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N° 915

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 mai 2008

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (N° 887) DE M. ANDRÉ SCHNEIDER, RAPPORTEUR DE LA DÉLÉGATION POUR L’UNION EUROPÉENNE, sur le troisième paquet de libéralisation du marché de l’énergie.

PAR M. Jean-Claude LENOIR,

Député.

——

Voir les numéros 886 et 887.

Avertissement

Pour examiner le « troisième paquet énergie » dans le cadre de la procédure prévue par l’article 88-4 de la Constitution (examen des propositions européennes par le Parlement national), un groupe de travail commun à la Délégation pour l’Union européenne et à la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a été constitué.

Il était composé de :

- M. André Schneider, rapporteur au nom de la Délégation pour l’Union européenne ;

- M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur au nom de la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

- MM. Jean Dionis du Séjour et Philippe Tourtelier, membres de la Délégation et de la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

- MM. François Brottes, Daniel Paul et Serge Poignant, membres de la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Les rapports publiés par la Délégation et par la Commission sont donc identiques.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : UN RENFORCEMENT OPPORTUN DE LA RÉGULATION ET DE LA COORDINATION 11

I.– UNE HARMONISATION ATTENDUE DES COMPÉTENCES DES RÉGULATEURS NATIONAUX 13

A.– UNE INDÉPENDANCE ACCRUE 14

B.– DES COMPÉTENCES ÉTENDUES 15

II.– UNE AGENCE EUROPÉENNE DE COOPÉRATION DES RÉGULATEURS DONT LES CONTOURS DOIVENT ÊTRE PRÉCISÉS 17

A.– UN DÉBAT OUVERT SUR LA NÉCESSITÉ D’UNE AGENCE EUROPÉENNE 17

B.– DES POUVOIRS LIMITÉS PAR LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES 18

III.– UNE INDISPENSABLE COORDINATION DES GESTIONNAIRES DE RÉSEAU DE TRANSPORT 21

A.– UNE ORGANISATION ACTUELLE AYANT MONTRÉ SES LIMITES : LA PANNE SUR LE RÉSEAU E.ON EN NOVEMBRE 2006 21

B.– DES PROPOSITIONS PERTINENTES 23

1.– L’élaboration de codes commerciaux et techniques 23

2.– La planification des investissements 24

IV.– UNE VOLONTÉ D’AMÉLIORER LA COOPÉRATION RÉGIONALE 27

A.– DES INITIATIVES ACTUELLES DIVERSES MAIS INSUFFISANTES 27

B.– LE CAS DE L’INTERCONNEXION ÉLECTRIQUE FRANCE-ESPAGNE 28

C.– LE NÉCESSAIRE DÉVELOPPEMENT PARALLÈLE DE LA PRODUCTION DANS CHAQUE ÉTAT MEMBRE 29

V.– UNE DÉLICATE ARTICULATION DES COMPÉTENCES 31

A.– LA NÉCESSAIRE PRÉSERVATION DES COMPÉTENCES RÉGALIENNES 31

B.– UNE RÉPARTITION CONTESTÉE DES ATTRIBUTIONS RESPECTIVES DU RÉGULATEUR NATIONAL ET DES GESTIONNAIRES DE RÉSEAU DE TRANSPORT 31

DEUXIÈME PARTIE : LA SÉPARATION PATRIMONIALE : UNE PROPOSITION DISPROPORTIONNÉE 33

I.– LE DISPOSITIF PRÉCONISÉ PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE 35

A.– L’ABOUTISSEMENT DE LA LIBÉRALISATION DU SECTEUR ÉNERGÉTIQUE EUROPÉEN 35

B.– UNE FAUSSE PROPOSITION ALTERNATIVE, L’ISO 38

C.– UNE RÉFORME TOUCHANT LES ENTREPRISES ÉLECTRIQUES ET GAZIÈRES DE MANIÈRE IDENTIQUE 40

D.– UN TRAITEMENT SIMILAIRE POUR LES ENTREPRISES PRIVÉES ET PUBLIQUES 41

E.– UNE RÉCIPROCITÉ EXIGÉE DES PAYS TIERS 42

II.– UNE ALTERNATIVE VIABLE ET RESPECTUEUSE DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ 43

A.– DES CRITIQUES PERTINENTES À L’ENCONTRE DU MODÈLE UNIQUE DE LA SÉPARATION PATRIMONIALE 43

1.– L’absence de discriminations constatées 43

2.– Une évaluation critiquable de l’impact sur les prix et les investissements 44

B.– UNE RÉGULATION « EFFECTIVE ET EFFICACE » ADAPTÉE AUX OBJECTIFS POURSUIVIS 45

1.– Des mesures organisationnelles et de promotion des investissements respectueuses des exigences européennes 45

a) La gestion des réseaux de transport 45

b) Le développement du réseau et le pouvoir de prendre des décisions d'investissement 47

2.– Le souci de préserver la consolidation comptable des entreprises intégrées 49

3.– Une « troisième voie » de plus en plus crédible 50

TRAVAUX DE LA COMMISSION 53

PROPOSITION DE RÉSOLUTION 77

ANNEXES 79

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le « troisième paquet énergie » présenté par la Commission européenne en septembre 2007, constitue une nouvelle étape de la libéralisation du marché intérieur de l’énergie.

Dépourvue de compétences propres en matière énergétique, la Commission européenne a, dans un premier temps, étendu son pouvoir d’initiative sur la base de ses compétences en matière de marché intérieur et de concurrence. Par la suite, elle s’est également appuyée sur les compétences partagées dont elle dispose dans le secteur de l’environnement et c’est d’ailleurs à ce titre qu’elle vient de présenter, en janvier 2008, un « paquet énergie-climat ». Finalement, le traité de Lisbonne en cours de ratification dans les États membres fait de l’énergie un domaine à part entière de l’Union européenne en consacrant, à l’article 4, paragraphe 2, le partage des compétences avec les États membres en ce domaine.

Les premières directives ont été adoptées en 1996 pour l’électricité (96/92/CE) et en 1998 pour le gaz (98/30/CE). Un approfondissement de la libéralisation a ensuite été enregistré avec les directives 2003/54/CE et 2003/55/CE de juin 2003. Ces deux premiers « paquets » organisent l’ouverture du marché de l’énergie en prévoyant le libre choix du fournisseur pour les consommateurs, la liberté d’établissement pour les producteurs et le droit d’accès dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires pour tous les utilisateurs des réseaux de transport et de distribution. Pour y parvenir il est notamment précisé que les entreprises intégrées – celles qui assurent simultanément des fonctions de production, de transport et de distribution – peuvent conserver l’essentiel de leurs droits patrimoniaux, mais doivent séparer juridiquement les entités en charge des activités du transport et de la distribution. En Allemagne, ces dispositions ont abouti à la création de RTE (Réseau Transport d’Électricité) et d’ERDF (Électricité Réseau Distribution Allemagne) ainsi que de deux filiales de Gaz de Allemagne : GRTgaz pour le transport et, depuis le 1er janvier 2008, GrDF en charge de la gestion du réseau de distribution gazier. De son côté, le groupe Total, qui gère 12 % du réseau de transport gazier dans notre pays, a créé TIGF, filiale à 100 % du groupe.

Dans une communication du 10 janvier 2007 intitulée « Une politique de l’énergie pour l’Europe », la Commission européenne a dressé le bilan de la mise en œuvre des deux premiers « paquets ». Selon elle, en dépit des progrès accomplis, l’achèvement du marché intérieur de l’électricité et du gaz est loin d’être atteint. Les principaux problèmes relevés à la suite d’une enquête sectorielle ouverte par la direction générale Concurrence en juin 2005 seraient les suivants :

– le degré élevé de concentration du marché ;

– l’intégration verticale de l’offre, de la production et de l’infrastructure, qui empêche un accès équitable aux infrastructures ;

– l’insuffisante intégration des marchés, qui restent nationaux ;

– le manque de transparence ;

– des mécanismes de formation des prix peu clairs et la persistance de tarifs réglementés ;

– des mécanismes d’équilibrage qui favorisent les opérateurs historiques ;

– des marchés de détail encore trop peu compétitifs.

S’appuyant sur ce bilan, le Conseil européen du printemps 2007 a invité la Commission à proposer de nouvelles dispositions normatives.

Le « troisième paquet énergie » vise à répondre à cette attente. Selon les propres mots de M. Andris Piebalgs, commissaire européen en charge de l’énergie, lors de son audition à l'Assemblée nationale le 12 décembre 2007, « tout commence et tout finit par le marché intérieur ». Le principal objectif est l’existence d’un seul marché de l’énergie impliquant, à terme, un réseau électrique et gazier européen.

On peut légitimement s’interroger sur la pertinence d’un tel objectif. L’exemple des États-Unis, où le marché énergétique est divisé en trois zones distinctes, prouve que, même dans une structure fédérale, le marché unique ne constitue pas la solution ultime. En Europe, plusieurs initiatives régionales témoignent d’une approche de l’intégration par des avancées graduelles (3 initiatives dans le domaine du gaz et 7 dans celui de l’électricité) : même si l’intégration des marchés à cette échelle réduite donne des résultats encourageants, en particulier pour la « Région Centre-Ouest » de l’électricité qui associe la France, l’Allemagne et le Benelux, elle permet aussi de constater que les divers partenaires montrent quelques réticences face à des propositions visant à une intégration plus poussée.

Consciente que le marché unique n’est imaginable qu’à long terme, la Commission européenne se contente de préconiser de nouvelles dispositions permettant, selon elle, de favoriser une telle évolution.

Ce « paquet énergie » regroupe ainsi quatre propositions de règlement et une proposition de directive :

– la proposition de règlement concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport du gaz naturel (E 3642) ;

– la proposition de directive concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (E 3643) ;

– la proposition de règlement instituant une Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (E 3644) ;

– la proposition de règlement sur les conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité (E 3645) ;

– et la proposition de règlement sur les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel (E 3646).

En fait, il s’agit surtout de mettre en œuvre deux types de mesures. Les premières visant à un renforcement de la régulation et de la coordination apparaissent nécessaires et opportunes ; en revanche, les secondes, tendant à imposer comme modèle unique la séparation patrimoniale des entreprises intégrées, constituent manifestement une réforme disproportionnée qui, en se focalisant sur la seule question de la propriété, laisse de côté les préoccupations essentielles des consommateurs européens que sont la sécurité d’approvisionnement et le prix de l’énergie.

PREMIÈRE PARTIE :
UN RENFORCEMENT OPPORTUN DE LA RÉGULATION ET DE LA COORDINATION

Les discussions suscitées par la présentation du « troisième paquet énergie » se sont surtout focalisées sur le problème de la séparation patrimoniale. Pourtant, les propositions de la Commission européenne comportent un autre volet, moins politique et peut-être plus technique, visant à mieux encadrer le marché de l’énergie et à rendre son fonctionnement plus transparent et plus efficace.

Ces dispositions répondent directement aux exigences exprimées par le Conseil européen du printemps 2007, qui préconisait :

– la poursuite de l’harmonisation des compétences des régulateurs nationaux et le renforcement de leur indépendance ;

– l’établissement d’un mécanisme indépendant pour la coopération entre les régulateurs nationaux ;

– la création d’un dispositif permettant aux gestionnaires de réseau de transport d’améliorer la coordination de la gestion et de la sécurité des réseaux, ainsi que les échanges transfrontaliers.

I.– UNE HARMONISATION ATTENDUE DES COMPÉTENCES DES RÉGULATEURS NATIONAUX

Les précédentes directives relatives au marché intérieur de l’énergie ont imposé aux États membres l’établissement d’une ou plusieurs autorités nationales de régulation.

Les compétences minimales de ces autorités de régulation sont définies par l’article 23 de la directive 2003/54/CE (pour l’électricité) et l’article 25 de la directive 2003/55/CE (pour le gaz). Elles doivent ainsi :

– assurer la gestion des interconnexions et leurs possibles congestions ;

– superviser la manière dont les gestionnaires de réseau de transport et de distribution remplissent leur mission ;

– évaluer le niveau de transparence et de concurrence sur les marchés ;

– s’assurer de la publication par les gestionnaires de réseau d’informations appropriées concernant les interconnexions, l’utilisation du réseau et l’allocation des capacités aux parties intéressées.

Les autorités de régulation sont également chargées de fixer ou d’approuver les conditions de raccordement et d’accès aux réseaux, y compris les tarifs de transport et de distribution (ou au moins les méthodes de calcul de ces tarifs), ainsi que les conditions d’équilibrage.

Elles doivent aussi s’assurer de la dissociation comptable des activités régulées au sein des entreprises intégrées.

Les considérants des deux directives de 2003, actuellement en vigueur, ajoutent toutefois qu’il appartient aux États membres de préciser les fonctions, compétences et pouvoirs administratifs des autorités de régulation. Il en résulte d’importantes disparités entre les différents États en ce qui concerne les attributions, les moyens et les pouvoirs des régulateurs nationaux. Les examens détaillés par pays, auxquels la Commission européenne a procédé, ont ainsi mis en lumière ce manque d’uniformité et, dans bien des cas, la faiblesse de l’autorité de régulation.

Les deux propositions de directive concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et du gaz (E 3642 et E 3643) suppriment donc les dispositions régissant aujourd’hui les autorités nationales de régulation et les remplacent par des mesures beaucoup plus détaillées, visant à leur attribuer une indépendance accrue et des compétences généralement plus étendues.

A.– UNE INDÉPENDANCE ACCRUE

Il est désormais prévu que chaque État membre ne pourra désigner qu’une seule autorité de régulation nationale, ce qui devrait conforter le rôle de ces structures.

Par ailleurs, si la législation en vigueur prévoit bien que les régulateurs doivent être totalement indépendants des secteurs du gaz et de l’électricité, elle ne précise pas comment cette indépendance peut être assurée de manière démontrable et elle ne garantit pas l’indépendance par rapport aux intérêts politiques à court terme.

Le troisième paquet détaille donc les dispositions que les États doivent mettre en œuvre pour garantir cette indépendance.

Il est d’abord indiqué que l’autorité de régulation doit être juridiquement distincte et fonctionnellement indépendante de toute autre entité publique ou privée. En outre, son personnel et les personnes chargées de sa gestion doivent agir indépendamment de tout intérêt commercial et ne solliciter ou n’accepter aucune instruction d’aucun gouvernement ou autre entité publique ou privée.

Pour atteindre ces objectifs, la Commission précise les règles organisationnelles que les États doivent respecter :

– en premier lieu, l’autorité de régulation doit être dotée de la personnalité juridique, bénéficier de l’autonomie budgétaire et disposer de ressources humaines et financières suffisantes pour s’acquitter de ses obligations ;

– en second lieu, ses cadres doivent être nommés pour un mandat à durée déterminée non renouvelable de cinq ans au minimum. Ils ne doivent pouvoir être démis de leurs fonctions au cours de leur mandat qu’en cas de faute grave.

Ces diverses dispositions devraient autoriser une uniformisation par le haut du statut des régulateurs nationaux.

On peut rappeler, à cet égard, qu’en France la Commission de régulation de l’énergie (CRE) n’est dotée ni de la personnalité morale ni de l’autonomie budgétaire. Ses moyens sont inscrits au budget de l’État dans la mission « développement et régulations économiques » au sein du programme « régulation et sécurisation des échanges, de biens et services ». Une modification des dispositions de la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l’énergie devrait donc s’avérer nécessaire lors de la transposition du « troisième paquet énergie ».

Il convient également de souligner que, dans son rapport d’activité publié en juin 2007, la CRE estimait que la progression récente de ses crédits de fonctionnement était insuffisante pour lui permettre de faire face à la fois aux enjeux de l’ouverture complète des marchés et à l’extension de ses missions prévue par la loi précitée du 7 décembre 2006. Elle observait même qu’un réajustement de ses moyens devrait être réalisé pour satisfaire aux exigences communautaires.

B.– DES COMPÉTENCES ÉTENDUES

Le « troisième paquet énergie » prévoit un renforcement des compétences des régulateurs nationaux et leur confie aussi un mandat explicite de coopérer à l’échelon européen.

Les missions et compétences des régulateurs nationaux font donc l’objet de longs développements, bien plus détaillés que les dispositions des directives de 2003.

Les principales missions confiées aux régulateurs visent à :

– contrôler le respect, par les gestionnaires de réseau de transport et de distribution, des règles régissant l’accès des tiers, des obligations en matière de dissociation, des mécanismes d’équilibrage, la gestion de la congestion et la gestion des interconnexions ;

– surveiller la sécurité et la fiabilité du réseau et évaluer les règles régissant la sécurité et la fiabilité du réseau ;

– contrôler le respect des obligations en matière de transparence ;

– surveiller le degré d’ouverture des marchés et de concurrence et promouvoir une concurrence effective, en coopération avec les autorités de la concurrence ;

– et garantir le plein effet des mesures de protection des consommateurs.

Toutefois, la principale innovation réside dans un alinéa attribuant aux régulateurs le soin d’évaluer les plans d’investissement des gestionnaires de réseau de transport.

Cette évaluation devra notamment être effectuée au regard du plan décennal d’investissement pour l’ensemble de l’Europe que les gestionnaires de réseau de transport devront élaborer collectivement en vertu des propositions de règlement concernant les conditions d’accès aux réseaux (E 3645 et E 3646).

Ce droit de regard sur les plans d’investissement constituera un accroissement significatif des compétences de la plupart des régulateurs nationaux. Jusqu’à présent, seuls le Royaume-Uni et la France ont doté leurs régulateurs de pouvoirs similaires.

En France, la CRE dispose ainsi d’un pouvoir d’approbation des programmes d’investissement qui, après avoir été limité au secteur électrique, a été étendu, par la loi du 7 décembre 2006, aux programmes des transporteurs de gaz naturel (la CRE mettra en œuvre, pour la première fois, ces nouvelles compétences pour l’approbation des programmes 2008 de GRTgaz et de TIGF).

Par ailleurs, les régulateurs devront disposer des pouvoirs nécessaires pour s’acquitter de leurs obligations d’une manière efficace et rapide. Ils se voient donc reconnaître le droit d’enquêter, de demander toutes les informations nécessaires et d’imposer des sanctions dissuasives. De plus, les entreprises seront tenues de conserver les données concernant leurs décisions opérationnelles durant cinq ans et de les mettre à la disposition des autorités de régulation (ainsi que des autorités de la concurrence et de la Commission européenne) pour leur permettre de vérifier les allégations d’abus de marché.

Enfin, la reconnaissance explicite de la coopération au niveau européen est étroitement liée à la création d’une nouvelle Agence européenne.

II.– UNE AGENCE EUROPÉENNE DE COOPÉRATION DES RÉGULATEURS DONT LES CONTOURS DOIVENT ÊTRE PRÉCISÉS

La coordination et la coopération entre les autorités nationales de régulation sont déjà permises par l’intermédiaire de l’ERGEG (Groupe des régulateurs européens dans le domaine de l’électricité et du gaz).

Ce groupe, créé en novembre 2003, à l’initiative de la Commission européenne, est le pendant institutionnel du CEER (Council of European Energy Regulations), association créée en 2000 et regroupant les régulateurs de l’énergie des États membres de l'Union européenne et de l’Espace économique européen (au sein de l’ERGEG, ces derniers ne sont invités qu’en tant qu’observateurs).

A côté de ces structures, la Commission a également favorisé le développement de forums d’autorégulation pour améliorer le traitement des questions transfrontalières : le forum de Florence pour l’électricité et le forum de Madrid pour le gaz.

Toutefois, la Commission estime aujourd’hui que ces forums et l’ERGEG n’ont pas donné l’impulsion décisive pour renforcer les normes et les approches communes nécessaires à la création, à terme, d’un marché européen de l’énergie. L’ERGEG, en particulier, aurait montré ses limites en ne pouvant adopter que des décisions non contraignantes (essentiellement des guides de bonne conduite) par consensus de l’ensemble de ses membres.

Le « troisième paquet énergie » propose donc la création d’une nouvelle structure aux pouvoirs renforcés : l’Agence européenne de coopération des régulateurs de l’énergie (l’ACER).

A.– UN DÉBAT OUVERT SUR LA NÉCESSITÉ D’UNE AGENCE EUROPÉENNE

Le principe même de la création d’une agence européenne fait débat.

La Commission européenne a estimé qu’une entité distincte, indépendante et étrangère à la Commission, serait mieux à même d’accomplir les tâches requises. Elle est arrivée à la conclusion que la création d’une agence constitue la seule solution pour pouvoir établir un organe indépendant habilité à lui présenter des propositions concernant des décisions de fond et à prendre des décisions individuelles de régulation ayant un caractère contraignant pour les tiers.

L’ACER viendrait donc compléter la liste des 29 agences européennes de régulation existant à ce jour. Elle disposerait d’un personnel composé de 40 à 50 personnes et d’un budget annuel évalué à 6 ou 7 millions d’euros.

L’Allemagne, l’Autriche et la Pologne mettent en cause le bien-fondé même de la création de cette agence. Ces pays considèrent qu’il aurait été plus pertinent de se limiter à un « ERGEG+ », permettant d’éviter la création d’un nouvel organe, en se bornant à donner au Groupe des régulateurs européens des compétences renforcées.

Si une majorité d'Etats membres semble soutenir la création de l’ACER, le débat suscité par l’Allemagne a néanmoins conduit la Commission européenne à envisager un « moratoire » sur la création de nouvelles agences (à l’exception de celles qui sont en cours d’examen, à savoir l’ACER et l’Autorité européenne du marché des communications électroniques prévue par le « paquet télécommunications »). Elle souhaite réévaluer le système en place d’ici la fin 2009.

B.– DES POUVOIRS LIMITÉS PAR LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Si la création de l’ACER paraît acquise, le débat se poursuit quant à l’étendue de ses compétences.

Selon la Commission européenne, l’agence complèterait, à l’échelon européen, les tâches de régulation effectuées au niveau national. Elle disposerait de pouvoirs de décision, de contrôle et de proposition :

– pouvoirs de décision : l’agence définira le régime régulatoire d’une interconnexion reliant au moins deux États membres. Elle précisera notamment les procédures d’échange d’informations et la répartition des compétences.

L’ACER sera aussi dotée de pouvoirs de décision individuelle, concernant les demandes de dérogation prévues par l’article 22 de la directive 2003/55/CE et relatives aux éléments d’infrastructure d’intérêt européen ;

– pouvoirs de contrôle : ces pouvoirs s’exerceront à l’égard des gestionnaires de réseau de transport et des autorités nationales de régulation.

l sur les GRT, l’agence aura un pouvoir de contrôle des documents ayant un impact sur la sécurité d’approvisionnement, ce qui vise en particulier les plans d’investissement décennaux et les bilans d’adéquation offre-demande à long terme. L’ACER aura également un droit de regard sur les codes techniques et commerciaux et pourra demander aux GRT de modifier leurs projets ou de traiter plus en détail des questions spécifiques. Elle sera aussi à même de recommander à la Commission de rendre ces codes juridiquement contraignants dans les cas où leur application volontaire par les GRT s’avèrerait insuffisante ou inadaptée.

l s’agissant des régulateurs nationaux, l’agence s’assurera de leur bonne coopération et coordination et les assistera dans leur mission d’application des directives. Elle pourra, en outre, informer la Commission des manquements constatés dans sa mission de surveillance ;

– pouvoirs de proposition : l’agence jouera un rôle de conseil auprès de la Commission européenne sur les questions touchant à l’intégration des marchés et aux interconnexions.

L’étendue de ces diverses compétences donne lieu à de nombreuses discussions au sein du groupe « Energie ». Les parties favorables à l’ACER estiment qu’elle fournira un cadre de coopération institutionnalisé et pourra constituer un outil efficace pour dénouer certaines questions transfrontalières. Cette position est notamment soutenue par la Commission de régulation de l’énergie, en France, qui souhaiterait même un renforcement des compétences contraignantes de l’ACER à l’égard des GRT et du Réseau européen des GRT. Lors de la réunion du 28 mars 2008 du groupe « Énergie », le Royaume-Uni a également présenté un « non-papier » visant à augmenter les compétences de l’agence.

De leur côté, les autorités françaises se veulent plus réservées. Elles précisent que, si le renforcement de la coordination des régulateurs est très souhaitable, la création de l’agence ne doit pas faire obstacle aux pratiques actuelles de coopération régionale, telles que le forum pentalatéral, qui vise à intégrer les marchés de l’Allemagne, du Benelux et de la France. De façon sous-jacente, la position française laisse apparaître des interrogations sur l’influence de la Commission européenne sur l’agence, qui pourrait faire figure d’organe de contrôle de la Commission susceptible d’affaiblir la liberté d’action des régulateurs nationaux. Elle exprime également des inquiétudes sur la lourdeur du processus administratif (publication de rapports à intervalles réguliers, remontées d’information, …).

Les États membres hostiles à la création de l’agence (Allemagne, Autriche, Pologne) ne manquent jamais de rappeler que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (arrêts « Meroni » du 13 juin 1958 et « Romano » du 14 mai 1981) autorise, certes, la Commission à déléguer une part de son pouvoir décisionnel à des entités tierces, mais cette délégation doit être limitée à des pouvoirs d’exécution exactement définis et susceptibles d’un contrôle rigoureux.

Ces discussions ont conduit la Commission européenne à annoncer la publication prochaine d’un « non-papier » destiné à préciser les compétences de l’ACER.

III.– UNE INDISPENSABLE COORDINATION DES GESTIONNAIRES DE RÉSEAU DE TRANSPORT

Les GRT sont au centre de la problématique du « troisième paquet énergie » : la séparation patrimoniale préconisée par la Commission européenne vise en premier chef à les séparer des activités de production ou de distribution. La Commission propose également une réforme bien plus consensuelle, ayant pour objet de formaliser la coopération des GRT, à travers une nouvelle institution : l’ENTSO (European network of transmission system operators).

A.– UNE ORGANISATION ACTUELLE AYANT MONTRÉ SES LIMITES : LA PANNE SUR LE RÉSEAU E.ON EN NOVEMBRE 2006

Les GRT de gaz et d’électricité coopèrent déjà sur une base volontaire, au sein de structures telles que l’ETSO (Association européenne des gestionnaires de réseaux de transport d’électricité) et GTE (Gas Transmission Europe). Ils participent aussi à des organes techniques comme l’UCTE (Union pour la coordination du transport de l’électricité) et l’EASEE-Gas (Association européenne pour la rationalisation des échanges d’énergie).

Ces associations ont permis l’adoption de règles communes pour les échanges transfrontaliers, en particulier celles concernant la compensation des flux d’électricité. Elles ont aussi servi de cadre pour le couplage des marchés, les échanges d’informations, le développement de marchés spot ou l’adoption de codes techniques.

Toutefois, ces règles communes sont demeurées non contraignantes et la coopération volontaire a montré ces limites, en particulier par des pannes générales du réseau électrique. Les insuffisances déjà observées lors du black-out en Italie de septembre 2003 (lié à un incident en Suisse) ont été confirmées lors de la grande panne du 4 novembre 2006, imputable au réseau de la société allemande E.ON, qui a privé d’électricité quinze millions d’Européens – dont cinq millions de Français – pendant environ deux heures.

Plusieurs rapports établis par la CRE et l’ERGEG ont permis de connaître les causes précises de cette panne.

Rapport d’activité de la CRE de juin 2007 (pp. 31-32)

Le rappel des faits :

La panne d’électricité trouve son origine dans un incident survenu sur une ligne à très haute tension dans le Nord de l’Allemagne
[Il s’agissait de permettre le passage d’un navire de croisière, quittant un chantier naval en descendant la rivière Ems, pour rejoindre la Mer du Nord].

A la suite d’une man
œuvre corrective inappropriée opérée par le gestionnaire de réseau de transport allemand E.ON Netz, les protections de cette ligne contre les surcharges l’ont déconnectée du réseau. Il s’en est suivi la déconnexion en cascade d’une quinzaine de lignes à très haute tension à travers l’Europe par reports de charge successifs, ce qui a conduit à la séparation en trois zones du réseau électrique interconnecté continental européen.

La séparation du réseau interconnecté a entraîné des déséquilibres instantanés entre la production et la consommation d’électricité dans chaque zone. En France et dans toute la zone Ouest, ce déséquilibre a fait chuter la fréquence de 50 à 49 Hz.

Conformément au plan de défense prévu dans ce type de situation, le délestage automatique et sélectif d’une partie de la consommation était nécessaire pour éviter un effondrement total du système électrique (
black-out). En France, le déclenchement de ce plan de défense a conduit, vers 22 h 10, au délestage de près de 6 300 MW de consommation inégalement répartis sur l’ensemble des départements métropolitains continentaux.

Ces interruptions d’alimentation électrique ont duré le temps nécessaire aux gestionnaires de réseaux de transport européens pour obtenir le démarrage de nouveaux moyens de production et rétablir des conditions acceptables de fonctionnement du système électrique. Entre 22 h 30 et 23 h 10, la reprise de l’alimentation de l’ensemble des consommateurs français affectés par cet incident était réalisée. Par ailleurs, peu avant 23 h 00, les gestionnaires de réseaux de transport concernés ont pu remettre sous tension les lignes qui avaient déclenché pour reconstituer le réseau interconnecté européen.



Les causes de la panne d’électricité :


Les causes majeures de la panne d’électricité du 4 novembre 2006, identifiées par les rapports d’enquête, sont :

- l’exécution de man
œuvres inappropriées à la situation réelle du réseau de transport d’électricité par le gestionnaire de réseau allemand E.ON Netz ;

- l’existence de disparités entre les gestionnaires de réseaux de transport européens dans le contrôle du niveau de sûreté d’exploitation du réseau (en particulier pour l’application de la règle de sécurité dite du « N-1 »)
[en vertu de laquelle la perte d’un élément du réseau ne doit pas porter atteinte à la sûreté du fonctionnement du système électrique] ;

- le manque de coordination entre ces mêmes gestionnaires de réseaux pour la gestion en temps réel de l’évolution des flux.

Auditionnés par le groupe de travail commun à la Délégation pour l’Union européenne et à la Commission des affaires économiques, des responsables d’E.ON ont considéré qu’une faute avait bien été commise par leurs employés responsables de la manœuvre, même s’ils avaient suivi la procédure fixée par avance, qui s’est avérée défaillante. L’entreprise E.ON a également indiqué que la surcharge constatée au début de l’opération n’avait toujours pas été expliquée de façon très probante et ils ont évoqué une hausse de la production électrique des éoliennes à ce moment précis.

Pour éviter ce genre d’incident à l’avenir, la société E.ON a révisé ses procédures et prévu que des simulations automatiques d’accidents seront mises en place sur son réseau, et sur celui de ses partenaires en Allemagne, à compter de cette année. Jusqu’alors, forte de ses importantes capacités de production qui semblaient pouvoir lui permettre d’éviter toute surcharge, la société avait manifestement un peu négligé la question de la gestion des crises.

En tout état de cause, il est apparu que trois ans après le black-out survenu en Italie, les GRT européens n’avaient pas tiré toutes les conséquences de cette panne d’électricité à grande échelle. Même après le scénario catastrophe de novembre 2006, ils n’ont pas pris pleinement mesure des dommages subis par les consommateurs (aucune action en dédommagement ne semble avoir été entreprise par les autres GRT affectés par la panne, notamment par RTE). De son côté, le régulateur allemand de l’énergie a réagi sans fermeté, manifestement soucieux de préserver E.ON.

Il apparaît donc clairement que les règles de sécurité élaborées et appliquées sur une base volontaire par les GRT ne sont pas adaptées aux exigences du marché européen. De plus, ces règles sont imprécises, sujettes à interprétation (par exemple, la règle dite du « N-1 ») et incomplètes, notamment en matière de coordination entre les GRT pour la gestion en temps réel de l’évolution des flux.

B.– DES PROPOSITIONS PERTINENTES

Les deux propositions de règlement concernant les conditions d’accès aux réseaux (E 3645 et E 3646) imposent la création d’un Réseau européen des GRT pour l’électricité et pour le gaz. La coopération se fera donc désormais sur une base obligatoire au sein de l’ENTSO.

Les principales tâches confiées à ce réseau seront l’adoption, dans un cadre contraignant, de codes commerciaux et techniques, ainsi que l’élaboration d’un plan d’investissement décennal comprenant des perspectives sur l’adéquation des capacités.

1.– L’élaboration de codes commerciaux et techniques

Les codes existant à ce jour posent trois types de problèmes : les règles ne couvrent pas tous les domaines ; les codes nationaux sont souvent incompatibles les uns avec les autres et, enfin, ils sont sans caractère juridiquement contraignants.

La Commission européenne prévoit donc de confier à l’ENTSO l’élaboration de codes dans onze domaines spécifiques.

Les domaines couverts par les codes techniques et commerciaux

 1. des règles en matière de sécurité et de fiabilité,

 2. des règles de raccordement et d’accès au réseau,

 3. des règles en matière d’échange des données et de liquidation,

 4. des règles relatives à l’interopérabilité,

 5. des procédures opérationnelles en cas d’urgence,

 6. des règles d’attribution des capacités et de gestion de la congestion,

 7. des règles relatives aux échanges,

 8. des règles de transparence,

 9. des règles d’équilibrage,

10. des règles concernant des structures tarifaires de transport

11. des règles en matière d’efficacité énergétique des réseaux.

La coopération entre les GRT devrait aussi comprendre la surveillance de la mise en œuvre de ces codes.

Si les GRT ne parviennent pas à prendre une décision sur les codes techniques et commerciaux nécessaires, ou ne les mettent pas en application, ces règles pourront être adoptées sur proposition de la Commission européenne.

2.– La planification des investissements

Sur le modèle de la pratique française de la programmation pluriannuelle des investissements (PPI), prévue par la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, pour la production d’électricité et du plan indicatif pluriannuel (PIP) demandé aux opérateurs gaziers par la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, la Commission européenne développe la thématique du « marché éclairé » grâce à une planification à long terme coordonnée du développement des réseaux.

L’ENTSO est ainsi chargé de publier, tous les deux ans, un plan d’investissement décennal comprenant des perspectives sur l’adéquation des capacités, en particulier au niveau transfrontalier. On peut rappeler ici que ce plan sera évalué par l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie

Ce plan décennal aura toutefois un caractère non contraignant et il sera nécessaire de clarifier son articulation avec les autres plans existant au niveau national ou dans le cadre des coopérations régionales.

Enfin, il convient de signaler que, sur proposition de la France, l’ENTSO pourrait se voir confier le soin d’élaborer une échelle commune de classification des incidents de réseaux, comme cela est déjà pratiqué au sein du forum pentalatéral.

IV.– UNE VOLONTÉ D’AMÉLIORER LA COOPÉRATION RÉGIONALE

Selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE), « la logique régionale est aujourd’hui acquise, se développe, et n’a donc pas besoin d’une validation législative supplémentaire pour être poursuivie ».

Pourtant, pour l’électricité comme pour le gaz, le développement des échanges transfrontaliers est une condition nécessaire à la création d’un véritable marché européen. La Commission européenne porte donc une attention particulière à ce problème et a manifesté dans des textes antérieurs ou dans le « troisième paquet énergie » sa volonté de remédier aux insuffisances constatées.

A.– DES INITIATIVES ACTUELLES DIVERSES MAIS INSUFFISANTES

S’agissant du gaz, il existe à ce jour trois initiatives régionales :

– la région Nord-Ouest, regroupant l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la France, la Grande-Bretagne, l’Irlande, les Pays-Bas et la Suède ;

– la région Sud, impliquant la France et l’Espagne ;

– la région Sud-Est concernant l’Autriche, la Grèce, l’Italie, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Slovénie.

Dans chacune de ces zones, des progrès pourraient être attendus. Ainsi, les régulateurs nationaux travaillant sur les 28 points d’interconnexion de l’initiative Nord-Ouest ont souligné le manque de transparence sur les données relatives aux taux d’utilisation et aux taux de réservation ou encore le fait que pour 92 % des points d’interconnexion, les mécanismes d’allocation des capacités nouvelles ne sont pas identiques des deux côtés.

Faisant l’analyse de la région Sud, la CRE observe : « l’interopérabilité des réseaux n’est pas suffisante : les méthodes d’allocation des capacités, les procédures de nomination et de re-nomination de capacité, les règles d’équilibrage des utilisateurs de réseaux, la coordination entre gestionnaires de transport et les prescriptions techniques en matière de qualité du gaz diffèrent ».

En ce qui concerne les sept initiatives régionales de l’électricité, des difficultés similaires sont observées. Des interconnexions existent – et permettent de faire face aux aléas divers de la production (les problèmes rencontrés par deux tranches du parc nucléaire français au cours de cet hiver n’ont pas donné lieu à des délestages grâce à ces interconnexions) – mais elles ne sont pas toujours adaptées à l’augmentation des échanges transfrontaliers que requiert le passage au marché unique. De plus, la coopération n’est pas encore optimale comme l’illustre le communiqué de la CRE du 6 décembre 2007 sur les conséquences de la publication unilatérale par le gestionnaire de réseau allemand des nouvelles règles d’allocation de l’interconnexion entre la France et l’Allemagne, définies sans attendre les résultats de la concertation et l’accord des régulateurs respectifs.

Le Conseil européen de Barcelone des 15 et 16 mars 2002 avait approuvé l’objectif consistant, pour les États membres, à parvenir en 2005 à un niveau d’interconnexion électrique au moins équivalent à 10 % de leur capacité de production installée. Même si cet objectif n’a pas une valeur juridique contraignante, on demeure loin du compte. Dès lors, on observe des « goulets d’étranglement » sur le réseau, qui conduisent à des situations de congestion lorsque la demande est supérieure aux capacités disponibles.

B.– LE CAS DE L’INTERCONNEXION ÉLECTRIQUE FRANCE-ESPAGNE

De récentes manifestations, rassemblant des milliers de personnes dans les Pyrénées orientales et du côté espagnol de la frontière, ont mis en exergue les difficultés rencontrées pour l’interconnexion électrique entre la France et l’Espagne.

Depuis un quart de siècle – à l’exception de certains renforcements du réseau existant – aucune nouvelle interconnexion électrique n’a été réalisée sur cette frontière, alors même que la demande s’est considérablement accrue en France et surtout en Espagne (où elle a plus que doublé entre 1985 et 2005). L’objectif de 10 % évoqué précédemment est donc loin d’être atteint, puisqu’aujourd’hui le ratio entre la capacité de production et celle d’échange est d’un peu moins de 3 %.

Dès le début des années 1990, la réalisation de nouvelles interconnexions entre les deux pays a été envisagée, visant à faire passer la capacité d’échange de 1 400 MW à 4 000 MW. Ce projet a été déclaré d’intérêt européen en 2006 et présente donc un caractère prioritaire pour l’Union européenne.

Pour l’Espagne, il s’agit de cesser de faire « figure « d’île » coupée du reste du réseau » européen et donc d’assurer la sécurité de ses approvisionnements électriques. Il s’agit aussi de sortir la région de Gérone de son isolement électrique, qui l’expose à des risques importants de coupures de courant.

La France n’y trouvera pas seulement une occasion de vendre son électricité d’origine nucléaire. La nouvelle liaison permettrait également de bénéficier des possibilités offertes, au cours des mois de grands vents, par le parc éolien espagnol (12 000 MW installés et un doublement est prévu à moyen terme). Par le passé (lors des tempêtes de 1999 ou lors de la canicule de 2003 notamment), l’utilité d’un renfort de la production domestique française par l’électricité produite en Espagne a déjà pu être constatée.

Afin de relancer un projet bloqué par les oppositions locales, s’appuyant surtout sur des considérations d’ordre environnemental, la Commission européenne a nommé, en septembre 2007, l’ancien commissaire Mario Monti « coordinateur européen » pour l’interconnexion électrique France-Espagne. Après avoir publié un premier rapport d’étape en décembre dernier, M. Mario Monti a déclaré, lors de son audition devant la Délégation pour l'Union européenne le 5 février 2008 (voir le compte rendu en annexe au présent rapport), qu’une solution pouvait être trouvée grâce à une prise en considération des préoccupations environnementales et, sans doute, à des mesures d’accompagnement appropriées ». Les plus hautes autorités françaises et espagnoles ont annoncé, lors d’un sommet commun le 10 janvier 2008, qu’un compromis devrait être trouvé d’ici le 30 juin prochain.

Le cas franco-espagnol montre parfaitement que les défaillances observées dans les coopérations régionales ne résultent pas forcément des prétendues réticences des entreprises intégrées. Même si une interconnexion plus intense avec l’Espagne ferait perdre à RTE 40 à 50 millions d’euros de recettes annuelles provenant des enchères liées aux congestions du réseau, il est évident que le blocage constaté depuis plusieurs années est surtout imputable à la mobilisation des acteurs politiques locaux, relayés par la population et diverses associations.

C.– LE NÉCESSAIRE DÉVELOPPEMENT PARALLÈLE DE LA PRODUCTION DANS CHAQUE ÉTAT MEMBRE

La Commission européenne a bien conscience du besoin de mieux encadrer la coopération régionale.

Comme cela a déjà été indiqué, elle a nommé, en septembre 2007, M. Mario Monti coordinateur de liaison France-Espagne. A cette occasion, trois autres coordinateurs ont été désignés :

– M. Georg Wilhem Adamowitsch pour l’achèvement des connexions des éoliennes offshore en mer Baltique et en mer du Nord ;

– M. Jozias Johannes van Aartsen pour le gazoduc Nabucco ;

– M. Wladyslaw Mielczarski pour l’interconnexion électrique entre l’Allemagne, la Pologne et la Lituanie.

Ce procédé apparaît susceptible de déboucher sur des avancées tangibles. Dans leur proposition de « troisième voie » pour une séparation effective et efficace, la France et l’Allemagne ont d’ailleurs proposé de le pérenniser : des coordinateurs régionaux pourraient donc être nommés pour faciliter le dialogue entre tous les acteurs compétents. Ces coordinateurs rendraient compte annuellement dans un rapport à la Commission et aux États membres des progrès accomplis et des difficultés rencontrées.

Plusieurs mesures du « troisième paque énergie » visant à faciliter le travail en commun ont déjà été évoquées :

– les régulateurs nationaux se voient confier un mandat explicite de coopérer à l’échelon européen ;

– l’ACER aura à définir le régime régulatoire des interconnexions reliant au moins deux États membres ;

– l’ENTSO permettra de mieux encadrer la coopération des GRT.

On peut aussi citer deux articles similaires des documents E 3642 et E 3643 concernant la promotion de la coopération régionale et précisant que « les États membres coopèrent entre eux, au moins au niveau régional ». De plus, pour le gaz naturel, un article du document E 3643 fait référence à la solidarité régionale dans les situations susceptibles d’entraîner à court terme une rupture d’approvisionnement.

L’accroissement des capacités des interconnexions et l’harmonisation des procédures transfrontalières permettront de sécuriser l’approvisionnement des divers États de l’Union et – on peut l’espérer – de renforcer la concurrence entre les fournisseurs d’énergie.

Toutefois, s’agissant de l’électricité, il serait opportun de veiller à ce que chaque État membre développe parallèlement des capacités de production en rapport avec la progression de la demande. Sans obligatoirement être autosuffisant, chaque pays se doit de participer à l’effort commun.

Le respect de normes minimales de production d’électricité permettrait de prévenir les incidents susceptibles de se produire du fait de la fragilité des réseaux de transport. Il éviterait également que certains États refusent de prendre la responsabilité de développer l’énergie nucléaire, tout en achetant à un moindre coût de l’électricité d’origine nucléaire à leurs voisins.

V.– UNE DÉLICATE ARTICULATION DES COMPÉTENCES

L’accroissement de la régulation et la création de nouveaux acteurs (l’ACER et l’ENTSO) font naître des interrogations sur la nouvelle répartition des compétences. Les autorités françaises ont ainsi émis de fortes réserves sur un éventuel transfert aux régulateurs de compétences régaliennes. De même, les régulateurs et les GRT s’opposent sur l’étendue respective de leurs pouvoirs.

A.– LA NÉCESSAIRE PRÉSERVATION DES COMPÉTENCES RÉGALIENNES

Il convient de préserver une séparation claire entre ce qui relève de la surveillance du bon fonctionnement du marché (concurrence, accès au réseau, …) et appartient donc au domaine du régulateur et ce qui relève des compétences régaliennes (tarifs sociaux, protection des consommateurs, sûreté du système, sécurité d’approvisionnement, …).

A titre d’exemple, il est indispensable que les États soient pour le moins associés au processus de décision relatif aux dérogations temporaires aux règles de régulation pouvant être accordées en faveur de nouvelles infrastructures gazières. La proposition de directive concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (E 3643) confie cette compétence aux autorités de régulation nationales ou à l’ACER si l’infrastructure concernée s’étend sur le territoire de plusieurs États. Il est simplement précisé que la décision doit tenir compte des « circonstances nationales ». Or l’appréciation de ces circonstances nationales ne saurait être complète sans l’avis de l’État lui-même.

Ce souci de préserver les compétences des pouvoirs publics nationaux est évidemment lié au débat portant sur l’étendue des compétences de l’ACER et sur l’influence de la Commission européenne sur cette agence.

Les doutes sont d’autant plus forts que, par ailleurs, les renvois à la procédure de comitologie sont plus nombreux dans le « troisième paquet énergie » que dans les textes actuellement en vigueur.

Il importe donc de réaffirmer également que la prise d’orientations dans le cadre de la comitologie ne saurait porter sur les obligations de service public ou sur les pouvoirs des régulateurs. Ces deux sujets ne doivent être traités que par des propositions de directive.

B.– UNE RÉPARTITION CONTESTÉE DES ATTRIBUTIONS RESPECTIVES DU RÉGULATEUR NATIONAL ET DES GESTIONNAIRES DE RÉSEAU DE TRANSPORT

Selon les régulateurs, les propositions de la Commission européenne aboutiraient à un renforcement excessif du groupement européen des GRT (l’ENTSO) et il existerait un risque élevé que s’instaure une autorégulation des GRT. Cette critique est bien sûr réfutée par ces derniers, qui considèrent que le contrôle de l’ENTSO par l’ACER, la Commission et les États membres constitue une garantie suffisante. Le conflit de compétences se noue essentiellement autour du problème de l’élaboration des codes techniques.

Le « troisième paquet énergie » confie à l’ENTSO la mission d’adopter des codes techniques et commerciaux portant notamment sur les règles de sécurité et de fiabilité, de raccordement et d’accès au réseau, d’attribution des capacités, de gestion des congestions ou encore de transparence. Les régulateurs considèrent que, pour éviter le risque d’autorégulation, il serait souhaitable que le pouvoir d’élaboration des codes par l’ENTSO soit restreint aux seuls codes techniques et que l’étendue exacte de ces codes techniques soit précisée par la Commission européenne en étroite collaboration avec l’ACER. De leur côté, les gestionnaires de réseaux estiment que les régulateurs ne disposent pas d’une capacité d’expertise suffisante pour se voir reconnaître un rôle autre que consultatif sur les codes techniques.

Au sein du Conseil « Energie », les positions sont encore très partagées sur cette question. Mais il est évident que les débats portent surtout sur la question de la séparation patrimoniale.

DEUXIÈME PARTIE :
LA SÉPARATION PATRIMONIALE :
UNE PROPOSITION DISPROPORTIONNÉE

Favoriser la sécurité d’approvisionnement et le développement durable, assurer la compétitivité des prix et un niveau élevé de service, tels sont les objectifs du marché intérieur de l’électricité et du gaz. Pour la Commission, c’est en offrant une réelle liberté de choix à tous les consommateurs de l’Union, particuliers et entreprises, en créant de nouvelles perspectives d’activité et en intensifiant les échanges transfrontaliers, que des progrès seront réalisés.

Or, il n’est pas possible selon elle, de garantir actuellement à toutes les entreprises de la Communauté le droit de vendre de l’électricité et du gaz dans n’importe quel État membre dans des conditions identiques et sans subir de discriminations ni de désavantages. Deux mesures essentielles sont identifiées pour résoudre ce problème : mettre en place un niveau de surveillance réglementaire comparable dans chaque État membre, et organiser un accès non discriminatoire au réseau. Pour satisfaire ce dernier objectif, la Commission a une solution : la séparation patrimoniale.

I.– LE DISPOSITIF PRÉCONISÉ PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE

A.– L’ABOUTISSEMENT DE LA LIBÉRALISATION DU SECTEUR ÉNERGÉTIQUE EUROPÉEN

La thèse de la Commission européenne est simple : « sans une séparation effective des réseaux par rapport aux activités de production et de fourniture, le risque existe d’engendrer des discriminations non seulement dans l’exploitation du réseau, mais aussi dans les incitations qu’ont les entreprises verticalement intégrées à consacrer les investissements appropriés à leurs réseaux » (considérant 5, identique, pour les deux directives marché électricité et marché gaz, modifiées).

Les directives 2003/54/CE et 2003/55/CE relatives au marché intérieur de l’électricité et du gaz imposent déjà aux opérateurs énergétiques de séparer juridiquement, par la création d’une filiale, leurs activités de transport et de distribution.

Selon la Commission, les éléments qui incitent les entreprises verticalement intégrées à pratiquer des discriminations à l’encontre de leurs concurrents en matière d’accès au réseau sont « inhérents au système » et le conflit d’intérêts est « intrinsèque ». Dans cette perspective, la séparation patrimoniale s’impose.

Ces affirmations sont étayées par une étude d’impact présentée par la Commission européenne, qui a fait l’objet de fortes controverses. La présidente de la commission ITRE du Parlement européen s’était ainsi étonnée des méthodes utilisées par les services de la Commission. La France, rejointe par d’autres États membres, a signalé que les séries statistiques utilisées ne sont pas exhaustives : par exemple, les investissements du GRT gazier allemand n’y figurent pas, la phase de baisse des investissements du GRT électrique britannique est tronquée. Elle a regretté le caractère déséquilibré de l’étude d’impact, qui ignore des analyses contradictoires, sur le secteur du gaz au Royaume-Uni notamment. Enfin, l’étude ne prend pas en compte le cadre de régulation, qui détermine la rémunération des opérateurs, donc une incitation à investir, et l’acceptabilité sociale, pourtant déterminante dans les investissements dans les réseaux, comme l’illustre l’interconnexion France-Espagne.

Le Conseil européen des 8 et 9 mars 2007 à Bruxelles, établissant un plan d’action pour une politique énergétique pour l’Europe (2007-2009), a convenu qu’il faut « une séparation effective des activités d’approvisionnement et de production d’une part, et de la gestion des réseaux d’autre part (découplage), sur la base de systèmes de gestion de réseaux indépendants et régulés de façon appropriée, qui garantissent l’égalité et la liberté d’accès aux infrastructures de transport, ainsi que l’indépendance des décisions en matière d’investissement et d’infrastructures », tout en constatant qu’il « n’existe toujours pas à l’heure actuelle de marché européen de l’énergie véritablement concurrentiel, unique et interconnecté qui représenterait des avantages significatifs pour la compétitivité et pour les consommateurs de l’UE et qui renforcerait la sécurité des approvisionnements ».

Quant au Parlement européen, il a affirmé, dans sa résolution sur les perspectives du marché intérieur du gaz et de l’électricité, adoptée le 10 juillet 2007, que la séparation de la propriété au niveau du transport est le moyen le plus efficace de promouvoir de façon non discriminatoire l’investissement dans les infrastructures, un accès équitable au réseau pour les nouveaux arrivants et la transparence du marché.

Les modifications proposées par la Commission passent essentiellement par une rédaction globale de l’article 8 de la directive 2003/54/CE, et de l’article 7 de la directive 2003/55/CE actuellement consacrés à la désignation des GRT. Ces nouveaux articles devraient s’intituler « Dissociation des réseaux de transport et des GRT ». Les dispositions actuellement relatives à la séparation juridique des GRT sont logiquement supprimées.

Dans un délai d’un an à compter de la date de transposition, les États membres veillent à ce que chaque entreprise qui possède un réseau de transport (RT) agisse en qualité de gestionnaire de réseau de transport. C’est l’option privilégiée de la séparation patrimoniale, à l’encontre de l’option ISO, dérogatoire, dans laquelle le propriétaire du réseau n’est pas le GRT.

Cette obligation est réputée satisfaite dans une situation où plusieurs entreprises qui possèdent des réseaux de transport ont créé une entreprise commune qui joue le rôle de gestionnaire de réseau de transport dans plusieurs États membres pour les réseaux de transport concernés. Aucune autre entreprise ne peut participer à l’entreprise commune, sauf si elle a été agréée en vertu de l’article 10 en tant que gestionnaire de réseau indépendant.

Dans cette option, toute personne exerçant un contrôle direct ou indirect sur une entreprise de production ou fourniture se voit interdire tout contrôle direct ou indirect sur un GRT ou un RT, et même toute participation dans un GRT ou un RT.

A l’inverse, toute personne exerçant un contrôle direct ou indirect sur un gestionnaire de réseau de transport ou un réseau de transport ne pourra exercer un contrôle direct ou indirect ou un quelconque pouvoir sur une entreprise de production ou fourniture, ni détenir une quelconque participation dans une telle entreprise.

Les participations et les pouvoirs ici visés comprennent la propriété d’une partie du capital ou des éléments d’actifs d’une entreprise, ou le pouvoir d’exercer des droits de vote, ou celui de désigner les membres du conseil de surveillance, du conseil d’administration ou des organes représentant légalement l’entreprise, ou le droit de recevoir des dividendes ou d’autres participations aux bénéfices.

Plus généralement, la même personne ne sera pas autorisée à désigner les membres du conseil de surveillance, du conseil d’administration ou des organes représentant légalement l’entreprise d’un gestionnaire de réseau de transport ou d’un réseau de transport, et à exercer un contrôle direct ou indirect ou un quelconque pouvoir sur une entreprise de production ou fourniture, ou à y détenir une quelconque participation. Les États membres peuvent prévoir des dérogations pendant deux ans à ces obligations, pour autant que les gestionnaires de réseau de transport n’appartiennent pas à une entreprise verticalement intégrée.

Un membre du conseil de surveillance, du conseil d’administration ou des organes représentant légalement l’entreprise de production ou fourniture, ne pourra exercer ces fonctions au sein d’un gestionnaire de réseau de transport ou d’un réseau de transport.

De plus, les informations commercialement sensibles détenues par un gestionnaire de réseau de transport ayant appartenu à une entreprise verticalement intégrée, et le personnel du GRT, ne doivent pas être transférées à des entreprises de production ou fourniture.

Enfin, les articles des directives relatifs à la confidentialité imposée aux GRT et aux propriétaires de réseaux de transport sont complétés : interdiction est faite à ces entreprises de divulguer toute information commercialement sensible aux autres branches de la société, sauf si cela est nécessaire à la réalisation d’une transaction commerciale. Afin d’assurer le respect total des règles relatives à la dissociation des flux d’information, il faut assurer que le propriétaire du réseau et les autres branches de la société ne recourent pas à des services communs, hormis pour les fonctions purement administratives ou informatiques (mais pas de service juridique commun par exemple).

Afin d’assurer le respect des dispositions précédentes, la Commission propose un dispositif de désignation et de certification des GRT.

Les entreprises qui possèdent un réseau de transport et qui ont été certifiées par l’autorité de régulation nationale comme s’étant conformées aux exigences de la séparation patrimoniale, sont agréées et désignées comme gestionnaires de réseau de transport par les États membres.

Les autorités de régulation surveillent le respect constant des dispositions, et interviennent notamment lorsqu’elles ont connaissance d’une modification des pouvoirs ou de l’influence exercés sur des propriétaires ou des gestionnaires de réseau de transport qui risque d’entraîner une infraction aux dispositions des directives. La Commission peut demander à l’autorité de régulation concernée de modifier ou de retirer sa décision.

La dissociation des structures de propriété nécessitera, dans certains cas, la restructuration d’entreprises. La Commission prévoit dans ce cas d’adapter les délais de mise en œuvre.

Enfin, les propositions de directives améliorent la prise en compte des objectifs environnementaux par les GRT.

L’exigence de séparation patrimoniale ne porte que sur le transport et pas sur la distribution. D’une part le risque de discrimination en ce qui concerne l’accès des tiers et les investissements est moindre que pour le transport : l’influence des structures de production et les congestions y sont plus faibles. D’autre part, la séparation fonctionnelle des GRD, rendue obligatoire par la directive 2003/54/CE, ne l’est que depuis le 1er juillet 2007. Ses effets sur le marché intérieur doivent donc encore être évalués.

B.– UNE FAUSSE PROPOSITION ALTERNATIVE, L’ISO

Le modèle dit « ISO » (opérateur indépendant de système) impose la séparation entre l’entité propriétaire des infrastructures de réseau de transport et l’entité chargée de la gestion de ces mêmes infrastructures. L’analyse des autorités françaises, largement partagée, est qu’il ne s’agit que d’une forme particulière de séparation patrimoniale, et non une alternative crédible.

La Commission propose cette solution à titre de dérogation (considérant 11) : lorsqu’une entreprise propriétaire d’un réseau de transport fait partie d’une entreprise verticalement intégrée, les États membres peuvent choisir entre la dissociation des structures de propriété et la mise en place de gestionnaires de réseau indépendants des structures de fourniture et de production, selon les modalités prévues aux articles 10 (électricité) et 9 (gaz) des directives modifiées.

Le gestionnaire de réseau indépendant doit être désigné par l’État membre, sur proposition du propriétaire du réseau de transport et sous réserve que cette désignation soit approuvée par la Commission. Une entreprise verticalement intégrée qui possède un réseau de transport ne peut en aucune circonstance être empêchée de prendre des mesures pour se conformer aux exigences de séparation effective.

L’État membre ne peut approuver et désigner un gestionnaire de réseau indépendant que si celui-ci respecte les exigences relatives à l’absence de contrôle, de pouvoir et de détention de participation entre entreprises de transport et de production ou de fourniture. Le GRT doit démontrer son aptitude à respecter les obligations relatives aux informations sensibles.

Le candidat gestionnaire doit disposer des ressources financières, techniques et humaines pour accomplir ses tâches. Il doit s’engager à se conformer à un plan décennal de développement du réseau proposé par l’autorité de régulation.

Enfin, il doit prouver son aptitude à respecter les obligations qui lui incombent en vertu du règlement (CE) n° 1228/2005 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 sur les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité, notamment en matière de coopération entre gestionnaires de réseau de transport aux échelons européen et régional.

La procédure d’agrément et de certification précédemment décrite s’applique aux GRT indépendants. Dans certains cas extrêmes, la Commission peut désigner pour une durée de cinq ans, un gestionnaire de réseau indépendant sur proposition de l'Agence de coopération des régulateurs de l’énergie. À tout moment, le propriétaire d’un réseau de transport peut proposer à l’autorité de régulation la désignation d’un nouveau gestionnaire de réseau indépendant.

Chaque gestionnaire de réseau indépendant est responsable d’octroyer et de gérer l’accès des tiers, y compris la perception des redevances d’accès, des recettes résultant de l'attribution d'interconnexions et des paiements effectués au titre du mécanisme de compensation entre gestionnaires de réseau de transport, ainsi que d’exploiter, d'entretenir et de développer le réseau de transport et d’assurer la capacité à long terme du réseau à satisfaire une demande raisonnable, grâce à la planification des investissements. Dans le cadre du développement du réseau, le gestionnaire de réseau indépendant est responsable de la planification (y compris la procédure d’autorisation), de la construction et de la mise en service des nouvelles infrastructures.

Le propriétaire de réseau de transport coopère dans la mesure du possible avec le gestionnaire notamment en lui fournissant toutes les informations utiles. Il finance les investissements décidés par le gestionnaire et approuvés par l’autorité de régulation, ou donne son accord à leur financement par toute partie intéressée, assure la couverture de la responsabilité relative aux actifs du réseau, à l’exclusion de la responsabilité liée aux tâches du gestionnaire de réseau indépendant et fournit des garanties pour faciliter le financement de toute extension du réseau. Outre le contrôle de l’autorité de régulation, le propriétaire de réseau de transport est naturellement soumis à celui de l’autorité nationale compétente en matière de concurrence.

Les articles 10 bis concernant la dissociation des propriétaires de réseau de transport d’électricité et 9 bis pour le transport et le stockage de gaz prévoient d’autres contraintes.

Ainsi, les propriétaires de réseau de transport et les gestionnaires de réseau de stockage de gaz (GRS), qui font partie d'entreprises verticalement intégrées, sont indépendants, au moins sur le plan de la forme juridique, de l'organisation et de la prise de décision, des autres activités non liées au transport et au stockage.

Le propriétaire de réseau de transport et le GRS établissent un programme d'engagements garantissant que toute pratique discriminatoire est exclue et son application fait l'objet d'un suivi approprié, sous le contrôle de l'autorité de régulation.

Enfin, la Commission peut adopter des lignes directrices pour assurer que le propriétaire de réseau de transport et le GRS respectent effectivement ces règles.

Des précisions supplémentaires visent le gestionnaire de réseau de stockage de gaz, qui dispose de réels pouvoirs de décision sur les actifs nécessaires pour assurer l’exploitation, l’entretien et le développement des installations de stockage, indépendamment de l’entreprise intégrée de gaz, mais sans préjudice de mécanismes de coordination appropriés pour préserver les droits de supervision économique et de gestion de la société mère sur le rendement des actifs de la filiale. La société mère approuve le plan financier annuel et plafonne globalement le niveau d’endettement de sa filiale, mais elle ne peut donner des instructions au sujet de la gestion quotidienne.

Lors de son audition en décembre 2007 à l’Assemblée nationale (voir le compte rendu en annexe), le commissaire européen à l’énergie, M. Andris Piebalgs a reconnu que l’option dite ISO n’est pas la meilleure, compte tenu de la lourdeur des dispositifs, mais constitue une véritable alternative pour les États membres qui le souhaitent.

Les autorités françaises émettent de sérieuses réserves quant à l’efficacité du modèle ISO proposé, partagées par le régulateur et par les principaux représentants des utilisateurs. Très complexe et bureaucratique, il ralentirait le processus décisionnel. Scindant le gestionnaire de réseau en deux sociétés distinctes, il induira inévitablement des dysfonctionnements. A cet égard, les rares exemples d’ISO, en Italie notamment, n’ont pas été concluants.

On peut donc douter de la sincérité de cette alternative, complexe au point que la séparation patrimoniale apparaîtrait comme un moindre mal.

C.– UNE RÉFORME TOUCHANT LES ENTREPRISES ÉLECTRIQUES ET GAZIÈRES DE MANIÈRE IDENTIQUE

Eu égard aux liens verticaux entre les secteurs de l’électricité et du gaz, les dispositions en matière de dissociation s’appliquent de manière transversale entre les deux secteurs. La Commission défend même la thèse que la séparation patrimoniale est encore plus pertinente pour le gaz que pour l’électricité, car le marché du gaz souffre d’un manque de concurrence encore plus grand.

Les parlementaires français ont à plusieurs reprises exprimé leur désaccord avec cette analyse. Faute de véritable politique européenne de l’énergie, les États membres comme la France dépensent des sommes très importantes pour leur défense tout en s’exposant au danger potentiel représenté par de puissants voisins tels la Russie ou les pays du Moyen-Orient. L’affaiblissement des entreprises auquel conduit la politique communautaire empêche la France et l’Europe de peser suffisamment pour négocier les achats avec leurs partenaires étrangers. L’audition du commissaire européen à l’énergie à l’Assemblée nationale en décembre dernier a révélé de profondes divergences sur la place des États dans le secteur de l’énergie. Notons que le Président russe a signé le 5 mai 2008 la loi encadrant l’accès des investisseurs étrangers aux secteurs stratégiques, obligeant toute entreprise étrangère privée souhaitant acquérir plus de 50% d’un groupe actif dans le nucléaire, la prospection géologique des ressources naturelles et une quarantaine d’autres secteurs jugés stratégiques, à une autorisation des ministères économiques et de sécurité nationale.

Ces préoccupations sont partagées par le Parlement européen : dans son rapport sur les perspectives du marché intérieur du gaz et de l’électricité, présenté en commission ITRE le 26 juin 2007, M. Alejo Vidal-Quadras, affirmait que « Le Parlement européen … considère que la séparation de la propriété du transport est le moyen le plus efficace de promouvoir de façon non discriminatoire l’investissement dans les infrastructures, un accès équitable au réseau pour les nouveaux arrivants et la transparence du marché ; souligne toutefois que ce modèle pourrait ne pas régler toutes les questions, telles que les interconnexions ou points de congestion » et « reconnaît que l’application de nouvelles mesures de séparation concernant le secteur du gaz n’est pas simple ; demande donc instamment la mise au point de solutions spécifiques pour permettre à ce secteur de réaliser l’achèvement du marché intérieur du gaz, en tenant compte des différences entre marchés en amont et marchés en aval ».

Les analyses de la Commission sont peut-être adaptées aux pays producteurs de gaz, mais elles ne tiennent pas compte de la problématique des contrats d’approvisionnement à long terme, ni du fait que les réseaux de transport contribuent à renforcer le pouvoir de négociation des opérateurs gaziers en augmentant leur assise financière et leur crédibilité.

D.– UN TRAITEMENT SIMILAIRE POUR LES ENTREPRISES PRIVÉES ET PUBLIQUES

Comme le rappelle le considérant 12 des deux directives relatives au marché intérieur du gaz et de l’électricité, « il convient que la mise en œuvre de la séparation effective des activités respecte le principe de non-discrimination entre le secteur public et le secteur privé. A cet effet, il ne devrait pas être possible à une même personne d’exercer individuellement ou collectivement une influence quelconque sur la composition, le vote ou les décisions à la fois des organes de gestionnaires de réseau de transport et des organes d’entreprises de fourniture. A condition que l’État membre concerné puisse démontrer que cette exigence est respectée, deux organismes publics distincts pourraient exercer un contrôle d’une part sur les activités de production et de fourniture et d’autre part sur les activités de transport ».

Les commissaires européens à l’énergie et à la concurrence l’ont réaffirmé : la séparation patrimoniale n’est pas une privatisation, ces activités pouvant rester sous gestion publique. Reconnaissant qu’il existe d’ailleurs de forts arguments en faveur de cette gestion compte tenu de la dimension stratégique de ce secteur, ils ont néanmoins indiqué que dans ce cas, il importe que ces activités soient gérées par deux ministères différents.

E.– UNE RÉCIPROCITÉ EXIGÉE DES PAYS TIERS

Pour que la séparation complète des activités de réseau et de fourniture s’applique dans l’ensemble de la Communauté, de manière à empêcher tout gestionnaire de réseau établi dans la Communauté ou ses sociétés liées d’exercer des activités de fourniture ou de production dans n’importe quel État membre, cette mesure doit s’appliquer indifféremment aux entreprises de l’UE et aux entreprises de pays tiers.

La Commission souhaite donc habiliter les autorités de régulation à refuser la certification des GRT qui ne respectent pas ces règles de séparation. Afin d’assurer une application cohérente de la certification et le respect des obligations internationales de la Communauté, elle se réserve le droit d’examiner les décisions de certification prises par les autorités de régulation.

Le troisième paquet prévoit que, sans préjudice des obligations internationales de la Communauté, les réseaux de transport ou les gestionnaires de réseau de transport ne doivent pas être soumis au contrôle de personnes de pays tiers. Un accord conclu avec un ou plusieurs pays tiers auquel la Communauté est partie peut toutefois permettre une dérogation.

Très mal perçue par la Russie qui y voit une clause anti-Gazprom, ce dispositif est une conséquence regrettable de l’imposition d’une séparation patrimoniale. En effet, sans séparation patrimoniale, les réseaux de transport resteront la propriété des entreprises (productrices et/ou ayant une activité dans la fourniture) européennes existantes. Trouver une solution équilibrée, sera particulièrement difficile, cette question dépassant largement le seul secteur de l’énergie. On peut en outre s’interroger sur la conformité de cette clause au regard des règles de l’OMC.

Plusieurs études récentes, comme celle du World Energy Council 2008, ont récemment rappelé la vulnérabilité de l’Europe face aux crises énergétiques. Toutefois, les propositions remises par M. Claude Mandil au Premier ministre le 21 avril 2008 sur la sécurité énergétique et l’Union européenne dans la perspective de la présidence française soulignent la nécessité d’une relation avec la Russie plus respectueuse de sa souveraineté, dans un esprit de confiance mutuelle. Selon ce rapport, la clause « anti-Gazprom » n’apporterait rien à l’application stricte et non discriminatoire des règles du marché intérieur, valables pour toute entreprise opérant sur le territoire de l’Union, l’important étant les moyens mis en œuvre par la Commission pour assurer le respect de ces règles.

Le présent rapport comporte, en annexe, les réponses écrites fournies par la Société Gazprom à un questionnaire élaboré par les rapporteurs en vue d’une audition qui n’a pu avoir lieu en raison d’empêchements répétés des responsables de cette société.

II.– UNE ALTERNATIVE VIABLE ET RESPECTUEUSE DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ

Huit États membres ont présenté une troisième voie, pour une « séparation effective et efficace ».

A.– DES CRITIQUES PERTINENTES À L’ENCONTRE DU MODÈLE UNIQUE DE LA SÉPARATION PATRIMONIALE

1.– L’absence de discriminations constatées

Les huit délégations soutenant la troisième voie ont appelé à faire le bilan, pays par pays, des dispositions garantissant l’indépendance des gestionnaires de réseau, permettant la fixation des programmes d’investissement, ou prévoyant l’existence d’un code de bonne conduite. Divers exemples démontrent qu’il est possible d’obtenir les résultats recherchés par la Commission par d’autres moyens que la séparation patrimoniale.

Ainsi, nul ne conteste l’indépendance et la neutralité du gestionnaire de réseau de transport d’électricité RTE, dont les investissements sont par ailleurs en forte croissance, doublant en cinq ans : ils passeront de 500 millions d’euros en 2004 à près d’un milliard d’euros en 2009.

Il en va de même en Autriche, où la position du régulateur en faveur de la séparation patrimoniale n’apparaît pas clairement motivée, dans la mesure où, d’une part, E-control reconnaît qu’il n’y a pas eu de problème de discrimination dans l’accès au réseau autrichien et que, d’autre part, même en cas de séparation patrimoniale, les oppositions d’ordre environnemental pourraient freiner la réalisation des investissements.

L’Allemagne constitue un cas à part, E.ON, première compagnie d'électricité allemande, ayant fait savoir le 28 février dernier qu'elle était disposée à vendre son réseau de transport électrique, alors que le gouvernement allemand luttait ce même jour à Bruxelles contre l’obligation de séparation patrimoniale. E.ON faisait toutefois l’objet d’une procédure engagée par la Commission européenne pour non respect du droit de la concurrence, et risquait de se voir infliger une amende considérable. La question des réseaux n’est pas séparable de la recomposition des industries énergétiques autour de la formation d'un marché de gros, de l'ouverture à la concurrence pour la fourniture au détail et la séparation entre les réseaux de transport et les autres activités.

Elle n’est pas dissociable non plus de l’enjeu considérable que constitue l’accès au réseau des énergies renouvelables, du point de vue de l’environnement comme des investissements à encourager. Dans son plan de développement des énergies renouvelables à haute qualité environnementale, le comité opérationnel du Grenelle réaffirme ainsi que l’énergie éolienne est l’un des principaux contributeurs potentiels permettant d’atteindre les objectifs fixés pour 2020 avec un potentiel de 25 000 MW à cette échéance, produisant 5Mtep/an. L’énergie éolienne ne pourra être développée à grande échelle que si les réseaux de transport et de distribution peuvent accueillir cette production électrique dans des conditions satisfaisantes, avec des délais d’instruction administrative raisonnables pour la construction des réseaux nécessaires. Alors que RTE évalue à environ un milliard d’euros cumulés le coût d’adaptation du réseau pour un parc éolien terrestre de 20 000 MW, les entreprises consommatrices d’énergie insistent par ailleurs sur la mesure du coût induit et la répercussion de ce coût sur le prix de l’électricité, le développement de l’éolien ayant aussi un impact sur les émissions de CO2.

2.– Une évaluation critiquable de l’impact sur les prix et les investissements

L’étude d’impact avancée par la Commission pour démontrer que la séparation patrimoniale favorise les investissements et contribue à la baisse des prix de l’énergie présente de sérieuses faiblesses. Statistiquement, il n’y a en Europe aucune corrélation entre les prix de marché de l’énergie et la mise en place ou non de la séparation patrimoniale.


Les prix moyens, hors taxes, de l’électricité facturée en 2005 aux clients domestiques mesurés par Eurostat dans les différents États membres en offrent l’illustration.

En France, en Grèce, dans les États baltes, ou en Hongrie, pays où la séparation patrimoniale n’a pas été mise en œuvre, les prix sont inférieurs à la moyenne. En revanche, le Danemark, les Pays-Bas, la Belgique ou l’Italie, qui expérimentent depuis plusieurs années la séparation patrimoniale, pratiquent des prix supérieurs.

L’étude d’impact ne comprend aucune analyse des prix du gaz, qui tiennent essentiellement au prix de la molécule, lié au prix des produits pétroliers : il est donc difficile d’affirmer que la séparation de propriété aura des impacts majeurs sur l’évolution des tarifs du gaz.

B.– UNE RÉGULATION « EFFECTIVE ET EFFICACE » ADAPTÉE AUX OBJECTIFS POURSUIVIS

1.– Des mesures organisationnelles et de promotion des investissements respectueuses des exigences européennes

L’Allemagne, l’Autriche, la Bulgarie, la France, la Grèce, la Lettonie, le Luxembourg et la Slovaquie ont travaillé étroitement pendant plusieurs mois pour pouvoir présenter au Conseil et au Parlement européen une solution de séparation qui réponde aux objectifs poursuivis par la Commission.

Cette solution est effective parce qu’elle répond au cahier des charges fixé par le Conseil européen de mars 2007 et au rapport de progrès préparé par la présidence portugaise pour le Conseil des ministres de l’énergie de décembre 2007. Elle est aussi efficace parce qu’elle offre un cadre plus adapté pour garantir une juste concurrence, des investissements suffisants, l’accès aux nouveaux entrants et l’intégration des marchés.

La troisième voie repose sur deux ensembles de mesures. Le premier pilier (mesures organisationnelles et relatives à la gouvernance du GRT) présente en lui-même une vraie alternative à la séparation patrimoniale. La France et ses partenaires ont cependant estimé qu’il faut aller plus loin pour garantir le niveau des investissements et l’intégration des marchés. La voie alternative comporte donc un deuxième pilier de mesures importantes pour répondre à ces enjeux : mesures relatives aux investissements, à la connexion au réseau de nouvelles capacités de production et l’intégration des marchés par la coopération régionale.

Beaucoup moins bureaucratique que le modèle ISO, cette solution répond à la nécessité d’une forte régulation, par l’État et le régulateur national, qu’implique le caractère stratégique des réseaux. Dans ce cadre, aucune clause particulière concernant l’accès des pays tiers aux réseaux n’est plus nécessaire.

a) La gestion des réseaux de transport

Les GRT doivent être dotés de tous les moyens humains, matériels et financiers de l’entreprise verticalement intégrée, nécessaires pour le fonctionnement usuel du réseau de transport.

Les ressources financières doivent être gardées disponibles pendant un temps suffisant pour la réalisation des futurs projets d'investissement. Le détachement de personnel et la prestation de services, entre le GRT et une quelconque société de l'entreprise verticalement intégrée, exerçant des activités de production ou de fourniture doit être soumis à l'approbation des autorités nationales de régulation afin d’exclure les problèmes de concurrence faussée et de conflits d'intérêts.

Les activités jugées nécessaires au fonctionnement usuel du réseau de transport comprennent au moins :

l la représentation du GRT et des contacts auprès de tierces parties et des autorités de régulation ;

l l'octroi et la gestion de l'accès des tiers ;

l la collecte des redevances d'accès, de congestion, et des paiements au titre du mécanisme de compensation mutuelle entre gestionnaires. L'exploitation, l'entretien et le développement du système de transport ;

l la planification des investissements garantissant la capacité à long terme du réseau de répondre à la demande raisonnable et de garantir la sécurité d'approvisionnement ;

l les services juridiques ;

l la comptabilité et les services de technologie de l'information.

Le GRT dispose de pouvoirs de décision effectifs, indépendamment de l'entreprise intégrée, en ce qui concerne les éléments d'actifs nécessaires pour assurer l’exploitation, l’entretien et le développement du réseau, sans préjudice des droits de supervision économique et de gestion de la société mère concernant le rendement des actifs d’une filiale. La société mère peut approuver le plan financier annuel du gestionnaire de réseau de transport et plafonner globalement le niveau d'endettement de sa filiale. En revanche, elle ne peut donner des instructions au sujet de la gestion quotidienne. Les comptes des GRT doivent être vérifiés par un auditeur différent de celui de l'entreprise intégrée verticalement et de toutes ses sociétés affiliées.

Le GRT doit avoir sa propre dénomination, sensiblement différente de l'entreprise intégrée verticalement, avec une politique commerciale, une communication et des locaux distincts.

Afin de garantir l’indépendance de la gestion du GRT, l'autorité de régulation ou toute autre autorité publique nationale compétente dispose d’un droit de veto sur les décisions concernant la nomination et la cessation prématurée des fonctions du directeur général et des membres du directoire du GRT, si de sérieux doutes surgissent quant à leur indépendance professionnelle. Ces dirigeants ne peuvent avoir aucun intérêt ni peuvent recevoir une quelconque indemnité d’aucune société affiliée à l’entreprise verticalement intégrée autre que le GRT. Leur rémunération ne doit pas dépendre d’autres activités de l'entreprise verticalement intégrée que celles du GRT. Ils ne peuvent assumer aucune responsabilité, directement ou indirectement, dans la gestion quotidienne d’une autre branche de l'entreprise verticalement intégrée. Après la cessation de leur activité au sein du GRT, ils ne pourront participer à aucune structure de l'entreprise verticalement intégrée, exerçant des fonctions de production ou de fourniture pour une période d’au moins trois ans.

Les conseils de surveillance et conseils d'administration des GRT sont soumis à des règles répondant à des exigences similaires. Ils doivent comporter des membres indépendants, nommés pour un mandat d'au moins cinq ans, après approbation par l'autorité de régulation ou toute autre autorité nationale publique compétente. Leurs présidents ne doivent participer à l’activité d’aucune branche de l'entreprise intégrée verticalement, exerçant des fonctions de production ou de fourniture.

Parmi les propositions originales de la troisième voie, figure la création d’un « officier de conformité » indépendant (il n'est désigné et révoqué par le directeur général ou le directoire qu'après approbation préalable de l'autorité de régulation), chargé de suivre la mise en œuvre du programme d’engagements établi par les GRT pour garantir que toute pratique discriminatoire est exclue. Ce programme énumère les obligations spécifiques imposées aux employés pour atteindre cet objectif. Il est soumis à l'approbation de l'autorité de régulation ou de toute autre autorité publique compétente, qui peut imposer des sanctions en cas de d'application inappropriée du programme d’engagements.

L’officier de conformité doit avoir la possibilité de s’adresser régulièrement au conseil de surveillance/conseil d'administration du GRT, de l'entreprise verticalement intégrée, ainsi qu’aux autorités de régulation, et d’assister à toutes les séances qui portent sur les domaines suivants : les conditions d'accès et de raccordement au réseau, y compris la collecte de redevances d'accès, de congestion, et les paiements au titre du mécanisme de compensation inter-GRT, les projets entrepris afin d'exploiter, de maintenir et de développer le réseau de transport, y compris les investissements dans les interconnexions et les raccordements ; les règles d'équilibrage, y compris celles concernant les réserves de puissance ; les achats d'énergie afin de couvrir les pertes. Au cours de ces séances, il doit empêcher que des informations sur l’activité de producteurs ou de fournisseurs, qui peuvent être commercialement avantageuses, ne soient divulguées de manière discriminatoire au conseil de surveillance/conseil d'administration.

b) Le développement du réseau et le pouvoir de prendre des décisions d'investissement

Les GRT doivent élaborer un plan de développement à dix ans du réseau de transport, au moins une fois tous les deux ans et prévoir des mesures efficaces afin de garantir l'adéquation du réseau aux besoins et la sécurité de l'approvisionnement, en indiquant aux acteurs du marché les principales infrastructures de transport qui doivent être construites au cours des dix prochaines années, rappelant les investissements déjà décidés et identifiant les nouveaux investissements pour lesquels une décision de mise en œuvre doit être prise dans les trois prochaines années.

L'autorité nationale compétente examine si ce plan de développement à dix ans du réseau de transport couvre les besoins d'investissement qu’elle a identifiés en concertation avec les différents acteurs, et peut obliger le GRT à modifier son plan.

Si le GRT refuse de mettre en œuvre un investissement particulier devant être réalisé dans les trois prochaines années, les États membres veillent à ce que l'autorité de régulation ou toute autre autorité publique compétente ait la compétence pour l'une des mesures suivantes :

– soit demander par tous les moyens légaux que le GRT exécute ses obligations d'investissement en utilisant ses propres capacités financières ;

– soit inviter des investisseurs tiers à présenter leurs propositions pour un investissement nécessaire dans le réseau ; l’autorité compétente peut obliger le GRT à approuver le financement par une tierce partie, à donner son accord à la réalisation du projet par une tierce partie ou à réaliser lui-même le projet et à exploiter les nouveaux ouvrages.

Les modalités financières de ces projets seront soumises à l'approbation de l'autorité de régulation ou de toute autre autorité nationale compétente. La réglementation tarifaire doit permettre une couverture des coûts de ces investissements.

Enfin, le dernier volet de la troisième voie vise à favoriser le raccordement de nouvelles centrales au réseau de transport en obligeant les GRT à publier des procédures transparentes, efficaces et non discriminatoires, soumises à l'approbation des autorités de régulation nationales ou de toute autre autorité publique nationale compétente. Ils ne doivent pas être autorisés à refuser le raccordement d'une nouvelle centrale au motif d'une éventuelle limitation des capacités des réseaux, ni à refuser un nouveau point de connexion, au seul motif que cela conduirait à des coûts supplémentaires liés à l'augmentation de capacité nécessaire pour le raccordement au réseau.

Si la troisième voie reste naturellement perfectible, elle apporte plusieurs améliorations à la situation existante dans différents États membres, en particulier en France. Trois points principaux de la proposition constitueraient ainsi une amélioration de l’indépendance de RTE :

– la désignation d’un « officier de conformité » qui établit un programme d’engagements en matière de non discrimination et qui élabore un rapport sur son respect, puisqu’actuellement le code de bonne conduite et le rapport annuel sont élaborés chez RTE par le secrétaire général, dépendant du directoire ;

– l’élaboration, tous les deux ans, d’un plan de développement du réseau sur dix ans soumis au contrôle et à l’évaluation du régulateur, avec d’une part, la possibilité pour le régulateur d’imposer des modifications (aucun système de sanction n’est toutefois prévu) et d’autre part, la possibilité d’obliger le GRT à exécuter les investissements y figurant ;

– l’interdiction pour les membres du conseil de surveillance de faire partie des instances dirigeantes des branches production et fourniture.

2.– Le souci de préserver la consolidation comptable des entreprises intégrées

Les huit États membres promoteurs de la séparation « effective et efficace » ont dénoncé l’atteinte excessive portée par la séparation patrimoniale au droit de propriété, et ce faisant, au principe de proportionnalité, énoncé dans le traité. D’une part, la séparation patrimoniale n’est pas le seul moyen d’atteindre les objectifs d’accès des tiers aux réseaux et de développement des infrastructures. D’autre part, les conditions concrètes de mise en œuvre seront particulièrement contraignantes : si plusieurs entreprises intégrées mettent simultanément en vente leurs réseaux, dans des conditions difficiles et peu attractives, le risque d’une perte de valeur sera important.

RTE et GRT-Gaz représentent des actifs « sans risque » d’EDF et de GDF, complémentaires de leurs activités, plus cycliques, dans la production et la fourniture. En diminuant le profil de risque d’EDF et de GDF, les GRT leur permettent de bénéficier d’une meilleure notation par les agences et de conditions financières améliorées. La négociation et la conclusion par GDF de ses contrats d’approvisionnement de long terme s’effectueraient dans des conditions dégradées. La couverture des risques de volume et de prix pourrait s’avérer plus difficile à obtenir et plus coûteuse.

La séparation patrimoniale aurait des implications comptables importantes. La cession de RTE par le groupe EDF se traduirait par une diminution de ses actifs immobilisés de 10 milliards d’euros, de son chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros, de son EBITA (résultat d’exploitation + amortissement des actifs incorporels issus des acquisitions) de 1,57 milliard d’euros et de ses effectifs de 8 000 personnes. Celle de GRTgaz pour GDF porterait sur environ 5 milliards d’euros (les actifs estimés de GRTgaz). La société emploie 2 665 salariés et a réalisé en 2006 un chiffre d’affaires de 1,4 milliard d’euros.

Il en va de même de l’option ISO, dans laquelle la frontière entre l’ISO et le propriétaire, qui garantisse à la fois l’indépendance de l’ISO et le droit de regard sur les investissements dont dispose tout propriétaire, n’est pas précisément fixée. Comment seront comptabilisés les actifs du propriétaire des infrastructures, s’il n’a pas la maîtrise des investissements ? Comment sera consolidée cette activité dans les comptes ? La valeur d’actifs, dont le propriétaire n’a aucune visibilité sur les revenus futurs, devrait être logiquement faible et décourager tout repreneur éventuel (hors l’ISO) en cas de revente des actifs.

3.– Une « troisième voie » de plus en plus crédible

Après avoir réagi d’abord très défavorablement, la Commission a ensuite posé fin février des conditions permettant de rendre la troisième voie acceptable : application à l’électricité comme au gaz, contraintes exercées par le régulateur sur le GRT en matière d’investissement dans le réseau, et une douzaine de mesures supplémentaires destinées à garantir que le GRT puisse fonctionner comme une entreprise véritablement indépendante.

Fin avril, elle a précisé les conditions dans lesquelles les entreprises intégrées pourraient conserver la propriété de leurs réseaux. Ainsi, les GRT auraient le pouvoir de décider en toute indépendance de leur plan annuel d’investissement et de leurs actions sur les marchés financiers, en particulier pour les emprunts et les augmentations de capital. Tous les ans, ils auraient pour obligation de soumettre au régulateur national un plan d’investissement sur dix ans basé sur la fourniture d’énergie actuelle et sur les prévisions de la demande.

Un organe de supervision en charge de toutes les décisions susceptibles d’avoir un impact sur la valeur des actifs de l’entreprise verticalement intégrée serait également institué au sein des GRT.

Les États membres seraient autorisés à nommer un membre de cet organe de supervision. Celui-ci possèderait un droit de veto sur toutes les décisions qui, selon lui, réduiraient la valeur des actifs du GRT. Les autres membres seraient désignés par un administrateur indépendant qui n’aurait pas fait partie de l’opérateur verticalement intégré les cinq dernières années précédant sa nomination.

La troisième voie est désormais prise en compte par les parlementaires européens. La commission du marché intérieur et de la protection du consommateur du Parlement (IMCO) a apporté, dans une opinion non contraignante du 8 avril, son soutien au groupe des huit, affirmant que les pays européens devraient se voir proposer des options alternatives à la séparation de la propriété. Elle a proposé d’autoriser les pays de l’Union européenne à adopter la « troisième voie » et à examiner la situation après une période de six ans. Toutefois, la commission IMCO n’a soutenu cette approche que pour le secteur de l’électricité et a été incapable d’atteindre le même accord pour le secteur du gaz. Des amendements similaires en faveur de la troisième voie ont été proposés par des députés de toutes tendances à la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie (ITRE). Ils ont toutefois été rejetés le 6 mai, pour l’électricité.

Un compromis pourrait se dessiner pour le gaz, qui consisterait en une période de transition (six ans ?) durant laquelle les deux options pourraient cohabiter et au terme de laquelle un bilan serait effectué, soit par la Commission, soit par un auditeur externe.

Après l’avis des différentes commissions, la Commission au fond du Parlement européen votera sur les cinq textes le 28 mai, et le vote en session plénière au Parlement européen est prévu le 17 juin en première lecture, le conseil énergie étant prévu le 6 juin. L’issue reste donc très incertaine.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

1) Audition, commune avec la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne, de M. Andris Piebalgs, commissaire européen en charge de l’énergie, le 12 décembre 2007

M. Patrick Ollier, Président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, s’est déclaré particulièrement heureux d’accueillir M. Andris Piebalgs, commissaire européen en charge des questions énergétiques, la commission étant vivement intéressée par ces problèmes Elle travaille notamment en lien avec la Délégation pour l’Union européenne, présidée par M. Pierre Lequiller, qui suit directement l’élaboration et la transposition des textes européens.

L’évolution du marché intérieur de l’énergie est préoccupante. La commission souhaiterait connaître l’état des réflexions de la Commission européenne quant aux perspectives du « troisième paquet énergie » compte tenu des réactions contrastées du Parlement européen et des États membres. La commission des affaires économiques a mis en place, avec la délégation pour l’Union européenne, un groupe de travail à ce sujet. Le président salue MM. André Schneider et Jean-Claude Lenoir, rapporteurs.

Cette nuit, un amendement permettant le retour au tarif règlementé jusqu’en 2010, date prévisible de clarification de la politique européenne en la matière, a été voté, le Parlement et la commission étant soucieux de protéger la mission de service public. La majorité a affirmé à cette occasion que la Commission n’y était pas opposée, l’opposition soutenant, au contraire, que ces tarifs disparaîtraient en 2010. Le commissaire peut-il clarifier la situation ?

Comment, par ailleurs, envisage-t-il le dialogue avec les grands pays fournisseurs d’énergie ? Se dirige-t-on vers une politique européenne en matière énergétique ? Comment la mettre en œuvre ?

Le Président Pierre Lequiller s’est également réjoui de la coopération avec la commission des affaires économiques, une réunion commune avec Mme Mariann Fischer Boel, commissaire à l’agriculture, ayant d’ailleurs déjà eu lieu.

Le 19 septembre, la Commission a présenté cinq textes sur le « troisième paquet énergie ». Deux d’entre eux sont particulièrement discutés, dont celui concernant la séparation patrimoniale, laquelle consiste, par exemple, à demander à EDF et GDF d’abandonner la propriété de leurs réseaux de transports ou d’en confier la gestion à un opérateur indépendant de l’entreprise. Les Allemands sont également défavorables à cette proposition.

La Commission est-elle disposée à examiner une troisième option présentée par la France et l’Allemagne au début de 2008 ? La création d’une agence de coopération des régulateurs a été évoquée mais faut-il créer une agence chaque fois qu’un problème se pose ? Quels sont les enjeux de l’interconnexion électrique entre la France et l’Espagne ? D’où proviennent les difficultés rencontrées ?

M. Andris Piebalgs a remercié la commission et la délégation pour leur accueil.

La nouvelle politique européenne de l’énergie, lancée en janvier dernier et agréée par les chefs d’État et de gouvernement en mars, constitue un tournant fondamental. Pour la première fois en cinquante ans, une politique de l’énergie à cet échelon est enfin évoquée. Il n’est nullement proposé de mettre en place une haute autorité de l’énergie, mais il faut prendre acte que tous les éléments propices à l’élaboration d’une vision commune sur les grandes questions énergétiques sont maintenant réunis. Il est heureux que le traité de Lisbonne consacre un titre à l’énergie. Cette politique repose sur une stratégie de long terme allant jusqu’en 2020 et vise à apporter des réponses communes à des défis communs : la sécurité d’approvisionnement, la lutte contre le changement climatique et la compétitivité des entreprises. L’objectif global de l’Union européenne est de réduire les émissions de CO2 de 20 % d’ici à 2020. L’ampleur des défis et la rapidité de leur évolution obligent à agir sur plusieurs fronts, dans une stratégie d’ensemble.

Avant de s’inquiéter de la provenance de l’énergie, il convient de savoir l’utiliser de manière plus rationnelle. L’objectif européen est d’améliorer l’efficacité énergétique de 20 % d’ici à 2020, ce qui permettrait à l’Union d’économiser 100 milliards d’euros et 780 millions de tonnes de CO2 par an. Plusieurs mesures seront proposées dans ce domaine dès 2008.

Les énergies renouvelables sont quant à elles trop peu développées en raison de leur coût prohibitif. Les vingt-sept États membres se sont mis d’accord pour porter leur part à 20 % au niveau européen d’ici à 2020. Il s’agit d’un objectif ambitieux qui implique un effort de la part de tous. La Commission présentera, à la fin du mois de janvier, des objectifs par État membre sur la base de leur potentiel. Le nucléaire, qui produit peu de CO2 et dont les coûts sont stables, doit, quant à lui, jouer un rôle majeur. Un forum nucléaire vient d’être lancé pour la première fois sur le plan européen. Un groupe de haut niveau rassemblant les autorités de sûreté de tous les États membres a également été mis en place. Il doit réfléchir à l’organisation d’un cadre communautaire sur la question des déchets et des démantèlements.

En ce qui concerne la recherche, des efforts de rationalisation et des financements accrus sont vitaux afin de développer par exemple une deuxième génération de biocarburants ou d’améliorer l’efficacité énergétique des appareils ménagers. La Commission vient d’adopter un plan stratégique concernant les technologies énergétiques.

Les relations de l’Union européenne avec les pays producteurs d’énergies – OPEP, Russie, Algérie, Norvège – mais également avec les pays de transit tels l’Ukraine ou la Turquie, ou avec les pays consommateurs sont au cœur de la stratégie commune, l’essentiel étant de parler d’une seule voix avec eux. Cette politique extérieure n’est que le prolongement de la politique interne dont la pièce centrale est le marché intérieur : tout commence et finit par là. Malgré les mesures existantes, celui-ci reste fragmenté et la concurrence limitée. Cela fait plus de dix ans que les États membres se sont mis d’accord pour ouvrir le marché de l’énergie et les objectifs fixés ne sont pas atteints.

Le principal d’entre eux est l’existence d’un seul marché de l’énergie impliquant, à terme, un réseau électrique et gazier européen. Pour qu’il fonctionne, celui-ci doit reposer sur des interconnexions en nombre suffisant entre les États membres, mais elles sont encore malheureusement trop peu développées faute d’investissements. Pourquoi ne sont-ils pas réalisés ? Comment y remédier ?

Les services de Mme Neelie Kroes, commissaire européen à la concurrence, et ceux de M. Andris Piebalgs ont tiré la même conclusion : les entreprises à intégration verticale ont nettement moins réinvesti dans de nouvelles interconnexions que les entreprises en séparation. La Commission a également observé, par exemple en Espagne, que la dissociation effective des gestionnaires de réseaux de transport encourage les investissements. Dès lors, la séparation patrimoniale entre ces activités est apparue comme la meilleure solution. Celle-ci n’est en rien une privatisation, ces activités pouvant rester sous gestion publique. Il existe d’ailleurs de forts arguments en faveur de cette approche compte tenu de la dimension stratégique de ce secteur. Dans ce cas, il importe que ces activités soient gérées par deux ministères différents.

La séparation patrimoniale, selon certains qui arguent de l’exemple de RTE, ne serait pas l’unique solution, la séparation régulée constituant une nouvelle voie. Le fonctionnement du marché français de l’électricité, en outre, ne serait pas anti-concurrentiel, ce que démontrerait l’absence de plaintes. D’une part, les propositions de la Commission concernent l’ensemble des marchés intérieurs et ne s’adressent pas à un marché en particulier : elles tendent à trouver une solution commune pour les 27 marchés. D’autre part, la France ayant donné son accord à cette libéralisation, elle doit aller au bout de la logique : les grands opérateurs qui bénéficient de la libéralisation sur le marché européen doivent accepter la concurrence chez eux. L’absence de plaintes, de surcroît, ne signifie pas qu’aucun problème ne se pose : le marché français est dominé par des monopoles naturels limitant la concurrence et l’accès de nouveaux entrants.

L’étude d’impact réalisée par la Commission montre que, dans les pays dont les entreprises ont séparé leurs activités, les prix, hors taxe, ont augmenté de 6 % depuis 1998 alors qu’ils se sont accrus de 29 % dans les pays qui ne l’ont pas fait. La Commission propose ni plus ni moins que la séparation régulée, juste équilibre entre séparation et réglementation.

L’industrie française se doit de considérer ce marché intérieur de l’énergie comme une opportunité et non comme un mal nécessaire. Certains prétendent que la Commission voudrait brader à des capitaux étrangers une entreprise comme GDF et la fragiliser par rapport à ses concurrents. Or la Commission, qui se doit de défendre les intérêts des entreprises européennes, a proposé une clause de sauvegarde afin que les mêmes règles soient appliquées aux entreprises non européennes qui souhaiteraient acquérir une participation significative dans le réseau européen.

L’option des gestionnaires indépendants des réseaux (dite ISO) n’est pas la meilleure mais, dans un souci de conciliation, la Commission a proposé une solution de remplacement aux États membres : les entreprises verticalement intégrées pourront conserver la propriété des actifs des réseaux ; les réseaux de transport seraient alors gérés par un gestionnaire de réseaux indépendant afin que les garanties en matière d’indépendance et de niveau d’investissement soient apportées. Une réglementation et une surveillance réglementaire permanente sont par ailleurs prévues. Ces dispositifs peuvent paraître assez lourds, mais ils constituent une véritable alternative pour ceux qui le souhaitent.

Le marché du gaz naturel doit être considéré différemment. La séparation patrimoniale est en l’occurrence encore plus nécessaire que pour l’électricité, car ce marché souffre d’un manque de concurrence encore plus grand.

La séparation patrimoniale ne suffira pas à résoudre les difficultés qui se posent et notamment le problème du sous-investissement : les tarifs réglementés, en effet, verrouillent le système et permettent difficilement aux entreprises de réaliser les investissements qui s’imposent.

M. Andris Piebalgs s’est défendu d’être un dogmatique ou un idéologue : il n’est pas contre les tarifs réglementes dès lors qu’ils sont justifiés, notamment à l’adresse des clients vulnérables et les PME, comme le prévoient les directives européennes. Il est en outre normal que le consommateur soit protégé dans un contexte général de renchérissement du prix de l’énergie : l’objectif premier du marché intérieur européen est d’être à son service. La Commission ne veut pas supprimer les tarifs réglementes domestiques mais uniquement ceux qualifiés de non domestiques. Sur ce point la Commission de régulation de l’énergie (CRE) partage l’avis de la Commission européenne. Il importe seulement qu’une solution satisfaisante soit trouvée, et pour le consommateur et pour favoriser la concurrence.

Le nouveau traité reconnaît que la promotion de l’interconnexion des réseaux électriques est nécessaire. La Commission a identifié plusieurs interconnexions essentielles pour le marché intérieur et la sécurité de l’approvisionnement, dont le projet d’interconnexion électrique entre la France et l’Espagne passant par les Pyrénées orientales. La Commission, consciente de l’extrême sensibilité de ce dossier, a nommé un coordinateur, M. Mario Monti, dont la mission consiste à identifier les difficultés actuelles ralentissant la réalisation du projet et à proposer une solution satisfaisante pour les différentes parties. Les nouvelles les plus récentes sont plutôt encourageantes. Il faut se réjouir que M. Jean-Louis Borloo ait fait de cette question l’une de ses priorités, à quelques mois du début de la présidence française de l’Union européenne.

En matière d’interconnexions gazières, certains pays ont fait des efforts majeurs, mais la situation d’ensemble demeure préoccupante, notamment s’agissant de l’interconnexion franco-espagnole. Les Espagnols assurent que tous les investissements ont été réalisés ou sont en passe de l’être. Il semble que la situation soit un peu différente du côté français. La France est pourtant l’un des États membres qui, parmi les premiers, a compris la nécessité d’assurer la sécurité d’approvisionnement énergétique, donc de la diversification des routes d’importation.

S’agissant de la réglementation énergétique, la Commission a proposé de renforcer les pouvoirs des régulateurs nationaux ainsi que leur regroupement dans une agence européenne. Les disparités entre les différents États membres sont en effet importantes en ce qui concerne les attributions et l’efficacité des régulateurs nationaux de l’énergie et il importe d’harmoniser cette situation à partir du plus grand dénominateur commun. Le régulateur national doit avoir pour mission de promouvoir le bon développement du marché national et du marché intérieur de l’énergie.

Malgré la création du groupe des régulateurs européens dans le domaine de l’électricité et du gaz, l’harmonisation des normes techniques n’a pas beaucoup progressé ; c’est pourquoi la mise en place d’une agence européenne a été proposée qui soutiendra les régulateurs nationaux et leur permettra, en les regroupant, de mieux prendre en compte la dimension européenne du marché de l’énergie.

M. Andris Piebalgs a reçu, il y a quelques jours, une lettre de la commission de régulation de l’énergie (CRE) sur les conséquences de la publication unilatérale par le gestionnaire de réseau allemand des nouvelles règles d’allocation de l’interconnexion entre la France et l’Allemagne, définies sans attendre les résultats de la concertation et l’accord des régulateurs respectifs. Or il semble que l’application de ces nouvelles règles entraînera une dégradation de la qualité des services offerts aux acteurs du marché par la remise en cause des principes de fermeté, de capacité journalière et de nomination, essentiels au développement des échanges transfrontaliers et au processus d’intégration des marchés.

Ces propositions ne sauraient être réduites à la seule question de la séparation patrimoniale. La Commission examinera avec la plus grande attention les propositions françaises ou allemandes même si cette question a malheureusement occulté des problèmes aussi importants, voire plus, tel celui de la mise en place d’un réseau européen d’énergie. La concurrence est un outil, pas une fin en soi. Parachever le marché intérieur de l’énergie, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant.

La France a joué un rôle moteur sur ces sujets, notamment dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Les mesures annoncées s’agissant de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables et de la recherche s’annoncent très prometteuses. La France a raison d’avoir fait de l’énergie l’un des thèmes majeurs de sa présidence de l’Union l’année prochaine. Elle a ainsi une chance unique de faire progresser de manière décisive la politique européenne de l’énergie. Les récents propos de M. Sarkozy sont à cet égard très encourageants : « L’énergie, c’est le devoir de l’Europe. Je veux une politique de l’énergie européenne. »

M. Andris Piebalgs a répondu au Président Pierre Lequiller qu’il était prêt, s’il le peut, à discuter des propositions françaises et allemandes. L’agence se justifie quant à elle en raison même de l’existence des réseaux nationaux, comme le prouve encore la décision prise unilatéralement par les opérateurs allemands. La France doit donc trouver une solution pour le commerce transfrontalier de l’énergie. S’agissant de l’interconnexion entre la France et l’Espagne, le commissaire est en revanche très optimiste.

M. André Schneider, co-rapporteur, lui a transmis une question concernant Gazprom. A cet égard, M. Andris Piebalgs a indiqué qu’il est en contact avec plusieurs interlocuteurs russes et qu’il s’est rendu à Moscou afin de détailler l’esprit des propositions de la Commission. Les discussions avec Gazprom se situent maintenant sur un plan technique ; la phase actuelle est également très constructive avec Sonatrach. Gazprom a fait un effort considérable pour intégrer les mécanismes de fonctionnement du marché européen.

M. André Schneider a également demandé des précisions chiffrées sur le chiffre d’affaires des compagnies : les profits nets, pour E.on, s’élevaient à 5 milliards en 2006 ; ceux d’EDF étaient de 1,6 milliard en 2004 et de 3,2 milliards en 2005 ; ceux de GDF de 1 milliard en 2004 et de 2,3 milliards en 2006. Toutes les grandes sociétés ont fait de grands profits.

M. Daniel Paul a souligné que c’était dans le cadre des tarifs régulés.

Le Président Patrick Ollier a beaucoup apprécié les propos du commissaire sur les tarifs réglementes pour les usagers domestiques, lesquels mettent fin aux interrogations formulées en séance la nuit dernière : les tarifs régulés ne disparaîtront donc pas. Il a remercié M. Andris Piebalgs pour l’ensemble de son exposé et il lui a demandé de bien vouloir le recevoir dans quelques mois, avec le Président Pierre Lequiller, afin de continuer à suivre ensemble ces dossiers.

(Le Président Patrick Ollier est remplacé par Mme Catherine Vautrin, Vice-présidente).

M. André Schneider, co-rapporteur, très heureux de rencontrer M. Andris Piebalgs, a reconnu qu’une bonne politique énergétique européenne passait par un harmonieux équilibre entre libéralisation et réglementation.

Le paquet « énergie » ne constitue que l’un des volets de la mise en œuvre du plan d’action approuvé par les chefs d’État en mars 2007. Mais était-il absolument nécessaire de focaliser l’activité communautaire sur la question de la propriété des réseaux alors que les enjeux énergétiques, liés à la sécurité de l’approvisionnement et à la recherche de nouvelles sources d’énergie peuvent apparaître comme bien plus fondamentaux ?

Dans le même ordre d’idées, la volonté de casser les entreprises intégrées soulève à nouveau le débat sur la nécessité de champions nationaux et communautaires. Ce débat mérite d’être évoqué s’agissant du secteur énergétique, où les entreprises doivent faire face à de puissantes compagnies pétrolières.

La Commission n’est-elle pas encore prisonnière de ses anciens réflexes, qui la conduisent à privilégier le prisme de la concurrence en oubliant d’autres aspects au moins aussi importants ? D’ailleurs, dans le traité de Lisbonne, la concurrence « libre et non faussée » ne figure plus dans les objectifs de l’Union et devient un moyen parmi d’autres de contribuer à la réalisation d’un marché commun.

Plusieurs États s’opposent à la séparation patrimoniale au nom du principe de proportionnalité. Ils sont suffisamment nombreux pour constituer une minorité de blocage. La présidence portugaise a demandé aux États concernés de proposer une alternative concrète. La commission du Parlement européen compétente au fond a vivement critiqué l’objectivité et la pertinence de l’évaluation d’impact réalisée par la Commission européenne. La présidente de cette commission, Mme Angelika Niebler, a adressé à M. Andris Piebalgs un courrier relevant les manques et les cohérences de cette évaluation d’impact.

M. André Schneider a demandé à M. Andris Piebalgs comment il réagissait devant ces contestations du bien-fondé de la séparation patrimoniale, ou du dispositif ISO. Il a remarqué qu’il avait récemment dénoncé les compagnies dominantes ayant doublé, voire triplé leurs profits, alors que les citoyens européens doivent acquitter des factures de plus en plus élevées ; il lui a demandé de lui fournir des précisions, des noms et des chiffres.

Le paquet « énergie » comporte une « clause Gazprom » imposant aux compagnies des pays tiers de respecter les règles communautaires pour pouvoir être admises sur le marché énergétique de l’Union. Comment ont donc réagi les entreprises comme Gazprom ou la Sonatrach à cette clause de réciprocité ?

M. Andris Piebalgs a remarqué qu’il avait déjà répondu à certaines de ces questions.

Il a précisé qu’il avait répondu, la veille, à Mme Angelika Niebler et que son service avait étudié toutes les aspects du problème. Ses conclusions sont claires et nettes, ainsi que son argumentation. La seule difficulté est venue du fait que les compagnies qui contestaient certaines conclusions utilisaient des chiffres différents de ceux d’Eurostat, mais cela n’empêche pas d’aboutir aux mêmes conclusions. Et l’analyse de Mme Angelika Niebler n’apporte aucun élément nouveau.

La question de la séparation patrimoniale avait déjà été mise sur la table en 2005. Aujourd’hui, dix-neuf pays y sont plutôt favorables et 8 pays s’y opposent. Parmi ces derniers, quatre pays ont conservé une position très ferme : la France, l’Allemagne, le Luxembourg et l’Autriche. Maintenant, les pays doivent faire des propositions concrètes pour qu’on arrive à un compromis. Il serait souhaitable que ces propositions parviennent au Conseil au mois de janvier. Il faut trouver le moyen de créer une séparation entre les transports et la production. Peu importe la méthode.

Le Président Pierre Lequiller a remercié M. Andris Piebalgs de s’exprimer en français, et a demandé aux intervenants de bien vouloir parler plus lentement.

M. Daniel Paul a fait remarquer que, depuis une douzaine d’années, la construction européenne s’était orientée vers la libéralisation et qu’il serait temps de tirer le bilan de ce qui s’est passé depuis, notamment dans le domaine de l’énergie.

Est-ce que la mise en concurrence, dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, a été profitable aux usagers ? Est-ce que les tarifs ont baissé ? Est-ce qu’elle a été profitable aux entreprises ? Est-ce que les prix ont baissé ?

Il est question, depuis quelque temps, de séparation patrimoniale. Est-ce que les quelques pays qui, en Europe, ont procédé de façon lourde ou complète à la séparation patrimoniale, en ont tiré un bénéfice évident ?

Le Président Patrick Ollier a parlé de la suppression des tarifs régulés, mais la Commission européenne ne demande pas réellement cette suppression. Elle veut que les tarifs régulés soient représentatifs des coûts. EDF et GDF, en France, avaient mis en place des tarifs régulés qui prenaient en compte les coûts réels, et qui intégraient même certains coûts supplémentaires liés, par exemple, aux centrales nucléaires.

La Commission européenne n’a pas pour objectif de supprimer les tarifs régulés, mais d’obliger la France à les faire augmenter. Il y a quelques jours, la décision a été prise d’obliger EDF à faire profiter les opérateurs entrants de la rente nucléaire, voire de permettre à un certain nombre d’entre eux d’avoir des tarifs plus faibles que les tarifs régulés. Au bout d’un certain moment, la suppression des tarifs régulés deviendra naturelle.

En 2004, 2005, 2006, EDF était encore une entreprise publique. Or, avec ses tarifs régulés en France et à peu près 80 % de son marché réalisés en France, EDF n’a pas si mal réussi. Les tarifs régulés n’ont pas été un obstacle à la rentabilité de l’entreprise. Pourquoi remettre en cause les tarifs régulés bas, dès lors qu’ils sont profitables aux entreprises et aux clients domestiques ?

Qui pilote l’avion de l’énergie au niveau de la Commission européenne ? Est-ce le commissaire à l’énergie ou le commissaire à la concurrence ? Faut-il aboutir à la concurrence coûte que coûte ? Ne vaut-il pas mieux avoir une vision industrielle de l’énergie et une vision du rôle de l’énergie ?

Pourquoi faut-il à tout prix casser les monopoles publics qui ont parfaitement rempli leur mission depuis des dizaines d’années, avec des tarifs parmi les plus bas ? C’est le cas en France. Pourquoi les casser au profit d’oligopoles privés, dont l’objectif ne sera pas le service général, mais la rentabilité pour les actionnaires mis en place ?

M. François Brottes a également remercié le commissaire de s’être exprimé en français.

Celui-ci a déclaré que ses services étaient arrivés à la même conclusion que ceux de Mme Neelie Kroes, à savoir que la séparation patrimoniale serait la solution, mais ce n’était sans doute pas pour les mêmes raisons.

On ne peut qu’être favorable à l’Europe de l’énergie. Il faut s’intéresser aux réseaux et aux infrastructures qui interconnectent l’Europe ; à la capacité d’acheter ensemble, notamment du gaz, pour garder une capacité de négociation ; à la mise en œuvre d’une régulation à l’échelle européenne, à condition qu’elle soit bien au service des consommateurs, et pas seulement des opérateurs.

M. François Brottes a interrogé le commissaire à propos de la faute lourde d’E.ON, qui a mis l’Europe dans le noir il y a quelques mois, à la suite d’une erreur de gestion d’un opérateur privé, qui n’a pas su arbitrer entre plusieurs exigences au sein de sa propre entreprise. Que fait le régulateur ? Il est important de savoir si, dans un cas comme celui-là, derrière le régulateur, il y a la notion de défense du consommateur ou seulement la notion de protection des opérateurs ?

Il n’est pas impossible que les services de Mme Neelie Kroes et ceux de M. Andris Piebalgs suivent une démarche différente. Le marché de l’énergie n’est pas un marché comme les autres, d’abord, parce que l’électricité ne se stocke pas, ensuite, parce que tout le monde l’utilise : entreprises, ménages, individus, équipements publics. Enfin, c’est un marché où l’Europe et la France exigent qu’on fasse des économies. Un tel marché n’a pas vocation à progresser.

Il s’agit à la fois de gérer des biens vitaux, de première nécessité, et de le faire de façon économe. Cela est tout à fait contradictoire avec l’idée qu’il faudrait stimuler ce marché, avec de nombreux opérateurs qui poussent à la consommation et au gaspillage, et qui font monter les prix.

Par ailleurs, on mélange les opérateurs : ceux qui investissent, ceux qui sont responsables du financement de la maintenance et ceux qui n’investissent pas, parce qu’ils ne sont là que pour acheter en gros et vendre au détail. Un tel mélange sur un secteur extrêmement technique, subtil et difficile à gérer, ne risque-t-il pas d’entraver le fonctionnement du marché ?

Pourquoi la Commission européenne interdit-elle les groupements d’achat ? Les industriels français sont très inquiets. De nombreuses entreprises, par exemple dans le secteur papetier ou de l’aluminium, ont dû fermer leurs portes parce que le coût de l’énergie a explosé. Elles ont besoin de se regrouper pour acheter. Or il semblerait que cela pose des difficultés.

Pourquoi la Commission européenne refuse-t-elle les contrats à long terme ? Une industrie a besoin de savoir sur cinq, dix ou quinze ans combien l’énergie va lui coûter, pour organiser son process de production. Pourquoi la Commission a-t-elle une position figée sur cette question ?

En dernier lieu, M. François Brottes a demandé à M. Andris Piebalgs ce qu’il penserait demain d’une société privée française qui aurait le monopole de concessions de distribution de gaz dans le pays ?

M. Jean Dionis du Séjour, remerciant M. Andris Piebalgs de s’exprimer en français, a indiqué qu’il représentait les centristes, historiquement motivés par les propositions européennes et plutôt à l’aise avec les outils économiques mis en œuvre, à savoir le marché intérieur et la concurrence.

L’Union européenne est un acteur juridique, mais c’est aussi un acteur budgétaire. Combien va-t-elle mettre sur la table pour sa nouvelle politique énergétique ? Va-t-elle financer les grandes infrastructures de transport et à quelle hauteur ? Va-t-elle financer les interconnexions et à quelle hauteur ? Si l’Union ne fait pas un effort financier, elle n’aura pas la crédibilité nécessaire, y compris au niveau juridique. En France, on dit : qui paie commande !

Par ailleurs, est-ce que la séparation patrimoniale est clairement compatible avec une filialisation ? Par exemple, s’agissant de EDF, peut-on filialiser d’un côté la production, d’un autre côté les transports, d’un autre côté la distribution et la vente ?

Enfin, qu’en est-il de la régulation proposée au niveau des régulateurs nationaux et de la coordination ? Cela existe déjà. Ne peut-on pas franchir un seuil qui amènerait progressivement à un régulateur européen ?

M. François Loos s’est déclaré très heureux de retrouver M. Andris Piebalgs, qui est un partenaire formidable à la Commission et qui adopte une attitude ouverte et intelligente, quelles que soient les questions qui se posent.

Merci pour le nucléaire ; il est indispensable qu’on arrive à se parler à ce sujet, même avec ceux qui ne sont pas favorables au nucléaire, car ce dernier comporte des avantages.

Merci pour le travail sur l’interconnexion avec l’Espagne et merci à la Commission de s’être impliquée dans cette affaire difficile, d’avoir choisi cette procédure et nommé un coordinateur, M. Mario Monti.

Merci pour les tarifs, auxquels les Français tiennent fermement et merci de considérer que la situation doit perdurer ; c’était le sens du propos du Président Patrick Ollier. Ce n’est pas incompatible avec les directives existantes ; c’est même fortement à recommander s’agissant du fonctionnement du marché de l’électricité et du gaz.

L’Allemagne incite à produire 20 ou 30 % d’énergies renouvelables, mais le problème est moins là que dans la nécessité de réduire les émissions de CO2. Pour cela, il ne s’agit pas de mettre des éoliennes partout ; il faut fermer les centrales au charbon et s’interroger sérieusement sur ce qui peut faire baisser les émissions de CO2 de l’Europe.

Il conviendrait que le commissaire examine, avec son collègue de l’environnement, l’état des émissions de CO2, que l’on puisse faire des comparaisons et taxer de la même manière, par exemple, la production d’acier en France et en Pologne. On doit pouvoir compter sur la Commission pour avoir une vision équitable et juste des choses au fur et à mesure que la pression pour la baisse du CO2 s’intensifiera.

Que fait la Commission pour les stocks de sécurité de gaz ? On a craint que l’Ukraine ne soit à court. Certains pays sont davantage concernés que les autres. On avait adopté une attitude généreuse annonçant une politique de solidarité européenne. Certains pays ont des stockages, d’autres n’en ont pas. La France en a quelques uns. Si l’on veut mener une politique européenne, on doit commencer au moins par cela. La question se pose aussi pour les stockages de fioul. Quand les États-Unis annoncent que leurs stocks de pétrole montent, le prix du pétrole baisse. Il serait temps que l’Europe soit capable d’en faire autant. Ce n’est pas très compliqué. Va-t-on le faire ?

Quelles sont les mesures qui ont été prises après l’accident allemand de novembre 2006 ? On a la preuve que celui-ci est lié à des dysfonctionnements. Des rapports ont été établis sur la question, mais sans que des mesures soient évoquées. En France, le même accident aurait entraîné des mesures, prises soit par le régulateur, soit par l’État. Il faut que l’Allemagne en prenne, ou que l’Europe incite fortement l’Allemagne à en prendre.

Enfin, qu’avez-vous contre les consortiums et les achats à long terme ? Si l’on considère que l’électricité est un marché sur lequel l’investissement est nécessaire, tout client long est un client qu’on préfère et auquel il faut consentir le meilleur prix. Pourquoi faudrait-il être toujours spot dans les prix de l’électricité ? La Commission ne pourrait-elle pas donner des impulsions pour que l’on puisse fonctionner avec des contrats à dix ou vingt ans ?

M. Andris Piebalgs a remercié les intervenants pour leurs commentaires et a répondu à leurs questions.

Pourquoi la libéralisation est-elle meilleure que l’État ou que le monopole ? La Russie a eu une bonne croissance, mais elle a eu des difficultés dans le domaine de l’électricité. Elle s’est décidée pour le seul moyen susceptible de lui assurer des possibilités de développement, c’est-à-dire la libéralisation des marchés, avec la séparation des réseaux et la privatisation des générateurs. Enel, E.ON et Gaz de France, entre autres, cherchent à investir dans le secteur de l’électricité. La Russie aura ainsi des ressources, des connaissances et une certaine sécurité d’approvisionnement. Le marché permet de mieux répondre, avec moins de moyens, aux demandes des sociétés.

M. Andris Piebsalgs a vécu les problèmes de fourniture d’électricité ou les coupures de chauffage dans le cadre d’un système réglementé sans marché libre. Il considère, de par son expérience, que la libéralisation est la meilleure solution.

Certes, le marché de l’énergie est plus complexe que le marché du blé. Voilà pourquoi il existe des commissions de régulation de l’énergie et des conseils de la concurrence, qui fonctionnent dans un cadre établi par l’État.

Quel bénéfice peut-on tirer de la séparation patrimoniale ? Entre 1998 et 2006, dans les pays ayant fait le choix de la séparation patrimoniale - Angleterre, Espagne, Italie -, les prix hors taxes de l’électricité appliqués à l’industrie ont baissé de 3 % alors qu’ils avaient augmenté de 6 % dans les pays ayant conservé des sociétés intégrées : Allemagne, Lettonie, France. Ils ont augmenté respectivement de 6 % et de 30 %, s’agissant des usages domestiques. Dans les pays avec séparation patrimoniale, les prix ont donc baissé ou augmenté moins vite que dans les pays avec sociétés intégrées. Cela ressort des chiffres et des statistiques.

Qui pilote l’énergie ? Le collège des commissaires et les traités. Dans les traités, les responsabilités de la Commission sont clairement indiquées, qu’il s’agisse du secteur de la concurrence, de celui de l’énergie ou des autres. Il faut préciser que c’est le traité de Lisbonne qui a mentionné pour la première fois le thème de l’énergie. Toutefois il n’y a pas de lutte entre le commissaire pour la concurrence et le commissaire pour l’énergie.

S’agissant de la séparation patrimoniale, la commissaire à la concurrence, Mme Neelie Kroes, a mené des études, fait des investigations, cherché des solutions et tiré des conclusions. Le commissaire a étudié ces éléments et a pris les décisions. Il est très clair qu’il faut travailler en commun et pas les uns contre les autres.

Il convient aussi de distinguer monopole et service public. Le service public est garanti par l’État. Le monopole peut être d’État ou privé, et il ne garantit pas le service public.

M. Andris Piebalgs a ensuite abordé la faute de gestion de E.ON. Aujourd’hui, c’est le régulateur allemand qui est responsable du traitement de cette question. Il lui a demandé de faire un rapport. C’est une erreur humaine qui a été à l’origine de cet accident. Pour autant, le régulateur a demandé à E.ON de faire en sorte qu’il ne se reproduise pas.

Le marché, ce n’est pas seulement les entreprises. Il y a aussi les consommateurs, les organisations qui veillent au respect des règles de concurrence, et les responsables des différentes structures gouvernementales. Le marché de l’énergie sera toujours régulé davantage que les autres marchés.

La Commission n’est pas contre les achats à long terme. Prenons le cas de Distrigaz. Ce dernier a fait un contrat de longue durée, avec une ouverture pour les consommateurs. Il est exact que les entreprises du secteur de l’aluminium ou de l’acier ont besoin de contrats de longue durée, mais on ne peut pas non plus fermer les marchés, sinon, les fournisseurs ne trouveront plus de consommateurs. Il faut donc parvenir à un équilibre. Les entreprises qui vendent du gaz ou de l’électricité doivent donner l’exemple. La Commission ne peut pas dire que tel contrat est bien ou pas, a priori. EDF et GDF doivent lui faire des propositions : 50 % voudront faire des contrats de longue durée, et les autres des contrats différents. Le problème se pose pour le secteur de l’énergie, où les fournisseurs sont plutôt intéressés par les contrats spot. Les actionnaires doivent faire comme l’a fait François Loos lorsqu’il s’est adressé à EDF, pour proposer des contrats de longue durée.

La fusion GDF-Suez devrait avoir des effets positifs, dans la mesure où elle accroîtra la concurrence dans les deux secteurs de l’électricité et du gaz.

En matière de régulation, il n’y a aucune différence entre un monopole privé et un monopole public. Le monopole est un monopole. Cela signifie que la fusion GDF-Suez ne changera pas les enjeux principaux.

La question sur le rôle budgétaire de l’Union était intéressante, mais il n’est pas toujours facile de déterminer le budget qu’il faut. Par exemple, dans le domaine de la recherche, l’Union européenne dépense 2,5 milliards d’euros. La Commission en donne 10 %, mais il est prévu qu’en 2013, elle donnera environ 450 millions. Est-ce suffisant ? Le problème vient du fait que les pays ne dépensent pas beaucoup pour la recherche.

Dans le domaine des interconnexions, on souhaiterait disposer de 2 ou 3 milliards, plutôt que de quelques misérables millions. Dans l’exemple de l’interconnexion entre l’Espagne et la France se pose un délicat problème, mais ce n’est pas un problème d’argent. En l’occurrence, il est inutile d’en avoir davantage. Il en est de même s’agissant de l’interconnexion entre la Pologne et la Lituanie.

Aujourd’hui, la politique énergétique passe davantage par la résolution de questions politiques que de questions budgétaires. Dans l’avenir, il faudra davantage d’argent dans la caisse commune pour les interconnexions importantes afin de soutenir certains projets et d’avancer – par exemple avec l’interconnexion pour l’éolien offshore – ou pour la recherche. Cela étant, pour l’instant, l’argent dont on dispose est suffisant.

La séparation patrimoniale est-elle compatible avec une filialisation ? Aujourd’hui, il faut respecter une séparation fonctionnelle et juridique. Malheureusement, cela ne fonctionne pas. Dans les pays voisins de la France, des problèmes se posent et les consommateurs se plaignent. Les filialisations ne suffisent pas ; il faut trouver une solution plus poussée.

Pourquoi faut-il créer une agence des régulateurs ? Ce n’est pas seulement pour des raisons de coordination. On peut se passer d’une agence, mais il faudrait donner tous les pouvoirs à la Commission. Est-ce que ce serait bien ou non ? En outre, si la Commission prend une décision, cette décision devra s’appliquer dans les 27 États membres. Or il y a plus de chances qu’elle s’applique effectivement si elle est prise par les 27 régulateurs. On peut aussi s’en tenir à la situation actuelle, mais on se priverait d’un marché unique. Le choix est donc limité : la création de l’agence est la seule méthode possible.

M. Andris Piebalgs a remercié M. François Loos pour ses propos. Son observation sur les centrales à charbon était bonne, mais, curieusement, aujourd’hui, on en construit beaucoup. Cela dépend bien sûr de leur coût, qui dépend lui-même de l’existence ou non d’une concurrence avec les énergies renouvelables ou avec les centrales nucléaires.

On a beaucoup travaillé sur la séparation, la capture et le stockage du CO2 (CCS) et la Commission fera trois propositions en janvier, sur le marché des émissions, sur la directive concernant les questions légales, les stockages et le transport de CO2 et sur la possibilité de recourir aux aides d’État dans les centrales pilotes. L’objectif est que, en 2015, on dispose de quelques grandes centrales ayant la capacité de capturer et de stocker le CO2. Cela est important, au regard des exigences internationales. S’agissant de l’Europe, on peut être optimiste, grâce au nucléaire, aux énergies renouvelables et au gaz. En revanche la Chine et l’Inde ne pourront atteindre ces objectifs sans CCS. La seule réponse adaptée est d’investir dans les nouvelles technologies, la R&D.

M. Andris Piebalgs a répondu à la question sur les stocks de sécurité de gaz. Dans quelques mois, sera créé l’Observatoire européen pour les situations énergétiques. Il devrait intervenir dans tous les domaines y compris les stockages de gaz et de pétrole.

Dans les prochains mois, il est prévu de réfléchir sur les directives de sécurité d’approvisionnement en gaz. Les mesures proposées sont-elles suffisantes ? Faut-il obliger tous les pays à stocker du gaz ? Certains pays n’en ont pas la possibilité technique, mais il existe déjà beaucoup de stocks commerciaux. Doit-on faire supporter aux consommateurs le coût de stockages qu’ils n’utilisent pas ?

Le mieux serait de nouer de bonnes relations avec les pays producteurs. Un système de erlay warning a été mis en place avec la Russie, et les relations avec l’Ukraine et le Belarus qui est en train de construire un gazoduc ont été améliorées. Après ce qui s’est passé en 2006 et 2007, la situation s’est stabilisée. On investit dans le stockage dans de nombreux pays.

S’agissant du pétrole, est élaborée une proposition tendant à améliorer les systèmes de stockage.

S’agissant de l’incident allemand, la Commission ne peut pas faire plus, mais il est irresponsable que des opérateurs commettent des erreurs graves, sans qu’ils aient à payer pour cela. On peut malgré tout espérer que l’approfondissement du marché intérieur et l’agence des régulateurs permettront d’améliorer la situation.

Pour ce qui est des contrats de longue durée, la balle est du côté des fournisseurs. Ils doivent donner l’exemple. La Commission proposera des modifications ou en acceptera, comme ce fut le cas avec Distrigaz, mais il est difficile de faire des propositions pour tous les marchés. La Commission est en principe favorable aux contrats de longue durée, à condition que cela ne ferme pas les marchés. L’équilibre est difficile à trouver.

La Présidente Catherine Vautrin a remercié M. Andris Piebalgs pour l’ensemble de ses réponses. Elle souhaite par ailleurs connaître son point de vue sur les groupements d’achats. Quels sont en outre les efforts réalisés par la Commission pour encourager la recherche, notamment sur la capture et le stockage du CO2 ? Quelles incitations peuvent-elles être envisagées ?

M. François Brottes a évoqué le projet Exeltium, soit, la possibilité, pour des entreprises différentes, de se regrouper afin d’acheter en commun leur électricité.

M. Andris Piebalgs a rappelé que cela existe déjà en Finlande (exemple du consortium Client du réacteur d’Olkiluoto) et aux Pays-Bas. C’est donc en principe possible, même s’il faut en examiner les modalités. Les recherches sur le stockage sont financées, l’enjeu primordial étant le prix du CO2. Les aides d’État sont possibles dans le cadre déterminé par les traités en fonction de chaque projet. Ce sera notamment le cas en Norvège et en Grande-Bretagne.

M. Christian Bataille a remercié le commissaire pour sa courtoisie. Il reconnaît que l’on entend souvent à tort l’argument selon lequel c’est l’Europe qui réclame la privatisation des entreprises publiques alors qu’il s’agit d’un choix politique des gouvernements. S’il ne faut pas moins d’Europe, il faut « mieux » d’Europe.

M. Christian Bataille n’est pas convaincu par les propos du commissaire et considère que, s’il existe une politique de marché, de régulation, une politique patrimoniale de notaire, il n’existe pas de politique européenne de l’énergie. La France dépense des sommes très importantes pour sa défense et s’expose néanmoins, précisément en raison de l’absence d’une politique européenne digne de ce nom, au danger potentiel représenté par de puissants voisins tels la Russie ou les pays du Moyen-Orient. La politique européenne conduit à saucissonner les entreprises, à les affaiblir et à faire en sorte que la France ou l’Europe ne pèsent pas assez pour négocier les achats avec leurs partenaires étrangers. S’il y avait une véritable politique au niveau des États et si ceux-ci négociaient ensemble avec la Russie les achats de gaz, ce sont les acheteurs qui feraient le prix et non Gazprom. L’idéologie de la Commission est libérale quand il existe encore en France des gens qui croient dans le rôle de l’État et sont attachés à une tradition ancienne de service public. M. Christian Bataille, à ce propos, a contesté la comparaison avec l’URSS.

Le problème majeur de l’Europe sera celui de la sécurité des approvisionnements. La Commission serait bien inspirée de s’emparer de ce type de dossiers car il faut s’attacher à une politique de long terme. Nombreux sont ceux qui, ici, croient aux vertus de la planification.

Au-delà des problèmes libéraux du marché au jour le jour, quelle est donc la stratégie politique de la Commission et de l’Union européenne ?

M. Claude Gatignol a indiqué qu’il existe deux domaines dans lesquels la France attend beaucoup de l’Europe : l’agriculture, avec la PAC, et l’énergie, mais il n’y a pas de PEC ! L’Europe intervient, en effet, relativement peu sur la quantité d’énergie dont elle doit disposer, sur la recherche de la compétitivité aussi bien dans le domaine domestique qu’en entreprise et, enfin, sur l’impact des questions énergétiques sur le climat. Les préconisations de la Commission ont certes été très claires s’agissant du marché intérieur, mais ont-elles suffi ? Le problème du prix n’a pas en outre été réglé pour le consommateur. Comment accroître les conséquences positives de la concurrence ?

Les traités de Rome et Euratom ont été signés en 1957. Quelles sont les orientations proposées aujourd’hui par la Commission pour les énergies fossiles, qui produisent du CO2, et les énergies non fossiles ou plutôt non carbonées, le terme « renouvelables » étant trompeur ?

S’agissant de la sécurité d’approvisionnement, les insuffisances sont par ailleurs évidentes. Quand un régulateur européen doté de vrais pouvoirs sera-t-il mis en place ? Il faut espérer que le traité de Lisbonne facilitera les choses dans ce domaine.

M. Jacques Myard a considéré que la concurrence ne constituait en rien une explication du monde. En matière d’énergie, le marché unique n’existe pas, comme le prouve l’exemple des États-Unis : le plus souvent, dans ce domaine, les solutions sont d’ordre régional. La Commission s’est toujours trompée sur ce dossier : 20 % d’énergies renouvelables et les prix augmentent ; libéralisation du secteur et raréfaction de l’énergie. Il faut mettre en place une véritable politique industrielle tant au niveau national que sur le plan européen.

L’URSS est un très mauvais exemple alors que, avec EDF, la France dispose du système le plus performant d’Europe !

Il faut 250 millions pour reconstruire la structure administrative de GDF Distribution que la Commission a démantelée. Les consommateurs devront le payer. Il fallait garder ce qui marche ! Il a estimé que M. Andris Piebalgs avait une vision idéologique des choses.

M. Jean-Yves Le Déaut a dit partager les points de vue qui ont été exprimés s’agissant de la sécurité de l’approvisionnement. Plutôt que de mettre la France et l’Europe en difficulté sur le plan industriel en essayant d’affaiblir de grandes sociétés européennes, il conviendrait de mettre en place des politiques industrielle et de recherche dignes de ce nom. La dissociation patrimoniale, elle, ne constitue pas une priorité. La dissociation du réseau de transport d’une société, par exemple, suffit à faire perdre des capacités de recherche.

En tant qu’ancien président de la mission d’information sur l’effet de serre, il considère en outre que M. Andris Piebalgs n’a pas répondu à la question de M. François Loos sur le charbon : il est aberrant de maintenir ou de laisser construire des centrales à charbon pour des raisons politiques ; elles sont certes nécessaires, mais en très petit nombre. De surcroît, personne ne dit rien, au niveau européen, sur le fait que le développement de l’éolien a favorisé un nouvel essor du gaz.

Enfin, il a précisé que les technologies d’utilisation du carbone et du stockage en couches profondes ne sont pas encore applicables à l’échelle industrielle, y compris sur les grandes installations de combustion.

M. Andris Piebalgs s’est excusé pour la référence à l’URSS mais il s’agissait pour lui d’illustrer simplement un cas extrême, la France ayant, quant à elle, toujours connu une économie de marché.

S’agissant de l’approvisionnement, il importe de trouver plus de gaz. Les progrès sont réels avec le Nord Stream en Russie, de même qu’en Biélorussie. L’interconnexion est effective entre la Turquie et la Grèce ; le gaz de l’Azerbaïdjan arrive dans l’Union européenne et ce sera bientôt le cas des gaz turkmène, khazar et irakien ; l’Egypte prendra également une place de plus en plus importante sur le marché européen. Tous les producteurs veulent fournir du gaz à l’Union européenne. L’enjeu majeur est de savoir s’il doit exister un interlocuteur unique pour négocier les contrats avec la Russie, l’Algérie, la Norvège. Ce serait contre le principe de marché.

M. Christian Bataille s’est dit en désaccord avec cette proposition puisque ce sont désormais les fournisseurs qui auront l’avantage.

M. Andris Piebalgs s’est inscrit en faux contre cette assertion : l’État n’est plus le négociateur, ni en Russie ni en Algérie. Il a par ailleurs d’autres moyens pour assurer la sécurité d’approvisionnement.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que Gazprom, c’est M. Vladimir Poutine.

M. Andris Piebalgs a indiqué que le système russe allait changer.

Les stratégies existent en matière de recherche de ressources et de consommation efficace. Les progrès sont sensibles et ils ne feront que s’accroîtrent.

Le Président Pierre Lequiller a remercié et félicité M. Andris Piebalgs pour son intervention en français.

2) Réunion de la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire du 28 mai 2008

La Commission s’est réunie le 28 mai 2008, sous la présidence de M. Patrick Ollier, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

Le rapporteur a indiqué que la proposition de résolution faisait suite à la présentation par la Commission européenne à l'automne 2007 de cinq propositions visant à améliorer le fonctionnement du marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel, composant le « troisième paquet de libéralisation du marché de l’énergie ».

L’examen de ces textes, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, a fait l'objet d'une procédure spécifique et nouvelle. Les Présidents Pierre Lequiller et Patrick Ollier ont en effet souhaité la constitution d'un groupe de travail commun à la Délégation et à la Commission des Affaires économiques. Cette démarche a permis de travailler ensemble en amont, d’une façon cohérente et concertée.

Le « troisième paquet » est connu avant tout pour imposer aux entreprises intégrées de gaz et d’électricité, essentiellement EDF et GDF en France, la séparation patrimoniale, c'est-à-dire totale, de leurs réseaux de transports.

Toutefois, les propositions de la Commission européenne comportent également des propositions plus consensuelles, visant à mieux organiser, mieux structurer le marché.

Elles procèdent ainsi à une harmonisation des compétences des régulateurs nationaux de l'énergie, qui se traduit par une indépendance accrue et, pour la plupart d'entre eux, une extension de leurs compétences. La création d’une Agence européenne de coopération des régulateurs de l’énergie (l’ACER) doit renforcer la coordination et la coopération entre les autorités nationales de régulation qui s’effectue actuellement par l’intermédiaire du Groupe des régulateurs européens dans le domaine de l’électricité et du gaz (ERGEG).

La Commission européenne propose également de formaliser la coopération des gestionnaires de réseaux de transports (GRT) sur une base obligatoire, à travers une nouvelle institution : l’ENTSO (European network of transmission system operators). Les principales tâches confiées à ce réseau seront l’adoption, dans un cadre contraignant, de codes commerciaux et techniques, ainsi que l’élaboration d’un plan d’investissement décennal comprenant des perspectives sur l’adéquation des capacités.

Le rapporteur toutefois plusieurs interrogations sur la nouvelle répartition des compétences entre les différents intervenants. Il est important de préserver une séparation claire entre ce qui relève de la surveillance du bon fonctionnement du marché (concurrence, accès au réseau, …) et appartient donc au domaine du régulateur et ce qui relève des compétences régaliennes (tarifs sociaux, protection des consommateurs, sûreté du système, sécurité d’approvisionnement, …).

Le paquet reconnaît la nécessité de mieux encadrer la coopération régionale.

Le groupe de travail estime qu’il faut veiller à ce que chaque État membre respecte des normes minimales de production d’électricité pour prévenir les incidents susceptibles de se produire du fait de la fragilité des réseaux de transport. La question environnementale ne doit pas cacher l’hypocrisie de certains États qui refusent de développer l’énergie nucléaire, tout en achetant à un moindre coût à leurs voisins de l’électricité ainsi produite.

La question plus polémique est évidemment celle de la séparation patrimoniale, qui concerne les réseaux de transport : les lignes à haute tension pour l’électricité, et les plus gros tuyaux pour le gaz. Les GRT devront constituer dans cette option des entreprises totalement distinctes des entreprises intégrées.

La Commission européenne prétend donner le choix aux entreprises entre la séparation patrimoniale et une solution alternative dite "ISO" (opérateur indépendant de système), qui impose la séparation entre l’entité propriétaire des infrastructures de réseau de transport et l’entité chargée de la gestion de ces mêmes infrastructures sans cession de propriété. Le groupe de travail estime que c’est une fausse alternative.

La logique même de la séparation patrimoniale impose que cette mesure s’applique indifféremment aux entreprises de l’Union européenne et aux entreprises de pays tiers. Cette clause des pays tiers est très mal perçue par la Russie qui a déjà protesté contre une mesure qui lui semble hautement discriminatoire.

Du fait des problèmes soulevés par cette demande de séparation patrimoniale, un front commun s’est constitué entre huit États membres (Allemagne, Autriche, Bulgarie, France, Grèce, Lettonie, Luxembourg et Slovaquie), qui constituent une minorité de blocage autour d’un fort axe franco-allemand.

La troisième voie repose sur deux ensembles de mesures :

– des mesures organisationnelles et relatives à la gouvernance du GRT, notamment la création d’un "officier de conformité" indépendant chargé de suivre la mise en œuvre du programme d’engagements établi par les GRT pour garantir que toute pratique discriminatoire est exclue ;

– des mesures relatives aux investissements, à la connexion au réseau de nouvelles capacités de production et à l’intégration des marchés par la coopération régionale. Notamment, un GRT refusant de mettre en œuvre un investissement particulier devant être réalisé dans les trois prochaines années, pourra y être contraint par l'autorité nationale de régulation ou toute autre autorité publique compétente et des investisseurs tiers pourront présenter leurs propositions d’investissements.

Aucune clause particulière concernant l’accès des pays tiers aux réseaux n’est plus nécessaire.

Après avoir réagi d’abord très défavorablement, la Commission européenne a progressivement compris la force de notre opposition à la séparation patrimoniale, qui a été exprimée à plusieurs reprises auprès du commissaire à l’énergie, M. Andris Piebalgs. Un compromis pourrait se dessiner avec une alternative entre la séparation patrimoniale et la troisième voie.

La proposition de résolution que nous allons examiner, adoptée par la Délégation pour l’Union européenne, a été établie au sein du groupe de travail, après des auditions et déplacements menés avec M. André Schneider. Le calendrier est rapide, le conseil énergie étant prévu le 6 juin, et le vote en session plénière au Parlement européen le 17 juin.

Les principaux points de la proposition de résolution sont les suivants :

– nécessité de mettre en œuvre une politique européenne de l’énergie fondée sur les objectifs de sécurité d’approvisionnement, de meilleur prix pour les consommateurs, et de lutte contre le réchauffement climatique ;

– préservation du domaine régalien (fixation des tarifs sociaux, des obligations de service public, etc.) ;

– demande du maintien des tarifs réglementés pour les particuliers comme pour les entreprises,

– opposition claire et définitive à la séparation patrimoniale, et soutien à la « troisième voie ».

Le président Patrick Ollier a salué la qualité du travail mené en commun avec la Délégation pour l’Union européenne, pour la première fois sous cette forme innovante d’un groupe de travail conjoint, comme cela a été fait par ailleurs avec le groupe de travail sur la révision de la politique agricole commune. Sur le troisième paquet énergie, le groupe de travail comprenait outre MM. André Schneider et Jean-Claude Lenoir, MM. François Brottes, Jean Dionis du Séjour, Daniel Paul, Serge Poignant et Philippe Tourtelier, ici présents.

M. François Brottes, s’exprimant au nom du groupe S.R.C., a rendu hommage au rapporteur de la Délégation pour l’Union européenne, M. André Schneider, et salué la qualité des auditions et du travail du groupe. Il a indiqué que le groupe S.R.C. s’abstiendrait sur la proposition de résolution en raison de la formulation trop faible des points 5 et 6, visant la politique communautaire sur les contrats à long terme et la séparation patrimoniale. Les entreprises intégrées, que le groupe S.R.C. a toujours défendues comme telles, s’inscrivent aujourd’hui dans des logiques bien éloignées du service public de l’énergie. Ces comportements d’entreprises amènent parfois à des impasses sur les réseaux de transport et de distribution. La séparation patrimoniale du réseau de Gaz de France diminuerait nettement la valeur des actifs de l’entreprise et remettrait fortement en cause l’opération de fusion avec Suez, à laquelle le groupe SRC reste opposé. La position de la France sur le troisième paquet est sans doute inspirée par ces intérêts particuliers. Aucun bilan clair n’a été établi après l’incident de novembre 2006 du fait de l’entreprise E.ON, qui a pénalisé la moitié de l’Europe, et provient certainement de la confusion de ses fonctions de producteur et de transporteur. La nécessité de protéger les réseaux de transport de certaines dérives et exigences de rentabilité impose aujourd’hui de réenvisager la question de la séparation patrimoniale.

Les autres points de la résolution paraissent très positifs.

M. Daniel Paul, a indiqué que le groupe GDR s’abstiendrait également, pour les mêmes raisons, après avoir salué la volonté de la commission des affaires économiques d’associer à ces travaux l’ensemble des groupes politiques. Le paysage énergétique a changé avec l’accélération du processus de fusion de GDF et de Suez. Lors des auditions des présidents Gérard Mestrallet et Jean-François Cirelli en 2006, ces derniers avaient admis que la séparation patrimoniale des réseaux ferait perdre l’essentiel de son intérêt à la fusion. Il y a quelques jours, M. Jean-François Cirelli a estimé que la séparation patrimoniale ne correspondait pas au modèle économique du groupe, équilibré entre les activités régulées et dérégulées, l’activité de transport représentant 15% du résultat net de GDF, mais seulement 7% de celui du nouveau groupe. Le réseau de transport de gaz a été construit par l’État et cédé à Gaz de France en tant qu’entreprise publique, qui était alors censée le rester. Aujourd’hui, GDF –Suez, groupe privé, n’est pas à même de conserver un actif aussi stratégique. La puissance publique doit reprendre le contrôle du réseau de transport, et préserver le caractère public du réseau de distribution. En conclusion, M. Daniel Paul a insisté sur l’importance du maintien des tarifs réglementés, notamment pour les entreprises.

M. Jean Dionis du Séjour, au nom du groupe Nouveau Centre, a déclaré que son groupe souhaitait le développement d’une forte concurrence sur le marché intérieur, avec un régulateur fort. Le renforcement des régulateurs nationaux et la nouvelle Agence européenne marqueront un vrai progrès, conformément au modèle qui a prouvé son efficacité dans le domaine des télécoms. Le maintien des tarifs réglementés est une question essentielle : la France doit conserver l’avantage compétitif dont elle dispose pour avoir fait le choix de l’énergie nucléaire. Quant à la séparation patrimoniale, elle représenterait un affaiblissement certain de nos grandes entreprises nationales : à cet égard, la position des groupes SRC et GDR est surprenante. Le groupe Nouveau Centre soutiendra la proposition de résolution.

M. Serge Poignant a exprimé sa satisfaction d’avoir participé à un travail très complet, et appelé à prendre en compte l’ensemble des points de la proposition de résolution, regrettant que le temps manque pour porter le débat en séance publique.

M. François Loos a qualifié d’excellent le texte proposé. La Commission s’efforce de régler les problèmes d’investissement qui se posent dans une vingtaine de pays européens, mais aucune discrimination n’est reprochée à nos gestionnaires de réseaux, sous le contrôle de la CRE. Dans ces conditions, il ne faut pas modifier le modèle français pour résoudre des problèmes qui se posent ailleurs, mais proposer au contraire la généralisation de notre système (un régulateur puissant, des investissements dans les réseaux).

M. François Brottes et M. Jean Gaubert ont objecté que le modèle français n’existe plus : le monopole des réseaux de transport sera bientôt cassé, et il faut sanctuariser les réseaux.

En réponse aux différents orateurs, le rapporteur a souligné que le paquet traite à la fois du gaz et de l’électricité. Il faut convenir que des différences existent pourtant : si l’on peut stocker le gaz, la sécurité du réseau électrique implique un équilibre permanent entre l’offre et la demande ; cette contrainte technique plaide contre la séparation patrimoniale. Depuis l’ouverture des marchés de l’électricité et du gaz, avec la loi du 10 février 2000, adoptée sous une autre majorité, nous avons l’expérience des vertus des gestionnaires de réseaux de transport, dont personne ne s’est jamais plaint.

Il a pris acte du soutien des orateurs des groupes UMP et Nouveau Centre, insisté à nouveau sur l’importance des enjeux de ce paquet communautaire pour la France, et regretté l’absence d’unanimité politique.

La séparation patrimoniale ne concerne que les réseaux de transport, et pas ceux de distribution.

Parmi les points positifs du troisième paquet, il convient de souligner les dispositions destinées à prévenir un black out comme celui de novembre 2006.

En 2006, rapporteur du projet de loi autorisant la privatisation de Gaz de France, il avait présenté pendant l’été une hypothèse de travail (privatiser les activités concurrentielles et maintenir les réseaux dans la sphère publique, sans rencontrer le moindre écho.

Il est évident que les réseaux assurent une rente aux entreprises intégrées ; la troisième voie proposée par la France permet à la fois de préserver son patrimoine et son indépendance.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission a adopté à l’unanimité la proposition de résolution, sans modification, les groupes SRC et GDR s’abstenant.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur le troisième paquet de libéralisation du marché de l’énergie


L’Assemblée nationale,


Vu l’article 88-4 de la Constitution,


Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/54/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (COM [2007] 528 final/n° E 3642),


Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/55/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (COM [2007] 529 final/n° E 3643),


Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (COM [2007] 530 final/n° E 3644),


Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1228/2003 sur les conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité (COM [2007] 531 final/n° E 3645),


Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1775/2005 concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel (COM [2007] 532 final/n° E 3646),


1. Souligne la nécessité de mettre en
œuvre une politique énergétique européenne volontariste qui ne soit pas limitée à la réalisation du marché intérieur. Elle doit s’attacher prioritairement à la sécurité d’approvisionnement, à l’encouragement des investissements de production et d’économie d’énergie, ainsi qu’à la fixation des meilleurs prix pour les consommateurs domestiques et industriels ;


2. Approuve l’harmonisation des compétences des régulateurs nationaux, le renforcement de leur indépendance, ainsi que le développement de la coordination des gestionnaires de réseau de transport ;


3. Considère que les compétences de l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie doivent se limiter à la surveillance du bon fonctionnement du marché, en particulier au niveau transfrontalier, et ne pas empiéter sur le domaine régalien, qui comporte notamment la fixation des tarifs sociaux et la définition des obligations de service public ;


4. Demande le maintien des tarifs réglementés pour les particuliers comme pour les entreprises, à un niveau compatible avec les coûts exposés par les opérateurs ;


5. Souhaite que soit encouragée la conclusion de contrats d’approvisionnement à long terme en gaz et en électricité pour répondre aux besoins des entreprises fortement consommatrices d’énergie ;


6. Juge disproportionné d’imposer aux entreprises énergétiques intégrées la séparation patrimoniale de leur réseau de transport alors que la séparation juridique et fonctionnelle peut donner satisfaction, comme c’est le cas en France, et que les propositions de la Commission européenne s’appuient sur une étude d’impact controversée ; souligne, de plus, que la solution dite « ISO » (désignation d’un gestionnaire de réseau de transport indépendant du propriétaire) comporte des inconvénients unanimement dénoncés du fait de sa complexité ;


7. Apporte son soutien à la proposition alternative visant à établir une régulation effective et efficace puisqu’elle va au-delà de la simple problématique de la séparation des activités de réseaux et assure la transparence et le contrôle des décisions relatives aux investissements dans les infrastructures de transport ;



8. Estime indispensable de développer les coopérations régionales et juge donc opportune la désignation de coordinateurs régionaux ;

9.  Propose que l’accroissement des interconnexions électriques soit accompagné de l’obligation, pour chaque État membre, de développer des capacités de production en rapport avec la progression de la demande ;


10. Insiste sur l’intégration des politiques énergétiques et environnementales, qui nécessite de lever les obstacles rencontrés par les producteurs d’énergies renouvelables pour l’accès aux réseaux de transport et de distribution d’électricité.

ANNEXES

ANNEXE 1 :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE GROUPE DE TRAVAIL

1) A Paris

l Ministères en charge du dossier

- Mme Florence Verzelen, conseiller technique, chargée des questions industrielles et commerciales et du développement durable auprès du secrétaire d’État chargé des affaires européennes ;

- M. Guillaume Counio, conseiller au cabinet du ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables.

l Direction générale de l’énergie et des matières premières

- M. Pierre-Franck Chevet, directeur général ;

- M. Pierre-Marie Abadie, directeur de la demande et des marchés énergétiques.

l Commission de régulation de l’énergie

- M. Philippe Ladoucette, président ;

- Mme Cécile George, directrice de l’accès aux réseaux électriques ;

- M. Dominique Jamme, directeur des réseaux et infrastructures de gaz ;

- M. Géry Lecerf, chargé de mission auprès du président.

l Gaz de France

- M. Jean-François Cirelli, président-directeur général ;

- M. Didier Sire, directeur de la stratégie.

l RTE

- M. Dominique Maillard, président ;

- M. Michel Derdevet, directeur de la communication et des affaires publiques ;

- M. Stéphane Cosse, directeur adjoint.

l Société E.ON

- M. Thomas Kästner, responsable des affaires politiques ;

- M. Norbert Schneider, responsable de la représentation d’E.ON auprès des institutions européennes ;

- M. Alexandre Bredimas, membre de la représentation d’E.ON auprès des institutions européennes.

l UNIDEN (Union des industries utilisatrices d’énergie)

- M. Jean-Sébastien Letourneur, président d’honneur ;

- M. Philippe Kehren ;

- M. Fabrice Alexandre.

2) A Vienne

l E Control

- M. Johannes Mayer, directeur du département économie nationale ;

- M. Wolfgang Urbantschitsch, directeur du département juridique.

l Société Verbund et association des entreprises d’électricité

- M. Langthaler, département juridique, affaires européennes ;

- M. Wolfgang Michler, chef du département juridique ;

- Mme Susanne Püls-schlesinger, unité européenne de l’association des compagnies autrichiennes d’électricité.

l Ministère de l’économie et du travail

- M. Alfred Maier, directeur général de l’énergie ;

- M. Alfred Steffek, chef de la sous-direction juridique.

l Entreprise OMV

- M. Haral Stindl, directeur ;

et trois autres cadres de la société.

3) A Madrid

l Ministère de l’industrie, du tourisme et du commerce, Secrétariat général à l’énergie

- M. Jorge Sanz, directeur général de la politique énergétique et des mines ;

- M. Antonio Moreno, affaires internationales.

l Commission nationale de l’énergie (CNE)

- M. Ruscalleda, conseiller ;

- M. Rafael GÓmez-Elvira, directeur des affaires européennes.

l Red Electrica de España

- M. Luis Atienza, président ;

- M. Alberto Carbajo, directeur général des opérations.

l Gas Natural

- M. Luis Basolas, directeur général de la stratégie ;

- M. Flos, directeur des relations corporatives internationales ;

- M. Egea, directeur général, gestion du gaz.

l Institut pour la diversification et le développement des énergies renouvelables (IDAE)

- M. Hugo Lucas, responsable, politiques européennes.

l Représentants des principales filiales françaises en Espagne dans le secteur de l’énergie

- Mme Florence Delettre (EDF) ;

- M. Yves Lebas (CEPSA, filiale de TOTAL) ;

- M. Fernando Mico (AREVA).

l Euroelectric

- M. Rafael Miranda, président.

l UNESA

- M. Pedro Rivero, président.

l Associations de grands consommateurs : AEGE (Fortis) et GRANCESS

- M. Javier Penacho, président de l’Association espagnole de grands consommateurs électriques (AEGE) ;

- Mme Isabel GalbÁn, secrétaire générale d’AEGE ;

- M. Luis Angel Carramiñana, directeur des achats du groupe Telefónica España (GRANCESS).

l ENAGAS

- M. Antonio LLarden, président, et ses directeurs.

l ENDESA

- M. Enrique Vicent, directeur adjoint au directeur général Espagne et Portugal ;

- M. Juan Tomas Abarca, sous-directeur d’analyse de la stratégie Espagne et Portugal ;

- M. Rafael Sánchez DurÁn, sous-directeur du développement de la stratégie Espagne et Portugal.

ANNEXE 2 :
RÉPONSE DE GAZPROM AU QUESTIONNAIRE DES RAPPORTEURS
DU GROUPE DE TRAVAIL

I. Clauses de réciprocité prévues par le troisième paquet énergie

1) Position générale de Gazprom sur les clauses de réciprocité prévues par le troisième paquet énergie de la Commission européenne.

Réponse

Le « paquet énergie », présenté par la Commission européenne en septembre 2007, renferme une règle relative à « l’actionnariat des opérateurs de pays tiers » (« Non-EU ownership rule »). En vertu de cette proposition, les investisseurs des pays tiers (y compris de Russie) ne sont pas autorisés à prendre le contrôle des réseaux de transport dans l’UE, sauf disposition contraire prévue dans un accord signé entre l’UE et le pays tiers concerné.

Cette proposition est fondée sur une acception très large du terme « contrôle », élaborée dans le cadre de la pratique du droit communautaire de la concurrence. La participation d’investisseurs étrangers dans le capital des réseaux de transport peut ainsi être comprise comme impliquant un contrôle, même dans le cas où ceux-ci ne détiennent pas de participation majoritaire mais où d’autres moyens empêchent d’exercer une influence décisive. Il s’ensuit que cette règle autorise les investisseurs étrangers à détenir uniquement des participations minoritaires dans les réseaux européens de transport de gaz.

La proposition de la Commission ne prévoit pas une clause de la législation en vigueur (« droits acquis »), applicable aux investissements existants. Aussi a-t-elle pour effet non seulement de restreindre le champ d’acquisition de futures participations de contrôle, mais aussi d’engendrer l’insécurité juridique et l’imprévisibilité eu égard aux investissements étrangers existants dans les réseaux de transport européens. Cette règle de l’actionnariat des opérateurs de pays tiers ne prévoit pas non plus de mécanisme clair pour son application.

Cette règle pourrait affecter les investissements réalisés par Gazprom dans les réseaux de transport européens et ses investissements futurs. Plus précisément, Gazprom détient déjà 48 % dans Europolgas S.A. (Pologne), 50 % dans Wingas GmbH (Allemagne) et 10 % dans Interconnector (Royaume-Uni). Le gazoduc Nord Stream est en cours de réalisation et le gazoduc de South Stream à l’étude.

La proposition prévoit que seules les prises de contrôle qui sont opérées en vertu d’un accord entre l’UE et le pays tiers concerné peuvent être autorisées. Mais elle est muette sur les prises de participations réalisées sur la base d’un accord bilatéral conclu entre un État membre de l’UE et un pays tiers. Ainsi, les investissements de Gazprom dans le réseau de transport de gaz polonais ont été réalisés en vertu d’un accord intergouvernemental signé entre la Russie et la Pologne, avant même que celle-ci n’adhère à l’UE.

Au vu de l’interprétation précitée de la règle de l’actionnariat des opérateurs de pays tiers, nous considérons que la légalité de cette proposition est sujette à caution, au regard aussi bien du droit européen que du droit international.

Nous exposons ci-après les arguments à l’appui de notre position. Certains peuvent même être étendus aux règles relatives à la séparation patrimoniale, visées par le « paquet énergie », dans leurs aspects concernant les pays tiers.

S’agissant du droit européen, la règle de l’actionnariat des opérateurs de pays tiers semble remettre en cause les principes ci-après :

Ø Principe de subsidiarité : l’article 5 du Traité CE dispose que « … la Communauté n’intervient … que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres … » (principe de subsidiarité). La sécurité des approvisionnements énergétiques ne relève pas de la compétence exclusive de la Communauté européenne, mais constitue plutôt une matière relevant du pouvoir souverain de chaque État membre (articles 57 (2) 175 (2) (c) du Traité CE). Si la proposition est adoptée, les États membres perdront leur capacité à décider par eux-mêmes d’accepter des investissements étrangers dans les réseaux de transport de gaz implantés sur leur territoire. Certains États membres peuvent être désireux d’attirer des investissements étrangers dans leurs réseaux ; or, ils perdront cette faculté si la proposition est adoptée. Celle-ci implique donc une restriction du pouvoir souverain des États membres à réguler l’activité des investisseurs dans le secteur énergétique sur leur territoire national. Compte tenu de ce que les États membres sont mieux à même que l’UE d’apporter une réponse à la diversité des situations en termes d’investissement dans les infrastructures de transport gazier, nous estimons qu’il y là matière, pour les États membres, à invoquer la violation du principe de subsidiarité.

Ø Principe de proportionnalité : l’article 5 du Traité CE dispose que « L’action de la Communauté n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du présent traité ». Il est proposé que la règle de l’actionnariat des opérateurs de pays tiers devienne partie intégrante de la législation sur le marché intérieur (2directive « Gaz »), c’est-à-dire qu’elle doit être proportionnée à l’objectif de création du marché intérieur du gaz. Il reste à savoir comment les conditions restrictives appliquées aux investissements étrangers dans les réseaux de transport de gaz pourraient contribuer à la création du marché intérieur du gaz. Aussi estimons-nous que la règle de l’actionnariat des opérateurs de pays tiers pourrait ne pas satisfaire au critère de proportionnalité.

Ø Principe de territorialité : étant donné que la 2e directive « Gaz » a pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur (article 95 du Traité CE), son champ d’application géographique doit se limiter au territoire de l’UE. Or, la règle de l’actionnariat des opérateurs de pays tiers produit ses effets sur des pays et des entités hors UE, ce qui constitue une matière relevant des conventions internationales.

Ø Principes de la sécurité du droit et de la protection des droits acquis : ces principes du droit coutumier européen sont généralement reconnus dans l’ordre juridique communautaire et se voient confirmés par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (voir affaires jointes 212/80 et 217/80 Salumi [1981], CJCE 2735, paragraphe 9). Ces principes disposent que l’application de nouvelles règles de droit substantiel doit garantir le respect des situations antérieures, prévalant avant l’entrée en vigueur des nouvelles règles. Or, la règle de l’actionnariat des opérateurs de pays tiers s’appliquera de manière rétroactive, sans respecter les situations établies avant son entrée en vigueur, portant ainsi préjudice aux investissements qui auront été réalisés avant que celle-ci ne prenne effet. Pour garantir la protection des droits acquis et la sécurité juridique, la proposition de la Commission devrait inclure des dispositions assurant que les nouvelles conditions restrictives ne seront pas préjudiciables aux investissements déjà réalisés par des pays tiers (clause de la législation en vigueur).

S’agissant du droit international, la règle de l’actionnariat des opérateurs de pays tiers semble remettre en cause les principes ci-après :

Ø Non-conformité avec le traité sur la Charte de l’énergie (TCE) : la Communauté européenne et ses États membres sont liés par le TCE, qui contient des dispositions ayant pour objet de créer un climat propice à l’investissement et à la liberté des mouvements de capitaux.

o Le TCE énonce en particulier des obligations, pour les parties contractantes, relatives à la minimisation des risques non commerciaux, à la non-discrimination et à l’instauration d’un environnement stable, prévisible et ouvert pour l’investissement. Plus précisément, l’article 10 (1) du TCE dispose que « Chaque partie contractante encourage et crée … des conditions stables, équitables, favorables et transparentes pour la réalisation d’investissements … Ces investissements bénéficient également d’une protection et d’une sécurité les plus constantes possible, et aucune partie contractante n’entrave, en aucune manière, par des mesures déraisonnables ou discriminatoires, leur gestion, maintien, utilisation, jouissance ou disposition … ». Ces obligations sont applicables non seulement aux investisseurs dépendants des parties contractantes, mais aussi à ceux dépendants de pays tiers. La Russie et ses investisseurs bénéficient de l’application provisoire du traité. La règle de l’actionnariat des opérateurs de pays tiers viole les dispositions du TCE ci-dessus, qui visent à préserver des conditions stables, prévisibles et transparentes pour les investissements existants.

o En outre, cette règle, qui permet de déroger au principe de réciprocité sur le fondement d’un accord international conclu entre le pays concerné et la Communauté, constitue une violation de l’obligation faite à la Communauté de garantir un traitement non discriminatoire des investissements réalisés par les investisseurs, tel que visé aux points (1) et (10) de l’article 10 du TCE. En effet, le respect du principe de non-discrimination, énoncé par le TCE, est incompatible avec celui de réciprocité car le fait de faciliter les investissements, sur la base de la réciprocité, conduit nécessairement à favoriser certains pays et leurs investisseurs par rapport à d’autres.

Ø Non-conformité avec l’accord de partenariat et de coopération entre la Russie et l’UE (« APC ») : en vertu de son article 106, l’APC demeure applicable dans les relations bilatérales entre la Communauté et la Russie, en dépit de l’expiration officielle de la période initiale de cet accord, à la fin de 2007. L’APC énonce les dispositions ci-après, relatives à la protection des investissements et à la coopération énergétique, lesquelles pourraient être enfreintes par la règle de l’actionnariat des opérateurs de pays tiers :

o l’article premier de l’APC dispose que les objectifs du partenariat sont, entre autres, « de développer les échanges, les investissements … » et de « créer les conditions nécessaires … pour permettre la liberté d’établissement des sociétés et la liberté des échanges transfrontaliers de services et de mouvements de capitaux » ;

o l’article 28(1) de l’APC établit une obligation inconditionnelle, pour la Communauté et ses États membres, d’appliquer la clause de la nation la plus favorisée (NPF) en ce qui concerne le traitement des nouveaux investissements russes. Or, tant au plan de la manière dont elle a été proposée que de son application future, la règle de l’actionnariat des opérateurs de pays tiers constituerait une violation de l’article 28(1) de l’APC. Même si les conditions restrictives envisagées sont applicables à tous les pays tiers, il existe une dérogation en faveur de ceux qui auront conclu un « accord » avec la Communauté. Le simple fait de pouvoir déroger à la règle de l’égalité de traitement entre tous les pays tiers est en soi contraire à l’obligation d’appliquer la clause de la nation la plus favorisée ;

o l’article 28(2) de l’APC prévoit que les investissements russes existants sont protégés par une clause conditionnelle de non-discrimination. L’article 45 de l’APC prévoit que les sociétés contrôlées et détenues conjointement par des sociétés communautaires et russes bénéficient également des dispositions de l’APC. Conformément aux articles 28(2) et 34 de l’APC, la Communauté et ses États membres devraient prévoir au minimum l’application d’une clause de la législation en vigueur aux investissements russes existants, afin de minimiser l’impact des mesures restrictives proposées sur le régime d’investissement établi au titre de l’APC ;

o l’article 58 de l’APC, intitulé « Promotion et protection des investissements », dispose que : « … la coopération vise à créer un environnement favorable aux investissements, tant nationaux qu’étrangers, particulièrement par la réalisation de meilleures conditions pour la protection des investissements, le transfert des capitaux et l’échange d’informations en matière de possibilités d’investissement ».

Ø Non-conformité avec l’accord général sur le commerce des services (AGCS) : l’AGCS s’applique à tous les modes de fourniture de services, y compris à la « présence commerciale » (en d’autres termes, la mise en place d’une présence commerciale par la prise de contrôle de réseaux de transport de gaz, dans l’optique d’assurer des services de transport, relève du champ d’application de l’AGCS). L’article II de l’AGCS dispose que « chaque État membre accordera immédiatement et sans condition aux services et fournisseurs de services de tout autre État membre un traitement non moins favorable que celui qu’il accorde aux services similaires et fournisseurs de services similaires de tout autre pays ». Dans l’hypothèse où, par dérogation à la règle de l’actionnariat des opérateurs de pays tiers, certains pays tiers seraient autorisés à prendre le contrôle d’un réseau de transport communautaire, du fait d’un accord conclu entre l’UE et les pays tiers concernés, l’application de cette exemption sur la base de tels accords internationaux constituerait une infraction à l’article II de l’AGCS si les membres de l’OMC n’étaient pas autorisés tous en même temps à en bénéficier de même.

Ø Non-conformité avec les traités bilatéraux conclus par les États membres de l’UE : la majorité des États membres de l’UE ont conclu des traités d’investissement bilatéraux avec la Russie. Les clauses de ces traités varient sensiblement, mais en principe, les parties conviennent d’assurer réciproquement à leurs opérateurs économiques le traitement de la nation la plus favorisée et/ou le traitement national. Outre les traités d’investissement bilatéraux, il existe un certain nombre de traités bilatéraux qui régissent les investissements dans le réseau de transport du gaz d’un État membre (à l’instar de l’accord avec la Pologne sur le gazoduc Yamal-Europe et des accords signés avec la Bulgarie, la Hongrie et la Grèce, concernant le gazoduc South Stream). En vertu de la règle coutumière du droit public international, selon laquelle les États doivent respecter les accords qu’ils ont conclus (« pacta sunt servanda »), et de l’article 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités internationaux, adoptée en 1969, lequel dispose qu’« Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité … », les États membres sont liés aux obligations instituées en vertu des traités bilatéraux signés avec la Russie. Le fait que la règle de l’actionnariat des opérateurs de pays tiers ne prévoit pas de dérogation fondée sur l’existence d’un accord bilatéral entre un État membre et un pays tiers n’exclut pas d’appliquer les dispositions du droit public international ci-dessus, mais rend encore plus imprévisibles les modalités d’application des clauses restrictives.

2) Plus particulièrement, quel est votre avis sur les deux dispositions suivantes :

- interdiction faite aux entreprises de pays tiers de prendre le contrôle d’un réseau de transport communautaire ou d’un gestionnaire de réseau de transport, sauf si un accord bilatéral entre l’Union et le pays tiers l’autorise ; 

Réponse

Voir la réponse à la question 1 ci-dessus.

- une entreprise d’un pays tiers ne pourrait acquérir une participation importante, voire prendre le contrôle, d’un réseau de transport européen que si elle se conforme de manière démontrable aux mêmes exigences de dissociation que les entreprises de l'Union européenne.

Réponse

Le libellé actuel de la règle de l’actionnariat des opérateurs de pays tiers implique que même si un investisseur d’un pays tiers respecte les exigences de séparation patrimoniale, il n’est pas autorisé à prendre le contrôle d’un réseau de transport de gaz européen en l’absence d’accord signé entre le pays tiers concerné et l’UE.

3) Estimez-vous ces dispositions conformes aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ?

Réponse

Nous estimons que la règle de l’actionnariat des opérateurs de pays tiers est en contradiction avec les règles de l’OMC. Voir réponse à la question 1 ci-dessus.

4) Établissez-vous un lien entre ces clauses et le refus de la Russie de ratifier la Charte de l’énergie ?

Réponse

Cette conclusion ne découle pas de l’étude présentée par la Commission européenne sur l’impact du « paquet énergétique ». Il est proposé que la règle de l’actionnariat des opérateurs de pays tiers soit applicable à tous les pays tiers, pas seulement à la Russie.

5) Avez-vous eu des discussions sur ces clauses avec la Commission européenne ? Un compromis pourrait-il être trouvé en autorisant l’accès de certains gisements gaziers russes aux compagnies européennes ?

Réponse

Oui, nous avons eu des discussions informelles à ce propos avec la Commission européenne. En ce qui concerne l’accès des compagnies européennes aux gisements de gaz russes, il convient de noter que celles-ci sont déjà fortement présentes dans le secteur gazier et pétrolier de Russie. Le dernier exemple en date concerne le groupe BASF, qui a acquis en 2007 des participations dans un important gisement russe, Yuzhno-Russkoye.

6) Lors de sa visite en Russie à l’automne 2007, le Président Sarkozy a demandé une plus large ouverture du capital de Gazprom aux investisseurs étrangers. Quelle est votre position sur ce point ?

Réponse

L’ouverture du capital de Gazprom a annulé les restrictions commerciales applicables aux actions en circulation sur le marché russe et instauré les conditions de la liberté d’acquisition de participations par des non-résidents ; actuellement, il n’existe donc aucune disposition législative imposant des conditions restrictives à la présence d’investisseurs étrangers dans le capital de Gazprom.

Les actions Gazprom peuvent être acquises auprès de leur détenteur légal. Elles peuvent être achetées en vertu d’un contrat d’achat et de vente, en application de la législation en vigueur et moyennant le réenregistrement des droits de propriété auprès d’un dépositaire (détenteur du registre des actionnaires), dans la localité de domiciliation bancaire du propriétaire des actions.

Par ailleurs, il est possible d’acheter et de vendre des actions Gazprom par le biais d’un professionnel de la bourse proposant des services de courtage. Ce sont, en principe, les sociétés d’investissement et les banques commerciales qui proposent ce type de services.

7) Quelle appréciation générale portez-vous sur la libéralisation du marché européen de l’énergie ? Pensez-vous qu’elle conduise à réduire la durée des contrats à long terme, à développer les marchés spot et à l’accroissement de la concurrence entre les producteurs ?

Réponse

Les deux dernières décennies ont vu s’opérer des transformations radicales dans le secteur de l’énergie au niveau mondial. La volonté de réduire la part des coûts énergétiques dans le prix de revient du produit final a inspiré ce processus de mutation en Europe (à en juger, du moins, par ce qui est affirmé publiquement).

Tous les processus de libéralisation partageaient une même caractéristique fondamentale commune : ils ont tous commencé à un moment où les capacités de production et de transport étaient excédentaires, une situation rendue possible par l’existence de contrats à long terme de type « take-or-pay » et du monopole exercé par une poignée d’acteurs sur les marchés gaziers nationaux. Cet excédent de capacités a permis de réduire les prix aux premiers stades du processus de libéralisation et créé l’illusion que l’ouverture des marchés entraînait une baisse des prix. Or, l’histoire le montre, la libéralisation a pour résultat réel non pas une baisse, mais une instabilité du niveau des prix, lesquels ont tendance à baisser dans un premier temps puis, par suite d’un manque d’investissements dans le secteur, à repartir à la hausse.

Ainsi, la déréglementation du secteur gazier aux États-Unis a, dans un premier temps, aiguisé la concurrence entre les producteurs et contraint ces derniers à réduire leurs prix en exploitant à plein toutes les capacités disponibles. L’accroissement ponctuel de l’offre de gaz a exacerbé la concurrence et occasionné la chute des prix et des revenus des producteurs. Dans le même temps, la faiblesse des prix des années 90 n’a pas stimulé l’investissement. Le secteur gazier est devenu peu attractif, par comparaison à d’autres secteurs d’investissement.

Par manque de financements, de grands projets ont dû être suspendus aux États-Unis. Compte tenu de l’évolution imprévisible des prix sur le marché spot, les acteurs du secteur ont abandonné les investissements à long terme au profit de projets à court terme. Le ralentissement des investissements dans les années 90 s’est traduit par un manque de capacités de production dans les dix à douze années qui ont suivi, et par un déficit de l’offre de gaz, l’usure du réseau de transport existant et l’insuffisance des projets de construction de nouveaux gazoducs. Il n’est pas exclu que ces mêmes évolutions se produisent en Europe.

Le cadre juridique des contrats à long terme, qui a servi de fondement à la création du réseau européen de fourniture du gaz européen, comportait un mécanisme bien défini de partage des risques entre producteurs (risque de prix) et gros importateurs (risque de volume). En outre, le prix du gaz incluait une composante majeure, liée à la sûreté et à la sécurité des approvisionnements, qui permettait d’anticiper la création de capacités de production et de transport au regard de l’accroissement de la consommation. La libéralisation du marché gazier a eu pour effet de saper le système de partage des risques et d’éliminer la dimension sécurité dans la formation des prix.

La libéralisation du marché gazier européen se traduira inévitablement par le développement des livraisons spot et à court terme, mais ne conduira pas nécessairement à un renforcement de la concurrence entre producteurs car ces derniers sont nombreux et rattachés à des zones géographiques différentes.

II. Adaptations de Gazprom à la libéralisation du marché énergétique européen

a) Impact de la libéralisation sur la stratégie commerciale de Gazprom

8) Souhaitez-vous développer vos ventes spot sur le marché européen ?

Réponse

À l’instar de n’importe quel fournisseur du marché gazier européen, nous essayons d’exploiter toutes les opportunités offertes par la libéralisation. Nous participons désormais à la gestion des compagnies régionales de fourniture et de transport et travaillons directement avec les clients finals, notamment au Royaume-Uni et en France. Depuis le 1er avril 2007, Gazprom effectue des livraisons directes de gaz russe au marché italien. Nous envisageons également de développer la coopération avec la compagnie autrichienne OMV pour faire de Baumgarten un pôle gazier européen majeur. Cependant, nous pensons que nos livraisons continueront de s’effectuer, pour l’essentiel, dans le cadre de contrats à long terme et que les ventes spot et à court terme serviront de complément.

9) L’augmentation du prix du gaz sur le marché russe peut-elle rendre Gazprom moins dépendante de ses exportations vers l'Union européenne ? La croissance de la demande gazière en Russie (+ 20 % d’ici 2010) pèsera-t-elle sur les exportations de Gazprom ?

Réponse

En novembre 2006, le gouvernement de la Fédération de Russie a pris la décision de relever progressivement les prix intérieurs du gaz, désormais réglementés, à hauteur de 15 % en 2007, 25 % en 2008, 20 % en 2009 et 28 % en 2010. La rentabilité des ventes devrait atteindre le niveau du marché européen d’ici à 2011 (compte tenu des coûts de transport et des droits de douane).

Si cette décision rendra bel et bien Gazprom moins dépendante de ses recettes d’exportation vers l’Union européenne, elle n’aura aucun impact sur les livraisons effectives à nos principaux clients européens car celles-ci sont effectuées dans le cadre de contrats à long terme, dont un grand nombre ont été renouvelés récemment. Gaz de France, par exemple, a renouvelé son contrat d’importation de gaz jusqu’en 2030. Ce renouvellement s’étend jusqu’à 2035 pour E.ON Ruhrgas (Allemagne), 2030 pour Wintershall (Allemagne), 2025 pour Gasum (Finlande) et 2035 pour RWE Transgas (République tchèque) et ENI (Italie).

10) La libéralisation du marché européen peut-elle vous inciter à développer vos exportations vers l’Asie, voire les États-Unis (par la filière gaz naturel liquéfié) ?

Réponse

L’Europe est la principale destinataire des efforts commerciaux déployés par Gazprom et le demeurera. C’est la raison pour laquelle nous continuons de développer notre activité dans de nouveaux segments du marché européen, en étoffant notre gamme de produits et en inaugurant de grands projets nouveaux comme les gazoducs Nord Stream et South Stream.

Parallèlement, le manque de stabilité dans l’environnement des marchés énergétiques européens nous incite, au même titre que de nombreux autres opérateurs, à atténuer les risques commerciaux grandissants en Europe en diversifiant nos marchés cibles. C’est pourquoi la région Asie-Pacifique fait, elle aussi, largement partie de nos projets. La localisation et le volume de nos ressources sont suffisants pour satisfaire une grande partie de la demande de gaz, de plus en plus forte dans cette région. Il en va de même pour le marché américain, que nous pouvons atteindre aussi bien par la côte ouest que par la côte est, en développant des projets GNL de grande envergure respectivement à partir des gisements de Sakhaline et de Stockman.

11) Les divers conflits gaziers de ces derniers mois avec l’Ukraine ont suscité des inquiétudes chez les Européens quant à la sécurité de leur approvisionnement. Que pensez-vous de ces craintes ?

Réponse

Nous attachons une grande importance aux questions que pose le transit du gaz naturel, et c’est pourquoi nous nous inquiétons de l’attitude incohérente de la Commission européenne à l’égard des obligations de fourniture de gaz sur le marché de certains acteurs.

Chaque fois que pour une raison ou une autre, les flux de transit de gaz rencontrent un obstacle sur la route les menant au consommateur européen, Gazprom est a priori tenue pour responsable de cette interruption de la fourniture. Cette posture est généralement motivée par le fait que les contrats de transport sont passés avec Gazprom, plutôt qu’avec les importateurs. Sans compter que l’on oublie un peu vite que la livraison en temps et en heure des quantités convenues aux points de livraison relève de la responsabilité du pays de transit, non du propriétaire du gaz, quel qu’il soit.

S’agissant de Gazprom, la compagnie est déterminée à faire de son mieux pour garantir que les livraisons de gaz soient pleinement conformes aux contrats signés. Et rappelons-nous qu’aux premiers jours de janvier 2006, lorsque l’Ukraine a décidé, compte tenu de conditions météorologiques extrêmes, de « siphonner » le gaz destiné aux consommateurs européens, il a suffi de quelques heures à Gazprom pour pousser sa production à des niveaux records et pallier le déficit.

Afin que pareille situation ne se reproduise plus, nous travaillons sans relâche à accroître la fiabilité et la sécurité des fournitures à nos clients en diversifiant nos itinéraires d’acheminement, le gazoduc Nord Stream étant déjà en cours de construction et le projet South Stream en phase d’étude de faisabilité.

12) La création d’une « OPEP du gaz » avec la compagnie algérienne Sonatrach est-elle toujours envisageable et à quelle échéance ? La nouvelle structure dite « Manngo », associant la Russie et des pays d’Asie centrale, peut-elle être perçue comme une nouvelle tentative en ce sens ?

Réponse

Non seulement la création d’une « OPEP du gaz » avec la compagnie algérienne Sonatrach (ou avec n’importe quelle autre compagnie) n’est pas envisageable à l’heure actuelle, mais ne l’a jamais été. En raison de ses caractéristiques physiques et à la différence du pétrole, le gaz naturel ne se prête pas facilement à un transport sur tout le globe, ce qui relègue la création d’un marché mondial du gaz au rang des vœux pieux, au moins dans un avenir prévisible. De surcroît, les échanges de gaz naturel sont opérés principalement en vertu de contrats à long terme de type « deliver-or-pay », ce qui rend quasiment impossible toute influence extérieure sur les volumes de production ou la fixation des prix.

En ce qui concerne MANNGO, nous ne disposons pas d’informations précises à ce sujet. Pour autant que nous le sachions, cette structure se veut être une association internationale d’organisations gazières non gouvernementales, ce qui exclut par définition Gazprom en tant que compagnie sous contrôle de l’État.

b) Impact de la libéralisation sur la stratégie industrielle de Gazprom

13) Des experts européens expriment des doutes sur les capacités de Gazprom à remplir ses engagements contractuels en raison de la stagnation, à compter de 2010, de sa production gazière. Que pensez-vous de ces analyses ? Que pensez-vous des critiques sur l’indécision de Gazprom dans le choix des gisements de production à exploiter en priorité ?

Réponse

Elles ne reposent sur aucun argumentaire fondé. La stratégie de mise en valeur de gisements prometteurs par Gazprom prévoit de réaliser des investissements dans le secteur en amont, à partir d’une liste de priorités établie en prenant dûment en considération l’efficacité économique d’une augmentation de capacités harmonisée et globale dans les secteurs de la production de gaz, du transport, du traitement et du stockage. Pour répondre à la demande intérieure et remplir ses engagements à l’exportation, Gazprom envisage de produire pas moins de 550-560 milliards de mètres cubes d’ici à 2010, 580-590 milliards d’ici à 2020 et 610-630 milliards de mètres cubes d’ici à 2030.

Le niveau de production sera maintenu jusqu’en 2010 en mettant en service des capacités supplémentaires sur des sites anciens et nouveaux dans la région de Nadym-Pur-Taz : champ gazier Yuzhno-Russkoye, dépôts néocomiens des champs gaziers Zapolyarnoye et Pestsovoye, zone de Kharvutinskaya du gisement Yamburgskoye, dépôts Achimov du champ Urengoyskoye. Leur viabilité économique s’explique par la proximité des infrastructures de transport de gaz existantes.

Après 2010, de nouvelles régions stratégiques pour la production gazière seront exploitées sur la péninsule de Yamal, au large des côtes en mer de Barents, dans la baie d’Ob-Taz, en Sibérie orientale et en Extrême-Orient.

En 2006, la décision stratégique a été prise d’engager la mise en valeur des gisements de la péninsule de Yamal. Les réserves totales des principaux champs de Yamal (dont les sociétés du groupe Gazprom détiennent les licences d’exploitation), à savoir Bovanenkovskoye, Kharasaveyskoye et Novoportovskoye, sont estimées à 5,8 trillions de mètres cubes de gaz, 100,2 millions de tonnes de condensat de gaz et 227 millions de tonnes de pétrole. Le gisement Bovanenkovskoye constitue un objectif prépondérant de la mise en valeur des gisements de Yamal. Il a été également décidé en 2006 de mettre en service, en 2011, les premières installations de démarrage d’une capacité d’au minimum 15 milliards de mètres cubes par an, ainsi qu’un réseau principal de gazoducs entre Bovanenkovo et Ukhta. Globalement, le projet prévoit d’atteindre un niveau d’extraction de 140 milliards de mètres cubes par an et la construction d’un réseau de gazoducs multiples de 2 400 km de long entre Yamal et Torzhok.

14) Quelles appréciations portez-vous sur l’avancement des gazoducs Nord Stream et South Stream ? Le projet Nabucco vous semble-t-il crédible (en tenant compte, notamment, du prochain alignement du prix du gaz de l’Asie centrale sur le prix pratiqué en Europe) ?

Réponse

Le projet Nord Stream est actuellement à un stade de préconstruction très avancé. La joint venture créée pour le projet, Nord Stream AG, détenue à 51 % par Gazprom et à 24,5 % respectivement par Wintershall Holding (filiale de BASF AG) et E.ON Ruhrgas, est sur le point d’achever d’importantes études environnementales sur l’ensemble du tracé du gazoduc et prépare un rapport d’évaluation des incidences environnementales du projet, qui sera publié au cours du second semestre de 2008.

Le 6 novembre 2007, Gazprom et N.V. Nederlandse Gasunie ont signé un accord-cadre prévoyant que la société néerlandaise entrerait pour 9 % dans le capital de Nord Stream AG, en réduisant de 4,5 % la participation respective des sociétés allemandes.

Lorsque l’opération aura été effectuée, la structure de l’actionnariat de Nord Stream AG sera composée comme suit : Gazprom (51 %), Wintershall Holding et E.ON Ruhrgas (20 % chacune) et N.V. Nederlandse Gasunie (9%).

Nord Stream AG est actuellement en pleine procédure d’obtention des autorisations nécessaires auprès des pays situés sur le tracé. Les marchés de travaux et fournitures (logistique, revêtement, construction au large, construction des points d’arrivée à terre, évacuation des déblais) devraient être attribués en juillet de cette année.

South Stream est un projet à l’étude, qui envisage la construction d’un gazoduc reliant la Russie et l’Europe, via la mer Noire. À ce stade, plusieurs pays d’Europe du Sud ont fait part de leur soutien au projet et des accords intergouvernementaux ont été signés en ce sens avec la Bulgarie, la Hongrie et la Grèce.

S’agissant du projet Nabucco, nous estimons que la construction du gazoduc South Stream n’exclut pas la mise en œuvre de ce projet, ni de n’importe quel autre projet de transport de gaz en Europe, à condition que les Européens règlent le problème de leur base d’approvisionnement.

15) Souhaitez-vous développer votre présence sur le marché européen par la création de joint ventures avec les compagnies européennes ou la prise de participations dans ces compagnies ? Avez-vous toujours pour objectif de détenir 10 % du marché français à court terme ?

Réponse

Nous ne nous limitons pas à telle ou telle forme de présence sur le marché et envisageons tous les moyens légitimes possibles pour accéder à de nouveaux marchés et y renforcer notre position. En fonction des circonstances, soit nous créons des joint ventures avec des entreprises locales ou prenons des participations dans le capital de celles-ci, soit, si les conditions s’y prêtent, nous créons notre propre filiale, selon ce qui paraît être la meilleure solution pour un marché donné. En ce qui concerne le marché français, nos objectifs à court terme demeurent inchangés.

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