian Ménard

UMP

Mission d’information sur la famille et les droits des enfants
(7 décembre 2004)

M. Patrick Bloche

Socialiste

Mme Valérie Pecresse

UMP

Commission d’enquête sur l’évolution de la fiscalité locale
(15 février 2005)

M. Augustin Bonrepaux

Socialiste

M. Hervé Mariton

UMP

Mission d’information sur les risques et les conséquences de l’exposition à l’amiante
(12 avril 2005)

M. Jean Le Garrec

Socialiste

M. Jean Lemière

UMP

MISSIONS D’INFORMATION ET COMMISSIONS D’ENQUÊTE CRÉÉES
DEPUIS LA RÉFORME DU 26 MARS 2003 À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Mission d’information sur l’effet de serre
(4 octobre 2005)

M. Jean-Yves Le Déaut

Socialiste

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet

UMP

Mission d’information sur la grippe aviaire : mesures préventives
(4 octobre 2005)

M. Jean-Marie Le Guen

Socialiste

M. Jean-Pierre Door

UMP

Commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite « d’Outreau » et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement
(7 décembre 2005)

M. André Vallini

Socialiste

M. Philippe Houillon

UMP

Mission d’information sur l’interdiction du tabac dans les lieux publics
(2 mai 2006)

M. Claude Evin

Socialiste

M. Pierre Morange

UMP

Commission d’enquête relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs
(28 juin 2006)

M. Georges Fenech

UMP

M. Philippe Vuilque

Socialiste

Commission d’enquête sur les conditions de libération des infirmières et du médecin bulgares détenus en Libye et les récents accords franco-libyens
(11 octobre 2007)

M. Pierre Moscovici

SRC

M. Axel Poniatowski

UMP

Mission d’information commune sur la mesure des grandes données économiques et sociales
(13 novembre 2007)

M. Pierre-Alain Muet

SRC

M. Hervé Mariton

UMP

Mission d’information commune sur les exonérations de cotisations sociales
(13 novembre 2007)

M. Gérard Bapt

SRC

M. Yves Bur

UMP

Mission d’information sur les questions mémorielles
(25 mars 2008)

M. Bernard Accoyer

UMP

M. Bernard Accoyer

UMP

En outre, l’institution des MEC au sein de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, à compter de février 1999, a marqué une étape également significative (810). Renouvelée chaque année, coprésidée par un membre de la majorité et un membre de l’opposition, elle permet de mieux exercer les prérogatives reconnues au Parlement en matière de contrôle de l’utilisation des crédits votés en loi de finances. Son existence a été consacrée, indirectement, par la LOLF, dans son article 58 et dans son article 60.

Ce modèle a été étendu au contrôle des finances sociales, avec la mise en place d’une MECSS, au sein de la commission des affaires sociales sur le fondement de l’article L. 111-9-1 (devenu depuis L.O. 111-10) du code de la sécurité sociale introduit par l’article 38 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie. Dans sa réunion du 15 décembre 2004, la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale a ainsi constitué, pour la première fois, en son sein une mission de dix-huit membres appartenant à tous les groupes politiques. Ses règles de fonctionnement prévoient également une co-présidence par un député de la majorité et un de l’opposition, ainsi qu’une représentation plutôt paritaire que proportionnelle des groupes (811). De la même façon que la LOLF a consacré la mission de la MEC, la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) a consacré celle de la MECSS dans les articles L.O. 111-9, L.O. 111-10 et L.O. 111-12 du code de la sécurité sociale.

L’idée d’associer un membre de la majorité et un membre de l’opposition dans de nombreuses activités des commissions a trouvé de larges échos à l’Assemblée nationale, en particulier depuis le début de la XIIIe législature. Ainsi de nombreuses missions d’informations constituées par les commissions ont adopté ce principe « paritaire ».

Il en est ainsi, par exemple, de la mission d’information sur la clarification des compétences des collectivités territoriales, créée par la commission des Lois, le 20 novembre 2007, et qui dispose d’un rapporteur de la majorité et d’un rapporteur de l’opposition. Sous la précédente législature déjà, la mission d’information sur la situation de l’immigration à Mayotte, constituée le 19 octobre 2005, était présidée par un membre de l’opposition, tandis que le rapporteur appartenait à la majorité.

Ce principe a également été retenu par la commission des Finances qui, dans la logique consensuelle qui avait prévalu lors de l’adoption de la LOLF, a confié à un groupe de quatre députés, chacun appartenant à un groupe différent, le soin de suivre la mise en œuvre de cette loi organique. Au-delà, elle a appliqué le principe « paritaire » majorité-opposition pour plusieurs missions d’information : la mission relative aux niches fiscales est présidée par le président de la commission des Finances, qui appartient à l’opposition, et son rapport a été confié au rapporteur général, qui appartient à la majorité ; la même configuration a été adoptée pour la mission d’information sur le financement à long terme des grandes entreprises.

Selon le même schéma, la commission de la Défense a désigné un membre de la majorité et un membre de l’opposition pour conduire une mission d’information sur les enjeux stratégiques et industriels du secteur spatial et pour animer un groupe de travail sur la construction de l’Europe de la défense.

La commission des Affaires étrangères a confié plusieurs missions d’information à deux de ses membres, l’un de la majorité et l’autre de l’opposition : sur le Kosovo, sur les relations entre l’Union européenne et la Russie en matière énergétique, sur les enjeux géostratégiques de la prolifération ou encore sur la délimitation des frontières maritimes entre la France et le Canada. Elle a également constitué une mission d’information sur l’Iran et l’équilibre géopolitique au Moyen-Orient, présidée par un membre de l’opposition et « rapportée » par un membre de la majorité.

Dans la même logique, deux commissions de l’Assemblée nationale, la commission des Lois et la commission des Affaires économiques se sont attachées à garantir un contrôle de l’application des lois « paritaire » en confiant à un rapporteur de la majorité associé à un membre de l’opposition les rapports d’évaluation rendus sur le fondement de l’article 86, alinéa 8, du Règlement.

Introduit, dans le cadre du renforcement des activités de contrôle de l’Assemblée nationale, par la résolution du 12 février 2004 modifiant le Règlement (812), ce mécanisme permet d’informer l’Assemblée nationale sur la mise en application effective des lois et sur la mise en œuvre des recommandations des commissions d’enquête, conçue avec le triple objectif de résoudre « le problème lancinant de la mise en application des textes », de « favoriser une meilleure coordination entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif » et, enfin, de permettre une meilleure évaluation des lois.

Il prévoit qu’« à l’issue d’un délai de six mois suivant l’entrée en vigueur d’une loi dont la mise en œuvre nécessite la publication de textes de nature réglementaire, le député qui en a été le rapporteur ou, à défaut, un autre député désigné à cet effet par la commission compétente, présente à celle-ci un rapport sur la mise en application de cette loi. Ce rapport fait état des textes réglementaires publiés et des circulaires édictées pour la mise en œuvre de ladite loi, ainsi que de ses dispositions qui n’auraient pas fait l’objet des textes d’application nécessaires. Dans ce cas, la commission entend son rapporteur à l’issue d’un nouveau délai de six mois. » (813)

• Une tentative décisive

Nombreuses ont été les interventions ces dernières années pour appeler de leurs vœux la création d’un véritable statut de l’opposition parlementaire.

Par exemple, à l’occasion de l’examen, en 2005, d’un amendement à la LOLF présenté sous la précédente législature par des députés de l’opposition tendant à accorder des droits spécifiques en matière d’évaluation et de contrôle des finances publiques à un parlementaire « issu du groupe le plus nombreux n’ayant pas voté la confiance au Gouvernement », notre collègue Charles de Courson a estimé que « la source du problème réside dans l’absence de statut de l’opposition en droit parlementaire français, ce que cet amendement ne peut à lui seul contourner, alors même que la majorité a souvent un comportement hégémonique. Cet amendement cherche à répondre à un véritable problème, mais celui-ci ne pourra être résolu qu’en reconnaissant juridiquement l’existence d’une opposition et en lui conférant de véritables pouvoirs. Un système où l’opposition n’est pas mise à même d’exercer des pouvoirs de contrôle reflète une conception bien étrange de la démocratie parlementaire. » (814)

À l’occasion de la loi de finances initiale pour 2002, un débat avait déjà eu lieu pour savoir dans quelles conditions les membres de l’opposition pourraient faire partie de la Commission de vérification des fonds spéciaux dont plusieurs amendements proposaient la création. M. Didier Migaud, alors rapporteur général de la commission des Finances, avait clairement exposé en séance publique les obstacles s’opposant à une mention expresse des « membres de l’opposition » dans la loi, tout en estimant que, grâce au débat parlementaire éclairant la volonté du législateur, il serait possible de pallier le silence du texte et d’instaurer, par l’usage, l’équilibre recherché entre les membres de la majorité et ceux de l’opposition.

Une tentative, plus sérieuse et sans doute décisive dans la prise de conscience de la nécessité d’accorder un statut à l’opposition, a été engagée à l’occasion de la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale en juin 2006. En effet, à l’initiative du rapporteur, il était proposé d’inscrire dans ce texte un ancrage juridique qui aurait permis d’aller plus loin que ce que permettait la seule pratique, ancrage à partir duquel toute une série de mesures, ajustables dans leur intensité et dans le temps, aurait pu être déclinée (815).

Mais, le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision n° 2006-537 DC du 22 juin 2006 (816), que le mécanisme soumis à son examen méconnaissait le premier alinéa de l’article 4 de la Constitution ainsi que le principe d’égalité.

M. Jean-Louis Debré, en qualité de Président de l’Assemblée nationale, à l’occasion des vœux qu’il avait adressés en 2007 au Président de République, avait relevé la « nécessité d’un véritable statut de l’opposition à l’Assemblée nationale », tout en observant qu’il s’agissait d’une « question difficile car l’appréciation de la nécessité de ce statut varie selon que l’on est dans la majorité ou dans l’opposition ». Il a alors rappelé : « pendant cette législature, je me suis employé à faire progresser les choses. J’ai imposé le pluralisme au sein des missions d’information et des commissions d’enquête, je me suis efforcé, chaque fois que c’était possible, de désigner dans les organismes extraparlementaires des députés de la majorité et des députés de l’opposition, mais cela ne saurait suffire. Il faut aller plus loin, revoir par exemple l’organisation de nos séances de questions d’actualité en laissant le même temps à la majorité et à l’opposition. Je sais que cette proposition ne convient pas à tout le monde, surtout dans la majorité. Mais peu importe, il s’agit de rénover le Parlement. Il faut, par ailleurs, prévoir, sans forcément aller jusqu’à confier à l’opposition des présidences de commission même si cela s’est déjà fait par le passé, de créer pour l’opposition dans chacune des commissions un poste de vice-président, chargé justement du contrôle. »

Il a ajouté qu’« il faudrait, pour que ce dossier progresse significativement, qu’un consensus se dégage. Mais lorsque l’on est majoritaire, l’on ne voit pas pourquoi l’on concéderait des droits nouveaux à l’opposition. Et lorsque l’on est dans l’opposition, on a forcément du mal à accepter des évolutions considérées comme toujours trop limitées ou trop timorées. » (817)

Ces pratiques et orientations méritent d’être consolidées et élargies, ce qui implique de réviser la Constitution.

2. Le besoin de consacrer juridiquement la majorité et l’opposition

a) La consécration des droits de l’opposition

Certes, la place réservée à l’opposition, on l’a vu, a été améliorée ces dernières années, à la fois grâce à la mise en œuvre des séances d’initiative parlementaire, par la coprésidence des MEC constituées au sein des commissions des Finances et des Affaires culturelles, et par un partage des « fonctions exécutives » des commissions d’enquête et, par extension, des missions d’information créées par la Conférence des Présidents.

Mais, dans chacun des cas évoqués, l’amélioration est intervenue de manière indirecte. En effet, c’est la notion de groupe, définie par l’article 19 du Règlement de l’Assemblée nationale (818), qui commande l’attribution de droits spécifiques. Or, les deux notions de groupe et d’opposition ne sauraient être confondues. Pour accorder des droits spécifiques à l’opposition en tant que telle, il conviendrait donc de la définir.

Certains États ont attribué des droits à l’opposition dans les règlements de leur assemblée.

Ainsi, le Règlement de la Chambre des Représentants de Belgique prévoit, dans son article 78, que « la répartition des rapporteurs entre la majorité et l’opposition se fait à la proportionnelle parmi les membres de la commission » et, dans son article 124, que « pour l’ordre des questions (orales), le président donne la parole alternativement à l’opposition et à la majorité ».

Le Règlement du Parlement croate, dans son article 31, réserve des postes de vice-président à la minorité parlementaire.

En application de l’article 40 du Règlement du Parlement lituanien, les groupes parlementaires dont le nombre de membres représente au total plus de la moitié des membres du Parlement, et qui ont signé un accord ou une déclaration de coalition, sont considérés comme constituant la majorité, les autres groupes étant considérés comme formant la minorité. Le doyen du groupe d’opposition, ou le chef d’une coalition regroupant plus de 50 % des membres de la minorité, est nommé à la tête de l’opposition et perçoit un salaire, selon un principe inspiré du « modèle de Westminster ».

L’article 29 du Règlement de l’Assemblée de la République du Portugal dispose que « les présidences des commissions sont réparties entre les groupes politiques proportionnellement à leur nombre de députés » tandis que « sous réserve du principe de la proportionnalité, le plus grand groupe politique a priorité pour choisir les présidences qui lui reviennent ». La même règle s’impose aux groupes parlementaires d’amitié (article 44). S’ajoute à ces dispositions une loi spécifique de mai 1998 sur le statut de l’opposition (819).

En Allemagne, l’ordre du jour du Bundestag est fixé par le Conseil des Anciens (820), mais l’opposition a la possibilité d’y imposer l’inscription de procédures de contrôle (821). La procédure de fixation de l’ordre du jour reste largement consensuelle et permet de respecter les droits de l’opposition. En Italie, la programmation des travaux doit être approuvée par les présidents de groupes représentant les trois quarts des députés. Faute d’accord, c’est le président de la Chambre qui fixe l’ordre du jour. Dans un tel cas de figure, l’opposition bénéficie d’un cinquième des questions à traiter ou du temps global disponible.

En Grèce, le Règlement de la Chambre des Députés prévoit que le quatrième vice-président (sur cinq), un questeur (sur trois) et un secrétaire du Bureau (sur six) sont issus du premier groupe parlementaire de l’opposition en nombre de sièges, tandis que le cinquième vice-président et un secrétaire sont issus du second groupe parlementaire de l’opposition en nombre de sièges. Est considéré comme président de l’opposition et acquiert les droits particuliers que lui reconnaît le Règlement « le président du plus important groupe parlementaire en nombre de sièges qui ne participe pas au Gouvernement ».

Le Règlement prévoit expressément que le bureau de plusieurs commissions spécifiques (commission permanente des Grecs de l’étranger, commission permanente des institutions et de la transparence, commission permanente de l’évaluation technique, commission permanente de l’égalité et des droits de l’homme) comprend nécessairement des vice-présidents et un secrétaire qui appartiennent aux groupes de l’opposition. Cette disposition est également valable pour les commissions constituées ad hoc pour étudier des questions d’intérêt national ou général. Quatre des neuf membres de la commission du Règlement doivent appartenir aux groupes de l’opposition. Un droit d’information et de réplique spécifique est attribué à l’opposition lorsque le Gouvernement souhaite intervenir en dehors de l’ordre du jour programmé pour des questions importantes. Pendant la durée de chaque législature se déroulent obligatoirement six débats hors ordre du jour, dont l’un est dévolu au Gouvernement et les cinq autres à l’opposition. Le débat a lieu dans le mois suivant le dépôt de chaque demande et dans tous les cas dans les vingt-cinq jours à compter de la fin d’un autre débat hors ordre du jour.

Pour attribuer des droits spécifiques à l’opposition, de manière permanente, il apparaît nécessaire de disposer d’une définition juridique plus certaine. En effet, sans définition juridique précise ni, comme au Royaume-Uni, de tradition séculaire structurée par le scrutin majoritaire à un seul tour, il semble difficile d’user de la notion d’opposition pour accorder tel ou tel droit nouveau, susceptible de renforcer le caractère démocratique de notre régime.

Pour satisfaire aux exigences d’une reconnaissance moderne des droits de la majorité et de l’opposition, il conviendrait donc de trouver une définition générale qui s’inscrive dans le cours régulier de la vie parlementaire et qui s’accommode de certaines variations, un même groupe ou certains députés d’un même groupe pouvant voter ou non les projets présentés dans le Gouvernement. Mais, il manque à cette définition une base constitutionnelle.

b) Le dispositif proposé et ses développements possibles

Le présent article introduit un article 51-1 dans la Constitution afin de permettre à chaque assemblée de déterminer les droits respectifs des groupes parlementaires qui ont déclaré soutenir le Gouvernement et de ceux qui ne l’ont pas déclaré, dont font partie nécessairement les groupes de l’opposition.

Ce mécanisme implique de mettre en place un dispositif de déclaration, à partir duquel pourront être déclinés différents droits susceptibles d’être attribués à l’opposition.

Cette disposition rejoint la proposition n° 60 du « comité Balladur » qui a préconisé que « soit reconnu le rôle des groupes parlementaires qui ne se considèrent pas comme appartenant à la majorité. Et il suggère que soit mis en place un système souple de déclaration d’appartenance à la majorité pour ceux des groupes parlementaires qui le souhaitent. À ses yeux, un tel mécanisme permet aux groupes parlementaires de modifier leur position quand ils le veulent, sans être prisonniers des votes qu’ils peuvent émettre sur tel ou tel projet de loi, si important soit-il. Et il autorise ceux des groupes qui le désirent à ne pas choisir sans en supporter de conséquences fâcheuses. » (822)

Dans sa proposition de réforme du Règlement de l’Assemblée nationale en juin 2006, la commission des Lois avait ainsi proposé une définition de la majorité et de l’opposition reposant sur la notion de groupe, d’ores et déjà définie par le Règlement. De la même façon que chaque député déclare son appartenance à un groupe par le biais du président de ce groupe, il aurait pu être envisagé que chaque groupe puisse déclarer, s’il le souhaitait, son appartenance, également par le biais de son président, à la majorité qui soutient le Gouvernement ou bien à la minorité qui ne le soutient pas. Cette déclaration devait permettre d’ouvrir une série de droits. À l’intérieur de la majorité d’une part et de l’opposition d’autre part, les droits auraient pu être répartis entre groupes en fonction de leur importance numérique.

Cette solution offrait suffisamment de souplesse pour autoriser un groupe à changer de positionnement en cours de législature. Elle ne figeait pas non plus les positions de chacun à tout moment. Elle ne constituait pas une étiquette politique indélébile, mais seulement le moyen d’attribuer une série de droits sur une période de temps suffisamment pertinente. Par exemple, dès lors qu’une série manifeste de signes – le rejet d’une question de confiance, l’adoption d’une motion de censure, le rejet d’un projet de budget… – aurait marqué le changement de comportement d’un groupe inscrit dans la majorité, il aurait semblé cohérent que celui-ci sortît de la majorité. Y rester aurait constitué pour lui un geste peu lisible et paradoxal qui n’aurait pas manqué pas de retenir l’attention de l’opinion. Il aurait eu alors le choix entre se déclarer appartenir à l’opposition et ne plus se déclarer comme faisant partie de la majorité.

En effet, de la même façon qu’existent aujourd’hui des députés non inscrits, auraient pu exister des groupes qui décident de n’appartenir ni à la majorité ni à l’opposition, mais qui auraient perdu le bénéfice des droits découlant de l’appartenance à l’une ou à l’autre – droits dont ils ne disposent de toute façon pas aujourd’hui. Ils auraient continué à bénéficier des très nombreuses dispositions du Règlement de l’Assemblée nationale liées au groupe.

Cette définition d’une opposition avait l’avantage de prolonger la reconnaissance par la Constitution de l’existence d’une minorité, à travers la saisine du Conseil constitutionnel par au moins soixante députés ou soixante sénateurs.

Il ne constituait, en aucun cas, une résurgence du « mandat impératif », contrairement à ce que certains orateurs ont déclaré à l’occasion de l’examen en juin 2006 en séance publique de propositions de résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée (823). En premier lieu, la déclaration n’était pas une obligation, mais une simple faculté. En deuxième lieu, l’adhésion à un groupe est un simple engagement, dépourvu de toute sanction juridique. En troisième lieu, le propre du système électoral institué en 1958 est de dégager une majorité stable ; la constitution des groupes ne constitue en rien un troisième tour destiné à porter une autre politique que celle présentée devant les électeurs ; en conséquence, il ne faudrait pas confondre ce mouvement avec un éventuel mandat impératif qui pèserait sur les groupes et, subséquemment, sur leurs membres. Il n’est pas inintéressant de relever, à ce propos, que les mêmes ambiguïtés avaient présidé à la reconnaissance, en 1910, des groupes parlementaires.

Au-delà de la simple application de la règle de la proportionnalité, juste, mais qui empêche l’opposition d’accéder à certains droits, la création d’un « privilège de l’opposition » (824) permettrait de lui accorder une place qui dépasse la stricte importance de son effectif.

La reprise de ces principes dans le Règlement de l’Assemblée nationale sur la base du nouvel article 51-1 de la Constitution permettrait, par exemple, de consolider et pérenniser l’attribution d’une présidence de commission permanente, voire de plusieurs en cas d’augmentation du nombre de commissions, à un membre du groupe de l’opposition le plus nombreux.

Ainsi, en Allemagne, au Bundestag, parmi les vingt-deux commissions de la présente législature, huit présidents appartiennent au SPD, huit à la CDU/CSU, deux au groupe parlementaire « Alliance 90/Les Verts », deux au FDP et deux au groupe « Die Linke ». Cette répartition n’est pas seulement liée à l’existence d’un gouvernement de coalition. En effet, sous la précédente législature, parmi les vingt-deux présidences de commission, neuf revenaient au SPD, neuf à la CDU/CSU, deux au groupe parlementaire « Alliance 90/Les Verts » et deux au FDP. Lorsque la majorité détient une présidence, la vice-présidence revient à un membre de l’opposition, et vice versa. La présidence de la commission du Budget, échoit traditionnellement à l’opposition depuis 1949, ce qui permet d’accentuer le contrôle budgétaire par le Parlement – et donc par l’opposition – et de renforcer, dans un même mouvement, la transparence et l’efficacité du débat l’accompagnant.

Au Royaume-Uni, à la Chambre des Communes, sur trente-deux commissions permanentes (Select Committees), dix sont présidées par le principal parti d’opposition, dont la commission des Affaires économiques, celle de l’Évaluation des finances publiques, celle de la Défense ou encore celle de la Culture, tandis que quatre sont présidées par des membres du Parti libéral démocrate, dont celle des Universités, des sciences et des technologies, celle de la Justice ou encore celle du Développement international.

En Espagne, la présidence de la commission du Budget du Congrès des Députés est traditionnellement attribuée à l’opposition, comme au Bundestag allemand.

La définition de la procédure de choix de la fonction exacte qui serait dévolue de plein droit à l’opposition pourra utilement être renvoyée à l’Instruction générale du Bureau, qui détermine, d’ores et déjà, dans son article 4, la manière dont les groupes se réunissent autour du président pour répartir leurs membres entre les différentes commissions permanentes. Il suffirait, à l’instar de ce qui se déroule actuellement pour la désignation des membres du Bureau, que la majorité ne présente pas de candidat à l’une des fonctions de président de commission.

Comme on l’a vu, les procédures de contrôle ont pris une place grandissante dans l’activité de l’Assemblée nationale. Pour assurer un développement harmonieux et équilibré de cette mission et compte tenu de sa nature, le pluralisme des organes chargés de la conduire est devenu un enjeu majeur. Le « comité Vedel », en 1993, avait proposé, dans le même temps que la constitutionnalisation des commissions d’enquête parlementaires, de permettre la création d’une commission d’enquête à la demande d’une minorité des membres du Parlement, réforme conçue comme « un élément de respiration démocratique qui, introduit dans les mœurs politiques françaises, devrait encourager à la fois une meilleure transparence et un exercice du contrôle parlementaire plus étendu et plus responsable ». Sans qu’il soit besoin de renvoyer à une loi organique, il pourrait être proposé de modifier, par exemple, l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale afin d’étendre la réforme intervenue en 2003 au profit des commissions d’enquête aux missions d’information créées par la Conférence des Présidents, sur proposition du Président de l’Assemblée nationale. L’idée d’étendre le principe adopté pour les commissions d’enquête avait déjà été évoquée à plusieurs reprises lors des débats qui avaient présidé à l’adoption de la résolution du 26 mars 2003.

En outre, l’expérience entamée en 2003 à l’Assemblée nationale d’attribuer la fonction de président ou de rapporteur d’une commission d’enquête à un membre de l’opposition pourrait être, elle aussi, consolidée. Le « comité Balladur » a dit son souhait « que la pratique récemment mise en vigueur à l’Assemblée nationale en matière de commissions d’enquête, dont le président ou, à défaut, le rapporteur est choisi parmi les membres de l’opposition, soit systématisée » (825).

Le principe de représentation proportionnelle devrait pouvoir s’appliquer plus largement. Par exemple, l’attribution des présidences des commissions – dont le nombre est augmenté par le présent projet de loi constitutionnelle (826) – pourrait se faire sur le fondement de la représentation proportionnelle des groupes. On pourrait envisager, comme au sein de l’Assemblée portugaise (827), non seulement que la composition des commissions parlementaires soit proportionnelle à la représentativité des groupes politiques comme cela se pratique aujourd’hui, mais aussi que les présidences des commissions soient réparties entre les groupes politiques proportionnellement à leur nombre de députés, sous réserve d’attribuer une priorité au plus grand groupe politique pour choisir les présidences qui lui reviennent. Le même mécanisme est prévu pour l’attribution des présidences des groupes d’amitié (828).

Il est possible également d’envisager expressément la nomination de membres de l’opposition dans les instances où il est prévu que des parlementaires siègent. Depuis 1991, un élu de l’opposition siège à la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, qui contrôle les écoutes téléphoniques (829). La même règle est observée, depuis 1998, dans la commission qui donne un avis sur le secret-défense (830). Selon cette même logique, M. Philippe Séguin, alors Président de l’Assemblée nationale, dans un souci de pluralisme, désigna M. Jean-Pierre Michel, député socialiste, membre de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), le 7 janvier 1994, même si cette nomination se fit au titre des personnalités qualifiées (831).

En Autriche, un dispositif assurant le pluralisme est organisé dans la désignation des membres du Collège des Médiateurs, chargé d’examiner d’office ou sur réclamation le fonctionnement de l’administration fédérale. L’article 148g de la loi constitutionnelle fédérale du 1er octobre 1920 prévoit en effet que ses membres sont élus par le Conseil national sur la base d’une proposition d’ensemble de la commission principale. Or, les trois partis comptant le plus grand nombre de sièges – parmi lesquels on peut présumer l’existence d’un parti d’opposition – ont le droit de désigner chacun un candidat dans le cadre de cette proposition.

S’il a été organisé par le droit parlementaire allemand dès les premières années du régime, le recours aux auditions publiques n’est devenu de pratique courante que dans les années 1970, grâce, en particulier, à la réforme de 1969 qui en a fait un droit de la minorité. Le Règlement du Bundestag dispose ainsi que « pour des textes renvoyés en commission, la commission saisie au fond est tenue de procéder à une telle audition lorsqu’un quart de ses membres le demandent ». Les prérogatives de la minorité en la matière vont même plus loin puisque en application du paragraphe 2 de l’article 70 du Règlement du Bundestag, la minorité peut choisir les personnes qu’elle souhaite entendre, ce qui donne toute sa force à ce droit. Mais pour lutter contre les risques de ralentissement de la procédure législative à des fins d’obstruction, la commission concernée peut toujours décider de limiter les auditions. En l’espèce, la minorité n’a alors la possibilité d’interroger qu’un nombre de personnes proportionnel à son poids dans la commission.

Il est également possible de mentionner la proposition faite par le Conseil d’État, dans son dernier rapport annuel, préconisant qu’en matière européenne, « sur chaque texte important, deux députés et deux sénateurs, appartenant à la majorité et à l’opposition, qui deviendraient les correspondants réguliers du Gouvernement et du groupe ad hoc mis en place afin de procéder à des échanges réguliers d’information sur l’évolution des positions au sein de la société française, du Conseil et du Parlement européen, mais également sur les débats en cours dans les différentes capitales européennes » (832).

L’ensemble de ces pistes, sans compter celles qui restent à explorer, montre suffisamment l’intérêt de la révision proposée.

La Commission a rejeté un amendement de M. François Bayrou tendant à la suppression de cet article, de même qu’un amendement de M. Patrick Braouezec tendant à garantir le pluralisme des groupes parlementaires, en dehors d’une logique bipartisane. Elle a ensuite examiné un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde visant à supprimer le critère de la déclaration préalable de soutien ou de refus de soutien au Gouvernement pour la détermination des droits d’un groupe parlementaire. Le rapporteur ayant émis un avis défavorable sur cet amendement, la Commission l’a rejeté.

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur substituant au critère du soutien au Gouvernement celui de leur participation de la majorité de l’assemblée pour définir les droits respectifs des groupes parlementaires qui figureront dans le règlement de chaque assemblée, son auteur ayant indiqué qu’il avait rectifié son amendement pour tenir compte des objections qui avaient été avancées lors de la séance du matin (amendement n° 86).

La Commission en ensuite adopté l’article 24 ainsi modifié.

Article 25

(art. 56 de la Constitution)


Composition du Conseil constitutionnel

Le « comité Balladur » a proposé d’instaurer une procédure nouvelle pour certaines nominations à des fonctions caractérisées par leur importance pour la garantie des droits et libertés, les activités économiques et leur régulation ou le fonctionnement des services publics. La modification de l’article 13 de la Constitution qui est proposée par le présent projet de loi constitutionnelle permet de créer cette procédure, en prévoyant la consultation préalable d’une commission composée de parlementaires qui émettra un avis sur les nominations envisagées (833).

Toutefois, la proposition du « comité Balladur » visait également les nominations du Président et des membres du Conseil constitutionnel (834). Or, dans la mesure où les conditions de nomination des membres du Conseil constitutionnel sont fixées par l’article 56 de la Constitution, il est dès lors nécessaire de modifier cet article afin de soumettre ces nominations à la nouvelle procédure introduite à l’article 13 de la Constitution.

Le présent article a pour objet de procéder à cette modification, qui peut sembler souhaitable au regard du mode actuel de nomination des membres du Conseil constitutionnel.

1. Les conditions actuelles de nomination des membres du Conseil constitutionnel

Les membres du Conseil constitutionnel, au nombre de neuf, sont nommés par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat et renouvelés par tiers, tous les trois ans (premier alinéa de l’article 56 de la Constitution). Le Conseil constitutionnel compte par ailleurs des membres de droit en la personne des anciens Présidents de la République (deuxième alinéa de l’article 56) (835).

Le Président du Conseil constitutionnel, qui a voix prépondérante en cas de partage, est nommé par le Président de la République (troisième alinéa de l’article 56) et choisi parmi les membres du Conseil nommés ou de droit (article 1er de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel).

Les autorités de nomination disposent de toute latitude dans le choix des personnes qu’elles désignent et leur décision n’est susceptible d’aucun recours (836).

Toutefois, les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement, de membre du Parlement (article 57 de la Constitution), de membre du Conseil économique et social et avec l’exercice de tout mandat électoral (article 4 de l’ordonnance du 7 novembre 1958). En outre, les mêmes incompatibilités professionnelles que celles applicables aux membres du Parlement sont appliquées aux membres du Conseil constitutionnel (837).

Hormis ces incompatibilités, il est seulement exigé du membre du Conseil constitutionnel qu’il jouisse de ses droits civils et politiques (article 10 de l’ordonnance du 7 novembre 1958). L’absence de respect de l’une de ces dispositions entraîne la démission d’office du membre concerné (838).

La nature des trois autorités de nomination a suscité de manière récurrente des critiques relatives au caractère politique des nominations. Charles Eisenmann évoquait dès 1959 « l’esprit de faveur, d’amitié et de complaisance, plus difficile à tuer que les malformations constitutionnelles à redresser » (839).

L’analyse des nominations intervenues depuis la création de l’institution fait toutefois apparaître une large prédominance de membres appartenant à des professions juridiques (840).

Par ailleurs, le régime d’incompatibilité auquel les membres du Conseil constitutionnel sont soumis et le caractère non renouvelable de leur mandat (841) sont le gage de leur indépendance. L’indépendance et la dignité de leur fonction sont également garanties par le devoir de réserve qui leur est imposé (article 7 de l’ordonnance du 7 novembre 1958).

Même si le système français de nomination des membres du Conseil constitutionnel se distingue de la plupart des systèmes étrangers de nomination des juges constitutionnels, ces solutions alternatives ne sont pas considérées comme plus satisfaisantes par Georges Vedel : « si l’on en juge par certains exemples étrangers, l’intervention du Parlement dans la désignation des juges constitutionnels aboutit à une sensible politisation de l’opération. Et le recours à des choix faits par des institutions juridiques (cours ou tribunaux, par exemple) ne va pas sans intrigues ni effets corporatistes. » (842) Ainsi, les membres du Tribunal constitutionnel espagnol, nommés à la majorité qualifiée des trois cinquièmes par le Congrès des Députés et par le Sénat, font l’objet de nominations politiques, les partis se partageant les sièges au prorata de leur importance.

Le mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel ne peut sans doute pas demeurer inchangé, dès lors que les compétences de ce Conseil sont modifiées par les articles 26 et 27 du présent projet de loi. En effet, il est prévu de permettre aux juridictions suprêmes de saisir le Conseil constitutionnel de questions préjudicielles relatives à la constitutionnalité de dispositions législatives adoptées depuis l’entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958. Le Conseil pourrait non seulement déclarer l’inconstitutionnalité de la disposition, mais également déterminer les effets de cette déclaration (843). Ces nouveaux pouvoirs juridictionnels, qui sont directement liés à la défense des droits et libertés garantis par la Constitution, justifient que les membres du Conseil constitutionnel puissent être considérés comme remplissant des emplois caractérisés par leur « importance pour la garantie des droits et libertés ».

2. Une consultation préalable de la commission des nominations

Il est proposé de compléter le premier alinéa de l’article 56 de la Constitution afin de préciser que la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution est applicable aux nominations des membres du Conseil constitutionnel par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat. Il est en revanche logique de ne pas soumettre à cette formalité les anciens Présidents de la République, dans la mesure où ils sont membres de droit du Conseil constitutionnel.

La rédaction proposée exclut, d’autre part, que la procédure de consultation de la commission compétente pour donner un avis sur des nominations doive s’appliquer à la nomination du Président du Conseil constitutionnel. Celui-ci doit être choisi parmi les membres du Conseil nommés ou de droit. Par conséquent, si le Président est choisi parmi les membres nommés, il aura déjà fait l’objet d’un examen de sa nomination en tant que membre par la commission. Toutefois, il est possible que la nomination comme Président intervienne plusieurs années après la nomination comme membre du Conseil constitutionnel (844). En outre, si le Président choisi est un membre de droit du Conseil constitutionnel, la commission parlementaire n’aura jamais eu à connaître de sa nomination. Cette dernière hypothèse est cependant peu probable et il n’est donc sans doute pas nécessaire d’étendre la procédure du dernier alinéa de l’article 13 à la nomination du Président du Conseil constitutionnel.

Une autre question que pose la disposition est celle de la mesure dans laquelle il serait souhaitable qu’une commission composée de membres des deux assemblées parlementaires se prononce sur des nominations effectuées par les Présidents de ces assemblées (845).

Le cas des nominations au Conseil constitutionnel est d’autant plus particulier que celui-ci est le juge des élections des députés et des sénateurs. Il peut à ce titre annuler ou réformer une élection, déclarer l’inéligibilité d’un candidat élu. Il est également chargé de se prononcer sur la situation des parlementaires au regard du régime des incompatibilités parlementaires. Il est enfin le juge des lois adoptées par le Parlement. De ce point de vue, il peut sembler étonnant de confier à une commission composée de parlementaires le soin de donner un avis sur la nomination d’une personne qui, demain, sera chargée de juger le cas échéant la validité de leur élection ou de se prononcer sur leur situation au regard des inéligibilités ou des incompatibilités, de déclarer l’inconstitutionnalité d’une disposition législative qu’ils auront votée ou de la déclasser. En outre, les nouvelles compétences qui lui sont par ailleurs confiées par les articles 26 et 27 du présent projet de loi renforcent les fonctions juridictionnelles de cette institution. Or, il n’est pas certain que la procédure introduite à l’article 13 de la Constitution soit la plus adaptée pour les nominations à des fonctions juridictionnelles.

Il est, par ailleurs, possible que la majorité politique au sein de la commission chargée de donner son avis sur les nominations ne corresponde pas à la majorité politique de l’une des deux assemblées. La tentation d’infliger pour des raisons uniquement politiques un désaveu à la proposition présentée par le Président de l’assemblée dont l’appartenance politique correspondrait à la minorité au sein de la commission ne serait dès lors pas nulle. Le rapporteur considère qu’il est de ce fait préférable de prévoir que seule la commission compétente de l’une ou l’autre chambre sera chargée de donner un avis sur les propositions de nomination du Président de l’assemblée concernée – ce qui permettra ainsi d’éviter que des députés donnent un avis sur une nomination par le Président du Sénat et des sénateurs un avis sur une nomination par le Président de l’Assemblée nationale.

Les conditions de délai dans lesquelles la commission devra se prononcer devront être prévues par le législateur organique de telle manière qu’il soit possible de procéder aux nominations dans le respect des autres dispositions organiques relatives au Conseil constitutionnel. En effet, l’ordonnance du 7 novembre 1958 précitée prévoit actuellement qu’un membre nommé du Conseil constitutionnel qui démissionne doit être remplacé « au plus tard dans le mois de la démission » (article 9). Lorsque les membres du Conseil constitutionnel sont démis d’office, le remplacement doit intervenir « dans la huitaine » (article 10), de même que lorsqu’ils décèdent ou sont frappés d’une autre incapacité physique permanente (article 11).

Il conviendra donc soit de modifier ces délais de remplacement, soit de prévoir que la commission chargée de se prononcer sur les propositions de nomination puisse le faire dans les plus brefs délais.

Enfin, dans la mesure où l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure de consultation d’une commission des nominations sera, en vertu du I de l’article 34 du présent projet de loi constitutionnelle (846), fixée par une loi organique relative à cette commission, il semblerait logique de prévoir, par coordination, une entrée en vigueur dans les mêmes conditions de la présente disposition.

La Commission a rejeté un amendement de M. Patrick Braouezec tendant à modifier la composition du Conseil constitutionnel afin qu’il comprenne quinze membres, dont neuf désignés par l’Assemblée nationale.

Elle a ensuite été saisie d’un amendement de M. Jean-Yves Le Bouillonnec visant à modifier sur plusieurs points l’article 56 de la Constitution : il précise tout d’abord que les nominations au Conseil sont soumises à l’avis conforme de la commission prévue par l’article 13 de la Constitution ; il vise en outre à supprimer la présence de droit des anciens Présidents de la République ; il prévoit enfin que le Président du Conseil n’est plus nommé par le Président de la République mais choisi par ses pairs, dans le but de renforcer l’indépendance de la juridiction constitutionnelle.

Le rapporteur a estimé que le premier point soulevé était d’ores et déjà satisfait par la procédure adoptée en matière de nominations. Il a par ailleurs estimé que la suppression des membres de droit n’allait pas sans poser une difficulté s’agissant des actuels anciens Présidents et a enfin jugé peu souhaitable la dernière modification proposée par l’amendement. Il a donc émis un avis défavorable sur celui-ci.

Après que M. Christophe Caresche eut regretté cette position, les auditions ayant montré qu’une amélioration du texte sur ce point était attendue, la Commission a rejeté l’amendement.

Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 87), la Commission a adopté un amendement du même auteur visant à préciser que les nominations effectuées par le Président de chaque assemblée au Conseil constitutionnel sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée concernée, ce qui permettra d’éviter une immixtion de la commission d’une chambre dans les nominations effectuées par le Président de l’autre assemblée (amendement n° 88). Puis la Commission a adopté l’article 25 ainsi modifié.

Après l’article 25

La Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde tendant à permettre la saisine du Conseil constitutionnel par un groupe parlementaire.

Article 26

(art. 61-1 [nouveau] de la Constitution)


Question préjudicielle de constitutionnalité

Plusieurs fois engagé, maintes fois débattu, l’enrichissement de la procédure de saisine du Conseil constitutionnel par la mise en œuvre d’une question préjudicielle de constitutionnalité – grâce à laquelle le juge ordinaire saisi par le citoyen peut demander au juge constitutionnel si la loi qu’il doit appliquer pour la solution du litige est conforme à notre norme fondamentale – est de nouveau proposé dans le présent projet de loi constitutionnelle.

Or, comme l’a souligné Hans Kelsen, « la question du mode d’introduction de la procédure devant le tribunal constitutionnel, a une importance primordiale : c’est de sa solution que dépend principalement la mesure dans laquelle le Tribunal constitutionnel pourra remplir sa mission de garant de la Constitution » (847).

En répondant à la question de l’exception ou de la question préjudicielle d’inconstitutionnalité, le constituant semble ainsi avoir rendez-vous avec l’histoire. En effet, il y a un peu moins de dix ans, Louis Favoreu estimait que « le " droit venu d’ailleurs " – souvent rejeté en d’autres occasions au motif que " comparaison ne vaut pas raison " est (…) abondamment utilisé au soutien de la démonstration de la nécessité de la réforme. Près de dix ans après l’" occasion manquée ", on ne manque pas de souligner qu’il s’agit d’une " réforme différée " qui interviendra certainement tôt ou tard. » (848)

Les discussions qui ont eu lieu à l’occasion des précédents projets de loi constitutionnels proposant l’introduction d’une question préjudicielle de constitutionnelle, en 1990 et 1993, permettent de tirer des leçons utiles pour la présente révision, même si, depuis plus quinze ans, le contexte juridique a quelque peu changé et le contrôle des normes s’est enrichi.

1. Les projets de 1990 et 1993 et leurs enseignements

De manière générale, après Raymond Carré de Malberg dans l’entre-deux-guerres (849), la promotion d’un contrôle de la loi par rapport à la Constitution et l’affranchissement de la Constitution par rapport au dogme de la représentation par le Parlement de la volonté générale ont constitué l’un des apports fondamentaux des projets constitutionnels élaborés dans la Résistance.

Plus précisément, l’idée de permettre aux citoyens de saisir une juridiction en cas de violation des « libertés politiques fondamentales » est apparue dans certains projets élaborés alors, à l’exemple de celui du Comité général d’études, créé par Jean Moulin en 1942, qui prévoyait l’institution d’un tribunal spécial de constitutionnalité apte à juger le procès fait à la loi.

Mais, le système de contrôle de constitutionnalité mis en place en 1946 ne fonctionnera pas, tandis que celui mis en place en 1958, tout en développant son champ d’action, se limitera à un système de contrôle avant promulgation de la loi. Des projets de saisine, même indirecte, de la juridiction constitutionnelle par le citoyen seront proposés en 1990 et 1993 sans avoir pu aboutir.

• Le contenu des projets de révision de 1990 et 1993

Le 3 mars 1989, M. Robert Badinter, alors Président du Conseil constitutionnel, publie une tribune dans Le Monde, prônant la saisine du Conseil par tout particulier à l’occasion d’un litige au cours duquel celui-ci estimerait ses droits constitutionnels bafoués par la loi qui s’applique à lui. L’idée est reprise par le Président François Mitterrand, le 14 juillet 1989, lors d’une déclaration télévisée, et réitérée par lui à l’occasion du bicentenaire de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le 26 août 1989 : « Il y a des bons citoyens, il y a des braves gens, qui se trouvent à droite, qui se trouvent à gauche, qui sont aussi soucieux que moi des droits de l’homme et qui comprendront fort bien que ce serait un très grand progrès démocratique, en retournant à la base, de permettre à chaque Français de ne pas s’adresser à des intermédiaires, de dire lui-même : mon droit fondamental – liberté, égalité, tout ce qui est reconnu dans les grands principes inscrits dans la Constitution – est méconnu, il est transgressé ? Eh bien ! Je demande justice moi-même. »

Sur ce fondement, un premier projet de loi est déposé le 30 mars 1990. Il échouera après deux lectures dans chaque assemblée, les positions des acteurs semblant inconciliables.

Le « Comité Vedel » en 1993 reprendra à l’identique le projet de 1990. Sa proposition « tend à protéger les droits fondamentaux de toute personne ; elle reprend pour l’essentiel le dispositif présenté en 1990 au Parlement : le Conseil constitutionnel pourrait être saisi, sur la demande d’un justiciable, par le Conseil d’État ou la Cour de cassation, d’une question préjudicielle portant sur la constitutionnalité d’une loi et soulevée devant une juridiction. » Toutefois, il « estime nécessaire de laisser au Parlement un délai de deux ans pour procéder à l’examen des lois antérieures à la réforme proposée et dont la constitutionnalité apparaîtrait douteuse » et « recommande que la loi organique qui fixe la procédure ne permette pas d’y recourir devant les juridictions d’instruction », tout en soulignant qu’« elle devrait pouvoir être utilisée, en matière criminelle, devant la chambre d’accusation, afin que la question préjudicielle ne puisse être soulevée devant la cour d’assises ».

Sur ces fondements, le 10 mars 1993, un nouveau projet de révision est déposé. Il n’est pas repris par la nouvelle majorité issue des élections de mars. En 2001, le Premier ministre, M. Lionel Jospin, relance cette idée lors du centenaire de la loi de 1901 célébré au Conseil constitutionnel.

L’économie des deux projets initiaux est identique, celui de 1993 étant toutefois plus précis. Il s’agit, dans les deux cas, de « prévoir une extension des compétences actuelles du Conseil constitutionnel, permettant un progrès des droits du justiciable ». Dès lors, le Conseil constitutionnel pouvait être saisi, par une question préjudicielle, de toute disposition de loi dont il serait soutenu qu’elle porte atteinte aux droits fondamentaux reconnus à toute personne par la Constitution.

Ainsi, le Conseil aurait été saisi à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, sur renvoi du Conseil d’État, de la Cour de cassation ou de toute juridiction ne dépendant ni de l’un ni de l’autre, telle que le Tribunal des conflits, juridictions suprêmes elles-mêmes saisies par la juridiction devant laquelle se déroule l’instance. Les modalités de mise en œuvre de la réforme devaient être précisées par la loi organique relative au Conseil constitutionnel prévue à l’article 63 de la Constitution.

Un mécanisme de double filtre était organisé : par la juridiction devant laquelle se déroule l’instance, d’abord ; par le Conseil d’État ou par la Cour de cassation, ensuite. Comme le recommandait le « comité Vedel », la réforme de 1993 prévoyait, afin de ne pas apporter un trouble excessif à l’ordre juridique existant, que le nouveau mode de saisine n’entrerait en vigueur qu’au terme d’un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi constitutionnelle. Le Parlement aurait ainsi disposé de deux années pour mettre en conformité avec la Constitution les lois antérieures à l’entrée en vigueur de la présente réforme.

En 1990, le Sénat avait souhaité apporter des modifications au système proposé.

D’une part, il avait estimé nécessaire de limiter la recevabilité des questions d’inconstitutionnalité aux seules dispositions législatives antérieures au 1er novembre 1974 et non modifiées depuis cette date, c’est-à-dire celles sur lesquelles le contrôle a priori n’avait pas été possible – dans le cas des lois antérieures au 20 février 1959, date d’installation du Conseil constitutionnel – ou était à tout le moins demeuré très exceptionnel – pour les lois adoptées entre 1959 et le 1er novembre 1974, date à laquelle le droit de saisine du Conseil constitutionnel a été étendu à soixante députés ou soixante sénateurs.

D’autre part, pour limiter les risques liés à un éventuel vide juridique, la commission des Lois du Sénat avait fait adopter un mécanisme destiné à permettre au Parlement de prendre très rapidement les dispositions législatives rendues nécessaires par suite de la déclaration d’inconstitutionnalité d’une loi en vigueur. À cette fin, les dispositions déclarées contraires à la Constitution par voie d’exception auraient été renvoyées dans les huit jours par le Président du Conseil constitutionnel devant le Parlement. L’Assemblée nationale aurait statué la première, chaque assemblée disposant d’un délai de vingt jours pour statuer et le Président de chaque assemblée pouvant inscrire de droit l’affaire à l’ordre du jour prioritaire. Et de s’appuyer sur l’exemple de la République fédérale d’Allemagne, où le Tribunal constitutionnel peut faire injonction au Parlement de modifier des lois qu’il considère contraires à la Constitution.

En 1993, le rapporteur du Sénat, M. Étienne Dailly, reprenant l’argumentation déjà développée par cette assemblée en 1990, estimait cependant qu’il ne pouvait « se résoudre à admettre que les quatre plus hautes Autorités de l’État aient toutes simultanément failli à leur mission ou manqué à ce point de discernement pour laisser promulguer une loi contraire à la Constitution alors qu’elles disposaient, depuis le 20 février 1959, du pouvoir effectif d’en faire vérifier au préalable sa conformité ».

En conséquence, il proposait de ne permettre le contrôle que pour les textes promulgués avant le 20 février 1959. Il proposait également de transformer l’injonction au Parlement pour mettre fin à une inconstitutionnalité en simple transmission, mettant pleinement à même le Gouvernement comme les membres du Parlement de prendre en temps utile ou de ne pas prendre les initiatives législatives éventuellement adéquates. En pratique et de façon à ne pas retarder inutilement le déroulement des procès en cours, la déclaration d’inconstitutionnalité par voie d’exception n’aurait eu dans l’immédiat qu’un effet inter partes, étendu toutefois aux autres procédures en cours fondées sur la même disposition. Hors les procès en cours, la disposition contestée serait donc demeurée applicable durant un an à compter du jour de publication de la décision du Conseil constitutionnel, évitant ainsi de créer un vide juridique.

Le Premier ministre, en 1993, a demandé au Président de la République de bien vouloir, par lettre rectificative, supprimer la section I du projet de loi constitutionnelle relative à l’exception d’inconstitutionnalité. Le Président s’y étant refusé, le Premier ministre tenant à maintenir la réforme du CSM et de la responsabilité pénale du ministre, le projet de loi constitutionnelle a été inscrit tel quel. Mais, à l’issue de la première lecture au Sénat, toutes les dispositions relatives au Conseil constitutionnel ont été supprimées, ne laissant dans le projet que celles relatives au CSM et à la Cour de justice de la République.

Les « coûts » et les « avantages » dun contrôle de constitutionnalité par voie de question préjudicielle

Georges Vedel, auditionné par votre commission des Lois en 1990, définissait alors la réforme envisagée par cette formule : « Ni gadget, ni révolution ». Après avoir été un clair partisan de la réforme, le doyen Vedel, en 1996 plus encore qu’en 1990, conseille la prudence et de ne porter qu’une atteinte exceptionnelle à l’autorité du contrôle abstrait et a priori (850).

En effet, le contrôle a posteriori par la voie d’une question préjudicielle de constitutionnalité pouvait, à ses yeux, s’avérer inutile et source de frustration, de complexité, de déséquilibre institutionnel, d’encombrement des juridictions et d’insécurité juridique.

Tout citoyen français et étranger vivant sur le sol français dispose déjà de très nombreux moyens de défendre ses droits, une exception de non-conformité de la loi nationale à un texte international tel que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou à un texte communautaire étant reçue désormais par toutes les juridictions – mais on pourrait soutenir a contrario qu’il est incohérent que le citoyen ne puisse, dans ces conditions, bénéficier de la protection de la norme nationale suprême.

Pour combler l’impossibilité pour les juridictions suprêmes d’assurer un contrôle de constitutionnalité, il est ainsi fait recours au contrôle de conventionnalité (851), cette solution ne valant bien sûr que pour autant que les principes constitutionnels sont couverts par les dispositions, en particulier, de la Convention européenne des droits de l’homme. Par exemple, la chambre criminelle de la Cour de cassation (852), a, sur le fondement de ce contrôle, écarté, au nom de l’article 6 de cette convention, l’article 546 du code de procédure pénale qui prévoit un droit d’appel limité du condamné en matière contraventionnelle alors que le parquet général dispose d’un droit d’appel général. Le Conseil d’État, s’il n’assure un examen systématique de constitutionnalité des lois que dans le cadre de ses fonctions consultatives, s’attache lui aussi, dans le cadre contentieux, à effectuer un contrôle de conventionnalité (853). Ainsi, il écarte pour inconventionnalité une loi de validation sur le fondement de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme (854).

En outre, l’ordre juridique laisse sans doute subsister peu de normes législatives contraires à la Constitution. Il faut constater que, d’une part, le contrôle des lois promulguées rendu possible depuis la décision du Conseil constitutionnel de 1985 sur l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie (855) n’a connu qu’une application pratique (856) et, d’autre part, que les lois sont modifiées en permanence. Le deuxième mouvement devrait contredire le premier, nonobstant la prudence dont ferait preuve le Conseil en la matière. Peut-être peut-on y voir le signe d’une véritable « qualité constitutionnelle » de la loi ?

L’introduction d’une procédure de question préjudicielle de constitutionnalité pourrait avoir pour conséquence d’obliger les juridictions ordinaires à surseoir à statuer et donc de rallonger des délais de jugement déjà importants. Les risques d’encombrement, en particulier des deux juridictions suprêmes de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif, sont difficiles à évaluer (857), même si, en Allemagne, la réforme de 1968 permettant à tout citoyen de recourir au tribunal constitutionnel fédéral pour la protection des droits fondamentaux, a conduit indéniablement à un engorgement de la juridiction suprême par des recours souvent inutiles.

Par ailleurs, comme l’a souligné le promoteur lui-même de l’introduction d’un contrôle par voie de question préjudicielle, le Président François Mitterrand a reconnu, à l’occasion des vingt ans de saisine parlementaire du Conseil constitutionnel, que son opinion avait pu évoluer. À un certain degré de contrôle, on pourrait s’exposer à porter atteinte aux prérogatives de la Représentation nationale (858)… et, par là même, à la force de la loi : « Il y a peu d’exemples, comme l’a rappelé Monsieur le professeur Favoreu, de cours constitutionnelles qui exercent à la fois un contrôle a priori, allant au-delà de la délimitation des compétences entre l’État et les régions ou les Länder, et un contrôle a posteriori ouvert à l’ensemble des citoyens. C’est l’un ou c’est l’autre. Et là, se trouve probablement l’une des raisons profondes des vicissitudes du projet de révision que j’ai soumis au Parlement, il y a cinq ans. (…) Si fortes que soient les exigences de l’État de droit, il y a, je crois, quand même un certain équilibre à respecter au-delà duquel on s’expose à porter atteinte aux prérogatives de la Représentation nationale. »

Louis Favoreu, après avoir admis, en 1990, être plutôt favorable à l’introduction d’une question préjudicielle de constitutionnalité, a rejoint, après réflexion, cette opinion et s’est déclaré favorable au développement de la justice constitutionnelle à condition « que cela ne soit pas au détriment de l’équilibre nécessaire entre les pouvoirs et singulièrement du pouvoir législatif » (859).

Des problèmes de sécurité juridique ne peuvent être niés. La déclaration erga omnes de l’inconstitutionnalité de la loi pourrait conduire à créer un vide juridique. Les solutions pour pallier cet inconvénient, telles que l’appel au législateur, semblent compliquées.

Les risques de contrariété de jurisprudence entre les juridictions supérieures des deux ordres juridiques ne sont pas négligeables – l’une peut considérer une question comme constituant un moyen sérieux de saisir le Conseil constitutionnel, tandis que l’autre s’y refuse –, mais l’on sait que le dialogue des juridictions, enrichi ces dernières années, réduit ce risque, de même que l’intervention in fine du Conseil constitutionnel (860).

Au-delà de ces quelques inconvénients, le contrôle a posteriori par la voie d’une question préjudicielle de constitutionnalité créerait un contrôle complet, concret, vivant, démocratique.

Il s’agit, d’abord, de répondre à un besoin de défense des droits fondamentaux et des libertés individuelles. Il apparaît, en effet, que la possibilité de faire référence, pour tout justiciable, à cette norme juridique fondamentale qu’est la Constitution doit être considérée comme une avancée dans la protection juridique dont tout citoyen profiterait, ce d’autant plus que le bloc de constitutionnalité s’enrichit constamment grâce à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. « C’est la conception moderne selon laquelle le droit et la loi sont toujours vivants, qui s’oppose à la conception statique, retardataire, scolastique, d’un contrôle purement a priori des lois. » (861) Une telle réforme répondrait ainsi profondément à une vision « vivante » du droit : erreur en-deçà de 1958 (de 1974 ?, de 2008 ?), vérité au-delà.

La France suivrait la voie tracée par la plupart des pays dotés d’un contrôle de constitutionnalité de la loi, même si une analyse précise des systèmes étrangers de cours constitutionnelles montre une diversité de situations (862). Ainsi, il n’existe de contrôle de constitutionnalité ni au Royaume-Uni, ni aux Pays-Bas
– l’article 120 de la Constitution néerlandaise interdit expressément au juge de juger la constitutionnalité des lois et traités. Ailleurs, le contrôle de la constitutionnalité des décisions conduit souvent à des arrêts qui n’ont qu’une portée inter partes, laissant la voie ouverte à un revirement de jurisprudence : aussi bien en cas de contrôle diffus (Finlande, Japon, Pays-Bas, Suède) que dans celui d’un contrôle concentré (Autriche, Slovaquie, Slovénie). Au Portugal, l’arrêt rendu dans le cadre d’un contrôle concret n’a d’effet qu’inter partes, mais la Cour constitutionnelle, après avoir déclaré une norme inconstitutionnelle dans trois espèces concrètes, peut décider de procéder à un contrôle concret avec effet erga omnes.

Dans une vision renouvelée de la démocratie, la réforme permettrait de briser le monopole représentatif dans l’invocation de la Constitution et de l’accorder aux citoyens. En effet, s’il semblait logique de limiter la saisine aux pouvoirs publics concernés lorsque le Conseil constitutionnel ne contrôlait strictement que le texte de la Constitution lui-même qui concerne, au premier chef, les relations entre les pouvoirs publics, en revanche, depuis qu’il couvre aussi les droits fondamentaux, il est cohérent de conférer cette faculté de saisine aux citoyens, premiers concernés par ces droits.

Le système actuel de contrôle abstrait a priori de la constitutionnalité de la loi possède plusieurs inconvénients, dont celui d’exposer les décisions d’annulation par le Conseil constitutionnel à une réception très politique, puisqu’elles ne peuvent le plus souvent qu’être relayées par les médias en termes de « raison donnée à l’opposition ». Avec le contrôle a posteriori par les juridictions ordinaires, le temps fait son œuvre et le contrôle est apaisé.

Ce contrôle a posteriori permet un contrôle concret des normes – le Konkrete Normenkontrolle allemand. Il rend ainsi plus tangible la protection des droits.

La réforme serait particulièrement utile pour les lois « imparfaites », c’est-à-dire soit celles en vigueur avant 1958 et n’ayant pas été modifiées depuis quoique possiblement inconstitutionnelles, soit celles votées sous la Ve République et non examinées par le Conseil constitutionnel, faute de saisine.

Les voies dévolution possibles

À partir de ces constats, cinq voies d’évolution principales pouvaient être envisagées.

La première solution consisterait à introduire une possibilité de soulever l’exception d’inconstitutionnalité devant les tribunaux ordinaires, à l’exclusion de tout contrôle a priori, selon un système « à l’américaine », comme cela avait été envisagé par certains parlementaires en 1963 (863). Cette solution impliquerait la suppression du contrôle a priori, qui permet notamment de donner une place à l’opposition, d’organiser l’équilibre entre le Parlement et le Gouvernement, de conserver au Parlement une certaine maîtrise de la loi, d’assurer une grande sécurité juridique.

LE MODÈLE AMÉRICAIN

Le modèle américain se distingue par ses caractères diffus ou décentralisé, concret et principalement « incidentiel » et a posteriori. N’importe quel tribunal est compétent pour apprécier et juger la constitutionnalité des lois. Il s’agit, pour reprendre les mots de Tocqueville, de « juger la loi pour arriver à juger le procès » (1).

La procédure de contrôle est déclenchée par le citoyen selon trois modalités différentes.

Il peut d’abord, lorsqu’il est partie à un procès, contester la constitutionnalité de la loi qu’on veut lui appliquer ; en soulevant comme moyen de défense, l’exception d’inconstitutionnalité, il oblige le tribunal, avant de juger concrètement l’affaire au fond, à examiner la loi pour décider si elle est ou non constitutionnelle et applicable au cas d’espèce ; le contrôle intervient donc nécessairement après la promulgation et l’entrée en vigueur de la loi et la décision qui, par la voie des recours en appel, peut gravir tous les échelons de la hiérarchie judiciaire possède seulement l’autorité relative de la chose jugée, c’est-à-dire ne vaut que pour l’affaire en cause.

Le citoyen peut aussi, sans attendre l’occasion d’un procès né de l’application de la loi, contester directement sa constitutionnalité ; s’il estime la requête fondée, le tribunal prononce une injonction à l’encontre de l’administration lui interdisant d’appliquer la loi.

Le citoyen peut enfin, en cas de difficulté d’application d’une loi, demander au tribunal de se prononcer, par un jugement déclaratoire, sur sa constitutionnalité.

Ainsi saisis, les tribunaux américains apprécient la constitutionnalité d’une loi au regard de quatre clauses : celle du « due process of law » définie dans le quatorzième amendement et qui permet aux tribunaux d’invalider une loi qui, sans la garantie d’une procédure régulière protectrice des droits naturels, porterait atteinte aux libertés fondamentales, aux droits judiciaires ou aux biens des personnes ; la clause de la « rule of reasonableness » qui permet aux tribunaux de vérifier si le législateur a réalisé un équilibre raisonnable entre l’intérêt général et les intérêts des particuliers, ou s’il leur a imposé des sacrifices déraisonnables, exagérés ; la clause des contrats qui permet aux tribunaux d’invalider une loi qui porte atteinte aux obligations nées d’un contrat, protégeant ainsi les rapports privés – économiques, sociaux... – contre l’intervention des États ; la clause d’égalité, déduite du seizième amendement, qui permet aux juges d’écarter toute loi qui n’assure pas à chaque citoyen, quelle que soit sa race, une égale protection.

La Cour suprême joue un rôle éminent de contrôle, régularise et unifie, notamment par la voie d’appel, la jurisprudence des cours inférieures ; pour ce faire elle dispose d’une compétence générale qui se manifeste par le pouvoir de statuer, pour chaque affaire, sur les faits et le droit. La Cour apprécie les affaires qu’elle souhaite examiner, parmi celles qui lui sont soumises en appel, suivant des critères qu’elle détermine en outre librement. Ainsi, sur un millier d’affaires portées chaque année devant elle, la Cour suprême des États-Unis n’en juge que 80 environ. Les cours suprêmes ou constitutionnelles des États fédérés qui n’ont pas la possibilité, en vertu des principes fondamentaux de la procédure juridictionnelle, de sélectionner les affaires qu’elles acceptent de juger, sont souvent fort encombrées.

(1) De la démocratie en Amérique, première partie, chapitre 6 – Du pouvoir judiciaire aux États-Unis et de son action sur la société politique.

Une deuxième voie consisterait à introduire, en sus du système actuel de contrôle par voie d’action a priori, un système d’exception d’inconstitutionnalité invocable devant les juridictions ordinaires. Ce système proposé par M. Maurice Duverger en 1996, outre les risques d’encombrement des juridictions et d’allongement des délais qui en résulterait, n’empêcherait que difficilement les différences d’interprétation d’un tribunal à l’autre, d’un ordre de juridictions à l’autre, et ce d’autant plus qu’il ne prévoyait aucun filtre.

Une troisième solution reviendrait à conserver le statu quo en explorant certaines voies existantes, telles que l’exception de caducité ou le contrôle des lois promulguées à l’occasion des lois déférées qui les modifient.

Le nombre de lois susceptibles d’être soumises à cet exercice est nécessairement en réduction progressive du fait des modifications et abrogations successives. Mais ce système permet d’attirer l’attention sur un point : adopter une procédure de question incidente de constitutionnalité nécessitera de faire le point sur les lois qui n’auraient pas été examinées, directement ou indirectement, par le Conseil constitutionnel et sur celles qui n’auraient jamais été modifiées depuis 1959 ou 1974 pour réellement avoir une idée du stock de lois susceptibles d’être contrôlées a posteriori au tamis de leur constitutionnalité.

Un résultat satisfaisant en droit pourrait être obtenu plus simplement et sans recours à des procédures contentieuses si le Gouvernement et le Parlement, ayant intériorisé les exigences de l’État de droit, procédaient eux-mêmes à la réforme des dispositions contraires à la Constitution subsistant dans notre législation, comme cela a été fait avec le nouveau code pénal avec le retrait au pouvoir réglementaire de la possibilité de prononcer des peines privatives de liberté. Mais le temps que cette action nécessiterait interdit d’envisager une telle solution.

Une quatrième solution consisterait à enrichir le contrôle par voie d’action, en autorisant la saisine directe du Conseil constitutionnel de la loi promulguée.

Le système du contrôle a priori et abstrait mérite assurément d’être conservé. Comme l’écrit Georges Vedel, en 1996, « la rusticité sinon la brutalité du système français a tout de même ses avantages » (864) : le Gouvernement et les parlementaires savent qu’à prendre à la légère les griefs d’inconstitutionnalité déjà avancés par tel ou tel ils s’exposent à une censure prochaine, peut-être retentissante. La force de dissuasion de cette menace est plus puissante que celle qu’inspirerait la perspective pour le Gouvernement et sa majorité du succès d’une exception d’inconstitutionnalité dont l’occasion ne se présentera peut-être qu’après un temps assez long et n’aura d’issue définitive qu’après son examen par la hiérarchie des juridictions qui auront à en connaître. En attendant, le législateur ne saura pas s’il peut faire confiance à la loi votée et il pourrait hésiter sur la valeur juridique d’autres projets mettant en jeu des problèmes de constitutionnalité analogues à ceux qui sont en suspens. Le citoyen demeurera dans l’incertitude.

On pourrait néanmoins permettre une saisine parlementaire minoritaire du Conseil constitutionnel sur des lois déjà promulguées qui n’ont jamais été contrôlées par le Conseil, de préférence les lois antérieures à 1974. Cela devrait s’accompagner d’une présomption de constitutionnalité des lois déjà contrôlées, même si, depuis décembre 1987, le Conseil ne fait plus apparaître dans le dispositif de ses décisions que les dispositions déclarées conformes. Mais, il faut éviter l’insécurité juridique tenant à une remise en cause généralisée de la loi en dehors de toute instance.

En conséquence, introduire, en sus du système actuel de contrôle par voie d’action a priori, un système de question préjudicielle de constitutionnalité, tel que prévu par les projets de 1990 et 1993 et appelé de ses vœux par le « comité Balladur », constituerait assurément la voie la plus complète et la plus satisfaisante.

2. Le dispositif proposé

Comme on l’a vu dans l’exposé général (865), l’article 61 prévoit un contrôle de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel a priori, c’est-à-dire avant la promulgation ou l’entrée en application d’un acte. Ce contrôle est systématique pour les lois organiques et les règlements des assemblées parlementaires. Pour les lois ordinaires, il est exercé seulement sur saisine présentée par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs. Pour exercer son contrôle, le Conseil constitutionnel statue dans le délai d’un mois ou bien, à la demande du Gouvernement, dans un délai de huit jours.

À ce contrôle abstrait, préventif et fermé, le présent article ajoute un contrôle qui sera :

―  concret : la question de constitutionnalité sera soulevée dans le cadre d’une instance ;

―  curatif : la décision du Conseil « purgera » la question de constitutionnalité de dispositions législatives déjà entrées en vigueur ;

―  et ouvert : tout citoyen dans une instance pourra demander à la juridiction saisie, à n’importe quel stade de la procédure, de poser la question de constitutionnalité d’une disposition législative.

Ainsi, lorsqu’à l’occasion d’un litige, une partie – personne physique ou personne morale, personne publique ou personne privée, personne française ou étrangère –, estime qu’une disposition législative qui lui est applicable est contraire à des droits fondamentaux, entendus comme les droits et libertés que la Constitution garantit, elle pourrait demander au juge de soulever cette question préjudicielle. Le juge vérifiera alors si cette disposition législative n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel et si la question de constitutionnalité n’est pas manifestement infondée. Cet examen liminaire effectué, il transmettra, le cas échéant, la question soit à la Cour de cassation, soit au Conseil d’État. Ces deux juridictions vérifieront alors si la question préjudicielle présente un caractère sérieux ou nouveau. Dans l’affirmative, elles la transmettront au Conseil constitutionnel.

Dès lors que le choix a été fait de confier le soin de juger des questions d’inconstitutionnalité non à la juridiction devant laquelle elle est soulevée, comme dans le système américain, mais, conformément au modèle européen, à une cour constitutionnelle spécialisée, en l’espèce le Conseil constitutionnel, le « filtrage » des questions semble s’imposer. Faute d’un tel mécanisme, si toute question d’inconstitutionnalité devait remonter immédiatement au Conseil constitutionnel et suspendait la décision de justice sur le fond, le Conseil risquerait d’être rapidement débordé par un flux de requêtes dont beaucoup n’auraient qu’un caractère dilatoire et l’ensemble du système juridictionnel s’en trouverait paralysé.

Le débat porte donc moins sur le principe du « filtrage », que sur ses modalités. Trois solutions étaient envisageables.

La première consistait à confier, comme en Italie, au juge devant lequel l’exception est soulevée le soin d’en apprécier le sérieux et donc de la transmettre ou non au juge constitutionnel. Mais on a vu les inconvénients d’un tel système, notamment au regard de l’unité nécessaire de la jurisprudence.

La deuxième revenait à donner mission, comme en Espagne, au juge constitutionnel de déterminer lui-même s’il y a lieu à statuer. Comme cela existe en Allemagne, lorsque le filtre est situé au niveau du juge constitutionnel lui-même, celui-ci consacre une plus grande part de son énergie à écarter des requêtes sans véritable fondement qu’à statuer sur des questions posant un véritable problème de constitutionnalité.

La troisième solution consistait à faire transiter les questions par des juridictions de rang élevé, méthode pratiquée en Autriche, terre d’élection de la justice constitutionnelle. C’est le choix opéré par le projet de loi constitutionnelle.

En contraste avec ce qu’avait proposé le « comité Balladur », qui alliait la première et la troisième solution, les juridictions ordinaires ne pourront pas saisir directement le Conseil constitutionnel. Cette solution aurait eu pour inconvénient de laisser à l’appréciation de chaque tribunal, judiciaire ou administratif, le soin d’estimer si la question méritait d’être soulevée ou non, des divergences d’appréciation pouvant alors se faire jour. L’existence d’un filtre ne se justifie que s’il est unique.

Le Conseil constitutionnel rendra une décision qui serait notifiée à la Cour de cassation et au Conseil d’État. Comme l’a souligné le professeur Jean-Claude Colliard au cours de son audition par le rapporteur, cette décision devra sans doute être prise à l’issue d’un débat contradictoire entre les parties, rapprochant le Conseil constitutionnel d’un modèle juridictionnel classique. En effet, depuis l’arrêt Ruiz-Mateos c/ Espagne de 1993, la Cour européenne des droits de l’homme admet que l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, avec ce qu’il implique en termes de procès équitable (866), s’applique aux juridictions constitutionnelles dès lors que le résultat de leurs arrêts peut influer sur l’issue du litige débattu devant les juridictions ordinaires (867).

En vertu du dernier alinéa de l’article 62, la décision du Conseil constitutionnel, revêtue de l’autorité de la chose jugée, ne sera susceptible, à l’instar de celles rendues sur le fondement de l’article 61, d’aucun recours, s’imposera à tous les pouvoirs publics – le législateur, par exemple, ne pourra plus réintroduire dans la législation la disposition censurée, sauf à saisir le pouvoir constituant – et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

Le Président du Conseil constitutionnel, M. Jean-Louis Debré, a souligné lors de son audition, le 19 septembre 2007, par le « comité Balladur », les avantages qu’un tel mécanisme présenterait.

D’abord, la réforme conférerait un droit nouveau aux citoyens : « certes notre société s’est beaucoup judiciarisée et toute voie de droit nouvelle servira les procéduriers. Pour autant ces travers ne doivent pas conduire à écarter un progrès possible. Nos concitoyens sont attachés à défendre leurs droits individuels. Il est souhaitable de leur confier cette possibilité d’action nouvelle. »

Ensuite, « cette réforme permettrait de faire disparaître de notre droit des lois qui ne sont plus conformes aux actuelles exigences juridiques. Certes ces textes ne sont sans doute pas très nombreux du fait du développement des contrôles de constitutionnalité a priori et de conventionnalité a posteriori. Mais la mise en place du contrôle par voie d’exception permettrait de lever ces doutes. »

De surcroît, le nouveau mécanisme permettrait d’affirmer la rigueur de la hiérarchie des normes. « Dans l’ordre interne, la Constitution est la norme suprême. Pourtant, (…) cette suprématie est actuellement, dans les contentieux, presque dépourvue de juge et donc de sanction. Or, le droit, comme la nature, a horreur du vide. Dès lors, s’est créée une incitation à se tourner non plus vers la Constitution mais vers la norme internationale (…). Une telle orientation n’est pas saine, ni pour les juges, ni pour notre démocratie. Il est parfois utile que nous soyons invités de l’extérieur à parfaire notre droit. »

Enfin, la réforme améliorerait « l’unité d’interprétation de la Constitution. Aujourd’hui, ces questions d’interprétation de la Constitution ne peuvent être renvoyées au Conseil par les deux ordres de juridiction ; il n’existe pas de mécanisme le permettant. La difficulté la plus récente est celle, bien connue, relative à la responsabilité pénale du chef de l’État. Demain, il convient que le Conseil constitutionnel assure l’unité de l’interprétation de la Constitution. »

Mais, parce que la question de la constitutionnalité de dispositions législatives promulguées ne doit être posée qu’avec circonscription compte tenu des risques qu’elle fait courir pour la sécurité juridique, si nécessaire à un authentique État de droit, elle doit être posée sous quatre conditions prévues par le présent article :

―  En premier lieu, elle ne pourrait porter que sur des dispositions législatives promulguées postérieurement à l’entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958 elle-même.

Cependant, comme l’ont souligné de très nombreuses personnalités entendues par le rapporteur, on comprendrait mal cette limitation et on pourrait, à bon droit, estimer que ce sont précisément les lois antérieures à 1958 qui pourraient poser les plus grandes difficultés au regard des principes inscrits dans la Constitution de la Ve République. En effet, il apparaîtrait paradoxal que ne soient soumises au champ du nouveau contrôle que les lois qui, par définition, ont eu le plus de chance, en particulier depuis 1974, de passer au filtre du contrôle de l’article 61 de la Constitution.

Par ailleurs, il serait extrêmement délicat de faire le départ dans une loi antérieure à 1958 entre celles de ses dispositions qui ont été modifiées après cette date et qui seraient en conséquence susceptibles d’être contrôlées et celles qui ne l’auraient pas été et qui ne seraient soumises pas à ce nouveau contrôle. De surcroît, il faut rappeler que le Conseil constitutionnel peut déjà exercer un contrôle sur ces lois antérieures en 1958 mais modifiées postérieurement à cette date, conformément à la décision précitée du 25 janvier 1985. Une différence paradoxale de champ apparaîtrait ainsi entre celui couvert par le contrôle a priori et celui couvert par le contrôle sur question préjudicielle.

Enfin, il ne faut pas écarter l’hypothèse selon laquelle les juridictions « ordinaires » s’engageraient sur un contrôle de constitutionnalité de ces lois de 1958 dès lors qu’elles considéreraient que l’interdiction d’un contrôle des lois par voie d’exception tomberait sous le coup de la présente révision, avec d’importants risques de divergences d’appréciation et sans la garantie, indispensable pour la sauvegarde de la sécurité juridique, d’une abrogation erga omnes de la disposition en cause.

―  En deuxième lieu, la question ne pourra être posée que sur le fondement d’une atteinte aux « droits et libertés garanties par la Constitution » ; d’une part, il n’est pas question de juger d’une loi dans son aspect procédural ou au regard de la compétence de son auteur ; mais, d’autre part, cette précision permettra néanmoins de confronter la disposition à l’ensemble du contenu du « bloc de constitutionnalité » (868), comprenant à la fois les droits et libertés garantis par la Déclaration de 1789, l’ensemble des principes particulièrement nécessaires à notre temps énoncés par le préambule de la Constitution 1946 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (869).

La mention des « libertés et droits fondamentaux reconnus par la Constitution » figurant dans les propositions du « comité Balladur » aurait inutilement laissé entendre que certains droits et libertés reconnus par la Constitution sont moins « fondamentaux » que d’autres.

―  En troisième lieu, et selon une logique déjà proposée en 1990 et 1993, la question devra être passée au crible soit de la Cour de cassation, soit du Conseil d’État selon qu’elle aura été posée devant un tribunal appartenant à l’ordre juridiction ou devant une juridiction de l’ordre administratif ; cette solution garantira qu’un tri sera effectué avant que le Conseil constitutionnel ne soit saisi, ce qui évitera notamment que ce dernier soit encombré de demandes tous azimuts, à l’image de ce qui a pu se passer dans d’autres pays comme l’Allemagne.

Deux questions peuvent se poser à propos de ce filtre. La première concerne son « efficacité », la deuxième sa « dimension ».

En ce qui concerne la première question, comme l’a souligné M. Marc Guillaume, secrétaire général du Conseil constitutionnel, à l’occasion de son audition par le rapporteur, l’encombrement de la juridiction constitutionnelle, à l’instar de ce que connaît la Cour constitutionnelle allemande, doit être absolument évité, sous peine de réduire la capacité de celle-là à juger dans les meilleures conditions, ce qu’exige, au demeurant, la possibilité d’abroger une loi.

A contrario se pose la question de la « puissance » du filtre. Les juridictions suprêmes des deux ordres judiciaire et administratif n’auront-elles pas tendance à « retenir » leur compétence et à ne transmettre au Conseil constitutionnel qu’une quantité infinitésimale de questions, au point de vider de son sens l’idée d’un accès des justiciables à la justice constitutionnelle exercée par un organe dont c’est la mission ? Plusieurs des personnes auditionnées par le rapporteur, telles que le professeur Bertrand Mathieu ou encore M. Pierre Mazeaud, ont évoqué ce risque.

Si un équilibre doit être trouvé entre ces deux excès – engorgement ou inanité –, une première réponse peut être trouvée dans la comparaison avec l’expérience des questions préjudicielles que les juridictions françaises sont amenées à poser à la Cour de justice des Communautés européennes. Comme l’a rappelé lors de son audition par le rapporteur, M. Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d’État, dont les propos sont partiellement reproduits dans l’encadré ci-après, les juridictions françaises ne se privent pas de saisir la juridiction de Luxembourg de questions d’interprétation des normes européennes sans pour autant y recourir de manière inconsidérée (870). De la même façon, le dispositif proposé dans le présent article permettra d’organiser un dialogue des juges constructif.

L’ANALYSE PAR LE CONSEIL D’ÉTAT DU DISPOSITIF DE QUESTION PRÉJUDICIELLE DE CONSTITUTIONNALITÉ INSTITUÉ
À L’ARTICLE 61-1 DE LA CONSTITUTION

Intervention de M. Jean-Marc SAUVÉ, Vice-président du Conseil d’État,
auditionné par le rapporteur, le lundi 5 mai 2008

Ce contrôle est possible et utile. En 1990 comme en 1993, la discussion a essentiellement porté sur l’existence d’un risque pour la sécurité juridique, la crainte ayant été exprimée qu’une partie significative de la législation en vigueur ne se trouve fragilisée. Mais l’écoulement du temps a sensiblement modifié les données du problème et permet de relativiser cette appréhension.

D’une part, le contrôle a priori des lois votées par le Parlement s’exerce désormais à une échelle significative depuis une trentaine d’années. La plupart des lois de nature à affecter sensiblement les droits et libertés sont soumises au Conseil constitutionnel à l’initiative de l’opposition.

D’autre part, la proportion des lois codifiées n’a pas cessé d’augmenter jusqu’à devenir largement majoritaire. Or, la codification est l’occasion d’une vérification de la constitutionnalité des textes anciens qui entrent dans le champ de chaque code. En dehors même de la codification, beaucoup de dispositions anciennes ont été soit abrogées, soit modifiées sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Enfin, cela fait près de vingt ans que le juge administratif se reconnaît le pouvoir d’écarter une disposition législative contraire à une convention internationale. Le juge judiciaire l’avait précédé dans cette voie. Or, ce contrôle s’exerce au regard de textes qui consacrent des droits individuels recoupant, dans une large mesure, ceux qui sont garantis par la Constitution. Ce contrôle de conventionnalité, alors même qu’il s’effectue dans plus d’un tiers des arrêts du Conseil d’État, n’a pas créé d’insécurité juridique, bien qu’il conduise, au cas par cas, à écarter l’application de certaines lois ou dispositions législatives contraires à des engagements internationaux. (…)

La réforme proposée n’est pas anodine, elle permettra, par exemple, d’invoquer à l’encontre de la loi une norme telle que le principe d’égalité, qui n’est pas directement consacré par la Convention européenne des droits de l’homme. Mais son impact sera limité par le fait que, depuis l’échec des tentatives précédentes, le Conseil constitutionnel, le législateur et des juridictions ont patiemment et discrètement poursuivi un travail qui a mis à l’abri du soupçon d’inconstitutionnalité la très grande majorité des dispositions législatives en vigueur.

Dans ces conditions, du point de vue de la sécurité juridique, l’appréhension qu’on pourrait éprouver tient à moins à la fragilisation de pans entiers de notre législation qu’à la question des effets des déclarations d’inconstitutionnalité. On pourrait craindre la remise en cause brutale de situations acquises de bonne foi par de très nombreuses personnes, voire un vide juridique ou une incertitude sur le droit applicable. L’expérience des pays qui admettent le contrôle a posteriori de la constitutionnalité des lois montre que les difficultés peuvent être traitées efficacement si l’on reconnaît à la cour constitutionnelle un large pouvoir pour concilier, pour chaque cas d’espèce, les différentes exigences constitutionnelles en cause, la protection des droits et libertés, mais aussi la sécurité juridique. C’est ce que fait, me semble-t-il, la nouvelle rédaction qui est proposée pour l’article 62 de la Constitution.

En ce qui concerne les modalités du contrôle de constitutionnalité, celui-ci paraît devoir s’exercer au regard des droits et libertés garantis par la Constitution, c’est-à-dire l’ensemble des règles de fond constitutionnellement protégées, à l’exclusion des règles de compétence et de procédure. C’est le parti qui avait été retenu dans les projets de 1990 et de 1993 et il me paraît toujours judicieux. Par ailleurs, la notion de « droits et libertés garantis par la Constitution » me paraît devoir être préférée à celle des « droits et libertés fondamentaux reconnus par la Constitution » pour couper à des interrogations sur l’existence, au sein des droits constitutionnellement protégés d’un sous-ensemble qui regrouperait les droits essentiels ou les droits fondamentaux.

Quant au mode de saisine du Conseil constitutionnel, le projet de loi prévoit que la juridiction saisie d’une exception d’inconstitutionnalité transmet la question à la cour suprême de son ordre, le Conseil d’État ou la Cour de cassation, qui pourra la soumettre au Conseil constitutionnel. Le filtre des cours suprême présente un double avantage.

D’une part, il met le Conseil constitutionnel à l’abri d’une éventuelle avalanche de renvois préjudiciels à laquelle ses moyens actuels lui permettrait sans doute malaisément de faire face. D’autre part, il permet d’associer très en amont le Conseil d’État et la Cour à l’élaboration de la jurisprudence constitutionnelle. Les deux cours suprêmes trancheront la question préjudicielle en l’écartant lorsqu’elle ne leur paraîtra pas présenter de difficulté sérieuse. Dans le cas contraire, la question sera renvoyée au Conseil constitutionnel. L’arrêt de renvoi permettra d’éclairer les termes de la question posée.

C’est ainsi que font le Conseil d’État et la Cour de cassation avec les renvois préjudiciels à la Cour de justice des Communautés européennes sur l’interprétation et l’appréciation de la légalité du droit communautaire. Les deux cours jouent régulièrement et loyalement le jeu du renvoi préjudiciel, chaque fois que cela est utile et nécessaire à la résolution d’un litige. Je crois pouvoir dire que la Cour de justice de Luxembourg apprécie la coopération à laquelle se livre les cours suprêmes françaises. Leur filtre n’est pas un verrou et il permet de sélectionner des questions de grande portée, de grand intérêt, qui donnent souvent lieu à des arrêts remarqués rendus par les formations les plus solennelles de la Cour de justice de Luxembourg.

Il en ira de même avec le Conseil constitutionnel si la réforme proposée est adoptée. Je saisis de cette occasion pour affirmer que le filtre laisserait intact le monopole du Conseil constitutionnel pour dire si une loi antérieurement promulguée est contraire à la Constitution. De ce point de vue, le texte du projet est dans son laconisme même parfaitement clair.

Une deuxième question porte sur la « dimension » du filtre et sur la capacité du Conseil d’État et de la Cour de cassation à couvrir l’ensemble des juridictions devant lesquelles une question de constitutionnalité est susceptible d’être posée. Comme a pu l’évoquer, lors de son audition, M. Jean-Marc Sauvé, en réponse à une interrogation du rapporteur, un doute pouvait être soulevé sur la nécessité de mentionner non seulement la Cour de cassation et le Conseil d’État, mais également « toute autre juridiction ne relevant ni de l’une ni de l’autre ». En effet, cette mention était présente dans le projet de loi déposé en 1990 à l’article 63 de la Constitution qui précisait que la façon dont était renvoyée la question au Conseil constitutionnel était fixée par une loi organique. Elle avait paru inutile aux députés qui l’avaient alors supprimée. En 1993, ce filtre réapparut, mais dans le dispositif même de l’exception d’inconstitutionnalité, comme l’avait recommandé le « comité Vedel ».

Le « comité Balladur » lui-même a proposé de reprendre cette mention. Auraient pu être concernées a priori deux juridictions. La première aurait été la Cour de justice de la République compétente, en application du titre X de la Constitution, pour juger les membres du Gouvernement, la seconde le Tribunal des conflits, créé par la loi du 24 mai 1872, pour régler les conflits d’attribution entre les autorités juridictionnelles administratives et judiciaires.

Cependant, d’une part, les arrêts de la Cour de justice sont susceptibles de recours en cassation devant la Cour de cassation. D’autre part, le Tribunal des conflits, qui peut être notamment saisi des décisions définitives des tribunaux des deux ordres lorsqu’elles présentent une contrariété aboutissant à un déni de justice n’est jamais saisi en tant que tel de questions concernant les droits et libertés garantis par la Constitution. Dans ces conditions, la mention de la Cour de cassation et du Conseil d’État est suffisante.

―  Enfin, une loi organique devra être prise pour fixer les conditions et les réserves applicables à cette nouvelle procédure ; elle devra, notamment, déterminer les modifications d’organisation, de fonctionnement et de procédure qui résulteront de l’extension de la compétence du Conseil constitutionnel, mais permettra aussi de préciser que la question ne pourra porter sur l’invocation des règles constitutionnelles relatives à la procédure législative ou à la compétence du législateur.

Comme le souligne l’exposé des motifs du présent projet de loi constitutionnelle, « seraient ainsi conciliés l’exigence de sécurité juridique, le respect du Parlement, la nécessité de ne pas engorger le Conseil constitutionnel et le progrès dans la protection des droits fondamentaux ».

En outre, le rapporteur relève que le présent projet de loi constitutionnelle, à l’instar de l’analyse faite par le « comité Balladur », ne propose pas d’instaurer explicitement au profit du Conseil constitutionnel compétence pour exercer, comme les juridictions ordinaires, un contrôle de conventionnalité des lois, en application duquel est écartée l’application d’une loi qui serait contraire à une convention internationale à laquelle la France est partie.

On peut rappeler, en effet, que le « comité Balladur », qu’il convient de citer largement, a considéré « qu’il y aurait plus d’inconvénients que d’avantages à regrouper sous la seule autorité du Conseil constitutionnel le contrôle de la conformité de la loi à la Constitution et aux principes fondamentaux consacrés par tout ou partie des conventions internationales.

« Le contrôle de la conformité de la loi aux conventions internationales est en voie d’acclimatation dans notre système juridictionnel et, quel que soit son caractère perfectible, on ne peut tenir pour certain que sa " régulation " par le Conseil constitutionnel ouvrirait aux citoyens un " droit nouveau " de quelque consistance. Surtout, reconnaître au Conseil constitutionnel cette compétence supplémentaire altérerait profondément la nature de cette institution sans qu’on discerne clairement le profit qu’en retirerait le justiciable dans le déroulement de son procès. En revanche, on devine sans trop de peine le risque qui s’attacherait à placer le Conseil constitutionnel dans une position délicate, entre les deux cours suprêmes que sont la Cour de cassation et le Conseil d’État, d’une part, et, d’autre part, les juridictions supranationales que sont, notamment, la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour européenne des droits de l’homme. L’intervention de ces juridictions européennes priverait, pour le justiciable, le détour par le Conseil constitutionnel d’une grande partie de sa vertu d’harmonisation et de simplification.

« On ajoutera qu’une éventuelle censure d’une loi par le Conseil constitutionnel sur le terrain de l’incompatibilité avec une convention internationale, alors même que les juridictions européennes n’auraient pas encore eu à se prononcer, placerait le pouvoir constituant dans la quasi-impossibilité de surmonter une telle interprétation. À la différence de la faculté, toujours ouverte au pouvoir constituant en cas de censure d’une loi sur le terrain de la non-conformité à la Constitution, de recourir, comme ce fut le cas lors de la révision constitutionnelle opérée par la loi constitutionnelle du 25 novembre 1993 à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993, à ce que le doyen Vedel appelait un " lit de justice constitutionnel ", la possibilité, en termes politiques, de réviser ou de dénoncer un traité est faible et on imagine assez mal, en toute hypothèse, une révision constitutionnelle revenant sur l’inclusion d’un traité parmi les normes de référence du contrôle. » (871)

La Commission a été saisie d’un amendement du rapporteur tendant à réécrire le nouvel article 61-1 de la Constitution qui institue la voie d’exception devant le Conseil constitutionnel. Son auteur a fait valoir que si l’instauration de la procédure de la question préjudicielle de constitutionnalité avait été très largement saluée par les personnes entendues, il subsistait un certain nombre de difficultés : la limitation du champ de son application aux lois postérieures à 1958, le risque d’engorgement du Conseil constitutionnel par la multiplication de saisines à des fins dilatoires et enfin la question du rôle des juridictions suprêmes, dont certains ont estimé qu’elles pourraient être chargées directement de se prononcer sur la constitutionnalité de la disposition législative en cause.

L’amendement présenté vise à répondre à ces différentes critiques. Il prévoit que les demandes des justiciables sont filtrées par les juridictions qui les reçoivent et les transmettent respectivement à la Cour de cassation et au Conseil d’État. Il instaure le principe selon lequel l’absence de décision de ces juridictions dans un délai qui sera fixé par la loi organique vaut rejet de la demande, dans le but d’éviter tout risque d’engorgement et prévoit que, dans ce cas, le justiciable peut directement saisir le Conseil constitutionnel. Il étend enfin aux lois antérieures à 1958 le champ des textes qui pourront faire l’objet d’une question préjudicielle de constitutionnalité à l’occasion d’un procès.

La Commission a adopté cet amendement à l’unanimité (amendement n° 89). Par l’ouverture proposée par cet article, chacun aura ainsi accès à la justice constitutionnelle, qui pourra trancher les cas les plus litigieux, dans des conditions de sécurité juridique optimale.

La Commission a ensuite rejeté neuf amendements devenus sans objet : deux amendements de M. Jean-Christophe Lagarde, un amendement du rapporteur, et un amendement de M. Arnaud Montebourg visant à supprimer la restriction relative aux lois antérieures à 1958, un amendement de M. Bertrand Pancher prévoyant une saisine automatique du Conseil constitutionnel dans le cas où une exception d’inconstitutionnalité est invoquée dans une instance en cours, un amendement de M. Arnaud Montebourg et un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde visant à supprimer le filtre assuré par le Conseil d’État et la Cour de cassation, un amendement de M. Bertrand Pancher prévoyant un renvoi des questions préjudicielles de constitutionnalité par toute juridiction directement au Conseil constitutionnel et un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde visant à préciser que le Conseil constitutionnel saisi par voie d’exception est soumis aux principes communs à toutes les juridictions.

La Commission a ensuite adopté l’article 26 ainsi modifié.

Article 27

(art. 62 de la Constitution)


Conséquence d’une inconstitutionnalité prononcée en réponse
à une question préjudicielle

De la même façon que l’actuel article 62 de la Constitution tire les conséquences d’une déclaration de non-conformité prononcée par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l’article 61, le présent article tire les conséquences, dans l’article 62, de la création d’un nouveau mode de saisine du Conseil constitutionnel, appelé à répondre aux questions de constitutionnalité posées à l’occasion d’instances par les juridictions ordinaires via leur juridiction suprême.

Le mécanisme proposé prévoit deux types de conséquences :

―  d’une part, la disposition déclarée non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel se trouvera abrogée à la date fixée par celui-ci dans sa décision ou, à défaut et comme l’avait proposé le « comité Balladur » (872), à la date de publication de la décision ;

―  d’autre part, les effets de la disposition déclarée inconstitutionnelle ne pouvant être ignorés, il est prévu que le Conseil puisse déterminer les conditions et les limites dans lesquelles ces effets pourront être remis en question, ce qui impliquera notamment d’indiquer les voies de droit par lesquelles la « victime » de la loi inconstitutionnelle pourrait, dans les cas les plus graves, obtenir réparation.

Ce dispositif permettrait de moduler les effets d’une décision dans le temps et de prendre en compte les circonstances particulières de l’espèce pour mesurer les effets erga omnes d’une abrogation.

Il est possible d’imaginer, par exemple, selon une hypothèse théorique, qu’un citoyen qui s’est vu imposer des contraintes particulières en application d’une disposition législative reconnue inconstitutionnelle – un retard dans une carrière administrative ou l’exclusion de droits sociaux par exemple – puisse être autorisé à retourner devant la justice pour obtenir, en l’espèce, reconstitution de carrière ou récupération des sommes indûment refusées.

Mais, surtout, cette faculté offerte au Conseil constitutionnel de circonscrire les effets de l’abrogation de la disposition législative en cause permettrait d’éviter une remise en cause systématique de ses effets passés. Le Conseil pourra ainsi préciser quelles limites s’imposent afin de concilier l’intérêt général qui s’attache au rétablissement du droit méconnu avec d’autres principes tels que la sécurité juridique.

L’expérience des États européens dont la cour constitutionnelle pratique un contrôle de constitutionnalité par voie d’exception tend à montrer que ce type de problème ne peut être pris en charge que par la jurisprudence, l’hétérogénéité, la grande diversité des espèces interdisant que soit inscrite dans la Constitution une règle précise et universelle.

Une telle règle pourrait s’inspirer, dans sa mise en œuvre, des effets dans le temps d’une annulation contentieuse, telle qu’ils ont été définis dans le cadre du contrôle de légalité par le Conseil d’État depuis l’arrêt d’assemblée Association AC ! et autres du 11 mai 2004. Cette décision a permis, en dérogeant au principe de l’effet ab initio d’une annulation contentieuse, de mieux concilier le principe de légalité et l’exigence de sécurité juridique (873).

L’annulation nécessaire d’une disposition à l’importance cependant toute relative – la composition irrégulière d’un organe consultatif en l’espèce – aurait conduit, sans modulation de ses effets, à modifier des situations juridiques acquises dans des proportions telles que le bénéfice tiré de la suppression « brute » d’une disposition illégale de notre ordre juridique aurait été plus qu’amoindri par des « coûts » trop élevés en termes de sécurité juridique.

Selon une logique proche, le Conseil constitutionnel, dans sa décision sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 (874), avait estimé qu’une censure pure et simple d’une disposition de cette loi aurait eu pour effet de désorganiser un dispositif qui, compte tenu de son importance en cas de sinistre sanitaire et de son caractère indispensable à la protection de la santé publique, objectif de valeur constitutionnelle, devait être préservé. En conséquence, il a comme suspendu sa censure pour permettre aux pouvoirs publics de se conformer à partir de l’année 2007 aux prescriptions d’une norme organique, la LOLF en l’occurrence. Dans une décision du 30 décembre 1997 (875), il avait déjà eu l’occasion de « suspendre » une censure dans l’attente d’une réforme ultérieure, condition d’une future décision de conformité.

La Commission a adopté l’article 27 sans modification.

Après l’article 27

La Commission a été saisie d’un amendement de M. Christophe Caresche tendant à préciser au sein de l’article 64 de la Constitution que ce n’est pas le Président de la République mais le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui est le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Son auteur a précisé qu’il s’agissait de tirer la conséquence du fait que le Président de la République ne préside plus le CSM.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec a indiqué que le Président de la République ne présidant plus le CSM, il ne disposera plus des instruments nécessaires pour assurer la fonction de garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire et que c’est donc au CSM dans ses différentes composantes d’assumer ce rôle.

Le rapporteur a estimé qu’il n’était pas justifié de modifier l’article 64 de la Constitution : la présidence du CSM par le Président de la République est en l’état actuel très largement symbolique. Par ailleurs, il disposera toujours du pouvoir de nomination des magistrats, après avis conforme du CSM et pourra solliciter ses avis sur toute autre question. Il demeure donc le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire de même qu’il est garant de la continuité de l’État en vertu de l’article 5 de la Constitution. Suivant l’avis du rapporteur, la Commission a rejeté cet amendement.

Article 28

(art. 65 de la Constitution)


Conseil supérieur de la magistrature

L’histoire du CSM est indissociable de la construction progressive de l’indépendance de la magistrature. Ce lien explique sans doute les réformes successives dont cette institution a été l’objet.

Dans le prolongement de ces réformes, et afin de renforcer le caractère indépendant ainsi que les pouvoirs de cette institution, le présent article prévoit de modifier la composition et la présidence de ses deux formations et de confier à la formation compétente pour les magistrats du parquet un pouvoir d’avis sur l’ensemble des nominations de magistrats du parquet.

1. Une institution ancienne réformée à plusieurs reprises

a) Un Conseil supérieur de la magistrature différent à chaque République

Le CSM fut créé par une loi du 30 août 1883 portant réforme de l’organisation judiciaire. Cette loi avait à la fois pour objet de suspendre, pour une durée de trois mois, la règle de l’inamovibilité des magistrats du siège – ce qui permit de révoquer les magistrats suspects de complaisance ou de compromission soit avec le précédent régime soit avec les hommes politiques qui placèrent leur espoir dans une nouvelle restauration monarchique – et de soustraire le déroulement de carrière des magistrats à la volonté politique, en créant une institution indépendante de l’exécutif et chargée de la discipline des magistrats. Le CSM était alors constitué par la Cour de cassation réunie en assemblée plénière.

L’inscription du CSM dans la Constitution date de la IVe République (titre IX de la Constitution du 27 octobre 1946). Il est alors chargé de proposer au Président de la République les nominations et les décisions d’avancement pour les magistrats du siège.

Le Président de la République en est le Président et le garde des Sceaux le vice-président. Ses autres membres, dont le mandat est de six ans, sont six personnalités élues par l’Assemblée nationale en dehors de ses membres, quatre magistrats élus par chacune des catégories de magistrats (Cour de cassation, cours d’appel, tribunaux de première instance et juges de paix) et deux membres désignés par le Président de la République au sein des professions judiciaires mais en dehors du Parlement et de la magistrature.

Comme l’expliquait Paul Coste-Floret, rapporteur du projet de Constitution devant l’Assemblée constituante, « cette composition, qui se tient à égale distance d’une subordination de la magistrature à l’Assemblée nationale et d’une inadmissible composition corporative du Conseil, paraît devoir donner toute satisfaction et réaliser le but à atteindre. » Mais si l’écueil du corporatisme était évité par une composition privilégiant les désignations politiques, la politisation du CSM fut perçue négativement et motiva une modification de ses règles de composition à l’occasion du changement de République.

La Constitution de 1958 apporte des modifications sensibles à la composition du CSM : le nombre de membres est réduit de quatorze à onze et la durée du mandat de six à quatre ans. Surtout, tous les membres du Conseil sont désignés par le chef de l’État. L’ordonnance du 22 décembre 1958 (876) précise la répartition des neuf membres désignés par le Président de la République :

—  trois membres de la Cour de cassation, dont un avocat général, et trois magistrats du siège des cours et tribunaux sont désignés sur une liste établie par le bureau de la Cour de cassation et comportant trois fois plus de noms que de postes à pourvoir ;

—  un conseiller d’État est désigné sur une liste de trois noms établie par l’assemblée générale du Conseil d’État ;

—  deux personnalités qualifiées sont désignées à raison de leur compétence.

Les attributions du Conseil demeurèrent en revanche inchangées, celui-ci étant compétent en matière de discipline des magistrats du siège ainsi que pour les propositions de nominations des magistrats du siège.

b) Les réformes et projets de réforme du Conseil supérieur
de la magistrature

Après une longue période durant laquelle le CSM ne fit l’objet d’aucune modification, la réflexion sur sa réforme fut initiée par le « comité Vedel », qui y vit un moyen de conforter le respect et l’indépendance de l’autorité judiciaire. Son rapport proposait de « donner au Conseil supérieur de la magistrature une composition équilibrée, (en faisant) une place égale à des magistrats élus par leurs pairs et à des personnalités choisies par les Présidents des deux assemblées et par deux hautes juridictions (le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État) » (877) Il proposait également de confier à ce Conseil la possibilité de recevoir les plaintes et doléances tant des justiciables que des membres du corps judiciaire. Il suggérait enfin de transférer à ce Conseil le pouvoir de nommer les magistrats du siège autres que ceux de la Cour de cassation et que les Premiers présidents de cours d’appel.

La loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 (878) réforma le CSM, avec le double souci de renforcer l’indépendance de cette institution et de faire progresser l’unité de la magistrature. Les modifications introduites dans l’article 65 de la Constitution ont porté sur sa composition et ses attributions.

Ses attributions ont été étendues aux magistrats du parquet. Désormais, il donne son avis sur les nominations de magistrats du parquet, à l’exception des emplois auxquels il est pourvu en Conseil des ministres (879). Il donne également son avis sur les sanctions disciplinaires concernant les magistrats du parquet, alors que ce rôle était auparavant assuré par la commission de discipline du parquet.

Ses attributions à l’égard des magistrats du siège, qui étaient déjà plus nombreuses (conseil de discipline, avis pour toutes les nominations et propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation et des Premiers présidents de cour d’appel), ont également été renforcées. Le simple avis a été remplacé par un avis conforme et le pouvoir de proposition a été étendu aux nominations des présidents de tribunal de grande instance.

La modification de la composition du Conseil était le complément logique de la modification de ses attributions, dans la mesure où l’extension de sa compétence aux magistrats du parquet impliquait d’introduire des membres du parquet dans l’institution.

Le CSM comprend désormais deux formations, l’une compétente à l’égard des magistrats du siège, l’autre à l’égard des magistrats du parquet. Les magistrats de la formation compétente à l’égard des magistrats du siège sont cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet tandis que les magistrats de la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet sont cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège. Les autres membres du Conseil sont désormais un conseiller d’État désigné par le Conseil d’État ainsi que trois membres n’appartenant ni au Parlement ni à la magistrature désignés respectivement par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat. Par ailleurs, le Président de la République et le garde des Sceaux demeurent respectivement président et vice-président du Conseil. Toutefois, lorsque le Conseil siège en conseil de discipline, il est présidé par le Premier président de la Cour de cassation ou le Procureur général près la Cour de cassation, selon que l’affaire concerne un magistrat du siège ou un magistrat du parquet.

La révision constitutionnelle du 27 juillet 1993 a été complétée par l’adoption d’une nouvelle loi organique sur le CSM (880). Cette loi a notamment précisé les modalités de désignation des membres du CSM. Les magistrats sont choisis par la voie de l’élection, au sein de collèges correspondant aux différentes catégories de magistrats. Cette loi organique prévoit également que, lorsque le Conseil joue le rôle d’un conseil de discipline, le Président de la République et le garde des Sceaux n’assistent pas aux séances.

Par ailleurs, dans le silence de la Constitution et des dispositions organiques le concernant, le Conseil a décidé de se réunir une fois par mois en section commune aux deux formations, sous la présidence d’un membre commun. Ces réunions permettent d’harmoniser les points de vue, les pratiques et les méthodes de travail des deux formations et de mettre au point le rapport d’activité annuel.

Un autre projet de réforme constitutionnelle a été engagé en avril 1998, sur la base d’un rapport remis au chef de l’État en juillet 1997 (881). L’objet de ce projet était de renforcer le rôle du CSM à l’égard des magistrats du parquet et de diminuer le caractère « corporatiste » de sa composition. Le projet prévoyait que l’ensemble des magistrats du parquet seraient nommés après avis conforme du CSM. De la même manière, la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet aurait statué comme conseil de discipline. Dans le même temps, la composition du Conseil aurait été révisée et les magistrats seraient devenus minoritaires (dix membres sur vingt et un). La nomination des onze personnalités extérieures au corps judiciaire aurait compris, outre le conseiller d’État désigné par le Conseil d’État, six personnalités nommées respectivement par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat et quatre personnalités nommées conjointement par le Premier président de la Cour de cassation, le Vice-président du Conseil d’État et le Premier président de la Cour des comptes (882). La réunion du Conseil en formation plénière aurait été prévue explicitement par la Constitution. Cette formation plénière se serait vue reconnaître la possibilité d’émettre des avis, à la demande du Président de la République, sur des questions d’ordre général intéressant le statut des magistrats.

Le décret inscrivant à l’ordre du jour du Congrès ce projet de loi constitutionnelle ne fut signé que le 3 novembre 1999, mais le Président de la République, constatant la persistance d’un blocage, décida finalement d’abroger ce décret avant que la réunion du Congrès n’intervienne.

Depuis lors, la crise de confiance dans la justice de notre pays a pris des formes nouvelles et s’est manifestée avec une acuité toute particulière lors de l’affaire dite « d’Outreau ». La commission d’enquête parlementaire créée à cette occasion a formulé un certain nombre de propositions afin de restaurer la confiance des Français dans la justice. La rénovation du CSM était proposée dans ce cadre, afin d’établir une parité entre les magistrats et les non-magistrats, de faire élire directement les magistrats par leurs pairs et de confier la vice-présidence du Conseil alternativement à un membre magistrat et à un membre n’appartenant pas à la magistrature (883).

Le « comité Balladur » s’est, de la même manière, interrogé sur la nécessité de modifier le rôle et la composition du CSM. Ce comité a estimé que « la réforme de 1993 n’a pas atteint ses objectifs dans la mesure où elle n’a pas mis fin aux conflits entre le Gouvernement et le Conseil supérieur de la magistrature ; en dépit de la lettre des textes, aussi bien constitutionnels qu’organiques, le Conseil a instauré en son sein une prétendue " réunion plénière " dont l’existence même alimente le reproche de corporatisme trop souvent adressé à l’institution ; celle-ci s’avère insuffisamment ouverte sur l’extérieur » (884). Partant de ce constat, le comité a proposé de confier la présidence du CSM à une personnalité indépendante, extérieure au corps judiciaire, de modifier la composition de telle sorte que six personnalités extérieures soient présentes dans chacune des deux formations, d’étendre l’avis sur les nominations de magistrats du parquet aux postes de procureurs généraux et enfin de prévoir, par une disposition organique, que le Conseil puisse être saisi par les justiciables eux-mêmes et non plus seulement par le garde des Sceaux ou les Premiers présidents de cour d’appel (885).

2. Un Conseil supérieur de la magistrature rénové

La nouvelle rédaction qui est proposée pour l’article 65 de la Constitution s’inspire dans une large mesure des propositions du « comité Balladur ». Les modifications portent, d’une part, sur la composition du Conseil et, d’autre part, sur ses attributions.

a) Une composition du Conseil supérieur de la magistrature renforçant son autonomie et le préservant des soupçons
de « corporatisme »

Il est proposé de mettre un terme à la présidence de droit du Président de la République et à la vice-présidence de droit du ministre de la justice ainsi que d’augmenter le caractère pluraliste de sa composition, en prévoyant la présence de huit membres extérieurs à la magistrature dans chacune des deux formations du CSM.

• Deux formations présidées par les deux plus hauts magistrats

La présidence du CSM par le Président de la République n’est pas purement formelle. Il peut notamment exercer une influence sur l’ordre du jour du Conseil qu’il arrête ; il nomme le magistrat qui assure le rôle de secrétaire administratif du Conseil. En outre, le Conseil siège au Palais de l’Alma, qui est une dépendance de la Présidence de la République (excepté en matière disciplinaire, où son siège est à la Cour de cassation). Comme le résume fort bien le professeur Jean Gicquel, « le cordon ombilical avec le pouvoir exécutif a été maintenu » (886).

Parmi les exemples étrangers, la plupart plaident en faveur d’un président du Conseil qui ne soit pas le chef de l’exécutif. Le CSM, dans un récent rapport annuel, avait fait observer que la situation française, « quasi exceptionnelle dans l’Union européenne, peut surprendre au regard des exigences objectives du principe de la séparation des pouvoirs puisque l’indépendance de la justice se définit au premier chef à l’égard du pouvoir politique. Elle traduit, en les associant, deux spécificités constitutionnelles françaises : d’une part, la conception du rôle du chef de l’État comme clef de voûte des institutions, qui " assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État ", d’autre part, la réticence à reconnaître formellement l’existence d’un " pouvoir judiciaire " et, par suite, à rendre complètement autonome l’instance constitutionnelle chargée de garantir son indépendance. » (887)

Le remplacement de la présidence de droit du chef de l’État par une présidence par le Premier président de la Cour de cassation pour la formation du siège et par le Procureur général près la Cour de cassation pour la formation du parquet est donc la marque d’une volonté de renforcer l’indépendance du CSM et a été approuvé, lors des auditions conduites par le rapporteur, tant par l’actuel Premier président de la Cour de cassation, M. Vincent Lamanda, que par l’actuel Procureur général près la Cour de cassation, M. Jean-Louis Nadal.

Le renforcement de cette indépendance ne pouvait toutefois être complet si le garde des Sceaux demeurait membre de droit du CSM. De ce point de vue, on peut rappeler que, dans le cadre des travaux préparatoires de la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993, le Premier président de la Cour de cassation de l’époque, M. Pierre Drai, avait déjà plaidé contre la vice-présidence de droit du garde des Sceaux, et proposait en lieu et place que ce dernier assiste aux séances du CSM « en qualité, en quelque sorte, de commissaire du Gouvernement pour défendre ses propositions, mais sans être appelé à délibérer et à voter sur elles » (888).

De la même manière, le Procureur général de l’époque, M. Pierre Truche, s’interrogeait : « si le garde des Sceaux fait partie du Conseil supérieur de la magistrature, lequel donne un avis sur les nominations de magistrats du parquet, ne sera-t-il pas dans une position délicate au moment d’exercer son pouvoir de nomination, dès lors que le CSM aurait pris une position contraire à la sienne ? » (889)

La fin de la vice-présidence de droit du ministre de la justice est non seulement le complément logique de la fin de la présidence de droit du Président de la République mais également une mesure qui permettra de simplifier les relations entre cette instance et l’autorité chargée de nommer les magistrats. Désormais, le pouvoir exécutif ne sera plus fondé à demander une nouvelle délibération assortie d’un vote.

Toutefois, il convient que le ministre de la justice puisse être entendu par le CSM sur les nominations qu’il propose. Il semble en effet légitime que l’avis que doit délivrer l’institution puisse être éclairé, le cas échéant, par sa présence et ses explications. Comme le faisait observer le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy dans sa lettre du 12 novembre 2007 au Premier ministre sur la réforme des institutions : « le ministre de la justice, garde des Sceaux, doit conserver la possibilité de participer aux séances non disciplinaires du CSM. Il serait curieux que le ministre de la justice ne puisse s’entretenir avec la plus haute instance de l’organisation de la magistrature. » C’est pourquoi le septième alinéa de l’article 65 de la Constitution prévoit explicitement la possibilité pour le ministre de la justice d’assister aux séances des formations du CSM, à l’exception de celles consacrées aux questions disciplinaires.

Les conditions et les formes dans lesquelles le ministre de la justice pourra assister aux séances des formations du CSM devront être précisées par la loi organique déterminant les conditions d’application de l’article 65 de la Constitution.

La suppression d’une présidence et d’une vice-présidence uniques du CSM pourrait être interprétée comme une interdiction de réunir les deux formations du CSM en assemblée plénière. Le CSM se réunit actuellement en réunion plénière pour adopter les rapports d’activité annuels et le recueil des obligations déontologiques des magistrats prévus par l’article 20 de la loi organique du 5 février 1994. Il lui est également arrivé, plus rarement, d’adopter en assemblée plénière des avis, destinés au Président de la République, soit à la demande de ce dernier, soit spontanément. Lorsque le CSM émet ces avis, il se fonde sur l’article 64 de la Constitution, qui prévoit que le CSM assiste le Président de la République.

Dans la mesure où l’article 64 de la Constitution n’est pas modifié par le présent projet de loi, le rôle d’assistance du CSM au Président de la République demeure reconnu par la Constitution. Il devrait donc pouvoir continuer à se réunir, s’il l’estime nécessaire, en réunion plénière, de manière prétorienne – selon les mots du Premier président, M. Vincent Lamanda – afin d’émettre un avis au Président de la République. La « formation » plénière demeurera en outre le mode de réunion le plus pertinent pour l’adoption du rapport annuel et du recueil des obligations déontologiques des magistrats, pour l’organisation de visites de juridictions.

Lors de son audition par le rapporteur, M. Jean-Louis Nadal, Procureur général près la Cour de cassation, a suggéré de consacrer l’existence de la formation plénière. Le rapporteur vous propose de constitutionnaliser l’existence d’une formation plénière du CSM. Cette constitutionnalisation permettrait de manifester l’unité du corps de la magistrature. Cette formation pourrait utilement être chargée, dans des conditions précisées par la loi organique, de l’ensemble des tâches susceptibles de relever de logiques transversales, qui intéressent tant le siège que le parquet.

Il serait par ailleurs souhaitable, afin de garantir une certaine cohérence, de prévoir que le président de la formation plénière soit également le président de la formation compétente pour les magistrats du siège et de celle compétente pour les magistrats du parquet. En revanche, il ne semble pas souhaitable de confier à un magistrat cette présidence. Le rapporteur vous propose par conséquent de prévoir une présidence, successivement assurée, pour une durée d’un an, par chacune des personnalités qui sera désignée au CSM.

• Les membres des deux formations du CSM

Outre les modifications relatives à la présidence et aux membres de droit, le présent article propose une composition pluraliste du Conseil, les membres extérieurs à la magistrature acquérant une place prépondérante.

La formation compétente à l’égard des magistrats du siège comprendrait, outre le Premier président de la Cour de cassation, cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d’État, un avocat ainsi que six personnalités nommées respectivement par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat.

La nomination des six personnalités extérieures serait soumise, conformément aux propositions du « comité Balladur », à un avis de la commission des nominations conformément aux dispositions introduites par le présent projet dans l’article 13 de la Constitution (890). Le délai de trois mois qui est prévu par la loi organique du 5 février 1994 (article 7) pour remplacer un siège vacant permettra à cette commission de rendre dans les délais son avis sur la ou les propositions de nomination.

Par coordination avec la modification proposée en ce qui concerne la procédure de consultation préalable aux nominations au Conseil constitutionnel, à l’article 25 du présent projet, le rapporteur propose de prévoir la consultation, pour les nominations proposées par les Présidents des deux assemblées, de la seule commission compétente de l’assemblée concernée, afin d’éviter ainsi que des députés se prononcent sur une nomination proposée par le Président du Sénat et des sénateurs sur une nomination proposée par le Président de l’Assemblée nationale.

Ces six personnalités extérieures, à l’instar des trois personnalités extérieures actuellement nommées au CSM, ne devront appartenir ni au Parlement ni à l’ordre judiciaire. L’exclusion des membres de l’ordre judiciaire ne vise que les magistrats. Ne sont donc pas concernés par cette exclusion les membres du Conseil d’État et des tribunaux administratifs ou de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes (891). Sont en revanche concernés les juges de proximité, qui sont nommés « pour exercer une part limitée des fonctions des magistrats des juridictions judiciaires de première instance » mais n’en figurent pas moins dans l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature, qui leur consacre un chapitre entier (chapitre V quinquies).

L’avocat membre du CSM serait pour sa part désigné dans des conditions précisées par la loi organique, qui devrait prévoir, d’après l’exposé des motifs du présent projet de loi constitutionnelle, une désignation par le Conseil national des barreaux. À l’occasion de l’examen de cette loi organique, il conviendra de s’interroger sur le fait que l’article 6 de la loi organique du 5 février 1994 interdit à l’heure actuelle à tout membre du CSM d’exercer la profession d’avocat. Il se pourrait que le maintien de cette interdiction rende difficile la désignation de l’avocat membre du CSM. En revanche, une levée complète de l’interdiction poserait le problème d’un membre du CSM qui pourrait être une partie intéressée dans des affaires jugées par des magistrats sur lesquels il peut être amené à se prononcer.

La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet réunirait les mêmes huit personnalités extérieures ainsi que cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège. La présidence de cette formation serait assurée par le Procureur général près la Cour de cassation.

Les conditions actuelles de désignation des magistrats membres des formations du CSM, qui sont fixées par la loi organique, ne devraient pas connaître de modifications (892).

Chacune des deux formations compterait ainsi au total quinze membres, dont huit personnes extérieures à la magistrature. Dans la mesure où le président n’a pas voix prépondérante, il est souhaitable que chaque formation compte un nombre de membres impair.

Le fait qu’une majorité de membres de chacune des deux formations ne soit pas des magistrats soulève toutefois un certain nombre d’objections :

―  le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a recommandé que « pour garantir (l’indépendance de l’autorité compétente en matière de sélection et de carrière des juges), des dispositions devraient être prévues pour veiller, par exemple, à ce que ses membres soient désignés par le pouvoir judiciaire et que l’autorité décide elle-même de ses propres règles de procédure » (893) ;

―  les différents conseils de justice qui existent dans les autres pays européens sont composés soit à parité de magistrats et de non-magistrats (Conseil supérieur de la Justice de Belgique, Conseil de nomination des magistrats au Danemark), soit en majorité de magistrats (douze membres sur vingt et un en Espagne, dix-huit sur vingt-sept en Italie, trois sur cinq aux Pays-Bas, six sur dix en Suède, quatorze sur vingt-cinq en Bulgarie, seize sur dix-neuf en Roumanie, onze sur quinze en Hongrie) (894).

D’autre part, certains syndicats de magistrats qui ont été auditionnés par le rapporteur ont exprimé leur désaccord avec une composition qui, considèrent-ils, ne permettrait ni de satisfaire les standards européens ni d’assurer une indépendance satisfaisante à la magistrature.

Toutefois, il est possible d’observer que le CSM a déjà connu, sous la IVe République, une composition dans laquelle les magistrats étaient minoritaires : seuls quatre des quatorze membres du CSM étaient des magistrats élus. Dans les faits, les six personnalités qui étaient alors désignées par l’Assemblée nationale appartenaient cependant au corps judiciaire. Par ailleurs, le projet de révision constitutionnelle de 1998 prévoyait également une composition comprenant une minorité de magistrats. En outre, comme le faisait observer le Procureur général près la Cour de cassation, M. Jean-Louis Nadal, lors de son audition par le rapporteur, « l’un des moyens d’empêcher la justice de fonctionner de manière autarcique est justement de conférer la majorité du CSM à des non-magistrats ».

Si le fait que le CSM ne soit plus composé majoritairement de magistrats permettra de lever tout soupçon de corporatisme pesant sur l’institution judiciaire, il convient d’autre part que le CSM ne puisse encourir le reproche inverse d’une trop grande politisation. Le rapporteur souhaite pour cette raison que le collège des personnalités extérieures ne soit pas majoritairement constitué de personnes nommées par des institutions politiques. Il propose pour cette raison de prévoir, outre la nomination d’un conseiller d’État par le Conseil d’État et celle d’un avocat, la nomination d’un professeur des Universités ainsi que celle d’une personnalité qualifiée par le Défenseur des droits des citoyens. Le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat continueraient pour leur part à nommer chacun une personnalité qualifiée, n’appartenant ni à la magistrature ni au Parlement. Cette composition permettrait de prévoir une présidence alternée par chacune des quatre personnalités qualifiées.

Ainsi, la même personne présiderait, pour une durée d’un an, la formation plénière, la formation siège et la formation parquet. Lorsque les formations siègeraient en matière disciplinaire, le Premier président ou le procureur général près la Cour de cassation viendrait s’y adjoindre – ce qui rétablirait ainsi une parité entre magistrats et non-magistrats sur les questions de discipline. La présidence de la formation compétente pour les magistrats du siège serait assurée par le Premier président de la Cour de cassation, et celle de la formation compétente pour les magistrats du parquet serait assurée par le procureur général près la Cour de cassation.

b) Des compétences élargies

La compétence du CSM en matière de nominations fait actuellement l’objet d’une gradation, selon les postes concernés. Le Conseil propose des candidats pour les nominations aux plus hauts postes de magistrats du siège (magistrats du siège à la Cour de cassation, Premiers présidents de cour d’appel et présidents de tribunal de grande instance) (895), il donne un avis conforme sur les propositions qui lui sont soumises par le garde des Sceaux pour les autres magistrats du siège, et il est simplement consulté pour les nominations de magistrats du parquet, à l’exception des emplois auxquels il est pourvu en Conseil des ministres (Procureur général près la Cour de cassation et procureur général près une cour d’appel).

Le garde des Sceaux n’est donc pas tenu de suivre un avis défavorable rendu par la formation du parquet. La pratique, sur ce point, s’est révélée très variable. Alors que plusieurs gardes des Sceaux successifs avaient suivi une règle implicite consistant à toujours respecter l’avis émis par le Conseil, cette pratique n’a plus été suivie à compter de 2003. Ainsi, le dernier rapport public annuel a constaté « une augmentation préoccupante du nombre d’avis défavorables de la formation du parquet qui n’ont pas été suivis par le garde des Sceaux : 90 % en 2006 contre 0 % en 2005 » (896).

Le CSM a exprimé, à plusieurs reprises (897), le souhait que les garanties données aux magistrats du parquet soient les mêmes que celles dont disposent les magistrats du siège. Cette identité devrait se traduire à la fois en termes de nomination, en prévoyant des avis conformes ou des propositions du Conseil pour les nominations de magistrats du parquet, et en termes de discipline, en prévoyant que le Conseil statue comme organe disciplinaire des magistrats du parquet.

La nouvelle rédaction de l’article 65 de la Constitution permettra au CSM de donner désormais un avis sur l’ensemble des nominations concernant les magistrats du parquet, sans que les plus hauts postes du ministère public échappent à sa consultation.

Cette disposition, qui renforce le rôle du Conseil à l’égard du ministère public, se trouve ainsi dans le prolongement de la révision constitutionnelle de 1993, qui avait consacré l’intervention du Conseil en matière de magistrature debout. Elle est toutefois en retrait par rapport au projet de révision constitutionnelle d’avril 1998 qui prévoyait que l’ensemble des magistrats du parquet seraient nommés après avis conforme du CSM et que la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet statuerait comme conseil de discipline.

En l’absence de mention expresse dans la Constitution du caractère conforme de l’avis donné par le CSM, il sera impossible pour le législateur organique de prévoir un respect obligatoire par le garde des Sceaux de l’avis donné par le Conseil (898).

Le maintien d’une possibilité, pour le garde des Sceaux, de ne pas suivre l’avis du Conseil pour les nominations de magistrats du parquet, se justifie cependant eu égard au fait que le ministère public est chargé de mettre en œuvre la politique pénale décidée par le ministre de la justice.

Il serait toutefois possible d’aller plus loin dans l’élargissement du champ de compétence du CSM. Dans son rapport annuel d’activité pour 2006, le Conseil a proposé « d’étendre les cas de saisine disciplinaire à tout justiciable » (899). Il a pour cela proposé d’insérer un nouvel article 50-3 dans l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, prévoyant que le CSM serait « saisi des réclamations de tout justiciable qui s’estime lésé par un fait susceptible de recevoir une qualification disciplinaire commis par un magistrat dans l’exercice de ses fonctions ». Un filtre serait assuré en prévoyant que le CSM « constitue une commission de sélection pour examiner les réclamations, composée d’anciens membres du Conseil supérieur, magistrats ou non magistrats ». Cette proposition est confirmée, sinon dans sa lettre, du moins dans son esprit, par l’exposé des motifs du présent projet de loi, qui annonce également la création, dans la loi organique, d’une possibilité de saisine du CSM par le justiciable.

Le rapporteur considère que cette nouvelle possibilité serait une bonne chose, représentant à la fois une avancée en termes de droits accordés à tous les justiciables et une manière de renforcer la relation de confiance que devraient entretenir les citoyens avec l’institution judiciaire. Il vous propose pour cette raison de mentionner explicitement dans la Constitution que la loi organique qui détermine les conditions d’application des dispositions relatives au CSM déterminera également les conditions dans lesquelles le Conseil peut être saisi par un justiciable.

La nouvelle composition et les nouvelles compétences du CSM entreront en vigueur, conformément au I de l’article 34 du présent projet de loi constitutionnelle (900), à compter de la date qui sera fixée par la loi organique nécessaire à l’application du présent article.

La Commission a été saisie d’un amendement de M. Christophe Caresche tendant à une réécriture globale de l’article 65 de la Constitution pour, d’une part, proposer que le CSM soit composé à parité de magistrats et de non-magistrats et, d’autre part, permettre que ses deux formations puissent se réunir en assemblée plénière, laquelle serait présidée par un président choisi en son sein, la présidence de la formation compétente pour le siège demeurant assurée par le Premier président de la Cour de cassation et celle compétente pour le parquet par le Procureur général près cette même Cour.

Le rapporteur a indiqué avoir déposé un certain nombre d’amendements tendant également à la réécriture de cet article et a procédé à une présentation d’ensemble du dispositif qu’il propose. Répondant aux critiques adressées au projet de loi constitutionnelle, il a proposé que soit reconnu le principe de la formation plénière qui, s’il n’est pas explicitement prévu en l’état actuel du droit demeure aujourd’hui possible. S’agissant de la nomination de personnalités qualifiées, il a proposé qu’elles soient au nombre de quatre, désignées respectivement par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat et le Défenseur des droits des citoyens. S’agissant des formations de nominations, la formation du siège sera composée de six magistrats, dont cinq du siège et un du parquet et de sept non-magistrats, qui seront, outre les quatre personnalités qualifiées, un membre du Conseil d’État, un avocat et un professeur d’université. La formation de nomination compétente pour le parquet aura la même composition, les six magistrats étant par parallélisme pour cinq d’entre eux des magistrats du parquet et pour le dernier du siège. Pour ces deux formations, les non-magistrats seront donc majoritaires et la présidence sera assurée par une des personnalités qualifiées, par alternance chaque année.

Les formations disciplinaires seront composées de la même manière mais s’y adjoindront pour les présider respectivement le Premier président de la Cour de cassation et le Procureur général près cette même cour, si bien que, dans ces formations, les magistrats et les non-magistrats seront représentés à parité, ce qui est légitime s’agissant d’une formation disciplinaire.

L’assemblée plénière du CSM sera quant à elle composée de sept personnalités qualifiées et de six magistrats, trois issus du siège et trois du parquet.

Le rapporteur a souligné que l’ensemble de ses amendements remaniait profondément le texte gouvernemental. Il a indiqué qu’un autre de ses amendements instaurait un droit pour les justiciables de saisir directement le CSM, selon une procédure qui sera fixée par une loi organique. Compte tenu de ces propositions, il s’est déclaré défavorable à l’amendement défendu par les députés du groupe SRC, même si certaines des préoccupations qui ont été défendues se rejoignent.

Répondant à M. Arnaud Montebourg qui l’interrogeait sur le rôle du garde des Sceaux, le rapporteur a estimé qu’il demeurait inchangé et qu’il était nécessaire de prévoir la possibilité de sa présence aux séances du CSM pour qu’il puisse défendre ses positions.

M. Arnaud Montebourg ayant jugé que le projet de loi stigmatisait une institution en permettant au justiciable de saisir le CSM en cas de dysfonctionnement de la justice, alors même qu’une telle procédure n’est pas prévue pour d’autres institutions, le rapporteur a rappelé que la saisine par le justiciable ne se référait pas à un quelconque « dysfonctionnement » de la justice et que cette disposition ne devait donc pas du tout être analysée comme stigmatisant une institution.

M. Arnaud Montebourg s’est félicité de la recherche par le rapporteur d’une plus grande parité dans la composition du CSM mais a regretté que ce dernier ne puisse être saisi par les magistrats.

Le rapporteur a estimé qu’une telle saisine n’était pas souhaitable et que l’architecture globale proposée par ses amendements répondait à nombre des préoccupations exprimées par les différentes personnes entendues.

À la demande des députés du groupe SRC, la séance a alors été suspendue.

À la reprise de la séance, M. Arnaud Montebourg a indiqué que les membres du groupe SRC mesuraient les avancées positives représentées par les amendements du rapporteur, sur l’institution de la formation plénière, la parité au sein de la formation disciplinaire, la saisine du CSM par un justiciable et le mécanisme de nomination des personnalités qualifiées.

Il a toutefois regretté que le garde des Sceaux, à la fois juge et partie, puisse assister aux séances du CSM, et que la question de l’avis conforme sur les nominations des magistrats du parquet n’ait pas été tranchée dans le sens souhaité par le groupe SRC. En conséquence, il a indiqué que son amendement tendant à réécrire intégralement l’article 65 de la Constitution serait maintenu et porté jusqu’en séance publique, mais que les membres de son groupe s’abstiendraient de façon bienveillante sur les amendements du rapporteur.

Après le rejet de l’amendement présenté par M. Arnaud Montebourg tendant à réécrire intégralement l’article 65 de la Constitution, la Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant que le CSM comprend une formation plénière (amendement n° 90), puis a rejeté trois amendements de M. Jean-Christophe Lagarde relatifs à la composition et à la présidence de la formation plénière du CSM ainsi qu’un amendement de M. Noël Mamère permettant au ministre de la justice de consulter le CSM.

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur définissant la composition de la formation du CSM compétente à l’égard des magistrats du siège (amendement n° 91), puis a rejeté un amendement de M. François Bayrou relatif à la composition des deux formations du CSM et deux amendements de M. Jean-Christophe Lagarde relatifs à la composition de la formation compétente à l’égard des magistrats du siège, devenus sans objet.

Après l’adoption d’un amendement du rapporteur définissant la composition de la formation du CSM compétente à l’égard des magistrats du parquet (amendement n° 92), la Commission a rejeté un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde ayant la même finalité, devenu sans objet.

La Commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur relatif à la composition de la formation plénière du CSM (amendement n° 93), ainsi que deux amendements du même auteur prévoyant que la formation compétente à l’égard des magistrats du siège est présidée par le Premier président de la Cour de cassation lorsqu’elle statue comme conseil de discipline (amendements nos 94 et 95).

Un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde prévoyant que les magistrats du parquet sont nommés après avis conforme de la formation compétente du CSM a ensuite été rejeté.

La Commission a également adopté deux amendements du rapporteur prévoyant que la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet est présidée par le Procureur général près la Cour de cassation lorsqu’elle donne un avis en matière disciplinaire (amendements nos 96 et 97), avant de rejeter un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde disposant que la voix du président de la formation compétente compte double en matière disciplinaire.

La Commission a enfin adopté un amendement du rapporteur permettant à un justiciable de saisir le CSM dans des conditions définies par la loi organique (amendement n° 98), et a rejeté un amendement de M. Noël Mamère relatif aux avis du CSM sur les nominations des magistrats du parquet.

La Commission a adopté l’article 28 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 28

(titre XI de la Constitution)


Intitulé du titre relatif au Conseil économique et social

MM. Christophe Caresche et Bertrand Pancher ont présenté deux amendements identiques tendant à compléter le nom du Conseil économique et social par le qualificatif d’« environnemental ». M. Christophe Caresche a indiqué que cette modification, qui constituait une des demandes formulées lors du « Grenelle de l’environnement », tendait à prendre en compte dans le nom du CES la modification prévue par l’article 30 du projet qui étend sa compétence aux questions environnementales. Il a estimé que les réticences formulées par le président du CES lors de son audition ne lui semblaient pas fondées et que la modification lui paraissait logique.

M. Bertrand Pancher a confirmé que cette modification constituait une demande formulée avec insistance au cours des travaux du « Grenelle de l’environnement » et a souhaité qu’elle soit suivie d’une évolution effective du rôle du CES sur les questions environnementales.

Après que le rapporteur eut émis un avis de sagesse sur ces deux amendements identiques, ceux-ci ont été adoptés (amendement n° 99).

Article 29

(art. 69 de la Constitution)


Saisine du Conseil économique et social par voie de pétition

Cet article instaure la possibilité de saisir le Conseil économique et social, troisième assemblée constitutionnelle, par voie de pétition. Il reprend une idée avancée par le Président du Conseil économique et social lors de son audition par le « comité Balladur ». M. Jacques Dermagne avait alors évoqué la possibilité de « saisines populaires dès lors que de très grandes masses de population seraient concernées ». Ce nouveau mode de saisine constituera un moyen de favoriser et de structurer l’intervention de la société civile dans le débat public.

1. Une nouvelle modalité d’intervention dans le débat public pour les citoyens

Ce nouveau droit de pétition s’ajoute à celui qui est déjà reconnu devant les assemblées parlementaires par l’article 4 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 (901) et par les règlements des assemblées.

Les modalités d’exercice de ce droit apparu en France sous la Révolution, « qui donne à la Chambre un moyen d’assurer la haute surveillance qui lui appartient » selon la formule de Royer-Collard sous la Restauration, ont varié avec le temps, mais la réception des pétitions est restée une prérogative parlementaire.

Les pétitions adressées aux Présidents des assemblées peuvent être individuelles ou collectives, émettre une suggestion ou une réclamation. Elles ont donc un caractère à la fois individuel et politique. Trente-quatre pétitions ont ainsi été examinées par la commission des Lois de l’Assemblée nationale sous la XIIe législature.

La procédure instaurée devant le Conseil économique et social, chambre de la « société civile organisée », compte tenu de la différence de nature entre les assemblées parlementaires et l’assemblée consultative, procède d’une démarche différente. Il ne s’agit plus en l’occurrence d’adresser des requêtes individuelles, proches d’un recours en grâce, ou d’interpeller les autorités, mais de porter dans la sphère institutionnelle un débat qui anime le pays. L’ambition est double : rapprocher les institutions des citoyens et permettre aux débats de société de trouver un débouché institutionnel.

Cette nouvelle procédure enrichit la démocratie consultative en permettant au Conseil économique et social d’être encore davantage à l’écoute de la société civile et en renforçant son rôle de veille et de structuration du débat public. Elle offre un cadre à l’intervention des citoyens dans le débat public qui pourrait contribuer à dépassionner certaines questions.

Le Conseil économique et social jouera un rôle de filtre entre la société civile qu’il représente et les autorités politiques que sont le Gouvernement et le Parlement, permettant de passer de l’interpellation à l’élaboration d’une proposition construite par la confrontation des points de vue des différents groupes qui composent le Conseil. Les travaux de l’assemblée consultative n’informeront pas seulement le Gouvernement et le Parlement, à qui la décision finale appartiendra, mais également les citoyens à l’initiative de la pétition.

Lorsque son avis sera transmis, le débat aura été alimenté par ses délibérations et la position des différents groupes sera connue et aura pu évoluer. Si l’émergence d’un consensus n’est pas assurée, les bases d’un débat plus serein seront posées, la décision finale appartenant aux élus de la Nation. S’ils abordent la question soulevée par la pétition, ceux-ci seront donc éclairés sur les points d’accord et de désaccord, sur les éléments de blocage et sur les moyens de parvenir à les surmonter.

2. Un nouveau mode de saisine du Conseil économique et social

Ce nouveau mode de saisine du Conseil économique et social s’ajoute aux possibilités existantes, déterminées pas les articles 69 et 70 de la Constitution et par les articles 2 et 3 de l’ordonnance du 29 décembre 1958 (902).

Trois types de saisines peuvent être distingués :

—  les saisines obligatoires : le Conseil économique et social est obligatoirement saisi pour avis des projets de loi de programme (903) ou de plan à caractère économique ou social, à l’exception des lois de finances. L’omission de cette formalité substantielle justifie la censure des dispositions de programmation par le Conseil constitutionnel (904) ;

—  les saisines facultatives : le Conseil peut être consulté par le Gouvernement sur tout problème de caractère économique ou social ; il peut également être saisi des projets de loi ou de décret ainsi que des propositions de loi entrant dans le domaine de sa compétence ;

—  les autosaisines : la faculté pour le Conseil économique et social de se saisir lui-même de toute question relevant de sa compétence n’est pas prévue par la Constitution, mais par l’article 3 de l’ordonnance du 29 décembre 1958 et l’article 29 de son règlement intérieur.

L’activité du Conseil résulte à l’heure actuelle pour l’essentiel d’autosaisines. Au cours de la mandature 1999-2004, elles ont représenté 77 % (905) des avis.

ORIGINE DES TRAVAUX DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

Année

Nombre d’avis adoptés

Dont saisines gouvernementales

2005

19

6 (dont 2 saisines obligatoires)

2006

23

5 (dont 1 saisine obligatoire)

2007

20

4

Source : secrétariat général du Conseil économique et social.

Depuis le début de la mandature actuelle, en dehors des saisines obligatoires, le Gouvernement a notamment demandé l’avis du Conseil sur le financement de la protection sociale, l’impact économique de la défense, la règle du repos dominical, la consolidation du dialogue social, les politiques de l’urbanisme et de l’habitat face aux changements climatiques et l’insertion professionnelle des jeunes.

La création d’un nouveau mode de saisine pour le Conseil économique et social est une marque de confiance dans sa capacité à se renouveler pour jouer un rôle important dans la rénovation de la démocratie sociale.

3. La nécessité d’une loi organique

Une loi organique déterminera les conditions dans lesquelles le Conseil économique et social pourra être saisi par voie de pétition. Elle devra notamment fixer les conditions de recevabilité de la pétition, en précisant notamment le nombre minimum de signataires, ainsi que les catégories de personnes pouvant bénéficier de ce droit. Elle devra également déterminer les sujets sur lesquels le Conseil sera habilité à se prononcer et dans quel délai il devra faire connaître son avis.

Cet article entrera en vigueur, conformément au I de l’article 34 du présent projet de loi constitutionnelle (906), dans les conditions fixées par cette loi organique.

La Commission a adopté un amendement de coordination de M. Bertrand Pancher avec l’amendement adopté après l’article 28 modifiant le nom du Conseil économique et social (amendement n° 100), puis a rejeté un amendement du même auteur visant à permettre la saisine du CES par le Parlement.

Elle a ensuite adopté l’article 29 ainsi modifié.

Article 30

(art. 70 de la Constitution)


Compétence du Conseil économique et social en matière environnementale

Outre une harmonisation rédactionnelle avec la nouvelle dénomination des lois de programmation prévues par l’article 34 de la Constitution, cet article affirme la vocation du Conseil économique et social à intervenir sur les questions relatives à l’environnement.

Quatre ans après l’adoption de la Charte de l’environnement et quelques mois après le Grenelle de l’environnement, il s’agit également d’une nouvelle preuve de l’importance prise par les questions liées à l’environnement et au développement durable dans les préoccupations de nos concitoyens comme dans les politiques publiques.

La vocation particulière du Conseil économique et social à intervenir sur les questions environnementales a déjà été soulignée. Sous la précédente législature, une proposition de loi constitutionnelle (907) a été déposée visant à permettre sa consultation sur tout problème environnemental et sa saisine sur tout projet de loi de programme à caractère environnemental. Le groupe V du Grenelle de l’environnement, « Construire une démocratie écologique », a également émis le souhait qu’il puisse être consulté sur toutes les questions liées au développement durable. Le « comité Balladur » avait proposé, pour sa part, qu’il soit consulté sur tout projet de loi ayant pour principal objet la préservation de l’environnement.

Cette rédaction présentait l’inconvénient d’être trop imprécise. En s’accompagnant d’une obligation de consultation, elle pouvait faire courir le risque d’une censure du Conseil constitutionnel en cas d’omission de cette formalité. C’est pourquoi le présent projet de loi constitutionnelle se limite à prévoir que le Conseil économique et social pourra être consulté sur toute question relative à l’environnement. Les conséquences de cette extension de son champ de compétences devront être tirées dans l’ordonnance du 29 décembre 1958, en particulier dans son article 1er, qui définit les missions du Conseil.

La question environnementale étant par nature transversale, le Conseil économique et social, qui représente la société dans la diversité de ses composantes, est particulièrement apte à la traiter et à participer à la préparation de la décision. Dans le cadre de ses autosaisines (908), il s’est déjà prononcé à de nombreuses reprises sur ces questions. Il comprend d’ailleurs parmi ses neuf sections une « section du cadre de vie (…) compétente dans les domaines de la protection de l’environnement, de l’habitat et de l’urbanisme, de la société de l’information, des activités culturelles, sportives, touristiques et de loisirs » (909).

Sur cent quatre-vingt-dix travaux publiés entre 1999 et 2007, soixante-sept (910) ont fait du développement durable un thème central de leur analyse, proposant des mesures en faveur de la protection de l’environnement ou intégrant la préservation de l’environnement parmi leurs préoccupations. Ces travaux ont porté par exemple sur « la nature dans la ville : biodiversité et urbanisme » (3 décembre 2007), « environnement et développement durable : l’indispensable mobilisation des acteurs économiques et sociaux » (12 mars 2003) ou « les enjeux de l’après-Kyoto » (3 mai 2006).

La reconnaissance de la vocation du Conseil à intervenir dans le domaine environnemental doit s’accompagner d’une amélioration de sa représentativité. La question de sa composition ne relève pas de la Constitution, mais une démarche globale de rénovation du Conseil est engagée, le Gouvernement ayant annoncé le dépôt prochain d’un projet de loi organique pour favoriser, en particulier, la représentation des jeunes et des organisations non gouvernementales.

La composition du Conseil économique et social est actuellement régie par l’article 7 de l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social. Il comprend deux cent trente-trois membres, désignés pour cinq ans :

—  soixante-neuf représentants des salariés, désignés par les organisations professionnelles les plus représentatives ;

—  soixante-douze représentants des entreprises, dont vingt-sept représentants des entreprises privées non agricoles, dix représentants des artisans, dix représentants des entreprises publiques et vingt-cinq représentants des exploitants agricoles ; hormis les représentants des entreprises publiques, ils sont désignés par les organisations professionnelles les plus représentatives ;

—  trois représentants des professions libérales ;

—  dix représentants de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles ;

—  cinq représentants des coopératives non agricoles ;

—  quatre représentants de la mutualité non agricole ;

—  dix-sept représentants des activités sociales, dont dix représentants des associations familiales, un représentant du logement, un représentant de l’épargne, cinq représentants des autres associations ;

—  onze représentants des activités économiques et sociales des départements et régions d’outre-mer, des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie ;

—  deux représentants des Français établis hors de France ;

—  quarante personnalités qualifiées dans le domaine économique, social, scientifique ou culturel, désignées par décret en Conseil des ministres, pris sur le rapport du Premier ministre.

Un décret (911) précise la répartition et les conditions de désignation des membres du Conseil, notamment le nombre de membres désignés par chacune des organisations représentatives.

Le Gouvernement peut en outre désigner jusqu’à soixante-douze membres de section, choisis en raison de leur compétence, pour une période de deux ans. Ces membres participent aux travaux des sections, mais ne peuvent ni participer aux travaux en assemblée plénière, ni voter sur les projets de rapport ou d’avis.

Aucune modification substantielle de la composition du Conseil n’est intervenue depuis 1984, alors que la société française a beaucoup évolué ; une actualisation est donc devenue indispensable à la prise en compte des évolutions de la société et des technologies, ainsi que des nouvelles problématiques qui en découlent.

La Commission a adopté un amendement de coordination présenté par M. Bertrand Pancher (amendement n° 101), ainsi qu’un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 102).

M. Bertrand Pancher a ensuite présenté un amendement visant, dans une démarche de revalorisation du Parlement, à lui permettre de saisir le Conseil économique, social et environnemental comme peut le faire le Gouvernement.

Le rapporteur ayant jugé que le Parlement aurait peu d’intérêt à se dessaisir ainsi de questions relevant de sa compétence et aussi importantes que l’environnement, la Commission a rejeté cet amendement.

Elle a en revanche adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 103), puis rejeté un amendement de M. Jacques Remiller tendant à étendre le champ de compétences du Conseil économique et social aux questions de santé publique.

Puis, la Commission a adopté l’article 30 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 30

(art. 71 de la Constitution)


Coordination

La Commission a adopté un amendement de coordination de M. Bertrand Pancher avec l’amendement adopté après l’article 28 enrichissant le nom du Conseil économique et social (amendement n° 104).

Article additionnel après l’article 30

(art. 71 de la Constitution)


Nombre maximal de membres du Conseil économique, social
et environnemental

La Commission a examiné un amendement du rapporteur limitant à deux cent trente-trois le nombre de membres du Conseil économique, social et environnemental. Son auteur a indiqué que le président de cette institution lui avait déclaré au cours des auditions préparatoires qu’elle pourrait remplir de nouvelles missions à moyens constants.

M. Bertrand Pancher a souligné que l’élargissement du champ de compétences de cette institution conduirait à y faire participer de nouvelles personnalités qualifiées en matière d’environnement et qu’en conséquence, il paraissait difficile de conduire cette réforme du Conseil économique et social sans en augmenter le nombre total de membres.

Le rapporteur ayant suggéré de diminuer d’autant le nombre de personnalités qualifiées dans d’autres domaines, la Commission a adopté cet amendement (amendement n° 105).

Article 31

(titre XI bis [nouveau] et art. 71-1 [nouveau] de la Constitution)


Défenseur des droits des citoyens

Le présent article répond à la proposition du « comité Balladur » relative à l’inscription, dans un titre de la Constitution, de l’existence d’un « Défenseur des droits fondamentaux » (912). Le fondement de cette création est l’actuel Médiateur de la République, dont il convient de rappeler les principaux traits, afin de faire apparaître la parenté avec la nouvelle institution qu’il est proposé d’introduire dans la Constitution.

1. Du Médiateur de la République…

Par une loi du 3 janvier 1973 (913), le législateur français a institué un Médiateur, qui est chargé de recevoir « les réclamations concernant, dans leurs relations avec les administrés, le fonctionnement des administrations de l’État, des collectivités publiques territoriales, des établissements publics et de tout autre organisme investi d’une mission de service public ».

Le Médiateur est nommé pour un mandat de six ans non renouvelable, par décret en Conseil des ministres (article 2 de la loi du 3 janvier 1973 précitée). Inamovible, il bénéficie d’une immunité dans le cadre de l’exercice de ses fonctions similaire à celle des parlementaires.

Son mode de saisine est original. En effet, la réclamation destinée au Médiateur doit être adressée à un parlementaire, lequel est libre de lui transmettre ou non cette réclamation (article 6). La réclamation doit avoir été précédée de l’accomplissement de toutes les démarches administratives susceptibles d’apporter une réponse au problème soulevé (article 7). Enfin, le juge administratif considère que les réponses adressées par le Médiateur aux parlementaires qui le saisissent de réclamations « n’ont pas le caractère de décisions administratives susceptibles de faire l’objet de recours par la voie contentieuse » (914).

Le Médiateur a un rôle entièrement distinct de celui des juridictions. Il a pour mission non de censurer les actes de l’administration mais d’inciter celle-ci à améliorer son fonctionnement ou à reconsidérer certaines de ses pratiques ou de ses décisions. Il permet de résoudre des difficultés qui échappent à un contrôle juridictionnel mais qui blessent l’équité ou le bon sens.

Doté d’un pouvoir de proposition ainsi que d’un pouvoir de recommandation (article 9), il peut rendre publiques ses recommandations. Il doit être informé de la suite donnée à ses interventions.

Il présente également un rapport annuel au Président de la République et au Parlement (article 14) qui établit le bilan de son activité et permet d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur les principaux dysfonctionnements qu’il a pu constater.

Ses attributions et ses pouvoirs ont été renforcés à plusieurs reprises, et notamment par une loi du 24 décembre 1976 (915). Sa compétence a été étendue aux réclamations présentées par des personnes morales ainsi qu’aux saisines effectuées par les parlementaires de leur propre chef.

La loi du 24 décembre 1976 lui a confié un pouvoir d’injonction en cas d’inexécution d’une décision de justice passée en force de chose jugée (916). Elle a instauré une obligation de réponse des agents publics à ses questions et convocations.

Renommé Médiateur de la République par une loi du 13 janvier 1989 (917), le Médiateur a été doté, par une loi du 12 avril 2000 (918), de délégués territoriaux instruisant les réclamations et participant au règlement des difficultés dans leur ressort géographique (919). La loi du 12 avril 2000 a également supprimé la règle du filtre parlementaire pour les demandes de propositions de réforme qui peuvent être transmises au Médiateur, ce qui lui a permis de s’autosaisir et d’accroître ainsi sa capacité de proposition.

Considéré comme une autorité administrative par la jurisprudence administrative (920) comme par le Conseil constitutionnel (921), sa position à l’égard de l’administration a parfois été considérée comme ambiguë. Certains plaident pour cette raison, depuis plusieurs années, en faveur d’une consécration constitutionnelle de cette institution. Jacques Pelletier, alors Médiateur de la République, expliquait en 1992 que « l’introduction du Médiateur dans la Constitution consacrerait son statut d’indépendance et le caractère éminent de sa mission » (922). Le projet de révision constitutionnelle relatif à l’organisation des pouvoirs publics qui avait été déposé au Sénat le 11 mars 1993 prévoyait de mentionner le Médiateur de la République au titre des emplois énumérés au troisième alinéa de l’article 13 de la Constitution et qui doivent être pourvus par un décret du Président de la République en Conseil des ministres (923).

Le « comité Balladur » a formulé une proposition plus audacieuse : consacrer un titre spécifique de la Constitution à un Défenseur des droits fondamentaux, qui s’inspirerait de l’exemple espagnol du Défenseur du Peuple (Defensor del Pueblo(924).

La création d’un nouveau titre XI bis au sein de la Constitution, consacré au Défenseur des droits des citoyens, manifeste l’importance symbolique de cette création. Lors de l’examen de la loi du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur, un amendement de MM. Claude Gerbet et Pierre-Charles Krieg à l’Assemblée nationale avait proposé de conférer au Médiateur le titre de « Défenseur des droits et libertés ».

Alors que le terme de médiateur met l’accent sur la fonction d’intercession gracieuse qui lui est confiée, le terme de défenseur met en exergue le rôle protecteur de l’institution qui serait créée.

2. … au Défenseur des droits des citoyens

Le nouveau titre XI bis comprend un seul article : l’article 71-1, dont les dispositions permettent de prévoir que le Défenseur se substituera à l’actuel Médiateur de la République, dont il remplira les fonctions.

Le premier alinéa de cet article dispose que « toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public peut, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique, adresser une réclamation au Défenseur des droits des citoyens ».

Par conséquent, le rôle du Défenseur des droits des citoyens est délimité très précisément par cet alinéa : il est chargé de défendre les droits des citoyens dans leurs relations avec les services publics. En revanche, contrairement à ce que pourrait laisser penser son titre, ce Défenseur peut recevoir des réclamations de personnes morales. Il peut également recevoir des réclamations de personnes physiques ou morales étrangères, dès lors que celles-ci sont en relation avec un service public français.

À la différence de l’actuel Médiateur de la République, le Défenseur devrait pouvoir être saisi d’une réclamation sans intermédiaire.

Le deuxième alinéa du nouvel article 71-1, de la Constitution renvoie à une loi organique le soin de définir les conditions d’intervention du Défenseur des droits des citoyens ainsi que les autres attributions dont il est investi. Il est pleinement justifié de confier au législateur organique la définition des conditions d’intervention du Défenseur, dans la mesure où il serait excessif de préciser dans le texte constitutionnel les modalités précises de son action.

Cette loi organique devra apporter des précisions importantes, en ce qui concerne :

—  l’accomplissement de toutes les démarches administratives ouvertes au réclamant avant de pouvoir adresser une réclamation au Défenseur ;

—  la saisine du Défenseur par un agent public des problèmes qu’il rencontre dans le cadre de l’exercice de sa mission de service public ;

—  les moyens offerts au Défenseur pour donner à sa saisine toute sa portée (recommandations ; pouvoir d’injonction à l’égard de l’administration).

M. Jean-Paul Delevoye, lors de son audition par le rapporteur, a insisté à juste titre sur la nécessité que la loi organique confie au Défenseur au moins autant de pouvoirs qu’à l’actuel Médiateur de la République. Il a notamment souligné l’intérêt que pourrait présenter la reconnaissance d’un pouvoir de recommandation en équité, qui aurait pour effet de contraindre l’administration à devoir justifier les raisons pour lesquelles, le cas échéant, elle ne suivrait pas les recommandations.

La loi organique, en prévoyant les autres attributions du Défenseur, devrait notamment permettre au Défenseur de formuler des propositions de réforme en dehors de l’instruction d’une réclamation, afin de conserver la fonction de promotion du changement confiée au Médiateur de la République, qui a été, comme on l’a vu, récemment renforcée. La loi organique pourrait également prévoir que le Défenseur devra rendre compte chaque année de son activité au Président de la République et au Parlement, par parallélisme avec la mission actuelle du Médiateur.

Le deuxième alinéa de l’article 71-1 précise d’autre part que, pour l’exercice de certaines de ses attributions, le Défenseur pourra être assisté, dans les conditions prévues par la loi organique. Cette assistance pourrait s’inspirer du système actuel des délégués du Médiateur de la République, qui peuvent instruire des réclamations et participer au règlement des difficultés dans un ressort géographique restreint. Cette assistance pourrait également prendre la forme de membres plus spécialement chargés de telle ou telle autre tâche, dans l’hypothèse où le Défenseur accomplirait les fonctions remplies jusqu’à présent par différentes AAI.

Le troisième alinéa du nouvel article 71-1 de la Constitution précise les conditions de nomination et d’exercice de sa mission par le Défenseur. L’analogie avec les dispositions relatives au Médiateur de la République est également perceptible sur ces points.

Le Défenseur sera nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable. La nomination devra intervenir selon la procédure de consultation introduite à l’article 13 de la Constitution par le présent projet de révision (925). Dans la mesure où la commission créée à l’article 13 est chargée de se prononcer sur les nominations aux emplois caractérisés par leur importance pour la garantie des droits et libertés, il est légitime de prévoir qu’elle soit consultée pour la nomination du Défenseur, qui jouera un rôle primordial en la matière.

Enfin, le quatrième alinéa de l’article 71-1 prévoit une incompatibilité des fonctions de Défenseur avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement, et renvoie à une loi organique la détermination des autres incompatibilités. Cette rédaction relative aux incompatibilités est le décalque de celle relative aux incompatibilités des membres du Conseil constitutionnel qui figure à l’article 57 de la Constitution.

Le Défenseur des droits des citoyens sera créé dans les conditions prévues par la loi organique qui prévoira son mode de saisine, ses modalités d’intervention, ses attributions et les incompatibilités qui s’appliqueront à ce poste (926). Sa création sera également dépendante de la loi organique qui fixera les conditions d’application de la procédure de consultation préalable à certaines nominations introduite à l’article 13 de la Constitution, dans la mesure où il devra être nommé après une telle procédure.

La plupart des dispositions suggérées par le « comité Balladur » figurent dans la rédaction qui est proposée pour le nouvel article 71-1 de la Constitution. Les propositions du « comité Balladur » qui n’ont pas été reprises sont :

— la possibilité de regrouper au sein de la nouvelle institution les différentes autorités aux attributions voisines qui sont apparues ces dernières années en matière de protection des droits fondamentaux (Médiateur de la République, Défenseur des enfants, HALDE, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, CNIL…) ;

—  l’élection du Défenseur par l’Assemblée nationale statuant à la majorité des trois cinquièmes ;

—  la possibilité pour le Défenseur de saisir le Conseil constitutionnel, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution.

Le cadre juridique offert par le nouvel article 71-1, qui devra être précisé par la loi organique, pourrait permettre de regrouper au sein de la nouvelle institution les attributions remplies par le Médiateur de la République ainsi que celle confiées au Contrôleur général des lieux de privation de liberté et à la Commission nationale de déontologie de la sécurité. En effet, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est chargé par le législateur « de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté, afin de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux » (927) et sa mission correspond bien au fonctionnement d’un service public. Il en va de même pour la Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui est chargée « de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République » (928). M. Jean-Paul Delevoye, lors de son audition par le rapporteur, a également suggéré que le Défenseur remplisse les fonctions de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), qui traite des questions relatives à la transmission des « documents élaborés ou détenus par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées de la gestion d’un service public, dans le cadre de leur mission de service public » (929).

En outre, la constitutionnalisation du Défenseur permettrait éventuellement au législateur de lui confier un rôle dans l’examen des réclamations des justiciables portant sur le fonctionnement de la justice – ce que le Conseil constitutionnel a refusé en ce qui concerne le Médiateur (930).

En revanche, d’autres AAI ont un champ de compétence plus large que celui des seuls services publics et ne sauraient, pour cette raison, être absorbées par le Défenseur des droits des citoyens tel qu’il est créé par l’article 71-1, qu’il s’agisse du Défenseur des enfants (931), de la HALDE (932) ou de la CNIL (933). Toutefois, il conviendra sans aucun doute de prévoir les hypothèses dans lesquelles ces institutions auront à collaborer avec le Défenseur (934).

Le « comité Balladur », lorsqu’il proposait une élection par l’Assemblée nationale à la majorité qualifiée du Défenseur ainsi que la faculté accordée à ce Défenseur de saisir le Conseil constitutionnel de recours en inconstitutionnalité, s’inspirait de certains exemples étrangers, et notamment, au premier chef, du Defensor del Pueblo espagnol.

En effet, l’article 54 de la Constitution espagnole confie aux Cortes Generales le soin de désigner le Defensor del Pueblo et son article 162 permet à ce dernier de saisir le Tribunal constitutionnel espagnol de recours en inconstitutionnalité. La loi organique relative à cette institution prévoit qu’il puisse être démis de ses fonctions à la majorité des trois cinquièmes de chacune des deux chambres (article 5 de la loi organique 6/1981). Plus largement, le Médiateur est élu par le Parlement dans un certain nombre de pays, et notamment les pays scandinaves (935).

De la même manière, le Médiateur européen, chargé de recevoir les plaintes relatives à des cas de mauvaise administration dans l’action des institutions, organes ou organismes de l’Union et d’instruire ces plaintes en procédant à des enquêtes, est élu par le Parlement européen (936).

En revanche, au Royaume-Uni, le Parliamentary Commissioner for Administration est nommé à titre permanent, par lettres patentes de la Reine, c’est-à-dire en fait par le Premier ministre, de la même manière que le Comptroller and Auditor General. Cette nomination à titre permanent n’implique pas pour autant une durée des fonctions particulièrement longue (937). En outre, le Parlement peut mettre un terme aux fonctions de cet ombudsman par un vote de défiance.

La comparaison entre ces différents types de médiateurs peut toutefois se heurter à certaines limites : dans les pays scandinaves, le Médiateur est conçu en quelque sorte comme un relais du Parlement dans sa fonction de contrôle de l’administration et du Gouvernement ; en Espagne, sa fonction est plus large puisqu’il s’agit de la défense des droits et libertés fondamentaux ; au Royaume-Uni, enfin, il est un organe chargé de relever les cas de « maladministration ». De ce point de vue, le Défenseur qui est créé par le présent article s’apparente plus à l’ombudsman britannique, et il est dès lors justifié que sa nomination soit en dernier ressort confiée au Président de la République.

L’introduction de cette autorité indépendante dans la Constitution la consacre comme une garantie fondamentale. Elle a également pour conséquence d’assurer une stabilité à cette autorité. Le « comité Vedel » avait, pour ces raisons, préconisé sa constitutionnalisation en 1993, de la même manière qu’il préconisait également la constitutionnalisation d’un organisme indépendant veillant au respect de la liberté et du pluralisme de la communication dans le domaine audiovisuel (938).

Bénéficiant de la légitimité constitutionnelle, sa position à l’égard de l’administration sera renforcée par rapport à celle de l’actuel Médiateur de la République.

La constitutionnalisation de cette institution, accompagnée d’une définition de son champ d’action comme correspondant au « fonctionnement d’un service public », devrait lever l’hypothèque constitutionnelle à une éventuelle saisine en matière de fonctionnement du service public de la justice.

Le Défenseur des droits des citoyens est donc l’un des moyens de renforcer la place du citoyen au cœur de nos institutions.

La perspective d’une révision portant sur la question des droits et principes fondamentaux a récemment été confirmée par la création d’un comité de réflexion sur le préambule de la Constitution, présidé par Mme Simone Veil, qui doit remettre dans les mois qui viennent un rapport au Président de la République (939). Le présent article ne manquera sans doute pas de trouver ainsi un écho supplémentaire à l’occasion de la prochaine révision constitutionnelle.

La Commission a rejeté un amendement de M. Patrick Braouezec supprimant cet article.

Elle a ensuite été saisie de l’amendement n° 7 de M. Philippe Gosselin, tendant à substituer la dénomination « Défenseur des droits fondamentaux » à celle de « Défenseur des droits des citoyens ». Son auteur a considéré qu’une telle dénomination serait juridiquement plus exacte, la saisine de cette nouvelle autorité étant ouverte à toute personne, physique ou morale, française ou étrangère, et non aux seuls citoyens.

Le rapporteur ayant jugé cette solution imparfaite, puisqu’elle pourrait donner l’impression que les compétences de la nouvelle autorité ne seraient pas limitées aux seuls services publics, M. Philippe Gosselin a retiré cet amendement.

Puis, la Commission a adopté l’amendement n° 8 de M. Philippe Gosselin ouvrant, dans les conditions prévues par une loi organique, la saisine du Défenseur des droits des citoyens aux personnes s’estimant lésées par le fonctionnement d’un établissement chargé d’une mission de service public, sous réserve d’une rectification (amendement n° 8 rectifié).

Elle a ensuite adopté l’article 31 ainsi modifié.

Après l’article 31

La Commission a rejeté un amendement de M. Patrick Braouezec énonçant les finalités de la politique de décentralisation.

Elle a ensuite été saisie d’un amendement de M. Didier Julia soumettant les dépenses des conseils régionaux à un plafond, voté chaque année par le Parlement.

Le rapporteur a émis un avis défavorable en soulignant que cet amendement paraissait provocateur, notamment parce qu’il ne soumettait à un plafond qu’une seule catégorie de collectivités territoriales.

M. Christian Vanneste a alors indiqué qu’il souhaitait sous-amender cet amendement, pour soumettre également à un tel plafond les dépenses des communes et des départements.

Il a fait valoir que les collectivités locales ne pouvaient rester à l’écart de l’effort engagé par l’État et la sécurité sociale pour réduire ou, au moins, maîtriser leurs dépenses.

En effet, la baisse de l’ensemble des dépenses publiques, qui représentent encore 54 % du produit intérieur brut, revêt un caractère prioritaire pour la France.

Le rapporteur a signalé qu’il était également défavorable à ce sous-amendement en raison de son caractère excessif.

M. Arnaud Montebourg a estimé que cet amendement et ce sous-amendement témoignaient des arrière-pensées de la majorité à l’égard des collectivités locales, auxquelles de nouvelles compétences ont été transférées sans les financements correspondants, ce qui a mécaniquement accru leurs dépenses.

La Commission a alors rejeté le sous-amendement puis l’amendement. Un amendement de M. Arnaud Montebourg, tendant à mentionner les nouvelles collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy et Saint-Martin dans la Constitution, a été retiré par son auteur.

Puis, Mme George Pau-Langevin a présenté un amendement visant à accorder, pour les élections locales, le droit de vote et d’éligibilité aux étrangers résidant en France. Son auteur a rappelé que cette question était évoquée depuis longtemps et qu’il était désormais temps de concrétiser les intentions déclarées.

Le rapporteur ayant rappelé avoir exposé lors de la pénultième réunion de la Commission les raisons de son opposition à de telles modifications du projet de loi constitutionnelle, la Commission a rejeté cet amendement.

Elle a également rejeté un amendement de M. Patrick Braouezec accordant aux étrangers le droit de voter aux élections locales et sénatoriales, ainsi qu’un amendement de M. Noël Mamère supprimant l’article 88-3 de la Constitution.

Article 32

(art. 88-4 de la Constitution)


Suivi parlementaire des activités de l’Union européenne

L’enrichissement des compétences de l’Union européenne, résultant des traités successifs – Maastricht en 1992 (940), Amsterdam en 1997 (941), Nice en 2001 (942) et Lisbonne en 2007 (943) –, a étendu l’application des règles européennes à de nouvelles branches du droit, tandis que l’importance accrue prise par les questions de coopération pour les affaires intérieures et de justice pénètre jusqu’au cœur des matières régaliennes.

Au fil des ans, les initiatives se sont multipliées pour améliorer le suivi par le Parlement des activités des institutions européennes et le contrôle de la politique menée par le Gouvernement dans ce domaine. Ces initiatives ont conduit à réviser la Constitution à plusieurs reprises – en 1992 (944), en 1999 (945), en 2005 (946) puis, plus récemment, dans le but d’adapter notre texte fondamental aux stipulations du traité de Lisbonne, en 2008 (947). La loi et les règlements des assemblées ont également été régulièrement modifiés dans ce sens.

Après cinquante ans de cheminement institutionnel plus ou moins synchrone ou parallèle entre voie européenne et voie nationale, le temps est venu d’accorder au Parlement, élément pivot d’harmonisation entre les deux processus, tous les moyens d’assurer cette mission. Le présent article propose d’accroître l’information européenne des assemblées parlementaires françaises, d’élargir leur capacité d’influence et de constitutionnaliser les organes chargés, en leur sein, de suivre plus spécialement les questions européennes.

Comme l’a relevé Mme Anne Levade, lors de son audition par le rapporteur, c’est la première fois que le constituant n’est pas amené à introduire « en défense » dans notre texte constitutionnel des dispositions relatives au contrôle et au suivi de l’activité européenne.

1. La construction européenne saisie par le Parlement français

a) Une difficulté structurelle pour s’immiscer dans le processus
de décision européen

La mise en place, à partir de 1951, des Communautés européennes puis de l’Union européenne, a entraîné des transferts de compétences à l’Europe. Dans son double rôle d’édiction des normes et de contrôle de l’exécutif, le Parlement français a nécessairement été touché par ce processus et la construction européenne a sans doute changé la distribution des rôles. Expression de la souveraineté nationale, il a vu ses prérogatives, dans le cadre de l’Union européenne, réduites à une fonction de contrôle. Mais, depuis 1992, par le biais du vote de résolutions, il peut influer en amont sur la position française exprimée au moment où s’élaborent les normes européennes. En s’appropriant le processus normatif européen, il participe également de la légitimité démocratique de la construction européenne.

Toutefois, comme l’a souligné le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 décembre 2007 sur la compatibilité du traité de Lisbonne avec notre Constitution, si « le constituant a (…) consacré l’existence d’un ordre juridique communautaire intégré à l’ordre juridique interne et distinct de l’ordre juridique international » (948), cette singularité se traduit d’abord dans le processus de décision européen, dans lequel le Parlement français éprouve des difficultés à s’insérer.

En effet, la caractéristique majeure du processus de décision européen réside dans le fait que la fonction législative est confiée essentiellement à un organe intergouvernemental, le Conseil, sous réserve de la participation du Parlement européen, accrue successivement par l’Acte unique (949), le traité de Maastricht, le traité d’Amsterdam, le traité de Nice et le traité de Lisbonne.

C’est pourquoi les actes européens relèvent principalement d’une négociation internationale, ce qui a pour implication d’en conférer la conduite au pouvoir exécutif. Étant pour la plupart des actes de « droit communautaire dérivé » dont certains d’ailleurs, les règlements européens, sont directement applicables, aucune procédure de ratification n’est requise. La question est devenue d’autant plus cruciale qu’au fil des années la distinction entre les règlements communautaires, d’application directe, et les directives, qui exigeaient un acte de transposition nationale, s’est amoindrie dans les faits, ce dont la Cour de justice des Communautés européennes a pris acte.

Par conséquent, des dispositions considérées comme appartenant au domaine législatif en application des articles 34 et 37 de la Constitution du 4 octobre 1958 peuvent être modifiées au niveau européen sans qu’intervienne le Parlement national.

La volonté exprimée depuis l’origine et avec une force accrue depuis les débats sur la ratification du traité de Maastricht par les assemblées parlementaires de faire entendre leur voix dans ce processus de décision européen se trouve donc parfaitement fondée.

Mais, selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, l’aménagement des modalités d’une intervention des assemblées ne doit ni porter atteinte aux prérogatives du pouvoir exécutif, auquel ne peut être adressée d’injonction, ni engager sa responsabilité dans des conditions qui ne seraient pas celles prévues expressément par l’article 49 de la Constitution.

Les enjeux sont pourtant de taille. Le développement et l’extension du champ du droit communautaire à la suite des réformes institutionnelles successives qui s’ajoutent à la construction d’un ordre juridique intégré rendent la réponse à cet impératif urgente. La norme européenne est devenue un élément incontournable de notre paysage juridique. Il suffit pour s’en convaincre de rappeler que le secrétariat général des affaires européennes (SGAE), placé sous l’autorité du Premier ministre (950), évalue le droit dérivé des traités en vigueur à quelque 17 000 règlements, directives et décisions du seul pilier communautaire de l’Union européenne (951).

Face à ces enjeux, un contrôle parlementaire des activités européennes de plus en plus étendu et approfondi a été organisé.

b) Une montée en puissance progressive du contrôle parlementaire
en matière européenne

Intervenue parallèlement, souvent avec un décalage dans le temps, à l’accroissement et à la complexification des compétences attribuées aux institutions européennes, cette montée en puissance a constamment oscillé, dans une progression dialectique, entre la conquête de nouvelles bases juridiques constitutionnelles et législatives pour asseoir l’intervention du Parlement français dans le contrôle de l’activité européenne du Gouvernement et l’octroi soit par le pouvoir exécutif, soit par les institutions européennes, de nouveaux moyens destinés à accroître l’information des assemblées.

On peut citer, à l’appui de cette constatation, l’introduction du titre XV de la Constitution « Des Communautés européennes et de l’Union européenne », comportant notamment l’article 88-4, mais aussi les lois du 6 juillet 1979 (952), du 10 mai 1990 (953) et du 10 juin 1994 (954) relatives aux délégations pour l’Union européenne, ainsi que les articles 151-1 à 151-4 du Règlement de l’Assemblée nationale (955) et l’article 73 bis du Règlement du Sénat (956), mettant en œuvre la procédure des résolutions portant sur des propositions d’actes communautaires.

Ce phénomène qui fait intervenir concomitamment trois séries d’acteurs
– les parlements nationaux, les gouvernements, les institutions européennes – peut être observé mutatis mutandis dans tous les États membres, la place des premiers étant reconnue plus ou moins rapidement, plus ou moins profondément.

• La première étape : la création des délégations parlementaires pour les Communautés, puis pour l’Union européenne

Aussi longtemps que le Parlement européen a été élu au suffrage indirect par les parlements nationaux, ceux-ci étaient institutionnellement associés à la construction européenne. La décision de créer, à l’Assemblée nationale et au Sénat, une délégation parlementaire pour les Communautés européennes doit donc être comprise comme une conséquence de l’élection du Parlement européen au suffrage direct.

L’Assemblée nationale et le Sénat, depuis la création de ces délégations en 1979 ont développé, de manière substantielle, leurs moyens de suivi des activités européennes au fur et à mesure que celles-ci ont tendu à occuper une place de plus en plus importante dans le paysage institutionnel et normatif.

En effet, face aux avancées européennes, les délégations pour l’Union européenne en particulier, les assemblées en général, ont été confrontées à deux enjeux qui, dans le processus dialectique déjà décrit, sont étroitement entremêlés : le premier est celui de l’accroissement de leur capacité d’information, le second est celui de l’élargissement de leur champ d’intervention et donc d’influence, auprès du Gouvernement d’abord, auprès des institutions européennes ensuite.

Les délégations ont un caractère transversal. Des membres de toutes les commissions permanentes y siègent. En application de l’article 6 bis de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, elles ont une mission générale de suivi des travaux conduits par les institutions de l’Union, comprenant l’examen des projets d’actes avant leur adoption par celles-ci.

Leurs moyens ont été renforcés. La loi du 10 mai 1990 précitée, dite « loi Josselin », a procédé au doublement, de dix-huit à trente, du nombre de leurs membres et a imposé une représentation proportionnelle des groupes et une représentation équilibrée de toutes les commissions permanentes.

La loi du 10 juin 1994 précitée, dite « loi Pandraud », a consacré le changement d’appellation des délégations pour les Communautés européennes de l’Assemblée nationale et du Sénat qui sont alors devenues les « délégations pour l’Union européenne », prenant ainsi acte de l’entrée en vigueur du traité de Maastricht sur l’Union européenne au 1er novembre 1993 et étendu leur compétence à l’ensemble des activités de l’Union européenne, y compris la politique extérieure et de sécurité commune (PESC) et la coopération en matière de justice et d’affaires intérieures (CJAI).

Il ne suffisait pas de créer des organes adaptés. Il convenait de leur donner les moyens de fonctionner, ce qui implique de répondre à deux questions principales.

La première est celle de la rapidité, de l’étendue et de la qualité de l’information transmises aux parlementaires.

La deuxième question est double : elle réside d’abord dans la capacité des délégations en particulier et des parlementaires en général à intervenir en temps utile, c’est-à-dire avant que la proposition d’acte communautaire qui leur est transmise soit devenue un acte communautaire définitif ; elle est liée, ensuite, à la possibilité d’obtenir une modification d’une proposition d’acte communautaire en cours de discussion.

Répondre à ces questions a guidé tous les acteurs dans l’accroissement des moyens à la fois d’information et d’intervention qui ont été progressivement accordés aux assemblées par le constituant, par les assemblées elles-mêmes, mais aussi par le Gouvernement et par les institutions européennes.

• La deuxième étape : l’accroissement des moyens d’information des délégations parlementaires et des assemblées

L’accroissement du nombre de documents transmis aux assemblées a fait partie de leurs revendications constantes. Cet accroissement peut se faire dans deux directions : dans le sens d’un élargissement de la définition européenne des documents européens d’une part – les actes du premier pilier à distinguer des actes du deuxième ou du troisième piliers par exemple –, dans le sens d’un élargissement de la définition nationale des documents européens d’autre part
– les actes de nature législative au sens du droit français ne sont pas nécessairement les mêmes que les actes de forme législative au sens du droit européen.

La loi de 1979 a imposé au Gouvernement la communication, dès réception, aux délégations de l’Assemblée nationale et du Sénat de tout document nécessaire établi par les différentes institutions des Communautés européennes ainsi que tous renseignements utiles sur les négociations en cours. Il devait, en particulier, leur communiquer les projets de directives et de règlements et autres actes communautaires portant sur des matières qui sont du domaine de la loi en vertu de la Constitution, avant leur examen pour adoption par le Conseil des Communautés européennes.

À la suite de l’important développement de l’activité législative des Communautés européennes résultant de la signature de l’Acte unique européen les 17 et 28 février 1986 et de son entrée en vigueur le 1er juillet 1987, la « loi Josselin » de 1990 a élargi le champ des documents que le Gouvernement doit transmettre, a permis aux délégations de tenir des réunions conjointes (957) et leur a accordé de nouveaux instruments d’information en les autorisant à auditionner des membres du Gouvernement et des représentants des institutions communautaires. Elles se sont vues également reconnaître le droit de publier des rapports d’information sur les sujets de leur choix.

La révision constitutionnelle de 1992, créant un titre XV relatif aux Communautés européennes et à l’Union européenne, a imposé au Gouvernement de soumettre à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil des Communautés, les propositions d’actes communautaires comportant des dispositions de nature législative, et a prévu que les assemblées pouvaient, pendant les sessions ou en dehors d’elles, voter des résolutions sur ces propositions d’actes, selon les modalités définies par le règlement de chaque assemblée.

La « loi Pandraud » de 1994 a, quant à elle, contraint le Gouvernement à communiquer aux délégations « tout document nécessaire établi par les différentes institutions de l’Union européenne », ce qui, compte tenu du caractère plus large de l’Union par rapport aux Communautés européennes, a élargi le champ des documents susceptibles d’être transmis.

Dès 1994, le problème fut posé en des termes clairs. Ainsi, par une lettre commune en date du 22 avril adressée au Premier ministre, les Présidents des assemblées avaient notamment estimé « qu’il n’était pas acceptable que toute une partie de la législation européenne, adoptée dans le cadre du deuxième pilier (politique étrangère et de sécurité commune) et, surtout, du troisième pilier (domaine de la justice et des affaires intérieures), concernant par exemple la politique d’asile et d’immigration, échappe à l’examen du Parlement du fait d’une interprétation très restrictive de l’article 88-4 de la Constitution » (958).

Le Premier ministre, par lettre en date du 10 juillet 1995, adressée aux Présidents des deux assemblées, décidait « de transmettre désormais aux assemblées les projets d’actes relevant du Titre V (PESC) et du Titre VI (CJAI) du traité sur l’Union européenne, qui comportent des dispositions de nature législative, afin que les membres du Parlement puissent être informés ». Malgré ces avancées, certains acteurs, à l’instar du président de la délégation pour l’Union européenne de l’Assemblée nationale, se demandaient si la procédure de l’article 88-4 ne s’apparentait pas plus à « un sabre de bois » qu’à « un instrument diplomatique nouveau » (959).

C’est pourquoi lors de la révision constitutionnelle du 25 janvier 1999 préalable à la ratification du traité d’Amsterdam et sans que cela n’ait été rendu strictement nécessaire par cette ratification, le constituant a accordé aux assemblées plus d’influence sur la politique européenne, en élargissant le champ d’application de l’article 88-4 de la Constitution, notamment grâce à l’accroissement du nombre de documents transmis et soumis au Parlement (960).

En vertu d’un premier volet, la Constitution fait obligation au Gouvernement de soumettre à l’Assemblée nationale et au Sénat les projets ou propositions d’actes européens comportant des dispositions de nature législative au sens français du terme, cette catégorie n’ayant pas d’équivalent dans le droit européen en vigueur. L’article 88-4, depuis lors, s’étend aux deuxième et troisième piliers, c’est-à-dire, sous le régime du traité sur l’Union européenne signé à Maastricht en février 1992, à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et la coopération en matière de justice et d’affaires intérieures (CJAI), devenue avec le traité d’Amsterdam la coopération policière et judiciaire en matière pénale (CPJP) (961).

En application d’un second volet, le Gouvernement peut, en opportunité, soumettre aux assemblées parlementaires les autres projets ou propositions d’acte d’une institution de l’Union européenne qui ne comporteraient aucune disposition de nature législative, ou les documents qui n’auraient pas le caractère de proposition ou de projet d’actes, tels que les livres verts ou blancs ou encore les communications de la Commission européenne.

C’est cette transmission, obligatoire ou facultative, qui formellement permet ensuite le dépôt de propositions de résolution par un parlementaire ou par la délégation pour l’Union européenne de chaque assemblée.

Chaque délégation peut alors décider, soit d’approuver la proposition ou le projet d’acte communautaire en adoptant, le cas échéant, des conclusions ou une proposition de résolution pour détailler sa position, soit de surseoir à statuer lorsqu’elle estime que des informations lui manquent pour apprécier la portée du texte, et éventuellement de désigner un rapporteur d’information chargé d’approfondir l’examen du document, soit, enfin, de s’opposer à l’adoption de la proposition ou du projet d’acte communautaire. Dans ce dernier cas, elle peut décider de motiver son opposition par l’adoption de conclusions ou d’une proposition de résolution qui est transmise pour examen à l’une des six commissions permanentes compétente au fond.

La commission saisie désigne alors un rapporteur et prend position sur la proposition de résolution de la délégation qu’elle peut adopter en l’état, amender ou rejeter. Dans les huit jours qui suivent la distribution du rapport de la commission, la proposition de résolution peut être inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée à la demande d’un président de groupe, d’un président de commission, du président de la délégation pour l’Union européenne ou du Gouvernement. Si aucune demande d’inscription à l’ordre du jour n’est présentée, le texte adopté par la commission saisie au fond est considéré comme définitif et transmis au Gouvernement. Dans tous les cas, les résolutions sont publiées au Journal officiel. Ainsi, la proposition de résolution peut être soit adoptée sans passer en séance publique, soit être discutée en séance publique.

Lorsqu’une proposition de résolution est déposée par un parlementaire à titre individuel, si le Gouvernement ou le président d’un groupe le demande, la commission permanente saisie au fond doit examiner la proposition de résolution du parlementaire dans le mois suivant cette demande.

En pratique, l’article 88-4 de la Constitution ne concerne pratiquement que les seules délégations à l’Union européenne des deux chambres, de facto « détentrices quasi uniques de la culture communautaire au sein des assemblées » (962).

DIX ANS D’ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Année

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007
(1)

Nombre de documents soumis au titre du 88-4 déposés

231

206

197

274

295

285

317

331

260

329

374

Propositions de résolutions déposées

13

18

17

11

7

6

15

6

12

10

4

Total de résolutions adoptées

12

12

12

11

6

4

9

5

13

8

1

dont résolutions adoptées en séance publique

0

2

5

0

1

0

1

3

2

0

0

Documents transmis (pour information) (2)

1 592

2 215

2 096

1 776

1 652

1 425

1 431

1 253

1 046

1 597

1 634

Nombre de documents transmis directement par la Commission européenne (3)

347

824

(1) Bilan au 19 décembre 2007.

(2) Documents transmis, notamment, par le ministère chargé des affaires européennes sur le fondement des lois « Josselin » de 1990 et
« Pandraud » de 1994 étendant le champ de compétence des délégations pour l’Union européenne.

(3) À titre d’information, envoi depuis le 1er septembre 2006 dans le cadre de la procédure de dialogue informel sur la subsidiarité
et la proportionnalité.

Source : délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne.

DIX ANS D’ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION AU SÉNAT

Année

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Nombre de documents soumis au titre du 88-4 déposés

231

206

181

253

261

267

312

331

258

329

382

Propositions de résolutions déposées

5

9

15

15

7

16

8

6

10

11

15

Total de résolutions adoptées

3

9

12

4

7

8

7

4

9

9

11

Dont résolutions adoptées en séance publique

1

1

2

1

1

0

1

0

1

0

1

Source : Sénat.

La question des effets juridiques des résolutions européennes a été précisée par la circulaire du 19 juillet 1994, relative à « la prise en compte de la position du Parlement français dans l’élaboration des actes communautaires » à laquelle a été substituée la circulaire du 13 décembre 1999. Ces textes instituent une réserve d’examen parlementaire par la prise en compte dans la négociation communautaire de l’intérêt attaché par le Parlement français à un texte. Le protocole n° 9 du traité signé à Amsterdam le 2 octobre 1997 est allé dans le sens d’une reconnaissance communautaire de la réserve d’examen parlementaire nationale.

Selon les délais, le SGAE donnera instruction à la Représentation permanente française à Bruxelles soit de s’opposer à l’inscription à l’ordre du jour du Conseil d’un texte sur lequel les assemblées n’ont pu se prononcer, soit de demander le report de l’inscription à un Conseil ultérieur, soit de subordonner le vote définitif de la France à une prise de position de son Parlement.

• La troisième étape : l’intensification des interventions des assemblées

L’information ne vaut pas action et les moyens de voter des résolutions restent limités. Il existe bien sûr la possibilité de réaliser des rapports d’information et les délégations pour l’Union européenne ne s’en sont pas privées (963). Les assemblées ont constamment cherché à améliorer le suivi des affaires européennes et à y associer l’ensemble de leurs membres, au-delà des seuls membres des délégations pour l’Union européenne.

À l’occasion ses vœux du 5 janvier 2004, le Président de l’Assemblée nationale avait relevé la nécessité de « trouver les moyens d’intégrer davantage la dimension européenne dans nos débats ». Plusieurs initiatives ont ainsi permis de renforcer sensiblement la dimension européenne du travail parlementaire.

À l’invitation du Président de l’Assemblée nationale, le Président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, a été reçu dans l’hémicycle le 24 janvier 2006, donnant l’occasion d’un débat avec les députés.

Un débat en séance publique est désormais systématiquement organisé avant chaque réunion du Conseil européen. De surcroît, un rapport transversal sur la transposition des directives est publié régulièrement par la délégation pour l’Union européenne (964).

En outre, depuis janvier 2003, sous la précédente législature, les quatre premières questions d’actualité du premier mercredi de chaque mois ont été consacrées à des thèmes européens. La Conférence des Présidents du 23 octobre 2007 avait décidé de ne pas reconduire cette procédure. Mais, en substitution de cette procédure, la même Conférence, le 22 janvier 2008, a proposé qu’il lui reviendrait, à titre expérimental, de décider, sur proposition du Président de l’Assemblée nationale, d’une date à laquelle, en fonction de l’actualité européenne, les quatre premières questions seraient réservées, à compter de mars 2008, à des thèmes européens. Ces quatre questions sont posées successivement et donnent lieu à une réponse unique du Gouvernement. Si le caractère automatique du premier mercredi du mois a disparu, la nouvelle procédure peut avoir lieu toutes les trois, quatre ou cinq semaines, en fonction de l’actualité européenne, sur l’importance de laquelle il appartient à la délégation pour l’Union européenne d’alerter la présidence.

Ces séances s’ajoutent aux débats organisés avant ou après les Conseils européens, à l’exemple de ceux tenus le 4 juillet 2007 après le Conseil européen des 21 et 22 juin 2007 concernant la réforme des traités et le 11 décembre 2007, avant le sommet de Lisbonne qui a vu la signature du traité du même nom. Ce type de débats existe dans nombre d’États membres. Par exemple, en Autriche, le Conseil national se réunit avant chaque Conseil européen pour débattre de l’actualité européenne. Huit semaines avant la tenue de cette séance spécifique, chaque groupe parlementaire peut proposer un thème européen complémentaire.

En outre, une lettre européenne d’information offrant un éclairage sur les principaux dossiers européens est diffusée chaque trimestre à l’ensemble des députés, tandis qu’a été créée sur le site Internet de l’Assemblée nationale une rubrique spécifique intitulée « Union européenne ». La délégation pour l’Union européenne diffuse depuis février 2006 une lettre électronique d’information qui se substitue à la « sélection de documents européens ».

Comme le Sénat avant elle, l’Assemblée nationale, dispose depuis cinq ans, à Bruxelles, d’un bureau de représentation permanente auprès de l’Union européenne, dont l’objectif principal est de renforcer l’information des parlementaires sur l’activité des institutions de l’Union, de les sensibiliser à l’Europe dans le cadre de sessions de formation aux questions européennes et de favoriser la coopération interparlementaire.

Parallèlement, plusieurs initiatives gouvernementales ont été prises pour renforcer l’association du Parlement français aux questions européennes.

Des sessions de sensibilisation aux problématiques européennes sont régulièrement proposées aux parlementaires nationaux.

La circulaire du Premier ministre du 22 novembre 2005 (965), qui étend le champ des actes européens sur lesquels les assemblées pourront adopter des résolutions, fonde la transmission de tout projet d’acte destiné à être soumis au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne en application de la procédure dite de « codécision » régie par l’article 251 du traité instituant la Communauté européenne (966), que ce projet comporte ou non des dispositions à caractère législatif. Par ailleurs, le Premier ministre invite ses ministres à donner suite aux demandes émanant des présidents des commissions des Affaires étrangères de chaque assemblée ou des présidents des délégations parlementaires pour l’Union européenne, de se faire communiquer des documents dont la transmission ne serait pas obligatoire, mais qui pourraient utilement éclairer leurs travaux. Le Premier ministre soulève également la nécessité de porter une attention particulière à la réalisation de la fiche d’impact juridique simplifiée prévue par la circulaire du 27 septembre 2004 relative à la procédure de transposition en droit interne des directives et décisions-cadres négociées dans le cadre des institutions européennes.

La circulaire du Premier ministre du 19 décembre 2005 (967) prévoit une information plus régulière du Parlement sur les travaux du Conseil et invite les ministres, avant et après chaque session à Bruxelles ou Luxembourg, à faire une présentation des enjeux et des résultats. De même, il est prévu qu’un débat sans vote aura lieu avant chaque Conseil européen. Les délégations pour l’Union européenne reçoivent les comptes rendus de négociation établis par la Représentation permanente française auprès de l’Union européenne, ce qui leur permet de suivre l’évolution du texte en même temps que celle des positions exprimées par la France et par ses partenaires.

Par ailleurs, au-delà de la simple pratique, en janvier 2006, le Président de l’Assemblée nationale, a déposé une proposition de résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale destinée à renforcer l’articulation entre la délégation pour l’Union européenne et les commissions permanentes. La loi « Josselin » de 1990 avait déjà jeté des passerelles entre ces différentes instances en prévoyant que les informations et communications reçues du Gouvernement par les délégations sont transmises par le bureau de chaque assemblée aux commissions parlementaires compétentes dans les conditions définies par le règlement de chaque assemblée, les délégations pouvant y joindre leurs analyses assorties ou non de conclusions. La même loi a également prévu que les délégations peuvent être consultées par une commission spéciale ou permanente sur tout acte ou tout projet d’acte communautaire ou tout projet de texte législatif ayant trait aux domaines couverts par l’activité des institutions européennes. Mais, nonobstant ces passerelles et les cas d’examen d’une proposition de résolution déposée par cette délégation dans le cadre de la procédure de l’article 88-4 de la Constitution, les relations avec les commissions permanentes restaient relativement limitées.

Auparavant, il avait déjà été envisagé de renforcer ces liens grâce à une mobilisation réciproque au moment de l’examen des textes qui comportent une dimension européenne. Le sixième alinéa de l’article 86 du Règlement, introduit par la résolution n° 122 du 15 juin 1989, disposait ainsi que les rapports des commissions en liaison avec l’activité européenne doivent comporter une annexe présentant des éléments d’information sur l’état du droit européen applicable et la législation en vigueur dans les principaux pays de l’Union. Si dans les années qui ont suivi cette modification du Règlement, ce dispositif a été appliqué dans quelques cas, il est tombé en désuétude.

Afin de prendre en compte les évolutions du champ de l’Union européenne, il apparaissait nécessaire à la fois de mieux concilier cycle d’adoption des textes européens et cycle d’adoption des textes nationaux et de renforcer l’information européenne des commissions permanente. Ainsi, lors de la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale, par la résolution du 7 juin 2006 (968) relayant la proposition précitée de son Président faite en janvier 2006, l’information de l’Assemblée nationale en matière européenne a été améliorée grâce à une meilleure articulation entre la Délégation et les commissions permanentes.

L’article 86 dudit Règlement a donc été modifié pour renforcer l’information des députés sur les incidences des textes qui leur sont soumis en redéfinissant la liste et le contenu des éléments d’information et des documents devant être annexés aux rapports faits sur les projets ou propositions de loi. Désormais, sur ce fondement, les rapports faits sur un projet ou une proposition de loi portant sur les domaines couverts par l’activité de l’Union européenne peuvent comporter en annexe les positions prises par l’Assemblée par voie de résolution ainsi que des éléments d’information non seulement sur le droit européen applicable – comme c’était le cas avant la réforme de 2006 –, mais aussi sur le droit en cours d’élaboration.

Ces réformes ont été complétées, depuis le début de la XIIIe législature, par la désignation de commissaires spécialement chargés de suivre les questions européennes, en liaison étroite avec la délégation pour l’Union européenne.

Ainsi, la commission des Lois a nommé, à l’instar d’autres commissions, plusieurs de ses membres, pour suivre spécialement les questions européennes dans ses domaines de compétences (969), ce qui correspond au souhait émis par le « comité Balladur » de voir la réorientation du rôle des délégations être complétée par « la mise en place, au sein de chaque commission permanente, de groupes de suivi des questions européennes, composés de parlementaires également membres » des délégations (970).

La même préoccupation de participation au débat sur l’Europe a motivé plusieurs initiatives au Sénat (971).

Les avancées réalisées par les assemblées ont nécessairement été limitées par le cadre constitutionnel. Tout en assortissant de réserves d’interprétation les déclarations de conformité qu’il a rendues sur les modifications des règlements des assemblées relatives à la mise en œuvre des modifications successives de l’article 88-4 de la Constitution, le Conseil constitutionnel s’est toujours attaché à vérifier que la possibilité ouverte aux assemblées par l’article 88-4 de voter des résolutions sur les propositions d’actes communautaires comportant des dispositions de nature législative se traduit par une procédure spécifique, distincte de celle prévue par l’article 6 bis de l’ordonnance n° 58-1100 et qui permet à chaque assemblée d’émettre des avis sans porter atteinte aux prérogatives du Gouvernement.

• La prochaine étape : l’association des parlements nationaux aux décisions européennes

Il convient, enfin, de mentionner les conséquences qui résulteront de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 pour les assemblées parlementaires françaises. Par rapport aux stipulations du défunt traité établissant une Constitution pour l’Europe dit « traité constitutionnel » (972), qui marquait déjà de nets progrès dans cette matière, le traité de Lisbonne a conforté la place des parlements nationaux.

Cette reconnaissance vient s’inscrire dans un mouvement antérieur lancé avec le traité de Maastricht, qui ne comportait en la matière qu’une simple déclaration (973), confirmé par le traité d’Amsterdam, dont le protocole n° 9 demandait l’alignement du traitement des actes du troisième pilier sur celui des actes du premier pilier (974), et par le traité de Nice qui, dans une déclaration (975), avait inscrit la question du rôle des parlements nationaux dans l’architecture européenne au nombre de celles que devait aborder la prochaine conférence intergouvernementale (CIG) convoquée en 2003-2004. Ce mouvement fut renforcé par le « traité constitutionnel » qui consacrait un protocole spécifique sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne (976).

Après l’échec de la procédure de ratification de ce dernier, le traité de Lisbonne a toutefois repris, en la matière, ses stipulations. Pour la première fois, le rôle des parlements nationaux dans le bon fonctionnement de l’Union européenne est reconnu dans le corps même des traités (977).

Cette contribution est particulièrement soulignée dans le contrôle de l’application du principe de subsidiarité, contrôle qui fait l’objet d’un protocole spécifique, le protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. En application de l’article 51 du traité sur l’Union européenne modifié, « les protocoles et annexes des traités en font partie intégrante ».

Conformément à ce principe, trois nouvelles formes d’intervention des parlements nationaux sont organisées.

En premier lieu, les parlements nationaux participent au contrôle de subsidiarité. Le dispositif créé prévoit trois étapes, deux se déroulant avant l’adoption de l’acte législatif, la troisième après son adoption.

D’abord, dans un délai de huit semaines à compter de la transmission d’un projet d’acte législatif, toute chambre d’un parlement national peut adresser aux institutions de l’Union européenne un « avis motivé » exposant les raisons pour lesquelles elle estime que ce texte ne respecte pas le principe de subsidiarité. Les institutions de l’Union doivent tenir compte de ces avis. Lorsqu’un tiers des parlements nationaux ont adressé un avis motivé, le projet doit être réexaminé. Ce seuil est abaissé à un quart des parlements lorsque sont examinés des textes relatifs à la coopération policière et à la coopération judiciaire en matière pénale. Pour l’application de cette règle, chaque parlement national dispose de deux voix. Ainsi, dans un système bicaméral comme le système français, chaque chambre dispose d’une voix.

Ensuite, si, dans son respect du principe de subsidiarité, un projet d’acte législatif est contesté à la majorité simple des voix attribuées aux parlements nationaux, la Commission européenne sera tenue de le réexaminer pour décider ensuite de le maintenir, de le modifier ou de le retirer. Elle pourra justifier le maintien de sa proposition par un avis motivé. Mais dans cette hypothèse, il appartiendra au législateur européen, c’est-à-dire au Conseil et au Parlement européen, d’examiner cet avis ainsi que ceux des parlements nationaux. Après un premier examen du texte, si une majorité de 55 % des membres du Conseil ou une majorité des voix exprimées au Parlement européen considère que la proposition législative n’est pas compatible avec le principe de subsidiarité, son examen ne sera pas poursuivi (978).

Enfin, troisième étape, après l’adoption d’un texte, la Cour de justice peut être saisie par un État membre d’un recours pour violation du principe de subsidiarité émanant d’un Parlement national ou d’une chambre de celui-ci. Le recours est toujours formellement présenté par le Gouvernement d’un État membre, mais le protocole relatif aux parlements nationaux ouvre la possibilité qu’il soit simplement « transmis » par ce Gouvernement, l’auteur véritable du recours étant le Parlement national ou une chambre de celui-ci (979).

En deuxième lieu, le traité de Lisbonne prévoit l’intervention des parlements nationaux dans les procédures de révision des traités simplifiées.

D’une part, celles des dispositions du traité concernant les politiques internes peuvent être modifiées sans avoir à convoquer formellement une Conférence intergouvernementale. La décision relève alors du Conseil européen statuant à l’unanimité, mais son entrée en vigueur suppose son « approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ».

D’autre part, chaque parlement national dispose d’un droit d’opposition, susceptible d’être exercé dans les six mois, en cas d’utilisation d’une « clause passerelle », qui permet au Conseil de faire passer, à l’unanimité, un domaine couvert par les traités au système de la majorité qualifiée et/ou de la codécision (980).

En troisième lieu, plusieurs stipulations du traité de Lisbonne permettent d’associer les parlements nationaux à la mise en place de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Ils sont informés de la teneur et des résultats de l’évaluation de la mise en œuvre, par les autorités des États membres, des politiques de l’Union en matière d’espace de liberté, de sécurité et de justice. Ils sont également tenus informés des travaux du comité permanent chargé de favoriser la coordination entre les autorités des États membres en matière de sécurité intérieure. Ils sont, enfin, associés à l’évaluation des activités d’Eurojust et au contrôle des activités d’Europol.

De surcroît, à l’instar du cas des « clauses passerelles », ils disposent un droit d’opposition, qui n’était pas prévu par le « traité constitutionnel », lorsque le Conseil détermine la liste des aspects du droit de la famille ayant une incidence transfrontalière (981).

La loi constitutionnelle du 4 février 2008 a permis d’adapter notre Constitution à ces nouvelles dispositions. Dans son article 2, qui entrera en vigueur lorsque le traité de Lisbonne entrera lui-même en vigueur, elle prévoit d’insérer dans le titre XV deux articles 88-6 et 88-7 destinés à donner plein effet, dans notre ordre interne, aux stipulations du traité de Lisbonne.

L’article 88-6 définira les conditions dans lesquelles chaque assemblée pourra s’assurer du respect, par les institutions de l’Union européenne, du principe de subsidiarité. Destinataires de certains projets d’actes, l’Assemblée nationale et le Sénat pourront chacun adopter et adresser aux présidents des institutions européennes un avis motivé indiquant les raisons pour lesquelles le principe de subsidiarité pourrait être méconnu. Par ailleurs, chaque assemblée pourra saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’un recours contre un acte adopté qu’elle estimerait contraire au principe de subsidiarité.

L’article 88-7 prévoit la procédure permettant au Parlement, par le vote d’une motion adoptée en termes identiques par les deux assemblées, de faire opposition à la modification des règles d’adoption de certains actes européens dans les cas prévus par les traités. Le nombre de ces cas étant augmenté par le traité de Lisbonne par rapport à ce que prévoyait le « traité constitutionnel », les pouvoirs du Parlement français s’en trouveront, par là, potentiellement élargis. Il ne s’agira plus seulement des cas de révision simplifiée, mais aussi de la modification des règles d’adoption des actes de l’Union dans le domaine de la coopération judiciaire en matière de droit civil.

Si l’accumulation des mesures peut laisser penser que le Parlement français s’est progressivement armé pour suivre et contrôler l’activité européenne du Gouvernement, elle s’est traduite également par une relative superposition des dispositifs d’information. Comme le relève le « comité Balladur », « il s’agit toutefois d’un progrès insuffisant, une succession de discours sans vote ne permettant à la Représentation nationale ni de peser sur les choix que fait le Gouvernement dans l’exercice quotidien de son pouvoir de négociation auprès des instances européennes ni de le renforcer. Celui-ci n’est donc soumis, à ce titre, qu’aux procédures de contrôle de droit commun dont on a vu qu’elles étaient peu satisfaisantes. »

Le traité de Lisbonne a également conduit à modifier le champ de l’article 88-4 de la Constitution. En conséquence, la loi constitutionnelle du 4 février 2008 a organisé, à compter de l’entrée en vigueur dudit traité, la substitution dans cet article de la notion « projets d’actes législatifs européens » et d’« autres projets ou propositions d’actes de l’Union européenne comportant des dispositions qui sont du domaine de la loi » à celle de « projets ou propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne comportant des dispositions de nature législative ». Cette substitution élargira le champ des documents transmis aux assemblées parlementaires françaises.

Ce champ ajoute aux projets et propositions d’acte de nature législative, au sens constitutionnel du terme, tel que défini par les articles 34 et 37 de la Constitution, tous les projets d’actes législatifs, au sens européen du terme, tel que défini par l’article 289, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui stipule que « les actes juridiques adoptés par procédure législative constituent des actes législatifs ». Cette définition européenne inclut, selon les paragraphes 1 et 2 du même article, les règlements, les directives et les décisions qui sont adoptés soit selon la procédure ordinaire, c’est-à-dire conjointement par le Parlement européen et le Conseil, soit selon la procédure législative spéciale par le premier ou par le second avec la participation de l’autre. Elle est aussi plus large que le champ couvert par la circulaire du 22 novembre 2005 précitée, dès lors qu’elle ne se limite pas aux projets d’actes soumis à la procédure de codécision.

Les différences de champ entre les documents transmis directement par l’Union européenne dans le cadre du contrôle expérimental de subsidiarité et de proportionnalité aujourd’hui et dans le cadre du contrôle obligatoire de subsidiarité demain et ceux transmis par le Gouvernement, mais aussi les différences de champ entre les documents transmis et ceux sur lesquels les délégations et les assemblées peuvent se prononcer ou encore les différences de champ entre les documents de nature législative au sens européen du terme ou ceux de nature législative au sens constitutionnel du terme créent un mécanisme difficilement lisible et compréhensible et multiplient les risques à la fois de redondances et de lacunes.

2. Des lacunes qui demandent à être comblées

a) Les tentatives antérieures pour élargir le champ de l’article 88-4

Un hiatus existe entre les informations dont disposent les assemblées pour suivre l’activité de l’Union européenne – de plus en plus nombreuses – et les moyens auxquels elles peuvent avoir recours pour exprimer leur position, mais surtout pour influencer le cours de la participation française à la construction européenne telle qu’elle est affirmée par l’article 88-1 de notre Constitution.

Pour réduire ce hiatus et lancer de nouveau le débat sur les pouvoirs de contrôle du Parlement en matière européenne, en décembre 2004, dans le contexte de l’examen de la révision constitutionnelle tirant les conséquences du « traité constitutionnel », M. Édouard Balladur, alors président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, avait déposé une proposition de loi constitutionnelle (982) imposant au Gouvernement de transmettre au Parlement les documents européens autres que ceux ayant une nature législative dès lors que le Président de l’Assemblée nationale ou du Sénat, le président de l’une des commissions permanentes de ces assemblées, ou soixante députés ou soixante sénateurs le demandaient. Cette disposition aurait permis aux assemblées d’adopter des résolutions sur des documents qui, s’ils n’avaient pas été jugés par le Conseil d’État comme ayant nature législative au sens national du terme, pouvaient revêtir une importance telle que le Parlement français ne pouvait s’en désintéresser.

Ce débat fut relancé à l’occasion de l’examen du projet de loi constitutionnelle qui conduisit à la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 précitée. L’Assemblée nationale n’avait pas souhaité étendre davantage les prérogatives reconnues au Parlement pour contrôler l’action du Gouvernement en matière européenne.

Sur proposition de MM. Roland Blum, Édouard Balladur et Hervé de Charrette, la commission des Affaires étrangères avait pourtant adopté un amendement permettant aux Présidents des deux assemblées, à ceux de leurs commissions permanentes, à soixante députés ou soixante sénateurs d’obtenir la soumission au Parlement d’un projet ou d’une proposition d’acte de l’Union européenne ne comportant pas de dispositions qui sont du domaine de la loi ou de tout autre document émanant d’une institution européenne (983).

Mais, comme lors des débats qui avaient, en 1998, précédé le vote de la loi de la loi constitutionnelle du 25 janvier 1999, la crainte d’une modification profonde de l’équilibre institutionnel établi par la Constitution de 1958, réservant l’action internationale – et subséquemment européenne – au pouvoir exécutif, l’avait emporté. Dans son rapport sur le projet de loi constitutionnelle, le rapporteur, notre collègue Pascal Clément, alors président de la commission des Lois, avait estimé que l’amendement proposé aurait remis en cause la stricte séparation des pouvoirs voulue par les auteurs de la Constitution, « qui passe notamment par la séparation des domaines législatif et réglementaire », et amené le Parlement à s’immiscer dans la conduite par l’exécutif des relations internationales.

Au cours des débats, répondant aux auteurs de l’initiative, M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la justice, avait pour sa part considéré qu’une telle initiative « aurait pour conséquence de permettre au Parlement de décider, au-delà des projets ou propositions d’acte comprenant des dispositions de nature législative, ceux sur lesquels il lui serait loisible de voter des résolutions. Or, même si ces dernières (…) n’ont pas de caractère contraignant, convenons qu’elles ont, ainsi que je l’ai déjà expliqué, un poids politique incontestable susceptible de gêner le Gouvernement ou, à coup sûr, d’interférer avec son action dans le domaine des relations internationales. Cela m’amène à souligner que cet amendement modifierait incontestablement les équilibres actuels de notre Constitution.

« Vous avez évoqué, monsieur de Charette, l’article 52, mais il convient aussi de citer l’article 20, selon lequel le Premier ministre détermine et conduit la politique de la Nation d’autant que, les uns et les autres le savons bien, la conduite des affaires européennes ne se limite pas seulement à la négociation des traités, mais comporte la participation à l’élaboration de toute une série de décisions européennes importantes. » (984)

Le Sénat, par la voix du rapporteur de sa commission des Lois, M. Patrice Gélard, avait estimé que « la solution retenue par l’Assemblée nationale, si elle est modeste, a le mérite de la cohérence et de la sagesse ».

Aujourd’hui, ce débat doit de nouveau s’ouvrir.

b) La nécessité de faire aboutir aujourd’hui ces tentatives

Si « l’Europe constitue l’occasion de repenser en profondeur la place du Parlement dans le cadre des institutions de la Ve République » (985), elle ne doit pas non plus conduire à bouleverser l’équilibre de nos institutions entre les responsabilités respectives du législatif et de l’exécutif, équilibre si chèrement conquis en 1958 après plus d’un siècle et demi de tâtonnements. Mais le respect de cet équilibre n’interdit pas, comme dans d’autres secteurs revisités par le présent projet de loi constitutionnelle, de faire progresser le rôle du Parlement.

Il n’est pas inutile de rappeler, ce qui semble pourtant d’évidence, que la résolution n’a pas la force juridique d’une loi. Il ne s’agit pas d’une injonction faite au Gouvernement d’adopter telle ou telle position dans les négociations européennes. Il s’agit de dire ce que pense la Représentation nationale, non d’imposer un choix. Cette parole doit compter dans la négociation européenne au même titre que celle des parlements des États membres dont les gouvernements, à l’instar de ceux du Danemark, de la Finlande ou de la Suède, savent avec efficacité utiliser cette voix qui s’impose d’ailleurs juridiquement à eux.

Ainsi, le poids des parlements dans les positions prises par le Gouvernement dans les enceintes européennes varie fortement d’un État membre à l’autre et, à l’intérieur de chacun des États membres, d’un dossier à l’autre.

Dans une première configuration, le Gouvernement peut ou non tenir compte des positions prises par le Parlement.

Dans une deuxième, sa prise de position dans une négociation est subordonnée à l’avis préalable du Parlement ; l’obligation est procédurale, le contenu de l’avis ne lie pas le pouvoir exécutif.

Dans une troisième configuration, le Gouvernement est contraint de tenir compte des positions prises par le Parlement.

Seuls l’Allemagne et la Finlande reconnaissent, dans certaines conditions, un pouvoir d’avis conforme à leurs assemblées parlementaires.

La Constitution de la Finlande, dans son article 93, dispose que « le Gouvernement est chargé de la préparation au niveau national des décisions prises au sein de l’Union européenne et décide des mesures prises par la Finlande qui y sont liées, sauf si une telle décision nécessite le consentement du Parlement. Le Parlement participe à la préparation au niveau national des décisions prises au sein de l’Union européenne. » Dans son article 96, la Constitution finlandaise impose au Gouvernement de transmettre sans délai au Parlement tous les projets de textes relatifs aux actes, traités ou autres mesures de l’Union européenne dès lors qu’ils appartiennent au domaine législatif. Ces projets sont examinés par la Grande Commission, composée de vingt-cinq membres. Celle-ci remet un avis au Gouvernement sur les projets de texte de nature législative et peut se saisir de tout autre projet de l’Union européenne. Le Gouvernement informe les commissions compétentes du déroulement de l’examen d’un dossier au sein de l’Union européenne ; ces commissions transmettent leur avis à la Grande Commission. Si la négociation conduit le Gouvernement finlandais à ne pas suivre l’avis de son Parlement, il doit impérativement justifier cette position devant l’organe compétent de l’assemblée dès lors que le texte entre dans le domaine législatif. En outre, le vendredi précédant chaque Conseil européen, les ministres se rendent devant la Grande Commission.

En Allemagne, la Loi fondamentale, dans son article 23, dispose que le Bundestag et les Länder par l’intermédiaire du Bundesrat concourent aux affaires de l’Union européenne, ce qui impose au Gouvernement fédéral d’informer ces assemblées « de manière complète et aussi tôt que possible ». De surcroît, avant de concourir aux actes normatifs de l’Union européenne, le Gouvernement fédéral doit donner au Bundestag l’occasion de prendre position. Il doit prendre en considération ses prises de position dans les négociations.

Les gouvernements britannique, italien et polonais ne peuvent prendre de position définitive sur un projet d’acte législatif européen qu’après avoir recueilli l’avis de leur Parlement. Si, dans aucun de ces trois États, cet avis ne lie l’exécutif, ce dernier, en Pologne, s’il souhaite s’en écarter, doit s’en expliquer devant la commission chargée des affaires européennes.

Au Danemark, le contrôle parlementaire sur l’action du Gouvernement en matière européenne est également particulièrement poussé. Le Gouvernement est ainsi tenu de présenter à la commission des Affaires européennes du Folketing un schéma de négociations sur les projets d’actes communautaires « de grande portée » avant leur adoption en Conseil des ministres européen. La Commission en débat, puis fixe un mandat de négociation au Gouvernement. Si ce mandat n’est pas impératif, le ministre qui souhaite le modifier doit invoquer une réserve d’examen parlementaire devant le Conseil de l’Union européenne, puis revenir devant la commission des Affaires européennes, ou en cas d’urgence devant son président, afin d’obtenir la modification souhaitée. Après la réunion du Conseil, la commission des Affaires européennes vérifie que le négociateur n’a pas outrepassé son mandat. Dans le cas contraire, elle peut saisir le Folketing en séance plénière et mettre en cause la responsabilité du ministre ou du Gouvernement.

Si l’équilibre institué par la Constitution du 4 octobre 1958 interdit sans doute d’aller aussi loin, dans son rapport au Président de la République, le « comité Balladur » a proposé deux pistes d’amélioration de l’organisation et du champ de suivi parlementaires des questions européennes.

La première (proposition n° 49) consistait à donner une existence constitutionnelle aux organes chargés plus spécialement dans les assemblées du suivi des questions européennes, tout en réservant la compétence des commissions permanentes. Sous l’appellation de « comités des affaires européennes », ces organes, « placés sous l’autorité directe du Président de l’Assemblée nationale pour l’un, et du Sénat pour l’autre, exerceraient un rôle de veille et de tri des questions à transmettre aux commissions permanentes. Ils interviendraient en amont pour alerter ces dernières sur certains dossiers européens jugés sensibles. Ils prépareraient, comme aujourd’hui, des propositions de résolution soumises à ces commissions. La double appartenance des parlementaires aux délégations et aux commissions permanentes serait maintenue pour favoriser une meilleure connaissance des questions européennes. » (986) Ces instances seraient également chargées de mettre en application le contrôle du respect du principe de subsidiarité institué dans le traité de Lisbonne du 13 décembre 2007 et organisé par l’article 88-6 de la Constitution, introduit par la révision du 4 février 2007 et appelé à entrer en vigueur en même temps que ledit traité.

Cette proposition est une réponse au constat de délégations qui « n’exercent que de manière imparfaite ce rôle d’alerte et de veille des assemblées et de leurs commissions permanentes » et qui « se comportent bien davantage en " commissions " de plein exercice, traitant de l’ensemble des questions européennes sans réussir à établir des liens étroits avec les commissions permanentes qui traitent, au fond, des dossiers sur lesquels l’influence des décisions prises à l’échelon européen est de plus en plus déterminante et, notamment, des transpositions de directives ». Elle a également été faite par la commission des Lois du Sénat en conclusion de sa mission d’information sur les parlements de pays européens (proposition n° 13) (987).

La seconde orientation (proposition n° 51) visait à élargir la possibilité de voter des résolutions sur tout sujet européen (988). En effet, le « comité Balladur » « a constaté qu’elle ne pouvait être maintenue en l’état, ne serait-ce qu’au regard des principes politiques de l’Union européenne, qui tendent (…) à consacrer les droits des parlements nationaux ». Il a relevé que les projets ou propositions d’actes européens comportant des dispositions de nature législative au sens français du terme n’avaient pas de correspondance dans la hiérarchie des normes européennes et a regretté que le Gouvernement ne soit pas obligé de procéder à la transmission de certains documents qui, sans entrer dans le domaine français de la loi, à l’exemple de ceux servant à la négociation d’un traité, de l’Agenda 2000 ou des projets d’accords interinstitutionnels, ont cependant une importance politique fondamentale.

C’est pourquoi, le « Comité considère que cette situation n’est pas satisfaisante et propose que soit modifié l’article 88-4 de la Constitution de telle manière, d’une part, que soient supprimées celles de ses dispositions qui limitent l’obligation faite au Gouvernement de transmettre l’ensemble des documents européens et, d’autre part, que le Parlement puisse adopter des résolutions sur toutes les questions européennes ».

c) Le dispositif proposé

Le dispositif en vigueur est peu satisfaisant. Il est complexe, illisible et incomplet. Les interstices de l’information et du contrôle, s’ils ont progressivement été comblés, demeurent difficiles à identifier, sont sources de confusion et in fine d’inefficacité. Le défaut de simplicité souvent reproché à l’Union européenne se trouve, en conséquence, renforcé dans nos dispositifs de suivi de son activité.

Le présent article propose donc à la fois de faciliter la transmission des documents européens au Parlement, d’élargir le champ des résolutions que chaque assemblée peut adopter sur ces documents et de consacrer au niveau constitutionnel l’organe chargé dans chacune des assemblées de suivre plus spécialement les questions liées à l’Union européenne.

• La rationalisation des transmissions de documents européens et l’élargissement du champ des résolutions parlementaires européennes

La simplification doit, en la matière, commander la révision. En effet, les variations successives mais non concomitantes du champ des actes, propositions et documents européens que le Gouvernement devait ou pouvait transmettre au Parlement et du champ des actes, propositions et documents qui pouvaient faire l’objet de résolutions, n’ont pas permis d’aboutir à un dispositif réellement stable et lisible. Cette évolution s’est trouvée aggravée par la succession, pas toujours linéaire, des dispositions conventionnelles, constitutionnelles et législatives, succession à laquelle la publication de circulaires n’a pas nécessairement apporté plus de clarté. Ce dispositif est, par ailleurs, rendu plus difficile à appréhender en raison de la suspension de certaines des dispositions constitutionnelles à l’entrée en vigueur éventuelle de traités signés mais non encore en vigueur (989).

Tout en procédant à un élargissement de l’information du Parlement et de ses moyens de contrôle, le présent article lui apporte plus de cohérence au niveau à la fois des documents transmis et des documents susceptibles de donner lieu à résolution.

S’agissant des textes et documents transmis au Parlement, il procède à la fois à un élargissement réel et à un rétrécissement qui n’est qu’apparent :

―  l’élargissement est manifeste : ce ne sont plus seulement les projets ou propositions d’actes européens de nature législative – le tri entre les textes selon qu’ils ont ou non cette nature étant effectué par le Conseil d’État – que le Gouvernement devra transmettre au Parlement, mais tous les projets ou propositions d’actes européens sans qu’il soit nécessaire de les passer au tamis de la distinction entre domaine de la loi et domaine du règlement, distinction qui n’a pas grand sens en termes européens ;

―  le rétrécissement du champ des textes transmis n’est qu’apparent ; en effet, si ne sont plus mentionnés au titre des transmissions qui s’imposent au Gouvernement les documents « émanant d’une institution de l’Union européenne », ces documents sont désormais transmis directement aux parlements nationaux par l’Union européenne, sur une base expérimentale depuis 2006 – ils le seront sur une base conventionnelle avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne –, sans qu’il soit besoin de passer par l’entremise des gouvernements ; il n’est donc plus nécessaire de les mentionner dans la Constitution ; de surcroît, cela évitera que le Gouvernement ne soit obligé de transmettre certains documents qui sont couverts par la confidentialité sur le fondement d’un règlement européen en date du 30 mai 2001 (990).

S’agissant des textes et documents pouvant faire l’objet de résolutions parlementaires, l’élargissement est double :

―  d’une part, le champ des projets et propositions d’actes européens étant élargi, celui des résolutions le sera de manière nécessaire ;

―  d’autre part, il est précisé que pourront faire l’objet de résolution tous les documents « émanant d’une institution de l’Union européenne », ce qui permet de prendre en compte la transmission par la Commission européenne, directe et sur une base conventionnelle, de tous les documents non couverts par les règles de confidentialité.

La question se pose de savoir si l’adoption de l’article 12 (991) qui introduit dans la Constitution un article 34-1 nouveau autorisant, de manière générale, le vote de résolutions par les assemblées rendrait inutile ces dispositions spécifiques aux résolutions sur des textes et documents européens. Deux raisons militent pour le maintien d’un tel dispositif spécifique. En premier lieu, il marque la volonté affichée par le constituant depuis 1992 d’accompagner l’approfondissement et l’élargissement de l’Union européenne d’un suivi tout particulier de la part des assemblées parlementaires. Cette spécificité commande la mise à disposition d’outils idoines, eux-mêmes spécifiques. En second lieu, il convient de relever que l’article 88-4 autorise, contrairement à l’article 34-1 nouveau, la possibilité que des résolutions soient votées hors session.

Il conviendrait, pour clairement marquer cette possibilité, de substituer au mot « votées » le mot « adoptées ». En effet, comme on l’a vu, une résolution en matière européenne peut, dans le silence de l’assemblée plénière et notamment hors session, être adoptée sans qu’il y ait eu de vote formel.

Cette double mesure en faveur de l’information et de l’action européenne des assemblées entrerait dans la logique de rééquilibrage institutionnel sous-tendant l’ensemble du présent projet de loi constitutionnelle, dès lors que l’on peut considérer que « la construction européenne a d’autant plus affaibli le Parlement français qu’elle a permis à l’esprit de la Ve République de se renforcer » (992). Afin d’aller plus loin dans cette logique de rééquilibrage, il est proposé de créer dans chaque assemblée un comité chargé des affaires européennes, appelé à se substituer à l’actuelle délégation pour l’Union européenne dont on a vu qu’elle puisait sa source dans la loi ordinaire.

• Le statut des organes parlementaires chargés des affaires européennes

La question du statut des organes chargés de suivre les questions européennes se pose de manière régulière depuis 1979. Afin de rester dans le cadre fixé par la Constitution de 1958, l’assimilation des délégations aux commissions a été impossible.

Toutefois, en 1989, le Parlement européen s’était saisi de la question et avait préconisé que les parlements nationaux « se dotent de commissions européennes de même rang que les commissions parlementaires (…). Toute commission européenne devrait pouvoir saisir directement l’assemblée plénière de son parlement national. » (993)

Reprenant cette idée, le Président de la République François Mitterrand évoqua une telle solution dans sa lettre en date du 30 novembre 1992 adressée aux Présidents des assemblées et au Président du Conseil constitutionnel pour présenter ses orientations en vue d’une révision constitutionnelle. Le comité consultatif pour la révision de la Constitution, présidé par le doyen Vedel, proposa ainsi, comme on l’a vu (994), d’augmenter le nombre de commissions permanentes à huit et jugea « opportun de prévoir que l’une d’entre elles se consacre au suivi des questions européennes : les débats autour de la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 ont en effet montré que l’implication du Parlement devait être plus fermement marquée qu’elle ne l’est actuellement ». Aussi le second alinéa de l’article 43 de la Constitution aurait été complété par une phrase disposant qu’« une des commissions suit les travaux conduits dans le cadre de l’Union européenne et des Communautés européennes. »

En 1993, M. Michel Pezet, président de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne, reprit cette idée en estimant que « la solution consistant à créer une septième commission est la seule praticable, si l’on veut conférer à l’instance spécialisée les pouvoirs et les prérogatives nécessaires à un bon accomplissement de sa mission » (995). Son successeur, M. Robert Pandraud, craignait en revanche « les querelles de compétences » que risquerait de susciter la création d’une nouvelle commission spécialisée dans les affaires européennes et se satisfaisait de « l’approche transversale (…) avec une Délégation qui défriche, analyse, alerte et prend largement l’initiative », approche qui avait permis « des progrès certains » (996).

L’initiative rebondit cependant en novembre 1998 à l’occasion du débat sur la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité d’Amsterdam grâce à un amendement déposé par le groupe Démocratie libérale qui prévoyait de compléter ainsi l’article 88-4 : « Dans chaque assemblée, il est créé une commission permanente pour l’Union européenne qui est chargée d’examiner les propositions d’actes communautaires, tous les actes et documents émanant des institutions de l’Union, ainsi que les projets de transposition des directives européennes ». L’amendement fut rejeté, le garde des Sceaux, ministre de la justice, invoquant la volonté du Gouvernement, de ne pas alourdir inutilement la Constitution. En 2000, tout en souhaitant qu’une révision de la Constitution soit entreprise pour créer une commission spécialisée, qui serait saisie des projets d’actes européens et des projets de loi transposant ces actes, et en regrettant qu’une telle révision ne soit pas d’actualité, M. Alain Barrau, président de la délégation de l’Assemblée nationale, limita son initiative au dépôt d’une proposition de loi permettant aux délégations de se saisir pour avis des projets ou propositions de loi transposant ou mettant en œuvre des actes de l’Union européenne (997).

Les initiatives qui furent prises dans les faits tendirent plus à constitutionnaliser les délégations existantes qu’à créer une nouvelle commission permanente chargée de manière spécifique des questions européennes, toute commission permanente ayant naturellement vocation à s’intéresser à ces matières.

Ainsi, à l’occasion du débat sur la révision constitutionnelle de 1992, des amendements furent déposés à l’Assemblée nationale pour accorder une place aux délégations pour l’Union européenne en tant que telles dans la Constitution, ce qui aurait permis, selon leurs auteurs, de renforcer l’autorité de l’organe parlementaire chargé des affaires européenne, de clarifier son statut et de réserver une place particulière à l’Europe au sein des assemblées (998). À l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale, l’article 88-3 de la Constitution prévoyait que « selon des modalités déterminées par la loi, chaque assemblée émet un avis sur ces projets (les projets d’actes communautaires comportant des dispositions de nature législative), au sein d’une délégation constituée à cet effet ou en séance ». Cette mention fut supprimée par le Sénat au motif qu’il n’était pas nécessaire de faire figurer dans la Constitution des organes dont une loi prévoyait déjà l’existence. La question ressurgit à l’occasion de l’examen de la « loi Pandraud » (999).

Si tous les parlements des États membres se sont dotés d’organes spécialisés pour suivre les affaires européennes, aucun modèle ne se dégage réellement tant le statut, la place et les fonctions de ces organes varient d’un pays l’autre, comme le montrent les exemples suivants.

En Autriche, au sein du Conseil national, les projets d’actes communautaires sont pris en charge par la Commission principale (Haupthausschuß), qui se transforme en commission des Affaires européennes lorsqu’elle a à connaître de ces projets. Sa composition varie alors en fonction des dossiers traités.

De manière originale, la Belgique a créé une structure unique rassemblant des membres des deux assemblées du Parlement. Les comités d’avis compétents pour traiter des questions européennes au sein de la Chambre des Représentants et du Sénat constituent un comité d’avis fédéral, présidé alternativement par un représentant et un sénateur. Le comité fédéral auditionne les membres du Gouvernement avant et après chaque Conseil européen. L’Espagne connaît également une commission mixte des Affaires européennes, régulièrement informée des positions de négociation. Une telle solution a été proposée par la commission de Modernisation de la Chambre des Communes du Royaume-Uni (1000).

En Grèce, la commission permanente des Affaires européennes reçoit tous les projets d’actes de l’Union européenne, peut donner son avis dans un rapport, qui fait une place à l’opposition et à la commission compétente, qui peut formuler des observations.

En Italie, les commissions des politiques de l’Union européenne de la Chambre des Députés et du Sénat examinent le projet de loi communautaire annuel qui réunit toutes les mesures transposant le droit communautaire, chaque commission pouvant donner son avis.

Au Luxembourg, chaque commission est compétente pour assurer le suivi des projets d’actes communautaires, la commission des Affaires étrangères et européennes n’assurant qu’une fonction de veille et de coordination.

Au Portugal, la commission des Affaires européennes est chargée de prendre l’avis des autres commissions, puis d’adresser un rapport et, le cas échéant, une résolution au Gouvernement.

Au Royaume-Uni, la commission de Contrôle de la législation européenne (European Scrutiny Committee) de la Chambre des Communes reçoit, dans les dix jours qui suivent la transmission du projet de texte communautaire, un mémorandum explicatif établi par le ministère pilote, comportant à la fois le contenu du projet, son impact financier et juridique ainsi que l’énoncé des principales questions induites (1001). La commission peut alors recommander la tenue d’un débat devant l’une des trois commissions permanentes spécialisées (European Standing Committees) respectivement dans les questions d’environnement, d’agriculture et de transport, les questions financières et douanières et, enfin, les questions culturelles et sanitaires. Le mémorandum est également adressé à la commission de Contrôle des affaires européennes de la Chambre des Lords qui dispose de sept sous-commissions.

En République tchèque, outre les fonctions traditionnelles d’information et d’avis, la commission des Affaires européennes de la Chambre des Députés est saisie, pour avis, des propositions de nomination des commissaires européens, des juges à la Cour européenne de justice et des représentants tchèques dans les organes de direction de la Banque européenne d’investissement et de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (1002).

En consacrant constitutionnellement un organe du Parlement, dénommé « comité des affaires européennes », expression qui a pour ambition de mieux refléter sa nature et son rôle, la présente révision entend lui conférer un statut qui lui permette de trouver une place mieux définie aux côtés des commissions permanentes, en particulier, dans le contrôle des activités du Gouvernement en matière européenne et, plus généralement, dans le suivi des activités des institutions européennes. L’adoption de cette réforme impliquera de modifier l’article 6 bis de l’ordonnance n° 58-1110 du 17 novembre 1958 précitée.

Enfin, le rapporteur souligne la nécessité de procéder à des ajustements de terminologie lorsque le traité de Lisbonne, qui créé notamment la notion d’« actes législatifs » européens et qui dissout la personnalité des Communautés européennes dans celle de l’Union européenne, entrera en vigueur. C’est pourquoi, il est prévu les changements de mentions adéquates et la suppression de dispositions qui deviendront superfétatoires dans l’article 35 du présent projet de loi constitutionnelle (1003).

M. Christophe Caresche a présenté un amendement prévoyant que le Gouvernement soumet au Parlement l’ensemble des documents communautaires et permettant, dans chaque assemblée, au président du comité chargé des affaires européennes de demander l’examen en séance publique des projets d’avis dudit comité.

Son auteur a considéré que le projet de loi constitutionnelle semblait, sur ces questions, moins ambitieux que le projet issu des travaux du comité de réflexion présidé par M. Édouard Balladur. Il a indiqué qu’il avait eu l’occasion de s’entretenir de cet amendement avec le président de la délégation pour l’Union européenne de l’Assemblée nationale, M. Pierre Lequiller.

Le rapporteur a indiqué que cet amendement était satisfait s’agissant de la transmission des documents communautaires, compte tenu des dispositions figurant dans le traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 et de la pratique mise en œuvre par la Commission européenne depuis 2006. Par ailleurs, la possibilité d’examiner directement en séance publique les avis du comité chargé des affaires européennes – avis dont on ne saisit pas bien la nature par rapport aux résolutions – à la demande de son président relève du règlement de chaque assemblée parlementaire, et non de la Constitution.

M. Christophe Caresche a alors retiré cet amendement.

Puis, la Commission a adopté un amendement de cohérence du rapporteur permettant de préciser que les résolutions prises sur le fondement de l’article 88-4 de la Constitution ne sont pas « votées », mais « adoptées » (amendement n° 106).

Elle a ensuite rejeté deux amendements de M. Jean-Christophe Lagarde, le premier prévoyant la prise en compte par le Gouvernement, au cours des négociations européennes, des positions adoptées par le Parlement, le second tendant à instituer au sein de chaque assemblée parlementaire une « commission », plutôt qu’un « comité » chargé des affaires européennes.

Puis, la Commission a adopté l’article 32 ainsi modifié.

Article 33

(art. 88-5 de la Constitution)


Procédure d’autorisation de ratification des traités portant élargissement
de l’Union européenne

Cet article modifie l’article 88-5 de la Constitution, introduit à l’occasion du débat sur la « Constitution européenne », modification qui a rendu obligatoire la soumission au référendum de tout projet de loi autorisant la ratification d’un traité portant adhésion d’un nouvel État à l’Union européenne.

En se référant à l’article 89 de la Constitution, il enrichit cette procédure en prévoyant la possibilité d’un choix dans l’adoption de ce projet de loi entre la voie référendaire et, par le biais d’une réunion du Congrès spécialement réuni à cet effet, la voie parlementaire.

1. L’introduction d’une procédure trop rigide

a) L’état du droit

Comme l’a relevé le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 19 novembre 2004 (1004), la ratification du traité établissant une Constitution pour l’Europe signé le 29 octobre 2004, dit « traité constitutionnel », exigeait de modifier la Constitution. Cet objectif fut rempli par la loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution. Mais, au-delà de ces modifications nécessaires, fut insérée dans la Constitution une disposition qui, sans être indispensable du strict point de vue juridique à la ratification du traité constitutionnel, devait permettre de la faciliter en garantissant que les futures adhésions soient l’objet d’un référendum.

Le champ d’application de cet article dans le temps a été défini par l’article 4 de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 : « l’article 88-5, dans sa rédaction en vigueur jusqu’à l’entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l’Europe, et l’article 88-7 de la Constitution ne sont pas applicables aux adhésions faisant suite à une conférence intergouvernementale dont la convocation a été décidée par le Conseil européen avant le 1er juillet 2004 ». Les pays concernés au premier chef étaient la Bulgarie et la Roumanie, dont le sort était réglé avant cette date. Ainsi, la ratification des traités d’adhésion a pu être autorisée par le Parlement (1005), sans qu’il soit nécessaire de recourir au référendum. Est également concernée l’adhésion de la Croatie, dont la candidature en date du 21 février 2003 a été acceptée par le Conseil européen des 17 et 18 juin 2004, qui avait décidé de convoquer une conférence intergouvernementale bilatérale au début de l’année 2005.

En revanche, l’obligation d’organiser un référendum est appelée à s’appliquer, dans l’état du droit, dans le cas d’un traité d’adhésion de la Turquie. Si celle-ci a présenté sa candidature le 14 avril 1987, la décision d’organiser une conférence intergouvernementale n’a cependant été prise par le Conseil européen que les 16 et 17 décembre 2004, soit après le 1er juillet 2004. L’article 88-5 serait, en outre, applicable à toute nouvelle candidature, par exemple à celle de la Norvège qui a déjà renoncé deux fois à adhérer à l’Union européenne.

L’article 2 de la loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution n’a pas modifié l’article 88-5 sur le fond, mais a prévu des modifications de nature rédactionnelle « à compter de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007 ». Ainsi, pour tenir compte de la disparition de la Communauté européenne au profit de la seule Union européenne avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, cet article supprimera, lorsque ce dernier entrera en vigueur, la mention des Communautés européennes. L’article 3 de la même loi constitutionnelle a modifié l’article 4 de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, qui comportait une mention du « traité constitutionnel ».

b) Un changement de contexte

Le contexte d’aujourd’hui n’est plus celui qui présidait à l’examen du « traité constitutionnel ».

Entre-temps, le 13 décembre 2007, le traité de Lisbonne a été signé. Or, celui-ci modifie l’article 49 du traité sur l’Union européenne pour préciser que « tout État européen qui respecte les valeurs visées à l’article 2 et s’engage à les promouvoir peut demander à devenir membre de l’Union. Le Parlement européen et les parlements nationaux sont informés de cette demande. L’État demandeur adresse sa demande au Conseil, lequel se prononce à l’unanimité après avoir consulté la Commission et après approbation du Parlement européen qui se prononce à la majorité des membres qui le composent. » L’article 2 du traité sur l’Union européenne, lorsque le traité de Lisbonne entrera en vigueur, stipulera que « l’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes. »

De surcroît, il sera stipulé aux termes de l’article 49 précité que « les critères d’éligibilité approuvés par le Conseil européen sont pris en compte ». Il s’agit là d’une claire référence aux critères dits « de Copenhague », définis lors du Conseil européen qui s’est déroulé dans cette ville en juin 1993 et renforcés lors du Conseil européen de Madrid en 1995.

Ils incluent les principes démocratiques et d’État de droit, la capacité administrative et économique de l’État candidat à absorber l’acquis communautaire et à s’intégrer au Marché unique mais aussi « la capacité de l’Union à assimiler de nouveaux membres tout en maintenant l’élan de l’intégration européenne » (1006).

Enfin, il est rappelé que « les conditions de l’admission et les adaptations que cette admission entraîne en ce qui concerne les traités sur lesquels est fondée l’Union, font l’objet d’un accord entre les États membres et l’État demandeur. Ledit accord est soumis à la ratification par tous les États contractants, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. »

2. La modification de la procédure d’examen des futures adhésions à l’Union européenne

Compréhensible dans le cadre du débat qui a précédé le référendum sur le « traité constitutionnel » du 29 mai 2005, l’adoption d’une procédure organisant un monopole de la procédure référendaire dans le processus de ratification des futures adhésions à l’Union européenne a paru ne plus se justifier aujourd’hui avec la même pertinence.

L’article 3 de la Constitution dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». La France ayant fait le choix, au travers de sa très riche histoire constitutionnelle, de la démocratie représentative, aucune concurrence de légitimité ne saurait être introduite entre légitimité référendaire et légitimité parlementaire, comme l’ont bien montré les débats du 15 janvier dernier qui ont eu lieu à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi constitutionnelle visant à compléter l’article 11 de la Constitution par un alinéa tendant à ce que la ratification d’un traité contenant des dispositions similaires à celles d’un traité rejeté fasse l’objet de consultations et soit soumise à référendum (1007).

Plusieurs voix se sont élevées pour modifier la procédure prévue par l’article 88-5 de la Constitution. Ainsi, le « comité Balladur », à l’appui de sa proposition n° 50, a estimé que « ces dispositions circonstancielles n’ont pas paru au Comité pouvoir être maintenues en l’état dans le texte de la Constitution ». « Constatant que tout élargissement supplémentaire de l’Union européenne ne manquerait pas, par lui-même, d’avoir des conséquences, directes ou indirectes, sur le fonctionnement des institutions », il a alors suggéré « que l’article 88-5 soit modifié de telle sorte que le Président de la République ait la possibilité, par parallélisme avec la procédure de l’article 89 de la Constitution, de faire autoriser la ratification d’un tel traité soit par référendum, soit par la voie du Congrès ». (1008)

En outre dans le cadre du débat sur le projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne, le secrétaire d’État chargé des affaires européennes a affirmé qu’il n’était pas « favorable au recours systématique au référendum avant tout nouvel élargissement » tout en relevant qu’il « n’interdit pas d’y recourir dans les cas les plus importants » (1009). Mais, écartée à bon droit lors du débat sur la révision rendue nécessaire par la ratification du traité de Lisbonne parce que sans lien direct avec celle-ci, cette question trouve une réponse dans le présent projet de loi constitutionnelle.

En faisant référence aux deuxième et troisième alinéas de l’article 89, l’article 88-5, dans la rédaction proposée par le présent article, propose de fonder une nouvelle procédure d’adoption des projets de loi autorisant la ratification des traités d’adhésion.

S’il était adopté, tout projet de loi autorisant la ratification d’un traité d’adhésion devrait être adopté en termes identiques par les deux assemblées avant d’être soumis, au choix du Président de la République, soit à référendum, soit au Congrès du Parlement. Dans ce dernier cas, il devrait être adopté par les trois cinquièmes des suffrages exprimés. Ainsi, avant même que le Congrès ou le peuple ne puisse se prononcer, tant l’une que l’autre assemblée pourrait bloquer le processus d’adhésion d’un nouvel État à l’Union européenne.

La nouvelle procédure préserverait l’intervention d’une discussion parlementaire dans tous les cas. En effet, que la procédure aboutisse à la réunion du Congrès ou à la convocation du peuple pour référendum, elle appellerait, au préalable, l’adoption par les deux assemblées du projet de loi dans les termes identiques.

L’élargissement des modalités de procédure autorisant la ratification des traités d’adhésion donnerait à la question un relief particulier, une spécificité justifiée par l’enjeu des futurs élargissements.

Il convient de relever que, dans l’état du droit antérieur à l’introduction de l’article 88-5, en application du premier alinéa de l’article 11 de la Constitution, il était déjà possible au Président de la République, sur proposition du Gouvernement ou sur proposition conjointe des deux assemblées, de soumettre à référendum « tout projet tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ». C’est ainsi qu’en application de cette disposition, le 23 avril 1972, le Président Georges Pompidou avait soumis à référendum l’adhésion aux Communautés européennes du Royaume-Uni, du Danemark, de l’Irlande et de la Norvège.

Aujourd’hui peuvent être distingués trois types de procédure permettant l’adoption d’un projet de loi autorisant la ratification d’un traité : l’article 88-5 pour les projets de loi autorisant la ratification d’un traité d’adhésion à l’Union européenne, l’article 11 ou l’article 45 pour les autres projets de loi autorisant la ratification d’un traité. Si la disposition proposée par le présent article est adoptée, ce ne serait pas moins de quatre voies de ratification qui seraient possibles : référendum ou Congrès sur la base de l’article 88-5 renvoyant à l’article 89 de la Constitution pour les traités d’adhésion à l’Union européenne, référendum de l’article 11, procédure législative ordinaire de l’article 45 pour les autres traités.

En outre, le III de l’article 35 du présent projet de loi constitutionnelle précise, à l’instar de l’article 4 de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 précitée, qui est par ailleurs abrogé, que la nouvelle procédure ne sera applicable qu’aux adhésions qui suivront celle de la Croatie qui a fait l’objet d’une conférence intergouvernementale dont la convocation a été décidée par le Conseil européen avant le 1er juillet 2004.

Le dispositif proposé paraît cependant peu satisfaisant.

Le mécanisme imaginé par le « comité Balladur » et repris dans le présent projet de loi constitutionnelle, en s’inspirant de l’article 89 de la Constitution, s’avère particulièrement complexe ; il ne permet pas de traiter de manière distincte des adhésions qui ne sauraient avoir les mêmes effets sur l’Union européenne et octroie, en outre, à chacune des assemblées un droit de veto équivalent.

D’une part, il attribue, sans justification, à une seule des deux assemblées un droit de veto sur toute adhésion future à l’Union européenne, quel que soit l’État considéré (1010).

D’autre part, le principe du référendum doit être conservé dès lors qu’il s’agit d’adhésions qui, par leur importance, modifieraient profondément les équilibres au sein de l’Union européenne.

En effet, compte tenu de la taille atteinte aujourd’hui par l’Union européenne et des débats passés sur les élargissements, toute adhésion supplémentaire exige une attention particulière dès lors qu’elle aurait pour conséquence de modifier dans une mesure importante ces équilibres.

C’est pourquoi il est proposé, pour les adhésions qui auront le plus d’influence relative sur le fonctionnement de celle-ci, influence calculée sur le fondement d’un critère démographique objectif, de maintenir la procédure du référendum. Pour les autres adhésions, s’appliquerait la procédure de droit commun autorisant la ratification des traités.

La Commission a, en conséquence, été saisie d’un amendement du rapporteur visant à limiter l’automaticité d’un référendum à l’autorisation de ratifier les traités autorisant l’adhésion à l’Union européenne d’un État dont la population représente plus de 5 % de celle de l’Union européenne.

Son auteur a indiqué que, dans ces seuls cas, le maintien du référendum obligatoire prévu par l’actuel article 88-5 de la Constitution paraissait justifié, compte tenu de l’impact important qu’aurait l’adhésion d’États aussi peuplés sur le fonctionnement des institutions européennes. Il a ajouté que le texte du projet gouvernemental avait l’inconvénient de réintroduire la possibilité d’un veto sénatorial sur tout projet autorisant la ratification d’un traité d’élargissement de l’Union européenne. Rappelant que cet amendement avait fait l’objet d’une large consultation au sein de la majorité, il a estimé qu’il reflétait un équilibre et reposait sur des critères rationnels.

M. Arnaud Montebourg a regretté que des considérations politiques internes à la majorité aient des répercussions sur le texte de la Constitution et a souligné que l’adoption d’un tel amendement serait particulièrement malencontreuse au moment même où sont négociées les conditions d’une future adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Il s’est inquiété de l’impact très négatif que l’adoption en Congrès d’une telle révision constitutionnelle aurait sur les relations entre la France et la Turquie, même si cet État n’est pas nommément visé par l’amendement.

M. Benoist Apparu a jugé que le projet gouvernemental avait le courage de revenir sur une révision constitutionnelle qui, en 2005, avait été motivée par des calculs politiques liés au référendum organisé sur le projet de constitution européenne. Il a indiqué que, sans être favorable à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, il estimait fâcheux d’adresser un message aussi négatif à un État méditerranéen de cette importance.

M. Manuel Valls a souligné qu’il n’était pas non plus favorable, à titre personnel, à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, mais que le débat constitutionnel était d’un autre ordre et que la solution proposée par l’amendement avait l’inconvénient majeur de viser spécialement cet État. Il a donc suggéré d’adopter une attitude plus réfléchie au regard des relations internationales, en maintenant sur ce point le texte impartial proposé par le Gouvernement.

M. Philippe Gosselin a admis que cet article du projet de loi constitutionnelle troublait de nombreux députés de la majorité, mais s’est inquiété de la gestion très difficile, pour la France, du signal diplomatique que constituerait l’adoption de cet amendement, lequel risque de provoquer un grand nombre de mécontentements.

La Commission a alors adopté cet amendement, l’article 33 étant ainsi rédigé (amendement n° 107).

Sont ainsi devenus sans objet deux amendements présentés par M. Jean-Christophe Lagarde, relatifs à l’instauration d’un référendum à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, un amendement de M. Nicolas Dupont-Aignan visant à maintenir le caractère obligatoire du référendum sur l’adhésion à l’Union européenne d’États dont la population est supérieure à dix millions d’habitants, et un amendement de M. Jean-Christophe Lagarde prévoyant la soumission au référendum par le Président de la République selon la procédure de l’article 89 de tout projet d’adhésion à l’Union européenne et aux Communautés européennes d’un État dont la population représenterait plus de 5 % des habitants de la totalité de la population des pays membres.

Après l’article 33

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Arnaud Montebourg, visant, ainsi que l’avait proposé le « comité Balladur », à obliger le Président de la République à convoquer, dans les six mois, un référendum ou la réunion du Congrès sur une révision constitutionnelle adoptée en des termes identiques par les deux assemblées.

Conformément à l’avis défavorable du rapporteur, la Commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Bertrand Pancher, poursuivant un objet similaire.

Article 34


Entrée en vigueur

Le présent article précise les conditions d’entrée en vigueur de certaines des dispositions du présent projet de loi constitutionnelle. À cet égard, il distingue quatre régimes d’entrée en vigueur.

Le paragraphe I précise que plusieurs des dispositions introduites ou modifiées par le présent projet de loi constitutionnelle n’entreront en vigueur que dans les conditions déterminées par les lois et les lois organiques qui seront nécessaires à leur application.

Seront subordonnées à l’entrée en vigueur d’une loi les dispositions relatives au droit de grâce exercé par le Président de la République (article 17 de la Constitution modifié par l’article 6 du présent projet de loi constitutionnelle), celles relatives à la commission de contrôle des projets de délimitation des circonscriptions électorales (dernier alinéa de l’article 25 inséré par le 2° de l’article 10 du projet) et celles ouvrant aux Présidents des assemblées la saisine pour avis du Conseil d’État sur les propositions de loi soumises à l’examen d’une commission (article 39 modifié par l’article 14 du projet).

Plus nombreuses sont les dispositions dont l’entrée en vigueur est subordonnée à la promulgation d’une loi organique : limitation du nombre de membres du Gouvernement (article 8 de la Constitution modifié par l’article du présent projet de loi constitutionnelle), création d’une procédure d’avis parlementaire sur certaines des nominations faites par le Président de la République (article 13 modifié par l’article 4 du projet), organisation du retour des membres du Gouvernement au Parlement (dernier alinéa de l’article 25 modifié par le 1° de l’article 10 du projet), exercice du droit d’amendement (article 44 modifié par l’article 18 du projet), saisine du Conseil constitutionnel sur une question préjudicielle de constitutionnalité (article 61-1 de la Constitution inséré par l’article 26 du présent projet de loi), composition et compétences du CSM (article 65 modifié par l’article 28 du projet), saisine du Conseil économique et social par voie de pétition (article 69 modifié par l’article 29 du projet), création d’un Défenseur des droits des citoyens (article 71-1 inséré par l’article 30 du présent projet de révision).

Il conviendrait, par cohérence avec l’insertion dans le champ de ce paragraphe I des articles 13 et 65 modifiés relatifs aux compétences de la commission parlementaires chargée de donner un avis sur les nominations dans un certain nombre d’organismes et au CSM, de prévoir d’y insérer l’article 56 modifié relatif à la procédure de nomination des membres du Conseil constitutionnel.

Le paragraphe II prévoit l’entrée en vigueur de certaines dispositions à compter du 1er janvier 2009.

Elles nécessitent toutes une modification du règlement des assemblées, que ce soit expressément prévu par le projet lui-même comme pour le vote de résolutions par le Parlement (article 34-1 de la Constitution inséré par l’article 12 du présent projet de loi) ou que cette exigence découle du dispositif même des articles modifiés, à l’exemple de la possibilité ouverte au Président de chaque assemblée de soulever l’irrecevabilité des initiatives parlementaires qui ne sont pas du domaine de la loi (article 41 de la Constitution modifié par l’article 15 du projet), de la réforme de la procédure législative pour les lois ordinaires ou organiques (articles 42 et 46 de la Constitution modifiés respectivement par les articles 16 et 20 du projet), des conditions de la déclaration d’urgence (article 45 modifié par l’article 19 du projet), du nombre de commissions permanentes (article 43 modifié par l’article 17) ou encore des modifications apportées dans la fixation de l’ordre du jour (article 48 modifié par l’article 22 du projet) ou dans les conditions d’engagement de la responsabilité du Gouvernement (article 49, alinéa 3, de la Constitution modifié par l’article 23 du projet).

Ces adaptations des règlements des assemblées devront ainsi intervenir avant le début de l’année prochaine.

En outre, pour l’application des nouvelles dispositions des articles 42, 45 et 46, il est fait réserve des projets et propositions de loi dont l’examen en commission aura commencé devant la première assemblée saisie, avant le 1er janvier 2009, textes pour lesquels les dispositions aujourd’hui en vigueur continueront de s’appliquer.

En conséquence de ces dispositions, si, au 1er janvier 2009, un texte avait été déjà examiné par une commission dont les compétences ont été transférées à une des commissions créées dans le cadre de l’article 43 modifié, l’examen de ce texte lors d’une étape ultérieure devra être repris par la nouvelle commission.

Par ailleurs, il résulte du rapprochement des paragraphes I et II de cet article que, si la loi organique prévue pour encadrer la définition du régime des amendements (article 44) n’entre pas en vigueur avant le 1er janvier 2009, il existera alors une période transitoire pendant laquelle l’examen en séance se déroulera sur la base du texte adopté en commission sans que le nouveau régime des amendements en commission et en séance n’ait été défini.

Le paragraphe III prévoit que les dispositions relatives à la modification des règles applicables à l’élection des sénateurs n’entreront en vigueur qu’à compter du deuxième renouvellement suivant la publication de la loi constitutionnelle.

Si celle-ci intervient avant septembre 2008, date du prochain renouvellement du Sénat, l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions pourrait intervenir, toutes choses étant égales par ailleurs, au mois de septembre 2011, date à laquelle sera renouvelée la moitié du Sénat (série 1).

Aucun dispositif n’est prévu pour l’entrée en vigueur de la réforme permettant d’assurer à l’Assemblée nationale la représentation des Français établis hors de France.

Enfin, le paragraphe IV du présent article précise les conditions d’application de la modification de l’article 25 de la Constitution permettant aux membres du Gouvernement qui étaient parlementaires au moment de leur nomination à ces fonctions de retrouver leur siège lorsqu’ils quittent celles-ci avant la fin du mandat de leur remplaçant.

Ainsi, il est prévu que cette disposition s’applique aux membres du Gouvernement qui seront en poste au moment de l’entrée en vigueur de la loi organique destinée à déterminer les conditions dans lesquelles s’applique le nouveau dispositif et dont le mandat parlementaire auquel ils avaient été élus n’aura pas encore expiré.

DATES D’ENTRÉE EN VIGUEUR DES DISPOSITIONS DU PROJET DE RÉVISION

 

§

Article 
de la
Constitution

Article 
du projet
de loi

Objet

Date d’entrée en vigueur

I

8

3

Limitation du nombre de membres du Gouvernement

Loi organique

13

4

Soumission à une commission interparlementaire de certaines nominations faites par le Président de la République

Loi organique

17

6

Droit de grâce encadré

Loi

25, dernier alinéa

10, 2°

Commission de contrôle du découpage électoral

Loi

39

14

Saisine du Conseil d’État par les Présidents des assemblées sur les propositions de loi

Loi

44

18

Exercice du droit d’amendement

Loi organique

61-1

26

Saisine du Conseil constitutionnel sur une question préjudicielle de constitutionnalité

Loi organique

65

28

Composition et compétence du Conseil supérieur de la magistrature (CSM)

Loi organique

69

29

Saisine du Conseil économique et social par voie de pétition

Loi organique

71-1

31

Création d’un Défenseur des droits des citoyens

Loi organique

II

34-1

12

Vote de résolution par le Parlement (1)

1er janvier 2009

41

15

Faculté des Présidents des assemblées de soulever l’irrecevabilité d’une proposition ou d’un amendement qui n’est pas du domaine de la loi (1)

42

16

Réforme de la procédure législative (texte de la commission, délais minimaux), sauf pour les projets et propositions dont l’examen a commencé avant le 1er janvier 2009 (1)

43

17

Nombre de commissions permanentes (1)

45

19

Conditions de la déclaration d’urgence, sauf pour les projets et propositions dont l’examen a commencé avant le 1er janvier 2009 (1)

46

20

Réforme de la procédure d’examen des projets et propositions de loi organique, sauf pour les projets et propositions dont l’examen a commencé avant le 1er janvier 2009 (1)

48

22

Fixation de l’ordre du jour (1)

49, alinéa 3

23

Engagement de la responsabilité du Gouvernement (1)

III

24, alinéa 4

9

Règles relatives à l’élection des sénateurs

Septembre 2011 (2)

IV

25

10, 1°

Retour au Parlement des ministres en fonctions à la date de la loi organique

Loi organique

(1) Ces dispositions nécessiteront une modification des règlements des assemblées.

(2) Deuxième renouvellement partiel suivant la publication de la loi constitutionnelle.

La Commission a adopté un amendement de cohérence prenant en compte la soumission des nominations des membres du Conseil constitutionnel à la procédure d’avis des commissions parlementaires et deux amendements du rapporteur de coordination avec la suppression de l’article 12 relatif au droit de résolution et avec l’insertion d’un nouvel article 50-1 dans la Constitution créant la possibilité pour le Gouvernement de prononcer une déclaration de politique à caractère thématique (amendements nos 108, 109 et 110).

Elle a ensuite examiné un amendement présenté par M. Arnaud Montebourg, visant à prévoir que les dispositions relatives à l’élection des sénateurs, résultant de la réforme constitutionnelle, entreront en vigueur à partir du prochain renouvellement partiel, c’est-à-dire au plus tard en 2011.

Le rapporteur a observé que cet amendement était satisfait, le deuxième renouvellement partiel du Sénat suivant la publication de la loi constitutionnelle, dont l’adoption est prévue au mois de juillet prochain, devant normalement intervenir en 2011.

M. Arnaud Montebourg a alors retiré cet amendement.

La Commission a ensuite adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 111).

Puis, elle a adopté l’article 34 ainsi modifié.

Article 35

(art. 88-4 et 88-5 de la Constitution ; art. 4 de la loi constitutionnelle n° 2005-204
du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution et art. 2
de la loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008
modifiant le titre XV de la Constitution)


Prise en compte de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne

D’une part, le paragraphe I de cet article prévoit les adaptations rédactionnelles des articles 88-4 et 88-5 de la Constitution, modifiés par les articles 32 et 33 du présent projet de loi constitutionnelle, adaptations qu’entraînera nécessairement, à l’avenir, l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

D’autre part, le paragraphe III de cet article précise les conditions d’application dans le temps de l’article 88-5, en reprenant les dispositions de l’article 4 de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 (1011) elles-mêmes adaptées par l’article 3 de la loi constitutionnelle du 4 février 2008 (1012).

Le paragraphe II de cet article tire les conséquences de ces modifications en abrogeant les dispositions des lois constitutionnelles du 1er mars 2005 et du 4 février 2008 qui seront devenues inutiles.

1. Modifications futures rendues nécessaires par l’entrée en vigueur du traité du Lisbonne

L’article 2 de la loi constitutionnelle du 4 février 2008 a tiré les conséquences, pour l’avenir, de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en cours de ratification.

Il a, notamment, prévu dans ses 3° et 4° les modifications des articles 88-4 et 88-5 tels qu’ils sont rédigés aujourd’hui.

Dans son 3°, il permet d’adapter la rédaction de l’article 88-4 de la Constitution aux stipulations du traité de Lisbonne en substituant, lorsque ce dernier entrera en vigueur, à la notion de « projets ou propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne comportant des dispositions de nature législative », celle, plus large, de « projets d’actes législatifs européens » et d’« autres projets ou propositions d’actes de l’Union européenne comportant des dispositions qui sont du domaine de la loi ».

Dans son 4°, pour tenir également compte dans l’article 88-5 de la disparition de la Communauté européenne avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, il supprime, lorsque ce dernier entrera en vigueur, la mention des Communautés européennes dans cet article.

Or, si les articles 88-4 et 88-5 sont réécrits par le présent projet de loi constitutionnelle, respectivement dans ses articles 32 et 33, ils doivent tenir compte de l’existence des Communautés européennes jusqu’à leur « fusion » dans la personnalité unique de l’Union européenne lorsque le traité de Lisbonne entrera en vigueur (1013).

Après cette entrée en vigueur, les références aux Communautés européennes devront disparaître, à l’instar de ce qu’autorisent dans l’état du droit les 3° et 4° de l’article 2 de la loi constitutionnelle du 4 février 2008 pour les articles 88-4 et 88-5.

Aussi est-il proposé dans le I du présent article :

―  d’une part, de remplacer, dans l’article 88-4, les mots « les projets ou propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne » par les mots « les projets d’actes législatifs européens, les autres projets ou propositions d’actes de l’Union européenne », ce qui permet de tenir compte à la fois des modifications apportées par le présent projet de loi constitutionnelle, de la future disparition des Communautés européennes et de l’avènement de la notion d’actes législatifs européens (1014) ;

―  d’autre part, de supprimer dans l’article 88-5 la référence aux Communautés européennes, la Communauté européenne ayant vocation à disparaître dans l’Union et les référence à l’Union européenne englobant les références à la Communauté européenne de l’énergie atomique qui, elle, survit à l’attribution de la personnalité juridique à l’Union (1015).

2. Conditions d’application de l’article 88-5 de la Constitution

Comme on l’a vu (1016), l’article 2 de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 a introduit dans la Constitution un nouvel article 88-5 imposant au Président de la République de soumettre à référendum tout futur projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion aux Communautés européennes et à l’Union européenne, ce qui excluait du champ du référendum l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie et exclut celle de la Croatie aujourd’hui encore candidate.

L’article 4 de ladite loi constitutionnelle définissait les conditions d’application dans le temps de cette disposition en précisant que l’article 88-5, qui serait devenu l’article 88-7 si le « traité constitutionnel » était entré en vigueur, ne s’appliquerait qu’aux adhésions postérieures à celles qui avaient été prévues par des décisions du Conseil européen intervenues avant le 1er juillet 2004.

Le « traité constitutionnel » étant devenu caduc, la référence à ce traité et à un futur article 88-7 ne s’imposait plus. C’est pourquoi la loi du 4 février 2008, dans le 2° de son article 3, a supprimé cette double mention dans l’article 4 de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005.

Ainsi, tel que rédigé dans l’état du droit, le maintien de cet article 4 ne poserait pas de difficulté, si le présent projet de révision ne venait pas proposer une nouvelle rédaction de l’article 88-5.

Dans ces conditions, comme il est proposé dans le II du présent article, il semble plus cohérent de reprendre dans le présent projet de loi les dispositions de l’article 4 de la loi du 1er mars 2005, afin que les modalités d’application de l’article 88-5 figurent sur le même support juridique que cet article modifié.

3. Abrogation de dispositions devenues inutiles

En conséquence des paragraphes I et III, du présent article, il convient d’abroger les dispositions devenues inutiles de l’article 4 de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 et des 3° et 4° de l’article 2 de la loi constitutionnelle du 4 février 2008.

Ainsi, au terme de ce processus, il ne restera plus rien des dispositions de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 en tant que telles, car :

―  soit elles sont devenues caduques : article 1er autorisant la ratification du « traité constitutionnel » ;

―  soit ont été intégrées dans la Constitution : article 2 sur le référendum relatif aux futures adhésions ;

―  soit elles ont été abrogées par la loi du 4 février 2008 : article 3 sur la rédaction du titre XV qui aurait été rendue nécessaire par l’entrée en vigueur du « traité constitutionnel » ;

―  soit elles seront abrogées par le présent projet de loi constitutionnelle : article 4 sur les conditions d’application de l’article 88-5.

Tout d’abord, la Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur (amendement n° 112).

Elle a ensuite examiné un amendement présenté par M. Christophe Caresche, visant à préciser les conditions de mise en œuvre du contrôle par le Parlement du respect du principe de subsidiarité. Son auteur a notamment rappelé que, aux termes du traité simplifié, deux dispositifs permettront désormais au Parlement d’exercer son contrôle de la conformité au principe de subsidiarité : le premier, intervenant en amont, consiste à prévoir l’expression d’un avis auprès de la Commission européenne et du Parlement européen dans un délai de huit semaines afin d’inciter les institutions communautaires à revoir leur position ; le second, postérieur chronologiquement, autorise la saisine par les parlements nationaux de la Cour de justice de l’Union européenne.

Il a précisé que cet amendement portait plus particulièrement sur ce dernier aspect, en offrant à soixante députés ou soixante sénateurs la possibilité de demander la saisine de la Cour, en soulignant que le Bundestag venait récemment d’adopter un mécanisme similaire, la saisine de la Cour de justice intervenant dès lors qu’elle était demandée par le quart des membres de celui-ci.

Le rapporteur a tout d’abord relevé que cette procédure, compte tenu du nombre de saisissants, n’était pas identique à celle proposée dans l’amendement.

Trouvant néanmoins que le but poursuivi par cet amendement était intéressant au regard des enjeux, il a estimé qu’il pourrait recueillir un avis favorable s’il était sous-amendé afin de rendre facultative la saisine de la Cour par les députés ou sénateurs, ce type de recours engageant la souveraineté du pays.

M. Christophe Caresche a accepté le principe de ce sous-amendement, tout en précisant que l’État ne devait pas avoir la possibilité de déroger à la volonté éventuellement manifestée par soixante députés ou soixante sénateurs de procéder à un tel recours.

M. Arnaud Montebourg s’est montré vigilant sur les effets du sous-amendement proposé, en indiquant que le Parlement français voyait d’ores et déjà ses prérogatives considérablement limitées en ce qui concerne l’élaboration des textes communautaires, à la différence des autres parlements européens. Il a estimé que seul le Parlement était à même de défendre la compétence législative, et que l’ensemble de ses membres avait un droit objectif à procéder à la saisine de la Cour de justice de l’Union européenne.

Rappelant que le Conseil constitutionnel avait pleinement acquis sa stature de juge constitutionnel à l’occasion de la révision de 1974, accordant un droit de saisine à l’opposition, il a considéré qu’il en allait de même pour le contrôle du respect du principe de subsidiarité et appelé la Commission à veiller à l’instauration d’un traitement d’égalité entre majorité et opposition.

Après que M. Christophe Caresche eut rappelé que l’État jouait seulement un rôle de truchement dans la saisine de la Cour de justice de l’Union européenne lorsque soixante députés ou soixante sénateurs le lui demandent, la Commission a adopté le sous-amendement du rapporteur puis l’amendement ainsi sous-amendé (amendement n° 113).

La Commission a ensuite adopté un amendement de coordination du rapporteur (amendement n° 114).

Puis elle a adopté l’article 35 ainsi modifié.

Au titre de l’explication de vote du groupe SRC, M. Arnaud Montebourg a salué les avancées consenties par la majorité et fait état des déceptions ressenties par l’opposition sur les résolutions, le référendum d’initiative populaire ainsi que sur les incertitudes persistantes s’agissant du temps de parole dans l’hémicycle. Déplorant que peu d’avancées aient été obtenues tout en se félicitant de la disponibilité du rapporteur à travailler sur certains points d’ici la réunion de la Commission au titre de l’article 88 du Règlement, il a constaté que le vote du projet de loi constitutionnelle en l’état apparaissait impossible et a annoncé le vote négatif de son groupe, dont il a toutefois souligné l’état d’esprit constructif dans la perspective des débats à venir, afin de laisser une chance au texte de réunir les trois cinquièmes des suffrages du Congrès.

La Commission a alors adopté l’ensemble du projet de loi constitutionnelle ainsi modifié.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République (n° 820), modifié par les amendements figurant au tableau comparatif ci-après.

TABLEAU COMPARATIF

Texte en vigueur

___

Texte du projet de loi
constitutionnelle

___

Propositions de la Commission

___

Constitution du 4 octobre 1958

Article 1er

Article 1er

Art. 4. —  Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.

L’article 4 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

Ils contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au dernier alinéa de l’article 3 dans les conditions déterminées par la loi.

   
 

« Des droits particuliers peuvent être reconnus par la loi aux partis et groupements politiques qui n’ont pas déclaré soutenir le Gouvernement. »

« Des droits spécifiques peuvent être …

… qui ne participent pas de la majorité dans les assemblées délibérantes. »

(amendement n° 42)

 

Article 2

Article 2

Art. 6. —  Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct.

Après le premier alinéa de l’article 6 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

(Sans modification)

 

« Nul ne peut accomplir plus de deux mandats consécutifs. »

 

Les modalités d’application du présent article sont fixées par une loi organique.

   
 

Article 3

Article 3

Art. 8. —  Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement.

L’article 8 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Supprimé

(amendement n° 43)

Sur la proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions.

   
 

« Une loi organique fixe le nombre maximum des ministres et celui des autres membres du Gouvernement. »

 
 

Article 4

Article 4

Art. 13. —  Le Président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des ministres.

L’article 13 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

Il nomme aux emplois civils et militaires de l’État.

   

Les conseillers d’État, le grand chancelier de la Légion d’honneur, les ambassadeurs et envoyés extraordinaires, les conseillers maîtres à la Cour des comptes, les préfets, les représentants de l’État dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 et en Nouvelle-Calédonie, les officiers généraux, les recteurs des académies, les directeurs des administrations centrales sont nommés en Conseil des ministres.

   

Une loi organique détermine les autres emplois auxquels il est pourvu en Conseil des ministres, ainsi que les conditions dans lesquelles le pouvoir de nomination du Président de la République peut être par lui délégué pour être exercé en son nom.

   
 

« Une loi organique détermine les emplois, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis d’une commission constituée de membres des deux assemblées du Parlement. Elle détermine la composition de cette commission ainsi que les modalités selon lesquelles son avis est rendu. »


… emplois ou fonctions, autres …

(amendement n° 44)



… avis public de la réunion des deux commissions permanentes compétentes de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque la réunion des commissions permanentes compétentes a émis un avis négatif à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés ainsi que les modalités selon lesquelles les avis sont rendus. »

(amendements nos 45, 46, 47 et 48)

 

Article 5

Article 5

Art. 16. —  Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des Présidents des assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel.

L’article 16 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

(Sans modification)

Il en informe la Nation par un message.

   

Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d’assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission. Le Conseil constitutionnel est consulté à leur sujet.

   

Le Parlement se réunit de plein droit.

   

L’Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels.

   
 

« Après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d’examiner si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public. Il procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée. »

 
 

Article 6

Article 6

 

L’article 17 de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes :

(Sans modification)

Art. 17. —  Le Président de la République a le droit de faire grâce.

« Art. 17. —  Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel. Il exerce ce droit après avis d’une commission dont la composition est fixée par la loi. »

 
 

Article 7

Article 7

   

L’article 18 de la Constitution est ainsi modifié :

 

Il est inséré, après le premier alinéa de l’article 18 de la Constitution, un alinéa ainsi rédigé :

 Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

Art. 18. —  Le Président de la République communique avec les deux assemblées du Parlement par des messages qu’il fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat.

   
 

« Il peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès ou devant l’une ou l’autre de ses assemblées. Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui n’est suivi d’aucun vote. »


… Congrès. Sa déclaration …

… qui ne fait l’objet d’aucun vote. »

Hors session, le Parlement est réuni spécialement à cet effet.

 

2° Dans le dernier alinéa, les mots : « le Parlement est réuni » sont remplacés par les mots : « les assemblées parlementaires sont réunies ».

(amendement n° 49)

 

Article 8

Article 8

 

L’article 21 de la Constitution est modifié ainsi qu’il suit :

Supprimé

(amendement n° 50)

Art. 21. —  Le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement. Il est responsable de la Défense nationale. Il assure l’exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l’article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires.

1° La deuxième phrase du premier alinéa est supprimée ;

2° Il est ajouté à la fin du premier alinéa la phrase suivante :

« Il met en œuvre les décisions prises au titre de l’article 15 en matière de défense nationale. »

 

Il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres.

   

Il supplée, le cas échéant, le Président de la République dans la présidence des conseils et comités prévus à l’article 15.

   

Il peut, à titre exceptionnel, le suppléer pour la présidence d’un Conseil des ministres en vertu d’une délégation expresse et pour un ordre du jour déterminé.

   

Art. 15. —  Cf. annexe.

   
   

Article additionnel

   

Le premier alinéa de l’article 23 de la Constitution est ainsi rédigé :

Art. 23. —  Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle.

 

« Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, mandat de maire dans une commune de plus de 20 000 habitants, de fonction de président de conseil général ou de conseil régional, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle. »

(amendement n° 51)

Une loi organique fixe les conditions dans lesquelles il est pourvu au remplacement des titulaires de tels mandats, fonctions ou emplois.

   

Le remplacement des membres du Parlement a lieu conformément aux dispositions de l’article 25.

   
 

Article 9

Article 9

 

L’article 24 de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes :

(Alinéa sans modification)

 

« Art. 24. —  Le Parlement vote la loi et contrôle l’action du Gouvernement.

« Art. 24. —  

… Gouvernement. Il concourt à l’évaluation des politiques publiques.

(amendement n° 52 et adoption de l’amendement n° 2 de M. Copé)

Art. 24. —  Le Parlement comprend l’Assemblée nationale et le Sénat.

« Il comprend l’Assemblée nationale et le Sénat.

(Alinéa sans modification)

Les députés à l’Assemblée nationale sont élus au suffrage direct.

« Les députés à l’Assemblée nationale sont élus au suffrage direct.

… nationale, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix sept, sont …

(amendement n° 53)

Le Sénat est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République. Les Français établis hors de France sont représentés au Sénat.

« Le Sénat est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République en tenant compte de leur population.

… Sénat, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit, est …

(amendement n° 54)

 

« Les Français établis hors de France sont représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat. »

(Alinéa sans modification)

 

Article 10

Article 10

Art. 25. —  Une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leur indemnité, les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités.

L’article 25 de la Constitution est modifié ainsi qu’il suit :

(Alinéa sans modification)

Elle fixe également les conditions dans lesquelles sont élues les personnes appelées à assurer, en cas de vacance du siège, le remplacement des députés ou des sénateurs jusqu’au renouvellement général ou partiel de l’assemblée à laquelle ils appartenaient.

1° Son deuxième alinéa est complété par les mots : « ou leur remplacement temporaire en cas d’acceptation par eux de fonctions gouvernementales » ;

1° 

… gouvernementales ayant pris fin sur la présentation de la démission du Gouvernement » ;

(adoption de l’amendement
n° 15 de M. Ollier)

 

2° Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

2° (Alinéa sans modification)

 

« Une commission indépendante, dont la loi fixe les règles d’organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets et propositions tendant à délimiter les circonscriptions pour l’élection des députés ou des sénateurs ou à répartir les sièges entre elles. »

… fixe la composition et les règles …

… projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions …

… ou répartissant les sièges …

(amendements nos 55, 56, 57 et 58)

   

Article additionnel

Art. 33. —  Les séances des deux assemblées sont publiques. Le compte rendu intégral des débats est publié au Journal officiel.

 

L’article 33 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Chaque assemblée peut siéger en comité secret à la demande du Premier ministre ou d’un dixième de ses membres.

   
   

« Les auditions auxquelles procèdent les commissions instituées au sein de chaque assemblée sont publiques, sauf ci celles-ci en décident autrement. »

(amendement n° 59)

 

Article 11

Article 11

Art. 34. —  La loi est votée par le Parlement.

 

I. —  Le premier alinéa de l’article 34 de la Constitution est supprimé.

(amendement n° 60)

   

II. —  Après le premier alinéa de l’article 34 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

   

« Sauf motif déterminant d’intérêt général, la loi ne dispose que pour l’avenir. »

(amendement n° 61)

La loi fixe les règles concernant :

   

—  les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; les sujétions imposées par la Défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ;

   

—  la nationalité, l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ;

   

—  la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l’amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ;

 

III. —  Dans le cinquième alinéa de l’article 34 de la Constitution, après les mots : « l’amnistie ; », sont insérés les mots : « la répartition des contentieux entre les ordres juridictionnels, sous réserve de l’article 66 ; ».

(amendement n° 62)

—  l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d’émission de la monnaie.

   

La loi fixe également les règles concernant :

   

—  le régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales ;

   

—  la création de catégories d’établissements publics ;

   

—  les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’État ;

   

—  les nationalisations d’entreprises et les transferts de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé.

   

La loi détermine les principes fondamentaux :

   

—  de l’organisation générale de la Défense nationale ;

   

—  de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ;

   

—  de l’enseignement ;

   

—  de la préservation de l’environnement ;

   

—  du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;

   

—  du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale.

   

Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.

   

Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.

L’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes :

IV. —  L’avant-dernier …

Des lois de programme déterminent les objectifs de l’action économique et sociale de l’État.

« Des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État. »

(Alinéa sans modification)

Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique.

   
 

Article 12

Article 12

 

Est inséré, après l’article 34 de la Constitution, un article ainsi rédigé :

Supprimé

(amendement n° 63)

 

« Art. 34-1. —  Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par leur règlement. »

 
 

Article 13

Article 13

Art. 35. —  La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement.

L’article 35 de la Constitution est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

(Alinéa sans modification)

 

« Le Gouvernement informe le Parlement des interventions des forces armées à l’étranger dans les délais les plus brefs. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote.

… dans les trois jours. Il précise les objectifs poursuivis et les effectifs engagés. Cette information …

(amendement n° 64)

 

« Lorsque la durée de l’intervention excède six mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement. En cas de refus du Sénat, le Gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement sur la prolongation de l’intervention.

(Alinéa sans modification)

 

« Si le Parlement n’est pas en session à l’expiration du délai de six mois, il se prononce à l’ouverture de la session suivante. »

(Alinéa sans modification)

 

Article 14

Article 14

Art. 39. —  L’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement.

   

Les projets de loi sont délibérés en Conseil des ministres après avis du Conseil d’État et déposés sur le bureau de l’une des deux assemblées. Les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale. Sans préjudice du premier alinéa de l’article 44, les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales et les projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France sont soumis en premier lieu au Sénat.

 

I. —  Dans la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution, les mots : « et les projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France » sont supprimés.

(amendement n° 65)

 

L’article 39 de la Constitution est complété par un troisième alinéa ainsi rédigé :

II. —  L’article …

… par deux alinéas ainsi rédigés :

   

« Ils sont élaborés dans des conditions fixées par une loi organique.

(amendement n° 66)

 

« Dans les conditions prévues par la loi, le président d’une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d’État, en vue de son examen en commission, une proposition de loi déposée par l’un des membres de cette assemblée. »

… d’État, avant son examen …

(amendement n° 67)

 

Article 15

Article 15

Art. 41. —  S’il apparaît au cours de la procédure législative qu’une proposition ou un amendement n’est pas du domaine de la loi ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l’article 38, le Gouvernement peut opposer l’irrecevabilité.

Au premier alinéa de l’article 41 de la Constitution, les mots : « ou le président de l’assemblée saisie » sont insérés après les mots : « le Gouvernement ».

(Sans modification)

En cas de désaccord entre le Gouvernement et le Président de l’assemblée intéressée, le Conseil constitutionnel, à la demande de l’un ou de l’autre, statue dans un délai de huit jours.

   
 

Article 16

Article 16

 

L’article 42 de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes :

(Alinéa sans modification)

Art. 42. —  La discussion des projets de loi porte, devant la première assemblée saisie, sur le texte présenté par le Gouvernement.

« Art. 42. —  La discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie en application de l’article 43 ou, à défaut, sur le texte dont l’assemblée a été saisie.

« Art. 42. —  (Alinéa sans modification)

Une assemblée saisie d’un texte voté par l’autre assemblée délibère sur le texte qui lui est transmis.

« Toutefois, la discussion en séance des projets de révision constitutionnelle, des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale porte, en première lecture devant la première assemblée saisie, sur le texte présenté par le Gouvernement et, pour les autres lectures, sur le texte transmis par l’autre assemblée.

(Alinéa sans modification)

Art. 43. —  Cf. infra art. 17 du projet de loi constitutionnelle.

« La discussion en séance, en première lecture, d’un projet ou d’une proposition de loi ne peut intervenir, devant la première assemblée saisie, qu’à l’expiration d’un délai d’un mois après son dépôt. Elle ne peut intervenir, devant la seconde assemblée saisie, qu’à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de sa transmission.

… délai de six semaines après …

… délai de trois semaines à compter …

(amendements nos 68 et 69)

Art. 45. —  Cf. infra art. 19 du projet de loi constitutionnelle.

« Les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas si l’urgence a été déclarée dans les conditions prévues à l’article 45. Elles ne s’appliquent pas non plus aux lois de finances, aux lois de financement de la sécurité sociale et aux lois relatives aux états de crise. »

… aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale et aux projets relatifs aux états …

(amendement n° 70)

 

Article 17

Article 17

Art. 43. —  Les projets et propositions de loi sont, à la demande du Gouvernement ou de l’assemblée qui en est saisie, envoyés pour examen à des commissions spécialement désignées à cet effet.

   

Les projets et propositions pour lesquels une telle demande n’a pas été faite sont envoyés à l’une des commissions permanentes dont le nombre est limité à six dans chaque assemblée.

Au second alinéa de l’article 43 de la Constitution, le mot : « six » est remplacé par le mot : « huit ».

(Sans modification)

 

Article 18

Article 18

 

Le premier alinéa de l’article 44 de la Constitution est complété par les dispositions suivantes :

(Sans modification)

Art. 44. —  Les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement.

« Ce droit s’exerce en séance ou en commission selon les conditions et limites fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique. »

 

Après l’ouverture du débat, le Gouvernement peut s’opposer à l’examen de tout amendement qui n’a pas été antérieurement soumis à la commission.

   

Si le Gouvernement le demande, l’assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement.

   
 

Article 19

Article 19

Art. 45. —  Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique.

 

I. —  Le premier alinéa de l’article 45 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis. »

(amendement n° 71)

Lorsque, par suite d’un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de loi n’a pu être adopté après deux lectures par chaque assemblée ou, si le Gouvernement a déclaré l’urgence, après une seule lecture par chacune d’entre elles, le Premier ministre a la faculté de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion.

Au deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution, les mots : « ou, si le Gouvernement a déclaré l’urgence » sont remplacés par les mots : « ou, si le Gouvernement a déclaré l’urgence sans que les conférences des présidents des deux assemblées s’y soient conjointement opposées ».

II. —  Au …

   

III. —  Dans le deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution, après le mot : « ministre », sont insérés les mots : « ou, pour une proposition de loi, le Président de l’assemblée dont elle émane ».

(amendement n° 72)

Le texte élaboré par la commission mixte peut être soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux assemblées. Aucun amendement n’est recevable sauf accord du Gouvernement.

   

Si la commission mixte ne parvient pas à l’adoption d’un texte commun ou si ce texte n’est pas adopté dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par l’Assemblée nationale et par le Sénat, demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement. En ce cas, l’Assemblée nationale peut reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat.

   
 

Article 20

Article 20

Art. 46. —  Les lois auxquelles la Constitution confère le caractère de lois organiques sont votées et modifiées dans les conditions suivantes.

Le deuxième alinéa de l’article 46 de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes :

(Sans modification)

Le projet ou la proposition n’est soumis à la délibération et au vote de la première assemblée saisie qu’à l’expiration d’un délai de quinze jours après son dépôt.

« Le projet ou la proposition ne peut, en première lecture, être soumis à la délibération et au vote des assemblées qu’à l’expiration des délais fixés au troisième alinéa de l’article 42. Toutefois, si l’urgence a été déclarée dans les conditions prévues à l’article 45, le projet ou la proposition peut être soumis à la délibération de la première assemblée saisie à l’expiration d’un délai de quinze jours après son dépôt. »

 

La procédure de l’article 45 est applicable. Toutefois, faute d’accord entre les deux assemblées, le texte ne peut être adopté par l’Assemblée nationale en dernière lecture qu’à la majorité absolue de ses membres.

   

Les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées.

   

Les lois organiques ne peuvent être promulguées qu’après déclaration par le Conseil constitutionnel de leur conformité à la Constitution.

   

Art. 42. —  Cf. supra art. 16 du projet de loi constitutionnelle.

   

Art. 45. —  Cf. supra art. 19 du projet de loi constitutionnelle.

   
 

Article 21

Article 21

Art. 47. —  . . . . . . . . . . . . . .

La Cour des Comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances.

I. —  Est abrogé le dernier alinéa des articles 47 et 47-1 de la Constitution.

I. —  (Sans modification)

Art. 47-1. —  . . . . . . . . . . . . .

La Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

   
 

II. —  Est inséré, après l’article 47-1 de la Constitution, un article ainsi rédigé :

II. —  (Alinéa sans modification)

 

« Art. 47-2. —  La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Elle contribue à l’évaluation des politiques publiques. »

« Art. 47-2. —  

… sociale ainsi que dans l’évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l’information des citoyens. »

(amendements nos 73 et 74)

 

Article 22

Article 22

 

L’article 48 de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes :

(Alinéa sans modification)

Art. 48. —  Sans préjudice de l’application des trois derniers alinéas de l’article 28, l’ordre du jour des assemblées comporte, par priorité et dans l’ordre que le Gouvernement a fixé, la discussion des projets de loi déposés par le Gouvernement et des propositions de loi acceptées par lui.

« Art. 48. —  Sans préjudice de l’application des trois derniers alinéas de l’article 28, l’ordre du jour est fixé, dans chaque assemblée, par la conférence des présidents.

« Art. 48. —  

… par sa conférence …

(amendement n° 75)

 

« Deux semaines de séance sur quatre sont réservées par priorité, et dans l’ordre que le Gouvernement a fixé, à l’examen des textes dont il demande l’inscription à l’ordre du jour.

… textes et aux débats dont …

(amendement n° 76)

   

« Une semaine de séance sur quatre est réservée par priorité, et dans l’ordre que la conférence des présidents a fixé, au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques.

(amendement n° 77)

 

« En outre, l’examen des lois de finances, des lois de financement de la sécurité sociale, des textes transmis par l’autre assemblée depuis un mois ou plus, des lois relatives aux états de crise et des demandes d’autorisation visées à l’article 35 sont, à la demande du Gouvernement, inscrits à l’ordre du jour par priorité.

… l’examen des projets de loi de finances, des projets de loi de financement …

… depuis six semaines au moins, des projets relatifs aux états …

… l’article 35 est, à la demande du Gouvernement, inscrit à …

(amendements nos 78, 79 et 80)

 

« Un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par la conférence des présidents à l’initiative des groupes parlementaires qui ne déclarent pas soutenir le Gouvernement.

… qui ne participent pas de la majorité de l’assemblée concernée.

(amendement n° 81)

Une séance par semaine au moins est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement.

« Une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l’article 29, est réservée aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement. »

… réservée par priorité aux questions …

(amendement n° 82)

Une séance par mois est réservée par priorité à l’ordre du jour fixé par chaque assemblée.

   

Art. 28 et 29. —  Cf. annexe.

   

Art. 35. —  Cf. supra art. 13 du projet de loi constitutionnelle.

   
 

Article 23

Article 23

Art. 49. —  Le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale.

Le troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution est modifié ainsi qu’il suit :

(Alinéa sans modification)

L’Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d’une motion de censure. Une telle motion n’est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l’Assemblée nationale. Le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres composant l’Assemblée. Sauf dans le cas prévu à l’alinéa ci-dessous, un député ne peut être signataire de plus de trois motions de censure au cours d’une même session ordinaire et de plus d’une au cours d’une même session extraordinaire.

   

Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un texte. Dans ce cas, ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent.

1° À la première phrase, le mot : « texte » est remplacé par les mots : « projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale » ;

2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre texte par session. »

1° (Sans modification)

1° bis Dans la deuxième phrase, le mot : « texte » est remplacé par le mot : « projet » ;

2° (Alinéa sans modification)

… autre projet ou une autre proposition de loi par session. »

(amendements nos 83 et 84)

Le Premier ministre a la faculté de demander au Sénat l’approbation d’une déclaration de politique générale.

   
   

Article additionnel

   

Après l’article 50 de la Constitution, il est inséré un article 50-1 ainsi rédigé :

   

« Art. 50-1. —  Devant l’une ou l’autre des assemblées, le Gouvernement peut faire une déclaration à caractère thématique qui donne lieu à débat et peut faire l’objet, à sa demande, d’un vote sans engager sa responsabilité. »

(amendement n° 85)

 

Article 24

Article 24

 

Après l’article 51 de la Constitution, il est ajouté un article 51-1 ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

 

« Art. 51-1. —  Le règlement de chaque assemblée détermine les droits respectifs des groupes parlementaires selon qu’ils ont ou non déclaré soutenir le Gouvernement. »

« Art. 51-1. —  

… droits spécifiques des groupes parlementaires selon qu’ils participent ou non de la majorité de l’assemblée concernée. »

(amendement n° 86)

 

Article 25

Article 25

Art. 56. —  Le Conseil constitutionnel comprend neuf membres, dont le mandat dure neuf ans et n’est pas renouvelable. Le Conseil constitutionnel se renouvelle par tiers tous les trois ans. Trois des membres sont nommés par le Président de la République, trois par le Président de l’Assemblée nationale, trois par le Président du Sénat.

Le premier alinéa de l’article 56 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 est applicable à ces nominations. »

… l’article 56 de la Constitution est complété par deux phrases …

… nominations. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée concernée. »

(amendements nos 87 et 88)

En sus des neuf membres prévus ci-dessus, font de droit partie à vie du Conseil constitutionnel les anciens Présidents de la République.

   

Le président est nommé par le Président de la République. Il a voix prépondérante en cas de partage.

   

Art. 13. —  Cf. supra art. 4 du projet de loi constitutionnelle.

   
 

Article 26

Article 26

 

Après l’article 61 de la Constitution, il est ajouté un article 61-1 ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

 

« Art. 61-1. —  Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative promulguée postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente Constitution porte atteinte aux droits et libertés que celle-ci garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation, dans les conditions et sous les réserves fixées par une loi organique. »

« Art. 61-1. —  

… législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, …

… cassation.

« Il peut également être saisi à la demande d’une partie si le Conseil d’État ou la Cour de cassation ne s’est pas prononcé dans le délai prévu à cet effet.

« Une loi organique détermine les conditions et réserves d’application du présent article. »

(amendement n° 89)

 

Article 27

Article 27

 

Le premier alinéa de l’article 62 de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes :

(Sans modification)

Art. 62. —  Une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée ni mise en application.

« Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61 ne peut être promulguée ni mise en application.

 
 

« Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause. »

 

Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles.

   

Art. 61. —  Cf. annexe.

Art. 61-1. —  Cf. supra art. 26 du projet de loi constitutionnelle.

   
 

Article 28

Article 28

 

L’article 65 de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes :

(Alinéa sans modification)

Art. 65. —  Le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par le Président de la République. Le ministre de la justice en est le vice-président de droit. Il peut suppléer le Président de la République.

   

Le Conseil supérieur de la magistrature comprend deux formations, l’une compétente à l’égard des magistrats du siège, l’autre à l’égard des magistrats du parquet.

« Art. 65. —  Le Conseil supérieur de la magistrature comprend deux formations, l’une compétente à l’égard des magistrats du siège, l’autre à l’égard des magistrats du parquet.

« Art. 65. —  

… comprend une formation plénière ainsi que deux …

(amendement n° 90)

La formation compétente à l’égard des magistrats du siège comprend, outre le Président de la République et le garde des sceaux, cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d’État, désigné par le Conseil d’État, et trois personnalités n’appartenant ni au Parlement ni à l’ordre judiciaire, désignées respectivement par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat.

« La formation compétente à l’égard des magistrats du siège est présidée par le premier président de la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d’État désigné par le Conseil d’État, un avocat ainsi que six personnalités n’appartenant ni au Parlement ni à l’ordre judiciaire désignées après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13. Deux de ces personnalités sont nommées par le Président de la République, deux par le Président de l’Assemblée nationale, deux par le Président du Sénat.

… siège comprend cinq magistrats …

… avocat, un professeur des universités ainsi que quatre personnalités qualifiées qui ne sont ni membres du Parlement ni magistrats de l’ordre judiciaire, désignées respectivement par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat et le Défenseur des droits des citoyens. La procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 est applicable aux nominations des personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée concernée.

(amendement n° 91)

La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet comprend, outre le Président de la République et le garde des sceaux, cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, le conseiller d’État et les trois personnalités mentionnés à l’alinéa précédent.

« La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet est présidée par le procureur général près la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège ainsi que le conseiller d’État, l’avocat et les six personnalités mentionnés à l’alinéa précédent.

… parquet comprend cinq magistrats …

… l’avocat, le professeur des universités et les quatre personnalités qualifiées mentionnés à l’alinéa précédent.

(amendement n° 92)

   

« La formation plénière comprend trois des cinq magistrats du siège mentionnés au deuxième alinéa, trois des cinq magistrats du parquet mentionnés au troisième alinéa ainsi que le conseiller d’État, l’avocat, le professeur des universités et les quatre personnalités qualifiées mentionnés au deuxième alinéa. Elle est présidée alternativement pour un an par chacune des quatre personnalités qualifiées, qui assure également la présidence des deux autres formations.

(amendement n° 93)

La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de cour d’appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme.

« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de cour d’appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme. Elle statue comme conseil de discipline des magistrats du siège.

… conforme.

(amendement n° 94)

Elle statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. Elle est alors présidée par le premier président de la Cour de cassation.

 

« Elle statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. Elle est alors présidée par le premier président de la Cour de cassation.

(amendement n° 95)

La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet donne son avis pour les nominations concernant les magistrats du parquet, à l’exception des emplois auxquels il est pourvu en Conseil des ministres.

« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet donne son avis sur les nominations et les sanctions disciplinaires qui concernent les magistrats du parquet.

… nominations qui concernent …

(amendement n° 96)

Elle donne son avis sur les sanctions disciplinaires concernant les magistrats du parquet. Elle est alors présidée par le procureur général près la Cour de cassation.

 

« Elle donne son avis sur les sanctions disciplinaires concernant les magistrats du parquet. Elle est alors présidée par le procureur général près la Cour de cassation.

(amendement n° 97)

 

« Sauf en matière disciplinaire, le ministre de la justice peut assister aux séances des formations du Conseil supérieur de la magistrature.

(Alinéa sans modification)

Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article.

« Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. »

… article. Elle définit également les conditions dans lesquelles le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par un justiciable. »

(amendement n° 98)

Art. 13. —  Cf. supra art. 4 du projet de loi constitutionnelle.

   
   

Article additionnel

Titre XI
Le Conseil économique et social

 

L’intitulé du titre XI de la Constitution est ainsi rédigé : « Le conseil économique, social et environnemental ».

(amendement n° 99)

 

Article 29

Article 29

Art. 69. —  Le Conseil économique et social, saisi par le Gouvernement, donne son avis sur les projets de loi, d’ordonnance ou de décret ainsi que sur les propositions de loi qui lui sont soumis.

 

I. —  Dans les premier et deuxième alinéas de l’article 69 de la Constitution, les mots : « Conseil économique et social » sont remplacés par les mots : « Conseil économique, social et environnemental ».

Un membre du Conseil économique et social peut être désigné par celui-ci pour exposer devant les assemblées parlementaires l’avis du conseil sur les projets ou propositions qui lui ont été soumis.

   
 

L’article 69 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

II. —  L’article 69 …

 

« Le Conseil économique et social peut être saisi par voie de pétition dans les conditions fixées par une loi organique. Après examen de la pétition, il fait connaître au Gouvernement et au Parlement les suites qu’il propose d’y donner. »

« Le Conseil économique, social et environnemental peut être …

(amendement n° 100)

 

Article 30

Article 30

 

L’article 70 de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes :

(Alinéa sans modification)

Art. 70. —  Le Conseil économique et social peut être également consulté par le Gouvernement sur tout problème de caractère économique ou social. Tout plan ou tout projet de loi de programme à caractère économique ou social lui est soumis pour avis.

« Art. 70. —  Le Conseil économique et social peut être également consulté par le Gouvernement sur tout problème de caractère économique ou social ou sur toute question relative à l’environnement. Tout plan ou tout projet de loi de programmation à caractère économique ou social lui est soumis pour avis. »

« Art. 70. —  Le Conseil économique, social et environnemental peut être consulté …

… ou relatif à l’environnement…

(amendements nos 101, 102 et 103)

   

Article additionnel

   

Dans l’article 71 de la Constitution, les mots : « Conseil économique et social » sont remplacés par les mots : « Conseil économique, social et environnemental ».

(amendement n° 104)

   

Article additionnel

Art. 71. —  La composition du Conseil économique et social et ses règles de fonctionnement sont fixées par une loi organique.

 

Dans l’article 71 de la Constitution, après le mot : « social », sont insérés les mots : « , dont le nombre de membres ne peut excéder deux cent trente-trois, ».

(amendement n° 105)

 

Article 31

Article 31

 

Il est inséré après le titre XI de la Constitution un titre XI bis intitulé : « Le Défenseur des droits des citoyens » et comprenant un article 71-1 ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

 

« Art. 71-1. —  Toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public peut, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique, adresser une réclamation au Défenseur des droits des citoyens.

« Art. 71-1. —  Toute personne physique ou morale s’estimant …

… public ou d’un établissement chargé d’une mission de service public peut,

(adoption de l’amendement n° 8 rectifié de M. Gosselin)

 

« Une loi organique définit les modalités d’intervention du Défenseur des droits des citoyens, ainsi que les autres attributions dont il est investi. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être assisté pour l’exercice de certaines de ses attributions.

(Alinéa sans modification)

Art. 13. —  Cf. supra art. 4 du projet de loi constitutionnelle.

« Le Défenseur des droits des citoyens est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi organique. »

(Alinéa sans modification)

 

Article 32

Article 32

 

L’article 88-4 de la Constitution est ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

Art. 88-4. —  Le Gouvernement soumet à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l’Union européenne, les projets ou propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne comportant des dispositions de nature législative. Il peut également leur soumettre les autres projets ou propositions d’actes ainsi que tout document émanant d’une institution de l’Union européenne.

« Art. 88-4. —  Le Gouvernement soumet à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l’Union européenne, les projets ou propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne.

« Art. 88-4. —  (Alinéa sans modification)

Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions peuvent être votées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets, propositions ou documents mentionnés à l’alinéa précédent.

« Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions peuvent être votées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets ou propositions mentionnés à l’alinéa précédent, ainsi que sur tout document émanant d’une institution de l’Union européenne.

… être adoptées, le cas …

(amendement n° 106)

 

« Au sein de chaque assemblée parlementaire est institué un comité chargé des affaires européennes. »

(Alinéa sans modification)

 

Article 33

Article 33

 

L’article 88-5 de la Constitution est remplacé par les dispositions suivantes :

Alinéa supprimé

Art. 88-5. —  Tout projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un État à l’Union européenne et aux Communautés européennes est soumis au référendum par le Président de la République.

Art. 89. —  Cf. annexe.

« Art. 88-5. —  Tout projet de loi autorisant la ratification d’un traité relatif à l’adhésion d’un État à l’Union européenne et aux Communautés européennes est adopté selon la procédure prévue aux deuxième et troisième alinéas de l’article 89. »

Dans l’article 88-5 de la Constitution, après les mots : « Communautés européennes », sont insérés les mots : « , lorsque la population de cet État représente plus de cinq pour cent de la population de l’Union, ».

(amendement n° 107)

 

Article 34

Article 34

 

I. —  Les dispositions des articles 8, 13, 17, du dernier alinéa de l’article 25, des articles 39, 44, 61-1, 65, 69 et 71-1 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, entrent en vigueur dans les conditions fixées par les lois et lois organiques nécessaires à leur application.

… 44, 56, 61-1 …

(amendement n° 108)

 

II. —  Les dispositions des articles 34-1, 41, 42, 43, 45, 46, 48 et 49 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, entrent en vigueur le 1er janvier 2009.

… articles 41 … … 48, 49 et 50-1 de …

(amendements nos 109 et 110)

 

Toutefois, les dispositions des articles 42, 45 et 46 de la Constitution, dans leur rédaction antérieure à la présente loi constitutionnelle, demeurent applicables à la discussion et à l’adoption des projets et propositions de loi dont l’examen en commission, en première lecture devant la première assemblée saisie, a commencé avant le 1er janvier 2009.

(Alinéa sans modification)

 

III. —  Les dispositions de l’article 24 de la Constitution relatives à l’élection des sénateurs, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, s’appliquent à compter du deuxième renouvellement partiel du Sénat suivant la publication de cette loi constitutionnelle.

III. —  

… suivant sa publication.

(amendement n° 111)

 

IV. —  Les dispositions de l’article 25 de la Constitution relatives au caractère temporaire du remplacement des députés et sénateurs acceptant des fonctions gouvernementales, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, s’appliquent aux députés et sénateurs ayant accepté de telles fonctions antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la loi organique prévue à cet article si, à cette même date, ils exercent encore ces fonctions et que le mandat parlementaire pour lequel ils avaient été élus n’est pas encore expiré.

IV. —  (Sans modification)

 

Article 35

Article 35

 

I. —  À compter de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007, le titre XV de la Constitution est ainsi modifié :

I. —  (Alinéa sans modification)

 

1° À l’article 88-4, les mots : « les projets ou propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne » sont remplacés par les mots : « les projets d’actes législatifs européens, les autres projets ou propositions d’actes de l’Union européenne » ;

1° 

… européens et les autres …

(amendement n° 112)

 

2° À l’article 88-5, les mots : « et aux Communautés européennes » sont supprimés.

2° (Sans modification)

Art. 88-6. —  L’Assemblée nationale ou le Sénat peuvent émettre un avis motivé sur la conformité d’un projet d’acte législatif européen au principe de subsidiarité. L’avis est adressé par le président de l’assemblée concernée aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission européenne. Le Gouvernement en est informé.

 

3° Les deux derniers alinéas de l’article 88-6 sont ainsi rédigés :

Chaque assemblée peut former un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de justice de l’Union européenne par le Gouvernement.

 

« À cette fin, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d’initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée.

À ces fins, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d’initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée.

 

« À la demande de soixante députés ou de soixante sénateurs, l’Assemblée nationale ou le Sénat peuvent former un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de justice de l’Union européenne par le Gouvernement. »

(amendement n° 113)

Loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution

   

Art. 4. —  L’article 88-5 de la Constitution n’est pas applicable aux adhésions faisant suite à une conférence intergouvernementale dont la convocation a été décidée par le Conseil européen avant le 1er juillet 2004.

II. —  Sont abrogés l’article 4 de la loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution ainsi que les 3° et 4° de l’article 2 de la loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution.

II. —  (Sans modification)

Loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution

   

Art. 2. —  À compter de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé le 13 décembre 2007, le titre XV de la Constitution est ainsi modifié :

   

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

3° Dans la première phrase du premier alinéa de l’article 88-4, les mots : « les projets ou propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne comportant des dispositions de nature législative » sont remplacés par les mots : « les projets d’actes législatifs européens ainsi que les autres projets ou propositions d’actes de l’Union européenne comportant des dispositions qui sont du domaine de la loi » ;

   

4° Dans l’article 88-5, les mots : « et aux Communautés européennes » sont supprimés ;

   

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   
 

III. —  Les dispositions de l’article 88-5 de la Constitution, dans leur rédaction résultant tant de l’article 33 de la présente loi que du 2° du I du présent article, ne sont pas applicables aux adhésions faisant suite à une conférence intergouvernementale dont la convocation a été décidée par le Conseil européen avant le 1er juillet 2004.

III. —  Supprimé

(amendement n° 114)

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Constitution du 4 octobre 1958

Art. 5. —  Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État.

Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités.

Art. 15. —  Le Président de la République est le chef des armées. Il préside les conseils et comités supérieurs de la défense nationale.

Art. 28. —  Le Parlement se réunit de plein droit en une session ordinaire qui commence le premier jour ouvrable d’octobre et prend fin le dernier jour ouvrable de juin.

Le nombre de jours de séance que chaque assemblée peut tenir au cours de la session ordinaire ne peut excéder cent vingt. Les semaines de séance sont fixées par chaque assemblée.

Le Premier ministre, après consultation du Président de l’assemblée concernée, ou la majorité des membres de chaque assemblée peut décider la tenue de jours supplémentaires de séance.

Les jours et les horaires des séances sont déterminés par le règlement de chaque assemblée.

Art. 29. —  Le Parlement est réuni en session extraordinaire à la demande du Premier ministre ou de la majorité des membres composant l’Assemblée nationale, sur un ordre du jour déterminé.

Lorsque la session extraordinaire est tenue à la demande des membres de l’Assemblée Nationale, le décret de clôture intervient dès que le Parlement a épuisé l’ordre du jour pour lequel il a été convoqué et au plus tard douze jours à compter de sa réunion.

Le Premier ministre peut seul demander une nouvelle session avant l’expiration du mois qui suit le décret de clôture.

Art. 61. —  Les lois organiques, avant leur promulgation, et les règlements des assemblées parlementaires, avant leur mise en application, doivent être soumis au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution.

Aux mêmes fins, les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs.

Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, le Conseil constitutionnel doit statuer dans le délai d’un mois. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s’il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours.

Dans ces mêmes cas, la saisine du Conseil constitutionnel suspend le délai de promulgation.

Art. 89. —  L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République, sur proposition du Premier ministre, et aux membres du Parlement.

Le projet ou la proposition de révision doit être voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.

Toutefois, le projet de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le Bureau du Congrès est celui de l’Assemblée nationale.

Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire.

La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision.

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Avant l’article 1er

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Insérer l’article suivant :

« Après le premier alinéa du préambule de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« " Les droits fondamentaux sont indivisibles et sont des droits opposables. Tout résident sur le territoire français peut demander et obtenir de la puissance publique le respect de ces droits. " »

Amendements présentés par M. Noël Mamère :

•  Insérer l’article suivant :

« Après la première phrase de l’article 1er de la Constitution, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« " Elle se reconnaît comme plurielle et garante de la diversité qui la compose. " »

•  Insérer l’article suivant :

« Après les mots : " d’origine, ", la fin de la deuxième phrase de l’article 1er de la Constitution est ainsi rédigée : " de religion, de sexe, de handicap, de situation de famille, d’apparence physique, de patronyme, d’état de santé, de caractéristiques génétiques, de mœurs, d’orientation sexuelle, d’identité de genre ou d’âge. " »

Amendement présenté par M. Victorin Lurel et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Insérer l’article suivant :

« Dans la deuxième phrase de l’article 1er de la Constitution, les mots : " , de race " sont supprimés, et le mot : " origine " est remplacé par le mot : " origines ". »

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde :

Insérer l’article suivant :

« Après la deuxième phrase de l’article 1er de la Constitution, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« " La France a vocation à faire devenir citoyen français, si elle le désire, toute personne qu’elle accueille régulièrement sur son territoire et qui souhaite s’y installer. " »

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Insérer l’article suivant :

« Après la deuxième phrase de l’article 1er de la Constitution sont insérées deux phrases ainsi rédigées :

« " La démocratie participative est garantie par la loi. Chaque collectivité territoriale est chargée de l’organiser. " »

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Insérer l’article suivant :

« Le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution est ainsi rédigé :

« " Le français est la langue officielle de la République. Les langues régionales de France sont également reconnues par la République. " »

Amendement présenté par M. Victorin Lurel et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Insérer l’article suivant :

« Le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution est complété par les mots : " dans le respect des langues régionales qui font partie de notre patrimoine ". »

Amendements présentés par M. François Bayrou :

•  Insérer l’article suivant :

« Le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« " Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la nation. La République les protège. " »

•  Insérer l’article suivant :

« Le troisième alinéa de l’article 3 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« " La loi garantit la représentation équitable et pluraliste des opinions et des territoires. " »

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

Insérer l’article suivant :

« Le troisième alinéa de l’article 3 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« " Les modes de scrutin assurent la représentation pluraliste des opinions et des territoires. " »

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Insérer l’article suivant :

« Après le troisième alinéa de l’article 3 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« " Afin de garantir l’égalité du suffrage, le mode de scrutin proportionnel est la règle. " »

Amendements présentés par M. Patrick Braouezec :

•  Insérer l’article suivant :

« Après le troisième alinéa de l’article 3 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« " Le mode de scrutin proportionnel assure une juste représentation du peuple. " »

•  Insérer l’article suivant :

« Le quatrième alinéa de l’article 3 de la Constitution est complété par les mots : " ainsi que les résidents sur le territoire français, dans les conditions déterminées par la loi " ».

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Insérer l’article suivant :

« Le quatrième alinéa de l’article 3 de la Constitution est complété par les mots : " ainsi que les résidents sur le territoire français, après une présence légale continue de cinq ans, dans les conditions déterminées par la loi. " »

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Insérer l’article suivant :

« Après le quatrième alinéa de l’article 3 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« " La limitation ou l’interdiction du cumul des mandats électoraux sont déterminées par la loi. " »

Amendements identiques présentés par M. Patrick Braouezec et M. Noël Mamère :

Insérer l’article suivant :

« Dans le dernier alinéa de l’article 3 de la Constitution, le mot : " favorise " est remplacé par le mot :" assure ". »

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Insérer l’article suivant :

« L’article 3 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« " Peuvent être électeurs et éligibles pour les élections aux conseils des collectivités territoriales les citoyens étrangers majeurs des deux sexes résidants en France, dans les conditions déterminées par une loi organique. " »

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

Insérer l’article suivant :

« L’article 3 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« " Le fonctionnaire détaché, réélu parlementaire, dispose d’un délai de trente jours pour démissionner de la fonction publique. " »

Amendements présentés par M. Jean-Christophe Lagarde :

•  Insérer l’article suivant :

« L’article 3 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« " Nul ne peut accomplir plus de trois mandats consécutifs. Une loi organique précise les modalités d’application du présent alinéa. " »

•  Insérer l’article suivant :

« L’article 3 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« " Nul ne peut remplir plus de deux fonctions publiques électives, exception faites des responsabilités intercommunales. " »

Article 1er

Amendements identiques présentés par M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur [retiré] et M. François Bayrou :

Supprimer cet article.

Amendement présenté par M. François Bayrou :

Rédiger ainsi cet article :

« L’article 4 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« " Les médias concourent, par leur pluralisme, à la libre information des citoyens. La loi garantit leur indépendance aussi bien vis-à-vis de l’État que des intérêts économiques de leurs actionnaires. Elle les protège des conflits d’intérêt et interdit les concentrations excessives. " »

Amendements présentés par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

•  Rédiger ainsi l’alinéa 2 de cet article :

« La loi détermine les conditions dans lesquelles est garantie l’égalité des droits des partis et groupements politiques dans les assemblées du Parlement et des collectivités locales. »

•  Compléter l’alinéa 2 de cet article par les mots et la phrase suivants : « dans les assemblées du Parlement. Le vote favorable, intervenu selon les modalités prévues à l’article 49-1, ne peut à lui seul en déterminer l’application. »

Article 2

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec

Rédiger ainsi cet article :

« L’article 6 de la Constitution est ainsi rédigé :

« " Le Président de la République est élu pour cinq ans par le Parlement réuni en Congrès.

« " Il ne peut accomplir plus de deux mandats consécutifs. " »

Après l’article 2

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Insérer l’article suivant :

« Après les mots : " seuls peuvent s’y présenter ", la fin du premier alinéa de l’article 7 de la Constitution est ainsi rédigée : " les candidats ayant recueilli plus de 10 % des suffrages exprimés. " »

Article 3

Amendements identiques présentés par M. Patrick Braouezec et M. Noël Mamère :

Avant l’alinéa 1, insérer les deux alinéas suivants :

« La première phrase de l’article 8 de la Constitution est ainsi rédigée :

« " Le Président de la République soumet à l’approbation de l’Assemblée nationale la nomination du Premier ministre. " »

Amendement présenté par M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur :

Rédiger ainsi cet article :

« Le deuxième alinéa de l’article 8 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« " Le nombre de ministres ne peut excéder quinze, ni le nombre des membres du Gouvernement quarante. " »

Amendement présenté par M. Bertrand Pancher :

Rédiger ainsi cet article :

« L’article 8 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« " Ce Gouvernement ne peut compter au maximum que quinze ministres de plein exercice et dix ministres délégués et secrétaires d’État. " »

Après l’article 3

Amendement présenté par M. Bertrand Pancher :

Insérer l’article suivant :

« Dans le premier alinéa de l’article 11 de la Constitution, après le mot : " assemblées ", insérer les mots : " ou à la suite d’une pétition populaire ". »

Amendements identiques présentés par M. Bertrand Pancher, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Noël Mamère, M. Patrick Braouezec, M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Insérer l’article suivant :

« L’article 11 de la Constitution est ainsi modifié :

« 1° Après le deuxième alinéa sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« " Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa du présent article peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement soutenus par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales.

« " La proposition des parlementaires est transmise au Conseil constitutionnel qui, après déclaration de sa conformité à la Constitution, organise la collecte des pétitions des électeurs et, après vérification de leur nombre et de leur validité, les transmet au Parlement. Si la proposition n’a pas été examinée par les deux assemblées parlementaires dans le délai d’un an, le Président de la République soumet la proposition au référendum. "

« 2° Dans le troisième alinéa de cet article, après les mots : " du projet ", sont insérés les mots : " ou de la proposition ". »

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Insérer l’article suivant :

« Dans le troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution, après les mots : " projet de loi ", sont insérés les mots : " ou la proposition de loi ". »

Amendements identiques présentés par M. Noël Mamère et M. Patrick Braouezec :

Insérer l’article suivant :

« L’article 11 de la Constitution est complété par l’alinéa suivant :

« " Lorsque le référendum a conclu au rejet d’un projet de loi, tout nouveau projet de loi contenant des dispositions analogues ou autorisant la ratification d’un traité contenant des dispositions similaires à celles du traité ayant fait l’objet de la consultation, doit être soumis à référendum. " »

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Insérer l’article suivant :

« L’article 12 de la Constitution est abrogé. »

Article 4

Amendements présentés par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

•  [retiré] Dans l’alinéa 2 de cet article, après le mot : « nation », insérer les mots : « , notamment les emplois de direction des différentes autorités de régulation, ».

•  Après les mots : « après avis », compléter l’alinéa 2 de cet article par les mots et les deux phrases suivantes : « conforme d’une commission, désignée en début de législature, constituée paritairement de membres des deux assemblées du Parlement, à la proportionnelle des groupes parlementaires tels que mentionnés à l’article 51-1. Cette commission statue à la majorité des trois cinquièmes. Ses avis sont publics. »

Amendements présentés par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

•  [retiré] Dans l’alinéa 2 de cet article, après les mots : « après avis », insérer les mots : « favorable obtenu à la majorité des trois cinquièmes des membres des commissions permanentes compétentes des deux assemblées du Parlement, réunies en formation unique. »

•  Après les mots : « s’exerce après avis », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 2 de cet article : « favorable obtenu à la majorité des membres des commissions permanentes compétentes des deux assemblées du Parlement, réunies en formation unique. »

•  Dans l’alinéa 2 de cet article, après les mots : « après avis», insérer le mot : « favorable ».

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Après le mot : « Parlement », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 2 de cet article : « Cette commission est composée à la proportionnelle des groupes politiques du Parlement. Elle organise des auditions publiques sur demande d’un groupe parlementaire des candidats aux postes définis par la loi et rend des avis publics. »

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

Supprimer la dernière phrase de l’alinéa 2 de cet article.

Article 5

Amendements identiques présentés par M. Noël Mamère, M. Patrick Braouezec, M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Rédiger ainsi cet article :

« L’article 16 de la Constitution est abrogé. »

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Substituer à l’alinéa 2 de cet article les trois alinéas suivants :

« Le Conseil constitutionnel peut être saisi à tout moment par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, un groupe politique, aux fins d’examiner si les conditions énoncées au premier alinéa sont réunies. Il se prononce dans un délai d’un jour franc par un avis public.

« Il procède de plein droit à cet examen.

« Une fois l’avis rendu public, le Parlement se prononce à la majorité des trois cinquièmes par un vote après un débat en séance publique. »

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

Dans l’alinéa 2 de cet article, après les mots : « le Président du Sénat, », insérer les mots : « un groupe parlementaire, ».

Article 6

Amendement présenté par M. François Bayrou :

Supprimer cet article.

Amendements identiques présentés par M. Jean-Christophe Lagarde et M. Noël Mamère :

Rédiger ainsi cet article :

« L’article 17 de la Constitution est abrogé ».

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Rédiger ainsi cet article :

« L’article 17 de la Constitution est ainsi rédigé :

« " Le Président de la République a le droit de faire grâce après que le Conseil supérieur de la magistrature a émis un avis public sur la demande. " »

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

Substituer à l’alinéa 2 de cet article l’alinéa suivant :

« Le Président de la République a le droit de faire grâce après que le Conseil supérieur de la magistrature a émis un avis sur la demande. »

Article 7

Amendements identiques présentés par M. Noël Mamère, M. Patrick Braouezec, M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Supprimer cet article.

Amendements présentés par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

•  Avant l’alinéa 1 de cet article, insérer les deux alinéas suivants :

« Le premier alinéa de l’article 18 de la Constitution est ainsi rédigé :

« " Le Président de la République peut communiquer avec les deux assemblées du Parlement par des messages qu’il fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat. " »

•  Dans l’alinéa 2 de cet article, après les mots : « Il peut prendre la parole », insérer les mots : « une fois par an ou à chaque fois qu’une intervention militaire extérieure le nécessite, ».

•  Dans l’alinéa 2 de cet article, supprimer les mots : « ou devant l’une ou l’autre de ses assemblées ».

Amendement présenté par M. François Bayrou :

Rédiger ainsi la deuxième phrase de l’alinéa 2 de cet article :

« Sa déclaration donne lieu, en sa présence, à un débat qui n’est suivi d’aucun vote. »

Amendements présentés par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

•  Dans l’alinéa 2 de cet article, supprimer les mots : « , hors sa présence, ».

•  Compléter l’alinéa 2 de cet article par la phrase suivante :

« Cette faculté ne peut cependant s’exercer lorsqu’une procédure de révision constitutionnelle est engagée, dans les conditions prévues à l’article 89. »

Article 8

Amendement présenté par M. François Bayrou :

Supprimer l’alinéa 2 de cet article.

Après l’article 8

Amendements identiques présentés par M. Noël Mamère, M. René Dosière et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Insérer l’article suivant :

« Le premier alinéa de l’article 23 de la Constitution est ainsi rédigé :

« " Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat électif, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle. " »

Amendement présenté par M. René Dosière et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Insérer l’article suivant :

« Le premier alinéa de l’article 23 de la Constitution est ainsi rédigé :

« "Les incompatibilités applicables aux membres du Parlement le sont également aux membres du Gouvernement." »

Article 9

Amendement présenté par M. Bertrand Pancher :

Après le mot : « loi », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 2 de cet article : « , contrôle l’action du Gouvernement et concourt à l’évaluation des politiques publiques. »

Amendement n° 5 présenté par M. Didier Migaud et amendement identique présenté par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Compléter l’alinéa 2 de cet article par la phrase suivante :

« Il contribue à l’évaluation des politiques publiques. »

Amendements présentés par M. Patrick Braouezec :

•  Compléter l’alinéa 2 de cet article par la phrase suivante :

« Il contrôle l’administration, contrôle et évalue les politiques publiques, s’assure de l’exécution des lois et est informé de toute négociation tendant à la conclusion d’un accord international. »

•  Après l’alinéa 2 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

« Le Parlement conduit la politique économique et sociale du pays. Il décide de la politique budgétaire. »

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Compléter l’alinéa 4 de cet article par la phrase suivante :

« Au moins deux dixièmes d’entre eux sont élus à la représentation proportionnelle intégrale dans la circonscription nationale, corrective du scrutin uninominal majoritaire de circonscriptions. »

Amendements présentés par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

•  Compléter l’alinéa 4 de cet article par la phrase suivante :

« Un dixième d’entre eux sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans les conditions prévues par une loi. »

•  Dans l’alinéa 5 de cet article, substituer aux mots : « en tenant compte » les mots : « en fonction ».

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Les modes de scrutin pour l’élection du Parlement respectent la diversité politique de la Nation. Ils garantissent le pluralisme et l’équité de sa représentation parlementaire. »

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Le mandat de membre du Parlement est incompatible avec l’exercice d’un autre mandat électif prévu par la présente Constitution. Tout mandat électif autre que celui de membre du Parlement cesse dès l’acquisition de celui-ci. »

Après l’article 9

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Insérer l’article suivant :

« Après l’article 24 de la Constitution, il est inséré un article 24-1 ainsi rédigé :

« " Art. 24-1. —  Nul ne peut exercer plus de trois mandats parlementaires consécutifs. " »

Article 10

Amendements présentés par M. Jean-Jacques Urvoas et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

•  Après l’alinéa 1 de cet article, insérer les deux alinéas suivants :

« Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« " Le mandat parlementaire de député est incompatible avec l’exercice de tout autre mandat ou fonction élective. " »

•  Après l’alinéa 1 de cet article, insérer les deux alinéas suivants :

« Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« " Le mandat parlementaire de député est incompatible avec l’exercice de tout mandat de maire dans une commune de plus de 20 000 habitants, de la fonction de président de conseil général ou de conseil régional, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle. " »

Amendement présenté par M. Bernard Derosier et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Supprimer l’alinéa 2 de cet article.

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde :

Dans l’alinéa 4 de cet article, après le mot : « indépendante, », insérer les mots : « , au sein de laquelle des membres des groupes politiques régulièrement constitués au Parlement sont représentés proportionnellement à leurs assemblées respectives, et ».

Amendement présenté par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

I. —  Dans l’alinéa 4 de cet article, après le mot : « tendant, » insérer les mots : « pour une durée de dix ans, ».

II. —  Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Cette commission indépendante est composée et fonctionne dans les mêmes conditions que celles fixées par l’article 13 de la Constitution. »

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

Après l’alinéa 4 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

« Ces projets et propositions ne peuvent aboutir lorsque le tiers des membres de la commission s’y sont opposés. »

Après l’article 10

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Insérer l’article suivant :

« L’article 29 de la Constitution est ainsi rédigé :

« " Art. 29. —  Le Parlement se réunit en session extraordinaire à sa propre initiative ou sur proposition du Premier ministre, après avis favorable des trois cinquièmes des membres de l’Assemblée nationale. " »

Amendement présenté par M. Bertrand Pancher :

Insérer l’article suivant :

« L’article 33 de la Constitution est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans le cadre de la procédure instituée à l’article 42, l’examen des projets ou des propositions de loi effectué au sein de la commission saisie en application de l’article 43 est public.

« Il en est de même des auditions effectuées dans le cadre de cet examen. " »

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Insérer l’article suivant :

« L’article 33 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« " Il ne peut être fait obstacle à la création d’une commission d’enquête avec auditions publiques lorsque celle-ci est demandée par soixante députés ou soixante sénateurs. Chaque député ou chaque sénateur ne peut être signataire d’une demande de commission d’enquête constituée en vertu du présent alinéa que trois fois par session ordinaire et une fois au cours d’une même session extraordinaire. " »

Article 11

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Rédiger ainsi cet article :

« L’article 34 de la Constitution est ainsi rédigé :

« " La loi est votée par le Parlement.

« Les dispositions du présent article pourront être précisées par une loi organique. " »

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde [retiré] :

Avant l’alinéa 1 de cet article, insérer les deux alinéas suivants :

« Après le premier alinéa de l’article 34 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« " En dehors des exceptions au principe de non rétroactivité prévues par le droit pénal, la loi ne dispose que pour l’avenir. " »

Amendements présentés par M. Michel Hunault [retirés] :

•  Avant l’alinéa 1 de cet article, insérer les deux alinéas suivants :

« À compter du 1er janvier 2015, le cinquième alinéa de l’article 34 de la Constitution est ainsi rédigé :

« " Les lois de finances de l’année garantissent l’équilibre budgétaire de l’État. Elles ne peuvent autoriser un déficit de fonctionnement, laissant la faculté de recourir à l’emprunt pour les seuls investissements. Elles déterminent les ressources et les charges de l’État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. " »

•  Avant l’alinéa 1 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

« Dans le cinquième alinéa de l’article 34 de la Constitution, les mots : « l’amnistie ; » sont supprimés. »

Amendement présenté par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche [retiré] :

Avant l’alinéa 1 de cet article, insérer les cinq alinéas suivants :

« Les alinéas 19 et 20 de l’article 34 de la Constitution sont ainsi rédigés :

« " Dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique, les lois de finances déterminent :

« " – les ressources et les charges de l’État ;

« " – les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent le plafond global des dépenses.

« " Les lois de financement de la sécurité sociale, compte tenu des conditions générales de l’équilibre financier déterminé par les lois de finances, fixent ses objectifs de dépenses dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. " »

Article 12

Amendement présenté par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Dans l’alinéa 2 de cet article, supprimer les mots : « dans les conditions fixées par leur règlement ».

Article 13

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Rédiger ainsi cet article :

« L’article 35 de la Constitution est ainsi rédigé :

« " Toute intervention des forces armées à l’extérieur du territoire de la République est autorisée par le Parlement.

« " Les accords de défense et les engagements d’assistance militaire souscrits par la France sont transmis pour information au Parlement. " »

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Rédiger ainsi cet article :

« L’article 35 de la Constitution est ainsi rédigé :

« " Art. 35. —  Toute intervention des forces armées à l’extérieur du territoire de la République est autorisée par le Parlement. " »

Amendement présenté par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Rédiger ainsi cet article :

« L’article 35 de la Constitution est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« " Le Gouvernement informe le Parlement des interventions des forces armées à l’étranger dans les trois jours qui suivent le début de celles-ci. Il précise les objectifs poursuivis et les effectifs engagés. Il soumet ses propositions au vote des deux assemblées dans les deux semaines qui suivent leur information.

« " L’éventuelle poursuite des opérations au-delà des six premiers mois est soumise au vote des assemblées.

« " Faute d’accord entre les deux assemblées lors des votes évoqués dans le présent article, le Gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement à la majorité absolue de ses membres.

« " Afin d’assurer le respect des délais fixés dans le présent article, les assemblées se réunissent, si besoin est, de plein droit en session extraordinaire. " »

Amendement n° 10 présenté par M. Guy Teissier, rapporteur au nom de la commission de la défense saisie pour avis :

Compléter la première phrase de l’alinéa 2 de cet article par les mots : « et au plus tard dans les huit jours ».

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

Dans l’alinéa 2 de cet article, après le mot : « Parlement », insérer les mots : « , y compris hors session, ».

Amendement présenté par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche [retirés] :

•  I. —  Rédiger ainsi la dernière phrase de l’alinéa 2 de cet article :

« Cette information donne lieu à un débat qui peut être suivi d’un vote dans les conditions fixées par le règlement intérieur des assemblées. »

II. —  Dans l’alinéa 3 de cet article, substituer au mot : « six » le mot : « trois ».

•  Substituer à la deuxième phrase de l’alinéa 2 de cet article les trois phrases suivantes :

« Il soumet ses propositions au vote des deux assemblées dans les deux semaines. Si besoin est, les assemblées sont réunies en session extraordinaire. En cas de refus du Sénat, le Gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement. »

•  Rédiger ainsi l’alinéa 3 de cet article :

« L’éventuelle poursuite des opérations est soumise au vote des assemblées de six mois en six mois. En cas de refus du Sénat, le Gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement. »

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde :

Dans les alinéas 3 et 4 de cet article, substituer au chiffre : « six », le chiffre : « trois ».

Amendement n° 11 rectifié présenté par M. Guy Teissier, rapporteur au nom de la commission de la défense saisie pour avis :

I. —  Dans la première phrase de l’alinéa 3 de cet article, substituer au mot : « six » le mot : « quatre ».

II. —  En conséquence, dans l’alinéa 4 du même article, substituer au mot : « six » le mot : « quatre ».

Amendement présenté par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« " Le Gouvernement informe le Parlement du contenu des accords de défense et de coopération militaire en vigueur, dans les conditions fixées par le règlement intérieur des assemblées. " »

Après l’article 13

Amendement présenté par M. Bernard Derosier et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Insérer l’article suivant :

« L’article 36 de la Constitution est ainsi rédigé :

« " Art. 36. – L’état de siège et l’état d’urgence sont décrétés en Conseil des ministres.

« " Leur prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi. " »

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Insérer l’article suivant :

« L’article 37 de la Constitution est abrogé. »

Amendements identiques présentés par M. Noël Mamère et M. Patrick Braouezec :

Insérer l’article suivant :

« L’article 38 de la Constitution est abrogé. »

Amendements présentés par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

•  Insérer l’article suivant :

« Le premier alinéa de l’article 38 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« " Une telle autorisation est exclue dès lors que les mesures envisagées sont susceptibles de porter atteinte aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques. " »

•  Insérer l’article suivant :

« Le deuxième alinéa de l’article 38 de la Constitution est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« " La ratification des ordonnances ne peut être implicite. Elle fait l’objet d’une loi spécifique. " »

•  Insérer l’article suivant :

« L’article 38 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« " Cette autorisation doit prendre la forme d’une loi spécifiquement consacrée à l’habilitation envisagée. " »

Article 14

Amendement présenté par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Rédiger ainsi cet article :

« L’article 39 de la Constitution est ainsi modifié :

« 1°Après la première phrase du deuxième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« " Ils sont élaborés dans des conditions fixées par une loi organique qui précise les documents dont ils doivent être assortis. " ;

« 2° Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« " Dans les conditions prévues par la loi, le Président d’une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d’État, en vue de son examen en commission, une proposition de loi déposée par l’un des membres de cette assemblée.

« Les avis rendus par le Conseil d’État sur les projets de loi comme sur les propositions de loi sont rendus publics." »

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Avant l’alinéa 1 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

« Dans le deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution, après le mot : « avis », il est inséré le mot : « public ».

Amendement présenté par M. René Dosière et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Avant l’alinéa 1 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

« La dernière phrase du deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution est supprimée. »

Amendement n° 1 présenté par M. Jean-François Copé :

Après l’alinéa 1 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

« Ils sont élaborés dans des conditions fixées par une loi organique. Le Conseil constitutionnel peut être saisi, dans les huit jours suivant leur dépôt, par le Président de l’assemblée intéressée ou par soixante députés ou soixante sénateurs aux fins de vérifier le respect de ces conditions. Il statue dans un délai de huit jours. Dans le cas où il constate que les règles fixées par la loi organique ont été méconnues, le projet est réputé ne pas avoir été déposé. »

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

Dans l’alinéa 2 de cet article, après le mot : « Président », insérer les mots : « ou la Conférence des Présidents ».

Amendement présenté par M. Bertrand Pancher [retiré] :

Dans l’alinéa 2 de cet article, après les mots : « d’une assemblée », insérer les mots : « ou le président d’une commission permanente ».

Après l’article 14

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Insérer l’article suivant :

« L’article 40 de la Constitution est abrogé. »

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

Insérer l’article suivant :

« Dans l’article 40 de la Constitution, les mots : " la création ou l’aggravation d’une charge publique " sont remplacés par les mots : " une aggravation des charges publiques ". »

Article 15

Amendement présenté par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Supprimer cet article.

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Rédiger ainsi cet article :

« L’article 41 de la Constitution est abrogé. »

Amendements présentés par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

•  Substituer aux mots : « ou le Président de l’assemblée saisie », les mots : « , le Président de l’assemblée saisie ou le président de la commission permanente saisie au fond, ».

•  Après les mots : « ou le Président de l’assemblée saisie », insérer les mots : « ou le président d’un groupe parlementaire ».

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Compléter cet article par les deux alinéas suivants:

« Le second alinéa de l’article 41 de la Constitution est ainsi rédigé :

« " En cas de désaccord quant à l’application du précédent alinéa entre le Gouvernement, le Président de l’assemblée saisie ou un dixième des parlementaires de cette même assemblée, le Conseil constitutionnel, à la demande du Gouvernement, du Président de l’assemblée saisie ou de soixante parlementaires de cette même assemblée, statue dans un délai de huit jours. " »

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Dans le deuxième alinéa de l’article 41 de la Constitution, après les mots : " et le Président de l’assemblée intéressée ", sont insérés les mots : " ou le président d’un groupe parlementaire ". »

Article 16

Amendement n° 9 présenté par M. Didier Migaud et amendement identique présenté par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Supprimer l’alinéa 3 de cet article.

Amendements identiques présentés par M. Noël Mamère, M. Bertrand Pancher [retiré], M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche [retiré] :

Dans l’alinéa 4 de cet article, les mots : « d’un mois » sont remplacés par les mots : « de deux mois » et les mots : « de quinze jours » sont remplacés par les mots : « d’un mois ».

Amendement présenté par M. Bernard Derosier et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Rédiger ainsi la dernière phrase de l’alinéa 5 de cet article :

« Si l’urgence a été déclarée dans les conditions prévues à l’article 45, les délais mentionnés à l’alinéa précédent sont rapportés à huit jours. »

Article 17

Amendements identiques présentés par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre, M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche et M. Bertrand Pancher :

Substituer au mot : « huit », le mot : « dix ».

Amendement n° 18 présenté par M. Patrick Ollier :

Compléter cet article par les deux alinéas suivants :

« II. —  L’article 43 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« " Les commissions permanentes organisent librement leur fonctionnement. Elles peuvent notamment créer des sous-commissions, en fonction de leurs sujets de compétence. " »

Amendements présentés par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

•  Compléter cet article par les deux alinéas suivants :

« Le deuxième alinéa de l’article 43 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« " Ces commissions peuvent s’organiser en sous-commissions. " »

•  Compléter cet article par les deux alinéas suivants :

« L’article 43 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« " Dans chaque assemblée, au sein des commissions permanentes et le cas échéant de leurs sous-commissions, les groupes parlementaires régulièrement constitués, disposent d’un nombre de sièges proportionnel à leur importance numérique par rapport à l’effectif des membres composant l’assemblée. " »

Amendement présenté par M. Michel Hunault :

Compléter cet article par les deux alinéas suivants :

« L’article 43 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« " Les projets et propositions de loi qui ont une incidence sur l’environnement sont transmis pour avis aux délégations permanentes à l’écologie et au développement durable de chaque assemblée. Une loi organique détermine les règles relatives au fonctionnement de ces délégations. " »

Article 18

Amendements identiques présentés par M. Noël Mamère, M. Patrick Braouezec, M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Supprimer cet article.

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Rédiger ainsi cet article :

« Dans le premier alinéa de l’article 44 de la Constitution, après le mot : " ont " sont insérés les mots : " à tout moment du débat ". »

Amendements identiques présentés par M. Noël Mamère, M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Rédiger ainsi cet article :

« Après le premier alinéa de l’article 44 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« " Le Gouvernement ne peut introduire, par amendement à un projet de loi, de dispositions nouvelles autres que celles qui sont en relation directe avec une des dispositions du texte en discussion ou dont l’adoption est soit justifiée par des exigences de caractère constitutionnel soit nécessitée par la coordination avec d’autres textes en cours d’examen au Parlement. Ces dispositions ne s’appliquent pas aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. " »

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Rédiger ainsi cet article :

« Après le premier alinéa de l’article 44 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« " Le Gouvernement ne peut introduire, par amendement à un projet de loi, de dispositions nouvelles autres que celles qui sont en relation directe avec une des dispositions du texte en discussion ou dont l’adoption est soit justifiée par des exigences de caractère constitutionnel soit nécessitée par la coordination avec d’autres textes en cours d’examen au Parlement. " »

Amendements identiques présentés par M. Noël Mamère et M. Patrick Braouezec :

Rédiger ainsi cet article :

« Le troisième alinéa de l’article 44 de la Constitution est supprimé. »

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

Compléter cet article par les deux alinéas suivants :

« Après le deuxième alinéa de l’article 44 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« " Lorsqu’un amendement a été adopté par une assemblée, le Gouvernement ne peut demander une nouvelle délibération de l’article amendé au cours de la même lecture devant la dite assemblée. " »

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde :

Compléter cet article par les deux alinéas suivants :

« Après le troisième alinéa de l’article 44 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« " Cette demande est de droit sauf si un représentant d’un groupe parlementaire sollicite un scrutin public sur cette procédure. " »

Article 19

Amendement n° 17 présenté par M. Patrick Ollier :

Supprimer cet article.

Amendement présenté par M. Bernard Derosier et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Avant l’alinéa 1 de cet article, insérer les deux alinéas suivants :

« Le premier alinéa de l’article 45 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« " Lors de l’examen des projets ou propositions de lois, le temps de parole lors de la discussion générale est réparti égalitairement entre groupes parlementaires tels que mentionnés à l’article 51-1. " »

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Rédiger ainsi cet article :

« Le deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution est ainsi rédigé :

« " Lorsque par suite d’un désaccord entre les deux assemblées un projet ou une proposition de loi n’a pu être adopté après deux lectures par chaque assemblée, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par l’Assemblée nationale et le Sénat, demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement. " »

Amendement présenté par M. Bertrand Pancher [retiré] :

Rédiger ainsi cet article :

« Dans le deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution, les mots : " ou, si le Gouvernement a déclaré l’urgence " sont remplacés par les mots : " ou, si le Gouvernement a déclaré l’urgence sans que l’une des conférences des Présidents des deux assemblées s’y soient opposées. " »

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Substituer aux mots : « que les Conférences des Présidents des deux assemblées s’y soient conjointement opposées » les mots : « qu’un tiers des députés ou des sénateurs ne s’y soient opposés avant l’adoption du texte par l’assemblée saisie ».

Amendement présenté par M. Bernard Derosier et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Compléter cet article par les deux alinéas suivant :

« Il est ajouté à l’article 45 de la Constitution un alinéa ainsi rédigé :

« " Le Gouvernement ne peut pas déclarer l’urgence plus de cinq fois par session ordinaire. " »

Article 20

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

I. —  Supprimer la seconde phrase de l’alinéa 2 de cet article.

II. —  Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Le troisième alinéa de l’article 46 de la Constitution est supprimé. »

Amendement présenté par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« L’avant-dernier alinéa de l’article 46 de la Constitution est supprimé. »

Après l’article 20

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre [retiré] :

Insérer l’article suivant :

« Le premier alinéa de l’article 47 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« " À compter de l’exercice 2012, les sections de fonctionnement des projets de loi de finances sont présentés et adoptés en équilibre, dans un cadre pluriannuel. " »

Amendement présenté par M. François Bayrou :

Insérer l’article suivant :

« Après le premier alinéa de l’article 47 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« " En dehors des périodes de récession économique, le montant des charges, hors dépenses d’investissement, voté en loi de finances ne peut être supérieur au montant des ressources. " »

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre [retiré] :

Insérer l’article suivant :

« Le premier alinéa de l’article 47-1 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« " À compter de l’exercice 2012, les projets de loi de financement de la sécurité sociale sont présentés et adoptés en équilibre, dans un cadre pluriannuel. " »

Article 21

Amendement n° 6 présenté par M. Didier Migaud et amendement identique présenté par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche [retiré] :

Compléter la première phrase de l’alinéa 3 de cet article par les mots : « et l’évaluation des politiques publiques ».

Amendements présentés par M. Patrick Braouezec :

•  Rédiger ainsi la dernière phrase de cet article :

« Elle assiste le Parlement dans sa mission d’évaluation des politiques publiques. »

•  Compléter l’alinéa 3 de cet article par les mots : « et au contrôle de l’utilisation des fonds publics par les entreprises publiques et privées. »

Article 22

Amendements présentés par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

•  Rédiger ainsi l’alinéa 3 de cet article :

« L’ordre du jour des assemblées comporte pour un tiers la discussion des projets de loi déposés par le Gouvernement et des propositions de loi acceptées par lui, pour un tiers les propositions de loi des groupes parlementaires qui ont déclaré leur appartenance à la majorité qui soutient le Gouvernement et pour un tiers les propositions de loi de ceux qui ne l’ont pas déclarée. »

•  Après l’alinéa 3 de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Une semaine de séance sur quatre est consacrée exclusivement aux fonctions de contrôle du Parlement ».

Amendement présenté par M. Bertrand Pancher :

I. —  Dans l’alinéa 4 de cet article, supprimer les mots : « , des textes transmis par l’autre assemblée depuis un mois ou plus ».

II. —  Après l’alinéa 4 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

« Les textes transmis par l’autre assemblée sont obligatoirement discutés par l’autre assemblée dans les trois mois suivant leur transmission. »

Amendement n° 16 présenté par M. Patrick Ollier :

Au début de l’alinéa 4 de cet article, substituer aux mots : « En outre » les mots : « Par dérogation ».

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde :

Dans l’alinéa 4 de cet article, substituer aux mots : « un mois » les mots : « deux mois ».

Amendements présentés par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

•  Après le mot : « arrêté », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 5 de cet article : « successivement à l’initiative des groupes parlementaires, par la Conférence des Présidents.»

•  Au début de l’alinéa 5 de cet article, insérer les mots : « Au moins ».

•  Dans l’alinéa 5 de cet article, substituer aux mots : « des groupes parlementaires qui ne déclarent pas soutenir le Gouvernement », les mots : « de chaque groupe parlementaire ».

Amendement n° 3 présenté par M. Jacques Remiller :

Dans l’alinéa 6 de cet article, substituer aux mots : « une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l’article 29, est réservée » les mots : « deux séances par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires prévues à l’article 29, sont réservées ».

Amendements présentés par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

•  Compléter l’alinéa 6 de cet article par la phrase suivante :

« Les questions des membres du parlement sont réparties à égalité entre les groupes parlementaires tels que mentionnés à l’article 51-1. Les réponses du Gouvernement donnent lieu à réplique des auteurs des questions. »

•  [retiré]  Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« À la demande de soixante députés ou soixante sénateurs, une commission d’enquête est constituée. Elle est chargée de recueillir des éléments d’information sur des faits déterminés, y compris lorsque ces faits ont donné lieu à des poursuites judiciaires. »

Amendement n° 13 présenté par M. Patrick Ollier :

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Un jour de séance par mois au moins est réservé à un ordre du jour arrêté par la Conférence des Présidents pour le contrôle et l’évaluation des politiques publiques. »

Après l’article 22

Amendements présentés par M. Noël Mamère :

•  Insérer l’article suivant :

« Après l’article 48 de la Constitution, il est ajouté un article 48-1 ainsi rédigé :

« " Art. 48-1. —  Toute proposition de loi adoptée par l’une des assemblées est inscrite à l’ordre du jour dans un délai d’un an de l’autre assemblée. " »

•  Insérer l’article suivant :

« Après l’article 48 de la Constitution, il est ajouté un article 48-1 ainsi rédigé :

« " Art. 48-1. —  Les membres du Gouvernement peuvent être convoqués, avec un délai de prévenance minimum de trente jours, dans l’une des deux assemblées à une audition publique demandée par un dixième des députés ou un dixième des sénateurs n’ayant pas déclaré appartenir à la majorité qui soutient le Gouvernement. Ils doivent alors se présenter dans l’assemblée concernée dans un délai maximum de sept jours à partir de la date mentionnée dans la convocation. Les membres du Parlement ne peuvent être signataires d’une demande d’audition publique d’un membre du Gouvernement au maximum que trois fois par session ordinaire et une fois au cours d’une même session extraordinaire. " »

Article 23

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Rédiger ainsi cet article :

« Le troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution est supprimé. »

Amendements identiques présentés par M. Noël Mamère, M. Bertrand Pancher et M. Bernard Derosier et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Supprimer les alinéas 3 et 4 de cet article.

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

Supprimer l’alinéa 4 de cet article.

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde :

Compléter l’alinéa 4 de cet article par la phrase suivante :

« Dans ce dernier cas, un représentant d’un groupe parlementaire peut demander un scrutin public immédiat par lequel l’Assemblée nationale peut accepter ou refuser que cette procédure interrompe le débat avant que la responsabilité du Gouvernement soit engagée. »

Article 24

Amendement présenté par M. François Bayrou

Supprimer cet article.

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Rédiger ainsi l’alinéa 2 de cet article :

« Art. 51-1. —  Les groupes parlementaires participent du fonctionnement pluraliste des assemblées. Leurs droits respectifs sont fixés par le règlement de chaque assemblée. »

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

Dans l’alinéa 2 de cet article, supprimer les mots : « selon qu’ils ont ou non déclaré soutenir le Gouvernement ».

Amendement présenté par M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur [retiré] :

Après les mots : « qu’ils », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 2 de cet article : « participent ou non de la majorité de l’assemblée concernée. »

Article 25

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Rédiger ainsi cet article :

« L’article 56 de la Constitution est ainsi rédigé :

« " Art. 56. —  Le Conseil constitutionnel est désigné par le Parlement dans le respect du pluralisme. Il comprend quinze membres, trois désignés par le Président de la République, neuf par l’Assemblée nationale et trois par le Sénat.

« " Il désigne en son sein son Président. " »

Amendement présenté par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Rédiger ainsi cet article :

« L’article 56 de la Constitution est ainsi modifié :

« 1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« " Ces nominations sont soumises à l’avis conforme de la commission visée par l’article 13 de la Constitution qui statue à la majorité des trois cinquièmes. " ;

« 2° Le deuxième alinéa est supprimé ;

« 3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« " Le Président est nommé par ses pairs. Il a voix prépondérante en cas de partage. " »

Après l’article 25

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

Insérer l’article suivant :

« Dans le deuxième alinéa de l’article 61 de la Constitution, après les mots : " le Président du Sénat ", insérer les mots : " , un groupe parlementaire ". »

Article 26

Amendement présenté par M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur :

I. —  Dans l’alinéa 2 de cet article, supprimer les mots : « postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente Constitution ».

II. —  En conséquence, dans le même alinéa, substituer au mot : « celle-ci » les mots : « la Constitution ».

Amendements identiques présentés par M. Jean-Christophe Lagarde et M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Dans l’alinéa 2 de cet article, supprimer les mots : « promulguée postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente Constitution ».

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde :

Dans l’alinéa 2 de cet article, substituer aux mots : « postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente Constitution » les mots : « , quelle que soit sa date de promulgation, ».

Amendement présenté par M. Bertrand Pancher :

Dans l’alinéa 2 de cet article, substituer aux mots : « peut être » le mot : « est ».

Amendement présenté par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

I. —  Dans l’alinéa 2 de cet article, supprimer les mots : « sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation ».

II. —  Compléter l’alinéa 2 de cet article par la phrase suivante :

« Une commission des requêtes au sein du Conseil constitutionnel statue sur la recevabilité de la question préjudicielle ainsi introduite. »

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

Dans l’alinéa 2 de cet article, supprimer les mots : « sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation ».

Amendement présenté par M. Bertrand Pancher :

Dans l’alinéa 2 de cet article, substituer aux mots : « du Conseil d’État ou de la Cour de cassation » les mots : « de toute juridiction ».

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Le Conseil constitutionnel ainsi saisi statue en tant que juridiction. »

Après l’article 27

Amendement présenté par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Insérer l’article suivant :

« L’article 64 de la Constitution est ainsi modifié :

« 1° Dans le premier alinéa, les mots : " Le Président de la République " sont remplacés par les mots : " Le Conseil supérieur de la magistrature ".

« 2° Le second alinéa est supprimé. »

Article 28

Amendement présenté par M. Jean-Yves Le Bouillonnec et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Rédiger ainsi cet article :

« L’article 65 de la Constitution est ainsi rédigé :

« " Art. 65. —  Le Conseil supérieur de la magistrature comprend deux formations, l’une compétente à l’égard des magistrats du siège, l’autre à l’égard des magistrats du parquet.

« " Le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par un de ses membres non magistrat élu par les deux formations réunies en séance plénière.

« " La formation compétente à l’égard des magistrats du siège est présidée par un magistrat du siège élu en son sein. Elle comprend six magistrats du siège et un magistrat du parquet élus, un conseiller d’État désigné par l’assemblée générale du Conseil d’État, un avocat désigné par le conseil national des barreaux ainsi que cinq personnalités n’appartenant ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire, ni à l’ordre administratif. Une d’entre elles est désignée par le Président de la République après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13. Deux d’entre elles sont désignées respectivement par le Président de l’Assemblée nationale et par le Président du Sénat après application de la même procédure. En cas de partage, le président de la formation a voix prépondérante.

« " La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet est présidée par un magistrat du parquet élu en son sein. Elle comprend six magistrats du parquet et un magistrat du siège élus ainsi que le conseiller d’État, l’avocat et les cinq personnalités mentionnés à l’alinéa précédent. En cas de partage, le président de la formation a voix prépondérante.

« " La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de cour d’appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme.

« " Les magistrats du parquet sont nommés sur l’avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet.

« " La formation compétente à l’égard des magistrats du siège et la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet statuent respectivement comme conseil de discipline des magistrats du siège et des magistrats du parquet.

« " Le ministre de la justice peut être entendu à sa demande par le Conseil supérieur de la magistrature.

« " Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par le garde des sceaux, par tout membre du Parlement et par tout magistrat dans les conditions fixées par une loi organique.

« " Le Conseil supérieur de la magistrature peut rendre des avis publics.

« " Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. " »

Amendements présentés par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

•  Compléter l’alinéa 2 de cet article par les deux phrases suivantes :

« Lorsqu’il se réunit en formation plénière, il est présidé par un magistrat élu en son sein, à la majorité de ses membres. En formation plénière, le vote des six personnalités n’appartenant ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire compte double ».

•  Compléter l’alinéa 2 de cet article par la phrase suivante :

« Lorsqu’il se réunit en formation plénière, il est présidé par un magistrat élu en son sein, à la majorité de ses membres. »

•  Après l’alinéa 2 de cet article insérer l’alinéa suivant :

« Lorsqu’il se réunit en formation plénière, le vote des six personnalités n’appartenant ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire compte double. »

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Après l’alinéa 2 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

« Le ministre de la justice peut consulter le Conseil supérieur de la magistrature sur toute question relative au fonctionnement de la justice. Il est entendu par le conseil chaque fois qu’il en fait la demande. Il peut solliciter une nouvelle délibération sur les propositions ou avis en matière de nominations. »

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

Dans la deuxième phrase de l’alinéa 3 de cet article, après le mot : « parquet », insérer les mots : « élus par leurs pairs ».

Amendement présenté par M. François Bayrou

I. —  Dans l’alinéa 3 de cet article, substituer au mot : « six » le mot : « trois », substituer au mot : « deux » le mot : « une », substituer aux mots : « sont nommées » les mots : « est nommée ».

II. —  Dans l’alinéa 4 de cet article, substituer au mot : « six » le mot : « trois ».

Amendements présentés par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

•  Dans la deuxième phrase de l’alinéa 3 de cet article, après le mot : « judiciaire », insérer les mots : « et n’ayant jamais exercé de fonction publique élective, ».

•  Dans la dernière phrase de l’alinéa 4 de cet article, après le mot : « parquet », insérer les mots : « élus par leurs pairs ».

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde :

Rédiger ainsi l’alinéa 6 de cet article :

« Les magistrats du parquet sont nommés après avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente ; celle-ci donne son avis sur les sanctions disciplinaires qui concernent les magistrats du parquet. »

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

Après l’alinéa 6 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

« Les présidents de chacune des formations du Conseil supérieur de la magistrature, lorsqu’elles statuent en matière disciplinaire, ont voix compte double. »

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« " Les procureurs généraux près la Cour de cassation et les cours d’appel sont nommés après avis de la formation du conseil compétente à l’égard des magistrats du parquet. Les autres magistrats du parquet sont nommés sur avis conformes. " »

Article 29

Amendement présenté par M. Bertrand Pancher :

Dans l’alinéa 2 de cet article, après le mot : « Gouvernement », insérer les mots : « ou le Parlement ».

Article 30

Amendement présenté par M. Bertrand Pancher :

Dans l’alinéa 2 de cet article, après le mot : « Gouvernement », insérer les mots : « ou le Parlement ».

Amendement n° 4 présenté par M. Jacques Remiller :

Compléter la première phrase de l’alinéa 2 de cet article par les mots : « et à la santé publique ».

Article 31

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Supprimer cet article.

Amendement n° 7 présenté par M. Philippe Gosselin :

Dans l’alinéa 1 de cet article, substituer aux mots : « des citoyens » le mot : « fondamentaux ».

Après l’article 31

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Insérer l’article suivant :

« Avant le premier alinéa de l’article 72 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« " La politique de décentralisation doit maintenir l’égalité et la solidarité des citoyens sur tout le territoire national. Elle doit permettre de renforcer la démocratie et être intégralement compensée financièrement. " »

Amendement présenté par M. Didier Julia :

Insérer l’article suivant :

« L’article 72-2 de la Constitution est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« " Le Parlement vote chaque année le plafond des dépenses des conseils régionaux. Dans le cadre de ce plafond, les régions s’administrent librement.

« " Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. " »

Amendement présenté par M. Victorin Lurel et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche [retiré] :

Insérer l’article suivant :

« Dans le premier alinéa de l’article 72-3 de la Constitution, après le mot : " Mayotte, " sont insérés les mots : " Saint-Barthélemy, Saint-Martin, " ».

Amendement présenté par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Insérer l’article suivant :

« Après l’article 72-4 de la Constitution, il est inséré un article 72-5 ainsi rédigé :

« " Art. 72-5. —  Le droit de vote et d’éligibilité pour l’élection des conseils des collectivités territoriales peut être accordé aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France. Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. " »

Amendement présenté par M. Patrick Braouezec :

Insérer l’article suivant :

« I. —  Après l’article 75 de la Constitution, il est inséré un titre XII bis ainsi rédigé :

« " Titre XII bis

« " Du droit de vote des étrangers aux élections municipales

« " Art. 75-1. —  Le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales est accordé aux étrangers. Ces derniers peuvent participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d’application du présent article. "

« II. —  L’article 88-3 de la Constitution est abrogé. »

Amendement présenté par M. Noël Mamère :

Insérer l’article suivant :

« L’article 88-3 de la Constitution est abrogé. »

Article 32

Amendement présenté par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche [retiré] :

I. —  Compléter l’alinéa 2 de cet article par les mots : « ainsi que tout document émanant d’une institution de l’Union européenne. »

II. —  Après le mot : « projets », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 3 de cet article : « , propositions ou documents mentionnés à l’alinéa précédent. »

III. —  Après le mot : « comité », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 4 de cet article : « des affaires européennes chargé du contrôle parlementaire dans son domaine de compétence. Les projets d’avis du comité peuvent être inscrits pour un débat en séance publique à la demande de son président. »

Amendements présentés par M. Jean-Christophe Lagarde et les commissaires membres du groupe Nouveau Centre :

•  Après l’alinéa 3 de cet article, insérer l’alinéa suivant :

« Dans les négociations qu’il engage auprès des institutions de l’Union européenne, le Gouvernement prend en considération les prises de position du Parlement. »

•  Dans l’alinéa 4 de cet article, substituer aux mots : « un comité chargé » les mots : « une commission chargée ».

Article 33

Amendement présenté par M. Jean-Christophe Lagarde :

Compléter le dernier alinéa de cet article par les mots : « sauf si la procédure prévue au troisième alinéa de l’article 11 est engagée sur une proposition qui porte sur le même objet ».

Amendement présenté par M. Nicolas Dupont-Aignan :

Compléter le dernier alinéa de cet article par les mots : « , à l’exception des États dont la population est supérieure à dix millions d’habitants pour lesquels ledit projet de loi de ratification est soumis au référendum par le Président de la République ».

Amendements présentés par M. Jean-Christophe Lagarde :

•  Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Toutefois, la procédure prévue au troisième alinéa de l’article 89 ne peut s’appliquer que si la procédure prévue au troisième alinéa de l’article 11 n’est pas engagée sur une proposition qui porte sur le même objet. »

•  Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Toutefois, si ce projet de loi a pour objet l’adhésion d’un État à l’Union européenne et aux Communautés européennes, dont la population représenterait plus de 5 % des habitants de la totalité de la population des pays de l’Union européenne et des Communautés européennes, il est soumis au référendum par le Président de la République selon la procédure prévue au deuxième alinéa de l’article 89. »

Après l’article 33

Amendement présenté par M. René Dosière et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Insérer l’article suivant :

« I. —  Le deuxième alinéa de l’article 89 de la Constitution est ainsi rédigé :

« " Lorsque le projet ou la proposition de révision a été voté par les deux assemblées en termes identiques, la révision est définitive après avoir été approuvée par un référendum organisé dans les six mois par le Président de la République. "

« II. —  Après le troisième alinéa de cet article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« " Lorsque le projet ou la proposition de révision n’a pas été voté en termes identiques après deux lectures dans chaque assemblée, le Président de la République peut soumettre au référendum le texte adopté à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés par l’une ou l’autre des assemblées. " »

Amendement présenté par M. Bertrand Pancher

Insérer l’article suivant :

« Après le troisième alinéa de l’article 89 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« " Lorsque le projet ou la proposition de révision n’a pas été voté en termes identiques après deux lectures dans chaque assemblée, le Président de la République peut soumettre au référendum le texte adopté à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés par l’une ou l’autre des assemblées. " »

Article 34

Amendement présenté par M. Arnaud Montebourg et les commissaires membres du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche :

Dans l’alinéa 4 de cet article, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « prochain ».

ANNEXES

ANNEXE 1 : DISCOURS D’ÉPINAL DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

581

ANNEXE 2 : COMPOSITION DU COMITÉ DE RÉFLEXION ET DE PROPOSITION SUR LA MODERNISATION ET LE RÉÉQUILIBRAGE DES INSTITUTIONS DE LA Ve RÉPUBLIQUE



593

ANNEXE 3 : SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DU COMITÉ CONSTITUTIONNEL

595

ANNEXE 4 : PRÉSIDENTS DE LA RÉPUBLIQUE, PREMIERS MINISTRES
ET GOUVERNEMENTS DE LA IVe ET LA Ve RÉPUBLIQUE


601

ANNEXE 5 : LISTE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES ET ORGANISMES ASSIMILÉS DONT LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE NOMME DES MEMBRES



604

ANNEXE 6 : ÉVOLUTION DU NOMBRE D’AMENDEMENTS À L’ASSEMBLÉE NATIONALE


608

ANNEXE 7 : ÉVOLUTION DU NOMBRE D’AMENDEMENTS AU SÉNAT

610

ANNEXE 8 : FRÉQUENCE DES DÉCLARATIONS D’URGENCE

611

ANNEXE 9 : DURÉE DES SÉANCES À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

613

ANNEXE 10 : UTILISATION DE L’ARTICLE 49 DE LA CONSTITUTION

617

ANNEXE 11 : PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR AU COURS D’AUDITIONS PUBLIQUES


625

ANNEXE 1

DISCOURS D’ÉPINAL
DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

(12 juillet 2007)

Monsieur le Maire, Cher Michel,

Monsieur le Président du Sénat, Cher Christian,

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, Cher Bernard,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Mes Chers amis,

Si vous m’avez élu à la tête de l’État, c’est pour conduire le changement que chacun d’entre vous appelle de ses vœux. Vous le pressentez tous : dans le monde tel qu’il est, la France serait condamnée au déclin si elle restait immobile. Nous avons tous, au fond de nous, la conviction que la France a déjà trop attendu, qu’il y a urgence, que cela ne peut plus attendre, que les réformes ne peuvent plus attendre.

Quand je parle de réformes, je ne parle pas seulement de quelques réformes techniques, je ne parle pas seulement de quelques changements dans la fiscalité, dans les prestations sociales.

Je ne parle pas non plus d’une politique de la table rase. Je ne parle pas d’une politique qui voudrait faire comme si la France était un pays neuf, sans histoire, sans mémoire, sans héritage.

Je parle de cette profonde réforme intellectuelle et morale que la France a toujours su accomplir quand elle sentait que son destin lui échappait.

Je pense, mes chers amis, à cette profonde rupture avec les mentalités, les routines, les comportements du passé que rendent si nécessaire les changements d’époque.

Oui, je pense à la remise en cause des rentes de situation, des privilèges indus, des conservatismes qui bloquent l’élan de la société vers l’avenir.

C’est dans les moments où tout doit changer sous peine du plus grand péril que les institutions se révèlent alors pour ce qu’elles sont. C’est dans ces instants cruciaux où leur rôle est décisif que les institutions expriment leur vérité ultime.

Car nos institutions, ce sont les points fixes des sociétés humaines.

Les institutions, ce sont les règles qui sont connues par avance qui permettent à chacun d’entre vous de savoir raisonnablement ce que vous pouvez attendre de tous les autres.

Les institutions, c’est tout ce qui fait que la société ne marche pas au hasard.

Les institutions, c’est le pont entre le passé et l’avenir.

Les institutions, c’est tout ce qui permet que les énergies, les volontés, les imaginations d’un pays, d’une Nation, se complètent et s’additionnent au lieu de se disperser et de se contrarier.

Les institutions sont la tentative toujours imparfaite, toujours inachevée, toujours recommencée de concilier le besoin éternel de l’ordre et la nécessité vitale du mouvement, pas l’un sans l’autre.

Les institutions sont la réponse que chaque peuple tente d’apporter pour lui-même à l’éternelle question du pouvoir.

On mesure leur grandeur quand la mise à l’épreuve par les événements les plus dramatiques les poussent à aller jusqu’à l’extrême limite de leur logique.

Dans les temps ordinaires, ceux des routines et des habitudes, on peine à discerner l’importance de leur rôle. Mais le jour où viennent les crises, alors se pose la question de savoir si elles ont permis de mettre le pays en mesure de les surmonter et si elles résistent à la pression des circonstances. C’est mon devoir de Président de la République d’évoquer ces questions.

Mes chers amis, nous sommes un pays qui a une longue histoire. Les terribles défaillances qui ont eu des conséquences si tragiques entre 1914 et 1917 avaient des causes plus lointaines et plus profondes que les erreurs ponctuelles du commandement militaire. Elles provenaient des vices de fonctionnement d’un régime depuis longtemps organisé pour que nul ne puisse réellement gouverner. Il aura fallu l’autorité indomptable et républicaine de CLEMENCEAU en 1917 pour que la France fût sauvée.

En 1940, dans cette région, les mêmes causes produisirent les mêmes effets. Là encore, tout venait du régime. Les fautes mêmes du commandement militaire n’étaient pas séparables d’un système qui avait produit des doctrines absurdes et des chefs militaires et politiques à ce point dépassés par les événements qu’ils n’avaient rien vu venir, qu’ils n’avaient pas su prendre à temps la mesure du danger ni imaginer les réponses qui auraient pu le conjurer. Le régime politique avait conduit à l’impuissance tous ceux qui avaient parfaitement compris la montée des périls et qui avaient cherché dans tout ce qu’ils faisaient à provoquer une prise de conscience salutaire. MANDEL, de GAULLE, RAYNAUD ont tout essayé. Aucun n’a été en mesure de faire partager ses vues, pourquoi ? Parce que le régime politique d’alors était ainsi fait qu’il excluait toutes les intelligences lucides, tous les esprits visionnaires et tous les grands caractères. Le régime était ainsi fait que toutes les volontés françaises se trouvaient broyées et que l’impuissance était la règle.

Plus encore qu’à l’impréparation d’une armée qui n’avait pas saisi les ressorts de la guerre moderne, le désastre de 1940 fut imputable au régime qui depuis longtemps en avait préparé les conditions. Le général de GAULLE en avait acquis cette conviction, que toute l’histoire des peuples enseigne et qu’on a tendance à oublier dès que les crises sont passées, que la France a d’abord besoin d’être gouvernée.

Je lance cette remarque à tous ceux qui me demandent si j’en fais trop. La France a besoin d’être gouvernée. Le général de GAULLE avait la conviction que la France a besoin d’institutions qui soutiennent la volonté politique, qui renforcent l’autorité de l’État.

Le général de GAULLE avait la conviction que tout ce qui ruine l’autorité de l’État, qui étouffe la volonté politique, qui nuit à la continuité de l’effort, fait courir à notre pays un danger mortel.

Oui, Cher Michel, en 1946, Le Général de GAULLE était ici à Épinal. Il avait déclaré quelque chose qui m’a beaucoup touché et qui a compté pour moi : « il faut que le chef de l’État en soit un (···). Il faut que le Gouvernement en soit un (···). Il faut que le Parlement en soit un ». Ainsi parlait le Général de GAULLE. Je veux m’inscrire dans cette tradition gaulliste qui a donné à la France les meilleures institutions qu’elle n’ait jamais connue. Le Général de GAULLE voulait que la France fût gouvernée ! Il voulait que la France tirât les leçons de son histoire et qu’elle se souvînt que l’absence si durable d’un véritable gouvernement avait conduit la France au précipice.

Il ne fut pas entendu. Le régime des partis revint avec le régime d’assemblée. La IVe République ressuscita ce qu’il y avait de pire dans la IIIe. On sait comment cela se termina. Derrière l’énergie française qui accomplit en un temps record le miracle de la reconstruction, derrière la mise en place de ce nouveau contrat social que les hommes du Conseil National de la Résistance avaient imaginé, derrière tant d’ardeur, tant de courage, tant de travail français, le régime armait la machine infernale qui pouvait une fois de plus placer le pays au bord du gouffre.

1958, ce fut une fois encore moins la défaillance des hommes que l’aboutissement de la longue crise institutionnelle qui n’avait pratiquement pas cessé depuis que la IVe République avait commencé.

1958, la guerre civile, la crise financière, la crise de confiance, voilà les périls qui menaçaient et que l’État, pris en otage par les partis, livré aux factions et aux intérêts particuliers, ne pouvait pas conjurer tant le régime d’alors rendait impossible le moindre sursaut, tant les meilleures volontés, car les hommes politiques de la IVe comme de la IIIe étaient souvent des hommes de qualité. Mais les meilleures volontés, dans ce régime, se trouvaient condamnées à la paralysie.

Il faut avoir la mémoire bien courte ou la haine viscérale de l’État et de la République pour éprouver de la nostalgie pour ce régime d’impuissance où les gouvernements se trouvaient renversés aussitôt qu’ils étaient formés.

Il faut bien peu se soucier de l’histoire ou bien mal la connaître pour oublier comment les institutions de la IVe République entravaient l’élan de toute cette génération de la Résistance à laquelle, pourtant, la lutte contre l’occupant avait donné une si grande profondeur humaine.

Depuis la Convention jusqu’au naufrage de la IVe République, la France a expérimenté tout ce que les errements du régime d’assemblée pouvaient avoir de conséquences néfastes et parfois tragiques.

Pendant presque deux siècles, bien des républicains français ont cherché à dresser la toute-puissance parlementaire contre la peur de l’homme providentiel et la crainte du pouvoir personnel. Beaucoup d’entre eux n’ont cessé de vivre dans la hantise du 18 brumaire, ou pire encore, du 2 décembre, au point qu’ils ont fini par confondre la démocratie avec l’abaissement du pouvoir exécutif. Pourtant, cela n’a pas empêché la Convention de se jeter dans les bras de ROBESPIERRE, le Directoire, de finir dans les bras de BONAPARTE, la IIIe République dans ceux du Maréchal PÉTAIN et la IVe dans ceux du Général de GAULLE, qui fort heureusement était un démocrate et un républicain qui n’avait aucun penchant pour la dictature. Un régime faible, à un moment donné, conduit un régime trop fort.

C’est qu’il y a toujours un moment où la faiblesse de l’État et le désordre deviennent si insupportables que l’appel à un pouvoir fort devient inévitable, pour le meilleur parfois, pour le pire le plus souvent.

C’est l’une des grandes leçons de l’histoire que l’on a tendance à oublier : la faiblesse excessive de l’État est aussi dangereuse pour la liberté que la toute-puissance de l’État. Cette idée, je la défendrai de toutes mes forces.

Ce régime d’assemblée qui tout au long de notre histoire n’a cessé d’être un régime de paralysie, il ne faut pas le confondre avec le parlementarisme anglais qui correspond si bien au génie du peuple britannique.

Dans le parlementarisme anglais, avec son scrutin uninominal à un tour, son bipartisme, son quasi-consensus idéologique, son absence de courants de pensée révolutionnaires, les majorités sont stables et les gouvernements qui en sont l’émanation sont tout-puissants. Dans les faits le chef du parti qui a gagné les élections dirige le Gouvernement et le Parlement, et la séparation des pouvoirs est en définitive peu marquée.

Dans le régime d’assemblée qui fut, à l’exception des années de guerre, le régime politique de la France de 1877 à 1958, avec son multipartisme, ses clivages idéologiques très forts, sa multitude de courants de pensée d’inspiration révolutionnaire, l’Assemblée était tout, le Gouvernement rien. L’Assemblée pouvait tout défaire mais ne pouvait rien entreprendre faute de majorité stable.

Il faut toujours se remémorer l’expérience historique quand on se prend à rêver d’un modèle qui appartient à une autre culture, qui s’inscrit dans une autre histoire.

C’est une vérité éternelle que les institutions ne valent qu’au regard de l’identité des peuples pour lesquels elles sont faites.

Il y a une singularité française. On ne gouverne pas la France comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou l’Espagne.

La France n’est pas une race, n’est pas une ethnie, n’est pas une tribu. La France n’est pas un pays homogène. La France n’est pas une donnée de la nature.

La France c’est le pays de la diversité, des paysages, des climats, des cultures. La France c’est un agrégat de peuples et de provinces unis par une volonté. La France c’est une construction politique. La France c’est un projet. Pour que la France existât, il a fallu que nos Rois la veuillent avec obstination pendant des siècles, et que la République à son tour la veuille aussi avec la même passion, et la même obstination.

Il a fallu pendant mille ans travailler à unir mille petites patries pour en faire une grande. Et depuis mille ans la France n’a cessé d’être travaillée par l’obsession de son unité.

La France une et indivisible n’est pas une invention de la Révolution Française, ce n’est pas une invention du jacobinisme.

La France une et indivisible, c’est un idéal national qui a cheminé durant des siècles jusqu’à son plein accomplissement.

La France une et indivisible, c’est l’idéal d’une nation qui sait ce que son unité lui a coûté de peines et de sacrifices et qui ne veut rien accepter qui puisse remettre en cause cette unité. Voilà pourquoi on ne gouverne pas la France comme on gouverne l’Allemagne, le Royaume-Uni ou l’Espagne.

Il ne faut pas chercher ailleurs la cause de la passion française pour l’égalité. L’égalité c’est la clé de voûte de l’unité de la France. L’égalité c’est ce par quoi les Français ont surmonté leurs particularismes pour devenir les citoyens d’une seule nation. Ce n’est pas parce qu’ils sont semblables les uns aux autres. Ce n’est pas parce qu’ils se sont forgés au cours des siècles une histoire, des valeurs, une destinée communes que les Français éprouvent le sentiment de leur unité, c’est parce qu’ils veulent se sentir, les Français, égaux en droits et en devoirs.

Si l’unité française se trouve aujourd’hui fragilisée, c’est d’abord parce que pour un nombre de plus en plus grand de français le sentiment d’égalité tend à s’effriter. Avec ceux qui pensent qu’il y en a qui abusent de leurs droits, sans assumer leur devoir. Et les autres qui pensent que malgré le respect de leur devoir, ils n’auront pas les mêmes droits que les autres.

Pour que l’unité soit préservée, il faut qu’il y ait au-dessus de tous les partis, de tous les intérêts, de toutes les tendances un État ayant assez d’autorité pour les dominer.

On peut être aussi libéral que l’on veut, on peut attacher beaucoup de prix à l’initiative individuelle, au marché, à la concurrence. On peut placer la liberté au-dessus de tout, mais on ne peut pas imaginer la France sans un État fort.

Il y a des pays comme les États-Unis où c’est la Nation qui a fait l’État.

Il y a des pays comme la France où c’est l’État qui a fait la Nation.

Il y a en France un rapport à l’État qui étonne une grande partie du monde.

Qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse, il est un fait que beaucoup de ce qui s’est fait de plus grand en France a été fait par l’État.

L’État a toujours été en France l’un des leviers de la modernisation et du progrès et que deviendraient vos régions si l’État les abandonnait ?

L’État a toujours été en France le principal agent de transformation sociale.

L’État a toujours été en France le catalyseur de toutes les réformes intellectuelles et morales et de toutes les révolutions des mentalités qui permettaient de rompre avec la fascination du passé pour apprendre à penser l’avenir.

Ce n’est pas un hasard si la réforme de l’État a toujours été en France le préalable à toute grande entreprise publique.

Il faut prendre la France comme elle est au plus profond d’elle-même, c’est-à-dire au plus profond de la conscience nationale, au plus profond de son identité.

Il faut la prendre avec sa passion de la liberté et sa passion de l’égalité.

Il faut la prendre avec son obsession de l’unité et son aspiration à la diversité.

Il faut la prendre avec sa conception d’un État fort et d’une République indivisible.

En France, la démocratie doit s’accorder avec cette conception particulière de la souveraineté une et indivisible comme la Nation et comme la République, ce qui implique que l’État soit un. Car si l’État en France doit obéir à la séparation des pouvoirs, il ne saurait être divisé en pouvoirs rivaux qui se combattent, qui s’affrontent, qui s’affaiblissent l’un l’autre comme c’est le cas dans les États fédéraux où la méfiance des pouvoirs locaux vis-à-vis du pouvoir central est constante. Comme c’est le cas aussi dans les modèles les plus libéraux où l’on ne croit qu’à la société civile, où l’idéal est celui de l’État minimum, où toute forme de pouvoir est considérée a priori comme une menace pour la liberté.

En France, c’est l’État qui a donné la liberté et inventé les Droits de l’Homme.

En France, l’État doit être assez fort pour dominer les vieilles propensions de notre nation à la division.

En France, l’État doit être assez grand pour s’opposer aux vieux penchants qui ramènent sans arrêt les féodalités et les corporatismes.

En France, l’État doit être un recours au-dessus des partis et au-dessus des factions.

En France, l’État doit être laïque, c’est-à-dire également respectueux de toutes les religions et de toutes les croyances. Ceux qui ne respectent pas la laïcité à la française ne sont pas les bienvenus sur le territoire de la République française. C’est cela la France.

En France, aucun corps intermédiaire, aussi légitime qu’il soit, ne peut faire écran entre le citoyen et l’État.

En France, la République exige que chaque citoyen soit regardé dans ses rapports avec l’État sans considération de ses origines, de sa religion, de sa couleur ou de ses appartenances politiques.

En France, les valeurs de la République et la conception de la Nation créent un penchant pour la démocratie directe plus marqué que dans les autres grandes démocraties. C’est l’identité de la France. C’est cela l’héritage de l’histoire de la France.

La France n’est pas une page blanche. Elle ne part pas de rien à chaque génération.

C’est ce que fit le Général de GAULLE avec la Constitution de la Ve République en renouant les fils de notre histoire qui s’étaient rompus, en démêlant ceux qui s’étaient emmêlés.

La IIIe et la IVe Républiques ont échoué parce qu’au fond elles ne s’inscrivaient pas dans la continuité de la longue durée historique. Parce qu’au fond elles excluaient la IIIe et la IVe que l’État pût être fort. Parce qu’elles excluaient que l’exécutif pût jouer un rôle éminent. Parce qu’elles étaient trop aux mains des partis. Parce qu’elles étaient trop l’affaire des notables de la politique et pas assez l’affaire du peuple.

Le génie du Général de GAULLE fut de renouer avec l’histoire de la longue durée, d’opérer la synthèse avec l’héritage de l’Ancien Régime et celui de la Révolution, de renouer avec une haute conception de l’État, de son impartialité, de sa grandeur.

Le génie du Général de GAULLE fut de comprendre très tôt que le problème essentiel qu’il fallait résoudre était celui de la volonté politique et que le rôle des institutions de la République n’était pas d’empêcher par tous les moyens que s’exprime une volonté politique mais qu’au contraire il fallait, par tous les moyens, encourager cette volonté politique et lui donner la force d’agir.

Le génie du Général de GAULLE, c’est que la volonté politique ne lui a jamais fait peur mais qu’au contraire il l’espérait, comme une nécessité vitale pour la France.

Le génie du Général de GAULLE, c’est d’avoir voulu rompre avec la malédiction qui depuis Mac Mahon pesait sur l’exécutif.

Le génie du Général de GAULLLE, c’est d’avoir réussi à imposer la Ve République à un système politique qui lui était hostile et d’avoir réussi la plus grande innovation politique du XXe siècle qui est l’élection du Président de la République au suffrage universel. Spécificité que nous devons à tout prix préserver.

La Ve République a sauvé la République. Elle a permis enfin que le chef de l’État en soit un, que le Gouvernement gouverne, que le Parlement légifère. Elle a permis que dans les circonstances les plus graves les décisions qui devaient être prises soient prises. Elle a permis, excusez du peu, de surmonter la crise algérienne et celle de mai 68. Elle a permis l’alternance sans drame. Elle a supporté la cohabitation sans blocage. Elle a permis qu’en toute circonstance la France soit gouvernée. Elle a permis que dans tous les domaines il y ait enfin véritablement une politique.

Et si depuis 25 ans les changements nécessaires n’ont pas été accomplis, ce n’est pas comme auparavant parce que les institutions empêchent des hommes de qualité d’agir.

Ce ne sont pas les institutions qui sont en cause, ce sont les idées, les comportements, les actes.

Ce ne sont pas les institutions qui sont en cause, ce sont les idées, les comportements, les pratiques, les actes.

La Ve République a donné à la République pour la première fois dans notre histoire la stabilité gouvernementale. Ce n’est pas rien. Il ne faut donc y toucher qu’avec beaucoup de précautions, même si cette stabilité qu’ont si longtemps espérée tous ceux que désolait l’impuissance de l’État a été payée – je prends mes responsabilités – d’un déséquilibre parfois excessif au profit du pouvoir exécutif et au détriment du pouvoir législatif.

Il faut s’approcher de la Constitution de 1958 avec le respect que l’on doit à un grand texte qui a jusqu’à présent rendu de grands services à notre pays. Je ne suis pas sûr que dans le passé on n’ait pas déjà pris trop de libertés avec notre Constitution sans en mesurer et en peser toutes les conséquences.

Je l’ai dit au cours de la campagne présidentielle : je n’ajouterai pas l’incertitude institutionnelle à la crise identitaire et sociale que traverse notre pays.

Je ne changerai pas les grands équilibres de nos institutions.

Je prends mes responsabilités.

Je ne tournerai pas la page de la Ve République.

Cependant, il est vrai que depuis un demi-siècle, le monde et la société française ont beaucoup changé et que le moment est venu de nous interroger sur la manière dont ces changements affectent nos modes de gouvernement et l’idée que nous nous faisons de la démocratie.

Il est vrai que depuis un demi-siècle, la constitution de l’Europe a beaucoup progressé et que le droit communautaire a pris une place grandissante dans notre vie quotidienne.

Il est vrai que depuis un demi-siècle, de nombreuses innovations ont été introduites dans nos institutions qui nous appellent à nous interroger sur leur cohérence. On a, par exemple, instauré le quinquennat sans en tirer aucune conséquence. Je l’affirme, ce n’était pas raisonnable.

Il est vrai que depuis un demi-siècle, les pratiques ont beaucoup changé et que le moment est venu d’en tirer les leçons.

Il ne s’agit pas de dénaturer les institutions qui sont les meilleures que la France ait eues depuis 200 ans.

Il ne s’agit pas de revenir à la IVe République en prétendant faire la VIe.

Il ne s’agit pas de revenir aux errements du passé. Mais il s’agit d’ouvrir ce débat trop longtemps différé. C’est le rôle du Président de la République tel que l’a conçu le Général de GAULLE.

C’est le rôle du Président de la République parce qu’il est la clé de voûte des institutions, parce qu’il est le garant de leur bon fonctionnement.

Mais ce n’est pas l’affaire du seul Président. C’est l’affaire de la Nation tout entière. C’est l’affaire de tous les Français.

Les institutions sont notre règle commune, elles sont fortes que si chacun les accepte et leur reconnaît une légitimité. Il a fallu longtemps pour que la Ve République devienne légitime aux yeux d’une partie de la gauche, malgré le vote des Français qui l’avaient largement approuvée. Il a fallu l’alternance et deux septennats de François MITTERRAND pour que les institutions de la Ve République cessent d’être regardées par une partie de la gauche comme un « coup d’État permanent ». Il a fallu du temps pour que tous ceux qui ne pouvaient pas se défaire du souvenir du 18 brumaire et du 2 décembre et qui avaient cru en retrouver la réplique dans le 13 mai 1958, finissent par accepter la légitimité de l’élection du Président de la République au suffrage universel.

Il a fallu du temps pour que les inconditionnels de la démocratie représentative, qui se méfient des passions populaires, acceptent que nos institutions fassent une plus large place à la démocratie directe.

Je voudrais, que dans le débat qui va s’ouvrir, chacun se sente acteur, que chaque sensibilité, que chaque point de vue puisse s’exprimer. C’est pourquoi je souhaite que le débat sur la modernisation de nos institutions ne soit pas seulement un débat à l’intérieur de la majorité présidentielle, pas simplement un débat entre les hommes politiques ou un débat seulement entre juristes.

Je veux que ce débat soit un débat ouvert, ouvert à tous les partis, à toutes les écoles de pensée, à tous les Français, à toutes les sensibilités. Cette ouverture, le Président de la République doit la conduire parce qu’il est l’élu de la Nation, parce qu’il est Président de tous les Français, parce que le Président de la République ne peut pas être prisonnier d’un parti, parce que le rôle du Président de la République c’est de rassembler, de parler pour tous les Français, parce que son rôle c’est d’abord de faire vivre la diversité française.

Je consulterai les partis politiques pour qu’ils puissent faire part de leur réflexion. Je vous annonce la création dun la création dun comité qui associera des hommes politiques, des juristes, des intellectuels, auxquels je demanderai de réfléchir ensemble et me faire des propositions dici au 1er novembre pour que notre République devienne irréprochable. Pour que nos institutions soient adaptées aux exigences de la démocratie du XXIe siècle, qui ne sont pas celles du XIXe, ni celles dil y a cent ans, ni celles dil y a cinquante ans.

Ce comité, pour bien remplir sa mission, doit être au-dessus des partis, se tenir à distance des jeux de rôle de la politique ordinaire. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que les personnalités qui le composeront soient choisies sur les seuls critères de leurs qualités personnelles, de leur expérience, de leurs compétences. Je n’ai pas souhaité que les partis y désignent leurs représentants. J’ai souhaité au contraire que chacun y siège en toute liberté, en toute indépendance, et puissent s’exprimer en toute sincérité.

J’ai choisi d’en confier la présidence à Édouard BALLADUR. Sa longue carrière au service de l’État, sa grande expérience des affaires publiques, son sens de l’intérêt général et la réflexion qu’il poursuit depuis longtemps sur le fonctionnement de nos institutions le désignaient tout naturellement pour assumer cette responsabilité.

Je le remercie du fond du cœur d’avoir accepté sans hésiter de servir une fois de plus son pays comme il l’a toujours fait tout au long de sa vie.

J’ai demandé à Jack Lang, qui est agrégé de droit public et dont tout le monde connaît l’expérience d’homme d’État, d’en être un membre éminent.

Je veux, dans les circonstances actuelles, lui dire que je rends hommage à son sens de l’intérêt général, et lui témoigner mon respect et mon estime à un moment où il me semble que sa famille politique ne lui témoigne ni l’un, ni l’autre, lui reprochant simplement d’être un homme ouvert, ouvert d’esprit et ouvert de pratique.

J’ai demandé à Pierre MAZEAUD de prendre sa part à cette entreprise. Il a été Ministre, député, et il a présidé avec brio le Conseil constitutionnel. C’est un juriste hors pair. Avec lui je sais que la Constitution sera abordée avec ce respect dont je parlais tout à l’heure. Je sais aussi que son éternelle jeunesse d’esprit ne sera effrayée par aucune audace dès lors qu’elle n’affaiblira pas l’autorité de l’État. On me dit : « mais ces personnes appartiennent à des courants de pensées différents ». Oui, nous y voilà, raison de plus pour qu’ils assument ensemble la cohérente de leur diversité. La nation française est une synthèse, et c’est par cette synthèse que nous tirerons nos institutions vers le haut.

J’ai demandé de se joindre à eux à de grands juristes comme Guy Carcassonne, professeur de droit constitutionnel, comme Olivier SCHRAMECK, Conseiller d’État, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel et à d’autres encore dont les talents et les mérites sont indiscutables. Mes chers amis, je veux que votre réflexion soit éclairée par l’avis des plus éminents de nos concitoyens.

Ils seront au total entre 12 et 15 membres. Je souhaite que leur travail s’organise autour de la notion de responsabilité. Je suis pour que les institutions permettent à la volonté politique de s’exprimer parce que je veux que la France soit gouvernée. Parce que si le Gouvernement ne peut pas gouverner, la France ne pourra pas se réformer.

Mais mes chers amis, il ne peut y avoir de pouvoir fort sans responsabilité forte. Comme m’amusent et m’interpellent ces commentaires me prévenant : « le Président de la République prend tous les risques, il assume les décisions de son Gouvernement. S’il y a des ennuis comment fera-t-il ? » J’assume mes responsabilités parce que vous m’avez demandé de les assumer, vous n’avez pas attendu de moi que j’aille à la télévision pour dire que ce n’est pas de ma faute, c’est la faute de mon Premier ministre. Mais c’est moi qui l’ai choisi, le Premier ministre ! C’est une question de conviction et de tempérament. Je ne peux pas faire semblant d’être responsable alors que les Français ont fait de moi le premier des responsables. Et chacun d’entre vous, face à vos enfants dans vos familles, vous êtes responsables. Face à l’entreprise ou à l’administration dans laquelle vous travaillez, vous êtes responsables et tous les jours vous assumez vos responsabilités. Au nom de quoi le chef de l’État, qui devrait être le premier des Français, serait donc le seul à devoir s’organiser pour ne pas avoir à assumer les siennes. Je suis responsable. Si cela va bien, j’en tirerai toutes les conséquences. Si cela va mal, je dirai aux Français pourquoi cela va mal. Ils sauront au moins à qui la faute et ainsi on recréera un lien de confiance entre le peuple et les dirigeants, lien qui a été gravement atteint par le déficit de responsabilité.

Oui je souhaite que le Président de la République gouverne. Je me fais immédiatement pardonné, c’est Georges POMPIDOU qui a employé cette formule mais je souhaite que dès lors que le Président gouverne il soit amené à rendre davantage de comptes. Je souhaite donc que soit étudiée la possibilité que le Président de la République puisse s’exprimer au moins une fois par an devant le Parlement pour expliquer son action et pour rendre compte de ses résultats. Même s’il ne peut y avoir débat entre le Président de la République et la Représentation nationale, même s’il n’y a pas juridiquement une mise en jeu de la responsabilité, tout le monde sent bien que ce serait un engagement fort, la mise en jeu d’une forme de responsabilité intellectuelle et j’ose le mot « morale » qui ne serait pas anodine et qui aurait forcément des conséquences politiques sans que pour autant la dignité de la fonction présidentielle et la fonction de recours qu’elle incarne soit le moins du monde remise en cause. Savez-vous que si le Président de la République, quel qu’il soit, veut s’adresser au Parlement, il doit faire lire aujourd’hui un message par un tiers que les parlementaires écoutent sans broncher, debout. Au XXIe siècle, peut-être faudra-t-il, avec l’accord de Christian PONCELET et Bernard ACCOYER et des parlementaires ainsi réunis, dépoussiérer cela. Dans le même esprit, je souhaite que soit examinée la question du nombre de mandats présidentiels. Faut-il les limiter à deux mandats successifs ? Parce que je pense que l’énergie que l’on met à durer, on ne la met pas à agir. Moi, j’ai été élu pour agir, pas pour durer. Ou faut-il laisser les électeurs en décider ? Je souhaite, sur ce sujet très sensible, que le pouvoir de nomination du Président de la République soit encadré, pour que pour les postes à haute responsabilité, la décision soit partagée avec le Parlement, non seulement parce qu’il est nécessaire de sortir de la République des connivences pour rentrer dans la République des compétences, mais aussi parce que l’opposition ayant participé au contrôle des nominations, ayant eu son mot à dire sur la compétence des candidats et la pertinence de leurs projets, on pourra peut-être espérer en finir avec cette valse des responsables à chaque alternance politique qui nuit tant à la continuité de l’action. Comment faut-il organiser ce contrôle ?

Mesdames et Messieurs les parlementaires, quel pouvoir donner au Parlement ? Quel rôle peut y jouer l’opposition ? Voici les questions auxquelles le Comité et vous-mêmes aurez à répondre. Ces questions appellent immédiatement une autre. Je souhaite doter l’opposition d’un statut, pour que l’opposition puisse mieux jouer son rôle dans une démocratie apaisée. De quel moyen, de quel droit doit disposer l’opposition pour être en mesure, non pas d’empêcher la majorité et le Gouvernement de gouverner, mais pour les mettre davantage en face de leurs responsabilités. Un Gouvernement responsable, cela donne une République irréprochable. On peut quand même y réfléchir ensemble, faire un pas vers les autres, trouver le meilleur compromis pour travailler mieux au service de notre pays.

Il faut envisager naturellement cette reconnaissance du rôle de l’opposition dans la perspective d’une revalorisation indispensable du rôle du Parlement. Faut-il redonner au Parlement davantage de maîtrise de son ordre du jour ? Il faut bien reconnaître qu’aujourd’hui, cette maîtrise n’existe pas. Est-ce que c’est normal ? Faut-il créer d’autres Commissions ? Il n’y a pas de Commission spécifique pour le développement durable et l’environnement, enjeux pourtant majeur !

Quels moyens de contrôle supplémentaires doivent être donnés aux assemblées ?

Je souhaite que toutes les questions puissent être posées. Je veux qu’il n’y ait aucun tabou. Je veux qu’il n’y ait aucune autocensure. Je veux même qu’il n’y ait aucun interdit. Parlons-nous en citoyens français passionnés de l’intérêt de la France, pour moderniser nos institutions et donner le meilleur à notre pays. Je vais prendre des exemples.

Je suis réservé quant à la suppression de l’article 49-3 qui permet au Gouvernement de faire adopter un texte quand il n’y a pas de majorité pour voter la censure. Sa suppression, sans doute, modifierait profondément les équilibres de la Ve République. Mais je suis bien obligé de reconnaître que l’utilisation du 49-3 a toujours suscité des débats. Ces débats n’ont jamais été conduits à leur terme. Je veux que l’on aille jusqu’au bout de ce débat.

Il ne faut pas avoir peur de discuter du 49-3, mais je souhaite également que l’on n’ait pas de crainte de discuter de l’article 16. Je ne crois pas qu’il soit pertinent de le supprimer sous le seul prétexte qu’il n’a pas servi depuis longtemps, tant l’histoire a montré qu’aucun pays n’était jamais à l’abri de circonstances exceptionnelles. Mais pourquoi serait-il interdit de discuter de l’article 16 ? Et même si on le garde, de discuter d’une nouvelle rédaction de l’article 16 pour l’adapter aux réalités de notre temps ?

J’ai vu qu’il y avait un débat sur le rôle du Premier ministre ? Il est aussi ancien que la Ve République. Prenons ce débat à bras-le-corps au lieu de l’éluder.

Il y a un débat sur l’étendue des pouvoirs du Président de la République ? Eh bien mettons le sujet sur la table et je prendrai des initiatives dans quelques jours pour que le budget de l’Élysée et de la Présidence de la République obéisse à des conditions de transparence indispensables dans notre pays. Je demanderai au Président de la Cour des comptes de contrôler le budget de la Présidence de la République, ce qui n’a jamais été fait jusqu’à présent.

Il y a un débat sur le retour à un parlementarisme plus pur ? Je n’y suis pas favorable. Mais ce n’est pas une raison de ne pas en parler et de ne pas aller jusqu’au bout.

Il y a des voix qui s’élèvent pour dire que la logique du quinquennat oblige à aller vers un régime présidentiel où la séparation des pouvoirs est totale. Je crois que la France n’est pas prête à cette évolution et que les conditions ne sont pas réunies pour qu’un tel système fonctionne correctement. Mais pourquoi ne pas échanger sur ce sujet, dont j’admets bien volontiers qu’il se pose maintenant qu’il y a le quinquennat.

Il y a une polémique récurrente sur l’indépendance de la justice. Il y a un débat pour savoir si la justice doit être une simple autorité ou un pouvoir au même titre que l’exécutif ou le législatif. Je ne suis pas favorable à une justice qui entrerait en concurrence avec les deux autres pouvoirs. Mais pourquoi ne pas ouvrir ce dossier et en parler une fois pour toutes ? Je le dis devant le garde des Sceaux, ma chère Rachida DATI, que j’apprécie tant, comme vous le savez, et qui fait honneur à la France. Comme c’est curieux, on me rappelle à l’indépendance de la Justice matin midi et soir et on me demandait de signer un décret de grâces collectives qui permettait de libérer 3 000 détenus par le seul fait du Prince, le Prince étant le Président de la République. Moi, ce n’est pas ma conception de la République. Il n’y aura pas droit de grâces collectives, et si les juges de l’application des peines souhaitent prendre leurs responsabilités, qu’ils n’hésitent pas à le faire et je dis également que je ne vois pas au nom de quoi le Président de la République doit présider le Conseil supérieur de la magistrature. D’ailleurs, je pense que si le Président de la République préside, c’est pour décider. Si l’on ne veut pas qu’il décide, eh bien qu’il ne préside pas. Ce n’était pas dans le texte mais cela m’a fait très plaisir de le dire.

Il y a un paradoxe dans le fait que les citoyens français puissent contester les lois françaises devant les juridictions européennes mais ne puissent pas contester leur constitutionnalité devant les tribunaux français. Certains pensent que cette faculté devrait être reconnue aux citoyens de notre pays et que ce serait un progrès pour les libertés. Mais faut-il transformer le Conseil constitutionnel en Cour suprême ? Faut-il que la jurisprudence prenne le pas sur la loi ? Faut-il accroître l’insécurité juridique ? Je ne suis pas favorable à la judiciarisation de la société. Je ne suis pas favorable à ce que le juge prenne le pas sur le législateur. Ce serait une rupture profonde avec notre modèle républicain. Mais pourquoi ne pas examiner les termes de ce débat puisqu’il existe et puisqu’il est sur la table, allons jusqu’au bout de sa logique, présentons les alternatives et choisissons une bonne fois pour toutes.

Il y a un débat sur la représentativité du Parlement et j’ose le mot sur la proportionnelle ? Je suis pour le scrutin majoritaire qui permet de dégager des majorités stables pour gouverner. Mais au nom de quoi peut-on refuser de discuter de l’introduction d’une dose de proportionnelle dans l’une de nos assemblées qui permettrait d’améliorer la représentativité du Parlement sans remettre en cause le fait majoritaire ?

Il y a un vieux débat, cher Christian, sur le rôle du Sénat. Permettez-moi de vous dire que ce débat qui va et vient, c’est le Général de GAULLE, lui-même, qui l’a ouvert en 1969 ? Pourquoi nous interdirions-nous de reprendre ce débat ? Pourquoi refuserions-nous d’examiner dans quelles conditions le Sénat pourrait mieux refléter la diversité française qui a besoin aujourd’hui d’être davantage présente dans les institutions de la République ? Parlons-en.

Vous l’avez compris : je souhaite que l’essentiel soit mis sur la table et je n’ai pas voulu apporter des réponses à toutes ces questions. Je veux ouvrir un débat, pas le refermer. Je prendrai mes responsabilités le moment venu. Je souhaite que l’on examine concrètement tous les moyens qui permettront à notre République et à notre démocratie de progresser.

J’ai une conviction : il ne faut jamais fuir le débat, il ne faut jamais en avoir peur.

Il y a 61 ans, ici même, le Général de GAULLE avait déclaré en conclusion de son discours sur les institutions : « Ces convictions n’ont pas de parti. Elles ne sont ni de gauche ni de droite. Elles n’ont qu’un seul objet, qui est d’être utiles au pays. Ils le savent bien et elles le savent bien, tous les hommes et toutes les femmes de chez nous dont nous avons eu souvent l’honneur et le réconfort de toucher le cœur et d’atteindre l’esprit en leur demandant de se joindre à nous pour servir la France. » Ces phrases n’ont pas pris une ride, il s’agit bien de la même chose et le matin je me dois de penser en commençant ma journée de travail, aux quelque 21 millions de Français qui ont porté leur suffrage sur ma candidature mais je n’ai pas le droit d’oublier les 17 millions qui ont choisi une autre candidate et qui ne sont pas moins Français que les autres et dont je ne suis pas moins le Président que les autres. Je dois faire la synthèse, donner une cohérence pendant la durée de mon mandat aux 21 millions et aux 17 millions. Je n’ai pas le droit d’abandonner une partie de la France parce qu’elle n’a pas fait le choix de ma candidature avant que je ne sois élu. De la même façon, les élus qui sont ici, y a-t-il un maire ou un président d’assemblée départementale qui ne travaille que pour ceux qui ont voté pour lui dans son canton ou dans sa commune ? Cher Michel, ici, à Épinal, tu ne fais pas la différence entre celui qui a voté et celui qui n’a pas voté, tu prends les Spinaliens pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire une collectivité de femmes et d’hommes à égalité de droits et de devoirs. Mais c’est le devoir du Président de la République d’agir ainsi, et ce qui m’étonne c’est que l’on s’étonne des initiatives que je prends pour associer le plus grand nombre à l’action de la Présidence de la République Française. C’est cela la République irréprochable et la démocratie apaisée.

Mes chers amis, on me dit : cela va trop vite ! C’est grand même moins grave que quand cela va pas assez. Vous en faites trop, mais cela fait si longtemps que l’on n’en fait pas assez. La société est si complexe et je vous demande de comprendre que l’on ne peut pas changer la fiscalité si l’on ne change pas la formation, qu’on ne peut pas changer l’Université si l’on ne fait pas une véritable révolution de civilisation dans l’Éducation nationale, que l’on ne peut pas essayer de remettre en valeur des idées si profondes sur le travail et sa récompense, le mérite, l’effort, le respect, l’autorité et en même temps ne pas penser aux institutions. Je veux justement remettre en mouvement l’ensemble de la France parce que tout se tient et que le premier problème de la France, c’est de retrouver de l’énergie pour retrouver de l’espoir. Le but ultime de l’action que je mène, c’est que chacun de vos enfants, c’est que dans chacune de vos familles on se dise que demain pourrait être mieux qu’aujourd’hui, que chacun de nos jeunes se disent que s’ils travaillent dur, ils pourront avoir un avenir meilleur, que chacun et ceux qui sont dans cette salle se disent que s’ils travaillent, ils pourront assurer la promotion sociale de leur famille, ils pourront vivre mieux. Le but de mon action, c’est que le travail soit valorisé, récompensé, que vous puissiez transmettre à vos enfants le fruit d’une vie de travail sans payer un impôt indu sur des successions que, par ailleurs, vous avez à de multiples reprises assumé. Je veux revaloriser le travail, récompenser le travail et je veux par-dessus tout que vous vous disiez qu’il n’y a pas de fatalité, que de nouveau la politique peut agir sur votre vie quotidienne, que l’on peut changer les choses et que celui qui ne peut rien c’est celui qui ne veut rien. Alors, si celui qui ne veut rien ne peut rien, peut-être que ceux qui veulent tout auront quelque chose. Qu’est-ce que nous voulons ? Que vous soyez de nouveau fiers de votre pays, fiers de votre nation, fiers de votre patrie, fiers de la France.

Comme le Général de GAULLE l’a dit ici, qu’il me soit permis de vous dire du fond du cœur :

Vive la République !

Vive la France !

ANNEXE 2

COMPOSITION DU COMITÉ DE RÉFLEXION ET DE PROPOSITION
SUR LA MODERNISATION ET LE RÉÉQUILIBRAGE
DES INSTITUTIONS DE LA Ve RÉPUBLIQUE

(Décret n° 2007-1108 du 18 juillet 2007)

• M. Édouard BALLADUR, ancien Premier ministre, ancien député, est nommé président du comité.

Sont nommés membres du comité, en qualité de vice-présidents :

• M. Jack LANG, ancien ministre, député, ancien professeur de droit public à l’université Paris X (Nanterre) ;

• M. Pierre MAZEAUD, ancien président du Conseil constitutionnel, ancien ministre, ancien député.

Sont également nommés membres du comité :

• M. Denys de BÉCHILLON, professeur de droit public à l’université de Pau et des pays de l’Adour ;

• M. Jean-Louis BOURLANGES, représentant au Parlement européen, professeur associé à l’Institut d’études politiques de Paris ;

• M. Guy CARCASSONNE, professeur de droit public à l’université Paris X (Nanterre) ;

• M. Jean-Claude CASANOVA, membre de l’Institut, président de la Fondation nationale des sciences politiques ;

• M. Dominique CHAGNOLLAUD, professeur de droit public et de sciences politiques à l’université Paris II (Panthéon-Assas) ;

• M. Olivier DUHAMEL, professeur de droit public à l’Institut d’études politiques de Paris, ancien représentant au Parlement européen ;

• M. Luc FERRY, ancien ministre, agrégé de philosophie et de sciences politiques, membre du Conseil économique et social ;

• Mme Anne LEVADE, professeur de droit public à l’université Paris XII (Val-de-Marne) ;

• M. Bertrand MATHIEU, professeur de droit public à l’université Paris I (Panthéon-Sorbonne), président de l’Association française de droit constitutionnel ;

• M. Olivier SCHRAMECK, conseiller d’État, professeur associé à l’université Paris I (Panthéon-Sorbonne).

ANNEXE 3

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS DU COMITÉ CONSTITUTIONNEL

Objet

Proposition

Base juridique

UN POUVOIR EXÉCUTIF MIEUX CONTRÔLÉ

1

Rôle du Président de la République

Donner une définition plus exacte du rôle du Président de la République

Constitution

2

Rôle du Gouvernement

Donner une définition plus exacte du rôle du Gouvernement

Constitution

3

Rôle du Premier ministre en matière de défense nationale

Clarifier le rôle du Premier ministre en matière de défense nationale

Constitution

4

Simultanéité des élections présidentielle et législatives

Sauf cas de désynchronisation des calendriers, organiser le premier tour des élections législatives le jour du second tour de l’élection présidentielle

Code électoral et décrets de convocation des électeurs

5

Messages du Président de la République au Parlement

Permettre au Président de la République de rendre compte de son action devant la Représentation nationale

Constitution

6

Président de la République et commissions d’enquête parlementaires

Permettre à une commission d’enquête parlementaire d’entendre le Président de la République à la demande de ce dernier

Constitution

7

Pouvoir de nomination

Clarifier les compétences respectives du Président de la République et du Premier ministre en matière de nomination aux emplois civils et militaires

Ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l’État

8

Nominations du Président de la République

Introduire une procédure de contrôle parlementaire sur certaines nominations relevant du Président de la République (voir aussi les propositions nos 68, 69, 74 et 77)

Constitution

9

Droit de grâce

Réserver la grâce aux cas individuels et prévoir un avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM)

Constitution

10

État d’urgence et état de siège

Mieux encadrer l’état d’urgence et l’état de siège

Constitution

11

Article 16

Permettre au Conseil constitutionnel de vérifier si les conditions de mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels prévus à l’article 16 demeurent réunies

Constitution

12

Révision constitutionnelle

Priver le Président de la République de la possibilité de ne pas donner suite à un projet ou une proposition de révision constitutionnelle voté par les deux assemblées (voir en complément la proposition n° 68)

Constitution

13

Interventions du Président de la République dans les médias audiovisuels

Prendre en compte les interventions présidentielles dans le temps de parole de l’exécutif

Recommandation du Conseil supérieur de l’audiovisuel

14

Budget de la Présidence de la République

Prévoir dans le budget de la Présidence de la République la prise en compte de la totalité des crédits nécessaires à son fonctionnement et instituer un contrôle par la Cour des comptes de leur utilisation, comme pour les autres pouvoirs publics constitutionnels

Loi de finances ou loi ordinaire complétant sur ce point le code des juridictions financières

15

Sélection des candidats à l’élection présidentielle

Substituer au système actuel de parrainage une pré-sélection des candidats par un collège de 100 000 élus

Constitution

Loi organique n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel (article 3)

16

Cabinets ministériels

Clarifier les conditions d’emploi des membres des cabinets ministériels

Loi de finances

17

Retour des anciens ministres au Parlement

Permettre aux ministres de retrouver leur siège au Parlement lorsqu’ils cessent d’exercer leurs fonctions gouvernementales

Constitution

18

Cumul des
mandats pour les
ministres

Interdire tout cumul entre une fonction ministérielle et un mandat électif

Constitution

UN PARLEMENT RENFORCÉ

19

Ordre du jour

Donner à la Conférence des Présidents de chaque assemblée parlementaire le pouvoir de fixer son ordre du jour

Constitution

20

Ordre du jour

Limiter à la moitié du temps de séance (contre la totalité aujourd’hui) la faculté pour le Gouvernement d’imposer l’examen de textes ou débats préparés ou acceptés par lui

Constitution

21

Ordre du jour –travail législatif –garanties de l’opposition

Instituer une semaine sur quatre consacrée exclusivement aux activités législatives et réserver une partie substantielle de cet ordre du jour à l’opposition

Constitution

22

Ordre du jour – contrôle – garanties de l’opposition

Instituer une semaine sur quatre consacrée exclusivement aux activités de contrôle et réserver une partie substantielle de cet ordre du jour à l’opposition

Constitution

23

Article 49, alinéa 3

Limiter la portée de l’article 49, alinéa 3 aux seules lois de finances et de financement de la sécurité sociale

Constitution

24

Procédure d’urgence

Permettre aux assemblées, par un veto conjoint, de s’opposer à l’usage de la procédure d’urgence

Constitution

25

Préparation des projets de loi

Imposer des études d’impact préalables au dépôt des projets de loi, avec une procédure spéciale de contrôle par le Conseil constitutionnel

Constitution

26

Préparation des projets de loi

Instituer un contrôleur juridique dans chaque ministère

Loi et décret (notamment code de justice administrative)

27

Préparation des projets de loi

Rendre publics les avis du Conseil d’État sur les projets de loi

Loi (code de justice administrative)

28

Préparation des projets de loi

Soumettre pour avis des propositions de loi au Conseil d’État

Constitution

29

Portée de la loi

Permettre le vote de lois de programmation dans tous les domaines

Constitution

30

Respect des articles 34 et 37 de la Constitution

Permettre au Président de chaque assemblée de déclarer irrecevables les amendements intervenant dans le domaine réglementaire

Constitution

31

Encadrement du pouvoir d’amendement du Gouvernement

Limiter la faculté pour le Gouvernement de déposer des amendements portant articles additionnels à ses propres projets

Constitution

32

Droit d’amendement parlementaire

Assouplir les règles de recevabilité financière des amendements

Constitution

33

Organisation du débat législatif – lutte contre l’obstruction

Permettre à chaque assemblée de fixer, de manière concertée, une durée programmée des débats pour éviter l’obstruction

Règlements des assemblées

34

Nombre de commissions

Permettre à chaque assemblée de constituer en son sein jusqu’à dix commissions permanentes, contre six aujourd’hui

Constitution

35

Présidences de commission

Répartir les présidences de commission parlementaire à la proportionnelle des groupes

Règlements des assemblées

36

Rôle des commissions et organisation du débat législatif

Permettre l’examen approfondi de certains textes en commission avec simple ratification en séance publique après explications de vote

Constitution

37

Texte soumis au débat en séance publique

Discuter en séance publique sur le texte issu des travaux de la commission et non plus sur le projet du Gouvernement

Constitution

38

Amélioration de la préparation des débats législatifs

Instaurer un délai de deux mois entre le dépôt d’un texte et son inscription, en première lecture, à l’ordre du jour

Constitution

39

Transparence des travaux des commissions

Poser le principe de la publicité des auditions des commissions parlementaires

Constitution

40

Commissions d’enquête

Lever l’interdiction faite aux assemblées parlementaires de créer des commissions d’enquête sur des faits faisant l’objet de poursuites judiciaires

Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires

41

Rôle du Parlement en matière de contrôle

Inscrire dans la Constitution la mission de contrôle et d’évaluation des politiques publiques dévolue au Parlement en plus du vote de la loi

Constitution

42

Contrôle : les moyens du Parlement

Prévoir que la Cour des comptes assiste les assemblées parlementaires dans leurs missions de contrôle et d’évaluation

Constitution

43

Contrôle : les moyens du Parlement

Créer au sein de chaque assemblée un Comité d’audit parlementaire, organe composé notamment des présidents de commission, placé sous l’autorité du Président de l’assemblée et chargé d’organiser les activités de contrôle (programme de travail coordonné ; recours à des moyens internes, externes, publics ou privés ; débats sur les suites à donner)

Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et règlements des assemblées

44

Questions au Gouvernement : extension des droits de l’opposition

Accorder un temps de parole équivalent à l’opposition et à la majorité dans les séances de questions au Gouvernement

Règlements des assemblées

45

Questions au Gouvernement : extension des droits du Parlement

Prévoir l’organisation de plein droit de séances de questions au Gouvernement pendant les sessions extraordinaires

Constitution

46

Contrôle de l’exécution des lois en y associant l’opposition

Instituer dans les commissions permanentes des « équipes » de contrôle de l’exécution des lois, composées d’un parlementaire de la majorité et d’un parlementaire de l’opposition

Règlements des assemblées

47

Contrôle de l’exécution des lois le rôle des contrôleurs juridiques des ministères

Permettre aux contrôleurs juridiques institués dans les ministères (cf. proposition n° 26) de faire rapport aux commissions parlementaires sur l’exécution des lois

Loi et règlements des assemblées

48

Le droit de résolution

Permettre à chacune des assemblées de voter des résolutions dans tous les domaines (politique intérieure, extérieure et européenne)

Constitution

49


Europe : organisation du Parlement pour suivre les affaires européennes

Constituer, au sein de chaque assemblée, un comité des affaires européennes, chargé notamment du contrôle du principe de subsidiarité

Constitution

50

Europe : élargissement de l’Union européenne

Aligner la procédure applicable à la ratification des traités d’élargissement de l’Union européenne sur celle qui régit les révisions de la Constitution à l’article 89

Constitution

51

Europe : contrôle des actes européens

Étendre l’obligation de transmission au Parlement à l’ensemble des documents, projets et actes émanant d’une institution de l’Union européenne

Constitution

52

Europe : transposition des directives

Utiliser les nouvelles procédures d’examen simplifié

Règlements des assemblées

53

Politique étrangère et de défense

Informer sans délai le Parlement de toutes opérations militaires hors du territoire national et soumettre à autorisation législative la prolongation de ces interventions au-delà d’une durée de trois mois

Constitution

54

Politique étrangère

Tenir informées les instances parlementaires compétentes des négociations diplomatiques

 

55

Politique de défense

Porter à la connaissance des commissions compétentes les accords de défense

 

56

Disponibilité des parlementaires

Interdire tout cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale

Articles L.O. 137 et suivants et article L.O. 297 du code électoral

57

Droits de l’opposition et commissions d’enquêtes (fonctionnement)

Systématiser la pratique : un parlementaire de l’opposition rapporteur ou président de chaque commission d’enquête

Règlements des assemblées

58

Droits de l’opposition et commissions d’enquêtes (création)

Donner à chaque groupe parlementaire le droit d’obtenir la création d’une commission d’enquête par an

Règlements des assemblées

59

Reconnaissance de la place de l’opposition

Mieux représenter l’opposition dans les manifestations officielles

Décret n° 89-655 du 13 septembre 1989 relatif aux cérémonies publiques, préséances, honneurs civils et militaires

60

Droits de l’opposition

Permettre l’octroi de garanties particulières aux partis, groupements politiques et groupes parlementaires qui ne sont pas dans la majorité, en levant l’obstacle posé par la jurisprudence constitutionnelle

Constitution

61

Droits de l’opposition

Élaborer une « Charte des droits de l’opposition » recensant l’ensemble des droits de l’opposition et garantissant les bonnes pratiques d’une démocratie parlementaire

Charte à écrire

DES DROITS NOUVEAUX POUR LES CITOYENS

62

Représentation des courants d’opinion à l’Assemblée nationale

Introduire une part de proportionnelle pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale (20 à 30 sièges) pour assurer la représentation des formations politiques minoritaires

Articles L. 123 et suivants du code électoral

63

Actualisation du collège pour l’élection des sénateurs

Mieux tenir compte de la démographie dans la composition du collège électoral sénatorial

Constitution

64

Égalité du suffrage

Instaurer une procédure impartiale de redécoupage périodique (tous les dix ans) des circonscriptions électorales pour tenir compte des évolutions démographiques

Constitution

65

Conseil économique et social

Reconnaître au Conseil économique et social un pouvoir consultatif en matière environnementale

Constitution

66

Conseil économique et social

Moderniser la composition du Conseil économique et social

Ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social

67

Droit d’initiative populaire

Instituer le référendum à l’initiative populaire à la demande d’un cinquième des membres du Parlement et d’un dixième des électeurs inscrits

Constitution

68


Procédure de révision de la Constitution

Permettre à l’article 89 qu’en cas de refus d’une révision constitutionnelle par l’une des deux assemblées tandis que l’autre a adopté le texte à la majorité des trois cinquièmes, il soit organisé un référendum, de telle sorte que le peuple souverain soit appelé à trancher (voir en complément la proposition n° 12)

Constitution

69

Justice : Présidence du Conseil supérieur de la magistrature

Mettre fin à la présidence du CSM par le Président de la République et lui substituer dans cette fonction une personnalité indépendante

Constitution

70

Justice : Composition du Conseil supérieur de la magistrature

Élargir la composition du CSM et ne plus faire du garde des Sceaux un membre de droit

Constitution

71

Justice : Attributions du Conseil supérieur de la magistrature

Reconnaître au CSM une compétence consultative pour la nomination des procureurs généraux (et non plus seulement, s’agissant du parquet, pour les procureurs de la République et substituts)

Constitution

72

Justice : Saisine du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables

Permettre aux justiciables de saisir le CSM à titre disciplinaire

Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature (articles 43 et suivants)

73

Stabilité du droit

Interdire les lois rétroactives hors motif déterminant d’intérêt général

Constitution

74

Droits fondamentaux et contrôle de constitutionnalité

Permettre aux justiciables de soulever une exception d’inconstitutionnalité dans le cadre d’une procédure juridictionnelle

Constitution

75

Composition du Conseil constitutionnel

Appliquer à toutes les nominations au Conseil constitutionnel la procédure d’encadrement du pouvoir de nomination prévue au dernier alinéa de l’article 13 (proposition n° 8) ; tirer les conséquences de la juridictionnalisation des missions du Conseil constitutionnel en prévoyant pour l’avenir que les futurs anciens Présidents de la République n’en seront pas membres de droit

Constitution

76

Droits fondamentaux : Défenseur des droits fondamentaux

Instituer un Défenseur des droits fondamentaux reprenant notamment tout ou partie des attributions du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, de la Haute Autorité de la lutte contre les discriminations et pour l’égalité et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et habilité à saisir le Conseil constitutionnel ; permettre à toute personne de saisir directement le Défenseur des droits fondamentaux

Constitution

77

Pluralisme

Créer dans la Constitution un Conseil du pluralisme reprenant notamment les attributions du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la commission des sondages

Constitution

ANNEXE 4

PRÉSIDENTS DE LA RÉPUBLIQUE, PREMIERS MINISTRES
ET GOUVERNEMENTS DE LA IVe ET LA Ve RÉPUBLIQUE

Président de la République

Gouvernements

IVe République

Vincent Auriol

1. Gouvernement de Léon Blum

18 décembre 1946
22 janvier 1947

2. Gouvernement de Paul Ramadier I

22 janvier 1947
21 octobre 1947

3. Gouvernement de Paul Ramadier II

22 octobre 1947
19 novembre 1947

4. Gouvernement de Robert Schuman

24 novembre 1947
19 juillet 1948

5. Gouvernement d’André Marie

26 juillet 1948
27 août 1948

6. Gouvernement de Robert Schuman

5 septembre 1948
7 septembre 1948

7. Gouvernement de Henri Queuille

11 septembre 1948
5 octobre 1949

8. Gouvernement de Georges Bidault

28 octobre 1949
7 février 1950

9. Gouvernement de Georges Bidault

7 février 1950
24 juin 1950

10. Gouvernement de Henri Queuille

2 juillet 1950
4 juillet 1950

11. Gouvernement de René Pleven

12 juillet 1950
28 février 1951

12. Gouvernement de Henri Queuille

10 mars 1951
10 juillet 1951

13. Gouvernement de René Pleven

11 août 1951
7 janvier 1952

14. Gouvernement d’Edgar Faure

20 janvier 1952
28 février 1952

15. Gouvernement d’Antoine Pinay

8 mars 1952
23 décembre 1952

16. Gouvernement de René Mayer

8 janvier 1953
21 mai 1953

17. Gouvernement de Joseph Laniel I

27 juin 1953
16 janvier 1954

René Coty

18. Gouvernement de Joseph Laniel II

16 janvier 1954
12 juin 1954

19. Gouvernement de Pierre Mendès France

18 juin 1954
23 février 1955

20. Gouvernement d’Edgar Faure

23 mars 1955
24 janvier 1956

21. Gouvernement de Guy Mollet

31 janvier 1956
21 mai 1957

22. Gouvernement de Maurice Bourgès-Maunoury

12 juin 1957
30 septembre 1957

23. Gouvernement de Félix Gaillard

6 novembre 1957
15 avril 1958

24. Gouvernement de Pierre Pflimlin

13 mai 1958
28 mai 1958

25. Gouvernement de Charles de Gaulle

1er juin 1958
8 janvier 1959

Ve République

Charles de Gaulle

1. Gouvernement de Michel Debré

8 janvier 1959
14 avril 1962

2. Gouvernement de Georges Pompidou I

14 avril 1962
28 novembre 1962

3. Gouvernement de Georges Pompidou II

28 novembre 1962
8 janvier 1966

4. Gouvernement de Georges Pompidou III

8 janvier 1966
1er avril 967

5. Gouvernement de Georges Pompidou IV

6 avril 1967
31 mai 1968

6. Gouvernement de Georges Pompidou IV
remanié complètement

31 mai 1968
10 juillet 1968

7. Gouvernement de Maurice Couve de Murville

10 juillet 1968
20 juin 1969

Georges Pompidou

8. Gouvernement de Jacques Chaban-Delmas

20 juin 1969
5 juillet 1972

9. Gouvernement de Pierre Messmer I

5 juillet 1972
28 mars 1973

10. Gouvernement de Pierre Messmer II

2 avril 1973
27 février 1974

11. Gouvernement de Pierre Messmer III

27 février 1974
27 mai 1974

Valéry Giscard d’Estaing

12. Gouvernement de Jacques Chirac

27 mai 1974
25 août 1976

13. Gouvernement de Raymond Barre I

25 août 1976
29 mars 1977

14. Gouvernement de Raymond Barre II

29 mars 1977
31 mars 1978

15. Gouvernement de Raymond Barre III

3 avril 1978
13 mai 1981

François Mitterrand

16. Gouvernement de Pierre Mauroy I

21 mai 1981
22 juin 1981

17. Gouvernement de Pierre Mauroy II

22 juin 1981
22 mars 1983

18. Gouvernement de Pierre Mauroy III

22 mars 1983
17 juillet 1984

19. Gouvernement de Laurent Fabius

17 juillet 1984
20 mars 1986

20. Gouvernement de Jacques Chirac

20 mars 1986
10 mai 1988

21. Gouvernement de Michel Rocard I

10 mai 1988
22 juin 1988

22. Gouvernement de Michel Rocard II

23 juin 1988
15 mai 1991

23. Gouvernement d’Édith Cresson

15 mai 1991
2 avril 1992

24. Gouvernement de Pierre Bérégovoy

3 avril 1992
29 mars 1993

25. Gouvernement d’Édouard Balladur

29 mars 1993
11 mai 1995

Président de la République

Gouvernements

Jacques Chirac

26. Gouvernement d’Alain Juppé I

7 mai 1995
7 novembre 1995

27. Gouvernement d’Alain Juppé II

7 novembre 1995
2 juin 1997

28. Gouvernement de Lionel Jospin

2 juin 1997
7 mai 2002

29. Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin I

7 mai 2002
17 juin 2002

30. Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin II

17 juin 2002

30 mars 2004

31. Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin III

31 mars 2004
30 mai 2005

32. Gouvernement de Dominique de Villepin

30 mai 2005
15 mai 2007

Nicolas Sarkozy

33. Gouvernement de François Fillon I

18 mai 2007
18 juin 2007

34. Gouvernement de François Fillon II

19 juin 2007

ANNEXE 5

LISTE DES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES
ET ORGANISMES ASSIMILÉS DONT LE PRÉSIDENT
DE LA RÉPUBLIQUE NOMME DES MEMBRES

Nom

Fondement juridique

Composition

Membres nommés par le Président de la République

Membres nommés par les assemblées du Parlement

Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES)

Articles L. 114-3-1 et suivants du code de la recherche

25 membres

25 membres, dont 14 sur proposition

 

Agence française de lutte contre le dopage (AFLD)

Articles L. 232-5 et suivants du code du sport

9 membres dont le président

9 membres, tous sur proposition

 

Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM)

Articles L. 310-12 et suivants du code des assurances

9 membres dont le président et le vice-président

Le président

 

Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA)

Articles L. 227-1 et suivants du code de l’aviation civile

8 membres dont le président

6 membres, dont le président

1 membre par le Président de l’Assemblée nationale

1 membre par le Président du Sénat

Autorité des marchés financiers (AMF)

Articles L. 621-1 et suivants du code monétaire et financier

16 membres dont le président

Le président

1 membre par le Président de l’Assemblée nationale

1 membre par le Président du Sénat

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)

Article L. 130 du code des postes et des communications électroniques

7 membres dont le président

Le président, après avis des commissions compétentes du Parlement

2 autres membres

2 membres par le Président de l’Assemblée nationale

2 membres par le Président du Sénat

Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Article 10 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire

5 membres dont le président

Le président

2 autres membres

1 membre par le Président de l’Assemblée nationale

1 membre par le Président du Sénat

Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE)

Articles L. 1412-2 et suivants du code de la santé publique

40 membres dont le président

Le président

4 autres membres

1 député par le Président de l’Assemblée nationale

1 sénateur par le Président du Sénat

Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN)

Articles L. 2312-1 et suivants du code de la défense

5 membres dont le président et le vice-président

Le président, le vice-président et 1 membre, choisis sur une liste de 6 noms

1 député par le Président de l’Assemblée nationale

1 sénateur par le Président du Sénat

Commission des infractions fiscales (CIF)

Article L. 228 du livre des procédures fiscales et article 1741 A du code général des impôts

12 membres dont le président

12 membres, choisis parmi les conseillers d’État et conseillers maîtres à la Cour des comptes

 

Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

Article L. 52-14 du code électoral

9 membres dont le président élu en son sein par les membres de la commission

9 membres, tous sur proposition

 

Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS)

Loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications

3 membres dont le président

Le président, sur une liste de 4 noms

1 député par le Président de l’Assemblée nationale

1 sénateur par le Président du Sénat

Commission nationale du débat public (CNDP)

Article L. 121-1 et suivants du code de l’environnement

21 membres dont le président et les 2 vice-présidents

Le président et les 2 vice-présidents

1 député par le Président de l’Assemblée nationale

1 sénateur par le Président du Sénat

Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS)

Loi n° 2000-494 du 6 juin 2000 portant création d’une commission nationale de déontologie de la sécurité

14 membres dont le président

Le président

2 députés par le Président de l’Assemblée nationale

2 sénateurs par le Président du Sénat

Commission nationale d’équipement commercial (CNEC)

Articles L. 751-5 et suivants du code de commerce

8 membres

8 membres, sur désignation préalable par diverses autorités

 

Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)

Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés

17 membres dont le président et les 2 vice-présidents, élus en son sein par les membres de la commission

3 personnalités qualifiées

2 députés et 2 personnalités qualifiées par le Président de l’Assemblée nationale

2 sénateurs et 2 personnalités qualifiées par le Président du Sénat

Commission des participations et des transferts (CPT)

Loi n° 86-912 du 6août 1986 relative aux modalités des privatisations

7 membres dont le président

7 membres dont le président

 

Commission de régulation de l’énergie (CRE)

Loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité

9 membres dont le président et 2 vice-présidents

Le président, après avis des commissions compétentes du Parlement

1 vice-président et 1 membre par le Président de l’Assemblée nationale

1 vice-président et 1 membre par le Président du Sénat

Commission de la sécurité des consommateurs (CSC)

Articles L. 224-1 et suivants du code de la consommation

1 président et 15 membres

Le président

 

Commission des sondages

Loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion modifiée

11 membres

11 membres, dont 9 choisis parmi les membres du Conseil d’État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes

 

Commission pour la transparence financière de la vie politique

Loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique

9 membres

9 membres, dont 3 de droit et 6 élus

 

Conseil de la concurrence

Articles L. 461-1 et suivants du code de commerce

17 membres dont 1 président et 3 vice-présidents

8 membres choisis parmi la magistrature administrative ou judiciaire (dont 3 président ou vice-présidents)

9 personnalités qualifiées (dont 1 président ou vice-président), dont 4 choisies sur une liste de 8 noms établie par les 8 premiers membres

 

Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)

Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

9 membres dont le président

3 membres

Président nommé parmi les 9 membres par le Président de la République

3 membres par le Président de l’Assemblée nationale

3 membres par le Président du Sénat

Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté

1 contrôleur

1 contrôleur, après avis des commissions compétentes du Parlement

 

Défenseur des enfants

Loi n° 2000-196 du 9 mars 2000 instituant un défenseur des enfants

1 défenseur

1 défenseur

 

Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE)

Loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité

11 membres dont le président

Le président

1 autre membre

2 membres par le Président de l’Assemblée nationale

2 membres par le Président du Sénat

Haute autorité de santé (HAS)

Articles L. 161-37 et suivants du code de la sécurité sociale

Collège de 8 membres dont le président

2 membres

Président nommé parmi les 8 membres par le Président de la République

2 membres par le Président de l’Assemblée nationale

2 membres par le Président du Sénat

Haut conseil du Commissariat aux comptes (H3C)

Articles L. 821-1 et suivants du code de commerce

12 membres dont le président

12 membres, dont le président membre de la Cour de cassation

 

Médiateur de la République

Loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur de la République

1 médiateur

1 médiateur

 

Médiateur du cinéma

Loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle

1 médiateur

1 médiateur

 

ANNEXE 6

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’AMENDEMENTS
À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Législature

Année

Amendements enregistrés

Amendements adoptés

Ière législature

1959

1 071

605

1960

1 676

718

1961

1 106

486

1962

711

345

TOTAL

4 564

2 154

IIe législature

1962

30

13

1963

1 674

869

1964

1 723

663

1965

2 247

1 073

1966

2 117

1 117

TOTAL

7 791

3 735

IIIe législature

1967

975

505

1968

168

113

TOTAL

1 143

618

IVe législature

1968

1 431

606

1969

927

389

1970

2 380

1 171

1971

3 331

1 626

1972

2 514

1 167

TOTAL

10 583

4 959

Ve législature

1973

1 620

593

1974

1 897

746

1975

4 036

1 605

1976

3 233

1 325

1977

2 967

1 438

TOTAL

13 753

5 707

VIe législature

1978

2 394

936

1979

3 412

1 176

1980

3 600

1 296

TOTAL

9 406

3 408

VIIe législature

1981

5 060

1 370

1982

9 804

4 273

1983

8 912

3 593

1984

10 081

3 609

1985

5 131

2 857

1986

9

9

TOTAL

38 997

15 711

VIIIe législature

1986

6 180

864

1987

5 031

1 394

1988

298

78

TOTAL

11 509

2 336

IXe législature

1988

2 528

1 098

1989

5 181

2 285

1990

9 910

2 275

1991

8 503

3 694

1992

7 969

3 921

TOTAL

34 091

13 273

Xe législature

1993

12 187

1 420

1994

12 499

2 364

1995

8 524

884

1996

7 249

2 291

1997

2 978

860

TOTAL

43 437

7 819

XIe législature

1997

5 565

1 106

1998

11 469

3 061

1999

12 242

3 485

2000

11 434

4 505

2001

8 659

4 021

2002

1 588

707

TOTAL

50 957

16 885

XIIe législature

2002

3 143

756

2003

36 586

4 023

2004

27 954

4 197

2005

26 225

3 047

2006

147 362

3 704

2007

2 541

1 390

TOTAL

243 811

17 117

XIIIe législature

2007

4 395

1 299

ANNEXE 7

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’AMENDEMENTS
AU SÉNAT

Année

Amendements enregistrés

Amendements adoptés

 

Session

Amendements enregistrés

Amendements adoptés

1969

576

211

 

1995-1996

6 926

1 968

1970

971

723

 

1996-1997

3 592

1 489

1971

1 745

1 178

 

1997-1998

3 228

1 781

1972

1 736

467

 

1998-1999

4 740

2 809

1973

727

468

 

1999-2000

5 556

3 131

1974

1 058

536

 

2000-2001

5 109

3 246

1975

2 185

1 246

 

2001-2002

4 443

2 815

1976

2 189

1 102

 

2002-2003

7 558

2 537

1977

2 185

952

 

2003-2004

10 398

3 685

1978

2 603

1 240

 

2004-2005

7 686

2 706

1979

3 083

1 109

 

2005-2006

8 652

2 799

1980

4 084

1 529

 

2006-2007

5 672

2 118

1981

2 692

887

       

1982

4 857

2 525

       

1983

4 403

2 680

       

1984

4 752

2 647

       

1985

4 180

2 551

       

1986

8 553

900

       

1987

4 478

1 222

       

1988

1 991

826

       

1989

4 025

1 987

       

1990

6 129

1 911

       

1991

4 736

2 617

       

1992

5 232

3 316

       

1993

7 808

1 523

       

1994

5 598

2 301

       

1995*

1 292

409

       

(*) Janvier-septembre.

ANNEXE 8

FRÉQUENCE DES DÉCLARATIONS D’URGENCE

(taux de déclaration d’urgence sur les projets de loi adopté hors conventions)

Ière législature

1960

1961

1962

 

 

TOTAL

Projets adoptés

75

89

34

 

 

198

Déclaration d’urgence

3

1

1

 

 

5

Taux de déclaration d’urgence

4,00%

1,12%

2,94%

 

 

2,53%

             

IIe législature

1962

1963

1964

1965

1966

TOTAL

Projets adoptés

1

65

86

52

96

300

Déclaration d’urgence

1

10

7

3

19

40

Taux de déclaration d’urgence

100,00%

15,38%

8,14%

5,77%

19,79%

13,33%

 

 

 

 

 

 

 

IIIe législature

1967

1968

 

 

 

TOTAL

Projets adoptés

44

5

 

 

 

49

Déclaration d’urgence

5

0

 

 

 

5

Taux de déclaration d’urgence

11,36%

 

 

 

10,20%

             

IVe législature

1968

1969

1970

1971

1972

TOTAL

Projets adoptés

47

40

64

70

78

299

Déclaration d’urgence

14

7

18

20

15

74

Taux de déclaration d’urgence

29,79%

17,50%

28,13%

28,57%

19,23%

24,75%

             

Ve législature

1973

1974

1975

1976

1977

TOTAL

Projets adoptés

41

44

83

67

107

342

Déclaration d’urgence

8

12

20

20

44

104

Taux de déclaration d’urgence

19,51%

27,27%

24,10%

29,85%

41,12%

30,41%

             

VIe législature

1978

1979

1980

 

 

TOTAL

Projets adoptés

52

40

39

 

 

131

Déclaration d’urgence

22

8

14

 

 

44

Taux de déclaration d’urgence

42,31%

20,00%

35,90%

 

 

33,59%

             

VIIe législature

1981

1982

1983

1984

1985

TOTAL

Projets adoptés

29

69

82

67

83

330

Déclaration d’urgence

7

36

22

27

54

146

Taux de déclaration d’urgence

24,14%

52,17%

26,83%

40,30%

65,06%

44,24%

 

 

 

 

 

 

 

VIIIe législature

1986

1987

1988

 

 

TOTAL

Projets adoptés

37

53

2

 

 

92

Déclaration d’urgence

25

35

0

 

 

60

Taux de déclaration d’urgence

67,57%

66,04%

 

 

65,22%

             

IXe législature

1988

1989

1990

1991

1992

TOTAL

Projets adoptés

20

56

57

50

66

249

Déclaration d’urgence

7

30

29

28

35

129

Taux de déclaration d’urgence

35,00%

53,57%

50,88%

56,00%

53,03%

51,81%

 

 

 

 

 

 

 

Xe législature

1993

1994

1995

1995-1996

1996-1997

TOTAL

Projets adoptés

43

58

12

43

22

178

Déclaration d’urgence

13

28

4

15

7

67

Taux de déclaration d’urgence

30,23%

48,28%

33,33%

34,88%

31,82%

37,64%

             

XIe législature

1997

1997-98

1998-99

1999-2000

2000-2001

TOTAL

Projets adoptés

0

30

34

37

25

126

Déclaration d’urgence

4

10

8

12

20

54

Taux de déclaration d’urgence

 

33,33%

23,53%

32,43%

80,00%

42,86%

             

XIIe législature

2002

2002-2003

2003-2004

2004-2005

2005-2006

TOTAL

Projets adoptés

15

39

34

35

33

156

Déclaration d’urgence

4

10

13

7

12

46

Taux de déclaration d’urgence

26,67%

25,64%

38,24%

20,00%

36,36%

29,49%

ANNEXE 9

DURÉE DES SÉANCES À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Année

Jours de séances

Durée

 

Année

Jours de séances

Durée

1958

3

10 h

 

1983

124

937 h

1959

94

478 h

 

1984

138

1 012 h

1960

96

526 h

 

1985

118

793 h

1961

87

390 h

 

1986

129

934 h

1962

92

592 h

 

1987

114

926 h

1963

94

378 h

 

1988

70

484 h

1964

94

506 h

 

1989

117

835 h

1965

79

451 h

 

1990

111

849 h

1966

95

533 h

 

1991

123

954 h

1967

91

552 h

 

1992

121

922 h

1968

92

526 h

 

1993

110

860 h

1969

67

381 h

 

1994

133

996 h

1970

97

574 h

 

1995

88

576 h

1971

101

643 h

 

1996

116

922 h

1972

91

528 h

 

1997

98

858 h

1973

86

577 h

 

1998

123

1 041 h

1974

79

543 h

 

1999

107

1 037 h

1975

103

759 h

 

2000

106

959 h

1976

105

707 h

 

2001

95

858 h

1977

100

609 h

 

2002

77

680 h

1978

98

661 h

 

2003

126

1 186 h

1979

111

766 h

 

2004

139

1 260 h

1980

100

709 h

 

2005

112

956 h

1981

98

791 h

 

2006

121

1 044 h

1982

151

1 177 h

 

2007

84

685 h

ANNEXE 10

UTILISATION DE L’ARTICLE 49 DE LA CONSTITUTION

1. ENGAGEMENTS DE RESPONSABILITÉ DU GOUVERNEMENT SUR SON PROGRAMME

OU UNE DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE

Article 49, alinéa 1, de la Constitution

Nombre

Législature
Gouvernement

Objet

Date du
débat

Nombre
de sièges pourvus

Suffrages
exprimés

Pour

Contre

 

Ire législature :

         

1

Debré

Programme

16.01.1959

576

453

56

2

Debré

Politique générale

15.10.1959

557

441

23

3

Pompidou I

Programme

27.04.1962

551

259

128

 

IIe législature :

         

4

Pompidou II

Politique générale

13.12.1962

482

268

116

 

IIIe législature :

Néant

       
 

IVe législature :

         

5

Chaban-Delmas

Politique générale

16.09.1969

481

369

85

6

Chaban-Delmas

Politique générale

15.10.1970

487

382

89

7

Chaban-Delmas

Politique générale

24.05.1972

486

368

96

 

Ve législature :

         

8

Messmer II

Politique générale

12.04.1973

490

254

206

9

Chirac I

Politique générale

06.06.1974

490

297

181

10

Barre II

Programme

28.04.1977

490

271

186

 

VIe législature :

         

11

Barre III

Politique générale

20.04.1978

491

260

197

 

VIIe législature :

         

12

Mauroy II

Politique générale

09.07.1981

491

302

147

13

Mauroy II

Programme énergétique

07.10.1981

491

331

67

14

Mauroy II

Programme économique

23.06.1982

490

329

157

15

Mauroy III

Politique générale

06.04.1983

490

323

155

16

Mauroy III

Politique générale

19.04.1984

491

329

156

17

Fabius I

Politique générale

24.07.1984

491

279

157

 

VIIIe législature :

         

18

Chirac II

Politique générale

09.04.1986

577

292

285

19

Chirac II

Politique générale

07.04.1987

577

294

282

20

Chirac II

Politique générale

03.12.1987

577

295

282

 

IXe législature :

         

21

Rocard II

Politique au Moyen-Orient

16.01.1991

577

523

43

22

Bérégovoy

Négociations du GATT

25.11.1992

570

301

251

 

Xe législature :

         

23

Balladur

Politique générale

08.04.1993

577

457

81

24

Balladur

Négociations du GATT

15.12.1993

574

466

90

25

Juppé I

Politique générale

23.05.1995

571

447

85

26

Juppé II

Réforme de la sécurité
sociale

15.11.1995

567

463

87

27

Juppé II

Politique générale

02.10.1996

576

464

100

 

XIe législature :

         

28

Jospin

Politique générale

19.06.1997

577

297

252

 

XIIe législature :

         

29

Raffarin II

Politique générale

03.07.2002

577

374

173

30

Raffarin III

Politique générale

05.04.2004

577

374

178

31

Villepin

Politique générale

08.06.2005

577

363

178

 

XIIIe législature :

         

32

Fillon

Politique générale

03.07.2007

577

321

224

2. MOTIONS DE CENSURE « SPONTANÉES »,

AUTRES QUE LES MOTIONS DE CENSURE DÉPOSÉES

EN APPLICATION DE L’ARTICLE 49, ALINÉA 3

Article 49, alinéa 2, de la Constitution

Nombre

Législature
Gouvernement

Objet

Date
du dépôt

Date
du vote

Suffrages

Requis

Obtenus

 

Ire législature :

         

1

Debré

Politique agricole (refus de session extraordinaire)

28.04.1960

05.05.1960

276

122

2

Debré

Politique générale

12.12.1961

15.12.1961

276

199

3

Pompidou I

Politique algérienne

30.05.1962

05.06.1962

276

113

4

Pompidou I

Révision de la Constitution

02.10.1962

04.10.1962

241

280
Adoptée

 

IIe législature :

         

5

Pompidou I

Politique agricole

23.10.1964

27.10.1964

242

209

6

Pompidou III

Politique générale
(retrait de l’OTAN)

13.04.1966

19.04.1966

242

137

 

IIIe législature :

         

7

Pompidou IV

Ordonnances relatives à la sécurité sociale

03.10.1967

10.10.1967

244

207

8

Pompidou IV

Problèmes de l’information (publicité à l’ORTF)

17.04.1968

24.04.1968

244

236

9

Pompidou IV

Politique universitaire

14.05.1968

22.05.1968

244

233

 

IVe législature :

         

10

Chaban-Delmas

Politique générale

14.04.1971

21.04.1971

244

95

11

Messmer I

Politique générale

03.10.1972

05.10.1972

242

94

 

Ve législature :

         

12

Messmer II

Politique générale

05.10.1973

09.10.1973

246

181

13

Messmer II

Politique économique et monétaire

23.01.1974

25.01.1974

246

208

14

Chirac I

Politique économique et sociale

12.12.1974

17.12.1974

246

183

15

Chirac I

Politique économique et sociale

04.04.1975

09.04.1975

246

183

 

VIe législature :

         

16

Barre III

Politique économique et sociale

02.10.1978

04.10.1978

246

199

17

Barre III

Politique économique, sociale et européenne

14.03.1979

16.03.1979

246

86

18

Barre III

Politique économique et sociale

14.03.1979

16.03.1979

246

200

19

Barre III

Politique générale

17.11.1979

20.11.1979

246

202

20

Barre III

Installation des missiles nucléaires américains en Europe

18.12.1979

20.12.1979

246

86

21

Barre III

Politique économique

25.02.1980

27.02.1980

246

199

22

Barre III

Politique économique

25.02.1980

27.02.1980

246

199

 

VIIe législature :

         

23

Mauroy II

Politique économique et sociale

08.09.1981

15.09.1981

246

154

24

Mauroy II

Politique économique, monétaire et sociale

06.10.1981

12.10.1981

246

151

25

Mauroy II

Politique économique et sociale

12.12.1981

16.12.1981

244

151

26

Mauroy II

Politique économique, monétaire et sociale

18.06.1982

23.06.1982

246

157

27

Mauroy II

Politique militaire

19.11.1982

24.11.1982

246

154

28

Mauroy II

Politique générale

07.10.1983

12.10.1983

245

156

29

Mauroy III

Projet de loi sur la liberté de la presse

09.12.1983

14.12.1983

245

158

30

Fabius I

Élection des députés à la proportionnelle

19.04.1985

24.04.1985

246

160

 

VIIIe législature :

         

31

Chirac II

Suppression de l’autorisation administrative de licenciement

07.06.1986

11.06.1986

289

251

 

IXe législature :

         

32

Rocard II

Politique générale

06.12.1988

09.12.1988

286

258

33

Rocard II

Politique européenne

10.05.1989

16.05.1989

289

192

34

Rocard II

Projet de loi sur les étrangers

04.06.1989

06.06.1989

289

264

35

Rocard II

Loi d’amnistie

04.05.1990

09.05.1990

289

262

36

Rocard II

Politique générale

19.12.1990

21.12.1990

288

218

37

Rocard II

Politique générale

09.04.1991

11.04.1991

289

261

38

Cresson

Politique économique

22.10.1991

24.10.1991

289

264

39

Cresson

Politique générale

07.02.1992

11.02.1992

289

261

40

Bérégovoy

Politique agricole

27.05.1992

01.06.1992

289

286

41

Bérégovoy

Projet de loi de finances pour 1993

24.10.1990 (3e séance)

26.10.1992

286

261

 

Xe législature :

         

42

Balladur

Politique générale

07.04.1994

13.04.1994

289

87

43

Juppé

Politique sociale

02.12.1995

05.12.1995

284

88

44

Juppé

Politique générale

15.06.1996

19.06.1996

289

96

 

XIe législature :

         

45

Jospin

Politique générale

24.04.98

29.04.98

289

253

46

Jospin

Corse

18.05.99

25.05.99

289

252

 

XIIe législature :

         

47

Raffarin II

Politique générale

28.06.2003

02.07.2003

289

176

48

Raffarin II

Politique générale

27.02.2004

02.03.2004

289

175

49

Villepin

Politique générale

01.07.2005

05.07.2005

289

174

50

Villepin

Politique générale

15.02.2006

21.02.2006

289

178

51

Villepin

Politique générale

10.05.2006

16.05.2006

289

190

 

XIIIe législature :

         

52

Fillon

Engagement des forces en Afghanistan

03.04.2008

08.04.2008

288

227

ENGAGEMENT DE RESPONSABILITÉ DU GOUVERNEMENT
SUR LE VOTE D’UN TEXTE

Article 49, alinéa 3, de la Constitution

Nombre

Législature

Gouvernement

Projet de loi

Date d’engagement
de la
responsabilité

Date de
dépôt
de la
motion
de censure

Date du
vote
sur la
motion
de censure

Suffrages

Requis

Obtenus

 

Ier législature :

           

1

Debré

Loi de finances pour 1960

25.11.1959

(séance du 24)

25.11.1959

27.11.1959

277

109

   

Programmation militaire

         

2

 

1ère lecture

19.10.1960

(séance du 18)

20.10.1960

24.10.1960

277

207

3

 

2e lecture

17.11.1960

18.11.1960

22.11.1960

277

214

4

 

3e lecture

01.12.1960

02.12.1960

06.12.1960

277

215

5

Pompidou I

Loi de finances rectificative pour 1962 (Pierrelatte)

         
   

1ère lecture

12.07.1962

12.07.1962

16.07.1962

241

206

   

2e lecture

23.07.1962

       
   

3e lecture

24.07.1962

       
 

IIe législature :

Néant

         
 

IIIe législature :

           
 

Pompidou III

Loi d’habilitation en matière économique et sociale

         

6

 

1ère lecture

18.05.1967

18.05.1967

20.05.1967

244

236

7

 

2e lecture

07.06.1967

07.06.1967

09.06.1967

244

236

8

 

3e lecture

14.06.1967

14.06.1967

16.06.1967

244

237

 

IVe législature :

Néant

         
 

Ve législature :

           

9

Barre I

Loi de finances rectificative pour 1976

15.10.1976 (séance du 14)

15.10.1976

19.10.1976

242

181

 

Barre II

Mode d’élection des membres du Parlement européen

16.06.1977 (séance du 15)

       
 

VIe législature :

           

10

Barre III

Loi de finances pour 1980

17.11.1979

18.11.1979

20.11.1979

246

201

11

   

(séance du 16)

18.11.1979

20.11.1979

246

199

               

12

13

 

Financement de la sécurité

sociale (1ère lecture)

04.12.1979

(séance du 03)

05.12.1979

05.12.1979

07.12.1979

07.12.1979

246

246

200

198

               

14

 

Loi de finances pour 1980

13.12.1979

14.12.1979

17.12.1979

246

197

15

 

(Texte de la CMP)

 

14.12.1979

17.12.1979

246

196

               

16

 

Financement de la sécurité

20.12.1979

20.12.1979

22.12.1979

246

191

17

 

sociale (Texte de la CMP)

 

20.12.1979

22.12.1979

246

190

               
   

Loi de finances pour 1980 (deuxième projet)

         

18

 

Première partie

07.01.1980

07.01.1980

09.01.1980

246

202

19

     

07.01.1980

09.01.1980

246

202

20

 

Deuxième partie et ensemble

09.01.1980

09.01.1980

11.01.1980

246

192

21

     

09.01.1980

11.01.1980

246

190

 

VIIe législature :

           

22

Mauroy II

Nationalisation (2e projet)

26.01.1982

26.01.1982

28.01.1982

246

154

   

Les prix et les revenus

     

23

 

1ère lecture

24.06.1982

24.06.1982

28.06.1982

246

138

24

 

2e lecture

09.07.1982

09.07.1982

12.07.1982

245 

146

25

 

3e lecture

13.07.1982

13.07.1982

20.07.1982

245

155

   

Événements d’Afrique du Nord (2e lecture)

23.11.1982

       

26

Mauroy III

Enseignement privé

23.05.1984

23.05.1984

24.05.1984

246

159

     

(séance du 22)

       
               

27

 

Liberté de la presse

05.07.1984

06.07.1984

10.07.1984

246

159

   

(2e lecture)

         

28

Fabius I

Liberté de la presse

07.09.1984

07.09.1984

10.09.1984

246

105

   

(3e lecture)

         
   

Aménagement du temps de travail

         
   

1ère lecture

11.12.1985

       
   

2e lecture

12.02.1986

       
   

3e lecture

27.02.1986

       
 

VIIIe législature :

           

29

Chirac II

           
   

Loi d’habilitation en matière économique et sociale

13.05.1986

14.05.1986

16.05.1986

289

251

               

30

 

Rétablissement du scrutin majoritaire (élection des députés)

20.05.1986

20.05.1986

22.05.1986

289

284

               

31

 

Loi de finances rectificative pour 1986

29.05.1986 (séance du 28)

29.05.1986

02.06.1986

289

251

               

32

 

Privatisation

24.07.1986

24.07.1986

28.07.1986

284

245

               

33

 

Liberté de la communication

06.08.1986 (séance du 05)

06.08.1986

08.08.1986

284

234

               

34

 

Circonscriptions électorales

10.10.1986

10.10.1986

13.10.1986

288

281

               
   

Circonscriptions électorales (Texte de la CMP)

22.10.1986

       
               

35

 

Aménagement du temps de travail

20.05.1987

20.05.1987

26.05.1987

289

250

 

IXe législature :

           
 

Rocard II

Liberté de la communication

         
   

2e lecture

15.12.1988

       
   

3e lecture

21.12.1988

       
               
   

Xe Plan (1989-1992)

28.04.1989

       
               
   

Audiovisuel (présidence commune A2-FR3)

         
   

1ère lecture

19.06.1989

       
   

2e lecture

01.07.1989

       
               

36

 

Programmation militaire (1990-1993)

04.10.1989

05.10.1989

09.10.1989

288

159

               

37

 

Loi de finances pour 1990 Première partie

21.10.1989 (séance du 20)

21.10.1989

23.10.1989

288

240

               

38

 

Deuxième partie et ensemble

17.11.1989 (séance du 16)

17.11.1989

20.11.1989

288

254

   

Programmation militaire

(2e lecture)

27.11.1989

       
   

Diverses dispositions sanitaires et sociales

(11ère lecture)

01.12.1989

       
 

Rocard II

Loi de finances rectificative pour 1989

06.12.1989

       
               
   

Loi de finances pour 1990 première partie (2e lecture)

15.12.1989 (séance du 14)

       
               
   

Programmation militaire

(3e lecture)

15.12.1989

       
               
   

Diverses dispositions sanitaires et sociales (2e lecture)

15.12.1989

       
               
   

Loi de finances pour 1990

         
   

(2e lecture) – Deuxième partie et ensemble

16.12.1989

(séance du 15)

       
   

3e lecture – ensemble

19.12.1989

       
               

39

 

Diverses dispositions sanitaires et sociales (3e lecture)

19.12.1989

19.12.1989

21.12.1989

289

265

               
   

Loi de finances rectificative pour 1989 (2e lecture)

21.12.1989

(séance du 20)

       
               
   

Statut de la Régie Renault

28.04.1990

       
               
   

Loi de finances pour 1991 1ère lecture

         

40

 

articles 92 à 99 : CSG

16.11.1990 (séance du 15)

16.11.1990

19.11.1990

289

284

   

ensemble

20.11.1990 (séance du 19)

       
   

Loi de finances rectificative pour 1990

04.12.1990

       
   

Diverses dispositions sanitaires et sociales

(1ère lecture)

07.12.1990

       
   

Loi de finances pour 1991

         
   

2e lecture

14.12.1990

       
   

3e lecture

19.12.1990

       
     

(séance du 18)

       
               
   

Diverses dispositions sanitaires et sociales

         
   

2e lecture

19.12.1990

(séance du 18)

       
   

3e lecture

20.12.1990

       
               
   

Réforme hospitalière

29.04.1991

       
 

Cresson

Diverses dispositions d’ordre économique et financier

         

41

 

1ère lecture

13.06.1991

13.06.1991

17.06.1991

289

265

     

(séance du 12)

       
   

2e lecture

28.06.1991

       
   

3e lecture

03.07.1991

       
               
   

Agence du Médicament

05.10.1991

       
               
   

loi de financement pour 1992

         
   

(1ère lecture)

         
   

Première partie

19.10.1991

(séance du 18)

       

42

 

Deuxième partie et ensemble

16.11.1991

(séance du 15)

16.11.1991

18.11.1991

289

264

               
   

Loi de finances rectificative pour 1991

05.12.1991

       
               
   

Loi de finances pour 1992 (2e lecture)

         
   

Deuxième partie et ensemble

14.12.1991

(séance du 13)

       
 

Bérégovoy

Médecin et assurance maladie

05.06.1992

       

43

 

Loi de finances pour 1993 (1ère lecture)

         
   

Deuxième partie et ensemble

18.11.1992

(séance du 17)

19.11.1992

23.11.1992

286

257

               
   

Fonds de solidarité vieillesse

11.12.1992

(séance du 10)

       
 

Xe législature :

           

44

Balladur

Privatisation

30.06.1993

01.07.1993

05.07.1993

289

87

45

Juppé II

Loi d’habilitation pour la réforme de la sécurité sociale

10.12.1995

10.12.1995

12.12.1995

287

94

               

46

 

Statut de France Télécom

26.06.1996

27.06.1996

29.06.1996

289

96

               
 

XIe législature :

Néant

         
 

XIIe législature :

           

47

Raffarin III

Élection des conseillers régionaux, des représentants au Parlement européen, l’aide publique aux partis politiques

12.02.2003

13.02.2003

15.02.2003

288

177

               

48

Raffarin III

Libertés et responsabilités locales

23.07.2004

23.07.2004

27.07.2004

289

175

   

(2e lecture)

         
               
 

Villepin

Égalité des chances

10.02.2005

(séance du 9)

       

ANNEXE 11

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR
AU COURS D’AUDITIONS PUBLIQUES

Lundi 5 mai 2008

M. Jean-Marc SAUVÉ, Vice-président du Conseil d’État

Mme Anne LEVADE, professeure à l’université de Paris XII (Val-de-Marne), membre du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République

M. Dominique CHAGNOLLAUD, membre du Conseil supérieur de la magistrature, professeur à l’université de Paris II (Panthéon-Assas), membre du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République

M. Olivier GOHIN, professeur à l’université de Paris II (Panthéon-Assas)

Mme Naïma RUDLOFF, secrétaire générale du Syndicat national des magistrats Force ouvrière (SNM-FO), et M. Emmanuel POINAS, membre du bureau national

M. Jean-François COPÉ, député, président du groupe de l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP) de l’Assemblée nationale

M. Jacques DERMAGNE, Président du Conseil économique et social

M. Pierre AVRIL, professeur émérite à l’université de Paris II (Panthéon-Assas), ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature

M. Pierre MAZEAUD, ancien Président du Conseil constitutionnel, vice-président du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République

M. François BAYROU, député, président du Modem

M. Bernard FRIMAT, sénateur, vice-président du groupe Socialiste du Sénat

M. Noël MAMÈRE, député, représentant des Verts

M. Jean GICQUEL, professeur émérite à l’université de Paris I (Panthéon-Sorbonne), ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature

Mardi 6 mai 2008

M. Jean-Claude COLLIARD, ancien membre du Conseil constitutionnel, professeur à l’université Paris I (Panthéon-Sorbonne)

M. Pierre LEQUILLER, député, président de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne

M. Patrick OLLIER, député, président de la commission des Affaires économiques, de l’environnement et du territoire de l’Assemblée nationale

M. Marc GUILLAUME, secrétaire général du Conseil constitutionnel

M. Vincent LAMANDA, Premier président de la Cour de cassation

M. Bertrand MATHIEU, professeur à l’université de Paris I (Panthéon-Sorbonne), président de l’Association française de droit constitutionnel, membre du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République

M. Jean-Claude SANDRIER, député, président du groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine (GDR) de l’Assemblée nationale

M. Jack LANG, député, vice-président du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République

Mercredi 7 mai 2008

M. Jean-Marc AYRAULT, député, président du groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche (SRC) de l’Assemblée nationale, et M. Arnaud MONTEBOURG, député, vice-président

M. Jean-Paul DELEVOYE, Médiateur de la République

Mme Emmanuelle PERREUX, présidente du Syndicat de la magistrature (SM), et Mme Natacha RATEAU, vice-présidente

M. Guy CARCASSONNE, professeur à l’université de Paris X (Nanterre), membre du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République

M. Bruno THOUZELLIER, président de l’Union syndicale des magistrats (USM), et M. Christophe REGNARD, secrétaire national

M. Jean-Louis NADAL, Procureur général près la Cour de cassation

M. Bernard ACCOYER, député, Président de l’Assemblée nationale

© Assemblée nationale

1 () Voir annexe 1, page 581.

(2 ) Décret n° 2007-1108 du 18 juillet 2007.

3 () Voir composition en annexe 2, page 593.

4 () Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République présidé par M. Édouard Balladur, dit « comité Balladur », Une Ve République plus démocratique, rapport au Président de la République, 29 octobre 2007.

5 () Deuxième séance du 30 octobre 2007, Journal officiel Débats Assemblée nationale, page 3544.

6 () Voir liste des auditions en annexe, page 625.

7 () Maurice Duverger, La VIe République et le régime présidentiel, Paris, Fayard, 1961, pages 106-107.

8 () Loi constitutionnelle du 3 juin 1958 portant dérogation transitoire aux dispositions de l’article 90 de la Constitution.

9 () M. Jean-Pierre Bel, Pour une nouvelle République, proposition de réforme des institutions à Ségolène Royal, 8 février 2007.

10 () La notion de « parlementarisme rationalisé » fut inventée à la fin de la première guerre mondiale pour caractériser les nouvelles Constitutions européennes de 1919-1920, qui s’étaient efforcées de codifier les règles coutumières du régime parlementaire et d’inventer des mécanismes précis et rigides pour maintenir l’équilibre respectif des assemblées et de l’exécutif. Cette première expérience se révéla décevante, la plupart de ces Constitutions n’ayant pas duré. Le terme est employé dans un sens légèrement différent à propos de la Ve République : dans ce cas, il désigne plutôt les règles encadrant l’organisation du travail parlementaire et la procédure législative.

11 () Instauré par le décret du 2 décembre 1992, ce comité était composé de MM. Georges Vedel, président, Marceau Long, Vice-président du Conseil d’État, Pierre Drai, Premier président de la Cour de cassation, Guy Braibant, président de section au Conseil d’État, Mme Suzanne Grévisse, présidente de section honoraire au Conseil d’État, M. Jean-Claude Colliard, Mme Mireille Delmas-Marty, MM. Olivier Duhamel, Louis Favoreu, Alain Lancelot, François Luchaire, Didier Maus, professeurs d’université, Pierre Mauroy, Daniel Soulez Larivière, Pierre Sudreau, personnalités qualifiées. Son rapport, au Président de la République, a été publié au Journal officiel du 16 février 1993.

12 () M. Jean Garrigues, Histoire du Parlement de 1789 à nos jours, Paris, Armand Colin, Collection d’histoire parlementaire, 2007, page 430.

13 () Ibid., page 443.

14 () Cf. processus de révision générale des politiques publiques (RGPP), annoncée le 20 juin 2007 en Conseil des ministres, lancée dès le 10 juillet, analysée une première fois par le conseil de modernisation, le 12 décembre 2007, amplifiée par ce même conseil, le 4 avril 2008.

15 () Cité par Prosper Duvergier de Hauranne, Histoire du gouvernement parlementaire en France 1814-1848, tome IV, Paris, Michel Lévy Frères, 1860, page 149.

16 () Voir la liste page 19.

17 () Hubert Beuve-Méry, « De la dictature temporaire au régime semi-présidentiel », in Droits, institutions et systèmes politiques, Mélanges en hommage à Maurice Duverger, Paris, PUF, 1987, page 533.

18 () Voir, en annexe 4, la liste des gouvernements et des Premiers ministres sous la IVe et la Ve République, page 601.

19 () Jean Charlot, « L’efficacité de la Constitution face aux crises », in MM. Olivier Duhamel et Jean-Luc Parodi (direction), La Constitution de la Cinquième République, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, Références, 1988, pages 276-278.

20 () Le seul précédent est constitué par la succession, en 1830, de la Charte constitutionnelle du 14 août qui a remplacé celle du 4 juin 1814.

21 () M. Maurice Duverger, op. cit., page 110.

22 () Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, tome 1, Paris, Gallimard, Quarto, 2002 (1994 pour l’édition originale), page 226.

23 () Paul Coste-Floret, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur les propositions de loi constitutionnelle : 1° de M. Paul Coste-Floret tendant à établir un véritable régime présidentiel par la révision des articles 8, 12, 13, 16, 19, 20, 21, 22, 29, 38, 39, 45, 49, 50, 51, 54 et 61 de la Constitution ; 2° de M. Robert Hersant tendant à instaurer en France le régime présidentiel par la révision des articles 5, 6, 8, 19, 21 de la Constitution ; 3° de M. Robert Hersant tendant à la création d’une cour suprême, gardienne de la Constitution, par la révision des articles 56 à 65 de la Constitution ; 4° de M. Robert Hersant tendant, dans le cadre d’un régime présidentiel, à assurer l’équilibre des pouvoirs par la révision des articles 10, 12, 18, 44, 48, 49, 50, 51, de la Constitution ; 5° de M. Robert Hersant tendant à réglementer l’usage du référendum par la révision de l’article 11 de la Constitution ; 6° de M. Robert Hersant tendant, dans le cadre d’un régime présidentiel, à assurer, par la révision de l’article 16 de la Constitution, le fonctionnement des pouvoirs publics lorsque ceux-ci sont menacés d’une manière grave et immédiate, Assemblée nationale, deuxième session ordinaire de 1962-1963, n° 410, 27 juin 1963.

24 () François Mitterrand, « Sur les institutions », Pouvoirs, n° 45, 1988, pages 137-138.

25 () Voir, par exemple, M. Jean-Louis Quermonne, « Crises de régime et crises de gouvernement », in Les régimes politiques occidentaux, Paris, Le Seuil, Points Essais, 5e édition, 2006, page 49.

26 () M. Maurice Duverger, « Les vaches sacrées », in Itinéraires, études en l’honneur de Léo Hamon, Paris, Economica, Politique comparée, 1982, pages 639-645.

27 () Sénatus-consulte du 7 novembre 1852 portant modification à la Constitution, sénatus-consulte du 25 décembre 1852 portant interprétation et modification de la Constitution du 14 janvier 1852, sénatus-consulte du 2 février 1861 qui modifie l’article 42 de la Constitution, sénatus-consulte du 18 juillet 1866 qui modifie la Constitution et notamment les articles 40 et 41, sénatus-consulte du 14 mars 1867 qui modifie l’article 26 de la Constitution, sénatus-consulte du 8 septembre 1869 qui modifie divers articles de la Constitution, les articles 3 et 5 du sénatus-consulte du 22 décembre 1852 et l’article 1er du sénatus-consulte du 31 décembre 1861 et sénatus-consulte du 21 mai 1870 fixant la Constitution de l’Empire.

28 () Loi constitutionnelle du 7 décembre 1954 tendant à la révision des articles 7 (addition), 9 (1er et 2e alinéas), 11 (1er alinéa), 12, 14 (2e et 3e alinéas), 20, 22 (1ère phrase), 45 (2e, 3e et 4e alinéas), 49 (2e et 3e alinéas), 50 (2e alinéa) et 52 (1er et 2e alinéas) de la Constitution et loi constitutionnelle du 3 juin 1958 portant dérogation transitoire aux dispositions de l’article 90 de la Constitution.

29 () Loi constitutionnelle n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel.

30 () Membres du Parlement, conseillers généraux et représentants élus des conseils municipaux, représentants des États membres de la Communauté.

31 () Loi constitutionnelle n° 2000-964 du 2 octobre 2000 relative à la durée du mandat du Président de la République.

32 () Loi organique n° 2001-419 du 15 mai 2001 modifiant la date d’expiration des pouvoirs de l’Assemblée nationale.

33 () Ce qu’il pouvait faire, en revanche, sous la IIIe République en application de l’article 2 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875 sur les rapports des pouvoirs publics.

34 () Loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995 portant extension du champ d’application du référendum, instituant une session parlementaire ordinaire unique, modifiant le régime de l’inviolabilité parlementaire et abrogeant les dispositions relatives à la Communauté et les dispositions transitoires.

35 () Référendum de l’article 11 de la Constitution utilisé huit fois depuis 1958.

36 () Loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 instituant les lois de financement de la sécurité sociale.

37 () Article L.O. 111-5-2 du code de la sécurité sociale, introduit par la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

38 () M. Jean-Luc Warsmann, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif aux lois de financement de la sécurité sociale, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 2246, 28 avril 2005, page 25.

39 () Loi constitutionnelle n° 74-904 du 29 octobre 1974 portant révision de l’article 61 de la Constitution.

40 () Article 2 de la loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992 ajoutant à la Constitution un titre : « Des Communautés européennes et de l’Union européenne ».

41 () Conseil constitutionnel, décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Liberté d’association.

42 () Conseil constitutionnel, décision n° 73-51 DC du 27 décembre 1973, Taxation d’office.

43 () Article 66-1 introduit par la loi constitutionnelle n° 2007-239 du 23 février 2007 relative à l’interdiction de la peine de mort. Voir, notamment, M. Philippe Houillon, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l’interdiction de la peine de mort, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 3671, 24 janvier 2007.

44 () Loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993 portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses titres VIII, IX, X et XVI.

45 () Loi constitutionnelle du 25 juin 1992 précitée.

46 () Loi constitutionnelle n° 93-1256 du 25 novembre 1993 relative aux accords internationaux en matière de droit d’asile.

47 () Conseil constitutionnel, décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France.

48 () Loi constitutionnelle n° 99-49 du 25 janvier 1999 modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution.

49 () Loi constitutionnelle n° 2003-267 du 25 mars 2003 relative au mandat d’arrêt européen.

50 () Loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution.

51 () Loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 modifiant le titre XV de la Constitution ; la loi autorisant la ratification de ce traité a été publiée le 14 février 2008.

52 () Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République.

53 () M. Marcel Gauchet, L’avènement du libéralisme, II. La crise du libéralisme, Paris, Gallimard, Bibliothèque des Sciences humaines, 2007.

54 () M. Werner Patzelt, « What Can an Individual MP Do in German Parliamentary Politics », Journal of Legislative Studies, 2000, pages 44-48 et 23.

55 () M. Philip Norton, The House of Commons in Perspective, Oxford, Martin Robertson, 1981, page 81.

56 () Voir commentaires sur l’article 23 du projet de loi modifiant l’article 49 de la Constitution, page 390.

57 () M. André Chandernagor, Un Parlement pour quoi faire ?, Paris, Gallimard, 1967.

58 () M. Jean-Michel Belorgey, Les miettes parlementaires ou un Parlement à refaire, 1991.

59 () M. Jean Garrigues, op. cit., page 493.

60 () M. Pierre Avril, « Les conditions d’une revalorisation du Parlement », in M. Philippe Tronquoy (direction), « Ve République : évolutions et débats », Les cahiers français, n° 332, mai-juin 2006, pages 52 et suivantes.

61 () Voir statistiques en annexe 6, page 608.

62 () Voir statistiques en annexe 9, page 613.

63 () Pendant longtemps, l’article 91 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoyait seulement la possibilité de mettre en discussion une seule motion de chaque catégorie, sans limitation de durée de défense. Puis, la durée de la défense de chacune des motions a été fixée à une heure trente par la résolution n° 354 du 29 juin 1999. Cette durée a été abaissée à trente minutes par la résolution n° 582 du 7 juin 2006. Elle a également été fixée à cette limite pour la défense des motions qui peuvent être défendues, sur le fondement du dernier alinéa de l’article 122 du Règlement, afin de soumettre un projet de loi à un référendum.

64 () Lors de la discussion d’une loi électorale, un parlementaire, par dérision, proposa ainsi que des ambulances soient obligatoirement installées à proximité des bureaux de vote.

65 () M. Bertrand Mathieu, « Le droit d’amendement : en user sans en abuser », Actualité juridique droit administratif, 13 février 2006, page 307.

66 () Le débat a duré dix-huit jours au point que le Président de la République dut convoquer le Parlement en session extraordinaire durant l’été pour adopter la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

67 () Soit autant d’exemples extraits du débat de mars 1950 sur le projet de loi relatif à la répression d’atteintes à la sécurité extérieure de l’État, débat qui dura soixante-quinze heures.

68 () Décision n° 90-278 DC, 7 novembre 1990, Résolution modifiant le Règlement du Sénat.

69 () Lors de l’examen, en 1947, du projet de loi tendant à la protection du travail et à la défense de la République qui avait pour objet principal de surmonter des difficultés causées par des grèves, le Règlement de l’Assemblée nationale, qui permettait un usage par trop généreux du scrutin public à la tribune, fut ainsi modifié. La discussion dura, malgré tout, presque 114 heures.

70 () Article 52, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale, modifié par la résolution n° 151 du 26 janvier 1994.

71 () La question n’est pas neuve. En 1962, une série de propositions de résolutions modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale furent déposées par le député Van Haecke, suppléant de Jean de Broglie, pour interdire les discours ne comportant pas une proposition constructive et mettre en place un système sophistiqué pour couper la parole des récalcitrants.

72 () L’expérience montre en effet que le rythme d’examen des amendements a tendance à s’accélérer en fin de discussion d’un texte. Pour prendre un exemple révélateur, celui de la discussion du projet de loi sur l’eau en mai 2006, pour examiner 1 174 amendements, pas moins de 23 heures 15 de débat ont été nécessaires, soit un rythme moyen de 50,4 amendements à l’heure. Mais ce chiffre masque de profondes disparités. Ainsi, en fin de séance du dernier jour de discussion du texte, entre 1 heure 40 et 2 heures 15 du matin, à la veille d’une semaine de suspension des travaux parlementaires, ce sont 127 amendements qui ont fait l’objet d’un « examen » par l’Assemblée nationale.

73 () Cour suprême des États-Unis, décision 408 US 104 (1972), 26 juin 1972, Grayned v. City of Rockfort.

74 () Loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 précitée.

75 () Voir statistiques sur l’utilisation de l’article 49 en annexe 10, page 617.

76 () Cette motion de censure du 2 octobre 1962 fut adoptée le 4 octobre 1962 par 280 voix, alors que la majorité requise était de 241 votants.

77 () Cet alinéa prévoit qu’une séance hebdomadaire au moins est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement.

78 () La LOLF énumère les pouvoirs et les moyens d’information en matière de contrôle des finances publiques, tandis que les dispositions organiques équivalentes en matière de contrôle des finances sociales sont codifiées dans le code de la sécurité sociale ainsi que dans le code des juridictions financières.

79 () L’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires définit notamment les règles de création, de composition et de fonctionnement des commissions d’enquête parlementaires. Elle fixe également les règles relatives aux offices parlementaires.

80 () Les règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat permettent de créer des missions d’information, soit au sein d’une commission permanente, soit communes à plusieurs commissions. Une résolution du 26 mars 2003 a permis à la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale, sur proposition de son Président, de créer des missions d’information.

81 () L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a été créé par une loi du 8 juillet 1983. Par la suite, ont été créés un Office parlementaire d’évaluation de la législation (loi n° 96-516 du 14 juin 1996) et un Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé (loi n° 2002-1487 du 20 décembre 2002). L’Office d’évaluation des politiques publiques, créé en 1996 et supprimé en 2000, n’a pour sa part eu qu’une existence de courte durée, avant d’être avantageusement remplacé à l’Assemblée nationale par la mission d’évaluation et de contrôle (MEC).

82 () La délégation parlementaire pour l’Union européenne devrait être constitutionnalisée, sous la forme d’un comité chargé des affaires européennes (voir commentaires sur l’article 32, page 476). Les autres délégations actives sont la délégation parlementaire à l’aménagement et au développement durable du territoire, la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et la délégation parlementaire au renseignement qui a tenu sa réunion constitutive en décembre 2007.

83 () Voir commentaires sur l’article 32, page 476.

84 () Depuis une résolution du 12 février 2004, le Règlement de l’Assemblée nationale prévoit qu’à l’issue d’un délai de six mois suivant l’entrée en vigueur d’une loi dont la mise en œuvre nécessite la publication de textes réglementaires, le député qui en a été le rapporteur ou, à défaut, un autre député nommé par la commission compétente, présente à cette dernière un rapport sur la mise en application de cette loi.

85 () La commission des Finances de l’Assemblée nationale a décidé en février 1999, sur la proposition de notre collègue Didier Migaud, de créer une MEC. Cette mission, dont le programme de travail est annuel, s’inscrit dans une démarche globale et continue qui a pour objet d’analyser des politiques publiques de manière transversale, afin de compléter le travail par définition spécialisé et sectoriel des rapporteurs spéciaux. La coprésidence d’un député de la majorité et d’un député de l’opposition ainsi que la représentation plus que proportionnelle, au sein de la mission, de l’opposition reflètent le souci d’associer celle-ci aux travaux de contrôle.

86 () La MECSS, créée respectivement en 2004 à l’Assemblée nationale et en 2006 au Sénat, est également coprésidée par un député de la majorité et un député de l’opposition à l’Assemblée nationale.

87 () M. Guy Carcassonne, « Réhabiliter le Parlement », in Pouvoirs, n° 49, 1989, pages 37-45.

88 () M. Jean-Louis Debré, à l’occasion des vœux au Président de la République pour l’année 2007, déplorait ainsi que « en cinq ans, seuls 232 rapports ont été déposés alors qu’il aurait dû y en avoir plus de 500. Aucune sanction n’est prévue pour le cas où le Gouvernement ne déférerait pas à l’obligation légale qui lui est faite. »

89 () M. Jacques Chevallier, « L’évaluation législative : un enjeu politique », in MM. Alain Delcamp, Jean-Louis Bergel et Alain Dupas (direction), Contrôle parlementaire et évaluation, Paris, La documentation française, Notes et études documentaires n° 5012-13, 1995, page 14.

90 () Ibid, page 26.

91 () Le taux d’abstention a été limité à 16,2 % au premier tour de l’élection présidentielle et à 16 % au second.

92 () M. Brice Teinturier, « Les Français et la politique : entre désenchantement et colère», in TNS Sofres, L’état de l’opinion, Paris, Le Seuil, 2004.

93 () Centre d’analyse stratégique, « Le vote blanc : le nombre et le sens », La note de veille, n° 52, 2 avril 2007.

94 () Loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur, complétée par la loi n° 73-637 du 11 juillet 1973 prise en application de l’article 25 de la Constitution et concernant l’exercice des fonctions de médiateur.

95 () Loi n° 2000-196 du 6 mars 2000 instituant un Défenseur des enfants.

96 () Loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.

97 () M. Patrice Gélard, Rapport de l’Office parlementaire d’évaluation de la législation sur les autorités administratives indépendantes, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 3166, 15 juin 2006.

98 () M. Hervé Moysan, in Recueil Dalloz, 2007, n° 43, page 3029.

99 () Loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

100 () M. Étienne Blanc, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de simplification et de codification du droit, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 752, 26 mars 2003, page 9.

101 () M. Étienne Blanc, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur la proposition de loi de MM. Jean-Luc Warsmann et Étienne Blanc relative à la simplification du droit, Assemblée nationale, XIIIe législature, n° 244, 3 octobre 2007, page 8.

102 () Raymond Aron, Démocratie et totalitarisme, in Penser la liberté, penser la démocratie, Paris, Gallimard, Quarto, 2005 (1965 pour l’édition originale), pages 1360-1361.

103 () Voir, pour une analyse détaillée et convaincante, Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir. L’effort 1962-…, in Mémoires, Paris, Gallimard, 2000 (1971 pour l’édition originale), pages 1163-1164.

104 () M. Marc Sadoun, « Pouvoir d’incarnation et démocratie d’opinion », in M. Philippe Tronquoy, op. cit., pages 34 et suivantes.

105 () Traité modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé à Lisbonne le 13 décembre 2007.

106 () M. Nicolas Tenzer, « Du pouvoir exécutif : vers une présidence moderne », Le Banquet, n° 15, 2000.

107 () Michel Debré, Discours devant le Conseil d’État, 27 août 1958.

108 () Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir. L’effort 1962-…, in Mémoires, Paris, Gallimard, 2000 (1971 pour l’édition originale), page 1149.

109 () Ibid., page 1163.

110 () Ibid., page 1164.

111 () Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir. Le renouveau 1958–1962, in Mémoires, Paris, Gallimard, 2000 (1970 pour l’édition originale), page 1124.

112 () Hans Kelsen, Théorie générale du droit et de l’État, Paris, LGDJ, Bruxelles, Bruylant, 1997 (1945 pour l’édition originale), page 333.

113 () Paris, Gallimard, 1967.

114 () Paris, Flammarion, La Rose au poing, 1977.

115 () Pouvoirs, n° 49, 1989, page 37.

116 () Revue du droit public, septembre-octobre 1992, page 1321.

117 () In Études offertes à Jean-Marie Auby, Paris, Dalloz, 1992, page 493.

118 () Pouvoirs, n° 64, 1993, page 137.

119 () Paris, Stock, Ce que je veux, 2001

120 () Les petites affiches, 20 juin 2007, n° 123, page 8.

121 () M. Guy Carcassonne, exposé sur « Le Parlement sous Michel Rocard » au Groupe d’études des parlements, 21 novembre 1991.

122 () Voir commentaires sur l’article 8, page 169.

123 () Voir commentaires sur l’article 2 modifiant l’article 6 de la Constitution, page 122.

124 () Voir commentaires sur l’article 4 modifiant l’article 13 de la Constitution, page 136.

125 () Voir commentaires sur l’article 25 modifiant l’article 56 de la Constitution, page 418.

126 () Voir commentaires sur l’article 28 modifiant l’article 65 de la Constitution, page 445.

127 () Voir commentaires sur l’article 31 insérant un titre XI bis dans la Constitution, page 467.

128 () Voir commentaires sur l’article 6 modifiant l’article 17 de la Constitution, page 154.

129 () Voir commentaires sur l’article 28 modifiant l’article 65 de la Constitution, page 445.

130 () Voir commentaires sur l’article 4 modifiant l’article 16 de la Constitution, page 148.

131 ()Voir commentaires sur l’article 3 modifiant l’article 8 de la Constitution, page 126.

132 () Voir commentaires sur l’article 7 modifiant l’article 18 de la Constitution, page 160.

133 () Voir commentaires sur l’article 10 modifiant l’article 25 de la Constitution, page 209.

134 () Voir commentaires sur l’article 9 modifiant l’article 24 de la Constitution, page 178.

135 () Voir commentaires sur l’article 10 modifiant l’article 25 de la Constitution, page 216.

136 () Voir commentaires sur l’article 11 modifiant l’article 34 de la Constitution, page 235.

137 () Voir commentaires sur l’article 17 modifiant l’article 43 de la Constitution, page 315.

138 () M. Laurent Fabius (préface), Les commissions à l’Assemblée nationale, Paris, Assemblée nationale, Connaissance de l’Assemblée, n° 12, janvier 2000.

139 () MM. Igvar Mattson et Kaare Strøm, « Parliamentary Committees », in M. Herbert Döring (édition), Parliaments and Majority Rules in Western Europe, New York, St Martin’s Press, 1995, page 250.

140 () MM. Lawrence Longley et Roger Davidson, « Parliamentary Committees : Changing Perspectives on Changing Institutions », Journal of Legislative Studies, 1998, page 1.

141 () MM. Ingvar Mattson et Kaare Strøm, op. cit., page 259-260.

142 () Voir commentaires sur l’article 16 modifiant l’article 42 de la Constitution, page 294.

143 () Voir commentaires sur l’article 20 modifiant l’article 46 de la Constitution, page 356.

144 () Voir commentaires sur l’article 19 modifiant l’article 45 de la Constitution, page 351.

145 () Voir commentaires sur l’article 18 modifiant l’article 44 de la Constitution, page 323.

146 () Voir page 327.

147 () Voir commentaires sur l’article 22 modifiant l’article 48 de la Constitution, page 368.

148 () Voir commentaires sur l’article 23 modifiant l’article 49 de la Constitution, page 390.

149 () Voir commentaires sur l’article 14 modifiant l’article 39 de la Constitution, page 268.

150 () Voir commentaires sur l’article 15 modifiant l’article 41 de la Constitution, page 277.

151 () Voir commentaires sur l’article 12 insérant un article 34-1 dans la Constitution, page 241.

152 () Voir commentaires sur l’article additionnel après l’article 23 insérant un article 50-1 dans la Constitution, page 398.

153 () Voir commentaires sur l’article 9 insérant un article 24 dans la Constitution, page 178. Une telle proposition avait déjà été suggérée en 1990 par Marcel Rudloff, in Proposition de loi constitutionnelle tendant à améliorer la procédure législative, Sénat, seconde session ordinaire de 1989-1990, n° 254, 24 avril 1990.

154 () Voir commentaires sur l’article 13 modifiant l’article 35 de la Constitution, page 253.

155 () Voir commentaires sur l’article 21 insérant un article 47-2 dans la Constitution, page 360.

156 () « Comité Balladur », op. cit., pages 51-56.

157 () Voir commentaires sur l’article 5 modifiant l’article 16 de la Constitution, page 148.

158 () Voir commentaires sur l’article 32 modifiant l’article 88-4 de la Constitution, page 476.

159 () Voir commentaires sur l’article 33 modifiant l’article 88-5 de la Constitution, page 504.

160 () Nonobstant le cas de l’examen d’une proposition de loi autorisant la ratification du traité d’adhésion.

161 () Voir commentaires sur l’article 35, page 514.

162 () Hans Kelsen, De la souveraineté, Paris. Librairie de Médicis, 1955, page 92.

163 () Ibid., page 59.

164 () M. Carlos-Miguel Pimentel, « L’opposition, ou le procès symbolique du pouvoir », Pouvoirs, n° 108, 2004, page 45.

165 () M. Pascal Jan, « Les oppositions », Pouvoirs, n° 108, 2004, page 39.

166 () Louis Favoreu, Droit constitutionnel, Paris, Dalloz, Précis, 1998, page 363.

167 () M. Wilhelm Hennis, Die Rolle des Parlaments und die Parteiendemokratie, in MM. Richard Löwenthal et Hans-Peter Schwar, Die zweite Republik. 25 Jahre Bundesrepublik Deutschland. Eine Bilanz. Stuttgart, Seewald, Verlag, 1974, page 203.

168 () M. Robert Alan Dahl (édition), Political Oppositions in Western Democracies, New Haven, Yale University Press, 1966, page 85.

169 () M. Jean-Louis Quermonne, op. cit., page 13.

170 () M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Sociologie politique, Paris. Montchrestien, 1974, page 294.

171 () Fontevrault (pseudonyme de Michel Debré), « Deux ans de liberté, ou la Libération mal employée », Cahiers politiques, n° 24, octobre 1946, page 68.

172 () Voir commentaires sur l’article 1er modifiant l’article 4 de la Constitution, page 105.

173 () Voir commentaires sur l’article 24 modifiant insérant un article 51-1 dans la Constitution, page 398.

174 () Alors que la séance mensuelle d’initiative parlementaire est à l’heure actuelle mentionnée dans la Constitution sans préciser sa répartition entre majorité et opposition, l’article 48 de la Constitution consacrera ainsi demain un droit à une fraction de l’ordre du jour pour les groupes politiques d’opposition. Voir commentaire, page 368.

175 () Voir commentaires sur l’article 4 modifiant l’article 13 de la Constitution, page 136.

176 () Voir commentaires sur l’article 5 modifiant l’article 16 de la Constitution, page 148.

177 () MM. Jean-Marie Donegani et Marc Sadoun, La Ve République. Naissance et mort, Paris, Calmann-Lévy, 1998, page 300.

178 () Voir commentaires sur les articles 26 et 27, respectivement insérant un article 61-1 dans la Constitution et modifiant son article 62, pages 423 et 443.

179 () M. Pierre-Charles Krieg, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi constitutionnelle portant révision de l’article 61 de la Constitution, Assemblée nationale, Ve législature, n° 1190, 3 octobre 1974, page 2.

180 () L’article 37 de la Constitution du 22 Frimaire An VIII dispose que « tout décret du Corps législatif, le dixième jour après son émission, est promulgué par le premier consul, à moins que, dans ce délai, il n’y ait recours au Sénat pour cause d’inconstitutionnalité. Ce recours n’a point lieu contre les lois promulguées. » La Constitution du 14 janvier 1852 dispose, dans son article 26, que « le Sénat s’oppose à la promulgation des lois qui seraient contraires ou qui porteraient atteinte à la Constitution, à la religion, à la morale, à la liberté des cultes, à la liberté individuelle, à l’égalité des citoyens devant la loi, à l’inviolabilité de la propriété et à l’inamovibilité de la magistrature ».

181 () Ce comité également composé des Présidents des assemblées et de dix membres choisis hors de leur sein, sept par l’Assemblée nationale et trois par le Conseil de la République, ne se réunit qu’une seule fois, en 1947, sur une question qui ne concernait d’ailleurs pas la loi proprement dite, mais un point du Règlement de l’Assemblée nationale.

182 () Le projet de loi constitutionnelle initial de 1974 comportait un article 2, qui ne fut finalement pas adopté, permettant, dans le délai de promulgation, au Conseil constitutionnel de se saisir de sa propre initiative « des lois qui lui paraîtraient porter atteinte aux libertés publiques garanties par la Constitution ». Une proposition semblable avait été faite par Étienne Dailly, in Proposition de loi constitutionnelle tendant à modifier les articles 7, 11, 16, 29, 45 et 61 de la Constitution, Sénat, seconde session extraordinaire de 1973-1974, n° 276, juillet 1974.

183 () Pour un exemple récent de saisine, voir décision n° 2006-541 DC du 28 septembre 2006, Accord sur l’application de l’article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens ; auparavant décision n° 92-312 DC du 2 septembre 1992, Traité sur l’Union européenne.

184 () « Comité Balladur », op. cit., page 88.

185 () Voir commentaires sur l’article 26 du présent projet de loi constitutionnelle qui insère un article 61-1 dans la Constitution, page 423.

186 () Voir commentaires sur l’article 27 du présent projet de loi constitutionnelle qui modifie l’article 62 de la Constitution, page 443.

187 () M. Philippe Houillon, Au nom du peuple français. Juger après Outreau, rapport fait au nom de la commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite « d’Outreau » et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 3125, 6 juin 2006.

188 () Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

189 () M. Philippe Houillon, op. cit., page 497.

190 () Ibid., page 499.

191 () « Comité Balladur », op. cit., pages 80-84.

192 () Voir commentaires sur l’article 28 modifiant l’article 65 de la Constitution, page 445.

193 () M. Dominique Rousseau, « Indépendance de la justice et justice constitutionnelle : une occasion manquée ! », in Revue politique et parlementaire, n° 1045, octobre-décembre 2007, page 79.

194 () René Rémond, La mission consultative, expression d’une nouvelle citoyenneté, Actes des premières rencontres du Palais d’Iéna, 11 et 12 juin 1992, Paris.

195 () Voir commentaires de l’article 29 modifiant l’article 69 de la Constitution, page 460.

196 () Voir commentaires de l’article 30 modifiant l’article 70 de la Constitution, page 463.

197 () Voir commentaires sur l’article additionnel après l’article 28 modifiant l’intitulé du titre XI de la Constitution, page 460.

198 () Voir commentaires sur l’article additionnel après l’article 30 modifiant l’article 71 de la Constitution, page 466.

199 () « Comité Balladur », op. cit., page 93.

200 () Voir commentaires sur l’article 31 insérant un titre IX bis et un article 71-1 dans la Constitution, page 467.

201 () Conseil constitutionnel, décision n° 99-412 DC du 15 juin 1999, Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

202 () James Madison, « The Utility of the Union as a Safeguard Against Domestic Faction and Insurrection », in The Federalist n° 10, 22 novembre 1787 : « measures are too often decided, not according to the rules of justice and the rights of the minor party, but by the superior force of an interested and overbearing majority ».

203 () Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique I (1835), deuxième partie, chapitre VII, in Œuvres, tome II, Paris, Gallimard, 1992, pages 287-288.

204 () M. Jean-Louis Quermonne, op. cit., page 17.

205 () A contrario le système présidentiel, tel qu’incarné par les États-Unis, maintient une séparation plus rigide entre les pouvoirs, chacun d’eux étant indépendant sans être nécessairement spécialisé.

206 () M. Michel Troper, « La Ve République et la séparation des pouvoirs », Droits, Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n° 43, 2006, Paris, PUF, page 33.

207 () John Dewey, The Public and its Problems, 1927, réédition 1954, New York, Holt and Co, page 207, cité par Jürgen Habermas, Droit et démocratie, entre faits et normes, Paris, Gallimard, 1997, page 329.

208 () Georges Burdeau, Traité de science politique, tome VI, Paris, LGDJ, 1987, page 612.

209 () M. Karim Van Overmeire, Rapport fait au nom de la commission du Règlement et des immunités sur les lignes directrices procédurales sur les droits et devoirs de l’opposition dans un Parlement démocratique, Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Document n° 11465, 3 janvier 2008.

210 () Voir également, par exemple, la résolution adoptée à Abidjan par l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, en juillet 1998, sur le renforcement du processus de démocratisation, ainsi que la communication faite par notre collègue Richard Cazenave relative au rôle de la majorité et de l’opposition dans le travail parlementaire, à Montréal, en octobre 2000, à l’occasion de la réunion du bureau de la commission de l’Éducation, de la communication et des affaires culturelles de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie.

211 () Résolution 1154 adopté le 20 avril 1998.

212 () A contrario l’absence d’une opposition permanente et systématique au Congrès des États-Unis, accompagnée d’une faible discipline partisane, est consubstantielle au bon fonctionnement du régime présidentiel.

213 () M. Yves Surel, « Le chef de l’opposition », Pouvoirs, n° 108, 2004, page 72.

214 () La naissance du statut formel de l’opposition est survenue en 1937 lorsqu’un salaire a été attribué de manière réglementaire au Leader de l’Opposition.

215 () Standing Order of the House of Commons SO 14(2).

216 () « A reasonably early day is invariably found. »

217 () Séance de trente-cinq minutes le mercredi après-midi.

218 () Toutefois, depuis 1975, une résolution de la Chambre des Communes compense partiellement ce déséquilibre via l’instauration d’un financement public de tous les partis d’opposition disposant de parlementaires.

219 () Loi n° 24/98 du 26 mai 1998.

220 () M. Jean-Luc Parodi, « Les quatre découvertes du Parlement français », Revue française de science politique, volume XXI (n° 1), février 1981, pages 8 et 10.

221 () MM. Hugues Portelli et Jean-François Sirinelli, « La majorité et l’opposition », Revue du droit public, 1998, n° 5/6, page 1643.

222 () Les membres de la majorité seront cependant les premiers à utiliser la nouvelle voie ouverte par la révision du 29 octobre 1974 en saisissant le Conseil constitutionnel de la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse.

223 () Georges Vedel, « Neuf ans au Conseil constitutionnel », Le Débat, n° 55, 1989.

224 () M. William Gilles, « L’opposition parlementaire : étude de droit comparé », Revue du droit public, 2006, n° 5, page 1356.

225 () Article introduit par l’article 5 de la loi n° 66-1022 du 29 décembre 1966 modifiant et complétant le code électoral.

226 () Conseil constitutionnel, décision n° 2006-537 DC du 22 juin 2006, Résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale, considérant 13.

227 () Conseil constitutionnel, décision n° 59-2 DC des 17, 18 et 24 juin 1959.

228 () Même si, dans la pratique, compte tenu du faible nombre des députés non inscrits et de l’effectif important des groupes, il n’est pas certain que l’appartenance à un groupe donne plus de chance de s’exprimer que la situation de non-inscrit.

229 () M. Pierre Avril, « L’improbable " statut de l’opposition " (à propos de la décision 537 DC du Conseil constitutionnel sur le Règlement de l’Assemblée nationale) », Les petites affiches, 12 juillet 2006, n° 138, page 7.

230 () Voir, pour de nombreux exemples, les commentaires sur l’article 24 qui introduit un article 51-1 dans la Constitution, page 398.

231 () Hans Kelsen, La démocratie, sa nature, sa valeur, Paris, Economica, 1988 (1929 pour l’édition originale), pages 29-30.

232 () M. Pierre Avril, Essai sur les partis, Paris, LGDJ, 1986, page 8.

233 () André Hauriou, « Les partis politiques et la Constitution », Revue politique et parlementaire, 1928, pages 383-395.

234 () Avant guerre, François Goguel, sous le pseudonyme de Bernard Serampuy, proposa un véritable statut des partis politique dans un texte très complet composé de dix-neuf articles (« Pour une réglementation des partis politiques », Esprit, mai 1939, pages 268-277).

235 () Séance de la commission de la Constitution du 2 décembre 1945, Comptes rendus analytiques, tome I, page 63.

236 () « Les partis politiques traduisent le pluralisme politique, concourent à la formation et à la manifestation de la volonté populaire et sont un instrument fondamental de la participation politique. Ils se constituent et exercent leur activité librement dans le respect de la Constitution et de la loi. Leur structure interne et leur fonctionnement doivent être démocratiques. »

237 () « Tous les citoyens ont le droit de s’associer librement en partis pour concourir, selon le mode de la démocratie, à la détermination de la politique nationale. »

238 () « Les partis politiques concourent à l’organisation et à l’expression de la volonté populaire, dans le respect des principes de l’indépendance nationale, de l’unité de l’État et de la démocratie politique. »

239 () « Tout citoyen, dans ses relations avec les autorités publiques, est protégé contre toute contrainte l’obligeant à exprimer son opinion en matière politique (…). Il est également protégé dans ses relations avec l’autorité publique, contre l’obligation de prendre part à une réunion destinée à orienter l’opinion (…) ou l’obligation d’appartenir à un groupement politique (…). »

240 () « Les sièges sont répartis entre les partis. Parti est entendu comme tout groupement d’électeurs participant au scrutin sous une dénomination qui lui est propre.

« Seuls les partis ayant obtenu dans l’ensemble du pays au moins quatre pour cent des voix sont habilités à participer à la répartition des mandats. Cependant un parti ayant obtenu un pourcentage inférieur participe à la répartition des sièges fixes dans les circonscriptions où il a réuni au moins douze pour cent des voix. »

241 () Loi fédérale sur les devoirs, le financement et la propagande électorale des partis politiques (Bundesgesetz über die Aufgaben, Finanzierung und Wahlwerbung politischer Parteien BGBl n° 404/1975).

242 () M. Hervé Faupin, Le contrôle du financement de la vie politique, partis et campagnes, Paris LGDJ, Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, tome 91, 1998.

243 () Loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 relative à l’égalité entre les femmes et les hommes.

244 () « Comité Balladur », op. cit., page 66.

245 () « Comité Balladur », op. cit., page 65.

246 () Décret n° 89-655 du 13 septembre 1989 relatif aux cérémonies publiques, préséances, honneurs civils et militaires.

247 () Voir commentaires sur cet article, page 398.

248 () Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République.

249 () Loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité.

250 () Exposé des motifs du présent projet de loi constitutionnelle.

251 () Proposition n° 45 des « 110 propositions » présentées lors de la campagne présidentielle.

252 () Débat télévisé avec M. Lionel Jospin, 2 mai 1995, retranscrit dans Libération du 3 mai 1995.

253 () Francis Palmero, Proposition de loi constitutionnelle tendant à compléter l’article 6 de la Constitution et à rendre non renouvelable le mandat présidentiel, Sénat, première session ordinaire de 1984-1985, n° 63, 8 novembre 1984 ; M. Louis Jung, Proposition de loi constitutionnelle tendant à compléter l’article 6 de la Constitution et à rendre non renouvelable le mandat présidentiel, Sénat, première session ordinaire de 1986-1987, n° 154, 17 mars 1987.

254 () M. Michel Noir, Proposition de loi constitutionnelle relative à la limitation du nombre de mandats consécutifs pouvant être exercés par le Président de la République, Assemblée nationale, IXe législature, n° 2911, 17 juillet 1992.

255 () 466 voix sur 494 suffrages exprimés à l’Assemblée nationale, 228 voix sur 262 suffrages exprimés au Sénat.

256 () Loi constitutionnelle n° 2000-964 du 2 octobre 2000 précitée.

257 () Selon une enquête Ipsos publiée en mars 2000, 78 % des Français se déclaraient favorables à la réduction de la durée du mandat présidentiel à cinq ans.

258 () « Comité Balladur », op. cit., page 24.

259 () Article 29 de la Constitution du 26 octobre 1946.

260 () Franklin D. Roosevelt élu une première fois en 1932, une deuxième en 1936, fut réélu en 1940 pour un troisième mandat et en 1944 pour un quatrième.

261 () M. Jean Picq, L’État en France. Servir une nation ouverte sur le monde, rapport de la mission sur les responsabilités et l’organisation de l’État, mai 1994, page 99.

262 () Le deuxième gouvernement dirigé par Georges Pompidou entre le 28 novembre 1962 et le 8 janvier 1966 comptait vingt-six membres, dont vingt et un ministres.

263 () Projet présenté à l’issue des travaux de la commission parlementaire chargée en en février 1934 de rédiger un plan de réforme des institutions.

264 () Louis de Catuelan et M. Édouard Le Jeune, Proposition de loi constitutionnelle tendant à compléter l’article 20 de la Constitution, Sénat, seconde session ordinaire de 1985-1986, n° 362, 29 avril 1986.

265 () « Comité Balladur », op. cit., page 27.

266 () M. Jean Picq, op. cit., page 99.

267 () « Comité Balladur », op. cit., page 27.

268 () Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

269 () Ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l’État.

270 () Le décret n° 59-587 du 29 avril 1959 relatif aux nominations aux emplois de direction de certains établissements publics, entreprises publiques et sociétés nationales comprend une annexe avec la liste de ces organismes dont les emplois de direction sont pourvus par décret en Conseil des ministres.

271 () Voir à ce propos les débats en assemblée générale du Conseil d’État, le 27 août 1958, sur le projet d’article 11 (Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, volume III, 1991, pages 319-322).

272 () « Comité Vedel », Rapport remis au Président de la République le 15 février 1993 par le comité consultatif pour la révision de la Constitution, Paris, La documentation française, 1993, page 13.

273 () « Comité Balladur », op. cit., proposition n° 7, page 16.

274 () « Comité Balladur », op. cit., proposition n° 8, pages 16-18.

275 () Le comité considérait qu’il convenait de ne pas soumettre à la procédure de consultation non seulement les emplois visés au troisième alinéa de l’article 13 de la Constitution mais également ceux laissés à la décision du Gouvernement en vertu du décret n° 85-779 du 24 juillet 1985 portant application de l’article 25 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 fixant les emplois supérieurs pour lesquels la nomination est laissée à la décision du Gouvernement.

276 () Le rapport du « comité Balladur » compte au nombre de ces autorités l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l’Autorité des marchés financiers, l’Autorité de sûreté nucléaire, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, la Commission consultative du secret de la défense nationale, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la Commission nationale du débat public, la Commission des participations et des transferts, la Commission nationale d’équipement commercial, la Commission de régulation de l’énergie, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, la Commission des sondages, le Conseil de la concurrence, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le Défenseur des enfants, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la Haute autorité de santé, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et le Médiateur de la République. Il pourrait sembler légitime d’ajouter à cette liste la Commission nationale de l’informatique et des libertés ainsi que la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

277 () Le rapport du « comité Balladur » compte au nombre de ces entreprises la Banque de France, la Caisse des dépôts et consignations, le Centre national de la recherche scientifique, Charbonnages de France (qui a depuis lors fait l’objet d’un décret de dissolution du 21 décembre 2007), le Commissariat à l’énergie atomique, Électricité de France, la Compagnie nationale du Rhône, l’Institut national de l’audiovisuel, la Société nationale des chemins de fer français, la Société financière de radiodiffusion-télédiffusion de France et Voies navigables de France.

278 () Voir liste en annexe 5, page 604.

279 () « Comité Balladur », op. cit., page 18.

280 () Les membres de chacune des formations de la commission pourraient par exemple être désignés par les commissions permanentes compétentes dans chacune des deux assemblées.

281 () Public Administration Select Committee, Parliament and public appointments : pre-appointment hearings by select committees, Third Report of Session 2007-2008 (HC 152), 16 janvier 2008.

282 () M. Patrice Gélard, op. cit., 15 juin 2006.

283 () On peut faire observer à ce titre que si, aux États-Unis, les auditions sont effectuées par les commissions compétentes sur le fond, seul le Sénat se prononce sur les nominations.

284 () Ces auditions présentent la particularité d’avoir lieu après la nomination de la personne (post-appointment hearings aussi dénommées pre-commencement hearings). Le Premier ministre Gordon Brown a par ailleurs décidé en juillet 2007, dans le cadre du renouveau constitutionnel, d’instituer une procédure d’audition parlementaire préalable à la nomination à certains postes (pre-appointment hearings). La première audition pilote en la matière a été celle de Sir Michael Scolar par le Treasury Committee, en juillet 2007 (Appointment of the Chair of the Statistics Board, Ninth Report of Session 2006-2007 (HC 934), 23 juillet 2007).

285 () Pour un exemple récent, voir Treasury Committee, Re-appointment of Dr Andrew Sentance to the Monteray Policy Committee, Eigth Report (HC 454), 1er avril 2008.

286 () Cette interprétation du texte constitutionnel peut se déduire par parallélisme avec les dispositions de l’article 65 de la Constitution relatives aux avis du Conseil supérieur de la magistrature.

287 () De la même manière, les avis des chefs de corps sur les nominations au tour extérieur dans les trois grandes inspections générales ainsi qu’à la Cour des comptes et au Conseil d’État sont rendus publics, par voie de publication au Journal officiel, et ont parfois un effet dissuasif sur des nominations envisagées, alors même qu’ils ne lient pas le Président de la République.

288 () M. Dominique Rousseau, « Le rapport Balladur : un défaut d’ambition pour une Ve République toujours en déséquilibre », in Revue administrative, n° 361, janvier 2008, page 43.

289 () Programme présidentiel de M. Nicolas Sarkozy.

290 () Le paragraphe 2 de la section 2 de l’article II de la Constitution des États-Unis prévoit en effet que le Président des États-Unis « proposera au Sénat et, sur l’avis et avec le consentement de ce dernier, nommera les ambassadeurs, les autres ministres et les consuls, les juges à la Cour suprême et les autres fonctionnaires des États-Unis dont la nomination n’est pas prévue par la présente Constitution et dont les postes seront créés par la loi. »

291 () Voir commentaires sur l’article 34 du présent projet de loi constitutionnelle, page 510.

292 () M. Olivier Beaud, « Le souverain », Pouvoirs, n° 67, 1993.

293 () Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

294 () Conseil d’État, assemblée, 2 mars 1962, Rubin de Servens.

295 () Conseil d’État, assemblée, 23 octobre 1964, d’Oriano.

296 () M. Guy Carcassonne, La Constitution, Paris, Le Seuil, Points Essais, 8e édition, 2007, page 114.

297 () Léon Noël, De Gaulle et les débuts de la Ve République, Paris, Plon, 1976.

298 () Aimé Paquet, Proposition de loi constitutionnelle tendant à modifier l’article 16 de la Constitution, Assemblée nationale, IIe législature, n° 771.

299 () Paul Coste-Floret, Proposition de loi constitutionnelle tendant à compléter l’article 16 de la Constitution, Assemblée nationale, Ière législature, n° 1474.

300 () Robert Hersant, Proposition de loi constitutionnelle tendant, dans le cadre d’un régime présidentiel, à assurer, par la révision de l’article 16 de la Constitution, le fonctionnement des pouvoirs publics lorsque ceux-ci sont menacés d’une manière grave et immédiate, Assemblée nationale, IIe législature, n° 8.

301 () Étienne Dailly, Proposition de loi constitutionnelle tendant à modifier les articles 7, 11, 16, 29, 45 et 61 de la Constitution, Sénat, seconde session extraordinaire de 1973-1974, n° 276, 9 juillet 1974.

302 () C’est le cas de la Constitution du 4 novembre 1848, qui prévoyait son exercice « après avis du Conseil d’État » (article 55), ainsi que de celle du 27 octobre 1946, prévoyant son exercice « en Conseil supérieur de la magistrature » (article 35). Si la loi du 31 août 1871 avait exigé le consentement d’une commission des grâces, nommée en son sein par l’Assemblée nationale, pour l’exercice du droit de grâce par le président du Conseil des ministres, la loi du 25 février 1875 a supprimé cette entrave.

303 () Ordonnance n° 58-1271 du 22 décembre 1958 portant loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature.

304 () Cette restriction de la consultation obligatoire du CSM était conforme à l’analyse présentée par Michel Debré, garde des Sceaux, devant le comité consultatif constitutionnel dans sa séance du 5 août 1958 : « Qu’un organe supérieur soit appelé à examiner les grâces, en matière, par exemple, de peine de mort, cela est parfaitement légitime. Lorsqu’il s’agit des petites grâces sur des peines moindres, on aboutit non pas à créer un organisme supérieur de garantie mais une seconde administration » (Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, volume II, Paris, La documentation française, 1988, page 157).

305 () Loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993 précitée.

306 () M. André Fanton avait toutefois proposé de maintenir cette disposition et même « de lui redonner force dans un domaine où le CSM pourrait légitimement faire connaître son point de vue face à l’entorse à la séparation des pouvoirs » (Rapport fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses titres VIII, IX et X, Assemblée nationale, Xe législature, n° 356, 17 juin 1993, page 54).

307 () Le Conseil constitutionnel considéra que « le simple fait que certaines infractions aient été commises ou sanctionnées dans telle ou telle partie du territoire national ne saurait permettre, sans que soit méconnu le principe d’égalité, que leurs auteurs bénéficient d’un régime d’amnistie différent de celui applicable aux auteurs d’infractions identiques ayant conduit à des condamnations elles-mêmes identiques dans les autres parties du territoire national » (décision n° 88-244 DC du 20 juillet 1988, Loi portant amnistie, considérant 6).

308 () Réponse à la question écrite n° 3870 de M. Michel Pelchat, Journal officiel Questions Assemblée nationale, 28 novembre 1988.

309 () Toutefois, ils doivent être contresignés par le Premier ministre et le garde des Sceaux.

310 () Le Conseil d’État considère « qu’il n’appartient pas à la juridiction administrative de connaître des litiges relatifs à la nature et aux limites d’une peine infligée par une juridiction judiciaire et dont l’exécution est poursuivie à la diligence du ministère public ; que les décrets par lesquels le Président de la République exerce le droit de grâce que lui confère l’article 17 de la Constitution échappent ainsi à sa compétence » (30 juin 2003, Observatoire international des prisons-Section française).

311 () Pour l’année 2007, le bureau des grâces a été saisi de 7 018 recours en grâce. Seuls 43 décrets de grâce individuels ont été accordés, dont 40 concernant des peines d’amende.

312 () Ne sont toutefois pas concernées les réclusions criminelles à perpétuité, dans la mesure où il n’est pas possible de déduire des jours ou des mois d’une durée indéterminée. De la même manière, les condamnations prononcées à l’étranger et exécutées en France ne sont pas concernées, à moins qu’une convention internationale ne le prévoie.

313 () Ce développement intervint en dépit de l’instauration de la procédure de la réduction de peine par la loi n° 72-1226 du 29 décembre 1972 tendant à simplifier et à compléter certaines dispositions relatives à la procédure pénale, réforme qui aurait pu inciter à ne plus recourir aux grâces collectives.

314 () À l’exception de l’année 1990, où aucune grâce collective ne fut dispensée, et de l’année 1999, qui vit se succéder deux décrets de grâce collective du 9 juillet 1999 et du 16 décembre 1999.

315 () Les grâces générales annuelles qui furent accordées à compter d’une ordonnance du 6 février 1818 différaient des grâces collectives par l’individualisation qu’elles comportaient : elles ne bénéficiaient en effet qu’aux détenus proposés par le chef de l’établissement en raison de leur conduite. La prise en compte de la conduite individuelle n’a récemment été prévue que par les décrets de grâce collective du 14 juillet 1980 et du 13 juillet 1985, permettant au juge de l’application des peines de doubler le montant de la remise de peine accordée.

316 () Un détenu condamné à une peine exclue du bénéfice de la grâce pourra néanmoins bénéficier d’une remise de peine correspondant à ses autres condamnations dès lors que la peine affectée par la cause d’exclusion n’aura pas encore été portée à l’écrou à la date du décret de grâce.

317 () Mme Marie-Hélène Renaut, « Le droit de grâce doit-il disparaître ? », in Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 1996, n° 3, pages 575-606.

318 () Le Président René Coty avait fait observer, dans une note sur l’avant-projet de Constitution, que l’examen des dossiers « exige parfois du Président de la République un travail considérable (personnellement j’ai, l’année dernière, consacré en moyenne la valeur de deux jours et demi de travail par semaine à étudier les dossiers, à recevoir les avocats et à délibérer en Conseil de la magistrature) » (Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, volume III, Paris, La documentation française, 1991, page 554).

319 () Voir commentaires sur l’article 34, page 510.

320 () « Comité Balladur », op. cit., proposition n° 9, page 19.

321 () Article 4 de la section IV du chapitre III de la Constitution de 1791 : « Si le roi trouve important au bien de l’État que la session soit continuée, ou que l’ajournement n’ait pas lieu, ou qu’il n’ait lieu que pour un temps moins long, il peut à cet effet envoyer un message, sur lequel le Corps législatif est tenu de délibérer. » Par la suite, les différentes Constitutions ont prévu des modes de communication entre les assemblées et le chef du pouvoir exécutif, du moins lorsqu’il existait. Le Directoire, chef d’État collégial, disposait ainsi de « quatre messagers d’État » qui portaient aux Conseils les « lettres et Mémoires du Directoire » (Constitution de l’An III).

322 () M. Jean-Claude Maestre, « Les messages présidentiels en France », Revue du droit public, 1964, page 392.

323 () Article 2 de la loi du 25 février 1875 relative à l’organisation des pouvoirs publics et article 29 de la Constitution du 27 octobre 1946.

324 () Article 38 de la Constitution du 27 octobre 1946. Des exceptions étaient admises pour le message par lequel le Président donnait sa démission.

325 () Le 21 janvier 1947, compte tenu du fait que le président du Gouvernement était lui-même chef de l’État et démissionnaire, il fut décidé que le message serait lu à l’Assemblée nationale par le premier vice-président d’alors, Jacques Duclos. L’usage resta. De cette époque date aussi le précédent qui établit que les Présidents donnent lecture debout du message présidentiel et que les membres des assemblées se lèvent pour l’écouter.

326 () Par exemple, le 3 juillet 1894, la Chambre des Députés écarta par la question préalable une proposition de résolution tendant à faire nommer une commission chargée de proposer un projet de réponse au message du Président Jean Casimir-Perier. Après la lecture du message du Président Paul Doumer, le 16 juin 1931, le Président de la Chambre des Députés admit qu’une « réponse délibérée » était possible. Ainsi, sous la IIIe République, aucune réponse ne fut effectivement adressée mais des débats eurent lieu.

327 () M. Guy Carcassonne, op. cit. 2007, pages 117-118.

328 () « Comité Balladur », op. cit., page 14.

329 () Charles Bignon, Proposition de loi constitutionnelle portant révision de l’article 18 de la Constitution, Assemblée nationale, Ve législature, n° 1388, 11 décembre 1974.

330 () M. Pierre Avril, « Les conditions d’une revalorisation du Parlement », in M. Philippe Tronquoy op. cit., pages 52 et suivantes.

331 () Argument déjà présent chez M. Henri Caillavet, in Proposition de loi constitutionnelle tendant à modifier l’article 18 de la Constitution et esquisser le dialogue entre le Président de la République et le Parlement en aménageant la pratique constitutionnelle du message, Sénat, session extraordinaire de 1979-1980, n° 158, 28 janvier 1980.

332 () Projets d’articles relatifs au Président de la République du 18 juin 1958 adressés à Michel Debré par Louis Bertrand et Jérôme Solal-Céligny, Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, volume I, Paris, La documentation française, 1987, page 266.

333 () « Comité Balladur », op. cit., pages 14-15.

334 () Il conviendrait ainsi de distinguer, en application du présent projet de loi constitutionnelle, trois types de Congrès du Parlement : celui qui révise la Constitution conformément à l’article 89 de la Constitution dans l’état du droit, celui qui, conformément au présent article, accueillerait le Président de la République pour une déclaration et celui, enfin, qui, conformément à l’article 88-5 de la Constitution tel qu’il est modifié par l’article 33 du présent projet de loi constitutionnelle, autoriserait la ratification d’un traité d’adhésion d’un nouvel État membre à l’Union européenne.

335 () Section 3 de l’article II de la Constitution des États-Unis : « Le Président informera le Congrès, de temps à autre, de l’état de l’Union, et recommandera à son attention telles mesures qu’il estimera nécessaires et expédientes. »

336 () Francis Palmero et M. Robert Parenty, Proposition de loi constitutionnelle modifiant l’article 18 de la Constitution, Sénat, première session ordinaire de 1976-1977, n° 27, 21 octobre 1976 ; Francis Palmero, Proposition de loi constitutionnelle modifiant l’article 18 de la Constitution, Sénat, seconde session ordinaire de 1977-1978, n° 434, 14 juin 1978.

337 () Les Échos, 3 avril 2008.

338 () Comité national chargé de la publication des travaux préparatoires des institutions de la Ve République, Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, volume II, Paris, La documentation française, 1988, page 213.

339 () Ordonnance n° 2004-1374 du 20 décembre 2004 relative à la partie législative du code de la défense.

340 () Ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense.

341 () Mme Marie-Thérèse Viel, « La répartition des compétences en matière militaire entre le Parlement, le Président de la République et le Premier ministre », Revue du droit public, tome 109, janvier-février 1993.

342 () Décret n° 62-808 du 18 juillet 1962 relatif à l’organisation de la défense nationale.

343 () Arrêté du 2 octobre 1992 relatif à la procédure d’importation et d’exportation des matériels de guerre, armes et munitions et des matériels assimilés.

344 () Voir commentaires sur l’article 5 modifiant l’article 16 de la Constitution, page 148.

345 () Voir notamment M. Raphaël Hadas-Lebel, « La Ve République et la guerre », et M. Hugues Portelli, « Union sacrée », Pouvoirs, n° 58, 1991.

346 () Voir commentaires sur l’article 4 modifiant l’article 13 de la Constitution, page 136.

347 () Décret n° 64-46 du 14 janvier 1964 relatif aux forces aériennes stratégiques.

348 () Entretien télévisé de François Mitterrand, Président de la République, accordé à Antenne 2 lors de l’émission L’heure de vérité, sur la politique de défense, la sécurité européenne et la politique étrangère de la France, Paris, mercredi 16 novembre 1983.

349 () Conférence de presse du 6 septembre 1990.

350 () Projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et relatif à l’organisation des pouvoirs publics, Sénat, 1992-1993, n° 232, 11 mars 1993.

351 () M. Charles Roig, « L’évolution du Parlement en 1959 », in Mme Éliane Guichard-Ayoub, MM. Charles Roig et Jean Grangé, Études sur le Parlement de la Ve République, Paris, PUF, Travaux et Recherches de la Faculté de droit et des sciences politiques de Paris, Série Science Politique, 1965, page 49.

352 () « Comité Vedel », op. cit., page 21.

353 () M. Paul Quilès, Proposition de loi constitutionnelle tendant à modifier l’article 34 de la Constitution afin d’élargir les pouvoirs du Parlement, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 241 rectifié, 2 octobre 2002.

354 () M. Paul Quilès, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur la proposition de loi constitutionnelle tendant à modifier l’article 34 de la Constitution afin d’élargir les pouvoirs du Parlement, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 3075, 10 mai 2006.

355 () Proposition de loi constitutionnelle tendant à élargir les pouvoirs du Parlement, Assemblée nationale, XIIe législature, texte adopté n° 577, 18 mai 2006.

356 () « Comité Balladur », op. cit., proposition n° 41, page 53.

357 () Raymond Carré de Malberg, Contribution à la Théorie générale de l’État, Paris, Dalloz, 2004 (1920 pour l’édition originale), page 378.

358 () Les membres du Gouvernement ont en effet un droit inconditionnel de parole dans les deux assemblées, en vertu du premier alinéa de l’article 31 de la Constitution.

359 () Raymond Carré de Malberg, op. cit., page 381.

360 () Le 8 janvier 1961 (autodétermination des populations algériennes), le 8 avril 1962 (approbation des accords d’Évian), le 28 octobre 1962 (modification des articles 6 et 7 de la Constitution), le 27 avril 1969 (modification des articles 72, 7, 24 et 89 de la Constitution), le 23 avril 1972 (autorisation de ratifier le traité d’élargissement de la Communauté économique européen) et le 6 novembre 1988 (autodétermination de la Nouvelle-Calédonie), le 20 septembre 1992 (autorisation de ratifier le traité sur l’Union européenne) et le 29 mai 2005 (autorisation de ratifier le traité établissant une constitution pour l’Europe). Seuls le référendum du 27 avril 1969 et celui du 29 mai 2005 ont été négatifs et n’ont pas permis l’adoption d’une loi référendaire.

361 () La motion de censure du 2 octobre 1962, suscitée par le décret du Président de la République prévoyant de recourir à la voie référendaire pour faire adopter une modification constitutionnelle relative au mode d’élection du Président de la République, fut adoptée le 4 octobre 1962 par 280 voix. Si elle provoqua la démission du gouvernement de Georges Pompidou, elle n’empêcha pas l’adoption de la loi référendaire et fut également à l’origine d’une dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le Général de Gaulle, qui demanda à Georges Pompidou de former, avant même la tenue des élections législatives anticipées, un nouveau gouvernement.

362 () Maurice Hauriou, Précis élémentaire de droit constitutionnel, Paris, Sirey, 1938, 4e édition, page 166.

363 () Ibid.

364 () Voir commentaires sur l’article 12, créant un nouvel article 34-1 de la Constitution, page 241.

365 () Cité par Eugène Pierre dans son Traité de droit politique électoral et parlementaire.

366 () Cette durée était de quatre mois avant que la loi n° 77-807 du 19 juillet 1977 ne la porte à six.

367 () Loi n° 91-698 du 20 juillet 1991 tendant à modifier l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relatif aux commissions d’enquête et de contrôle parlementaire.

368 () Conseil constitutionnel, décision n° 2004-493 DC du 26 février 2004, Résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale, considérant 3.

369 () Les rapports remis au Parlement par le Gouvernement en vertu de la LOLF sont le rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, le rapport sur l’évolution des prélèvements obligatoires à l’ouverture de la session ordinaire et le rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la Nation, qui est joint au projet de loi de finances.

370 () Sur ce point, voir commentaires sur l’article 21 du projet créant un nouvel article 47-2 de la Constitution, page 360.

371 () Loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 précitée.

372 () Disposition introduite à l’initiative de l’ancien Président de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, M. Jean-Michel Dubernard.

373 () Sur ce point, voir commentaires sur l’article 21, créant un nouvel article 47-2 de la Constitution, page 360.

374 () Conseil constitutionnel, décision n° 59-2 DC du 17 juin 1959, Règlement de l’Assemblée nationale.

375 () Désormais, la session débute le premier jour ouvrable d’octobre et s’achève le dernier jour ouvrable de juin. En outre, il est très fréquent qu’une session extraordinaire prolonge la session ordinaire au cours du mois de juillet ou anticipe la reprise au cours du mois de septembre.

376 () Il s’agit de la mission sur la question des signes religieux à l’école, dont le rapport a été déposé le 5 décembre 2003 et qui a été suivie d’un projet de loi relatif à l’application du principe de laïcité dans les écoles, collèges et lycées publics le 28 janvier 2004, de la mission sur la problématique de l’assurance maladie, dont le rapport a été déposé le 26 mai 2004 et qui a été suivie d’un projet de loi relatif à l’assurance maladie le 16 juin 2004, et de la mission sur l’accompagnement de la fin de vie, dont le rapport a été déposé le 30 juin 2004 et qui a été suivie d’une proposition de loi sur les droits des malades et la fin de vie déposée le 26 octobre 2004.

377 () Huitième alinéa de l’article 86 du Règlement de l’Assemblée nationale.

378 () La procédure des questions orales avec débat a été supprimée à l’Assemblée nationale par la résolution n° 151 du 26 janvier 1994.

379 () Ces débats comprennent le débat dit « d’orientation budgétaire » prévu par l’article 48 de la LOLF à la fin de la session ordinaire, le débat sur l’évolution des prélèvements obligatoires prévu par l’article 52 de la LOLF au début de la session ordinaire et le débat sur les orientations des finances sociales, prévu par l’article L.O. 111-5-3 du code de la sécurité sociale, à la fin de la session ordinaire, lequel peut, le cas échéant, être concomitant du débat d’orientation budgétaire.

380 () On peut citer à ce titre la décision n° 90-275 DC du 6 juin 1990, Résolution modifiant l’article 145 du Règlement de l’Assemblée nationale (considérant 2), la décision n° 96-381 DC du 14 octobre 1996, Résolution modifiant le Règlement du Sénat (considérant 7), la décision n° 96-382 DC du 14 octobre 1996, Résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale (considérant 10), et la décision n° 2003-470 DC du 9 avril 2003, Résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale (considérant 22).

381 () Loi n° 2005-1563 du 15 décembre 2005 prorogeant la durée du mandat des conseillers municipaux et des conseillers généraux renouvelables en 2007 et loi organique n° 2005-1562 du 15 décembre 2005 modifiant les dates des renouvellements du Sénat.

382 () Non compris les deux postes de sénateurs créés à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

383 () Pour assurer le passage de trois à deux séries, la loi organique du 30 juillet 2003 a confié au Bureau du Sénat le soin de répartir par tirage au sort, le 1er octobre 2003, en séance publique, les sièges de la série C, renouvelables en 2004, entre les futures séries 1 et 2. Cette répartition a été entérinée par la loi n° 2004-404 du 10 mai 2004 actualisant le tableau de répartition des sièges et certaines modalités de l’organisation de l’élection des sénateurs.

384 () Non compris les deux postes de sénateurs créés à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

385 () Loi n° 46-2383 du 27 octobre 1946 sur la composition et l’élection du Conseil de la République.

386 () Loi n° 48-1471 du 23 septembre 1948 relative à l’élection des conseillers de la République.

387 () Ordonnance n° 58-1098 du 15 novembre 1958 relative à l’élection des sénateurs.

388 () C’est-à-dire dans les communes où le conseil municipal est lui-même élu à la proportionnelle avec correctif majoritaire visées aux chapitres III et IV du titre IV du livre Ier du code électoral.

389 () Globalement, leur proportion au sein du collège des « grands électeurs » passait de 8 % à 28 % et dans certains départements, tels que les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, les Hauts-de-Seine ou le Val-de-Marne, les électeurs sénatoriaux dépourvus de mandats locaux devenaient majoritaires.

390 () « Comité Balladur », op. cit., page 70.

391 () M. Jean Grangé, « Le bicamérisme », in MM. Olivier Duhamel et Yves Mény (direction), Dictionnaire constitutionnel, Paris, PUF, 1992, page 74.

392 () Loi n° 2004-805 du 9 août 2004 tendant à modifier la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l’étranger.

393 () Articles 58 et 59 de la loi n° 48-1471 du 23 septembre 1948 précitée.

394 () Ordonnance n° 58-1098 du 15 novembre 1958 relative à l’élection des sénateurs et ordonnance n° 59-260 du 4 février 1959 complétant l’ordonnance n° 58-1098 du 15 novembre 1958 relative à l’élection des sénateurs.

395 () Le passage de cent cinquante à cent cinquante-cinq élus se fait en deux étapes, lors des renouvellements de 2006 et 2009.

396 () Au lieu de 2010 prévu initialement compte tenu de la loi organique n° 2005-1562 du 15 décembre 2005 modifiant les dates des renouvellements du Sénat.

397 () Le tirage au sort a été effectué lors de la séance du Sénat du 7 octobre 2004 et a désigné MM. Richard Yung et Christian Cointat pour un mandat d’une durée de neuf ans (dix ans avec la modification de décembre 2005). En conséquence, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam et Christiane Kammermann ont vu leur mandat porté à six ans (sept ans avec la modification de décembre 2005).

398 () Sénat, La représentation institutionnelle des citoyens expatriés, Les documents de travail du Sénat, Série Législation comparée, n° LC 166, novembre 2006.

399 () et alinéa été ajouté à l’article 48 par l’article 1er de la loi constitutionnelle n° 1 du 17 janvier 2000, Giornale Uffiziale della Reppublica Italiana, 20 janvier 2000, n° 15.

400 () Article 29, alinéa 1 : « Est électeur au Folketing toute personne de nationalité danoise qui a fixé son domicile dans le Royaume et qui a atteint l’âge requis pour l’exercice du droit de vote. »

401 () Loi n° 438 du 9 juin 2004 assimilant aux citoyens domiciliés au Danemark, notamment, les fonctionnaires en poste à l’étranger et les personnes travaillant dans un organisme international, les expatriés qui ont quitté leur pays depuis moins de deux ans et qui ont exprimé leur souhait de revenir au Danemark.

402 () « Comité Balladur », op. cit., page 72.

403 () Loi organique n° 2005-821 du 20 juillet 2005 modifiant la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République et de la loi n° 2005-822 du 20 juillet 2005 modifiant la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l’Assemblée des Français de l’étranger : voir, notamment, M. Mansour Kamardine, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi organique (n° 2334) adopté par le Sénat, modifiant la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 sur le vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République et le projet de loi (n° 2335) adopté par le Sénat, modifiant la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l’Assemblée des Français de l’étranger, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 2434, 5 juillet 2005.

404 () M. Jean-Marc Ayrault, Proposition de loi relative aux conditions de l’élection des sénateurs, Assemblée nationale, XIIIe législature, n° 851.

405 () Voir commentaires sur cet article, page 510.

406 () L’article 1er, section 6, de la Constitution des États-Unis d’Amérique dispose que « aucun sénateur ou représentant ne pourra, durant la période pour laquelle il a été élu, être nommé à une fonction civile relevant de l’autorité des États-Unis (…) ; aucune personne occupant une charge relevant de l’autorité des États-Unis ne sera membre de l’une des deux Chambres tant qu’elle exercera ces fonctions. »

407 () « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »

408 () Article 62 de la Constitution du Royaume de Norvège : « Les membres du Conseil des ministres, tant qu’ils en font partie, ne peuvent pas siéger au Storting comme députés. Les secrétaires d’État, tant qu’ils exercent leurs fonctions, ne peuvent pas non plus siéger comme députés. »

409 () Le 2 de l’article 57 de la Constitution du Royaume des Pays-Bas dispose qu’« un membre des États généraux ne peut être ministre, secrétaire d’État, membre du Conseil d’État, membre de la Chambre générale des comptes ni membre de la Cour suprême, pas plus que Procureur général ni avocat général près cette Cour ».

410 () Titre III, chapitre II, section IV, article 2 : « Les membres de l’Assemblée nationale actuelle et des législatures suivantes (…) ne pourront être promus au ministère (…) pendant la durée de leurs fonctions, ni pendant deux ans après en avoir cessé l’exercice. »

411 () Article 136 : « À compter du premier jour de l’an V de la République, les membres du Corps législatif ne pourront être élus membres du directoire ni ministres, soit pendant la durée de leurs fonctions législatives, soit pendant la première année après l’expiration de ces mêmes fonctions. »

412 () Article 44 : « Les ministres ne peuvent être membres du Corps législatif. »

413 () Ce sera ainsi le cas du premier gouvernement de la Ve République, dans lequel, dix membres sur vingt-sept ne seront pas issus du Parlement. À titre de comparaison, sous la IVe République, seuls six ministres ne furent pas, à l’origine, des parlementaires. Si ce nombre s’élève à une soixantaine sous la IIIe République, cela s’explique essentiellement par la présence de militaires.

414 () « Ainsi qu’il est dit à l’alinéa 1 de l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958, portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution, l’incompatibilité établie par ledit article 23 entre le mandat de député et les fonctions de membre du Gouvernement prend effet à l’expiration d’un délai de un mois à compter de la nomination comme membre du Gouvernement. Pendant ce délai, le député membre du Gouvernement ne peut prendre part à aucun scrutin. L’incompatibilité ne prend pas effet si le Gouvernement est démissionnaire avant l’expiration dudit délai. »

415 () Achille Peretti, Proposition de loi constitutionnelle tendant à réviser les articles 23 et 25 de la Constitution, Assemblée nationale, Ve législature, n° 634, 24 août 1973.

416 () Voir Georges Donnez, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi constitutionnelle portant révision de l’article 25 de la Constitution, Assemblée nationale, Ve législature, n° 1191, 3 octobre 1974 et M. Christian Bigaut, Le réformisme constitutionnel en France (1789-2000), Paris, La documentation française, Notes et études documentaire, n° 5115-16, 2000, page 212.

417 () M. Jean Cluzel, Proposition de loi constitutionnelle tendant à modifier les articles 23 et 25 de la Constitution, Sénat, première session ordinaire de 1976-1977, n° 138, 9 décembre 1976.

418 () Georges Burdeau fait remarquer que le « nombre de suppléants devenus députés du fait de l’accession à la fonction gouvernementale de la personne qu’ils remplacent atteint un chiffre qui inciterait à mettre en doute le caractère représentatif de l’Assemblée. En 1977, à la fin de la législature, elle comptait 89 remplaçants » (MM. Georges Burdeau, Francis Hamon et Michel Troper, Droit constitutionnel, Paris, LGDJ, 1995, 24e édition, page 565).

419 () Conseil constitutionnel, décision n° 77-80/81 DC du 5 juillet 1977, Lois organiques complétant les articles L.O. 176, L.O. 319 et L.O. 320 du code électoral (remplacement des députés et des sénateurs).

420 () M. Henri Caillavet, Proposition de loi constitutionnelle tendant à modifier les articles 23 et 25 de la Constitution et permettre aux ministres antérieurement parlementaires de retrouver leurs mandats d’élus nationaux, Sénat, session extraordinaire de 1979-1980, n° 159, 18 janvier 1980.

421 () Cette proposition fut reprise par M. Jacques Rocca Serra, in Proposition de loi constitutionnelle tendant à permettre à un ministre de retrouver son siège de parlementaire lorsqu’il cesse ses fonctions, Sénat, première session ordinaire de 1994-1995, n° 94, 28 novembre 1994.

422 () « Comité Balladur », op. cit., page 28.

423 () Léon Noël, Notre dernière chance, Paris, Gedalge, 1956, page 185.

424 () Élection partielle du 19 septembre 1965 afin de remplacer Raphaël Touret, suppléant de Roger Frey, ou encore élection partielle du 19 janvier 1966 après le décès d’André Lathière suppléant de Robert Boulin.

425 () Ordonnance n° 58-945 du 13 octobre 1958 relative à l’élection des députés à l’Assemblée nationale.

426 () Ordonnance n° 58-1065 du 7 novembre 1958 portant loi organique relative à la composition et à la durée des pouvoirs de l’Assemblée nationale.

427 () Loi n° 66-502 du 12 juillet 1966 portant modification des dispositions du code électoral relatives à l’élection des députés à l’Assemblée nationale.

428 () Loi organique n° 66-501 du 12 juillet 1966 modifiant les dispositions du code électoral relatives à la composition de l’Assemblée nationale.

429 () Loi n° 71-522 du 29 juin 1972 portant modification des dispositions du code électoral relatives à l’élection des députés à l’Assemblée nationale.

430 () Loi organique n° 72-521 du 29 juin 1972 modifiant les dispositions du code électoral relatives à la composition de l’Assemblée nationale.

431 () Loi n° 75-358 du 15 mai 1975 portant modification des dispositions du code électoral relatives à l’élection des députés de l’Assemblée nationale.

432 () Loi organique n° 75-357 du 15 mai 1975 modifiant les dispositions du code électoral relatives à la composition de l’Assemblée nationale.

433 () Loi organique n° 85-688 du 10 juillet 1985 relative à l’élection des députés.

434 () M. Gilbert Bonnemaison, Rapport fait au nom de la commission des lois, Assemblée nationale, VIIe législature, n° 2620, 18 avril 1985, page 3.

435 () Loi n° 86-825 du 11 juillet 1986 relative à l’élection des députés, et autorisant le Gouvernement à délimiter par ordonnance les circonscriptions électorales.

436 () 15 % dans le projet de loi initial, taux modifié à l’initiative du rapporteur de la commission des Lois de l’Assemblée, M. Pascal Clément.

437 () Publicité demandée par la commission des Lois de l’Assemblée.

438 () Conseil constitutionnel, décision n° 86-208 DC des 1er et 2 juillet 1986.

439 () Conseil constitutionnel, décision n° 86-218 DC du 18 novembre 1986. Les députés socialistes contestaient devant le Conseil le découpage de quarante-sept départements comportant trois cent vingt-cinq circonscriptions.

440 () Loi n° 86-1197 du 24 novembre 1986 relative à la délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés.

441 () Conseil constitutionnel, décision n° 86-208 DC des 1er et 2 juillet 1986, Loi relative à l’élection des députés et autorisant le Gouvernement à délimiter par ordonnance les circonscriptions électorales.

442 () Conseil constitutionnel, décision n° 2007-547 DC du 15 février 2007, Loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, considérants 6 à 11.

443 () Conseil constitutionnel, décision du 3 mai 2007 sur une requête présentée par M. Pascal Jan demandant l’annulation du décret n° 2007-589 du 24 avril 2007 portant convocation des collèges électoraux pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale.

444 () Vœux du Président du Conseil constitutionnel, M. Pierre Mazeaud, au Président de la République, Palais de l’Élysée, 3 janvier 2006.

445 () M. Maurice Duverger, « Esquisse d’une théorie générale des inégalités de représentation », in Jean-Marie Cotteret, Claude Emeri et Pierre Lalumière, Lois électorales et inégalités de représentation en France 1936-1960, Paris, Armand Colin, 1960, page VI.

446 () Commission européenne pour la démocratie par le droit (commission de Venise), Code de bonne conduite en matière électorale, lignes directrices et rapport explicatif adoptés lors de ses 51e et 52e sessions, Avis n° 190/2002, CDL-AD (2002) 23, 30 octobre 2002.

447 () Cour suprême des États-Unis, 376 U.S. 1, 17 février 1964, Wesberry v. Sander, Governor of Georgia.

448 () Commission de réforme du mode de scrutin, présidée par Georges Vedel, Rapport sur le problème de la réforme du mode de scrutin pour l’élection des députés, rapport au Premier ministre, février 1993, page 50.

449 () « Comité Balladur », op. cit., pages 71-72.

450 () Décrets n° 2003-485 du 5 juin 2003 relatif au recensement de la population et n° 2003-561 du 23 juin 2003 portant répartition des communes pour les besoins du recensement de la population.

451 () « Comité Balladur », op. cit., page 50.

452 () Conseil constitutionnel, décision n° 88-245 du 18 octobre 1988, Résolution modifiant l’article 46 du règlement de l’Assemblée nationale.

453 () La Chaîne parlementaire a été créée en décembre 1999.

454 () Seules deux commissions d’enquête créées par le Corps législatif en 1870 ont siégé en public.

455 () L’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires prévoyait initialement que « tous les membres des commissions d’enquête et de contrôle ainsi que ceux qui, à un titre quelconque, assistent ou participent à leurs travaux, sont tenus au secret ».

456 () Loi n° 91-698 du 20 juillet 1991 tendant à modifier l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relatif aux commissions d’enquête et de contrôle parlementaire.

457 () M. Jean-Pierre Brard, Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur la situation financière, patrimoniale et fiscale des sectes ainsi que sur leurs activités économiques et leurs relations avec les milieux économiques et financiers, XIlégislature, n° 1687, 10 juin 1999.

458 () Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

459 () Ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

460 () Conseil d’État, assemblée, 5 mars 1999, Confédération nationale des groupes autonomes de l’enseignement public

461 () Conseil constitutionnel, décision n° 2002-460 DC du 22 août 2002, Loi d’orientation et de programmation sur la sécurité intérieure.

462 () Conseil constitutionnel, décision n° 2002-461 DC du 22 août 2002, Loi d’orientation et de programmation pour la justice.

463 () Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 17, 2004.

464 () Conseil constitutionnel, décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, considérants 16 et 17.

465 () Conseil constitutionnel, décision n° 2002-460 DC du 22 août 2002, Loi d’orientation et de programmation sur la sécurité intérieure, considérant 21.

466 () Conseil constitutionnel, décision n° 86-207 DC du 26 juin 1986, Loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social, considérants 6 et 7.

467 () Conseil constitutionnel, décision n° 2000-1 LP du 27 janvier 2000, Loi du pays relative à l’institution d’une taxe générale sur les services.

468 () M. Jean-Éric Schoettl, « Constitutionnalité de la loi du pays du 7 décembre 1999 ayant pour objet de créer une nouvelle taxe alimentant le budget de la Nouvelle-Calédonie », Actualité juridique droit administratif, 2000, page 252.

469 () Les motions soit ont trait à la procédure (renvoi en commission, question préalable, ajournement, exception d’irrecevabilité) ou à l’exercice de la fonction de contrôle (sur la déclaration de politique générale au Sénat, censure à l’Assemblée nationale...), soit permettent d’adresser des propositions au Président de la République (soumettre un projet de loi au référendum). Il faut y ajouter les futures motions de l’article 88-7 nouveau de la Constitution qui, après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, permettront au Parlement de s’opposer à une modification des règles d’adoption d’actes l’Union européenne dans le cadre de la révision simplifiée des traités ou de la coopération judiciaire civile.

470 () Le point le plus débattu à l’occasion de l’adoption d’un nouveau Règlement de l’Assemblée nationale fut suscité par un amendement déposé par un député de Seine-et-Oise, Robert Ballinger, qui souhaitait instituer la possibilité de discuter d’une résolution à la fin du débat qui suivait une question orale. L’amendement sera adopté par 231 voix contre 216, tandis que 116 députés s’abstiennent ou ne participent pas au vote. Un Règlement provisoire sera ainsi adopté en janvier 1959. On soutenait en particulier au Sénat que, cette Assemblée ne pouvant être appelée à discuter de motion de censure, elle devait en tout état de cause être autorisée, pour participer véritablement au contrôle de l’action gouvernementale, à voter des propositions de résolution après débat sur une question orale.

471 () Conseil constitutionnel, décision n° 59-2 DC du 17 juin 1959, Règlement de l’Assemblée nationale.

472 () 5° de l’article 2 de la loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 précitée.

473 () Georges Berlia, « La Constitution et les débats sur les règlements des assemblées parlementaires », Revue du droit public, 1959, page 570.

474 () M. Bruno Baufumé, « La réhabilitation des résolutions : une nécessité constitutionnelle », Revue du droit public, septembre-octobre 1994, page 1399.

475 () M. Pierre Avril, « Les conditions d’une revalorisation du Parlement », in Philippe Tronquoy, op. cit., pages 52 et suivantes.

476 () « Comité Balladur », op. cit., page 57.

477 () Voir commentaires sur l’article 34, page 510.

478 () Voir commentaires sur l’article 8 modifiant l’article 21 de la Constitution, page 169.

479 () Séance du 12 décembre 1990, Journal officiel, Débats Assemblée nationale, page 6749.

480 () Séance du 26 mars 1999, Journal officiel, Débats Assemblée nationale, page 2985.

481 () M. Hocine Sadok, « La déclaration de guerre », Revue de la recherche juridique, Droit prospectif, n° 2002/1, page 394.

482 () Pour de plus amples développements sur ces moyens de contrôle, voir commentaires sur l’article 9 modifiant l’article 24 de la Constitution, page 178.

483 () Au cours de la guerre du Golfe, en 1991, la permanence de l’institution parlementaire a été assurée par les commissions, en l’absence de convocation d’une session extraordinaire. Celles-ci ont auditionné les ministres concernés dans le cadre de commissions ouvertes à tous les députés. Au Sénat, la commission des Affaires étrangères et de la défense a invité les membres de la Conférence des Présidents.

484 () MM. Guy Carcassonne, Olivier Duhamel et Yves Mény, « Parlements et démocraties en guerre », Pouvoirs, n° 58, 1991, page 77.

485 () M. Jacques Chirac, au nom du groupe RPR, était ainsi contraint de préciser, lors du vote de 1991 : « l’approbation que nous vous donnons aujourd’hui ne constitue nullement un blanc-seing pour l’ensemble de votre action dans cette crise, ni, cela va de soi, pour la façon dont est conduite la diplomatie et dont sont conduites plus généralement les affaires de la France ».

486 () Ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959.

487 () Jean Lecanuet, Proposition de loi constitutionnelle tendant à compléter l’article 35 de la Constitution, Sénat, troisième session extraordinaire de 1990-1991, n° 481, 16 septembre 1991 ; M. Pierre Albertini, Proposition de loi constitutionnelle complétant l’article 28 de la Constitution et organisant la réunion de plein droit du Parlement en cas d’intervention militaire de la France sur un terrain extérieur, Assemblée nationale, XIe législature, n° 1820, 22 septembre 1999 ; M. Guy Teissier, Proposition de loi constitutionnelle visant à un meilleur contrôle par le Parlement des questions de défense et de sécurité, Assemblée nationale, XIIIe législature, n° 350, 30 octobre 2007.

488 () Voir notamment M. François Lamy, Rapport d’information déposé par la commission de la Défense sur le contrôle parlementaire des opérations extérieures, Assemblée nationale, XIe législature, n° 2237, 8 mars 2000.

489 () Projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et relatif à l’organisation des pouvoirs publics, Sénat, 1992-1993, n° 232, 11 mars 1993.

490 () Voir commentaires du l’article additionnel après l’article 23 insérant un article 50-1 dans la Constitution, page 398.

491 () Voir commentaires sur l’article 22 modifiant l’article 48 de la Constitution, page 368.

492 () Décision du Parlement européen du 15 février 1989, modifiée par sa décision du 13 novembre 2001.

493 () M. Guy Carcassonne, « Cellules de crise », Pouvoirs, n° 58, 1991.

494 () M. Hocine Sadok, « La déclaration de guerre », Revue de la recherche juridique, Droit prospectif, n° 2002/1 ; M. Abdelkhaleq Berramdane, « La Constitution de 1958 et l’autorisation de déclarer la guerre », Revue du droit public, n° 5, septembre-octobre 1995.

495 () Voir commentaires sur l’article 22 modifiant l’article 48 de la Constitution, page 368.

496 () Loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit.

497 () La décision n° 86-224 DC du Conseil constitutionnel du 23 janvier 1987, Loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence, a toutefois reconnu, dans l’existence d’un contentieux administratif autonome, aux contours d’ailleurs limités, un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

498 () Selon Marceau Long, « S’il y a une exception française en matière de juridiction administrative, elle touche, peut-être, moins à l’existence de la juridiction qu’à l’exercice par elle de fonctions consultatives, car bien d’autres pays, notamment sur le continent européen, ont des juges administratifs, mais rares sont ceux qui ont donné à cette juridiction des attributions consultatives » (« Mon expérience de la fonction consultative du Conseil d’État de 1987 à 1995 », Revue du droit public, 1998, numéro spécial « Les 40 ans de la Ve République », page 1421).

499 () M. Michel Bernard, « Le renouveau de la fonction consultative du Conseil d’État sous la Ve République », Rapport public 1994, Paris, La documentation française, Études et documents du Conseil d’État, n° 46, 1995, page 439.

500 () Décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003, Loi relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques, considérants 5 à 10.

501 () Décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990, Loi de finances pour 1991, considérants 3 à 6 ; également, décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, considérants 2 à 4.

502 () Journal officiel Débats Sénat, 2 octobre 1982, page 4304.

503 () M. Yves Jégouzo, « À propos de la fonction consultative du Conseil d’État », Juger l’administration, administrer la justice, Mélanges en l’honneur de Daniel Labetoulle, Paris, Dalloz, 2007, page 506.

504 () In M. Louis Fougère (direction), Le Conseil d’État, 1799-1974, Paris, Éditions du CNRS, 1975, page 852.

505 () M. Marceau Long, « Le Conseil d’État et l’injonction consultative : de la consultation à la décision », Revue française de droit administratif, 1992, page 787.

506 () « Comité Balladur », op. cit., page 40.

507 () Conseil d’État, « Sécurité juridique et complexité du droit », in Rapport public 2006, Paris, La documentation française, Études et documents du Conseil d’État, n° 57, 2006, page 313.

508 () Ibid., page 314.

509 () « Comité Balladur », op. cit., page 38.

510 () Voir commentaires sur l’article 16 qui modifie l’article 42 de la Constitution, page 294.

511 () Assemblée nationale constituante, Journal officiel Débats, 15 avril 1946, page 1850.

512 () Article 3 de la section première du chapitre II du titre III.

513 () La loi n° 48-1268 du 17 août 1948 tendant au redressement économique et financier et habilitant le Gouvernement à réglementer par décret certaines matières, soit une extension de la compétence réglementaire par habilitation expresse du législateur, n’a pas eu le succès escompté, le législateur ayant toute latitude de revenir sur la délimitation ainsi opérée.

514 () M. Paul Camous, « Regards d’amitié sur François Luchaire », in François Luchaire, un républicain au service de la République, Liber Amicorum, Paris, Publications de la Sorbonne, De Republica, 2005, page 251.

515 () Par ailleurs, on pourrait évoquer l’hypothèse dans laquelle le Gouvernement utilise la procédure de l’article 38 de la Constitution pour « déclasser » des dispositions réglementaires contenues dans une loi ; il lui suffit pour cela, dans le cadre de l’habilitation qu’il a reçue, d’abroger les dispositions de forme législative en cause et de reprendre, parallèlement, un texte réglementaire, méthode validée par le Conseil constitutionnel (décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l’adoption de la partie législative de certains codes).

516 () Conseil d’État, op. cit., 2006, page 316.

517 () Décision n° 2005-512 DC, 21 avril 2005, Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 19, jurisprudence d’avril à septembre 2005.

518 () Décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002, Loi de modernisation sociale, considérant 9 ; voir, auparavant, décision n° 2000-435 DC du 7 décembre 2000, Loi d’orientation pour l’outre-mer, considérants 52 et 53.

519 () Conseil constitutionnel, décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, considérant 9.

520 () Voir les commentaires sur l’article 11 modifiant l’article 34 de la Constitution, page 235.

521 () Décision n° 2002-460 DC du 22 août 2002, Loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, considérant 21.

522 () Conseil d’État, assemblée, 10 juillet 1989, Confédération nationale des groupes autonomes de l’enseignement public ; assemblée, 5 mars 1999, Rouquette et autres.

523 () Décision n° 2004-500 DC, 29 juillet 2004, Loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales, considérant 12.

524 () Vœux du Président du Conseil constitutionnel, M. Pierre Mazeaud, au Président de la République, Palais de l’Élysée, 3 janvier 2005.

525 () Décision n° 2005-512 DC, 21 avril 2005, Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 19, jurisprudence d’avril à septembre 2005.

526 () Ibid.

527 () Décision n° 82-143 DC du 30 juillet 1982, Blocage des prix et revenus : « Les articles 34 et 37, alinéa 1er, de la Constitution établissent une séparation entre le domaine de la loi et celui du règlement, la portée de ces dispositions doit être appréciée en tenant compte de celles des articles 37, alinéa 2, et 41 ; (…) l’une et l’autre de ces procédures ont un caractère facultatif ; (…) il apparaît ainsi que, par les articles 34 et 37, alinéa 1er, la Constitution n’a pas entendu frapper d’inconstitutionnalité une disposition de nature réglementaire contenue dans une loi (…) ; (…) dans ces conditions, les députés auteurs de la saisine ne sauraient se prévaloir de ce que le législateur est intervenu dans le domaine réglementaire pour soutenir que la disposition critiquée serait contraire à la Constitution. »

528 () Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, volume I, Paris, La documentation française, 1987, page 327.

529 () M. Jean-Pierre Henry, « Vers la fin de l’État de droit ? », Revue du droit public, 1977, pages 1207-1235.

530 () Hors lois autorisant l’approbation de traités et conventions.

531 () MM. Jérôme Bignon, président, et François Sauvadet, rapporteur, L’insoutenable application de la loi, rapport de la mission d’information commune sur les problèmes généraux posés par l’application de la loi, Assemblée nationale, Xe législature, document n° 2172, 21 juillet 199, page 32.

532 () Conseil d’État, op. cit., 2006, page 273.

533 () M. Georges Hispalis, « Pourquoi tant de loi(s) ? », Pouvoirs, n° 114, 2005, page 101.

534 () Décision n° 2005-512 DC, 21 avril 2005, Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 19, jurisprudence d’avril à septembre 2005.

535 () Article 1er de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture.

536 () Loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives.

537 () Article 1er de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative à la protection et au développement de la montagne qui a été remplacé par l’article 1er de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux.

538 () Article 1er de la loi n° 94-629 du 25 juillet 1994 relative à la famille.

539 () Article 1er de la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 relative à l’air et à l’utilisation rationnelle de l’énergie devenu article L. 220-1 du code de l’environnement.

540 () Article L. 110-1 du code de l’environnement.

541 () Article L. 210-1 du code de l’environnement.

542 () Article 7 du projet de loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école tel qu’adopté par le Sénat le 24 mars 2005.

543 () Article L. 654-27-1 du code rural créé par l’article 74 de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d’orientation agricole. Cf. décret n° 86-226 du 18 février 1986 relatif à la dénomination « magret » ou « maigret ».

544 () Conseil d’État, « Considérations générales : de la sécurité juridique », in Rapport public 1991, La documentation française, Études et documents du Conseil d’État, n° 43, Paris, La documentation française, 1992, pages 13-47.

545 () Conseil d’État, op. cit., 2006, page 229.

546 () Conseil constitutionnel, décision n° 61-4 FNR du 14 octobre 1961, Fixation des prix agricoles ; décision n° 79-10 FNR du 26 avril 1979, Économie d’énergie.

547 () Voir troisième séance du jeudi 20 janvier 2005, Journal officiel Débats Assemblée nationale, 21 janvier 2005, page 266 ;

548 () 14 587 amendements en première lecture et 101 amendements en deuxième lecture sur le projet de loi relatif aux activités postales ont ainsi été déclarés irrecevables.

549 () Conseil constitutionnel, décision n° 66-7 FNR du 21 décembre 1966, Indemnisation des dommages subis par les rapatriés ; décision n° 77-9 FNR du 7 juin 1977, Sécurité sociale des mines.

550 () Proposition de loi n° 1516 relative à l’indemnisation des rapatriés d’outre-mer.

551 () Proposition de loi n° 1538 relative à l’organisation de la sécurité sociale dans les mines

552 () M. Jean-Louis Debré, Proposition de loi constitutionnelle tendant à renforcer l’autorité de la loi, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 1832, 5 octobre 2004.

553 () Proposition de loi organique tendant à modifier l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 2614, 25 octobre 2005.

554 () M. Jean-Louis Debré, Proposition de résolution tendant à insérer un article 92-1 dans le Règlement afin de faire respecter le domaine de la loi, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 2791,17 janvier 2006.

555 () M. François Vincent, « De l’inutilité de l’article 34 de la Constitution de 1958 », Actualité juridique droit administratif, 1965, pages 564-576.

556 () M. Jacques Barrot, Rapport fait au nom de la commission des Finances sur la recevabilité financière des amendements, Assemblée nationale, Xe législature, n° 1273, 25 mai 1994 ; M. Pierre Méhaignerie, Rapport d’information déposé par la commission des Finances sur la recevabilité financière dans la procédure législative à l’Assemblée nationale, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 3246, 5 juillet 2006.

557 () Décision n° 82-143 DC, 30 juillet 1982, Loi sur les prix et les revenus, considérant 11.

558 () Ainsi, la circulaire du directeur de cabinet du Premier ministre du 19 janvier 2006 a appelé au respect des articles 34 et 37 de la Constitution.

559 () M. Jean-Louis Debré, Proposition de loi constitutionnelle tendant à renforcer l’autorité de la loi, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 1832, 5 octobre 2004.

560 () « Comité Balladur », op. cit., page 42.

561 () « Comité Balladur », op. cit., page 43.

562 () Voir commentaires sur l’article 18, page 323.

563 () Voir commentaires sur l’article 34, page 510.

564 () Voir commentaires sur l’article 20 qui modifie l’article 46 de la Constitution, page 356.

565 () Joseph-Barthélemy, Essai sur le travail parlementaire et le système des commissions, Paris, Sirey, 1934, page 212.

566 () M. Pierre Mazeaud, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur la proposition de résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale, Assemblée nationale, Xe législature, n° 955, 19 janvier 1994, pages 14 et 11.

567 () Deuxième séance du 7 mai 1991, Journal officiel Débats Assemblée nationale, 8 mai 1991 page 2096.

568 () Le Conseil constitutionnel n’a pas spécifié si la nouvelle disposition, jugée conforme à la Constitution, interdit au ministre de se faire assister, à l’instar de ce qui se passe au Sénat italien, par des commissaires du Gouvernement.

569 () La réforme du Règlement de l’Assemblée nationale, travaux préparatoires, Assemblée nationale, XIe législature, Les documents d’information, 1994, page 9.

570 () Raymond Poincaré, « De la nécessité d’une bonne méthode politique », discours prononcé le 14 mars 1897, à Nogent-le-Rotrou, in Questions et figures politiques, Paris, Eugène Fasquelle, Bibliothèque-Charpentier, 1907, page 86.

571 () M. Pierre Mazeaud, op. cit., 19 janvier 1994, page 77.

572 () M. André Fanton, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur la proposition de résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale, Assemblée nationale, Xe législature, n° 2242, 4 octobre 1995, page 27.

573 () Le maintien du texte aurait conduit, en effet, à un allongement considérable du délai de dépôt des amendements. Par exemple, dans le cas d’un rapport distribué, un vendredi, ce délai n’expirerait que le jeudi de la semaine suivante, les trois jours de séance étant écoulés.

574 () Article 99, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale ; article 50 du Règlement et paragraphe II du chapitre V de l’Instruction générale du Bureau du Sénat.

575 () Léon Blum, La réforme gouvernementale, Paris, Bernard Grasset, 1936 (1918 pour l’édition originale), pages 185-186.

576 () Par exemple, 80 % des amendements des commissions enregistrés ont été adoptés sous la XIIe législature (2002-2007).

577 () Article 99, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale.

578 () M. Guy Carcassonne, op. cit., 2007, page 203.

579 () « Comité Balladur », op. cit., pages 47-48.

580 () « Comité Balladur », op. cit., page 48.

581 () Selon le « comité Balladur », « la règle nouvelle ne s’appliquerait pas aux projets de lois de finances non plus qu’aux projets de lois de financement de la sécurité sociale, qui sont au cœur des prérogatives du Gouvernement dans la conduite de l’action publique. Elle ne vaudrait pas non plus pour les projets de loi constitutionnelle » (op. cit., page 48).

582 () « Comité Balladur », op. cit., page 48.

583 () Voir commentaires sur l’article 19 qui modifie l’article 45 de la Constitution, page 351.

584 () Voir commentaires sur l’article 22 qui modifie l’article 48 de la Constitution, page 368.

585 () Par exemple, au Royaume-Uni, ces critères ont été, dans un premier temps, définis dans le rapport de M. Michael Jopling, ancien leader de la majorité de la Chambre des Communes, rendu en février 1992 et, dans un second temps, précisés par le premier rapport de la commission sur la Modernisation de la Chambres des Communes, en juillet 1997.

586 () Conseil constitutionnel, décision n° 84-181 DC des 10 et 11 octobre 1984, Loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse, considérants 5 et 6.

587 () M. Guy Carcassonne, op. cit., 2007, page 203.

588 () M. Pierre Avril, « Les conditions d’une revalorisation du Parlement », in M. Philippe Tronquoy, op. cit., pages 52 et suivantes.

589 () Article 73 du Règlement de l’Assemblée nationale ; article 65 du Règlement du Conseil de la République.

590 () Voir commentaires sur l’article 17 modifiant l’article 43 de la Constitution, page 315.

591 () À cet égard, il est intéressant de noter l’adoption récente de deux projets de loi en première lecture à l’Assemblée nationale, adoption marquée par le fait que la quasi-totalité des amendements déposés ont été adoptés et que presque la quasi-totalité de ces amendements avaient un caractère rédactionnel (projet de loi relatif aux opérations spatiales adopté le 9 avril 2008 et projet de loi portant modification de dispositions relatives à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes adopté le 10 avril 2008).

592 () M. Guy Carcassonne, op. cit., 1989, page 41.

593 () M. Pierre Bernard-Reymond, Proposition de loi constitutionnelle tendant à modifier les articles 45 et 46 de la Constitution, Assemblée nationale, Ve législature, n° 2276, 11 mai 1976.

594 () Vœux du Président du Conseil constitutionnel, M. Pierre Mazeaud, au Président de la République, Palais de l’Élysée, 3 janvier 2007.

595 () Bien que la pratique de la Ve République n’en ait offert aucune illustration, l’état de siège, dont on trouve l’origine dans une loi du 9 avril 1849, se définit classiquement, outre la suspension de l’exercice de certaines libertés, comme un transfert temporaire du maintien de l’ordre aux forces armées.

596 () Loi n° 55-385 du 3 avril 1955 modifiée instituant un état d’urgence.

597 () Décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005.

598 () Loi n° 2005-1425 du 18 novembre 2005 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955.

599 () Conseil constitutionnel, décision n° 78-94 DC du 14 juin 1978, Résolution tendant à modifier les articles 24, 39, 42, 44, 45 et 60 bis du Règlement du Sénat.

600 () Conseil constitutionnel, décisions n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005 et n° 2005-526 DC du 13 octobre 2005, lesquelles reviennent sur la position « tolérante » qui fut celle du Conseil dans sa décision n° 96-381 DC du 14 octobre 1996, admettant alors le fait que le Sénat ne contrôlait pas la recevabilité des amendements lors de leur dépôt.

601 () Conseil constitutionnel, décision n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, considérant 13.

602 () Conseil constitutionnel, décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005, Loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, considérant 28.

603 () Conseil constitutionnel, décision n° 2005-526 DC du 13 octobre 2005, Résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale, considérant 7.

604 () La pratique a été modifiée en juillet 2007 (Vade-mecum relatif à l’application de l’article 40 de la Constitution, publié par la commission des Finances).

605 () « Les amendements présentés en commission et les modifications proposées par la commission au texte dont elle avait été initialement saisie ne sont pas recevables lorsqu’ils comportent l’une des conséquences définies par l’article 40 de la Constitution. L’irrecevabilité des amendements est appréciée par le président de la commission et, en cas de doute, par son bureau. L’irrecevabilité des modifications proposées par la commission est appréciée suivant la procédure instituée par l’article 92. »

606 () Voir commentaires sur l’article 18 modifiant l’article 44 de la Constitution, page 323.

607 () Voir commentaires sur l’article 34, page 510.

608 () Le Sénat officialisera également l’existence des commissions permanentes par une résolution du 18 janvier 1921.

609 () Article 15 de la Constitution du 27 octobre 1946 : « L’Assemblée nationale étudie les projets et propositions de loi dont elle est saisie, dans des commissions dont elle fixe le nombre, la composition et la compétence ».

610 () Selon le premier alinéa de l’article 43 de la Constitution, « les projets et propositions de loi sont, à la demande du Gouvernement ou de l’assemblée qui en est saisie, envoyés pour examen à des commissions spécialement désignées à cet effet ».

611 () Raymond Poincaré, Discours de Commercy, 23 août 1896.

612 () Jacques Bardoux, La France de demain, son gouvernement, ses assemblées, sa justice, Paris, Dalloz, 2006 (1936 pour l’édition originale), pages 36-37.

613 () Les textes ayant été examinés par une commission spéciale à l’Assemblée nationale ont été le projet de loi relatif à l’initiative économique, le projet de loi relatif à l’assurance maladie, la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie et le projet de loi relatif à la modification de la loi organique relative aux lois de finances. Dans ce dernier cas, la constitution d’une commission spéciale se justifiait dans la mesure où une commission spéciale avait déjà examiné la loi organique relative aux lois de finances. Dans deux autres cas, la constitution d’une commission spéciale s’explique par le fait que le projet ou la proposition de loi résultait du travail d’une mission d’information créée par la Conférence des Présidents.

614 () Disposition introduite par l’article 38 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie.

615 () M. Laurent Dominati, Rapport d’information de la mission d’information commune sur les moyens d’information des parlements étrangers en matière économique et sociale, Assemblée nationale, Xe législature, n° 2065, 23 mai 1995, page 19.

616 () M. Jean-Louis Debré, Proposition de résolution tendant à modifier les articles 36 et 39 du Règlement afin de répartir plus équitablement les compétences des commissions permanente, Assemblée nationale, XIIlégislature, n° 2801, 17 janvier 2006.

617 () M. Jean-Luc Warsmann, op. cit., 31 mai 2006, page 80.

618 () « Comité Balladur », op. cit., proposition n° 35, page 46.

619 () Article 17 du projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et relatif à l’organisation des pouvoirs publics, Sénat, première session extraordinaire de 1992-1993, n° 232, 11 mars 1993.

620 () M. Jean-Philippe Lecat, Rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de résolution n° 399 de MM. Jacques Chaban-Delmas, Henry Rey, Raymond Mondon, Gaston Defferre et Jacques Duhamel tendant à modifier et à compléter le Règlement de l’Assemblée nationale, Assemblée nationale, IVe législature, n° 824, 14 octobre 1969.

621 () M. Jean-Luc Warsmann, op. cit., 31 mai 2006, page 76.

622 () Compte rendu n° 44 de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, mardi 13 mai 2008.

623 () L’ancienne commission de la Production et des échanges est devenue la commission des Affaires économiques, de l’environnement et du territoire par une résolution du 8 octobre 2002 qui a ajouté l’environnement à la liste de ses compétences.

624 () Ainsi, l’examen du projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat par l’Assemblée nationale lors de la session extraordinaire de juillet 2007 a donné lieu à une saisine pour avis de la commission des Affaires culturelles, de la commission des Affaires économiques et de la commission des Lois. Sous la XIIe législature, le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales avait également donné lieu à une saisine pour avis de trois commissions (Affaires culturelles, Affaires économiques et Finances), tandis que huit autres projets de loi avaient donné lieu à une saisine pour avis de deux commissions. Enfin, le présent projet de loi a donné lieu à la saisine pour avis de trois commissions permanentes (Affaires culturelles, Affaires étrangères, Défense).

625 () Voir commentaires sur l’article 34, page 510.

626 () Voir commentaires sur l’article 16 modifiant l’article 42 de la Constitution, page 294.

627 () Eugène Pierre, Traité du droit politique, électoral et parlementaire, 1904, n° 696.

628 () Mme Martine Mauguin Helgeson, L’élaboration parlementaire de la loi, étude comparative (Allemagne, France, Royaume-Uni), Paris, Dalloz, Bibliothèque parlementaire et constitutionnelle, 2006, page 63.

629 () MM. Pierre Avril et Jean Gicquel, Droit parlementaire, Paris, Montchrestien, Domat Droit public, 2004, 3e édition, page 186.

630 () Chateaubriand, De la Monarchie selon la Charte, le Roi, la Charte et les honnêtes gens, Paris, Le Normant, 1816, page 16.

631 () M. François Luchaire, « Amendement », in Constitution et finances publiques, études en l’honneur de Loïc Philip, Paris, Economica, 2005, page 125.

632 () Marcel Prélot, Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, Dalloz, Précis, 1972, 5e édition, page 783.

633 () Voir statistiques en annexe, page 608.

634 () Voir commentaires sur l’article 15 modifiant l’article 41 de la Constitution, page 277.

635 () Conseil constitutionnel, décision n° 86-221 DC du 29 décembre 1986, Loi de finances pour 1987, considérant 5.

636 () Conseil constitutionnel, décision n° 86-225 DC du 23 janvier 1987, Loi portant diverses mesures d’ordre social, considérants 6 à 11.

637 () Conseil constitutionnel, décision n° 98-402 DC du 25 juin 1998, Loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, considérants 2 à 4.

638 () Conseil constitutionnel, décision n° 2000-430 DC du 29 juin 2000, Loi organique tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l’assemblée de la Polynésie française et de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna, considérant 7.

639 () Conseil constitutionnel, décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000, Loi relative à la chasse, considérant 2.

640 () Conseil constitutionnel, décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, Loi organique relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature, considérant 48.

641 () Conseil constitutionnel, décision n° 2001-450 DC du 11 juillet 2001, Loi portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel, considérant 30.

642 () Conseil constitutionnel, décision n° 2004-501 DC du 5 août 2004, Service public de l’électricité et du gaz et entreprises électriques et gazières, considérant 26.

643 () Conseil constitutionnel, décision n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006, Lutte contre le terrorisme, considérant 26.

644 () Conseil constitutionnel, décision n° 85-191 DC du 10 juillet 1985, Loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, considérant 2.

645 () Conseil constitutionnel, décision n° 85-199 DC du 28 décembre 1985, Loi portant amélioration de la concurrence, considérant 1.

646 () L’article 98, alinéa 5, du Règlement de l’Assemblée nationale dispose que « les amendements et les sous-amendements ne sont recevables que s’ils s’appliquent effectivement au texte qu’ils visent ou, s’agissant d’articles additionnels, s’ils sont proposés dans le cadre du projet ou de la proposition », tandis que l’article 48, alinéa 3, du Règlement du Sénat précise que « les amendements ne sont recevables que s’ils s’appliquent effectivement au texte qu’ils visent ou, s’agissant d’articles additionnels, s’ils ne sont pas dépourvus de tout lien avec l’objet du texte en discussion ».

647 () Pour une application récente, voir décision n° 2006-534 DC du 16 mars 2006, Loi pour le retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, considérants 12 à 14.

648 () Conseil constitutionnel, décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007, Loi ratifiant l’ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l’organisation de certaines professions de santé et à la répression de l’usurpation de titres et de l’exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique, considérants 2 à 7.

649 () Conseil constitutionnel, décision n° 2007-549 DC du 19 février 2007, Loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament, considérants 3 à 8.

650 () Conseil constitutionnel, décision n° 2007-552 DC du 1er mars 2007, Loi portant réforme de la protection juridique des majeurs.

651 () Conseil constitutionnel, décision n° 2005-49 DC du 17 mai 1973, Résolution tendant à modifier certains articles du Règlement du Sénat, considérants 4 à 8.

652 () Conseil constitutionnel, décision n° 90-278 DC, 7 novembre 1990, Résolution modifiant les articles 16, 24, 29 et 48 du Règlement du Sénat et introduisant dans celui-ci des articles 47 ter, 47 quater, 47 quinquies, 47 sexies, 47 septies, 47 octies, 47 nonies et 56 bis A, considérant 7.

653 () Conseil constitutionnel, décision n° 95-370 DC du 30 décembre 1995, Loi autorisant le Gouvernement, par application de l’article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale, considérants 10 et 11.

654 () Conseil constitutionnel, décision n° 2005-526 DC du 13 octobre 2005, Résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale, considérants 3 à 6.

655 () Émile Blamont, Les techniques parlementaires, Paris, Presses universitaires de France, Que sais-je ?, 1958, page 69.

656 () Voir les développements sur l’évolution du délai de dépôt des amendements, page 298.

657 () En application de l’article 11 de l’Instruction générale du Bureau de l’Assemblée nationale, échappent également au couperet des délais de dépôt les amendements soumis à la commission, non adoptés, mais publiés en annexe du rapport de celle-ci.

658 () Conseil constitutionnel, décision n° 2006-537 DC du 22 juin 2006, Règlement de l’Assemblée nationale, considérants 8 à 11.

659 () M. Jean-Louis Debré, Proposition de résolution tendant à insérer un article 49-1 dans le Règlement afin de globaliser la phase de la discussion des articles, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 2796, 17 janvier 2006.

660 () M. Jean-Luc Warsmann, Rapport supplémentaire fait au nom de la commission des Lois, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 3126, 7 juin 2006.

661 () « Comité Balladur », op. cit., page 42.

662 () Le gonflement spectaculaire des textes par la multiplication d’articles additionnels au fil des lectures peut être illustré par la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, qui est passée de soixante-seize articles initialement à deux cent quarante articles promulgués.

663 () « Comité Balladur », op. cit., page 41.

664 () « Comité Balladur », op. cit., page 42.

665 () André Hauriou, Vers une doctrine de la Résistance, le socialisme humaniste, Alger, Éditions Fontaine, 1944, page 159.

666 () Henri George, Le droit d’initiative parlementaire en matière financière depuis la Constitution de 1946, Bordeaux, Imprimeries Delmas, 1956, page 21.

667 () Voir encadré page 342.

668 () Articles 103 à 107 du Règlement de l’Assemblée nationale.

669 () Articles 47 ter à 47 nonies du Règlement du Sénat.

670 () Résolution n° 146 du 23 octobre 1969. 77 textes ont été adoptés sans et 4 avec débat restreint sous la Ière législature (1959-1962), mais 4 seulement adoptés sans débat au cours de la IIe législature (1962-1967) et aucune sous la IIIe (1967-1969), ni au début de la IVe législature.

671 () Au cours des dernières années de la IVe législature (1969-1973), si 44 demandes de vote sans débat ont été faites, cette procédure n’a été utilisée que par la commission des Affaires étrangères sous la Ve (1973-1978), tout comme sous la VIe législature (1978-1981), avec 52 demandes de vote. Entre 1981 et la réforme de 1990, toutes les demandes, sans exception, ont porté sur des projets de loi autorisant la ratification ou l’approbation de conventions internationales. Au Sénat, entre 1959 et 1989, le vote sans débat a concerné les débats d’autorisation de ratification des conventions dans 262 cas sur 297.

672 () M. Jacques Larché déposa cependant une proposition de loi constitutionnelle pour ériger en procédure de droit commune une procédure d’adoption en commission des projets et propositions de loi (Proposition de loi constitutionnelle tendant à améliorer l’efficacité de la procédure législative, Sénat, première session extraordinaire de 1989-1990, n° 179, 30 janvier 1990).

673 () Résolution n° 475 du 7 mai 1991.

674 () Pour un exemple récent, opposition du groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine (GDR) à la discussion selon la procédure d’examen simplifiée du projet, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne relatif au tunnel routier de Tende (deuxième séance du 3 octobre 2007, Journal officiel Débats Assemblée nationale, page 2610).

675 () Dix-huit heures avant la réforme introduite par la résolution n° 582 du 7 juin 2006.

676 () Ce délai est fixé, comme le délai d’opposition, la veille à dix-sept heures. C’est la résolution n° 582 du 7 juin 2006 qui, dans son article 4, a avancé de dix-huit à dix-sept heures ce délai limite d’opposition et de dépôt des amendements dans un souci d’harmoniser les délais fixés dans le Règlement (cf. délai général de dépôt des amendement déterminé par le 1 de l’article 99).

677 () Résolution n° 112 du 25 mars 1998.

678 () M. Pascal Clément, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur la proposition de résolution de MM. Jean-Louis Debré, Jacques Barrot, Jean-Marc Ayrault, Hervé Morin et Alain Bocquet, tendant à compléter le Règlement de l’Assemblée nationale et à modifier ses articles 14, 50, 65, 91, 104 et 128, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 698, 18 mars 2003, page 13.

679 () Conseil constitutionnel, décision n° 90-278 DC du 7 novembre 1990, Résolution modifiant les articles 16, 24, 29 et 48 du Règlement du Sénat et introduisant dans celui-ci des articles 47 ter, 47 quater, 47 quinquies, 47 sexies, 47 septies, 47 octies, 47 nonies et 56 bis A.

680 () Conseil constitutionnel, décision n° 91-292 DC du 23 mai 1991, Résolution modifiant les articles 43, 44, 81, 83, 87, 91, 103 à 108, 126, 127 et 146 du Règlement de l’Assemblée nationale ; décision n° 94-338 DC du 10 mars 1994, Résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale.

681 () M. Didier Migaud, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur la proposition de résolution de MM. Laurent Fabius, Jean Auroux, Bernard Pons, Charles Millon et Pierre Méhaignerie, tendant à modifier les articles 43, 83, 91, 103 à 107 et 146 du Règlement de l’Assemblée nationale, Assemblée nationale, IXe législature, n° 2019, 2 mai 1991, page 8.

682 () Article 47 nonies du Règlement du Sénat : « Ne peuvent faire l’objet d’une procédure de vote sans débat ou de vote après débat restreint les projets et propositions de loi portant révision de la Constitution, les projets et propositions de loi organiques ou portant amnistie, les projets de loi de finances, les projets de loi de l’article 38 de la Constitution, les projets de loi tendant à autoriser la prorogation de l’état de siège, les projets ou propositions de loi relatifs au régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales, concernant les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources, concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, ni les lois soumises au Parlement en application du second alinéa de l’article 10 de la Constitution ».

683 () M. Guy Geoffroy, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi, adopté par le Sénat, portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en œuvre certaines dispositions du droit communautaire, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 1456, 25 février 2004, page 38 ; M. Christian Philip, Rapport déposé par la délégation pour l’Union européenne sur la transposition des directives européennes, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 1709, 1er juillet 2004, page 55 ; Rapport déposé par la délégation pour l’Union européenne sur la transposition des directives européennes, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 3229, 4 juillet 2006, pages 39-41.

684 () Une telle demande avait été faite par la commission des Lois en 1999 ; le groupe RPR avait fait à l’époque opposition dans la mesure où le code de l’éducation était concerné par l’habilitation.

685 () Loi n° 2001-1 du 3 janvier 2001 portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en œuvre certaines dispositions du droit communautaires ; loi n° 2004-237 du 18 mars 2004 portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnance, des directives communautaires et à mettre en œuvre certaines dispositions du droit communautaire.

686 () M. Jacques Floch, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en œuvre certaines dispositions du droit communautaire, Assemblée nationale, XIe législature, n° 2766, 29 novembre 2000, page 20 ; M. Guy Geoffroy, op. cit., n° 1456, 25 février 2004, page 38 ; M. Christian Philip, op. cit., 1er juillet 2004, page 55 ; op. cit., 4 juillet 2006, pages 39-41.

687 () Deuxième séance du 5 décembre 2000, Journal officiel Débats Assemblée nationale, page 9778.

688 () Article 38 alinéa 1er du Règlement de l’Assemblée nationale.

689 () L’article 43 de la Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne prévoit que « le Bundestag et ses commissions peuvent exiger la présence de tout membre du Gouvernement fédéral » et que « les membres du Bundesrat et du Gouvernement fédéral ainsi que leurs délégués ont accès à toutes les séances du Bundestag et de ses commissions. Ils doivent être entendus à tout moment. »

690 () L’article 45 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoit que « les ministres ont accès dans les commissions ; ils doivent être entendus quand ils le demandent » (résolution n° 151 du 26 janvier 1994 qui a supprimé la mention selon laquelle les ministres doivent se retirer au moment des votes dans le but, en faisant participer les ministres à certaines discussions d’amendements, de donner une autorité nouvelle aux décisions des commission et d’alléger les débats en séance publique).

691 () Article 103, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale.

692 () Article 104, alinéas 3 à 5, du Règlement de l’Assemblée nationale.

693 () Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir. Le renouveau 1958–1962, in Mémoires, Paris, Gallimard, 2000 (1970 pour l’édition originale), page 1123.

694 () Vœux de M. Jean-Louis Debré et du bureau de l’Assemblée nationale au Président de la République, Palais de l’Élysée, 4 janvier 2007.

695 () M. Michel Ameller, L’Assemblée nationale, Paris, PUF, Que sais-je ?, 2000, page 56.

696 () Résolution n° 146 du 23 octobre 1969.

697 () M. Jean-Louis Debré, Proposition de résolution tendant à insérer un article 49-1 dans le Règlement afin de globaliser la phase de la discussion des articles et Proposition de résolution tendant à modifier les articles 49, 91, 108 et 122 du Règlement afin de globaliser la phase générale de la discussion des textes, Assemblée nationale, XIIe législature, nos 2796 et 2795, 17 janvier 2006.

698 () 13 498 amendements enregistrés à l’Assemblée nationale pendant les dix ans des trois premières législatures (1958-1968), soit moins de 27 % du nombre d’amendements enregistrés sous la XIe législature (1997-2002) et moins de 6 % du nombre d’amendements enregistrés sous la XIIe (2002-2007).

699 () Louis Trotabas, Constitution et gouvernement de la France, Paris, Librairie Armand Colin, Section de Droit, 1930, page 121.

700 () MM. Jean-Claude Bécane et Michel Couderc, La loi, Paris, Dalloz, Méthodes du droit, 1994, page 169.

701 () « Comité Balladur », op. cit., page 44.

702 () M. Jean-Pierre Bel, Proposition de loi constitutionnelle tendant à réviser la Constitution du 4 octobre 1958 afin de rééquilibrer les institutions en renforçant les pouvoirs du Parlement, Sénat, session extraordinaire de 2006-2007, n° 386, 12 juillet 2007.

703 () Voir commentaires sur l’article 23 du présent projet de loi constitutionnelle, page 390.

704 () Vœux de M. Jean-Louis Debré et du bureau de l’Assemblée nationale au Président de la République, Palais de l’Élysée, 4 janvier 2007.

705 () Vœux du Président du Conseil constitutionnel, M. Pierre Mazeaud, au Président de la République, Palais de l’Élysée, 3 janvier 2007.

706 () Voir page 326.

707 () Voir les développements sur les « cavaliers législatifs », page 327, ainsi que les commentaires sur l’article 45 modifié par l’article 19 du présent projet de loi.

708 () Voir commentaires sur l’article 34, page 510.

709 () Voir, sur ce point, les commentaires sur l’article 22 modifiant l’article 48 de la Constitution, page 372.

710 () Voir Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, volume I, Paris, La documentation française, 1987, page 329.

711 () Hors lois autorisant la ratification ou l’approbation de conventions internationales, 3 063 lois ont été adoptées de 1959 au 31 décembre 2007. 656 lois ont été adoptées à partir du texte de la CMP et l’Assemblée nationale a statué en dernier mot sur 355 textes.

712 () Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, volume I, Paris, La documentation française, 1987, page 329.

713 () « Comité Balladur », op. cit., page 36.

714 () Article 48, alinéas 1 à 3 du Règlement de l’Assemblée nationale et article 29, alinéas 1 et 2, du Règlement du Sénat.

715 () M. Richard Mallié, Proposition de loi constitutionnelle relative à la procédure d’urgence dans la Constitution française, Assemblée nationale, XIIIe législature, n° 766, 28 mars 2008.

716 () Voir commentaires sur l’article 34, page 510.

717 () Voir commentaires sur l’article 16 qui modifie l’article 42 de la Constitution, page 294.

718 () À l’occasion de l’examen du projet de loi constitutionnelle portant révision des articles 61, 62 et 63 de la Constitution et instituant un contrôle de constitutionnalité des lois par voie d’exception, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 25 avril 1990, le Sénat avait supprimé cette restriction pour appliquer un bicamérisme égalitaire à l’ensemble des propositions et projets de loi organique, quel que soit leur objet. Jugée inacceptable, tant par le Gouvernement que par l’Assemblée nationale, cette modification, notamment, avait entraîné l’échec du processus constituant.

719 () Voir commentaires sur l’article 19 qui modifie l’article 45 de la Constitution, page 351.

720 () Voir commentaires sur l’article 34, page 510.

721 () La Constitution de 1946 avait déjà constitutionnalisé la mission d’assistance de la Cour des comptes en matière d’exécution du budget, son article 18 disposant que « l’Assemblée nationale peut charger la Cour des comptes de toutes enquêtes et études se rapportant à l’exécution des recettes et des dépenses publiques ou à la gestion de la Trésorerie ».

722 () Loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 précitée.

723 () C’est ainsi que la Cour des comptes est systématiquement représentée lors des travaux menés par la MEC constituée au sein de la commission des Finances de l’Assemblée nationale.

724 () L’article L. 132-4 du code des juridictions financières prévoyait déjà, mais sans que cela soit de niveau organique, que la Cour des comptes « procède aux enquêtes qui lui sont demandées par les commissions des finances et par les commissions d’enquête du Parlement sur la gestion des services ou organismes soumis à son contrôle, ainsi que des organismes et entreprises qu’elle contrôle en vertu des articles L. 133-1 et L. 133-2 » (soit l’ensemble des entreprises publiques et organismes bénéficiant de concours financiers publics).

725 () Loi organique n° 2005-779 du 12 juillet 2005 modifiant la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

726 () En 1991, une proposition de loi constitutionnelle présentée par Louise Moreau avait recommandé d’inscrire cette faculté dans la Constitution (Proposition de loi constitutionnelle tendant à compléter l’article 47 de la Constitution afin de renforcer les liens entre le Parlement et la Cour des comptes, Assemblée nationale, IXe législature, n° 2308, 31 octobre 1991).

727 () Toutefois, dès 2006, la Cour des comptes avait remis au Parlement un rapport sur les comptes de l’État, préparatoire à la mission de certification.

728 () Le rapport préliminaire remis par la Cour des comptes est le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, tandis que le rapport du Gouvernement est le rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques.

729 () L’enquête demandée par la commission des Finances de l’Assemblée nationale le 6 novembre 2003 sur la gestion des personnels détachés dans des fonctions autres que d’enseignement ou demeurant sans affectation, par le ministère chargé de l’enseignement scolaire, n’a été transmise que le 13 janvier 2005.

730 () Au cours des trois dernières années, la commission des Finances de l’Assemblée nationale a renoncé à quatre reprises à publier une enquête transmise par la Cour des comptes.

731 () La communication des référés est devenue obligatoire en 1995 et, depuis 2001, elle doit intervenir à l’expiration d’un délai de réponse du ministre de trois mois (article L. 135-5 du code des juridictions financières).

732 () Les comptes des autres régimes de sécurité sociale feront pour leur part l’objet d’une certification par des commissaires aux comptes à compter de l’exercice 2008 au plus tard.

733 () À la différence des enquêtes demandées par la commission des Finances à la Cour des comptes, celles demandées par les commissions compétentes en matière de lois de financement de la sécurité sociale ne sont pas encadrées par des conditions de délai.

734 () D’après Mme Claire Bazy-Malaurie, « Les rapports de la Cour des comptes au Parlement : synthèse », in Revue française de finances publiques, n° 99, septembre 2007.

735 () Le Conseil constitutionnel a considéré que « l’obligation qui est faite à la Cour des comptes par le premier alinéa de l’article 58 de la loi organique de communiquer le projet de son programme de contrôles aux présidents et aux rapporteurs généraux des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances ainsi que la possibilité qui est offerte à ces derniers de présenter leurs avis sur ce projet sont de nature à porter atteinte à son indépendance » (décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, Loi organique relative aux lois de finances, considérant 106).

736 () Conseil constitutionnel, décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, Loi organique relative aux lois de finances, considérant 107.

737 () « Comité Balladur », op. cit., proposition n° 41, page 53.

738 () « Comité Balladur », op. cit., page 54.

739 () Voir commentaires sur l’article 9 du projet modifiant l’article 24 de la Constitution, page 178.

740 () « Comité Balladur », op. cit., proposition n° 43, page 54.

741 () M. François Logerot, « Contrôle des comptes et évaluation », in MM. Alain Delcamp, Jean-Louis Bergel et Alain Dupas, op. cit., page 119.

742 () « Comité Balladur », op. cit., page 53.

743 () André Tardieu, La Révolution à refaire. La profession parlementaire, Paris, Flammarion, 1936, page 198.

744 () Léon Blum, op. cit., page 176.

745 () Allocution prononcée par Jacques Chaban-Delmas, Assemblée nationale séance du 6 juillet 1961.

746 () « Le mythe de l’ordre du jour prioritaire », Les petite affiches, 4 mai 1992, pages 31-34.

747 () Loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995 précitée.

748 () Cité par M. Pierre Le Mire, « L’ordre du jour sous la Ve République », in Revue française de droit constitutionnel, 1991, n° 6, pages 195-232.

749 () « Comité Balladur », op. cit., page 31.

750 () Cette rédaction exclut que le Gouvernement puisse utiliser son ordre du jour réservé pour inscrire des débats.

751 () Voir commentaires sur l’article 34, page 510.

752 () Comme l’a expliqué le Conseil constitutionnel : « considérant que, si le projet de loi dont est issue la loi soumise à l’examen du Conseil constitutionnel a été mis en discussion devant l’Assemblée nationale sans avoir été inscrit à l’ordre du jour par la Conférence des Présidents, cette procédure, d’ailleurs conforme à l’article 89-3 du Règlement de l’Assemblée nationale, ne constitue pas une méconnaissance de l’article 48 ci-dessus rappelé de la Constitution, lequel ne prévoit pas l’intervention de la Conférence des Présidents.» (décision n° 81-129 DC du 31 octobre 1981, Loi portant dérogation au monopole d’État de la radiodiffusion, considérant 6 ; décision n° 81-130 DC du 30 octobre 1981, Loi portant abrogation de la loi n° 80-564 du 21 juillet 1980 modifiant les articles 13, 14 et 15 de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur du 12 novembre 1968 et portant modification des articles 14 et 15 de ladite loi, considérant 6).

753 () Voir commentaires sur l’article 19 modifiant l’article 45 de la Constitution, page 351.

754 () Léon Blum, op. cit., page 184.

755 () Le rapport de M. Jacques Larché expliquait : « il va sans dire que le système de journées de séance supplémentaire ne commence à jouer qu’une fois atteint le plafond de 120 jours » (Rapport fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi constitutionnelle portant extension du champ d’application du référendum, instituant une session parlementaire ordinaire unique, modifiant le régime de l’inviolabilité parlementaire et abrogeant les dispositions relatives à la Communauté et les dispositions transitoires, Sénat, troisième session extraordinaire de 1994-1995, n° 392, page 83).

756 () Le Conseil constitutionnel a considéré « que le constituant a entendu habiliter le Règlement de chaque assemblée non seulement à fixer a priori des jours et horaires de séance mais encore à déterminer de telles procédures dès lors que leur mise en œuvre est subordonnée à la double condition que le plafond de cent vingt jours de séance fixé par le deuxième alinéa de l’article 28 n’aura pas été dépassé, et qu’il s’agisse de semaines au cours desquelles l’assemblée aura décidé de tenir séance ; que la procédure différente prévue par le troisième alinéa de l’article 28 ne trouve à s’appliquer que dans le cas où une de ces conditions ne serait pas remplie » (décision n° 95-366 DC du 8 novembre 1995, Résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale, considérant 11).

757 () À ce sujet, voir commentaires sur l’article 9 modifiant l’article 24 de la Constitution, page 178.

758 () Voir notamment le rapport d’information n° 2065 (Xe législature) précité, page 45, ainsi que le rapport du « comité Balladur », précité, page 32.

759 () M. Pierre Avril, « Le Parlement législateur », in Revue française de science politique, volume XXI (n° 1), 1981, pages 15-31.

760 () M. Étienne Blanc, Rapport d’information déposé par la commission des Lois sur l’exécution des décisions de justice pénale concernant les majeurs, Assemblée nationale, XIIIlégislature, n° 505, 13 décembre 2007.

761 () Sur le sens peu explicite de cette expression, qui figure également à l’article 42 de la Constitution tel que modifié par l’article 16 du présent projet, voir commentaires de cet article 16, page 294.

762 () Sur ces déclarations, voir commentaires sur l’article 13 du projet modifiant l’article 35 de la Constitution, page 253.

763 () Cette précision n’est en revanche pas nécessaire pour les déclarations de politique générale et les programmes, dont la discussion doit être inscrite à l’ordre du jour en vertu de l’article 51 de la Constitution.

764 () Sur ce point, voir commentaires sur l’article 16 modifiant l’article 42 de la Constitution, page 294.

765 () Il est aussi possible de lire le deuxième alinéa comme prévoyant une application de l’ordre fixé par le Gouvernement non aux semaines d’ordre du jour mais aux textes inscrits par priorité. Cette lecture a pour elle l’analogie avec la rédaction actuelle de l’article 48 de la Constitution. Mais le plus cohérent semble de lire la fixation de l’ordre par le Gouvernement comme un dénominateur commun aux semaines et aux textes.

766 () Voir commentaires sur l’article 24 créant un article 51-1 au sein de la Constitution, page 398.

767 () Cette hypothèse ne semble guère probable à l’Assemblée nationale, car elle conduirait dans les plus brefs délais à un vote de censure du Gouvernement.

768 () Sous la présente législature, les séances mensuelles réservées sont réparties pour chaque session ordinaire à raison de dix séances pour le groupe Union pour un Mouvement Populaire (UMP), une pour le groupe Nouveau Centre (NC), six pour le groupe Socialiste, Radical, Citoyen et divers gauche (SRC) et une pour le groupe GDR.

769 () Les questions orales comprennent aujourd’hui, à l’Assemblée nationale, d’une part les questions orales sans débat, qui portent sur des sujets d’intérêt local et sont inscrites à la séance du mardi matin (excepté lorsque cette séance est réservée à un ordre du jour d’initiative parlementaire et pendant la période budgétaire), et d’autre part les questions au Gouvernement, aussi appelées parfois questions d’actualité (d’un terme correspondant à une procédure introduite par une résolution de novembre 1969 et supprimée en janvier 1994), dont l’existence est coutumière et qui sont inscrites à la première heure des séances du mardi après-midi et du mercredi après-midi.

770 () Cité par M. Patrick Nguyen Huu, « L’évolution des questions parlementaires depuis 1958 », in Revue française de science politique, volume XXI (n° 1), 1981, pages 172-190.

771 () Conseil constitutionnel, décision n° 63-25 DC du 21 janvier 1964, Résolution modifiant les articles 36, 39, 41, 50, 134, 135, 136 et 137 du Règlement de l’Assemblée nationale, considérant 3.

772 () Il n’est pas possible de subordonner le choix du ministre compétent au consentement de l’auteur de la question (décision n° 69-37 DC du 20 novembre 1969, Résolution modifiant et complétant le Règlement de l’Assemblée nationale, considérant 6).

773 () Les questions orales à un ministre ne peuvent être posées au nom d’un organe de l’assemblée (décision n° 63-25 DC du 21 janvier 1964 précitée, considérant 1).

774 () Conseil constitutionnel, décision n° 95-368 DC du 15 décembre 1995, Résolution modifiant le Règlement du Sénat, considérant 26 ; décision n° 99-417 DC du 8 juillet 1999, Résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale, considérant 3.

775 () « Comité Balladur », op. cit., proposition n° 45, pages 55-56.

776 () Première séance du mardi 18 septembre 2007, Journal officiel Débats Assemblée nationale.

777 () « Comité Balladur », op. cit., proposition n° 44, page 55.

778 () Voir reproduction du discours en annexe 1, page 581.

779 () M. Pierre Avril, op. cit., 1981, page 17.

780 () Voir, par exemple, l’initiative du député Édouard Moisan qui déposa, au cours d’un débat devant l’Assemblée nationale sur la révision constitutionnelle, le 22 juillet 1953, un amendement qui prévoyait que toute question de confiance ne pouvait être rejetée qu’à la majorité des députés composant l’assemblée, seules les voix contre étant recensées. Voir également la proposition de loi n° 3802 du 17 janvier 1957 de Paul Coste-Floret qui suggérait que l’Assemblée se prononce sur une motion de censure lorsque le Gouvernement engageait sa responsabilité, son vote entraînant rejet du texte et renvoi du Gouvernement.

781 () Projet de loi n° 6327 portant révision des articles 17, 49, 50 et 51 de la Constitution.

782 () François Goguel, « L’élaboration des institutions de la République dans la Constitution du 4 octobre 1958 », Revue française de science politique, volume IX (n° 1), mars 1959, page 76.

783 () Plusieurs propositions de loi constitutionnelle ont témoigné de ce phénomène : M. Henri Caillavet, Proposition de loi constitutionnelle tendant à modifier l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution et limiter l’usage par le Gouvernement au cours d’une même session ordinaire d’engager sa responsabilité, Sénat, session extraordinaire de 1979-1980, n° 167, 18 janvier 1980 ; Yann Piat, Proposition de loi constitutionnelle tendant à interdire l’usage de l’article 49, alinéa 3, lors du vote des projets de loi de finances, Assemblée nationale, IXe législature, n° 2915, 4 août 1992 ; M. Guy Teissier, Proposition de loi constitutionnelle visant à interdire l’usage de l’article 49-3 pour l’adoption de la loi de finances, Assemblée nationale, XIe législature, n° 724, 25 février 1998.

784 () L’absence d’une majorité absolue à l’assemblée nationale pendant la VIIIe législature, pour la première fois sous la Ve République a contraint les trois Premiers ministres successifs à recourir davantage à l’engagement de la responsabilité de leur gouvernement, rendant ainsi plus aiguës les critiques de cette disposition. La nature et l’importance des projets de loi sur lesquels les Premiers ministres ont engagé leur responsabilité ont ainsi fait de cet article un instrument essentiel de gouvernement entre 1988 et 1992 : quatre lois de finances sur cinq – dont celle contenant les dispositions relatives à la contribution sociale généralisée (CSG), en novembre 1990 – et les lois de finances rectificatives, la loi sur la communication, la programmation militaire, le Xe plan, la réforme hospitalière, la réforme du statut de la régie Renault ou, encore, l’assurance maladie.

785 () M. Pierre Avril, « Les conditions d’une revalorisation du Parlement », in M. Philippe Tronquoy, op. cit., pages 52 et suivantes.

786 () Maurice Duverger, « Centre ou marais ? », Le Monde, 5 juillet 1988, page 2.

787 () M. Jean Gicquel, Essai sur la pratique de la Ve République. Bilan d’un septennat, Paris, LGDJ, 1968, pages 223-229.

788 () M. Pierre Avril, « Le vote bloqué et l’engagement de responsabilité », Les petites affiches, 4 mai 1992, numéro spécial, pages 29-30.

789 () En pratique, l’article 49, alinéa 3, a été invoqué pour douze lois de finances initiale ou rectificative et souvent, notamment entre 1989 et 1993, pour différents projets à plusieurs stades de la procédure (première partie, deuxième partie, première, deuxième, voire troisième lecture).

790 () « Comité Balladur », op. cit., pages 44-45.

791 () Voir commentaires sur l’article 34, page 510.

792 () Voir page 384.

793 () Décision de la Conférence des Présidents du 28 septembre 1988. À défaut de la création de droit d’une commission, cette inscription à l’ordre du jour a permis à l’opposition de « choisir le terrain » et contraint majorité et Gouvernement à argumenter un éventuel refus de création.

794 () Loi n° 91-698 du 20 juillet 1991 précitée.

795 () Article 46, alinéa 4, du Règlement de l’Assemblée nationale.

796 () M. Pierre Fraissex, « La " fenêtre parlementaire " de l’article 48 alinéa 3 de la Constitution : une nouvelle illustration de la revalorisation parlementaire », Revue française de droit constitutionnel, 1998, n° 33, page 18

797 () Article 91, alinéa 5, du Règlement de l’Assemblée nationale.

798 () Conseil constitutionnel, décision n° 2003-470 DC du 9 avril 2003, Résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale, considérant 11, commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 15, jurisprudence de mars à septembre 2003.

799 () MM. Laurent Fabius, président, et Didier Migaud, rapporteur, Contrôler réellement, pour dépenser mieux et prélever moins, rapport du groupe de travail sur l’efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, tome II, Assemblée nationale, XIe législature, 27 janvier 1999, page 43.

800 () M. Pierre Avril, op. cit., 12 juillet 2006, n° 138, page 7.

801 () Loi n° 90-385 du 10 mai 1990 modifiant l’article 6 bis de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

802 () Loi n° 91-698 du 20 juillet 1991 précitée.

803 () Article 39 du Règlement de l’Assemblée nationale.

804 () M. Pascal Clément, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur la proposition de résolution de MM. Jean-Louis Debré, Jacques Barrot, Jean-Marc Ayrault, Hervé Morin et Alain Bocquet, tendant à compléter le Règlement de l’Assemblée nationale et à modifier ses articles 14, 50, 65, 91, 104 et 128, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 608, 18 mars 2003, page 30.

805 () MM. Alain Gest, président, et Jacques Guyard, rapporteur, Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur les sectes, Assemblée nationale Xe législature, n° 2468, 22 décembre 1995.

806 () Commissions d’enquête sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales sous la Ve République (1991), sur le fonctionnement et le devenir des premiers cycles universitaires (1991), chargée d’étudier la situation actuelle et les perspectives de l’industrie automobile française (1991), sur la situation depuis dix ans et les perspectives d’avenir de la presse et de l’audiovisuel (1992), sur les moyens de lutter contre les tentatives de pénétration de la mafia en France (1992).

807 () Commissions d’enquête sur Superphénix et la filière des réacteurs à neutrons rapides (1998), sur le recours aux farines animales dans l’alimentation des animaux d’élevage, la lutte contre l’encéphalopathie spongiforme bovine et les enseignements de la crise en termes de pratiques agricole et de santé publique (2001), sur les causes des inondations répétitives ou exceptionnelles et sur les conséquences des intempéries afin d’établir les responsabilités, d’évaluer les coûts ainsi que la pertinence des outils de prévention, d’alerte et d’indemnisation (2001), sur la sûreté des installations industrielles et des centres de recherche et sur la protection des personnes et de l’environnement en cas d’accident industriel majeur (2001).

808 () Article 140-1 du Règlement, deuxième alinéa : « La fonction de président ou celle de rapporteur revient de plein droit à un membre du groupe auquel appartient le premier signataire de la proposition de résolution du vote de laquelle résulte la création de la commission d’enquête ou, en cas de pluralité de propositions, de la première déposée, sauf si ce groupe fait connaître au Président de l’Assemblée sa décision de ne revendiquer aucune des deux fonctions. »

809 () M. Pascal Clément, op. cit., pages 29-32.

810 () M. Didier Migaud, Rapport d’information déposé par la commission des Finances en conclusion des travaux d’une mission d’évaluation et de contrôle constituée le 3 février 1999, Assemblée nationale, XIe législature, n° 1781, 7 juillet 1999, page 34.

811 () Aujourd’hui, la MECSS, à l’Assemblée nationale, est composée de dix-huit membres, répartis entre six membres du groupe UMP et trois membres du groupe NC, six membres du groupe SRC et trois membres du groupe GDR. Au Sénat, en revanche, la MECSS, qui compte dix membres, est composée à la proportionnelle des groupes et présidée par un membre du groupe majoritaire.

812 () M. Jean-Luc Warsmann, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur la proposition de résolution modifiant le Règlement de l’Assemblée nationale sur la mise en application des lois, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 1409, 4 février 2004.

813 () Cette initiative est née à la fois du constat du retard dans la mise en œuvre des lois promulguées – faute de publication des textes réglementaires nécessaires et de l’échec des précédentes tentatives d’instaurer un suivi systématique de cette mise en œuvre –, de l’insuffisant contrôle du juge administratif, qui n’est pas systématiquement saisi et qui adoptait alors une conception trop large du « délai raisonnable » dans lequel devaient être prises les mesures d’application. Enfin, se faisait sentir la double nécessité de créer un « aiguillon efficace » pour améliorer la diligence du Gouvernement et de favoriser la valorisation des compétences acquises par les rapporteurs.

814 () M. Gilles Carrez, Rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 1926, 17 novembre 2004, page 55.

815 () M. Jean-Luc Warsmann, op. cit., 31 mai 2006, pages 21 et suivantes.

816 () Conseil constitutionnel, décision n° 2006-537 DC du 22 juin 2006 précitée, considérants 12 à 14 ; commentaire par M. Pierre Avril, op. cit., 12 juillet 2006, pages 7 et suivantes.

817 () Vœux de M. Jean-Louis Debré et du bureau de l’Assemblée nationale au Président de la République, Palais de l’Élysée, 4 janvier 2007.

818 () « – Les députés peuvent se grouper par affinités politiques ; aucun groupe ne peut comprendre moins de vingt membres, non compris les députés apparentés dans les conditions prévues à l’alinéa 4 ci-dessous. – Les groupes se constituent en remettant à la Présidence une déclaration politique signée de leurs membres, accompagnée de la liste de ces membres et des députés apparentés et du nom du président du groupe. Ces documents sont publiés au Journal officiel. – Un député ne peut faire partie que d’un seul groupe. – Les députés qui n’appartiennent à aucun groupe peuvent s’apparenter à un groupe de leur choix, avec l’agrément du bureau de ce groupe. Ils comptent pour le calcul des sièges accordés aux groupes dans les commissions par les articles 33 et 37. »

819 () Loi n° 24/98 du 26 mai 1998.

820 () Cette instance est composée du Président du Bundestag, des vice-présidents et de députés délégués par les groupes en fonction de leur poids numérique.

821 () Voir commentaires sous l’article 22, modifiant l’article 48 de la Constitution, page 368.

822 () « Comité Balladur », op. cit., page 65.

823 () Compte rendu intégral de la première séance du 7 juin 2006, Journal officiel Assemblée nationale, 8 juin 2006, page 4025.

824 () M. Klaus von Beyne, Der Gesetzsgeber, der Bundestag als Entscheidungszentrum, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1997, page 247.

825 () « Comité Balladur », op. cit., page 66.

826 () Voir commentaires sur l’article 17, page 315

827 () Article 29 du Règlement de l’Assemblée de la République du Portugal.

828 () Article 44 du Règlement de l’Assemblée de la République du Portugal.

829 () Article 13 de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques. A été désigné en 2007 par le Président de l’Assemblée nationale M. Daniel Vaillant, membre du groupe SRC.

830 () Loi n° 98-567 du 8 juillet 1998 instituant une commission consultative du secret de la défense nationale. A été désigné en 2007 par le Président de l’Assemblée nationale M. Jean-Michel Boucheron, membre du groupe SRC.

831 () MM. Pierre Avril et Jean Gicquel, « Chronique constitutionnelle française », Pouvoirs, n° 70, septembre 1994, pages 184-185 ; voir également déclaration de M. Alex Türk, président de la CNIL, auditionné par la commission des Lois, le 26 mars dernier, en réponse à une question de notre collègue Jean-Jacques Urvoas (Assemblée nationale, commission des Lois, session ordinaire de 2007-2008, compte rendu n° 42, page 6).

832 () Conseil d’État, « L’administration française et l’Union européenne : quelles influences ? Quelles stratégies ? », in Rapport public 2007, Paris, La documentation française, Études et documents du Conseil d’État, n° 58, 2007, page 310.

833 () Voir commentaires sur l’article 4, modifiant l’article 13 de la Constitution, page 136.

834 () « Comité Balladur », op. cit., page 18.

835 () Les anciens Présidents de la IVe République, Vincent Auriol et René Coty, ont siégé sur ce fondement au Conseil constitutionnel, de la même manière que siègent actuellement deux anciens Présidents de la Ve République.

836 () Le Conseil d’État, saisi d’une requête en annulation pour excès de pouvoir d’une décision de nomination au Conseil constitutionnel, a jugé « qu’il n’appartient pas à la juridiction administrative de connaître de la décision par laquelle le Président de la République nomme, en application des dispositions de l’article 56 de la Constitution du 4 octobre 1958, un membre du Conseil constitutionnel » (assemblée, 9 avril 1999, Mme Ba).

837 () Ces incompatibilités concernent l’exercice des fonctions de magistrat (article L.O. 140 du code électoral), des fonctions publiques non électives à l’exception de celles de professeurs titulaires de chaires ou chargés de directions de recherches et, en Alsace-Moselle, des ministres des cultes (article L.O. 142 du même code), des fonctions conférées par un État étranger ou une organisation internationale et rémunérées sur leurs fonds (article L.O. 143 du même code), des fonctions de président, directeur général, directeur général adjoint ou membre de conseil d’administration d’une entreprise nationale ou d’un établissement public national ou de conseil auprès de cette entreprise ou de cet établissement (article L.O. 145 du même code) ou de chef d’entreprise, de président de conseil d’administration, de président et membre de directoire, de président de conseil de surveillance, d’administrateur délégué, de directeur général, de directeur général adjoint ou de gérant d’une des sociétés visées à l’article L.O. 146 du code électoral. L’exercice d’une fonction de conseil non exercée avant la nomination est en outre interdit (article L.O. 146-1 du même code).

838 () Toutefois, lorsque l’incompatibilité avec une fonction élective concerne un membre de droit du Conseil constitutionnel, elle a seulement pour effet de faire « obstacle à ce que celui-ci siège au sein de ce Conseil » (cinquième considérant de la décision n° 84-983 AN du 7 novembre 1984, Assemblée nationale, Puy-de-Dôme, 2e).

839 () « Palindrome ou stupeur ? », Le Monde, 5 mars 1959.

840 () D’après une étude sur les nominations intervenues entre 1959 et 2001, 80 % des membres appartenaient à des professions juridiques (M. Fabrice Hourquebie, « Les nominations au Conseil constitutionnel », Les petites affiches, 31 mai 2001, pages 9-15).

841 () Excepté lorsqu’ils ont été nommés en remplacement d’un membre dont les fonctions ont pris fin avant le terme normal et qu’ils ont occupé ces fonctions de remplacement pendant moins de trois ans (en vertu de l’article 12 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958).

842 () Georges Vedel, « Réflexions sur les singularités de la procédure devant le Conseil constitutionnel », in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l’honneur de Roger Perrot, 1996, page 540.

843 () Voir commentaires sur l’article 26 créant un nouvel article 61-1 de la Constitution, page 423, ainsi que sur l’article 27 modifiant l’article 62 de la Constitution, page 443.

844 () Ainsi, M. Yves Guéna, nommé membre en janvier 1997, a été nommé président, à la suite de la démission de M. Roland Dumas, en mars 2000. De la même manière, M. Pierre Mazeaud, nommé membre en février 1998, a été nommé président en février 2004.

845 () Cette question se pose également pour l’application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 à la nomination de personnalités qualifiées au Conseil supérieur de la magistrature, comme le prévoit l’article 28 du présent projet de loi modifiant l’article 65 de la Constitution.

846 () Voir commentaires sur l’article 34, page 510.

847 () Hans Kelsen, « La garantie juridictionnelle de la Constitution. La justice constitutionnelle », Revue du droit public, 1928, page 245.

848 () Louis Favoreu, « La question préjudicielle de constitutionnalité. Retour sur un débat récurrent », in Mélanges Philippe Ardant. Droit et politique à la croisée des cultures, Paris, LGDJ, 1999, page 265.

849 () Raymond Carré de Malberg, « Considérations théoriques sur la combinaison du référendum avec le parlementarisme », Revue du droit public, 1931, page 225.

850 () Georges Vedel, op. cit., 1996, pages 537-556.

851 () Conclusions du commissaire du gouvernement sur Conseil d’État, assemblée, 5 décembre 1997, Mme Lambert : « Il nous paraît particulièrement souhaitable, lorsque, comme en l’espèce, la disposition législative litigieuse n’a pas été soumise au contrôle du Conseil constitutionnel (...) que vous assuriez par la voie de l’exception d’inconventionnalité, sur le fondement de l’article 6 § 1, le même contrôle que le Conseil constitutionnel aurait exercé. »

852 () Cour de cassation, chambre criminelle, 6 mai 1997.

853 () M. Guy Braibant, « Le contrôle de constitutionnalité des lois par le Conseil d’État », in Le nouveau constitutionnalisme, Mélanges en l’honneur de Gérard Conac, Paris, Economica, 2001, page 185.

854 () Conseil d’État, 28 juillet 2000, Tête et Association du « Collectif pour la gratuité, contre le racket » ; 8 décembre 2000, Parti nationaliste basque : caractère inopérant du moyen tiré de la violation par une loi de l’article XI de la Déclaration de 1789, mais examen du bien-fondé du moyen tiré de la violation de l’article 10 de la Convention européenne ; 26 février 2003, Mekhantar : caractère inopérant de l’invocation de l’article XVI de la Déclaration de 1789, mais examen du bien-fondé du moyen fondé sur l’article 6 de la Convention européenne.

855 () Conseil constitutionnel, décision n° 85-187 DC du 25 janvier 1985, Loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances : « la régularité au regard de la Constitution des termes d’une loi promulguée peut être utilement contestée à l’occasion de l’examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine » (considérant 10).

856 () Conseil constitutionnel, décision n° 99-410 DC du 15 mars 1999, Loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, considérants 36 à 43.

857 () Ainsi le doyen Vedel attire l’attention de son lecteur sur le fait que « le pur idéal de l’État de droit conçu dans une logique unique implique un développement du contentieux auquel on ne pourrait faire face en hommes, en moyens financiers et matériels » (op. cit., 1996, page 537).

858 () Allocution prononcée lors de la réception offerte par le Président du Conseil constitutionnel à l’occasion du vingtième anniversaire de la réforme constitutionnelle du 29 octobre 1974, Paris, le jeudi 3 novembre 1994.

859 () « La question préjudicielle de constitutionnalité. Retour sur un débat récurrent », in Mélanges Philippe Ardant. Droit et politique à la croisée des cultures, Paris, LGDJ, 1999, page 265.

860 () M. Guillaume Drago (direction), L’application de la Constitution par les Cours suprêmes, Conseil constitutionnel, Conseil d’État, Cour de cassation, Paris, Dalloz, Thème et commentaires, 2007.

861 () M. Mauro Cappelletti, cité par M. Yves Mény, dans la revue Commentaires, n° 36, hiver-automne 1986-1987, page 700.

862 () Selon l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle de 1990 : « Cette lacune n’est plus acceptable dans un pays comme la France. Elle l’est d’autant moins que dans un nombre croissant d’États européens le problème a été résolu grâce à l’instauration, par leur Constitution, d’un double contrôle de constitutionnalité, exercé par voie d’action à la diligence d’autorités publiques et par voie d’exception, à l’occasion d’une procédure juridictionnelle, à l’initiative des parties ou du juge. »

863 () Paul Coste-Floret, op. cit., 27 juin 1963.

864 () Georges Vedel, « Réflexions sur les singularités de la procédure devant le Conseil constitutionnel », in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l’honneur de Roger Perrot, 1996, pages 545.

865 () Voir page Erreur ! Signet non défini..

866 () Le procès équitable implique l’examen effectif du recours, le respect de l’égalité des armes, du contradictoire et du délai raisonnable de jugement.

867 () Cour européenne des droits de l’homme, 23 juin 1993, Ruiz-Mateos c/ Espagne.

868 () Selon l’expression forgé par M. Claude Émeri, « Vie et droit parlementaire », Revue du droit public, 1970, page 678.

869 () Dès sa décision n° 70-39 DC du 19 juin 1970 sur le traité signé à Luxembourg le 22 avril 1970, le Conseil avait cité dans ses visas le préambule de la Constitution de 1958, avant que de censurer sur ce fondement des dispositions soumises à son examen dans sa grande décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

870 () Conseil d’État, op. cit., 2006, page 278.

871 () « Comité Balladur », op. cit., pages 89-90.

872 () « Comité Balladur », op. cit., page 90.

873 () Saisi d’une demande d’annulation pour illégalité des arrêtés portant agrément, d’une part, d’avenants à la convention d’assurance chômage du 1er janvier 2001 et de ses actes annexés et, d’autre part, de la convention du 1er janvier 2004 et de ses actes annexés, présentée par la Confédération générale du travail, le Conseil d’État a prononcé l’annulation de ces arrêtés, avec une modulation dans le temps des effets de cette annulation. Les incertitudes quant aux droits des allocataires et des cotisants, ainsi que le danger de désorganisation du régime d’assurance chômage qu’aurait entraîné la disparition rétroactive des actes agréés, ont conduit le juge à agir dans ce sens.

874 () Conseil constitutionnel, décision n° 2005-528 DC du 15 décembre 2005, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, considérants 20 à 24.

875 () Conseil constitutionnel, décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997, Loi de finances pour 1998, considérant 14.

876 () Ordonnance n° 58-1271 du 22 décembre 1958 portant loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature.

877 () « Comité Vedel », op. cit., page 30.

878 () Loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993 précitée.

879 () Les emplois du parquet pourvus en Conseil des ministres sont ceux de Procureur général près la Cour de cassation et de procureur général près une cour d’appel.

880 () Loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature. En outre, le décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature précise les modalités d’organisation des élections des membres du CSM issus de la magistrature ainsi que l’organisation du secrétariat administratif et le fonctionnement du CSM.

881 () Commission de réflexion sur la justice, présidée par M. Pierre Truche, Rapport au Président de la République, juillet 1997.

882 () À l’origine, le projet de loi prévoyait la nomination de deux personnalités par le Président du Conseil économique et social, avant que le Sénat ne supprime cette nomination au profit d’un accroissement du nombre de personnes nommées par le Premier président de la Cour de cassation, le Vice-président du Conseil d’État et le Premier président de la Cour des comptes.

883 () M. Philippe Houillon, op. cit., pages 495-499.

884 () « Comité Balladur », op. cit., page 81.

885 () « Comité Balladur », op. cit., propositions nos 69 à 72, pages 81-82.

886 () M. Jean Gicquel, « Le Conseil supérieur de la magistrature : une création continue de la République », in Mélanges Philippe Ardant. Droit et politique à la croisée des cultures, Paris, LGDJ, 1999, page 292.

887 () Rapport public annuel, 2005.

888 () M. André Fanton, op. cit., 17 juin 1993, page 33.

889 () Ibid., page 38.

890 () Voir commentaires sur l’article 4 modifiant l’article 13 de la Constitution, page 136.

891 () Actuellement, la personnalité extérieure désignée par le Président de la République est un conseiller maître à la Cour des comptes.

892 () L’élection se déroule au sein de collèges distincts par niveau hiérarchique. Pour le niveau hiérarchique inférieur, la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 a remplacé un mode d’élection au scrutin uninominal par un mode d’élection au scrutin de liste à la représentation proportionnelle et au plus fort reste.

893 () Recommandation R (94) 12 du Comité des ministres aux États membres sur l’indépendance, l’efficacité et le rôle des juges (Comité des ministres du Conseil de l’Europe, 13 octobre 1994).

894 () Excepté au Portugal, où les magistrats sont au nombre de huit sur dix-sept, mais où cette infériorité numérique formelle est compensée par le fait que le Président de la République, qui nomme deux membres, désigne traditionnellement des magistrats.

895 () Soit environ 400 postes sur les 5 300 que compte la magistrature assise. Les propositions sont précédées d’auditions des candidats à ces postes.

896 () Rapport public annuel, 2006, page 15.

897 () Notamment dans les rapports publics annuels de 1999, 2001 et 2005.

898 () Le Conseil constitutionnel avait ainsi censuré une disposition de la loi organique modifiant l’ordonnance du 22 décembre 1958, considérant que la loi organique « ne saurait, sans méconnaître l’article 65, obliger le garde des Sceaux à recueillir l’avis " conforme " du Conseil supérieur de la magistrature sur les propositions de nomination qu’il formule, ce qui aurait pour conséquence de faire dépendre la décision de l’autorité de nomination de l’avis de cet organisme » (décision n° 92-305 DC du 21 février 1992, Loi organique modifiant l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, considérant 25).

899 () Rapport public annuel, 2006, page 81.

900 () Voir commentaires sur l’article 34, page 510.

901 () Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

902 () Ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social.

903 () Voir commentaires sur l’article 11 modifiant l’article 34 de la Constitution, page 235.

904 () Conseil constitutionnel, décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, considérant 14.

905 () M. Jacques Dermagne, Qu’est-ce que le Conseil économique et social ?, Paris, L’Archipel, 2006.

906 () Voir commentaires sur l’article 34, page 510.

907 () Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, Proposition de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil économique et social, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 1715, 6 juillet 2004.

908 () Voir commentaires sur l’article 29 modifiant l’article 69 de la Constitution, page 460.

909 () Décret n° 84-822 du 6 septembre 1984 relatif à l’organisation du Conseil économique et social.

910 () M. Bernard Quintreau, Contribution au débat national sur l’environnement et le développement durable : synthèse des travaux du Conseil économique et social, Conseil économique et social, n° 19, 15 octobre 2007.

911 () Décret n° 84-558 du 4 juillet 1984 fixant les conditions de désignation des membres du Conseil économique et social.

912 () « Comité Balladur », op. cit., proposition n° 76, pages 92-93.

913 () Loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur.

914 () Conseil d’État, assemblée, Retail, 10 juillet 1981.

915 () Loi n° 76-1211 du 24 décembre 1976 complétant la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur.

916 () Depuis lors, un pouvoir identique d’injonction à l’égard des personnes publiques a été confié au Défenseur des enfants par la loi n° 2000-196 du 6 mars 2000 précitée.

917 () Loi n° 89-18 du 13 janvier 1989 portant diverses mesures d’ordre social.

918 () Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

919 () Les deux cent soixante-quinze délégués du Médiateur de la République ont traité, en 2007, 90 % des dossiers soumis à l’institution.

920 () Arrêt Retail du Conseil d’État précité.

921 () Conseil constitutionnel, décision n° 2007-551 DC du 1er mars 2007, Loi organique relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats, dixième considérant.

922 () Jacques Pelletier, « Vingt ans de médiation à la française », in Revue française d’administration publique, n° 64, octobre-décembre 1992, pages 599-609.

923 () Article 7 du Projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et relatif à l’organisation des pouvoirs publics, Sénat, première session extraordinaire de 1992-1993, n° 232, 11 mars 1993.

924 () « Comité Balladur », op. cit., pages 92-93.

925 () Voir commentaires sur l’article 4 modifiant l’article 13 de la Constitution, page 136.

926 () Voir commentaires sur l’article 34, page 510.

927 () Article 1er de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

928 () Article 1er de la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000 portant création d’une Commission nationale de déontologie de la sécurité.

929 () Article 1er de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal.

930 () Le Conseil constitutionnel a censuré une disposition législative qui prévoyait que toute personne pourrait saisir directement le Médiateur d’une réclamation sur le comportement d’un magistrat et que le Médiateur aurait le droit de solliciter tous éléments d’information utiles auprès des chefs de cour et de transmettre la réclamation au garde des Sceaux, lequel aurait été tenu d’informer le Médiateur par une décision motivée. Il a en effet considéré « qu’en reconnaissant au Médiateur l’ensemble de ces prérogatives, le législateur organique a méconnu tant le principe de la séparation des pouvoirs que celui de l’indépendance de l’autorité judiciaire » (décision n° 2007-551 DC du 1er mars 2007, Loi organique relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats, considérant 11).

931 () Loi n° 2000-196 du 6 mars 2000 précitée.

932 () Loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 précitée.

933 () Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

934 () Au Royaume-Uni, un Regulatory Reform Order du 27 juin 2007 a ainsi fixé les conditions dans lesquelles le Parliamentary Ombudsman, les Local Government Ombudsmen et le Health Service Ombudsman peuvent être conduits à coopérer.

935 () En Suède, un ou plusieurs médiateurs parlementaires sont désignés par le Riksdag « pour veiller à l’application des lois et des règlements dans le cadre des activités publiques » (article 6 du chapitre XII de la Constitution suédoise). L’article 38 de la Constitution finlandaise prévoit une élection d’un médiateur ainsi que de deux médiateurs adjoints, « qui doivent être des juristes éminents », par l’Eduskunta pour quatre ans. Si cette élection a lieu à la majorité simple, une majorité qualifiée des deux tiers est en revanche exigée pour démettre le Médiateur de ses fonctions, pour des raisons particulièrement graves. En Norvège, le Storting est chargé par le Constitution « de nommer une personne qui ne soit pas membre du Storting et qui sera chargée, de façon précisée par la loi, du contrôle de l’administration publique et de ceux qui sont à son service pour tenter d’empêcher les injustices dont les individus peuvent être victimes » (article 75).

936 () Article 195 du traité sur les Communautés européennes appelé à devenir article 228 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne avec l’entrée du traité de Lisbonne

937 () Ainsi, le premier Parliamentary Commissioner, Sir Edmund Compton, nommé en 1967, se retira en 1971.

938 () « Comité Vedel », op. cit., page 32. Proposition reprise à l’article 14 du Projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et relatif à l’organisation des pouvoirs publics, Sénat, première session extraordinaire de 1992-1993, n° 232, 11 mars 1993.

939 () Décret n° 2008-328 du 9 avril 2008 portant création d’un comité de réflexion sur le préambule de la Constitution.

940 () Traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, entré en vigueur le 1er novembre 1993.

941 () Traité modifiant le traité sur l’Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes signé le 2 octobre 1997, entré en vigueur le 1er mai 1999.

942 () Traité modifiant le traité sur l’Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes signé le 26 février 2001, entré en vigueur le 1er février 2003.

943 () Traité modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé à Lisbonne le 13 décembre 2007.

944 () Loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992 précitée.

945 () Loi constitutionnelle n° 99-49 du 25 janvier 1999 modifiant les articles 88-2 et 88-4 de la Constitution.

946 () Loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 précitée.

947 () Loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 précitée.

948 () Conseil constitutionnel, décision n° 2007-560 DC du 20 décembre 2007, Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, considérant 7.

949 () Signé les 17 et 28 février 1986, entré en vigueur le 1er juillet 1987.

950 () Décret n° 2005-1283 du 17 octobre 2005 relatif au comité interministériel sur l’Europe et au secrétariat général des affaires européennes.

951 () Dans son étude sur « L’administration française et l’Union européenne : quelles influences ? Quelles stratégies ? », publiée dans son Rapport public 2007, le Conseil d’État précise qu’« au 31 décembre 2006 sont en vigueur 5 293 règlements et 711 directives adoptés par la Commission ».

952 () Loi n° 79-564 du 6 juillet 1979 modifiant l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires en vue de la création de délégations parlementaires pour les Communautés européennes.

953 () Loi n° 90-385 du 10 mai 1990 précitée.

954 () Loi n° 94-476 du 10 juin 1994 modifiant l’article 6 bis de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

955 () Articles introduits et modifiés par les résolutions n° 730 du 18 novembre 1992, n° 151 du 26 janvier 1994 et n° 408 du 10 octobre 1995.

956 () Résolution du 15 décembre 1992, modifiée par les résolutions des 21 novembre 1995 et 27 mai 1999.

957 () En pratique, les délégations aux Communautés européennes avaient déjà tenu une réunion commune au Palais Bourbon pour entendre publiquement, le 1er décembre 1989, Mme Édith Cresson, ministre des affaires européennes.

958 () Le Monde 24-25 avril 1994.

959 () M. Robert Pandraud, L’Assemblée nationale et l’Europe : quelle influence sur la législation communautaire ?, rapport d’information déposé par la délégation pour l’Union européenne sur les suites données aux résolutions adoptées par l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution, Assemblée nationale, Xe législature, n° 2459, 20 décembre 1995, page 6.

960 () M. Lucien Lanier, Faut-il modifier l’article 88-4 de la Constitution ?, rapport fait nom de la délégation pour l’Union européenne, Sénat, session ordinaire de 1997-1998, n° 281, 10 février 1998 ; M. Henri Nallet, Rapport déposé par la délégation pour l’Union européenne sur la mise en œuvre de l’article 88-4 et les modifications susceptibles de lui être apportées, Assemblée nationale, XIe législature, n° 1189, 12 novembre 1998.

961 () Les « piliers » disparaîtront avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007, le régime des actes européens s’en trouvant, sous quelques réserves, unifié (voir M. Jean-Luc Warsmann, Rapport fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution, Assemblée nationale, XIIIe législature, n° 568, 9 janvier 2008, page 38).

962 () M. Jean-Luc Sauron, « Le contrôle parlementaire de l’activité gouvernementale en matière communautaire en France », Revue trimestrielle de droit européen, 1999, page 175.

963 () Par exemple, Assemblée nationale, XIe législature, n° 763, 6 mars 1998.

964 () Voir, par exemple, M. Christian Philip, Premier rapport annuel sur la transposition des directives, rapport d’information déposé par la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne sur l’état de transposition des directives européennes, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 1009, 9 juillet 2003 ; Rapport d’information déposé par la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne sur la transposition des directives européennes, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 2447, 6 juillet 2005 ; n° 3239, 4 juillet 2006.

965 () Circulaire du 22 novembre 2005 relative à l’application de l’article 88-4 de la Constitution.

966 () Article 294 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne appelé à entrer en vigueur avec le traité de Lisbonne.

967 () Circulaire du 19 décembre 2005 relative à l’association du Parlement, des collectivités territoriales, des partenaires sociaux et de la société civile aux processus de décision européens.

968 () Article 2, paragraphe I, de la résolution n° 582 du 7 juin 2006.

969 () En juillet 2007, la commission des Lois a ainsi désigné, en respectant la règle de parité entre la majorité et l’opposition, pour suivre les questions relatives à la circulation des personnes Mme Marietta Karamanli (SRC) et M. Thierry Mariani (UMP) et pour suivre celles relatives à l’espace judiciaire européen M. Émile Blessig (UMP) et M. Christophe Caresche (SRC). Selon la même logique, la commission des Affaires étrangères a désigné Mme Élisabeth Guigou (SRC) et M. Gérard Voisin (UMP), tandis que la commission des Affaires économiques a désigné au sein de chacun de ses six groupes de travail thématiques un responsable chargé de suivre les questions européennes, Mme Catherine Vautrin (UMP) ayant été spécialement chargée au sein du bureau de cette commission de suivre ces questions.

970 () « Comité Balladur », op. cit., page 59.

971 () Voir récemment Mme Sylvie Desmarescaux, Proposition de résolution modifiant le Règlement du Sénat pour les questions orales avec débat portant sur des sujets européens, Sénat, session ordinaire de 2005-2006, n° 47, 26 octobre 2005 ; voir également M. Jean Bizet, Rapport d’information déposé par la délégation pour l’Union européenne sur une meilleure implication de l’ensemble des sénateurs dans l’examen des questions européennes, Sénat, session ordinaire de 2005-2006, n° 365, 18 mai 2006.

972 () Traité établissant une Constitution pour l’Europe, signé à Rome le 29 octobre 2004.

973 () Déclaration n° 13.

974 () Ce protocole a offert une base conventionnelle à la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires des parlements nationaux (COSAC).

975 () Déclaration n° 23.

976 () Protocole n° 1.

977 () Article 12 du traité sur l’Union européenne tel que modifié par le traité de Lisbonne.

978 () Paragraphe 3 de l’article 7 du protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

979 () Article 8 du protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

980 () M. Jean-Luc Warsmann, op. cit., 9 janvier 2008, page 46.

981 () Paragraphe 3 de l’article 81 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

982 () M. Édouard Balladur, Proposition de loi constitutionnelle relative au renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement en matière européenne, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 1985, 9 décembre 2004.

983 () M. Roland Blum, Avis au nom de la commission des Affaires étrangères sur le projet de loi constitutionnelle modifiant le titre XV de la Constitution, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 2023, 12 janvier 2005, pages 35-43.

984 () Deuxième séance du jeudi 27 janvier 2005, Journal officiel Débats Assemblée nationale, page 453.

985 () Mme Alice Fuchs-Cessot, Le Parlement à l’épreuve de l’Europe et de la Ve République, Paris, LGDJ, Bibliothèque constitutionnelle et de sciences politiques, tome 118, 2004, page 374.

986 () « Comité Balladur », op. cit., page 59.

987 () MM. Patrice Gélard et Jean-Claude Peyronnet, L’expérience des parlements nationaux au sein de l’Union européenne : une source d’inspiration pour la modernisation du Sénat. Les exemples luxembourgeois, belge, portugais, grec, tchèque, autrichien et slovaque, rapport d’information fait au nom de la commission des Lois sur les parlements d’États européens, Sénat, session extraordinaire de 2006-2007, n° 418, 25 juillet 2007, page 12.

988 () « Comité Balladur », op. cit., pages 60-61.

989 () Voir lois constitutionnelles précitées du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution et du 2 février 2008 ayant le même objet.

990 () Règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2001 relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission.

991 () Voir commentaires sur cet article, page 241.

992 () Mme Alice Fuchs-Cessot, op. cit.

993 () M. Hans-Joachim Seeler, Rapport fait au nom de la commission institutionnelle sur les relations entre les parlements nationaux et le Parlement européen, Parlement européen, 6 janvier 1989.

994 () Voir commentaires sur l’article 17 modifiant l’article 43 de la Constitution, page 315.

995 () M. Michel Pezet, Rapport d’information sur le suivi des affaires communautaires par la Délégation : bilan de la IXe législature et perspectives d’avenir, Assemblée nationale, IXe législature, n° 3255, 24 février 1993, page 84.

996 () M. Robert Pandraud, L’Assemblée nationale et l’Europe : bilan et perspectives, rapport d’information déposé par la délégation pour l’Union européenne sur le suivi des affaires européennes à l’Assemblée nationale, Assemblée nationale, Xe législature, n° 1436, 28 juin 1994, page 28.

997 () M. Alain Barrau, Proposition de loi complétant l’article 6 bis de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 en vue d’améliorer le contrôle du Parlement sur la transposition des normes européennes dans la législation française, Assemblée nationale, XIe législature, n° 2781, 5 décembre 2000.

998 () Amendement n° 93 présenté par M. Gérard Gouzes, sous-amendement n° 95 présenté par M. Jean Le Garrec, qui instituait une délégation chargée de suivre, dans chaque assemblée, les activités des Communautés européennes, et amendement n° 86 présenté par M. Michel Pezet qui prévoyait que, dans chaque assemblée, une délégation rende des avis sur lesquels les assemblées pouvaient se prononcer (troisième séance du 12 mai 1992, Journal officiel Débats Assemblée nationale, pages 1115 et suivantes).

999 () Au Sénat, M. Claude Estier déclarait ainsi : « On pourrait se demander si (…) le tems n’est pas venu de leur (les délégations) donner une existence constitutionnelle » (séance du 31 mai 1994, Journal officiel Débats Sénat, page 1966).

1000 () House of Commons, Select Committee on Modernisation of the House of Commons, Scrutiny of European Business, Second Report of Session 2004-05, volume I, HC 465-I, 22 mars 2005, pages 27 et suivantes.

1001 () Le Conseil d’État a récemment fort opportunément préconisé au Gouvernement d’adresser très tôt aux parlementaires nationaux un tel mémorandum leur présentant une analyse du texte envisagé par la Commission européenne, un tableau de concordance et la première appréciation du Gouvernement, assorti éventuellement d’un questionnaire (« L’administration française et l’Union européenne : quelles influences ? Quelles stratégies ? », op. cit., 2007, page 310).

1002 () Loi du 1er mai 2004 modifiant la loi n° 90/1995 du 19 avril 1995 relative au Règlement de la Chambre des Députés.

1003 () Voir commentaires sur cet article, page 514.

1004 () Conseil constitutionnel, décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 précitée.

1005 () Loi n° 2006-1254 du 13 octobre 2006 autorisant la ratification du traité relatif à l’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne.

1006 () Le Conseil européen de Luxembourg a décidé en décembre 1997 que le respect des critères politiques de Copenhague constituait un préalable à l’ouverture de toute négociation d’adhésion, les critères économiques et la capacité à assumer les obligations de l’adhésion (« critère de l’acquis ») devant quant à eux être appréciés « d’une manière prospective et dynamique ».

1007 () Première séance du mardi 15 janvier 2008, Journal officiel Débats Assemblée nationale, pages 157 et suivantes.

1008 () « Comité Balladur », op. cit., page 60.

1009 () Première séance du jeudi 7 février 2008, Journal officiel Débats Assemblée nationale, page 839.

1010 () À ce propos, le « comité Balladur » assortissait sa proposition de révision de l’article 88-5 d’une réserve importante : la modification de l’article 89 lui-même, en permettant de lever le veto accordé aujourd’hui à chacune des assemblées en matière de révision constitutionnelle. Dans sa proposition n° 68, il suggérait ainsi qu’en cas de refus d’une révision par l’une des deux assemblées tandis que l’autre a adopté le texte à la majorité des trois cinquièmes, un référendum soit organisé, de telle sorte que le peuple souverain soit appelé à trancher.

1011 () Loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 précitée.

1012 () Loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 précitée.

1013 () Article 47 nouveau du traité sur l’Union européenne. Il est précisé, dans la déclaration n° 24 annexé au traité, que « la Conférence confirme que le fait que l’Union européenne a une personnalité juridique n’autorisera en aucun cas l’Union à légiférer ou à agir au-delà des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités ».

1014 () L’article 289, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, stipule que « les actes juridiques adoptés par procédure législative constituent des actes législatifs ». Cette définition européenne inclut, selon les paragraphes 1 et 2 du même article, les règlements, les directives et les décisions qui sont adoptés soit selon la procédure ordinaire, c’est-à-dire conjointement par le Parlement européen et le Conseil, soit selon la procédure législative spéciale par le premier ou par le second avec la participation de l’un ou de l’autre.

1015 () Le protocole modifiant le traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique, joint au traité de Lisbonne, prévoit, dans son article 3, qui modifie l’article 106 bis du traité Euratom, que « les références à l’Union, au " traité sur l’Union européenne ", au " traité sur le fonctionnement de l’Union européenne " ou aux " traités " » doivent être assimilées à des références à la Communauté européenne de l’énergie atomique et audit traité Euratom.

1016 () Voir commentaires sur l’article 33 modifiant l’article 88-5 de la Constitution, page 504.