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le 11 juillet 2008



N
° 1000

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 juin 2008

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (N° 957 rectifié) DE M. HERVÉ GAYMARD, RAPPORTEUR DE LA DÉLÉGATION POUR L’UNION EUROPÉENNE, sur le bilan de santé de la politique agricole commune (COM [2008] 306 final/n° E 3878),

PAR M. MICHEL RAISON,

Député.

——

Voir les numéros 956 et 957 rectifié.

Avertissement

Pour examiner le bilan de santé de la politique agricole commune, un groupe de travail commun à la Délégation pour l’Union européenne et à la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a été constitué.

Il était composé :

- de MM. Hervé Gaymard, Jean Dionis du Séjour et Jean-Claude Fruteau, désignés par la Délégation pour l’Union européenne*

- de MM. Michel Raison, André Chassaigne, Jean Gaubert et Robert Lecou, désignés par la Commission des affaires économiques**

Les rapports publiés par la Délégation et par la Commission sont donc identiques.

* lors de sa réunion du 25 juillet 2007.

** lors de sa réunion du 4 décembre 2007.

SOMMAIRE

___

Pages

AVANT-PROPOS DE M. HERVÉ GAYMARD 9

I.— OÙ IL FAUT REVISITER LA THÉORIE DE L’ÉCHANGE INTERNATIONAL 10

II.— OÙ IL FAUT REVENIR SUR UNE BRÈVE HISTOIRE DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE 12

III.— LE BILAN DE SANTÉ EST UTILE, MAIS INSUFFISANT 14

INTRODUCTION 17

I.— DE RÉFORME EN RÉFORME, LA PAC EST À BOUT DE SOUFFLE 23

A.— UN IMPÉRATIF STRATÉGIQUE À L’ORIGINE DE LA PAC : ASSURER LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE DES EUROPÉENS 23

1. Les linéaments de la PAC : les leçons du New deal et une volonté forte de la France 23

a) Les expériences acquises 23

b) Une volonté forte de la France et des intérêts complémentaires des six États fondateurs 24

2. Une mise en place progressive 24

a) Les principes d’origine de la PAC toujours d’actualité 25

b) Une mise en place délicate 25

(1) Les mécanismes essentiels : une politique des prix 25

(2) Une mise en œuvre non universelle 26

3. Des défis relevés aux premières crises 26

a) La réalisation des objectifs fixés par le traité de Rome 26

b) Expansion et remises en question 27

(1) Des déséquilibres structurels 27

(2) Des perturbations monétaires 27

(3) Les premiers ajustements : réformes structurelles et mesures de gestion de l’offre 28

B.— L’ACTE II DE LA PAC : UN CHANGEMENT DE CAP DEPUIS 1992 28

1. Le poids des contraintes internes et externes 29

a) Les pressions budgétaires 29

b) L’agriculture, enjeu des négociations commerciales internationales 30

2. La réforme Mac Sharry : une réforme de fond 31

a) Les principes de la réforme 31

b) Les mécanismes : une baisse des prix de soutien compensée par des aides directes 31

c) Un bilan globalement positif 32

3. L’Agenda 2000 : continuité et nouvelles attentes 32

a) La réponse à de nouvelles exigences 32

b) La poursuite de la baisse des prix d’intervention 33

c) La création du deuxième pilier 33

4. Le compromis de Luxembourg en 2003 : une réforme anticipée contre un allongement des perspectives budgétaires jusqu’en 2013 34

a) Le découplage des aides 34

b) Le caractère obligatoire de la conditionnalité des aides 34

c) Le deuxième pilier et la modulation des aides 35

II.— LE BILAN DE SANTÉ : DES PROPOSITIONS DÉCEVANTES S’INSCRIVANT DANS LA CONTINUITÉ DES RÉFORMES PRÉCÉDENTES 37

A.— LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE 38

1. De la communication du 20 novembre 2007… 38

a) Le régime des paiements uniques peut-il être rendu plus efficace, plus rationnel et plus simple ? 38

b) Les instruments de soutien du marché : quelle pertinence aujourd’hui ? 39

c) Les nouveaux défis de la politique agricole, ou comment mieux orienter les financements vers le développement rural ? 40

2. …aux propositions législatives du 20 mai 2008 41

a) La suppression des mécanismes de gestion de l’offre et de stabilisation des marchés 43

b) L’approfondissement du découplage 46

c) L’article 69 révisé : principe et modalités 48

d) L’introduction d’une modulation progressive 50

B.— LE POINT DE VUE DE NOS PARTENAIRES EUROPÉENS 52

1.— Les réactions des États membres 52

2. L’avis du Parlement européen 54

a) Les travaux de la Commission de l’agriculture et du développement rural 55

b) La résolution adoptée par le Parlement européen 56

III.— LES FONDEMENTS D’UNE PAC EFFICACE, LÉGITIME ET CONFORME AU MODÈLE EUROPÉEN 59

A.— QUELS OBJECTIFS POUR UNE NOUVELLE PAC ? 61

1. Se fixer de vrais impératifs 61

a) Participer aux équilibres alimentaires mondiaux 61

b) Concilier exigence environnementale et compétitivité économique 65

c) Prendre en compte les aspirations des citoyens européens 69

2. Se délier de fausses contraintes 71

a) Eviter le haro budgétaire sur la PAC 71

b) Se départir de tout angélisme dans les négociations à l’OMC 73

c) Promouvoir l’exception agricole 76

B.— QUELS MOYENS POUR CETTE NOUVELLE PAC ? 80

1. Consolider et réorienter les aides 82

2. Maintenir des outils de gestion du marché 83

3. La gestion des risques au cœur de la politique agricole 84

a) Armer les agriculteurs pour affronter les risques économiques 85

b) Donner aux filières les moyens de se défendre sur le marché 86

4. Assurer la préférence communautaire 88

5. Soutenir le développement agricole au niveau mondial 90

TRAVAUX DE LA COMMISSION 95

PROPOSITION DE RÉSOLUTION 133

ANNEXES 141

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE GROUPE DE TRAVAIL 143

ANNEXE 2 : PREMIER ET DEUXIÈME PILIERS DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE 153

ANNEXE 3 :  CONTRIBUTION DES ALPES DU NORD DANS LE CADRE DU BILAN DE SANTÉ DE LA PAC 155

ANNEXE 4 :  PROPOSITIONS DES TROIS GRANDS MASSIFS, JURA, MASSIF CENTRAL ET ALPES DU NORD, POUR UNE PAC RÉNOVÉE 161

AVANT-PROPOS DE M. HERVÉ GAYMARD (1)

Comprenez donc que la Civilisation des machines est elle-même une machine, dont tous les mouvements doivent être de plus en plus parfaitement synchronisés ! Une récolte exceptionnelle de café au Brésil influe aussitôt sur le cours d'une autre marchandise en Chine ou en Australie ; le temps n'est certainement pas loin où la plus légère augmentation de salaires au Japon déchaînera des grèves à Détroit ou à Chicago, et finalement mettra une fois encore le feu au monde.

Georges Bernanos,

La France contre les robots

1945

Comme nous avons su gagner le combat de l’exception culturelle, il est temps désormais de livrer le combat de l’exception alimentaire.

Comment nourrir les hommes, aujourd’hui et demain ? C’est l’unique question.

Posée ainsi, il n’y a encore pas si longtemps, dans les cénacles internationaux, elle paraissait incongrue, suspecte, scandaleuse. Elle dérangeait le consensus malthusien, qui depuis plusieurs décennies, était arrivé à faire admettre qu’il fallait produire moins de produits alimentaires, et que seuls quelques pays, dotés des fameux « avantages comparatifs », avaient vocation à nourrir la planète. Comme si cette même planète ne souffrait pas déjà de la faim et de la malnutrition, comme si l’on ignorait qu’il fallait augmenter de 50 % la production dans les prochaines décennies pour faire face à l’accroissement démographique et aux modifications des habitudes alimentaires !

Aujourd’hui cette unique question s’invite sans crier gare dans les journaux télévisés de nos estomacs repus. Les images des émeutes de la faim, passé le trouble compassionnel souvent si vite oublié, puisent dans la mémoire longue des disettes et des famines, et des tickets de rationnement en vigueur il y a encore soixante ans. C’est dire que le bilan de santé de la Politique Agricole Commune auquel nous sommes conviés, même peu ambitieux, s’inscrit dans un contexte beaucoup plus large qu’il faut prendre en considération, pour une mesure exacte des enjeux.

I.— OÙ IL FAUT REVISITER LA THÉORIE DE L’ÉCHANGE INTERNATIONAL

Pour le citoyen comme pour l’homme politique, l’absence de débat sérieux sur la théorie de l’échange international est profondément frustrant. Tel qu’il est présenté, nous n’aurions d’autre choix qu’entre le libre échange intégral ou le protectionnisme intégral, chacun caricaturant à l’extrême les positions de l’autre. Nous refusons de rester dans cette impasse. Il faut au contraire poser ce débat sereinement, dans toutes ses dimensions, car il est au cœur de la mondialisation que nous vivons, qui suscite tant de peurs primordiales, ignorées par des élites impavides.

Les théories économiques ne sont pas élevées hors sol : elles sont le produit d’un milieu, d’une géographie, d’une histoire. Et ce n’est pas un hasard si la théorie de l’avantage comparatif, soubassement du capitalisme contemporain, est née en Grande-Bretagne au XIXème Siècle. La théorie de Ricardo formulée en 1817, et appliquée trois décennies plus tard avec l’abolition des Corn Laws, sert les intérêts objectifs d’un Empire qui gouverne plus du quart des terres émergées, qui est un monde à lui seul, et qui organise en son sein une première division internationale du travail. A la différence des pays d'Europe continentale, il est possible à la Grande-Bretagne métropolitaine de sacrifier son agriculture, alors qu’elle était un grand pays agricole, car avec le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, elle dispose de dominions au climat tempéré, avec d’immenses exploitations latifundiaires, qui peuvent la ravitailler en produits de base, pendant que ses possessions en Inde, en Afrique et aux Antilles la pourvoient en produits tropicaux. Elle peut donc consacrer ses investissements et son énergie à l’industrie, quitte à sacrifier l’industrie textile naissante de l’Inde pour développer Manchester, comme l’a bien montré Paul Bairoch dans ses ouvrages. Notons que pour trouver des débouchés au pavot cultivé par substitution dans le sous-continent indien, et résoudre du même coup le problème du déficit commercial – déjà… – avec la Chine, on ne trouva pas d’autre solution que deux guerres dites « de l’opium » pour forcer ses barrières douanières, inventant ainsi dans des conditions scabreuses « la clause de la nation la plus favorisée », qui sanctionne toujours les plus défavorisés. Le libre échange fonctionne toujours au profit de celui qui l’impose.

Que l’échange international soit un facteur global de croissance, qui le discutera ? On sait ce que le protectionnisme le plus régressif peut avoir de négatif, comme l’a illustré le Portugal de Salazar. Mais le commerce n’est pas pour autant une religion. Il ne relève pas du décret divin, absolu, immanent que nous devrions accepter sans discussion. Il ne saurait régler tous les problèmes. Il ne saurait représenter un pouvoir égalisateur souverain. Il y a matière à discussion, comme le montre le dernier article de Paul Anthony Samuelson, qui en 2004 a revisité le théorème économique qui porte son nom. Car si on pousse cette fameuse théorie dans ses derniers retranchements, on aurait à terme une usine dans le monde située en Chine, une ferme au Brésil et en Argentine, et un prestataire de service en Inde. Les pays pauvres continueraient à s’appauvrir, et les anciens pays riches, au nord, n’auraient d’autres choix que d’offrir des emplois très qualifiés, polyglottes et mondialisés, et des emplois de services, d’aide à la personne, et de gardiennage de musée. Veut-on revenir au modèle social de l’Ancien Régime, les élites mondialisées faisant office de nouvelle aristocratie ? Bien sûr, le trait est forcé, volontairement, mais c’est pour mieux illustrer l’urgence du débat, et insister sur le fait que rien ne va de soi, contrairement à ce que certains économistes voudraient faire croire.

Concernant plus précisément l’agriculture, trois éléments paraissent primordiaux :

1. L’agriculture est un secteur d’avenir, au Sud comme au Nord. Il faut donc refuser tout « darwinisme économique ». En effet, il semble communément accepté que le secteur tertiaire serait intrinsèquement supérieur au secteur secondaire, lui-même supérieur au secteur primaire. Bien sûr, le développement économique provoque toujours une baisse du nombre d’agriculteurs dans la population active, du fait de l’augmentation de la productivité et des rendements. Mais cela ne veut pas dire que l’agriculture doive disparaître, même dans les pays développés. Elle assume deux fonctions primordiales : la production et l’entretien de l’espace. Et ces fonctions devront être éternellement assumées. Et ce d’autant plus que l’agriculture est plurielle : il doit exister une agriculture au Sud et au Nord, et ce n’est pas du tout incompatible, contrairement à beaucoup d’idées reçues ; il doit exister une agriculture productive non productiviste et une agriculture territoriale et familiale. Il en est de l’agriculture comme de bien d’autres domaines de l’activité des hommes. Nous avons fini par nous désintéresser de ce que nous croyons connaître. Et voilà qu’une fois encore, « les idées nous viennent dans le dos ».

2. Il faut créer un Conseil de Sécurité Alimentaire à l’O.N.U., car l’O.M.C. n’est pas l’enceinte appropriée pour traiter de l’ensemble des questions liées à l’agriculture et l’alimentation. L’agriculture est entrée dans le champ des négociations commerciales multilatérales dans le cadre du Cycle de l’Uruguay à partir de 1986. Cela n’était pas contestable, et un certain nombre d’évolutions nécessaires en ont résulté. Mais le télescopage de la crise alimentaire mondiale et de l’enlisement du Cycle de Doha montre bien que la question alimentaire ne se limite pas à la dimension commerciale, pour des produits dont la part de la production faisant l’objet d’un échange international est marginale (3 % pour le lait, 15 % pour les céréales au maximum). C'est dire l'absence de pertinence de la notion de prix mondial, qu'il soit trop faible ou trop élevé, car il n'est ni un prix d'équilibre économique, environnemental ou social. Et ce n’est pas un hasard si la spéculation trouve des proies de choix avec des marchés aussi peu profonds. Il faut donc parler en même temps développement agricole, nutrition, recherche, environnement et commerce. Aujourd’hui aucune enceinte n’existe pour relier ces problématiques : la F.A.O. mobilise avec difficulté les contributeurs ; jusqu’à une date récente la Banque Mondiale s’était désintéressée de l’Agriculture ; les Programmes d’Ajustement Structurels du F.M.I. n’ont pas toujours eu les meilleurs effets sur l’Agriculture des pays pauvres ; faute de progresser dans d’autres domaines, l’O.M.C. se polarise sur l’agriculture avec une approche profondément biaisée ; on ne laisse d’autres choix à la CNUCED que de rester dans l’incantation ; les G8+ n’évoquent que par raccroc, et bien rarement, ces questions vitales pour l'avenir de l'humanité. Il y a donc urgence à créer une gouvernance mondiale de l’alimentation, d’autant que cette problématique est reliée à celle du changement climatique (déforestation, biocarburants, etc.).

3. Il faut prendre à bras le corps la question du développement agricole des pays du Sud. Sur ce sujet aussi, il faut refuser tout simplisme. Il n’y a pas de cause unique à la panne agricole de l’Afrique, mais beaucoup d’éléments se sont conjugués : les subventions à l’exportation des pays du Nord (mais l’Europe ne les utilise plus depuis dix ans) ; l’héritage colonial dans la spécialisation des productions et les habitudes alimentaires ; le désengagement de l’agriculture de la Banque Mondiale ; la politique de certains États favorisant l’alimentation à bas prix des populations urbaines au détriment du maintien de l’agriculture vivrière ; certaines politiques de désarmement douanier ; l’insuffisance des investissements dans la formation et les infrastructures… C’est dire que les réponses doivent être multiples et simultanées. D’abord réinvestir massivement dans l’aide au développement agricole, car singulièrement dans des zones au climat difficile, l’agriculture est une industrie intense en capital. Il faut dans le même temps réexaminer méthodiquement les règles du commerce international, et appliquer aux pays pauvres ce dont ils ont besoin, qui coïncide rarement avec la pureté doctrinale des théories économiques. A l’évidence il faut maintenir et consolider les accès préférentiels aux marchés du Nord. Sûrement autoriser des barrières tarifaires ciblées pour favoriser le maintien des agricultures vivrières. Et remettre sur le métier la question de l’organisation et du financement des caisses de stabilisation pour les produits tropicaux spéculatifs. Concernant l’Union Européenne, il faut refonder Lomé et Yaoundé sur des bases nouvelles, exercer un regard critique sur le bilan des Accords de Cotonou, et tirer parti de l’échec salutaire des négociations mal engagées des Accords de Partenariat Economique, pour construire une politique exemplaire de développement partagé.

II.— OÙ IL FAUT REVENIR SUR UNE BRÈVE HISTOIRE
DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

Il ne faut jamais perdre de vue sur les deux raisons pour lesquelles les membres fondateurs de l’Union ont décidé de bâtir une Politique Agricole Commune :

– le projet européen n’était pas seulement une union douanière, mais aussi un espace politique, construit autour de politiques communes (charbon-acier, atome, agriculture), ce qui le distingue par exemple de l’ALENA : l’idée était que le tarif extérieur commun et la gestion à plusieurs de secteurs économiques allait créer un espace politique européen ;

– l’ambition de l’Europe était de parvenir à l’autosuffisance alimentaire, alors qu’au début des années soixante elle importait la moitié de sa nourriture. Nul ne peut reprocher à quiconque, hier comme aujourd'hui, de ne pas vouloir dépendre des autres pour se nourrir.

Ces deux objectifs restent étonnamment modernes en 2008, même si depuis une dizaine d’années, l’Union Européenne affronte une crise profonde et persistante de gouvernance, comme l’attestent les résultats référendaires en France et aux Pays-Bas en 2005, et en Irlande en 2008.

Cette Politique Agricole Commune, née aux forceps, après d’intenses négociations, va connaître, au fil des décennies, de profondes modifications, au point d’apparaître désormais à bout de souffle, car elle n’a plus sa cohérence originelle, aujourd’hui discutable, mais qui était alors conforme à ses objectifs initiaux.

Contrairement à ce que l’on pense généralement, la PAC n’a jamais été universelle. Elle a été structurée autour d’Organisations Communes de Marché, initialement articulées autour d’une politique de soutien par les prix, mais seulement pour certaines productions : les céréales, les viandes rouges, le lait et le sucre. Les viandes blanches, les fruits et légumes, le vin ne connaîtront jamais de soutiens budgétaires.

Cette politique de soutien par les prix, mise en place dans la deuxième moitié des années soixante, provoque rapidement une augmentation de la production, qui peut dériver vers la surproduction, prise en charge par les organismes stockeurs, qui dégagent les excédents par des subventions à l’exportation, les fameuses « restitutions », qui feront l’objet de critiques croissantes. Cette politique devient de plus en plus coûteuse, et dès la fin des années soixante-dix, l’imagination financière peut s’exercer par la mise en œuvre de la taxe de co-responsabilité laitière, puis les abattements budgétaires automatiques.

Une première réforme, qui ne concerne que le lait, est décidée en 1984 : on abandonne le soutien par les prix pour une politique de maîtrise de l’offre au moyen des « quotas laitiers ». Pour les autres productions, la grande réforme est celle de 1992 : désormais les agriculteurs européens ne seront plus soutenus par des prix, mais par des primes, des aides qui leur sont versées directement. Cette réforme, très critiquée à l’époque, surtout d’ailleurs pour l’opacité de la prise de décision, était inévitable. D’abord parce que budgétairement, le système initial n’était plus soutenable. Ensuite parce que l’évolution du Cycle d’Uruguay imposait à l’Union Européenne de réformer une politique devenue obsolète.

Depuis lors, la PAC sera en constante adaptation. A Berlin, dans le cadre d’Agenda 2000, il est décidé de créer un « second pilier » avec cofinancement national, pour les soutiens agro-environnemental et au développement rural. A partir de la réforme décidée à Luxembourg, en 2003, les aides directes mises en place en 1992, seront désormais pour l’essentiel « découplées » de la production, avec des marges d’interprétation assez larges laissées aux États membres pour leur mise en œuvre. Il est également décidé de prolonger les quotas laitiers jusqu’en 2015, malgré l’opposition de certains pays.

ZOOM ARRIÈRE :
LE CONTEXTE DE 2002-2003

Au printemps 2002, la Politique Agricole Commune devait faire face à une triple échéance : une revue à mi-parcours, prévue dans les Accords de Berlin sur l’Agenda 2000, avec des propositions de la Commission articulées en juillet 2002 ; la négociation d’adhésion pour les pays d’Europe Centrale et Orientale, Malte et Chypre, qui devait être conclue au Sommet de Copenhague de décembre 2002 ; la négociation à l’OMC dans le cadre du cycle de Doha, avec une réunion ministérielle programmée à Cancun en septembre 2003. La prochaine réforme de la PAC était programmée pour 2007, en même temps que le réexamen du budget de l’Union.

Un certain nombre d’acteurs pensaient, sans toujours le dire explicitement, que la PAC devait être la variable d’ajustement pour le financement de l’élargissement, et de la négociation à l’OMC. La France, avec un certain nombre d’autres pays, a estimé qu’il fallait faire mouvement, afin de donner des perspectives budgétaires suffisamment longues à l’agriculture européenne. Il a donc été décidé de troquer le report de la négociation budgétaire de 2007 à 2013, contre une réforme anticipée de la PAC en 2003, plutôt qu’en 2007.

Sur la base d’une proposition de l’Allemagne et de la France, le Conseil des Chefs d’États et de Gouvernement, a décidé à l’unanimité en octobre 2002, à Bruxelles, de définir ainsi ce nouveau cadre budgétaire, établi sur la base des plafonds déterminés à Berlin pour l’Agenda 2000, avec une indexation annuelle. Puis le Conseil des Ministres de l’Agriculture, réuni en juin 2003 à Luxembourg, décida d’une réforme de la PAC (découplage partiel des aides directes, mesures agro-environnementales) ainsi que de la prolongation des quotas laitiers jusqu’en 2015.

L’Union Européenne a donc réformé sa politique agricole avant la conclusion du cycle de Doha de l’OMC, à la différence des autres pays concernés. Elle est donc fondée à ne plus faire de concessions dans le domaine agricole, dans la suite d’une négociation, il est vrai enlisée.

III.— LE BILAN DE SANTÉ EST UTILE, MAIS INSUFFISANT

Ainsi qu’il en a été décidé à Luxembourg, l’Union va procéder, sous Présidence Française, à l’examen du « bilan de santé » de la Politique Agricole Commune. C’est évidemment utile, et même si les propositions de la Commission ne sont pas ambitieuses, il faudra être très vigilant dans les adaptations qui seront décidées.

Tout ce qui ira dans le sens de la simplification devra évidemment être encouragé, mais on sait d’expérience dans ce domaine qu’il y a souvent loin de la coupe aux lèvres… On peut également regretter que le plafonnement des aides ait été abandonné.

De même, l’augmentation des actions agro-environnementales du second pilier est la bienvenue, mais les transferts en provenance du premier pilier doivent être limités, car la situation budgétaire ne permet pas d’envisager une augmentation des contreparties nationales.

La solution est donc dans la réforme du premier pilier, dont les linéaments ont été posés par la création dans la réforme de Luxembourg de 2003 d’un article 69, à la demande des Britanniques, pour traiter la question du bœuf écossais dans un contexte de découplage total.

Il faudra se battre pour maintenir les quotas laitiers ou tout autre système de gestion de l’offre. La conjoncture actuelle commande de les augmenter, mais cela doit être décidé en fonction du marché, dans le cadre d’un rendez-vous annuel. Augmenter automatiquement chaque année les quotas dans une proportion fixée à l’avance n’a pas de sens. Pour l’après-2015, si la gestion de l’offre devait être abandonnée, faute d’avoir pu réunir une minorité de blocage au sein du Conseil, il faut obtenir des mesures compensatoires pour les zones de montagne et souffrant d’un handicap naturel.

Mais, comme l’a indiqué le Président de la République dans son discours de Rennes en septembre 2007, c’est la PAC de l’après-2013 dont il faut débattre déjà maintenant. Et ce d’autant plus que les discussions sur les perspectives budgétaires de l’Union devraient commencer dès 2010. Il serait illogique de parler de budget avant de parler du fond des choses. Mais il pourrait également y avoir malice de le faire. Au sein de la Commission, comme parmi les États membres, certains estiment en effet que la PAC, en tant que politique économique, n’a plus lieu d’être au-delà de 2013, autrement que sous la forme de soutiens dégradés au développement rural. A l’appui de cette thèse, deux arguments sont classiquement avancés : son coût budgétaire (on parle toujours des 40 % du budget européen, mais on ne dit jamais que cela représente seulement 0,38 % du PIB européen) ; et la conjoncture des prix agricoles, qui pourtant rend encore davantage impérieuse une stratégie de sécurité alimentaire.

Il faut donc saluer la volonté d’inscrire cette question à l’agenda de la Présidence Française, même si, pour l’instant, elle n’apparaît guère partagée. Il est sans doute prématuré de le faire, mais on peut déjà tracer les lignes de force de ce que pourrait être la Politique Agricole Commune de demain, qui devra :

– clarifier et renforcer les actions agro-environnementales et de développement rural,

– prendre en compte les défis posés par l’augmentation durable du prix de l’énergie,

– assurer le risque climatique,

– assurer le risque sanitaire,

– imaginer un dispositif pour prendre en compte l’aléa économique,

– mettre en œuvre des politiques de gestion de l’offre rénovées pour certaines productions,

– inventer une Politique Agricole Commune entre l’Europe et les États d’Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique, qui combine des accords commerciaux non réciproques avec garantie d’accès au marché européen, et un renforcement de la politique agricole d’aide au développement dans le cadre du Fonds Européen de Développement. Cette démarche doit bien évidemment être articulée avec le projet d’Union pour la Méditerranée.

La feuille de route est ambitieuse. Mais cette ambition est indispensable. Elle est même vitale, car le seul moyen de sortir de l’enlisement institutionnel est de renouer avec l’Europe des projets partagés. Et quelle plus belle ambition que de nourrir les hommes ?

MESDAMES, MESSIEURS,

Le débat sur le bilan de santé de la PAC prévu dans la réforme de 2003 s’engage aujourd’hui dans un contexte en pleine évolution sur fond de crise alimentaire mondiale. La communication de la Commission européenne du 20 novembre 2007 (2) est rattrapée par une actualité brûlante qui l’a poussée à présenter, le 20 mai dernier, non seulement ses propositions législatives issues du bilan de santé mais également une communication sur les solutions politiques pour pallier les conséquences de l’envolée des prix des denrées alimentaires.

Dès 2007, l’augmentation des prix des matières premières agricoles et plus particulièrement celui des céréales a fait peser des craintes sur le pouvoir d’achat des pays développés. Au sein de l’Union européenne, l’inflation a atteint 7 % en mars 2008, occasionnant une baisse de 0,7 % du pouvoir d’achat affectant le plus durement les 16 % d’européens vivant en dessous du seuil de pauvreté. Mais depuis le début de cette année, la planète vit dans la crainte d’une crise alimentaire majeure : pénuries et émeutes de la faim menacent la vie de millions d’êtres humains dans les pays pauvres et en développement, mettant la paix et la démocratie en danger.

Pendant des millénaires, le défi de l’humanité fut simplement d’arriver à se nourrir : en est-on revenu au même point alors qu’il y a à peine plus de dix ans l’Europe faisait face à des crises de surproduction justifiant la mise en œuvre de politiques malthusiennes visant à produire toujours moins ? Les années d’abondance, d’excédents structurels et de nourriture bon marché semblent bel et bien derrière nous. Selon l’Organisation des Nations Unies, 1,2 milliard d’êtres humains pourraient avoir chroniquement faim d’ici 2025 (3). Le dernier rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) fait état de stocks céréaliers à leur plus bas niveau depuis 25 ans et estime que 36 pays seraient en crise alimentaire dans le monde (4). Or, à l’horizon des cinquante prochaines années, il faudra nourrir neuf milliards d’êtres humains, ce qui implique selon l’INRA (Institut national de recherche agronomique) de doubler la production alimentaire mondiale. Toutes ces considérations tordent définitivement le cou à la vision malthusienne de l’agriculture qui régnait en maître depuis une décennie.

Carte des Émeutes de la faim dans le monde

Source : Libération, le 14 avril 2008.

On est ainsi ramené aux idées des pères fondateurs de la Politique agricole commune au début des années soixante : nourrir les Européens et assurer leur sécurité alimentaire. Aujourd’hui, même si sa portée a évolué, cet impératif est tout aussi stratégique et si d’aucuns s’interrogent encore sur le bien-fondé du maintien d’une politique agricole européenne, la réponse s’imposerait d’évidence. N’oublions pas que l’Europe doit nourrir 200 millions de consommateurs de plus qu’aux États-Unis alors qu’elle dispose de deux fois moins de terres.

Mais la politique agricole commune ne peut se légitimer dans son seul pré carré et dans une stratégie de préservation des acquis. La mondialisation impose à l’Europe des responsabilités particulières afin de contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux. Elle peut apporter sa pierre au développement de la production agricole, seule réponse à l’insécurité alimentaire. Ainsi que le redécouvre la Banque mondiale après quelques décennies passées à se préoccuper uniquement du développement du secteur industriel des pays en développement et à considérer le secteur agricole comme obsolète, l’agriculture doit être remise au centre des préoccupations des décideurs (5). La politique agricole commune peut servir de modèle comme elle l’a déjà fait pour certains pays comme l’Inde qui s’est largement inspirée de ses mécanismes pour faire sa révolution verte.

Mais quelle sera la PAC du XXIème siècle ?

Depuis sa mise en œuvre en 1962, celle-ci a connu bien des inflexions. Contrairement à nombre d’idées reçues, elle ne fut pas immédiatement conçue comme un ensemble cohérent mais bien plutôt comme une juxtaposition d’organisations communes de marché (OCM) qui ont concerné progressivement de plus en plus de productions avec de plus en plus de modes de fonctionnement différenciés.

Par ailleurs, historiquement, on peut parler de deux PAC. La première, afin de remplir son objectif initial (assurer l’indépendance alimentaire de l’Europe), était axée sur une politique de prix garantis et de tarifs douaniers protectionnistes. Dans un second temps, face à une production excédentaire, un coût devenu excessif et la pression internationale, un changement de cap s’est avéré nécessaire, qui fut réalisé par un alignement progressif des prix intérieurs sur les prix internationaux et un remplacement des divers systèmes d’aides, notamment indirectes, en faveur des exploitants, par des aides directes finalement découplées de la production agricole.

Aujourd’hui, la PAC est arrivée au bout de la logique des réformes de 1992 (réforme Mac Sharry), 1999 (accords de Berlin sur l’Agenda 2000) et 2003 (accords de Luxembourg). La Commission compte bien achever ce cycle de réforme au travers des propositions législatives découlant des négociations avec les États membres qui ont suivi sa communication de novembre 2007. Au-delà du bilan de santé de la PAC, des questions essentielles se posent néanmoins, inextricablement liées aux négociations internationales et aux arbitrages budgétaires qui s’annoncent inévitables au sein de l’Union européenne avec le développement de nouvelles politiques.

Quant à la PAC du futur, celle de l’après 2013, elle devra bénéficier d’une nouvelle légitimité reposant sur des objectifs cohérents et des moyens d’action renouvelés. Quelle part accorder au marché et quels instruments de régulation doivent être conservés ? La PAC doit-elle être renationalisée ? Comment préserver le modèle européen d’agriculture à la fois « compétitive », « multifonctionnelle, durable et répartie sur tout le territoire européen » (6? Comment répondre, au-delà des problèmes agricoles, à l’impératif alimentaire au niveau européen et international ?

Or, ainsi qu’il est inscrit dans son programme législatif et de travail pour 2008, la Commission européenne considère que « le bilan de santé n’est pas une réforme fondamentale ; il vise plutôt essentiellement le fonctionnement efficace et la simplification maximale de la PAC. Cette initiative résulte des clauses de révision concernant le régime des paiements uniques et certains marchés agricoles inclus dans les réformes de la PAC de 2003-2004 ». La Commission européenne campe donc sur une position que l’on pourrait résumer à « tout le bilan de santé mais rien que le bilan de santé » que Mme Mariann Fisher Boel, commissaire en charge de l’agriculture et du développement rural a d’ailleurs confirmé à l’occasion de son audition à l’Assemblée nationale (7).

La France, quant à elle, se situe dans une optique sensiblement différente car elle souhaite également lancer, pendant sa présidence de l’Union au cours de laquelle les propositions législatives sur le bilan de santé devraient aboutir, le débat sur la refonte de la PAC de l’après-2013 lors d’un conseil agricole informel qui aura lieu en septembre 2008 à Annecy (8). Cette démarche apparaît dans toute sa légitimité. En effet, d’une part, toute réforme d’une politique communautaire demande un délai incompressible et il faut donc du temps pour la mettre au point. D’autre part, l’accord sur les perspectives financières pour 2007-2013 a inclus une clause prévoyant l’ouverture en 2008-2009, du chantier de la réforme de l’ensemble de tout le système budgétaire communautaire, qu’il s’agisse des dépenses et des recettes de l’Union. Il s’agit donc de reposer les termes du débat en mettant à profit la « paix budgétaire agricole » obtenue en octobre 2002 et ce, jusqu’en 2013. Les réformes successives de la PAC n’ont jamais permis de débattre sur la question véritable d’un nouveau projet agricole européen. Il est donc temps de lancer la réflexion si l’on ne veut pas se laisser piéger dans un débat technique et budgétaire dans les années à venir.

Cette démarche, au début mal comprise par nos partenaires chez lesquels elle a semé des doutes, semble maintenant mieux perçue ainsi que l’ont montré les auditions et déplacements réalisés par le groupe de travail.

La création de ce dernier en décembre 2007 témoigne de l’importance que l’Assemblée nationale accorde au processus de révision en cours et à la réforme à venir de la politique agricole commune. Ce rapport est le fruit d’une réflexion commune et d’un diagnostic partagé par l’ensemble de ses membres. Afin de poser les grandes données du débat et d’inscrire leurs travaux dans une perspective mondiale, le groupe de travail a procédé à des auditions de personnalités spécialisées dans les questions agricoles et alimentaires, des organisations professionnelles, des représentants de certains de nos partenaires européens. Un déplacement en Pologne a apporté un éclairage précieux au groupe de travail sur les attentes des autres États membres de l’Union européenne et un autre déplacement, au Canada, lui a permis d’intégrer dans sa réflexion un point de vue extérieur sur la question des politiques agricoles et des négociations commerciales internationales.

A l’issue de ses travaux, le groupe de travail, fort d’un certain nombre de convictions au premier rang desquelles la nécessité de maintenir une politique agricole commune forte, au service d’une agriculture productive, de qualité, respectueuse de l’environnement et source de vitalité pour nos territoires, est parvenu à la rédaction d’une proposition de résolution qu’il vous demande de bien vouloir adopter afin de défendre cette vision de la politique agricole dans les négociations en cours et à venir.

I.— DE RÉFORME EN RÉFORME, LA PAC EST À BOUT DE SOUFFLE

Face aux risques de pénurie alimentaire, la gestion des marchés agricoles a depuis toujours été au centre des préoccupations politiques. En témoignent, dès l’antiquité, le contrôle du commerce du blé en Égypte ou la question agraire dans la Rome républicaine. Au siècle des lumières, l’abbé Galiani écrivit les « Dialogues sur le commerce des blés », un des premiers traités d’économie politique qui portait sur la liberté du commerce des céréales. Mais ce n’est qu’au vingtième siècle que les politiques agricoles se sont véritablement structurées et que furent créés les premiers instruments d’accompagnement de ces politiques.

Aujourd’hui, alors que la question des politiques agricoles se pose de nouveau avec acuité et que la PAC aborde un nouveau tournant, ce n’est qu’en ayant à l’esprit les fondements de la PAC et les grandes inflexions qui l’ont faite évoluer que l’on pourra tracer une nouvelle voie pour l’après 2013.

A.— UN IMPÉRATIF STRATÉGIQUE À L’ORIGINE DE LA PAC : ASSURER LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE DES EUROPÉENS

La politique agricole commune mise en place en 1962 en Europe est directement inspirée des principes du New deal de Roosevelt et ce n’est sans doute pas un hasard si la Banque mondiale et le Fonds monétaire international appellent aujourd’hui à un nouveau « New deal » alimentaire. Depuis, la plupart des pays, à de rares exceptions, ont fait le choix de politiques agricoles interventionnistes.

1. Les linéaments de la PAC : les leçons du New deal et une volonté forte de la France

Au lendemain de la guerre, les Européens se devaient de développer leur production agricole pour reconstruire leur économie et rétablir leur balance des paiements mais avant tout pour se nourrir. La Conférence de Stresa en juillet 1958 assignait ainsi à la politique agricole commune l’objectif suivant : « Sortir l’agriculture européenne du marasme de l’après-guerre et garantir la sécurité alimentaire des européens ».

a) Les expériences acquises

L’idée prédominante du New deal en matière agricole fut de déconnecter le revenu des paysans américains du marché afin de leur garantir un revenu minimum et d’éviter, autant que faire se peut, les traumatismes illustrés par John Steinbeck dans « Les raisins de la colère ». L’AAA (Agricultural Adjustment Act) avait ainsi pour objet de contrôler et de limiter l’offre agricole par des subventions, ce qui devait se traduire par un relèvement des prix agricoles et le maintien de prix bas pour le consommateur. Cette politique s’est depuis lors perpétuée au travers des différents « Farm bills ».

En France, l’exemple sera suivi par la création dès 1936 de l’Office national interprofessionnel du blé, devenu l’Office national interprofessionnel des céréales, rendue nécessaire par la crise de 1930 pour donner des garanties aux producteurs et de leur fournir la visibilité nécessaire à leurs investissements.

Par ailleurs, au plan mondial, après une période de libéralisation des échanges, y compris des échanges alimentaires, des mécanismes de protection (droits de douane, offices et contrôle des marchés agricoles) ont été mis en place pour garantir l’autonomie alimentaire au sein de territoires cohérents. Ceci explique que l’agriculture ait longtemps résisté à son intégration dans l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) : les premiers accords en 1947 autorisaient alors presque tous les instruments de protection en matière agricole.

b) Une volonté forte de la France et des intérêts complémentaires des six États fondateurs

La politique agricole commune, pourtant inscrite dans le traité de Rome, a mis plusieurs années à se mettre en place. En effet, pendant longtemps, le prix unique des céréales fut l’objet d’un différend entre l’Allemagne et la France car les intérêts de ces deux pays ne se rejoignaient pas. Cependant, même si les agricultures des pays fondateurs connaissaient de grandes disparités, ils avaient des intérêts en commun. En effet, la France était le principal pays producteur de céréales en Europe et l’Allemagne, du fait de la division de l’Europe, était coupée de ses principales sources d’approvisionnement. Les autres pays pouvaient, quant à eux, espérer tirer profit d’avantages comparatifs (produits méditerranéens pour l’Italie, productions animales et agriculture de transformation pour les pays du Nord).

Si la candidature à l’adhésion au marché commun de la Grande-Bretagne avait été acceptée en 1961, la PAC ne serait sans doute pas ce qu’elle est devenue par la suite. En effet, la Grande-Bretagne se caractérise par une « économie de comptoir », fruit de son histoire et conforme à la théorie des avantages comparatifs : elle se veut ainsi entièrement ouverte sur l’extérieur pour son ravitaillement (blé, beurre, sucre et viande importés des pays du Commonwealth). Avant toute chose, elle demeure attachée aux principes du libre-échange et longtemps les producteurs britanniques n’ont bénéficié d’aides directes que quand les cours mondiaux étaient inférieurs à leurs prix de revient (9).

2. Une mise en place progressive

Ce n’est qu’à partir de 1962 que seront concrètement adoptées les premières mesures agricoles. Les discussions pour y aboutir furent souvent tendues. L’idée d’une politique agricole commune ne s’est donc pas imposée d’emblée et surtout celle-ci ne pouvait concerner tous les produits.

a) Les principes d’origine de la PAC toujours d’actualité

Les objectifs de la PAC sont énoncés au sein du traité de Rome, dans son article 43, devenu article 33 dans le traité sur la Communauté européenne, et désormais repris dans le traité de Lisbonne. Il est bon de s’y attarder un peu.

Selon cet article, la politique agricole commune a pour but :

– d'accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu'un emploi optimal des facteurs de production, notamment de la main-d'œuvre ;

– d'assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture ;

– de stabiliser les marchés ;

– de garantir la sécurité des approvisionnements ;

– d'assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs.

Dans l’élaboration de la politique agricole commune et des méthodes spéciales qu'elle peut impliquer, il doit en outre être tenu compte :

– du caractère particulier de l'activité agricole, découlant de la structure sociale de l'agriculture et des disparités structurelles et naturelles entre les diverses régions agricoles ;

– de la nécessité d'opérer graduellement les ajustements opportuns ;

– du fait que, dans les États membres, l'agriculture constitue un secteur intimement lié à l'ensemble de l’économie.

b) Une mise en place délicate

(1) Les mécanismes essentiels : une politique des prix

La structure de la PAC est régie par trois principes fondamentaux que sont :

– l’unicité du marché (suppression des barrières douanières, harmonisation des règles sanitaires et des normes techniques, instauration de mécanismes régulateurs visant à l’unicité des prix) ;

– la préférence communautaire (achats de produits d’origine communautaire, protection à la frontière) ;

– la solidarité financière (ressources affectées à des dépenses communes et non en fonction des contributions des États membres).

Il s’agit là d’éléments structurants de la construction européenne : leur mise en œuvre au travers de la politique agricole fait de la PAC le véritable acte fondateur du marché commun.

Les mécanismes instaurés – prix d’intervention, prix de seuil pour les importations, restitutions à l’exportation et prélèvements à l’importation – visaient à garantir la préférence communautaire et permettre une présence sur les marchés tiers afin de rétablir la balance des paiements de l’Europe de l’après-guerre.

Ainsi, la première PAC était avant tout une politique des prix qui offrait aux producteurs une garantie d’écoulement de leur production. La stabilisation des prix permettait en effet de réduire les risques et d’éliminer toute concurrence entre producteurs ; des prix intérieurs alignés sur des prix d’intervention élevés entraînaient par ailleurs des gains de productivité.

(2) Une mise en œuvre non universelle

En 1962, sur la base des conclusions de la Conférence de Stresa, les premières mesures agricoles furent décidées avec la création des six premières organisations communes de marché qui concernaient les céréales, le porc, les œufs, les volailles, les fruits et légumes et le vin. Tous les produits n’étaient donc pas concernés et l’instauration de ces instruments ne se fit pas sans heurts : ce sont des discussions souvent tendues qui aboutirent à l’accord du 23 décembre 1963 sur les règlements agricoles relatifs à la moitié de la production des six États membres (produits laitiers, viande bovine, riz) et sur les fonds agricoles.

En 1962, le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), qui finance les dépenses de la PAC fut créé mais sa mise en place effective ne se fit qu’à partir du 1er juillet 1964.

Il a enfin fallu plusieurs années pour qu’on aboutisse au marché unique des céréales en raison du différend franco-allemand, du porc, des œufs, de la volaille, des graines oléagineuses, suivi en 1968 de celui du lait, de la viande bovine et des produits transformés à base de fruits et de légumes.

3. Des défis relevés aux premières crises

a) La réalisation des objectifs fixés par le traité de Rome

Rapidement, dès le début des années 70, les buts escomptés en terme de sécurité alimentaire furent atteints. Mais la PAC a également accompagné les mutations économiques de l’agriculture européenne : recul de la population active agricole (10), gains de productivité. Pour les céréales, les produits laitiers et la viande bovine, la production européenne a enregistré une croissance annuelle d’environ 5 %, soit un doublement en 15 ans (11). Alors que l’Europe ne produisait que 80 % de sa consommation alimentaire en 1962, elle est devenue un grand exportateur agricole.

b) Expansion et remises en question

(1) Des déséquilibres structurels

Les mécanismes de la PAC historique basée sur une politique des prix contenaient en germe des facteurs de déséquilibre. En effet, la stabilisation des prix et des prix d’intervention élevés ont induit une croissance de la production, indépendante de la demande finale et, par voie de conséquence, une accumulation des stocks, des exportations subventionnées et finalement un accroissement des dépenses budgétaires. Les dépenses de soutien de marché dans les six États membres fondateurs furent multipliées par quatre entre 1960 et 1968. De 11 milliards d’euros en 1981, les dépenses atteignirent plus de 30 milliards en 1992.

Les excédents que l’on oublie aujourd’hui en période de pénurie touchaient alors un grand nombre de secteurs : céréales, viande et surtout secteur laitier (12). L’organisation commune de marché (OCM) du lait et des produits laitiers, mise en place en 1968 (13), comprenait des éléments classiques de la PAC permettant d’agir tant sur l’offre que sur la demande : des prix de soutien relativement élevés étayés par des retraits subventionnés et par le stockage des excédents, des aides visant à écouler les excédents sur le marché communautaire ainsi que des aides à l’exportation pour l’écoulement sur les marchés mondiaux. A la fin des années 70, les livraisons de lait ayant constamment progressé du fait de cette politique de soutien des prix, la production de lait était supérieure à la consommation totale. En 1983, un record historique de 22,3 millions de tonnes d’excédent avait été enregistré rendant urgent un rééquilibrage du secteur.

(2) Des perturbations monétaires

Les fluctuations des monnaies ont également été un facteur de déséquilibre et ont menacé la stabilité indispensable au bon fonctionnement de la PAC. Dans la mesure où il n’existait pas de monnaie européenne unique, les prix agricoles communs étaient fixés dans une unité communautaire, l’unité de compte (UC) jusqu’en 1979, puis en écu après l’introduction du système monétaire européen. Ils étaient ensuite convertis en monnaie nationale. Ce fonctionnement supposait la stabilité de la parité entre monnaies. Or, à partir de 1970, les parités sont modifiées, notamment entre le franc et le mark allemand. Toute modification des taux de change entraînait une hausse des prix agricoles dans les pays à monnaie dévaluée et pour garantir la continuité des échanges communautaires, il a fallu mettre en place un mécanisme correcteur complexe, les montants compensatoires monétaires (MCM).

(3) Les premiers ajustements : réformes structurelles et mesures de gestion de l’offre

Dans ce contexte, Sicco Mansholt, commissaire européen à l’agriculture de 1958 à 1973, publia un mémorandum (14) qui soulignait les limites de la politique des prix et des marchés jusqu’alors pratiquée et qui conduisait inévitablement à une augmentation des dépenses communautaires futures. Par ailleurs, malgré l’augmentation de la production et des dépenses communautaires, le niveau de vie des agriculteurs ne s’accroissait que peu et le mémorandum insistait sur la nécessité de mettre en place une politique commune structurelle pour accroître la productivité, relever les revenus des agriculteurs et renforcer le soutien aux régions défavorisées (notamment l’agriculture de montagne). Il préconisait ainsi la création d’unités modernes de production et la mise en place de mesures de reconversion.

Les mesures qui suivirent furent modestes. En 1972, furent adoptées trois directives socio-structurelles, sur les investissements, les incitations au départ et la formation. En 1975, fut décidée la création d’un programme d’aide spéciale en faveur des zones de montagne et des régions défavorisées qui jouent un rôle important dans la protection de l’espace avec, notamment, l’instauration des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN).

S’agissant des excédents, des mesures sectorielles de gestion de l’offre furent adoptées. Ainsi, les taxes de coresponsabilité instaurées en 1977 dans les secteurs sucrier et laitier furent étendues au secteur des céréales en 1986. En outre, des mesures de contrôle de quantités complétèrent ce dispositif : régime de quotas sur le sucre dès les années soixante et sur le lait à partir de la campagne 1984/1985 ; instauration d’un régime des quantités maximales garanties (QMG) appliqué aux céréales en 1988 et gel des terres.

B.— L’ACTE II DE LA PAC : UN CHANGEMENT DE CAP DEPUIS 1992

Ces réformes n’ont toutefois pas introduit d’inflexion radicale de la PAC. C’est pourquoi en 1985, dans son Livre vert, la Commission européenne préconisa une modification de la politique des prix jusque-là pratiquée, qui permettrait de rapprocher les prix intérieurs des prix mondiaux afin d’ajuster les baisses des prix en fonction des excédents. Elle recommandait par ailleurs une réduction du protectionnisme ainsi qu’un gel des dépenses budgétaires.

Depuis lors, on peut affirmer que la philosophie des réformes successives de la PAC a reposé sur un rééquilibrage entre la part accordée au soutien des prix du marché et celle consacrée aux aides à la formation du revenu agricole.

Un tournant fut ensuite pris sous l’influence de facteurs internes, essentiellement budgétaires, et externes, les problèmes agricoles devenant à partir de 1986 un sujet de négociations commerciales internationales.

C’est ainsi que la réforme dite « Mac Sharry » (15) en 1992 initia un premier mouvement de baisse des soutiens par les prix, entraînant inévitablement une perte de revenu pour les exploitants agricoles compensée alors par des aides directes.

1. Le poids des contraintes internes et externes

a) Les pressions budgétaires

Le problème du financement de la PAC a dès l’origine été une pomme de discorde entre les États membres. En 1965, une crise majeure éclata, portant moins sur les principes du mode d’alimentation du budget (en 1962, il avait été décidé que les ressources communautaires reposeraient sur des prélèvements douaniers et des contributions nationales) que sur les procédures de décision (majorité ou unanimité) au sein de la Commission européenne. Le « compromis de Luxembourg » du 26 janvier 1966 a donné globalement satisfaction à la France en introduisant la notion d’« intérêts nationaux très importants » justifiant un accord unanime. Par ailleurs, un plan de financement de la PAC fut adopté, le budget étant alimenté à hauteur de 45 % environ par les prélèvements douaniers et pour l’essentiel du solde, par des contributions des États selon une clé de répartition actualisée.

La politique de soutien par les prix s’est, par la suite, avérée très coûteuse et les premières mesures pour tenter de limiter les dépenses furent d’une efficacité toute relative. Ainsi, le prélèvement de coresponsabilité (16) institué en 1977 s’est révélé inopérant pour enrayer la croissance de la production laitière : les dépenses communautaires relatives au stockage des produits laitiers ont fini par absorber jusqu’à 30 % du budget de la PAC.

Ce problème de coût fut au cœur des propositions du mémorandum Mansholt et du Livre vert de la Commission de 1985 précités. Le Conseil européen de Bruxelles de février 1988 imposa ensuite une discipline budgétaire qui limitait la croissance des dépenses agricoles en les soumettant à une ligne directrice. Il convient de souligner que l’enjeu budgétaire avait pris encore plus de relief avec l’entrée dans l’Europe en 1973 de la Grande-Bretagne, dont la position à l’égard de la PAC a toujours été plus que réservée, ainsi qu’avec l’instauration du programme Phare (Pologne, Hongrie, aide à la reconstruction économique), principal instrument financier du rapprochement amorcé dès 1989 avec les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) en vue de l’élargissement à ces pays.

b) L’agriculture, enjeu des négociations commerciales internationales

Les États-Unis avaient accepté en 1962 que le problème agricole soit hors champ du GATT, en échange de l’entrée à droit nul des protéagineux américains en Europe.

Dans les années 1980, une nouvelle donne devait être prise en compte : bien que la demande mondiale eut baissé, la Communauté européenne restait exportatrice nette de céréales grâce aux restitutions et par voie de conséquence, les États-Unis voyaient leurs parts de marché se réduire. La guerre commerciale qui s’ensuivit fut avivée par la décision des États-Unis, en 1973, de restreindre les importations de soja vers l’Europe, ce qui fit prendre conscience à celle-ci des inconvénients de sa dépendance pour l’approvisionnement en protéines végétales. L’Europe décida alors de favoriser la production de protéagineux et oléagineux en instaurant une aide contestée par les États-Unis comme contraire à l’accord de 1962 précité.

Depuis lors, l’agriculture est devenue un sujet du « GATT » (17) officiellement visé comme tel dans la déclaration de Punta del Este (1986) définissant quatorze domaines de négociations relatifs au commerce, dont l’agriculture. Celle-ci devait donc désormais être soumise aux trois principes suivants :

– la clause de la nation la plus favorisée (toute concession commerciale consentie à un pays membre doit être appliquée à tous les autres) ;

– le traitement national (les importations ne doivent pas être traitées moins favorablement que les produits nationaux) ;

– la transparence des politiques et des réglementations nationales.

Le cycle dit « d’Uruguay », ayant abouti le 15 avril 1994 à l’accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a également eu pour la PAC des conséquences concrètes :

– en matière d’accès au marché, la substitution de droits de douane aux mesures de restriction quantitatives (quotas) et la diminution progressive de ces droits de douane ;

– la réduction des soutiens internes à l’agriculture (18) avec un objectif de division par deux par rapport à la période de base de 1986-1988, et la distinction, dans ces soutiens internes, des aides totalement découplées de la production (dites de la « boîte verte ») exclues des engagements de réduction, des aides relevant de la « boîte bleue » (aides liées à la diminution de la production, et qui sont, sous certaines conditions, exemptées de réduction) et enfin des aides relevant de la « boîte orange » qui sont les aides couplées à la production, donc réputées agir sur les échanges en créant des distorsions, dont il convient par conséquent de se débarrasser et qui sont expressément visées par la réduction des volumes de soutien ;

– l’autorisation des subventions à l’exportation pour les parties s’étant engagées à les réduire ;

– un traitement spécial et différencié prévoyant des obligations moins contraignantes pour les pays en voie de développement et, en particulier, pour les pays les moins avancés.

Ce sont là les bases sur lesquelles l’Union européenne a engagé trois réformes successives, prenant en compte la nécessité de définir des modalités de soutien compatibles avec les règles de non-distorsion de concurrence promues dans les négociations internationales.

2. La réforme Mac Sharry : une réforme de fond

Le démantèlement des instruments de la PAC, rendu indispensable par l’application des règles de l’OMC, exigeait donc la mise en place d’autres variables d’ajustement. La Commission a présenté ses propositions en juillet 1991 et la réforme est entrée en application au 1er janvier 1993. Elle a donné une nouvelle impulsion à la PAC en modifiant les modalités du soutien public à l’agriculture et en imposant une première baisse des prix d’intervention compensée par le versement d’aides directes aux exploitations.

a) Les principes de la réforme

Les objectifs de la réforme étaient :

– d’assurer la compétitivité de l’agriculture européenne au niveau mondial par un rapprochement avec les prix mondiaux, et de permettre la reconquête du marché intérieur, notamment pour les céréales ;

– de maîtriser les dépenses budgétaires ;

– de contribuer à l’aménagement du territoire et à la préservation de l’environnement.

b) Les mécanismes : une baisse des prix de soutien compensée par des aides directes

La réforme Mac Sharry reposait sur le triptyque suivant :

– une diminution importante des prix de soutien, notamment dans le secteur céréalier, fer de lance de la guerre commerciale que se livraient les États-Unis et l’Europe et, dans une moindre mesure, dans le secteur des produits animaux (19;

Ces deux régimes continuaient à bénéficier d’un soutien élevé contrairement à d’autres secteurs qui n’en bénéficiaient pas ou peu (fruits et légumes, porcs, volailles) ;

– une compensation de ces baisses de prix par des aides découplées mais liées aux niveaux historiques de production ;

– une maîtrise de l’offre par une obligation pour les bénéficiaires de montants compensatoires de geler des terres.

c) Un bilan globalement positif

Les marchés ont retrouvé un certain équilibre et les stocks publics se sont dégonflés notamment pour les céréales. Les prix agricoles se sont rapprochés des prix mondiaux grâce à la baisse des prix d’intervention et à une situation conjoncturelle favorable, notamment une remontée des prix mondiaux. En matière budgétaire, la ligne directrice fixée n’a pas été dépassée.

3. L’Agenda 2000 : continuité et nouvelles attentes

Le chantier de l’Agenda 2000, lancé dès 1995 afin de fixer le cadre financier de la PAC au-delà de 2000 dans la perspective de l’élargissement, dura plus de trois ans. La communication de la Commission « Agenda 2000 » de juillet 1997 était avant tout axée sur une volonté de maîtrise budgétaire. Dans ce contexte, deux conceptions s’opposèrent, celle de la France qui mettait plutôt en avant le plafonnement des dépenses, la dégressivité des aides et la modulation (20), et celle de l’Allemagne qui préférait un cofinancement de la PAC.

a) La réponse à de nouvelles exigences

Les exigences auxquelles l’Europe agricole devait répondre au début des années 2000 étaient multiples :

– l’élargissement aux PECO tout d’abord ;

– la perspective d’un cycle de négociations de l’OMC ;

– de nouvelles orientations budgétaires ;

– un accroissement de la demande alimentaire mondiale et, partant, le  maintien de la place de l’Europe sur les marchés mondiaux ;

– de nouvelles attentes de la société en termes de respect de l’environnement, d’amélioration de la qualité des produits et de renforcement de la politique de développement rural.

b) La poursuite de la baisse des prix d’intervention

La révision des différentes OCM a été marquée par la baisse généralisée des prix d’intervention. Toutefois, nombre d’aides furent créées au sein du 1er pilier, souvent à l’initiative de la France, afin de compenser cette évolution. Ainsi, pour les cultures arables, le prix d’intervention baissa de 15 % sur deux ans, compensée à 50 % selon un régime d’aides uniques directes pour toutes les cultures, permettant d’introduire un certain niveau de découplage des aides entre les différentes cultures (sauf pour le blé dur et les protéagineux).

Le prix de la viande bovine diminua de 20 %, en trois étapes, avec un système d’intervention dit « filet de sécurité ». Cette baisse de la perte de revenus fut compensée par un accroissement des primes animales bovines telles la prime au maintien du troupeau des vaches allaitantes (PMTVA).

S’agissant du lait et des produits laitiers, il fut décidé de maintenir le principe des quotas jusqu’en 2006 avec une réduction de 15 % des prix d’intervention du beurre et du lait écrémé en poudre, la compensation de la perte de revenus s’effectuant par une prime directe basée sur le quota du producteur.

c) La création du deuxième pilier

Les accords de Berlin ont élevé la politique de développement rural au rang de 2ème pilier de la PAC. Il s’agissait d’introduire une nouvelle logique, en renforçant les mesures agri-environnementales, en aidant davantage les régions défavorisées et en donnant aux zones rurales un rôle diversifié, à la fois économique, social, environnemental et territorial.

Le règlement « Développement rural » (21) mettait donc l’accent sur le rôle multifonctionnel de l’agriculture et la prise en compte de sa dimension environnementale.

Il fut décidé que son financement serait assuré par le FEOGA-Garantie et une participation des États membres (cofinancement).

A posteriori, la réforme de 1999 apparaît comme une simple adaptation de la réforme de 1992, des orientations plus radicales (éco-conditionnalité obligatoire et modulation) étant finalement introduites lors de la réforme de 2003.

4. Le compromis de Luxembourg en 2003 : une réforme anticipée contre un allongement des perspectives budgétaires jusqu’en 2013

La réforme de 2003 ne devait à l’origine n’être qu’une revue à mi-parcours de l’Agenda 2000 mais elle a, en fait, en contrepartie de la négociation d’une « paix budgétaire » jusqu’en 2013, apporté des inflexions fondamentales à la PAC. La proposition initiale de la Commission était d’inspiration très libérale : il s’agissait de poursuivre le mouvement de baisse des prix et de découpler totalement les aides directes (22).

Finalement, un compromis a été trouvé avec un découplage partiel, une poursuite de la baisse des prix et la prorogation du régime des quotas laitiers.

a) Le découplage des aides

Une aide unique au revenu par exploitation est instaurée, découplée en tout ou partie de la production, avec pour vocation de remplacer les aides directes existantes dans les secteurs des grandes cultures, de la viande bovine, de la viande ovine et des produits laitiers.

L’entrée en vigueur des droits à paiement unique s’échelonna entre le 1er janvier 2005 et le 1er janvier 2007 dans les modalités de mise en œuvre des DPU : ceux-ci pouvaient être déterminés soit à l’échelon individuel, soit à l’échelon régional. Par ailleurs, sous la pression des autorités françaises, les aides purent n’être que partiellement découplées afin d’éviter le risque d’abandon de l’activité agricole dans les zones fragiles (23).

b) Le caractère obligatoire de la conditionnalité des aides

Dans la réforme de 1999, la Commission avait souhaité subordonner les paiements directs au respect d’exigences environnementales mais cette mesure avait finalement été laissée à l’appréciation des États membres.

Dans la réforme de 2003, ce principe d’éco-conditionnalité devient obligatoire ; il est par ailleurs élargi et précisé : il vise désormais le respect de dix-neuf directives européennes en matière d’environnement, de sécurité alimentaire, de santé des animaux et des végétaux et de bien-être animal. Le non-respect de ces règles entraîne une réduction des aides directes du 1er pilier perçues par l’exploitation (aides couplées et non couplées).

c) Le deuxième pilier et la modulation des aides

La réforme de 2003 consacre l’existence du 2ème pilier de la PAC dont les priorités sont recentrées autour de trois axes :

– l’amélioration de la compétitivité des secteurs agricoles et forestiers (aides à la formation, à la restructuration et à l’adaptation aux nouvelles normes européennes pour les exploitations) ;

– l’aménagement de l’espace (mesures en faveur des zones fragiles telles les zones de montagne, application de la directive Natura 2000, boisement des terres agricoles) ;

– la diversification de l’économie rurale et la promotion d’une meilleure qualité de vie (développement des activités touristiques, préservation du patrimoine rural).

Le financement du 2ème pilier repose quant à lui sur le principe de la modulation. Au-delà d’une franchise de 5 000 euros par exploitation, les subventions directes perçues au titre du 1er pilier doivent être réduites de 3 % en 2005, de 4 % en 2006 et de 5 % par la suite pour alimenter le 2ème pilier (24). Les fonds ainsi générés par la modulation sont répartis entre les États membres selon un point de pourcentage calculé sur la base de trois critères : surface agricole utilisée, emploi agricole et produit intérieur par habitant. De fait, via la modulation, on aboutit à une réduction des aides directes de marché.

Pour la Commission, cette première étape exigeant d’être suivie d’autres rendez-vous déjà programmés dans le cadre des clauses de révision, la réforme de 2003 était la « première étape d’un processus visant à ancrer la PAC dans le XXIe siècle ».

Cet autre rendez-vous, c’est aujourd’hui le bilan de santé de la PAC : est-ce à dire que celle-ci est malade ? Si tel est le cas, force est de constater que, paradoxalement, la Commission n’entend pas faire évoluer le régime qu’elle lui a imposé depuis maintenant cinq ans mais qu’au contraire, elle souhaite aller plus loin. A tort ou à raison, nul ne saurait le dire aujourd’hui. Le fait est en tout cas que pour le diagnostic comme pour le remède, les points de désaccord sont nombreux.

II.— LE BILAN DE SANTÉ : DES PROPOSITIONS DÉCEVANTES S’INSCRIVANT DANS LA CONTINUITÉ DES RÉFORMES PRÉCÉDENTES

La philosophie qui a animé les différentes réformes de la PAC depuis 1992, et surtout depuis 1999, est aujourd’hui partagée par tous. Elle repose en effet sur des fondamentaux sains :

– un rééquilibrage entre la part des prix du marché et la part des aides dans la formation du revenu agricole et, au sein des aides, entre mesures de soutien au marché et aides directes, afin de limiter les distorsions de concurrence ;

– l’orientation vers une agriculture durable, respectueuse de l’environnement, symbolisée à la fois par la soumission du paiement des aides directes au respect des règlements en vigueur et de bonnes pratiques agro-environnementales (conditionnalité), et par la promotion de la politique de développement rural au rang de pilier de la PAC à part entière, financé par une modulation obligatoire des aides directes ;

– enfin, un découplage de ces aides vis-à-vis de l’acte de production, afin de limiter les incitations à la surproduction et rapprocher les agriculteurs du marché.

Le groupe de travail reconnaît bien la nécessité de donner suite aux clauses de révision inscrites dans l’accord final de Luxembourg en 2003 ainsi que l’intérêt d’un approfondissement des mécanismes instaurés depuis l’Agenda 2000 : la croissance du 2ème pilier de la PAC, une orientation accrue de la politique agricole en faveur d’un développement durable et l’impératif de garantir des produits irréprochables d’un point de vue écologique et sanitaire constituent notamment des avancées notables. Cependant, à poursuivre des logiques de réforme sans s’interroger sur la pertinence de leurs finalités, on en oublie parfois les fondamentaux sur lesquels repose la politique agricole commune, au premier rang desquels l’autosuffisance alimentaire de l’Europe, et les moyens à employer dans le cadre d’une politique qui ne saurait se concevoir comme un simple accompagnement rural et social du secteur agricole. Si les réformes successives de la PAC ont fait perdre de vue ses objectifs initiaux, il convient, dans le cadre du bilan de santé, de clore ce cycle de réformes sans empiéter sur les décisions qui pourraient être prises pour l’après-2013.

De ce point de vue, si les objectifs poursuivis dans le cadre du bilan de santé restent dans la droite ligne des précédentes réformes de la PAC, les options prises par la Commission européenne en faveur de la disparition à terme de tout instrument d’orientation de la production et de stabilisation des marchés ne lassent pas d’inquiéter. Elles relèvent en effet plus de présupposés idéologiques que d’une réflexion approfondie sur les réels besoins de notre agriculture. Fort heureusement figurent également dans ce bilan des propositions plus pragmatiques, visant notamment à alléger les contraintes administratives pesant sur les agriculteurs ou à prendre en compte la diversité de nos territoires. Enfin, n’oublions pas qu’il s’agit là d’une base de discussions et qu’il appartient désormais aux États membres de s’en saisir.

A.— LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

1. De la communication du 20 novembre 2007…

La communication de la Commission européenne du 20 novembre dernier : « Préparer le “bilan de santé” de la PAC réformée » (25) était axée autour de trois interrogations majeures : comment rendre le régime de paiement unique plus efficace, plus rationnel et plus simple ? Comment assurer la pertinence des instruments de soutien du marché ? Comment relever les défis qui se font jour en s’adaptant aux nouveaux risques émergents et aux nouvelles possibilités offertes ?

Au travers de ces interrogations, la Commission européenne laissait transparaître plusieurs options de réforme, tout en laissant la porte fermée à d’autres. La Commission restait ainsi fermement ancrée sur l’idée que les aides directes découplées versées dans le cadre du 1er pilier constituaient en elles-mêmes un instrument de stabilisation suffisant pour garantir un revenu aux agriculteurs et, qu’en conséquence, l’introduction d’instruments de gestion des risques et des crises ne pouvaient faire l’objet de mesures qu’au sein du 2ème pilier.

a) Le régime des paiements uniques peut-il être rendu plus efficace, plus rationnel et plus simple ?

La Commission européenne constate dans sa communication du 20 novembre 2007 que, quel que soit le mode utilisé (références historiques ou régionales) pour calculer les aides directes perçues par les exploitants, celles-ci continuent de reposer sur les niveaux de production passés : « au fil du temps, il deviendra de plus en plus difficile de justifier les différences entre agriculteurs, tout particulièrement dans le modèle historique » (26). La Commission en conclut qu’il convient de permettre aux États membres de faire évoluer le modèle pour lequel ils ont opté au cours de la période 2009-2013 vers une approche basée sur un taux plus uniforme.

Plus généralement, la Commission propose des « adaptations » destinées à améliorer et simplifier le fonctionnement du régime de paiement unique dont « diverses décisions et règles de mise en œuvre se révèlent inutilement rigides et complexes ». De même, elle préconise une simplification de la conditionnalité des paiements ainsi que des évolutions concernant le champ d’application de celle-ci, que ce soit par le biais d’une meilleure délimitation des exigences réglementaires en matière de gestion ou d’une modification de leur liste et de celle des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE).

Par ailleurs, tout en reconnaissant que « des aides partiellement couplées peuvent conserver une certaine utilité, du moins à l’heure actuelle, dans des régions où le niveau de production est faible dans l’absolu, mais important sur les plans environnemental et économique (par exemple vaches allaitantes dans les régions d’élevage extensif de bovins) », la Commission se prononce nettement en faveur d’un découplage total des aides, en particulier dans le secteur des grandes cultures, à la fois en raison d’une meilleure orientation des productions vers le marché à laquelle cette mesure conduirait et des coûts actuels de gestion liés à la coexistence des deux systèmes, couplé et découplé. Le maintien, l’étendue et la date d’expiration des aides couplées semblent toutefois ouverts à la négociation.

Enfin, la Commission européenne repose la question de la répartition des aides dont elle souligne qu’elle ressort avec encore plus d’acuité depuis que la décision a été prise de publier la liste des bénéficiaires des fonds communautaires. La Commission suggère ainsi timidement « la possibilité d’introduire une certaine limitation des paiements », qui « passerait par un système dans lequel le niveau de l’aide est réduit à mesure que le montant total payé augmente », ce qui correspond, sans que le mot soit prononcé, à un plafonnement des aides. Cette limitation des paiements s’appliquerait en outre également aux bénéficiaires de faibles montants d’aides, qui font peser sur les finances communautaires des coûts administratifs injustifiés. La Commission propose ensuite que les fonds ainsi dégagés soient conservés par chaque État membre et utilisés dans le cadre de l’article 69 révisé du règlement (CE) n° 1782-2003 établissant les règles communes pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la PAC.

La petite histoire de l’article 69

du règlement (CE) n° 1782-2003 établissant les règles communes

pour les régimes de soutien direct dans le cadre de la PAC


L’article 69 du règlement (CE) n° 1782-2003 donne aux États membres la possibilité de conserver jusqu’à 10 % des plafonds nationaux des aides directes pour soutenir les activités agricoles présentant des avantages en termes d’environnement ou pour améliorer la qualité et la commercialisation de certains produits agricoles.

L’article 69 a été introduit lors de la réforme de la politique agricole commune de 2003 sous la pression de la Grande-Bretagne, désireuse, pour des questions purement idéologiques, de trouver une forme de soutien à la production qui ne passe pas par le maintien d’un couplage partiel des aides versées. Cette demande visait spécifiquement à répondre aux besoins du secteur de l’élevage en Ecosse : pour l’heure, il n’est d’ailleurs utilisé que pour l’élevage allaitant écossais, les autres États membres ayant préféré maintenir un couplage total ou partiel sur certaines productions-clés.

b) Les instruments de soutien du marché : quelle pertinence aujourd’hui ?

Dans les interrogations de la Commission européenne sur la pertinence de l’intervention sur les marchés et la maîtrise de l’offre, se trouve déjà la réponse qu’elle souhaite y apporter : la « réalité de la mondialisation », une Union européenne à 27 membres ainsi que les perspectives à moyen terme sur les marchés imposent aux yeux de la Commission à tout le moins une réforme des mécanismes d’intervention et un réexamen des outils de gestion de l’offre existant. Ces instruments de stabilisation des marchés semblent donc condamnés sans que se dessinent clairement les pistes suivies par la Commission pour établir un « filet de sécurité » qui n’entrave pas « la capacité de l’agriculture européenne de répondre aux signaux du marché », la Commission se laissant le temps de suivre de près la situation sur le marché avant de décider s’il est approprié de proposer de nouvelles mesures.

Concrètement, la Commission européenne prône dans sa communication du 20 novembre 2007 :

– le maintien de l’intervention pour une seule céréale, le blé tendre, « le niveau de prix des autres céréales s’établissant naturellement » ;

– la suppression définitive du mécanisme de gel obligatoire des terres, compensé par des mesures permettant d’en préserver le bénéfice environnemental (renforcement des actions de développement rural en faveur des formes de gestion des exploitations, de l’eau et des écosystèmes respectueuses de l’environnement) ;

– la fin des quotas laitiers au 31 mars 2015 accompagnée, le cas échéant, de mesures destinées à assurer une transition sans heurt, dans le jargon communautaire, un « atterrissage en douceur » des quotas laitiers. Celui-ci sera assuré par une augmentation, c'est-à-dire une élimination, progressive des quotas. Selon la Commission, celle-ci entraînera un accroissement de la production, une baisse des prix et un renforcement de la compétitivité du secteur. Elle reconnaît néanmoins que certaines régions, notamment les régions montagneuses, devraient « éprouver des difficultés à maintenir un niveau minimum de production », difficultés auxquelles il sera néanmoins possible de répondre par des mesures de développement rural et un soutien spécifique dans le cadre de l’article 69 du règlement (CE) n° 1782/2003 du Conseil révisé.

c) Les nouveaux défis de la politique agricole, ou comment mieux orienter les financements vers le développement rural ?

La Commission européenne identifie trois nouveaux défis auxquels devra faire face la politique agricole commune dans les années à venir : la gestion des risques, le défi environnemental et le renforcement du 2ème pilier, qui in fine trouvent tous leur réponse dans un accroissement de la modulation obligatoire en faveur de la politique de développement rural.

Sur la question de la gestion des risques, la Commission européenne se contente dans sa communication du 20 novembre 2007 de faire part de sa conviction selon laquelle le découplage constitue la meilleure protection des exploitants contre les aléas du marché, insistant sur le fait qu’« en rompant le lien entre le niveau des paiements agricoles et la quantité produite, [il] permet aux agriculteurs de mieux faire face aux risques prévisibles (…) et d’atténuer les risques imprévus ». Elle estime par ailleurs qu’aussi longtemps que l’intervention sera maintenue, l’instauration d’une solution à l’échelle européenne ne sera pas envisageable, rappelant par ailleurs l’introduction, lors des récentes réformes des OCM vin et fruits et légumes, de mesures de gestion des risques spécifiques, prises en charge au niveau national. Plus généralement, la Commission européenne réfute la création de nouveaux outils de gestion au sein du 1er pilier de la PAC, renvoyant à la politique de développement rural (et donc à des mesures cofinancées) la mise en œuvre de mesures en faveur de la couverture des risques (27).

S’agissant des défis environnementaux à relever par l’agriculture européenne, tels le changement climatique, les bioénergies ou la gestion de l’eau, la Commission européenne recommande là encore de renforcer les mesures de développement rural existantes et de les orienter vers la recherche et l’innovation, notamment en vue de soutenir la mise au point de biocarburants de 2ème génération. A contrario, la Commission s’interroge sur la pertinence des aides aux cultures énergétiques. Enfin, elle envisage également d’orienter la conditionnalité sur les actions prioritaires (lutte contre changement climatique, meilleure gestion de l’eau).

Il s’ensuit logiquement que la Commission européenne prévoit un renforcement des moyens consacrés au développement rural par une augmentation de la modulation obligatoire à hauteur de 2 % par an pour les exercices budgétaires entre 2010 et 2013, et donc des crédits nationaux consacrés à la politique de développement rural (28).

2. …aux propositions législatives du 20 mai 2008

Si les pistes de réforme finalement retenues par la Commission européenne dans les propositions de règlements qu’elle a dévoilées le 20 mai 2008 sont globalement conformes aux annonces faites en novembre, y figurent néanmoins un certain nombre de surprises. On constate tout d’abord sur plusieurs points que la Commission a choisi de mettre en œuvre le scénario le plus radical figurant dans ses réflexions initiales : l’option en faveur de la suppression des mécanismes de gestion de l’offre (jachère, quotas laitiers) et de stabilisation des marchés (intervention) est ainsi confirmée. A contrario, la Commission reconnaît implicitement la nécessité de diversifier les outils utilisés dans le cadre du 1er pilier, au-delà des seules aides directes découplées, en présentant une réforme de l’article 69 en profondeur, quoique potentiellement limitée en raison des montants susceptibles d’y être affectés et de modalités de mise en œuvre très strictes. Enfin, on assiste à un revirement de la Commission sur la question du plafonnement des aides, qui constitue pourtant un enjeu majeur d’acceptation de la PAC par les citoyens et les contribuables dans une période où la question du pouvoir d’achat domine les débats dans un grand nombre d’États membres.

La Commission reste néanmoins globalement fidèle à elle-même et inscrit ses autres propositions concernant la poursuite du découplage, la simplification de la conditionnalité ou encore l’accroissement de la modulation obligatoire dans la continuité des points soulevés en novembre 2007.

A titre liminaire, le groupe de travail souhaite affirmer qu’il n’est pas opposé à la démarche de la Commission mais face à deux conceptions de la PAC qui s’opposent et qui auront à se confronter dans la perspective de la réforme de 2013, il convient d’être particulièrement vigilant sur les choix qui seront opérés dans les prochains mois.

Ces deux visions de la PAC, quelles sont-elles ?

La première, que l’on peut qualifier de libérale et qui correspond en grande partie à la vision de la Commission européenne et d’un certain nombre d’États membres comme la Grande-Bretagne ou les pays nordiques, entend limiter les soutiens aux agriculteurs au niveau du seul coût des contraintes de production spécifiques auxquels ces derniers sont soumis (qualité sanitaire des produits, production respectueuse de l’environnement, etc.), le secteur agricole étant par ailleurs soumis à la seule loi du marché. Cette conception plaide en faveur d’un découplage total, d’une régionalisation et d’un paiement uniforme à l’hectare des aides aux agriculteurs (29).

La seconde vision, qui anime notamment la France mais également bon nombre de ses partenaires européens, comme l’Autriche ou encore la Pologne, repose sur la conviction selon laquelle, dans un contexte mondial de plus en plus instable et très concurrentiel, des outils de stabilisation des marchés et d’orientation des productions sont nécessaires, notamment afin d’ancrer la production agricole sur nos territoires mais également de l’orienter pleinement dans la voie du développement durable. Cette vision implique de conserver des leviers d’action au sein de la PAC et, si elle peut s’accommoder d’une réduction des écarts entre les aides et d’une réorientation de celles-ci, elle rejette tout nivellement de principe et toute uniformisation. C’est sur le fondement de cette vision que le groupe de travail a examiné les propositions avancées par la Commission le 20 mai dernier.

a) La suppression des mécanismes de gestion de l’offre et de stabilisation des marchés

l  La jachère

Après avoir proposé dès l’automne 2007 la suspension de la jachère obligatoire, mesure remontant à 1988, afin de permettre la mise en culture de l’ensemble des terres arables disponibles dans la perspective d’un accroissement de la production de céréales visant à faire face à la demande mondiale, la Commission européenne propose désormais la suppression pure et simple de ce mécanisme qu’elle juge « complètement obsolète ». Certains économistes prétendent en effet que la seule existence de ce mécanisme et donc la possibilité de l’activer influence les anticipations des investisseurs sur les marchés et contribuent à orienter les prix à la hausse. Si cette thèse peut être considérée comme crédible, elle doit néanmoins être mise en balance avec l’éventualité d’une nouvelle période de surproduction qui laisserait les autorités communautaires totalement dépourvues de moyens d’action. C’est la raison pour laquelle le groupe de travail estime absurde de se priver a priori d’un moyen de stabilisation utile et qu’il convient de préserver cet outil, tout en suspendant provisoirement sa mise en œuvre.

l  Les quotas laitiers

La Commission européenne applique le même raisonnement aux quotas laitiers, jugeant qu’ils « constituent toujours une camisole de force pour nos producteurs ». Tel n’est cependant pas l’avis de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) et des exploitants français, en particulier ceux exerçant dans des zones difficiles, comme les zones de montagne (30). En effet, si la formule des quotas laitiers, inventée en 1984 pour lutter contre la surproduction, ne correspond plus aux besoins du marché, ceux-ci remplissent néanmoins dans un certain nombre d’États membres, comme la France, mais également en Autriche, en Finlande ou en Pologne, un rôle d’ancrage de l’activité agricole dans des zones difficiles et de répartition de la production sur l’ensemble du territoire. En l’absence d’instrument de régulation, il est en effet certain que la production laitière serait concentrée dans les zones où il est le plus facile de produire à un coût moindre (31), conduisant à l’abandon de productions locales, souvent de très grande qualité, dans d’autres régions moins favorisées, abandon entraînant des difficultés dans l’aval de la filière et contribuant in fine à la désertification rurale. Un tel scénario est évidemment inacceptable pour la France.

Si l’on peut admettre que les quotas puissent être annuellement augmentés si le besoin s’en fait effectivement sentir afin de répondre aux évolutions du marché (32), la position de la Commission sur la suppression des quotas apparaît pour le moins dogmatique et ne tient notamment pas compte du fait que les prix des produits laitiers ont déjà chuté de 30 % entre le pic atteint à l’automne 2007 et ce printemps (33). Ainsi, il apparaît inconcevable de programmer dès aujourd’hui la fin des quotas laitiers pour 2015, c'est-à-dire dans sept ans, sans aucune visibilité sur la conjoncture et alors même que la PAC doit être renégociée en 2013 !

l  L’intervention

Alors que la Commission européenne envisageait initialement, d’une part, d’étendre aux autres graines fourragères le modèle d’intervention pour le maïs, et, d’autre part, de maintenir l’intervention pour le blé tendre afin de « constituer un filet de sécurité, le niveau de prix des autres céréales s’établissant naturellement », ses propositions ont désormais évolué. Elle prévoit ainsi :

– la suppression de l’intervention pour le blé dur, le riz paddy et la viande de porc ;

– l’introduction d’un mécanisme d’adjudication pour déterminer les prix et les quantités acceptés à l’intervention (c'est-à-dire en réalité un mécanisme inverse de l’intervention, qui a avant tout pour objet de garantir un prix plancher et non de ramener les prix à un plancher) pour le blé tendre, le beurre, le lait écrémé en poudre et la viande bovine ;

– la conservation de l’intervention publique avec toutefois des plafonds ramenés à zéro pour les céréales fourragères (orge, maïs, sorgho).

L’article 4 de la proposition de règlement du Conseil modifiant les règlements (CE) n° 320/2006, (CE) n° 1234/2007, (CE) n° 3/2008 et CE n°  […] /2008 en vue d’adapter la politique agricole commune modifie donc en conséquence les dispositions récemment adoptées dans le cadre de l’OCM unique, en particulier ses articles 10 à 13 et 18 relatifs aux produits admissibles à l'intervention publique, aux périodes d’intervention, à l’ouverture et aux limites d’intervention, ainsi qu’aux prix d’intervention.

Ces propositions de la Commission, en particulier la suppression de toute intervention pour le blé, constitue un signal fort de sa volonté d’abandonner tous les outils d’intervention sur les marchés, y compris sur un secteur aussi sensible que celui des céréales dont le prix sert de référence pour tous les autres secteurs, au premier rang desquels l’alimentation animale. Le groupe de travail ne peut partager la radicalité de cette position, et ce d’autant plus que les raisons fondamentales ayant conduit à l’instauration d’un tel mécanisme – la volatilité des marchés – n’ont pas disparu, bien au contraire. S’il est évident que l’intervention ne peut être considérée comme un débouché en soi, ce qui fut parfois le cas dans le passé, entraînant une dérive du système, il apparaîtrait néanmoins plus raisonnable de maintenir l’intervention tout en l’assortissant de plafonnements et de périodes précises d'ouverture durant l'année.

Le point sur l’intervention publique dans le secteur des céréales et les autres mécanismes de régulation des marchés existants

Le secteur des céréales est encore régi, jusqu'au 30 juin 2008, par l'organisation commune de marché (OCM) du même nom, mise en place afin de pallier l’instabilité des marchés dans un secteur stratégique, grâce principalement à deux instruments : les restitutions à l'exportation et l'intervention par le biais de prix garantis.

Les agriculteurs bénéficient ainsi d'un système d'intervention leur assurant un prix plancher de 101,31 euros la tonne. Ce prix garanti leur est payé, en cas de crise, par les pouvoirs publics après qu'ils ont stocké les céréales excédentaires dans l'attente de leur écoulement ultérieur sur le marché. Ce système est complété, à l'exportation, par un mécanisme de soutien sous la forme de restitutions à l'exportation accordées de façon périodique ou par adjudication.


Ces mécanismes sont néanmoins en cours de révision depuis plusieurs années. Ainsi, en 2007, après un durcissement des conditions d’intervention, il a finalement été acté que le maïs ne bénéficierait plus de ce mécanisme à partir de la campagne de 2009/2010, et que pour les campagnes 2007/2008 et 2008/2009, les organismes d'intervention ne pouvaient acheter que des quantités limitées (1 500 000 tonnes pour 2007/2008, 700 000 tonnes pour 2008/2009).

Le secteur des céréales a en outre été intégré au sein du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole (OCM unique) qui régit désormais l'intervention publique sur le marché des produits agricoles. Celle-ci comprend en particulier la définition des prix de référence et les modalités de fixation des prix d'intervention par rapport au prix de référence, les périodes d'ouverture des achats et les quantités maximales pour : les céréales, le riz paddy, le sucre blanc et brut, la viande bovine, le lait, le beurre, le lait écrémé en poudre et la viande de porc.

Une aide au stockage privé est en outre prévue pour certains produits (crème et certains beurres et fromages). Elle est également possible pour d'autres produits (sucre blanc, huile d'olive, viandes fraîches ou réfrigérées de gros bovins, lait écrémé en poudre, fromages et viandes porcine, ovine et caprine).

Enfin, l'UE peut prendre des mesures particulières d'intervention, par exemple en cas de maladies animales, en vue de favoriser l'adaptation de l'offre aux exigences du marché (viandes bovine, porcine, ovine et caprine,
œufs et volaille) ou dans certains secteurs (céréales, riz et sucre).

Enfin, l'exportation de certains produits peut être soutenue par des restitutions à l'exportation qui couvrent la différence entre les prix du marché mondial et ceux de l'Union européenne. Celles-ci peuvent être différenciées selon la destination et sont fixées par la Commission périodiquement, en tenant compte de l'évolution des marchés communautaires et mondiaux. Des dispositions spécifiques réglementent les restitutions à l'exportation du malt en stock, des céréales et de la viande bovine.

b) L’approfondissement du découplage

Aux termes du règlement transversal n° 1782-2003 (34), l'aide unique découplée a vocation à remplacer les aides directes existantes dans les secteurs des grandes cultures, de la viande bovine, de la viande ovine et des produits laitiers. La mise en œuvre, en France, à partir de 2006, de la réforme de 2003 repose sur un découplage partiel permettant de maintenir un régime de soutien, totalement ou en partie, couplé à la production, avec l’instauration de taux de découplage variables pour chaque aide directe du 1er pilier, en fonction du secteur de production considéré (35). En effet, la mise en œuvre d’un découplage total présentait des risques d’abandon de productions dans plusieurs secteurs, aux conséquences sociales et environnementales potentiellement destructrices notamment dans certaines régions où les possibilités de diversification sont rares.

(1) AIDES VÉGÉTALES

TAUX DE DÉCOUPLAGE

JACHÈRE CORRESPONDANT AU GEL OBLIGATOIRE

100 %

SCOP – SURFACES CÉRÉALES, OLÉAGINEUX, PROTÉAGINEUX (SUPPLÉMENT BLÉ DUR COMPRIS)

75 %

GEL VOLONTAIRE

75 %

LIN /CHANVRE

75 %

RIZ

100 %

LÉGUMINEUSES À GRAIN

100 %

HOUBLON

75 %

FOURRAGES DÉSHYDRATÉS

100 %

SEMENCES FOURRAGÈRES

100 %

SEMENCES RIZ, ÉPEAUTRE, LIN, CHANVRE

0 %

FÉCULE DE POMME DE TERRE

40 %

TABAC

40 %

HUILE D’OLIVE

100 %

(2) AIDES ANIMALES

TAUX DE DÉCOUPLAGE

PBC (PRIME À LA BREBIS OU À LA CHÈVRE) PRIME DE BASE CHÈVRE

100 %

PBC PRIME DE BASE BREBIS

50 %

PBC PRIME SUPPLÉMENTAIRE CHÈVRE

100 %

PBC PRIME SUPPLÉMENTAIRE BREBIS

50 %

PBC COMPLÉMENT FLEXIBILITÉ

100 %

PSBM (PRIME SPÉCIALE BOVIN MÂLE) PRIME DE BASE

100 %

COMPLÉMENT EXTENSIF PSBM

100 %

PMTVA (PRIME AU MAINTIEN DU TROUPEAU DE VACHES ALLAITANTES) PRIME DE BASE

0 %

PMTVA VEAUX SOUS LA MÈRE

100 %

COMPLÉMENT EXTENSIF PMTVA

100 %

PAB (PRIME ABATTAGE BOVIN) GROS BOVINS

60 %

PAB COMPLÉMENTS FEMELLES

100 %

PAB VEAUX

0 %

AIDES DIRECTES LAITIÈRES (ADL)

100 %

Source : Rapport n° 2547 de M. Antoine Herth au nom de la Commission des

affaires économiques sur le projet de loi d’orientation agricole, septembre 2005.

La Commission européenne propose désormais de passer au découplage total dans le secteur des productions végétales et de ne conserver des aides couplées qu’en ce qui concerne la prime à la vache allaitante ainsi que pour les autres aides animales dans les secteurs ovin et caprin.

S’agissant des productions végétales, il convient également de noter que la Commission propose la suppression du soutien jusque là accordé aux cultures énergétiques (36) ainsi que le découplage et l’intégration dans le régime de paiement unique de toute une série de « petits régimes de soutien ». Seraient ainsi concernés à partir de 2010 ou 2011 : le chanvre, les protéagineux, les fruits à coque, le riz, les fourrages séchés, la fécule de pomme de terre et les fibres longues de lin. Si, comme le souligne la Commission, les secteurs touchés (fourrages séchés, amidon, chanvre, lin) sont « de taille modeste », ils n’en constituent parfois pas moins un enjeu stratégique au niveau local, voire au-delà, comme en témoigne notamment le cas de la luzerne (37) et des protéagineux. On ne peut donc que s’inquiéter de la disparition dès 2010 de la prime spécifique aux protéagineux et de la suppression du couplage partiel (25 %) dont ils bénéficiaient jusqu’à présent.

Un nouveau « plan protéines » pour l’Europe ?

Alors qu’avec le « plan protéines » mis en œuvre après 1973, le déficit en matières riches en protéines* de l’Union européenne était passé de 85 % en 1974 à 63 % en 1991, celui-ci était de nouveau voisin de 75 % en 2000. La tendance s’est en effet inversée sous l’effet, d’une part, des réformes de la PAC qui ont favorisé la production de céréales et, d’autre part, de l’interdiction des farines carnées.

La dépendance protéique de l’Union européenne, première zone de consommation de matières riches en protéines pour l’alimentation animale constitue donc un enjeu majeur. Eu égard aux avantages économiques et environnementaux des protéagineux (faibles besoins en eau, aptitude à fixer l’azote de l’air), leur culture devrait être encouragée plutôt que dissuadée. Il en va de même des fourrages séchés tels que la luzerne.

* Tourteaux d’oléagineux, protéagineux, fourrages déshydratés mais également farines animales.

c) L’article 69 révisé : principe et modalités

La révision de l’article 69 du règlement (CE) n° 1782/2003 présentée par la Commission dans ses propositions du 20 mai 2008 va finalement plus loin que ce qu’elle avait laissé entendre au mois de novembre. Cette révision opère en effet un élargissement important du champ d’application de cet article, tant du point de vue des secteurs concernés que de la possibilité offerte de l’utiliser afin d’encourager la couverture des risques climatiques et sanitaires. Cela constitue une avancée non négligeable si l’on considère qu’initialement la Commission estimait, d’une part, que les aides découplées jouaient déjà un rôle d’assurance pour les exploitants, et, d’autre part, que la gestion des crises sanitaires ou climatiques ne devait intervenir que dans le cadre du 2ème pilier.

Dans la proposition de la Commission, l’article 69, désormais divisé en trois (articles 68, 69 et 70), permettrait toujours aux États membres de financer des mesures liées à la protection de l’environnement ainsi qu’à l’amélioration de la qualité et de la commercialisation des produits agricoles, comme c’est le cas actuellement, mais également à financer :

– des mesures destinées à compenser les difficultés de production rencontrées dans certaines régions défavorisées et pour les agriculteurs spécialisés dans le secteur du lait et des produits laitiers, ainsi que dans ceux du riz et des viandes bovine, ovine et caprine (article 68) ;

– des soutiens à certaines mesures de gestion des risques, comme le financement de programmes de gestion des risques climatiques (article 69) ou de fonds de mutualisation en cas de maladies animales et végétales (article 70).

Extrait de la proposition de règlement du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs :

« Chapitre V

SOUTIEN SPÉCIFIQUE

Article 68

Règles générales

1. Les États membres peuvent décider, pour le 1er août 2009 au plus tard, d’utiliser, à compter de 2010, jusqu’à 10 % de leurs plafonds nationaux visés à l’article 41, en vue d’octroyer un soutien aux agriculteurs:

a) pour:

i) certains types d’agriculture revêtant une importance en matière de protection ou d’amélioration de l’environnement,

ii) améliorer la qualité des produits agricoles,

ou iii) améliorer la commercialisation des produits agricoles ;

b) pour compenser des désavantages spécifiques dont souffrent certains agriculteurs des secteurs du lait, de la viande bovine, de la viande ovine et caprine et du riz dans des zones vulnérables sur le plan économique ou sensibles du point de vue de l’environnement,

c) dans des zones soumises à des programmes de restructuration et/ou de développement pour éviter l’abandon des terres agricoles et/ou compenser des désavantages spécifiques dont souffrent les agriculteurs dans ces zones,

d) sous la forme de contributions au paiement des primes d’assurance récolte conformément aux conditions prévues à l’article 69,

e)
sous la forme de contributions à des fonds de mutualisation en cas de maladies animales ou végétales conformément aux conditions prévues à l’article 70.

(…) »

Ainsi, en France, l’agriculture biologique, mais également la production laitière dans des zones difficiles ou encore le développement de l’assurance récolte pourraient bénéficier de ces dispositions (38).

La Commission maintient néanmoins ce nouvel instrument dans des limites financières qui ne paraissent pas compatibles avec les ambitions affichées. En effet, l’article 69 révisé n’a pas connu de modification des montants susceptibles de lui être alloués qui se limitent toujours à 10 % des plafonds nationaux pour les paiements directs dans le secteur concerné. Le Parlement européen, dans sa résolution adoptée le 12 mars 2008 avait d’ailleurs proposé que la dotation de l’article 69 révisé puisse être portée à 12 % des aides directes d’un État membre. Par ailleurs, les députés européens avaient également suggéré que le renforcement des associations de producteurs et des organisations sectorielles et interprofessionnelles soit une composante nouvelle de ce dispositif. Le groupe de travail appuie tout à fait cette proposition, estimant qu’elle constitue un élément indispensable à toute réforme, en particulier dans le secteur laitier où la contractualisation devra être développée, y compris sur les aspects de gestion des volumes, comme c’est déjà le cas pour les produits de qualité. Enfin, le financement de l’article 69 révisé pâtirait également, dans le scénario retenu par la Commission, du renoncement de cette dernière à plafonner les aides supérieures à 100 000 euros par an. En effet, dans sa communication du mois de novembre, la Commission européenne avait suggéré que les montants ainsi dégagés soient utilisés pour répondre à de nouveaux défis, notamment dans le cadre de l’article 69 révisé.

S’agissant enfin de la mise en œuvre concrète des dispositions de l’article 69 révisé, la Commission européenne prévoit un certain nombre de contraintes d’utilisation, notamment l’instauration d’un sous-plafond de 2,5 % pour les mesures susceptibles de ne pas être « OMC-compatibles », c'est-à-dire celles dont il n’est pas certain qu’elles remplissent les conditions de la boîte verte, qui apparaissent comme autant de freins à une application aisée de ce dispositif.

d) L’introduction d’une modulation progressive

La modulation constitue le moyen pour l’Union européenne d’affecter des fonds supplémentaires à la politique de développement rural à budget constant : un pourcentage de réduction est appliqué aux paiements directs effectués au titre du 1er pilier et les ressources budgétaires ainsi dégagées sont ensuite réaffectées au profit du 2ème pilier. La modulation a été rendue obligatoire lors de la réforme de 2003.

Actuellement cette modulation obligatoire s’élève à 5 % des paiements perçus dans le cadre du 1er pilier et s’applique à tout exploitant percevant plus de 5 000 euros d’aides directes. La Commission propose désormais de passer progressivement, au rythme de 2 % par an, à 13 % de modulation en 2012 et d’appliquer un principe de progressivité, imposant des niveaux de modulation de plus en plus élevés au fur et à mesure que le niveau des aides s’accroît. Ainsi, de 13 % pour la tranche d’aides situées entre 5 000 et 100 000 euros, la modulation passerait à 16 % pour la tranche supérieure (de 200 000 à 300 000 euros) puis à 22 % pour la dernière tranche (au-delà de 300 000 euros).

Tranches

2009

2010

2011

2012

1 à 5 000

0

0

0

0

5 000 à 99 999

5 % + 2 %

5 % + 4 %

5 % + 6 %

5 % + 8 %

100 000 à
199 999

5 % + 5 %

5 % + 7 %

5 % + 9 %

5 % + 11 %

200 000 à
299 999

5 % + 8 %

5 % + 10 %

5 % + 12 %

5 % + 14 %

au-delà de
300 000

5 % + 11 %

5 % + 13 %

5 % + 15 %

5 % + 17 %

La Commission européenne a repris là une proposition du Parlement européen, se substituant au plafonnement des aides auquel ce dernier, ainsi qu’un certain nombre d’États membres, comme la Grande-Bretagne et l’Allemagne, se sont montrés farouchement opposés.

Enfin, il faut souligner que le découplage total ne sera pas appliqué dans les régions ultrapériphériques. La Commission note ainsi dans le considérant (9) de sa proposition de règlement du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs que « la situation géographique particulière des régions ultrapériphériques, ainsi que leur insularité, l’étroitesse de leur territoire, leur relief montagneux et leur climat, font peser des contraintes supplémentaires sur leur secteur agricole. Pour atténuer celles-ci, il est approprié de prévoir une dérogation à la modulation obligatoire pour les agriculteurs de ces régions ».

S’agissant enfin de l’utilisation des fonds ainsi dégagés, la Commission européenne prévoit de renforcer certaines priorités dans les programmes de développement rural en imposant aux États membres d’introduire dans leurs plans nationaux des mesures en lien avec ces priorités. Pour ce faire, elle propose de réviser les orientations stratégiques de la Communauté en matière de développement rural et de modifier le règlement (CE) n° 1698/2005 concernant le soutien au développement rural par le FEADER, en y insérant un article 16 bis disposant que : « A compter du 1er janvier 2010, les États membres prévoient dans leurs programmes de développement rural, en fonction de leurs besoins spécifiques, des types d’opérations ciblées sur les priorités décrites dans les orientations stratégiques de la Communauté et précisées dans le plan stratégique national. Ces priorités sont :

– le changement climatique ;

– les énergies renouvelables ;

– la gestion de l’eau ;

– la biodiversité. »

Si on ne peut nier que ces axes de développement constitueront bel et bien à l’avenir des priorités majeures pour l’Union européenne, les orientations actuelles sur lesquelles reposent les plans nationaux de développement rural obéissent également à des logiques prioritaires, qui recouvrent d’ailleurs en partie certaines des notions précitées, comme la préservation de la ressource en eau (39), et qui nécessiteraient des leviers de financement plus importants. Plus généralement, une multiplication des domaines jugés primordiaux et un éparpillement des mesures ne sont pas de bonne gestion.

B.— LE POINT DE VUE DE NOS PARTENAIRES EUROPÉENS

1.— Les réactions des États membres

Les États membres, dans leur grande majorité, ont réservé un accueil prudent à la communication de la Commission européenne « Préparer le ‘bilan de santé’ de la PAC réformée ». Si certaines propositions, notamment les mesures de simplification, ont été unanimement saluées, les avis restent partagés sur les grands sujets de fond, comme le découplage total, le plafonnement des aides ou encore la suppression des outils de gestion des marchés. Sur ce dernier point, nombre d’États membres continuent de penser que si la conjoncture actuelle est certes exceptionnelle, il serait néanmoins prématuré d’en tirer des conclusions sur le moyen ou long terme. De même, en dépit du soutien de la plupart des États membres à une disparition progressive des quotas laitiers (Danemark, Pays-Bas, Lituanie notamment), certains, comme la France, l’Autriche, la Finlande ou encore l’Allemagne, ont d’emblée souligné les risques qu’entraînerait une libéralisation totale. Enfin, s’agissant de l’augmentation de la modulation obligatoire, les États membres ont également fait preuve d’une certaine réserve, soulignant pour les uns qu’il convenait de s’assurer que les fonds supplémentaires dégagés dans le cadre du 2ème pilier soient bien utilisés pour financer des actions en faveur de l’agriculture (Allemagne notamment), pour les autres, dont la France, l’Espagne et l’Irlande, que le 2ème pilier ne devait pas se développer au détriment du 1er.

Au final, seul le Royaume-Uni semble soutenir pleinement la Commission européenne dans sa démarche, exception faite de la question du plafonnement. Ce dernier, soutenu par les pays nordiques, défend en effet une position maximaliste de démantèlement de la PAC telle qu’elle existe aujourd’hui et de repli de ses actions sur le 2ème pilier, comme l’ont très clairement confirmé au groupe de travail les représentants du Royaume-Uni à Bruxelles et à Paris auditionnés le 19 février 2008 : « Il convient de mettre en place une politique plus efficace qui se concentrerait sur la préservation des biens publics que le marché ne peut à lui seul garantir ». Le Royaume-Uni, le Danemark et la Suède ont ainsi déjà pris position en faveur d’un découplage total des aides à l’horizon 2013. S’agissant de la réforme de l’article 69 annoncée dans la communication de la Commission du 20 novembre 2007, le Royaume-Uni, actuellement seul bénéficiaire du dispositif de l’article 69, s’est dit opposé à toute extension du champ de cet article qui pourrait permettre de réintroduire une forme déguisée de couplage des aides. Il s’est également positionné en faveur du démantèlement des mécanismes de gestion de l’offre existants et a déclaré qu’il appartenait aux acteurs privés de mettre en place les outils nécessaires à une meilleure gestion des risques et des crises.

Sur les propositions concrètes dévoilées par la Commission européenne le 20 mai 2008, des « coalitions d’intérêt » sont par ailleurs apparues en fonction des sujets soulevés (40). Sur la délicate question des quotas laitiers, plusieurs États membres soutiennent la proposition de la Commission, voire réclament d’aller au-delà des augmentations annuelles de quotas envisagés (Italie, Espagne, Danemark, Pays-Bas, Irlande, Suède et Royaume-Uni), la ministre néerlandaise de l’agriculture ayant notamment demandé, lors du conseil informel des 26 et 27 mai 2008, des hausses de l’ordre de 2 à 3 % par an. A contrario, la France et l’Allemagne restent beaucoup plus prudentes, mettant en avant l’instabilité des prix. L’Autriche et, dans une certaine mesure la Hongrie, se sont, quant à elles, prononcé contre la suppression des quotas.

Quant à l’article 69 révisé, un grand nombre d’États membres ont souhaité plus de souplesse dans sa mise en œuvre. D’autres ont par ailleurs demandé à ce que la liste des productions demeurant couplées soit allongée par la Commission au-delà des seules primes animales : la Grèce et l’Italie ont ainsi plaidé pour un maintien du couplage sur la production de tabac.

Enfin, s’agissant de l’augmentation de la modulation obligatoire en faveur du 2ème pilier, si quelques États membres, comme le Portugal, l’Estonie, la Lettonie, le Royaume-Uni, le Danemark et la Suède, ont souligné le manque d’ambition de la Commission, la plupart des autres ont milité pour le maintien d’un 1er pilier solide ou jugé prématuré la révision du taux de modulation aujourd’hui en vigueur. Le ministre français de l’agriculture, M. Michel Barnier, a pour sa part plaidé en faveur d’une « orientation générale en faveur du développement durable » au sein même du 1er pilier par le biais d’un soutien accru au secteur ovin, à l’agriculture biologique ou encore à l’herbe.

S’agissant des derniers pays à être entrés dans l’Union européenne, ceux-ci appellent d’une manière générale à plus d’équité dans la répartition des aides, demandant notamment un rééquilibrage des crédits entre anciens et nouveaux États membres.

Plus généralement, suite à son déplacement en Pologne et aux entretiens extrêmement productifs qu’il a pu avoir sur place avec de nombreux responsables politiques, administratifs ou professionnels de haut niveau, le groupe de travail note une inflexion très nette de l’opinion publique polonaise, et plus généralement de celle des nouveaux États membres, sur la question de la PAC. Après une phase de pré-adhésion très libérale où les prises de position semblaient claquées sur celles du Royaume-Uni, ces pays ont compris les avantages qu’ils pouvaient tirer de la politique agricole commune en vue de favoriser l’essor, la modernisation et la compétitivité de leur secteur agricole tout en consolidant les revenus des hommes et des femmes qui, sur leurs territoires, vivent de l’agriculture (41). Les zones rurales sont notamment devenues très favorables au projet de construction européenne alors qu'elles se distinguaient avant l'adhésion par leur euroscepticisme (42). Le groupe de travail, très impressionné par le travail accompli en Pologne pour intégrer l’acquis communautaire, tient à cet égard à saluer la rapidité avec laquelle les mécanismes complexes de la PAC ont été assimilés. S’agissant des questions de fond sur la politique agricole commune, ses instruments, son financement et les objectifs à lui assigner pour l’après-2013, le groupe de travail a pu constater une nette convergence des positions de la France et de la Pologne sur de nombreux sujets : pérennisation de la PAC et refus de toute renationalisation, attachement à un 1er pilier fort, nécessité d’outils de gestion des risques et de stabilisation des marchés, reconnaissance du rôle positif des quotas laitiers pour le maintien de l’activité dans les territoires, importance des questions de sécurité alimentaire et de qualité des produits. Cette convergence, qui s’inscrit désormais dans le cadre d’un partenariat stratégique (43), constitue un atout précieux pour la France, l’appui d’un grand pays comme la Pologne pouvant s’avérer déterminant dans les futures négociations (44).

2. L’avis du Parlement européen

Alors qu’un rôle accru pourrait être prochainement dévolu au Parlement européen avec la ratification du traité de Lisbonne et l’extension du régime de codécision, il convient d’accorder une attention toute particulière aux avis adoptés par les députés européens sur le bilan de santé de la PAC, notamment dans la perspective de la réforme de 2013.

a) Les travaux de la Commission de l’agriculture et du développement rural

Après avoir reçu un accueil plutôt positif du Parlement européen lors de sa présentation en novembre 2007, le bilan de santé de la PAC a finalement fait l’objet d’un « oui à une poursuite prudente des travaux entamés en 2003 » (45). Dans son rapport d’initiative, présenté le mardi 26 février 2008 par M. Lutz Goepel, la commission de l’agriculture et du développement rural met ainsi l’accent sur la nécessité de consolider les réformes initiées en 2003 sans toutefois réduire davantage les crédits du 1er pilier de la PAC et en prenant en compte les spécificités des régions en difficulté ainsi que les secteurs sensibles comme l’élevage. Elle y souligne également l’urgence d’une simplification des règles de la conditionnalité, les députés rejetant « tout élargissement [de son] champ d’application tant que des progrès significatifs n’ont pas été accomplis dans la voie de la simplification et de l’harmonisation des contrôles ».

S’agissant des aménagements proposés au régime de paiement unique, et en particulier au modèle historique, mais également de l’augmentation des quotas laitiers, la Commission de l’agriculture a demandé à ce que ces mesures ne soient mises en œuvre que sur une base volontaire par les États membres. Concédant néanmoins que le système des quotas laitiers ne serait vraisemblablement pas reconduit dans sa forme actuelle après 2015, la Commission de l’agriculture a appelé la Commission à présenter un « plan convaincant » assurant la continuité de la production laitière en Europe, y compris dans les zones montagneuses ou en difficulté. En revanche, la Commission de l’agriculture s’est élevée contre toute instauration éventuelle d’un plafonnement des aides, proposant à la place le système de modulation progressive finalement repris par la Commission européenne.

Les députés se sont dits favorables à ce que l’actuel système d’intervention soit remplacé par un filet de sécurité activé dans les situations de crise, appelant par ailleurs la Commission européenne à envisager l’introduction future d’un système européen de réassurance pour les désastres climatiques ou environnementaux et soulignant que les mesures de prévention des risques devraient être financées dans le cadre du 1er pilier.

Sur la question de l’après-2013 au sujet de laquelle les députés européens ont également formulé un certain nombre de recommandations, on notera avant tout la conviction qu’ils ont exprimé que « les aides directes demeureront nécessaires après 2013 ». Enfin, il faut souligner les propos de M. Luis Manuel Capoulas Santos, rapporteur de la Commission de l’agriculture et du développement rural sur les propositions législatives du bilan de santé de la PAC, qui a déclaré, lors de l’audition de Mme Mariann Fischer Boel le 20 novembre 2007 : « Nous sommes pour une agriculture européenne plus verte et plus compétitive, ouverte sur le monde mais régulée, avec des règles sociales, environnementales et de sécurité alimentaire élevées, solidaire avec les pays en développement et qui puisse relever le défi des biocarburants » (46).

b) La résolution adoptée par le Parlement européen

La proposition de résolution formulée par la commission de l’agriculture et du développement rural a été adoptée par le Parlement européen le 12 mars 2008 avec 510 voix pour, 88 contre et 81 abstentions. Le Parlement européen y rappelle notamment son attachement au modèle agricole européen, c'est-à-dire à une agriculture durable, compétitive et multifonctionnelle, et apporte son soutien à l’approfondissement de la réforme de la PAC initiée en 2003 qu’il considère comme un succès.

Il plaide notamment en faveur d’une simplification administrative de la PAC sans que celle-ci ne se traduise par une renationalisation ou une diminution des soutiens apportés aux agriculteurs. Il rejette l’abandon de toute forme de régulation, soulignant la nécessité pour l’Union européenne de disposer d’instruments contre un éventuel retournement de conjoncture ou de pouvoir faire face en cas d’accidents sanitaires ou de catastrophes climatiques. Enfin, il a exprimé son refus de toute réduction globale du budget du 1er pilier de la PAC et donc son opposition à la modulation supplémentaire des crédits du 1er vers le 2ème pilier, équivalant à une réduction de 8 % des paiements directs aux agriculteurs jusqu’en 2013. Le Parlement européen s’est toutefois rallié au système de modulation progressive en fonction du montant des aides versées proposée par son rapporteur, qui permet d’abonder le 2ème pilier tout en constituant une alternative au plafonnement des aides proposées par la Commission.

Le Parlement européen a par ailleurs formulé un certain nombre de recommandations à l’intention de la Commission européenne. Tout en l’encourageant à poursuivre la politique de découplage des aides directes du 1er pilier, le Parlement l’a mis en garde, estimant que « tout nouveau découplage ne doit intervenir qu’après examen approfondi de ses effets potentiels concernant notamment l’équilibre entre les différents secteurs agricoles, le risque accru de monoculture et les dangers qu’il fait peser sur les secteurs agricoles à forte densité de main d’œuvre », et préconisant le maintien du couplage des primes animales. Les députés ont par ailleurs demandé à ce que la révision de l’article 69 permettent de consacrer des crédits à : des mesures visant à empêcher l’abandon de la production agricole dans certaines zones ; des mesures contribuant à la restructuration et au renforcement des secteurs agricoles clés (comme le secteur bovin) ; des mesures environnementales à la surface (agriculture biologique) ; la gestion des risques, jugeant par ailleurs possible que la dotation de cet article soit portée à 12 % des plafonds nationaux contre 10 % actuellement.

Enfin, de manière générale, le Parlement européen a également pris position sur un certain nombre de points qui pèseront dans le cadre des négociations de la prochaine réforme de la PAC et qui revêtent aux yeux des membres du groupe de travail une importance toute particulière. Dans les considérants de la résolution qu’ils ont adoptée, les députés européens ont ainsi fait référence au modèle agricole européen, soulignant la nécessité de « maintenir les objectifs initiaux de la PAC, récemment réaffirmés dans le traité de Lisbonne » (47) et de tenir compte du contexte international, en particulier de la situation spécifique des pays en voie de développement, concluant que face à l’accroissement de la population mondiale, au changement climatique, à l’augmentation des besoins énergétiques, la suppression progressive du régime de soutien des prix et l’ouverture accrue au marché mondial, « la préservation d’une politique agricole commune est plus indispensable que jamais ». S’agissant plus précisément de la prochaine réforme de la PAC, ils se sont également prononcés en faveur d’un maintien des paiements directs du 1er pilier, y compris après 2013, de la mise en place d’instruments visant à garantir la préférence communautaire (48) et de la défense à l’OMC des spécificités de la production agricole européenne, non seulement en tant que secteur de production alimentaire mais également en tant qu’élément structurant des équilibres territoriaux, de la préservation de l’environnement et de la défense de niveaux adéquats de sécurité alimentaire.

S’agissant des propositions législatives rendues publiques par la Commission européenne le 20 mai 2008, le Parlement européen ne devrait pas officiellement se prononcer à leur sujet avant le mois de novembre 2008 (49). Le rapporteur, M. Manuel Capoulas Santos, a néanmoins déjà exprimé son point de vue lors de la présentation de ces propositions à la Commission de l'agriculture et du développement rural du Parlement européen par la commissaire chargée de l’agriculture, Mme Mariann Fischer Boel. Il a notamment indiqué que ces propositions contenaient des aspects positifs, notamment le nouvel article 68, celui-ci pouvant toutefois « être exploité davantage ». Il a néanmoins regretté que ces propositions pêchent globalement par « un penchant trop libéral et une certaine insensibilité sociale » et « éliminent les plus petits agriculteurs sans résoudre la question du plafond pour les grandes exploitations ».

En conclusion, les propositions avancées par la Commission européenne dans le cadre du bilan de santé apparaissent quelque peu décevantes. La première déception vient du refus d’inscrire le bilan de santé de la PAC dans une réflexion plus large sur l’avenir de politique agricole, son rôle dans le contexte mondial actuel et les objectifs internes qu’elle devra remplir après 2013. En effet, même s’il apparaît souhaitable d’apporter dès aujourd’hui des ajustements ponctuels aux mécanismes de la PAC tels qu’ils résultent de la réforme de 2003, il convient avant tout de préserver notre modèle agricole et d’opérer des choix cohérents en fonction de la vision que l’on a de la politique agricole et des fins qu’elle poursuit. A cet égard, il conviendra d’être extrêmement vigilant afin que ne soient pas prises dans le cadre du bilan de santé des décisions susceptibles d’obérer nos choix pour l’avenir.

L’annonce des grandes lignes de réforme proposées par la Commission européenne n’a ménagé aucune surprise tant son contenu correspond aux fondamentaux idéologiques qui étayent les raisonnements de l’actuelle Commission européenne : primauté du marché, limitation des distorsions constituées par le versement des aides et l’activation des mécanismes de stabilisation, tentatives pour mettre le développement rural au cœur de la politique agricole…

Telle n’est pas la vision de la France. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle notre pays, à qui incombera déjà, durant la présidence française de l’Union européenne, la délicate mission de mener à bien les négociations sur le bilan de santé de la PAC, doit également engager le débat sur la PAC de 2013. Aujourd’hui, de nombreuses inconnues demeurent : l’option libérale de l’actuelle Commission sera-t-elle défendue par la prochaine ? Quelles seront les conséquences de la procédure de codécision ? A quelles évolutions serons-nous confrontés au niveau mondial, sur les marchés et dans les échanges ? Face à ces incertitudes, il convient d’affirmer dès aujourd’hui notre vision de la politique agricole de l’avenir.

III.— LES FONDEMENTS D’UNE PAC EFFICACE, LÉGITIME ET CONFORME AU MODÈLE EUROPÉEN

Les propositions de la Commission européenne dans le cadre du bilan de santé, si elles manquent de souffle et de vision pour l’agriculture européenne et apparaissent donc comme déconnectées des objectifs que l’on souhaite réellement faire remplir à la PAC à l’avenir, n’en constituent pas moins autant de jalons pour l’après-2013, confirmant qu’il convient de se saisir de cette question dès maintenant. A cet égard, lors de son audition à l’Assemblée nationale (50), Mme Mariann Fischer Boel indiquait que « des ajustements étaient donc nécessaires d’ici 2013 pour que la politique agricole continue dans la bonne direction et ouvre la voie à l’après-2013 ».

D’autres États membres affichent clairement leur ambition de se servir du bilan de santé pour prononcer « l’acte de décès » de la PAC, rendant celle-ci responsable de la situation agricole actuelle au niveau mondial. Tel est notamment l’objectif du Royaume-Uni. Ainsi, lors de la réunion des ministres des finances de l’Union européenne du 14 mai 2008, de profondes divergences entre le Royaume-Uni et la France se sont fait jour à propos de la crise alimentaire mondiale, le chancelier britannique de l’Échiquier ayant proposé la suppression de toutes les dispositions de la PAC qui, selon lui, contribuent à maintenir les prix agricoles au-dessus des cours mondiaux, empêchant des ajustements nécessaires (51).

Face à ces attaques, il importe de prendre en considération deux éléments. Tout d’abord, il est nécessaire d’avoir à l’esprit qu’en 2013, une nouvelle donne juridique devra être prise en considération, avec l’instauration de la procédure de codécision du Parlement qui se voit accorder par le traité de Lisbonne de plus larges pouvoirs en matière agricole. Il est certain que l’équation politique sera ainsi amenée à évoluer, les perspectives d’alliance laissant augurer des négociations dont l’issue ne sera pas forcément conforme aux vœux émis par l’actuelle Commission. Enfin, face aux remises en question dont fait l’objet la PAC, il semble indispensable d’écouter la voix des citoyens européens qui s’est exprimée sans équivoque en faveur du maintien d’une politique agricole dans le dernier Eurobaromètre dont la Commission européenne a pris l’initiative (52).

Le modèle agricole européen

En 1997, le Conseil des ministres européens de l’agriculture a initié l’examen des propositions de la Commission regroupées sous le nom d'Agenda 2000 visant à réformer les modalités et le financement de la PAC. En novembre 1997, le Conseil a ainsi adopté un ensemble de conclusions exposant les fondements de la notion de modèle agricole européen, qui comprend un ensemble de valeurs communes aux États membres de l'Union européenne.

Ceux-ci furent donc définis à une époque où l'Europe devait relever de nouveaux défis, à la fois sur le plan interne (défi institutionnel et financier du processus d’élargissement) et externe (accroissement de la concurrence internationale et pressions accrues de l’OMC) et pressentait déjà l’importance des questionnements futurs auxquels elle se trouverait bientôt confrontée : l'incidence de la libéralisation des échanges internationaux sur la compétitivité de l'agriculture européenne, les utilisations non alimentaires des produits agricoles, la multiplication des maladies touchant animaux et végétaux, les effets du changement climatique, mais également de la raréfaction des terres arables et de la ressource en eau dans un contexte d’expansion de la population mondiale.

C’est ainsi qu’en décembre 1997, le Conseil européen de Luxembourg a intégré le modèle agricole européen dans ses conclusions en indiquant que : « l'Union a la volonté de continuer à développer le modèle actuel d'agriculture européenne (…) L'agriculture européenne doit (…) être multifonctionnelle, durable, compétitive, répartie sur tout le territoire européen y compris les régions à problèmes spécifiques ». Il a également affecté un objectif précis au processus de réforme entamé en 1992 exigeant qu’il aboutisse « à des solutions économiquement saines et viables, socialement acceptables et permettant d'assurer des revenus équitables ainsi qu'un juste équilibre entre secteurs de production, producteurs et régions et en évitant les distorsions de concurrence ».

Par la suite, le concept de « modèle agricole européen » et les principes destinés à orienter la future réforme de la PAC ont été approuvés au niveau politique le plus élevé puisqu’en mars 1999, le Conseil européen de Berlin, qui a adopté définitivement les réformes comprises dans le cadre de l’Agenda 2000, a intégré dans ses conclusions, en l’étoffant, cette définition du modèle agricole européen, conservée depuis lors. Extrait :

« 20. Le Conseil européen se félicite de l'accord auquel est parvenu le Conseil "Agriculture" lors de sa session du mois de mars en ce qui concerne une réforme équitable et valable de la politique agricole commune. Le contenu de cette réforme assurera que l'agriculture soit multifonctionnelle, durable, compétitive, répartie sur tout le territoire européen, y compris les régions ayant des problèmes spécifiques, capable d'entretenir le paysage, de maintenir l'espace naturel et d'apporter une contribution essentielle à la vitalité du monde rural, et de répondre aux préoccupations et exigences des consommateurs en matière de qualité et de sûreté des denrées alimentaires, de protection de l'environnement et de préservation du bien-être des animaux. »

Pour soutenir ce modèle agricole, un certain nombre d’objectifs ont été fixés à la politique agricole commune qui figurent à l’article 33 du traité instituant la Communauté européenne, qui n’a pas été modifié par le traité de Lisbonne : garantir la compétitivité de l’agriculture européenne, assurer un revenu équitable aux agriculteurs, stabiliser les marchés, veiller à la sécurité de l’approvisionnement alimentaire de l’Europe à des prix raisonnables. Extrait :

« Article 33

1. La politique agricole commune a pour but :

a) d’accroître la productivité de l’agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu’un emploi optimal des facteurs de production, notamment de la main d’œuvre ;

b) d’assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l’agriculture ;

c) de stabiliser les marchés ;

d) de garantir la sécurité des approvisionnements ;

e) d’assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs. »

A.— QUELS OBJECTIFS POUR UNE NOUVELLE PAC ?

1. Se fixer de vrais impératifs

a) Participer aux équilibres alimentaires mondiaux

Les organisations internationales et les organismes de recherche œuvrant dans le domaine agricole ont tous fait porter ces derniers mois leurs analyses sur la situation des marchés agricoles, la hausse du cours des matières premières et l’envolée des prix des produits alimentaires, produisant des chiffres éloquents. Ainsi, la Banque mondiale estime que l’ensemble des prix alimentaires mondiaux a bondi de 83 % au cours des trois dernières années ; pour le blé, la hausse serait de 181 % (53).

Dans un des documents d’information (54) qu’elle a diffusés lors de la Conférence de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale (3-5 juin 2008), l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) indique que l’indice des prix alimentaires qui lui sert de référence « a augmenté en moyenne de 8 % en 2006 par rapport à l’année précédente, mais de 24 % en 2007 par rapport à 2006. Actuellement, la hausse de la moyenne de l’indice pour les trois premiers mois de 2008 par rapport au 1er trimestre 2007 s’établit à 53 %. L’envolée persistante des prix est due principalement aux huiles végétales, qui ont enregistré une hausse de plus de 97 % durant la même période, suivies par les céréales (87 %), les produits laitiers (58 %) et le riz (46 %) ».

Hausse des cours des matières premières et envolée des prix des produits alimentaires : les clés pour comprendre

Les causes de la flambée des cours sont désormais bien connues même si les observateurs ne s’accordent pas toujours sur la part à attribuer à tel ou tel facteur. Selon le rapport Cyclope 2008 *, trois phénomènes majeurs sont à prendre en compte :

- plusieurs années de croissance à 5 % grâce à l’extraordinaire rattrapage de la Chine et de l’Inde ont provoqué un « choc de demande » tel, que celle-ci est devenue de moins en moins sensible au prix ;


- du côté de l’offre, l’absence, depuis plus d’une dizaine d’années, d’investissements dans le secteur agricole (faible mécanisation, pas d’accès aux intrants ou aux semences les plus performantes) et, plus largement, dans les zones rurales (manque d’infrastructures de transport, problèmes de desserte en eau et en électricité) dans les pays en développement, a entraîné une incapacité des agriculteurs à répondre à l’accroissement de la demande ;

- enfin, l’existence de phénomènes spéculatifs a également joué, ceux-ci étant, en plus, accentués par la crise des subprimes, qui a contribué à orienter les investissements financiers vers des valeurs refuges tels les produits agricoles. Comme le souligne Philippe Chalmin, si la spéculation sur les marchés agricoles ne représente en volume qu’une faible part des liquidités mondiales (environ 200 milliards de dollars sur 5 000 milliards), elle peut avoir des effets considérables sur des marchés aussi étroits que ceux de ces produits. Rappelons en effet que seulement 5 % de la production de riz fait l’objet d’échanges internationaux et que, globalement, le commerce mondial de produits alimentaires ne porte que sur 10 à 15 % de la production mondiale.

Certains éléments conjoncturels sont également entrés en ligne de compte, comme la sécheresse dans plusieurs grands pays producteurs comme la Turquie ou l’Australie, mais qui pourraient néanmoins être absorbés à l’avenir par des phénomènes contraires comme la hausse attendue de la production ukrainienne ou russe, ces pays disposant d’un très fort potentiel. A contrario, d’après la FAO et l’OCDE (Perspectives agricoles pour 2008-2017), les facteurs structurels devraient continuer de pousser les prix à la hausse ces dix prochaines années : les coûts élevés du pétrole qui font grimper les coûts de production, ; la croissance démographique mondiale ; la modification des habitudes alimentaires dans les pays émergents marqués par une consommation accrue de viande ; la demande croissante de produits agricoles pour produire des biocarburants. Ainsi, même si les prix devraient se détendre sous l’effet d’un accroissement de l’offre, ils devraient néanmoins rester durablement plus élevés ces dix prochaines années que les dix dernières : les experts de la FAO et de l’OCDE estiment ainsi à 20 % la hausse des prix pour la viande bovine et porcine, à 30 % celle pour le sucre, de 40 à 60 % celle pour le blé, le maïs et le lait écrémé en poudre, à plus de 60 % celle pour le beurre et les oléagineux, et à plus de 80 % celle pour les huiles végétales.

* Voir l’entretien accordé au Monde par Philippe Chalmin, « Les marchés des matières premières resteront tendus et erratiques en 2008 », 21 mai 2008.

Cette situation menace directement la sécurité alimentaire des populations les plus pauvres (55). En effet, selon le FIDA (fonds international de développement agricole), pour chaque augmentation de 1 % du prix des denrées de base, 16 millions de personnes supplémentaires sont plongés dans l’insécurité alimentaire (56). Les pays en développement, qui sont des importateurs nets de denrées alimentaires, ont été les plus touchés par la conjoncture actuelle : la hausse des prix s'est notamment traduite par une aggravation de la pauvreté, de la malnutrition et de la vulnérabilité des populations les plus fragiles. Ainsi, alors que la croissance affichée par les pays en développement allait permettre de ramener la proportion des populations les plus pauvres (définis comme celles vivant avec moins de 1 dollar par jour) de 29 % de la population mondiale en 1990 à 10 % en 2015, cet objectif est désormais compromis par la hausse des prix. La réduction de la pauvreté dans le monde programmée lors du dernier Sommet mondial de l’alimentation aurait ainsi reculé de sept ans selon les calculs de la Banque mondiale, annulant par là même les améliorations escomptées en termes de santé, de scolarisation, de réduction des inégalités fille-garçon.

Que peut-on faire pour enrayer cette situation ?

A court terme, les pays développés doivent apporter une aide d’urgence aux pays en difficulté. L’augmentation de l’aide alimentaire peut constituer à cet égard une voie de recours, même si elle est par ailleurs de plus en plus contestée (voir infra) ; la France a pour sa part déjà annoncé le doublement de ses crédits d’aide alimentaire qui devraient passer de 30 à 60 millions d’euros par an. L’Organisation des Nations Unies appelle également à combler le déficit de financement de 500 millions de dollars auquel doit faire face le programme alimentaire mondial. Et la Commission européenne préconise, dans une communication adoptée le 20 mai 2008 dans laquelle elle présente des solutions politiques visant à limiter les conséquences de la progression des prix des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux (57), une meilleure coordination internationale face à la crise alimentaire, en particulier dans le cadre de l'ONU et du G8, ainsi qu’une réaction rapide aux besoins humanitaires à court terme.

L’aide alimentaire, une arme commerciale ?

L’aide alimentaire vise à « améliorer la sécurité alimentaire des populations pauvres dans le court et le long termes » (définition de la FAO, 2003).

Depuis 1970, les États-Unis font don en moyenne de 6 millions de tonnes par an de céréales soit 50 à 60 % du total de l’aide alimentaire, d’après les données du Programme alimentaire mondial. L’aide alimentaire constitue en effet pour les États-Unis un instrument important à la fois de politique commerciale et de politique étrangère. La dimension économique de leur contribution humanitaire n’est d’ailleurs pas niée par les autorités américaines. Ainsi, on constate que lorsque les prix augmentent, l’aide diminue considérablement. En effet, l’aide alimentaire américaine n’est pas une aide déliée, c’est-à-dire financière, mais une aide en nature qui permet d’écouler les excédents de stocks publics acquis auprès des producteurs. Le PNUD note à cet égard que l’aide américaine a diminué de 50 % entre 1970 et 1974 alors que les prix avaient presque triplé ; de même, au milieu des années 1990, le volume de l’aide a baissé au moment où les stocks de céréales commençaient à baisser et les cours à progresser *.

* « La situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture », 2006.

La Commission européenne considère par ailleurs que les évolutions proposées dans le cadre bilan de santé de la PAC devraient également contribuer à réduire l’insécurité alimentaire en permettant un accroissement de la production agricole. Dans la mesure où les agricultures locales ne seront pas en mesure de fournir une offre suffisante dans l’immédiat, il est évident que l’impératif de produire, et de produire pour l’alimentation, devra dans un premier temps être relevé par les pays développés. Cette exigence renouvelée bat donc en brèche la vision malthusienne de l’agriculture qui prédominait depuis une dizaine d’années et redonne tout son sens à la politique agricole commune.

Néanmoins, à plus long terme, il est évident qu’il conviendra de créer les conditions favorables à un essor agricole au sein même des pays en développement, et ce d’autant plus que, paradoxalement, 70 % de ceux qui souffrent de la faim sont des paysans. En effet, force est de constater que la priorité donnée aux cultures d’exportation (café, sucre de canne, thé, cacao, caoutchouc, arachide, etc.) a entraîné dans nombre de pays en développement une spécialisation au détriment des cultures vivrières, rendant, d’une part, les populations locales dépendantes des importations pour l’approvisionnement en denrées de base et, d’autre part, l’économie de ces pays globalement dépendantes d’un petit nombre de produits et donc vulnérables au moindre retournement de conjoncture. A cet égard, le démantèlement des accords internationaux par produit a fait disparaître des outils de protection fort utiles qui permettait de stabiliser les prix de ces produits essentiels en maîtrisant l’offre. Par ailleurs les politiques imposées à ces pays par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale depuis la fin des années 1970 en échange d’un rééchelonnement de leur dette les a conduits à réduire voire supprimer les subventions à l’agriculture paysanne et donc a conduit à une stagnation de ce secteur.

Or, comme le dit Bruno Parmentier (58), « on ne nourrira pas l’humanité si chaque zone du monde ne se nourrit pas elle-même ». Pour cela, ces zones doivent mettre en place des politiques agricoles concertées, comme l’a fait l’Europe au sortir de la deuxième guerre mondiale. Faut-il rappeler que la PAC a d’abord été une politique de lutte contre la pénurie, d’où l’objectif d’autosuffisance alimentaire qui lui a d’emblée été assigné ? Comme cela est indiqué dans la première partie de ce rapport, la stratégie européenne a parfaitement réussi : la productivité et la production ont connu une hausse sans précédent après la mise en place des premiers mécanismes protecteurs de la politique agricole commune. S’il convient d’éviter les excès auxquels l’Europe a ensuite été confrontée, il apparaît néanmoins souhaitable de voir s’organiser des zones au sein desquelles le secteur agricole serait protégé grâce à des outils externes (tarifs douaniers) et internes (orientation des productions, stabilisation des marchés). « Un droit réel à la souveraineté alimentaire doit être recherché pour les pays, en même temps qu’un droit de chacun à l’alimentation doit être garanti » (59).

b) Concilier exigence environnementale et compétitivité économique

L’inscription de l’agriculture dans une démarche de développement durable doit désormais être considérée comme un impératif. La prise de conscience de la raréfaction des terres arables et de la salinisation croissante des terres mises en culture, de la nécessaire protection de la ressource en eau, d’une meilleure préservation de la diversité biologique, de la limitation des rejets de dioxyde de carbone (CO2) et enfin des effets du changement climatique constitue une avancée majeure qui doit maintenant s’incarner dans nos politiques agricoles. Il en va non seulement de la sauvegarde de notre environnement mais également de notre sécurité alimentaire. Ces deux questions sont en effet intimement liées. Prenons par exemple le changement climatique : il fait peser des menaces importantes sur les animaux, en facilitant la propagation des maladies (60), mais également sur les végétaux, en influant sur le changement des ravageurs et des parasites et, plus généralement, accroît l’imprévisibilité des phénomènes climatiques (tempêtes, grêle, sécheresse). Il accentue ainsi les tendances actuelles à l’insécurité alimentaire et à la vulnérabilité des populations les plus pauvres, comme le démontrent l’influence des sécheresses en Australie, en Ukraine et en Turquie ces dernières années dans la réduction de l’offre alimentaire disponible au niveau mondial et partant, dans l’orientation à la hausse des marchés agricoles.

A cet égard, la question de la place à accorder, au sein des productions agricoles, aux agrocarburants, dont le principe est bien de contribuer au développement durable en constituant une alternative aux énergies fossiles polluantes, sera fondamental dans les années qui viennent, en raison de la concurrence exacerbée qui se profile, d’une part, entre utilisations alimentaire et non alimentaire des produits agricoles et, d’autre part, entre productions agricoles (61). Si le rôle à attribuer au développement des biocarburants dans la limitation de l’offre de céréales sur le marché de l’alimentation et la hausse du cours de ces produits ces deux dernières années reste sujet à caution (62), on constate néanmoins que certaines politiques très volontaristes ont déjà eu des effets dommageables, comme en témoigne la crise de la tortilla au Mexique. La tortilla est une galette de maïs qui constitue l’aliment de base des mexicains les plus pauvres et dont le prix connaît une hausse sans précédent depuis quelques années en raison de l’augmentation de l’utilisation du maïs aux États-Unis pour produire de l’éthanol. En effet, si jusqu'au milieu des années 1970, le Mexique était autosuffisant en maïs, depuis la signature en 1994 de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), ce pays a eu massivement recours aux importations de maïs américain, dont le volume, en se réduisant sous l’effet de la demande à des fins non alimentaires, a poussé les prix à la hausse. Ainsi, après une majoration de 30 % en trois ans, le prix de la galette aurait augmenté entre 40 % et 100 %, selon les régions, depuis fin 2006 (63). Les États-Unis, premier producteur et exportateur de maïs, ont consacré en 2007 plus de 30 % de leurs récoltes à la production d’éthanol, soit plus de 12 % de la production mondiale de maïs.

Le marché des biocarburants constitue ainsi une source de demande nouvelle et potentiellement substantielle pour un certain nombre de produits alimentaires d’origine agricole tels que le sucre, le maïs, le manioc, les oléagineux et l’huile de palme. Les chocs sur les marchés de l’énergie, et notamment la hausse brutale des cours du pétrole, ont renforcé la demande pour ces produits de substitution, demande par ailleurs soutenue dans de nombreux pays par des subventions publiques et des obligations d’incorporation. D’après l’OCDE, les agriculteurs et transformateurs des États-Unis ont bénéficié d’aides à ce titre à hauteur de 6,7 milliards de dollars, et ceux de l’Union européenne d’environ 4,7 milliards. Comme l’ont bien compris la Commission européenne et la FAO, qui prônent la fin des aides aux cultures énergétiques, il est urgent de réorienter la production de céréales en direction du marché alimentaire et d’accroître la recherche sur les biocarburants de deuxième et troisième générations. La Commission européenne rappelle en outre que l’objectif fixé en 2007 par le Conseil européen n'a jamais été d'atteindre 10 % de biocarburants à tout prix, mais d'atteindre 10 % de biocarburants « dans des conditions strictes ». Ces conditions impliquent un programme durable, réalisable et solide, qui devra notamment faire en sorte que la production n'ait pas d'effets secondaires néfastes, et qui repose sur la viabilité commerciale des biocarburants de seconde génération. Dans sa communication du 20 mai 2008, la Commission plaide ainsi en faveur du développement d’une nouvelle génération de biocarburants, « plus durables ». En effet, la deuxième génération de biocarburants devrait provenir de la matière cellulosique et ligno-cellulosique des plantes, autrement dit principalement du bois et de quelques plantes choisies pour leur capacité à produire de la biomasse facilement transformable en énergie (cellulose, lignine). Comme le souligne Michel Griffon, la liste des plantes disponibles pour de tels usages s’allonge (64). Quant à la troisième génération, elle est encore plus futuriste : il s’agit, tout d’abord, d’algues capables, par la photosynthèse, de produire de l’huile utilisable comme carburant ; la recherche porte également sur les « plantes du futur » permettant de produire des molécules intéressantes dans des environnements peu productifs, tel le pourghère, qui permet de faire de l’huile dans des climats secs ; enfin, le cas de certains micro-organismes est également étudié (65).

Plus largement, la fixation d’impératifs écologiques incontournables et la nécessité de lutter contre les effets du changement climatique nécessiteront désormais d’intégrer plus étroitement la notion de risque dans la conduite des exploitations voire de réviser fondamentalement nos méthodes de production. D’une part, les changements à l’œuvre accroissent l’instabilité de l’environnement dans lequel évoluent les agriculteurs en multipliant la probabilité qu’adviennent des crises climatiques, sanitaires et in fine économiques, et, d’autre part, nos méthodes de production ne semblent pas nécessairement adaptées à relever le défi du développement durable. Dans les pays développés, les systèmes de production impliquent en effet une forte utilisation d’intrants, une mécanisation importante et une spécialisation des cultures qui ont certes permis d’obtenir une agriculture très productive mais sans anticiper les conséquences de ces pratiques sur le long terme. A contrario, si le fait de diversifier son mode d’exploitation ou de le rendre moins gourmand en intrants peut réduire la rentabilité de l’activité agricole sur le court terme, on constate aujourd’hui qu’il contribue à en diminuer la vulnérabilité à venir. L’investissement dans la conservation et la mise en valeur des sols, de l’eau et de la diversité biologique, par exemple en adoptant des techniques culturales permettant de régénérer les terres dégradées, en recyclant l’eau, en replantant haies et taillis, en diversifiant les assolements, en soutenant l’élevage extensif (66), en réinvestissant dans des formes d’exploitations alliant polyculture et élevage ou encore dans le développement de l’agroforesterie, permettrait de contribuer au maintien de la productivité de notre agriculture sur le long terme.

Il convient donc de s’interroger sur les pratiques qui pourraient être adoptées, voire encouragées dans le cadre de la PAC pour mettre en œuvre ce que Michel Griffon a appelé dans son ouvrage éponyme « la révolution doublement verte ». Celle-ci aurait en effet pour objectif de créer les conditions d’un nouvel essor de l’agriculture polluant le moins possible et permettant de réduire la pauvreté : elle serait donc « doublement » verte en alliant à la fois productivité et durabilité. Bruno Parmentier, directeur de l’ESA, auteur du livre « Nourrir l’humanité » estime à cet égard que des éléments comme la productivité par litre d’eau ou par litre d’équivalent pétrole ou encore par litre de gaz carbonique rejeté dans l’atmosphère devraient désormais être pris en compte. Des outils existent cependant déjà. En effet, les aides aux investissements prévues au titre de l’axe 1 de la politique de développement rural (67) peuvent être ciblées sur l’acquisition de machines et d’équipements permettant d’économiser l’énergie, l’eau et d’autres apports, ainsi que sur la production de matières premières entrant dans l’élaboration des énergies renouvelables, que ce soit pour une utilisation sur l’exploitation ou en dehors de celle-ci. Les mesures agro-environnementales et sylvicoles au titre de l’axe 2 peuvent également être utilisées en particulier pour des actions concernant la biodiversité, la gestion de l’eau et la lutte contre le changement climatique. Enfin, des projets locaux concernant les énergies renouvelables peuvent bénéficier d’une aide au titre des axes 3 et 4. A l’inverse, on pourrait également envisager d’avoir recours à la conditionnalité, eu égard aux conséquences positives de son instauration sur la conduite des exploitations : celle-ci pourrait constituer un excellent moyen de faire évoluer les pratiques.

Enfin, une réelle politique forestière commune devrait être mise en œuvre alors que les actions de l’Union européenne se limitent pour l’heure à quelques mesures éparses au sein du 2ème pilier (68). La forêt représente en effet 25 à 30 % de la surface des États membres et est régulièrement menacée de destruction (feu, tempête) en l’absence d’intervention de l’homme. Sa capacité de mobilisation est donc très importante, que ce soit pour produire du bois, mais également stocker du carbone. Ainsi, une gestion renouvelée de la forêt européenne permettrait de produire plus de bois tout en protégeant mieux la biodiversité et en concourant à l’objectif de 20 % d’énergies renouvelables dégagé par le Grenelle de l’environnement. A cet égard, M. Pierre-Olivier Drège, directeur général de l’Office national des forêts, regrette que les Landes et le Var soient des départements sous-exploités, laissés à la proie des flammes (69). Le développement des investissements dans la conservation et une gestion saine des forêts exigent cependant au préalable que l’on se penche sur les contraintes et les incitations liées aux régimes forestiers : la fiscalité forestière, de conception patrimoniale, doit évoluer vers une fonction plus productive, les travaux en forêt doivent être plus encouragés, ainsi que l’intégration de stratégies forestières dans le développement des territoires. Enfin, il conviendrait de revenir sur la décision prise à Kyoto de ne pas prendre en compte la forêt dans les actions bénéfiques concernant le stockage du carbone : une révision de cette clause procurerait en effet des recettes non budgétaires qui pourraient ensuite être utilisées pour conduire de futures actions en forêt.

c) Prendre en compte les aspirations des citoyens européens

En dépit de liens distendus avec le milieu agricole, les Français restent attachés à leur agriculture et portent de l’estime aux agriculteurs dont ils considèrent à 94 % qu’ils sont nécessaires au maintien de la vie à la campagne et à 88 % à l’entretien des paysages ruraux (70). Ils sont par ailleurs près de 75 % à juger que ces derniers ne sont pas bien rémunérés pour leur travail, travail dans lequel ils ont confiance, qu’il s’agisse de qualité des produits (79 %) ou de sécurité alimentaire (74 %). Les seules critiques émises se focalisent sur le respect de l’environnement, seul un Français sur deux accordant sa confiance aux agriculteurs sur ce thème. Néanmoins, lorsqu’on les interroge sur les sources de pollutions les plus nuisibles à l’environnement, les Français classent l’agriculture en dernière position, loin derrière l’industrie et les transports. Par ailleurs, sept Français sur dix jugent que le respect de l’environnement dans les exploitations agricoles s’améliore. Il apparaît donc évident qu’un des facteurs d’acceptation de la PAC par les publics français et européen réside dans sa capacité à promouvoir une agriculture respectueuse de l’environnement et à encourager son orientation vers le développement durable. Une écrasante majorité de citoyens européens soutient ainsi le principe de conditionnalité qui recueille entre 85 et 88 % d’opinions favorables (71).

En dépit de ces nouvelles exigences, la fonction première de l’agriculture reste néanmoins pour les Français de fournir des produits à des prix accessibles au plus grand nombre. La garantie de la qualité arrive en deuxième position et le respect de l’environnement arrive seulement en troisième. La question du pouvoir d’achat reste en effet la préoccupation majeure des Français. Malgré le recul en termes réels du panier alimentaire dans les dépenses des ménages, une grande majorité d’entre eux continuent de penser que le poids des dépenses alimentaires reste lourd dans l’ensemble de leurs dépenses et ils sont globalement réticents à toute hausse des prix. A cet égard, seuls six Français sur dix déclarent être prêts à payer plus cher des produits respectant mieux l’environnement selon le baromètre de la confiance 2007 d’Opinion way. Cette tendance se retrouve d’ailleurs au niveau communautaire où 43 % des personnes interrogées, en progression de huit points par rapport en 2006, estiment que garantir des niveaux de prix raisonnables pour les denrées alimentaires doit constituer une priorité politique selon les résultats de l’enquête demandée à TNS Opinion par la direction générale de l’agriculture et du développement rural de la Commission européenne (mars 2008).

En conclusion, on soulignera que les Français, comme les autres citoyens européens, continuent de penser que leur agriculture est un atout qu’il convient de préserver pour l’avenir (90 % des Français), au même titre que l’indépendance alimentaire de l’Europe. A cet égard, les Français semblent d’ores et déjà précurseurs dans la mise en œuvre de la préférence communautaire : ils ne sont en effet que 8 % à penser qu’il vaudrait mieux privilégier les importations de produits si cela permet de faire baisser les prix des produits, considérant que notre agriculture est un gage de meilleure sécurité alimentaire (87 %), de meilleure qualité (84 %), de meilleur respect des conditions de travail (71 %) et de meilleur respect de l’environnement (51 %). Les citoyens communautaires interrogés sont, quant à eux, à 86 % à exiger que toutes les importations de produits agricoles et alimentaires soient conformes à des normes d’hygiène et de qualité.

L’agriculture et l’espace rural continuent ainsi de jouer un rôle essentiel, 89 % des personnes interrogées pour l’Eurobaromètre déclarant qu’il s’agit là de questions vitales pour l’avenir de l’Europe. En conséquence, environ six personnes sur dix (58 %) considère que le budget affecté à la PAC doit rester inchangé, voire augmenter au cours des années à venir (seuls 18 % des citoyens européens pensent qu’il devrait diminuer). Ainsi, contrairement à ce que voudraient faire croire certains opposants à la PAC, les contribuables et consommateurs européens sont attachés à cette politique qu’ils plébiscitent pour ces résultats, en dépit de son coût.

2. Se délier de fausses contraintes

a) Eviter le haro budgétaire sur la PAC

Les problèmes budgétaires liés au financement de la PAC ont toujours masqué des divergences profondes entre les États membres sur le bien-fondé d’une telle politique. Historiquement, le système prévu par le Traité de Rome était simple. Les ressources étaient des ressources communautaires, c'est-à-dire des ressources fiscales relevant de la souveraineté fiscale des États membres ayant un lien avec l’objet économique des Communautés : les droits de douane industriels et leurs équivalents agricoles. Comme l’a exposé M. Alain Lamassoure, député européen, devant la Délégation pour l’Union européenne : « Le système a commencé à se détraquer au début des années quatre-vingts en raison d’un « effet de ciseaux » : simultanément, les ressources ont diminué car les droits de douane ont été considérablement réduits dans le cadre du GATT, tandis que les dépenses augmentaient avec la mise en place d’une politique de cohésion ambitieuse » (72). Ainsi, c’est sur ce fondement que les Britanniques ont obtenu en 1984 le rabais de leur contribution, au motif que leur secteur agricole était relativement limité en proportion de son produit intérieur brut.

Si les dépenses budgétaires se sont accrues à un rythme soutenu jusqu’en 1997, elles se sont ensuite stabilisées grâce à la maîtrise des productions (voir supra les réformes de 1992 et 1999). Depuis l’accord conclu en 2002 au Conseil européen de Bruxelles, la PAC dispose d’un budget garanti jusqu’en 2013. La Commission doit remettre en 2008-2009 un rapport sur l’avenir du budget européen qui traitera notamment de la PAC et du rabais britannique. Il est certain qu’un bras de fer va s’engager entre certains États membres, comme la France, soucieux de préserver le compromis trouvé à Luxembourg, et d’autres partenaires, comme le Royaume-Uni, qui souhaitent une modification profonde du financement de la PAC, en particulier une remise en cause du principe de solidarité financière ouvrant ainsi la voie à une renationalisation.

Cependant l’équation budgétaire est trop souvent réduite à la négociation entre les bénéfices retirés par la France de la PAC et le rabais britannique. Comme l’a rappelé M. Alain Lamassoure, devant le groupe de travail (73), très peu ont pris conscience que la France serait en 2013 contributrice nette au budget de la PAC, ce qui aura pour effet de changer la donne de la négociation. En effet, la France est encore en 2007 le premier bénéficiaire de cette politique avec un taux de retour de 21,6 % en 2004 et de 20,7 % en 2005 (74). La montée en puissance des aides directes dans les nouveaux États membres sur la période 2005-2013 conduira mathématiquement à une érosion progressive du taux de retour de la France sur le 1er pilier de la PAC, celui-ci étant voué in fine à être inférieur au taux de 2005 (75).

Il est donc nécessaire d’élargir la problématique budgétaire en prenant en compte un certain nombre de considérations de fond.

Tout d’abord, la PAC a joué un rôle fondamental dans le développement du fait européen. Si l’Union européenne existe et si l’euro a pu être créé, c’est parce que la PAC existait. Tel est le sens des propos de M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche lorsqu’il rappelle que : « depuis 1962, la PAC constitue la première, voire la seule politique économique européenne car elle mutualise les politiques nationales à un degré d’intégration qui n’a jamais été atteint par aucune autre politique ». Ceci explique qu’elle représente une part importante du PIB européen. Et si elle ne concerne directement que 5 % de la population, elle s’adresse néanmoins à l’ensemble des citoyens européens, à travers sa fonction de production alimentaire mais également à travers les biens publics qu’elle génère : préservation de l’environnement et de l’activité en milieu rural, lutte contre la désertification, entretien des territoires.

C’est pourquoi la question du choix entre la poursuite de la PAC et le développement d’autres actions de l’Union prévus par la stratégie de Lisbonne est spécieuse : il est possible de faire à la fois de la recherche et de la politique agricole ! Par ailleurs, il faut noter que pour la deuxième année consécutive, la Commission Barroso propose d’accorder en 2009 la plus large part du budget à la croissance et l’emploi (45 %) avant les dépenses agricoles (43 %). Les fonds dévolus à l’agriculture (42,9 milliards d’euros) resteront en outre stables en valeur absolue, ce qui, de fait, correspond à une baisse en valeur relative. Mais l’enquête précitée sur l’opinion des citoyens sur la PAC est très significative : le poids du budget agricole est bien accepté par 58 % des européens et environ six personnes sur dix ont le sentiment que le budget agricole de l’Union européenne devrait rester inchangé ou augmenter au cours des années à venir.

Cependant, compte tenu de la baisse inéluctable en valeur absolue de la part consacrée à la politique agricole et de la nécessité de dégager des fonds pour d’autres mesures, un redéploiement de crédits est indispensable. Celui-ci devra se faire dans un souci d’équité à la fois entre les différentes productions et entre les différents États membres dont il ne faut pas oublier que certains, parmi les plus récents adhérents de l’Union, ont des marges de manœuvres budgétaires limitées : toute renationalisation de la PAC pourrait ainsi être dommageable au développement de leur agriculture.

Enfin, un éventuel redéploiement de crédits devra également impliquer plus de flexibilité. Il existe en effet au sein du budget européen des fonds destinés à faire face à des dépenses imprévues. M. Alain Lamassoure a indiqué au groupe de travail que bien qu’ils n’aient jamais été employés pour l’agriculture, rien ne s’opposait à un tel scénario (76). La création d’un fonds spécifique dans le cadre de la PAC permettant de pallier les aléas auxquels doit faire face le secteur agricole, serait donc envisageable, et ce d’autant plus que l’instauration d’un tel instrument resterait compatible avec l’interdiction faite à l’Union européenne d’être en déficit. Il faut d’ailleurs noter que dans l’avant-projet de budget pour 2009, une marge importante est laissée dans la rubrique « Développement rural, environnement et pêche » par rapport au plafond prévu par le cadre financier 2007-2013 afin que l’Union européenne puisse réagir en cas d’événements soudains comme la flambée des prix alimentaires.

b) Se départir de tout angélisme dans les négociations à l’OMC

Les négociations du cycle de Doha à l’OMC achoppent depuis quelques années sur la question agricole. Cet état de fait, qui peut sembler quelque peu paradoxal pour des produits qui ne portent en fait que sur 10 % de l’ensemble des échanges mondiaux, souligne à quel point le secteur agricole reste stratégique et constitue ne composante forte de la souveraineté alimentaire de nombreux États.

La PAC a notamment fait l’objet d’une attaque en règle de la part du ministre des finances britannique qui a demandé d’ouvrir le marché européen aux producteurs des pays en voie de développement « estimant inacceptable que l’Union maintienne des droits de douane très élevés sur de nombreuses matières premières agricoles ». L’argument est connu et les problèmes alimentaires actuels sont l’occasion pour certains de redire que les sommes versées aux exploitants agricoles européens encouragent les surproductions qui sont ensuite écoulées sur le marché mondial grâce aux subventions. La conséquence en serait une baisse des prix agricoles internationaux, encourageant les pays pauvres à importer, les décourageant de structurer leur propre production et donc d’exporter. Toutefois, si, comme l’explique Philippe Chalmin, il y a bien une responsabilité des subventions des pays riches, « cette responsabilité est le fait (…) d’avoir contribué à maintenir cette illusion de l’abondance et des prix bas. Donc dans une certaine mesure, nos excédents des années 1980 et 1990 ont incité les pays pauvres à ne pas se préparer à ce que nous vivons aujourd’hui » (77).

Cette analyse n’est toutefois pas applicable à la PAC issue de la réforme de 2003 : en effet, elle fait fi du découplage des aides à la production et de la faible utilisation des mécanismes de marché. Par ailleurs, elle est non seulement dépassée mais elle est également biaisée. Ce sont en effet les mêmes idéologues qui expliquent que la PAC détruit les économies du Sud et qui, dans le cadre de l’OMC, obligent les pays en développement à renoncer aux accords préférentiels avec l’Union européenne dont ils bénéficiaient jusqu’alors.

L’Union européenne a ainsi déjà réduit considérablement les distorsions de concurrence qui pouvaient être reprochées à la PAC. Les outils de maîtrise de la production ont été réformés au maximum et les aides à l’agriculture intégrées majoritairement dans le cadre de la boîte verte (aides découplées subordonnées au respect de certaines normes environnementales, de bien-être animal et de qualité des produits). Ce découplage a rapproché les prix européens des niveaux mondiaux et réorienté une partie des aides vers des actions de développement rural. Par ailleurs, l’Union européenne a énormément diminué ses subventions à l’exportation depuis le début des années 1990 : de 9,5 milliards d’euros en 1992, elles sont passées à 1,4 milliard en 2007 et devraient atteindre 350 millions d’euros en 2009 selon les prévisions de la Commission européenne. L’Union européenne est ainsi allée au-delà de ses engagements initiaux sans être réellement payée de retour. C’est pourquoi toute nouvelle concession éventuelle ne pourra désormais être accordée qu’en échange d’efforts équivalents de la part de nos partenaires commerciaux, notamment sur la question des restitutions à l’exportation.

Faut-il renoncer aux restitutions à l’exportation ?

Alors qu’ils se montrent particulièrement critiques vis-à-vis de la politique agricole de l’Union européenne, les pays du groupe de Cairns n’apparaissent pas particulièrement vertueux sur la question du soutien public aux exportations. Le Canada, l’Australie et la Nouvelle Zélande disposent en effet d’entreprises commerciales d’État qui bénéficient d’un quasi-monopole d’importation et d’exportation pour quelques grands produits comme les céréales, le lait ou la viande. Ces entreprises fonctionnent de manière assez opaque et permettent de toute évidence de déconnecter à la fois le prix d’achat aux producteurs et le prix de vente sur les marchés mondiaux mais également de différencier ces prix de vente sur les marchés mondiaux en fonction de la concurrence qui s’y exerce. Les États-Unis mettent en œuvre pour leur part une politique de crédit à l’exportation dont les paramètres en terme de taux pratiqués, de durées de remboursement et de modalités de recouvrement en font une aide indirecte mais efficace de commercialisation de leurs produits sur les marchés des pays tiers.
Cette problématique des subventions à l’exportation est donc fondamentalement liée à la question des restitutions aux exportations. Si l’Union européenne s’est bien engagée dans le cadre de l’OMC (Conférence de Hong Kong, 2004) à supprimer ces mécanismes d’ici 2013, elle l’a fait à la condition expresse que ses partenaires commerciaux renoncent également à leurs propres systèmes de subventions à l’exportation : crédit à l’exportation, entreprises commerciales d’État et aide alimentaire en nature.

Rappelons que les restitutions à l’exportation permettent de compenser la différence entre les prix intérieurs communautaires des produits agricoles et les prix sur le marché mondial, dont il faut signaler qu’ils ne reflètent aucune réalité économique tangible mais correspondent à l’infime part des produits agricoles mis sur le marché par les gros pays exportateurs, le commerce mondial des produits agricoles et alimentaires ne dépassant pas 10 % à 15 % de la production mondiale. Si la mise en
œuvre des restitutions à l’exportation, en facilitant l’écoulement des excédents de la production européenne, a pu avoir des effets pervers, par le passé, sur les productions agricoles des pays en développement, leur démantèlement est essentiellement réclamé par des pays fortement exportateurs de matières de base, comme l’Australie ou les États-Unis, qui ne se gênent pas pour soutenir leurs exportations. En l’état actuel des choses, il serait donc absurde que l’Europe se prive d’un tel mécanisme.

La vigilance est donc de mise dans la poursuite des négociations du cycle de Doha. Comme l’a indiqué M. Michel Barnier « Nous serons très vigilants parce que nous savons qu’un mauvais accord, c'est-à-dire un accord déséquilibré qui ne serait pas réciproque et qui traiterait uniquement de la question agricole sans la relier aux autres serait un mauvais accord pour les agriculteurs européens et français et encore plus un accord désastreux pour les pays les plus pauvres ». Les États membres ont ainsi lancé un appel à la prudence critiquant ouvertement le déséquilibre des négociations en cours.

En outre, comme l’illustre l’encadré supra, de nombreux autres pays utilisent des outils de soutien à la production ou à l’exportation qui constituent autant d’instruments entraînant des distorsions de concurrence. Ainsi la plupart des pays développés membres de l’OMC qui se montrent critiques à l’égard de la PAC ont recours eux-mêmes à des formes de subventions généralement moins transparentes que celles de l’Union européenne. Ce sont essentiellement les monopoles à l’exportation des pays du groupe de Cairns (Australian wheat Board, par exemple), les crédits à l’exportation et les « marketing loans » (78) accordés par le gouvernement américain. Ceux-ci constituent des outils traditionnels de la politique agricole des États-Unis initiés dès 1929, et renforcés dans les années 1970. Leur particularité est qu’ils peuvent être considérés à la fois comme des instruments directs de soutien interne et des instruments indirects de subvention à l’exportation. Or cette double nature n’est pas prise en compte dans le cadre de l’OMC puisqu’ils sont notifiés comme instruments de soutien interne et soumis uniquement aux disciplines correspondantes (plafonnement global du soutien de la boîte orange).

Mme Elisabeth Berry, ministre conseiller au bureau des affaires agricoles de l’ambassade des États-Unis a été entendue par le groupe de travail et est venue présenter ce qui était alors le projet de prochain « Farm bill » (79). Depuis, ce projet est presque devenu définitif (80). Malgré la hausse des cours mondiaux des matières premières agricoles, le montant des subventions n’a pas été revu à la baisse : le montant des aides financières directes aux agriculteurs américains est ainsi estimé à près de 300 milliards de dollars sur cinq ans (81). Et les principaux mécanismes de soutien utilisés dans le cadre de la politique agricole américaine restent en place.

A cet égard ne serait-il pas temps pour l’OMC d’admettre et de reconnaître l’existence des politiques agricoles car tous les pays du monde, depuis l’Antiquité, ont développé des politiques agricoles. Le cas du Japon, rarement cité, est à cet égard extrêmement intéressant : très attaché à sa souveraineté alimentaire, ce pays fortement peuplé, disposant de peu de terres arables, figure parmi les plus gros importateurs nets de produits alimentaires. Toutefois, alors qu’il est parallèlement un gros pays exportateur de produits industriels et qu’il aurait pu faire le choix de négliger son secteur agricole, il a au contraire choisi de subventionner massivement son agriculture et de taxer très fortement les importations de riz (300 %) afin de maintenir des paysans dans les rizières et d’assurer en toutes circonstances une bonne partie de l’alimentation de base de sa population. Ainsi, depuis le milieu des années 1980, le Japon est le pays de l’OCDE où le soutien aux producteurs est le plus élevé ; un nouveau plan d’accroissement de l’autosuffisance alimentaire japonaise a par ailleurs été adopté en 2005 fixant des objectifs précis à réaliser d’ici 2015.

Dans ce contexte, plutôt que de vouloir à toutes fins conclure les négociations du cycle de Doha sur les bases actuelles qui ne bénéficieraient qu’aux grands pays agro-exportateurs, il conviendrait d’initier, le cas échéant au sein d’une nouvelle instance dont les préoccupations ne seraient pas que commerciales, une réflexion de fond sur les moyens d’assurer la sécurité alimentaire mondiale : comment être en mesure de produire durablement davantage, comment réorienter l’aide publique au développement vers l’agriculture et comment remettre le développement au cœur des négociations commerciales ?

c) Promouvoir l’exception agricole

Un des credo de la Commission européenne et de certains États membres est de « laisser faire le marché ». Sur son blog, Mme Mariann Fisher Boel déclare que : « Les agriculteurs européens doivent être compétitifs sur le marché mondial. Ils doivent être libres de produire en fonction de ce que veut le marché et répondre au défi d’une demande en croissance ». Cette analyse, qui prévaut par exemple dans les réflexions menées par la Commission sur la suppression à terme des quotas laitiers (82), repose sur l’application d’un modèle économique de référence – le modèle FAPRI (83) – qui n’intègre pas de critère spécifique à l’agriculture et qui considère a priori que la demande est élastique par rapport au prix. Mais ce modèle est dépourvu de certaines variables élémentaires comme par exemple la spécificité du risque agricole. Ainsi, pour préconiser l’abandon de certains moyens de régulation comme les quotas laitiers, ce modèle part de l’hypothèse que les prix resteront élevés et ne prend en compte que les risques liés par exemple aux changements climatiques.

Cette pétition de principe oublie que le marché agricole n’est pas comparable aux autres marchés dans la mesure où l’ajustement de l’offre à la demande n’est pas automatique. En prônant une libéralisation de l’agriculture, et en partant du principe que le libre jeu du marché suffira à équilibrer l’offre et la demande sans heurts, on fait semblant d’ignorer que la volatilité est inhérente au secteur agricole.

Prenons l’offre agricole : celle-ci se caractérise notamment par la mise en œuvre d’un processus de production qui s’étale dans le temps. Cette considération prévaut notamment dans certains secteurs d’activité comme l’élevage bovin ou la viticulture, où entre la décision d’investir et les premières recettes liées à cet investissement, plusieurs années peuvent s’écouler. Mais elle s’applique également aux cultures soumises aux aléas météorologiques : on sait ce que l’on plante et l’on ne sait pas ce que l’on récoltera. L’offre est donc rigide et peut présenter le risque d’une mauvaise adaptation à la demande dans le temps. On peut noter à cet égard que le découplage des aides dans le cadre de la PAC constitue un facteur de neutralité dans les choix de production dans la mesure où, en tout état de cause, les aides seront les mêmes. Quant à la demande, elle est plus ou moins instable selon les produits et la possibilité d’en substituer certains à d’autres (légumes/féculents, fruits frais/produits laitiers).

Les experts considèrent qu’il existe trois risques spécifiques au secteur agricole susceptibles de provoquer la volatilité des prix :

– l’irréversibilité des décisions prises par les exploitants agricoles, cette irréversibilité étant particulièrement marquée dans le secteur de l’élevage ou pour les cultures pérennes (viticulture, arboriculture), où les décisions d’arrêt de production sont en règle générale définitives. Cet état de fait contraste d’ailleurs avec les propos de la commissaire européenne en charge de l’agriculture, Mme Mariann Fischer Boel, qui n’hésitait pas dans un entretien récent à recommander d’« inciter les agriculteurs à changer de produits quand ils ne les écoulent pas » (84;

– les risques climatiques et sanitaires. Ainsi la sécheresse dans certains grands pays producteurs comme l’Australie a mis fin en 2007 à des années de baisse des prix du vin (85) liée à la concurrence accrue des productions des pays du Nouveau Monde ;

– l’impact de la spéculation et de la financiarisation de l’agriculture.

Alors que cette fragilité, inhérente à l’agriculture, devrait être reconnue, justifiant l’instauration de mécanismes stabilisateurs, on assiste aujourd’hui, sous la pression de l’OMC, à une régression dans l’utilisation au niveau européen des instruments de régulation existants, et cette disparition contribue elle-même à alimenter l’instabilité des prix, qui a aujourd’hui des conséquences dramatiques dans les pays les plus pauvres ou ceux dépendant d’une ou deux denrées agricoles exportées. En effet, ce n’est pas de n’importe quels biens de consommation qu’il s’agit mais de denrées alimentaires indispensables à la survie de l’espèce humaine. C’est aussi pour cela que l’agriculture doit être protégée et doit faire l’objet d’une véritable « exception ». L’alimentation n’est en outre pas le seul enjeu stratégique que recouvre le secteur agricole, auquel est désormais attachée la production d’un certain nombre de biens publics comme la préservation de l’environnement et du milieu rural ou encore la production énergétique.

Il est donc temps que l’on dispose d’un outil d’analyse international incontestable du secteur agricole car c’est sur des préjugés sans fondement que l’on réforme la PAC et que l’on traite de l’agriculture au niveau international, sans prendre en compte les enjeux que représente l’agriculture pour l’avenir de l’humanité, au-delà des questions purement commerciales.

Source : document remis par le MOMAGRI lors de son audition du 15 janvier 2008

B.— QUELS MOYENS POUR CETTE NOUVELLE PAC ?

Pour la PAC d’après 2013, deux conceptions s’affrontent. La première tend à démanteler les outils traditionnels de la politique agricole en la limitant à un soutien aux agriculteurs prenant uniquement en compte le coût des contraintes liées à l’exercice de leur métier et aux sujétions spécifiques qui leur incombent. Pour le reste de leur revenu, les agriculteurs devront « répondre aux signaux du marché ». Cette conception implique un découplage et une régionalisation des aides : elle est celle d’un certain nombre d’États membres, principalement des pays du Nord de l’Europe, et est déjà de fait mise en œuvre dans les dix nouveaux pays adhérents qui ont fait le choix de la régionalisation des aides (86). L’autre vision repose sur l’idée fondamentale selon laquelle le secteur agricole est caractérisé par une instabilité et une insécurité croissante, et postule qu’en conséquence les marchés agricoles ont besoin d’être régulés. Elle implique de disposer d’outils permettant d’orienter l’offre (aides liées –du moins en partie– à la production) et de disposer d’outils de gestion des risques sanitaires, climatiques et économiques.

Le problème est donc de savoir quel outil efficace de régulation préserver, renforcer ou inventer au service de cette vision de l’agriculture.

Lors de son audition du 25 mars 2008 par la commission des affaires économiques et la délégation pour l’Union européenne, M. Michel Barnier avait à cet égard insisté sur la nécessité de disposer de la « bonne boîte à outils » qui permette de rénover les mécanismes de stabilisation des marchés et de parvenir à un meilleur équilibre entre les productions et les niveaux de soutien, plus en phase avec les réalités du marché et les objectifs d’une agriculture durable.

Cette boîte à outils doit en outre être complétée par une boîte à idées : on ne pourra en effet durablement protéger notre modèle agricole que si l’Union européenne promeut sa conception de la politique agricole au niveau mondial, que ce soit en faisant entendre sa voix à l’OMC ou en contribuant à l’émergence d’une nouvelle gouvernance mondiale de l’agriculture.

Dans cette perspective, le groupe de travail souhaite tracer des voies possibles d’évolution de la PAC.

L’après-2013 dans les régions ultra périphériques

Le contexte :

Le contexte général dans les régions ultra périphériques (RUP) est, d'une manière générale, sensiblement différent de celui de la métropole.

Dans le domaine agricole, les aides européennes en faveur des RUP sont d'autant plus importantes qu'elles viennent compenser des handicaps structurels lourds en raison, d'une part, de la configuration géographique de ces territoires (insularité, zones de montagne, éloignement de la métropole, pression foncière sur les surfaces agricoles disponibles), et, d'autre part, des contraintes du contexte économique et social (forte dépendance à l'égard des importations, agriculture plutôt extensive, marché étroit, environnement économique régional marqué par des coûts de production très bas).


Plus qu’en métropole, la politique de soutien de la production agricole doit prendre en compte les particularismes qui régissent les productions agricoles outre-mer.
En effet, la situation des départements d'Outre-mer (DOM) se caractérise, entre autres, par une insuffisance chronique de la couverture des besoins alimentaires entraînant un niveau d'importation élevé.

Parallèlement, sous l'effet de la pression démographique, plus ou moins importante selon les DOM, l'agriculture peine à se développer tant en termes de surfaces que de volume de production. Pour tenter d’y remédier, les producteurs ont fait appel à des techniques agricoles plus intensives qui sont également plus gourmandes en termes de capital et d'intrants. Cette double évolution a donc accentué la baisse des revenus agricoles qui s'est accélérée depuis peu sous l'effet de l'augmentation du coût des consommations intermédiaires.

Les objectifs et les priorités :

Compte tenu de toutes ces spécificités et de la neutralité des effets du bilan de santé de la PAC à l'égard des RUP, il convient dès à présent de se projeter sur l'après 2013 en insistant essentiellement sur trois objectifs :

- garantir la sécurité alimentaire locale et le respect de l'environnement ;

- intégrer les effets de la préférence communautaire dans un environnement où les Accords de Partenariat Economique (APE) avec les pays d'Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP) peuvent avoir de lourdes conséquences. Il convient donc de lier la réflexion sur les objectifs de l'après 2013 aux évolutions des APE ;

- maintenir l'aide aux surcoûts pour pallier notamment les conséquences économiques qui découlent directement de l'obligation d'importation d'intrants communautaires.


Une très grande majorité d'acteurs ultramarins sont donc favorables à l'anticipation des discussions pour l'après 2013 sous la présidence française de l'Union européenne qui débutera à partir du mois de juillet. Dans cette perspective, il est possible de s’appuyer sur les conclusions des débats organisés dans les départements d'Outre-mer à l'occasion du bilan de santé de la PAC, qui ont mis en avant différentes priorités :

- la mise en
œuvre d'un prélèvement élevé qui alimenterait un troisième pilier non cofinancé dont l'objet serait, d'une part, la gestion des risques sanitaires, climatiques et économiques et, d'autre part, le soutien des productions en zones difficiles ;

- la prise en compte d'une modulation réversible des prélèvements en fonction des évolutions conjoncturelles propres à chaque production ;

- la conservation du couplage des aides à la production afin d'inciter les agriculteurs ultramarins à développer le niveau de celle-ci pour, d'une part, limiter au mieux les importations et, d'autre part, maintenir le caractère multifonctionnel de l'agriculture dans le tissu économique et social ainsi que dans l'aménagement et la conservation environnementale du territoire ;

- la possibilité de moduler les aides en fonction des actifs et de la taille des exploitations ;

- la mise en
œuvre d'une franchise oscillant de 5 000 à 12 000 euros et d'une exonération pour les petites et très petites exploitations ainsi que pour les exploitations produisant sous le signe de la qualité ;

- enfin, pour les départements ultramarins dotés de faibles DPU, permettre le redéploiement des aides du 1er pilier en prenant en considération les impacts découlant du prélèvement.

1. Consolider et réorienter les aides

La question de la répartition des aides entre les régions, productions et exploitations n’est pas nouvelle et elle a été rendue plus visible par la substitution progressive de la politique des prix garantis à une politique de soutien direct aux agriculteurs. La mise à disposition sur le site Internet de la Commission européenne des données concernant l’attribution des aides directes n’est d’ailleurs pas étrangère à ce débat (87). Par ailleurs, le découplage, qui rompt le lien entre l’aide et la production, est un des facteurs qui contribue a priori à rendre ces aides moins légitimes. Il convient néanmoins de rappeler que plus de 80 % des exploitants de l’Union européenne reçoivent moins de 5 000 euros d’aides directes, seuil de déclenchement de la modulation obligatoire (88).

Les paiements directs regroupés en un droit à paiement unique constituent le principal poste budgétaire de la PAC, représentant plus de 75 % des soutiens à l’agriculture. Ces paiements sont par ailleurs de plus en plus découplés de la production même s’ils restent liés à l’acte de produire. Or la fonction productive de l’agriculture est plus que jamais primordiale, comme l’a rappelé le ministre de l’agriculture et de la pêche : « Produire pour nourrir redevient d’actualité, après avoir été contesté » ((89).

A cet égard, le renforcement du 2ème pilier ne doit pas se faire au détriment du premier et doit bénéficier au premier chef au secteur agricole. Mais il est également envisageable de réintroduire au sein du 1er pilier des notions jusque là contenues dans le second, comme l’orientation vers une agriculture durable, respectueuse de l’environnement.

Le groupe de travail s’oppose par ailleurs avec fermeté à une uniformisation et une régionalisation des aides du 1er pilier : un redéploiement devrait a contrario conduire à une différenciation des aides afin d’encourager les filières et les productions qui en ont le plus besoin ou que l’on souhaite promouvoir en raison des externalités positives qu’elles génèrent. On peut notamment penser à la production ovine, la production laitière, l’agriculture biologique et, plus généralement, aux productions sous signe de qualité, au blé dur, au veau sous la mère et à la production caprine. Il s’agit là de propositions qui se sont fait jour dans le cadre des débats sur la PAC organisés dans chaque département au sein des chambres d’agriculture (90).

Le maintien d’un certain taux de couplage, pour la production bovine notamment, et la mise en place d’une véritable politique de l’herbe apparaissent également indispensables pour maintenir une activité d’élevage dans certaines zones, soutenir la production et préserver des produits de qualité. Cette politique de l’herbe pourrait notamment s’incarner de différentes manières par le biais d’une intégration de la prime herbagère agri-environnementale (PHAE) au 1er pilier ou encore par la fusion avec l’indemnité compensatrice de handicaps naturels (ICHN).

Il faut cependant être conscient que le débat sur les modalités du financement de ce redéploiement des aides sera délicat. La nécessité de réduire les écarts entre les niveaux de soutien et de réorienter certains d’entre eux apparaît toutefois comme une évidence. Par ailleurs, il pourrait être l’occasion d’introduire un nouveau critère lié au nombre d’emplois agricoles induits dans les modalités de fixation des aides.

2. Maintenir des outils de gestion du marché

Les outils de régulation de marché doivent évoluer dans un souci d’équilibre entre ouverture des marchés et protection des exploitants agricoles.

Dans un contexte d’incertitude où les cours fluctuent et où l’on ne peut exclure un retournement de la conjoncture (baisse brutale de consommation ou abondance soudaine de marchandise), il apparaît opportun de maintenir les outils de régulation de marché et ce d’autant plus que ces outils peuvent s’avérer plus efficaces et moins coûteux que les compensations attendues en cas de crise.

Ainsi, les stockages, public ou privé, pourraient évoluer vers un stockage de sécurité utilisé pour lisser les volumes mis en marché aussi bien en cas d’excédent qu’en cas de déficit et ainsi constituer des stocks d’intervention. Rappelons que l’aide au stockage privé est un instrument qui aujourd’hui fonctionne bien pour les produits carnés ou pour les produits ayant une longue durée de conservation (lait en poudre). De même, des aides à la transformation pourraient, en permettant de transformer un produit frais en produit de longue conservation, être utilisées pour la viande, le lait, et certains fruits et légumes.

La question des quotas laitiers

Le régime des quotas laitiers institué en 1984, après avoir été largement décrié au montant de son instauration, est depuis de longues années apprécié par les exploitants agricoles pour ses avantages en tant qu’instrument de régulation des marchés et facteur d’équilibre de la relation entre les producteurs et les consommateurs. Ce dispositif a été également un moyen de soutenir des territoires grâce au maintien d’exploitations laitières de moyenne dimension dans certaines zones. De plus, l’existence des quotas laitiers garantit les producteurs contre un retournement de la conjoncture toujours possible compte tenu de la volatilité des cours dans ce secteur.

La Commission européenne considère comme acquise depuis 2003
la suppression des quotas laitiers à l’horizon 2014-2015 et a d’ores et déjà organisé l’« atterrissage en douceur », c’est-à-dire la disparition progressive des quotas. Il faut cependant noter qu’il n’y a, pour l’heure, ni majorité qualifiée, ni minorité de blocage pour prendre une décision sur ce dossier. Le groupe de travail a pu constater, lors de son déplacement en Pologne, que ce pays est lui aussi attaché au maintien de ce dispositif qui lui permet de maintenir viables certaines petites exploitations du sud du pays et vivants les territoires sur lesquels elles sont implantées.

Par anticipation sur le bilan de santé, la Commission a fait adopter une augmentation des quotas laitiers de 2 % à compter du 1er avril 2008, justifiant cette proposition par la nécessité de s’adapter à un marché où les tensions sont vives. La Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne avait cependant émis des réserves sur cette proposition (3), estimant que toute évolution
linéaire automatique était inadaptée et que l’adaptation devrait se faire annuellement en fonction des évolutions du marché.

En tout état de cause, si la suppression des quotas devait avoir lieu et compte tenu de l’utilisation à des fins d’aménagement du
territoire qui en a été faite en France, elle devrait s’accompagner de la mise en œuvre d’outils de gestion de l’offre rénovés, à savoir :


- un renforcement des interprofessions pour maîtriser les volumes et les prix dans un cadre juridique sécurisé : c’est une des raisons pour lesquelles La France a présenté à la Commission un mémorandum sur le droit de la concurrence (voir infra) ;

- la mise en place d’une politique de contractualisation à la fois en amont et en aval afin de fixer le niveau de production sur un territoire, ce qui permettrait d’avoir un effet sur la volatilité des prix ;

- l’instauration de mesures d’accompagnement en faveur des zones de montagne et des zones intermédiaires pour compenser les surcoûts de la production et de la collecte.

__________________________

(1) Lors du déplacement au Canada, où ce système est également utilisé, le rôle des quotas a été souligné dans la protection des exploitations familiales contre les « usines à lait ».

(2) Lors du Conseil des ministres de l’agriculture à Brdo le 27 mai dernier, Mme Fischer Boel a notamment déclaré que « la décision de supprimer les quotas laitiers en 2015 a été prise en 2003 par le Conseil. Nous ne sortons donc pas un nouveau lapin de notre chapeau ».

(3) Voir le rapport d’information déposé par la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne du 11 décembre 2007 au 4 février 2008 sur le document E3760 et la communication de M. Hervé Gaymard lors de la réunion de la Délégation du 6 février 2008.

3. La gestion des risques au cœur de la politique agricole

Le démantèlement progressif des organisations communes de marché induit par les réformes successives de la PAC et les dynamiques de libéralisation multilatérale créent un besoin de nouveaux instruments de gestion des risques sur les marchés agricoles établissant un juste équilibre entre responsabilité publique et interprofessionnelle.

A l’avenir, il faut s’attendre à une plus grande instabilité des revenus des producteurs en raison de la disparition programmée des mesures de gestion, de la mondialisation croissante des échanges, de la plus grande volatilité des prix, notamment des matières premières végétales, et de l’application de règles de production très strictes sur les plans de l’environnement, de l’hygiène et du bien-être animal ainsi que des crises sanitaires. Tel était le sens des propos de M. Michel Barnier quand il a insisté sur l’augmentation des « aléas économiques, climatiques et sanitaires (91).

L’émergence du marché comme figure centrale de la nouvelle PAC deviendra par ailleurs un facteur important d’orientation et d’organisation de la production agricole et un facteur supplémentaire de risque.

C’est pourquoi il est nécessaire de mieux préparer les exploitants agricoles à la gestion des aléas et des crises et pour cela, de compléter les outils à la disposition des institutions communautaires dans ce domaine. Un premier pas a été franchi par la Commission européenne dans le cadre du bilan de santé, en proposant l’élargissement de l’ancien article 69 au financement de l’assurance récolte et de fonds de mutualisation contre les risques sanitaires.

a) Armer les agriculteurs pour affronter les risques économiques

Garantir les risques économiques est une démarche délicate car derrière toute proposition resurgit la crainte que le mécanisme retenu n’aboutisse en réalité à un système de prix garanti. Par ailleurs, l’institution de tels dispositifs conduira inévitablement à s’interroger sur la légitimité des aides accordées par ailleurs aux exploitants agricoles. Une des propositions avancées dans le rapport remis en 2005 par MM. Martial Saddier et Yves Simon sur le sujet était donc de créer « un troisième pilier spécifique où se trouveraient les mécanismes de gestion des risques et des crises. La lecture de la nouvelle PAC serait facilitée : un pilier d’aides à l’agriculture, un pilier de développement rural, un pilier de lutte contre les risques et les crises » (92).

Si un tel mécanisme devait être instauré, il existerait toutefois un vrai risque de conflit avec l’OMC. En effet, la plupart des dispositifs efficaces de gestion des crises se situent en amont des crises afin de les éviter et avant donc que la crise ne se traduise par une perte. Ils sont donc classés en « boîte orange » pour l’OMC. Cependant, comme le font remarquer MM. Martial Saddier et Yves Simon dans leur rapport précité : « dans ce contexte, il importe que l’Union européenne sache mettre au point un système de gestion des risques et des crises agricoles performant car ces crises frappent aussi les autres économies agricoles en développement. Bien proportionné, il pourra être repris par d’autres régions du monde et contribuer à une croissance mondiale plus équilibrée… L’exemple des États-Unis, dont les paiements contra-cycliques sont distorsifs, est là pour montrer que, dans certaines conditions, il est possible d’aller jusqu’à changer la couleur apparente des boîtes ».

Concrètement, parmi les pistes qui ont pu être évoquées devant le groupe de travail, plusieurs mériteraient d’être explorées, comme :

– un dispositif assurantiel qui garantisse aux exploitants agricoles soit des marges soit un chiffre d’affaires ;

– la constitution de fonds de prévention pour que les producteurs soient en mesure de faire face à des difficultés en cas de difficultés de trésorerie en cas de crise ;

– un système d’assurance revenu, outil flexible permettant de maintenir en activité des exploitants compétitifs temporairement touchés par la crise ;

– un système d’aides contra-cycliques sur le modèle du système américain ;

– un dispositif de soutien à l’épargne privée sur le modèle du programme canadien de stabilisation du revenu agricole (PCSRA) (93) ou sur le modèle de la dotation pour aléa (DPA) en France.

b) Donner aux filières les moyens de se défendre sur le marché

Le retrait des pouvoirs publics de l’organisation du marché, symbolisé par la disparition progressive des outils de marché, doit pouvoir être compensé par des initiatives privées et des possibilités d’accord entre acteurs. En effet, la réorientation nécessaire de l’agriculteur vers le marché suppose pour celui-ci d’avancer dans trois domaines : la prévision, la prévoyance et la relation à son milieu économique comme environnemental afin d’anticiper et de prévenir les risques.

Pour cela, le renforcement des moyens économiques des groupements de producteurs permettrait de placer les producteurs dans une meilleure position dans leurs relations avec l’aval afin qu’ils puissent gérer l’amont des risques. La relation asymétrique qui caractérise aujourd’hui les relations entre amont et aval des filières est en effet une des causes de l’aggravation des crises car les ajustements qu’elles induisent se font toujours sur l’amont qui est le plus fragile. Le rétablissement de relations équilibrées étant un impératif, il conviendrait d’encourager le renforcement des structures et organisations économiques par fusion ou association en prévoyant des soutiens financiers pour ces opérations de regroupement.

Par ailleurs, consolider les interventions des interprofessions est également une nécessité qui se heurte aujourd’hui au droit de la concurrence, bien que celui-ci s’applique selon des modalités particulières à la politique agricole commune. Il existe ainsi une dérogation de principe inscrite dans le traité : le droit de la concurrence ne s’applique à la PAC que dans une mesure spécifiée par le Conseil. Si celui-ci a décidé d’appliquer à la PAC l’essentiel du droit de la concurrence, les spécificités du secteur agricole ont néanmoins été prises en compte dans les organisations communes de marché. Les changements intervenus en 2000 et 2003 n’ont cependant pas conduit à revoir cet équilibre global.

C’est la raison pour laquelle la France a présenté un mémorandum sur le droit de la concurrence (94). Sur la base du constat d’une insécurité juridique des opérateurs au regard des règles de la concurrence, il y est proposé :

– d’harmoniser les pratiques autorisées par certaines OCM sur celles les plus favorables au regroupement de l’offre et à l’organisation des filières. Ainsi, l’introduction dans d’autres filières de dispositions s’inspirant de celles dont bénéficient les organisations de producteurs et de leurs associations dans le secteur des fruits et légumes contribuerait à sécuriser leurs interventions. Rappelons notamment, à titre d’exemple, que le Conseil de la concurrence a donné le 7 mai 2008 un avis favorable aux échanges d’informations sur les prix et les volumes entre les producteurs de fruits et de légumes, sans que cela tombe sous le coup de l’entente. Cette position devrait permettre la mise en place de la nouvelle organisation du secteur basée sur les organisations de producteurs (OP) aux pouvoirs accrus, notamment pour anticiper et gérer les crises de marché. La nouvelle OCM fruits et légumes offre en effet aux producteurs des dérogations importantes au droit commun de la concurrence, notamment en permettant une coordination entre producteurs qui restent indépendants. L’OCM leur permet ainsi de renforcer leur position sur le marché au sein d’OP ou d’associations d’OP, face à une demande très concentrée, la grande distribution représentant 74 % du chiffre d’affaires des fruits et légumes au détail. Le nouveau schéma d’organisation de la filière articulé autour des associations d’organisations de producteurs (AOP) prévoit deux catégories d’AOP : des AOP de commercialisation concentrant davantage l’offre et des AOP de gouvernance renforçant le pilotage des actions par produit (campagnes de promotion, dates d’arrivée à maturité des produits, estimations des volumes). Cependant, le Conseil de la concurrence a précisé qu’il était favorable à ce que les producteurs de fruits et de légumes s’organisent pour renforcer leur pouvoir de marché face aux distributeurs et réduire le caractère aléatoire de l’offre, uniquement « sous réserve qu’ils conservent une réelle autonomie dans leur politique de prix » ;

– d’offrir aux filières la possibilité de disposer de leviers juridiques et financiers leur permettant d’assurer une meilleure stabilisation des marchés au moyen de contributions librement décidées par les professionnels. Le type d’actions que les interprofessions sont amenées à conduire pourrait également être élargie : la mise en adéquation de l’offre à la demande, notamment par l’adaptation des volumes, la mise en place d’instruments contribuant à la stabilisation des marchés et à la structuration des filières, le développement de contrats-types et des actions de recherche et d’expérimentation.

Le renforcement du rôle des interprofessions afin d’intervenir en amont des risques est favorablement accueilli par l’ensemble de la profession. Ce dispositif pourrait notamment être mis en œuvre dans le cas de la suppression des quotas laitiers. Dernièrement, les producteurs de porcs ont indiqué qu’ils entendaient œuvrer en faveur de l’instauration d’une base juridique leur permettant de répondre aux situations de crise. Les professionnels demandent que l’on encourage la formation d’organisations professionnelles, de coopératives ou d’interprofessions afin d’être en mesure d’être plus compétitifs, d’avoir une position de négociation forte et de promouvoir leur production. Ils demandent d’ailleurs spécifiquement un soutien comparable à celui en vigueur dans le secteur des fruits et légumes (95).

4. Assurer la préférence communautaire

Comme l’a récemment rappelé le ministre de l’agriculture et de la pêche, M. Michel Barnier, la préférence communautaire est l’un des trois principes fondateurs de la PAC avec l’unicité du marché et la solidarité financière (96). La notion de préférence communautaire n’est cependant pas inscrite dans les traités constitutifs et ne bénéficie pas d’une reconnaissance juridique, mais elle n’en constitue pas moins une « considération à caractère politique », comme l’a reconnu la Cour de justice des Communautés européennes dans un arrêt de 2005 (97). En outre, en dépit de l’absence de définition légale, on ne peut contester l’existence des instruments au travers desquels cette préférence s’est incarnée : un tarif douanier historique commun et le soutien aux principales productions agricoles européennes, l’objectif poursuivi étant de garantir la sécurité alimentaire des consommateurs, tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif et de s’assurer de la loyauté de la concurrence.

Avec l’intégration progressive de l’agriculture dans les accords commerciaux internationaux, les droits de douane sur les produits importés ont été considérablement réduits, voire éliminés. Les formes de soutien indirect à la production sont désormais également en voie de disparition et, si certaines productions continuent d’être encouragées par les pouvoirs publics, force est de constater que les aides perçues par les exploitants sont de plus en plus indépendantes du niveau de production avec la mise en œuvre du découplage (voir supra). La notion de préférence communautaire ne peut donc être assimilée à une politique protectionniste visant à subventionner massivement l’agriculture européenne et à interdire l’accès à notre marché aux produits importés, contrairement à ce que certains de nos partenaires commerciaux, et singulièrement les membres du groupe de Cairns, voudraient faire croire.

La notion de préférence communautaire constitue simplement une exigence de réciprocité et une réaction au dumping social, écologique ou sanitaire pratiqué par certains pays. Cette exigence doit être portée par l’Union européenne dans les négociations au sein de l’Organisation mondiale du commerce. Toutefois, afin que cette démarche ne soit pas perçue comme une mesure défensive, elle doit être concertée et faire l’objet d’un débat et d’un consensus avec les autres États membres afin de définir précisément ses objectifs et ses modalités. La position de la France sur cette question est sans ambiguïté, le Président de la République ayant clairement exprimé sa conviction lors du salon de l’élevage (SPACE) de Rennes le 11 septembre 2008 : « La PAC doit être établie selon un principe indiscutable de préférence communautaire, qui recouvre des objectifs rénovés, des outils et un budget ambitieux pour répondre à ces objectifs ».

Ces objectifs, quels sont-ils ?

– certifier la conformité des produits et services importés aux exigences sociales, sanitaires et environnementales que l’Union européenne impose à ses propres producteurs. Dans cette perspective, la France a préparé un mémorandum proposant un renforcement des contrôles aux frontières de l’Union ;

– imposer le respect par nos partenaires commerciaux des droits de l’Union européenne en matière de propriété intellectuelle et de règles d’origine. Un futur accord à l’OMC ne saurait à cet égard être conçu sans une reconnaissance et une protection de nos indications géographiques dans leur ensemble ;

– conserver une certaine maîtrise de nos productions, en particulier les plus stratégiques, par le biais d’instruments renouvelés de stabilisation des marchés, de gestion de l’offre et de maîtrise des aléas. Ce n’est pas là une prérogative que s’arroge l’Union mais une conviction qu’elle souhaite partager le plus largement possible en promouvant la mise en place de politiques agricoles concertées au sein des grands ensembles régionaux du globe, notamment en Afrique (Maghreb, Afrique de l’Ouest et Afrique de l’Est).

D’une manière générale, la question de la préférence communautaire est indissociable des négociations à l’OMC. Il convient donc d’être particulièrement vigilant sur la conduite et la conclusion du cycle de Doha, et ce d’autant plus que, comme nous l’avons indiqué précédemment, tous les grands pays agricoles expriment à des degrés divers dans leurs politiques agricoles leurs propres préférences pour leurs produits agricoles, que ce soit en protégeant leur marché intérieur sur tel ou tel type de produits ou en favorisant l’exportation d’autres produits.

5. Soutenir le développement agricole au niveau mondial

Comme l’a fait remarquer le Président de la FAO lui-même dans une tribune publiée avec M. Jean-Michel Severino, directeur général de l’Agence française de développement, dans Le Monde du 17 avril 2008, la flambée des prix des denrées alimentaires représente certes à court terme une menace pour les économies des pays les plus pauvres, elle n’en constitue pas moins sur la durée une opportunité à saisir. Cette hausse entraîne en effet une valorisation des actifs agricoles et stimule les investissements dans un secteur jusque là sinistré. L’accroissement de la productivité des exploitations qui devrait en résulter enclencherait ensuite un cercle vertueux, décrit ainsi par l’IFPRI (Institut international de recherche sur les politiques alimentaires) : « Avec une meilleure productivité agricole, les cultivateurs accroissent leur production alimentaire, se nourrissent mieux et, dans des conditions commerciales équitables, génèrent des revenus plus élevés. Avec plus d’argent, ils sont davantage enclins à se diversifier et à cultiver des produits à plus forte valeur ajoutée, ce qui est également bénéfique à l’ensemble de l’économie. Une plus grande disponibilité des produits agricoles devrait aussi se traduire par une baisse des prix et la possibilité pour les pauvres des zones rurales et urbaines d’assurer leurs dépenses essentielles en nourriture à un moindre coût. Dépenser moins pour se nourrir permet aux pauvres sans terre d’investir dans des biens, ce qui les aide à accroître leurs revenus et résister aux futures crises économiques. Cette sécurité financière, qui libère les populations pauvres des effets négatifs de la faim et de la malnutrition, est une base solide de la croissance économique » (98).

A cet égard, si les projections de la FAO laissent entrevoir la poursuite à la hausse des importations nettes de denrées alimentaires par les pays en développement (PED) jusqu’en 2030, un fait nouveau pourrait s’avérer déterminant : les PED sont en train de devenir les meilleurs marchés de leurs propres ventes de produits agricoles. La part des échanges de produits agricoles entre PED a nettement augmenté ces dernières années, en particulier grâce à la signature d’accords commerciaux régionaux, et représente environ 40 % du total des échanges commerciaux sud-sud. Le développement de politiques agricoles concertées au sein de grands ensembles devrait logiquement constituer l’étape suivante. A cet égard, en défendant au niveau international la pertinence des politiques agricoles contre l’idéologie d’une libéralisation totale, en remettant « l’agriculture en tête de l’agenda de la coopération internationale » (99), l’Union européenne contribuera à légitimer et encourager ces initiatives.

Plusieurs actions concrètes devraient également contribuer à la croissance agricole des pays pauvres, comme le développement des infrastructures et du crédit. A cet égard, plusieurs voix (100) se sont élevées pour demander à ce que les fonds souverains, jusqu’à présent principalement investis, comme les fonds privés, dans les secteurs industriel et bancaire, se réorientent vers le secteur agricole et plus spécifiquement vers la relance de la production vivrière locale (financement d’opérations d’amendements des sols et d’irrigation, de création d’infrastructures de transports et de développement du microcrédit). Ce point de vue pourrait être porté par les États membres de l’Union européenne au sein des instances internationales de décision, comme le G8.

La FAO préconise également de soutenir l’accès des petits producteurs aux facteurs de production essentiels. La Commissaire européenne en charge des questions agricoles, Mme Mariann Fischer Boel, a d’ailleurs évoqué la possibilité, lors de la réunion informelle des ministres de l’agriculture de l’Union européenne des 26 et 27 mai, d’affecter les crédits agricoles non utilisés pour aider les pays en développement à acheter semences et engrais, estimant que ces transferts budgétaires pourraient passer par des fonds de développement ou par des microcrédits. On notera à cet égard que le prix en dollar de certains engrais a augmenté de plus de 160 % au cours des deux premiers mois de 2008, par rapport à la même période en 2007.

La Commission européenne avait par ailleurs déjà avancé un certain nombre de solutions, plus structurelles, dans la communication qu’elle a adoptée le 20 mai 2008 sur les conséquences de la progression des prix des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux, notamment :

– le ciblage de l'aide au développement sur des projets à plus long terme afin de revitaliser l'agriculture dans les PED. Encore faudrait-il que les engagements financiers pris à ce titre soient respectés (101;

– et la poursuite d'une politique commerciale ouverte offrant un accès préférentiel au marché de l'Union européenne pour les pays les plus pauvres du monde. Les déclarations de la Commission européenne sur ce thème contraste néanmoins avec les difficultés rencontrées actuellement dans la conclusion des futurs accords de partenariat économique avec les pays de la zone ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). En effet, même si la question du développement est au cœur de ces accords, notamment par le biais des programmes de renforcement des capacités locales de production, mais également celle de la construction de politiques régionales agricoles, d’aucuns s’interrogent toujours sur leurs effets réels sur les économies de ces pays (102).

Faut-il conclure les APE ?

La Convention de Lomé, signée en 1975 entre l’Union européenne et 46 états d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) et élargie au fur et à mesure de ses reconductions à 77 pays, met en place un système de préférences non réciproques pour la plupart des produits industriels et agricoles originaires de ces pays : 93 % des produits ACP entraient ainsi libres de droits sur le marché européen. Jugée non conforme aux accords du GATT de 1994 reposant sur la clause de la nation la plus favorisée et sur le principe de réciprocité, la convention de Lomé a dû être remplacée par les accords de Cotonou, signés en 2000, qui prévoient la signature d’accords de partenariat économique (APE) en vue de la mise en œuvre d’un libre-échange réciproque devant en principe entrer en vigueur au 1er janvier 2008. Ces accords sont néanmoins toujours en cours de négociation.

L’ambition première des APE est de renforcer la croissance des pays ACP et l’accès au marché mondial de leurs produits. Toutefois, jusqu’à présent la dimension commerciale de ces accords – dont la négociation a commencé en 2002 – a dépassé les enjeux de développement. Cette dimension implique, il est vrai, un changement majeur par rapport aux accords précédents : l’ouverture réciproque. Les APE doivent en effet désormais mettre en place une quasi-zone de libre échange entre l’UE et chacune des six régions ACP, tout en favorisant le commerce interrégional. Les discussions sur l’accès au marché constituent en conséquence un des points de blocage les plus importants des négociations.

Concrètement, avec l’adoption des APE, l’Union européenne devrait supprimer toutes les barrières commerciales restantes sur les produits en provenance des pays ACP. D’une manière réciproque, les pays ACP devraient ouvrir leurs frontières aux produits européens, mais seulement de manière asymétrique : les pays ACP pourraient en effet maintenir leurs droits de douanes sur un sous-ensemble de produits (clause relative aux produits sensibles) représentant jusqu’à 20 % de leurs importations en provenance d’Europe et bénéficieraient d’un plus long délai pour mettre en
œuvre l’accord (jusqu’à 20 ans). Enfin, pour renforcer l’intégration régionale, les six groupes de pays ACP devraient mettre en place des zones de libre échange ou des unions douanières sous-régionales : l’Afrique australe (Communauté de développement d’Afrique australe – SADC), l’Afrique orientale (Marché commun d’Afrique orientale et australe), l’Afrique occidentale (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), l’Afrique centrale (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, RDC, Sao Tomé et Principe), les Caraïbes (Forum des Caraïbes) et le Pacifique.

D’aucuns redoutent que l’ouverture d’économies fragiles aux produits européens ne se traduise par une perte de recettes et une recrudescence des importations, mettant en péril les industries locales. Selon une étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) cité dans le rapport du Conseil économique et social « Faim dans le monde et politiques agricoles et alimentaires », les exportations agricoles européennes vers les pays ACP pourraient en effet progresser de 35 %. Par ailleurs, les gains à l’exportation seraient potentiellement faibles en raison du niveau actuel des préférences accordées. L’accroissement des gains de productivité deviendrait donc un impératif auquel contribueraient néanmoins les programmes de renforcement des capacités de production, composante importante de la dimension « aide » des APE.

La Commission européenne défend les APE, arguant qu’ils sont la seule possibilité de préserver l’accès des pays ACP au marché européen : en effet, à défaut, l’Union européenne appliquerait le système généralisé de préférences (SGP), moins généreux envers les économies ACP. Ne seraient toutefois pas concernés les pays les moins avancés (PMA) bénéficiant déjà de l’initiative « Tout sauf les armes » (TSA), qui leur permet de bénéficier d’une franchise totale de droits sur la totalité de leurs produits exceptées les armes. L’initiative TSA donne en effet aux pays les moins avancés un accès libre de droits et de quotas sur le marché européen depuis 2001 (sauf pour les bananes – depuis 2006 seulement – et le riz et le sucre, dont le commerce ne devrait être libéralisé qu’en 2009). Ces pays ont toutefois un volume d’exportation limité : ils ne représentent que 2,9 % des échanges commerciaux agricoles.

Enfin, s’agissant de la contribution du cycle de Doha à l’essor du secteur agricole des pays en développement, le groupe de travail se montre plus que sceptique. Jean Matouk, professeur des universités honoraire, estime à cet égard que « finaliser le cycle de libéralisation lancé à Doha par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) n’aura aucun effet immédiat. A terme, il n’est aucunement prouvé que le libre-échange, à lui seul, assure à la fois l’augmentation de la production et sa bonne répartition sur chaque territoire de famine » (103). La FAO elle-même considère que de nombreux pays à faible revenu, notamment en Afrique sub-saharienne, ne seront pas à même de gagner de nouveaux débouchés commerciaux et verront leur production locale très fortement concurrencée par des importations de denrées alimentaires favorisées par les réductions tarifaires (104).

La situation alimentaire mondiale et les efforts qui devront être déployés afin de relancer la production agricole dans de nombreux pays démontrent en effet, s’il en était besoin, qu’une approche purement commerciale des problèmes de l’agriculture est destructrice. C’est pourquoi le groupe de travail en appelle à une nouvelle gouvernance mondiale de l’agriculture. Si la FAO mène des combats très importants, elle semble néanmoins aujourd’hui impuissante à servir de contre-pouvoir à la « machine » de l’OMC. Par ailleurs, ses orientations reposent sur les mêmes outils d’analyse contestés que les autres institutions internationales qui continuent de prôner la libéralisation des échanges. A contrario, des initiatives extrêmement intéressantes se développent pour soutenir une autre vision de l’agriculture et des politiques agricoles au niveau international, reposant sur la prise en compte des spécificités de ce secteur (forte volatilité des prix, étroitesse des marchés, faible élasticité de la demande) et de ses finalités, dont la production de biens publics (préservation de l’environnement, entretien des paysages, maintien d’une vie rurale). A cet égard, la démarche du MOMAGRI (Mouvement pour une organisation mondiale de l’agriculture), qui s’est efforcé de construire un modèle économétrique propre à l’agriculture, est à souligner. Ce modèle intègre des paramètres auparavant délibérément ignorés notamment dans le modèle FAPRI, qui part du postulat d’un ajustement naturel de l’offre et de la demande. Or, en agriculture, la « main invisible du marché », pour reprendre une expression chère à Adam Smith, ne conduit pas spontanément à un équilibre.

Le modèle MOMAGRI a déjà commencé à produire ses premiers résultats, auxquels s’intéressent d’ailleurs de près la Commission européenne (105). Il ressort ainsi de ces travaux que la volatilité des prix agricoles s’accroît fortement lorsque l’on tend vers une libéralisation non régulée au plan international. A contrario, pour obtenir une augmentation linéaire et régulière des prix agricoles pour les prochaines années, ce que proposent les modèles standards, il faudrait « obtenir une conjonction d’évènements défiant les lois de la probabilité ». En effet, ce « scénario de l’utopie » ne comporte pas de spéculateurs, suppose une anticipation parfaite des agriculteurs et des conditions climatiques idéales : « un Eden où l’offre s’ajusterait automatiquement à la demande, où la financiarisation de l’agriculture n’existerait pas et les changements du climat non plus » (106).

Quels principes mettre en œuvre

pour une nouvelle gouvernance mondiale de l’agriculture ?

(les propositions du MOMAGRI)

- s’inscrire dans un cadre de réflexion et d’action nouveau articulé autour d’une conception de l’agriculture comme bien public mondial ;

- définir des prix d’équilibre par produit et par grande région, résultant d’un consensus international (pays producteurs et consommateurs), modulables en fonction des objectifs propres à chaque région ;

- stabiliser les marchés agricoles internationaux en définissant des seuils d’alerte déclenchant la régulation ;

- protéger les agriculteurs des risques exogènes et endogènes auxquels ils font face afin de leur garantir une rémunération équitable.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

1) Audition, commune avec la Délégation pour l’Union européenne, de Mme Mariann Fischer-Boel, commissaire en charge de l’agriculture, sur l’OCM vitivinicole et le bilan de santé de la politique agricole commune, le 24 octobre 2007

Le Président Patrick Ollier a remercié, au nom de l’ensemble des membres de la commission des affaires économiques, Mme Mariann Fischer Boel, commissaire européenne en charge de l’agriculture et du développement rural, pour sa présence et sa disponibilité.

L’organisation de cette audition conjointe avec la délégation pour l’Union européenne, sur la politique agricole, sujet qui est au cœur des préoccupations de la commission des affaires économiques, était un événement important. En effet, les questions à aborder ensemble ne manquent pas, qu’il s’agisse des échéances à court terme, comme la finalisation de la réforme de l’organisation commune du marché (OCM) vitivinicole, ou, à plus longue échéance, le bilan de santé de la politique agricole commune (PAC) à mi-parcours et la prochaine réforme de la politique agricole à l’horizon 2013, dont il faut se saisir dès à présent.

Les ministres français de l’agriculture, aujourd’hui M. Michel Barnier, M. Hervé Gaymard en son temps, présent en tant que membre de la délégation pour l’Union européenne, ont tous de grandes ambitions pour l’agriculture française. L’objectif que le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, a fixé est à la fois simple et difficile : faire en sorte que les agriculteurs puissent vivre du prix de leurs productions et non des aides qu’on leur verse. Pour ce faire, ils ont besoin de filets de sécurité et de dispositifs de stabilisation du marché afin de pouvoir réagir en temps de crise. Ils ont également besoin qu’on mette des outils à leur disposition pour se prémunir contre les risques climatiques et sanitaires et faire face aux aléas, comme aujourd’hui avec l’épidémie de fièvre catarrhale ovine. Quel est l’avis de la Commission de Bruxelles à la fois sur cet objectif ambitieux et sur la mise en place au niveau communautaire de tels mécanismes ?

Après avoir excusé le Président Pierre Lequiller, souffrant, M. Daniel Garrigue, vice-président de la délégation pour l’Union européenne, a souhaité à son tour la bienvenue à Mme Mariann Fischer-Boel pour sa deuxième audition conjointe par la Commission des affaires économiques et la délégation pour l’Union européenne, la première ayant eu lieu il y a deux ans.

Le premier sujet qui s’impose pour cette audition est sans aucun doute la réforme de l’OCM vitivinicole. Si la proposition de la Commission a été plutôt bien accueillie dans ses principes par la profession, des questions demeurent, en particulier sur la possibilité, pour les producteurs de vins à indications géographiques ou appellations d’origine, de conserver leurs pouvoirs d’organisation, qu’il s’agisse des droits de plantation, de la possibilité de faire de la promotion sur le marché intérieur – qui représente tout de même 70 % du marché mondial – ou des aides à l’export.

Le second sujet à aborder est évidemment le bilan de santé de la PAC à mi-parcours, sur lequel travaillent déjà trois membres de la délégation pour l’Union européenne, M. Hervé Gaymard, M. Jean-Claude Fruteau et M. Jean Dionis du Séjour. Des interrogations demeurent cependant sur les intentions de la Commission et sur le contenu de la communication qu’elle doit faire le 20 novembre prochain.

Enfin, le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, se fondant sur les évolutions actuelles du marché mais également sur les évolutions structurelles de l’agriculture, a récemment appelé à une révision profonde des mécanismes de la PAC afin de laisser plus de place aux prix et à la production et a encouragé la mise en œuvre d’une véritable « préférence communautaire ». Il serait intéressant de savoir comment ces prises de position, qui ont eu un large écho en France, ont été reçues à Bruxelles.

Après avoir remercié ses hôtes, Mme Mariann Fischer Boel, commissaire européenne en charge de l’agriculture, s’est félicitée de l’occasion qui lui était donnée de faire le point sur la politique agricole et rurale. Paraphrasant le docteur Pangloss dans Candide, elle a estimé que si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, il n’en restait pas moins beaucoup de travail. Appréciant de pouvoir échanger avec des interlocuteurs comme le ministre français de l’agriculture et de la pêche, M. Michel Barnier, ouvert aux idées nouvelles et aux changements, elle a indiqué qu’elle partageait un certain nombre de vues avec la France sur la PAC, comme la nécessité de maintenir le caractère concurrentiel du secteur agricole, tout en renforçant le tissu rural et en prenant en compte les questions environnementales.

Sur la prochaine réforme de la PAC, un changement radical n’est pas nécessaire car la politique agricole actuelle est déjà sur la bonne voie. Le Président Sarkozy dans son discours sur l’agriculture a fait référence aux politiques de paiement unique, de découplage et de modulation : ce ne sont certes pas les notions les plus transparentes qui soient, mais derrière ces notions, se cachent des réalités tangibles très importantes et très bénéfiques pour l’agriculture.

Ainsi, le système de paiement unique découplé s’avère aujourd’hui beaucoup plus intéressant pour les agriculteurs qu’un système de soutien aux prix : il leur appartient en effet désormais de prendre la décision de produire, en fonction des équilibres sur le marché, plutôt que de chercher à obtenir de Bruxelles les meilleures subventions possibles. C’est ce qui a permis notamment à la filière bovine de passer d’une production axée sur la quantité à une production de qualité. Dans ce nouveau système, lorsque les prix sont élevés, les producteurs ont la liberté de réagir aux signaux du marché et, en cas de crise, ils bénéficient d’aides beaucoup plus efficaces.

Le système actuel est par ailleurs fondé sur le principe de « respect croisé » qui garantit que lorsqu’un producteur perçoit des aides, qui sont de l’argent public, il peut justifier en contrepartie, vis-à-vis du contribuable et du consommateur européen, qu’il respecte des standards élevés en matière de bien-être animal, de respect de l’environnement et de sécurité sanitaire des produits.

La modulation des aides directes correspond à une équation simple où le développement de l’agriculture va de pair avec la préservation des zones rurales et le respect de l’environnement. Si d’aucuns s’accordent sur les fondements de cette équation, la seule option pour la concrétiser a été jusqu’à présent de la financer en prélevant les sommes nécessaires sur les paiements directs.

Enfin, les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des déclinaisons nationales des droits à paiement unique ne plaident pas pour leur abolition au bout de deux années seulement d’application de la réforme.

Il reste donc beaucoup à faire. Depuis la réforme de 2003, 12 nouveaux membres ont rejoint l’Union européenne, le marché international a beaucoup changé et de nouveaux défis se sont présentés. Dans ce contexte, la PAC doit continuer à donner les résultats escomptés dans un cadre simple et efficace : des ajustements sont donc nécessaires d’ici 2013 pour que la politique agricole continue dans la bonne direction et ouvre la voie à l’après-2013.

À cet égard, la communication de la Commission à la mi-novembre devrait aborder la question de la révision du système actuel des paiements uniques et plus précisément de la partie couplée de ces paiements. Le couplage répondait initialement à une demande de flexibilité dans la mise en œuvre des droits à paiement unique (DPU), qui ne se justifie plus, en particulier dans certains secteurs comme les céréales. Il conviendrait également d’évoluer vers un modèle où le paiement à l’hectare est le même partout : comment expliquer dans dix ans le maintien de certaines aides sur la seule base des références historiques ? Par ailleurs, l’instauration d’une limite de paiement inférieure, liée par exemple à la superficie des exploitations, doit également être étudiée. Enfin, s’agissant des mesures de marché, la question de l’intervention devra être abordée lors du bilan de santé, ainsi que celle de la jachère, qui apparaît certes aujourd’hui comme un outil dépassé, mais dont l’abolition pourrait avoir des conséquences importantes sur le marché des céréales.

À cet égard, le niveau actuel des prix des céréales mérite qu’on s’y arrête et qu’on clarifie certains points. Ce niveau de prix n’est en aucun cas le résultat de l’orientation en Europe de la culture de céréales vers la production d’éthanol, celle-ci représentant moins de 2 % de la production céréalière totale. Les mauvaises conditions météorologiques, la limitation des exportations des deux grands pays producteurs que sont la Russie et l’Ukraine, ainsi que la décision des États-Unis de s’engager massivement dans la production de maïs destiné à la filière éthanol suffisent à expliquer ce phénomène. Par ailleurs, l’élévation des prix des céréales ne peut justifier à elle seule l’augmentation du prix du pain : en effet, une étude réalisée en Allemagne démontre que seuls 4 % du prix du pain sont dépendants du prix du blé ; les postes transports, main-d’œuvre et énergie sont des facteurs beaucoup plus importants. En outre, il convient de rappeler que, si les prix des céréales ont beaucoup augmenté, ils partaient d’un niveau historiquement bas puisqu’ils n’avaient pas bougé depuis près de vingt ans.

Pour répondre à cette situation, l’Union européenne a réagi avec promptitude en prenant rapidement la décision d’abolir la jachère, décision effective pour les semailles d’automne. Cette question sera également abordée dans le cadre du bilan de santé de la PAC. Enfin, la suspension des droits de douane à l’importation a également été proposée. Parallèlement, pour les filières qui subissent de plein fouet la hausse des cours des matières premières, des solutions seront avancées, comme le déblocage d’une aide au stockage privé qui a été décidé pour la filière porcine.

S’agissant du secteur laitier, les quotas devront être éliminés d’ici 2015. L’augmentation considérable de la demande par rapport à l’offre démontre en effet qu’il y a un problème dans cette filière, problème dans lequel la France a sa part. Un « atterrissage en douceur » (« soft landing ») avant l’abolition des quotas devra néanmoins être proposé.

Enfin, d’autres points devraient être traités dans le cadre du bilan de santé de la PAC : l’orientation de la politique agricole vers le développement rural, la lutte contre les changements climatiques, une meilleure gestion de l’eau et le développement des bioénergies, singulièrement des biocarburants de deuxième génération.

S’agissant maintenant de la réforme de l’OCM vitivinicole, beaucoup de rumeurs circulent sur les intentions de la Commission, qui sont fausses. S’il est normal que le débat soit passionné, il est regrettable que de telles erreurs, de tels mythes, soient véhiculés sur le sujet. Ainsi, il faut avant tout rappeler que le premier préalable à la réforme est rempli : chacun reconnaît aujourd’hui la nécessité d’un changement. Alors que la production et les importations augmentent, les exportations et la consommation intérieure diminuent. Aussi, si le régime actuel devait perdurer, ce serait quelque 13 millions d’hectolitres de vins excédentaires qui seraient produits chaque année.

Le premier objectif que doit poursuivre la réforme est de garantir la compétitivité du secteur en équilibrant l’offre et la demande. Néanmoins les conséquences en termes d’environnement, de tissu social et de paysage des régions viticoles doivent également être prises en considération. La filière viticole doit sortir renforcée de cette réforme et non affaiblie. Le second objectif est de parvenir à dépenser le budget actuel alloué au secteur, 1,3 milliard d’euros par an, de manière plus intelligente. Quelles sont les grandes lignes de la proposition de la Commission ?

Il s’agit tout d’abord de mettre fin au système des droits de plantation afin de donner plus de liberté aux producteurs. Il est aujourd’hui avéré que le système des droits de plantation a échoué à mettre le secteur à l’abri des crises et désormais l’étrangle. Face à l’énorme potentiel de consommation que représentent les marchés chinois et indien (avec en moyenne 25 à 30 millions de personnes qui entrent dans la classe moyenne de ces pays chaque année), il convient de libérer notre potentiel de production. Alors que le système des droits de plantation doit expirer en 2010, la Commission propose de le laisser progressivement s’éteindre jusqu’en 2013. Sa suppression permettra ainsi d’abolir tout encouragement à la surproduction dans la mesure où les exploitants planteront alors à leurs propres frais. Cette réforme ne menace en aucun cas les indications géographiques, même si elles sont parfois mal utilisées, et ne contribuera pas à les dévaloriser.

S’agissant ensuite de l’arrachage, celui-ci ne sera pas obligatoire. Il s’agit essentiellement d’une mesure à caractère social qui doit rendre plus facile le passage à la fin du système des droits de plantation en 2013 en permettant à ceux qui le désirent de se retirer dans la dignité, sans faillite. Ceux qui choisiront cette option seront payés pour arracher et verront les droits attachés à leur terre transférer dans le système des paiements uniques. Cette mesure pourra en outre être complétée par d’autres programmes d’accompagnement, comme des aides au départ en retraite anticipée. Le chiffre de 200 000 hectares à arracher, qui a été avancé, n’est pas un objectif à atteindre mais une simple projection.

Enfin, sur les labels, des hypothèses circulent concernant les procédés de vinification, selon lesquelles les raisins pourraient être vinifiés hors des zones géographiques correspondant aux indications géographiques : c’est absurde. En revanche, l’utilisation de la référence au cépage pourrait constituer une opportunité intéressante : c’est par ce biais que les vins de Californie, d’Argentine ou du Chili se sont frayé un chemin jusqu’à nos marchés.

En conclusion, la réforme de l’OCM vitivinicole doit offrir aux producteurs des conditions de rentabilité renforcée. Pour les aider, un budget de 120 millions d’euros par an sera disponible au sein des enveloppes nationales pour la promotion des vins. Ainsi, même si tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, il faut continuer à « cultiver notre jardin ».

Le Président Patrick Ollier a ensuite donné la parole aux orateurs des groupes et à ceux de la délégation pour l’Union européenne.

M. Antoine Herth, pour le groupe UMP, a remercié la commissaire de sa venue et de son exposé et a souligné que ses collègues ne manqueraient sans doute pas de la questionner sur le secteur sucrier, la filière porcine, l’élevage de volailles et la production de tabac. Mais comment ne pas s’interroger sur l’état des négociations à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à l’occasion du bilan de santé à mi-parcours de la PAC, alors que la réforme de 2003 avait en son temps été conçue comme la contribution de l’Europe à la conclusion d’un accord international ? qu’en sera-t-il du bilan de santé, alors que cet accord n’est toujours pas conclu et que nos partenaires ne font aucune concession ?

Comment, dans le bilan de santé de la PAC, sera abordée la question de la gestion des crises ? Certes, les aides découplées constituent un plus mais un outil spécifique au niveau communautaire ne serait-il pas nécessaire ?

Comment également seront pris en compte les enjeux environnementaux, notamment l’objectif de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, à l’heure où, en France, le processus du Grenelle de l’environnement affiche des objectifs ambitieux en la matière ?

D’un point de vue non plus technique mais politique, quelle signification la Commission donne-t-elle à la notion de préférence communautaire défendue récemment par le Président de la République ?

L’adoption du projet de traité simplifié changera-t-elle quelque chose pour la seule véritable politique commune européenne, la politique agricole ?

Enfin, quel est votre avis sur le transfert d’une partie des crédits de la politique agricole vers le programme Galileo ?

M. Jean Gaubert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, après avoir remercié Mme la commissaire pour sa disponibilité, sa franchise et sa précision, a ensuite exprimé son adhésion, à l’idée d’organiser un bilan de santé de la PAC à mi-parcours eu égard à l’évolution de la situation générale depuis 2003. L’analyse faite par la Commission de la mise en place des paiements uniques et de l’utilisation des références historiques est également partagée par le groupe socialiste. Le critère utilisé est injuste et d’autant moins justifié que l’agriculture européenne s’inscrit dans le cadre du marché unique. La modulation des aides enfin est une bonne chose, à condition de s’entendre sur l’affectation des crédits ainsi dégagés.

L’analyse de Mme Fischer Boel sur la hausse des prix des céréales est tout à fait pertinente. En revanche, si la suspension des tarifs douaniers à l’importation apparaît aujourd’hui comme une proposition cohérente, si tant est qu’il y ait encore des céréales disponibles sur le marché, il convient de rester vigilant dans sa mise en œuvre afin de pouvoir rétablir aussi rapidement ces droits de douane en cas de retournement de tendance et ne pas se retrouver contraints, notamment dans le contexte des négociations à l’OMC, d’y renoncer définitivement.

Le débat autour de la notion de préférence communautaire mérite effectivement d’être éclairci.

S’agissant des quotas laitiers, il faut rappeler qu’en France ceux-ci ont permis de sauver à la fois l’agriculture familiale et la production de lait dans les zones défavorisées du territoire. Il est donc à craindre que leur abandon n’ait a contrario pour conséquence de concentrer l’activité de production dans les zones les plus favorisées.

La filière porcine pâtit en ce moment de la hausse des prix des céréales ainsi que du taux de change de l’euro par rapport au dollar. Il ne s’agit pas d’un problème de compétitivité et il paraît difficile que la filière puisse se contenter d’une aide au stockage privé. Ne pourrait-on pas alors envisager de mettre en place une subvention à l’exportation sur le modèle des montants compensatoires monétaires ?

M. André Chassaigne, pour le groupe de la gauche démocrate et républicaine, a réaffirmé la nécessité d’une définition claire du concept de préférence communautaire, qui figure de surcroît dans la lettre de mission adressée au ministre français de l’agriculture par le Président de la République.

Par ailleurs, les agriculteurs demandent aujourd’hui l’instauration d’un système de mutualisation des risques à l’échelle européenne. Qu’en pense la Commission ?

Les travaux du Grenelle de l’environnement font état de l’opportunité d’une réorientation de l’agriculture française en faveur de la filière biologique. Ce choix serait-il compatible avec l’objectif de compétitivité poursuivi par la Commission ?

La Commission semble envisager de faire évoluer le système des paiements uniques découplés vers un paiement à l’hectare. L’idée d’instaurer un plafond et un plancher a également été évoquée. Quelle pourrait être la limite inférieure d’éligibilité imposée aux petites exploitations ?

Quid de la prise en compte des handicaps naturels dans le bilan de santé de la PAC, en particulier de l’élevage en montagne ?

Dans le secteur de la viticulture, il y a une contradiction entre, d’une part, la suppression des droits de plantation et la volonté affichée de replanter, et, d’autre part, des mesures d’arrachage. On peut redouter que l’arrachage ne concerne in fine que les petits viticulteurs, qui ont pourtant opéré des investissements longs à rentabiliser, à la fois dans la terre et le matériel.

M. Hervé Gaymard, au nom du groupe UMP de la délégation pour l’Union européenne, a considéré que la politique agricole commune n’existait pas réellement mais, qu’elle était plutôt une juxtaposition d’organisations communes de marché d’intensité et d’effectivité variables, avec parallèlement une politique de développement rural. L’enjeu aujourd’hui est donc de fonder une politique agricole globale en créant des outils de gestion de marché modernes tout en soutenant des projets de développement rural.

Le maintien d’un découplage partiel des aides a permis de conserver une activité agricole dans des zones fragiles du territoire, comme dans le bassin allaitant ou encore dans les zones intermédiaires s’agissant des productions céréalières. Ne pourrait-on pas garder à l’avenir des formules de découplage partiel ?

Les droits à paiement unique pourraient-ils à l’avenir être utilisés comme des outils de gestion de crise contracycliques, sur le modèle du système optionnel de garantie des revenus qui existe aux États-Unis, tout en respectant les règles de l’organisation mondiale du commerce ?

Enfin, la question des quotas laitiers n’a pas été abordée lors de la réforme de 2003. Il faut garder à l’esprit qu’ils ne correspondent pas en France à des droits à produire marchandisés comme ils peuvent l’être dans d’autres États membres, mais qu’ils constituent avant tout un outil de la politique d’aménagement du territoire.

M. Jean-Claude Fruteau, au nom du groupe socialiste de la délégation pour l’Union européenne, a remercié la commissaire, se souvenant de la franchise de leurs dialogues au Parlement européen et estimé qu’il fallait nuancer les propos de M. Hervé Gaymard : il existe bien, depuis longtemps, une politique agricole commune et c’est grâce à elle qu’il reste encore des agriculteurs dans l’Union européenne. Pour autant, de fortes hétérogénéités demeurent entre les États membres, encore accrues par la réforme de 2003. Les objectifs poursuivis peuvent être partagés par tous : maintenir une agriculture de qualité, compétitive et durable, visant l’autosuffisance alimentaire. La finalité des réformes en cours ne saurait toutefois conduire à une dérégulation progressive, qui aboutirait d’ailleurs à la disparition de la PAC. Les contraintes qui pèsent sur le budget de l’Union européenne étant connues, quelles garanties peut-on avoir que la réforme de la PAC ne sera pas un prétexte pour diminuer les crédits qui lui sont consacrés ?

M. Thierry Mariani, chargé du suivi de la réforme de l’OCM vitivinicole au nom de la délégation pour l’Union européenne, est intervenu sur ce sujet, constatant d’emblée que tout le monde approuvait en privé la proposition d’arrachage dénoncée en public. En revanche, la gestion concrète de cet arrachage suscite des interrogations : selon quelles modalités seront menées ces opérations ? à quel rythme ? trois ou cinq ans ? la totalité des surfaces pour lesquelles les producteurs souhaitent souscrire à l’arrachage seront-elles éligibles ou feront-elles l’objet de quotas ?

Sur la promotion des vins, pourquoi exclure le marché intérieur, alors qu’il représente l’essentiel des débouchés ?

Sur la préférence communautaire, on peut penser qu’elle signifie que nos producteurs doivent lutter à armes égales avec leurs concurrents : dans cette perspective, est-il envisagé d’imposer aux vins produits dans les pays tiers les mêmes contraintes de traçabilité, notamment sur les produits phytosanitaires, que celles qui pèsent sur les vins européens ?

S’agissant des conséquences structurelles de la réforme de l’OCM vitivinicole, comment peut-on aider les caves coopératives, qui seront vraisemblablement obligées de fusionner parce qu’elles n’atteignent plus la taille critique sur le marché ?

Enfin, pourquoi ne pas maintenir les droits de plantation pour les appellations haut de gamme qui ne subissent pas la concurrence des produits extérieurs ?

En réponse aux questions des parlementaires, Mme Mariann Fischer Boel a apporté les indications suivantes :

– les négociations à l’OMC se poursuivent dans le cadre du mandat donné à la Commission européenne par les États membres, qui stipule de ne pas aller au-delà des concessions déjà apportées dans le cadre de la réforme de la PAC de 2003. Le négociateur européen devrait donc obtenir préalablement l’accord du Conseil s’il souhaitait introduire de nouveaux éléments en lien avec le bilan de santé de la PAC à mi-parcours ;

– de nombreuses idées ont été formulées pour améliorer la gestion des crises : accroître la modulation en faveur d’un 2ème pilier ou prélever un pourcentage sur le 1er pilier destiné à cofinancer un système d’assurance pour les risques santé et météo. Ce sujet sera débattu sans nul doute lors du bilan de santé ;

– sur la préférence communautaire, la traduction de ce qu’a voulu dire le président de la République française est un peu délicate. Il n’est pas question de construire une forteresse Europe. En revanche, il faut tenir compte du fait que l’agriculture européenne ne répond pas exclusivement à des préoccupations commerciales : le respect de l’environnement, de la sécurité sanitaire, du bien être animal impose de garantir un paiement de base à nos agriculteurs. Fermer les frontières serait en revanche contre-productif et nuirait à la compétitivité de nos produits sur les marchés extérieurs. A contrario, la diminution de nos droits de douane permet à nos produits d’accéder aux marchés émergents ;

– le nouveau traité entraînera de profonds changements pour la politique agricole, qui sera à l’avenir copilotée par le Parlement européen. Il faudra donc veiller à la mise en place d’une coopération efficace et rapide entre les futurs acteurs de la politique agricole ;

– quant au transfert d’une partie du budget de la PAC vers le financement du programme Galileo, il ne s’agit que d’une utilisation ponctuelle de crédits disponibles, car inutilisés en 2007 en raison de la conjoncture favorable, afin d’aider au démarrage de ce programme. Il n’est pas question de diminuer à long terme le budget de la PAC à cette fin ;

– s’agissant de la modulation des aides directes en faveur du 2ème pilier, elle devrait grandement contribuer à l’avenir à régler les problèmes qui se posent dans le cadre de la politique de développement rural ;

– sur les droits de douane sur les céréales, leur réduction ne vaut que pour un an. Si le marché changeait, ces droits seraient rétablis sans hésitation ;

– une suppression brutale des quotas laitiers est exclue. Il est évident que dans certaines zones du territoire, comme les zones de montagne, les quotas laitiers constituent une forme de soutien, c’est pourquoi il doit s’agir d’une évolution en douceur ;

– quant au marché du porc, la période actuelle est très difficile, mais l’aide au stockage privé est une bien meilleure solution que les restitutions à l’export. Il faut en effet envoyer des signaux clairs à la profession en faveur d’une baisse de la production ;

– le développement de l’agriculture biologique est certes soutenu dans le cadre de la politique de développement rural, mais la filière doit aussi se confronter directement au marché. Or, en termes de compétitivité, les modes de production biologiques sont plus coûteux. Toutefois, si un marché parvient à émerger pour ces produits alors des opportunités de développement se présenteront pour la filière ;

– pour le vin, la législation actuelle sur les droits de plantation court jusqu’en 2010. La disparition progressive de ce système doit coïncider avec la réalisation du schéma d’arrachage, de préférence sur cinq ans. Si celui-ci ne s’étend que sur trois ans, il faudra alors adapter la compensation en contrepartie de l’arrachage, qui doit être maximale la première année, afin d’être incitative ;

– il y a toujours une politique agricole commune. En revanche, l’introduction de politiques cofinancées par les États membres au sein du 1er pilier, idée qui est parfois avancée à l’approche de la révision des perspectives financières de l’Union européenne, signerait la mort de la PAC. Mais bien sûr une certaine souplesse doit être préservée dans l’application des politiques européennes car les modèles « taille unique » ne fonctionnent pas ;

– les outils de gestion des marchés devront être examinés et adaptés à l’occasion du bilan de santé ;

– sur le régime des paiements uniques, la préservation d’aides couplées sur certaines productions dans un but écologique ou d’aménagement du territoire devra être discutée dans le cadre du bilan de santé mais le couplage partiel des aides dans le secteur des céréales ne paraît pas pouvoir être maintenu. Quant aux DPU, il est exclu qu’ils évoluent sur le modèle américain alors même que l’Union européenne lutte à l’OMC pour que le système des paiements contracycliques disparaisse, car c’est le mécanisme qui fausse le plus les échanges. Il doit exister des solutions plus élégantes à nos problèmes ;

– une extension au marché intérieur de la promotion des vins est envisageable. Par ailleurs, les indications géographiques pourront conserver leurs mesures de restriction de plantation si elles le souhaitent.

Le Président Patrick Ollier a ensuite donné à nouveau la parole aux parlementaires pour des questions.

M. François Brottes a demandé à la commissaire si elle envisageait encore un avenir pour l’agriculture de montagne, en dehors de l’aspect développement rural. Pensez-vous que la situation de l’agriculture de montagne justifie un traitement particulier pour l’aider à surmonter ses handicaps naturels (gel, pente, neige, etc.) ?

Alors que le changement climatique est une préoccupation croissante, la sylviculture, qui remplit également le vide de la déprise agricole, pourrait-elle être pleinement intégrée au portefeuille de la commissaire ?

M. Philippe-Armand Martin a demandé s’il ne serait pas raisonnable de maintenir un système d’ouverture des droits de plantation en fonction des débouchés, soulignant le risque que se développe en cas de libéralisation une concurrence déloyale avec la multiplication, autour des grandes appellations, des plantations par des marques de vins de table venant concurrencer les vins de pays et les appellations d’origine contrôlée (AOC).

Ne serait-il pas préférable par ailleurs de substituer au système actuel de distillation de crise un système de distillation obligatoire mais sans financement donnant aux interprofessions la possibilité de réguler les excédents ?

Sur l’étiquetage, la création de vins de table à indication de provenance risque de mettre en difficulté les vins de pays et les vins à appellation. Ne pourrait-on pas les remplacer par une référence à l’État membre ?

S’agissant des pratiques œnologiques, la suppression du saccharose proposée dans le cadre de la réforme risque de créer des difficultés dans certaines régions où celui-ci est employé et où les productions marchent bien, comme la Champagne, pour imposer des moûts quasiment invendables en provenance d’autres régions.

Enfin, quelles seront, dans le cadre de la réforme, les compétences des groupements de producteurs, en particulier par rapport aux interprofessions actuelles qui dans certaines productions fonctionnent très bien ?

M. Alfred Almont a rappelé que parallèlement au bilan de la PAC à mi-parcours aurait lieu l’évaluation du volet agricole du dispositif POSEI qui inclut désormais les soutiens communautaires à la banane, au sucre et aux filières de diversification que sont l’élevage et les cultures maraîchères. Ce dispositif ayant été récemment mis en œuvre, la Commission peut-elle nous assurer que le bilan de santé n’affectera pas le niveau de soutien communautaire aux productions d'outre-mer ? Sous le mandat de la commissaire, plusieurs réformes importantes ont été conduites pour l’agriculture d’outre-mer qui ont permis de donner une visibilité aux filières et procurer un certain équilibre aux économies locales. Au niveau international, les accords de partenariat économique (APE) remettent cependant en cause ces évolutions positives. Dans ce contexte, le cadre financier du POSEI ne devrait-il pas être consolidé afin de compenser aux producteurs locaux la perte de compétitivité résultant de l’entrée sur les marchés communautaires, continental et local de productions identiques à celles d’Outre-mer ?

Mme Corinne Erhel a demandé à la commissaire son opinion sur la déclinaison française de la réforme des droits à paiement unique basée sur les références historiques par opposition à l’option de la régionalisation, avec modulation et plafonnement. Sur l’agriculture biologique, la Commission souhaite-t-elle encourager ce mode de production ?

M. Jean-Paul Charié a insisté sur le fait qu’aujourd'hui, pour certaines productions agricoles comme les céréales, qui connaissent une hausse des prix, les interventions de l'Union européenne sont moins attendues, voire moins souhaitables, qu'à d'autres époques. Cependant, alors que l’agriculture au niveau mondial est de moins en moins capable de répondre à l’augmentation de la demande, le maintien des outils de production et des savoir-faire demeure un impératif, notamment en temps de crise : est-ce que le co-financement d’un système d’assurance qui a été évoqué précédemment ne pourrait pas précisément répondre à cet objectif ? Par ailleurs, quelle est la position de la Commission sur les quotas betteraviers et le sucre, le maintien des capacités de production en France étant indispensable.

M. Germinal Peiro, après avoir rappelé que la tabaculture employait encore 100 000 personnes en Europe et reconnu que c’était un secteur très soutenu – le prix du tabac en France inclut ainsi 70 à 75 % de primes – s’est interrogé sur le maintien du dispositif actuel en faveur des producteurs de tabac, menacé par la politique de découplage, dans un contexte où l'Union européenne ne produit que 30 % du tabac qu'elle consomme. Le soutien aux producteurs de tabac est en effet à distinguer du soutien à la consommation du tabac, la lutte contre le tabagisme étant une priorité nationale.

M. Michel Piron a demandé quel type de régulation du marché était envisagé par la Commission dans le cadre de la réforme de l’OCM vitivinicole et quelle politique de promotion qualitative, dans la mesure où la question des AOC est fondamentale pour le vin.

Mme Pascale Got a souhaité que des outils de régulation du marché soient conservés dans le cadre de la réforme de l’OCM vitivinicole, suggérant de réformer la distillation plutôt que la supprimer et de se priver de tout moyen d’intervenir de manière conjoncturelle sur les stocks excédentaires. Ne serait-il pas également plus pertinent, plutôt que de prôner l’arrêt de la chaptalisation, de la laisser à l'initiative des territoires ? Enfin, l’arrachage, préconisé comme réponse à une production actuellement excédentaire, rend difficile tout retour en arrière en cas de changement de conjoncture : à cet égard, un système d’arrachage temporaire avec conservation des droits à plantation par le producteur ne serait-il pas un choix plus judicieux ?

M. Bernard Gérard a demandé à ce que la Commission veille à ce que le développement de la filière éthanol ne se fasse pas au détriment des filières classiques en privant d’approvisionnement les industries agro-alimentaires. Ainsi, aujourd'hui, les producteurs de levure ne trouvent plus de mélasse, car la betterave est utilisée pour faire de l'éthanol. Ce type de situation pourrait amener les entreprises à se délocaliser, privant la France et l’Union européenne non seulement d’un savoir-faire mais également d’une partie de ses capacités en termes de recherche et de développement.

Mme Claude Darciaux a déploré les effets de la réforme de l’OCM sucre sur l'industrie sucrière, soulignant que la baisse des quotas de sucre de plus de 20 % allait contraindre les grands groupes sucriers à fermer des sucreries en France. Or si l’Union européenne a prévu des aides pour ces groupes industriels et pour les planteurs de betteraves, elle a oublié les salariés des usines ainsi que les territoires que celles-ci faisaient vivre grâce aux emplois induits. En outre, alors que des usines vont aujourd’hui disparaître mettant en péril l’aménagement du territoire, ne risque-t-on pas à l’avenir de se retrouver dans la même situation pour le sucre que pour les céréales, avec une insuffisance de la production, eu égard à l'utilisation croissante qui est faite des betteraves dans la production d'éthanol ?

M. Gérard Voisin s’est associé à M. Philippe-Armand Martin pour déplorer la faiblesse du montant qu’il est prévu de consacrer à la promotion des vins dans le cadre de la réforme de l’OCM vitivinicole, avant d’évoquer l'épidémie de fièvre catarrhale et d’insister sur la nécessité de mettre en œuvre rapidement le nouveau règlement communautaire sur les mouvements d'animaux. Quelle sera par ailleurs la participation financière de l’Union européenne à la prochaine campagne de vaccination en vue de la reprise des échanges commerciaux au sein du marché communautaire et avec les pays tiers ?

M. William Dumas s'est inquiété des conséquences de l’arrachage de la vigne dans la région Languedoc Roussillon, dans la mesure où 100 000 hectares y ont déjà été arrachés il y a quelques années. Est-il vrai, comme on a pu le lire dans la presse, qu’il est prévu d’arrêter l’arrachage, dès que l’ensemble cumulé des opérations aura dépassé 10 % de la surface viticole ? Le rôle écologique de la vigne sera-t-il pris en compte dans le cadre de la réforme de l’OCM ? En effet, dans les régions sujettes aux incendies de forêt, comme le Languedoc Roussillon, la vigne s’avère un excellent pare-feu.

M. Michel Raison a demandé s’il fallait considérer les ajustements qui seraient présentés lors du bilan de santé le 20 novembre comme une préfiguration des réformes qui seraient proposées pour l’après-2013.

Les paiements uniques peuvent certes permettre de pallier en partie les risques climatiques ou économiques mais ils manquent de souplesse. Des filets de sécurité plus performants devraient être mis en œuvre, c'est-à-dire des gestions de marché plus prononcées. À cet égard, les hausses de prix que nous connaissons sont peut-être aussi la conséquence de ce manque d’organisation au niveau de l’Union européenne.

Enfin, lors du bilan de santé, pourra t-on envisager qu’un éventuel accroissement de la modulation puisse être utilisé afin d’aider les productions porcines et ovines qui souffrent particulièrement aujourd’hui ?

Mme Mariann Fischer Boel a ensuite apporté les éléments de réponse suivants :

– la réforme du secteur sucre faisait partie de nos engagements pris à l’OMC. La Commission a proposé une réforme de l’OCM visant à restructurer le secteur avec des compensations très intéressantes pour abandonner la production. Le nombre de producteurs européens qui ont quitté le marché s’est cependant avéré insuffisant : ainsi, si la production a été réduite de 1 200 000 tonnes la première année, la deuxième année a été décevante. C'est pourquoi une nouvelle prime de 300 euros par tonne a été introduite cette année au bénéfice des planteurs qui quittent le secteur. La France est un producteur de sucre très compétitif mais la réforme était nécessaire. L'ajustement définitif de la production devrait être atteint en 2008-2009. Des aides à la restructuration de l’industrie sucrière ont également été mises en place. Par ailleurs, les planteurs de betteraves conservent la possibilité de produire hors quota pour la filière pharmaceutique, la production d’énergie ou la filière éthanol. La réforme s’étalera par ailleurs jusqu’en 2014 ;

– sur l’OCM vitivinicole, la Commission préférera retirer sa proposition et laisser perdurer le régime actuel plutôt que de consentir à une mauvaise réforme. Continuer à dépenser un demi-milliard d’euros tous les ans pour la distillation n’est pas une solution d’avenir. 120 millions d'euros par an pour la promotion du vin est la meilleure proposition que la Commission puisse faire. Si les crédits communautaires sont jugés insuffisants, il subsiste néanmoins des marges de manœuvre dans les enveloppes nationales, les États membres ayant le choix des outils susceptibles d’aider au mieux leurs producteurs. La chaptalisation est un sujet difficile qui devra faire l’objet d’un compromis ;

– l’agriculture biologique est une bonne niche de production : elle devrait se développer même si elle coûte plus cher aux consommateurs, en particulier en direction de ceux qui ne souhaitent pas consommer d’organismes génétiquement modifiés (OGM), puisque ces derniers sont interdits dans la production biologique ;

– l'Union européenne pourrait effectivement envisager de soutenir le secteur de la sylviculture : celle-ci présente un grand potentiel pour les biocarburants de deuxième génération, grâce aux copeaux de bois qui en outre n’entrent pas en conflit avec les productions alimentaires. À cet égard, il faut encourager la recherche sur les biocarburants de deuxième génération dont l'objectif est qu'ils représentent d’ici 2020 30 % des biocarburants ;

– sur la réforme de l’OCM vitivinicole, utiliser les cépages dans l’étiquetage est une bonne idée, en revanche les accoler au nom d’un État membre pourrait nuire aux indications géographiques. Rendre la distillation obligatoire sans qu’aucun financement ne soit prévu me paraît également difficile à réaliser ;

– s’agissant du POSEI, les producteurs d’Outre-mer ont obtenu des conditions financières très favorables de la Commission pour les bananes et le sucre. Si la situation économique devait évoluer, ces conditions seraient en outre réexaminées. En tout état de cause, le bilan de santé n’interférera pas avec ce système dans la mesure où il ne vise aucune production en particulier ;

– il sera intéressant, lors du bilan de santé, d’examiner les possibilités qui nous sont données de mettre en place un dispositif de gestion de crise, mais celui-ci devra être compatible avec les règles de l’OMC : il appartiendra donc aux États membres intéressés de se saisir du sujet pour faire avancer la réflexion ;

– l’industrie du tabac a fait l’objet d’une importante réforme en 2004 ; on se trouve actuellement dans une phase de transition qui prendra fin en 2009. Dans un système qui sera alors totalement découplé, le secteur sera régulé par le seul marché, qui décidera de l’avenir de la production de tabac en Europe.

Le Président Patrick Ollier a remercié Mme Fischer Boel pour sa franchise et son pragmatisme. Il faut cependant comprendre la vision française des questions agricoles, qui ne s’attache pas aux seules données de la production, mais prend également en compte le rôle que joue l’agriculture en matière d’aménagement du territoire. Cette vision est différente de celle de la Commission, c’est pourquoi il faut poursuivre le dialogue pour trouver des terrains d’entente.

Le Président Daniel Garrigue a remercié à son tour Mme Fischer Boel pour la précision de son propos et la logique de ses analyses. Les objectifs de la réforme de l’OCM vitivinicole emportent aujourd’hui l’adhésion mais s’il est vrai que le monde viticole a besoin de cette mise à jour, celle-ci ne se fera pas sans un accompagnement significatif. Enfin, si le terme de « préférence communautaire » n’a pas été repris par madame la commissaire, celle-ci a néanmoins utilisé celui de réciprocité dans les relations avec nos concurrents. Il s’agit là d’une notion très importante qui pourrait nous aider à aborder un certain nombre de problèmes agricoles de façon différente.

2) Audition, commune avec la Délégation pour l’Union européenne, de M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche, sur le bilan de santé de la politique agricole commune, le 25 mars 2008

Le Président Patrick Ollier s’est déclaré heureux d’accueillir le ministre de l’agriculture et de la pêche afin d’évoquer le « bilan de santé » de la politique agricole commune (PAC). Ce dernier fait déjà l’objet d’un groupe de travail coprésidé par MM. Hervé Gaymard et Michel Raison, constitué de membres de la Délégation pour l’Union européenne (MM. Jean Dionis du Séjour et Jean-Claude Fruteau) et de la commission des affaires économiques (MM. Jean Gaubert, André Chassaigne et Robert Lecou). Ses travaux devraient aboutir d’ici la fin du premier semestre. Les mesures issues de ce « bilan de santé » seront adoptées sous la présidence française de l’Union, dont elle constituera un enjeu essentiel.

Il a également remercié le ministre d’avoir associé les parlementaires à son travail, notamment à Bruxelles.

Il s’est enfin interrogé sur l’avenir des quotas laitiers et des autres outils de la politique d’aménagement du territoire, notamment compte tenu des déclarations de la Commission européenne le 20 novembre. Il a salué sur ce point la création d’un secrétariat d’État à l’aménagement du territoire qui contribue à la lisibilité politique de ces questions.

M. Pierre Lequiller, Président de la Délégation pour l’Union européenne, a souhaité la bienvenue au ministre et s’est également félicité de la mise en place du groupe de travail commun avec la commission des affaires économiques.

Le Conseil des ministres de l’agriculture européens ayant adopté à l’unanimité, le 17 mars, un certain nombre de conclusions sur ce « bilan de santé », il a souhaité des précisions sur les termes de politique agricole « plus préventive et plus équitable », employés par le ministre. Quelles filières devraient être davantage aidées ? Comment assurer la croissance de la capacité alimentaire pour nourrir les 9 milliards d’habitants que comptera la planète en 2050 ? Comment défendre la préférence communautaire au sein des institutions internationales et, notamment, de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ? Il semble, enfin, que la Commission ait été réticente à l’idée d’engager la réflexion sur la nouvelle PAC souhaitée par la France. Qu’en est-il précisément ?

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche, s’est déclaré heureux de se retrouver face à la commission des affaires économiques et à la Délégation pour l’Union européenne, avec laquelle il a l’habitude de travailler.

Le ministre a rappelé en préalable que, depuis 1962, la PAC constitue la première, voire, la seule politique économique européenne car elle mutualise les politiques nationales à un degré d’intégration qui n’a jamais été atteint par aucune autre politique. Certains prétendent qu’il faudrait « mettre l’argent ailleurs », notamment dans la recherche. Or, si l’effort de mutualisation européen en faveur de la recherche était comparable à celui de l’agriculture, 2 % du PIB européen y seraient consacrés. Les dépenses du « 1er pilier » de la PAC représentent 9,1 milliards ; le « 2ème pilier » – montagne, mesures environnementales, installation et modernisation – atteint 900 millions tandis que les fonds nationaux français s’élèvent à 800 millions pour les interventions économiques et à 900 millions pour les contreparties nationales du « 2ème pilier ». Le rapport est donc de un à dix.

Il a fait remarquer que, si les institutions européennes sont faibles, les politiques s’affaiblissent et cet affaiblissement concernera, au premier chef, les politiques agricole et régionale. Le traité de Lisbonne est donc une boîte à outils indispensable pour tous ceux qui considèrent que l’Europe ne peut être réduite à un vaste supermarché ou à une zone de libre échange.

2008-2009 constitue une période charnière pour la PAC. En effet, à la demande de MM. Chirac et Schröder, le budget de la PAC et son économie générale ont été stabilisés pour 2003 à 2013. Un rendez-vous d’évaluation et d’adaptation dit « bilan de santé » avait alors été prévu. Il s’agit d’un moment politique important en soi mais également pour anticiper le débat sur la PAC d’après 2013, de manière à ce que la discussion budgétaire de 2010 ne soit pas exclusive de tout autre et n’imprime pas sa marque aux débats de fond. En règle générale, pour préparer une nouvelle politique, il est nécessaire de s’y prendre deux à trois ans en avance. Dans la mesure où des élections européennes auront lieu en 2009, le choix du Président de la République d’anticiper le débat apparaît judicieux. Un conseil des ministres de l’agriculture informel se déroulera à ce propos à Annecy au mois de septembre.

Parce que l’agriculture a été, est et restera un actif stratégique pour l’Europe, il faut mettre en place une politique ambitieuse partagée par tous dans un contexte de grands changements mondiaux : planète de plus en plus peuplée – selon l’INRA, il faudra doubler la production alimentaire pour nourrir 9 milliards d’habitants en 2050 – ; prix des matières premières agricoles à la hausse ; demande alimentaire évolutive dans les grands pays émergents – la Chine, par exemple, consomme de plus en plus de protéines animales ; accidents climatiques. Pour toutes ces raisons, la demande sera donc durablement plus forte que l’offre. En outre, les risques sanitaires sont de plus en plus fréquents : les « pathogènes émergents » (virus du chikungunya, fièvre catarrhale) surgissent n’importe où, n’importe comment et touchent indifféremment les animaux, les végétaux et les êtres humains. Enfin, les Français et l’ensemble des Européens étant de plus en plus sensibles à l’environnement, l’écologie constitue désormais une composante essentielle du développement économique.

Un grand journal du soir a évoqué un « retour de l’agriculture ». Dans son dernier rapport, la Banque mondiale considère, quant à elle, que l’agriculture est le premier levier pour lutter contre la pauvreté. Le Forum économique de Davos a identifié l’insécurité alimentaire parmi les quatre menaces qui pèsent sur la planète : plus que jamais, l’agriculture est donc au cœur des enjeux planétaires. Il importe que l’Union européenne conforte cet acquis stratégique.

Il a été souhaité que le débat sur le « bilan de santé » soit décentralisé dans le cadre des Assises de l’agriculture auxquelles de nombreuses forces vives ont participé, notamment, les représentants du syndicalisme agricole. Des discussions ont eu lieu dans chaque département à l’occasion de sessions spéciales organisées dans les chambres d’agriculture. Il en ressort un accord assez unanime sur de grands objectifs : garantie de l’indépendance et de la sécurité alimentaires ; volonté de participation aux grands équilibres mondiaux ; mise en place d’une agriculture durable tenant compte des nécessités de la lutte contre le changement climatique ; répartition équilibrée sur l’ensemble des territoires. En outre, l’alimentation et le cadre de vie des consommateurs ne sauraient être abandonnés à la spéculation financière internationale, aux seules lois du marché ou au « moins-disant » sanitaire ou environnemental ; enfin, la vigilance doit être de mise dans le cadre des négociations internationales afin que, dans un souci de les conclure rapidement, l’agriculture européenne ne soit pas considérée comme une variable d’ajustement. Il s’agit donc d’adapter, en le préservant, notre modèle agricole.

Le Conseil des ministres de l’agriculture du lundi 17 mars a été particulièrement important puisqu’il constituait le premier rendez-vous politique sur le « bilan de santé ». Ses conclusions ont été adoptées à l’unanimité moins deux abstentions. Il faut rendre hommage à l’important travail accompli sous la présidence slovène, d’autant que, sous la pression des États membres, ce conseil a été plus loin que la Commission ne le souhaitait, notamment en intégrant dans ses préoccupations, la volatilité des prix et la prévention des risques.

Ce Conseil a défini quatre priorités.

La première priorité est d’instaurer une politique agricole plus préventive en adaptant la PAC à la nouvelle réalité des marchés agricoles dans l’intérêt des consommateurs et des agriculteurs. Cela se traduira par un dispositif nouveau de gestion des risques ou des aléas économiques, climatiques et sanitaires. Le renforcement des filières, notamment en encourageant les interprofessions à s’organiser, comme c’est le cas pour les secteurs des fruits et légumes et du vin, s’inscrit également dans cette perspective. Enfin, le principe du maintien des mécanismes de gestion de marchés - dont l’intervention - a été obtenu, même s’il est dans l’idée de la Commission de les affaiblir.

La deuxième priorité est de consolider les bassins de production les plus fragiles, ce qui passe par une ouverture du champ d’application de l’article 69 du règlement (CE) no 1782-2003 du Conseil. La réorientation des aides du « 1er pilier » à travers leur modulation ou leur redistribution devrait permettre de tenir compte de la réalité des prix en fonction des situations et de mieux soutenir les filiales et les territoires qui en ont besoin, en particulier les élevages ovin et caprin et, d’une manière générale, les productions animales à l’herbe, l’agriculture biologique et le secteur des fruits et légumes. Il est par ailleurs souhaitable de mettre en place un plan protéagineux.

La troisième priorité est de limiter les transferts du « 1er pilier» vers le « 2ème pilier ». Contrairement à la Commission, le conseil des ministres considère que la PAC doit demeurer une politique économique et ne saurait être limitée au développement rural. Si les montants du « 1er pilier » diminuent trop au profit du second, la redistribution des aides serait par voie de conséquence rendue beaucoup plus difficile. En outre, tout transfert vers le « 2ème pilier » devant être cofinancé par le budget national, cela compliquerait la situation compte tenu du contexte budgétaire.

La quatrième priorité est de préserver le soutien à l’agriculture en améliorant la légitimité et la lisibilité de la PAC. S’agissant du plafonnement des aides, la France était moins touchée dans la mesure où les entreprises agricoles sont de petite taille. Un compromis devrait être trouvé autour d’une modulation obligatoire proportionnelle des aides et non plus linéaire. Il importe en outre de réduire les écarts entre les niveaux de soutiens, qui s’établissent entre 40 et 400 euros par hectare selon les productions et les territoires. Il est certain que les références historiques ne tiendront pas. Sans aller vers une régionalisation, c’est-à-dire vers une prime unique à l’hectare dans toute la France, on pourrait résoudre ce problème par une diversification des outils de la PAC : un meilleur équilibre entre les aides à travers l’article 69 ; des prélèvements différenciés et un soutien aux productions fragilisées.

Pour l’heure, les orientations politiques en ce sens sont posées mais la boîte à outils n’est pas encore disponible. Il y a la possibilité d’agir mais des réponses n’ont pas encore été données aux questions suivantes : où mettre le curseur ? Vers quelles productions réorienter les aides ? Comment aborder le 2ème pilier ?

En tout état de cause, cette politique ne sera pas imposée : il faut en effet se garder de toute arrogance et veiller à convaincre et à écouter chaque partenaire. Le 1er juillet, le ministre aura terminé la visite aux 26 autres pays de l’Union européenne afin de construire cette stratégie d’alliance. Il faut en effet compter avec les 27 ministres de l’agriculture européens qui disposent de 345 voix, la France en ayant 29 ; la minorité de blocage se situant à 91 et la majorité qualifiée, à laquelle se prennent toutes les décisions, à 255.

A partir du 1er janvier 2009, conformément au traité de Lisbonne, la codécision sera généralisée ; les décisions seront soumises au Parlement européen. Les contacts avec cette institution sont donc particulièrement importants et c’est pourquoi, à compter de juillet prochain, il se rendra personnellement une fois par mois à Strasbourg.

Enfin, même si le débat qui s’est déroulé dans les chambres d’agriculture n’a pas été parfait, il a été ouvert – notamment aux associations de consommateurs et de protection de l’environnement ainsi qu’aux élus – et 5 000 personnes y ont participé. Cette concertation se poursuivra, avec les parlementaires comme avec les associations et avec les syndicats professionnels.

M. Jean Gaubert a indiqué qu’à ce stade, le groupe SRC n’avait guère de critiques à formuler. Il est exact qu’une réflexion sur la politique agricole européenne implique également de prendre en compte les problèmes liés à l’alimentation sur le plan mondial, de même que ceux liés à la production de biocarburants, qui entraînera une diminution de la surface consacrée à l’agriculture.

Il importe également de s’interroger sur la place de l’Europe dans les marchés internationaux et en matière de commerce équitable, de même que sur le rôle de l’agriculture dans l’aménagement du territoire.

S’agissant du bilan de santé et de la réforme de la PAC, il ne faut en effet pas attendre 2010 pour agir. Des propositions doivent d’ores et déjà être formulées pour l’après 2013 sachant que la conjoncture a déjà considérablement évolué depuis 2003 puisque les productions étaient alors excédentaires et les prix bas.

Il s’est interrogé par ailleurs, sur la modulation et sur le système des primes que la forte augmentation du prix des céréales suffit à délégitimer. Le conserver tel quel jusqu’en 2013 risque de poser un certain nombre de problèmes de société et il est vrai, comme l’a indiqué le ministre, que « les références historiques ne tiendront pas ». Une réforme totale de la PAC est urgente, de même qu’un rééquilibrage en faveur des productions plus respectueuses des sols et de l’environnement telles que l’herbe ou l’agriculture biologique.

Il faut en outre prendre garde à la régionalisation des aides car il ne s’agit pas d’organiser la solidarité entre les pauvres. Une péréquation nationale, dans ce cas-là, s’imposerait.

Enfin, s’agissant des quotas laitiers, l’annonce d’une augmentation de 2 % a provoqué une décélération du marché. L’abandon des quotas risquerait d’entraîner un effondrement du prix du lait, ce qui toucherait évidemment les producteurs. Il a souhaité également des précisions sur les aides à la pêche.

Si le groupe SRC approuve globalement les intentions du ministre, il jugera les résultats obtenus.

M. André Chassaigne a jugé que les débats départementaux n’avaient pas été à la hauteur des attentes : 5 000 participants, cela représente une moyenne de 50 à 60 personnes par département, ce qui est très peu. Certains élus des chambres d’agriculture n’y ont en outre pas été associés.

Pour apprécier véritablement les propositions qui sont faites, la question essentielle est de savoir si seul le marché fera la loi – les agriculteurs fournissant les matières premières aux prix mondiaux – ou si une véritable politique agricole sera mise en place avec des outils de régulation et d’intervention. Or, il semble que certains verrous sautent et que la dérégulation est en cours. La PAC ne sera ni durable ni bénéfique aux hommes et aux territoires sans une remise en cause de l’OMC. Les propositions du ministre permettront-elles par ailleurs d’atteindre les objectifs en matière d’emploi, d’environnement, de sécurité alimentaire ? Quid des découplages ? Un rééquilibrage en faveur de l’élevage est-il envisagé – prime à la vache allaitante, maintien ou non d’une prime à l’herbe – alors qu’un découplage intégral entraînerait la désertification agricole de territoires entiers ? Quid de la relance des protéagineux ? Par ailleurs, le plafonnement des aides sera-t-il envisagé par actif et par exploitation ? Quelle portée aura la modulation des aides ? Un écrêtement de certaines aides est-il prévu ? La régionalisation n’est sans doute pas une bonne formule car c’est aux États d’assumer la politique agricole. Enfin, qu’en sera-t-il plus précisément, sur le plan européen, de la gestion des risques sanitaires et climatiques ?

Mme Catherine Vautrin a remercié le ministre, au nom du groupe UMP, d’avoir associé les parlementaires au travail européen. Les enjeux sont particulièrement importants alors que la France s’apprête à présider l’Union européenne et que l’échéance de 2013 se profile.

Les acteurs de terrain ont apprécié la méthode de travail initiée par le Gouvernement ; ils souhaitent que le dialogue se poursuive afin de rester associés au processus de réforme de la PAC et à la déclinaison de la boîte d’outils.

Elle a souhaité des précisions sur le sujet des biocarburants et de la valorisation non alimentaire des agro-ressources ; de la stabilisation des revenus agricoles dans la perspective d’une PAC plus préventive et plus équilibrée et de la suppression des jachères. Enfin, ne faudrait-il pas, à terme, sortir l’agriculture de l’OMC comme le ministre en a lui-même émis l’idée, « compte tenu de la spécificité de l’alimentation et du blocage des négociations » ?

M. Hervé Gaymard, coprésident du groupe de travail commun, a remercié le ministre pour sa présentation globale et cohérente qui offre beaucoup de perspectives alors que nombre de rendez-vous européens difficiles se profilent.

Qu’en est-il de l’articulation entre la revue du « bilan de santé » et les décisions qui pourraient être prises dans son prolongement ? Quel écho rencontrera l’appel justifié du Président de la République à réfléchir d’ores et déjà à l’après 2013 alors qu’un certain nombre d’interlocuteurs bruxellois semblent plus concentrés sur l’échéance du « bilan de santé » que sur l’organisation de cette réflexion ?

S’agissant de l’articulation entre la politique agricole commune et les discussions commerciales internationales, il faut noter que le Farm bill actuellement élaboré aux États-Unis est clairement contraire aux recommandations de l’OMC en matière de soutien à l’agriculture. Comment serait-il possible de conclure un accord alors que l’une des principales parties prenantes s’affranchirait des règles les plus élémentaires du commerce international ?

M. François Brottes a remercié le ministre d’avoir toujours associé les parlementaires à son travail.

Restera-t-il dans le monde agricole une place pour les structures les plus vulnérables ? S’il importe en effet d’avoir un « 1er pilier » fort afin de garantir la mission économique de l’agriculture, tout ne se résume pas à des considérations financières. Quel sera le sort de l’agriculture biologique en présence d’OGM ? Quel sera celui des abeilles alors que l’utilisation de certains insecticides se révèle désastreuse ? Celui de l’agriculture de montagne si les quotas laitiers disparaissent ? Celui de la biodiversité si les jachères sont supprimées ? Il convient plus que jamais de « veiller au grain » sur un plan règlementaire.

M. Jean-Marie Morisset a demandé au ministre de veiller, s’agissant de la répartition entre les deux piliers de la PAC, à ce que les politiques européennes ne soient pas au bout du compte financées par les collectivités départementales ou régionales, et, s’agissant de l’application de l’article 69, à ce que le rééquilibrage des territoires soit effectif.

Il a également souhaité des précisions quant à l’installation des jeunes agriculteurs, et aux solutions intermédiaires qui pourraient être mises en place, avant l’application de la PAC rénovée, pour remédier à la grave crise de la filière ovine.

Mme Corinne Erhel a souhaité connaître les modalités de soutien au secteur des fruits et légumes et a demandé des précisions sur la refonte envisagée de l’organisation économique de la filière. Les producteurs légumiers bretons, regroupés au sein du CERAFEL (Comité régional économique des fruits et légumes de Bretagne), sont en effet très inquiets des conséquences sur les structures régionales existantes d’une réforme même partielle de leur organisation.

M. Germinal Peiro s’est interrogé sur les moyens de traduire la volonté du Président de la République – à laquelle il se rallie – de rétablir la préférence communautaire : il y va de la crédibilité de la classe politique.

A titre d’exemple, l’Europe ne produit que 30 % du tabac qu’elle consomme. Sans aide communautaire, la filière de la tabaculture disparaîtrait après 2009. Or, il faut sauver cette production, d’autant qu’elle occupe des espaces dont personne ne veut.

M. Jean Auclair a souligné que, dans son département, le débat organisé dans le cadre des Assises de l’agriculture avait été d’un très haut niveau, les jeunes agriculteurs montrant à cette occasion qu’ils sont devenus des acteurs économiques dignes de ce nom.

Il s’est ensuite demandé, dans la mesure où la production de matières premières céréalières ou oléagineuses dédiées aux biocarburants risque d’entraîner de graves déséquilibres, si la banalisation des cultures OGM ne pourrait pas être une solution.

Si l’on compare par ailleurs le prix des céréales consommées par les animaux d’élevage à celui de la viande bovine, ovine ou porcine, il semble nécessaire de procéder à un rééquilibrage des aides au détriment des céréaliers et au profit des éleveurs et, en quelque sorte, d’instaurer un système de droits à paiement unique (DPU) flottants afin de consolider les productions les plus fragiles.

Enfin les éleveurs s’inquiètent de la modulation des aides du 1er pilier, qui pourraient ainsi passer au 2ème pilier pour financer, par exemple, la construction de salles polyvalentes.

M. Jean Launay s’est félicité des précisions apportées par le ministre quant au poids de la France dans la discussion européenne et de son rappel de ce que représentent, en termes de stratégies d’alliance, une majorité qualifiée ou une minorité de blocage.

Il s’est attristé du manque d’ouverture des débats départementaux, dans son département du Lot comme dans toute la région Midi-Pyrénées.

Certaines productions en difficultés, en particulier la filière ovine, doivent recevoir des aides non seulement parce que la rémunération des producteurs n’est pas à la hauteur de leur travail, mais également parce que des pans entiers du territoire en dépendent. Dans cet ordre d’idées, ne serait-il pas possible d’étendre à la trufficulture le dispositif des aides prévues par la PAC pour les parcelles boisées et de mieux surveiller l’importation de truffes non européennes ?

M. Didier Quentin a évoqué, à propos des zones sensibles, le cas des zones humides, en particulier des marais littoraux. Il s’est par ailleurs interrogé sur les moyens de limiter, en zone rurale ou périurbaine, l’extension des lotissements, qui consomment chaque année 70 000 hectares de terres agricoles, soit, en dix ans, l’équivalent de la surface d’un département comme celui de la Charente-Maritime.

En réponse aux différents intervenants, M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche, a tout d’abord fait observer, s’agissant de la remarque de M. Didier Quentin, que, parallèlement à la disparition des terres agricoles, la surface forestière française augmentait, elle, tous les sept ou huit ans, de l’équivalent de la surface d’un département.

Le problème des zones humides peut être relié à la question de Mme Catherine Vautrin concernant la jachère. Celle-ci a été mise à zéro pour relâcher la pression sur les prix des matières premières. Mais si plusieurs millions d’hectares ont ainsi été remis en culture, 3 % des jachères ont été préservées à des fins écologiques au bénéfice des zones humides et des territoires de chasse.

La préférence communautaire, évoquée par MM. Germinal Peiro et Hervé Gaymard, est sous-jacente au débat à l’OMC, dans lequel les négociateurs américains voient d’ailleurs leur mandat perdre de la force de jour en jour, ce qui explique l’accélération du processus depuis quelques semaines. Voilà moins d’un mois à Bruxelles, vingt ministres de l’agriculture sur vingt-sept ont déclaré ne pas vouloir signer d’accord plutôt que devoir accepter un mauvais accord, estimant que le rapport de M. Crawford Falconer était totalement déséquilibré entre, d’un côté, une agriculture considérée comme une variable d’ajustement et, de l’autre, un marché des services et de l’industrie que nombre de pays, notamment émergents, renâclent à ouvrir. Mme Mariann Fischer-Boel, commissaire européenne à l’agriculture, est chargée de porter ce message auprès de la Commission, notamment, de M. Peter Mandelson qui négocie à l’OMC au nom de l’Union européenne.

Il ne faut d’ailleurs pas oublier que le Farm bill américain permet un large soutien aux biocarburants, ce qui, en cas de surproduction agricole, constitue une aide qui échappe totalement à la discussion menée dans le cadre de l’OMC. L’Europe ne sera donc pas naïve dans le débat. Elle continuera à défendre la nouvelle préférence européenne, qui consiste à assurer l’indépendance alimentaire de l’Europe et à soutenir le modèle agricole européen, c’est-à-dire une agriculture équilibrée sur l’ensemble des territoires aboutissant à des produits de qualité, diversifiés, traçables, qui ont des goûts et des couleurs, le tout pour un coût assumé, c’est-à-dire celui de la politique agricole commune. Une étude macroéconomique a d’ailleurs été demandée aux services de M. Eric Besson sur ce que coûterait l’absence de PAC. Le risque est de vider les campagnes pour concentrer dans quelques régions d’immenses usines agricoles et de mettre sur le marché des productions aseptisées.

Toujours en matière de préférence européenne, le Président de la République a demandé un renforcement des contrôles sur les produits qui entrent sur le marché européen afin de s’assurer qu’ils respectent les mêmes normes que celles imposées aux producteurs européens. Le souci de la sécurité des produits importés s’ajoutera donc à celui d’un maintien de droits de douane suffisants – ce qui implique une grande vigilance dans les discussions au sein de l’OMC – et d’un budget agricole qui permette de préserver le modèle européen.

L’agriculture est sans doute le secteur productif qui a le plus évolué depuis vingt ans. Les agriculteurs travaillent avec ordinateur et font de l’agronomie. Il faut leur donner acte de cette modernité qu’a soulignée M. Jean Auclair.

Le revenu annuel moyen avant impôt par actif atteint 40 000 euros par an dans le secteur des grandes cultures, contre 10 000 euros dans celui des ovins. Les aides publiques ayant en général une part prépondérante au sein de ces montants, en schématisant, on peut dire que leur suppression conduirait à la disparition de la plupart des exploitations agricoles.

MM. Jean Gaubert et André Chassaigne ont évoqué les lois du marché. Pour sa part, le ministre, en tant qu’européen, ne se considère pas comme un ultralibéral. Dans le débat présidentiel aux États-Unis, on se demande d’ailleurs, tant chez les Républicains que chez les Démocrates, si l’ultra libéralisme est la bonne réponse au désordre du monde.

Une boîte à outils paraît nécessaire car on ne saurait, sans graves conséquences, laisser les exploitations agricoles sans protection européenne dans un monde grand ouvert. Si, comme le souhaitent les Anglo-Saxons voire certains responsables à Bruxelles, on laissait les lois du marché faire leur œuvre au prétexte que les prix augmentent, c'en serait en effet fini du modèle agricole européen, qui préserve la diversité et la qualité d’une production équilibrée sur tout le territoire.

Les outils en question permettront d’écrêter, sur le fondement de l’article 69, certaines aides. Les réorientations, décidées dès 2008 pour une application en 2009, seront soumises au Parlement. Il conviendrait que les aides qui ne sont plus justifiées du fait de l’augmentation des prix de certaines productions soient réorientées vers des filières ou des territoires insuffisamment aidés, qu’il s’agisse du secteur bio, de la production de lait dans les zones fragiles, du plan protéagineux, du secteur des fruits et légumes ou des productions animales liées à l’herbe. Contrairement à ce que souhaite la Commission, le plafonnement doit être mis en place de manière progressive et modulée, et cela se fera sans doute sur la base des propositions de M. Lutz Goepel, rapporteur allemand du Parlement européen sur le bilan de santé de la PAC.

Comme M. Jean Gaubert l’a souligné, la régionalisation n'est pas forcément le meilleur moyen d’aboutir à l’équité. Il convient de préférer la différenciation des prélèvements et la réorientation de certaines aides au moyen de l’article 69 – par exemple pour le plan protéagineux cité par M. André Chassaigne –, sans pour autant souhaiter le découplage général car certains couplages sont utiles, comme par exemple la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (PMTVA). Le plan protéagineux sera l’un des sujets de réorientation de l’article 69.

Concernant la gestion des risques, l’objectif est de doter les producteurs agricoles d’outils de prévention, de mutualisation et de protection au niveau national avec usage partiel des crédits du 1er pilier afin de prendre en charge, par exemple, une partie des primes d’assurance et de généraliser ainsi les systèmes d’assurance récolte, ou encore de financer en partie un fonds sanitaire. Si la Commission a en effet donné son accord pour une protection contre les aléas sanitaires et climatiques, la protection contre les aléas économiques reste à obtenir. Enfin, il serait bon de préserver les outils actuels, qu’il s’agisse des restitutions ou des interventions de la Commission que certains voudraient supprimer ou abaisser.

En réponse à M. Jean Auclair, le ministre a indiqué que la modulation, voulue par la Commission, de 2 % des crédits du 1er pilier vers le 2ème, devrait s’appliquer chaque année jusqu’en 2013 et non jusqu’en 2015. Mais la France s’opposera, avec d’autres États membres, à un tel transfert.

Contrairement à ce que MM. André Chassaigne et Jean Launay en ont conclu, les débats départementaux ont été globalement utiles. Il est anormal que les élus n’y aient pas été associés puisqu’il avait été demandé aux préfets et aux présidents de chambre d’agriculture que les parlementaires et au moins une association de protection des consommateurs et une association de protection de l’environnement participent à ces débats.

S’agissant de la future politique agricole, qu’a évoquée M. Hervé Gaymard, il n'est pas question d’attendre 2010 ou 2011 pour débattre de l’après 2013, d’autant que 2009 sera une année entièrement occupée par les élections européennes et par le renouvellement de la Commission. Faute d’un tel débat, on pourrait craindre pour l’avenir des grandes politiques communautaires. De même que le débat a été ouvert dès 2002 pour sauver la politique régionale que certains auraient voulu détricoter à l’horizon 2007 au nom d’une Europe qui se serait résumée à une zone de libre-échange, il faut que s’ouvre dès aujourd’hui la discussion sur les missions futures de la PAC.

Il convient de rester très réservé quant au démantèlement progressif des quotas laitiers, qu’ont évoqués le président Patrick Ollier et M. Jean Gaubert et à leur suppression totale prévue pour 2015, même si une majorité qualifiée existe sur ce point au sein du Conseil des ministres et si les producteurs de lait s’y préparent de manière très responsable. Face à une demande supérieure à l’offre – la production française est elle-même passée de moins 600 000 tonnes à moins 200 000 tonnes par rapport au quota national –, une majorité qualifiée de pays a d’ores et déjà demandé une augmentation de 2 % par an des quotas dès la prochaine campagne. Faute d’une minorité de blocage, plutôt que de s’opposer à cette mesure avec l’Allemagne et l’Autriche, la France s’est abstenue, après avoir obtenu de la Commission que cette augmentation de 2 % soit ponctuelle et ne soit que de 1 % à partir de 2010, à condition que le marché le permette alors, une évaluation des évolutions du marché devant être lancée à cette date. On peut en effet craindre que, contrairement aux céréales et aux grandes cultures, le marché du lait, qui est extrêmement fragile, ne soit pas sur une tendance durablement haute : l’Océanie peut se remettre à produire et l’Ukraine, par exemple, peut retrouver la moitié de sa production laitière perdue depuis l’indépendance.

On ne peut accepter sans garanties la suppression des quotas en 2015, d’autant que le quota fixé pour chaque département constitue à la fois une contrainte et une protection : sans les quotas, les zones qui, par exemple, ne sont pas en AOC, courraient le risque de voir leur activité de production et de transformation du lait transplantée ailleurs. Le ministre ne sera donc pas celui d’un déménagement de l’économie laitière et se dit favorable à la mise en place d’une contractualisation au sein de la profession.

Mme Catherine Vautrin, M. Jean Gaubert et M. Jean Auclair ont évoqué les biocarburants. Il s’agit d’un débat mondial, les Américains et les Brésiliens ayant fait le choix stratégique d’en produire massivement, contrairement à l’Europe qui a prévu une incorporation de biocarburants dans les essences à hauteur de 7 % en 2010 – voire 10 % selon les pays. La filière ne représentera ainsi que 7 % de la surface agricole utile française, soit une proportion raisonnable de territoire, étant entendu que le bilan énergétique et écologique des biocarburants – que l’on peut estimer positif, y compris sur le plan économique avec la flambée du cours du baril de pétrole – relève d’un autre débat. L’ADEME publiera d’ailleurs très prochainement, à la demande des services de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, un nouveau bilan des biocarburants. Il n'est pas question de sacrifier l’alimentation aux biocarburants !

M. Jean-Marie Morisset a évoqué l’installation des jeunes. Une partie des 330 millions d’euros qui y ont été consacrés en 2007 a été préservé pour la dotation d’installation et la bonification de prêts, financée pour partie au titre du 2ème pilier. Certaines collectivités locales participant à cette politique au moyen d’un cofinancement, il conviendra de poursuivre la concertation avec les régions et les conseils généraux, non pour coordonner leurs politiques agricoles mais pour les informer des intentions de l’État face à la future réorientation des aides de la PAC.

Pour les fruits et légumes, secteur évoqué par Mme Corinne Erhel, l’orientation voulue par la France est de doter en DPU l’ensemble des exploitations. Conscient du débat qui a lieu en Bretagne et ailleurs sur la proposition de la Commission de réformer certains aspects de l'OCM des fruits et légumes, le Gouvernement entend aider les producteurs à structurer les interprofessions pour faciliter leurs négociations avec les grands distributeurs.

S’agissant des producteurs de truffes, une réponse sera apportée par écrit à M. Jean Launay. Quant au problème des producteurs de tabac, soulevé par M. Germinal Peiro, il faut savoir que 7 000 euros à l’hectare d’aide découplée sont versés à la tabaculture sous forme de DPU, alors que la moyenne générale se situe entre 40 et 400 euros. La France n'est d’ailleurs pas la seule à vouloir que cette aide ne soit pas supprimée, et elle se battra avec l’Italie, la Grèce et l’Espagne pour obtenir un traitement particulier du secteur.

MM. André Chassaigne et François Brottes ont souhaité que l’on favorise une politique qui garantisse l’emploi agricole de manière équilibrée sur tout le territoire. La France y parviendra au moyen d’un soutien de la production laitière dans les zones fragiles, d’une aide forte à la production ovine, d’un maintien du couplage de la PMTVA ou du moins d’une part couplée importante, et d’une politique de développement de l’agriculture durable, sans oublier un soutien par tous les moyens à la recherche tant privée que publique, sur les OGM ou les pesticides, par exemple. À cet égard, une évaluation des conséquences de l’introduction de l’insecticide Cruiser sera conduite dans plusieurs régions avec les apiculteurs. Si le moindre doute apparaît, l’autorisation de mise sur le marché sera retirée.

S’agissant enfin de la pêche, évoquée par M. Jean Gaubert, le ministère se mobilise afin que Bruxelles ne s’oppose pas au plan pêche – qui bénéficiera de 310 millions sur trois ans et qui comportera une quinzaine de mesures. Les aides d’urgence sont en cours de versement à hauteur de 12 millions d’euros, de même que les aides directes aux pêcheurs par l’intermédiaire du fonds d’indemnité chômage. L’objectif est de parvenir à des aides structurelles et durables notamment en soutenant les coopératives. Le ministre a toute confiance dans la capacité des dirigeants professionnels de la pêche à mettre en œuvre avec lui ce plan pêche qui est sans précédent. Un débat spécifique pourrait d’ailleurs être organisé avec la commission d’ici à quelques semaines pour faire le point sur son application.

Le Président Patrick Ollier, après s’être déclaré favorable à l’organisation d’un tel débat, s’est félicité d’avoir entendu un ministre combatif, courageux et, surtout, rassurant.

Le Président Pierre Lequiller s’est déclaré heureux des réponses apportées par le ministre à un moment charnière de la politique agricole dans la perspective de 2013.

3) Réunion de la Commission du mercredi 25 juin 2008

La Commission s’est réunie le mercredi 25 juin 2008, sous la présidence de M. Serge Poignant, Vice-président, pour examiner la proposition de résolution (n° 957 rectifié) de M. Hervé Gaymard, rapporteur de la délégation pour l’Union européenne, sur le bilan de santé de la politique agricole commune (COM [2008] 306 final/n° E 3878).

Le Président Serge Poignant a indiqué que l’ordre du jour de la Commission appelait l’examen de la proposition de résolution de la Délégation pour l’Union européenne sur le bilan de santé de la Politique Agricole Commune (PAC), rappelant que celle-ci était en réalité le fruit d’une réflexion commune menée par un groupe de travail constitué de membres de la Délégation pour l’Union européenne et de la Commission des affaires économiques. Avant de laisser la parole au rapporteur, il a indiqué que le processus de révision de la PAC initié dans le cadre du bilan de santé constituerait un thème majeur d’actualité sous la présidence française de l’Union qui est chargée de trouver un compromis sur les propositions de la Commission européenne.

La Commission a tout d’abord désigné M. Michel Raison rapporteur sur la proposition de résolution de la Délégation pour l’Union européenne sur le bilan de santé de la politique agricole commune (PAC).

Le rapporteur, M. Michel Raison, a salué la décision du Président Ollier d’avoir créé un groupe de travail conjoint avec la délégation pour l’Union européenne pour examiner le bilan de santé de la PAC, dont les travaux se sont déroulés dans de très bonnes conditions et ont permis d’aboutir à des conclusions unanimes.

Le contexte économique confirme aujourd’hui que l’agriculture est un secteur d’avenir, au Nord comme au Sud, alors que sa dimension productive avait été quelque peu occultée ces dix dernières années. Il impose également aux pays riches du Nord de prendre en considération et de contribuer à améliorer la situation des pays pauvres au Sud.

Le bilan de santé de la PAC, initiée par la Commission européenne au mois de novembre dernier, doit s’achever pendant la présidence française de l’Union avec l’adoption d’un ensemble de règlements techniques sur la base des propositions de la Commission rendues publiques le 20 mai dernier. Si ce bilan de santé n’est à la base qu’un ajustement de la précédente réforme de la PAC de 2003, il n’en constitue pas moins un test pour la préparation des futures négociations sur la réforme de fond qui devra être opérée en 2013 et pose des premiers jalons. La France ne s’y est pas trompée en cherchant toujours à ramener les propositions de la Commission dans la perspective de la prochaine réforme et en affirmant son intention de lancer officiellement le débat sur 2013 dès le conseil informel d’Annecy en septembre 2008.

S’agissant des buts poursuivis par la Commission européenne dans le cadre du bilan de santé, ils convergent tous vers un approfondissement de la réforme de 2003, qui avait elle-même prévu la clause de révision examinée aujourd’hui. Cette réforme, qui s’inscrivait dans la lignée des réformes entreprises dès les années 1990, a eu pour objectif de rapprocher la PAC des critères fixés par l’Organisation mondiale du commerce en limitant les distorsions aux échanges, la protection du marché intérieur et les soutiens directs à la production. De la sorte, elle a constitué aux yeux d’un certain nombre d’observateurs un début de dislocation de la PAC. Les deux symboles de cette évolution sont, d’une part, la création d’un deuxième pilier de la PAC consacré aux actions de développement rural et financé par une modulation obligatoire des aides du premier pilier et, d’autre part, le découplage des aides directes versées aux exploitants de la production et la mise en œuvre des droits à paiement unique.

Aujourd’hui, la Commission européenne entend poursuivre le découplage sur quasiment toutes les productions, alors que certaines productions sensibles étaient restées partiellement couplées, notamment en France, et s’attaque au principe même des outils de gestion de l’offre et de stabilisation des marchés en proposant la suppression pure et simple de la jachère obligatoire, des quotas laitiers et de l’intervention. La proposition de résolution réagit fermement à ces projets, notamment :

– en affirmant l’inutilité de la suppression d’outils opérationnels, comme la jachère, qu’il suffirait de mettre à zéro sans pour autant se priver à tout jamais de les utiliser ;

– en réclamant la mise en place de nouveaux instruments de gestion de l’offre en lieu et place des quotas laitiers si ceux-ci devaient effectivement être supprimés.

La Commission européenne propose par ailleurs d’accroître la modulation au profit du deuxième pilier en y introduisant un élément de progressivité, censée pallier l’absence de plafonnement des aides : les taux de modulation applicables en 2012 devraient ainsi s’échelonner de 13 à 22 % des aides du premier pilier.

La seule concession faite par la Commission est la révision de l’article 69 du règlement (CE) n° 1782/2003 afin de permettre le financement d’aides en faveur de l’agriculture durable et de qualité, des secteurs de production rencontrant des difficultés spécifiques, des zones de production défavorisées mais également de soutiens au développement de l’assurance récolte ou de fonds de mutualisation en cas de crise sanitaire. Toutefois, le montant de crédits qui pourra être consacré à ces opérations et qui représente 10 % des plafonds nationaux d’aides directes risque de constituer un frein important à sa mise en œuvre. La France est très attachée au développement d’actions nouvelles par le biais d’un article 69 révisé et correctement calibré qui permettrait de ne pas avoir recours à des cofinancements.

Au final, les ajustements proposés par la Commission européenne constituent une réponse à des observations à court terme : la Commission ne mène aucune réflexion de fond sur les objectifs et les modalités de la PAC, prenant uniquement appui sur le contexte mondial actuel et la hausse des cours pour justifier sa position en faveur de « moins de PAC ». Cette position est non seulement réfutable car les marchés agricoles ont toujours été marqués par une forte instabilité, mais elle dénote l’absence de vision de la Commission sur le modèle agricole européen et les objectifs à promouvoir à travers la PAC. Rappelons en effet que le Conseil de Luxembourg de 1997 a posé une définition du modèle agricole européen qui est toujours d’actualité et qu’il convient de faire vivre au travers d’une politique commune : « L’agriculture européenne doit être multifonctionnelle, durable, compétitive, répartie sur tout le territoire européen y compris les régions à problèmes spécifiques ». Le groupe de travail s’est pour sa part efforcé de définir une vision de la PAC qui corresponde à ce modèle agricole. Il a ainsi dégagé un certain nombre de pistes, d’une part, pour répondre à la situation actuelle au niveau mondial et, d’autre part, sur l’après 2013, qui sont contenues dans son rapport et dont les éléments essentiels sont repris dans la proposition de résolution qui a été adoptée la semaine dernière à l’unanimité par la Délégation pour l’Union européenne.

En conclusion, le rapporteur a indiqué que les deux défis qui s’imposaient aujourd’hui étaient le développement de l’agriculture vivrière en Afrique et la réforme de la PAC après 2013, soulignant que de ce point de vue il convenait d’être vigilant afin que ne soient pas opérés dans le cadre du bilan de santé des choix irréversibles pour la PAC.

M. Jean Gaubert a rappelé que le texte de la proposition de résolution avait été coécrit par les membres du groupe de travail et résultait d’un travail collectif intéressant. Il a indiqué qu’en conséquence, le groupe SRC voterait la proposition de résolution sur le bilan de santé de la PAC. Il a ajouté que ce bilan de santé ne se présentait pas comme une réforme de la PAC mais comme un bilan de la précédente réforme à mi-parcours et que la Commission européenne avait affirmé ne vouloir apporter que des corrections à la marge. Pour autant, il ne faut pas se méprendre sur la portée réelle de ce bilan de santé car derrière les non-dits se profilent un certain nombre d’orientations pour la réforme de 2013.

M. Jean Gaubert a d’abord estimé qu’il fallait être attentif aux négociations en cours à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et ne pas faire de concessions qui désavantageraient les pays européens par rapport à leurs concurrents, notamment si l’on considère que l’agriculture américaine bénéficie d’un niveau élevé de subventions sans être inquiétée par l’OMC. Capable de mettre en place des systèmes très efficaces pour protéger leurs propres productions, les pays membres du groupe de Cairns sont moins libéraux qu’ils ne le prétendent et prennent souvent comme alibi le nécessaire développement de l’agriculture africaine pour plaider en faveur d’une libéralisation des échanges. Or, il est évident que le plus important pour les pays africains est d’abord de produire pour leur population et non pas d’exporter. Dans ces conditions, les taxes à l’importation restent légitimes et leur mise en œuvre doit rester possible. Il ne faut pas oublier non plus que la protection des frontières ne relève pas des seules taxes mais doit aussi reposer sur des contrôles permettant de s’assurer que les produits importés répondent bien aux standards européens, notamment d’un point de vue sanitaire.

Dans les propositions de la Commission, figure l’augmentation de la modulation. Les moyens budgétaires de la France étant limités, il conviendrait d’utiliser davantage l’article 68 (ex-article 69) plutôt que le 2ème pilier pour lequel est prévu un cofinancement. La disparition des quotas laitiers, programmée pour 2015, n’est pas non plus souhaitable et la France n’est pas isolée sur ce point, la position de la Pologne évoluant par exemple dans le même sens. Si ces quotas venaient à disparaître, il faudrait prévoir au moins un nouvel instrument de régulation de l’offre, sous peine d’avoir des situations dramatiques dans certaines régions. Deux ou trois autres sujets demandent aussi une grande vigilance. Il en est ainsi du statut de la coopération, qui n’est pas dans le bilan de santé de la PAC mais qui est très attaqué aujourd’hui. De même, le statut des interprofessions et leur développement sont parfois considérés comme une atteinte à la concurrence, alors que dans le même temps, l’achat d’une partie de Coop Alsace par Leclerc ne semble pas poser de problème de concurrence aux yeux des autorités communautaires.

Le président Serge Poignant a souligné que cette proposition de résolution venait en discussion à un moment tout à fait opportun pour préciser la position française et s’est réjoui de son caractère transpolitique.

M. André Chassaigne a d’abord souligné la pertinence de l’initiative conjointe de la délégation de l’Assemblée Nationale pour l’Union Européenne et de la Commission des affaires économiques qui permet, grâce à ce rapport d’information, de dresser un historique relativement complet et objectif de la politique agricole européenne intégrée, en partant de ses enjeux initiaux, en retraçant les multiples réformes, et en mettant au grand jour les motivations qui guident sa remise en cause actuelle.

C’est bien parce que cette politique a largement réussi à atteindre des objectifs de souveraineté et d’autosuffisance alimentaires, que dans leur immense majorité les citoyens européens ne connaissent plus aujourd’hui la faim et la malnutrition. Bien sûr, cette politique a connu certaines dérives, mais personne ne peut honnêtement soutenir qu’il convient de la supprimer.

Dans un contexte mondial marqué par la forte volatilité des matières premières agricoles, qu’accentue l’augmentation des cours des combustibles fossiles, et par des mouvements spéculatifs incessants aux effets dramatiques sur les populations, cette proposition de résolution traduit un positionnement politique salutaire de la France en matière agricole. Cette position est à la fois le fruit d’une histoire agricole et rurale particulière, et celle d’une certaine clairvoyance dans les enjeux qui se dessinent pour l’humanité.

M. André Chassaigne s’est réjoui que soient réaffirmés courageusement dans la proposition de résolution des principes aussi essentiels à notre avenir commun que ceux de l’autosuffisance alimentaire et de la préférence communautaire. Principes qui, il y a encore quelque temps, pouvaient paraître désuets pour certains libéraux. Il s’est satisfait également du fait que cette proposition réaffirme la singularité de l’agriculture qui constitue un secteur à exclure du champ d’application de la doctrine libérale de l’OMC. Les productions agricoles ne sont pas des marchandises comme les autres, car comme l’accès à l’eau potable, elles satisfont un besoin primaire de l’humanité sans lequel il n’y a pas d’humanité possible.

M. André Chassaigne s’est félicité par ailleurs de l’inscription dans ce texte de la nécessité de conforter le budget agricole européen, si souvent stigmatisé. C’est parce que d’autres politiques publiques sont volontairement laissées en friche que celui-ci est apparu à certains comme déséquilibré et non l’inverse !

Mais il a précisé que ce satisfecit ne serait pas sincère, s’il ne faisait état de certains points où la proposition aurait sans doute dû pousser plus en avant ses propositions.

En ce qui concerne les ajustements nécessaires après l’instauration du régime de paiement unique, il aurait été souhaitable de faire figurer clairement le nom des secteurs les plus fragilisés et nécessitant une répartition plus équitable des aides, notamment les élevages bovin et ovin. De plus, une évaluation complète de l’introduction des « droits à paiement unique» se devait sans doute de déconstruire, avec plus de force, les mythes qui ne tiennent absolument pas compte des réalités de la production agricole. Dans le cadre de son maintien, le paiement unique aux exploitations devrait concerner les hectares en réelle production mais aussi survaloriser les premiers hectares pour privilégier l’emploi en enrayant les processus de concentration, et ainsi stimuler l’installation.

Le principe d’un plafonnement des aides directes par actif et par exploitation aurait pu être davantage affirmé, avec en contrepartie une réutilisation des montants dégagés dans le cadre de l’article 69 révisé pour un bonus aux exploitations répondant à des critères de durabilité, l’objectif étant de laisser aux États membres une certaine marge de liberté quant à l’affectation des montants dégagés. Par ailleurs, dans le cadre de l’élargissement de l’article 69 à d’autres secteurs, le taux de prélèvement maximal sur les plafonds nationaux de paiements directs doit être porté bien au-delà du seuil des 10 % pour la mise en œuvre de mesures efficaces. Cela permettrait d’inscrire un véritable soutien à l’herbe au sein du premier pilier. Ce soutien revêt un caractère à la fois indispensable et urgent, afin de maintenir des systèmes herbagers qui sont l’identité même des territoires d’élevage en Europe, et qui sont des exemples opérants de la multifonctionnalité d’une activité agricole. La réorientation des soutiens, grâce à un article 69 ambitieux et rénové, est seule à même de servir le rééquilibrage entre les filières, de garantir l’équilibre social, économique et environnemental des territoires.

Il aurait été aussi souhaitable de voir apparaître le principe, au sein du premier pilier, d’un véritable « plan protéagineux » afin de limiter la dépendance de nos élevages aux matières premières importées pour la consommation des animaux.

D’autre part, il est nécessaire de maintenir le couplage de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (PMTVA) et d’ajuster à celle-ci le niveau de la prime à la brebis et à la chèvre (PBC), pour des raisons évidentes d’aménagement du territoire et de souveraineté alimentaire européenne. Il n’y pas de justification à la soumission forcée de nos productions animales à une concurrence internationale exacerbée, qui fait fi des normes sociales, sanitaires, environnementales les plus élémentaires et des besoins alimentaires des populations des pays du Sud. Afin de garantir ces mêmes principes, aurait pu être inscrite la proposition de réévaluation des indemnités compensatrices de handicaps naturels (ICHN) dans le cadre du second pilier, ainsi que la proposition d’un soutien accru à la dynamique d’installation et de modernisation, en particulier en zone de montagne.

Mais ce renforcement du second pilier par une simple augmentation de la modulation exclut toute ambition de consolidation du budget européen. Vider le premier pilier au profit du second, moins lié à la production agricole, c’est tout simplement détruire avec habileté et un sens du marketing politique notre tissu agricole productif, en se faisant passer pour des aménageurs charitables. Voilà donc quelques problématiques qui auraient pu être intégrées dans le corps de ce texte tout en conservant son équilibre actuel. Malgré cela, et compte tenu de la nécessité de fournir l’état de la réflexion française, les propositions inscrites dans la proposition de résolution apparaissent globalement satisfaisantes. Elles font part à la fois de l’intérêt que portent les parlementaires français au secteur agricole, avec responsabilité, et avec une vision d’avenir pour le modèle européen. Elles confirment le fait que l’agriculture n’est pas un « tiers secteur» à traiter vulgairement et à abandonner au libre arbitrage idéologique des négociateurs de l’OMC. C’est donc sur ces bases, en prenant en considération à la fois les avancées et les points perfectibles du texte, que M. André Chassaigne a déclaré soutenir cette proposition de résolution.

M. Antoine Herth a félicité le rapporteur pour le travail accompli et a souligné l’opportunité d’adopter cette proposition de résolution à ce moment du débat. L’OMC a toujours été l’un des éléments qui ont pesé sur les choix de la PAC mais cela l’est un peu moins aujourd’hui : il faut en profiter pour résister à l’invitation pressante de nos partenaires commerciaux d’arriver à un accord dans le cadre du cycle de Doha, alors que ces mêmes partenaires ne font aucun effort dans le cadre de leur politique nationale. Le rapport d’information et la proposition de résolution apportent aussi un éclairage important sur le contexte mondial. Ce contexte est bien sûr marqué par le renchérissement du cours des céréales mais il est indispensable d’élargir le propos à l’évolution du coût des matières premières et à la question des coûts de production. S’agissant des propositions de révision à mi-parcours faites par la Commission européenne, le rapporteur souligne à juste titre la nécessité de maintenir des outils de régulation, en matière de production céréalière, en matière de gestion des risques avec un nouvel outil à construire mais aussi en matière de quotas laitiers. Au-delà de leur utilisation comme outil de gestion d’une production, ces quotas doivent aussi être appréhendés comme un outil d’aménagement du territoire.

M. Antoine Herth a aussi approuvé les orientations retenues dans la proposition de résolution pour aborder les questions budgétaires. Il est désormais essentiel de se concentrer sur une bonne utilisation des moyens qui peuvent être dégagés du premier pilier. Un des défauts du second pilier consacré au développement rural, est, au-delà du principe du cofinancement, la lourdeur administrative dont pâtit sa mise en œuvre, qui se traduit par des demandes et autorisations très complexes, assortis de nombreux contrôles, ce qui rend inefficaces certaines mesures. La France devra appeler aussi la Commission européenne à plus de cohérence lorsque cette dernière met en avant le découplage. En effet, la promotion de ce découplage devrait logiquement s’accompagner d’une autorisation donnée pour mieux organiser les filières, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. L’examen de ce bilan de santé est une opportunité de redécouvrir les fondamentaux de la PAC dans la perspective de la prochaine réforme en 2013. Il serait par ailleurs souhaitable que les politiques énergétique et agricole soient mieux articulées. Enfin, la PAC est aussi un test de gouvernance pour l’Union européenne et le résultat doit être au bout.

M. Jean-Claude Fruteau a salué, en tant que membre du groupe du travail, le bon climat qui a régné pendant ses réunions, ainsi que la qualité du travail accompli. Il a souligné que le rapport était le fruit d’une réflexion collective et que le texte de la proposition de résolution reflétait un large consensus français autour de l’avenir de la PAC. Le Président de la République a retenu à juste titre la PAC comme l’un des thèmes prioritaires de la présidence française de l’Union européenne. A travers le bilan de santé et les propositions de la Commission européenne, c’est la future PAC qui est en train de se dessiner. Un élément est apparu récemment qui montre l’ampleur du défi d’une politique agricole qui doit se penser au niveau mondial : les émeutes de la faim. Alors que l’on a beaucoup parlé ces dernières années de développement rural et considéré les agriculteurs comme des aménageurs et des protecteurs des paysages, bien qu’eux-mêmes revendiquaient leur volonté de vivre de leur production, les émeutes de la faim prouvent que ce temps est révolu et que l’ambition de l’agriculture est aujourd’hui encore de produire pour nourrir la planète.

Le rapport d’information présente une analyse de deux visions possibles de la PAC et se prononce résolument en faveur de celle qui considère l’agriculture comme un secteur marqué par une instabilité croissante qui nécessite une intervention publique. Cette intervention doit permettre d’assurer une régulation des marchés agricoles qui subissent aujourd’hui les effets pervers d’une spéculation irraisonnée. Il est important de pouvoir disposer de mécanismes d’intervention pour orienter l’offre et prévenir les risques. En ce qui concerne l’OMC, l’Union européenne a fait ce qu’il fallait et les restitutions à l’exportation n’existent plus. Les pays du groupe de Cairns soutiennent une philosophie ultralibérale mais ont gardé de fait des mécanismes de soutien ; c’est à eux qu’il appartient désormais de faire des efforts. Il convient par ailleurs de prêter une attention particulière aux régions ultrapériphériques et de ne pas toucher aux processus et mécanismes existant dans ces régions, qui sont toujours aussi pertinents. La France devra donc rester vigilante sur le traitement de ces régions dans le cadre des négociations sur l’après 2013.

M. Jean-Claude Fruteau a également salué la pertinence de l’encadré, figurant au rapport d’information, relatif à l’opportunité de conclure ou non les accords de partenariat économique. Il a déclaré approuver la vision nouvelle donnée par cet encadré : la libéralisation des échanges n’entraîne pas forcément le développement des pays pauvres. Puis, en conclusion, il a indiqué qu’il voterait cette proposition de résolution.

M. Jean-Marie Sermier a félicité le rapporteur et les différents intervenants pour la teneur de leurs propos, qui tranchent quelque peu avec ceux qui étaient tenus au Parlement il y a quelques années. Il s’est réjoui qu’à ce titre que la PAC ne soit plus considérée par certains comme une politique à bannir. En 2003, alors qu’il était rapporteur de la délégation pour l’Union européenne sur la réforme de la PAC, l’agriculture était présentée comme ayant pour seule finalité l’aménagement de l’espace et personne n’avait plus en tête que l’agriculture devait aussi nourrir la population. Aujourd’hui, une attention très forte est portée au renchérissement des prix agricoles mais cette hausse des cours tend à se tasser. La France devra donc rester vigilante sur le budget accordé à la PAC en 2013. La PAC ne pourra pas non plus perdurer sans préférence communautaire ni outils de régulation. Il serait également souhaitable qu’un accent particulier soit mis sur les indications géographiques protégées (IGP) et la Commission européenne devra être offensive sur ce point dans le cadre de l’OMC.

M. Jacques Le Guen a rappelé que le défi majeur de l’agriculture était de pouvoir nourrir 9 milliards de personnes à l’horizon 2050 et a estimé que les produits agricoles n’étaient pas des biens comme les autres. A ce titre, il s’est interrogé sur l’opportunité de maintenir l’agriculture dans le cadre des négociations de l’OMC et estimé qu’il serait intéressant d’examiner la position de nos différents partenaires européens sur ce point. Il a rappelé les dégâts de l’OMC sur l’économie du Sénégal, pays qui était auparavant autosuffisant à 90 % pour l’élevage de poulets et qui désormais satisfait les besoins de sa population à 10 % par une production locale et à 90 % par des importations issues du Brésil. Il a également souligné la nécessité de défendre le modèle français coopératif, qui a permis de gagner des parts de marché. Il s’est enfin interrogé sur le caractère eurocompatible de la mise en place souhaitée par le gouvernement d’associations d’organisations de producteurs (AOP).

M. Philippe Armand Martin a félicité la Commission des affaires économiques et la Délégation pour l’Union européenne pour leurs travaux conjoints. Malgré les attaques dont elle a fait l’objet, la PAC a joué son rôle, en dépit des difficultés liées à la concurrence des pays tiers. Il a approuvé la proposition figurant dans la proposition de résolution de conserver des mécanismes d’intervention en cas de crise et de pérenniser le financement des aides du premier pilier. Il s’est aussi déclaré favorable à la création de nouveaux outils de stabilisation et au maintien de la préférence communautaire. Il a enfin demandé au rapporteur quelles actions pouvaient être envisagées pour prendre à bras-le-corps les problèmes des pays pauvres.

M. Michel Raison, rapporteur, a répondu qu’en ce qui concernait les pays pauvres, des règles favorables pouvaient être fixées dans le cadre de l’OMC. Il a également rappelé que les pays européens avaient supprimé les mécanismes de subventions aux exportations créant des distorsions et que la PAC n’avait pas les effets pervers qu’on pouvait lui prêter sur les cultures vivrières locales. A l’inverse, l’Afrique est souvent considérée par les États-Unis comme un moyen d’écouler leurs excédents. Et quand les cours s’envolent et que les productions sont moins importantes, les États-Unis diminuent leur aide alimentaire dans des pays qui s’y sont habitués, créant parfois des situations dramatiques.

S’ils ne figurent pas dans la proposition de résolution qui se doit d’être synthétique, les points soulevés par M. André Chassaigne ont été traités dans le rapport d’information, le sujet des protéines par exemple, ou la liste des productions à soutenir.

La singularité de l’agriculture, mise en avant par plusieurs intervenants, est réelle car il est impossible d’adapter à l’avance l’offre à la demande, à l’inverse de l’industrie. Les productions, soumises aux contraintes climatiques, restent aléatoires et le raisonnement applicable à l’agriculture est donc différent. De plus, un traitement différencié se justifie aussi par le caractère stratégique de l’arme alimentaire. Une autre raison est le rôle joué par l’agriculture dans l’occupation et l’entretien de l’espace, qui peut avoir des conséquences sur d’autres activités comme le tourisme. Face à l’apparente abondance de productions agricoles en Europe, il ne faut pas casser les mécanismes de gestion de marchés et réfléchir à de nouveaux outils le cas échéant. Il est également important de ne pas se laisser duper par nos partenaires américains dans les négociations à l’OMC car la réforme du Farm Bill a permis aux agriculteurs américains de garder un régime de subventions très favorable par un biais détourné.

Sur proposition du rapporteur, la Commission a ensuite adopté à l’unanimité la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission au Parlement
européen et au Conseil : « Préparer le "bilan de santé" de la PAC réformée », COM [2007] 722 final,

Vu la proposition de règlement du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, la proposition de règlement du Conseil modifiant les règlements (CE) n° 320/2006, (CE) n° 1234/2007, (CE) n° 3/2008 et (CE) n° …/2008 en vue d'adapter la politique agricole commune, la proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 1698/2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et la proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2006/144/CE relative aux orientations stratégiques de la Communauté pour le développement rural (période de programmation 2007-2013) - Bilan de santé, (
COM [2008] 306 final/n° E 3878),

Considérant que le secteur agricole se caractérise par l’étroitesse de ses marchés, la forte volatilité du prix de ses produits et l’importance de ses enjeux pour l’avenir de la planète, qu’il relève ainsi d’un modèle économique spécifique, qui ne peut être régi par la seule loi de l’offre et de la demande et le moins-disant sanitaire, écologique et social ;


Considérant que la conjoncture actuelle, marquée par le prix élevé des matières premières et un contexte de pénurie alimentaire, laisse présager une instabilité accrue des marchés, liée aussi bien aux aléas climatiques, macroéconomiques et politiques qu’à des mouvements spéculatifs au niveau mondial ;
Considérant que la politique agricole commune (PAC) constitue un des éléments structurants de la construction européenne justifiant qu’on lui accorde des moyens financiers suffisants, les dépenses qu’elle entraîne ne représentant aujourd’hui que 0,4 % du PIB de l’Union européenne, et qu’elle ne doit pas être considérée comme la variable d’ajustement des autres politiques communautaires ;

Considérant que les raisons fondatrices de la PAC, et notamment l’objectif d’autosuffisance alimentaire de l’Europe, n’ont pas disparu mais au contraire rejaillissent aujourd’hui avec force, que ce soit au travers de la question de la qualité sanitaire et environnementale des produits, celle du pouvoir d’achat ou encore celle du maintien de l’activité agricole sur l’ensemble de nos territoires ;

Considérant que, dans la perspective de la prochaine réforme de la PAC, il conviendra de rouvrir un débat de fond sur la place à accorder, dans l’agriculture européenne, à la recherche de solutions alternatives aux énergies fossiles et donc au développement des agrocarburants, la fonction première de notre agriculture demeurant néanmoins la production alimentaire ;

Considérant que l’Europe a déjà apporté sa contribution à la conclusion du cycle de Doha avec la réforme de la PAC opérée en 2003, qui a transféré la grande majorité des aides européennes dans la boîte verte de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), alors même que d’autres grands pays producteurs, comme par exemple les États-Unis avec le Farm Bill, continuent de soutenir massivement leur agriculture, que ce soit par le biais d’aides contra cycliques, de mécanismes d’assurance revenu ou de subventions à l’exportation ;

Considérant qu’il appartient en conséquence à l’Union européenne à la fois de défendre son modèle agricole, tel que défini par le Conseil européen réuni à Berlin les 24 et 25 mars 1999, et de participer à la résolution des grands défis mondiaux, alimentaires, énergétiques et environnementaux, notamment :

- en révisant à la hausse le budget qu’elle consacre à l’aide alimentaire et en activant sa réserve pour l’aide d’urgence aux pays tiers ;

- en promouvant la mise en
œuvre de politiques agricoles au sein des grands ensembles régionaux du globe, en particulier en Afrique, qui sont seules à même de permettre l’essor des agricultures vivrières locales indispensables au développement des pays les plus pauvres ;

- en réexaminant la question des accords par produit sur le prix des matières premières ;

- en tenant compte des difficultés spécifiques de l’agriculture des pays ACP dans la poursuite des négociations des accords de partenariat économique ;

- et en participant à l’émergence d’une nouvelle gouvernance de l’agriculture au niveau mondial ;

Considérant que le bilan de santé de la PAC constitue un élément indissociable de la réflexion à mener sur la réforme de la PAC après 2013 et qu’à défaut que ces deux processus fassent l’objet d’une réflexion commune, il convient que les décisions actées dans le cadre du bilan de santé n’opèrent pas des choix irréversibles pour 2013 mais permettent au contraire de lancer des idées nouvelles, notamment en matière de gestion des crises et des risques ;

1. Se félicite de l’adoption par la Commission européenne, le 20 mai 2008, concomitamment à l’annonce de ses propositions législatives sur le bilan de santé de la PAC, d’une communication présentant des solutions visant à limiter les conséquences de la progression des prix des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux, qui répond aux préoccupations exprimées par la France lors du Conseil des ministres européens de l’agriculture à Luxembourg, le 14 avril 2008, concernant l’urgence d’une initiative européenne pour la sécurité alimentaire ;

2. Souhaite que le bilan de santé de la PAC soit mené à son terme en tenant compte avant tout des intérêts des citoyens européens, producteurs, consommateurs et contribuables, de la diversité de nos agricultures et des besoins de nos territoires, sans considération des pressions extérieures provenant des négociations en cours à l’OMC, pour lesquelles il doit être clairement établi que l’Europe a déjà fait une offre suffisante ;
3. Salue les propositions de la Commission européenne en vue de simplifier le régime des aides, d’en débureaucratiser la gestion et d’en alléger les contraintes liées aux exigences réglementaires auxquelles sont soumis les agriculteurs dans le cadre de la conditionnalité ;

4. Reconnaît que des ajustements ponctuels sont nécessaires afin de tenir compte de l’évolution de la conjoncture et des leçons tirées de l’instauration du régime de paiement unique, notamment : la suspension de la jachère, la diminution du niveau de soutien apporté aux secteurs bénéficiant aujourd’hui de prix très rémunérateurs, comme les céréales, en vue d’une réorientation vers des secteurs plus fragiles, la réduction des écarts entre les aides distribuées et une répartition plus équitable de celles-ci ;

5. Appelle à une vigilance toute particulière concernant l’augmentation progressive des quotas laitiers proposée par la Commission européenne : celle-ci doit impérativement faire l’objet d’un réexamen annuel et n’être mise en
œuvre que si elle correspond à la situation réelle du marché ; elle doit en outre aller de pair avec un renforcement des interprofessions et de la politique de contractualisation en amont et en aval, et impliquer la mise en place de mesures d’accompagnement en faveur des zones de montagne, défavorisées, intermédiaires et à faible densité laitière afin de compenser les surcoûts liés à la production ou à la collecte ;

6. Prend acte de la proposition de la Commission européenne de supprimer les quotas laitiers en 2015 mais demande à ce qu’ils soient remplacés par un système rénové de gestion de l’offre afin de ne pas déstabiliser l’ensemble de la filière laitière. A défaut, leur maintien sera exigé ;

7. Regrette que la Commission européenne ait préféré un système de modulation progressive des paiements directs du 1er vers le 2ème pilier de la PAC en lieu et place du plafonnement des aides qu’elle envisageait dans sa communication du 20 novembre 2007 « Préparer le "bilan de santé" de la PAC réformée » et demande à ce que cette mesure soit effectivement mise en
œuvre et que les montants ainsi dégagés puissent être utilisés par chaque État membre dans le cadre de l’article 69 révisé ;

8. Estime impératif de conserver au sein de la PAC un 1er pilier fort, orienté vers une agriculture productive et respectueuse de l’environnement, afin de ne pas limiter notre seule politique commune à un dispositif d’accompagnement social et rural de l’agriculture et d’éviter toute renationalisation de celle-ci. En conséquence, l’augmentation du pourcentage de modulation obligatoire du 1er vers le 2ème pilier avancée pour 2012 apparaît excessive : celle-ci doit en effet demeurer compatible avec l’équilibre des finances publiques des États membres et ne pas vider le 1er pilier des moyens financiers qui lui sont nécessaires, en particulier pour mettre en
œuvre les nouvelles mesures de soutien prévues dans le cadre de l’article 69 révisé ;

9. Salue l’effort de diversification des outils utilisés dans le cadre du 1er pilier par le biais de l’élargissement de l’ancien article 69 aux secteurs du lait, des produits laitiers, du riz et des viandes bovine, ovine et caprine (article 68) ainsi qu’au financement de l’assurance récolte (article 69) et de fonds de mutualisation contre les risques sanitaires (article 70) : cette mesure constitue une avancée majeure qui devrait néanmoins, afin que son efficacité soit garantie, faire l’objet d’un taux maximal de prélèvement sur les plafonds nationaux de paiements directs supérieur aux 10 % proposés par la Commission européenne et ne pas être soumise à des contraintes de mise en
œuvre trop importantes, telles que l’application d’un sous-plafond de 2,5 % à l’intérieur du plafond initial pour « les mesures dont il n’est pas certain qu’elles remplissent les conditions de la boîte verte de l’OMC » ;

10. Accueille positivement la décision de la Commission européenne de ne pas imposer de découplage total des aides directes du 1er pilier dans le secteur des productions animales et de ne pas modifier le régime applicable dans les régions ultrapériphériques, mais s’oppose avec force à sa proposition de suppression dès 2010 des aides couplées pour certaines cultures spécifiques, qu’elle juge notamment incompatible avec la satisfaction des besoins actuels de l’Union européenne en protéines végétales ;

11. Demande à ce que la simplification du régime des paiements uniques et le découplage accru des aides directes aillent de pair avec une harmonisation de ces aides et une plus grande équité dans leur répartition : certaines productions peu aidées en raison des bases historiques retenues lors de la réforme de 2003 et présentant des externalités positives (que soit par exemple en termes de préservation de l’environnement ou d’aménagement du territoire), comme la production laitière, l’élevage extensif ou l’agriculture biologique, devraient ainsi bénéficier d’une redistribution des aides directes ou être éligibles à de nouveaux soutiens, par exemple dans le cadre de l’article 69 révisé ;

12. Juge indispensable que l’Union européenne conserve des mécanismes d’intervention sur les marchés en cas de crise et engage rapidement, dans la perspective de la prochaine réforme de la PAC, plusieurs chantiers de réflexion portant notamment sur :

- la pérennisation et le financement des aides du 1er pilier, ainsi que leur finalité (favoriser la création d’emplois, le développement d’une agriculture à la fois productive et durable, etc.) ;

- la création de nouveaux outils de stabilisation des marchés et d’orientation des productions agricoles, comme par exemple l’instauration d’un mécanisme communautaire de couverture des risques économiques permettant aux agriculteurs de mieux vivre du prix de leurs produits ;

- l’amélioration de la gouvernance des professions agricoles et de l’organisation commerciale des filières, notamment par une modification du droit de la concurrence ;

- la mise en
œuvre de la préférence communautaire ;

- le développement d’une véritable politique de recherche et d’innovation, permettant de renforcer à la fois la compétitivité et l’excellence environnementale de notre agriculture.

ANNEXES

ANNEXE 1 :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE GROUPE DE TRAVAIL

1) Auditions du 14 janvier 2008 à l’Assemblée nationale

Ÿ Fédération nationale d’agriculture biologique

M. Vincent Perrot, délégué général ;

- M. Olivier Clément, chargé de mission « Politiques agricoles » ;

- M. Alain Delangle, secrétaire national.

Ÿ Institut national de recherche agronomique Paris-Grignon

M. Marcel Mazoyer, professeur émérite.

Ÿ Autres personnalités

M. Michel Griffon, ancien directeur scientifique du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), responsable des programmes agricoles à l’Agence nationale de la recherche ;

M. Bruno Parmentier, économiste, directeur de l’Ecole supérieure d’agriculture d’Angers, auteur du livre « Nourrir l’humanité - Les grands problèmes de l’agriculture mondiale au XXIème siècle ».

2) Auditions du 15 janvier 2008 à l’Assemblée nationale

Ÿ Association nationale des industries alimentaires (ANIA)

- Mme Chapalin, directrice générale ;

- Mme Doré, chef de projet Echanges extérieurs et Agriculture ;

- M. Soubestre, président du Syndicat National des Fabricants de Sucre et Président de la Commission Echanges Extérieurs et Agriculture.

Ÿ Banque mondiale

M. Alain de Janvry, co-directeur du rapport « L’agriculture au service du développement » ;

- Mme Michèle Bailly, conseiller principal pour l’Europe.

Ÿ Bureau des affaires agricoles de l’ambassade des États-Unis

– Mme Elizabeth Berry, ministre-conseiller aux affaires agricoles ;

- M. Xavier Audran, ingénieur agronome.

Ÿ Institut national de recherche agronomique (INRA)

M. Hervé Guyomard, directeur scientifique « Société, économie et décision ».

Ÿ Mouvement pour une organisation mondiale de l’agriculture (MOMAGRI)

M. Pierre Pagesse, président ;

- M. Jacques Carles, délégué général.

Ÿ Société des agriculteurs de France (SAF)

M. Hervé Morize, président ;

- M. Valery Elisseeff, directeur ;

- M. Olivier Quenardel, juriste.

3) Auditions du 16 janvier 2008 à l’Assemblée nationale

Ÿ Confédération paysanne

- Mme Bailly, M. Pasquier et Mme Vilain.

Ÿ Conseil national du développement durable (CNDD)

- M. Michel Ricard, président.

Ÿ Coordination rurale

M. François Lucas, président ;

Ÿ Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD)

- M. Jérôme Bédier, président.

Ÿ Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL)

M. Henri Brichart, président.

Ÿ MODEF

- M. Xavier Compain, président national, accompagné de M. Serge Lepine.

Ÿ Office de l’élevage

- M. Yves Berger, directeur.

Ÿ ORAMA

M. Xavier Beulin, président ;

- M. Jérôme de Pelleport, directeur, accompagnés de M. Pascal Hurbault et de M. Nicolas Ferenczi ;

3) Auditions du 21 janvier 2008 à l’Assemblée nationale

Ÿ Agir pour l’environnement

- M. Jacques Caplat.

Ÿ Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA)

- M. Guy Vasseur, vice-Président, accompagné de M. Guillaume Baugin.

Ÿ Conseil d’analyse économique et Conseil de prospective européenne et internationale pour l’agriculture et l’alimentation

M. Dominique Bureau et M. Philippe Chalmin, auteurs du rapport « Perspectives agricoles en France et en Europe ».

Ÿ Conseil économique et social

Mme Jocelyne Hacquemand, auteur du rapport « Faim dans le monde et politiques agricoles et alimentaires : bilan et perspectives ».

Ÿ Jeunes Agriculteurs

- M. Eloi Canon, membre du bureau et responsable professionnel des dossiers européens et internationaux ;

- Mme Noëlle Poisson, chef du service économique et international.

Ÿ Ligue pour la protection des oiseaux (LPO)

Mme Sylvie Flatres.

Ÿ Organisation de coopération et de développement économique (OCDE)

Mme Carmel Cahill, chef de la division des politiques et échanges agricoles.

4) Déplacement le 23 janvier 2008 à Bruxelles

Ÿ Commission européenne

M. Jean-Luc Demarty, directeur général de la direction agriculture et développement rural.

Ÿ Représentation permanente de la France

M. Yves Madre, conseiller agricole auprès de la Représentation permanente de la France.

5) Auditions du 12 février 2008 à l’Assemblée nationale

Ÿ Cabinet du ministre de l’agriculture et de la pêche

- Mme Judith Jiguet, directrice adjointe ;

- Mme Dominique Brinbaum, conseillère spéciale Stratégie et Prospective.

Ÿ Autre personnalité

 M. Alain Lamassoure, député européen.

6) Auditions du 19 février 2008 à l’Assemblée nationale

Ÿ Ambassade de Grande-Bretagne

- Mme Claire Wilding, conseillère aux affaires agricoles ;

- M. David Barnes, conseiller agricole à la représentation permanente du Royaume-Uni à Bruxelles.

Ÿ Commission agriculture et alimentation (C2A) de coordination Sud

- M. Damien Lagrandre, du Groupe de recherche et d’échanges technologiques (GRET) ;

- M. Ambroise Mazal, chargé de plaidoyer « souveraineté alimentaire », du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) ;

- Mme Sarah Pomeranz, du Comité français pour la solidarité internationale (CFSI).

Ÿ Coop de France

M. Philippe Mangin, président ;

- M. Gérard Budin, président de la Fédération nationale des coopératives laitières ;

- M. Yves Le Morvan, directeur général de Coop de France ;

- Mme Irène de Bretteville, responsable des relations parlementaires ;

Ÿ WWF

M. Bernard Cressens, directeur des programmes de conservation ;

- MM. Denis Gaboriau et Samuel Ferret de la Fédération nationale des centres d’initiative pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (CIVAM) ;

7) Auditions du 31 mars 2008 à l’Assemblée nationale

Ÿ Ambassade d’Allemagne

- M. Dietrich Guth, sous-directeur au ministère de l’agriculture à Bonn.

Ÿ FNSEA

M. Xavier Beulin.

Ÿ Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

- M. Francis Amand, chef du service de la régulation et de la sécurité ;

- Mme Marie-Christine Buche, sous-directrice des produits agricoles et alimentaires. à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Ÿ Office national des forêts (ONF)

- M. Pierre-Olivier Drège, directeur général ;

- M. Frédéric Delport, directeur de cabinet.

8) Déplacement les 6 et 7 mai 2008 en Pologne (Varsovie)

Ÿ Ambassade de France

- Son Exc. M. François Barry Delongchamps, ambassadeur de France en Pologne ;

- M. Jean-Claude Nolla, premier conseiller ;

- M. Nicolas Perrin, attaché agricole.

- M. Jérôme Baconin, adjoint du chef de la Mission économique ;

- M. Frédéric de Touchet, conseiller pour les affaires politiques ;

Ÿ Services du Premier ministre

M. Michał Boni, secrétaire d’État en charge de l’équipe de conseillers stratégiques du Premier Ministre ;

- M. Maciej Duszczyk, conseiller ;

- M. Jakub Michałowski, conseiller.

- Mme Milczarek-Andrzejewska, conseillère ;

Ÿ Ministère de l’agriculture et du développement rural

- M. Marek Sawicki, ministre de l'agriculture et du développement rural ;

- M. Andrzej Dycha, vice-ministre en charge des relations internationales ;

- Mme Joanna Czapla, directrice des aides directes.

- Mme Nina Dobrzynska, directrice des analyses ;

- M. Waldemar Guba, directeur des marchés agricoles ;

- M. Julian Krzyzanowski, directeur du département des relations avec l’Union européenne et internationales ;

- Mme Isabella Lewandowska, directrice adjointe des relations avec les pays tiers et avec l’Organisation mondiale du commerce ;

- M. Marek Mossakowski, directeur des analyses ;

- Mme Alexandra Szelagowska, directrice des finances ;

- Mme Zofia Krzyzanowska, conseillère générale ;

Ÿ Office du Comité de l'intégration européenne (UKIE)

M. Piotr Serafin, vice-ministre en charge des fonds structurels.

Ÿ Diète

- M. Andrzej Grzyb, président de la commission des affaires européennes ;

- M. Leszek Korzeniowski, président de la commission agriculture.

Ÿ Sénat

- M. Zdzislaw Stanislaw Pupa, vice-président de la commission des affaires de l'Union européenne.

- M. Jerzy Mieczysław Chroscikowski, président de la commission agriculture et environnement ;

Ÿ Agence de restructuration et de modernisation de l'agriculture (ARMA)

- Mme Zofia Szalczyk, vice-présidente, et plusieurs collaborateurs.

Ÿ Agence des marchés agricoles (ARR)

- M. Waldemar Sochaczewski, vice-président.

Ÿ Autres personnalités

- M. Jan Krzysztof Ardanowski, conseiller pour les affaires agricoles du Président de la République ;

- M. Andrzej Kowalski, directeur de l'Institut d'économie agricole et alimentaire ;

- M. Marian Sikora, président de la Fédération des producteurs agricoles.

9) Déplacement du 12 au 15 mai 2008 au Canada

A Ottawa :

Ÿ Ambassade de France

- Son Exc. M. Daniel Jouanneau, ambassadeur de France ;

- Mme Florence Jeanblanc-Risler, ministre conseiller pour les affaires économiques ;

- M. Thierry Saint-Oyant, adjoint du chef des services économiques.

Ÿ Commission canadienne du lait

- M. John Core, directeur général ;

- Mme Andrée Dumouchel, analyste.

Ÿ Gouvernement fédéral canadien

- M. Gerry Ritz, ministre de l’agriculture ;

- M. Andrew Marsland, sous-ministre adjoint à la direction générale des politiques stratégiques ;

- M. Steve Verheul, sous-ministre adjoint à la direction des négociations et des politiques multilatérales, négociateur canadien à l’Organisation mondiale du commerce sur les questions agricoles ;

- M. Frédéric Seppey, directeur exécutif à la direction de la politique stratégique, Agriculture Canada ;

Ÿ Canadian Agrifood Trade Alliance

M. Keith Lancastle, directeur général.

Ÿ Canadian Cattlemen’s Association

- M. Brad Wildeman, président ;

- M. John W. Masswohl, directeur exécutif.

Ÿ Fédération canadienne de l’agriculture (FCA)

- M. Bob Friesen, président, accompagné de MM. Clare Schlegel, directeur exécutif du Conseil canadien du porc, Yves Leduc, secrétaire des Producteurs laitiers du Canada et Bruce Saunders, président des Producteurs laitiers de l’Ontario ;

- M. Chris Vervaet, analyste.

Ÿ Autres personnalités

- M. James Bezan, député, président du Comité permanent pour l'agriculture et l'agroalimentaire, député de Selkirk (Manitoba) ;

- M. Paul Steckle, vice-président du Comité permanent pour l'agriculture et l'agroalimentaire, député de Huron (Ontario) ;

M. Steven Blaney, membre du groupe d'amitié Canada-France, membre associé du Comité permanent pour l'agriculture et l'agroalimentaire, député de Lévy (Québec) ;

M. Yvon Godin, membre du groupe d'amitié Canada-France, membre associé du Comité permanent pour l'agriculture et l'agroalimentaire, député de l’Acadie (Nouveau-Brunswick) ;

M. Denis Lebel, membre du groupe d'amitié Canada-France, membre associé du Comité permanent pour l'agriculture et l'agroalimentaire, député de Roberval (Québec) ;

- M. Jean-François Lafleur, greffier du Comité permanent pour l'agriculture et l'agroalimentaire ;

- M. Jean-Denis Fréchette, analyste du Comité permanent pour l'agriculture et l'agroalimentaire ;

- M. Mike Gifford, ancien négociateur canadien à l'OMC sur les questions agricoles ;

- M. Jacques Janson, conseiller à l’Assemblée des Français de l’étranger ;

A Québec :

Ÿ Ministère de l’agriculture, des pêcheries et de l’alimentation du Québec (MAPAQ)

- M. Laurent Lessard, ministre de l’agriculture, des pêcheries et de l’alimentation du Québec ;

- M. Sylvain Boucher, sous-ministre adjoint à la direction générale des politiques agroalimentaires ;

-  M. Jean-Paul Lussiaà-Berdou, directeur adjoint à la direction de l’amélioration de la compétitivité de transformation alimentaire Québec.

Ÿ Ministère du développement économique, de l’innovation et de l’exportation du Québec

- M. Laurent Cardinal, directeur à la direction de la politique commerciale.

Ÿ Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois

- M. Jean Pronovost, président.

Ÿ Commission permanente de l’agriculture, des pêcheries et de l’alimentation de l’Assemblée nationale du Québec

- M. Pierre Paradis, président, député de Brome-Missisquoi (Québec) ;

- M. Janvier Grondin, vice–président, député de Beauce-Nord (Québec) ;

- M. Maxime Arseneau, porte parole du deuxième parti d’opposition, député des Iles-de-la-Madeleine (Québec).

Ÿ Union des producteurs agricoles (UPA) du Québec

- M. Christian Lacasse, président.

Ÿ Autres personnalités

- M. François Alabrune, consul général de France ;

- Mme Cécile Sportis, conseillère des affaires étrangères ;

- M. Fabrice Etienne, chef de la Mission économique à Montréal ;

- M. Jérôme Desquiens, chef de secteur.

*

* *

Le groupe de travail tient à remercier les ambassadeurs de France en Pologne, au Canada, le représentant permanent de la France à Bruxelles et tous leurs collaborateurs de l’aide qu’ils ont bien voulu lui apporter pour la rédaction de ce rapport ainsi que pour leur accueil et leur disponibilité.

ANNEXE 2 :
PREMIER ET DEUXIÈME PILIERS DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

Le 1er pilier 

(POLITIQUE DE SOUTIEN)

finance en totalité par le biais du FEAGA :

Le 2ème pilier

(POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT RURAL)

cofinance par le biais du FEADER et de fonds nationaux :

les soutiens aux exploitants (initialement liés à la production) et notamment :

- les paiements directs aux agriculteurs prévus dans le cadre de la politique agricole commune ;

- les restitutions fixées pour l'exportation des produits agricoles vers les pays tiers ;

- les interventions destinées à la régulation des marchés agricoles ;

- certaines actions d'information et de promotion en faveur des produits agricoles sur le marché intérieur de la Communauté et dans les pays tiers, dont la réalisation est effectuée par les États membres ;

- les dépenses liées aux mesures de restructuration de l'industrie sucrière, selon le règlement 320/2006.

A noter que le FEAGA finance également :

- la contribution financière de la Communauté à des actions vétérinaires ponctuelles et des actions de contrôle dans le domaine de la sécurité alimentaire et de la surveillance des maladies animales ainsi qu’à des actions phytosanitaires ;

- la promotion des produits agricoles effectuée soit directement par la Commission, soit par l'intermédiaire d'organisations internationales ;

- des mesures en vue de la conservation, la caractérisation, la collecte et l'utilisation des ressources génétiques en agriculture ;

- la mise en place et la maintenance des systèmes d'information comptables agricoles et les systèmes d'enquête agricole.

les mesures relevant du Plan de développement rural, au premier rang desquelles pour la période 2007-2013 :

- des mesures agro-environnementales (dont la PHAE – prime herbagère agro-environnementale) ;

- l'aide aux zones défavorisées (indemnités compensatoires de handicap naturel - ICHN) ;

- l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs ;

- les aides aux investissements dans les exploitations agricoles (PMBE – plan de modernisation des bâtiments d’élevage, PVE – plan végétal pour l’environnement).

Ces quatre types d’aides concentrent les 3/4 des crédits communautaires versés dans le cadre du Plan de développement rural hexagonal pour 2007-2013, soit 6,4 milliards d’Euros (dont 1,8 Mds€ de modulation) sur un total de 78 Mds€ pour l’ensemble de l’UE 25.

S’y ajoutent essentiellement pour la France :

- des actions en faveur de la formation et de l’innovation, de la compétitivité des industries agro-alimentaires et des filières de qualité, de la mobilisation de la ressource forestière et de l’amélioration de la valeur économique des forêts (AXE 1 : amélioration de la compétitivité des secteurs agricole et forestier) ;

- des mesures forestières (AXE 2 : amélioration de l’environnement et gestion de l’espace rural) ;

- des actions en faveur de la création d’emplois et de la qualité de la vie en zone rurale (AXE 3 : qualité de la vie dans les zones rurales et diversification de l’économie rurale) ;

- cinq plans de développement rural régionaux spécifiques (Corse et DOM).

ANNEXE 3 : 
CONTRIBUTION DES ALPES DU NORD DANS LE CADRE
DU BILAN DE SANTÉ DE LA PAC

- Quel bilan de la PAC depuis la réforme de 2003 ?

La réforme de la PAC en 2003 

® La réforme des marchés laitiers (OCM lait) a entraîné une déstabilisation des filières sous signe de qualité AOC/IGP.

® Les choix français pour l’application de la réforme de la PAC de 2003 ont induit un système peu lisible pour beaucoup d’agriculteurs comme pour les citoyens. Le système retenu n’a pas permis d’envisager une réorientation des aides directes du 1er pilier de la PAC, par exemple sur la compensation économique des systèmes d’élevage herbagers.

® Le découplage des aides directes, dont la logique est de permettre aux exploitations de répondre aux demandes du marché, ne représente pas une opportunité pour notre agriculture qui dispose en zones de montagne de peu d’alternatives à l’élevage.

Un affaiblissement du second pilier de la PAC 2007/2013

Les zones de montagne sont les premières touchées par la diminution des crédits du second pilier de la PAC sur 2007-2013 (FEADER) : ce sont en effet les seules zones où les aides du 2nd pilier représentaient la part prépondérante des aides directes. Si la politique de compensation des handicaps s’est maintenue au travers des ICHN, en revanche les autres mesures spécifiques à la montagne ont disparu ou sont fondues dans des dispositifs nationaux non territorialisés et voient leurs enveloppes diminuer (bâtiments, aide à la mécanisation...).

- Des orientations futures pour la PAC qui inquiètent

Les orientations envisagées vers une diminution, voire une disparition, des outils européens de régulation des marchés (notamment les quotas laitiers) comportent des risques majeurs :

- pour l’agriculture : risque de fragiliser les bassins de production de montagne et d’accentuer la déstabilisation des filières AOC dont la réussite, liée à une gestion collective et des cahiers des charges rigoureux, passe aussi par une maîtrise de l’offre.

- pour les territoires : risque de remise en cause du rôle de l’agriculture en terme d’occupation et d’attractivité du territoire, de gestion des ressources naturelles...

Face à ce constat, le bilan de santé de la PAC en 2008, sous présidence de la France, représente une occasion de réorienter la PAC sur les nouveaux enjeux de l’agriculture, avec une plus grande équité entre systèmes de production et entre territoires. C’est aussi une opportunité de rendre les aides à l’agriculture plus lisibles pour les agriculteurs et mieux acceptées par la société.

- Une réforme pour trois enjeux : marché, revenu et territoire

Le bilan de santé doit avant tout être l’occasion d’adapter la PAC aux enjeux de notre agriculture. Nous en retiendrons trois : notre rôle dans les marchés, notre revenu, notre maintien sur les territoires.

Être acteur de la gestion des marchés : nous n’entendons pas subir leur libéralisation et leur maîtrise par les groupes industriels, mais réaffirmons notre volonté d’être, nous profession agricole, les acteurs de la gestion des marchés. Parce que c’est notre revenu économique, c’est aussi notre avenir et notre maintien sur les territoires. Pour cela nous proposons l’outil juridique et l’organisation des filières pour être présent dans la gestion de la production.

Assurer un revenu des exploitants : si notre agriculture répond aux attentes de la société - de qualité, de santé, d’environnement et d’entretien des territoires - alors la notion de garantir ou d’aider le revenu devient acceptable pour nos concitoyens. Il passe par le redéploiement d’une partie des soutiens du premier pilier en forfait par actif et par un appui aux systèmes d’élevage à base d’herbe. Il doit passer aussi par un dispositif d’assurance de notre revenu dans les périodes de risques liés aux crises.

Maintenir et installer des exploitations dans les territoires : c’est le moyen d’assurer notre contribution à l’attractivité des territoires, à la gestion de l’espace mais aussi le moyen de faire de l’agriculture une ressource pour tout le territoire. Cela passe par une rémunération des fonctions à haute valeur environnementale que nos exploitants assurent. Même dans les territoires fragiles, nous maintiendrons des exploitations s’il y a des filières dynamiques et innovantes, véritables outils de valorisation. Nous appelons un dispositif de relance de ces outils pour qu’ils trouvent leur place dans le marché malgré les contraintes de leurs coûts de revient et la concurrence des filières à forte productivité.

Maintenir notre présence sur tous les territoires, c’est aussi limiter les déséquilibres entre les territoires liés aux handicaps naturels et prendre en compte pour cela les surcoûts qu’ils entraînent.

- Nos propositions : une adaptation de la PAC pour répondre aux enjeux économiques et territoriaux de l'agriculture

- 1- Un marché européen avec « des règles du jeu »

Nous proposons :

è De maintenir une équité dans les conditions d’accès au marché européen par la mise en place d’un mécanisme d’exigences d’hygiène et de qualité européennes pour les produits importés des pays tiers.

è De renforcer le dispositif de protection des signes d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO), avec notamment une reconnaissance internationale.

è De limiter les effets de la dérégulation des marchés dans les zones fragiles par la mise en place d’un dispositif d’accompagnement des filières en montagne. Il leur permettra de conforter leurs capacités de valorisation des produits à travers des financements pour les outils de transformation, les stratégies de commercialisation et la collecte dans les exploitations.

- 2- Anticiper la disparition des quotas laitiers pour les zones de montagne

Avec la disparition à terme des quotas laitiers, il est nécessaire pour les zones de montagne de mettre en œuvre des dispositifs interprofessionnels de régulation des marchés et des volumes, pour maintenir de l’élevage dans des zones difficiles.

Nous proposons pour cela :

è Le maintien des quotas laitiers en l’état jusqu’en 2015. D’ici là, il faut éviter de nouvelles augmentations et/ou la suppression des pénalités, et toute nouvelle diminution des prix garantis. En effet, une augmentation trop importante des quotas entraînerait une déstabilisation des filières qui rendra inopérant tout mécanisme ultérieur de régulation interprofessionnelle de l’offre.

è Une capacité juridique donnée aux interprofessions pour maîtriser de manière collective la production de lait en encadrant les contrats entre les entreprises et leurs producteurs au sein d’une même filière :

- en prenant en compte les volumes de produits AOP/IGP pouvant être mis en fabrication selon l’évolution du potentiel de marché.

- en définissant les conditions d’ouverture à la production de volumes de laits complémentaires orientés sur d’autres valorisations, et rémunérés selon un prix différencié, bien que respectant les mêmes cahiers des charges.

- Le périmètre de cette gestion collective doit correspondre à un bassin laitier intégrant l’ensemble des zones de production des différents produits AOC/IGP d’une même région.

Il s’agit là d’un corollaire indispensable à la politique de qualité de l’Union Européenne visant à maintenir une diversité de produits, à soutenir l’économie rurale et à développer des produits associant environnement, territoire et qualité.

- 3- Réorienter une partie des aides directes du 1er pilier de la PAC vers l’emploi et les systèmes herbagers

Les Alpes du Nord demandent une évolution des modalités de répartition des soutiens publics à l’agriculture dans deux dimensions :

- leur légitimité : elle ne peut plus reposer sur le seul système de références historiques ;

- leur objectif : il doit être de renforcer l’emploi agricole, sécuriser les revenus des agriculteurs et apporter un accompagnement économique équitable entre exploitations, entre systèmes et entre territoires.

Nous proposons :

è de modifier le système actuel de répartition d’une partie des paiements uniques par une aide à l’exploitation basée sur le nombre d’actifs, dans une logique de soutien à l’emploi et de sécurisation des revenus plutôt que de production uniquement.

è De mettre en place pour les filières végétales et animales un système d’assurance du revenu, alimenté par un prélèvement sur les soutiens quand les prix sont favorables, et permettant de se garantir contre les risques liées à des crises : accidents climatiques, sanitaires, déséquilibres des marchés...

è Une mesure de soutien économique aux systèmes herbagers à base de prairies naturelles par une affectation d’une partie des aides du 1er pilier sous forme d’aide à l’ha. Une telle mesure permet de rééquilibrer les soutiens entre systèmes de production et de rémunérer les aménités positives des prairies naturelles en terme de paysage, de biodiversité ordinaire et de réduction des gaz à effet de serre (pièges à carbone).

Ces aides permettent de garantir un revenu pour l’ensemble des exploitations et de renforcer économiquement les secteurs d’élevage herbivore les moins armés pour affronter une libéralisation des marchés et moins aptes à bénéficier de la croissance potentielle des marchés mondiaux.

- 4- Propositions sur le second pilier de la PAC

Nous demandons une affectation des crédits européens du second pilier de la PAC pour maintenir le rôle de l’agriculture sur les territoires de montagne en terme d'occupation et d'entretien de l'espace, de biodiversité (flores, races de montagne...).

Nous proposons :

è Un renforcement de la politique de compensation des handicaps naturels en montagne

Cette politique doit :

- rester identifiée comme une mesure spécifique de compensation de handicaps.

- être renforcée pour prendre en compte la totalité du handicap lié à l'adaptation à la pente et l’altitude, mais aussi aux surcoûts des investissements et des services aux agriculteurs.

- Intégrer l’arboriculture.

è Une mesure en faveur des pratiques herbagères de « haute qualité environnementale »

Cette mesure, complémentaire au soutien économique de l'herbe, s’appliquerait dans le cadre d’un projet contractuel sur des objectifs définis à partir d’enjeux locaux (biodiversité, entretien des paysages, ouverture des espaces...), afin de contribuer à une haute valeur environnementale des territoires.

è Un renforcement des soutiens aux bâtiments d'élevage et à la mécanisation en montagne.

Afin de compenser la diminution de l'accompagnement des investissements des agriculteurs en zone de montagne, liée à la baisse du second pilier, il est nécessaire de renforcer les crédits affectés spécifiquement aux bâtiments d'élevage, d’identifier une enveloppe mécanisation et de prévoir une attribution prioritaire pour les projets de bâtiments et de matériel en montagne.

ANNEXE 4 : 
PROPOSITIONS DES TROIS GRANDS MASSIFS, JURA, MASSIF CENTRAL
ET ALPES DU NORD, POUR UNE PAC RÉNOVÉE

UNE PAC DANS UN NOUVEAU CONTEXTE

Avec les accords de Luxembourg en 2003, la PAC a amorcé un tournant historique avec le découplage des aides à la production. La situation connue sur le marché des céréales depuis quelques mois montre la nécessité de remettre en culture des terres en jachère et de redonner une véritable légitimité au soutien de la PAC.

Pendant ce temps, la PAC n'a pas répondu aux attentes des territoires « fragiles » et à certaines productions qui répondent à un enjeu territorial ou de qualité devenu essentiel, à savoir les productions herbagères, la production ovine, l'élevage en montagne et l'agriculture biologique.

Le bilan de santé de la PAC en 2008 permet aux décideurs politiques de réorienter la PAC avec une plus grande équité entre les systèmes de production et les territoires.

POUR DE NOUVEAUX DÉFIS

Être acteur de la gestion des marchés : nous n'entendons pas subir leur libéralisation et leur maîtrise par les groupes industriels, mais réaffirmons notre volonté d'être, nous profession agricole, les acteurs de la gestion des marchés. Parce que c'est notre revenu économique, c'est aussi notre avenir et notre maintien sur les territoires. Pour cela nous demandons la mise en œuvre d'un dispositif de maîtrise professionnelle de la production et des marchés pour éviter les « chocs » plutôt que les subir.

Assurer un revenu des exploitants : si notre agriculture répond aux attentes de la société - de qualité, de santé, d'environnement et d'entretien des territoires - alors la notion de garantir ou d'aider le revenu devient acceptable pour nos concitoyens.

Il passe par le redéploiement d'une partie des soutiens du premier pilier en forfait en tenant compte des actifs et par un appui aux systèmes d'élevage à base d'herbe.

Maintenir et installer des exploitations dans les territoires : c'est le moyen d'assurer notre contribution à l'attractivité des territoires, à la gestion de l'espace mais aussi le moyen de faire de l'agriculture une ressource pour tout le territoire. Dans les zones de montagne l'activité agricole et agro-alimentaire est indispensable à l'équilibre des territoires et constitue une source majeure de création d'emplois.

Cela passe par un renforcement des soutiens du second pilier (compensation des handicaps, installation et modernisation).

Dans les territoires fragiles, nous maintiendrons des exploitations s'il y a des filières dynamiques et innovantes, véritables outils de valorisation.

POUR UNE RÉGULATION ET UNE MAÎTRISE DES MARCHÉS

Proposition 1

Pour un marché européen avec « des règles du jeu »

Nous proposons de maintenir une équité dans les conditions d'accès au marché européen par la mise en place d'un mécanisme d'exigences d'hygiène et de qualité européennes pour les produits importés des pays tiers.

Nous demandons un renforcement du dispositif de protection des signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO), avec notamment leur reconnaissance internationale.

Proposition 2

Pour anticiper la disparition des quotas laitiers dans les zones de montagne

Il est nécessaire de limiter les risques de déstabilisation des filières laitières, liés à la disparition des quotas laitiers, en donnant aux acteurs des filières les moyens de s'organiser collectivement dans un cadre interprofessionnel et de remplacer ainsi une gestion administrée par une gestion professionnelle. Pour cela les zones de montagne proposent d'être « un laboratoire » pour tester la mise en place immédiate d'un dispositif interprofessionnel de gestion des marchés et de la production.

Ce dispositif nécessite :

un système de gestion collective à l'échelle de bassins laitiers cohérents.

de donner aux interprofessions une capacité juridique pour maîtriser de manière collective la production de lait et pour encadrer les contrats entre les entreprises et leurs producteurs au sein d'une même filière.

Ces contrats devront porter sur deux niveaux de production :

Un premier niveau correspondant à un marché stable avec une garantie de prix et de volume, portant sur une durée suffisamment longue et avec une garantie de collecte.

– Dans les bassins majoritairement AOP/IGP, ces volumes de lait seront définis en prenant en compte les volumes de fromage AOP/IGP pouvant être mis en fabrication selon l'évolution du potentiel de marché. Il convient d'adapter les règles de la concurrence à la spécificité des A.O.C.-I.G.P. et d'établir un cadre juridique communautaire qui autorise la mise en place de ce mécanisme de gestion collective.

– Dans les autres bassins laitiers, ces volumes seraient définis en fonction des débouchés courants et stables des entreprises.

Un second niveau de production de lait complémentaire, orienté sur d'autres valorisations, en fonction des opportunités de débouchés, et rémunéré selon un prix différencié.

Ce dispositif nécessite aussi de donner des outils pertinents à l'organisation interprofessionnelle : orientation des prix et des volumes selon les débouchés, gestion des contrats entre opérateurs, gestion de la mobilité des références au sein du bassin, capacité de prélever des contributions pour des outils de soutien des marchés, etc.

POUR UN RÉÉQUILIBRAGE DES AIDES DU PREMIER PILIER

Le rééquilibrage entre territoires et actifs des aides de la PAC est devenu indispensable. C'est la seule voie légitime au regard de l'opinion publique qui ne comprend plus les mécanismes mis en place et surtout la disparité des aides. Il faut donc une nouvelle légitimité et une réelle lisibilité pour la future PAC.

La mise en œuvre d'un article 69 rénové et ambitieux pour réorienter les aides sur les productions fragilisées et le transfert progressif d'une référence historique vers une référence davantage mutualisée constituent des outils performants adaptés à ces nouveaux objectifs.

Il est nécessaire que la France se positionne pour un article 69 ambitieux pour répondre aux enjeux de l'herbe, de la production ovine, de la production de lait en montagne et de l'agriculture biologique.

Proposition 3

Pour un soutien économique aux systèmes herbagers

Afin de rééquilibrer les soutiens directs en faveur des systèmes herbagers qui bénéficient de soutiens historiques faibles et de rémunérer les aménités positives des prairies en terme de paysage, de biodiversité ordinaire et de réduction des gaz à effet de serre (pièges à carbone), nous proposons une aide aux surfaces de prairies de 200 euros/ha.

Celle-ci permet de renforcer économiquement les secteurs d'élevage herbivore les moins armés pour affronter une libéralisation des marchés et pour bénéficier de la croissance potentielle des marchés mondiaux.

Proposition 4

Pour des aides spécifiques à la production laitière en montagne

La suppression des quotas laitiers, qui en France sont liés au foncier, va amener à une situation de concurrence entre bassins laitiers. Cela entraîne un risque d'affaiblissement de la production laitière et de déstabilisation des filières dans les zones difficiles de montagne et également de déstabilisation des filières sous signes de qualité.

Afin de préserver la production laitière en zones de montagne, et de contribuer à la maîtrise collective des filières par les producteurs, nous proposons une aide laitière aux producteurs, d'un montant de 40 à 50 euros/1000 l, limitée au 150 000 litres de lait par exploitation ou associé de Gaec. Cette aide est conditionnée à l'adhésion des producteurs à une interprofession et à son engagement dans un système contractuel collectif avec une entreprise ou un syndicat de produit.

Cette proposition est complémentaire avec la proposition 2 (capacité des interprofessions).

Proposition 5

Pour une aide spécifique à la production ovine allaitante

L'aide doit permettre de maintenir la production ovine, qui souffre de faibles revenus, pour maintenir l'occupation de l'espace et une activité économique sur les territoires. Il s'agit à la fois de relever les revenus permis par cette production et de limiter les risques d'abandon liés au découplage de l'aide ovine par une aide à la brebis de 20 euros/brebis. Pour les mêmes raisons, le principe du maintien de recouplage de la PMTVA doit être maintenu.

Proposition 6

Pour un soutien à l'agriculture biologique

Sans opposer les pratiques entre agriculture conventionnelle et agriculture biologique, cette dernière, qui répond aux aspirations de la société, doit être encouragée pour lui permettre de se structurer en filière organisée et gagner en compétitivité sur les exploitations.

L'harmonisation des cahiers des charges de l'agriculture biologique demeure indispensable sur l'espace européen.

Proposition 7

Pour une meilleure répartition du paiement unique vers l'emploi et l'économie des territoires

Le paiement unique aux exploitations doit être utilisé de manière à soutenir l'emploi et le revenu des exploitations. Dans l'optique d'une harmonisation du montant du DPU par actif à l'horizon 2013, nous proposons dès 2009 la mise en place au niveau national d'un DPU minimum :

– qui concerne tous les hectares en production,

– qui survalorise les premiers hectares pour privilégier l'emploi,

– dont le montant du paiement unique sera défini à l'échelle nationale et sera financé en écrêtant les DPU les plus élevés.

Proposition 8

Pour un renforcement de l'ICHN permettant de compenser les surcoûts à la hauteur des handicaps. Cette augmentation doit être financée en mobilisant l'enveloppe PHAE.

Nous proposons de valoriser le montant des 25 premiers hectares au-delà des 15 % déjà prévus (déplafonnement nécessaire pour la zone de haute montagne).

Proposition 9

Pour des pratiques herbagères de « haute qualité environnementale »

Cette mesure permettra de rémunérer le travail de l'agriculteur au sein d'un projet contractuel répondant à des enjeux locaux : biodiversité, entretien des paysages, ouverture des espaces...

Proposition 10

Pour un soutien de la dynamique d’installation et de modernisation en montagne

L'enjeu d'une présence sur le territoire de l'élevage nécessite des moyens autour du dynamisme des agriculteurs.

La politique d'installation, la volonté de modernisation, la conscience environnementale, mais aussi l'aspiration à des conditions de travail acceptables nécessitent un renforcement des crédits :

– pour le plan bâtiment d'élevage en instaurant une priorité sur les zones de montagne,

– par la remise en place du système de bonification des taux d'intérêts,

– et par la pérennisation de l'aide à la mécanisation (acquisition de matériels spécifiques montagne).

© Assemblée nationale

1 () Cet avant-propos n’engage que son signataire.

2 () Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil : « Préparer le ‘bilan de santé’ de la PAC réformée », COM (2007) 722 final.

3 () Données du Fonds international de développement agricole (FIDA), agence de l’ONU.

4 () Pays dits à faible revenu et à déficit vivier.

5 () « Rapport sur le développement dans le monde en 2008 : l’agriculture au service du développement ». Audition par la mission le 15 janvier 2008 de M. Alain de Janvry, co-directeur du rapport.

6 () Définition du modèle agricole européen par le Conseil européen de Luxembourg de décembre 1997 complétée ensuite par le Conseil européen de Berlin de mars 1999. Pour plus de détails, voir encadré dans la partie III de ce rapport.

7 () Audition commune, par la Commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire et la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne, le 24 octobre 2007.

8 () Discours du Président de la République le 11 septembre 2007, au salon de l’élevage Space à Rennes, où il a notamment déclaré que « la refondation de la PAC est indispensable pour rendre de nouveau légitime cette politique ».

9 () Mécanisme dit des « deficiency payments ».

10 () Ainsi, en France, la population active agricole qui représentait 20 % de la population active totale n’en représentait plus que 7,5 % en 1980.

11 () Les rendements moyens en blé sont passés en France de 30 quintaux à l’hectare au début des années soixante à 65 quintaux à l’hectare vingt ans plus tard.

12 () Voir la communication de M. Hervé Gaymard, compte rendu de la réunion de la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne du 6 février 2008 et rapport d’information déposé par la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne sur les textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution du 11 décembre 2007 au 4 février 2008 (document E 3760).

13 () Règlement (CE) n° 804/68 du Conseil remplacé par le règlement (CE) n° 1255/1999 dans le cadre des réformes prévues par l’Agenda 2000.

14 () « Mémorandum sur la réforme de l’agriculture dans la CEE » transmis au Conseil des ministres le 18 décembre 1968.

15 () Ray Mac Sharry était alors commissaire européen à l’agriculture.

16 () Le prélèvement de coresponsabilité avait pour objet de faire participer les producteurs de lait au financement des aides qu’ils recevaient de la Communauté.

17 () Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce entré en vigueur en 1948.

18 () Calculés sous forme de mesure globale de soutien (MGS).

19 () Il est à noter que les productions de grandes cultures et les productions bovines relevaient de modes de régulation différents. Le régime des productions bovines reposaient sur des quotas pour réguler l’offre (quotas laitiers, quotas de primes pour les élevages bovins ; les prix étant par ailleurs maintenus à un niveau élevé afin de garantir les revenus dans un secteur peu rentable). S’agissant des céréales, les prix sont ceux des marchés mondiaux afin d’être compétitifs et assortis de paiements compensatoires pour conserver des parts de marché.

20 () La modulation consiste en la possibilité pour un Etat de disposer d’une partie des aides directes pour des actions liées par exemple au développement rural.

21 () Règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil du 17 mai 1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole.

22 () Le régime de paiement découplé est un paiement non lié à l’acte de production.

23 () La France a fait le choix d’une mise en œuvre du découplage en 2006, basé sur le principe de la référence historique individuelle et partiel pour certaines productions.

24 () Cette modulation n’est pas rendue obligatoire pour les régions ultrapériphériques et pour les nouveaux adhérents pendant une période transitoire.

25 () COM (2007) 722 final.

26 () Extrait de la communication de la Commission européenne du 20 novembre 2007. Sauf indication contrainte, l’ensemble des citations de ce paragraphe sont tirées de ce même document.

27 () Sur la base toutefois d’une argumentation quelque peu spécieuse : « les risques liés au marché et les risques climatiques varient selon les Etats membres (…) il est donc préférable de laisser le soin aux Etats membres, aux régions ou aux groupements de producteurs d’évaluer leurs propres risques et les solutions qu’ils estiment les plus adéquates ».

28 () « Le budget de la PAC étant fixé jusqu’en 2013, le renforcement des moyens consacrés au développement rural ne peut se faire que par le cofinancement, en augmentant la modulation obligatoire ».

29 () A cet égard, il est appréciable que la Commission se limite dans le bilan de santé à proposer d’autoriser les Etats membres à adapter le modèle historique du régime de paiement unique afin d’harmoniser la valeur des droits à paiement, sans aller jusqu’à une généralisation du modèle régional.

30 () Voir le témoignage d’une famille de producteurs en Haute-Loire, « Chers quotas », publié dans Le Monde du 20 mai 2008.

31 () Par exemple, en France, en Bretagne.

32 () Rappelons, à cet égard, que le Conseil « Agriculture et Pêche » a adopté le 17 mars 2008 à la majorité qualifiée un règlement modifiant le règlement « OCM unique » visant à augmenter de 2 % les quotas nationaux de lait lors de la prochaine campagne laitière, qui a commencé le 1er avril 2008.

33 () Dans plusieurs pays de l’Union, et singulièrement l’Allemagne, la contestation monte et les producteurs réclament la mise en place d’un système de fixation des prix fondé sur les coûts de production (voir notamment « L’Allemagne et le lait de la colère », Le Monde, 30 mai 2008).

34 () La réforme de la PAC de 2003 s’accompagne de plusieurs règlements communautaires : le règlement n° 1782-2003 établit les règles communes et le n° 1783-2003 les règles relatives au développement rural ; plusieurs autres règlements concernent les mesures sectorielles dans le domaine des céréales, du riz, des fourrages séchés et des produits laitiers.

35 () Seules les aides versées dans les quatre DOM sont totalement exemptées de découplage.

36 () Rappelons qu’il s’agit d’une aide de 45 euros par hectare pour une superficie maximale garantie de 1,5 million d'hectares sur l’ensemble de l’Union européenne. La Commission considère qu’eu égard à la forte demande pour les bioénergies et l’introduction d’objectifs contraignants sur la part de ces produits dans la quantité totale des combustibles à l’horizon 2020, il n’y a plus de raisons justifiant l’octroi d’une aide spécifique pour ce type de cultures.

37 () Notons que l’OCM spécifique aux fourrages séchés est par ailleurs en cours d’évaluation : il semblerait donc préférable d’attendre les conclusions de celle-ci avant de précipiter toute réforme.

38 () Il convient à cet égard de rappeler que le ministre chargé de l’agriculture, M. Michel Barnier, avait annoncé en conseil des ministres le 30 janvier dernier son intention de porter le taux de prise en charge par l’Etat des primes d’assurance récolte à 50 % pour les fruits et les légumes et la viticulture.

39 () Voir par exemple, en France, le plan de modernisation des bâtiments d’élevage (PMBE) qui doit permettre de limiter les rejets d’effluents se retrouvant ensuite dans les nappes phréatiques et les cours d’eau, ou encore le plan végétal pour l’environnement (PVE).

40 () Voir notamment « Bilan de santé de la PAC : la crise alimentaire empiète sur la négociation », Agrapresse n° 3156, 2 juin 2008.

41 () Le revenu agricole moyen a ainsi augmenté de 13 % en Pologne entre 2006 et 2007 et les changements sur le marché du travail commencent à jouer en faveur d'un désengorgement de la population active agricole, encore très nombreuse.

42 () Plus généralement, 62 % des Polonais déclarent aujourd’hui avoir confiance dans l’Union européenne, contre 33 % en 2004 et ils sont 83 % à estimer que l’entrée dans l’Union a bénéficié à leur pays.

43 () « Pour renforcer leurs liens dans [le] domaine [agricole] tout autant que pour se positionner comme des partenaires actifs des discussions communautaires, nos deux pays formeront un groupe de travail qui préparera le bilan de santé de la PAC et les discussions que nos deux pays souhaitent ouvrir sur le modèle agricole et les politiques européennes après 2013 » (déclaration commune des ministres français et polonais de l’agriculture du 30 novembre 2007).

44 () Il faut également noter que la Pologne assurera la présidence du groupe de Visegrad à compter du 1er juillet 2008.

45 () Communiqué de presse publié par la commission de l’agriculture et du développement rural sur le site internet www.europarl.eu le 26 février 2008.

46 () Compte-rendu de la réunion de la commission de l’agriculture et du développement rural du Parlement européen.

47 () Que le Parlement européen résume dans la production d’aliments sains et de grande qualité qui garantissent l’approvisionnement de tous les Européens à des prix raisonnables et permettent de maintenir le niveau de revenu des agriculteurs.

48 () Extrait du considérant « O » : « (…) il faudrait plus particulièrement veiller à ce que les normes de qualité, de santé, d’environnement, de bien-être des animaux ou autres, obligatoires pour les agriculteurs de l’Union, soient également respectées par les personnes qui exportent des produits agricoles vers l’Union ».

49 () La présentation du projet de rapport du rapporteur Manuel Capoulas Santos à la commission de l’agriculture et du développement rural devrait avoir lieu le 14 juillet, et l'adoption du rapport le 7 octobre, à Bruxelles. Le débat et le vote en plénière sont pour l'instant programmés pour la session du 17 au 20 novembre à Strasbourg.

50 () Audition du 24 octobre 2007.

51 () Il suggère ainsi de mettre un terme aux aides directes agricoles et d’étendre à tous les produits de base la suspension des droits de douane.

52 () « L’opinion publique de l’Union européenne reste largement favorable aux récentes réformes de la politique agricole » (IP/08/440), 13 mars 2008.

53 () Note d’orientation « Hausse des prix alimentaires : options pour les pouvoirs publics et réponse de la Banque mondiale », 9 avril 2008.

54 () « La flambée des prix des denrées alimentaires : faits, perspectives et actions requises ».

55 () Rappelons que, d’après la FAO, « la sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ».

56 () Cité dans le Monde, « L’explosion de ‘l’insécurité alimentaire’ inquiète l’ONU »,
13-14 avril 2008.

57 () Ce document sera examiné lors du Conseil européen des 19 et 20 juin.

58 () Directeur de l’ESA et auteur du livre « Nourrir l’humanité ».

59 () Citation tirée de l’étude du Conseil économique et social présentée par Mme Jocelyne Hacquemand « Faim dans le monde et politiques agricoles et alimentaires : bilan et perspectives », 2008.

60 () L’apparition dans les zones tempérées de maladies jusque là confinées aux pays tropicaux, telles que la fièvre catarrhale ovine, en témoigne. Rappelons que cette maladie, transmise aux ruminants par des moucherons du genre Culicoïdes, a initialement été découverte en Afrique du Sud avant de traverser la Méditerranée à la fin des années 1990 et se retrouver désormais à des latitudes très élevées (Nord de la France, Belgique, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni et Danemark), ce qui était impensable il y a encore quelques années.

61 () Les conséquences du développement des biocarburants ne se limitent pas en effet au détournement par l’industrie de matières de base servant à l’alimentation mais contribuent à l’éviction d’autres productions alimentaires rendues moins rentables par cette politique. Sous l’effet conjugué du niveau des cours du maïs et de la perspective du développement rapide d’une filière dédiée à la production d’éthanol, les surfaces plantées en maïs ont ainsi augmenté de 18 % depuis 2006 aux Etats-Unis, essentiellement au détriment des cultures de soja et de blé, dont la production a diminué, amplifiant l’envolée des prix de ces produits sur les marchés.

62 () Selon Pierre Chalmin, sur la masse totale des céréales, les biocarburants n’expliquent que 25 % de la hausse, 50 % étant dus à la demande alimentaire et 25 % aux aléas climatiques (Agrapresse n° 3135, lundi 7 janvier 2008). Le Fonds monétaire international (FMI) estime néanmoins qu’entre 20 et 50 % de la production mondiale de maïs ou de colza ont été détournés de leur usage initial (cité dans Libération, « La crise ne fait que commencer », lundi 14 avril 2008).

63 () Les Echos, 28 mars 2007, « La crise de la tortilla enflamme le Mexique ».

64 () « Produire des aliments, ou du carburant ? », Etudes, n° 4076, décembre 2007.

65 () Idem.

66 () D’après les chiffres de la FAO, si les émissions de dioxyde de carbone causées par l’agriculture sont modestes, elles comptent néanmoins pour quelque 60 % de toutes les émissions d’oxyde nitreux (provenant principalement de l’utilisation d’engrais) et environ 50 % des émissions de méthane (émanant notamment de la fermentation entérique des ruminants et donc des effluents d’élevage). Or, les émissions de méthane et d’oxyde nitreux devraient augmenter encore de 35 à 60 % d’ici à 2030 sous l’effet de l’utilisation croissante d’engrais azotés et de l’accroissement de la production animale nécessaire pour répondre à la progression de la demande d’aliments (source : « Changement climatique, bioénergies et sécurité alimentaire : options pour les décideurs identifiés lors de réunions d’experts », document d’information de la Conférence de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale, Rome 3-5 juin 2008).

67 () Voir Annexe 2.

68 () Voir Annexe 2.

69 () Audition du 31 mars 2008.

70 () « Les Français, l’environnement et l’agriculture : le baromètre de la confiance 2007 », sondage Opinion Way, octobre 2007.

71 () Enquête TNS Opinion, Eurobaromètre, mars 2008.

72 () Audition le 17 octobre 2006 devant la Délégation pour l’Union européenne de M. Alain Lamassoure et de Mme Catherine Guy-Quint, députés européens.

73 () Audition du 12 février 2008 à l’Assemblée nationale.

74 () Soit 10 milliards d’euros.

75 () Source : Annexe générale au projet de loi de finances pour 2008 : « Relations financières avec l’Union européenne ».

76 () L’instrument de flexibilité et la réserve négative (article 44 du règlement financier).

77 () « Le défi majeur de la planète au XXIème siècle sera alimentaire », « chat » sur lemonde.fr le 18 avril 2008.

78 () Les marketing loans peuvent être décrits comme un système de prêts publics aux agriculteurs. Le montant unitaire du prêt ou « loan rate » peut être assimilé à un prix garanti. En effet, lorsque le prix du marché est inférieur au loan rate, l’agriculteur peut rembourser son prêt au niveau du prix moyen de marché. La différence entre le loan rate et le prix du marché, non remboursée par l’agriculteur, correspond à la subvention reçue.

79 () Audition du mardi 15 janvier 2008.

80 Ce projet a été approuvé par la Chambre des représentants et le Sénat. Disposant d’une majorité des deux tiers, les députés sont susceptibles de contrer tout veto du Président.

81 () En dépit du fait que les aides, qui n’étaient jusque là soumises à aucune condition, seront désormais réservées aux agriculteurs touchant moins de 750 000 dollars par an, (soit 1,5 million pour un couple), la majorité des agriculteurs percevant aujourd’hui des aides devraient continuer à les percevoir.

82 () Face à la demande croissante de produits laitiers des pays européens et des pays tiers, il s’agit de s’adapter afin d’être compétitifs.

83 ()  Food and Agricultural Policy Research Institute.

84 () Le Monde, 9-10 décembre 2007.

85 () Voir le rapport déposé par M. Thierry Mariani sur l’Organisation commune de marché vitivinicole (E3587).

86 () A un niveau de 150 euros par hectare.

87 () Voir compte rendu de la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne du 9 octobre 2007 sur la proposition de règlement du Conseil portant sur la modification du règlement CE n° 1290/2005 relatif au financement de la PAC.

88 () Source : Commission européenne. Seulement 0,31 % des exploitants ont bénéficié de paiements supérieurs à 100 000 euros et 0,04 % plus de 300 000 euros.

(89 ) Entretien au Monde le 5 septembre 2007.

90 () Voir la synthèse des débats départementaux publiée en mars 2008, sur le site Internet du ministère de l’agriculture et de la pêche.

91 () Audition, commune avec la commission des affaires économiques, du 25 mars 2008.

92 () « Pour une amélioration de la gestion des risques et des crises agricoles », rapport de MM. Martial Saddier et Yves Simon, députés, au ministre de l’agriculture et de la pêche, 2005.

93 () L’aide de l’Etat n’est pas versée systématiquement chaque année sur le compte d’épargne de l’agriculteur mais seulement décaissée au moment où l’agriculteur débite son compte pour couvrir ses pertes, lorsque sa marge tombe en dessous de sa marge historique de référence.

94 () Voir le site du ministère de l’agriculture et de la pêche.

95 () Voir article d’Agra presse du 12 mai 2008.

96 () Le Figaro, 13 décembre 2007.

97 () Arrêt du 10 mars 2005, Espagne contre Conseil de l’Union européenne.

98 () « Agriculture, sécurité alimentaire, nutrition et les objectifs du millénaire pour le développement », essai de Joachim von Braun, M.S. Swaminathan et Mark W. Rosegrant.

99 () Le ministre de l’agriculture et de la pêche, M. Michel Barnier, lors du Conseil « Agriculture » informel des 26 et 27 mai 2008.

100 () Voir, notamment, l’appel en ce sens de M. Jacques Chirac dans Le Monde du 17 avril 2008 et la tribune de M. Jean Matouk dans le supplément Economie du Monde du 20 mai 2008.

101 () L’OCDE a révélé début avril que ses Etats membres avaient diminué de 8,4 % leur contribution à l’aide publique au développement en 2007.

102 () Voir, notamment, « Accords de partenariat économique entre l’UE et les ACP : quelles options ? », Note de recherche 10 de l’IFPRI (International Food Policy Research Institute).

103 () Tribune publiée dans Le Monde du 20 mai 2008.

104 () « La situation des marchés des produits agricoles », 2007.

105 () M. Pierre Bascou, chef du service économique de la Commission européenne, aurait en effet annoncé son intention de travailler avec le modèle MOMAGRI en raison de l’absence en interne d’un tel outil d’aide à la décision (Agra alimentation, « L’heure est à une organisation mondiale de l’agriculture », 17 avril 2008).

106 () Source : note du 9 avril 2008 du Mouvement pour une organisation mondiale de l’agriculture, « Les résultats du modèle momagri, un instrument capital pour l’avenir de l’agriculture mondiale ».