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N° 1267

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 novembre 2008.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D’EXAMINER LE PROJET DE LOI ORGANIQUE (N° 1208 rect.), APRÈS DÉCLARATION D’URGENCE, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, et LE PROJET DE LOI (N° 1209), APRÈS DÉCLARATION D’URGENCE, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision,

PAR M. Christian KERT,

Député.

——

TOME I

RAPPORT

AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT 11

INTRODUCTION 19

I.- LE SERVICE PUBLIC DE L’AUDIOVISUEL DE 1945 À NOS JOURS : DU MONOPOLE AU PLURALISME 21

A. UN MONOPOLE ABSOLU DE L’ÉTAT (1945 – 1964) 22

B. L’ORTF OU LA VOIX DE LA FRANCE (1964 – 1974) 22

C. L’ÉCLATEMENT DE L’ORTF (1974 – 1982) 23

D. LA FIN DU MONOPOLE (1982 – 1986) 24

E. LA CRÉATION PROGRESSIVE D’UNE SOCIÉTÉ HOLDING FRANCE TÉLÉVISIONS (1989 – 2000) 24

F. DEUX LOIS RÉNOVANT LE CADRE LÉGAL DE L’AUDIOVISUEL AFIN DE PRENDRE EN COMPTE LES ÉVOLUTIONS TECHNOLOGIQUES (2000 – 2007) 25

II.- LA COPRODUCTION LÉGISLATIVE AU SERVICE D’UNE RÉFORME AMBITIEUSE 27

A. LES TRAVAUX DE LA COMMISSION POUR LA NOUVELLE TÉLÉVISION PUBLIQUE : UNE REFONDATION DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC NATIONAL 27

1. Les préconisations de la Commission 28

2. Quelles différences entre les conclusions de la Commission et le projet de loi ? 31

B. UN PROJET DE LOI FIDÈLE A L’ESPRIT DE LA RÉFORME 31

C. LA RÉORGANISATION DE FRANCE TÉLÉVISIONS : AU SERVICE DES TÉLÉSPECTATEURS ET DE LA CRÉATION 34

1. Un groupe public qui a déjà commencé sa mutation 34

2. Demain : un groupe intégré et cohérent 39

D. LA RÉFORME PUBLICITAIRE : CARACTÉRISTIQUE FONDAMENTALE DE LA NOUVELLE AMBITION DU SERVICE PUBLIC DE LA TÉLÉVISION 41

1. La suppression de la publicité à France Télévisions : un moyen et non une fin 41

2. Le financement de la réforme : une garantie totale apportée par l’État 42

3. Les précautions juridiques : une architecture de financement respectueuse du droit français et européen 44

III.- L’AUDIOVISUEL PUBLIC EXTÉRIEUR DE DEMAIN : UNE SOCIÉTÉ HOLDING GARANTE DE LA COHÉRENCE DE NOTRE ACTION 49

A. LES OBJECTIFS DE LA RÉFORME DE L’AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR : UNE GRANDE PUISSANCE MÉDIATIQUE 49

B. LES MOYENS DE LA RÉFORME : UN REGROUPEMENT DES PARTICIPATIONS CAPITALISTIQUES ET DES RESSOURCES BUDGÉTAIRES CONSÉQUENTES 51

IV.- LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE « SERVICES DE MÉDIAS AUDIOVISUELS » 57

A. DE LA DIRECTIVE TÉLÉVISION SANS FRONTIÈRES À LA DIRECTIVE SERVICES DE MÉDIAS AUDIOVISUELS 57

1. Aux origines de la révision de la directive Télévision sans frontières 57

2. Les apports de la directive « services de médias audiovisuels » (SMA) 58

B. L’INTÉGRATION DES SERVICES DE MÉDIAS À LA DEMANDE DANS LE CHAMPS D’APPLICATION DE LA LOI DU 30 SEPTEMBRE 1986 : UNE AVANCÉE MAJEURE 62

1. Le développement des services de médias à la demande : donner toute sa place à la télévision de demain 62

2. Une régulation adaptée : ne pas freiner un secteur en plein essor 66

C. LA MODIFICATION DES RÈGLES RELATIVES À LA PUBLICITÉ : PLUS DE SOUPLESSE, PLUS DE TRANSPARENCE 68

1. L’assouplissement des règles relatives aux communications commerciales 68

2. L’autorisation du placement de produit dans le respect de l’indépendance éditoriale et du public 70

3. La seconde coupure publicitaire dans les films et les téléfilms : une source de financement complémentaire pour les chaînes 71

D. LA CLARIFICATION DE LA COMPÉTENCE TERRITORIALE ET LES DISPOSITIFS ANTI-DÉLOCALISATION : UNE NÉCESSAIRE RÉPONSE À L’INTERNATIONALISATION DES SERVICES DE MÉDIAS 72

1. L’internationalisation des services de médias 72

2. La clarification des règles de compétence, la possibilité d’entrave à l’égard de certains services de médias et le dispositif anti-délocalisation : une régulation plus efficace et protectrice 74

V.- LA RÉFORME DU DROIT DU CINÉMA 77

A. LA RÉNOVATION DU CENTRE NATIONAL DE LA CINÉMATOGRAPHIE 80

1. Un instrument unique au service de la politique cinématographique française 80

2. Une modernisation initiée dès 2007 81

3. Une gouvernance rénovée 82

B. LA MODERNISATION DU DROIT DU CINÉMA 82

1. Un code de l’industrie cinématographique daté 82

2. Des normes dispersées 83

3. Une révision nécessaire 83

C. L’AMÉNAGEMENT DES DISPOSITIFS DE RÉGULATION DE LA DIFFUSION CINÉMATOGRAPHIQUE 84

1. Une activité risquée mais protégée par une politique de régulation sectorielle 84

2. Une conciliation nécessaire entre cinéma et concurrence : les propositions du rapport Perrot-Leclerc 84

3. Ces propositions peuvent être traduites dans la loi 85

TRAVAUX DE LA COMMISSION 87

I.- AUDITION DES MINISTRES 87

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE 107

III.- EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI 123

TITRE IER – DISPOSITIONS RELATIVES AU SECTEUR PUBLIC DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE 123

Chapitre IerDes sociétés nationales de programme 123

Article additionnel avant l’article 1er : Rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel au Parlement sur les actions des éditeurs en faveur de la diversité 123

Avant l’article 1er 125

Article additionnel avant l’article 1er : Rapport de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité sur l’égal accès à l’emploi dans l’audiovisuel public 127

Article 1er : Création de la société nationale de programme France Télévisions 128

Article additionnel après l’article 1er : Ajout de l’éducation à l’environnement au développement durable dans les missions de service public de l’audiovisuel public 151

Après l’article 1er 152

Article 2 : Régime juridique de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France 155

Article 3 : Filialisation des activités commerciales des sociétés nationales de programme 163

Article 4 : Détention du capital et statuts des sociétés nationales de programme 168

Article 5 : Composition du conseil d’administration de France Télévisions 170

Article 6 : Composition du conseil d’administration de Radio France 179

Article 7 : Composition du conseil d’administration de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France 182

Article 8 : Conditions de nomination des présidents des sociétés nationales de programme 187

Article 9 : Conditions de retrait du mandat des présidents des sociétés nationales de programme 197

Article 10 : Coordination liée à la création de la société nationale de programme France Télévisions 203

Chapitre II : Des fréquences et de la diffusion 203

Article 11 : Conditions d’attribution de la ressource radioélectrique 203

Article 12 : Obligation de reprise des chaînes publiques – « Must carry » 205

Article additionnel après l’article 12 : Numérotation des services de télévision dans les offres des distributeurs de services 206

Article 13 : Reprise de l’ensemble des programmes régionaux de France 3 en mode numérique 207

Article 14 : Coordination relative à la diffusion satellitaire de la télévision numérique 208

Après l’article 14 212

Chapitre III : Des cahiers des charges et autres obligations des sociétés nationales de programme 215

Article 15 : Cahier des charges des nouvelles sociétés nationales de programme, conditions du parrainage des émissions et de la promotion croisée entre chaînes d’une même société nationale 215

Article 16 : Retransmission des débats parlementaires par France Télévisions 226

Article 17 : Programmation des émissions à caractère religieux par France Télévisions 230

Chapitre IV : Des contrats d’objectifs et de moyens 232

Article additionnel avant l’article 18 : Intitulé du chapitre IV 232

Article 18 : Réforme de la diffusion des messages publicitaires par France Télévisions et adaptation des contrats d’objectifs et de moyens de l’audiovisuel public 232

Chapitre V : De la redevance 267

Avant l’article 19 267

Article 19 : Indexation du montant de la redevance audiovisuelle sur l’indice des prix à la consommation 268

Article additionnel après l’article 19 : Assujettissement à la redevance des personnes physiques ayant contracté un abonnement avec un fournisseur d’accès à Internet 276

Après l’article 19 277

TITRE II – INSTITUTIONS DE TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES DES OPÉRATEURS DU SECTEUR AUDIOVISUEL ET DE COMMUNICATION ÉLECTRONIQUES 277

Article 20 : Institution d’une taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision 277

Après l’article 20 290

Article 21 : Institution d’une taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques 290

TITRE III – TRANSPOSITION DE DIVERSES DISPOSITIONS DE LA DIRECTIVE 89/552/CEE DU 3 OCTOBRE 1989 MODIFIÉE PAR LA DIRECTIVE 2007/65/CE DU 11 DÉCEMBRE 2007 304

Article 22 : Définition et périmètre des services de médias à la demande (SMAd) 304

Article 23 : Extension des pouvoirs de régulation du CSA aux SMAd 311

Article 24 : Recommandation du CSA sur les normes techniques de diffusion et de distribution des services de communication audiovisuelle 317

Article 25 : Contrôle du CSA sur le contenu et les modalités de publicité sur les SMAd 318

Article 26 : Autorisation et réglementation du placement de produit 321

Après l’article 26 326

Article 27 : Extension aux SMAd des règles relatives à la protection des mineurs et au respect de la dignité de la personne 326

Article 28 : Extension des obligations relatives à la promotion de la langue française aux SMAd 333

Article additionnel après l’article 28 : Rôle de régulation du CSA sur les conditions d’accès des diffuseurs aux courts extraits 334

Article 29 : Valorisation des dépenses d’audio-description dans la contribution des éditeurs de services de télévision diffusés en mode hertzien à la production – Adaptation des obligations applicables aux services de communication audiovisuelle aux SMAd 335

Article 30 : Programmes diffusés en mode hertzien adaptés aux personnes souffrant d’un handicap visuel ou auditif 345

Après l’article 30 348

Article additionnel après l’article 30 : Reprise des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre numérique sur les réseaux mobiles de troisième génération 348

Après l’article 30 349

Article 31 : Modalités d’attribution de la ressource radioélectrique pour la diffusion par satellite 349

Article 32 : Coordination 351

Article 33 Coordination 352

Article 34 : Valorisation des dépenses d’audio-description dans la contribution des éditeurs de services de télévision diffusés en mode non hertzienà la production 352

Article 35 : Programmes diffusés en mode autre que hertzien adaptés aux personnes souffrant d’un handicap visuel ou auditif 354

Article additionnel après l’article 35 : Rapport du CSA relatif aux programmes accessibles aux personnes souffrant de handicap visuel ou auditif 357

Article 36 : Obligations adaptées aux SMAd autres que hertziens 357

Article additionnel après l’article 36 : Extension aux SMAd de la saisine du CSA en matière de concurrence 359

Article 37 : Extension du pouvoir de mise en demeure du CSA aux SMAd 360

Article additionnel après l’article 37 : Pouvoir de suspension du CSA d'un programme diffusé par un éditeur privé 361

Article 38 : Extension des pouvoirs de sanction du CSA aux SMAd : obligation de publier un communiqué 361

Article 39 : Application de la procédure préalable au prononcé d’une sanction par le CSA 362

Article 40 : Détermination géographique des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande soumis à la présente loi 363

Article 41 : Coordination 366

Article 42 : Services de télévision et SMAd considérés comme établis en France 367

Article 43 : Services de télévision et SMAd non établis en France mais relevant de la compétence de l’État français 369

Article 44 : Régime des services de télévision extra-communautaires 371

Article 45 : Conditions d’entrave à la reprise d’un service de télévision ou SMAd en provenance d’un autre État membre et dispositif anti-délocalisation 376

Article additionnel après l’article 45 : Pouvoir de suspension du CSA d'un programme diffusé par une société nationale de programme 380

Article 46 : Possibilité d’une seconde coupure publicitaire dans les films et téléfilms 380

TITRE IV – DISPOSITIONS RELATIVES AU CINÉMA ET AUTRES ARTS ET INDUSTRIES DE L’IMAGE ANIMÉE 389

Article 47 Habilitation à prendre par ordonnances des mesures visant à réformer le Centre national de la cinématographie et à rénover le droit des arts et industries de l’image animée 389

Article 48 : Habilitation à prendre par ordonnances des mesures visant à aménager les dispositifs de régulation de la diffusion cinématographique et à rénover les relations entre distributeurs et exploitants 398

Article additionnel après l’article 48 : Encadrement réglementaire de l’agrément des formules d’accès au cinéma donnant droit à des entrées multiples 410

TITRE V – DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES 410

Avant l’article 49 410

Article 49 : Modification du champ des compétences des comités techniques radiophoniques (CTR) 412

Article additionnel après l’article 49 : Développement de la radio numérique terrestre 415

Article additionnel après l’article 49 : Attribution de fréquences aux collectivités territoriales 415

Article additionnel après l’article 49 : Rapport au Parlement sur l’état du marché des services de diffusion audiovisuelle 416

Article 50 Application de la loi du 30 septembre 1986 à l’outre-mer 416

Article 51 : Transferts des biens, droits et obligations des sociétés France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO à la société nationale de programme France Télévisions – Transfert des actions de l’État dans RFI à la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France 418

Article 52 : Poursuite des mandats en cours des présidents des sociétés de l’audiovisuel public et dispositions transitoires relatives aux conseils d’administration 422

Article 53 : Conséquence sur les titulaires des droits d’usage de la ressource radioélectrique de la création d’une société nationale de programme unique 423

Article 54 : Entrée en vigueur différée des dispositions de l’article 49 du projet de loi 425

Article 55 : Entrée en vigueur des taxes sur le chiffre d’affaires des opérateurs du secteur audiovisuel et de communications électroniques 425

Article additionnel après l’article 55 : Prélèvement sur les dotations en capital versées aux sociétés audiovisuelles publiques en 2008 426

Article 56 Application des dispositions du projet de loi à l’outre-mer 427

IV.- EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE DU PROJET DE LOI ORGANIQUE 429

Article unique : Nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public après consultation des commissions chargées des affaires culturelles 429

AVANT-PROPOS DU PRÉSIDENT

C’est pour moi un grand honneur d’assumer les fonctions de président de la Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision et le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.

Si j’ai demandé, en tant que président du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale, la création d’une commission spéciale, procédure exceptionnelle, c’est bien sûr parce que le sujet intéressait différentes commissions permanentes et que les thèmes abordés s’y prêtaient. Mais c’est surtout parce que cette Commission spéciale s’inscrit dans la continuité de la réflexion engagée par la Commission pour la nouvelle télévision publique, composée à parité de parlementaires et de professionnels, que j’ai présidée au cours du premier semestre de cette année et à laquelle ont participé de nombreux parlementaires qui siègent aujourd’hui dans notre Commission spéciale.

Les parlementaires de la majorité et de l’opposition ont ainsi pu nouer un excellent dialogue, même si j’ai regretté que les élus de l’opposition aient quitté la Commission pour la nouvelle télévision publique avant qu’elle n’adopte ses préconisations ; j’ai néanmoins veillé, par souci de transparence, à ce que tous les parlementaires, même après leur départ, disposent des informations obtenues lors de ses travaux.

La coopération avec le Gouvernement a été excellente. Le projet de loi reprend la quasi-totalité des préconisations de la Commission pour la nouvelle télévision publique.

Les travaux de cette commission, qui ont suivi le déclenchement par le Président de la République de la réforme de l’audiovisuel public, ont donc contribué à éclairer ceux de la Commission spéciale. Le sujet méritait, à tous égards, d’être traité différemment des autres et j’ai souhaité marquer la continuité de la réflexion en étant aux deux bouts de la chaîne.

Les travaux de la Commission spéciale ont été constructifs

Nous arrivons aujourd’hui à la phase ultime du processus avec l’examen des deux projets de loi au Parlement. L’examen des amendements en commission, autrement dit ce que la représentation nationale envisage de faire pour améliorer un texte qu’elle a, du reste, déjà très largement contribué à concevoir par le travail réalisé en amont, s’est avéré particulièrement intéressant : la valeur ajoutée du travail des commissaires est tangible.

La réforme proposée est ambitieuse et c’est un rendez-vous politique majeur, au sens noble du terme, car il y a très longtemps que la représentation nationale n’a pas débattu d’une réforme de la télévision publique de cette ampleur. Il était donc important d’avoir un véritable débat sur le fond en commission pour préparer l’examen des projets en séance.

C’est pourquoi l’organisation de nos travaux a été guidé par le souci de consacrer du temps à l’examen des amendements, que l’on annonçait nombreux. Et nous avons effectivement pris le temps de débattre en profondeur : 4 heures pour auditionner les ministres et procéder à la discussion générale ; plus de 11 heures pour examiner les amendements déposés. Soit des débats plus longs que ceux consacrés à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, par exemple.

Les 264 amendements déposés ont permis de cerner clairement les points de débat et les positions des différents groupes de l’Assemblée.

De ces débats nourris, le projet de loi est ressorti amélioré par des amendements de la majorité comme de l’opposition : sur les 106 amendements adoptés, 71 ont été présentés par le rapporteur, 12 par un commissaire UMP, 4 par un commissaire SRC, 13 par un commissaire GDR, 6 par un commissaire NC.

Il nous a également fallu trouver le bon curseur pour procéder aux auditions, les demandes étant nombreuses et les interlocuteurs passionnés. Le rapporteur a ainsi procédé pendant plus de 16 heures à l’audition de plus de 80 personnalités. Ces auditions ont été ouvertes à tous les membres de la Commission et la liste jointe en annexe du rapport montre qu’elles furent très complètes.

La réforme du service public de l’audiovisuel est un exemple de coproduction législative

Même si les nouvelles dispositions de la Constitution ne s’appliquent pas encore, la volonté partagée était que le déroulement de nos travaux en commission soit exemplaire et il le fut. Cette réforme est urgente mais elle est également la première illustration concrète de la coproduction législative, de la programmation à l’évaluation.

Le volet pré-législatif

En amont du débat législatif, nous avons eu beaucoup de discussions avec les professionnels et entre parlementaires de toutes sensibilités. Les questions dont traitent les projets de loi étaient donc déjà dans le domaine du débat public depuis juin dernier.

La quasi-totalité des préconisations formulées par la Commission pour la nouvelle télévision publique a été retenue dans les projets de loi. Seule la question de la nomination du président de France Télévisions est traitée selon une autre approche : cette question, qui n’est certes pas un détail, ne résume cependant pas à elle seule l’économie globale du dispositif proposé.

Le débat législatif

– Cinq semaines se sont écoulées entre la délibération des projets de loi en Conseil des ministres et leur examen en séance. Ce délai exceptionnellement long – il n’est pas exceptionnel qu’il se réduise à deux semaines – est très proche des nouvelles dispositions de la Constitution applicables en mars prochain, selon lesquelles la discussion en séance, en première lecture, d’un projet de loi ne pourra intervenir, devant la première assemblée saisie, « qu’à l’expiration d’un délai de six semaines après son dépôt ».

– Le débat en commission s’est déroulé sur trois semaines, ce qui est une durée exceptionnelle, d’autant que la décision d’organiser ainsi nos travaux avait été arrêtée dès l’origine et n’est pas résultée d’un mauvais calibrage de la durée nécessaire à l’examen des amendements.

– La Commission spéciale a été constitué à l’initiative de l’Assemblée nationale, plus précisément à l’initiative du président du groupe majoritaire, et non pas du Gouvernement comme c’est le plus souvent le cas.

– Le texte adopté sera amélioré par les amendements de la majorité et de l’opposition. Nous avons travaillé avec l’idée que toute amélioration serait bonne à prendre, d’où qu’elle vienne, anticipant ainsi sur la réforme du Règlement de notre assemblée liée à la révision de la Constitution puisque nous travaillons actuellement, sous l’impulsion du président Accoyer, à une réforme qui donnera plus de pouvoirs à l’opposition.

– La Commission a pu examiner des amendements du Gouvernement préalablement à l’adoption de son rapport. C’est exceptionnel et c’est également l’esprit même de la réforme constitutionnelle qui commence ainsi à s’appliquer.

Les travaux de la Commission se sont déroulés dans un esprit de dialogue et chacun a eu tout loisir de s’exprimer, comme en atteste l’épais compte rendu de nos débats.

Chaque mot compte et il en est de blessants. Chacun a fait en sorte de s’en souvenir en exprimant ses convictions et en s’abstenant de tout procès d’intention sur le caractère prétendument liberticide d’une réforme qui cherche, au contraire, à donner au service public de la télévision un projet extraordinairement ambitieux en termes d’objectifs et de moyens.

La phase post-législative

À partir du moment où le Parlement a un droit de veto sur les nominations des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, débat et vote le budget des médias tous les ans, il est déjà impliqué dans le contrôle.

Il y a aussi le contrôle que le Parlement exerce sur le « service apès-vote » dont le Gouvernement a la charge. A l’initiative du président de la Commission des lois, Jean-Luc Warmann, notre Règlement prévoit ainsi qu’à l’issue d’un délai de six mois suivant l’entrée en vigueur d’une loi, le député qui en a été le rapporteur présente à la commission compétente un rapport sur la mise en application de cette loi. Ce rapport fait état des textes réglementaires publiés et des circulaires édictées pour la mise en œuvre de la loi, ainsi que des ses dispositions qui n’auraient pas fait l’objet des textes d’application nécessaires. Dans ce cas, la commission entend son rapporteur à l’issue d’un nouveau délai de six mois.

Mais ce n’est pas tout. Je souhaite qu’à l’occasion de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de la Constitution qui remettent le Parlement au cœur des institutions politiques, nous développions encore les moyens de contrôle et d’évaluation, sujet auquel j’attache la plus grande importance, en mettant en place un comité d’évaluation et de contrôle, auquel l’opposition serait pleinement associée.

Ainsi, dans le domaine de l’audiovisuel, nous pourrions nous intéresser à la manière dont la tutelle doit se réorganiser dans sa relation avec France Télévisions, notamment pour contrôler la mise en œuvre des engagements du cahier des charges et du contrat d’objectifs et de moyens (COM). La vraie question est que la tutelle remplisse sa mission en disant : « Vous avez un cahier des charges et nous avons signé ensemble un contrat d’objectifs et de moyens. Vous avez pris des engagements pour financer la création, pour vous moderniser, pour être au rendez-vous du numérique. Où en êtes-vous ? Quels sont vos gains de productivité, vos investissements ? ». C’est là ce que l’on attend de la tutelle.

*

En conclusion de cet avant-propos, tout en m’étant efforcé dans ma fonction de président d’être le garant de la pluralité des débats de la commission spéciale, je voudrais livrer mon analyse personnelle de cette réforme.

Comme tout le monde, lorsque le Président de la République a annoncé, le 8 janvier dernier, que la publicité serait supprimée sur la télévision publique, j’ai été assez étonné. Force est de constater que, neuf mois après, nous avons un plan de réforme complet.

Nous avons, en effet, énormément travaillé pendant ces neuf mois. Nous avons vu tous ceux qui l’ont souhaité, auditionné, écouté, entendu. Je me suis passionné pour cette question de la télévision publique, que je n’avais abordée jusque-là qu’avec un regard de ministre du budget. C’est la première raison pour laquelle j’ai souhaité présider la Commission pour la nouvelle télévision publique : je voulais comprendre comment cela marchait ! La deuxième raison, c’est que l’on sortait des difficultés suscitées par la Commission Attali, dont les parlementaires avaient été absents. Je voyais avec terreur se mettre en place un dispositif qui n’associerait pas les parlementaires, de la majorité comme de l’opposition, à la réflexion sur la réforme de la télévision publique, alors que c’est un des sujets qui les passionnent le plus.

Sans l’annonce de la suppression de la publicité sur France Télévisions, il n’y aurait pas eu de réforme. A chaque fois que le sujet était abordé, les élus n’osaient pas l’affronter, notamment à droite. Les problèmes sont restés sur la table pendant plus de vingt ans, alors qu’intervenaient des révolutions technologiques, dont celles de l’Internet et de la télévision mobile personnelle, ou la révolution managériale dans le monde de la télévision française. Pendant ce temps, France Télévisions est devenu un agrégat inconstitué de sociétés qui ne se parlent pas, ne créent pas de synergies, car elles ne sont pas organisées pour cela. Notre objectif, c’est de recréer une affectio societatis, une dynamique commune pour faire progresser la télévision publique.

La publicité a été la clé d’entrée. Mais ce n’est qu’une toute petite partie du problème. Le problème de fond va bien au-delà : la télévision française, qu’elle soit publique ou privée, n’a pas les moyens de répondre aux enjeux de demain.

Le degré actuel d’inorganisation de France Télévisions ne pouvait plus durer

Chacun en est conscient, en particulier ceux d’entre nous, de la majorité ou de l’opposition, qui siègent dans les conseils d’administration des sociétés de l’audiovisuel public. Il est d’ailleurs très utile qu’il y ait des parlementaires dans ces conseils : leur présence est un gage de cohérence et de continuité car ils peuvent rappeler aux administrateurs dans quel sens la représentation nationale souhaite voir évoluer ces sociétés.

Nous sommes tous favorables, majorité comme opposition, à la création d’une entreprise unique et opposés à l’instauration d’un guichet unique en matière d’achat et de production. L’exemple de la Finlande démontre précisément que la création d’une entreprise unique ne signifie pas l’instauration d’un guichet unique et il n’a jamais été question de fusionner les chaînes. Nous souhaitons seulement que le président de France Télévisions puisse bénéficier d’une approche globale, afin d’éviter les doublons et de favoriser les coordinations.

Nous avons également refusé la fusion des rédactions, qui n’aurait pas de sens : chacun, et notamment dans le domaine de l’information, doit conserver son identité au sein de la nouvelle entité. Il faut le répéter car nous sommes en pleine fantasmagorie : l’instauration d’une entreprise unique est pour nous une nécessité absolue mais il ne s’agit pas de recréer l’ORTF ! Une plus grande transparence prévaudra en revanche, car chacun pourra savoir dans quelles conditions les contrats sont passés et les cases horaires « vendues ».

Bref, il ne s’agit pas de restreindre les marges de manœuvre existantes, mais à l’inverse de renforcer l’efficacité et la transparence du secteur audiovisuel public.

La réforme est financée

Le mur porteur de la réforme est la réponse financière qui est apportée par la taxe imposée à deux acteurs qui diffusent jusqu’à présent de l’image sans payer, en gagnant beaucoup d’argent : les fournisseurs d’accès à Internet et les opérateurs de téléphonie mobile.

L’idée, développée par la Commission pour la nouvelle télévision publique, était clairement de garantir la compensation à l’euro près de la perte des recettes de publicité, mais également de trouver les moyens de financer le développement du groupe France Télévisions. Sur 800 millions d’euros de chiffre d’affaires publicitaire de France Télévisions, 150 sont préservés par le maintien de la publicité sur les stations régionales de France 3 et RFO. La publicité jusqu’à 20 heures doit rapporter 200 millions d’euros. Restent 450 millions d’euros qui sont financés par la taxe sur les fournisseurs d’accès et les opérateurs télécoms et la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision. Le plan de financement est donc bouclé. Les gains de productivité, l’indexation de la redevance sur l’inflation, les économies liées à l’extinction de l’analogique doivent permettre de financer le développement de France Télévisions.

France Télévisions aura donc les moyens de fonctionner, d’autant que le plan de financement est établi sur d’excellentes hypothèses, qui sont celles de 2007.

La taxe sur la publicité diffusée par les éditeurs est fixée à 3 % du chiffre d’affaires publicitaire. La Commission spéciale a adopté un amendement pour tenir compte de l’éventuelle évaporation des recettes publicitaires en 2008 et 2009, notamment dans le contexte économique actuel difficile. Toujours est-il que, dans la mesure où les chaînes privées récupéreront une partie des ressources publicitaires, il est normal qu’elles soient taxées.

La taxe de 0,9 % sur le chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) portera sur les 42 milliards d’euros de chiffre d’affaires du secteur. Ce sont donc des recettes assurées car la dynamique financière est bien meilleure que celle qui reposerait sur une augmentation de la redevance, ce qui ne peut pas être un contre-projet valide, cette imposition étant la plus mal perçue par les Français. De plus, cette taxe ne sera pas répercutée sur les consommateurs car la concurrence entre fournisseurs est trop importante.

Il nous est apparu que laisser un secteur économique en plein développement diffuser de l’image télévisée sans contribuer à son financement était une aberration. Les fournisseurs d’accès à Internet et les opérateurs de téléphonie mobile représentent 42 milliards d’euros de chiffre d’affaires, somme à rapprocher du budget de France Télévisions, qui est de 2,9 milliards d’euros. Certes, la partie « télévision » de leur chiffre d’affaires est faible mais il est choquant de pouvoir diffuser des images télévisées sans rien débourser.

La taxe sur les FAI est encore plus légitime à mes yeux que la taxe sur les télévisions privées : il s’agit de faire entrer un acteur nouveau majeur dans le financement de la télévision. Je suis d’ailleurs convaincu que ces nouveaux financeurs vont participer de plus en plus au financement de la production. Sans remettre en cause l’économie du projet qui est dans le droit fil des préconisations de la Commission pour la nouvelle télévision publique, la Commission a décidé d’adopter un amendement d’appel introduisant une légère modulation afin de permettre un débat sur ce sujet en séance publique.

J’ai refusé l’idée d’une taxe sur l’électronique grand public, de même que j’ai refusé celle d’augmenter la redevance. J’estime en effet que ce n’est pas aux ménages de payer pour la suppression de la publicité sur France Télévisions.

Certes, les taxes ne seront pas affectées car les règles budgétaires l’interdisent. Nous savons pouvoir compter sur le Gouvernement, mais il nous appartiendra, à nous parlementaires, de veiller à leur utilisation conformément aux engagements politiques pris.

La majorité assume le fait de donner des moyens à la télévision publique, en contrepartie d’un vrai business plan, d’un vrai projet d’entreprise mais aussi d’une rénovation profonde de la tutelle. L’État ne remplit pas sa mission de tutelle, laquelle ne se situe d’ailleurs pas au niveau des programmes. Il faut donner à l’audiovisuel public les moyens de mettre en place un plan de développement intelligent avec des synergies fortes et un financement accru de la création.

L’opposition entre télévisions privées et télévision publique, que certains essaient de ressusciter, est dépassée. L’objectif, c’est que les deux marchent bien. C’est pourquoi il faut autoriser une deuxième coupure pour permettre aux télévisions privées de récupérer la publicité qui disparaît sur France Télévisions.

Le financement proposé par le projet de loi est pérenne pour France Télévisions ; les garanties sont même renforcées puisqu’il s’agit d’un financement budgétaire et non plus publicitaire.

Je récuse donc l’argument selon lequel le compte n’y serait pas.

La concomitance de la durée du mandat des présidents des sociétés de l’audiovisuel public et du contrat d’objectifs et de moyens est la condition d’une relation claire et lisible avec la tutelle

Dans un souci de bonne gestion, il est important qu’une entreprise publique établisse une relation claire et lisible avec sont autorité de tutelle, la concomitance de la durée du mandat présidentiel et de celle du contrat d’objectifs et de moyens (COM) était une proposition essentielle de la Commission pour la nouvelle télévision publique.

L’absence de coïncidence entre ces deux durées engendre en effet des situations kafkaïennes d’illisibilité totale. Je peux en témoigner, ayant été amené, en tant que ministre du budget, à négocier des COM. Un véritable projet d’entreprise suppose un COM de même durée que le mandat présidentiel. Cela seul permettra d’avoir une vision d’entreprise, des relations claires avec la tutelle et une prise en compte réelle de l’État actionnaire. Aujourd’hui, la relation avec la tutelle est faussée parce que personne ne sait précisément ce qu’il y a à faire. Le président de France Télévisions n’a pas de feuille de route suffisamment claire lui permettant de rendre compte à la tutelle et au Parlement.

L’alignement de la durée du mandat du président et de la durée du COM est une disposition fondamentale de la réforme. L’erreur capitale de la non-corrélation explique d’ailleurs beaucoup de choses : à l’avenir, celui qui aura négocié le contrat sera celui qui rendra des comptes.

Cette concomitance rend en outre peu probable une révocation du président. Plus généralement, il est vain de se focaliser sur cette possibilité de révocation : il s’agit d’une hypothèse d’école, prévue pour une situation d’empêchement majeur, par exemple dans le cas où le président ferait preuve d’une incompétence totale et constatée par tous ou s’il était gravement malade et donc incapable d’assumer ses fonctions.

A côté de ses trois axes majeurs de la réforme, la Commission a bien voulu rejoindre mes préoccupations en adoptant des amendements, dont certains me tiennent particulièrement à cœur :

– la programmation du service public de l’audiovisuel doit refléter la diversité de la société française ;

– France Télévisions doit diffuser à la fois des programmes nationaux et locaux, mais aussi régionaux ;

– des clauses de rendez-vous doivent être prévues pour évaluer la réforme et ses conséquences au fur et à mesure de son entrée en vigueur.

*

Les dirigeants de France Télévisions et de l’audiovisuel extérieur de la France vont avoir entre les mains un formidable outil de développement. C’est à eux maintenant de relever le défi.

L’heure est venue de la décision et de la mise en œuvre de ce grand projet pour la télévision publique. Le Parlement a pris et prendra sa part à cette « rénovation sans précédent de l’audiovisuel public », ainsi que l’a qualifiée le président de la République.

La télé rend fou, dit-on : je crois qu’en l’espèce la Commission spéciale a fait preuve de beaucoup de sagesse.

Jean-François Copé

INTRODUCTION

L’Assemblée nationale examine conjointement deux projets de loi relatifs à l’audiovisuel public.

Le premier, n° 1208 (rectifié), est un projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. Il prévoit de soumettre ces nominations à la procédure de consultation des commissions parlementaires compétentes prévue à l’article 13 de notre Constitution.

Le second, n° 1209, est un projet de loi ordinaire relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Il remanie en profondeur la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite « loi Léotard » afin de prévoir l’ensemble des dispositions visant à faire de France Télévisions un média global de service public aux ambitions renouvelées, au service de l’ensemble des téléspectateurs. Il comporte également des dispositions relatives à l’audiovisuel extérieur de la France, aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAd) et au cinéma.

Le 8 janvier 2008, le Président de la République appelait de ses vœux une « rénovation sans précédent de l’audiovisuel public » et annonçait la suppression de la publicité sur les antennes de France Télévisions, afin de libérer le groupe de toute logique mercantile.

Depuis vingt ans, personne n’avait eu le courage de poser la question de la place et de l’avenir de la télévision publique en France. Or le secteur audiovisuel a été bouleversé, de nouveaux acteurs sont entrés en jeu, les technologies se sont considérablement développées. Créer une entreprise unique capable de développer des programmes pour l’ensemble des nouveaux supports, mais également supprimer progressivement la publicité à l’antenne (à partir de 20 heures en janvier 2009, et totalement lors du passage au tout numérique), étaient devenus une nécessité, tant culturelle qu’économique.

Une nécessité culturelle avant tout, car libérer la télévision publique de la publicité, c’est libérer l’audace et la créativité, c’est donner le temps aux programmes de trouver leur public et de s’adresser à tous les Français, pas seulement aux cibles privilégiées par les publicitaires. C’est permettre à l’audience de redevenir une ambition, et non plus une obsession.

Une nécessité économique également, car la publicité n’est pas une manne inépuisable : l’émergence des nouvelles chaînes de la TNT et de nouveaux médias, comme Internet, rend l’accès au marché publicitaire de plus en plus tendu. L’année 2008 constituera à cet égard une année de réflexion sur la nouvelle répartition des cibles publicitaires par les annonceurs.

La Commission pour la nouvelle télévision publique, présidée par Jean-François Copé et composée de professionnels et parlementaires de tous bords, a auditionné durant quatre mois de travaux près de 250 personnes, reçu plusieurs milliers de contributions de professionnels mais aussi de très nombreux téléspectateurs, notamment par l’intermédiaire de son site Internet. Le rapporteur a quant à lui auditionné plus de 80 personnes du 29 octobre au 6 novembre dernier.

Plus qu’une nouvelle réforme, ces projets de loi s’inscrivent dans la volonté du Président de la République d’effectuer une refondation de la télévision publique. Il s’agit « d’inventer la télévision de service public du XXIe siècle », de lui donner un visage nouveau, encore plus différencié de l’offre privée.

Cette réforme de notre audiovisuel national s’accompagne d’une nécessaire réforme de l’audiovisuel extérieur de la France, riche en outils mais disparate en efforts. Enfin, en prenant acte du traitement de la réforme du Centre national de la cinématographie par voie d’ordonnances, le texte vient tacitement rappeler le lien fort qui unit l’audiovisuel et le monde de la création française dont le cinéma peut, à plusieurs égards, illustrer la réussite.

I.- LE SERVICE PUBLIC DE L’AUDIOVISUEL DE 1945 À NOS JOURS : DU MONOPOLE AU PLURALISME

Le paysage audiovisuel français a considérablement évolué depuis ses origines. Comme le rappelait notre ancienne collègue Dominique Richard dans un rapport de 2006, « les premières émissions de télévision ont été diffusées le 26 avril 1935. Les premières émissions régulières datent de janvier 1937 ; il s’agissait de variétés. (…) La première station pérenne, Paris-Télévision, est inaugurée le 30 septembre 1943. (…) En 1946, des émissions quotidiennes de télévision sont diffusées de 16 h 30 à 17 h 30 et en soirée les mardi et vendredi. (…) Le premier bulletin météo est diffusé le 17 décembre 1946, la première retransmission d’un spectacle en direct est faite le 5 juin 1947, le premier direct de sport (arrivée du Tour de France) le 25 juillet 1948, la première messe de minuit en direct le 24 décembre 1948. (…) Les premières speakerines apparaissent en mai 1949, le premier journal télévisé est diffusé le 29 juin 1949, la première émission pour enfants en octobre 1949, le premier journal télévisé régulier de quinze minutes le 2 octobre 1949, la première retransmission de messe dominicale le 9 octobre 1949 » (1). Depuis cette période mythique, la télévision s’est métamorphosée et les technologies comme les publics ont également profondément évolué. Dans le même temps, le service public de la télévision a prospéré et s’est développé.

D’un point de vue juridique, si la loi ne parle pas formellement de service public de l’audiovisuel puisque le titre III de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 définit un « secteur public de la communication audiovisuelle », il s’agit malgré tout d’un service public, dans la mesure où l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 liste les missions de service public imposées aux sociétés en charge de l’audiovisuel public.

Si ce service public a d’abord été en situation de monopole et de dépendance à l’égard du pouvoir, il s’est progressivement libéré de sa tutelle politique, au prix d’une mise en concurrence qui a bouleversé son identité, ses missions, ses contenus. La télévision publique est aujourd’hui au cœur d’un système pluraliste qui propose une offre de programmes démultipliée. En l’affranchissant de sa tutelle commerciale et en réorganisant sa structure en entreprise unique, le présent projet de loi vise à donner au service public audiovisuel les moyens de sa vocation.

A. UN MONOPOLE ABSOLU DE L’ÉTAT (1945 – 1964)

Alors qu’avant la Seconde Guerre mondiale s’était ébauché un modèle concurrentiel de radios privées, le choix est fait à la Libération d’instituer un monopole d’État en matière de communication, qu’il s’agisse de production, de programmation ou de diffusion. Trois arguments justifient cette décision : l’un, technique, qui tient à la rareté des fréquences hertziennes ; un deuxième selon lequel l’État est chargé de préserver l’intérêt général des intérêts particuliers et doit donc assurer l’objectivité de l’information ; un troisième, qui en découle, lié à l’influence de la radio et de la télévision sur l’opinion qu’il apparaît nécessaire de contrôler.

Est donc créée la Radiodiffusion française, qui devient en 1949 la Radiodiffusion et télévision de France (RTF). Elle fonctionne pendant dix ans comme une structure administrative classique, avant de changer de statut par l’ordonnance n° 59-273 du 4 février 1959 qui la transforme en établissement public à caractère industriel et commercial placé sous l’autorité directe du ministre de l’information. Les emplois du directeur général comme des principaux responsables sont toujours à la discrétion du Gouvernement ; l’établissement n’est pas doté de conseil d’administration. Une faille est toutefois ouverte dans cette étroite emprise de l’État puisque la production des programmes audiovisuels ne fait plus partie du monopole conféré à cet organisme.

B. L’ORTF OU LA VOIX DE LA FRANCE (1964 – 1974)

La loi n° 64-621 du 27 juin 1964 supprime la RTF et crée l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) placé sous la simple tutelle du ministre de l’information. En droit, l’établissement public gagne en autonomie. Toutefois, l’État est majoritaire dans le conseil d’administration qui est créé, les directeurs restent nommés en conseil des ministres et le contrôle a priori des crédits est maintenu.

Le caractère de service public est pour la première fois clairement mis en exergue à l’article premier qui dispose que l’ORTF assure « le service public national de la radiodiffusion et de la télévision en vue de satisfaire les besoins d’information, de culture, d’éducation et de distraction du public ».

La loi n° 72-553 du 3 juillet 1972 sur le statut de la radiodiffusion-télévision française complète ces missions en énonçant les devoirs d’objectivité et de moralité dans les programmes et la nécessité de toujours faire prévaloir les intérêts généraux de la collectivité. Elle organise l’ORTF en unités fonctionnelles et consacre le principe de financement public, précisant que la proportion des recettes publicitaires ne peut excéder 25 % des ressources totales de chaque entité.

C. L’ÉCLATEMENT DE L’ORTF (1974 – 1982)

La loi n° 74-696 du 7 août 1974 intervient dans un contexte de crise. L’ORTF est en effet confronté depuis le début des années 1970 à des problèmes de gestion issus du développement croissant de ses activités, une deuxième chaîne ayant été lancée en 1964, puis une troisième en 1972. Son manque d’autonomie vis-à-vis des pouvoirs publics est en outre de plus en plus contesté, compte tenu de la place qu’occupe désormais la télévision dans les foyers français : alors qu’en 1958 seuls 5 % des ménages français sont équipés, ils sont 82 % en 1974. Pour mémoire, ils sont plus de 95 % en 2008 et 54 % des Français déclarent posséder plus d’un téléviseur.

La loi est préparée et votée dans des délais extrêmement courts. En début d’année 1974, un plan de réformes préparé par Marceau Long, président de l’ORTF, a avorté du fait du décès du Président de la République Georges Pompidou. Aussitôt élu, M. Valéry Giscard d’Estaing engage une nouvelle réforme : le projet de loi est adopté en conseil des ministres le 17 juillet 1974, déposé à l’Assemblée nationale le 23 juillet et voté le 28 juillet. Il sera promulgué le 7 août 1974.

Les grandes lignes de la loi du 7 août 1974

Le vote de la loi de 1974 a pour principale conséquence de faire éclater l’ancien ORTF en cinq sociétés et deux établissements publics :

– une société nationale de radiodiffusion, devenue depuis Radio-France ;

– trois sociétés nationales de télévision qui correspondent aux trois « chaînes » déjà existantes, l’une d’entre elles étant notamment chargée de la gestion et du développement des centres régionaux de radio et de télévision, devenues ensuite TF1, Antenne 2 et France-Régions 3 (FR3) ;

– une société de production, placée sous le régime de la législation des sociétés anonymes – mais à capitaux publics majoritaires – qui reprend l’ensemble des moyens lourds de production de l’ORTF – en particulier, les Buttes Chaumont, devenue ensuite la société française de production (SFP) ;

– l’établissement public de diffusion, établissement public industriel et commercial qui reçoit pour missions d’assurer la diffusion des programmes de radio et de télévision en France et vers l’étranger et d’organiser et d’exploiter les réseaux et installations de diffusion, devenu ensuite Télédiffusion de France (TDF) ;

– l’institut national de l’audiovisuel (INA), établissement public à caractère industriel et commercial, qui est chargé notamment d’assurer la conservation des archives, de conduire des recherches de création audiovisuelle et de mener des actions de formation professionnelle.

Le souci officiellement avancé de ne reconstituer l’ORTF sous aucune forme a conduit à écarter toute instance de nature fédérative ou coordinatrice. Seuls quelques amendements imposés par le Parlement ont atténué, mais faiblement, ce choix des auteurs de la loi.

Source : rapport n° 826 fait au nom de la commission spéciale sur le projet de loi n° 754 sur la communication audiovisuelle, M. Bernard Schreiner, 22 avril 1982.

La mission de service public et le monopole d’État demeurent, mais sont donc fractionnés en sept organismes indépendants les uns des autres, qui sont autant de personnes morales de droit privé dont l’État est l’actionnaire unique. Le Gouvernement nomme par décret leur président et veille à l’observation par l’établissement public des obligations de service public, qu’il réunit dans un cahier des charges.

D. LA FIN DU MONOPOLE (1982 – 1986)

La loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 bouleverse le service public audiovisuel en disposant dans son article premier que « la communication audiovisuelle est libre ». Elle abolit le monopole d’État de la programmation, étend substantiellement les missions du service public et institue pour veiller au respect de ces missions une autorité administrative indépendante, la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (HACA). Cette autorité est également chargée de nommer pour trois ans les présidents des sociétés Antenne 2, France-Régions 3 et Radio France parmi les personnalités qu’elle a nommées aux conseils d’administration.

La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite « loi Léotard », confirme la disparition du monopole d’État en matière de communication et met en place deux secteurs de l’audiovisuel, l’un public et l’autre privé. On ne parle d’ailleurs plus de « service public » mais de « secteur public ». TF1 est privatisée et attribuée au groupe Bouygues le 6 avril 1987. Est substituée à la HACA la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL), qui deviendra le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en 1989. En revanche, le dispositif de nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public reste le même.

E. LA CRÉATION PROGRESSIVE D’UNE SOCIÉTÉ HOLDING FRANCE TÉLÉVISIONS (1989 – 2000)

La loi n° 89-532 du 2 août 1989 dote Antenne 2 et FR3 d’une présidence commune. Le 7 septembre 1992, ces deux chaînes sont renommées France 2 et France 3 et regroupées sous la marque commune France Télévision, qui n’est alors qu’une dénomination commerciale. La structure est dénuée de personnalité juridique.

C’est en 2000 que la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication crée la société holding « France Télévisions SA » regroupant les sociétés France 2, France 3 et La Cinquième – rebaptisée France 5 en janvier 2002 – et fixe son cadre juridique. France Télévisions est une société soumise à la législation sur les sociétés anonymes, dont le capital est détenu en totalité par l’État. La loi du 1er août 2000 prévoit également que France Télévisions « peut créer des filiales ayant pour objet d’éditer des services de télévision diffusés en mode numérique ne donnant pas lieu au paiement d’une rémunération de la part des usagers et répondant à des missions de service public définies […] par leurs cahiers des charges. Le capital de ces sociétés est détenu directement ou indirectement par des personnes publiques ». En application de cette disposition, la chaîne Festival est retenue en 2002 par le CSA pour une diffusion sur la TNT et devient France 4 en 2005.

Le CSA nomme le président du conseil d’administration de la société France Télévisions pour cinq ans parmi les personnalités qu’il a désignées. Le président du conseil d’administration de France Télévisions est également président des conseils d’administration des sociétés France 2, France 3, France 5 et RFO.

F. DEUX LOIS RÉNOVANT LE CADRE LÉGAL DE L’AUDIOVISUEL AFIN DE PRENDRE EN COMPTE LES ÉVOLUTIONS TECHNOLOGIQUES (2000 – 2007)

Avant l’ère d’Internet et du téléphone portable, la télévision occupait une place de choix chez les ménages français. En permettant de multiplier les moyens de réception des programmes, la révolution numérique du tournant du siècle a bouleversé cette situation privilégiée et ouvert la voie à de nouveaux modes de consommation de l’image, caractérisés par la délinéarisation et la nomadisation : chacun peut désormais disposer d’une offre « à la carte ». L’essor et le succès de la TNT sont aujourd’hui indéniables. Les nouveaux modes de consommation des images audiovisuelles se développent. Dans ce contexte, notre audiovisuel public, profondément affecté, comme les chaînes privées, par cette révolution numérique, doit pouvoir continuer à se développer. C’est pour cette raison que, depuis le début du XXIe siècle, le législateur a entrepris de poursuivre la rationalisation de l’organisation de France Télévisions, tout en mettant en place un cadre juridique permettant le développement de la télévision du futur.

La loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle a notamment procédé à l’intégration de RFO au groupe France Télévisions afin de renforcer la cohérence de notre audiovisuel public national et de redonner à RFO des perspectives de développement en l’adossant à un groupe puissant à même de préserver sa spécificité. Elle permet également au CSA d’organiser et d’optimiser la planification de la bande FM en vue de dégager des fréquences supplémentaires pour le développement de nouvelles formes de diffusion.

La loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a deux objets principaux. D’une part, elle crée le cadre juridique qui permettra d’assurer le basculement complet de l’analogique vers le numérique, basculement prévu au plus tard le 30 novembre 2011. D’autre part, elle fixe les conditions du développement de la télévision du futur, par la mise en place du cadre juridique nécessaire au développement de la télévision haute définition (TVHD) et de la télévision mobile personnelle (TMP).

II.- LA COPRODUCTION LÉGISLATIVE
AU SERVICE D’UNE RÉFORME AMBITIEUSE

Le rapporteur ne reprendra pas ici de manière exhaustive l’ensemble des développements contenus dans le très complet rapport de la Commission pour la nouvelle télévision publique, ni les développements précieux du rapport d’information n° 2917 du 1er mars 2006 de la commission des affaires culturelles de notre assemblée, présenté par notre ancien collègue Dominique Richard, sur les missions du service public de l’audiovisuel et l’offre de programme, qui dressent un tableau global de l’évolution des missions de notre audiovisuel public.

A. LES TRAVAUX DE LA COMMISSION POUR LA NOUVELLE TÉLÉVISION PUBLIQUE : UNE REFONDATION DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC NATIONAL

Le 8 janvier 2008, le Président de la République appelait de ses vœux une « rénovation sans précédent de l’audiovisuel public ». Il confia le dossier à une commission d’élus et de professionnels choisis intuitu personae, présidée par Jean-François Copé. Installée à l’Elysée le 19 février, elle reçut pour mission essentielle de répondre à la question suivante : Quelle télévision publique pour le XXIe siècle ?

Membres de la Commission pour la nouvelle télévision publique

Président

Jean-François Copé

Collège parlementaire

David Assouline, sénateur (PS) *

Patrick Bloche, député (SRC) *

Louis de Broissia, sénateur (UMP)

Gilles Carrez, député (UMP)

Jean Dionis du Séjour, député (NC)

Michel Françaix, député (SRC) *

Michel Herbillon, député (UMP)

Christian Kert, député (UMP)

Patrice Martin-Lalande, député (UMP)

Didier Mathus, député (SRC) *

Catherine Morin Desailly, sénatrice (UC-UDF)

Jack Ralite, sénateur (CRC) *

Ivan Renar, sénateur (CRC) *

Franck Riester, député (UMP)

Jacques Valade, sénateur (UMP)

Collège professionnel

Véronique Cayla, directrice générale du Centre national de la cinématographie

Hervé Chabalier, journaliste, producteur (CAPA)

Jacques Chancel, producteur audiovisuel

Catherine Clément, philosophe, auteur d’un rapport sur l’audiovisuel public

Sophie Deschamps, scénariste, ancienne présidente de la société des auteurs compositeurs dramatiques

* jusqu’au 4 juin 2008

Laurence Franceschini, directrice du développement des médias

Pierre Giacometti, consultant, expert

Simone Halberstadt Harari, productrice audiovisuelle (Effervescence Production)

Marin Karmitz, producteur, distributeur (MK2)

Dr David Levy, Associate Fellow à Oxford, ancien directeur « public policy – BBC Strategy »

René Martin, producteur de spectacles et producteur audiovisuel

Marie Masmonteil, productrice de cinéma

Martin Rogard, directeur France de Dailymotion

Marcel Rufo, pédopsychiatre

Jacques Santamaria, scénariste, réalisateur

Nicolas Traube, producteur audiovisuel

Les trente-trois membres de la Commission pour la nouvelle télévision publique furent répartis à parité au sein de quatre groupes de travail : « modèle économique », « modèle de gouvernance », « modèle de développement », et « modèle culturel et de création » ; ils réalisèrent au total plus de 250 auditions. Les citoyens furent également consultés, grâce au site Internet créé pour l’occasion. Le 4 juin 2008, les parlementaires socialistes et communistes, désapprouvant les scénarios de financement élaborés pour compenser la perte des recettes publicitaires, mirent fin à leur participation aux travaux de la Commission.

Au terme de quatre mois de réflexions, le 25 juin 2008, la Commission remit son rapport, complété par plusieurs contributions personnelles exprimant des positions différentes de celles qui reçurent l’assentiment de la majorité.

1. Les préconisations de la Commission

Le constat initial, sur lequel se fondent les thèmes de propositions, est celui d’une triple obsolescence : celle du cadre législatif et réglementaire, qui date, pour l’essentiel, de 1986 ; celle du modèle économique du secteur audiovisuel, fondé pour un tiers sur la publicité, de plus en plus émiettée du fait de la multiplication de l’offre ; celle du modèle organisationnel, fragmenté en plusieurs dizaines de sociétés. Quatre piliers structurent ensuite l’architecture des préconisations.

a) Un média global

Pour être en adéquation avec les évolutions numériques, la télévision publique doit devenir un « média global ». Cela signifie que les programmes seront diffusés sur tous les types de support – aussi bien télévision qu’Internet et téléphonie mobile personnelle – afin de s’adapter à tous les usages. Le rapporteur reviendra sur ce que recouvre cette expression ultérieurement, dans le cadre des développements consacrés aux services de médias audiovisuels à la demande (IV de la partie générale).

De cette nouvelle stratégie découle la nécessité d’organiser le groupe en une entreprise unique, le but étant de créer le maximum de synergies en mutualisant les moyens. Inspirée des exemples britannique et finlandais, la nouvelle organisation matricielle de France Télévisions doit être centrée sur les contenus, répartis au sein d’unités de programme.

Les contenus au centre de l’organisation de France Télévisions



** sous réserve de statut juridique de la (les) filiales de coproduction de films

Source : rapport de la Commission pour la nouvelle télévision publique

Note – TMP : télévision mobile personnelle ; FTVI : France Télévisions Interactive ; FTD : France Télévisions Distribution ; FTP : France Télévisions Production ; MFP : Multimédia France Production ; CFI : Canal France International.

b) Une télévision publique ambitieuse

Le modèle culturel de la télévision publique doit être exemplaire pour se distinguer de l’offre télévisuelle privée. L’accent doit être mis sur la création et la priorité doit porter sur la qualité des programmes, afin d’instaurer un cycle vertueux et d’inciter la concurrence à améliorer son offre.

Les chaînes doivent voir leur identité respective renforcée : France 2 reste la « chaîne fédératrice » ; France 3, la chaîne de la proximité ; France 4, celle de la jeunesse, des nouvelles générations et des « nouvelles écritures » ; France 5, la « chaîne du savoir et du décryptage » et RFO comme France Ô, les chaînes des cultures d’outre-mer et de la diversité.

France Télévisions doit pouvoir miser sur de nouveaux programmes, qui répondent à la vocation propre d’un service public audiovisuel. « L’audience doit devenir une ambition et non une obsession », c’est-à-dire qu’à la dictature de l’Audimat se substitue la volonté de répondre avant tout aux attentes des téléspectateurs et d’emporter leur adhésion. Les mesures d’audience ne doivent donc pas être simplement quantitatives mais surtout qualitatives : un service public de l’audiovisuel performant, c’est un service qui répond aux attentes de ses publics dans toute leur diversité.

c) Une gouvernance rénovée

La réunion des 49 entreprises en une entreprise unique et la rénovation de la structure du groupe en média global impliquent un nouveau modèle de gouvernance. Le rapport de la Commission préconise donc :

– de faire du contrat d’objectifs et de moyens (COM) « un instrument de pilotage au service d’un projet », en alignant sa durée sur celle du mandat du président de France Télévisions ;

– de rapprocher la composition du conseil d’administration de celui d’une entreprise publique classique, tout en préservant sa spécificité : il ne devrait plus comprendre que deux représentants de l’État (au lieu de cinq), huit personnalités indépendantes (au lieu de cinq, liées au secteur de l’audiovisuel) et toujours deux représentants du personnel.

– de revoir les modalités de désignation du président-directeur général : il devrait être « désigné par le conseil d’administration sur une liste de trois à cinq noms proposée par le CSA ».

d) Un financement pérenne

La Commission privilégie la progressivité de la suppression de la publicité sur les chaînes de France Télévisions. Une première étape est prévue le 1er septembre 2009, date à laquelle sera supprimée la publicité après 20 heures sur l’ensemble des chaînes à l’exception des décrochages régionaux et locaux de France 3, du parrainage, des sites Internet, de RFO et de la publicité d’intérêt général. Une deuxième étape est prévue le 1er janvier 2012, date à laquelle la publicité sera complètement supprimée. La Commission prévoit une clause de rendez-vous avant cette deuxième étape.

Ce choix nécessite la création d’un nouveau modèle économique et financier. Pour compenser la perte des ressources publicitaires, la Commission préconise :

– l’indexation de la redevance sur l’inflation ;

– la création d’une taxe sur les recettes publicitaires des chaînes de télévisions privées, qui vont bénéficier d’un transfert de la publicité ;

– la création d’une taxe sur le chiffre d’affaires des opérateurs de télécommunication et des fournisseurs d’accès à Internet, concernés par la diffusion des images de la filière audiovisuelle ;

– des gains de productivité et une hausse des recettes de diversification.

2. Quelles différences entre les conclusions de la Commission et le projet de loi ?

Les travaux qu’a conduits la Commission pour la nouvelle télévision publique ont très largement inspiré le présent projet de loi, qui reprend à son compte la quasi-totalité des préconisations de la Commission. À l'issue des arbitrages gouvernementaux, trois différences sont toutefois à noter :

– concernant la première étape de suppression de la publicité : la Commission retenait la date du 1er septembre 2009 alors que l’article 18 du présent projet de loi dispose que la suppression de la publicité sur les chaînes de France Télévisions entre 20 heures et 6 heures prendra effet « à compter du 5 janvier 2009 » ;

– concernant le financement : la Commission proposait pour la taxe sur l’activité des opérateurs de télécommunication un taux de 0,5 %. Ce taux est fixé, aux termes de l’article 21 du présent projet de loi, à 0,9 % ;

– concernant la modernisation de la gouvernance de France Télévisions : la Commission préconisait la désignation du président par le conseil d’administration du groupe, alors que l’article 8 du projet de loi prévoit sa nomination « par décret pour cinq ans après avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel ».

Les commissions des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire rendent en outre un avis sur cette nomination dans les conditions prévues au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution − « Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois-cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés ».

B. UN PROJET DE LOI FIDÈLE A L’ESPRIT DE LA RÉFORME

Le titre I du projet de loi reprend donc la plupart des préconisations de la Commission en prévoyant que le groupe France Télévisions doit devenir une entreprise unique afin de favoriser l’émergence d’un média global adapté à la généralisation des techniques numériques.

L’article 1er du projet de loi réorganise le groupe France Télévisions en une entreprise unique et transforme les sociétés nationales de programme France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO en services de France Télévisions.

L’article 3 du projet de loi précise que France Télévisions, mais également Radio France et la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, pourront créer des filiales pour leurs activités dites de « diversification » qui ne sont pas financées par des ressources publiques. France Télévisions pourra ainsi créer de nouveaux services de communication audiovisuelle, y compris des services de médias audiovisuels à la demande (services de vidéo à la demande ou de télévision de rattrapage par exemple).

L’article 5 du projet de loi modifie à la marge la composition du conseil d’administration de France Télévisions, pour tenir compte du nouveau dispositif de nomination du président prévu à l’article 8. Comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi, les « administrateurs, par la diversité de leurs origines et de leurs compétences et en toute impartialité, contribueront à la mise en œuvre de la profonde réforme engagée par la présente loi, conformément aux recommandations de la Commission pour la nouvelle télévision publique ».

L’article 8 du projet de loi précise les nouvelles modalités de nomination des présidents des sociétés nationales de programme, dont celui de France Télévisions : ils seront désormais nommés par décret du Président de la République pour cinq ans, après avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Il s’agit de redonner une responsabilité claire à l’État actionnaire, tout en encadrant strictement cette responsabilité par l’avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). L’article 52 du projet de loi garantit que le mandat en cours du président de France Télévisions ne sera pas interrompu du fait de l’entrée en vigueur de la présente loi.

L’article unique du projet de loi organique prévoit par ailleurs de soumettre les nominations des présidents de France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France à la procédure de consultation des commissions parlementaires compétentes, prévue par l’article 13 de la Constitution dans sa rédaction résultant de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République. L’article 13 de la Constitution précise que les emplois ou fonctions pour lesquels le législateur organique prévoira cette procédure doivent se caractériser par leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation. L’article 13 de la Constitution prévoit également que, lorsque l’avis des commissions parlementaires compétentes est négatif à une majorité des trois-cinquièmes des suffrages exprimés, le Président de la République ne peut procéder à la nomination qui était envisagée. Une telle procédure introduit « une dimension démocratique dans le processus de nomination » (2). Par le droit de veto à la majorité qualifiée, introduit à l’initiative du rapporteur à l’Assemblée nationale du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, il sera possible d’éviter les erreurs manifestes de nomination (3). Par conséquent, cette nouvelle procédure est particulièrement adaptée à la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, qui remplissent des fonctions d’une particulière importance au regard de l’exercice effectif de la liberté de communication.

Par parallélisme avec les dispositions prévues pour la nomination, l’article 9 du projet de loi prévoit de nouvelles conditions de retrait des mandats des présidents des conseils d’administration des sociétés nationales de programme : un décret motivé après avis conforme également motivé du Conseil supérieur de l’audiovisuel sera désormais nécessaire. Ces modalités de retrait s’appliqueront à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

L’article 15 enserre l’action du nouvel ensemble ainsi constitué par un cahier des charges. France Télévisions, Radio France et la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France sont concernés. S’agissant de France Télévisions, elle devra proposer une offre de services de communication audiovisuelle, dont la diversité et le pluralisme seront assurés dans les conditions définies par le cahier des charges. Le projet de cahier des charges a été rendu public le 7 novembre dernier. Il traduit les objectifs déclinés dans l’exposé des motifs du projet de loi. Il s’agit de faire de France Télévisions « une télévision branchée sur le monde, qui prend le pouls de la société dans sa diversité et donne toute sa place à l’information et au débat ; une télévision qui rassemble, qui trouve le fil rouge pour s’adresser à tous, à travers ses différentes antennes en jouant de tous les genres ; une télévision qui ose, qui prend le risque d’inventer, de surprendre, de défendre de nouveaux programmes, même s’ils ne rencontrent pas, à leurs débuts, le succès qu’ils méritent ; une télévision qui donne du temps, aux créateurs et aux spectateurs ; une télévision indépendante et pluraliste, intelligente et curieuse, qui intéresse sans ennuyer, qui amuse sans galvauder, qui confronte sans niveler ; une télévision exigeante et audacieuse, qui porte très haut ses missions, tout en restant, fièrement, une télévision " grand public " ».

L’article 18 poursuit un objectif comparable en réformant l’outil de pilotage partenarial des relations avec l’État : le contrat d’objectifs et de moyens (COM). Il permettra notamment de mettre cohérence la durée du mandat du président avec celle de l’engagement pluriannuel consenti par l’État dans le COM. Aussi les présidents de France Télévisions seront-ils en mesure de mener une politique ambitieuse, grâce à la signature de contrats qui correspondront à la durée de leur mandat. Par ailleurs, le CSA sera désormais destinataire des projets de nouveaux COM – comme des projets d’avenants à un contrat déjà en vigueur – et pourra formuler un avis.

Surtout, l’article 18 réforme les modalités de diffusion des messages publicitaires sur France Télévisions en deux étapes : la suppression partielle de la publicité, dès le 5 janvier 2009, entre 20 heures et 6 heures ; puis, sa suppression définitive à compter de l’extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision de France Télévisions sur l’ensemble du territoire métropolitain, c’est-à-dire fin 2011.

Enfin, du fait de la fusion-absorption des anciennes sociétés nationales de programme (prévue à l’article 51 du projet de loi), un certain nombre d’ajustements aux dispositions existantes de la loi du 30 septembre 1986 sont nécessaires. Les articles 10 et 12 à 14 du projet de loi modifient plusieurs articles de la loi de 1986 afin de supprimer toute référence aux sociétés France 2, France 3, France 5 et RFO, de même que l’article 53 s’agissant des droits d’usage des ressources radioélectriques préalablement assignées aux sociétés nationales de programme.

C. LA RÉORGANISATION DE FRANCE TÉLÉVISIONS : AU SERVICE DES TÉLÉSPECTATEURS ET DE LA CRÉATION

Dès la publication du rapport de la Commission pour la nouvelle télévision publique, le 25 juin 2008, M. Patrick de Carolis, président de France Télévisions, a souligné que les recommandations de la Commission étaient en phase avec le virage éditorial conduit depuis son arrivée en 2005 et qui visait depuis cette date à marquer davantage la différence entre les chaînes du groupe France Télévisions et l’offre des chaînes privées. Le président de France Télévisions a précisé, en outre, que le projet d’entreprise unique, qu’il appelait de ses vœux en 2007, avait été validé et repris par la Commission.

De même, l’ensemble des préconisations de la Commission relatives à la mise en œuvre d’une stratégie de média global ambitieuse ont été accueillies favorablement par la direction de France Télévisions, car elles valident et prolongent les actions menées depuis 2005 pour faire de France Télévisions « le premier bouquet de chaînes gratuites de l’ère numérique », selon les termes déjà employés par le contrat d’objectifs et de moyens du groupe pour la période 2007-2010.

1. Un groupe public qui a déjà commencé sa mutation

L’année 2007 est la première année de mise en œuvre du contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2007-2010. Dans un environnement de plus en plus concurrentiel, les chaînes du groupe ont connu un recul de leur audience et une baisse de leurs recettes publicitaires.

Sous l’effet de la poussée continue des chaînes de la TNT, la part d’audience des chaînes du groupe en 2007 (35,2 %, soit 18,1 % pour France 2, 14,1 % pour France 3 et 3 % pour France 5) est cependant en retrait de 1,8 point par rapport à 2006.

La part de l’audience de France 2 et France 3 au sein des chaînes historiques (TF1, France 2, France 3 et M6), n’est toutefois qu’en légère régression à 43,3 % en 2007 (contre 43,5 % en 2006), notamment grâce à France 3 qui est la chaîne historique dont la part d’audience baisse proportionnellement le moins.

De son côté, TF1 a connu une baisse de 0,9 point (sa part d’audience est de 30,7 % en 2007), tout comme M6 qui connaît un recul de 1 point (sa part d’audience est de 11,5 % en 2007), alors que les « autres TV » augmentent de 3,7 parts pour s’établir à 17,5 % de parts d’audience.

Selon les informations fournies par l’annexe au projet de loi de finances pour 2009 intitulée Rapport relatif à l’État actionnaire, France Télévisions a dégagé en 2007 un chiffre d’affaires net consolidé de 2 911 millions d’euros, en hausse de 1,9 %, la redevance ayant progressé de 2,5 % conformément au contrat d’objectifs et de moyens.


Source : Annexe au projet de loi de finances pour 2009, rapport relatif à l’État actionnaire.

Comptes consolidés

(en millions d’euros)

   

2006

2007

I.- Activité et résultat

Chiffre d’affaires

dont réalisé à l’étranger

2 856

0

2 911

0

Résultat d’exploitation / résultat opérationnel

51

32

Résultat financier

- 9

2

Capacité d’autofinancement /
Marge brute d’autofinancement

142

83

Résultat net – part du groupe

13

22

Résultat net – intérêts minoritaires

0

0

Résultat net de l’ensemble consolidé

13

22

II.- Immobilisations nettes

Total des immobilisations nettes

583

585

dont écart d’acquisition net

0

0

dont immobilisations incorporelles nettes

111

114

dont immobilisations financières nettes

39

38

III.- Informations sur les fonds propres

Capitaux propres – part du groupe

430

444

Intérêts minoritaires

0

0

IV.- Dividendes et autres versements assimilés

Dividendes versés au cours de l’exercice

0

0

dont reçus par l’État

0

0

Autres rémunérations de l’État

/

/

V.- Provisions

Provisions pour risques et charges

181

155

VI.- Information sur l’endettement financier

Dettes financières nettes

66

118

Dettes financières brutes à plus d’un an

182

167

VII.- Données sociales

Effectifs en moyenne annuelle

10 997

11 093

Charges de personnel

815

857

VIII.- Ratios

Résultat (groupe + minoritaires) / Chiffre d’affaires

0,5 %

0,8 %

Charges de personnel / Effectifs moyens (en milliers d’euros)

74,1

77,3

Résultat (groupe + minoritaires) / Fonds propres

3 %

5 %

Dettes financières nettes / Fonds propres

15,3 %

26,6 %

Informations complémentaires

Redevances

1 834

1 880

Productions et co-productions immobilisées

67

65

Droits sportifs comptabilisés en immobilisations en net

13

22

Droits sportifs : produits constatés d’avance

65

42

Droits sportifs hors bilan

358

451

Source : Annexe au projet de loi de finances pour 2009, rapport relatif à l’État actionnaire.

Résultats des principales filiales du groupe France Télévisions

L’exercice 2007 de France 2 a été marqué par une diminution du chiffre d’affaires net qui passe de 1 128 millions d’euros en 2006 à 1 102 millions d’euros en 2007, en lien notamment avec une diminution de 3,9 % des recettes de publicité et de parrainage, les ressources publiques connaissant pour leur part une augmentation de 1,6 % pour s’établir à 641 millions d’euros. On constate une maîtrise globale des charges et notamment du coût de grille (789 millions d’euros, soit + 1,4 %).

S’agissant de France 3, le chiffre d’affaires de l’exercice 2007 augmente de 1,1 %, passant de 1 177 millions d’euros à 1 190 millions d’euros, l’ensemble des produits d’exploitation s’élevant à 1 597 millions d’euros. La publicité et le parrainage sont stables par rapport à 2006 (289 millions d’euros). Le coût de grille s’établit à 771 millions d’euros contre 755 millions d’euros en 2006 (+ 2,1 %).

S’agissant de RFO, les recettes publicitaires ont atteint 20 millions d’euros en 2007, soit + 10,5 % par rapport à 2006. Compte tenu de l’accroissement de 4 % du produit de la redevance, le chiffre d’affaires augmente globalement de 5 %. Le coût de grille a progressé de 5,2 % pour s’établir à 165 millions d’euros. Les charges de personnel représentent 55,2 % du total des charges d’exploitation (155 millions d’euros sur 280,4 millions d’euros).

Enfin, les recettes de diversification du groupe continuent de se développer. Pour parvenir à exploiter les programmes de son catalogue comme des marques, la filiale France Télévisions Distribution a su développer leur visibilité, maintenir un avantage concurrentiel et renforcer les relations avec les producteurs. Elle a enregistré une progression importante de ses recettes (près de 9 %, à 59,5 millions d’euros), pour un résultat d’exploitation de 4 millions d’euros (+ 40 %).

Source : Annexe au projet de loi de finances pour 2009, rapport relatif à l’État actionnaire.

Comme le souligne le rapport d’exécution du contrat d’objectifs et de moyens pour 2007, France Télévisions a déjà fait le choix de consolider sa stratégie de groupe et d’affirmer sa politique de différenciation.

a) La consolidation de la stratégie de groupe

Le groupe a ainsi développé depuis la signature du COM des synergies internes afin de construire ce que l’on appelle une « stratégie de bouquet ». Dans ce cadre, l’actualisation de la charte d’organisation établie en 2000 permet à la holding de bénéficier aujourd’hui d’une vision transversale des activités du groupe. Cette charte rappelle les valeurs communes à l’ensemble des sociétés du groupe et définit une organisation matricielle, qui croise les structures verticales des chaînes avec des filières fonctionnelles transversales à l’ensemble des filiales.

Parallèlement, France Télévisions a mené une politique d’harmonisation de ses grilles de programmes. Ainsi, par exemple, la programmation des fictions a été clarifiée sur France 2 et France 3, de manière à conférer à chaque rendez-vous de première partie de soirée une thématique précise. Cette stratégie éditoriale a conduit à la mise en place de cinq rendez-vous hebdomadaires sur ces deux antennes. Sur France 2, les mardis, mercredis et vendredis sont respectivement consacrés aux fictions historiques, de société et policières. Sur France 3, les samedis sont composés de fictions à suspense et les jeudis de récits relatant le parcours de personnages hors du commun.

La musique bénéficie de ce même effort de lisibilité : les chaînes de France Télévisions ont développé leur complémentarité afin de proposer aux téléspectateurs toute la diversité des genres musicaux. France 4 se présente comme la chaîne des spectacles. France 2 met particulièrement en avant la musique classique, et France 3 diffuse régulièrement des opéras. Enfin, France 5 permet à de nombreux jeunes artistes d’exprimer leurs talents.

Pour prendre un dernier exemple, les programmes jeunesse bénéficient également de cette volonté d’harmonisation. L’objectif est que chaque chaîne affirme mieux l’identité de son public : France 5 s’adresse aux 2/5 ans, France 3 aux 6/12 ans et France 2 aux 13/18 ans.

France Télévisions a également développé sa présence sur les nouveaux supports grâce à France Télévisions Interactive (FTVI). Sur Internet, en plus du développement des sites des chaînes du groupe et des sites dédiés à certains événements et programmes, l’offre VoD, tant payante que gratuite, a été fortement développée. Par ailleurs, les programmes de France Télévisions sont désormais disponibles sur le téléviseur, le téléphone mobile et l’ordinateur grâce à la « TV à la demande » (« catch up TV ») d’Orange, aux termes d’un accord d’exclusivité passé entre les deux groupes.

En termes de ressources humaines, le groupe a continué à développer une politique commune à l’ensemble des chaînes, cherchant à renforcer la mobilité au sein du groupe. Plusieurs accords de groupe importants ont été signés : égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, emploi des salariés handicapés, création de coordonnateurs syndicaux de groupe.

Il s’agit donc clairement déjà de mettre en place un groupe audiovisuel disposant d’une vision claire, coordonnée et harmonisée des différentes grilles de programmes des chaînes qui le composent. Cette volonté s’est d’ailleurs traduite par l’adoption d’un slogan unique, « Sur France Télévisions : vous avez tous les choix ».

b) Le soutien à la création originale

L’actuel contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions est déjà exemplaire à cet égard puisque l’objectif I-1 du COM prévoit des investissements bien plus soutenus que par le passé dans la création – les fameux 100 millions d’euros supplémentaires en faveur de la création d’œuvres audiovisuelles sur 5 ans. « Première année de mise en œuvre du Contrat d’objectifs et de moyens (COM) signé en avril 2007, l’année 2007 se caractérise par la confirmation du virage éditorial amorcé depuis 2005. Comme l’a confirmé le CSA et conformément aux obligations de ses cahiers des missions et des charges, le groupe a accentué sa contribution à la création d’œuvres audiovisuelles dans tous les genres (fiction, documentaire, animation, spectacles vivants) et son ambition éditoriale en matière de programmes de création s’est déclinée par une exposition et une diversité renforcées par genre » (4).

Indicateur I.1.1.

(en M€)

 

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Effort cumulé 2006/2010

Extinction de l’analogique

Taux d’évolution (1)

   

+ 2,8%

+ 3,5 %

+ 2,9 %

+ 2,6 %

   

Engagement dans les œuvres audiovisuelles conformément au COM

320

321

330,1

341,6

351,5

360,7

104,9

 

Engagement de France Télévisions au titre du virage éditorial

 

21,5

22,1

22,9

23,5

24,2

114,2

 

Total objectif (2)

320

342,5

352,2

364,5

375

384,9

 

420

(1) Taux d’évolution calé sur celui de la redevance à partir de 2008

(2) Objectif sous réserve du taux d’augmentation de la ressource publique

Source : contrat d’objectifs et de moyens 2007-2010 de France Télévisions.

L’objectif réalisé en 2007 est conforme à ce qui était demandé puisque la contribution de France Télévisions à la création d’œuvres audiovisuelles originales européennes ou d’expression française atteint près de 353 millions d’euros. Comme le souligne le CSA dans les bilans des chaînes qu’il publie chaque année (5), s’agissant de France 2, « la volonté d’accompagner les chaînes publiques vers une offre de programmes culturellement plus riche mais aussi plus innovante et plus créative s’est prioritairement traduite en 2007 sur France 2 par la diffusion de spectacles en première partie de soirée (un opéra et deux pièces de théâtre dont une en direct). (…) Elle a également programmé des fictions patrimoniales ainsi que des œuvres traitant de sujets d’histoire contemporaine et immédiate produites à cette fin (L’Affaire Ben Barka, Notable donc coupable) ».

« À plusieurs reprises, France 2 a profité de la diffusion de programmes événementiels en première partie de soirée pour proposer, en seconde partie de soirée, des débats éclairant les sujets qui y étaient traités (« Et maintenant que fait-on pour l’environnement ? » après un numéro de Vu du Ciel, « Affaire Allègre : comment tout a dérapé » après Notable donc coupable) ».

Le CSA rappelle également que France 2 fait mieux que respecter ses quotas de diffusion d’œuvres audiovisuelles puisque les taux réalisés sont tous supérieurs d’au moins 15 points aux taux requis par la réglementation. Par ailleurs, la chaîne a atteint son niveau record en matière de quota d’œuvres européennes sur l’ensemble de la diffusion (79,4 % au lieu des 60 % requis). S’agissant de France 3, le respect des quotas de diffusion d’œuvres audiovisuelles atteint, toujours selon le CSA « des niveaux exceptionnels, notamment aux heures de grande écoute », avec des pourcentages supérieurs de 30 points aux minima requis pour les œuvres européennes et une part d’œuvres d’expression originale française deux fois supérieure à celle exigée par la réglementation.

S’agissant des quotas de production, France 2 se situe également au-delà de toutes ses obligations légales. Son taux global d’investissement s’est stabilisé à plus de 19 % du chiffre d’affaires de l’année précédente, soit près de 6 millions d’euros de plus que le montant exigé. Avec une contribution de 20,6 % de son chiffre d’affaires dans les œuvres européennes, France 3 dépasse de 1,6 point son obligation réglementaire. France 3 consacre 20,4 % de son chiffre d’affaires à la production d’œuvres d’expression originale française, dépassant ainsi de plus de 4 points son obligation. L’effort de la chaîne peut être particulièrement relevé pour les œuvres inédites, la contribution de France 3 étant supérieure de 38 millions d’euros à celle exigée. La chaîne dépasse également ses obligations d’investissements dans les œuvres indépendantes, avec 20 millions d’euros supplémentaires par rapport à son obligation.

2. Demain : un groupe intégré et cohérent

La réforme de l’audiovisuel public doit permettre de repenser la gouvernance de France Télévisions. La société sera transformée en une entreprise unique et cette nouvelle organisation permettra d’accroître la mutualisation des moyens tout en maintenant une identité forte pour les chaînes. Les parlementaires, quelle que soit leur origine politique, se déclarant très soucieux de cette identité des « services » de la nouvelle entreprise publique. Par ailleurs, la suppression de la publicité, la réforme du mode de financement et de la gouvernance de France Télévisions, tout comme la nouvelle ambition du service public audiovisuel doivent conduire à repenser les relations entre la tutelle et le groupe. Demain, un unique cahier des charges, cadre réglementaire définissant les missions de service public que devra respecter l’entreprise, sera adopté. Puis un nouveau contrat d’objectifs et de moyens devra être négocié. Les parlementaires tiennent à être étroitement associés à l’élaboration de ces deux documents.

a) La mise en place progressive de l’entreprise unique

Certes, le basculement de France Télévisions dans le statut d’entreprise unique n’interviendra qu’à compter de la promulgation de la loi. Mais, selon les informations communiquées au rapporteur par la holding et comme indiqué précédemment, sur la base des réflexions déjà menées depuis 2007, France Télévisions travaille d’ores et déjà à l’élaboration de l’organisation générale du groupe intégré, et notamment à son organigramme et à sa déclinaison au sein de chacune des filières constitutives de la future entreprise unique, dans le cadre des chantiers d’organisation et de synergies mis en place depuis 2007 : filière « programmes », dont information, achats, jeunesse, fiction, documentaires, divertissement, régions et outre-mer ; « production » ; « technologies et systèmes d’information » ; « études » ; « ressources humaines » ; « communication » ; « finances », etc.

La mise en place de l’entreprise unique se fera donc progressivement au sein de chaque filière, en fonction de leurs spécificités, et en examinant à chaque fois les actions de mutualisation déjà engagées, le nombre de collaborateurs concernés, etc. Ces changements n’interviendront bien sûr qu’après information et consultation des instances représentatives du personnel sur la nouvelle organisation.

Ce travail déjà réalisé en amont permet donc d’anticiper la mise en place de l’entreprise unique : il constitue une base solide sur laquelle la direction de France Télévisions est en train de s’appuyer pour élaborer l’organisation du futur groupe et les modalités de son déploiement.

b) Un soutien réaffirmé à la culture et à la création

Le projet de loi, tout comme le projet de cahier des charges transmis au Parlement, sont très clairs sur ce sujet. Ainsi, l’article 4 du projet de cahier des charges prévoit que la société diffuse au moins un programme culturel chaque jour en première partie de soirée. S’agissant du livre et de la littérature, France Télévisions devra également programmer des « émissions exclusivement littéraires à des heures de large audience en première ou deuxième partie de soirée sur ses chaînes nationales ».

S’agissant de la musique, l’article 5 du projet de cahier des charges prévoit une diffusion régulière d’émissions à caractère musical qui doivent « permettre de faire connaître aux téléspectateurs les diverses formes de musique, de rendre compte de l'actualité musicale et de promouvoir les nouveaux talents ».

S’agissant des spectacles, l’article 6 du projet de cahier des charges précise que France Télévisions devra faire « connaître les diverses formes de l’expression théâtrale, lyrique ou chorégraphique et rend compte de leur actualité ». La responsabilité de la fixation d’un objectif annuel en la matière est renvoyée au conseil d’administration – « le conseil d’administration de la société fixe une obligation annuelle de diffusion de ces spectacles et émissions en utilisant une méthode spécifique (6) ».

Les objectifs de France Télévisions en matière de création audiovisuelle sont prévus à l’article 9 du cahier des charges. Cet article dispose que, comme actuellement, « le contrat d’objectifs et de moyens prévoit les objectifs d’évolution des investissements de la société dans la création audiovisuelle ». Il précise que France Télévisions doit rester le premier investisseur dans la création audiovisuelle française, en se focalisant sur les thématiques suivantes : adaptation du patrimoine littéraire français, illustration de l’histoire nationale et européenne, exploration et suivi des mouvements de la société contemporaine.

L’article 9 du cahier des charges prévoit par ailleurs que 70 % des programmes que France Télévisions diffuse devront être d’origine européenne, dont 50 % d’origine française et que cette obligation devra « être respectée entre 18 heures et 23 heures, ainsi que le mercredi, le samedi et le dimanche entre 14 heures et 18 heures ». Enfin, sur chacune des chaînes ou chacun des services de communication audiovisuelle ultérieurement créés, « le temps de diffusion consacré aux œuvres européennes ne pourra pas être inférieur à 60 %, et le temps de diffusion consacré aux œuvres d’expression originale française ne pourra pas être inférieur à 40 % ».

Le cahier des charges précise enfin que le groupe devra garder sa première place en matière de production de documentaire (article 11) et en matière de production de programmes pour la jeunesse (article 12).

D. LA RÉFORME PUBLICITAIRE : CARACTÉRISTIQUE FONDAMENTALE DE LA NOUVELLE AMBITION DU SERVICE PUBLIC DE LA TÉLÉVISION

1. La suppression de la publicité à France Télévisions : un moyen et non une fin

La suppression progressive de la publicité, après 20 heures jusqu’à l’extinction de la diffusion analogique et en totalité ensuite, permet de mettre en œuvre la grande ambition qui vient d’être décrite, par la plus grande liberté de programmation qu’elle autorise.

Il existe, en effet, un lien fort entre la suppression de la publicité et la définition du nouveau modèle de France Télévisions. Comme le formule le rapport de la Commission pour la nouvelle télévision publique, « la clé de ce service public réinventé, ce sont ses contenus. (...) L’ambition est triple : c’est une ambition pour la diffusion de la culture, une ambition pour une meilleure compréhension du monde, une ambition pour la création audiovisuelle ». Le Président de la République, dans la lettre de mission adressée au président de la Commission pour la nouvelle publique, précisait d’ailleurs que « la fin de la publicité sur les chaînes de France Télévisions doit permettre à la télévision publique de prendre davantage de risques dans la programmation, de mettre en valeur les arts et la culture, et de traiter de façon plus exigeante et approfondie les grands débats du monde d’aujourd’hui et de demain ».

C’est dans cet état d’esprit qu’est présenté ce projet de loi : il ne cherche pas à trouver des recettes de compensation à la suppression de la publicité sur la télévision publique, mais à repenser le modèle de France Télévisions. La Commission pour la nouvelle télévision publique a tracé la voie à suivre : « ce sont les préconisations portant sur les modèles de contenu, de développement, et de gouvernance qui doivent conduire à établir précisément le niveau des moyens à mobiliser ».

Conformément aux préconisations de la Commission, le projet de loi organise donc les modalités de la suppression de la publicité sur ses antennes en en déterminant les bornes. À titre dérogatoire et résiduel, seront ainsi exclues de cette réforme les ressources issues du parrainage, de la publicité locale, régionale et outre-mer, de la publicité sur les sites Internet comme sur les nouveaux supports de France Télévisions, et, enfin, de la publicité pour des campagnes d’intérêt général.

2. Le financement de la réforme : une garantie totale apportée par l’État

La suppression de la publicité sur les chaînes de France Télévisions induit une perte de ressources publicitaires pour France Télévisions. Le financement de cette perte sera pleinement assuré :

– d’une part, grâce au produit de la redevance audiovisuelle, dont le projet de loi prévoit l’indexation du montant sur l’inflation, ce qui constitue une garantie de dynamisme de la ressource. Cette garantie est renforcée par l’existence législative d’un « mécanisme de garantie de ressources », qui aboutit à majorer la prise en charge par l’État des dégrèvements de redevance en cas d’encaissements plus faibles que prévus (7) ;

– d’autre part, grâce à une subvention spécifique et nouvelle du budget de l’État, votée chaque année dans le projet de loi de finances. Cette compensation budgétaire est une recette stable et prévisible pour France Télévisions, le risque étant intégralement porté par l’État. L’article 18 du projet de loi précise d’ailleurs bien que la mise en œuvre de cette réforme « donne lieu à une compensation financière de l’État ».

Afin d’assurer l’effectivité de cette disposition, le Gouvernement a donc fait le choix de garantir cette compensation au moyen d’une subvention. Celle-ci sera versée à France Télévisions à partir du programme Contribution au financement de l’audiovisuel public créé au sein de la mission Médias, et fixée à 450 millions d’euros par le projet de loi de finances pour 2009 (8). Ce montant a été estimé sur la base des résultats publicitaires 2007 de France Télévisions, actualisés compte tenu de la décrue constatée du marché publicitaire, et établi par rapport à la perte liée à la disparition des écrans après 20 heures, à l’estimation de la décote sur les écrans publicitaires maintenus en journée et aux effets des modifications du cadre réglementaire.

Le financement de France Télévisions est ainsi garanti à plusieurs titres :

– par le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ;

– par le projet de loi de finances pour 2009, où figure la dotation de 450 millions d’euros ;

– par le projet de loi de programmation budgétaire pluriannuel, où l’État s’est engagé à apporter à France Télévisions 458 millions d’euros en 2010 et 466 millions d’euros en 2011 ;

– par le contrat d’objectifs et de moyens signé avec l’État enfin, dont les termes seront renforcés par l’inclusion prochaine d’un avenant.

La garantie de recettes pour France Télévisions est d’autant plus avérée que le marché publicitaire s’inscrit dans un contexte économique marqué par un essoufflement des dépenses des annonceurs, dont il apparaît particulièrement difficile d’estimer ex ante le niveau mais qui touchera l’ensemble des acteurs, privés comme publics, de l’audiovisuel. La prise en compte de ce risque économique est intrinsèque à la nature même de l’activité économique de la filiale France Télévisions Publicité (FTP) de France Télévisions, comme à celle des régies publicitaires concurrentes.

Sans la réforme de la publicité, le risque pour France Télévisions porterait ainsi sur 30 % de ses recettes, soit, sur la base des chiffres de 2007, 788 millions d’euros sur un total de chiffre d’affaires de 2 673 millions d’euros. Ce risque est tout sauf théorique puisqu’en 2007, le résultat du chiffre d’affaires publicitaire de France Télévisions a été inférieur de 5 % à celui prévu par le budget primitif du groupe (soit – 40 millions d’euros).

Avec la réforme permise par le projet de loi, le risque économique pour France Télévisions ne porte plus que sur 13 % de son chiffre d’affaires, compte tenu de la garantie apportée à France Télévisions au titre de la compensation de la suppression de la publicité. Cette compensation lui garantit, au total, un chiffre d’affaires d’environ 2 490 millions d’euros, France Télévisions devant désormais chercher les moyens adaptés d’une couverture du risque économique sur une base de seulement 350 millions d’euros, et non plus de 800 millions d’euros.

Sous l’effet de la forte progression des recettes de redevance garanties à France Télévisions entre 2007 et 2009 (+ 6 %), le budget que l’État octroiera à France Télévisions repose donc sur des perspectives solides et sécurisantes, à même de permettre à l’entreprise d’envisager avec ambition et sérénité la grande réforme qui s’ouvre devant elle.

3. Les précautions juridiques : une architecture de financement respectueuse du droit français et européen

On se doit de dissiper une idée erronée mais trop souvent répandue. Certes, le présent projet de loi propose de créer deux taxes sur le chiffre d’affaires des opérateurs du secteur audiovisuel et de communications électroniques. Mais ces taxes nouvelles, à l’égal de toutes les autres recettes du budget général, ne contribueront qu’à renforcer globalement la capacité de l’État à disposer de ressources solides.

L’absence de tout lien d’affectation entre le produit de ces taxes, reversé au budget général de l’État (9), et les modalités de la compensation financière accordée par l’État au titre de la réforme de la diffusion des messages publicitaires sur les chaînes de France Télévisions est donc clairement établie.

Aucun principe ni objectif de valeur constitutionnelle ne paraît ainsi s’opposer à l’architecture de la réforme du financement de la télévision publique. Il va de soi que la garantie des ressources des sociétés nationales de programme se déduit de l’objectif de valeur constitutionnelle d’indépendance des médias, dont les règles doivent désormais, en vertu de l’article 34 de la Constitution, être fixées par la loi. Mais cette règle implique, uniquement et simplement, que la compensation financière, dont le principe est inscrit dans la loi du 30 septembre 1986 par le présent article, soit effectivement apportée en loi de finances, ce qui est précisément l’objet du programme Contribution au financement de l’audiovisuel public créé dans le budget général de l’État. Aucun principe de valeur constitutionnelle n’impose a contrario que ces ressources soient constituées exclusivement de taxes affectées.

On ne trouvera pas davantage trace d’une méconnaissance du principe d’égalité dans la création des deux taxes sur le chiffre d’affaires. En effet, le Conseil constitutionnel reconnaît au législateur la possibilité d’instituer, sans méconnaître le principe d’égalité, des impôts qui ne sont pas affectés, de n’inclure dans l’assiette de ces impôts que des catégories particulières de redevables ou d’activités et d’édicter des dispositions fiscales différentes pour des activités professionnelles différentes, pourvu que ces catégories soient définies de façon rationnelle et objective (10).

D’une manière générale, on rappellera que le Conseil constitutionnel ne juge pas de l’opportunité de créer ou de maintenir une imposition, ni n’apprécie les choix du législateur quant à l’assiette des impositions ou la qualité des assujettis (11). Le Conseil considère ainsi que le principe d’égalité devant les charges publiques n’implique pas que tous les citoyens soient soumis à toutes les contributions, ni que seuls les citoyens concernés par un objectif d’intérêt général qui ne bénéficie pas à l’ensemble des contribuables de la nation soient soumis à l’impôt pour y pourvoir (12).

Ainsi que l’énonce le Conseil constitutionnel (13) et que le reconnaît la doctrine, l’impôt est sans contrepartie, contrairement aux redevances pour service rendu dont la contrepartie constitue un des éléments fondateurs. Il est donc inutile, pour démontrer qu’un impôt n’est pas conforme aux principes constitutionnels, de chercher à mettre en évidence l’absence de lien entre le contribuable et le bénéficiaire. Ce principe vaut pour l’ensemble des impositions de toutes natures qui sont dans le champ d’application de l’article 34 de la Constitution quelle que soit la personne qui en est affectataire : État, collectivités territoriales, établissements publics ou personnes privées chargées par la loi d’une mission de service public.

Par contre, une fois définie par le législateur la catégorie de contribuables assujettis, à partir de critères objectifs et rationnels, il est capital que cette catégorie soit homogène, c’est-à-dire que tous les contribuables qui y figurent soient dans la même situation et que ceux qui n’y figurent pas ne soient pas dans une situation quasiment identique à ceux qui y sont assujettis. Peu importe, à cet égard, le nombre des contribuables concernés.

En ce qui concerne le choix de l’assiette, aucune règle de valeur constitutionnelle n’impose au législateur un choix déterminé. Sous réserve de respecter les principes constitutionnels, le législateur est donc libre et peut, pour un même impôt, prévoir des assiettes différentes et même modifier cette assiette sans que tous les contribuables assujettis à cet impôt en bénéficient de façon égale (14).

D’autre part, l’absence d’affectation des nouvelles taxes dégonfle, de la même manière, la question de leur compatibilité avec le régime communautaire des aides d’État (15). Rappelons que l’article 87 du traité instituant la Communauté européenne pose comme principe l’incompatibilité avec le marché commun de certaines aides publiques. Les aides publiques concernées par cette incompatibilité avec le marché commun sont celles qui satisfont aux quatre conditions cumulatives suivantes : elles sont accordées par l’État ou au moyen de ressources d’État ; elles constituent un avantage pour les entreprises bénéficiaires ; elles bénéficient à certaines entreprises ou certaines productions ; elles affectent les échanges entre les États membres et faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. La dotation imputée sur le programme Contribution au financement de l’audiovisuel public est donc concernée.

En revanche, les taxes sont hors du champ d’application de la réglementation relative aux aides d’État puisqu’elles ne procurent aucun avantage aux redevables. Toutefois, lorsque des taxes constituent le mode de financement d’un régime d’aides de sorte qu’elles en font partie intégrante, elles intègrent le champ d’application de la réglementation sur les aides d’État. Mais la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) n’a admis de regarder une taxe comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide qu’à la condition – absente du présent projet de loi – qu’existe un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide, c’est-à-dire lorsque le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l’aide et que ce produit influence directement l’importance de l’aide. Aux yeux de la CJCE, il faut donc que le produit d’une taxe nouvelle soit affecté au financement d’une aide pour qu’un tel dispositif soit soumis à l’obligation de notification préalable à la Commission européenne (16).

En revanche, l’assiette d’une taxe n’exerce aucune influence sur le fait qu’elle puisse ou non faire partie intégrante d’un régime d’aides. Il importe donc peu que l’assiette de la taxe ne soit pas « liée » aux services auxquels son produit est affecté. C’est ainsi que les taxes qui abondent le budget général de l’État ne peuvent, par principe, pas être considérées comme faisant partie d’un régime d’aides puisque leur rendement ne peut pas influencer les aides accordées. Cette position a été confortée par la jurisprudence de la CJCE qui a indiqué :

– d’une part, que l’interdiction de mise à exécution sans accord préalable au titre du régime des aides d’État prévue par l’article 88 § 3 du traité ne s’applique à une taxe que s’il existe un lien contraignant entre le produit de cette taxe et la mesure d’aide ;

– d’autre part, que cette interdiction ne saurait s’appliquer à une taxe lorsque celle-ci n’est pas affectée obligatoirement au financement d’une aide (17).

Les nouvelles taxes sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision et sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques, créées par le projet de loi, ne peuvent pas être qualifiées de taxes affectées au financement de France Télévisions, dès lors qu’il n’existe aucun lien contraignant entre ces taxes et ce financement : elles n’ont donc pas à être notifiées à la Commission européenne.

En l’absence d’obstacle juridique et en présence d’une garantie financière, la réforme de France Télévisions dispose de tous les atouts pour réussir à dessiner cette nouvelle télévision publique, créative et conquérante, que nous attendons tous.

III.- L’AUDIOVISUEL PUBLIC EXTÉRIEUR DE DEMAIN : UNE SOCIÉTÉ HOLDING GARANTE DE LA COHÉRENCE DE NOTRE ACTION

Le projet de loi comporte des dispositions visant à prolonger la réforme ambitieuse et importante, engagée depuis déjà plusieurs mois, qui doit permettre à la France de mener une politique audiovisuelle extérieure plus cohérente, d’avoir une stratégie plus lisible et d’améliorer l’efficacité de chacune des sociétés concernées.

A. LES OBJECTIFS DE LA RÉFORME DE L’AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR : UNE GRANDE PUISSANCE MÉDIATIQUE

Rappelons que, face au constat – souligné de longue date par les députés (18) – de l’absence de stratégie et du manque de cohérence de l’audiovisuel extérieur de la France, le Président de la République a lancé la refondation de l’audiovisuel extérieur. Une « mission de concertation et de propositions sur l’audiovisuel extérieur » s’est ainsi mise en place.

À l’issue d’une longue série d’auditions, un rapport a été présenté, en décembre 2007, par M. Jean-David Lévitte, conseiller diplomatique du Président de la République, et M. Georges-Marc Benamou, alors conseiller à la présidence de la République pour la culture et l’audiovisuel (19), fixant une ambition pour cette réforme : permettre à la France d’être une « grande puissance médiatique » par une présence accrue dans le domaine de la production et de la diffusion de l’information planétaire, par les réseaux via l’association des trois modes de diffusion complémentaires (Internet, télévision et radio) et par la force de son message.

L’objectif fixé consiste à offrir une alternative à un choix largement binaire : entre les médias anglo-saxons et les médias du Golfe, il reste une place pour un « alter-média global », comme le désigne le rapport précité, fondé sur les valeurs de la France et de la francophonie. Bref, entre CNN, BBC et Al Jazeera, la France peut et doit offrir une alternative et une marque forte.

Deux missions seront assignées au nouvel audiovisuel extérieur de la France :

– une mission d’influence : la France est capable de rivaliser avec les grands médias internationaux (les chaînes de télévision internationales américaines et du Golfe, la BBC, ainsi que les nouvelles puissances montantes, en particulier la Chine). Elle ne peut se satisfaire de la position qui est la sienne aujourd’hui. Face aux débats et aux informations parfois réducteurs, un regard spécifiquement français sur l’actualité peut trouver sa place. Cet objectif passe impérativement par une production autonome d’images nourrissant l’information internationale : ce positionnement éditorial ouvrira la porte à l’élaboration d’une information plus rigoureuse et plus nourrie ;

– une mission culturelle : à côté des médias anglo-saxons ou arabes, la France peut promouvoir plus efficacement les valeurs de la diversité culturelle, de la démocratie, de la confrontation des opinions, de la défense du multilatéralisme, de la laïcité ou d’un certain art de vivre. Le rayonnement de la culture française est aujourd’hui indissociable de l’influence audiovisuelle. Assurer une présence de notre culture dans tous les nouveaux médias, c’est aussi développer l’usage de la langue française sur la planète. Cette exigence culturelle qui singularise l’action audiovisuelle de la France favorise de facto la cohabitation des cultures, au-delà même des spécificités linguistiques.

La réforme permettra ainsi de développer les synergies entre les opérateurs de l’audiovisuel extérieur. En effet, la création de France 24 a ravivé le débat sur la concurrence que pourraient se livrer les différents acteurs de l’audiovisuel extérieur français. À cet égard, il faut dire que l’absence d’une stratégie globale pour l’audiovisuel extérieur a largement contribué à l’impression d’un « empilement » des structures.

Or, la complémentarité de France 24, chaîne multilingue exclusivement informative, destinée avant tout aux leaders d’opinion, de TV5 Monde, chaîne en français à dominante culturelle, destinée aux publics francophones et francophiles, et de Radio France Internationale (RFI), radio contribuant à la diffusion de la culture française par la conception et la programmation d’émissions en français et en langues étrangères, est potentiellement forte. En particulier, s’il est important de rappeler que France 24 ne concurrence pas TV5 Monde, à l’inverse les complémentarités entre les deux opérateurs sont manifestes :

– sur le plan éditorial : en offrant une vision française de l’actualité du monde, qui enrichit les points de vue et renforce les positions françaises, France 24 vient compléter, sans la remettre en cause, l’offre des autres acteurs de l’audiovisuel extérieur. France 24 est fondée sur un concept original qui la distingue de ces derniers, notamment de TV5 Monde (qui est une chaîne généraliste francophone) ;

– s’agissant de la distribution, TV5 Monde a construit un réseau mondial de distribution presque sans équivalent dans le monde. Il serait contreproductif que la chaîne francophone perde aujourd’hui le bénéfice de ses efforts. Pour autant, on peut relativiser l’importance de cet état de fait. À terme, la prédominance de l’Internet comme mode de réception des images dans de nombreux pays va bouleverser les positions acquises et contraindra, en tout état de cause, TV5 Monde à repenser ses modes de diffusion.

C’est pourquoi la mise en place de synergies est l’un des éléments clés de la réforme de l’audiovisuel extérieur. La volonté de réformer l’audiovisuel public extérieur partait, rappelons-le, du constat du manque de cohérence de la politique audiovisuelle extérieure de la France, dont résultait une augmentation des coûts de l’audiovisuel extérieur sans lien avec ses performances. La réforme de l’audiovisuel public extérieur a précisément pour objectifs d’améliorer la cohérence de la politique audiovisuelle extérieure de la France, la lisibilité de ses orientations stratégiques et l’efficacité de chacun de ses opérateurs.

Dans ce contexte, la mise en place de synergies entre les opérateurs – qui pourraient concerner tant les fonctions supports (ressources humaines, finances, études) que la distribution, la diffusion ou les contenus – est un élément clé de la réforme en cours, tant pour améliorer la cohérence que l’efficacité de l’action audiovisuelle extérieure dans un cadre budgétaire intrinsèquement contraint.

B. LES MOYENS DE LA RÉFORME : UN REGROUPEMENT DES PARTICIPATIONS CAPITALISTIQUES ET DES RESSOURCES BUDGÉTAIRES CONSÉQUENTES

Ayant pour mission de rechercher et mettre en œuvre les synergies et avantages liés au regroupement des différents opérateurs France 24, RFI et TV5 Monde, la société holding « Audiovisuel Extérieur de la France » (AEF), détenue par l’État, est au cœur de cette réforme.

Comme l’illustrent les schémas ci-après, sa vocation consiste à regrouper les participations publiques dans les sociétés de l’audiovisuel extérieur, c’est-à-dire :

– 100 % de Radio France internationale ;

– 100 % de France 24, dès que l’État aura pu conclure sa négociation avec TF1 et France Télévisions qui possèdent chacun la moitié de son capital ;

– et 49 % de TV5 Monde où, en raison des accords internationaux qui la régissent, sa participation restera minoritaire.

Structure actuelle de l’audiovisuel extérieur de la France









50 %



Structure de l’audiovisuel extérieur de la France, après reclassement des participations



Les moyens de cette société holding seront définis dans un contrat d’objectifs et de moyens, qui devrait être négocié dans les prochains mois et mettre en œuvre les synergies du projet stratégique des dirigeants d’AEF. La société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France sera le pivot du dispositif : elle pourra, à la fois, reverser la part du produit de la redevance audiovisuelle qui lui est affectée à ses filiales répondant à des missions de service public et répartir les crédits du programme Audiovisuel extérieur de la France du budget général de l’État entre les différentes sociétés du réseau audiovisuel extérieur.

L’adoption du projet de loi de finances pour 2009 permettra, en effet, de simplifier le cadre budgétaire de la réforme. Les crédits visant à financer les sociétés de l’audiovisuel extérieur (AEF, France 24, RFI et TV5 Monde) ne feront plus l’objet d’une répartition par sociétés : le montant total des crédits sera versé à la société holding qui les répartira et les versera aux différentes entreprises concernées. Ainsi, en 2009, les ressources publiques allouées à la société AEF, à ses futures filiales ainsi qu’à TV5 s’élèveront à près de 300 millions d’euros, inscrites, pour 233 millions d’euros, sur le programme Audiovisuel Extérieur de la France de la mission Médias et, pour 65 millions d’euros, sur le programme Contribution au financement d’Audiovisuel Extérieur de la France du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel répartissant le produit de la redevance.

On relèvera, par ailleurs, que le ministère des affaires étrangères ne participera plus au financement de l’audiovisuel extérieur. Une réforme des tutelles en charge de la politique audiovisuelle extérieure de la France – dont les incohérences et les errements ont souvent été dénoncés, notamment par le Parlement et la Cour des comptes – se combine ainsi à la réforme budgétaire.

Pour pallier la déficience de pilotage administratif et politique, il est notamment prévu, d’une part, de renforcer le rôle de la direction du développement des médias (DDM), aujourd’hui sous l’autorité du Premier ministre (20), d’autre part, de confier le pilotage politique à une structure souple qui prendrait la forme d’un comité directeur regroupant les directeurs des administrations centrales concernées et se réunirait périodiquement pour décider des orientations politiques à donner à l’action audiovisuelle extérieure de la France.

Afin de permettre la mise en œuvre opérationnelle de cette réforme, le projet de loi introduit donc plusieurs modifications dans la loi du 30 septembre 1986 :

– il fait de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France une société nationale de programme, en lieu et place de RFI, en définit les missions comme les moyens d’action (article 2) ;

– il garantit que son capital restera majoritairement et directement détenu par l’État (article 4) ;

– il précise la composition de son conseil d’administration (article 7), selon des principes très proches de ceux retenus pour France Télévisions et Radio France ;

– il soumet son président aux mêmes modalités de nomination et de retrait de mandat que pour les présidents des deux autres sociétés nationales de programme (articles 8 et 9) ;

– il prévoit, à l’instar des autres sociétés nationales de programme, que son cahier des charges est fixé par décret (article 15).

IV.- LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE
« SERVICES DE MÉDIAS AUDIOVISUELS »

Le présent projet de loi vise à transposer les dispositions de la directive 2007/65/CE du 11 décembre 2007 dite « Services de médias audiovisuels », qui modifie la directive de 1989 dite « Télévision sans frontières » (TVSF). Fruit d’une large concertation des parties intéressées, étalée sur plusieurs années, ce texte est un compromis équilibré qui reprend de nombreuses demandes formulées par les autorités françaises.

A. DE LA DIRECTIVE TÉLÉVISION SANS FRONTIÈRES À LA DIRECTIVE SERVICES DE MÉDIAS AUDIOVISUELS

1. Aux origines de la révision de la directive Télévision sans frontières

a) La directive « Télévision sans frontières » de 1989 : un texte fondateur

Ce n’est qu’au début des années 1980, face au développement de la radiodiffusion par satellite, que l’Europe s’est engagée dans un processus de réflexion sur sa politique audiovisuelle. La Commission européenne a ainsi publié en 1984 un Livre vert sur l’établissement du marché commun de la radiodiffusion, ouvrant un large débat sur cette question. Au terme de trois années de négociations, la directive 89/552/CEE, dite « Télévision sans frontières » (TVSF) est adoptée le 3 octobre 1989. Elle établit le cadre réglementaire général pour l’exercice des activités de radiodiffusion télévisuelle dans l’Union européenne.

Fondateur pour l’émergence des politiques culturelles européennes, ce texte a alors représenté une victoire pour la France, qui avait vivement combattu les partisans d’une dérégulation du secteur, et défendu au contraire le principe d’« exception culturelle », selon lequel les industries culturelles ne peuvent être laissées aux seules lois du marché. Bien qu’adoptée sur la base des articles 47 § 2 et 55 du Traité CE relatifs à la libre circulation des services, la directive TVSF concilie la notion de la diversité culturelle et la mise en œuvre du marché intérieur. L’Europe a ainsi introduit des exceptions au principe strictement économique et commercial de libre circulation, en fixant notamment des quotas de production et de diffusion des œuvres européennes. La directive, qui s’applique aux activités télévisuelles quel que soit leur vecteur de diffusion – hertzien, câble, satellite, ADSL, Internet –, que ce soit sous forme analogique ou numérique, impose en effet aux chaînes de télévision de réserver au moins 50 % de leur temps de diffusion à des œuvres européennes. En outre, au moins 10 % de leur temps d’antenne ou au moins 10 % de leur budget de programmation doit être consacré à des œuvres européennes émanant de producteurs indépendants. Elle a permis de pérenniser le système de soutien à l’industrie européenne de films et de programmes de télévision, et a servi, sur le plan international, de fer de lance dans la promotion de la diversité culturelle.

b) Vers la révision de 2007

Révisée une première fois en 1997, pour prendre en compte les mutations technologiques liées au développement du câble et du satellite, la directive TVSF n’avait pas pour autant intégré les « nouveaux services » (services en ligne, vidéo à la demande, etc.), cette proposition ayant été rejetée.

Elle a, en revanche, été reprise et actualisée par la Commission européenne dans sa proposition de révision présentée le 13 décembre 2005, adoptée dans le cadre de la procédure de codécision en 2006. L’un des objectifs essentiels de cette révision était en effet de faire entrer dans le champ d’application de la directive les services à la demande, eu égard à leur développement actuel et à venir. Cette extension fut acceptée par l’ensemble des États, une fois la définition de « service à la demande » précisée : le choix fut fait de la fonder sur la notion de « responsabilité éditoriale », excluant ainsi les blogs et tout autre contenu produit par les utilisateurs.

2. Les apports de la directive « services de médias audiovisuels » (SMA)

a) Les modifications apportées par la révision de 2007

 L’alignement des obligations relatives aux SMAd sur celles des services de télévision

Jusqu’à présent, la directive 89/552/CEE s’appliquait aux seuls services de télévision, dits de « radiodiffusion télévisuelle ». Certaines de ses dispositions sont étendues par la nouvelle directive 2007/65/CE du 11 décembre 2007 la modifiant à certains services à la demande, ou « services non linéaires », ci-après désignés SMAd. Ces deux catégories de services sont regroupées sous le vocable de « services de médias audiovisuels », selon les nouvelles définitions de l’article 1er :

– « radiodiffusion télévisuelle » ou « émission télévisée » (c'est-à-dire un service de médias audiovisuels linéaire) : « un service de médias audiovisuels fourni par un fournisseur de services de médias pour le visionnage simultané de programmes sur la base d'une grille de programmes » ;

– « service de médias audiovisuels à la demande » (c'est-à-dire un service de médias audiovisuels non linéaire) : « un service de médias audiovisuels fourni par un fournisseur de services de médias pour le visionnage de programmes au moment choisi par l'utilisateur et sur demande individuelle sur la base d'un catalogue de programmes sélectionnés par le fournisseur de services de médias ».

Les SMAd se trouvent ainsi soumis aux principes fondamentaux de protection des mineurs, de règles déontologiques en matière de publicité, ou encore de contribution à la promotion des œuvres européennes, point auquel les autorités françaises étaient très attachées. Désormais, les services à la demande doivent donc également promouvoir la production et l’accès à des œuvres européennes, « lorsque cela est réalisable et par des moyens appropriés », ce qui s’avère une excellente nouvelle pour la culture européenne ;

 La promotion de la diversité culturelle

La directive SMA garde inchangées les dispositions de la directive TVSF relatives au soutien à la production audiovisuelle et cinématographique européenne applicables aux services de télévision et en étend le principe aux SMAd, conformément aux préconisations des autorités françaises ;

 Un assouplissement des règles relatives à la communication commerciale

Le texte de la nouvelle directive assouplit la réglementation européenne relative à la publicité. En particulier, les États membres pourront autoriser le placement de produit dans certains types de programmes. Ils seront toutefois libres de maintenir son interdiction totale. Les limites quantitatives en matière de publicité, ainsi que les modalités d'insertion des coupures publicitaires dans les programmes, sont également largement assouplies par la directive. Les États membres restent cependant libres de maintenir des règles plus strictes ou plus détaillées que les dispositions prévues dans le texte ;

 La compétence territoriale et la lutte contre le contournement des législations

Les règles posées par la directive TVSF pouvaient donner lieu à des conflits de responsabilité. De plus ils posaient des problèmes pratiques de mise en œuvre, les principaux critères de fixation de la compétence d’un État (établissement et capacité satellitaire) aboutissant de fait à responsabiliser deux pays : la France et le Luxembourg. La nouvelle directive devrait permettre de régler le problème grâce à la valorisation du critère de l’utilisation d’une « liaison montante » vers une capacité satellitaire d’un État membre pour déterminer la compétence de cet État sur les services diffusés.

b) La transposition de la directive : une opportunité pour l’audiovisuel français

La transposition de la directive SMA introduit non seulement de nouvelles catégories de services tels que les SMAd, mais elle devrait impacter le droit de l’audiovisuel en de nombreux points, de la publicité à la protection de l’enfance, en passant par l’accessibilité des programmes, comme le montre le tableau ci-dessous.

Voies de transposition en droit français de la directive SMA

Directive SMA

Droit français à modifier

Dispositions correspondantes au sein du projet de loi

Commentaires

Loi du 30 septembre 1986

Décrets

Définition des services de médias audiovisuels à la demande (SMAd)

Oui

Oui

Art. 22

Il convient d’étendre le champ d’application de la loi afin d’y inclure les SMAd, et d’en tirer les conséquences réglementaires

Règles relatives à la publicité

Oui

Oui
Décret n° 92-280 du 27 mars 1992, SMAd exceptés

Art. 46

La directive ouvre la possibilité d’un assouplissement de la réglementation française.

Placement de produit

Oui

Non

Art. 26

Il est confié au CSA un pouvoir de régulation pour déterminer le régime du placement de produit (première application avant le 19 décembre 2009 afin de garantir la transposition de la directive dans les délais).

Libre circulation des services et modalités d’entrave à leur reprise

Oui

Oui
Décret n° 2002-140 du 4 février 2002

Art. 50

La transposition est nécessaire pour les SMAd..

Critères de la loi applicable

Oui

Oui
Décret n° 002-140 du 4 février 2002

Art. 40 à 44

Pour la télévision, une modification de la loi de 1986 est nécessaire. Pour les SMAd, il convient d’adapter les articles 24 à 29 du décret dit « câble et satellite ».

Procédure « anti-délocalisation »

Oui

Oui
Décret n° 2002-140 du 4 février 2002

Art. 45

La transposition exige l’introduction du dispositif anti-délocalisation intra-communautaire pour les services de télévision et les SMAd.

Directive SMA

Droit français à modifier

Dispositions correspondantes au sein du projet de loi

Commentaires

Loi

Décret

Obligations communes à l’ensemble des services :

       

– Information des utilisateurs

Non

Non

 

Ces informations sont déjà prévues par la législation française pour les services de communication audiovisuelle.

– Interdiction à l’incitation à la haine et protection des mineurs

Oui
(pour les SMAd)

Non

Art. 27

Il est nécessaire d’étendre et d’adapter le droit existant aux SMAd.

– Chronologie des médias

Oui

Non

 

Le projet de loi « Création et Internet » prévoit l’extension de l’article 70-1 de la loi de 1986 aux SMAd.

– Définition des œuvres européennes

Non

Oui
Décret n° 90-66 du 17 janvier 1990

 

Le décret « diffusion » devra tenir compte de la nouvelle définition de l’œuvre européenne

– Règles déontologiques des communications commerciales audiovisuelles et du parrainage

Non

Oui
Décret n° 92-280 du 27 mars 1992

 

Il convient d’étendre les dispositions du décret « publicité » aux SMAd.

Accès des personnes handicapées aux services de médias audiovisuels

Oui

Oui

Art. 18, 29 à 30 et 34 à 35

 

Promotion des œuvres européennes sur les SMAd

Oui

Oui

Art. 29 et 36

Il convient d’adapter les décrets d’application de l’article 27 de la loi de 1986 pour les services terrestres et d’adopter un décret nouveau pour les SMAd sur les autres réseaux.

B. L’INTÉGRATION DES SERVICES DE MÉDIAS À LA DEMANDE DANS LE CHAMPS D’APPLICATION DE LA LOI DU 30 SEPTEMBRE 1986 : UNE AVANCÉE MAJEURE

1. Le développement des services de médias à la demande : donner toute sa place à la télévision de demain

a) Le développement des nouveaux médias : un secteur économique en plein essor qui correspond à une réelle attente du public

Tout ne se passe plus sur les réseaux hertziens. La télévision doit évoluer dans ses formats et ses contenus pour épouser les nouvelles pratiques de la population. Comme l’énonçait très justement le CSA dans sa contribution à la révision de la directive TVSF, « le développement de l’audiovisuel non linéaire correspond à une attente forte du public et entre en concurrence directe avec la diffusion linéaire ».

Les services de médias à la demande caractérisent de manière générale la consommation de contenus vidéo (films de cinéma ou programmes audiovisuels), à travers des réseaux (câble, satellite, ADSL, TNT…) et sur des terminaux variés (TV, PC, etc.), à un moment choisi, de manière délinéarisée, indépendamment d’une grille de programmes. Qu’il s’agisse de vidéo à la demande (VoD), des enregistreurs à disque dur (PVR ou Personal Video Recorder), ou des services de télévision de rattrapage, directement issus du mouvement de numérisation de l’audiovisuel, offrent aujourd’hui au téléspectateur une autonomie et des possibilités de personnalisation inédites dans sa consommation télévisuelle. Selon une étude Global TV de Médiamétrie, 5,6 millions de français ont déjà essayé au moins une fois la télévision à la carte. 30 % des 15-24 ans en France ont déjà regardé une émission en différé sur le net. D’après des études britanniques, d’ici cinq ans, 25 % de la consommation de télévision le sera à la carte.

Les nouveaux services de médias non seulement répondent à une réelle attente du public mais recèlent un potentiel économique de taille. Ainsi, les services de médias non linéaires font intervenir un nombre élevé d’acteurs potentiels et constituent un enjeu économique majeur pour de nombreux opérateurs tels que les câblo-opérateurs (NTL-Telewest, Ono-Auna, Noos-UPC), les opérateurs satellite (TPS), les opérateurs télécoms (France Telecom, Free), les chaînes de télévision et opérateurs de télévision payante. On peut y ajouter des détenteurs de droit et fournisseurs de contenus (Warner Bros, Pathé), des portails Internet et moteurs de recherche (Google, Yahoo !), des agrégateurs (Filmflex) et enfin des acteurs de l’informatique ou du logiciel, y compris des fournisseurs de plateformes de systèmes d'accès conditionnels (Microsoft, Kudelski).

b) Pour résister aux nouveaux modes de communication, la télévision doit s’en inspirer

Il faut, face aux nouveaux médias, préférer l’ouverture au repli. Certains éditeurs de télévision développent d’ores et déjà des services de média à la demande. Enfin les chaînes telles que France 4, Filles TV, Euronews, 13ème Rue, négocient des partenariats avec des sites de partage de vidéo à l’image de You Tube.

Ce développement est crucial si la télévision classique ne veut pas se couper des nouvelles générations. En effet, les jeunes délaissent de plus en plus les médias traditionnels. Alors que le temps d’écoute de la télévision n’a cessé d’augmenter depuis dix ans, celui des 15-24 ans a diminué de 22 % sur les chaînes hertziennes, selon une étude Médiamétrie (de 6 % sur l’ensemble des chaînes). Selon une étude de l’European Interactive Advertising Association (EIAA) les jeunes européens passeraient désormais plus de temps sur Internet qu’à regarder la télévision.

Un programme phare de la télévision publique tel que Guerre et Paix n’a été regardé que par une personne sur dix parmi les moins de 35 ans. Il est vrai que certains programmes, tels que la série Skin sur Canal + ou la chaîne France 4, dont l’audience est constituée à 45 % de moins de 35 ans, recueillent un certain succès auprès des jeunes générations, mais la captation de ce public devra passer par le développement de services sur les nouveaux supports, qui correspondent aux pratiques réelles des jeunes français. Selon une enquête Médiamétrie publiée mi-février 2008, un jeune sur quatre regarde la télé sur des nouveaux supports.

Sur ce point il est essentiel, comme l’a souligné le rapport de la Commission pour la nouvelle télévision publique, que le service public de l’audiovisuel développe les nouveaux supports dans une logique de « média global ».

D’autres chaînes privées et publiques s’y attellent d’ores et déjà. Arte propose des documentaires et œuvres de création en libre accès pendant une semaine qui suit leur diffusion. TF1 stocke ses journaux télévisés et propose des films en VoD. M6 replay met à disposition du public la totalité de ses magazines d’actualité en libre accès, tout comme Canal +, qui a par ailleurs lancé une avant-première de la série La Commune sur Daily motion.

Le développement des nouveaux services de médias sur la télévision publique devrait permettre de capter un nouvel auditoire, d’offrir une seconde vie à certains programmes en les enrichissant, et de donner une visibilité à des programmes dits « de niche » comme l’opéra.

France Télévisions devient un « média global »

Conformément aux préconisations du rapport rendu par la Commission pour la nouvelle télévision publique présidée par Jean-François Copé, la rénovation du secteur public de l’audiovisuel repose sur la mise en œuvre d’une stratégie de « média global ». Inspirée du concept anglo-saxon global media, l’expression signifie que le groupe France Télévisions doit être présent sur tous les supports de diffusion, existants ou à venir – chaînes actuelles, Internet, télévision mobile personnelle (TMP), etc. –, l’objectif étant de toucher le public le plus large possible en répondant au mieux aux nouveaux modes de consommation des téléspectateurs. Dans un contexte de révolution numérique qui a démultiplié l’offre, la télévision publique doit en effet pouvoir proposer divers moyens d’accès à des contenus de qualité et s’adapter ainsi à tous les usages de ses publics.

En termes de structure, ces mutations impliquent un « schéma organisationnel global » qui conduit à unifier le groupe en une « entreprise unique » centrant son activité sur les contenus. Ces nouveaux supports de communication, auxquels France Télévisions doit s’adapter, connaissent une croissance incontestable. Ce sont notamment :

– La TMP. Selon les données transmises par le gouvernement, la télévision vers les téléphones mobiles comptait, au travers des offres télévisions d’Orange, SFR ou Bouygues, entre 8 et 10 millions d’utilisateurs potentiels équipés de terminaux multimédias fin 2007 (contre 5 millions fin 2006), dont environ 15 % étaient des utilisateurs de télévision actifs sur leur téléphone mobile (soit plus d’un million). Ces chiffres montrent que la TMP constitue un support qu’il est désormais indispensable de prendre en compte, en particulier pour rencontrer les jeunes générations.

– Internet. France Télévisions a déjà commencé à proposer des contenus sur Internet, qu’il s’agisse de contenus multimédias, de vidéo à la demande (VoD) ou de télévision de rattrapage (catch up TV) ;

– France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO ont développé, dans le prolongement et en complément de leurs programmes, des contenus et services interactifs qui leur permettent de renforcer leur interactivité avec les publics. France 5 a ainsi lancé le Wiki des documentaires qui accompagne les services de télévision de rattrapage d’articles et vidéos complémentaires ;

– France Télévisions propose également une offre de VoD payante, lancée sur Internet à l’occasion de la diffusion des Rois maudits en novembre 2005. En 2006, toute l’offre VoD de France Télévisions sur Internet a été concentrée sur le site FranceTVOD.fr, qui comptait au 30 juin 2008 plus de 1 700 œuvres ;

– Enfin, concernant la « télévision de rattrapage », France Télévisions et Orange ont signé en juillet 2007 un accord de partenariat prévoyant le lancement du service « 24/24 TV ». Il permet de voir et revoir les programmes de France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô diffusés entre 18h et 24h, à la fois sur l’ordinateur, la télévision et le mobile, sans surcoût pour l’abonné.

France Télévisions a donc développé une logique « multi-supports » dès 2007 afin de s’adapter à une consommation non linéaire, individuelle et nomade, venue s’ajouter à la consommation traditionnelle de la télévision. La notion de « média global », telle qu’elle a été formulée dans le rapport de la Commission pour la nouvelle télévision publique, est désormais inscrite en tant que telle dans le présent projet de loi.

Le futur cahier des charges en tient compte, qui prévoit que la société « édite, coédite, ou distribue des services de médias audiovisuels à la demande actuels ou à venir (télévision de rattrapage, vidéo à la demande, etc.) qui permettent soit une nouvelle mise à disposition auprès du public des programmes diffusés sur ses services de télévision, soit l’exposition de contenus de complément ou des contenus spécifiques conformes aux missions assignées à France Télévisions. En particulier ces services s’efforceront de garantir une exposition et un accès instantané et individualisé à l’ensemble des genres de programmes : fiction, séries, animation, documentaires, spectacle vivant, magazines, information, sport, programmes religieux, divertissement, programmes culturels, etc.

Ces services audiovisuels à la demande s’adresseront à tous les publics et seront donc accessibles sur l’ensemble des supports de communication électronique et techniques de diffusion adaptés, existants ou à venir, afin de répondre à l’évolution des usages. À cette fin des accords pourront être passés avec des partenaires publics ou privés. Ces services seront mis en œuvre selon les modalités et conditions économiques du marché des services média audiovisuels à la demande et leur mise à disposition conditionnée à l’obtention des droits afférents. »

2. Une régulation adaptée : ne pas freiner un secteur en plein essor

La régulation des SMAd dessinée par ce projet de loi établit un équilibre délicat entre deux principes essentiels : soumettre les SMAd à des règles fondamentales, au motif que leur contenu s’approche de plus en plus des services de radiodiffusion linéaires, sans toutefois les écraser sous le poids d’une réglementation trop restrictive, ce qui serait techniquement difficile et à terme contre-productif.

a) La soumission des SMAd à des principes fondamentaux : protection des mineurs, chronologie des médias, information du public

La directive SMA adopte une logique de gradation dans les règles relatives aux SMAd. Un certain nombre de principes jugés fondamentaux, seront appliqués sans distinction à tous les services de communication audiovisuelle. Parmi ceux-ci :

– l’information des utilisateurs. Le nouvel article 3 bis de la directive SMA s’assure que les éditeurs de services tiennent en permanence à la disposition du public leurs nom, adresse, coordonnées et, le cas échéant, les organismes de régulation compétents ;

– la protection des mineurs. Les articles 3 ter et 3 nonies de la directive SMA étendent ce principe à tous les services de communication audiovisuelle. Comme le rappelle son considérant 44, « la présence de contenus préjudiciables dans les services de médias audiovisuels demeure une source de préoccupation constante pour les législateurs, le secteur des médias et les parents. De nouveaux défis devront être relevés, en liaison notamment avec les nouvelles plates-formes et les nouveaux produits. Il est dès lors nécessaire de prévoir des règles pour la protection de l’épanouissement physique, mental et moral des mineurs et pour la sauvegarde de la dignité humaine dans tous les services de médias audiovisuels, y compris les communications commerciales audiovisuelles. » ;

– la chronologie des médias. L’article 3 quinquies nouveau de la directive dispose : « Les États membres veillent à ce que les fournisseurs de services de médias qui relèvent de leur compétence ne transmettent pas d'œuvres cinématographiques en dehors des délais convenus avec les ayants droit. » ;

– la définition des œuvres européennes. Dans la directive, sont traditionnellement définies comme œuvres européennes les œuvres originaires des États membres et des États du Conseil de l’Europe, mais également celles originaires d’États tiers avec lesquels la Communauté a conclu des accords audiovisuels à la condition que la participation d’auteurs ou de travailleurs européens reste majoritaire. Cette dernière condition est assouplie, les conditions que les œuvres doivent remplir seront demain définies dans chacun des accords concernés ;

– les règles déontologiques pour l’ensemble des communications commerciales (publicité, parrainage, télé-achat, placement de produit), comme le prévoient les articles 3 septies et 12 de la directive ;

– l’accessibilité des personnes handicapées aux services audiovisuels. L’article 3 quater de la directive dispose : « Les États membres encouragent les fournisseurs de services de médias qui relèvent de leur compétence à veiller à ce que les services qu'ils offrent deviennent progressivement accessibles aux personnes souffrant de déficiences visuelles ou auditives. »

b) L’adaptation des règles aux spécificités des nouveaux services

Comme l’énonçait le CSA dans son avis sur le projet de loi, « naturellement, le niveau de régulation ne sera pas identique pour les nouveaux services, même si les fondements, en termes de protection de l’enfance ou de déontologie notamment, seront les mêmes. Le Conseil approuve le choix de règles spécifiques pour les services de médias audiovisuels à la demande, ce qui permettra plus de souplesse dans les obligations qui leur seront imposées. Ces règles devront être appropriées et proportionnées à la taille et à l’économie du service ». Il est évident que des règles trop strictes ne doivent pas freiner le développement de ces services en expansion ni inciter les opérateurs qui les proposent à délocaliser leurs services. Il est crucial de ne pas brider les innovations que porte ce nouveau secteur.

Fidèle en cela à l’esprit de la directive SMA, le projet de loi ne pose pas de règles excessivement strictes pour les nouveaux SMAd, mais confie majoritairement à des décrets pris en Conseil d’État le soin de fixer des obligations plus précises, en prévoyant une montée en charge des obligations qui sont aujourd’hui applicables au secteur de la communication audiovisuelle.

– La définition même des nouveaux SMAd se veut souple et adaptée à un secteur évolutif. Cette définition reprend dans ses grandes lignes celle de la directive SMA. Un SMAd désigne « tout service de communication au public par voie électronique permettant le visionnage de programmes au moment choisi par l’utilisateur et sur sa demande, à partir d’un catalogue de programmes dont la sélection et l’organisation sont contrôlées par l’éditeur de ce service ». L’article 22 du projet de loi précise cependant que, pour les services mixtes qui offrent à la fois un service éditorialisé et un service n’entrant pas dans le champ des SMAd, seuls les premiers seront soumis à la loi de 1986. Le texte permet ainsi de ne pas étouffer les services naissant, tout en se laissant des marges de manœuvre pour les réguler dans le futur, en fonction de l’évolution des pratiques.

– Les règles précises relatives à la protection des mineurs, ou encore aux modalités de publicité sont renvoyées aux futurs décrets et leur respect confié au CSA, ce qui se justifie d’un point de vue technique et pratique. En effet, les modalités de protection de l’enfance et de l’adolescence – restriction d’horaires et signalétique – sur les services de radiodiffusion classiques ne peuvent être purement et simplement transposés sur les nouveaux supports. De même la publicité sur les nouveaux supports, en pleine expansion, doit faire l’objet d’une régulation adaptée, que le CSA est à même d’accomplir, compte tenu de son expérience en la matière.

– Les dispositions propres à assurer le respect de la langue française et le rayonnement de la francophonie, dont la régulation est également confiée au CSA, devraient reprendre la réglementation existante (obligation d’usage de la langue française, sous-titrages lisibles en cas de diffusion en langue étrangère etc.) moyennant quelques adaptations.

– S’agissant de l’exposition des œuvres et de la contribution à leur production, le rapporteur estime qu’il serait souhaitable, sur le modèle des accords récemment signés entre producteurs et éditeurs de services audiovisuels, dont le projet de loi devrait transposer une partie, de se fonder autant que possible sur des accords interprofessionnels qui pourraient ensuite être retranscrits par voie législative ou réglementaire. Cette voie apparaît comme la procédure la plus adaptée à un domaine rapidement évolutif.

Il est évident en effet que les modalités actuelles de contribution à la production et de promotion des œuvres pratiquées par les éditeurs de services de médias audiovisuels ne sont pas adaptées aux SMAd.

Sur ce plan, il pourrait être envisagé de leur appliquer une contribution financière sur le modèle de l’accord interprofessionnel signé le 20 décembre 2005 sur le cinéma à la demande avec des régimes de montée en charge. L’introduction de « quotas catalogue » et une présentation attrayante des œuvres constituent des mesures également appelées de leurs vœux par certains acteurs, en remplacement ou combinée avec la contribution financière.

C. LA MODIFICATION DES RÈGLES RELATIVES À LA PUBLICITÉ : PLUS DE SOUPLESSE, PLUS DE TRANSPARENCE

1. L’assouplissement des règles relatives aux communications commerciales

Comme l’énonce la directive SMA, « compte tenu des moyens accrus dont disposent les téléspectateurs pour éviter la publicité grâce au recours aux nouvelles technologies, telles que les enregistreurs vidéo numériques personnels, et de lélargissement de la palette des canaux disponibles, le maintien dune réglementation détaillée en matière dinsertion des spots publicitaires en vue de protéger les téléspectateurs ne se justifie plus ».

La nouvelle directive SMA assouplit considérablement les règles applicables à la publicité diffusée sur les services de télévision en :

– supprimant la limite de 9 minutes en moyenne horaire quotidienne au bénéfice du maintien de la limite à 12 minutes sur une heure donnée ;

– assouplissant les modalités d’interruption des programmes puisque les œuvres cinématographiques, les œuvres audiovisuelles (autres que les séries, les feuilletons et les documentaires), les journaux télévisés et les émissions destinées aux enfants peuvent être interrompues une fois par tranche de 30 minutes programmée ;

– ouvrant la possibilité de recourir à la publicité sur écrans partagés ;

– autorisant le recours à la technique du placement de produit.

Les États membres conservant la possibilité d’adopter des règles plus strictes ou plus détaillées, les assouplissements du régime publicitaire introduits par la directive n’appellent pas nécessairement, en tant que telles, de mesures nationales de transposition. Ainsi, lors de l’introduction du passage de la méthode de « l’heure d’horloge » à celle de « l’heure glissante » en 1997 lors de la première modification de la directive, la réglementation française n’avait pas été modifiée. Ces nouvelles règles seront transposées par le biais de la révision du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 modifié relatif à la publicité, qui devrait intervenir au premier semestre 2009. La dernière modification en date des règles relatives à la publicité remonte à octobre 2003  (21).

Évolution des limitations européennes en matière de publicité

 

Règles en vigueur

Directive SMA

Limitation quotidienne à la diffusion de publicité

Publicité + téléachat : 20 %

Publicité seule : 15 %

Disposition supprimée

Limitation horaire à la diffusion de publicité

Publicité + téléachat : 20 %

Publicité + téléachat : 20 %

Règle générale sur les coupures publicitaires

La publicité est insérée de façon à ne porter atteinte ni à l’intégrité ni à la valeur des émissions, et de manière à ce qu’il ne soit pas porté préjudice aux droits des ayants droit.

Au moins 20 minutes entre deux coupures

Diffusion de la publicité entre les parties autonomes ou au cours des interruptions dans les émissions qui en comportent (dont le sport)

Il revient aux États de veiller à ce que l’insertion de publicité ne porte pas atteinte à l’intégrité des programmes, en tenant compte des interruptions naturelles, de la durée ainsi que de la nature du programme, et aux droits des ayants droit

Disposition supprimée

Règle sur les coupures publicitaires dans les films et téléfilms (hors séries et feuilletons, émissions de divertissement et documentaires)

Une coupure par 45 minutes pendant les 90 premières minutes ; une 3e coupure si le programme dure plus de 110 minutes

À l'exception des programmes enfants, une coupure par tranche de 30 minutes

Pour les seuls programmes enfants maintien de la règle existante : pas de coupure si le programme dure moins de 30 minutes ; puis au moins 30 minutes entre deux coupures

Coupure s’il est plus long

Règle sur les coupures publicitaires dans les programmes pour enfants et les émissions d’information

Pas de coupure si le programme dure moins de 30 minutes ; puis au moins 20 minutes entre deux coupures

Coupure s’il est plus long

Règles en matière de parrainage

Le parrainage est clairement identifié en tant que tel par le nom ou le logo du parrain au début ou à la fin des programmes

Les téléspectateurs doivent être clairement informés de l’existence d’un accord de parrainage. Un logo ou autre symbole du parraineur doit apparaître distinctement au début à la fin ou pendant le programme

Les États peuvent interdire la diffusion d’un logo de parrainage lors des émissions pour enfants, des documentaires ou des programmes religieux

Publicité clandestine et techniques subliminales

Interdites

Interdites

Coupures publicitaires émissions religieuses

Interdit

Interdit

Source : NPA Conseil

2. L’autorisation du placement de produit dans le respect de l’indépendance éditoriale et du public

Il s’agit d’une forme de communication commerciale consistant à inclure ou à faire référence à un produit, un service ou une marque dans un programme, moyennant paiement ou contrepartie. Cette pratique est, depuis longtemps, fortement répandue en Europe, sans qu’une réglementation européenne en ait à ce jour encadré la pratique. L’article 3 octies de la directive européenne SMA définit pour la première fois des règles communes en la matière.

On peut se féliciter que la nouvelle réglementation mette ainsi fin à une certaine hypocrisie. Correctement régulé, le placement de produit constitue une source de financement non négligeable pour les producteurs cinématographiques et audiovisuels. De plus cette inscription dans le droit permettra d’asseoir des règles protectrices pour les téléspectateurs.

Le placement de produit est autorisé, par dérogation, et lorsque les États en décident. D’autre part, la présence de placement de produit est soumise à des règles déontologiques précises qui ont pour but de protéger à la fois l’indépendance éditoriale des opérateurs et le public.

Le projet de loi a fait le choix d’autoriser le placement de produit, comme la directive le permet. Il prévoit toutefois d’en confier la régulation au CSA. Ce choix se justifie dans la mesure où le CSA sanctionne d’ores et déjà les pratiques de publicité illicite et a développé une jurisprudence précise en matière de placement de produit.

Cependant, compte tenu des dérives constatées dans un certain nombre de pays où le placement de produit est autorisé depuis quelques années, particulièrement aux États-Unis, le rapporteur estime qu’il ne serait pas inutile d’apporter une garantie supplémentaire en rappelant dans la loi les principes fondamentaux que doit respecter ce nouveau mode de promotion :

1° Leur contenu et, dans le cas de la radiodiffusion télévisuelle, leur programmation ne doivent en aucun cas être influencés de manière à porter atteinte à la responsabilité et à l’indépendance éditoriale du fournisseur de services de médias ;

2° Ils n’incitent pas directement à l'achat ou à la location des produits ou services d'un tiers et ne peuvent en particulier comporter des références promotionnelles spécifiques à ces produits ou services ;

3° Ils ne mettent pas en avant de manière injustifiée le produit en question ;

4° Les téléspectateurs sont clairement informés de l’existence d’un placement de produit. Les programmes comportant du placement de produit sont identifiés de manière appropriée au début et à la fin de leur diffusion, ainsi que lorsqu’un programme reprend après une interruption publicitaire, afin d’éviter toute confusion de la part du téléspectateur.

3. La seconde coupure publicitaire dans les films et les téléfilms : une source de financement complémentaire pour les chaînes

Le projet de loi instaure la règle selon laquelle la diffusion par un service de télévision d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle pourra faire l’objet de deux interruptions publicitaires. Il s’inscrit, ce faisant, dans le cadre de la réforme, plus globale, de la diffusion télévisée des messages publicitaires, négociée avec les différents acteurs depuis plusieurs mois sur le fondement des principes de la directive. Il permettra de rapprocher la France, qui dispose aujourd’hui d’une réglementation plus stricte et détaillée que la plupart des États membres de l’Union européenne en la matière, de la pratique moyenne en Europe, même si sa réglementation demeurera plus précise que les exigences de la directive.

Ces assouplissements sont d’autant plus les bienvenus que le marché publicitaire français présente des spécificités par rapport à ceux de ses voisins : le hors médias et l’affichage y sont particulièrement développés au détriment des médias traditionnels. Une des raisons en est précisément une réglementation de la publicité à la télévision particulièrement contraignante.

Sans ces assouplissements, le risque est à la fois que le prix des spots publicitaires à la télévision augmente considérablement, évinçant alors les annonceurs les plus petits, et qu’une partie importante des investissements publicitaires libérés par France Télévisions soit transférée au hors médias, à l’affichage et à Internet… ou, pire, disparaisse carrément. Dans un contexte économique incertain, où le risque économique sur le chiffre d’affaires des acteurs privés de l’audiovisuel apparaît élevé, la réforme de la publicité fait ainsi figure de stabilisateur et les acteurs privés vont pouvoir bénéficier, grâce à l’effet combiné de la disparition de la publicité après 20 heures sur France Télévisions et des assouplissements règlementaires qui accompagnent la réforme, d’un transfert net des dépenses des annonceurs, réalisées anciennement au profit de France Télévisions, qui permettra d’amortir et de contrebalancer les risques économiques, indépendants de la réforme, qui pèsent sur le secteur.

Pour permettre ce report des investissements publicitaires de France Télévisions, deux méthodes ont donc été retenues : le décret relatif à la publicité télévisée, qui sera très prochainement modifié afin d’allonger la durée des messages publicitaires, et la possibilité d’une seconde coupure publicitaire dans les films et téléfilms, qui sera autorisée par la loi.

Cette mesure devrait également être favorable au secteur cinématographique, dans la mesure où la programmation du cinéma à la télévision connaît un fort recul. La seconde coupure permettra donc d’accroître l’attractivité des films pour les diffuseurs en augmentant les recettes publicitaires tirées de ces diffusions. Au surplus, la bonne santé financière des chaînes de télévision bénéficie directement au secteur de la création cinématographique et audiovisuelle européenne et française puisque la contribution à la production des chaînes est assise sur leur chiffre d’affaires.

D. LA CLARIFICATION DE LA COMPÉTENCE TERRITORIALE ET LES DISPOSITIFS ANTI-DÉLOCALISATION : UNE NÉCESSAIRE RÉPONSE À L’INTERNATIONALISATION DES SERVICES DE MÉDIAS

1. L’internationalisation des services de médias

a) Un contexte en pleine mutation

L'utilisation d'une variété de nouvelles techniques de transmission pour les services de programmes de télévision, a transformé radicalement le concept traditionnel de la télévision en Europe. Pendant de nombreuses années, qui furent caractérisées par des capacités techniques relativement restreintes, les services de programmes de télévision n'ont été disponibles qu'en petit nombre dans chacun des pays européens et, exception faite de certains petits pays et régions frontalières, ne pouvaient être captés par les téléspectateurs d'autres pays.

Il n'en va plus de même aujourd'hui avec l'utilisation de plus en plus répandue de satellites de communication (services fixes de satellite - SFS) et de systèmes de câble à large bande, ainsi que l'utilisation de systèmes similaires pour la transmission de services de programmes de télévision ; l'introduction par des pays européens de services diffusés par des satellites de radiodiffusion directe (RDS) et de nouveaux satellites intermédiaires, ainsi que la tendance à généraliser la réception communautaire ou individuelle de signaux transmis par SFS et à commercialiser l'équipement de réception nécessaire ont également contribué au changement du concept traditionnel de services de programmes de télévision.

Ces développements ont eu deux conséquences principales, dont la première résidait dans le caractère transfrontalière des services transmis : il est désormais possible de recevoir un service donné grâce à un équipement de transmission et de réception approprié, dans de nombreux pays européens, et l'introduction de services par RDS et par certains satellites intermédiaires a permis au même service d'être reçu dans tous les États membres du Conseil de l'Europe et même au-delà. La deuxième conséquence a été que, du fait de l'abondance de capacités techniques, le nombre de canaux de transmission disponibles est devenu presque illimité, conduisant donc à la multiplication des services de programmes et à une plus grande concurrence entre ceux-ci.

b) Les problèmes générés par cette internationalisation

 La difficulté des États à intervenir en cas de diffusion de contenus délictueux

L’exemple de l’affaire dite « Al Manar » est à ce titre éloquent. Le CSA avait en 2004 signé une convention avec la chaîne de télévision libanaise Al Manar, proche du Hezbollah, diffusée par le satellite Eutelsat. Alors que de nombreuses voix émanant d'associations et de l'opposition s'étaient élevées pour critiquer le conventionnement de la chaîne, le CSA identifiait « plusieurs émissions susceptibles de constituer des manquements graves aux engagements conventionnels auxquels la chaîne Al-Manar est soumise ». Face à ces manquements, le CSA a décidé de mettre en demeure Al Manar de respecter ses obligations légales et conventionnelles et saisi pour la deuxième fois le Conseil d'État en référé afin que soit ordonnée à Eutelsat la cessation de la diffusion de la chaîne. Comme l'avait alors exprimé le président du CSA, le débat autour d'Al Manar illustre « la difficulté de la régulation à l'échelle internationale ». D'autres chaînes posent en effet les mêmes problèmes et le CSA ne peut « endiguer ce flot d'images s'il est seul et sans moyens juridiques ». Le CSA avait demandé qu'un pouvoir direct d'arrêt de la diffusion des chaînes extra-communautaires lui soit confié. Mais il n'avait finalement obtenu que le droit de saisir le Conseil d'État d'une telle demande (article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986 tel qu'issu de la loi du 9 juillet 2004). Ce cas n’est pas isolé mais reflète la difficulté de mettre en place une régulation efficace et protectrice dans un contexte d’internationalisation des services de médias.

 Les pratiques de contournement

Le principe du pays d’origine est au fondement de la réglementation européenne en matière de services de médias audiovisuels depuis l’adoption de la directive TVSF en 1989. En vertu de ce principe, un organisme de radiodiffusion établi dans un État membre peut librement diffuser sur le territoire d’un autre État membre dès lors qu’il respecte la législation de son pays d’établissement. Il n’est, en revanche, pas tenu au respect du droit du pays de réception, y compris lorsque celui-ci a édicté des règles plus strictes que celles énoncées dans la directive TVSF, en application du principe de subsidiarité.

Certains opérateurs de radiodiffusion peuvent avoir la tentation de contourner des régimes juridiques plus stricts pour s’installer dans les États les « moins-disants » juridiquement. Les exemples sont nombreux, on peut citer celui de RTL9 pour la France, la licence de TV3 au Royaume-Uni pour la Suède. La France, qui a mis en place un système unique de soutien de la création et de promotion des œuvres, et dont le régime juridique est par ailleurs relativement strict en matière de communications commerciales, est particulièrement exposée à ces risques.

2. La clarification des règles de compétence, la possibilité d’entrave à l’égard de certains services de médias et le dispositif anti-délocalisation : une régulation plus efficace et protectrice

– La quasi-majorité des chaînes extra-européennes diffusées en Europe par Eutelsat relève de la compétence française. La mise en œuvre de celle-ci s'accompagne d'une grande responsabilité vis-à-vis des autres États européens, car l’Etat français doit assurer le contrôle de l'ensemble des contenus diffusés de cette manière. Elle implique de plus une charge de travail importante pour le CSA.

Les autorités françaises avaient suggéré lors de la renégociation de la directive de modifier les critères techniques permettant de déterminer l'État compétent sur une chaîne extracommunautaire, en privilégiant le critère de la « liaison montante » sur celui de la capacité satellitaire.

Le nouvel article 2 de la directive en prend acte et fait en effet remonter le critère relatif à l’utilisation d’une liaison montante dirigée vers un satellite situé dans un État membre avant celui de l’utilisation d’une capacité satellitaire pour déterminer l’État compétent sur ces services. L’ancienne rédaction posait d’importants problèmes pratiques et de principe, c’est pourquoi le CSA avait préconisé l’inversion des critères actuels. Ces propositions ont été reprises par la directive, ce qui devrait permettre à l'État compétent d'agir en cas de diffusion de contenus délictueux à un niveau plus pertinent de la chaîne contractuelle, et favoriser une répartition plus équilibrée des compétences entre États membres.

Il convient que la France se prépare à ce changement. En effet la France conservera la juridiction pour la plupart des 500 radiodiffuseurs qui ne sont pas établis dans l'Union européenne mais qui sont émis par le satellite Eutelsat. Néanmoins, l’inversion de l'ordre des critères de juridiction signifiera qu'environ 210 chaînes seront transférées sous la juridiction des États membres dans lesquels est située la liaison montante. Au moins 40 chaînes satellites qui relèvent actuellement de la compétence de la France tomberont sous la juridiction britannique.

– Les possibilités d’entrave à la diffusion d’un service qui comporterait des contenus délictueux sont en tant que telle inscrite dans la loi, par transposition des dispositions de la directive mais également de la Convention du Conseil de l’Europe sur la Télévision transfrontière de 1989. Ainsi le CSA peut suspendre provisoirement la retransmission de services de télévision en provenance d’un État européen dans les conditions suivantes, qui sont celles de la directive SMA, et dont l’application sera précisée par un décret en Conseil d’État :

– si le service a diffusé plus de deux fois au cours des douze mois précédents des émissions susceptibles de nuire de façon manifeste grave et sérieuse à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ou comportant une incitation à la haine pour des raisons de race de sexe, de religion ou de nationalité ;

– après notification des griefs et des mesures envisagées au service de la Commission européenne, consultation de l’État de transmission et de la Commission européenne, la violation alléguée persiste.

L’État français a également la possibilité de suspendre provisoirement la diffusion d’un service en provenance d’un État extra-communautaire en vertu des dispositions de la Convention du Conseil de l’Europe de 1989 telle que révisée.

– S’agissant des stratégies de contournement, la directive, que transpose le présent projet de loi, devrait permettre aux États membres de prendre des mesures à l’encontre de service de médias (audiovisuels ou à la demande), dont la programmation est entièrement ou principalement destinée au public français et qui s’est établi sur le territoire d’un autre État membre de la Communauté européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen dans le but d’échapper à l’application de la réglementation française. Il sera dans ce cas réputé être soumis aux règles applicables aux services établis en France. L’inclusion, dans un article spécifique, de la jurisprudence constante de la Cour de justice des communautés européennes, transposée dans la directive SMA, contre les délocalisations abusives, constitue un véritable progrès.

V.- LA RÉFORME DU DROIT DU CINÉMA

2008 apparaît comme une année remarquable pour le septième art français : en février, la France remporte trois Oscars à Hollywood, dont celui de la meilleure actrice, attribué à Marion Cotillard pour son interprétation d’Edith Piaf dans La Môme d’Olivier Dahan. En mai, Entre les murs, réalisé par Laurent Cantet d’après le roman de François Bégaudeau, reçoit la Palme d’or au Festival de Cannes, tandis que le film réalisé par Dany Boon, Bienvenue chez les Ch’tis, attire plus de vingt millions de spectateurs dans les salles obscures, dépassant en nombre d’entrées le seuil historique atteint par La Grande vadrouille en 1966.

Ces divers succès attestent que le cinéma français occupe une place de premier ordre dans l’activité cinématographique mondiale. Quantitativement, la production française s’élève, en 2007, à 228 films de long métrage (contre 171 en 2000), portant pour la première fois les investissements dans les films français à plus d’un milliard d’euros. Premier producteur européen de films (à hauteur de 25%), le cinéma hexagonal se situe au troisième rang mondial, après les Etats-Unis et l’Inde.

Si ces signes de vigueur sont patents, le secteur du cinéma traverse pourtant une période de transition, qui suscite chez les professionnels un certain nombre d’inquiétudes. Ces défis, nés des évolutions économiques et technologiques de la société, tout identifiés qu’ils soient, n’en constituent pas moins une menace qui pourrait mettre en péril la bonne santé générale du système.

Ainsi, un certain nombre de rapports administratifs et parlementaires sont parus ces dernières années pour analyser les difficultés auxquelles se trouve confronté le cinéma français et formuler des recommandations. Parmi les plus récents, peuvent être cités :

− le rapport d’information de M. Roland Blum sur les forces et les faiblesses du cinéma français sur le marché international (22) ;

− le rapport d’information de M. Marcel Rogemont sur le cinéma (23) ;

− le rapport de M. Jean-Pierre Leclerc, remis en janvier 2003 au ministre de la Culture et de la communication et intitulé « Réflexions sur le dispositif français de soutien à la production cinématographique » ;

− le rapport de M. Daniel Goudineau, rendu en août 2006 et intitulé « Adieu à la pellicule ? », qui analyse les enjeux de la projection numérique ;

− le rapport de la mission confiée à M. Denis Olivennes, achevée en novembre 2007, sur le développement et la protection des œuvres culturelles sur les nouveaux réseaux, ciblé sur les effets du piratage sur Internet ;

− le rapport de Mme Anne Perrot et M. Jean-Pierre Leclerc, remis en mars 2008 à la demande des ministres de culture et de l’économie, sur l’épineux sujet des relations entre cinéma et concurrence.

Le cinéma français en danger ? Le rapport du « Club des 13 »

« Le milieu n’est plus un pont mais une faille » : tel est le titre d’un rapport publié en mars 2008, à l’initiative de Pascale Ferran qui reçut en février 2007 cinq Césars pour Lady Chatterley. Le discours que prononça la réalisatrice lors de la cérémonie marqua les esprits : elle dénonçait en termes vifs la difficulté à produire en France « des films du milieu », définis comme à mi-chemin entre l’œuvre élitiste et le produit formaté et disposant d’un budget moyen pour leur mise en œuvre, entre 4 et 7 millions d’euros.

Composé de treize membres issus des différents métiers du cinéma, parmi lesquels les réalisateurs Jacques Audiard et Claude Miller, le « Club des 13 » cherche à dresser un tableau exhaustif de la situation du cinéma français.

Leur diagnostic est sans appel, à toutes les étapes de la filière :

− au niveau de la conception, la pression du formatage pour la télévision entraîne une uniformisation de la production, qui entrave le développement de films plus originaux ; les scénaristes voient leur statut s’affaiblir, symboliquement et économiquement ;

− la production est de plus en plus soumise aux chaînes de télévision, ce qui accentue le mécanisme d’un « cinéma à deux vitesses » ; la qualité des films baisse, une logique d’entreprise dominant sur « le désir de film » ;

− enfin, comme trop de films sont distribués, une sélection s’impose, au profit d’œuvres aux ressources promotionnelles plus importantes, amplifiant ainsi la bipolarisation dénoncée.

Douze propositions concluent cet important travail. Sans remettre en cause le modèle général qui a permis jusqu’à présent la survie du cinéma hexagonal, elles visent essentiellement à réorienter les systèmes d’aides existants. L’enjeu est de taille : défendre le septième art à l’heure du piratage sur Internet, du passage à la projection numérique, du développement de la vidéo à la demande et de l’intensification de la concurrence.

Exposé à tous ces risques, le cinéma demeure un secteur structurellement fragile. L’œuvre cinématographique ne peut pas être une marchandise comme les autres : comme le livre ou le disque, elle est une création née d’une industrie de prototype. C’est à ce titre, et parce qu’elle est aussi une expression culturelle nationale, que l’État est chargé de la protéger. Sans ce soutien renouvelé, le cinéma français n’aurait pu affronter le déferlement de films américains ni l’avènement de la télévision.

Or, ce sont précisément ces deux principaux concurrents qui financent aujourd’hui le cinéma français, faisant du système de financement du secteur un modèle unique en son genre. L’essentiel des aides destinées au cinéma provient en effet de trois taxes, qui alimentent un compte de soutien au cinéma et à l’audiovisuel, dont le budget s’établit en 2007 à 505,6 millions d’euros :

− la taxe sur le prix des places de cinéma, dite taxe spéciale additionnelle (TSA), qui représente 25 % des recettes ;

− la taxe sur le chiffre d’affaires des diffuseurs télévisuels (70 % des recettes) ;

− la taxe sur les ventes et locations de vidéos et d’œuvres disponibles en vidéo à la demande (5 % des recettes).

À ces prélèvements s’ajoutent plusieurs mécanismes fiscaux (crédits d’impôts et SOFICAS, les sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle) ainsi que des aides attribuées par les collectivités territoriales.

Cet ensemble original de soutien a permis un maintien de la production et de la fréquentation en salles tout à fait singulier en France, sans comparaison avec les autres États de l’Union européenne. Il est d’ailleurs frappant de remarquer que ses fondements n’ont jamais été remis en cause. Ses priorités, en revanche, ont été amenées à évoluer pour répondre toujours au mieux aux attentes des professionnels et des spectateurs. L’accent est ainsi mis en 2008 sur les aides, en amont de la production, à l’écriture et sur le soutien aux entreprises indépendantes.

Soutenir la création et renforcer la diversité culturelle, telles sont les principales missions du Centre national de la cinématographie (CNC), au cœur du système. Créé en 1946, cet établissement public à caractère administratif est, comme le système de financement qu’il gère, une institution particulièrement originale, assumant des missions d’administration centrale tout en étant opérateur de l’Etat.

Mais le droit du cinéma constitue à maints égards une matière tout à fait atypique, qui est devenue au fil du temps complexe, voire obscure pour les non-initiés. Il est aujourd’hui temps de le rénover. C’est pourquoi les articles 47 et 48 du présent projet de loi, qui visent à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances des dispositions de nature législative relatives au cinéma, ouvrent un vaste chantier de réformes. L’ambition est triple :

− rénover le statut et les modes d’intervention du CNC, en le dotant d’un conseil d’administration qui viendra sécuriser sa gestion ;

− moderniser le droit du cinéma en procédant à une refonte globale de son socle juridique, le code de l’industrie cinématographie, qui date de 1956 ;

− aménager les dispositifs de régulation de la diffusion cinématographique, en vue d’une meilleure articulation entre droit du cinéma et droit de la concurrence.

Le Gouvernement a décidé de réaliser ces réformes par voie d’ordonnances en raison, d’une part, de la technicité du sujet, notamment en ce qui concerne la révision du code et l’aménagement des dispositifs de régulation de la diffusion, et, d’autre part, de l’encombrement avéré du calendrier parlementaire. Cette procédure n’empêchera bien évidemment pas le Parlement de se prononcer sur ces sujets au moment du vote des lois d’habilitation. Ce choix permettra, en outre, d’associer pleinement les professionnels du cinéma dans le processus de concertation mis en place pour l’élaboration des ordonnances.

A. LA RÉNOVATION DU CENTRE NATIONAL DE LA CINÉMATOGRAPHIE

L’article 47 du présent projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à renforcer, dans un délai de six mois, la gouvernance du CNC.

1. Un instrument unique au service de la politique cinématographique française

Créé par la loi n° 46-2360 du 25 octobre 1946 et régi par les articles 1er à 13 du code de l’industrie cinématographique, le Centre national de la cinématographie est un établissement public, doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. Le CNC est une institution originale, à mi-chemin entre l’opérateur et la direction d’administration centrale, dans la mesure où n’existe pas de direction de la cinématographie au sein du ministère de la culture, comme c’est le cas pour l’audiovisuel avec la direction du développement des médias. Les compétences en matière de cinéma sont donc réparties entre l’autorité ministérielle et le CNC.

L’article 2 du code de l’industrie cinématographique définit les attributions qui lui sont confiées. Peuvent ainsi être distinguées :

− les attributions régaliennes : le CNC est chargé de l’étude et de l’élaboration des projets de lois et des mesures réglementaires relatifs à l’industrie cinématographique ; il dispose d’un pouvoir d’édiction de mesures réglementaires relatives à la régulation des rapports entre entreprises de distribution et entreprises de spectacles cinématographiques ; il contrôle l’organisation des professions cinématographiques, via l’autorisation préalable d’exercice et la délivrance de la carte professionnelle ;

− les attributions économiques et financières : le CNC est chargé d’accorder, dans l’intérêt général, à la production cinématographique soit des subventions soit des avances dont il doit suivre l’emploi et, le cas échéant, assurer le remboursement ;

− les attributions d’ordre culturel : le CNC agit dans les domaines de la formation professionnelle aux métiers du cinéma et de l’éducation à l’image ; il est également chargé de la préservation et de la valorisation du patrimoine cinématographique.

Ses missions – « soutenir, réglementer, négocier, promouvoir, diffuser, coopérer, protéger pour garantir la diversité culturelle » – témoignent de la volonté du législateur d’encadrer le secteur du cinéma pour garantir sa pérennité.

2. Une modernisation initiée dès 2007

L’ambition qui présidait à la création du CNC en 1946 reste la même soixante ans plus tard. En revanche, ses moyens de mise en œuvre se sont progressivement étendus. Au départ, la taxe spéciale additionnelle aux prix des places de cinéma, créée en 1948, alimente un fonds d’aide temporaire à l’industrie cinématographique qui subit de plein fouet la concurrence du cinéma américain, à la suite des accords Blum-Byrnes signés en 1946 entre la France et les États-Unis. Une taxe de sortie des films, dont le montant est calculé par mètre de pellicule, est également mise en place pour abonder le fonds d’aide. Ce dernier est en définitive pérennisé en 1953 et devient le fonds de développement de l’industrie cinématographique, avant de faire place à un compte spécial du Trésor.

Ce compte de soutien financier, institué par l’article 76 de la loi de finances pour 1960, constitue la clé de voûte du dispositif de financement du cinéma. Les ressources qui l’alimentent sont prélevées par l’Etat sur les recettes du secteur cinématographique et audiovisuel. La puissance publique est ensuite chargée de les redistribuer dans l’intérêt général.

La mise en œuvre du soutien financier en faveur de l’industrie cinématographique est l’une des principales missions du CNC. Ce dispositif de soutien est principalement constitué par trois taxes :

− la taxe sur le prix des places de cinéma (TSA), qui représente 117 millions d’euros en 2007 ;

− la taxe sur le chiffre d’affaires des diffuseurs télévisuels (TST) (362 millions d’euros en 2007) ;

− la taxe sur les ventes et locations de vidéos / DVD et d’œuvres disponibles en vidéo à la demande (33 millions d’euros en 2007).

Depuis le 1er janvier 2007, le recouvrement de la taxe sur les entrées en salles a été transféré au CNC, afin d’accroître l’autonomie financière du Centre. Dans un souci d’efficience, l’article 22 du projet de loi de finances pour 2009 consolide ce mouvement en prévoyant l’affectation directe au CNC du produit des taxes, prélèvements fiscaux et autres ressources servant à financer le compte de soutien. Le compte d’affectation spéciale est par conséquent supprimé au 31 décembre 2008. Le recouvrement direct, par le CNC, de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision (TST) est prévu à compter du 1er janvier 2010.

Ces évolutions, nécessaires pour la modernisation du CNC, s’inscrivent dans l’entreprise de révision générale des politiques publiques menée au ministère de la culture et de la communication.

3. Une gouvernance rénovée

L’autonomie financière croissante du Centre doit s’accompagner d’une rénovation de sa gouvernance, tout en préservant ses compétences mixtes (missions d’établissement public et d’administration centrale).

Aujourd’hui, en droit, les fonctions habituellement dévolues dans les établissements publics à un conseil d’administration sont exercées par le directeur général du CNC. En pratique pourtant, le Centre mène une concertation approfondie avec les administrations de tutelle, au sein d’un comité financier, et avec les professionnels, au sein de la commission dite « Chavanne ». Ces institutions sont informelles et n’ont aucune existence juridique en l’état actuel des choses.

L’article 47 du présent projet de loi vise donc à institutionnaliser les organes de gouvernance du CNC, en le dotant d’un conseil d’administration comme c’est le cas pour tous les établissements publics, sans préjudice de l’équilibre existant. Le président en charge de la direction de l’établissement garde en effet ses pouvoirs propres pour exercer les missions d’administration centrale qui lui sont confiées.

La mise en place d’un conseil d’administration sécurise ainsi la gestion du Centre, en donnant à un organe collégial des compétences d’ordre économique et financier. Comme cette mesure équilibre la décision d’affectation directe des taxes, prévue dans le PLF pour 2009, l’ordonnance devra être prise dans un délai de six mois.

La réforme du CNC s’accompagne nécessairement d’une révision du code de l’industrie cinématographique. En actualisant l’assise juridique des missions du Centre, il apparaît donc opportun de moderniser, par la même occasion, l’ensemble du droit du cinéma.

B. LA MODERNISATION DU DROIT DU CINÉMA

L’article 47 du présent projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à rénover, dans un délai de six mois, le droit du cinéma.

1. Un code de l’industrie cinématographique daté

C’est en 1956 qu’a été adopté le décret n° 56-158 portant codification des textes législatifs concernant l’industrie cinématographique. La plupart des textes alors réunis datent de la période 1940-1946 ; ils n’ont que rarement été modifiés sur le fond.

Les réorganisations et abrogations successives n’ont jamais entraîné de refonte globale. Actuellement, le code contient donc soixante et un articles, numérotés de 1 à 98.

2. Des normes dispersées

Par ailleurs, un certain nombre de textes législatifs restent non codifiés. Ont en effet été adoptées en dehors du code l’ensemble des dispositions concernant le financement du secteur : règles relatives à la contribution des chaînes au développement de la création cinématographique incluses dans la loi du 30 septembre 1986, dispositions du code général des impôts (celles relatives au crédit d’impôt cinéma notamment), articles plus généraux des lois de finances, comme l’article 50 de la loi de finances pour 2006 relatif au compte d’affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ». De nombreux textes concernant les équipements cinématographiques et l’organisation des spectacles cinématographiques ne sont pas non plus codifiés. En outre, n’ont pas été incluses dans le code de l’industrie cinématographique les décisions réglementaires du Centre national de la cinématographie, qui constituent pourtant la première source du droit de la cinématographie. Le droit communautaire constitue également une source importante de règles applicables au secteur cinématographique, notamment en matière de droit de la concurrence.

En réponse à cet état de fait, un projet de loi portant code de la communication et du cinéma fut déposé en 1996 sur le bureau du Sénat, mais il ne fut jamais inscrit à l’ordre du jour. Il n’existe donc pas aujourd’hui de code réunissant l’ensemble des textes relatifs au droit du cinéma. Si une initiative privée propose un Code de la communication qui comporte une partie sur le cinéma, et si le CNC publie également un recueil intitulé Les textes juridiques – cinéma, télévision, vidéo qui regroupe l’ensemble des textes juridiques relatifs aux secteurs cités, il ne s’agit toutefois en aucun cas d’une remise à plat du système.

3. Une révision nécessaire

Deux objectifs justifient cette volonté de refonder le droit du cinéma :

− d’une part, la réforme permettra de rendre plus intelligible et plus accessible le droit du cinéma pour tous les acteurs concernés, conformément aux principes de clarté et de lisibilité de la norme juridique reconnus par le Conseil constitutionnel comme objectifs de valeur constitutionnelle (24). Conformément à l’adage « nul n’est censé ignorer la loi », rassembler ainsi dans un code l’ensemble des dispositions existant dans un domaine, c’est offrir à tous les citoyens un instrument essentiel de sécurité juridique ;

− d’autre part, cette révision rendra le code plus conforme à l’ordonnancement juridique en vigueur. Cet effort de synthèse permettra en effet d’améliorer la qualité des textes, en épurant le code de toutes les dispositions inconstitutionnelles ou inconventionnelles et en revoyant la répartition des dispositions entre partie législative et partie réglementaire.

C. L’AMÉNAGEMENT DES DISPOSITIFS DE RÉGULATION DE LA DIFFUSION CINÉMATOGRAPHIQUE

L’article 48 du présent projet de loi vise à habiliter le Gouvernement, dans un délai de huit mois, à aménager les dispositifs de régulation de la diffusion cinématographique.

1. Une activité risquée mais protégée par une politique de régulation sectorielle

Le secteur du cinéma fait l’objet depuis les années 1940 d’une politique de régulation sectorielle, élaborée afin de préserver une activité industrielle et artistique aux enjeux culturels. Il n’est néanmoins pas exempté des règles de la concurrence. Les dérogations qui sont accordées doivent donc être strictement proportionnées aux objectifs d’intérêt général et ne porter qu’une atteinte limitée au bon fonctionnement du marché.

La législation poursuit donc un double objectif : d’une part, veiller au libre jeu de la concurrence et d’autre part, sauvegarder la création cinématographique.

Ainsi, l’article 90 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle dispose que « tout groupement ou entente entre entreprises de spectacles cinématographiques destiné à assurer la programmation des œuvres cinématographiques en salle est soumis à agrément préalable délivré par le directeur du Centre national de la cinématographie ». Cet agrément est subordonné à un certain nombre de règles qui concernent la prise d’engagements de programmation afin de maintenir le pluralisme de la diffusion des œuvres cinématographiques.

À ce dispositif s’ajoute un intervenant également institué par la loi de 1982 : le médiateur du cinéma. Autorité administrative indépendante, il est chargé d’une mission de conciliation préalable en cas de litiges entre exploitants et distributeurs de films ayant pour origine « toute situation restreignant ou faussant le jeu de la concurrence ». Par ses médiations ou injonctions, il participe à la régulation du marché en contribuant au respect du droit de la concurrence et de la diversité de l’offre.

2. Une conciliation nécessaire entre cinéma et concurrence : les propositions du rapport Perrot-Leclerc

Afin de rénover le cadre juridique s’appliquant à la régulation de la diffusion des œuvres cinématographiques, la ministre de la culture et de la communication Mme Christine Albanel et la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi Mme Christine Lagarde ont commandé à Mme Anne Perrot et M. Jean-Pierre Leclerc une étude sur l’équilibre à atteindre entre les règles du marché et le développement de la créativité cinématographique.

Rendu en mars 2008, leur rapport intitulé « Cinéma et concurrence » dresse une analyse économique du secteur du cinéma et de ses modalités de régulation. Partant ainsi du principe que « la prise en compte des objectifs légitimes de protection de la culture n’a jamais été considérée, jusqu’à présent, comme une justification pour écarter purement et simplement les règles de concurrence », leurs préconisations ouvrent des perspectives pour une meilleure conciliation.

3. Ces propositions peuvent être traduites dans la loi

L’article 48 se fonde ainsi sur les propositions du rapport Perrot-Leclerc portant notamment sur l’extension du champ de compétences du médiateur du cinéma et sur le régime des engagements de programmation des établissements de spectacles cinématographiques. Il reprend en outre des propositions formulées par la commission d’agrément des formules d’accès au cinéma du CNC dans son bilan d’activité sur « les formules d’abonnement de type accès illimité au cinéma ».

Ces divers aménagements nécessitant une concertation approfondie entre les professionnels du cinéma et le sujet étant en outre très technique, il est prévu que le Gouvernement dispose d’un délai de huit mois pour déposer une ordonnance sur la réforme des dispositifs de régulation de la diffusion cinématographique.

Au total, l’adoption des articles 47 et 48 du présent projet de loi devrait permettre une rénovation sans précédent du droit du cinéma. Si le septième art français est aujourd’hui en bonne santé, c’est en effet grâce à un cadre législatif et financier exceptionnel mis en place au lendemain de la seconde guerre mondiale. Ce cadre doit donc être actualisé pour continuer à soutenir vaillamment le cinéma, pour qu’il ne soit pas réduit à un divertissement ni à un commerce, mais reste considéré comme un art, une « écriture moderne dont l’encre est la lumière » selon la formule de Cocteau.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITION DES MINISTRES

Lors de sa réunion du 5 novembre 2008, la Commission spéciale a auditionné Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, et M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. le président Jean-François Copé. En notre nom à tous, je souhaite la bienvenue à Christine Albanel et à Éric Woerth que nous sommes heureux d’accueillir au début des travaux de la Commission spéciale chargée d’examiner – et d’adopter, je l’espère – deux textes importants qui rénoveront en profondeur notre télévision publique. Ils savent que nous avons travaillé dans la droite ligne de l’annonce faite par le Président de la République le 8 janvier dernier. C’est un bel exemple de coproduction législative (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen), puisqu’ont été associés en amont des professionnels et des parlementaires de toute sensibilité. Nous arrivons à la phase ultime de notre parcours avec l’examen de ces deux projets de loi.

Une fois que Mme et M. les ministres en auront fait une brève présentation, je laisserai la parole aux membres de la commission pour donner libre cours au débat.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Le projet de loi qui nous réunit aujourd’hui vise à réformer en profondeur le paysage audiovisuel français, qui connaît depuis quelques années des mutations accélérées avec l’arrivée d'Internet et de la télévision numérique terrestre (TNT), pour le plus grand profit de tous nos concitoyens. Ce projet de loi s’inspire largement des recommandations faites en juin dernier par la Commission pour la nouvelle télévision publique, dont je suis heureuse de retrouver aujourd'hui le président.

– Le titre I du projet de loi concerne la réforme de l'audiovisuel public. Il réaffirme clairement l'identité et la vocation du service public de l'audiovisuel. Les missions de France Télévisions sont inscrites noir sur blanc : rassembler, informer, instruire, promouvoir les valeurs qui fondent la communauté nationale. Ces missions sont déclinées en détail dans le nouveau cahier des charges que nous avons élaboré avec les dirigeants de France Télévisions. Il répond de manière concrète à la question suivante : Qu’attend-on aujourd'hui du service public audiovisuel ? Le nouveau cahier des charges porte donc des ambitions très précises en matière notamment de culture, d'information, de promotion de la citoyenneté française et européenne.

Pour rendre ces nouvelles ambitions réalisables, le projet de loi organise la fin de la publicité sur les antennes de France Télévisions : dès le lundi 5 janvier 2009 entre vingt heures et six heures du matin – sauf pour les programmes régionaux –, puis totalement quand la diffusion de la télévision analogique aura cessé.

Le service public de l'audiovisuel, c'est aussi la voix de la France à l'étranger. Le projet de loi définit les missions de la nouvelle société chargée de l'audiovisuel extérieur : promouvoir la culture française et francophone à l'étranger et diffuser dans le monde un regard français sur l'actualité.

Les sociétés publiques de l'audiovisuel seront réorganisées : France Télévisions deviendra une société unique avec différentes antennes. Conformément à la révision constitutionnelle adoptée par le Congrès en juillet dernier, la nomination des présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société chargée de l'audiovisuel extérieur se fera par décret, après un avis conforme du Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'accord des commissions parlementaires chargées des affaires culturelles à une majorité qualifiée des trois cinquièmes. Cette modification donne lieu également à un projet de loi organique qui accompagne le projet de loi que je vous présente aujourd'hui. Le nouveau mode de nomination des présidents ne sera effectif qu'à l'issue des mandats en cours. En revanche, leur mode de révocation, selon la même procédure, entrera en vigueur dès la promulgation de la loi.

Enfin, pour garantir le financement pérenne et dynamique de nos sociétés de l'audiovisuel public, le projet de loi prévoit d'indexer la redevance sur l'indice des prix.

– Le titre II du texte instaure deux taxes qui permettront à l'État d'apporter une compensation budgétaire à la suppression de la publicité sur France Télévisions.

– Le titre III est consacré à la transposition de la directive européenne « Services de médias audiovisuels » adoptée en décembre 2007. Il définit le régime juridique des nouveaux modes de consommation des programmes audiovisuels qui complètent aujourd'hui la télévision traditionnelle, ce qu'on appelle les services de médias audiovisuels à la demande (SMAd), en particulier la vidéo à la demande et la télévision de rattrapage. Les SMAd se verront fixer des objectifs de promotion des œuvres et de contribution à la production et à la création. Le projet de loi prévoit aussi l'accessibilité des médias aux personnes handicapées visuelles grâce à la technique dite de l'audiodescription. Seront également autorisés le placement de produits, selon des modalités qui seront établies et précisées par le CSA, et une seconde coupure publicitaire dans les films et les fictions.

– Le titre IV permettra au Gouvernement de réformer par voie d'ordonnance la gouvernance du Centre national de la cinématographie (CNC) et le droit du cinéma, ce qui n'avait pas été fait depuis 1956.

Ce projet de loi est donc la clé de voûte d'une réforme d'ensemble du secteur audiovisuel. Aux décrets Tasca seront substitués des accords interprofessionnels, déjà signés le 22 octobre dernier par l’ensemble des professionnels, à l’exception de M6, et le décret de 1992 relatif à la publicité à la télévision sera assoupli. L’ensemble du paysage audiovisuel sera donc redynamisé, avec un service public plus libre de remplir ses missions et des chaînes privées moins corsetées mais dont les obligations en matière de création seront enfin clairement définies. C'est, en la matière, la réforme la plus importante depuis vingt ans. Une nouvelle page s'ouvre dans l'histoire de la télévision en France.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Le Gouvernement n'est pas parti de rien pour bâtir cette réforme. Il s'est appuyé sur les travaux menés par la Commission pour la nouvelle télévision publique présidée par Jean-François Copé, qui ont notamment permis de déterminer les besoins de financement du groupe France Télévisions découlant de la suppression de la publicité, soit 450 millions d’euros pour 2009 et 650 millions après la disparition complète de la publicité.

Ce montant de 450 millions d’euros est plutôt favorable à l'audiovisuel public dans un contexte de baisse généralisée des recettes publicitaires sur les chaînes généralistes. Il prend en compte non seulement l'exacte perte de recettes calculée sur la base du chiffre d'affaires publicitaire de France Télévisions après vingt heures en 2007, soit environ 310 millions d’euros, mais également, comme le préconisait la Commission présidée par Jean-François Copé, les effets « collatéraux » de la suppression de la publicité après vingt heures sur les recettes publicitaires avant vingt heures, ainsi que ceux liés aux modifications de la réglementation du régime publicitaire en général. Ce sont ainsi 140 millions d’euros de plus qui sont compensés à France Télévisions. Dans un univers où la présence de la publicité n'aurait pas été modifiée sur les chaînes publiques, le groupe France Télévisions aurait dû procéder à des ajustements sur ses dépenses pour faire face aux baisses de recettes publicitaires liées à l'atonie du marché aujourd'hui. C’est une garantie, qui offre un cadre protecteur au groupe audiovisuel public. De plus, elle est donnée non pas pour une seule année, mais sur un horizon pluriannuel puisque cette compensation figure non seulement dans le projet de loi de finances pour 2009 mais également dans le projet de loi pluriannuel pour les années 2010 et 2011 : France Télévisions n'a donc aucune inquiétude à avoir.

Pour le reste, France Télévisions continue à bénéficier des ressources de la redevance conformément à ce qui est inscrit dans le contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2006-2010 : 2,04 milliards en 2009 et près de 2,1 milliards en 2010. Les ressources de la redevance sont confortées non seulement par les gains qu'a permis la réforme de la redevance, mais également, à compter de 2009, par l'indexation de la redevance sur l'inflation. Ce surcroît de recettes de redevance permet de financer les fortes hausses prévues dans le COM actuel : 55 millions entre 2008 et 2009 puis 52 millions entre 2009 et 2010, après des augmentations déjà importantes en 2007 et 2008.

Pour les années postérieures à l'actuel COM, il faudra tenir compte de plusieurs paramètres, et tout particulièrement de la mise en place de l'entreprise unique – prévue dans le texte de loi que vous examinez –  qui doit permettre de dégager de nombreuses synergies, et de l'extinction de la diffusion analogique qui générera des économies. Bref, tout un mode de fonctionnement nouveau va se mettre progressivement en place au sein du groupe et il faudra en discuter avec lui.

En attendant, ce sont près de 2,5 milliards de ressources publiques que le groupe se voit garantir avec une visibilité pleine et entière, pour lui permettre de mettre en œuvre sa politique de programmes et sa stratégie globale. C’est un confort appréciable dans la conjoncture actuelle, d’autant qu’il sera assuré par la signature rapide d'un avenant au contrat d'objectifs et de moyens, sur lequel vous aurez à vous prononcer.

Enfin, cette réforme ne se fera pas au détriment de l'équilibre des finances publiques. En effet, conformément aux préconisations de la Commission présidée par Jean-François Copé, le Gouvernement a décidé de mettre en place deux nouvelles taxes : l’une sur le chiffre d'affaires publicitaire des chaînes, car il n'est pas anormal que des chaînes privées, qui vont bénéficier – au moins pour partie – du report du marché publicitaire sur leurs écrans, participent au financement de la réforme ; l’autre sur les services fournis par les opérateurs de communication électronique, opérateurs de téléphonie mobile et fournisseurs d’accès à Internet, dont le taux sera de 0,9 % du chiffre d’affaires avec des possibilités d’abattement. Ces nouvelles taxes figurent dans le projet de loi que vous examinez, ce qui vous permet d'appréhender la réforme de l'audiovisuel public dans toutes ses composantes.

M. le président Jean-François Copé. Vos interventions montrent que nous sommes dans le droit fil des conclusions de la Commission pour la nouvelle télévision publique, à laquelle participaient de nombreux parlementaires qui siègent aujourd’hui dans notre Commission spéciale.

Après avoir entendu notre rapporteur Christian Kert, puis notre vice-président Patrice Martin-Lalande, les porte-parole des quatre groupes s’exprimeront. Les ministres leur répondront avant que les commissaires qui le souhaitent posent de nouvelles questions.

M. Christian Kert, rapporteur. Madame la ministre, monsieur le ministre, vos exposés ont eu le mérite de rappeler les fondements d’une réforme dont chacun conviendra qu’elle était attendue. Le sous-financement de l’audiovisuel public devenait préoccupant et l’un des principaux avantages du texte est de transformer des ressources aléatoires en ressources pérennes. Néanmoins, des problèmes subsistent qui tiennent tout d’abord à la concurrence très rude que les nombreuses chaînes qui arrivent sur le marché font subir non seulement au secteur public, mais aussi à leurs homologues privées. Ensuite, depuis l’annonce faite par le Président de la République le 8 janvier dernier, le retournement du marché publicitaire limitera grandement l’effet d’aubaine que la réforme laissait prévoir. Nous devrons en tenir compte.

Madame la ministre, nos interlocuteurs font souvent référence au projet de cahier des charges de France Télévisions. Or nous n’en avons pas connaissance alors que certains de nos interlocuteurs en ont eu une version. À quel moment pourrez-vous nous transmettre ce document ? Certains des engagements qu’il comportera ne devraient-ils pas être transposés dans la loi ? Quel rôle le Parlement a-t-il à jouer dans l’élaboration du cahier des charges de l’audiovisuel public ? Est-il envisagé de consulter les parlementaires ?

La réforme prévoit de confier au président de France Télévisions un mandat de cinq ans. Une telle précision n’est pas systématique, s’agissant des présidents des grandes entreprises publiques. Est-elle absolument nécessaire dans le cas de France Télévisions ? En ce qui concerne la révocation du président, ne faudrait-il pas, au contraire, ajouter qu’elle ne pourra intervenir qu’en cas de faute grave, par exemple ?

Par ailleurs, envisagez-vous, madame la ministre, de donner des moyens supplémentaires au CSA pour exercer ses nouvelles compétences, notamment en matière de nouveaux services de médias à la demande ? L’enjeu me semble suffisamment important pour que nous accédions à sa demande insistante.

Enfin, pourriez-vous, à l’article 1er, préciser le sens des termes « diversité », « pluralisme de ses programmes » et « accessibilité à tous les publics » ? Cette dernière expression n’est-elle pas susceptible de remettre en cause l’accord d’exclusivité passé entre Orange et France Télévisions, et d’autres encore ?

M. Patrice Martin-Lalande. Si cadeau il y a, et j’ai eu l’occasion de le dire en commission élargie, c’est d’abord un cadeau au service public audiovisuel puisque se substitueront à des recettes publicitaires incertaines et en baisse des ressources garanties par l’État et stabilisées au niveau prévu dans le COM. En outre, elles libéreront totalement la programmation sur le service public car les annonceurs sont sensibles à ce qui précède et suit la coupure publicitaire. Il s’agit donc d’un double cadeau fait au service public même s’il est parfaitement légitime.

M. Michel Françaix. Vous n’y croyez pas vous-même !

M. Patrice Martin-Lalande. Le Gouvernement a-t-il eu connaissance, après le retournement du marché publicitaire, de nouvelles évaluations des retombées de la réforme publicitaire sur les chaînes privées et sur les chaînes de la TNT et les télévisions locales, dont aucune n’a atteint un équilibre financier lui permettant d’être viable ? Il faut aussi espérer que la presse quotidienne en profitera. Y a-t-il des moyens d’inciter les annonceurs à se reporter en priorité sur les médias qui en ont le plus besoin ?

Monsieur le ministre du budget, quel sera le produit des deux nouvelles taxes, qu’il faut comparer aux 450 millions d’euros de pertes de recettes publicitaires après 20 heures dans un premier temps et aux 650 millions d’euros de pertes de recettes lorsque la publicité sera totalement supprimée dans un second temps ? S’il est inférieur, comment la garantie de ressources jouera-t-elle ? S’il est durablement supérieur aux besoins, le taux sera-t-il revu à la baisse de façon à parvenir à un financement équilibré ? Des évaluations sont-elles prévues en 2009 afin de pouvoir corriger le tir le cas échéant ?

Le cahier des charges comportera de nouvelles ambitions culturelles. Nous nous en réjouissons puisque le service public y puise sa légitimité. Mais ce cahier des charges prévoit-il de nouvelles ambitions en termes de gestion ? Sinon, je déposerai un amendement en ce sens. France Télévisions a déjà fait de gros efforts mais l’attribution de nouvelles ressources publiques justifie qu’ils soient poursuivis.

M. Michel Herbillon. La présentation du projet de loi faite par Mme Albanel et M. Woerth montre bien qu’il est issu du travail très approfondi de la Commission présidée par Jean-François Copé et qu’il donne une nouvelle chance au service public de l’audiovisuel, en termes de média global, d’organisation et de gouvernance autour d’une entreprise unique mais aussi en termes de financement.

Afin d’évaluer avant la fin de 2011 les deux nouvelles sources de financement de l’audiovisuel public, la Commission présidée par Jean-François Copé avait prévu des clauses de rendez-vous avant 2011. Ne faudrait-il pas les organiser formellement dès à présent sur une base annuelle ?

S’agissant du placement des produits, le projet de loi transpose la directive SMAd et confie la régulation au CSA. Sera-t-il à même de protéger l’indépendance éditoriale et les téléspectateurs ?

Plus globalement, quelles seront les conséquences juridiques et sociales de l’entreprise unique sur les statuts des personnels et les différentes conventions collectives ? Quels seront les modalités et le calendrier de l’harmonisation ?

Pour que l’audience cesse d’être une obsession et devienne une ambition, nous avions préconisé de nouvelles mesures : le taux de satisfaction des téléspectateurs ; l’impact des programmes, mesure qui s’étendrait à l’ensemble des supports et dans la durée au lieu de se limiter à la seule télévision ; le taux d’utilisation du service public ; le rapport coût/performance des programmes en tenant compte de leur genre. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ?

Ce projet de loi est une chance de mieux associer encore le Parlement. Le contrôle a posteriori du nouveau contrat d’objectifs et de moyens n’est peut-être pas la meilleure des formules. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ? L’article 15 du projet qui concerne le cahier des missions et des charges est-il suffisamment précis ? Ne conviendrait-il pas de prévoir l’avis des commissions parlementaires compétentes, sur le modèle de ce qui existe pour le contrat d’objectifs et de moyens ?

M. Michel Françaix. Cette réforme est en réalité une fausse bonne idée. Sur le plan de la méthode, d’abord. On s’est demandé non pas si le projet s’imposait, mais seulement comment l’imposer, à la façon du Président de la République. En cela, il n’y avait pas beaucoup de différences entre lui et le président Copé ! Tous les avis des membres de la Commission pour la nouvelle télévision publique n’ont pas été pris en compte.

On nous dit qu’il faut sauver France Télévisions d’une mort certaine. On va nous expliquer bientôt que la réforme sera terrible aussi pour TF1 et M6, qui viennent se plaindre tous les jours auprès de moi. Eh bien, chiche ! Si c’est le cas, ne la faisons pas cette réforme. Vous pouvez compter sur les socialistes. La présentation qui nous est faite est passablement hypocrite.

Sur le fond, maintenant. Le projet de loi aborde quatre thèmes.

Premièrement, il faudrait faire de France Télévisions une véritable entreprise, une entreprise unique. Le PDG actuel s’y était engagé. Le projet de loi accélère donc le processus mais il n’y a rien de nouveau.

Deuxièmement, l’avenir, et ce serait l’idée géniale, c’est le « global media ». Nous sommes tous d’accord, là encore. À cela près que, qui dit média global, dit investissements pour demain. Pour devenir une entreprise multimédia et être compétitive par rapport aux entreprises privées, France Télévisions devra investir et se diversifier. Mais elle devra se débrouiller avec les moyens du bord.

Troisièmement, l’indépendance. Un sujet qui fâche ! Vous ne cessez de dénoncer l’hypocrisie actuelle et déclarez qu’il est préférable que le Président de la République nomme directement le président de France Télévisions qui y gagnera peut-être en indépendance ; nous en reparlerons car nous saisirons le Conseil constitutionnel. Si ça se trouve, après l’avoir nommé, on lui écrira sur un petit bout de papier le nom des journalistes qu’il faudra faire travailler, à quelle heure le directeur du service d’information du Gouvernement, Thierry Saussez, devra passer à l’antenne…

M. le président Jean-François Copé. Tout cela est l’objet d’une approche nuancée…

M. Christian Paul. Comme le texte !

M. Michel Françaix. Comme aurait dit Molière, qu’allez-vous faire dans cette galère, madame la ministre !

Quatrièmement, au moment où les États généraux de la presse sont lancés et où Mme la ministre défend la diversité, vous autorisez une deuxième coupure publicitaire. Elle fera baisser les recettes publicitaires de la presse quotidienne. Vous rendez un mauvais service non seulement à l’audiovisuel public mais aussi à la presse écrite.

Enfin, monsieur le ministre du budget, est-ce que 450 millions d’euros, c’est le bon chiffre ? Oui, à condition que France Télévisions tire 350 millions d’euros de la publicité avant vingt heures. Mais, comme TF1 et M6 pourront faire du dumping avant vingt heures puisqu’elles se rattraperont après, les tarifs baisseront. Ainsi, même en maintenant le volume de publicité, les recettes publicitaires de l’audiovisuel public seront moindres.

S’agissant des taxes, je vais finir par donner un cours aux libéraux ! Dans un contexte de concurrence, faire dépendre les recettes du service public des succès d’audience de ses adversaires, c’est tout de même paradoxal ! En l’état, si le service public dépasse les chaînes privées, il en paiera le prix par une baisse de ses recettes. Si au moins cet argent était allé à la création ! C’est à se demander si ce n’est pas « le baiser qui tue » et si l’on n’assiste pas à l’euthanasie de la télévision publique.

Le service public, c’est le défi de la diversité. C’est le défi de l’indépendance, mais on ne s’en occupe pas. C’est le défi des investissements futurs, mais il n’y pas de moyens prévus. C’est le défi de l’œuvre, or, depuis six mois, le service public freine tous les projets parce qu’il ne sait pas ce qui l’attend. Nous aurions pu avoir une belle Commission Copé, nous n’aurons eu qu’un bon président. Nous n’avons parlé ni des usages, ni des comportements, ni des nouveaux acteurs. Nous prenons seulement acte du passage d’une pénurie à une abondance de chaînes, sans avoir pris le temps de réfléchir aux enjeux que ce choc considérable aura sur le secteur. J’espère que les nombreux amendements que le groupe socialiste présentera permettront d’améliorer le texte.

M. le président Jean-François Copé. Cette défense énergique du maintien de la publicité à la télévision publique m’a mis les larmes aux yeux !

M. Noël Mamère. Mes propos s’inscriront dans le droit fil de ceux de Michel Françaix. On veut nous faire voter à marche forcée après un coup politicien du Président de la République qui voulait mettre la gauche devant ses prétendues contradictions. Lors de l’examen de la loi sur l’audiovisuel en 2000, nous réclamions la fin de la publicité en l’assortissant de conditions. Or elles n’ont jamais été réunies, ni par la droite, ni par la gauche. Nous envisagions l’augmentation progressive de la redevance pour la porter à un niveau équivalent à celui qui est pratiqué par la Grande-Bretagne ou l’Allemagne, qui ont chacune un grand service public de la télévision. Nous avions aussi prévu, et le projet de loi n’en dit rien, de mettre fin à une exception française. Il n’est pas normal que de grandes sociétés tributaires de la commande publique, telles que Bouygues qui possède la majorité de TF1, puissent détenir la majorité du capital d’une chaîne privée.

Je mets d’ailleurs au défi quiconque de me citer des reportages ou des documentaires diffusés sur TF1 qui se soient montrés critiques envers certains pays de l’autre côté de la Méditerranée où la société Bouygues a des intérêts, ou qui aient rendu compte des problèmes sanitaires et environnementaux que pourrait poser la téléphonie mobile.

Ce projet de loi est un cadeau au privé pour qui la deuxième coupure publicitaire est une aubaine, de même que la réduction brutale du périmètre du service public. Il est inutile d’être grand clerc pour prévoir que, dans quelques mois ou quelques années, une fois la loi votée, des personnalités de la majorité se plaindront de la mauvaise santé du service public. Alors, on se débarrassera de France 3 en la vendant à la découpe. À qui ? À la presse régionale qui, tel le rapace prêt à fondre sur sa proie, attend son heure.

Notre président a permis le passage en force d’un projet qui a pris tout le monde de court. Il fallait se mettre au boulot et servir les intérêts de ceux qui avaient permis à l’hôte de l’Élysée d’accéder aux plus hautes marches du pouvoir (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Vous n’avez tout de même pas oublié qu’il avait promis d’aller dans un monastère et qu’il s’est retrouvé sur le yacht de l’actionnaire majoritaire de Havas, qui a la haute main sur la publicité ! La réalité est là ! Vous êtes en train d’écrire la chronique de la mort annoncée du service public.

M. le ministre. Vous êtes caricatural !

M. Noël Mamère. Vous aurez tout le loisir de me répondre, monsieur le ministre. Au passage, vous nous expliquerez comment de nouvelles recettes qui entreront dans le budget de l’État garantiront la pérennité du financement du service public. Avec votre projet de loi, ce seront les succès des chaînes privées qui feront les ressources du service public ! Pourquoi un exposé des motifs qui ressemble autant à une grille de programmes ? Qui est président de France Télévisions ? En tout cas, il n’est pas destiné au législateur ! Il faut expliquer aux Français qu’on est en train de les prendre pour des imbéciles. La garantie du service public, c’est le système de la redevance qui nous donne un droit de regard.

J’ai été aussi très choqué par ce qui est une véritable régression démocratique. J’espère que l’ensemble des députés de gauche saisira le Conseil constitutionnel à propos de la nomination du président de France Télévisions par le Président de la République. Il faut mettre un holà à cette présentation simpliste selon laquelle le CSA n’étant pas indépendant, le fait du prince serait préférable ! Effectivement, les journalistes connaissent des pressions politiques à la télévision mais, dans un pays démocratique, le problème n’est pas là : il est de savoir s’ils ont des moyens pour y résister. Avec la loi que la gauche a fait voter, ils en avaient davantage !

M. le président Jean-François Copé. Vous vous rattrapez aux branches !

M. Noël Mamère. Il est vrai que la puissance du pouvoir économique est telle que le service public, s’il est très dépendant de la publicité, ne peut pas aller aussi loin qu’il le voudrait dans le journalisme d’investigation.

S’agissant de la liberté de la presse, il ne vous aura pas échappé que les sociétés de journalistes, qui ne sont pas gauchistes, et certains organes de presse, notamment ceux qui sont diffusés sur Internet, protestent contre l’organisation des États généraux de la presse. Comme la réforme de l’audiovisuel public, ils ne sont qu’une mascarade. Je rappelle qu’avec ma collègue Aurélie Filippetti, nous avons protesté contre le projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes. Nous sommes en retard par rapport à d’autres pays de l’Union européenne, en particulier la Belgique. Toutes ces mesures mises bout à bout portent atteinte à la liberté d’expression et minent la démocratie. Ce projet de loi contribue à l’encerclement.

Enfin, grâce à un cavalier législatif sur les seuils de concentration, M. Frédéric Lefebvre a permis à TF1 de rattraper son erreur stratégique sur la TNT en faisant du bénéfice sur le dos du service public. La nomination du président ou de la présidente de France Télévisions par le Président de la République est choquante, mais il faut nous méfier des leurres et ne pas oublier de parler du financement du service public. C’est ce que nous ferons avec nos amendements.

M. le président Jean-François Copé. En tant que président de la Commission spéciale, je suis garant de la pluralité des débats mais cela ne m’empêche pas d’exprimer mon opinion. Ce sera un débat important au sens noble du terme car il y a très longtemps que l’on n’a pas débattu de la télévision publique dans l’hémicycle. C’est un rendez-vous politique majeur et je souhaite naturellement que les membres de la commission spéciale puissent tous exprimer leur position. Au-delà du devoir d’impartialité qui est le mien, je ferai aussi valoir mon opinion. À titre personnel, je considère comme injurieux le procès d’intention sur le caractère prétendument liberticide d’une réforme qui cherche, au contraire, à donner au service public de la télévision un projet extraordinairement ambitieux en termes d’objectifs et de moyens.

Quant à la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, il est inutile de nous menacer de saisir le Conseil constitutionnel au nom des libertés car il est obligatoirement saisi des projets de loi organique ! Et c’est très bien ainsi. Il n’y aura plus d’ambiguïté.

Enfin, chaque mot compte et il peut y en avoir de blessants. Il est important de s’en souvenir quand on s’exprime.

M. Jean Dionis du Séjour. Ce projet de loi inspire aux centristes des sentiments contradictoires. Nous soutenons la transformation de France Télévisions en entreprise unique et le média global. Pour y avoir participé, je sais que les travaux de la Commission présidée par Jean-François Copé ont été sérieux, approfondis et d’excellente qualité. La révolution technologique, plus que les impératifs financiers, imposent l’urgence. Mais nous sommes toujours opposés au mode de financement. Nous l’avons exprimé dans une annexe au rapport de ladite Commission.

M. Mamère a raison, au moins sur le fond, monsieur le ministre. Les taxes envisagées ne peuvent pas être affectées et il y a un risque majeur de déconnexion entre le produit de la taxe et la compensation versée par l’État. Il y a un cas d’école, c’est celui de la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat (TACA) qui a été créée pour aider le commerce et l’artisanat. Elle rapporte aujourd'hui plus de 600 millions d’euros, et 80 millions seulement vont au Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC). Comment se prémunir contre un tel risque ?

Les taxes ne sont pas un bon choix économique. Le débat parlementaire sera vif, madame la ministre. Le chiffre d’affaires des opérateurs de téléphonie est d’origine très diverse. Comment justifier par exemple une taxe sur la téléphonie fixe qui, par définition, n’utilise pas d’image ? La taxe représentera pourtant entre 8 % et 10 % du résultat de ce secteur qui est en croissance. Avec ceux qui étaient hostiles à la hausse de la redevance, nous avions envisagé d’autres options, notamment une taxation de l’électroménager. On a choisi la pire des solutions.

Comment garantir ensuite que le taux de taxe, annoncé maintenant à 0,9 %, ne s’envolera pas ? Le rapport de la Commission présidée par Jean-François Copé recommandait un taux de 0,5 % ; l’arbitrage gouvernemental l’a fait passer à 0,9 %. La différence fait 160 millions d’euros.

Le financement légitime de la réforme aurait résidé dans une hausse de la redevance. Je n’étais pas isolé, même au sein de la majorité présidentielle, et je vous renvoie aux brillantes démonstrations du rapporteur général de la Commission des finances, Gilles Carrez. Le principe d’affecter des ressources publiques à la télévision publique et des recettes privées à la télévision privée était bon. Aujourd’hui, la redevance est à 116 euros et elle est l’une des moins chères d’Europe, après l’Italie et l’Espagne, la moyenne européenne étant de 40 euros supérieure. Elle coûte 60 euros de moins qu’en Angleterre et 100 euros de moins qu’en Allemagne. Il s’agit seulement d’un problème politique : la situation sociale est difficile avec un pouvoir d’achat en berne et un chômage en hausse. Mais soit on fait la réforme du service public de la télévision, et on la fait bien, soit on ne la fait pas. La transformation de France Télévisions est urgente, celle de son financement l’est moins car seule la redevance est légitime à financer l’audiovisuel public.

Plus généralement, autant le Nouveau Centre salue l’effort du Gouvernement pour tenir les dépenses, autant il est réservé sur les choix concernant les recettes. France Télévisions n’est pas le seul exemple. Ainsi, le RSA est une superbe réforme sociale mais son financement soulève des problèmes compliqués. Elle a été votée parce que l’enjeu social est fort. Dans le cas présent, l’audiovisuel public peut bien vivre quelques années de plus avec de la publicité.

M. le président Jean-François Copé. Mme et M. les ministres vont répondre aux premiers intervenants avant que ceux qui se sont inscrits ne posent leurs questions.

M. Patrick Bloche. J’ai l’impression que, comme lors de la commission élargie qui a examiné les crédits de la culture et des médias, nous ne pourrons pas poser nos questions. On a pourtant révisé la Constitution pour éviter ça !

M. le président Jean-François Copé. Les porte-parole des groupes, notamment ceux de l’opposition, se sont exprimés longuement et les règles étaient fixées au départ. Les ministres vont faire une première série de réponses, mais vous pourrez poser vos questions ensuite. Cet après-midi sera par ailleurs consacré à la discussion générale et chacun pourra à nouveau s’exprimer à loisir.

M. Patrick Bloche. Dans ces conditions, je vais devoir renoncer à poser ma question.

M. le président Jean-François Copé. Non, tout le monde pourra s’exprimer.

Mme la ministre de la culture. J’ai noté avec plaisir que MM. Christian Kert, Patrice Martin-Lalande et Michel Herbillon considèrent la réforme comme une chance nouvelle offerte à l’audiovisuel public, dont les ressources générales seront désormais garanties, alors qu’elles sont en ce moment pour partie aléatoires puisqu’elles dépendent pour un tiers des ressources publicitaires. Ces ressources avaient d’ailleurs commencé à chuter sérieusement bien avant que le Président de la République annonce le 8 janvier dernier la suppression de la publicité sur les écrans des chaînes du service public, la stratégie commerciale Horizon de France Télévisions n’ayant pas eu les résultats espérés. Si l’État n’avait pas alloué au groupe une dotation supplémentaire de 150 millions, il aurait été en fort déficit.

Le dispositif que nous avons retenu est logique, puisqu’il y a aura un déplacement des ressources publicitaires vers les chaînes de télévision privées et que nous asseyons la seconde taxe sur un secteur en expansion. Nous mettons donc une ressource dynamique au service d’un programme ambitieux, que le cahier des charges détaillera. Il sera, monsieur Kert, communiqué au Parlement avant la fin de la semaine. Les opérateurs et les organisations syndicales seront reçus, puis le document sera mis en ligne pour concertation sur le site de la direction du développement des médias pendant 15 jours. Il ne s’agit pas de se substituer aux dirigeants de France Télévisions pour définir la programmation mais de répondre aux attentes en permettant aux dirigeants de diffuser davantage de programmes culturels et de spectacles vivants. Ils s’engageront en ce sens, ce qui ne les privera pas du droit de réagir avec souplesse si un programme ne rencontre pas le succès escompté.

Il me paraît que cinq ans est une bonne durée pour un mandat. Sur le fond, un mandat doit avoir une durée précise pour que son titulaire dispose de la visibilité nécessaire pour mener à bien sa mission. Faut-il préciser les motifs qui conduiraient à une révocation ? Je rappelle à ce sujet les dispositions du texte : il prévoit que le retrait des mandats des présidents des conseils d’administration des sociétés nationales de programme suppose un décret motivé, après avis conforme, également motivé, du CSA. Un tel dispositif exclut l’arbitraire.

La transposition de la directive « services de médias audiovisuels » donnant au CSA de nouvelles compétences relatives aux services de médias audiovisuels à la demande, il faudra sans doute renforcer les moyens du Conseil.

Je me félicite que la nécessité d’une stratégie de média global ait été unanimement reconnue. Pour diversifier les ressources de France Télévisions, le contrat avec Orange a été conclu dans le cadre d’une expérimentation acceptée comme telle par le Conseil de la concurrence ; il est vrai que ce contrat peut poser problème à l’avenir.

M. Martin-Lalande et M. Dionis du Séjour s’interrogent : les recettes prévues sont-elles sûres ? La crise a un impact sur le marché publicitaire, ce qui rend difficiles des estimations précises, et l’on ne peut évaluer exactement l’évaporation qui se produira lors du transfert de la publicité vers les chaînes privées. Quoi qu’il en soit, une bonne partie des recettes se maintiendra. Monsieur Martin-Lalande, ce que vous suggérez c’est de taxer la publicité « hors média » pour inciter à l’investissement dans les médias ?

M. Michel Françaix. Ce ne serait pas pire que ce que vous faites !

Mme la ministre de la culture. S’agissant du contrôle de gestion, le groupe France Télévisions est soumis aux mêmes règles que toutes les autres entreprises publiques. Sa gestion a fait l’objet d’un rapport de l’Inspection générale des finances en 2006 et la Cour des comptes, qui a achevé l’audit de France 2, va engager celui de France 3. Le contrôle me semble donc correctement assuré.

Vous avez suggéré, monsieur Herbillon, une clause formalisant des rendez-vous. C’est une bonne idée, qui pourrait être reprise sous forme d’amendement.

La directive ouvre aux États membres la possibilité de recourir au placement de produits, en excluant les émissions jeunesse évidemment. Le CSA en fixera les conditions. Cette technique, qui profite surtout aux producteurs, ne portera pas atteinte à l’indépendance des chaînes. La pratique existe déjà au cinéma, qui n’en pâtit pas. C’est le moyen de trouver quelques ressources supplémentaires, ce qui explique la plus grande latitude laissée pour ce faire.

Quelles seront les conséquences juridiques de la réorganisation ? Par fusion-absorption, les sociétés anonymes détenues par France Télévisions seront fondues, sur le modèle de Radio-France, en une société unique. Une concertation sociale de grande ampleur, pendant laquelle les conventions actuelles seront maintenues, va s’ouvrir. Elle est prévue pour durer de 15 à 18 mois, au terme desquels de nouvelles conventions s’appliqueront ou, à défaut, la convention actuelle de la holding France Télévisions.

Nous voulons tous une télévision publique fédératrice, plus ambitieuse, sachant prendre des risques et proposer de nouveaux programmes tout en leur laissant le temps de s’installer, sans perdre son lien avec le grand public. Le nouveau cahier des charges le permettra.

Monsieur Françaix, vous vous êtes montré aussi sévère que pessimiste. Pourtant, il n’est pas question d’ « euthanasier » France Télévisions ! Je me réjouis que vous ayez approuvé le principe de l’entreprise unique et le projet de global media

M. Michel Françaix. Le projet, certes, mais pas le fait qu’aucun budget n’est prévu pour le réaliser !

Mme la ministre de la culture. Pour faire face aux ambitions nouvelles, 200 millions d’euros seront trouvés d’ici 2012 par le développement des synergies, des services commerciaux, des sites Internet, des produits dérivés, par les économies liées à la fin de la diffusion analogique et des nouvelles possibilités offertes par la télévision numérique.

S’agissant de la seconde coupure, la diffusion de films à la télévision est en chute libre depuis dix ans. On est passé de 100 à 60 films sur TF1 par exemple. Les chaînes préfèrent des émissions de 50 minutes entre lesquelles intercaler des écrans publicitaires à des films pour lesquels une seule coupure publicitaire est aujourd’hui autorisée. L’autorisation d’une seconde coupure revivifiera la diffusion des films sur les chaînes privées, ce que nous souhaitons.

M. Michel Françaix. Vous n’avez rien dit des risques de dumping.

Mme la ministre de la culture. Je ne peux pas vous laisser dire que ce projet serait un cadeau aux chaînes privées. Pour commencer, nous avons tous intérêt à ce que toutes les chaînes soient en bonne santé car la création, assise sur leur chiffre d’affaires, en dépend. Il faut donc à la fois que les chaînes publiques soient bien financées et que les chaînes privées se portent bien. Ces dernières sont d’ailleurs des nains par rapport aux géants des télécommunications. Par son impact sur le marché publicitaire, la crise suscite actuellement de fortes inquiétudes au sein des chaînes de télévision et de radio privées. Nous avons donc tout intérêt à ouvrir de nouvelles fenêtres et à leur donner de l’air en faisant évoluer le décret de 1992.

Il est heureux, monsieur Mamère, que nous ayons assoupli légèrement le seuil anti-concentration pour la télévision numérique terrestre. Avant cet été, un opérateur propriétaire d’une chaîne n’était pas autorisé à conserver une autre chaîne qu’il avait créée sur la TNT si elle faisait plus de 2,5 % d’audience. TF1 aurait ainsi dû vendre TMC, ce qui serait dommage. Nous avons porté ce seuil à 8 %, c’est tout. Je précise par ailleurs que Bouygues possède 49 % du capital de TF1 et non le capital dans son intégralité.

Quant à vos sombres prédictions relatives à la vente de France 3 à la découpe, elles relèvent du phantasme. La restructuration conforte le périmètre de France 3 et le service public de l’audiovisuel.

M. le ministre du budget. Les 450 millions d’euros correspondent au chiffrage issu des travaux de la Commission pour la nouvelle télévision publique. Ce montant est plutôt haut, et plutôt favorable à France Télévisions : alors qu’une baisse des recettes publicitaires est prévisible pour les autres chaînes, l’audiovisuel public a là une compensation garantie par l’État qui le conforte. Il est donc curieux de voir la gauche bouder son plaisir de voir le service public conforté ! Outre que la redevance est indexée sur l’inflation, la compensation se fait par la taxation des recettes supplémentaires que les chaînes privées retireront du transfert de la ressource publicitaire. Pour l’instant, la crise fait sentir ses effets mais, envisagé dans la durée, le dispositif est bon. Une part des recettes publicitaires qui allaient aux chaînes publiques va se transférer vers les chaînes privées ; n’est-il pas logique d’asseoir la taxe sur ces ressources supplémentaires, puisque les groupes considérés y gagneront ?

M. Michel Françaix. Ah ! Vous l’admettez !

M. le ministre du budget. Mais pourquoi cette haine envers le secteur privé qui a toute sa place ? Les financements sont clarifiés, et chacun garde son identité. En 2009, 2 milliards d’euros proviendront de la redevance et les 450 millions d’euros restants sont garantis à France Télévisions dans tous les cas, même si le produit de la taxe se révèle finalement inférieur à celui que l’on attendait. Le taux de taxation variera-t-il ? L’idée d’une clause prévoyant des rendez-vous de bilan formalisés est une bonne idée. Mais, je le répète, même si ce taux baissait et même si les recettes fiscales n’étaient pas celles que nous attendons, l’allocation à France Télévisions est garantie à moyen terme, c'est-à-dire à trois ans, et le fait que la taxe ne soit pas affectée est une bonne chose pour France Télévisions dans la situation actuelle un peu compliquée : si les taxes ne rentrent pas, c’est l’État qui prend un risque. Le groupe disposera donc de la visibilité budgétaire souhaitable. Le dispositif me semble plus protecteur qu’inquiétant et, si une clause de rendez-vous est prévue, on appréciera l’évolution des besoins.

M. Jean Ueberschlag. Ce projet n’entraîne chez moi ni enthousiasme exagéré ni inquiétude hypocrite. Les Français sont très attachés au service public de la télévision et ils apprécient ses productions de qualité. Ils sont aussi attachés à la proximité. À ce sujet, quelles conséquences la restructuration de France Télévisions aura-t-elle sur France 3 ? Encouragerez-vous, madame la ministre, les chaînes régionales comme il en existe une en Corse, Stella, et comme il a failli en exister une en Alsace – mais les services de votre prédécesseur ne l’ont pas souhaité ? Quand le service public déserte la proximité, le privé n’est jamais loin. Quelles sont vos propositions à ce sujet ?

M. Christian Paul. Ce que vous appelez, monsieur le président, « coproduction législative » est une violence faite au Parlement. La Commission que vous avez présidée n’était pas une commission parlementaire et il y aurait beaucoup à dire sur les conditions de son installation et de son fonctionnement. Notre malheureux rapporteur est aujourd’hui contraint de procéder par abattage à des auditions en même temps que nous auditionnons les ministres, quelque temps avant la discussion générale. De ma vie de parlementaire, je n’ai jamais vu cela !

Pour résumer en quelques mots notre sentiment, je parlerais d’horreur politique et d’erreur économique. Je ne reviendrai pas sur la manière dont il a été porté secours à TF1. Au moment même où la démocratie américaine donne au monde un signal fort, nous voyons s’organiser le recul du pluralisme dans notre pays.

Le service public est désormais placé sous une double dépendance, financière et politique. Vous procédez, Monsieur Woerth, à une reprise en main budgétaire du service public en étatisant ses ressources. Vous ne ferez croire à personne que le retour à un mode de financement unique est un progrès, pas plus d’ailleurs que le nouveau mode de désignation du président de France Télévisions, qui nous plonge vingt-cinq ans en arrière.

À ce sujet, suite à ce que nous vivons depuis un an, accepteriez-vous un amendement qui pénalise toute ingérence politique dans le contenu éditorial et dans la programmation des chaînes ? Cela fait des mois que nous assistons à une ingérence grandissante de parlementaires et de membres du Gouvernement, qui s’institue comme un mode normal de gestion du service public.

M. le ministre du budget. Nous ne vivons pas dans le même pays !

M. Christian Paul. Nous déposerons cet amendement qui vise à préserver l’indépendance rédactionnelle et éditoriale, premier critère du service public, en pénalisant cette ingérence.

Sur le plan économique, cette réforme est une erreur. Nous vous invitons à conduire un audit social à France Télévisions, afin de prendre la mesure de la déstabilisation en cours. Beaucoup craignent un plan social et des départs à la retraite forcés. Les autres médias, comme les entrants sur la TNT, sont touchés. La presse magazine craint un retournement du marché publicitaire. Quant aux annonceurs, ils redoutent que trois groupes structurants soient désormais seuls à dicter leur loi.

À défaut de revenir sur ce projet de loi, nous donneriez-vous – madame et monsieur les bourreaux – un moment encore, rien qu'un moment ? Accepteriez-vous d’instaurer une progressivité dans la mise en œuvre de la suppression de la publicité ?

Nous considérons que la taxe sur les télécoms constitue un détournement des fonds. Il aurait été préférable que les sommes prélevées aillent à la création musicale, audiovisuelle, cinématographique. Il ne fait pas de doute que si une telle disposition avait figuré dans le projet de loi abusivement intitulé « projet de loi favorisant la protection de la création sur Internet », nous l’aurions voté avec vous.

La promesse de média global, chère à M. Copé, se traduit dans le projet de loi par l’idée d’entreprise unique, ce qui n’est pas un grand progrès conceptuel puisque c’était ce que nous demandions depuis longtemps déjà. Mais cette notion est absente de la vision de la télévision du futur, qui sera de plus en plus sur Internet. Les budgets de diversification de France Télévisions ne sont pas au rendez-vous : malgré les besoins considérables, vous asséchez les investissements nécessaires.

Double erreur, et triple peine, Monsieur Copé !

Mme Monique Boulestin. Ma question concerne les financements de France Télévisions, dont vous expliquez, monsieur le ministre, qu’ils sont garantis à moyen terme. Il est difficile de concevoir que France Télévisions puisse un jour dépendre des recettes de ses concurrents.

Je m’interroge également sur le devenir des chaînes régionales, de France 3 en particulier. La réorganisation globale de l’entreprise va conduire à des choix : induiront-ils des regroupements ou des disparitions de chaînes régionales ? Les programmes régionaux, nécessaires au développement du groupe, sont-ils menacés ?

M. François Loos. Il a été dit que l’extinction de l’analogique créerait des économies. Combien et quand ?

Par ailleurs, le projet de loi doit mentionner les langues régionales, pendant de la diversité ou du média global.

Enfin, Internet va occuper une part de plus en plus importante, sans parler de la télévision sur mobiles. Comment, dans ce contexte de modifications technologiques, le groupe France Télévisions parviendra-t-il à tirer son épingle du jeu ?

M. Patrick Bloche. Cessez de dire que l’opposition n’aime pas les chaînes privées ! Ce que nous rejetons, ce sont les situations monopolistiques ou oligopolistiques, mais nous goûtons la diversité culturelle. D’ailleurs, nous apprécions le fait que la différence d’audience entre les deux journaux télévisés de 20 heures soit passée de 5 millions de téléspectateurs à 1,7 million en quelques mois.

Monsieur Woerth, vous avez expliqué que l’État garantira 450 millions d’euros correspondant aux recettes publicitaires que France Télévisions ne percevra plus à partir du 5 janvier. Mais quid des 350 millions d’euros que représente la publicité avant 20 heures, chiffre que le groupe, on le sait, ne peut atteindre ? Ne devez-vous pas vous engager à garantir 800 millions d’euros en 2009, afin de donner au groupe les moyens d’atteindre les objectifs fixés ?

Madame Albanel, je ne reviendrai pas sur les divergences que nous avons concernant la nomination du président de France Télévisions. Ce qui m’interpelle, et que je juge plus sévèrement encore, c’est le pouvoir de révocation. Vous gagneriez en crédibilité si le projet de loi organique contenait un second article définissant ce qu’est la révocation et précisant la notion d’avis motivé.

Monsieur Copé, ne jugez-vous pas, en tant que président du groupe majoritaire à l'Assemblée nationale et au nom du respect des droits du Parlement, qu’il serait raisonnable de repousser de trois mois – soit au 5 avril – la date de la fin de la publicité après 20 heures sur France Télévisions ? Cela nous permettrait de débattre sereinement et – qui sait ? – d’écrire une loi qui, à défaut d’être votée par l’opposition, serait de qualité. Quand on écrit une bonne loi comme le Grenelle de l’environnement en prenant 100 amendements de l’opposition, celle-ci peut être amenée à voter la loi.

M. le président Jean-François Copé. Je persiste et je signe ! Je considère que l’élaboration de ce texte a fourni un très bel exemple de concertation, dont vous pourrez peut-être vous inspirer lorsque vous serez, sans doute un jour, majoritaires. Pendant toute une année, nous avons débattu et consulté les professionnels. Les parlementaires, de droite comme de gauche, les professionnels, des personnalités diverses ont abordé point par point les sujets que vous évoquez aujourd’hui, ont pris le temps d’écouter et de répondre.

J’ai été aux deux bouts de la chaîne. Ce sujet méritait, à tous égards, d’être traité différemment des autres et ce n’est pas un hasard si une commission spéciale a été constituée et que j’en suis aujourd’hui le président, ayant souhaité marquer la continuité de la réflexion.

J’ai regretté que l’opposition ait quitté la Commission pour la nouvelle télévision publique, mais j’ai veillé, par souci de transparence, à ce que tous les parlementaires disposent des informations concernant nos travaux.

La coopération entre le Gouvernement et le Parlement a été excellente. Le Gouvernement a repris la quasi-totalité des recommandations de notre commission, composée à parité de parlementaires et de professionnels, ce qui me paraît faire montre d’un grand souci de concertation.

Compte tenu du travail préparatoire effectué, je considère que nous disposons du juste temps pour examiner ce texte.

M. Christian Paul. 15 jours seulement !

M. le président Jean-François Copé. Nous avons eu le temps d’aborder tous les sujets et de nous dire beaucoup de choses. Il n’y a rien de nouveau qui puisse troubler la sérénité des débats. L’heure est venue d’en arriver à la décision et à la mise en œuvre de ce très grand projet pour la télévision publique.

Mme la ministre de la culture. M. Ueberschlag a rappelé son attachement au service public et à l’aspect régional des chaînes. Ce projet de loi ne change rien à l’équilibre actuel des chaînes et la disparition des émissions régionales n’est pas à l’ordre du jour. Au contraire, nous insistons beaucoup sur la proximité et les régions dans le cahier des charges.

S’agissant des langues régionales, il existe déjà des décrochages. Pourquoi ne pas créer une web TV spécifique ?

Je ne partage pas les propos de M. Paul. Je ne vois pas ce qu’il y a d’inquiétant à ce que le secteur public soit porté par les engagements publics et financé par les ressources publiques. L’État prend toutes ses responsabilités et va jusqu’au bout de sa logique en instaurant un système de financement pérenne. Quel serait l’intérêt de cette loi si notre objectif était de casser France Télévisions ?

Que je sache, les rédactions de France 2 et France 3 savent parfaitement préserver leur extrême indépendance d’esprit et les journalistes sont respectueux de la déontologie pour qu’il ne soit pas nécessaire de voter un amendement interdisant toute ingérence politique !

J’estime que la nomination des présidents de France Télévisions par le CSA a toujours été complexe. Je ne vois pas en quoi le nouveau mode de désignation constitue une atteinte à l’indépendance. La compétence demeure un critère central du choix, qui sera par ailleurs accompagné d’un large débat public et d’une couverture médiatique telle qu’il sera difficile de faire sortir, de façon autoritaire, quelqu’un du chapeau. Cela permettra au contraire à des personnes compétentes qui n’auraient pas pu faire campagne dans l’ancien système de se présenter.

De la même façon, il n’est pas utile de préciser ce qu’est l’avis motivé pour la révocation car un tel événement suscitera forcément beaucoup d’attention de la part des citoyens. Le CSA, par ailleurs, devra prendre également une décision motivée. Toutes les garanties de l’indépendance sont ainsi rassemblées.

La réforme a été anticipée depuis longtemps et tous les acteurs sont prêts. Repousser la réforme de trois mois aurait des conséquences graves puisque cela reviendrait à allonger une attente délétère. On constate déjà une baisse des recettes publicitaires sur France Télévisions par anticipation de l’adoption de la réforme.

S’agissant de la création, je vous rappelle que les engagements de France Télévisions vont passer de 305 millions d’euros en 2008 à 420 millions en 2012, dans le cadre des accords signés avec les producteurs. Quant au projet de loi « création et Internet », le système retenu, approuvé par le groupe socialiste du Sénat, est clairement basé sur une ligne de défense des créateurs.

Monsieur Loos, le gain lié à la fin de l’analogique est évalué à 80 millions d’euros.

M. le ministre du budget. Les propos tenus par M. Paul sont extrêmement violents et durs. Ils sont l’expression d’une vision faussée et idéologique de la France. Il est difficile d’y répondre car j’ai l’impression de ne pas vivre dans le même pays et de ne pas regarder la même télévision.

Votre raisonnement, monsieur Bloche, vous pousse à exiger d’un coup que l’État garantisse 800 millions d’euros. Sachez qu’auparavant le risque était au premier euro. Aujourd’hui, il commence au 450 millionième euros. Alors certes, il existe un risque commercial sur les 350 millions restants, composés de recettes publicitaires et de parrainage. Mais je ne comprends pas en quoi l’argent des recettes publicitaires rend indépendant, et pas celui de l’État.

M. Patrick Bloche. Vous cassez l’équilibre !

M. Christian Paul. Vous réduisez le budget de la culture !

M. le ministre du budget. Le passage au numérique permet une économie estimée entre 80 et 100 millions d’euros.

M. le président Jean-François Copé. La discussion est close. J’ai bien noté que mme la ministre nous transmettra le cahier des charges de France Télévisions avant la fin de la semaine. Merci à Mme Albanel et à M. Woerth pour leur présence et leur écoute active.

II.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission spéciale examine le présent projet de loi au cours de sa séance du 5 novembre 2008.

M. le président Jean-François Copé. Il m’a paru souhaitable de maintenir la présente réunion de commission consacrée à la discussion générale du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public et du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, bien que beaucoup d’échanges aient déjà eu lieu ce matin.

Même si j’ai bien entendu les critiques des commissaires de l’opposition ce matin, je suis obligé de faire observer que beaucoup de travail a déjà été effectué sur ces sujets, ce qui a permis de déblayer le terrain.

Nous arrivons à la dernière phase du processus et il va être intéressant d’examiner les amendements aux projets de loi, autrement dit ce que la représentation nationale envisage de faire pour améliorer un texte qu’elle a, du reste, déjà très largement contribué à concevoir par un travail réalisé en amont. C’est là la valeur ajoutée du travail de la Commission spéciale.

Pour la suite de cette discussion d’ordre général, en l’absence de journalistes et de caméras, la tentation de procéder à des effets de manche sera moindre que ce matin. Ceux qui aiment le sujet sont là cet après-midi.

Cette discussion libre doit permettre d’adresser différentes questions au rapporteur et d’évoquer des contributions éventuelles, pour ceux qui y réfléchissent déjà, avant l’examen des amendements la semaine prochaine. Voilà pour la méthode.

M. Didier Mathus. De nombreuses questions ont déjà été abordées par les commissaires membres du groupe socialiste ce matin. Je souhaite quant à moi évoquer trois thèmes.

Premier sujet, la question de l’indépendance. Les modalités de nomination par décret du Président de France Télévisions, et surtout les modalités de sa révocation dans les mêmes formes, sont inacceptables et dangereuses. Il faut donc les combattre avec beaucoup de détermination.

Depuis plusieurs semaines, Mme la ministre de la culture et de la communication effectue des déclarations qui sont autant d’interventions sur le contenu des programmes, à un niveau jamais atteint jusqu’ici. La ministre s’essaie à attribuer des notes à différents animateurs des chaînes publiques ou à porter des jugements sur les grilles de programmes, alors que son travail, c’est d’établir des cahiers des charges, des principes, des orientations, non de se prendre pour le directeur des programmes des chaînes. Tout cela ne peut que susciter des craintes.

Deuxième sujet, la question du financement. Nous avons aujourd’hui quasiment la conviction que les mesures proposées entraîneront des pertes de moyens pour la télévision publique, et ce même en créditant le Gouvernement de bonne foi s’agissant de ses intentions en matière de compensation.

Pour ce qui est de la période transitoire qui va de 2009 à 2011, 450 millions d’euros de compensation budgétaire sont prévus, auxquels s’ajoutent 350 millions d’euros de publicité en journée. Ces 350 millions d’euros, il sera difficile à France Télévisions de les trouver : en effet, TF1 et M6 ont considérablement augmenté leurs tarifs publicitaires après 20 heures et les ont considérablement diminués en journée. Dès lors, on peut se demander si France Télévisions pourra mobiliser ces 350 millions d’euros.

Troisième sujet, s’agissant des dispositions d’ordre législatif ou réglementaire de la transposition de la directive communautaire, la deuxième coupure publicitaire dans les œuvres n’était pas une obligation : chaque État a le choix de la solution qu’il retient et la faculté d’aller éventuellement vers le maximum proposé par la Commission européenne. Or ce sont justement les solutions maximales qui ont été retenues en l’espèce : deuxième coupure de publicité, durée de 9 minutes, heure d’horloge. Au total, l’ensemble de ce dispositif constitue une formidable pompe à aspirer les financements publicitaires, au profit du secteur privé et au détriment non seulement du secteur public mais aussi de la télévision numérique terrestre (TNT) et de la presse écrite. De fait, la presse s’inquiète. C’est un cadeau en or massif que l’on fait à TF1 et à M6, au détriment des autres acteurs du paysage médiatique, qu’il s’agisse de la télévision ou de la presse écrite.

Pour autant, il convient de saluer le travail d’auditions réalisé par le rapporteur en si peu de temps. Les tenants et les aboutissants du débat sont connus. Nous sommes convaincus que les dangers dont sont porteurs ces projets de loi sont très importants. Car les évolutions qui se dessinent sont nouvelles, comme l’ont confirmé les déclarations du Président de la République lors des États généraux de la presse écrite : le pluralisme, vieille lune, n’aurait plus cours. Désormais, ce sont les « Murdoch » français qu’il convient de favoriser, tel le groupe Bouygues. Pour consolider ces groupes, prétendument « en grandes difficultés », la présente réforme constitue une bouée de sauvetage inespérée. Bref, le jugement ne peut qu’être sévère sur ce projet de loi.

Rappelons que le Gouvernement et la Nation sont confrontés à des difficultés importantes en matière budgétaire, qui concernent l’ensemble des acteurs à financement public, comme le montre par exemple la crise des hôpitaux publics. En l’espèce, le choix est fait d’une procédure d’urgence afin de trouver 800 millions d’euros qui seront à la charge des usagers et des contribuables. Or personne – à part le groupe Bouygues – ne demandait la suppression de la publicité sur les chaînes publiques ! On n’a pas vu de manifestants dans la rue pour demander cette suppression ! Mais on a inventé quelque chose de très compliqué, alors que les véritables besoins sont ailleurs : je rappelle que le déficit des hôpitaux publics s’élève à 750 millions d’euros. Il aurait été plus utile de consacrer les montants en jeu à ce financement.

M. le président Jean-François Copé. Cela signifie-t-il qu’il aurait fallu flécher la taxe Internet sur les hôpitaux !

M. Benoist Apparu. Une remarque liminaire : les demandes venant de la rue ne constituent pas la seule raison de légiférer et c’est heureux.

M. Christian Paul. On voit pourtant que dans certains cas, face à la rue, on préfère reculer.

M. Benoist Apparu. Je voudrais faire trois remarques.

Premièrement, se pose la question du financement et de l’existence ou non d’une étude d’impact, établie à l’occasion des travaux de la Commission Copé ou, plus récemment, sur l’évaluation des sommes présentées comme nécessaires par France Télévisions. Des chiffres divers circulent : 450 millions d’euros, 800 millions d’euros, 1,2 milliard d’euros… Ce matin, il a été rappelé que l’évaluation du chiffre d’affaires publicitaire était basée sur les données de 2007. Or, en comparaison, l’année 2008 a été mauvaise en termes de recettes publicitaires ; l’année 2009 le sera probablement aussi. De quelles données est-il aujourd’hui possible de disposer ?

Deuxièmement, je m’interroge sur la taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire des chaînes, non sur son principe mais sur son rendement, en particulier à partir du moment où les recettes publicitaires de TF1 et de M6 diminuent.

Troisièmement, quelles sont les estimations d’économies potentielles réalisables à France Télévisions, non seulement du fait de la création d’un média global et d’un groupe unique, mais aussi au regard de l’amélioration de la productivité du groupe ?

M. le président Jean-François Copé. Je rappelle que tous les commissaires membres de la Commission spéciale ont été destinataires du rapport établi par la Commission pour la nouvelle télévision publique.

M. Michel Herbillon. Sans rouvrir le débat qui a eu lieu ce matin, il est vrai que M. Mathus connaît trop, et depuis longtemps, les questions ayant trait à la télévision publique et à l’audiovisuel pour dire des projets de loi ce qu’il en dit : c’est un peu caricatural. On retrouve dans son propos – comme dans d’autres – de vieilles lunes qui reviennent en permanence. Il faut arrêter de se faire peur.

M. Christian Paul. Vous voulez parler de la liberté d’expression ?

M. Michel Herbillon. Je le dis très tranquillement, de manière plus calme et moins injurieuse que certains ne l’ont fait ce matin.

Tout d’abord, pour ce qui est des interrogations sur la perte d’indépendance de l’audiovisuel, l’ingérence politique, les dangers que présenteraient les modalités proposées de nomination et de révocation du Président de France Télévisions, je crois qu’il faut aussi considérer les garanties d’indépendance qui sont prévues. Or précisément, concernant cette dernière question, il existe des garanties, sauf à considérer que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et les commissions en charge des affaires culturelles à l’Assemblée nationale et au Sénat ne servent à rien. Car l’intervention de ces instances est bien prévue. Je le dis d’autant plus que ce point ne correspond pas à ce que préconisait la Commission pour la nouvelle télévision publique. Mais vous mettez l’accent sur ce sujet alors que, par ailleurs, 95 % des recommandations de la Commission ont été repris dans les projets de loi.

Les débats préalables à notre discussion d’aujourd’hui ont été très longs : ils ont duré environ une année, quelque 250 auditions ont été effectuées, un millier de contributions écrites ont été recueillies, un site Internet a été mis en place… Bref, ce travail en amont et en profondeur constitue un format inédit pour une réflexion ayant associé des parlementaires de toutes les sensibilités politiques : on est loin de l’examen d’un projet de loi le dos au mur et dans l’urgence. Tout au long de cette phase préalable ont été présents, je le redis, des députés, mais aussi des professionnels de la télévision, des scénaristes,… Voilà ce que l’on peut répondre à ceux qui considèrent que le travail législatif est précipité.

Finalement, vos critiques, vos remarques, ne sont pas nouvelles. Très franchement, c’est le même prétexte qu’a utilisé l’opposition au moment où elle a quitté la Commission pour la nouvelle télévision publique. Cela, alors même que les conclusions des travaux de la Commission ont recueilli un très large consensus et que certaines contributions individuelles ont été annexées au rapport.

Pour ce qui est de la question du financement, c’est exactement l’inverse de ce qui est reproché qui est prévu. On va passer de ressources aléatoires et de moins en moins certaines à des ressources beaucoup plus pérennes et plus dynamiques. Le risque ne porte plus sur 800 millions d’euros de recettes publicitaires comme par le passé, mais sur les 350 millions d’euros de recettes publicitaires prévues l’an prochain. En tout état de cause, l’impact d’une éventuelle baisse de recettes publicitaires sera moins grand que celui qui prévalait précédemment. Dans le même temps, je comprends les inquiétudes qui peuvent se manifester, y compris venant de M. Benoist Apparu.

Au nom du groupe UMP, je souhaite poser une question au rapporteur. Ne conviendrait-il pas d’introduire dans le texte une sorte de clause de rendez-vous, dont la périodicité est à discuter ? Il ne me semble pas opportun de la prévoir seulement à l’été 2011, à l’extinction de la diffusion analogique, car le délai pourrait être un peu long pour apprécier l’état du marché publicitaire, pour mesurer certains effets d’aubaine qui soulèvent des questions légitimes, pour évaluer le rendement des deux taxes ou encore, pour prendre la mesure des économies réalisées grâce aux efforts de productivité, à l’extinction de la diffusion analogique et à la création de l’entreprise unique, du fait aussi de l’augmentation des recettes issues des produits dérivés. Le principe de l’annualité pour ce rendez-vous doit-il être retenu ? Ce point est à discuter.

Une autre question se pose également, celle de l’interprétation de la disposition figurant à l’article 1 du projet de loi selon laquelle « La société nationale de programme dénommée France Télévisions est chargée de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère national et local ainsi que des émissions de radio ultramarines ». On retrouve cette référence au caractère « local » ailleurs dans le projet de loi, mais l’échelon « régional » semble avoir été gommé : cela soulève des interrogations s’agissant de la prise en compte de l’organisation territoriale de France 3.

Enfin, même si ce ne sont pas des dispositions d’ordre législatif, je souhaite rappeler que l’esprit de la réforme, c’est aussi de mettre la création et le soutien aux créateurs au cœur des programmes et du nouveau service public audiovisuel. Notre réflexion doit l’intégrer : la télévision a un public mais elle est aussi le fruit du travail de ces créateurs.

Mme Muriel Marland-Militello. Je suis un peu étonnée des propos de l’opposition. Je rappellerai que mon rapport d’information adopté à l’unanimité en 2005 sur l’éducation et la formation artistiques en milieu scolaire proposait de supprimer la publicité à la télévision.

Il faut avoir une ambition pour la création, mais en matière de télévision on doit se demander de quels contenus on parle. Quand il y a une course à l’audience, le contenu des programmes passe au second plan. Le but de la réforme de l’audiovisuel public est donc de parvenir à une télévision publique de meilleure qualité.

Je remarque qu’une augmentation de quelques centimes de la redevance audiovisuelle ne pèserait pas bien lourd dans le budget des ménages. Ce n’est pas politiquement possible actuellement et je le regrette. Je me souviens d’avoir demandé avec Christian Kert et Dominique Richard, il y a quatre ans, de porter le montant de la redevance de 116,50 euros à 117 euros. Cela avait malheureusement été refusé.

M. Christian Paul. C’est le ministre du budget de l’époque qui n’avait pas voulu !

M. le président Jean-François Copé. Il va vous dire pourquoi dans quelques instants…

Mme Muriel Marland-Militello. Dans le cadre de l’évaluation proposée par Michel Herbillon, un comité d’experts indépendants ne pourrait-il pas établir une évaluation comparative des contenus des télévisions publiques et privées ? Ce serait un bon argument pour prouver l’efficacité de cette réforme.

Par ailleurs, certains services publics, notamment de grandes institutions culturelles, font appel à des sponsors. Ceux-ci ne pourraient-ils pas apporter de tels financements à la télévision publique ? Des coproductions avec des services de télévision étrangers ne pourraient-elles pas être envisagées afin de ne pas limiter à la sphère publique les sources de financement ?

M. Élie Aboud. Je regrette l’absence d’une approche régionaliste. Il faut prêter attention à cet aspect de l’audiovisuel public.

Sur un autre plan, on a toujours dénoncé l’absence de visibilité de l’audiovisuel extérieur de la France. Je note que la holding publique va devenir une société nationale de programmes. Comment le projet de loi encadre-t-il sa gouvernance et le fonctionnement de son conseil d’administration ? Sur le modèle de la société France Télévisions ? Quel sera son degré d’indépendance ?

M. Jean Ueberschlag. Je reviens sur la question de l’avenir de France 3 et des télévisions régionales. Ce matin, Mme Christine Albanel a parlé de la fusion-absorption de France 3 et de France 2 par France Télévisions. J’ai compris de ses propos que France 3 et France 2 disparaîtraient. Qu’en est-il ? Des gens de talent travaillent depuis des années dans les structures régionales. On ne peut pas leur dire que c’est désormais fini et que l’on va faire mieux avec une autre structure. Il y a un travail de pédagogie à faire pour expliquer que France 3 ne va pas disparaître.

Par ailleurs, dans les régions frontalières, en Alsace par exemple, France 3 produit des émissions bilingues dans lesquelles est présentée l’actualité des pays frontaliers, en coproduction notamment avec des chaînes allemandes ou suisses. Il n’est pas possible de faire disparaître cette télévision de proximité au nom d’une politique jacobine décidée depuis Paris.

Je suis administrateur de France 3. Sur trois heures de réunion du conseil d’administration, deux heures sont passées à examiner les résultats d’audience. Il conviendrait plutôt de se polariser sur les nombreux projets des différentes antennes régionales. J’espère que le projet de loi permettra d’éviter cette obnubilation.

Concernant le cahier des charges unique de France Télévisions, le rapport de la commission Copé servira-t-il de cadre pour sa rédaction ?

M. le président Jean-François Copé. Bien sûr.

M. Jean Ueberschlag. Le Parlement sera-t-il amené à se prononcer sur ce cahier des charges ? S’il s’appuie sur le rapport de la commission Copé, je ne pourrai pas cautionner la réduction à sept du nombre de directions régionales de France 3.

M. Christian Kert, rapporteur. Ce n’est pas prévu dans le projet de loi.

M. Jean Ueberschlag. Cela peut être fait par décret au moment de la fixation du cahier des charges. C’est une grosse inquiétude des directions régionales de France 3.

M. Jean-François Mancel. Je suis un béotien en matière audiovisuelle mais j’ai trouvé excellente l’idée du Président de la République de supprimer la publicité sur les antennes de France Télévisions. Cela évitera une course à l’audience entre le service public et les chaînes privées.

Par ailleurs, on parle de garantir financièrement un budget avant d’examiner le contenu des missions et leurs modalités d’exercice. Or il y a quelques économies à réaliser dès à présent dans le fonctionnement de France Télévisions : ainsi, pourquoi acheter à prix d’or des animateurs ? Existe-t-il une réflexion sur le coût du service public de l’audiovisuel tel qu’il est attendu à l’issue du vote de la loi et répondant à des missions fixées par son cahier des charges ? Il y aurait un dévoiement si l’on garantissait un budget à partir de la situation actuelle alors que l’on entre dans un monde nouveau. Il y a peut-être des économies à faire. Les programmes de France Télévisions ne seront en effet plus examinés au regard de l’audimat traditionnel, ce qui ne veut d’ailleurs pas dire qu’ils seront de moins bonne qualité.

Je voulais également dire que nous n’avons aucune leçon à recevoir de l’opposition en matière de pluralité et d’impartialité. France 3 dans les régions ne se prive pas de critiquer la majorité actuelle alors qu’elle était aux ordres du pouvoir quand il était de gauche.

Quant à RFO, faut-il aligner la société sur le droit commun ou alors doit-elle faire l’objet d’un traitement à part en raison des spécificités de l’outre-mer ?

Mme Françoise de Panafieu. Je bondis quand je lis dans l’exposé des motifs du projet de loi et quand j’entends certains intervenants utiliser l’expression « diktats de l’audimat ». Le législateur est là pour offrir un choix, une offre pluraliste. L’audience résulte ensuite des choix des particuliers disposant du bouton-poussoir de Médiamétrie.

Dans l’exposé des motifs encore, le Gouvernement fait une distinction entre la culture, évoquant « le frisson du cinéma et le plaisir de la lecture », et la science. Mais la culture est ce qui vous donne les clés pour comprendre notre époque. Comme la mode ou la cuisine, l’environnement est aujourd’hui une forme de la culture. Il ne faut donc pas opposer ces deux concepts en matière de contenu des programmes.

Concernant la suppression progressive de la publicité avant 20 heures, il faut avoir présent à l’esprit que le Président de la République a lancé cette idée dans un contexte très différent, notamment au plan économique. On vit aujourd’hui une accélération de l’histoire. Plutôt qu’une automaticité de cette suppression en 2011, ne pourrait-on pas prévoir une clause de rendez-vous ?

M. le président Jean-François Copé. À ce stade de nos travaux, je voudrais vous livrer quelques éclairages sur cette réforme, à la lumière des interventions des commissaires.

Comme tout le monde, lorsque le Président de la République a annoncé, le 8 janvier dernier, que la publicité serait supprimée sur la télévision publique, j’ai été assez étonné. Neuf mois après, nous avons un plan de réforme complet. Nous avons en effet énormément travaillé pendant ces neuf mois. Nous avons même fait un travail colossal : nous avons vu tout le monde, auditionné, écouté, entendu. Je me suis passionné pour cette question alors que je n’avais jusque-là qu’un regard de ministre du budget sur la télévision publique. C’est la première raison pour laquelle j’ai souhaité présider la Commission pour la nouvelle télévision publique, pour comprendre comment cela marchait. La deuxième raison, c’est que l’on sortait des difficultés suscitées par la Commission Attali, dont les parlementaires avaient été absents. Je voyais avec terreur se mettre en place un dispositif qui n’associerait pas les parlementaires, de la majorité comme de l’opposition, à la réflexion sur la télévision publique, alors que c’est un des sujets qui les passionnent le plus !

Sans l’annonce de la suppression de la publicité, il n’y aurait pas eu cette réforme de la télévision publique. Comme l’a justement relevé Françoise de Panafieu, à chaque fois que le sujet était abordé, on n’osait pas l’affronter, notamment à droite. On avait peur entre autres des critiques des milieux culturels. Les problèmes restaient sur la table et, en vingt ans, on n’avait touché à rien, alors qu’entre temps étaient intervenues des révolutions technologiques, dont Internet, ou la révolution managériale dans le monde de la télévision française. France Télévisions était devenu un agrégat inconstitué de sociétés qui ne se parlent pas entre elles, sont incapables de constituer des synergies, car elles ne sont pas organisées pour cela. La publicité a été la clé d’entrée. Mais ce n’est qu’une toute petite partie du problème. Le problème de fond va bien au-delà : la télévision française, qu’elle soit publique ou privée, n’a pas les moyens de répondre aux enjeux de demain.

L’un des piliers majeurs de la réforme est la réponse financière qui est apportée par la taxe imposée à deux acteurs qui diffusent jusqu’à présent de l’image sans payer, en gagnant beaucoup d’argent : les fournisseurs d’accès et la téléphonie mobile.

France Télévisions aura plus que les moyens pour fonctionner, car le plan de financement, établi sur d’excellentes hypothèses, qui sont celles de 2007, répond aux inquiétudes de Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. C’est pour cela que je pose la question inverse : ne prévoit-on pas trop ?

M. le président Jean-François Copé. C’est probablement beaucoup plus que ce dont on aurait besoin. Mais faisons-le, pour prouver que la droite, prétendument réactionnaire et conservatrice, assume le fait de donner des moyens à la télévision publique, en contrepartie d’un vrai business plan, d’un vrai projet d’entreprise mais aussi d’une rénovation profonde de la tutelle. L’État ne fait pas son travail de tutelle, lequel ne se situe d’ailleurs pas au niveau des programmes. Notre collègue Didier Mathus affirme que Mme Christine Albanel va faire les émissions : ce n’est pas réaliste ! La vérité est qu’il faut avoir les moyens de mettre en place un plan de développement intelligent avec des synergies.

Le vrai média global doit pouvoir s’appuyer sur l’introduction d’une grille. M. Hervé Chabalier, membre de la Commission pour la nouvelle télévision publique, est allé jusqu’en Finlande pour ramener un modèle, consistant à mettre en abscisse les pôles, en ordonnée les chaînes, et à rechercher les synergies. Aujourd’hui, personne ne se parle, donc on ne peut pas faire pire. L’objectif, c’est de recréer une affectio societatis, une dynamique de télévision publique.

La taxe sur le chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès à Internet portera sur 42 milliards d’euros et aura un taux de 0,9 %. Ce sont donc des recettes assurées car la dynamique financière est bien meilleure que celle qui reposerait sur une augmentation de la redevance, qui est l’impôt qui exaspère le plus les Français. Je ne vais pas aller dans ma circonscription pour expliquer que, comme les Anglais paient 239 euros de redevance, on pourrait augmenter en France la redevance pour financer des chaînes publiques que l’on ne distingue plus de TF1 ! J’ai été seul contre trente-trois dans la Commission pour la nouvelle télévision publique à m’opposer à un financement par la redevance et je ne le regrette pas ! Il est déjà difficile d’expliquer que celui qui perçoit le RMI ne paie pas la redevance alors que celui qui touche le SMIC la paye. L’affaire financière est réglée avec la taxe sur les fournisseurs d’accès, qui ne sera pas répercutée sur les consommateurs car la concurrence entre fournisseurs est trop importante.

L’idée développée par la commission que je présidais était clairement de garantir la compensation à l’euro près de la perte des recettes de publicité, mais également de trouver les moyens de financer le développement du groupe France Télévisions. Sur 800 millions d’euros de chiffre d’affaires publicitaire de France Télévisions, 150 sont préservés par le maintien de la publicité sur les stations régionales de France 3 et RFO. La publicité jusqu’à 20 heures doit rapporter 200 millions d’euros. Restent 450 millions d’euros qui sont financés par la taxe sur les fournisseurs d’accès et la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision. Le plan est bouclé comme cela. Et les gains de productivité, l’indexation de la redevance sur l’inflation, l’extinction de l’analogique doivent permettre de financer le développement.

Reste qu’il faut mettre le paquet sur le financement de la création. Les moyens seront là pour le faire.

L’opposition entre télévisions privées et télévision publique, que certains essaient de ressusciter, est dépassée. L’objectif, c’est que les deux marchent bien. C’est pourquoi il faut autoriser une deuxième coupure pour permettre à la télévision privée de récupérer la publicité qui disparaît sur France Télévisions, même si une partie de la publicité partira sur les nouvelles chaînes de la TNT. Tant mieux car cela financera le développement de demain pour l’ensemble des chaînes.

Bref, le dispositif financier est bouclé. Alors ne faisons pas un drame de la nomination du président de France Télévisions. Ce n’est pas avec ça qu’on contrôle le contenu des journaux télévisés ! Nous ne sommes plus au temps du général de Gaulle, du prompteur sous contrôle et du coup de fil à Léon Zitrone après le journal télévisé ! Aujourd’hui, c’est plutôt le soulagement quand le Gouvernement n’a pas été trop critiqué ! Il y a toujours un rapport au pouvoir difficile pour les journalistes de la télévision publique. Je crois que les journalistes font leur travail de journalistes. Et d’ailleurs, les journaux de 20 heures de France 2 sont excellents. Ils ont ainsi clairement expliqué la crise à nos concitoyens inquiets.

Les dirigeants de France Télévisions ont entre les mains un formidable outil de développement. Maintenant, c’est à eux de relever le défi.

M. Benoist Apparu. J’aimerais revenir sur un détail : vous avez parlé d’une taxe sur les excédents et non sur le chiffre d’affaires publicitaire. Pourriez-vous préciser ?

M. le président Jean-François Copé. Vous avez raison, il s’agit bien d’une taxe sur la publicité diffusée par les éditeurs fixée à 3 % du chiffre d’affaires publicitaire. Toujours est-il que, dans la mesure où les chaînes privées récupéreront une partie des ressources publicitaires, il est normal qu’elles soient taxées.

M. Didier Mathus. J’aimerais poser deux questions au rapporteur.

La première porte sur la distinction entre le local et le régional. Le choix d’un terme ou de l’autre n’est pas anodin. Dans la première version du texte, figurait le terme « régional ». Cette substitution a une signification qui doit être clarifiée par le rapporteur.

La seconde concerne la gouvernance de France Télévisions : si j’étais taquin, je dirais que la droite n’a pas toujours été favorable à une réforme d’ampleur de la télévision publique. Je pense par exemple au regroupement du secteur public de la télévision au sein de la holding France Télévisions issu de la loi du 1er août 2000. Je ne rejette pas sur le fonds l’idée d’une réforme du service public de l’audiovisuel. Je note seulement que l’identité éditoriale des chaînes qui était auparavant dans la loi n’y est plus. Cette identité relèvera uniquement du cahier des charges. Il est donc capital que celui-ci nous soit communiqué dans les meilleurs délais. Des versions apocryphes circulent ; nous avons besoin de la version officielle.

M. le président Jean-François Copé. Elle nous sera transmise avant la fin de la semaine, comme Mme Albanel s’y est engagée ce matin.

M. le rapporteur. Pour répondre à Benoist Apparu, les études réalisées au cours des travaux de la commission présidée par Jean-François Copé ont montré que les économies d’échelle attendues par les efforts de synergie pouvaient être estimées à 180, voire 200 millions d’euros. Je vous invite à venir assister demain à l’audition de M. de Carolis, qui pourra vous donner des informations plus précises sur ce sujet maintes fois abordé en conseil d’administration.

Pour répondre à Michel Herbillon et à Didier Mathus, je me propose de déposer un amendement afin de réintégrer le terme « régional » dans le projet de loi. J’estime qu’il est bon de revenir à la rédaction initiale.

Pour répondre à Muriel Marland-Militello, je ne reviendrai pas sur la question de la redevance, mais ferai simplement remarquer que l’indexation de la redevance sur l’inflation prévue par le projet de loi équivaut à une augmentation de son montant d’environ deux euros, ce qui répond à notre demande antérieure. Sur la question des sponsors, il me semble que ce à quoi vous faites référence est prévu par le projet de loi : il s’agit du parrainage, autorisé sur un certain nombre de programmes.

À Elie Aboud, je répondrai qu’il est en train de se produire ce dont nous rêvions depuis des années pour l’audiovisuel extérieur : la coordination et l’unité, sous l’égide d’Alain de Pouzilhac et de Christine Ockrent, entre RFI, TV5 Monde et France 24.

M. Michel Herbillon. De nombreux rapports ont été écrits sur le sujet !

M. le rapporteur. Cette réforme ne sera pas facile car chaque chaîne a sa culture et ses habitudes mais l’objectif est de constituer un pôle commun pour porter la voix de la France à l’extérieur et améliorer la programmation et la diffusion de chacune d’entre elles.

Pour répondre à Jean Ueberschlag, il n’est évidemment pas question de fusionner France 2 et France 3. Le futur cahier des charges déclinera l’identité de chaque chaîne. Néanmoins, j’envisage la possibilité de réintroduire la mention de ces chaînes dans le projet de loi. J’ajoute que, lors des travaux menés par la Commission présidée par Jean-François Copé, nous avions évoqué l’évolution des missions de France 3 et envisagé la possibilité de définir France 3 comme un ensemble de chaînes régionales avec des décrochages nationaux mais une vision plus orthodoxe l’a emporté.

M. le président Jean-François Copé. Ou plus conservatrice !

M. le rapporteur. Il convient malgré tout de travailler à une réorganisation de France 3 qui apporte plus de proximité.

J’attire l’attention de Jean-François Mancel sur le fait que le droit commun pour le régime publicitaire de RFO, c’est celui des décrochages régionaux de France 3, et donc le maintien de la publicité. Normalement, RFO doit donc conserver la possibilité de diffuser de la publicité. Je sais qu’un certain nombre de demandes ont été formulées dans le sens contraire, qui créeraient une exception pour RFO, mais je veux rappeler que ce sont des dizaines et des dizaines d’emplois qui seraient touchés.

Enfin, je voudrais insister sur les trois ou quatre chantiers qui nous attendent. Tout d’abord, entre le moment de la déclaration du Président de la République et aujourd’hui, nous avons assisté à un retournement du marché publicitaire. Par conséquent, il faudra peut-être réfléchir à différents cliquets et à une modulation de la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes privées. À ce titre, on pourrait notamment prévoir un système de seuil plus ambitieux. Le seuil à partir duquel la taxe est actuellement applicable dans le projet de loi, soit 11 millions d’euros, est pénalisant pour les nouvelles chaînes de la TNT, dont certaines atteindront bientôt 10 millions d’euros de chiffre d’affaires. Il conviendrait de ne pas pénaliser ces jeunes chaînes en raison de leur succès.

Ensuite, la question du « guichet unique » est un véritable sujet d’inquiétude pour les créateurs et les producteurs. Il faudra donc veiller au maintien du pluralisme dans la production et la commande de programmes.

Enfin, sur le problème de l’indépendance, j’envisage d’affiner la rédaction de l’article relatif à la composition des conseils d’administration et de prévoir la présence de personnalités indépendantes nommées en raison de leurs compétences et ne pouvant être ni client, ni fournisseur de France Télévisions.

M. le président Jean-François Copé. C’est un vrai problème.

M. le rapporteur. J’aimerais évoquer le problème de la taxation de la publicité sur Internet, sujet certes un peu périphérique. Alors même que les annonceurs s’orientent en masse vers ce nouveau support, qui connaît une forte progression de son chiffre d’affaires publicitaire, j’estime qu’il faudra bientôt envisager de taxer ces recettes publicitaires.

L’idée de Michel Herbillon et de Françoise de Panafieu est excellente, c’est pourquoi je propose qu’une clause de rendez-vous soit intégrée au texte du projet de loi.

M. Patrick Bloche. J’aimerais revenir sur la garantie du financement de France Télévisions. Dans un contexte de récession économique, de retournement du marché publicitaire et de concurrence des nouvelles chaînes de la TNT et d’Internet qui pourraient faire baisser les audiences, je doute de la capacité de la nouvelle taxe sur la publicité à financer le manque à gagner pour France Télévisions. J’ai interpellé ce matin le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique sur le sujet mais je ne suis pas satisfait de sa réponse. Notre responsabilité est d’assurer la pérennité du financement du service public de l’audiovisuel dans les deux ans qui viennent. Certes, on évoque les économies liées aux synergies, à l’extinction de l’analogique ou enfin celles liées à d’hypothétiques départs volontaires, qui peuvent avoir leur justification, mais leurs effets ne se feront pas sentir avant deux ans. M. Woerth annonce qu’il va pérenniser à hauteur de 450 millions d’euros des recettes qui étaient auparavant aléatoires car liées au marché publicitaire. J’estime que pour sécuriser véritablement le financement de France Télévisions, il est nécessaire que l’État actionnaire en garantisse le paiement sur une période de deux ans. Je pense ici à ceux qui s’inscrivent dans la chaîne de création et qui dépendent directement du soutien des chaînes publiques, qui ont la crainte que « le compte n’y soit pas ».

M. Jean Ueberschlag. Le problème du cahier des charges de France Télévisions demeure. Qui le rédige ? En aurons-nous connaissance avant le vote du projet de loi ? Pourrons-nous l’améliorer ? Je voudrais obtenir des assurances : ça aussi, cher président, c’est de la coproduction !

M. Guénhaël Huet. Découvrant le détail du projet de loi, j’ai l’impression que le texte est équilibré et nous permettra d’expliquer clairement à nos concitoyens qu’à une télévision publique correspond un financement public et à une télévision privée un financement privé. Pour autant, je m’interroge : pourquoi la commission que vous présidiez avait-elle fixé son choix sur sept stations régionales de France 3 ?

M. le président Jean-François Copé. L’idée de départ de la commission était de renforcer le maillage local en concentrant les moyens de France 3 sur des stations régionales, non pas dispersées, mais regroupées. En renforçant l’unité de commandement, les équipes locales sont plus mobiles. Nous avons auditionné le président de France Télévisions, réticent à cette proposition, avant de remettre le rapport de la commission. C’était une faiblesse que nous avons eue : je l’assume totalement. Cela relève désormais de la responsabilité de l’entreprise.

Mme Françoise de Panafieu. La composition des conseils d’administration des sociétés nationales de programme doit effectivement comporter des personnalités indépendantes au-dessus de tous soupçons. Néanmoins, la télévision étant un domaine particulièrement technique, il faut aussi avoir des professionnels dans les conseils d’administration. Ces professionnels ne sont pas tous soupçonnables. Tout est une question d’équilibre. Cela pose également la question de la présence des parlementaires dans ces instances, alors que ces mêmes parlementaires légifèrent et évaluent par ailleurs.

M. le président Jean-François Copé. À partir du moment où le Parlement a un droit de veto sur les nominations, débat et vote le budget des médias tous les ans, il est déjà impliqué. Par ailleurs, nous allons développer, avec l’opposition d’ailleurs, les moyens de contrôle et d’évaluation, sujet que je suis comme le lait sur le feu, avec un comité d’évaluation et de contrôle. Ainsi, dans le domaine de l’audiovisuel, nous allons nous intéresser de très près à la tutelle, et j’ai des idées très précises sur la manière dont la tutelle doit se réorganiser dans sa relation avec France Télévisions, notamment pour contrôler la mise en œuvre des engagements du contrat d’objectifs et de moyens (COM). La question n’est donc pas de savoir si l’on met Thierry la Fronde à 21 h 30. La vraie question est que la tutelle fasse son travail de tutelle en disant : « Nous avons ensemble un contrat d’objectifs et de moyens. Vous avez pris des engagements pour financer la création, pour moderniser, pour prendre rendez-vous avec l’ère du numérique. Où en êtes-vous ? Quels sont vos gains de productivité, vos investissements ? » C’est ça ce que l’on attend de la tutelle et non pas d’un côté le ministère du budget qui dit  « Vous avez dépensé trop de crayons » et de l’autre le ministère de la culture qui défend à tous crins tout ce qui se fait à France Télévisions de peur que la soirée des Césars ne soit gâchée ! Tout ça n’a plus cours aujourd’hui. Nous sommes en 2008 !

Je ferai observer à Patrice Martin-Lalande que le financement proposé par le projet de loi est pérenne pour France Télévisions ; les garanties sont même renforcées puisqu’il n’y avait auparavant aucune garantie sur les rentrées publicitaires, notamment si le marché était moins bon que prévu. Comme l’a dit Éric Woerth, l’entreprise fait plutôt une meilleure affaire avec ce projet de loi.

M. Patrick Bloche. Je crains que France Télévisions ne soit pas, financièrement, en capacité de tenir ses ambitions.

M. le président Jean-François Copé. Elle le sera toujours plus avec le projet de loi que si on ne supprime pas la publicité !

M. le rapporteur. S’agissant du cahier des charges, Mme Christine Albanel s’est clairement engagée à nous le transmettre avant la fin de la semaine et à réfléchir sur la méthode permettant d’associer les parlementaires à la définition de son contenu. Sinon, je déposerai un amendement pour que nous soyons intégrés à la réflexion sur le cahier des charges.

M. Patrice Martin-Lalande. En ce qui concerne la redevance, il était inutile, il y a quatre ans, de l’augmenter dans la mesure où l’État ne remboursait pas totalement aux sociétés de l’audiovisuel public le montant des exonérations sociales qu’il accordait. Par contre, l’indexation sur l’inflation se justifiait déjà.

S’agissant de la composition des conseils d’administration, les parlementaires n’ont pas à être juges et parties et devraient être extérieurs à la gestion de l’entreprise, au risque d’être suspectés de sympathie ou d’aveuglement. Il faut les sortir du conseil d’administration de France Télévisions, comme de celui de la société Audiovisuel Extérieur de la France. Je déposerai éventuellement un amendement en ce sens.

En ce qui concerne la clause de revoyure et la garantie de ressources, le dispositif proposé par le Gouvernement est solide, tant sur le plan financier que parce que la loi du 30 septembre 1986 prévoit que les commissions des affaires culturelles et des finances de l’Assemblée nationale entendent chaque année le président de France Télévisions sur l’exécution du COM. Nous avons donc, chaque année, les moyens de faire notre travail. De plus, le Gouvernement présente désormais des engagements financiers pluriannuels qui donnent, avec le COM, suffisamment de visibilité. Tous les outils pour assurer la garantie des recettes de France Télévisions sont donc là. Mon sentiment est que l’on fait un double cadeau à l’audiovisuel public en substituant des recettes sûres, qui le libèrent en termes de programmation, à des recettes aléatoires, qui le liaient lourdement dans sa programmation : je m’en réjouis, car il le mérite !

M. le président Jean-François Copé. Je rappelle que le délai limite de dépôts des amendements est fixé au lundi 10 novembre dix-sept heures, mais il serait souhaitable, pour que le rapporteur puisse travailler de manière sereine, que les amendements puissent être déposés au plus tard le vendredi 7 novembre.

III.- EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI

La Commission spéciale examine les articles du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (n° 1209) au cours de ses séances du mercredi 12 novembre 2008, mardi 18 novembre 2008, mercredi 19 novembre 2008.

TITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES AU SECTEUR PUBLIC DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Chapitre Ier

Des sociétés nationales de programme

Ce chapitre vise à réformer l’organisation de l’ensemble des sociétés nationales de programme, France Télévisions, Radio France et la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. S’agissant de France Télévisions, il reprend la plupart des préconisations de la Commission pour la nouvelle télévision publique en prévoyant la transformation du groupe en une entreprise unique, afin de favoriser les gains de productivité et la mutualisation d’un certain nombre de métiers. Cette réforme devra favoriser l’émergence d’un média global, en phase avec les évolutions technologiques.

Article additionnel avant l’article 1er

Rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel au Parlement sur les actions des éditeurs en faveur de la diversité

La Commission examine un amendement de M. Jean-François Copé prévoyant que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) rend compte chaque année au Parlement des actions des éditeurs de services de télévision en matière de programmation reflétant la diversité de la société française et propose les mesures adaptées pour en améliorer l’effectivité.

M. Michel Herbillon. J’ai souhaité cosigner cet amendement. Pour améliorer la prise en compte de la diversité dans les programmes, nous souhaitons en effet renforcer la mission de contrôle du CSA. Plutôt que de fixer des quotas, nous proposons que le CSA remette chaque année au Parlement un rapport spécifique, afin que celui-ci puisse prendre, le cas échéant, toutes les mesures législatives nécessaires pour développer la présence des minorités visibles sur les écrans de l’audiovisuel public, et ainsi éviter les « écrans pâles ».

M. Christian Kert, rapporteur. Frédéric Lefebvre propose avant l’article 15 un amendement qui va dans le même sens, mais qui risque de rencontrer des difficultés d’ordre constitutionnel. Il se rallie donc au présent amendement qu’il a cosigné et acceptera que son propre amendement soit sous-amendé en séance publique.

M. Noël Mamère. On aurait peut-être pu, lors de la discussion de la révision constitutionnelle, adopter un amendement du même type pour prévoir que notre assemblée soit plus conforme à la diversité française, et pas seulement blanche, mâle, avec une moyenne d’âge d’une cinquantaine d’années…

La garantie de la diversité fait normalement partie des attributions du CSA. Ce n’est pas par des amendements pétris de bonnes intentions que nous modifierons la culture de notre société, ou celles du monde politique ou du monde journalistique, peu ouverts à la diversité.

Mme Aurélie Filippetti. Les dispositions proposées seront-elles applicables avant ou après la mise en œuvre du plan social proposé par M. Frédéric Lefebvre pour France Télévisions ?

Mme Françoise de Panafieu. Le CSA ne dispose pas actuellement des instruments nécessaires pour veiller à la diversité. Pour autant, à deux reprises, le législateur a réaffirmé cette mission du CSA. L’objectif de cette loi, c’est, je crois, de lui donner les instruments pour la remplir.

M. Jean Dionis du Séjour. Cet amendement, pétri de bonnes intentions, ne me paraît pas très efficace. Si l’État veut faire pression sur les sociétés de l’audiovisuel public, il dispose d’autres outils, comme le contrat d’objectifs et de moyens.

M. Marcel Rogemont. La disposition proposée par l’amendement ne relève pas de la loi. Et je ne pense pas qu’un rapport de plus change grand-chose, étant donné que la capacité d’action du Parlement sur la politique des programmes de France Télévisions est assez réduite.

M. le président Jean-François Copé. Pour ma part, je persiste et signe. Je suis étonné des réserves exprimées. Cet amendement ne réglera évidemment pas tous les problèmes de la diversité. Mais que nous, parlementaires, ouvrions une brèche pour que la télévision publique française rende des comptes sur la politique qu’elle conduit en matière de diversité, soit dans sa programmation, soit dans ses recrutements – c’est l’objet d’un autre amendement – , c’est aller dans le sens de ce que nous pouvons tous souhaiter.

La diversité est un problème majeur qu’il faut bien prendre par les différents pans de la vie sociale. Ne pas utiliser le vecteur de la télévision publique me paraît répréhensible par rapport à l’approche politique qui est la nôtre. Cet amendement propose une avancée qui a une signification politique forte, et c’est pour cette raison que je l’ai signé.

M. le rapporteur. Certains de nos collègues ont pu penser que l’action proposée était déjà conduite, le CSA effectuant des constats en matière de diversité. En fait, l’amendement permettra au CSA de gravir un échelon en la matière puisqu’il pourra aller au-delà du simple constat : le CSA aura désormais la possibilité de faire des propositions d’amélioration.

M. Didier Mathus. Cet amendement relève de la législation déclarative, que le Conseil constitutionnel reproche au Parlement, et du « politiquement correct ». De plus, sa base législative me paraît extrêmement vague. Qu’est-ce que la diversité de la société française ? Faut-il prévoir des quotas d’ouvriers dans le journal télévisé du soir ?

Je suis d’accord avec l’idée qui sous-tend cet amendement, mais la mesure proposée relève du contrat d’objectifs et de moyens et non de la loi.

M. le rapporteur. Les termes employés dans l’amendement sont ceux utilisés dans divers articles de la loi de 1986.

M. Michel Herbillon. Je suis surpris d’une telle réaction car nous sommes d’accord sur l’objectif. L’amendement n’est pas purement déclaratif puisque le CSA devra proposer des mesures. En outre, comment peut-on à la fois nous reprocher d’amoindrir le rôle du CSA et refuser de l’accroître ?

M. Patrick Bloche. Cet amendement ressemble à un exposé des motifs. Je conviens qu’il puisse y avoir une base normative pour préciser la nature de la diversité, mais je m’étonne que cette mission soit confiée au CSA. Pourquoi l’actionnaire ne fixe-t-il pas directement des objectifs à France Télévisions dans le contrat d’objectifs et de moyens ?

La Commission adopte l’amendement.

Avant l’article 1er

La Commission est saisie d’un amendement de M. Didier Mathus tendant à modifier le mode de désignation des membres du CSA, pour que sa composition soit conforme à la diversité politique de la société française.

M. Didier Mathus. La France est le seul pays démocratique dont l’instance de régulation de l’audiovisuel soit homogène politiquement. L’amendement vise donc à assurer le pluralisme au sein du CSA. Il est pour le moins paradoxal que le Président de la République dénonce l’hypocrisie de la désignation du président de France Télévisons par un organe politiquement soumis pour justifier de le nommer directement !

M. le président Jean-François Copé. Vous proposez donc de modifier la loi créant le CSA dont vous êtes à l’origine !

M. Didier Mathus. On a bien vu qu’elle ne marchait pas bien.

M. le rapporteur. Le texte réorganise la télévision publique et non le CSA. En outre, cet amendement et le suivant laissent planer un doute sur l’impartialité du CSA, qui a pourtant apporté la preuve de son indépendance et de sa compétence. Indépendamment de qui les nomme, les membres du CSA viennent de tous les horizons. C’est pour cette raison que j’émets un avis défavorable.

M. Patrick Bloche. Notre rapporteur a-t-il oublié qu’il vient de faire adopter un amendement qui confie de nouvelles missions au CSA ? Le présent amendement rend au CSA une crédibilité qu’il a perdue et qui est d’autant plus nécessaire que de nouvelles missions lui sont confiées.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie d’un amendement de M. Didier Mathus, qui tend à modifier le calcul des temps de parole à la télévision en redéfinissant la « règle des trois tiers ».

M. Didier Mathus. Nous contestons le mode de décompte actuel, qui n’a d’ailleurs pas de base législative et qui, depuis une circulaire de 1969, divise les temps de parole en trois tiers – un pour le Gouvernement, un pour la majorité, un pour l’opposition – en laissant de côté les interventions du Président de la République. Avant Nicolas Sarkozy, les présidents de la République s’exprimaient peu, restant dans leur rôle de père de la Nation. Mais avec Nicolas Sarkozy, les choses ont changé : il est présent sur les écrans de télévision le matin, le midi, le soir… Comme il revendique un rôle politique, nous proposons d’inclure son temps de parole dans celui de l’exécutif, ce qui éviterait que l’opposition ne soit de facto laminée sur les écrans de télévision.

M. Noël Mamère. Non seulement le Président de la République occupe l’écran du matin au soir, mais ses collaborateurs aussi, comme le secrétaire général de la Présidence de la République. Par ailleurs, la majorité se limite-t-elle à l’UMP ? Et qu’en est-il de la définition de l’opposition ? Nous devons sortir d’une logique archaïque qui ne sert que ceux qui détiennent le pouvoir et permet au Président de la République et à ses porte-flingues (Protestations sur les bancs du groupe UMP) – ses janissaires si vous préférez – d’exploiter n’importe quel événement – par exemple, la peur du terrorisme – pour intervenir à la télévision.

M. Patrick Bloche. J’ai dénoncé dans mon rapport sur une proposition de loi du groupe socialiste, relative au respect du pluralisme dans les médias audiovisuels et prenant en compte le temps de parole du Président de la République, les déséquilibres insensés entre les temps de parole, qui se sont accentués depuis l’élection de Nicolas Sarkozy. Notre amendement est raisonnable puisqu’il laisse les deux tiers du temps de parole total à la majorité et au Gouvernement. Il s’agit d’une règle élémentaire de pluralisme et il est invraisemblable que la majorité ne s’en contente pas.

Mme Aurélie Filippetti. Aujourd’hui, le Président de la République est partout, sauf dans les statistiques du CSA. En outre, l’hyperprésidentialisation du régime conduit les collaborateurs du Président, qui ne sont pas forcément membres du Gouvernement, à s’exprimer de plus en plus souvent dans les médias sans que leurs interventions soient prises en compte. Cela va à l’encontre du pluralisme démocratique, et pas seulement en période électorale. Il s’agit d’une véritable anomalie démocratique, que la circulaire de 1969 entendait corriger. Et dire que vous déclariez vouloir respecter la diversité ! Nos collègues verts et communistes ont de quoi s’inquiéter !

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Article additionnel avant l’article 1er

Rapport de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité sur l’égal accès à l’emploi dans l’audiovisuel public

La Commission examine un amendement du rapporteur, prévoyant que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) remet un rapport au Parlement sur la politique menée par l’audiovisuel public pour lutter contre les discriminations et mieux refléter la diversité de la société française.

M. le rapporteur. Cet amendement permettra à France Télévisions de prendre les dispositions qui s’imposent si des dysfonctionnements étaient relevés par la HALDE.

M. Frédéric Lefebvre. En matière de lutte contre les discriminations, nous n’en sommes qu’au début et il reste encore du chemin à parcourir. Mais France Télévisions ne devrait-elle pas elle-même rendre un rapport sur sa politique destinée à favoriser la diversité ?

Mme Sandrine Mazetier. Le rejet de notre amendement sur le décompte du temps de parole crée de fait une discrimination, que la HALDE devrait relever, entre les collaborateurs du Président de la République et les membres du Gouvernement.

M. Jean Ueberschlag. L’expression « écrans pâles », qui revient sans cesse – encore dans l’exposé des motifs de cet amendement –, finit par devenir injurieuse, voire raciste.

M. le président Jean-François Copé. Il est vrai que cette expression est à bannir.

La Commission adopte l’amendement.

Article 1er

Création de la société nationale de programme France Télévisions

Cet article propose une nouvelle rédaction du I de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986 relatif à l’organisation de France Télévisions et modifie le V de ce même article afin de créer une unique société nationale de programme dénommée France Télévisions.

1. L’état actuel du droit : le I de l’article 44 définit à la fois les missions de la holding France Télévisions et des sociétés nationales de programme France 2, France 3, France 5 et RFO

Le rapporteur ne reviendra pas sur les nombreux formats juridiques et sur les évolutions de périmètre qu’a connu le secteur public de l’audiovisuel au cours des trente dernières années, ce sujet faisant l’objet de développements fournis dans la partie générale du rapport.

a) France Télévisions : une société holding aux missions nombreuses, chapeautant une multitude de sociétés filiales

En l’état actuel du droit, le I de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que France Télévisions est une société. Il s’agit en fait d’une société « holding », c’est-à-dire une société détenant des participations majoritaires dans d’autres sociétés qu’elle contrôle, coordonne et dirige. Une société « holding » n’a pas de statut juridique particulier en droit commercial. Du point de vue juridique, selon les termes de l’article 47 de la loi du 30 septembre 1986, France Télévisions est donc une société anonyme dont l’intégralité du capital est détenue par l’État. L’article 3 des statuts de France Télévisions, tel qu’issu des réflexions engagées suite à l’adoption de la loi du 1er août 2000 modifiant la loi du 30 septembre 1986, précise ces dispositions et prévoit que la holding France Télévisions a pour objet de définir les orientations stratégiques, coordonner et promouvoir les politiques de programmes et l’offre de services, conduire les actions de développement et gérer les affaires communes de ses filiales. Elle doit également mettre en œuvre les nouvelles techniques de diffusion et de production dans la définition et la conduite des actions de développement du groupe France Télévisions. Cela recouvre à la fois les programmes d’étude et de développement, les prises de participation dans des projets ou des entités dont l’objet est la mise au point, le développement ou l’exploitation de techniques nouvelles de diffusion ou de production, et enfin le dépôt, la gestion et l’exploitation de brevets, licences ou marques directement ou par le biais de filiales. Enfin, elle doit gérer les affaires communes de toutes les sociétés et filiales du groupe. Pour ce faire, elle doit conclure avec ces sociétés et filiales une convention de gestion qui définit les conditions de cette gestion.

La holding doit également conclure des accords pluriannuels de coopération avec la société Radio France. Il existe par exemple une politique de partenariats actifs avec les formations musicales de Radio France. Enfin, c’est à France Télévisions de conclure des accords avec les sociétés civiles d’auteurs et de producteurs afin que les établissements scolaires soient autorisés à utiliser à des fins pédagogiques les programmes diffusés sur ses antennes.














































































































































































































































































































































































































b) Les sociétés filiales de France Télévisions peuvent être réparties en deux catégories

 Des filiales exerçant des missions de service public

France Télévisions détient l’intégralité du capital des sociétés nationales de programme visées au I de l’article 44, c’est-à-dire France 2, France 3, France 5 et RFO, ainsi que l’intégralité du capital de ses filiales cinéma – France 2 Cinéma et France 3 Cinéma. Elle détiendra bientôt l’intégralité du capital de France 4, créée par application du dernier alinéa du I de l’article 44, même si, pour ces deux dernières catégories de filiales, la loi n’oblige pas à une détention intégrale de capital. Ainsi, France 4, créée à l’occasion du lancement de la télévision numérique terrestre (TNT) par le dernier alinéa du I de l’article 44, est une filiale ad hoc, dont les modalités de gouvernance ne sont pas définies par la loi, contrairement aux autres chaînes, alors qu’elle répond au même régime juridique qu’elles. Cette disposition spécifique pour France 4, chaîne uniquement numérique, a été introduite en 2000, bien avant que le nom et l’identité de la chaîne n’aient été définis. Il n’était alors pas possible au législateur de définir quels seraient le nombre, et a fortiori les missions, des nouvelles chaînes de service public. Il avait d’ailleurs été un temps envisagé de lancer trois nouvelles chaînes publiques sur la TNT. Au final, lors du lancement de la TNT en 2005, il n’y eut que France 4.

La notion de « société nationale de programme » a été introduite par la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relative à la radiodiffusion et à la télévision qui supprimait l’Office de Radiodiffusion-Télévision française (ORTF). Il s’agissait à cette date de désigner les sociétés à qui l’on confiait le monopole de la télévision et la radiodiffusion. Depuis 1982, ce terme désigne les sociétés anonymes dont le capital est entièrement détenu par l’État qui sont chargées de la conception et de la programmation des émissions de radio ou de télévision et qui sont soumises à des obligations de service public définies dans un cahier des charges approuvé par décret.

La particularité des sociétés nationales de programme et de leurs filiales qui répondent à des missions de service public tient donc au croisement de plusieurs critères :

− l’existence de missions de service public définies par la loi et précisées par cahier des charges ;

− le mode de financement par la redevance à titre principal ;

− le mode d’attribution prioritaire des fréquences radioélectriques ;

− les conditions d’exercice du droit grève, précisées au II de l’article 57 de la loi du 30 septembre 1986 ;

− le cas échéant, une gouvernance fixée par la loi et dérogatoire aux dispositions du droit commun et à celles prévues par la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public (DSP).

 Des filiales commerciales, dites « de diversification »

Elles ne répondent pas à des missions de service public et ne bénéficient donc pas du régime dérogatoire des filiales présentées ci-dessus, et notamment d’un financement par la redevance. C’est notamment le cas de Gulli, France Télévisions Interactive ou France Télévisions Distribution (25).

c) Une définition précise des missions de chaque société nationale de programme

Le I de l’article 44 précise les missions de chacune de ces sociétés nationales de programme. Il s’agit :

– Pour France 2, de « concevoir et de programmer des émissions de télévision destinées à être diffusées sur l’ensemble du territoire métropolitain », tout en proposant « une programmation généraliste, de référence et diversifiée à l’intention du public le plus large, [qui] favorise la création de productions télévisuelles originales et assure une information nationale et internationale » ;

– Pour France 3, de « concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local, destinées à être diffusées sur tout ou partie du territoire métropolitain », tout en proposant « une programmation généraliste et diversifiée. Elle assure en particulier une information de proximité et rend compte des événements régionaux et locaux » ;

– Pour France 5, de « concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère éducatif et favorisant l’accès au savoir, à la connaissance, à la formation et à l’emploi, destinées à être diffusées sur l’ensemble du territoire métropolitain », tout en contribuant « à l’éducation à l’image et aux médias ».

France 5 doit favoriser « la diffusion de programmes éducatifs et de formation sur des supports diversifiés ainsi que leur utilisation par d’autres services de communication audiovisuelle et par les organismes d’enseignement et de formation ».

– Pour le Réseau France outre-mer (RFO), de « concevoir et de programmer des émissions de télévision et de radio destinées à être diffusées dans les collectivités françaises d’outre-mer », tout en assurant « la promotion de la langue française ainsi que celle des langues et cultures régionales ». Les émissions des autres sociétés nationales de programme sont mises à sa disposition à titre gratuit. Les programmes qu’elle produit sont mis gratuitement à la disposition de la société France Télévisions ainsi que de la société Radio France qui assurent la promotion et le rayonnement des cultures de la France d’outre-mer en métropole.

L’une des missions de RFO consiste à assurer « la continuité territoriale des autres sociétés nationales de programme », selon les termes du huitième alinéa du I de l’article 44. L’article 4 de son cahier des charges actuel précise le sens de cette obligation :

− les services de radio édités par RFO en outre-mer doivent être plus particulièrement consacrés à la continuité territoriale des émissions des sociétés nationales de programme Radio France et Radio France Internationale ;

− l’un des services de télévision édité par RFO en outre-mer et dénommé « Tempo » doit être principalement constitué de la reprise de programmes des autres chaînes du secteur public audiovisuel.

Par ailleurs, c’est l’article 53 de l’actuel cahier des charges de RFO qui organise les relations de la société avec les autres éditeurs de services de télévision. Des dispositions figurent en miroir aux articles 47 et 48 du cahier des charges de France 2 et aux articles 49 et 50 de celui de France 3.

d) La possibilité de créer des chaînes de télévision numériques

Selon les termes du dernier alinéa du I de l’article 44, « la société France Télévisions peut créer des filiales ayant pour objet d’éditer des services de télévision numériques gratuits et répondant à des missions de service public définies à l’article 43-11 et par leurs cahiers des charges. Le capital de ces sociétés est détenu directement ou indirectement par des personnes publiques ». Cet alinéa désigne dans les faits aujourd’hui une seule filiale de France Télévisions, France 4, et date de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000, alors que l’on ne connaissait ni l’identité ni le nombre de chaînes de service public qui seraient créées sur la TNT.

e) Des salariés régis par des dispositions très variées et peu homogènes

France 2, France 3 et RFO appliquent deux conventions collectives :

– la convention collective de la communication et de la production audiovisuelle (CCCPA), dite  « convention collective de l’audiovisuel public » (CCAP), qui date de 1984 et s’applique à l’ensemble des employeurs adhérents de l’association des employeurs du service public de l’audiovisuel (AESPA) ;

– la convention collective nationale des journalistes (CCNJ) et l’avenant audiovisuel. La CCNJ est une convention étendue qui s’applique aux sociétés qui emploient des journalistes, l’avenant audiovisuel ne s’appliquant qu’aux employeurs adhérents de l’AESPA ;

France 4 applique la convention collective nationale des chaînes thématiques adhérant à l’Association des chaînes conventionnées éditrices de services (ACCES). France 5 applique un accord d’entreprise conclu en 1996. La holding France Télévisions applique un accord d’entreprise conclu en 2003.

Il convient d’ajouter à ces dispositions une cinquantaine d’accords d’entreprise régissant les filiales de France Télévisions…

Extraits du rapport de la Commission pour la nouvelle télévision publique

Le Groupe France Télévisions est aujourd’hui constitué par plusieurs dizaines de sociétés ayant leur propre personnalité juridique dont 18 correspondent au cœur de métier. 5 sociétés sont éditrices de programme : France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO. La loi d’août 2000 a officialisé la création du « groupe France Télévisions» qui est désormais une société holding. Cette réforme a représenté un progrès puisqu’elle permet de consolider financièrement les comptes des 5 sociétés éditrices de programmes. Cependant, ces sociétés conservent leur personnalité juridique.

La loi de 2000 précitée n’était donc qu’une première étape. En effet, l’existence d’un nombre si important de sociétés est un frein aux économies d’échelles, à la mutualisation d’un certain nombre de services, à l’émergence d’une véritable « marque » France Télévisions.

De plus, cette situation conduit à une multiplicité d’accords sociaux, ce qui n’est pas satisfaisant. En effet, la convention collective en vigueur à France Télévisions date de 1984. Il convient d’y ajouter la convention spécifique aux journalistes ainsi qu’environ 50 accords d’entreprise particuliers. Cette situation crée des disparités de traitements entre des salariés qui font le même métier, ce qui, au sein d’une entreprise unique, n’aura guère de sens. Il conviendra naturellement, par un dialogue social redynamisé, d’aboutir à un cadre collectif d’organisation des conditions de travail, prenant en compte la nouvelle organisation de l’entreprise, préservant les intérêts des salariés, sans suppression d’emploi.

2. Le I de l’article 1er du présent projet de loi crée une société nationale de programme unique dénommée France Télévisions

 Une définition des missions de la société nationale unique

Le I du présent article propose une nouvelle rédaction du I de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986 (alinéa 1). Il reprend les préconisations de la Commission pour la nouvelle télévision publique.

L’alinéa 2 dispose que la société nationale de programme dénommée France Télévisions est chargée de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère national et local ainsi que des émissions de radio ultramarines. De holding, France Télévisions devient donc diffuseur et éditeur des chaînes de la société et récupère ainsi la responsabilité de « concevoir et de programmer ».

Dans ce nouveau cadre, les chaînes deviennent des « services ». L’article 1er du projet de cahier des charges de France Télévisions reprend une définition proche de celle du présent projet de loi puisqu’il précise que « France Télévisions édite un ensemble de services de radio et de télévision et d’autres services de communication audiovisuelle, nationaux, régionaux ou locaux, sur le territoire métropolitain et en outre-mer ».

Rappelons que l’avant-dernier alinéa de l’article 2 de la loi du 30 septembre 1986 définit un service de télévision comme « tout service de communication au public par voie électronique destiné à être reçu simultanément par l’ensemble du public ou par une catégorie de public et dont le programme principal est composé d’une suite ordonnée d’émissions comportant des images et des sons ». Cet article de la loi du 30 septembre 1986 est modifié par l’article 22 du présent projet de loi, pour inclure les services de médias audiovisuels à la demande (SMAd).

Sur un plan budgétaire, l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit déjà que le montant des ressources publiques allouées à France Télévisions est versé à la holding France Télévisions qui l’affecte intégralement, dans les conditions fixées par le contrat d’objectifs et de moyens (COM), aux différentes sociétés France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO. Dans la configuration actuelle, le budget de chaque société fait l’objet d’un avis de son conseil d’administration. Demain, la création d’une société unique aura donc logiquement pour conséquence que les budgets des chaînes ne seront plus soumis pour avis aux conseils d’administration de chaque société, puisque ces derniers disparaissent. Pour autant, il sera toujours possible de définir le coût analytique de chaque service.

En outre, le COM de l’entreprise, qui continuera à définir les coûts prévisionnels et les montants de ressources publiques affectés à France Télévisions pour l’édition de ses services, sera toujours transmis avant sa signature aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat qui pourront formuler un avis sur leur contenu. De même, le président de France Télévisions leur présentera chaque année, comme il le fait déjà, un rapport d’exécution du COM conformément aux dispositions de l’article 53 de la loi de 1986, non modifiées par le présent projet de loi.

Cette organisation reprend très clairement une des préconisations de la Commission pour la nouvelle télévision publique, qui soulignait « la nécessité de franchir une étape supplémentaire dans l’intégration en mutualisant ce qui peut l’être, tout en maintenant une identité forte pour chaque chaîne. (…) La mise en place d’une entreprise unique constitue le moyen logique d’accompagner la stratégie de média global. À cette fin, la quasi-totalité des sociétés actuellement existantes serait regroupée dans une structure juridique unique afin de créer une véritable synergie entre les activités ».

L’utilisation de l’expression « émission à caractère national et local » à l’alinéa 2 du présent article vise à couvrir à la fois les émissions de France 2, France 4 et France 5, qui ont un caractère national, mais également les décrochages régionaux et locaux de France 3 et les programmes ultramarins diffusés par RFO. L’utilisation de cette expression, qui ne mentionne pas le terme « régional », pose un problème de coordination avec d’autres articles du projet de loi et les termes présents à l’article 2 du projet de cahier des charges de France Télévisions, qui précise, s’agissant de France 3, qu’elle est une « chaîne nationale à vocation régionale » et que « la chaîne accentue sa couverture du territoire et amplifiera ses efforts sur l’information régionale, le magazine, le documentaire et la fiction originale. France 3 accompagne les événements régionaux et locaux et reflétera la société contemporaine. (…) La programmation de France 3 s’attache à développer l’information régionale et locale et à accroître le nombre d’éditions de proximité. Elle s’efforce d’augmenter les prises d’antenne par les directions régionales et d’utiliser une part significative de programmes produits en région dans le programme national ». De même, l’article 8 du même projet, relatif aux programmes sportifs, prévoit que « dans ses programmes régionaux, [France Télévisions] porte une attention particulière aux manifestations sportives locales et régionales ».

Le rapporteur estime qu’il serait donc plus judicieux de parler d’émissions à caractère national, régional et local, pour clairement inclure la spécificité de France 3 dans la loi.

S’agissant des émissions de radio ultramarines, l’alinéa fait référence à une mission moins connue de RFO, prévue par l’article 2 de son actuel cahier des charges qui consiste en la diffusion d’émissions de radio outre-mer, composées à la fois d’émissions produites localement et d’émissions reprises de Radio France et de Radio France Internationale. Les « radios pays » de RFO présentes dans les départements d’outre-mer (DOM) occupent dans chaque collectivité l’une des trois premières places en termes d’audience radiophonique et des progressions de part d’audience ont été enregistrées en 2008.

 La préservation du pluralisme et de l’identité de chacun des services

L’alinéa 3 prévoit que France Télévisions devra assurer « la diversité et le pluralisme de ses programmes ». Cet ajout est fondamental en l’absence, à l’avenir, de définition légale de l’identité des différentes chaînes et services associés édités par France Télévisions.

De ce fait, le cahier des charges de France Télévisions devra très précisément définir l’identité des différents services et la répartition des responsabilités au sein de la société en matière de programmation, de commande et de production des émissions, afin d’encadrer la réduction potentielle du pluralisme interne du fait de la création de l’entreprise unique.

Rappelons que, pour le CSA, la diversité et le pluralisme des programmes s’entend en tant que « genres de programmes » proposés par une même chaîne de télévision ou une radio. Le Conseil a donc pour pratique de l’apprécier sur l’ensemble des grands genres de programmes. Il mesure ainsi la diversité et le pluralisme des programmes d’une chaîne en fonction du nombre de genres qu’elle propose et de leurs poids respectifs dans sa grille.

Il distingue, dans les bilans annuels des chaînes qu’il contrôle, les genres suivants :

− information (journaux, magazines de reportages ou de plateaux, émissions spéciales liées à l’actualité, émissions d’expression directe ou émissions de service des chaînes publiques) ;

− magazines et documentaires (magazines de société et de connaissance incluant ou non des reportages, documentaires avec ou sans présentateur) ;

− fiction cinématographique (longs-métrages) ;

− fiction audiovisuelle (téléfilms et séries, animations hors œuvres cinématographiques, courts-métrages) ;

− divertissement, musique, spectacles (toutes les émissions de divertissement tous formats confondus : jeux, magazines, émissions de plateau, vidéomusiques et variétés, spectacles tous styles confondus – dramatiques, lyriques et musicaux, chorégraphiques) ;

− sport (retransmissions de compétitions, résumés d’épreuves, magazines de plateau).

Cette diversité et ce pluralisme devront par ailleurs être assurés « par l’ensemble des services que [France Télévisions] offre », c’est-à-dire par le biais des chaînes classiques, mais également demain des autres services de communication audiovisuelle.

Selon les informations communiquées par le Gouvernement, cette rédaction vise à prendre en compte la recommandation du rapport de la Commission pour la nouvelle télévision publique qui insistait sur la nécessité de donner à France Télévisions les moyens de répondre de manière globale aux attentes des publics, en déclinant une offre sur l’ensemble de moyens de diffusion.

Il s’agit donc là encore de rappeler que France Télévisions devient un média global. France Télévisions pourra ainsi étoffer son offre de services par le développement de services de médias audiovisuels à la demande.

Il y a de ce point de vue une réelle actualisation du cadre législatif d’exercice des missions de France Télévisions car les nouveaux services développés par des chaînes (vidéo à la demande, sites Internet, télévision de rattrapage…) participent déjà de manière incontestable à leurs missions de service public, mais ne sont pas encore explicitement reconnus comme tels.

Le schéma organisationnel proposé par la Commission pour la nouvelle télévision publique semble donc clairement intégré dans les dispositions prévues au présent article du projet de loi, mais également par la direction de France Télévisions, qui a fourni des informations très précises sur ses nouvelles modalités d’organisation.

Les contenus au centre de l’organisation de France Télévisions



** sous réserve de statut juridique de la (les) filiales de coproduction de films

Source : rapport de la Commission pour la nouvelle télévision publique

Note – TMP : télévision mobile personnelle ; FTVI : France Télévisions Interactive ; FTD : France Télévisions Distribution ; FTP : France Télévisions Production ; MFP : Multimedia France Production ; CFI : Canal France International.

Ces nouvelles modalités d’organisation semblant inquiéter un certain nombre de partenaires du groupe public, le rapporteur estime donc nécessaire de présenter plus en détail la nouvelle organisation des unités de programmes. Selon les informations communiquées par le Gouvernement et France Télévisions, cette organisation sous forme de directions communes permettra une plus grande transparence et une meilleure efficacité dans le traitement et le suivi des projets. Ces directions communes de France Télévisions, transversales des directions de chaînes, seront au service de chaque chaîne. Chaque direction commune travaillera au service des antennes, en fonction de leurs besoins respectifs, par rapport à un mandat clair, le positionnement et la ligne éditoriale de chaque antenne étant préalablement définis dans le cadre du cahier des charges.

Compte tenu du volume d’activité à traiter, chaque direction commune sera organisée autour d’un directeur et de différents pôles de programmes. Chacun de ces pôles aura un périmètre parfaitement défini et à sa tête un responsable jouissant d’une autonomie dans la sélection des projets proposés au groupe France Télévisions. La multiplicité des  « guichets » et des interlocuteurs est donc totalement assurée. À titre d’exemple, comme le montre le schéma ci-après, la direction déléguée aux programmes jeunesse nouvellement créée est aujourd’hui organisée autour des pôles suivants : coproductions d’animations pré-scolaires, coproductions d’animations 6-12 ans/famille, coproductions de fictions jeunesse, nouveaux formats et, enfin, achats jeunesse.

Direction déléguée aux programmes jeunesse


Pour sa part, le directeur commun aura la charge d’élaborer et de proposer une stratégie pour le groupe dans le secteur de programme qui lui aura été confié. Il aura en outre un rôle d’animateur du comité de sélection des projets d’une part, et du comité de suivi des programmes sélectionnés d’autre part. Sa position et sa fonction dans l’organisation lui conféreront une vision globale indispensable pour améliorer l’harmonisation et garantir la complémentarité des antennes. Chaque projet devra donc être pensé par le producteur en fonction de l’identité des chaînes et de leur stratégie éditoriale, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui, les producteurs ayant parfois tendance à proposer sur une chaîne ce qui a été refusé sur une autre.

Le directeur commun devra également veiller à ce qu’il n’y ait pas de concentration trop importante des investissements au profit de quelques sociétés de production, même si la qualité intrinsèque du projet doit rester le critère premier de sélection. Les directions communes auront donc également pour mission d’assurer une plus grande diversité dans l’approvisionnement du groupe.

Cette organisation rationnelle, qui répond à un objectif de plus grande efficacité dans la sélection et le suivi des projets, doit également permettre d’améliorer le traitement des dossiers déposés par les producteurs. Aujourd’hui, un nombre trop important d’entre eux se plaint de ne pas avoir de réponse ou d’indication sur l’état d’avancement de son dossier. Selon les informations communiquées par France Télévisions, à l’avenir chaque producteur recevra un courrier accusant réception du projet déposé et lui donnant des précisions sur les modalités de  traitement et de calendrier.

Les comités de sélection instaurés au sein de chaque direction commune se tiendront à un rythme fréquent et régulier et seront présidés par le directeur commun correspondant. Dans cette instance, où seront également représentés pour avis qualifié la direction de la production, la direction des ressources des antennes et un représentant de la structure commerciale du groupe (France Télévisions Distribution ou France Télévisions Interactive), chaque responsable de pôle viendra présenter et défendre les projets qui auront retenu son attention. Ce débat devant un comité de sélection aura pour effet d’assurer une véritable transparence des décisions. C’est là une revendication récurrente du monde de la production.

Enfin, la création de ces directions communes permettra également d’avoir une idée précise de l’activité de chaque maison de production avec le groupe France Télévisions. Cela permettra d’éviter des doubles facturations souvent coûteuses pour l’entreprise publique. Pour la période 2009-2012, France Télévisions évalue ainsi à 60 millions d’euros les synergies produites par ce regroupement.

La nouvelle organisation garantira donc la diversité et la transparence de la politique de commande et d’acquisition des programmes de France Télévisions. Elle permettra par ailleurs de dégager des synergies pour financer le développement de France Télévisions sur tous les supports, selon l’objectif fixé par la loi.

 La transformation de France Télévisions en un média global

L’alinéa 3 du présent article du projet de loi dispose également que France Télévisions devra rendre ses programmes accessibles « à tous les publics », « en tenant compte du développement des technologies numériques ». Selon les informations communiquées par le Gouvernement, cela signifie que les programmes de France Télévisions doivent pouvoir être accessibles sur tous supports, en fonction de l’évolution technologique. Il s’agit là encore de permettre à la société de devenir un média global au fait des dernières évolutions techniques.

Interrogé par le rapporteur, le Conseil supérieur de l’audiovisuel estime pourtant que la notion d’« accessibilité à tous les publics » peut recouvrir plusieurs acceptions. Il peut s’agir :

− de l’accessibilité à tous les publics selon toutes les tranches d’âges ;

− de l’accessibilité aux personnes ayant un handicap (personnes sourdes ou malentendantes, personnes aveugles ou malvoyantes).

Rappelons que le titre III du présent projet de loi a notamment pour objectif d’assurer la transposition dans notre droit de la directive n° 2007/65/CE du 11 décembre 2007 sur les services de médias audiovisuels. Si l’on examine le sens donné par la directive à la notion d’« accessibilité », on constate que le considérant n° 64 rappelle que « le droit des personnes handicapées et des personnes âgées à participer et à s’intégrer à la vie sociale et culturelle de la Communauté est indissociable de la fourniture de services de médias audiovisuels accessibles ». Le texte indique que la garantie de l’accès aux contenus linéaires et non linéaires peut passer par la mise en place d’un système de sous-titrage, d’un doublage en langage des signes, par la réalisation de menus de navigation au sein des offres de programmes faciles à comprendre ou encore par un mécanisme d’audio-description. L’article 3 quater de la directive indique que « les États membres encouragent les fournisseurs de services de médias qui relèvent de leur compétence à veiller à ce que les services qu’ils offrent deviennent progressivement accessibles aux personnes souffrant de déficiences visuelles ou auditives ».

− de l’accessibilité sur l’ensemble des supports afin de répondre à l’évolution des usages.

On relèvera que l’article 19 du projet de cahier des charges dispose que « la société développe des nouveaux programmes et services permettant, sur les différents supports de la communication audiovisuelle, de prolonger, de rendre accessible, de compléter et d’enrichir son offre de programmes, vis-à-vis du public. À cette fin, elle s’attache à faire bénéficier le public des nouvelles techniques de production et de diffusion des programmes et services de communication audiovisuelle ». L’article 23 de ce même cahier des charges prévoit que « ces services audiovisuels à la demande s’adresseront à tous les publics et seront donc accessibles sur l’ensemble des supports de communication électronique et techniques de diffusion adaptés, existants ou à venir, afin de répondre à l’évolution des usages ».

− de l’accessibilité à tous les publics sans exclusivité ou paiement.

Dans cette acception, les programmes sont offerts à tous (absence d’exclusivité et/ou caractère gratuit de l’offre). En ce sens, la notion peut se rapprocher des dispositions prévues au A du I de l’article 48 de la loi de 1986 – « À compter de l’entrée en vigueur de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 précitée, les sociétés mentionnées aux I, II et III de l’article 44 [chaînes publiques] ne peuvent accorder ni maintenir, de quelque manière que ce soit, un droit exclusif de reprise de leurs programmes diffusés par voie hertzienne terrestre » – dont l’introduction, par la loi du 1er août 2000 dans la loi de 1986, a été motivée par la volonté de mettre fin à l’exclusivité dont bénéficiait TPS pour la diffusion par satellite des chaînes publiques (mais également de TF1 et de M6) et de garantir aux abonnés à la plateforme concurrente CanalSat un accès aisé aux chaînes qu’ils financent partiellement grâce à la redevance audiovisuelle. Le législateur a édicté cette interdiction d’exclusivité en considération de la spécificité des sociétés nationales de programme, qui éditent des services majoritairement financés par la redevance, ce qui justifie que l’ensemble des téléspectateurs puisse accéder le plus largement possible à leurs programmes et s’oppose donc à toute exclusivité, quelle qu’en soit la nature.

Pour autant, on relèvera que l’article 23 du projet de cahier des charges de la future télévision de service public dispose que, dans la perspective de l’accessibilité des services de médias audiovisuels à la demande sur l’ensemble des supports, « des accords pourront être passés avec des partenaires publics ou privés. Ces services seront mis en œuvre selon les modalités et conditions économiques du marché des services de médias audiovisuels à la demande. L’ensemble de ces dispositions est conditionné à l’obtention des droits afférents ».

Le CSA estime que « la notion d’accessibilité pourrait mériter d’être précisée notamment pour clarifier si elle recouvre, ou pas, les dispositions précitées du A du I de l’article 48 de la loi du 30 septembre 1986 ».

Le rapporteur estime effectivement plus clair de parler de « l’accès de tous les publics à ses programmes », tout en permettant des exclusivités afin de tenir « compte du développement des technologies numériques ». La Commission a adopté un amendement en ce sens.

L’alinéa 4 dispose que France Télévisions sera demain l’éditeur des chaînes mais également d’autres services de communication audiovisuelle puisqu’elle éditera « plusieurs services », dont les caractéristiques respectives sont précisées par son cahier des charges et qui devront remplir des missions de service public, sur le modèle de Radio France, pour laquelle la mention des différents services (France Inter, France Culture, etc.) n’apparaît que dans le cahier des charges pris par application de l’article 48 de la loi du 30 septembre 1986. Le terme « service » fait ici référence à l’ensemble de services de communication audiovisuelle que devra demain éditer France Télévisions. Les services de communication audiovisuelle sont définis au troisième alinéa de l’article 2 de la loi du 30 septembre 1986, modifié par l’article 22 du présent projet de loi. Ils comprennent aujourd’hui les services de radio et de télévision et demain, suite à l’adoption du projet de loi, ils comprendront l’ensemble des services de médias audiovisuels non linéaires (télévision à la demande et télévision de rattrapage notamment).

Les missions de service public de l’audiovisuel public sont quant à elles définies par l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986. Il s’agit notamment du respect de la diversité et du pluralisme, de l’exigence de qualité et d’innovation, du respect des droits de la personne et des principes démocratiques constitutionnellement définis, d’une offre diversifiée de programmes dans les domaines de l’information, de la culture, de la connaissance, du divertissement et du sport, de la mise en œuvre d’actions en faveur de la cohésion sociale, de la diversité culturelle et de la lutte contre les discriminations, d’une programmation reflétant la diversité de la société française, etc.

Seul l’exposé des motifs du projet de loi précise le cadre de la négociation du cahier des charges et le périmètre de chaque chaîne : « Il est aussi important de renforcer l’identité propre de chaque chaîne que d’établir des passerelles entre ces chaînes, et d’assurer leur présence sur les nouveaux réseaux (Internet fixe et mobile…). France 2 restera une chaîne pleinement généraliste, consacrée aux grands enjeux politiques, économiques, sociaux et culturels, dédiée au décryptage des questions européennes et internationales, et assurant un rôle fédérateur par ses programmes d’information mais aussi de création (fictions, documentaires, animation…) et de divertissement (jeux, sport…). France 3 sera la chaîne des régions, du patrimoine et de l’environnement, et la chaîne des programmes de proximité. Réseau France Outre-mer (RFO) demeure le réseau des télévisions et radios d’outre-mer, France Ô est la chaîne de l’outre-mer et de la diversité en métropole. France 4 sera la chaîne de la reconquête de la jeunesse et des nouvelles générations par son offre de culture et de divertissements de qualité. France 5 restera la chaîne des savoirs et de la connaissance ».

France Télévisions pourra éditer ces services directement ou « par l’intermédiaire de filiales ». Cette précision a son importance afin de clairement distinguer les services qui seront édités par les filiales commerciales dites « de diversification », mentionnées à l’article 44-1 de la loi du 30 septembre 1986, des services qui seront édités par d’autres filiales répondant à des missions de service public. Cette précision est d’ailleurs également présente aux articles 26, 53 ou 57 de la loi du 30 septembre 1986 tels que modifiés par le projet de loi.

Il est par ailleurs précisé que France Télévisions pourra demain diffuser ses services « par tout réseau de communication électronique ». Selon les informations communiquées par le Gouvernement, l’exigence que des services édités par France Télévisions soient disponibles sur « tout réseau de communications électroniques » vise à affirmer la présence du secteur public audiovisuel sur tous les supports. Selon le Gouvernement, cette rédaction pourrait mettre fin au caractère exclusif de l’accord conclu entre France Télévisions et Orange pour certains programmes. Le rapporteur ne partage pas ce point de vue. En effet, le sport, l’information et les émissions jeunesses ne sont pas inclus dans cette exclusivité, en raison de leur caractère d’« émissions d’intérêt général ».

La rédaction actuelle des alinéas 2 à 4 du présent article du projet de loi lui paraissant, sur ce point notamment, peu satisfaisante et peu lisible, le rapporteur propose une rédaction globale de ces alinéas pour clarifier le périmètre et les missions de France Télévisions.

L’accord Orange-France Télévisions

Il s’agit d’un accord expérimental signé le 15 avril 2008 pour une durée de deux ans, qui permet de voir et revoir à la demande, sur tous les supports de distribution (Internet, TV sur ADSL et mobile), une partie des programmes de France Télévisions diffusés à l’antenne entre 18h et 24h. L’aspect non anticoncurrentiel de cet accord a été validé par le Conseil de la concurrence dans une décision en date du 7 mai 2008, après consultation de l’ARCEP et du CSA. Il s’agit d’une partie seulement de ces programmes dans la mesure où le sport, l’information, et les émissions jeunesses peuvent être inclus dans l’offre d’Orange mais ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une exclusivité, en raison de leur caractère d’émissions d’intérêt général.

Par ailleurs, tous les téléspectateurs peuvent accéder à l’ensemble des programmes des chaînes publiques, à l’exception de quelques séries américaines dont les droits en vidéo à la demande sont directement acquis par Orange, sur le site Internet de France Télévisions (www.francetvod.fr). Enfin, les programmes proposés par Orange se limitent aux inédits diffusés entre 18h et 24h. De plus, les programmes sont mis à disposition en exclusivité, mais uniquement pendant 7 à 30 jours après la diffusion des programmes à l’antenne.

Au-delà, les programmes peuvent être exploités auprès de tous les opérateurs. D’ailleurs, Neuf Telecom comme Free proposent actuellement des programmes de France Télévisions dans leurs services de vidéo à la demande (VoD). Enfin, conformément aux engagements pris par France Télévisions devant le Conseil de la concurrence, le groupe a créé d’autres offres délinéarisées, comme le portail d’information ou le site « culture box » accessibles à tous.

Dans l’avis qu’il a remis au Conseil de la concurrence le 15 janvier 2008, le CSA précisait que « la rédaction de l’article 48-1-A de la loi du 30 septembre 1986 pourrait conduire le Conseil à considérer que la télévision de rattrapage, si elle n’est pas un service linéaire, doit néanmoins être incluse dans l’interdiction faite à la société France Télévisions de consentir des exclusivités portant sur la reprise, quelles qu’en soient ses modalités, de ses programmes ».

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel ajoute dans ce même avis qu’il « constate ainsi l’existence d’une réelle ambiguïté de la loi sur la portée de l’article 48-1-A. Il souhaite donc, dans le cadre de la transposition de la directive 2007/65/CE du 11 décembre 2007 relative aux « Services de médias audiovisuels », que le législateur clarifie cette disposition en définissant l’étendue des exclusivités que peut consentir le groupe public en ce qui concerne les services non linéaires ». Le rapporteur estime que la clarification qu’il a apportée à l’alinéa 4 du I permet de répondre à cette demande.

Le CSA a précisé que l’exclusivité dont bénéficie Orange ne devait être que temporaire pour permettre le financement du service à son lancement, car « à terme, une organisation des services de télévision de rattrapage fondée sur l’exclusivité n’apparaît pas bénéfique à l’ensemble des consommateurs. En effet, la télévision de rattrapage qui associerait sur un mode exclusif les programmes d’une chaîne à la plate-forme de distribution d’un opérateur ADSL ou d’un câblo-opérateur ne permettrait pas aux consommateurs de bénéficier de tous les avantages des services non linéaires ».

Le rapporteur estime pourtant que ce type d’accord novateur, qui offre par ailleurs une nouvelle source de revenus au groupe de France Télévisions au moment où son modèle économique est en pleine mutation vers le média global, doit être pour le moment préservé du fait de son caractère expérimental et de sa durée limitée dans le temps. Rappelons par ailleurs que, dans le cadre de cet accord précis, les droits de vidéo à la demande sont des droits commerciaux, distincts des droits de télédiffusion, qui font l’objet d’une acquisition séparée auprès des producteurs, via France Télévisions Distribution, filiale commerciale du groupe France Télévisions. La redevance n’est donc pas utilisée pour financer cette activité commerciale.

Il serait paradoxal que l’État qui encourage France Télévisions à développer ce type d’activité, en l’autorisant dans son contrat d’objectifs et de moyen à avoir recours à des partenariats « privilégiés, voire partiellement exclusifs » en matière de vidéo à la demande, remette ainsi en cause, un peu plus d’un an après la signature du COM, ce type de partenariat.

 Les aspects sociaux de la réforme

En l’état actuel de la rédaction de l’article 1er, on peut souligner que les conséquences sociales de la transformation du groupe France Télévisions en une entreprise unique par le biais de la fusion-absorption prévue à l’article 51 du présent projet de loi sont les suivantes pour les salariés :

− les contrats de travail des personnels des sociétés absorbées seront transférés à France Télévisions en application de l’article L. 1224-1 du code du travail. Cet article dispose que, « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ».

− les conventions collectives ou accords d’entreprise des sociétés absorbées tomberont dans les conditions prévues par l’article L. 2261-14 du code du travail.

Cet article dispose que, lorsque l’application de conventions ou d’accords collectifs est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d’une fusion, ces conventions et accords continuent de produire leurs effets jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle convention ou d’un nouvel accord, qui leur est alors substitué. À défaut, ces conventions et accords continuent de produire leurs effets pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis.

Le deuxième alinéa de l’article L. 1224-1 du code du travail précise par ailleurs que, « lorsque la convention ou l’accord mis en cause n’a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans les délais précisés au premier alinéa, les salariés des entreprises concernées conservent les avantages individuels qu’ils ont acquis, en application de la convention ou de l’accord, à l’expiration de ces délais ».

Le dernier alinéa de ce même article dispose qu’une « nouvelle négociation doit s’engager dans l’entreprise concernée, à la demande d’une des parties intéressées, dans les trois mois suivant la mise en cause ». Cet article prévoit donc un maintien des conventions et accords durant 15 mois après l’entrée en vigueur de la loi.

S’agissant des conséquences de la fusion sur la représentativité syndicale, devront être considérés comme représentatifs au niveau de la société France Télévisions les syndicats qui étaient représentatifs au niveau du groupe (CGT, CFDT, CFTC, CGC, FO, SNJ), conformément à l’accord sur la mise en place de coordonnateurs syndicaux au niveau du Groupe France Télévisions en date du 14 novembre 2007. Cette représentativité serait bien évidemment transitoire, et valable jusqu’aux résultats des premières élections professionnelles communes organisées postérieurement à la fusion.

En effet, il est impératif que France Télévisions dispose d’interlocuteurs identifiés et légitimes suite à la fusion, puisque de nombreuses négociations devront alors être ouvertes : accord d’adaptation (renégociation du statut collectif), protocole préélectoral (organisation d’élections), accord de méthode, etc.

La mise en place de l’entreprise unique nécessitera, rapidement après la promulgation de la loi, le lancement de négociations avec les instances représentatives du personnel, en vue de l’adoption des nouveaux textes collectifs qui régiront le futur groupe intégré. Une période de négociations sociales au sein de l’entreprise s’ouvrira donc pour définir de nouveaux accords. Rappelons que le rapport de la Commission pour la nouvelle télévision publique indique très clairement que « le dialogue social au sein de cette entreprise doit prendre en compte la situation actuelle des agents pour aboutir à un cadre conventionnel respectueux des salariés et adapté aux nouveaux défis techniques et économiques. Le dialogue social au sein de l’entreprise, rénové et redynamisé, devra aboutir à un accord d’entreprise prenant en compte la nouvelle organisation et préservant les intérêts des salariés. La réforme s’effectuera sans suppression d’emploi. Dans le même souci d’accompagner la réforme, le comité des rémunérations et de la politique salariale prévu dans le COM 2007/2010 devra être effectivement créé. Composé de certains administrateurs de France Télévisions et élargi, notamment, aux directeurs généraux et au directeur en charge des ressources humaines, il a vocation à se prononcer sur la politique salariale de l’entreprise. C’est un outil qui permettra de garantir une transparence dans la gestion qui semble indispensable ».

3. Les II et III de l’article 1er procèdent à différentes coordinations rédactionnelles

Du fait de la création de la société nationale de programme France Télévisions et de la société nationale de programme en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, il est nécessaire de procéder au toilettage de certaines dispositions de la loi du 30 septembre 1986 devenues inopérantes.

Ainsi, dans le II de cet article, la première phrase de l’alinéa 5 procède à la suppression de la mention dans le V de l’article 44 de France 4, puisque cette filiale devient un service de France Télévisions. Seules les sociétés nationales de programme pourront produire des programmes audiovisuels et participer à des accords de coproduction.

De même, la deuxième phrase de l’alinéa 5 permettra d’appliquer les dispositions relatives au droit de grève prévues à l’article 57 de la loi du 30 septembre 1986 à France 24 et RFI, devenues filiales de l’audiovisuel extérieur de la France. Actuellement, cet article s’applique en effet aux sociétés nationales de programme et donc également à RFI. Cette dernière étant transformée en filiale de l’audiovisuel extérieur de la France, un ajustement rédactionnel était nécessaire.

Par ailleurs, actuellement, France 24 n’est pas soumise aux dispositions de cet article 57, dont le champ d’application est restreint aux sociétés nationales de programme et à France 4. France 24 devenant une filiale de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et répondant à des missions de service public définies à l’article 43-11, l’article 57 lui sera applicable.

L’alinéa 6 (III) de cet article est également de coordination rédactionnelle s’agissant des filiales de coproduction cinématographique des chaînes. Aujourd’hui, France Télévisions dispose de deux filiales de coproduction, sociétés anonymes simplifiées intégrées globalement au groupe : France 2 Cinéma et France 3 Cinéma.

Entre 2004 et 2006, 217 films ont été coproduits par France Télévisions, 125 par France 2 Cinéma et 92 par France 3 Cinéma, dont 58 premiers films et 51 films ayant bénéficié de l’avance sur recettes. Dix récompenses ont été obtenues aux Césars 2008 par des films coproduits par France Télévisions dont les Césars du meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur scénario original pour La graine et le mulet d’Abdellatif Kechiche (France 2 Cinéma) et les Césars du meilleur premier film et meilleure adaptation pour Persépolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud (France 3 Cinéma). Par ailleurs, la Palme d’or attribuée à l’unanimité lors du Festival de Cannes 2008 au film de Laurent Cantet, Entre les murs, a été coproduit par France 2 Cinéma. En 2007, en termes financiers, France 2 Cinéma a investi 32,1 millions d’euros en coproductions cinématographiques. Les recettes d’exploitation des films se sont élevées à 4,1 millions d’euros et la subvention versée par France 2 à 4 millions d’euros. France 3 Cinéma a pour sa part investi 20,9 millions d’euros en coproductions cinématographiques. Les recettes d’exploitation des films se sont élevées à 2,8 millions d’euros et la subvention versée par France 3 à 5,5 millions d’euros.

Demain, comme actuellement, les sociétés nationales de programme pourront toujours investir en parts de coproducteur dans le financement d’une œuvre cinématographique par l’intermédiaire de filiales ayant cet objet social exclusif. Les filiales ne dépendront plus directement des chaînes mais de France Télévisions. Soulignons, par ailleurs, que rien n’empêche la création de plusieurs filiales cinéma puisque le terme « filiales » est au pluriel dans cet alinéa. France Télévisions a confirmé au rapporteur qu’elle entendait conserver ces deux filiales. Il s’agit d’un sujet sensible pour les producteurs, auquel la représentation nationale sera attentive, afin de préserver la diversité du financement du cinéma dans notre pays, et d’éviter, pour le cinéma également, tout effet de « guichet unique ».

*

La Commission est saisie d’un amendement de M. Didier Mathus, visant à supprimer l’article 1er.

M. Didier Mathus. Par principe, nous ne sommes pas opposés à l’entreprise unique – la loi de 2000 portait d’ailleurs en elle la dynamique d’une unification – mais, en revanche, nous sommes opposés aux conditions dans lesquelles vous voulez créer celle-ci. Il serait irresponsable de voter en ignorant tout des missions des différentes chaînes, de leurs lignes éditoriales et du sort des effectifs. En outre, compte tenu de la situation économique actuelle, demander à l’État de dégager 450 millions d’euros, et même 800 millions d’euros dans un deuxième temps, est déraisonnable. Enfin, déclarer l’urgence sur ce projet de loi est une erreur politique majeure.

M. Jean Dionis du Séjour. Le Nouveau Centre soutient la réforme de France Télévisions, qui est urgente, mais il est très réservé sur la suppression de la publicité.

M. Marcel Rogemont. La réforme aurait mérité une réflexion approfondie. Celle de la BBC a pris trois ans. La création est inquiète devant la perspective du guichet unique. Sur les 800 millions d’euros nécessaires, plus de 100 millions d’euros devront provenir d’économies internes à France Télévisions, ce qui risque de se faire au préjudice de la création.

M. Patrick Bloche. Il ne faudrait surtout pas croire que les députés socialistes ont changé d’avis. Mais la charrue ne doit pas être mise avant les bœufs : le préalable à l’entreprise unique de l’audiovisuel public demeure la garantie de son financement pérenne. Les économies d’échelle attendues doivent être réinvesties dans la diversification ; or, à l’heure d’aujourd’hui, nous savons que celle-ci ne sera pas financée.

M. le rapporteur. J’émets un avis défavorable sur l’amendement car, sans l’article 1er, le texte n’a plus de raison d’être !

M. Didier Mathus. Lorsque nous avons examiné ce qui allait devenir la loi du 1er août 2000, Christian Kert n’avait de cesse, en parlant de la nouvelle holding France Télévisions, de nous accuser de vouloir reconstituer l’ORTF. Je suis donc surpris de le voir défendre aujourd’hui l’entreprise unique.

M. le rapporteur. Dès lors qu’elle respecte le cahier des charges qui lui est imposé, cette entreprise n’aura rien à voir avec l’ORTF. Mais lors de la discussion générale, vous-même, Monsieur Mathus, vous êtes déclaré favorable à l’entreprise unique.

M. Didier Mathus. J’ai dit que je n’y étais pas nécessairement défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie d’un amendement de M. Jean-François Copé tendant à proposer une nouvelle rédaction des alinéas 2 à 4 de l’article 1er.

M. Michel Herbillon. Cet amendement, que j’ai cosigné, tend à clarifier l’objet, le périmètre et les obligations de France Télévisions. Par ailleurs, pour répondre à une demande de plusieurs de nos collègues, l’amendement rappelle que France Télévisions est chargée de concevoir et de programmer, outre des émissions à caractère national et local, des émissions à caractère régional.

M. Jean Ueberschlag. Lorsque nous avons évoqué la nécessité d’une coproduction législative du cahier des charges, le rapporteur nous a répondu qu’il déposerait un amendement dans ce sens.

M. le rapporteur. Nous évoquerons cette question à l’article 15.

La Commission adopte l’amendement. En conséquence, huit amendements – deux présentés par M. Noël Mamère, un présenté par M. Jean Dionis du Séjour, deux présentés par M. Éric Diard, trois présentés par M. Didier Mathus – et tendant à modifier les alinéas 2, 3 ou 4 de l’article 1er deviennent sans objet.

M. Noël Mamère. L’amendement que la Commission vient d’adopter est de portée très générale et ne permet pas de sauvegarder, à l’intérieur de l’entreprise unique, des entités télévisuelles à vocation de production comme France 3. Non seulement le guichet unique risque d’assécher la diversité de la production, mais la suppression de la publicité risque de faire disparaître un grand nombre d’émissions produites par France 3, qu’elles soient nationales, régionales ou locales.

L’exposé des motifs du projet de loi évoque des économies d’échelle et des mutualisations. Nous savons ce que cela signifie : un plan social et la suppression d’émissions jugées trop identitaires ou dont l’audience est estimée insuffisante.

M. Jean Dionis du Séjour. Parmi les amendements qui viennent de tomber, l’un, que j’avais déposé, concernait les droits sur les œuvres. Avec l’entreprise unique, le média global constitue l’un des deux grands principes qui caractérisent la refonte de France Télévisions. Or cette stratégie risque de rester marginale si nous ne modifions pas le système des droits de production, actuellement très favorables aux producteurs. Je sais bien que la notion de coproduction fait naître des craintes en ce qui concerne la liberté de circulation des œuvres, mais il n’en est pas moins vrai que la participation à l’investissement doit donner des droits sur la diffusion des œuvres. C’est ce que nous devons clairement affirmer si nous voulons permettre, par exemple, le développement du chiffre d’affaires généré par l’Internet ou les produits dérivés.

La Commission examine ensuite un amendement de M. Didier Mathus tendant à assigner à France Télévisions la mission de concevoir et de programmer des émissions à destination des collectivités d’outre-mer et celle de promouvoir la langue française ainsi que les langues et cultures régionales.

M. Didier Mathus. La discussion bute sur le fait que nous sommes sans cesse renvoyés au cahier des charges. Dès lors, l’identité des chaînes n’est pas clairement définie. Notre amendement a justement pour vocation de préciser le rôle de RFO, notamment de garantir l’existence des télés-pays et des radios de la chaîne d’outre-mer, dont la pérennité est mise en danger par la réforme. Il n’a pas d’autre objet que de rétablir ce qui figurait déjà dans la loi afin de rassurer les personnels.

M. le rapporteur. Sur la forme, il me semble difficile de faire une exception pour RFO – sans quoi, il faudrait réintroduire dans la loi tous les autres services de France Télévisions. Que dire, par ailleurs, d’éventuels nouveaux services, qui ne pourraient pas être créés faute d’avoir été prévus dans la loi ?

Sur le fond, je comprends les inquiétudes qui ont été exprimées, mais le cahier des charges de France Télévisions, dont le texte vous a été transmis, définit très clairement le périmètre et les missions de RFO. L’exécution des obligations qu’il prescrit fera l’objet d’un bilan annuel de la part du CSA. Un amendement à l’article 15 prévoit par ailleurs qu’un rapport sur l’exécution de ces obligations sera transmis chaque année aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le dispositif me paraît offrir suffisamment de garanties, et c’est pourquoi mon avis est défavorable sur cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie d’un amendement de M. François Loos tendant à imposer à France 3 des décrochages régionaux spécifiques à chaque région ainsi qu’une grille de programmes contribuant fortement à l’expression des langues régionales.

M. Jean Ueberschlag. Nous venons d’inscrire dans la Constitution le principe de la protection des langues et des cultures régionales. France 3 est la chaîne des régions, et cette spécificité doit donc se traduire dans ses programmes. Or, en Alsace, on constate depuis quelques années une inexplicable diminution des émissions en langue régionale, émissions qui faisaient pourtant l’unanimité. Par ailleurs, les chaînes allemandes, suisses et luxembourgeoises trouvent une audience croissante en Alsace et en Moselle. Nous devons prendre garde à ce que la population locale ne se détourne de la chaîne régionale au profit d’émissions coproduites par la région Alsace et la ZDF, par exemple. La loi doit donc rappeler l’obligation qui incombe à France 3 de tenir compte de la langue régionale dans ses programmations.

M. le rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, je ne peux pas être favorable à l’amendement. Néanmoins, je proposerai d’adopter à l’article 15 un amendement de M. François Loos et de M. Noël Mamère visant à défendre les langues régionales.

M. François Loos. L’amendement que nous examinons dépasse la question des langues régionales. Il assigne également à France 3 une responsabilité particulière.

M. le rapporteur. Le cahier des charges répond aux préoccupations exprimées.

M. le président Jean-François Copé. M. Ueberschlag pourrait cosigner l’amendement présenté par M. Loos à l’article 15 et retirer son amendement au présent article.

M. Didier Mathus. Il ne s’agit pas seulement des langues régionales, mais aussi des décrochages régionaux dont l’existence est mise en cause par la réforme. Ainsi, France 3, pour tenter de gagner de l’espace publicitaire avant 20 h, vient de supprimer le décrochage de fin du journal national, qui reprenait les titres du journal régional. La réforme a donc un effet mécanique sur la disparition des décrochages régionaux. C’est pourquoi l’amendement de notre collègue est pertinent.

M. Patrick Bloche. Le rapporteur nous a renvoyés à plusieurs reprises au cahier des charges. Or ce dernier n’est pas un document que vote le Parlement. Nos discussions montrent que la majorité d’entre nous souhaite que le législateur exprime une volonté sur le rôle joué par France 3. Comment mieux la traduire qu’en l’inscrivant dans la loi ?

M. le rapporteur. Je rappelle par ailleurs que nous avons adopté un amendement afin de rétablir la dimension régionale des programmes de France Télévisions.

M. Jean Ueberschlag. Le rapporteur nous a répondus, à propos de RFO, que l’on ne pouvait pas faire une exception pour une chaîne. Mais si nous voulons que France 3 soit la chaîne des régions, il faut l’affirmer clairement. Je maintiens donc l’amendement, d’autant que la question des décrochages régionaux est importante.

Contrairement à l’avis du rapporteur, la Commission adopte cet amendement.

Puis elle examine un amendement de M. Noël Mamère tendant à garantir aux futurs salariés des filiales de France Télévisions les mêmes droits que ceux conférés actuellement par les conventions collectives en vigueur.

M. Noël Mamère. Nous entendons souvent parler de plans sociaux ; il faut donc apporter des garanties aux personnels.

M. le rapporteur. Cet amendement n’a pas sa place dans l’article 1er, qui modifie l’article 44 de la loi de 1986 relatif au périmètre et aux missions de France Télévisions. J’ai pour ma part déposé à l’article 51 des amendements en vue de rassurer – ils en ont besoin – les salariés de France Télévisions.

Sur le fond, on peut comprendre les préoccupations des auteurs de l’amendement, mais il convient de rappeler les conséquences sociales de la transformation du groupe en une entreprise unique, qui sont de deux ordres : d’une part les contrats de travail des personnels des sociétés absorbées seront transférés à France Télévisions en application de l’article L. 1224-1 du code du travail, d’autre part les conventions collectives ou accords d’entreprise des sociétés absorbées « tomberont » dans les conditions prévues par l’article L. 2261-14 du code du travail. Cet amendement n’a donc pas de nécessité.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission adopte l’article 1er ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 1er

Ajout de l’éducation à l’environnement au développement durable dans les missions de service public de l’audiovisuel public

La Commission examine un amendement de M. Patrick Braouezec tendant à faire figurer l’éducation à l’environnement et à sa protection parmi les missions poursuivies par les sociétés publiques de l’audiovisuel.

M. Noël Mamère. On le sait, notre planète ne connaît pas seulement des problèmes d’ordre financier, mais aussi des menaces de bouleversement climatique qui mettent en question la survie de l’espèce humaine. Un service public audiovisuel a également un rôle pédagogique : l’éducation et la sensibilisation aux questions d’environnement me paraissent donc devoir figurer parmi les missions qu’il remplit.

M. le rapporteur. Je suis favorable à l’amendement, sous réserve d’adopter un sous-amendement afin de mentionner la notion de développement durable. En effet, le projet de cahier des charges de France Télévisions fait déjà référence à cette notion dans ses articles 2 et 7.

M. Noël Mamère. L’expression « développement durable » est un oxymore. On peut parler, éventuellement, « d’équilibre durable ». Si on entendait par « développement » le fait que tout le monde puisse avoir accès à l’éducation, à la santé, à la culture et au logement, je pourrais être d’accord avec le sous-amendement. Mais l’amendement que je propose ne me semble pas poser de problème particulier, et je ne vois pas ce que peut lui apporter l’insertion de la notion de développement durable.

M. Patrick Bloche. Le rapporteur fait une confusion. Le développement durable, ce n’est pas seulement la protection de l’environnement ; c’est aussi le développement économique et la justice sociale. Si nous adoptons le sous-amendement proposé, le texte n’aura plus de sens.

M. le président Jean-François Copé. Je rappelle que l’expression « développement durable » figure dans la Charte de l’environnement.

La Commission adopte le sous-amendement, puis l’amendement ainsi modifié.

Après l’article 1er

La Commission examine trois amendements, faisant l’objet d’une discussion commune, respectivement déposés par MM. Didier Mathus, Jean Dionis du Séjour et Noël Mamère, tendant à imposer aux sociétés du secteur public de l’audiovisuel de s’engager à maintenir des unités de programmes et de décision spécifiques afin de préserver la diversité.

M. Didier Mathus. La grande crainte des milieux de la télévision est que cette réforme débouche sur un guichet unique, ce qui nivellerait les capacités de création des différentes chaînes. Il faut éviter la standardisation et la baisse de qualité de la télévision qui en résulterait. La réforme de 1974 résulte d’ailleurs de ce constat : une entreprise monolithique ne produit pas de très bons programmes.

C’est pourquoi nous demandons la préservation d’unités de programmes au sein des sociétés du secteur public de l’audiovisuel. C’est un facteur de diversification des lignes éditoriales et, partant, de pluralisme et de diversité.

M. le président Jean-François Copé. Je voudrais revenir brièvement sur l’esprit qui a animé les travaux de la Commission pour la nouvelle télévision publique.

Il nous a semblé que le degré actuel d’inorganisation de France Télévisions ne pouvait plus durer. Chacun en est conscient, en particulier ceux d’entre nous qui participent à son conseil d’administration et c’est d’ailleurs très bien qu’il y ait des parlementaires dans ce conseil. Le président de France Télévisions n’est président de rien : les 49 sociétés qui appartiennent au groupe n’ont aucun lien entre elles et il n’existe aucun lieu de coordination.

Je rappelle également que la Commission avait dépêché en Finlande l’un de ses membres, M. Hervé Chabalier, afin d’étudier la façon dont le système de l’entreprise unique avait été instauré dans ce pays. Cet exemple démontre précisément que la création d’une entreprise unique ne signifie pas l’instauration d’un guichet unique et il n’a jamais été question pour nous de fusionner les chaînes. Nous souhaitons seulement que le président de France Télévisions jouisse d’une approche globale, afin d’éviter les doublons et de favoriser certaines coordinations.

Nous avons également refusé la fusion des rédactions, qui n’aurait pas de sens : chacun doit conserver son identité au sein de la nouvelle entité. Je le répète : l’instauration d’une entreprise unique est pour nous une nécessité absolue mais il n’y aura pas de guichet unique. Une plus grande transparence prévaudra en revanche, car chacun pourra savoir dans quelles conditions les contrats sont passés et les cases horaires « vendues ».

Bref, il ne s’agit pas de restreindre les marges de manœuvre existantes, mais à l’inverse de renforcer l’efficacité et la transparence du secteur audiovisuel.

M. Jean Dionis du Séjour. J’approuve tout à fait la distinction que fait le rapport de la Commission pour la nouvelle télévision publique entre les unités de programmes et les unités de décision. C’est au niveau des chaînes que les décisions de programmation seront prises. Cela étant, comme Patrick de Carolis l’a indiqué lors de son audition, cela n’empêchera pas l’entreprise unique d’entretenir des relations globales avec des producteurs.

Il me semble que ces amendements contribueront à clarifier la situation, sans dénaturer l’esprit de nos travaux, et à calmer les esprits.

M. Frédéric Lefebvre. Je suis entièrement favorable à l’instauration d’une entreprise unique, comme l’était initialement notre collègue Didier Mathus – dont je regrette qu’il ait semblé changer d’avis pour partie.

En revanche, je suis assez partagé au sujet de ces amendements. D’un côté, nous devons nous assurer qu’il n’y aura pas de guichet unique, et le prévoir explicitement puisqu’il existe des inquiétudes. D’un autre côté, je ne sais pas s’il faut retenir la rédaction qui nous est proposée.

Pour ma part, je ne suis pas parvenu à trouver une formulation pleinement satisfaisante, mais nous avons encore du temps pour y parvenir.

M. Noël Mamère. Je suis quelque peu étonné. Pourquoi ne pas avoir fait en sorte que le texte respecte la diversité du service public ?

Je fais totalement miens les propos de notre collègue Didier Mathus : sans condamner l’entreprise unique dans son principe, nous devons nous interroger sur les missions que nous lui donnerons.

À cet égard, la rédaction actuelle ne me convainc pas. Comme le faisait observer en son temps le rapporteur, nous avons l’impression d’en revenir à l’ORTF.

M. le rapporteur. Ce ne sont pas vraiment mes propos !

M. Noël Mamère. Le risque est que l’organe crée la fonction. Compte tenu des contraintes croissantes qui pèsent sur l’audiovisuel public, notamment en matière de financement, la nouvelle organisation pourrait bien assécher la production. Or il ne faudrait pas oublier l’objectif de la télévision publique, qui doit être de diffuser des programmes à la fois populaires et de qualité, comme le souhaitait l’un de ses fondateurs.

D’où cet amendement, qui tend à mieux protéger la production dans le cadre du média global qui se développe aujourd’hui.

M. le président Jean-François Copé. Mon cher collègue, tout l’intérêt de nos travaux est précisément d’améliorer les textes en cas d’ambiguïté, mais j’observe qu’il n’y a pas de divergence sur le fond : nous sommes tous favorables à la création d’une entreprise unique et opposés à l’instauration d’un guichet unique. Je souhaiterais toutefois que nous réfléchissions ensemble à une nouvelle rédaction, plus précise, qui pourrait être examinée dans le cadre de la réunion que nous tiendrons en application de l’article 88 de notre Règlement.

M. Franck Riester. La création d’une entreprise unique correspond à l’émergence d’un média global, mêlant Internet, la télévision mobile personnelle et d’autres supports à venir.

Je suis d’accord sur la nécessité de préserver plusieurs guichets, mais il me semble que ces amendements auraient pour effet de rétablir une trop grande indépendance des chaînes par rapport à France Télévisions.

Le concept de média global consistant à prendre en compte la diffusion des contenus audiovisuels sur tous les supports, notamment les chaînes, nous avons besoin, au contraire, d’une bonne cohérence dans les décisions de programmation.

M. Patrick Bloche. Je n’arrive pas à comprendre ce chipotage. À partir du moment où nous sommes d’accord pour préserver la diversité des chaînes, afin de protéger le pluralisme et la diversité dans le cadre de rédactions spécifiques, en quoi ces amendements sont-ils si difficiles à accepter ? Pourquoi la loi n’apporterait-elle pas cette garantie que nous souhaitons tous ?

De notre point de vue, le compte n’y est pas. Tous ceux qui participent à la chaîne de la production s’inquiètent aujourd’hui du financement de la création. Donnons-leur un signal clair en adoptant ces amendements.

M. Patrick Roy. J’ai du mal à comprendre. Tout le monde semble d’accord pour rejeter l’idée d’un guichet unique, mais vous ergotez sur ces amendements. Je ne veux pas croire que vous entreteniez des arrière-pensées.

Mme Aurélie Filippetti. Le développement du média global, c’est-à-dire la diffusion sur tous les supports, coûtera cher. Compte tenu de la réduction des moyens disponibles, la tentation sera grande de restreindre la diversité en réalisant des économies d’échelle au niveau des unités de programmation.

C’est pourquoi ces amendements tendent à soutenir la création et la diversité, qui est une des missions de France Télévisions. Pourquoi faudrait-il les retirer, avant de les redéposer dans le cadre de l’article 88, alors qu’ils sont très bien rédigés en l’état ?

M. le président Jean-François Copé. Je crois comprendre que la majorité ne votera pas ces amendements dans leur rédaction actuelle, alors que nous sommes tous d’accord sur le fond. C’est pour cette raison que je vous invite à les retirer, afin que nous puissions travailler ensemble sur ce sujet.

L’amendement de M. Dionis du Séjour est retiré.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les deux amendements restant en discussion.

Article 2

Régime juridique de la société en charge de l’audiovisuel extérieur
de la France

Comme l’article 1er, cet article modifie l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986 pour faire de la nouvelle société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France une société nationale de programme et parachever ainsi la réforme en cours des outils du rayonnement audiovisuel extérieur de notre pays.

1. Une disposition qui s’inscrit dans le cadre de la réforme de l’audiovisuel extérieur de la France

Le présent projet de loi comporte des dispositions visant à prolonger la réforme ambitieuse et importante, engagée depuis déjà plusieurs mois, qui doit permettre à la France de mener une politique audiovisuelle extérieure plus cohérente, d’avoir une stratégie plus lisible et d’améliorer l’efficacité de chacune des sociétés concernées.

Dans le cadre de cette réforme, une société holding détenue par l’État (26), la société « Audiovisuel Extérieur de la France » (AEF), a été créée, avec comme vocation de regrouper les participations publiques dans les sociétés de l’audiovisuel extérieur.

Tableau comparatif de l’organisation de la société en charge de l’audiovisuel
extérieur de la France avant et après la promulgation de la loi

Avant la promulgation de la loi

 

Après la promulgation de la loi

Société dont l’Etat est directement
actionnaire à 100 %

 

Société mère
(société nationale de programme)

Audiovisuel Extérieur de la France (AEF)

 

Audiovisuel Extérieur de la France (AEF)

Radio France Internationale (RFI)

   

Société dont l’Etat est l’actionnaire indirect

 

Filiales

France 24 (1)

 

Radio France Internationale (RFI)

TV5 Monde (2)

 

France 24 (4)

   

Autres participations

   

TV5 Monde (5)

(1) Le capital de France 24 est détenu à 50 % par France Télévisions et à 50 % par TF1.

(2) Le capital de TV5 Monde est actuellement réparti de la manière suivante entre les différents partenaires : 33,33 % entre les partenaires francophones (11,1 % Radio Télévision Suisse Romande, 11,1 % Radio Télévision Belge francophone, 6,67 % Radio Canada, 4,44 % Télé Québec), 66,67 % entre les partenaires français (47,38 % France Télévisions, 12,5 % Arte France, 6,61% Institut national de l’audiovisuel (INA), 0,18 % personnes physiques)

(3) France 24 deviendra une filiale d’AEF une fois que les négociations, déjà engagées, avec TF1 auront abouti.

(4) AEF devrait acquérir 49 % des participations détenues par les partenaires français dans TV5 Monde.

Source : Direction du développement des médias

Il apparaît ainsi que :

– France 24 est actuellement détenue à 50 % par TF1 et à 50 % par France Télévisions, société elle-même détenue à 100 % par l’État. France 24 a vocation à être détenue à 100 % par la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, elle-même actuellement détenue à 100 % par l’État dès que les négociations avec TF1 auront abouti ;

– Radio France internationale (RFI) est actuellement détenue à 100 % par l’État : elle sera détenue à 100 % par la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France dès l’entrée en vigueur de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (27) ;

– la composition du capital de TV5 Monde est actuellement la suivante : 12,50 % ARTE, 6,61 % INA, 47,38 % France Télévisions, 33,33 % partenaires francophones (11,1 % Radio Télévision Suisse Romande, 11,1 % Radio Télévisions Belge francophone, 6,67 % Radio Canada, 4,44 % Télé Québec) et 0,18 % personnes physiques. À l’issue de la réforme, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France détiendra 49 % du capital de TV5 Monde, suite aux transferts de participations financières réalisées à son bénéfice par France Télévisions, Arte et l’INA (28) qui conserveront à eux trois 17,67 % du capital de TV5 Monde. Les participations des partenaires francophones ne seront pas remises en cause.

2. La création d’une nouvelle société nationale de programme par le projet de loi

Afin de poursuivre la mise en œuvre de cette réforme, le IV de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986 est donc profondément modifié (alinéa 1) pour ériger la société chargée de l’audiovisuel extérieur de la France au rang de société nationale de programme, aux côtés de France Télévisions et de Radio France, et définir ses missions (alinéa 2), ses moyens (alinéa 3) ainsi que le contenu de son cahier des charges (alinéa 4).

a) Une société nationale de programme en lieu et place de RFI

Ce faisant, les alinéas 1 et 2 du présent article substituent la mention, dans la loi du 30 septembre 1986, de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France à celle de Radio France Internationale, qui cessera ainsi d’être une société nationale de programme.

En effet, la rédaction actuelle du IV de l’article 44 de cette loi, à laquelle le présent article se substitue, fait référence à « la société nationale de programme dénommée Radio France Internationale ». La réforme fait de cette dernière une filiale de la société en charge de l’audiovisuel extérieur, à laquelle est assignée une mission plus large que celle de RFI (29) : « contribuer à la diffusion et à la promotion de la culture française et francophone, ainsi qu’au rayonnement de la France dans le monde, notamment par la fourniture d’informations relatives à l’actualité française, francophone et internationale ».

Cet objectif est tout à fait conforme aux conclusions de la mission confiée à MM. Lévitte et Benamou, qui a défini la double mission devant être assignée à l’audiovisuel extérieur français : une mission d’influence – la France pouvant rivaliser avec les grands médias internationaux grâce à une production autonome d’images nourrissant l’information internationale – et une mission culturelle de promotion de valeurs telles que la francophonie, la diversité culturelle, la démocratie ou la confrontation des opinions.

Par ailleurs, le choix d’une désignation générique de la société « en charge de l’audiovisuel extérieur de la France », correspond au caractère provisoire de la dénomination de la société holding, à savoir « Audiovisuel Extérieur de la France » (AEF). Comme le rappelait le rapporteur spécial des médias, M. Patrice Martin-Lalande, « le nom "France Monde" n’ayant pu être conservé (sauf à payer une somme de 15 millions d’euros pour pouvoir l’utiliser), le lancement d’une consultation doit permettre de trouver, dès septembre, un nouveau nom pour la société holding… autre que le très austère Audiovisuel extérieur de la France » (30). Cette consultation a été lancée en juillet 2008 (31) et le processus de recherche, piloté par la direction de la société holding, devrait aboutir début 2009 (32).

Rappelons, pour mémoire, que l’utilisation de la marque « France Monde » a été définitivement écartée, dans la mesure où elle appartient à l’association Cœurs de France Monde, qui réclamait, par l’intermédiaire de son avocat, 15 millions d’euros pour son rachat. L’Institut national de la propriété industrielle a confirmé l’antériorité de droits de Cœurs de France Monde sur la marque France Monde. Poursuivre dans cette voie aurait eu un coût largement supérieur à celui entraîné par la recherche d’une nouvelle marque. Compte tenu de cette décision, le coût du différend s’est limité aux frais d’honoraires et recherches juridiques, à savoir 14 000 euros. Le budget de la recherche de nom est, quant à lui, estimé à 40 000 euros, hors négociations de rachat de nom de domaine et/ou marque (33). Une consultation sera lancée pour la création d’un logo, d’une identité et d’une charte graphique dont le budget est estimé à 80 000 euros.

b) L’architecture et les moyens de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France

La première phrase de l’alinéa 3 décline les objectifs généraux fixés par l’alinéa précédent, dessinant l’architecture et les moyens de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, qui « définit ou contribue à définir les orientations stratégiques et la coordination des services de communication audiovisuelle, en français ou en langue étrangère, destinés en particulier au public français résidant à l’étranger et au public étranger, édités par des sociétés dont elle détient tout ou partie du capital ».

La société en charge de l’audiovisuel extérieur se voit ainsi confier une mission ambitieuse mais claire : faire émerger une grande puissance médiatique qui participera au rayonnement de la France et de la culture française à l’étranger. Pour atteindre le public le plus large et précisément parce que la francophonie est porteuse de valeurs humanistes et universelles, il est essentiel de prévoir que cette mission ne s’exerce pas exclusivement par l’édition de programmes en langue française. À côté des médias anglo-saxons ou arabes, les services de communication audiovisuelle extérieure français doivent, en effet, promouvoir un regard français sur l’actualité en s’adaptant, chacun en fonction des objectifs qui leur seront assignés, à leur public cible.

Précisons, à toutes fins utiles, que l’expression « contribue à définir », qui concerne TV5 Monde, témoigne de la prise en compte des décisions négociées avec les partenaires francophones de la France et tire les conséquences du positionnement spécifique de TV5 Monde, à côté des sociétés publiques en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.

c) Une réforme financée

La deuxième phrase de l’alinéa 3 précise logiquement que la société en charge de l’audiovisuel extérieur « peut […] financer » les services de communication audiovisuelle qu’elle coordonne et dont elle définit les orientations. Il s’agit d’une simple possibilité, dans la mesure où les services édités par les sociétés dont la société nationale de programme détiendra tout ou partie du capital pourront s’appuyer sur les ressources propres de ces sociétés.

Sur le fondement de cette disposition, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France pourra ainsi, à la fois, reverser la part du produit de la redevance audiovisuelle qui lui est affectée à ses filiales répondant à des missions de service public et répartir les crédits du programme Audiovisuel extérieur de la France du budget général de l’État entre les différentes sociétés.

L’adoption du projet de loi de finances pour 2009, actuellement en cours d’examen au Parlement, permettra, du reste, de simplifier le cadre budgétaire de la réforme. L’an prochain, les crédits visant à financer les sociétés de l’audiovisuel extérieur (AEF, France 24, RFI et TV5 Monde) ne feront plus l’objet d’une répartition par sociétés : le montant total des crédits sera versé à la société holding qui les répartira et les versera aux différentes entreprises concernées.

Ainsi, en 2009, les ressources publiques allouées à la société AEF, à ses futures filiales ainsi qu’à TV5 s’élèveront à près de 300 millions d’euros, inscrites, pour 233 millions d’euros, sur le programme Audiovisuel Extérieur de la France de la mission Médias et, pour 65 millions d’euros, sur le programme Contribution au financement d’Audiovisuel Extérieur de la France du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel répartissant le produit de la redevance.

Par ailleurs, les administrations concernées et les dirigeants d’AEF travaillent actuellement sur l’élaboration du plan stratégique et sur la trajectoire financière de moyen terme du groupe et de ses filiales. Celui-ci s’appuiera notamment sur les nombreuses complémentarités qui existent entre les différents opérateurs et sur la mise en œuvre des synergies attendues de la réforme.

d) L’épaisseur de la société nationale de programme

La dernière phrase de l’alinéa 3 dispose que la société en charge de l’audiovisuel extérieur « peut également concevoir et programmer elle-même de tels services », à l’instar des autres sociétés nationales de programme.

Il est donc proposé qu’à partir de la société AEF détenue aujourd’hui à 100 % par l’État, un ensemble de services de communication audiovisuelle puissent non seulement être définis et coordonnés en un lieu de décision unique, mais puissent aussi, un jour, être conçus et programmés directement par la société nationale de programme en charge de l’audiovisuel extérieur.

Si ce passage à un rôle actif d’éditeur de chaînes n’est pas à l’ordre du jour, la rédaction proposée par le Gouvernement ne ferme pas la porte à une telle évolution de la société holding en société éditrice. À titre d’illustration, il n’est pas exclu que le portail Internet de l’audiovisuel extérieur de la France, développé par AEF, donne accès à des services de média audiovisuels à la demande ou des « web TV ».

e) La définition du contenu de son cahier des charges

Enfin, l’alinéa 4 du présent article dispose, plus classiquement et par référence à l’article 48 de la loi du 30 septembre 1986 (34), que le cahier des charges de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France « définit les obligations de service public auxquelles sont soumis, le cas échéant, » chacun des services de communication audiovisuelle que la société nationale de programme proposera ou qui seront édités par ses filiales, ainsi que les « conditions dans lesquelles la société assure, par l’ensemble de ces services, la diversité et le pluralisme des programmes ».

Le cahier des charges de la société nationale de programme reprendra notamment les obligations de service public auxquelles est actuellement soumise RFI, à l’image de celles concernant la communication en temps de crise, les campagnes électorales ou l’action culturelle de coopération.

S’agissant plus particulièrement de France 24, rappelons que les missions de service public qui lui sont confiées par l’État ont été clairement définies lors de la notification à Bruxelles du financement de cette chaîne de télévision : le 7 juin 2005, la Commission européenne a ainsi reconnu que France 24 constituait bien un « service d’intérêt économique général » qui pouvait être financé par l’État. En effet, la ligne éditoriale, la programmation ou encore le public cible de la chaîne, définis par sa convention constitutive, répondent bien aux objectifs fixés par l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986, à savoir « l’action audiovisuelle extérieure, le rayonnement de la francophonie et […] la diffusion de la culture et de la langue française dans le monde ».

*

La Commission examine un amendement de M. Didier Mathus tendant à supprimer cet article.

M. Didier Mathus. Au terme d’une histoire assez cocasse, qui n’est pas à l’honneur d’un certain conseiller de l’Elysée, nous nous retrouvons face à un objet étrange, composé de trois entités : TV5 Monde, chaîne au sein de laquelle la position de la France est désormais singulièrement affaiblie, RFI et enfin France 24.

La nouvelle holding, platement dénommée « Audiovisuel Extérieur de la France », puisque le terme initialement retenu – France Monde – n’était plus libre, va se substituer à France 24 et à RFI, et sera dirigée par l’épouse du ministre des affaires étrangères, autre singularité assez typique de notre pays.

Alors que RFI joue un rôle majeur en Afrique et dans d’autres régions du monde, dans les cercles francophones ou les milieux intéressés par la France, il existe une grande inquiétude sur la préservation de ses missions. Ce qui nous est proposé est une erreur, car si nous disposons d’éléments permettant d’apprécier l’influence de RFI, ce n’est pas le cas pour France 24. Il est regrettable d’avoir négligé le réseau de distribution de TV5 Monde, qui est le deuxième au monde, au profit de celui de France 24, dont la réussite n’est pas établie.

M. le rapporteur. Cela fait vingt ans que les majorités successives déplorent la désorganisation de l’audiovisuel extérieur de la France. Pour la première fois, nous allons introduire de la cohérence dans ce dispositif, qui repose sur une grande chaîne d’information en continu, sur une grande chaîne généraliste – TV5 Monde – et sur cette grande radio internationale qu’est RFI.

Contrairement à ce qu’indique l’exposé des motifs, je précise que RFI restera une société publique, tandis que la holding deviendra société nationale de programme.

Quoi qu’il en soit, ne restons pas au milieu du gué au moment où nous créons une grande chaîne d’information internationale ! En mettant en cohérence l’audiovisuel extérieur, nous pourrons réaliser d’importantes économies d’échelle, car il existe aujourd’hui de nombreux doublons.

Enfin, la dénomination que vous déplorez n’est que temporaire. Nous trouverons un nom plus attractif à l’issue d’une consultation.

Par conséquent, je suis très défavorable à cet amendement. Ne ruinons pas un effort de mise en cohérence de l’audiovisuel extérieur !

La Commission rejette cet amendement.

Elle adopte ensuite un amendement rédactionnel déposé par le rapporteur.

Puis elle examine un amendement de Mme Muriel Marland-Militello tendant à inclure la promotion de la langue française parmi les missions de la société nationale de programme en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.

M. Patrice Martin-Lalande. J’aimerais savoir si France 24 et RFI conserveront la possibilité d’émettre en langue étrangère si cet amendement est adopté ?

Mme Muriel Marland-Militello. Tout à fait. Nous ne touchons pas à cette disposition. Il s’agit simplement de promouvoir la culture francophone.

M. Patrick Bloche. C’est absurde. La culture francophone, c’est par nature une langue en partage.

Après avis favorable du rapporteur, la Commission adopte cet amendement.

Elle examine ensuite un amendement de M. Noël Mamère tendant à préciser que les filiales de l’AEF doivent concevoir et programmer des émissions de radio et de télévision.

M. Noël Mamère. Comme l’indiquait Didier Mathus, RFI est un outil indispensable pour la diffusion de la culture française, mais aussi de l’information. Nous avons pu constater, au cours des derniers mois, que les journalistes et les correspondants de RFI étaient présents dans des lieux difficiles d’accès et risqués, où la démocratie n’est pas la vertu la mieux acceptée.

Si je puis utiliser une expression de journaliste, il n’y a pas photo à l’arrivée quand on compare le rôle joué par RFI avec celui de France 24.

M. le rapporteur. La dimension réductrice de cet amendement a certainement dû vous échapper : en mentionnant seulement les émissions de radio et de télévision, vous négligez les autres supports, notamment Internet. C’est une négation du concept de média global.

Je comprends bien votre intention, mais il me semble que cet amendement ira à l’encontre de ce que vous souhaitez.

M. Noël Mamère. Dans ce cas, je rectifie l’amendement afin d’y ajouter le terme : « notamment ».

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Elle examine ensuite un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à préciser que l’actualité couverte par l’AEF doit notamment être de nature européenne.

M. le rapporteur. Bien que cet amendement me semble un peu redondant, puisque l’article fait déjà référence à l’actualité française, francophone et internationale, il n’est peut-être pas inutile d’insister sur la dimension européenne des informations diffusées.

La Commission adopte cet amendement.

Elle examine ensuite un amendement de M. Noël Mamère précisant que les services de communication audiovisuelle édités par les sociétés dont l’AEF détient tout ou partie du capital doivent être produits en français « et en langues étrangères », et non « ou en langue étrangère ».

M. le rapporteur. Avis favorable à la référence aux « langues étrangères » au pluriel, mais sous réserve que soit adopté un sous-amendement remplaçant « et » par « ou ». Cela préservera la faculté d’adaptation des services diffusés par l’audiovisuel extérieur aux zones géographiques et aux publics visés.

M. Marcel Rogemont. Mais ce n’est plus le même amendement !

Mme Aurélie Filippetti. Vous en faites une lapalissade !

M. le président Jean-François Copé. Non. À défaut, cela reviendrait à imposer chaque fois une traduction.

La Commission adopte le sous-amendement, puis l’amendement ainsi modifié.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement deux amendements de M. Noël Mamère, tendant l’un à supprimer les mots « le cas échéant » à l’alinéa 4 de l’article 2, l’autre à garantir aux futurs salariés de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France les mêmes droits que ceux conférés par les conventions collectives aux personnels de l’audiovisuel public.

Puis la Commission adopte l’article 2 ainsi modifié.

Article 3

Filialisation des activités commerciales
des sociétés nationales de programme

Cet article propose une nouvelle rédaction de l’article 44-1 de la loi du 30 septembre 1986 relatif à la création de filiales par France Télévisions, afin de coordonner sa rédaction avec la nouvelle organisation de France Télévisions prévue à l’article 1er du présent projet de loi, mais également d’étendre ces dispositions aux autres sociétés nationales de programme (Radio France et AEF).

À l’heure actuelle, Radio France n’a pas de filiale commerciale, la société étant organisée en directions et l’article 44-1 ne lui offrant pas la possibilité de créer de telles filiales. La société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France n’a pas encore de filiales.

 L’état actuel du droit

L’article 44-1 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que France Télévisions peut créer des filiales commerciales, qui exercent malgré tout « des activités conformes à son objet social », c’est-à-dire conformes aux missions de France Télévisions prévues dans ses statuts.

Ces missions sont relativement larges, puisqu’en sus de celles déjà listées à l’article 1er du présent projet de loi, et qui relève de missions de service public, le point 4 de l’article 3 des statuts de France Télévisions (35) dispose que « la société a plus généralement pour objet toutes opérations commerciales, industrielles, financières, civiles, mobilières ou immobilières ayant un lien quelconque, direct ou indirect, avec l’objet ci-dessus spécifié ou avec tous objets similaires ou connexes, le tout tant pour elle-même que pour le compte de tiers ou en participation », ce qui explique certaines prises de participation, mais également le fait que la société ait créé une multitude de filiales, comme le montrent les tableaux présentés ci-dessous.

Filiales commerciales de France Télévisions (FTV)

France 2 Cinéma

Société par actions simplifiée

100

France 3 Cinéma

Société par actions simplifiée

100

Multimédia France Production (MFP)

Société anonyme

100

France Télévisions Publicité (FTP)

Société anonyme

100

France Télévisions Publicité Régions

Société en commandite simple

79,67

France Télévisions Publicité Inter Océan

Société par actions simplifiée

100

Régie Inter Océan

Société anonyme

100

France Télévisions Publicité Conseil

Société par actions simplifiée

100

Web Sat Pub

Société par actions simplifiée

100

France Télévisions Distribution (FTD)

Société anonyme

100

Télévision Radio Services (TVRS)

Société par actions simplifiée

100

France Espace Développement

Société par actions simplifiée

100

Média Exchange

Société par actions simplifiée

100

Société Civile Immobilière France Télévisions

Société civile immobilière

100

Société Civile ImmobilièreValin

Société civile immobilière

100

France Télévisions Gestion Immobilière

Société anonyme

100

France Télévisions Interactive (FTVI)

Groupement d’intérêt économique

100

Music 3

Groupement d’intérêt économique

100

France Télévision Numérique

Société par actions simplifiée

100

France Télévisions Systèmes d’informations

Société par actions simplifiée

100

GIE France Télévisions Services

Groupement d’intérêt économique

100

France Télémusique

Société par actions simplifiée

100

Source : Direction du développement des médias

Objet social de certaines filiales

Multimédia France Productions

MFP fait essentiellement de la production (de fictions, de magazines, de documentaires) mais aussi du sous-titrage, du télétexte, de l’habillage, du doublage et de l’insertion de voix. MFP travaille essentiellement pour les chaînes de France Télévisions.

France Télévisions Publicité Régions

FTP régions est une filiale de FTP qui assure la commercialisation des écrans régionaux.

France Télévisions Publicité
Inter Océans

FTP IO est une filiale de Régie Inter Océans qui assure essentiellement la commercialisation des écrans ultramarins de RFO et le cas échéant d’autres supports.

Régie Inter Océan

Régie Inter Océans est une filiale de FTP, régisseur de publicité pour RFO, aussi bien pour la radio que pour la TV.

France Télévisions Publicité Conseil

FTPC est une filiale de Régie Inter Océans, intervenant en média-conseil.

Web Sat Pub

Web Sat Pub est une filiale de France Espace Développement qui assure la commercialisation des écrans de chaînes thématiques.

Télévision Radio Services

TVRS, filiale de France 2 et France 3, assure la production et la transmission de signaux radio et télévision dans le cadre de compétitions sportives ou d’évènements exceptionnels.

France Espace Développement

FED est une filiale de FTP en charge de la régie de nouveaux services de communication ou de la réalisation de bandes annonces ou de génériques.

Média Exchange

Média Exchange est une filiale de FTP qui assure la commercialisation d’espaces publicitaires aux enchères.

Société Civile Immobilière France Télévisions

La SCI FTV est le crédit preneur de l’immeuble de France Télévisions à Paris, dont elle assure la gestion.

Société Civile ImmobilièreValin

La SCI Valin est le crédit preneur de l’immeuble « Valin » en cours de construction, dont elle assurera ultérieurement la gestion.

France Télévisions Gestion Immobilière

FTGI, filiale de France Télévision, peut assurer la gestion, la prise à bail, la maîtrise d’ouvrage, etc. de tous locaux pour les entités du groupe France Télévisions.

Music 3

Groupement d’intérêt économique en charge d’édition musicale.

France Télévision Numérique

Filiale de France 2 et France 3, elle est la société qui détenait les participations du groupe dans TPS.

France Télévisions Systèmes d’informations

Filiale de France Télévisions, elle est en charge de l’acquisition et de la gestion de licences de logiciels et de matériels informatiques.

GIE France Télévisions Services

Il assure essentiellement la gestion du siège de France Télévisions à Paris.

France Télémusique

Filiale de France Télévisions, elle détient les participations de celle-ci dans Mezzo.

Source : Direction du développement des médias

Participations du Groupe France Télévisions dans d’autres sociétés

Noms

Forme sociale

Contrôle en 2007 (en %)

France 24

Société anonyme

50,00

France 24 Advertising

Société par actions simplifiée

50,00

ARTE France

Société anonyme

45,00

Canal France International

Société anonyme

74,95

SECEMIE

Société anonyme

23,69

Médiamétrie

Société anonyme

22,80

Holding Histoire

Société anonyme

42,00

Mezzo

Société anonyme

40,00

Planète Thalassa

Société anonyme

34,00

TV5 Monde

Société anonyme

47,50

Jeunesse Télé

Société par actions simplifiée

34

Source : Direction du développement des médias

Ces filiales ne sont pas couvertes par un cahier des charges et ne peuvent être financées par la redevance. Cette interdiction trouve son fondement dans les dispositions des articles 86 et suivants du traité instituant la Communauté européenne (TCE). L’article 87 du Traité pose en effet le principe d’une interdiction générale de financement public de l’audiovisuel. Le versement de fonds publics – comme la redevance – à des entreprises de l’audiovisuel public ne peut être autorisé qu’en compensation de coûts résultant de l’accomplissement des missions de service public confiées à l’organisme considéré.

Le protocole sur le système de radiodiffusion publique adopté en 1997 et annexé au TCE précise à cet égard : « Les dispositions du TCE sont sans préjudice de la compétence des États membres de pourvoir au financement du service public de radiodiffusion dans la mesure où ce financement est accordé aux organismes de radiodiffusion aux fins de l’accomplissement de la mission de service public telle qu’elle a été conférée, définie et organisée par chaque État membre (...) ».

Les points 49 et suivants de la communication de la Commission de 2001 concernant l’application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d’État reprennent ces principes en les précisant. La doctrine constante de la Commission européenne sur les aides d’État à l’audiovisuel public se fonde sur cette communication. C’est le cas en particulier de la décision n° E 10/2005 du 20 avril 2005 de la Commission validant le système de financement de France Télévisions par la redevance, où il est rappelé au point 57 que « les activités commerciales de France Télévisions doivent être gérées au sein de filiales » et qu’il doit y avoir « séparation des comptes ».

La séparation effective des comptes entre les activités relevant des missions de service public confiées par l’État et les autres activités, garantie dans le cas français par la filialisation de ces dernières activités, est donc bien une condition nécessaire à la compatibilité du dispositif avec le TCE. Ces filiales ne doivent par ailleurs pas empiéter sur les activités et les attributions de France 2, France 3, France 5 et RFO.

 Les modifications introduites

L’article 3 du présent projet de loi prévoit que les sociétés nationales de programme France Télévisions, Radio France et la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France auront la possibilité de créer des filiales dans les mêmes conditions qu’actuellement, c’est-à-dire que ces filiales devront exercer « des activités conformes à leur objet social », ces activités n’étant pas considérées comme des missions de service public, telles qu’énumérées à l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986. Il s’agit là encore de la reprise d’une préconisation de la Commission pour la nouvelle télévision publique qui faisait la proposition suivante : « Par exception, et du fait de la spécificité de leur finalité, les sociétés ayant une activité commerciale seraient regroupées dans une filiale commerciale, filiale de l’entreprise unique France Télévisions. Cette filiale en charge de l’exploitation commerciale sur tous les supports regrouperait : France Télévisions Interactive (FTVI), France Télévisions Distribution (FTD), Multimédia France Production (MFP), et France Télévisions Publicité (FTP) ».

Le futur cahier des charges définit les missions de service public des services édités par France Télévisions, y compris ceux de médias audiovisuels à la demande. À ce titre, certaines filiales pourront donc être financées par des fonds publics sans que cela ne soulève de difficultés du point de vue communautaire. C’est d’ailleurs déjà le cas, par exemple, de services de télévision de rattrapage qui sont accessibles gratuitement depuis le site Internet de la société. Seuls les autres services seront développés dans le cadre de filiales commerciales.

Ce distinguo n’est pas nouveau et, déjà actuellement, un programme peut être utilisé sur des supports variés. Ainsi, France Télévisions Distribution commercialise sous forme de DVD des programmes diffusés par France Télévisions, après en avoir acheté les droits vidéo.

S’agissant de la frontière toujours ténue existant autour de la question de la mission de service public des services à la demande, notamment payants, la Commission européenne prépare actuellement une révision de sa communication de 2001 relative aux aides d’État à l’audiovisuel public, dans laquelle elle a l’intention de préciser sa doctrine en tenant compte des progrès technologiques et de l’apparition de nouveaux services.

Les principaux éléments de discussion concernent les marges de manœuvre accrues laissées aux organismes publics de radiodiffusion pour relever les défis du nouvel environnement médiatique, les principes qui sous-tendent la définition de la mission de service public par les États membres, ainsi que la surveillance des activités de service public au niveau national. Sur la base des observations reçues, la Commission pourrait adopter une communication modernisée sur la radiodiffusion au premier semestre 2009.

*

La Commission examine un amendement de M. Noël Mamère visant à prévoir que les filiales commerciales répondent aux mêmes obligations de service public que les sociétés nationales de programme.

M. Noël Mamère. Il s’agit de faire en sorte que les mêmes règles soient respectées dans l’ensemble des organismes concernés, filiales incluses, et qu’on ne puisse pas déroger aux missions de service public.

M. le rapporteur. J’émets un avis défavorable. Ces filiales, du fait de leur activité commerciale, ne peuvent être financées par la redevance et donc répondre à des missions de service public.

La Commission rejette cet amendement, puis adopte un amendement rédactionnel du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 3 ainsi modifié.

Article 4

Détention du capital et statuts des sociétés nationales de programme

Cet article modifie l’article 47 de la loi du 30 septembre 1986 relatif à la détention du capital des sociétés de l’audiovisuel public (alinéa 1) par coordination avec les dispositions adoptées aux articles 1er et 2 du présent projet de loi.

 La détention du capital des sociétés nationales de programme

Est modifié, en premier lieu, le premier alinéa de l’article 47 (alinéa 2) qui, en l’état actuel du droit, dispose que l’État détient directement la totalité du capital de France Télévisions et de Radio France. Depuis la modification apportée par l’article 143 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, ce même alinéa prévoit que l’État détient, directement ou indirectement, la totalité du capital de Radio France International.

L’alinéa 3 du présent article modifie uniquement les dispositions relatives à RFI du fait de la création de la société nationale de programme en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. Il prévoit donc qu’à l’avenir l’État détiendra directement la majorité du capital de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.

Le projet de loi garantit donc que le capital de l’audiovisuel extérieur de la France restera directement détenu par l’État. Le Gouvernement a considéré qu’il était important de permettre à cette entreprise opérant à l’international de s’associer à d’autres partenaires, publics ou privés, qui pourraient contribuer à son succès. Selon les informations communiquées par la Direction du développement des médias, « rien de tel n’est prévu à ce stade, mais si un réel projet de partenariat voyait le jour, au service du développement de l’audiovisuel extérieur de la France et du rayonnement de la France à l’étranger, la loi ne ferait pas obstacle à sa mise en œuvre ».

Cette nuance est surprenante et malvenue à l’heure où l’État négocie la sortie de TF1 du capital de la société France 24. Le rapporteur estime que l’audiovisuel extérieur de la France doit être la propriété pleine et entière de l’État, étant donné la sensibilité particulière de ce secteur.

 Les statuts de sociétés nationales de programme

Est modifié, en second lieu, le deuxième alinéa de l’article 47 (alinéa 4). En l’état actuel du droit, le deuxième alinéa de l’article 47 dispose que France Télévisions, Radio France, RFI, mais également France 2, France 3, France 5 et RFO, qui sont actuellement des sociétés nationales de programme, sont soumises à la législation sur les sociétés anonymes, sauf dispositions contraires de la loi. Cet alinéa prévoit également que leurs statuts sont approuvés par décret.

Ainsi, la dernière version des statuts de France Télévisions a été approuvée par le décret n° 2004-1084 du 13 octobre 2004 modifiant les décrets n° 2000-846 du 31 août 2000 portant approbation des statuts de la société France Télévisions et n° 2000-1106 du 14 novembre 2000 portant approbation des statuts de France 2, France 3 et de France 5. Le Réseau France Outre-mer (RFO) est quand à lui régi par des statuts approuvés par le décret n° 2004-1090 du 13 octobre 2004. S’agissant de Radio France, les statuts ont été approuvés par le décret n° 82-904 du 20 octobre 1982 modifié pour la dernière fois par le décret n° 2001-1096 du 19 novembre 2001. Enfin, s’agissant de RFI, les statuts ont été approuvés par le décret n° 82-1240 du 31 août 1982 modifié pour la dernière fois par le décret n° 2006-1382 du 13 novembre 2006.

L’alinéa 4 du présent article du projet de loi procède par coordination avec les dispositions adoptées à l’article 1er, à la suppression de la référence aux sociétés France 2, France 3, France 5 et RFO, puisqu’elles deviennent des services de France Télévisions. Elles disposeront donc demain des mêmes statuts que France Télévisions.

Selon les informations communiquées par le Gouvernement, une abrogation formelle des décrets concernant ces sociétés est envisagée assez rapidement après l’entrée en vigueur de la loi. Cette abrogation devrait intervenir à l’occasion de l’adoption par décret des nouveaux statuts de France Télévisions.

Pour RFI toutefois, le III de l’article 52 du présent projet de loi dispose que le conseil d’administration continue à délibérer valablement dans un délai maximal de trois mois après promulgation de la présente loi. Le décret relatif à RFI ne sera donc pas abrogé aussi rapidement.

*

La Commission est saisie d’un amendement de M. Didier Mathus tendant à supprimer l’article 4.

M. Didier Mathus. Selon cet article, l’État, s’il détient la totalité du capital des sociétés France Télévisions et Radio France, ne possédera que la majorité de celui de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. Cela nous inquiète.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite un amendement de repli de M. Didier Mathus tendant à réécrire l’alinéa 3.

M. Didier Mathus. L’alinéa serait ainsi rédigé : « L’État détient directement la totalité du capital des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. »

M. le rapporteur. Je suis favorable à cet amendement, à condition que M. Mathus accepte d’en rectifier la rédaction en ajoutant la coordination « et » entre « France Télévisions » et « Radio France ».

Mme Aurélie Filippetti. C’est inutile – et incorrect !

M. le rapporteur. Par cohérence, il faut insérer « et ».

La Commission adopte l’amendement de M. Didier Mathus ainsi modifié. En conséquence, un amendement de M. Noël Mamère tendant à remplacer le mot « majorité » par le mot « totalité » devient sans objet.

La Commission adopte l’article 4 ainsi modifié.

Article 5

Composition du conseil d’administration de France Télévisions

Cet article modifie l’article 47-1 de la loi du 30 septembre 1986 relatif à la composition des conseils d’administration de France Télévisions, France 2, France 3, France 5 et RFO (alinéa 1), par coordination avec la création de la société nationale de programme unique créée par l’article 1er du présent projet de loi et avec les nouvelles modalités de nomination du président de France Télévisions prévues à l’article 8 du présent projet de loi. Cette modification fait du président de France Télévisions le quinzième membre du conseil d’administration. Hormis cet ajustement, la composition du conseil d’administration ne change pas.

Rappelons que, selon les termes de l’article 13 des statuts de France Télévisions, « le conseil d’administration définit les orientations stratégiques de l’action de la société. Il veille à la bonne marche des services et à l’observation des dispositions législatives et réglementaires applicables à la société ». Il est notamment chargé :

− d’approuver le projet de contrat d’objectifs et de moyens (COM) de la société et ses avenants, et de délibérer sur le rapport relatif à son exécution annuelle ;

− d’approuver l’état prévisionnel des recettes et des dépenses de France Télévisions, France 2, France 3, France 5 et RFO, ainsi que des filiales ;

− de délibérer sur les prises, extensions et cessions de participations financières de France Télévisions ;

− sur proposition du président, de désigner le directeur général de chacune des sociétés France 2, France 3, France 5 et RFO.

En l’état actuel du droit, les cinq premiers alinéas de l’article 47-1 prévoient que le conseil d’administration de France Télévisions comprend quatorze membres, qui disposent d’un mandat de cinq ans :

– deux parlementaires désignés respectivement par l’Assemblée nationale et par le Sénat ;

– cinq représentants désignés par l’État ;

– cinq personnalités qualifiées nommées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, « dont une au moins est issue du mouvement associatif, une autre au moins est issue du monde de la création ou de la production audiovisuelle ou cinématographique et une au moins est issue de l’outre-mer français » ;

– deux représentants élus par le personnel.

Conseil d’administration de France Télévisions

Président

M. Patrick de Carolis

Membres

M. Christian Kert
M. Louis de Broissia
M. Raphaël Hadas-Lebel
M. Rémy Rioux
Mme Véronique Cayla
Mme Laurence Franceschini
Philippe Leyssène 
36
M. Jean-Christophe Rufin
M. Jean-Claude Carrière
M. Dominique Wolton
Mme Henriette Dorion-Sébéloué
M. Laurent Bignolas
M. Serge Guillemin

L’introduction de parlementaires au conseil d’administration des sociétés nationales de programme remonte à la création même de celles-ci. L’article 11 de la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relative à la radiodiffusion et à la télévision prévoit que le conseil d’administration de chaque société comprend notamment un parlementaire. Ce nombre passe à deux avec la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, dont l’article 39 prévoit que le conseil d’administration des sociétés nationales de programme comprend notamment deux parlementaires désignés respectivement par le Sénat et l’Assemblée Nationale.

Parlementaires aux Conseils d’administration du Groupe France Télévisions depuis 2000

France Télévisions

Octobre 2000 :

– M. Jean Paul Hugot, sénateur (UMP)

– M. Didier Mathus, député (PS)

Octobre 2001 :

– M. Louis de Broissia, sénateur (UMP), jusqu'à septembre 2008, date à laquelle il n'a pas été renouvelé dans son mandat, ayant été battu aux sénatoriales.

Octobre 2002 :

–M. Christian Kert, député (UMP), jusqu'à ce jour

France 2

Novembre 2000 – septembre 2002 :

– M. Michel Françaix, député (PS)

Depuis septembre2002 :

– M. Pierre Morange, député (UMP)

Depuis décembre 1998 :

– M. Philippe Nachbar, sénateur (UMP)

France 3

Octobre 2000 :

– M. André Diligent, sénateur (UMP), est renouvelé dans son mandat à France 3.

– M. Christian Cuviliez, député (PC)

Octobre 2001 :

– M. Philippe Richert, sénateur ((UMP)

Oct. 2002 :

– M. Jean Ueberschlag, député (PS), jusqu'à ce jour.

France 4

Pas de parlementaires

France 5

Depuis 2000 :

– M. Pierre Laffitte , sénateur (UMP)

– M. Bruno Bourg Broc, député (UMP) puis M. Françaix (SRC) en 2002

RFO

En 2002 :

– M. Philippe Nogrix, sénateur (UDF)

– M. Bertho Audifax, député(UMP)

En 2004

RFO est intégrée à FTV, et son conseil renouvelé : le député est renouvelé, le sénateur devient André Vallet (UMP)

En 2006

Suite à sa démission du conseil, le sénateur est remplacé par le sénateur Adrien Giraud (UMP)

En 2007

Le député désigné par la nouvelle Assemblée : René Paul Victoria (UMP)

Source : France Télévisions

Dans sa rédaction actuelle, le sixième alinéa de l’article 47-1 dispose quant à lui que le président de France Télévisions est nommé par le CSA pour cinq ans, parmi les personnalités que cette autorité indépendante a désignées au conseil d’administration de France Télévisions.

La décision du CSA doit être prise à la majorité de ses membres.

L’alinéa 2 du présent article du projet de loi modifie ce sixième alinéa afin de prendre en compte les nouvelles modalités de nomination du président de la société nationale de programme prévues par l’article 8 du présent projet de loi.

Le président étant désormais désigné intuitu personae, il sort des différents « collèges » du conseil d’administration. Il n’est plus désigné au sein du collège des personnalités qualifiées nommées par le CSA, pas plus qu’il n’est considéré faire partie du collège des représentants de l’État.

Le tableau suivant résume les modifications apportées par le présent article à la composition du conseil d’administration de France Télévisions.

Composition du conseil d’administration de France Télévisions

Avant la promulgation de la loi

 

Après la promulgation de la loi

14 membres répartis de la façon suivante :

– 2 parlementaires ;

– 5 représentants de l’État ;

– 5 personnalités qualifiées nommées par le CSA, dont au moins une issue du milieu associatif, une au moins est issue du monde de la création ou de la production audiovisuelle ou cinématographique et une au moins est issue de l’outre-mer français ;

– 2 représentants du personnel élus conformément aux dispositions du titre II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

Le président est nommé par le CSA parmi les personnalités qualifiées qu’il a désignées.

 

15 membres répartis de la façon suivante :

– 2 parlementaires ;

– 5 représentants de l’État ;

– 5 personnalités qualifiées nommées par le CSA, dont au moins une issue du milieu associatif, une au moins est issue du monde de la création ou de la production audiovisuelle ou cinématographique et une au moins est issue de l’outre-mer français ;

– 2 représentants du personnel élus conformément aux dispositions du titre II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public ;

– Le président nommé par le Président de la République, après avis conforme du CSA et avis des commissions des affaires culturelles du Parlement.

S’agissant de la présence d’« au moins une personne issue du monde de la création ou de la production audiovisuelle ou cinématographique », la Commission pour la nouvelle télévision publique a estimé que « cette exigence est légitime au regard de la vocation de France Télévisions à participer pleinement à la création télévisuelle et cinématographique. Cependant, il peut manifestement y avoir un risque de conflit d’intérêt si les personnalités membres du conseil d’administration sont dans le même temps fournisseurs de France Télévisions ».

La Commission précitée a donc préconisé « qu’un membre du conseil d’administration de France Télévisions ne [puisse] être concomitamment l’un de ses fournisseurs, l’un de ses clients ou avoir un lien avec l’un de ses concurrents ». Le rapporteur partage ce point de vue et a rédigé un amendement en ce sens pour remplacer les termes de « personnalité qualifiée » par ceux de « personnalité indépendante nommée à raison de ses compétences ». Cela signifie que, si la compétence est importante, il convient également que le CSA ne nomme plus au conseil d’administration de France Télévisions – comme de Radio France d’ailleurs – de personnalités qui sont clients ou fournisseurs de la société.

Rappelons que le rapport de la Commission précitée préconisait également que le nouveau conseil d’administration se concentre « sur les éléments stratégiques de l’action de France Télévisions, en évitant d’entrer dans des éléments relevant de la gestion quotidienne de la société », la gouvernance de France Télévisions devant à la fois « se rapprocher de celle des autres entreprises publiques, tout en préservant sa spécificité que le Conseil Constitutionnel a eu l’occasion de réaffirmer ; aboutir à une clarification de sa relation avec l’État, en évitant toute redondance et en se reposant sur le cadre conventionnel fondamental qu’est le COM ; éviter tout conflit d’intérêt potentiel ».

L’alinéa 3 du présent article du projet de loi tire les conséquences des nouvelles modalités de nomination du président de France Télévisions prévues à l’article 8 du présent projet de loi en supprimant le sixième alinéa de l’article 47 de la loi du 30 septembre 1986 relatif aux modalités de sa nomination par le CSA. Il tire également les conséquences de la création de l’entreprise unique à l’article 1er du présent projet de loi, qui conduit de fait à la disparition des conseils d’administration des sociétés actuelles du groupe, France 2, France 3, France 5 et RFO, en supprimant les septième à dix-huitième alinéas de ce même article.

*

La Commission est saisie d’un amendement de M. Didier Mathus visant à supprimer l’article.

M. Didier Mathus. En modifiant la loi du 30 septembre 1986, cet article menace l’indépendance de France Télévisions. Que l’État nomme et, surtout, révoque le président de France Télévisions nous paraît scandaleux. Maintenir une telle épée de Damoclès au-dessus de la tête du président de la télévision publique serait contraire à tous les usages démocratiques ! Il convient de supprimer cet article qui introduit une disposition quasi scélérate dans le droit français.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette cet amendement.

La Commission est saisie de deux amendements pouvant être soumis à une discussion commune, présentés respectivement par le rapporteur et par M. Noël Mamère, portant sur la composition du conseil d’administration de France Télévisions.

M. le rapporteur. Mon amendement propose une nouvelle rédaction de l’article 5 afin de préciser, d’une part, que les parlementaires membres du conseil d’administration doivent être désignés par les commissions compétentes au fond sur les questions d’audiovisuel, c’est-à-dire les commissions chargées des affaires culturelles et, d’autre part, que les cinq personnalités désignées par le CSA doivent être indépendantes de France Télévisions, c’est-à-dire n’être ni clients, ni fournisseurs de cette société. Jusqu’à présent, des personnalités produisant des émissions pour France Télévisions peuvent siéger à son conseil d’administration. Il faut remédier à cela.

M. Noël Mamère. Notre amendement vise avant tout à assurer une meilleure représentation des personnels et des téléspectateurs. Le service public de l’audiovisuel est notre bien commun : il serait normal que les téléspectateurs aient voix au chapitre.

M. le président Jean-François Copé. Il s’agit là de deux amendements bien différents. Quant à la notion de représentation des téléspectateurs, elle me paraît fort discutable.

M. Noël Mamère. On peut discuter sans doute de la meilleure manière d’assurer cette représentation. Quant à la juger discutable, c’est oublier ce qui se pratique dans d’autres pays de l’Union européenne. Il existe déjà en France des associations de téléspectateurs ; et si beaucoup connaissent des difficultés de fonctionnement, d’autres, comme Les pieds dans le PAF, sont très actives.

Mme Muriel Marland-Militello. Comment les choisira-t-on ?

M. Noël Mamère. Comment fait-on au Danemark pour organiser une conférence de citoyens pour débattre d’une innovation technologique ? On constitue un panel de citoyens bénéficiant de la formation adéquate pour formuler une expertise. Il existe toutes sortes de possibilités ! Quoi qu’il en soit, il semble normal que des représentants de téléspectateurs siègent dans le conseil d’administration d’une société qui, d’une certaine manière, leur appartient.

M. le président Jean-François Copé. Personnellement, je ne pense pas que des représentants de téléspectateurs aient leur place dans un conseil d’administration dont la vocation est de voter le budget de France Télévisions. En revanche, ils peuvent déjà exprimer leur avis par l’intermédiaire des groupes qualitatifs régionaux installés par France Télévisions.

M. Marcel Rogemont. Je propose un sous-amendement à l’amendement du rapporteur. Si deux parlementaires seulement siègent au conseil d’administration, l’opposition aura peu de chances d’y être représentée. Il conviendrait de prévoir la présence de quatre parlementaires, deux pour l’opposition et deux pour la majorité.

Mme Françoise de Panafieu. Dès lors que des parlementaires sont présents dans un conseil d’administration, ipso facto ce sont eux les représentants des téléspectateurs.

M. Yves Censi. Ne laissons pas dériver le débat : l’amendement présenté par Noël Mamère évoque les « associations de téléspectateurs », non leurs « représentants » ! Françoise de Panafieu a raison de dire que les seuls représentants des téléspectateurs, ce sont les parlementaires. Augmentons le nombre de parlementaires au sein du conseil d’administration, mais n’érigeons pas les associations en « représentants » des téléspectateurs !

Mme Sandrine Mazetier. Pour ma part, j’estime que nous ne représentons pas les consommateurs ou les usagers, mais le peuple. Ce n’est pas la même chose !

Par ailleurs, vu vos emplois du temps et votre rapport à l’information, pensez-vous réellement être représentatifs des téléspectateurs actuels, et notamment de la fameuse ménagère de moins de cinquante ans ? Je ne vois pas pourquoi les téléspectateurs ne pourraient pas être représentés en tant que tels au conseil d’administration de France Télévisions.

M. le président Jean-François Copé. Qui représentons-nous ? On peut en débattre longtemps. Pour ma part, je ne suis pas d’accord pour qu’on dévalorise le rôle des parlementaires et je pense qu’à défaut de les représenter, nous pouvons au moins répercuter ce que pensent les téléspectateurs. En revanche, je ne crois pas à la légitimité de deux téléspectateurs choisis parmi des millions, uniquement parce qu’ils seraient membres d’associations dont on ne peut pas contrôler la légitimité. Certaines catégories de téléspectateurs seraient nécessairement exclues ! Privilégiera-t-on les téléspectateurs jeunes ou vieux ? Les urbains ou les ruraux ? Les familiers d’Internet ou ceux qui ne le sont pas ? S’il me paraît fondamental de solliciter l’avis des téléspectateurs, il existe mille autres manières autrement plus efficaces de le faire, grâce notamment aux groupes qualitatifs de France Télévisions.

Ce que vous avez dit, madame Mazetier, est modérément aimable à l’endroit des parlementaires mais l’autoflagellation est autorisée dans notre hémicycle ! Pour ma part, je ne suis pas de ceux qui pensent que les parlementaires ne représentent rien, qu’ils ne font jamais rien et qu’ils sont en décalage avec la société.

Mme Muriel Marland-Militello. Il faut en tout cas augmenter le nombre de parlementaires !

M. Patrice Martin-Lalande. En tant que rapporteur spécial de la mission « Médias », j’ai rencontré à plusieurs reprises les associations de téléspectateurs, dont Les pieds dans le PAF. Très franchement, on ne peut pas considérer qu’elles soient représentatives et véhiculent un message suffisamment intéressant pour faire partie du conseil d’administration. Les groupes qualitatifs me paraissent plus à même de faire connaître les attentes des téléspectateurs au service public audiovisuel. Quant aux parlementaires, peut-être faudrait-il examiner les deux amendements suivants, dont je suis l’auteur.

M. le président Jean-François Copé. Je suis totalement d’accord. L’activité essentielle de ces associations est de prendre pour cible un animateur ! En faire des membres du conseil d’administration serait un dévoiement, voire un contresens.

M. Benoist Apparu. Je suis contre le sous-amendement de M. Rogemont. La composition du conseil d’administration répond à un équilibre : d’un côté, sept représentants de l’État ou du Parlement ; de l’autre, sept personnalités qualifiées ou représentatives du personnel. Si l’on ajoute deux parlementaires – même pour de bonnes raisons –, on remet en cause cet équilibre.

M. le président Jean-François Copé. C’est une excellente remarque.

M. Noël Mamère. Sans vouloir polémiquer, l’association Les pieds dans le PAF existe depuis très longtemps. Son objectif n’est pas de s’attaquer à des personnes ; elle a même joué un rôle très important dans la critique des dérives d’une certaine télévision.

Il est difficile de contrôler la représentativité des associations, j’en suis d’accord. Toutefois, je ne pense pas que les parlementaires puissent représenter les téléspectateurs. Examinons ce qui se fait dans les autres pays européens. Les groupes qualitatifs de France Télévisions pourraient peut-être contribuer à la sélection. En cas de réforme du CSA, on peut aussi imaginer un collège de téléspectateurs.

Les téléspectateurs ont le droit de s’occuper de ce qu’ils regardent – et qu’ils financent. La France serait-elle condamnée à être à la traîne en matière d’associations de consommateurs ? Elle bénéficie pourtant de la présence de grands organismes, comme « 60 millions de consommateurs » ou l’Union fédérale des consommateurs (UFC). La télévision, elle aussi, doit pouvoir donner naissance à des associations représentatives. Cela dit, cette notion est aléatoire et arbitraire, je l’admets.

M. Didier Mathus. Que nous ayons ce débat de façon récurrente depuis plus de dix ans est significatif. La situation actuelle n’est pas satisfaisante, mais on ne sait pas quoi faire.

La notion de représentativité est très complexe à définir. Si on l’utilise, une association l’emportera : l’Union nationale des associations familiales (UNAF), qui se présentera comme lémanation des téléspectateurs. Mais je doute que les parlementaires représentent réellement les téléspectateurs.

Je rappelle que la loi d’août 2000 a mis en place un dispositif comportant d’une part des indicateurs qualitatifs – complétés ultérieurement par la création de groupes qualitatifs par France Télévisions – , d’autre part un conseil consultatif des téléspectateurs, qui n’a jamais été installé faute de décrets d’application. C’était pourtant un début de réponse, fondée sur un panel de téléspectateurs.

Ceux qui ont siégé au conseil d’administration peuvent en témoigner : on ne discute qu’entre professionnels. Les téléspectateurs ne sont jamais consultés, hormis par l’intermédiaire de l’audimat.

M. Patrice Martin-Lalande. En effet, le conseil consultatif des téléspectateurs n’a jamais été installé, tout simplement parce qu’on n’a jamais pu résoudre le problème de la représentativité des téléspectateurs ...

En outre, avec le développement de l’Internet, nous disposons désormais d’un outil interactif inédit, susceptible de faire remonter les attentes et les jugements des téléspectateurs. Peut-être faut-il chercher dans ce sens, plutôt qu’en direction d’une illusoire représentativité associative ?

M. Marcel Rogemont. L’argument selon lequel la présence de deux parlementaires supplémentaires remettrait en cause l’équilibre du conseil d’administration n’est pas pertinent. Et il n’est pas réaliste d’imaginer que le Sénat et l’Assemblée nationale s’accorderont pour nommer un représentant de la majorité et un représentant de l’opposition !

M. le président Jean-François Copé. Benoist Apparu a soulevé un vrai problème. Je propose que nous adoptions en l’état l’amendement du rapporteur, mais que nous continuions de travailler sur le sujet, au titre de l’article 88.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette le sous-amendement de M. Marcel Rogemont. Puis, elle adopte l’amendement du rapporteur, l’amendement de M. Noël Mamère devenant sans objet.

M. le président Jean-François Copé. L’article 5 est donc ainsi rédigé. En conséquence, les amendements de M. Patrice Martin-Lalande vont « tomber », le premier supprimant la présence de parlementaires au sein du conseil d’administration de France Télévisions, le second excluant que soient désignés des parlementaires exerçant des fonctions de rapporteur des crédits de l’audiovisuel.

M. Patrice Martin-Lalande. En ce cas, il aurait fallu débattre cette question avant d’examiner l’amendement du rapporteur.

M. le président Jean-François Copé. Vous pourrez sous-amender l’amendement de la Commission mais je vous donne la parole pour préciser la teneur de vos propositions.

M. Patrice Martin-Lalande. Il ne me paraît pas très sain que des parlementaires, singulièrement les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis des crédits alloués à France Télévisions siègent à son conseil d’administration, au risque d’être à la fois juges et parties. Dans le premier amendement, je propose donc la suppression pure et simple de la présence des parlementaires à ce conseil d’administration. Dans le second, je propose, avec Mme de Panafieu, que ne puissent être désignés comme administrateurs les rapporteurs des crédits de l’audiovisuel.

Mme Sandrine Mazetier. Je m’étonne de la suspicion que ces amendements révèlent sur l’exercice de leur mission par des parlementaires.

M. le président Jean-François Copé. Je crois indispensable la présence de deux parlementaires au conseil d’administration de France Télévisions. D’autre part, nul ne saurait limiter le rôle d’un député, qui ne devient pas un demi-parlementaire au motif qu’il rapporte les crédits de l’audiovisuel public. Non seulement les rapporteurs des crédits de l’audiovisuel ne sont à aucun moment juges et parties mais leur présence est au contraire un gage de cohérence et de continuité, car ils peuvent rappeler au conseil d’administration ce qu’a voté la représentation nationale. Leur présence est donc un plus.

M. Patrice Martin-Lalande. Je retire le premier amendement.

M. le rapporteur. D’autant que seule une loi organique pourrait définir une telle incompatibilité de mandats.

Mme Françoise de Panafieu. Je retire le second amendement.

La Commission rédige ainsi l’article 5.

Article 6

Composition du conseil d’administration de Radio France

Cet article propose une nouvelle rédaction du premier alinéa de l’article 47-2 de la loi du 30 septembre 1986 relatif à la composition du conseil d’administration de Radio France (alinéa 1), par coordination avec les nouvelles modalités de nomination du président de Radio France prévues à l’article 8 du présent projet de loi. Cette modification fait du président de Radio France le treizième membre de ce conseil d’administration. Hormis cet ajustement, la composition du conseil d’administration ne change pas.

Rappelons que, selon les termes de l’article 17 des statuts de Radio France, « le conseil d’administration définit les lignes générales de l’action de la société, dans le respect du cahier des missions et des charges. I1 veille à la bonne marche des services et à l’observation des dispositions législatives et réglementaires applicables à la société ainsi qu’à la qualité des programmes à l’objectivité et à l’exactitude des informations diffusées et à l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion. I1 s’assure de l’application des recommandations et des décisions » du CSA.

Ce conseil d’administration doit notamment approuver l’orientation générale des programmes, le programme des investissements, l’état prévisionnel des recettes et des dépenses et, sous réserve des délégations qu’il peut consentir au président, les conditions générales de passation des contrats, conventions et marchés conclus par la société. Il est également consulté sur le cahier des charges de Radio France, sur les conventions et accords collectifs de travail des personnels, sur l’organisation générale des services de la société et la grille des programmes. Il est tenu informé des projets d’émissions les plus importants et doit arrêter les comptes de la société.

En l’état actuel du droit, l’article 47-2 prévoit que le conseil d’administration de Radio France, ainsi que celui de Radio France International, comprend douze membres, qui disposent d’un mandat de cinq ans. La répartition des nominations est la suivante :

– deux parlementaires désignés respectivement par l’Assemblée nationale et par le Sénat ;

– quatre représentants désignés par l’État ;

– quatre personnalités qualifiées nommées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel ;

– deux représentants élus par le personnel.

Conseil d’administration de Radio France

Président

M. Jean-Paul Cluzel

Membres

M. Bernard Brochant
M. Jean-François Picheral
M. Francis Balle
M. Vincent Berjot
M. Georges-François Hirsch
Mme Laurence Franceschini
M. Jean-Paul Cluzel
Mme Murielle Mayette
M. Bernard Mayette
M. Bernard Latarjet
M. Alain Trampoglieri
M. Paul-Henri Charrier
Mme Michèle Bedos

Dans sa rédaction actuelle, le premier alinéa de l’article 47-3 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit quant à lui que le président de Radio France est nommé par le CSA pour cinq ans, parmi les personnalités que cette autorité indépendante a désignées au conseil d’administration de Radio France. La décision du CSA doit être prise à la majorité de ses membres.

L’alinéa 2 du présent article du projet de loi modifie le premier alinéa de l’article 47-2 afin de prendre en compte les nouvelles modalités de nomination du président de la société nationale de programme prévues par l’article 8 du présent projet de loi. Le président étant désigné intuitu personae, il sort des différents « collèges » du conseil d’administration : il n’est plus désigné au sein du collège des personnalités qualifiées nommées par le CSA, pas plus qu’il n’est considéré faire partie du collège des représentants de l’État. Par ailleurs, s’agissant des modalités de nomination du président, identiques pour l’ensemble des sociétés nationales de programme, l’article 47-3 de la loi du 30 septembre 1986 étant remplacé par de nouvelles dispositions à l’article 7 du présent projet de loi, il n’est pas redondant avec ces nouvelles dispositions.

Le tableau suivant résume les modifications apportées par le présent article à la composition du conseil d’administration de Radio France.

Composition du conseil d’administration de Radio France

Avant la promulgation de la loi

 

Après la promulgation de la loi

12 membres répartis de la façon suivante :

– 2 parlementaires ;

– 4 représentants de l’État ;

– 4 personnalités qualifiées nommées par le CSA ;

– 2 représentants du personnel élus conformément aux dispositions applicables à l’élection des représentants du personnel aux conseil d’administration des entreprises visées au 4 de l’article 1er de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

Le président est nommé par le CSA parmi les personnalités qualifiées qu’il a désignées.

 

13 membres répartis de la façon suivante :

– 2 parlementaires ;

– 4 représentants de l’État ;

– 4 personnalités qualifiées nommées par le CSA ;

– 2 représentants du personnel élus conformément aux dispositions applicables à l’élection des représentants du personnel aux conseil d’administration des entreprises visées au 4 de l’article 1er de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public ;

– le président nommé par le Président de la République, après avis conforme du CSA et avis des commissions des affaires culturelles du Parlement.

*

La Commission est saisie par M. Didier Mathus d’un amendement de suppression de l’article.

M. Didier Mathus. Le président du conseil d’administration de Radio France doit continuer d’être nommé par le CSA.

Conformément à l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie d’un amendement du rapporteur de rédaction globale de l’article précisant que les parlementaires membres du conseil d’administration doivent être désignés par les commissions compétentes au fond sur les questions d’audiovisuel et indiquant que les cinq personnalités désignées par le CSA doivent être indépendantes de Radio France.

M. le président Jean-François Copé. Je précise que si l’amendement est adopté, il fera tomber deux amendements de M. Patrice Martin-Lalande, le premier supprimant la présence de parlementaires au conseil d’administration de Radio France, le second interdisant aux seuls rapporteurs budgétaires d’y siéger.

M. Jean Dionis du Séjour. Le fait que le rapporteur propose, à répétition, des amendements de rédaction globale des articles ne me semble pas de bonne méthode. Ce procédé, utilisé lors de la discussion du projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, a eu pour effet de bloquer les débats de fond qui ont resurgi en séance avec d’autant plus de vigueur.

M. le président Jean-François Copé. Je comprends votre préoccupation et je vous propose, si besoin est, de sous-amender les amendements. Je crois pouvoir parler au nom du rapporteur pour dire qu’il n’a aucune intention de bloquer les débats et je suis certain qu’il tiendra compte de votre observation.

La Commission adopte l’amendement.

Les deux amendements de M. Patrice Martin-Lalande sont retirés.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette ensuite un amendement de M. Didier Mathus tendant à améliorer la mobilité des journalistes et techniciens affectés à France 3 et à RFO.

La Commission rédige ainsi l’article 6.

Article 7

Composition du conseil d’administration de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France

Cet article tire la conséquence de la substitution, dans la loi du 30 septembre 1986, de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France à Radio France Internationale (37), en déterminant la composition du conseil d’administration de la nouvelle société nationale de programme.

1. La détermination de la composition du conseil d’administration de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France

Selon des principes proches de ceux retenus pour France Télévisions (38) et Radio France (39), le présent article réécrit l’article 47-3 (40) de la loi du 30 septembre 1986 (alinéa 1) et fixe à quatorze le nombre de membres du conseil d’administration de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France (alinéa 2). À l’heure actuelle, le conseil d’administration de la société « Audiovisuel Extérieur de la France » comprend douze membres, dont six ont été nommés par un décret du 14 avril 2008 pour une durée de cinq ans (41). Le premier conseil d’administration s’est réuni le 15 avril 2008 dans les locaux du nouveau siège social, situé au 18 rue Pasquier à Paris.

Conseil d’administration de la société holding

(Décret du 14 avril 2008 portant nomination au conseil d’administration
de la société Audiovisuel Extérieur de la France)

1. En qualité de représentants de l’État :

– Mme Anne Gazeau-Secret, directrice générale de la coopération internationale et du développement du ministère des Affaires étrangères et européennes

– M. Gérard Errera, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères et européennes

– M. Rémy Rioux, sous-directeur des transports et de l’audiovisuel à l’Agence des participations de l’État

– M. Emmanuel Hamelin, inspecteur général des affaires culturelles

– Mme Laurence Franceschini, directrice du développement des médias

– M. Vincent Berjot, administrateur de l’INSEE

2. En qualité de personnalités choisies en raison de leur compétence :

– Mme Hélène Carrère d’Encausse

– M. Alain Duplessis de Pouzilhac

– M. Jean-Michel Goudard

– Mme Christine Ockrent

– M. Benoît Paumier

– M. Hubert Védrine

Faisant passer le nombre total de ces membres de douze à quatorze, l’alinéa 2 du présent article dispose que le « conseil d’administration de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France comprend, outre le président, treize membres », dont le mandat reste de cinq ans.

Tableau comparatif de la composition du conseil d’administrationde la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France

Avant la promulgation de la loi

 

Après la promulgation de la loi

12 membres répartis de la façon suivante :

– 6 représentants de l’État ;

– 6 personnalités qualifiées nommées par l’État.

Par ailleurs, les 6 représentants du personnel élus n’ont pas encore été désignés *.

Le président est nommé par décret parmi les membres du conseil d’administration et sur proposition de celui-ci.

 

14 membres répartis de la façon suivante :

– 2 parlementaires ;

– dans la limite de 5 administrateurs, des représentants de l’État et, le cas échéant, des membres désignés par l’assemblée générale ;

– 4 personnalités qualifiées nommées par le CSA ;

– 2 représentants du personnel élus conformément aux dispositions de la loi du 26 juillet 1983 ;

Le président est nommé par décret pour 5 ans après avis conforme du CSA (selon la procédure du nouvel article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986) et avis public de la commission des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire (selon la procédure de l’article 13 de la Constitution).

* Conformément aux dispositions de l’article 40 de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, le conseil d’administration dune société nationale nouvellement créée peut valablement siéger avant lélection des représentants des salariés, leur élection devant intervenir dans un délai maximum de deux ans à compter de la première réunion du conseil dadministration.

Source : Direction du développement des médias

Comme le montre le tableau précédent, le nouveau conseil d’administration de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France comprendra, outre son président (42) :

– deux parlementaires désignés respectivement par l’Assemblée nationale et par le Sénat (1°, alinéa 3). Cette présence – nouvelle – de représentants du Parlement au sein de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France rapproche celle-ci du droit commun des sociétés nationales de programme (France Télévisions, Radio France et, jusqu’à l’entrée en vigueur du présent projet de loi, RFI) ;

– cinq représentants désignés par l’assemblée générale des actionnaires, sous réserve des représentants de l’État qui sont nommés par décret (2°, alinéa 4). Cette disposition ne fait pas obstacle à l’entrée – aujourd’hui hypothétique – d’actionnaires minoritaires dans le capital de la société nationale de programme et, ce faisant, la désignation d’administrateurs les représentant (43). Dans l’immédiat, cinq représentants de l’État pourront donc être nommés au titre de ce collège, l’État étant, à ce stade, l’actionnaire unique de la société en charge de l’audiovisuel extérieur (44). En cas d’ouverture du capital d’AEF, le présent article laisse ouverte la possibilité de la nomination par l’assemblée générale de certains administrateurs qui pourraient, le cas échéant, représenter les actionnaires minoritaires de la société (45). En tout état de cause, le nombre de représentants de l’État ne pourra juridiquement être inférieur à deux (46) ;

– quatre personnalités qualifiées nommées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (3°, alinéa 5), comme pour Radio France et, jusqu’à présent, RFI ;

– et deux représentants du personnel élus conformément au droit commun des dispositions du titre II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public (4°, alinéa 6).

Enfin, le dernier paragraphe du présent article (alinéa 7) précise que le président de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France « est également président, président-directeur général, directeur général ou président du directoire de chacune des sociétés éditrices de programmes filiales de cette société ». Cette énumération exhaustive vise à garantir un maximum de souplesse dans le pilotage des sociétés audiovisuelles et à s’adapter à leurs caractéristiques singulières de management.

On observe, d’ailleurs, que les dirigeants, désignés par le Président de la République dès le mois de février de cette année, ont été nommés selon des configurations diverses. Par un décret du 24 avril 2008, M. Alain de Pouzilhac, alors président du directoire de France 24 (47), a ainsi été nommé président-directeur général de la société Audiovisuel extérieur de la France (48), avant de devenir président de RFI (49) et de TV5 Monde (50). Par décision du conseil d’administration de la société holding, Mme Christine Ockrent en est devenue directrice générale déléguée.

2. L’impact du présent article sur le conseil d’administration de RFI

Devenue une filiale de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, Radio France Internationale verra nécessairement évoluer, après l’entrée en vigueur du présent projet de loi, la composition de son conseil d’administration et les modalités de nomination des représentants de l’État en son sein.

Rappelons que l’article 51 de la loi du 12 avril 1996 (51) prévoit que l’État peut nommer des représentants dans les filiales d’entreprises publiques. L’État peut ainsi, par décret simple, nommer un ou plusieurs administrateurs au conseil d’administration ou de surveillance des sociétés dont plus de la moitié du capital est détenue – directement ou indirectement – soit par une entreprise du secteur public de premier rang (52), soit conjointement par l’État, un établissement public de l’État et, le cas échéant, des collectivités territoriales.

Le nombre des représentants de l’État – fixé par décret – ne peut excéder six, ni le tiers des membres du conseil d’administration ou de surveillance (53). Une fois la loi promulguée, un décret devra donc fixer, pour RFI, le nombre de représentants de l’État et leur répartition entre les différents ministères (54).

Tableau comparatif de la composition du conseil d’administration de RFI

Avant la promulgation de la loi

 

Après la promulgation de la loi

12 membres répartis de la façon suivante :

– 2 parlementaires ;

– 4 représentants de l’État ;

– 4 personnalités qualifiées nommées par le CSA, dont au moins une issue du milieu associatif, une au moins est issue du monde de la création ou de la production audiovisuelle ou cinématographique et une au moins est issue de l’outre-mer français ;

– 2 représentants du personnel élus conformément aux dispositions applicables à l’élection des représentants du personnel aux conseil d’administration des entreprises visées au 4 de l’article 1er de la loi du 26 juillet 1983.

Le président est nommé par le CSA parmi les représentants de l’État au conseil d’administration.

 

Entre 9 et 18 membres répartis de la façon suivante :

– des administrateurs nommés par l’assemblée générale ordinaire, c’est-à-dire des représentants de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France ;

– 3 représentants du personnel élus conformément aux dispositions du titre II de la loi du 26 juillet 1983.

– le cas échéant, des représentants de l’État si un décret pris en application de l’article 51 de la loi du 12 avril 1996 le prévoit.

Le président est nommé par le conseil d’administration parmi ses membres.

Source : Direction du développement des médias

Une fois devenue filiale de la société en charge de l’audiovisuel extérieur, la gouvernance de RFI sera alors régie par l’article 6 de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. Comme le montre le tableau précédent, son conseil d’administration devra comprendre de 9 à 18 membres, dont des représentants des salariés. Dans le respect des textes en vigueur, et en dehors des salariés élus, la composition du conseil d’administration sera fixée par les nouveaux statuts de RFI dans les conditions prévues par la législation sur les sociétés anonymes.

Il sera par ailleurs possible de nommer des représentants de l’État au conseil d’administration de RFI sur les fondements de l’article 51 de la loi du 12 avril 1996, puisque RFI sera une société dont plus de la moitié du capital social sera détenue par une entreprise du secteur public au sens de la loi du 26 juillet 1983, c’est-à-dire notamment les sociétés anonymes dans lesquels l’État détient directement plus de la moitié du capital social, ce qui sera le cas pour AEF.

*

La Commission est saisie d’un amendement de M. Didier Mathus modifiant la composition du conseil d’administration de la société en charge de l’audiovisuel de la France et les modalités de désignation du président de la holding AEF.

M. le rapporteur. Cela irait à l’encontre de la réforme proposée, mais le débat aura lieu à l’article 8.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de deux amendements de M. Patrice Martin-Lalande, le premier tendant à supprimer la présence de parlementaires au sein du conseil d’administration, le second interdisant aux seuls rapporteurs budgétaires d’y siéger, ainsi que d’un sous-amendement de M. Yves Fromion au premier amendement de M. Patrice Martin-Lalande.

M. Yves Fromion. J’adhère à l’objectif visé dans le texte mais je déplore que les téléspectateurs, qui financent le service public de l’audiovisuel et qui devraient avoir leur mot à dire tant sur son organisation que sur les productions, brillent par leur absence dans le dispositif. Aussi, je propose de nommer cinq téléspectateurs au conseil d’administration. Je propose aussi la nomination d’un médiateur du service public de la télévision, car des espaces de dialogue sont indispensables dans un service de télévision moderne.

M. le président Jean-François Copé. Il est difficile, nous en sommes convenus, de trouver le juste niveau de représentation des téléspectateurs.

M. Yves Fromion. Je retire le sous-amendement, mais je souhaite vraiment que les Français trouvent leur place dans le dispositif.

Les deux amendements de M. Patrice Martin-Lalande sont retirés.

La Commission est ensuite saisie d’un amendement du rapporteur précisant que devront figurer, parmi les administrateurs de la société chargée de l’audiovisuel extérieur, des personnalités indépendantes et nommées à raison de leur compétence.

M. Didier Mathus. On peut pour cela compter sur M. Michel Boyon, qui est d’une parfaite indépendance.

La Commission adopte l’amendement puis l’article 7 ainsi modifié.

Article 8

Conditions de nomination
des présidents des sociétés nationales de programme

Cet article propose une nouvelle rédaction de l’article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986 relatif à la motivation des nominations des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, France Télévisions, Radio France et la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France (alinéa 1), afin de les calquer sur celles existant déjà actuellement pour les autres présidents d’entreprises publiques gérées sous forme de sociétés anonymes.

Selon l’exposé des motifs du projet de loi, il s’agit de faire en sorte que « la modernisation de la gouvernance de France Télévisions concilie deux objectifs : elle redonne à l’État actionnaire la responsabilité légitime de la nomination du président de France Télévisions ; d’autre part, elle prend en compte la spécificité du secteur au regard des impératifs prioritaires que sont la défense du pluralisme et de l’indépendance, en prévoyant que l’exercice du pouvoir de nomination du Président de la République soit encadré par l’avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ». Par ailleurs, toujours selon l’exposé des motifs, il convenait de « généraliser ce dispositif de nomination du président de France Télévisions à l’ensemble des sociétés nationales de programme mentionnées à l’article 44 de la loi de 1986 afin de maintenir la symétrie qui existe actuellement ».

En l’état actuel du droit, trois articles de la loi du 30 septembre 1986 sont relatifs aux conditions de nomination des présidents de l’audiovisuel public :

– le sixième alinéa de l’article 47-1, supprimé par l’article 5 du présent projet de loi, prévoit les conditions de nomination du président du conseil d’administration des sociétés France Télévisions, France 2, France 3, France 5 et RFO ;

– l’article 47-3, dont l’article 7 du présent projet de loi propose une nouvelle rédaction, prévoit les conditions de nomination du président des sociétés Radio France et Radio France Internationale ;

– l’article 47-4 dispose quant à lui que les nominations des présidents des conseils d’administration des sociétés de l’audiovisuel public (France Télévisions, Radio France et RFI) font l’objet d’une décision motivée du CSA.

Il convient de rappeler la portée de cette motivation puisque cette disposition de la loi du 30 septembre 1986, introduite par la loi n° 2000-719 du 1er août 2000, a fait l’objet d’une censure partielle du Conseil constitutionnel. Dans sa décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000, le Conseil constitutionnel a en effet estimé que « le Conseil supérieur de l’audiovisuel [étant] une autorité administrative indépendante » garante de l’exercice de la liberté de communication proclamée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « la motivation des décisions de nomination des présidents des conseils d’administration des sociétés nationales de programme par le Conseil supérieur de l’audiovisuel participe d’un souci de transparence qui répond à la nécessité de donner leur plein effet aux exigences constitutionnelles ci-dessus rappelées ». En revanche, le Conseil constitutionnel a censuré la disposition qui précisait que cette motivation devait être « assortie de la publication des auditions et débats du Conseil qui s’y rapportent », au motif que « la garantie résultant du mode de nomination retenu ne serait plus effective si l’intégralité des procès-verbaux des auditions et débats du Conseil supérieur de l’audiovisuel devait être rendue publique ; qu’en effet, ne serait plus assurée en pareil cas l’entière liberté de parole tant des candidats que des membres du Conseil eux-mêmes, condition nécessaire à l’élaboration d’une décision collégiale éclairée, fondée sur la seule prise en compte de l’intérêt général et du bon fonctionnement du secteur public de l’audiovisuel dans le respect de son indépendance ».

En pratique, la motivation des deux décisions du CSA qui ont fait suite à l’adoption de cette disposition est relativement générale et sans doute peu susceptible de faire l’objet de débats. Ainsi, dans sa décision n° 2000-559 du 22 août 2000 portant nomination du président de la société France Télévision, le CSA indique que M. Marc Tessier est une personnalité « dont l’expérience et les compétences lui semblent adaptées à l’exercice de telles fonctions » et que « M. Marc Tessier, lors de son audition par le CSA le 22 août 2000, a présenté pour France Télévision et pour chacune des sociétés de programme un projet stratégique cohérent et des perspectives de développement propres à répondre aux missions de la télévision publique ». Lors de la nomination de M. Patrick de Carolis, dans sa décision n° 2005-304 du 6 juillet 2005 portant désignation d’une personnalité qualifiée au sein du conseil d’administration de la société France Télévisions et nomination du président de France Télévisions, le CSA a estimé que « l’expérience et les compétences de M. Patrick de Carolis dont témoigne son parcours professionnel, tant dans le domaine de l’information que des programmes, sont marquées par un réel sens du service public ; que celui-ci, grand professionnel de l’audiovisuel, a montré à travers ses différentes fonctions son attachement à privilégier, au bénéfice du plus large public, la création, l’innovation, l’exigence de qualité et la rigueur éditoriale ; que ces qualités sont adaptées à l’exercice de la fonction de président de France Télévisions » et que « M. Patrick de Carolis, lors de son audition par le Conseil supérieur de l’audiovisuel le mardi 5 juillet 2005, a présenté pour France Télévisions et pour chacune des sociétés de programme un projet stratégique cohérent, un plan d’organisation adapté à la conduite de ce projet et des perspectives de développement propres à répondre aux missions de la télévision publique ».

La loi du 30 septembre 1986 dispose par ailleurs que ces présidents sont présidents de conseil d’administration mais, en pratique, ils exercent également la direction générale des sociétés nationales de programme. En effet, selon les informations communiquées par le Gouvernement, la loi du 30 septembre 1986 doit être interprétée comme impliquant que le président du conseil d’administration est le principal dirigeant de l’entreprise, même si cette pratique n’est pas conforme à l’esprit de l’article L. 251-1 du code de commerce, qui prévoit que le conseil d’administration choisit le mode d’exercice de la direction générale, c’est-à-dire que la direction générale de la société est assumée soit par le président du conseil d’administration, soit par une autre personne physique nommée par le conseil d’administration et portant le titre de directeur général.

Cette spécificité des sociétés nationales de programme trouve sa justification dans la loi du 30 septembre 1986 qui comporte des dispositions visant à garantir l’indépendance des présidents de ces sociétés. Le Conseil constitutionnel a ainsi reconnu que la spécificité du mode de nomination du président de chaque société nationale de programme contribue à garantir l’existence de la liberté de communication, qui est une exigence constitutionnelle (décision n° 89-259 DC du 26 juillet 1989). Cette garantie serait vidée de sens si cette procédure de nomination concernait une personne qui aurait formellement le titre de « président » mais n’exercerait pas le pouvoir de décision à la tête de la société, celui-ci étant confié à un directeur général. Ainsi, selon les termes de l’article 14 des actuels statuts de France Télévisions, le président assume la direction générale de la société et la représente. Il organise pour ce faire la direction de la société et en nomme les membres ; il peut consentir des délégations de pouvoir, mais doit en informer le conseil d’administration lorsqu’il s’agit d’une délégation à caractère permanent.

Il convient de rappeler que les présidents de l’audiovisuel public sont des mandataires sociaux de l’entreprise et non des salariés. Ils n’ont donc pas de contrat de travail avec la société et le montant de leur rémunération au titre des fonctions qu’ils occupent est déterminé par le conseil d’administration. Elle peut être fixe ou proportionnelle, selon les modalités arrêtées par le conseil d’administration, ou à la fois fixe et proportionnelle. En application du décret n° 53-707 du 9 août 1953 sur le contrôle de l’État sur les entreprises publiques nationales et certains organismes ayant un objet d’ordre économique ou social, la rémunération des présidents des sociétés de l’audiovisuel public doit être approuvée par décision conjointe du ministre chargé de l’économie, du ministre chargé du budget et des ministres intéressés.

L’article 11 des statuts de France Télévisions précise que, « dans le cas où le président cesserait définitivement d’exercer son mandat pour quelque cause que ce soit, et jusqu’à la nomination de son successeur, il est suppléé de plein droit par le plus âgé des autres administrateurs nommés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, jusqu’à la nomination de son successeur. Il en est de même en cas d’empêchement temporaire du président ». Par ailleurs, selon les termes de l’article 7 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public, la limite d’âge pour l’exercice de la fonction de président est fixée à soixante-cinq ans.

Présidence de France Télévisions

1989 – 1990 (1)

M. Philippe Guilhaume

1990 – 1993 (1)

M. Hervé Bourges

1993 – 1996 (1)

M. Jean-Pierre Elkabbach

1996 – 1999 (1)

M. Xavier Gouyou-Beauchamps

1999 – 2005

M. Marc Tessier

depuis 2005

M. Patrick de Carolis

(1)anciennement Antenne 2 et FR3

Les modalités actuelles de nomination du président de Radio France et de RFI sont fondées sur les mêmes principes que ceux prévalant pour la nomination du président de France Télévisions.

Présidence de Radio France

1975 – 1981

Mme Jacqueline Baudrier

1981 – 1982

Mme Michèle Cotta

1982 – 1986

M. Jean-Noël Jeanneney

1986 – 1989

M. Roland Faure

1989 – 1995

M. Jean Maheu

1995 – 1998

M. Michel Boyon

1998 – 2004

M. Jean-Marie Cavada

depuis 2004

M. Jean-Paul Cluzel

Présidence de Radio France Internationale

1975 – 1981

Mme Jacqueline Baudrier

1981 – 1982

Mme Michèle Cotta

1982 – 1986

M. Jean-Noël Jeanneney

1986 – 1989

M. Henri Tezenas du Montcel

1989 – 1995

M. André Larquie

1995 – 2004

M. Jean-Paul Cluzel

2004 – 2008

M. Antoine Schwarz

depuis 2008

M. Alain de Pouzilhac

En revanche, en l’état actuel du droit, la composition du conseil d’administration de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France est soumise aux dispositions de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. En application de l’article 10 de cette loi, le président est une personne physique nommée parmi les membres du conseil d’administration et sur proposition de celui-ci par décret.

La nomination de l’actuel président d’AEF s’est déroulée en trois étapes successives :

− M. Alain de Pouzilhac a d’abord été nommé membre du conseil d’administration de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France en qualité de personnalité qualifiée par un décret du 14 avril 2008 ;

− lors de la première réunion du conseil d’administration, le 15 avril 2008, le conseil a proposé la nomination de M. Alain de Pouzilhac aux fonctions de président-directeur général de la société ; 

− le président-directeur général a été nommé par décret du Président de la République en date du 24 avril 2008, conformément à l’article 13 de la Constitution.

L’alinéa 2 du présent article du projet de loi propose une nouvelle rédaction de l’article 47-4 précité afin de prévoir qu’à l’avenir, les présidents de France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France seront nommés par décret du Président de la République, pour cinq ans, après avis conforme du CSA.

S’agissant de l’emploi du terme « président », il s’agit bien de viser le président du conseil d’administration, comme actuellement, qui est par ailleurs dans les faits également directeur général de la société nationale de programme, en vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et plus particulièrement de sa décision n° 89-259 DC du 26 juillet 1989 précitée.

La durée du mandat du président – cinq ans – est identique à la durée actuellement prévue aux articles 47-1 et 47-3 de la loi du 30 septembre 1986.

Concernant les nouvelles modalités de nomination, rappelons que le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public n° 1208 (rectifié), également examiné par la Commission spéciale, soumet ce pouvoir de nomination à la procédure prévue à l’article 13 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République. La nomination des présidents de l’audiovisuel public obéira donc aux mêmes règles de nomination que les autres entreprises du secteur public – EDF, SNCF, RATP, etc. Ces règles sont toutefois aménagées du fait de la spécificité de l’audiovisuel public, l’avis conforme du CSA étant indispensable pour rendre cette nomination effective. Il n’existe d’ailleurs aucun autre cas de cumul d’avis, ce qui montre bien que le législateur tient à apporter à la nomination des présidents de l’audiovisuel public toutes les garanties d’impartialité et d’indépendance.

Le Conseil constitutionnel a en effet eu l’occasion, à plusieurs reprises, de rappeler la place spécifique de l’audiovisuel public au sein des entreprises publiques, notamment au regard de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme qui dispose que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme ». Dans ce système, le CSA joue un rôle clé en sa qualité d’autorité indépendante, comme le Conseil l’a rappelé dans sa décision n° 89-259 DC du 26 juillet 1989 sur la loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : « Afin d’assurer l’indépendance des sociétés nationales de programme chargées de la conception et de la programmation d’émissions de radiodiffusion sonore ou de télévision et de concourir ainsi à la mise en œuvre de la liberté de communication proclamée par l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 dispose que les présidents de ces sociétés sont nommés, pour une durée de trois ans, par une autorité administrative indépendante ». Dans le cadre de cette jurisprudence constitutionnelle, l’avis conforme du CSA revêt toute son importance, car il peut être assimilé à une co-décision.

De même, dans plusieurs décisions, le Conseil constitutionnel précise l’importance qu’il accorde à la préservation du pluralisme des courants d’expression. Ainsi, dans ses décisions n° 86-217 DC du 18 septembre 1986 sur la loi relative à la liberté de communication ou n° 93-333 DC du 21 janvier 1994 sur la loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il a rappelé que « le pluralisme des courants d’expression socioculturels est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle ; que le respect de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie ; que la libre communication des pensées et des opinions, garantie par l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s’adressent les moyens de communication audiovisuelle n’était pas à même de disposer, aussi bien dans le cadre du secteur public que dans celui du secteur privé, de programmes qui garantissent l’expression de tendances de caractères différents dans le respect de l’impératif d’honnêteté de l’information ; qu’en définitive, l’objectif à réaliser est que les auditeurs et les téléspectateurs qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l’article 11 de la Déclaration de 1789 soient à même d’exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions ».

Pour autant, dès 1989, dans sa décision n° 89-259 DC, le Conseil constitutionnel reconnaît que « le législateur a le pouvoir de modifier, comme il le juge le plus utile à l’intérêt général, le mode d’organisation des sociétés nationales de programme ». Le projet de loi assure donc le maintien des garanties légales qui entourent le respect du principe d’indépendance des sociétés nationales de programme : la nomination de leur président est subordonnée à l’avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel et, en outre, est soumise à l’avis des commissions permanentes en charge des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire. Par ailleurs, pour mettre fin, avant leur terme, au mandat des présidents un décret du Président de la République motivé, précédé de l’avis conforme également motivé du CSA, est requis. D’ailleurs, selon les informations fournies par le Gouvernement, lors de l’examen du texte par le Conseil d’État, celui-ci a considéré que le projet de loi ne privait pas de garanties légales des exigences à caractère constitutionnel.

S’agissant du circuit de décision, la problématique de l’ordre des avis a déjà été évoquée dans le cadre de l’examen du projet de loi organique, il convient donc de s’y reporter. Mais le rapporteur déposera un amendement de clarification afin de préciser que l’avis du CSA intervient bien avant celui des commissions parlementaires compétentes.

S’agissant des modalités et du format de l’avis conforme du CSA, il convient de rappeler que les dispositions de l’article 5 du règlement intérieur de cette autorité (55) – qui prévoit que « le Conseil ne peut délibérer que si au moins six conseillers sont présents. Les délibérations du Conseil sont adoptées à la majorité des conseillers présents ; en cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante » – ne s’appliquent pas aux décisions de nomination du président d’une société nationale de programme. Par dérogation en effet, s’appliquent les dispositions de l’article 7, selon lesquelles « les décisions prévues aux articles 47-1 à 47-5 et à l’article 50 de la loi du 30 septembre 1986 font l’objet d’un vote à bulletins secrets. Elles sont acquises dès lors qu’un candidat recueille au moins cinq voix. (…) ». Compte tenu du fait que la délibération du CSA ne portera plus sur une décision mais un avis, le Gouvernement a considéré qu’il ne lui appartenait pas de s’insinuer dans le fonctionnement interne du CSA, qui devra sans aucun doute modifier l’article 7 de son règlement intérieur après l’entrée en vigueur de la loi. Le rapporteur considère malgré tout qu’il reste acquis que le vote se fera à bulletin secret.

*

M. Didier Mathus. Si l’on en croit La Tribune de ce matin, notre rapporteur compte présenter un amendement qui modifie le système de compensation de la perte des recettes de publicité pour France Télévisions à un point tel qu’il modifie la nature de notre texte et justifie donc une suspension de séance. En effet, cet amendement abaisserait le niveau de la taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire des opérateurs privés, instaurée par le texte, alors que nous avons déjà débattu la semaine dernière de la nécessité de garantir les recettes de France Télévisions. Il s’agirait d’une véritable imposture puisqu’on nous contraindrait ainsi à débattre d’un projet de loi autre que celui qui nous avait été présenté. Je suis très surpris de voir notre rapporteur resserrer ainsi le lacet destiné à étrangler France Télévisions.

M. Christian Kert, rapporteur. Vous avez raison d’être surpris car ce n’est pas la réalité. Mon amendement, qui est à votre disposition en toute transparence, se contente de modérer la taxe pour éviter tout effet d’aubaine. Cela ne remet nullement en cause l’essentiel de la loi, c’est-à-dire la garantie apportée par l’État à France Télévisions de compenser la perte de ressources publicitaires.

M. Marcel Rogemont. La crise économique risque d’entraîner une baisse globale des ressources publicitaires. Dès lors, comment calculer le manque à gagner qui résultera du différentiel entre ce qui sera perçu et ce qui aurait dû l’être ? N’êtes-vous pas en train d’exonérer TF1 et M6 du paiement de la taxe ?

M. le rapporteur. Le dispositif proposé concerne toutes les chaînes, grandes ou petites, et pas seulement TF1 et M6. Or les représentants des petites chaînes ont fait valoir qu’une application stricte du dispositif, dès la première année, pourrait les mettre en difficulté au moment précis où elles montent en puissance. L’amendement que je proposerai a donc pour objectif de modérer l’effort demandé.

M. Michel Françaix. Pouvez-vous confirmer qu’il ne s’agit pas de passer d’une taxe sur la publicité à une taxe qui ne serait due qu’en cas d’augmentation des recettes publicitaires ?

M. le rapporteur. Absolument. Il suffit de lire l’amendement.

M. Didier Mathus. Quoi qu’il en soit, je maintiens ma demande de suspension, car nous avons besoin d’examiner le texte de plus près.

M. le président Jean-François Copé. Il n’y a pas lieu de suspendre. En outre, nous aborderons cet amendement à l’article 20.

M. Noël Mamère. Le règlement ne dit rien sur les suspensions de séance en commission ; rien ne vous empêche d’accéder à notre demande, d’autant que la réponse du rapporteur n’est pas de nature à nous rassurer. Alors que nous travaillons déjà, sur ce dossier important, dans une trop grande précipitation, c’est par la presse que nous avons appris l’existence de cet amendement. Ce n’est pas la première fois que votre majorité a recours à de tels procédés dans le but de détourner l’esprit de la loi.

M. le président Jean-François Copé. Nous ne travaillons absolument pas dans la précipitation. En outre, il n’est pas d’usage de demander une suspension de séance en commission. Toutefois je veux bien vous accorder une suspension de cinq minutes.

M. Michel Françaix. Après avoir lu l’amendement, je constate que la réponse du rapporteur n’est qu’en partie satisfaisante.

La Commission est saisie d’un amendement de M. Didier Mathus tendant à supprimer l’article 8.

M. Marcel Rogemont. Le mode actuel de désignation du président de France Télévisions par le CSA nous paraît préférable, car plus transparent. Une désignation par le Président de la République nous semble relever d’une époque révolue, et peu digne d’une république rénovée.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Supprimer cet article reviendrait à priver cette loi d’un de ses fondements.

Je rappelle que ces dispositions ne concernent pas seulement la nomination du président de France Télévisions, mais aussi celle des autres dirigeants de l’audiovisuel public. La nomination de M. Alain de Pouzilhac, intervenue avant l’examen du projet de loi, n’a pas été entourée de toutes les garanties prévues par ce présent projet.

La nomination des présidents de l’audiovisuel public obéira aux mêmes règles que celle des dirigeants des autres entreprises du secteur public, EDF, SNCF, RATP, etc., mais le texte prévoit des garanties supplémentaires, justifiées par la spécificité du secteur audiovisuel. Il faudra notamment l’avis conforme du CSA.

Comme l’a reconnu le Conseil d’État dans son avis sur ce texte, le projet de loi garantit le principe d’indépendance des sociétés nationales de programme, qui est de niveau constitutionnel.

La Commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite un amendement de M. Patrick Braouezec disposant que les présidents des sociétés audiovisuelles publiques sont nommés par le CSA pour une durée de cinq ans.

M. Noël Mamère. Au motif que le CSA ne serait pas indépendant du pouvoir politique, il faudrait que le président de France Télévisions soit nommé par le Président de la République. C’est un raisonnement incongru : mieux vaudrait réformer le CSA, pour y introduire enfin le principe du pluralisme politique.

Vous voudriez au contraire soumettre la nomination du président de France Télévisions au fait du prince, suivant une conception proche de la « monarchie républicaine » évoquée par Maurice Duverger. Ce texte est fort éloigné des principes de pluralisme et d’indépendance qui devraient régir le service public de l’audiovisuel.

M. le rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes motifs que précédemment.

M. Didier Mathus. Le parallèle établi par le rapporteur entre l’audiovisuel et les autres entreprises publiques n’a aucun sens : il ne s’agit pas de fabriquer des boulons, mais du lien social, de l’imaginaire collectif et de la citoyenneté ! Il faut donc que l’indépendance de l’audiovisuel public ne puisse être mise en doute. C’est une nécessité démocratique. Le lien direct que vous souhaitez instaurer entre l’audiovisuel public et l’exécutif me semble donc particulièrement nocif.

La Commission rejette cet amendement.

Elle adopte ensuite un amendement rédactionnel du rapporteur corrigeant une erreur grammaticale.

Puis, elle adopte un amendement du rapporteur précisant que l’avis du Parlement sur la nomination des présidents de l’audiovisuel public intervient après celui du CSA.

Elle adopte ensuite l’article 8 ainsi modifié.

Article 9

Conditions de retrait du mandat
des présidents des sociétés nationales de programme

Cet article propose une nouvelle rédaction du premier alinéa de l’article 47-5 de la loi du 30 septembre 1986 actuellement relatif aux conditions de fonctionnement des conseils d’administration des sociétés nationales de programme France Télévisions, France 2, France 3, France 5, RFO, Radio France et RFI (alinéa 1), afin de préciser et de renforcer les conditions de retrait du mandat des présidents des sociétés nationales de programme France Télévisions et Radio France et de la société nationale de programme en charge de l’audiovisuel extérieur.

En l’état actuel du droit, le premier alinéa de l’article 47-5 précité prévoit que les mandats des présidents des conseils d’administration peuvent leur être retirés dans les mêmes formes que celles dans lesquelles ils leur ont été confiés, c’est-à-dire par le CSA, après décision motivée prise à la majorité de ses membres. La portée de cette motivation a été précisée par le Conseil constitutionnel, dans les décisions évoquées à l’article 8 du présent projet de loi. Rappelons que, par le passé, seul Arthur Conte a été démis de ses fonctions de président-directeur général de l’ORTF par un décret du 24 octobre 1973. Rappelons également que M. Philippe Guilhaume a démissionné de ses fonctions de président d’Antenne 2 et FR3 en 1990, après avoir été élu par le CSA contre les vœux de l’exécutif. Il ne put se maintenir à la tête de l’audiovisuel public plus de seize mois (d’août 1989 à décembre 1990), la pression du Gouvernement socialiste de l’époque étant trop forte. Ce seul exemple montre clairement que, même en présence d’une autorité indépendante, lorsque les conditions ne sont pas réunies pour exercer sereinement la direction de l’entreprise, le PDG démissionne plutôt que d’être démis.

Le présent article du projet de loi remplace ces dispositions par de nouvelles, par coordination avec les nouvelles modalités de nomination des présidents des sociétés nationales de programme France Télévisions, Radio France et Audiovisuel extérieur de la France prévues à l’article 8 du présent projet de loi. Désormais, les mandats des présidents des sociétés ne pourront leur être retirés que par décret motivé, après avis conforme, également motivé, du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Ce parallélisme des formes avec les modalités de nomination est normal, puisque seule la personne ou l’organisme qui a nommé peut révoquer. Actuellement, seul le CSA peut révoquer les présidents de l’audiovisuel public, les conseils d’administration n’ayant pas ce pouvoir. Demain, il est donc normal que la révocation intervienne par décret simple du Président de la République, selon la même forme que la nomination.

On peut supposer que la motivation prendra la même forme que celle actuellement utilisée par le CSA pour les nominations (voir article 8 du présent projet de loi).

L’article 13 de la Constitution, dans sa modification issue de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République prévoit uniquement que « le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée ». Cet avis ne semble donc pas requis en cas de révocation. Toutefois, on peut s’interroger : pour améliorer le dispositif, ne faudrait-il pas que, par parallélisme des formes, le Parlement rende un avis sur cette révocation ?

À l’inverse, les autres dispositions de l’article 47-5 relatives aux modalités de délibération des conseils d’administration des sociétés nationales de programme ont été maintenues. Ainsi, demain comme aujourd’hui, en cas de partage des voix au sein d’un organe dirigeant de l’une de ces sociétés, la voix du président reste prépondérante. De même, en cas de vacance d’un ou plusieurs sièges au conseil d’administration des sociétés, le conseil continue de délibérer valablement jusqu’à la désignation du ou des nouveaux membres.

*

La Commission examine un amendement de M. Didier Mathus tendant à supprimer l’article.

M. Didier Mathus. Cet article revient à placer le président de France Télévisions sous une épée de Damoclès. Il pourrait en effet être révoqué par le Président de la République, selon ses seules humeurs. C’est une idée insupportable pour tout esprit libre et démocratique.

Par conséquent, nous demandons la suppression de cet article scélérat, inacceptable dans une démocratie. S’il était adopté, nous serions l’un des seuls pays, avec peut-être l’Ouzbékistan, où un tel système serait en vigueur. Nous demandons à nos collègues de l’UMP de s’élever eux aussi contre cette forfaiture.

M. Christian Paul. Le sujet est grave. Il y va de la liberté des médias, de l’indépendance des rédactions et du pluralisme politique – autant de conquêtes que nous devons aux combats menés par des hommes politiques de tous bords depuis des décennies. Cet article étant une régression historique, nous le combattrons.

M. le président Jean-François Copé. On ne saurait opposer, d’un côté, les défenseurs de la République et, de l’autre, ceux qui l’agresseraient. De grâce, pas de clivages excessifs ! J’invite chacun d’entre nous à peser ses mots. Les mots employés pour qualifier la nomination du président de France Télévisions ont sans doute dépassé la pensée de leur auteur.

En effet, comment peut-on comparer une procédure exigeant l’avis conforme du CSA et une validation parlementaire avec des dispositions en vigueur dans je ne sais quel autre régime ? Je trouve cela profondément choquant. Nos débats en commission gagneraient à se dérouler d’une façon plus apaisée.

M. Marcel Rogemont. À partir du moment où le président de France Télévisions est nommé pour une durée de cinq ans, avec un contrat d’objectifs et de moyens, il revient au seul CSA d’évaluer s’il a rempli la mission qui lui a été confiée. Il me semble donc qu’une éventuelle révocation ne saurait être décidée que sur l’avis du CSA. N’accordons pas au Président de la République un droit de révocation direct.

M. le président Jean-François Copé. Je rappelle qu’il ne pourra s’exercer qu’après avis conforme du CSA.

M. Marcel Rogemont. Pour que cet article soit acceptable, il faudrait modifier les conditions de révocation. C’est l’instance chargée de contrôler l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens, à savoir le CSA, qui doit avoir l’initiative d’une révocation.

Le rapport cite le cas de Philippe Guilhaume, qui aurait démissionné en raison des pressions exercées par le Gouvernement. Mais cela n’a rien à voir avec une révocation ! Au demeurant, le rapport ne dit pas tout sur les conditions dans lesquelles M. Philippe Guilhaume a démissionné.

M. Michel Françaix. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître, en tout cas je l’espère, que l’audiovisuel et la presse ne sont pas des secteurs comme les autres. Dans le cas contraire, le législateur n’aurait pas instauré d’aides à la presse, ni de redevance audiovisuelle. Pourquoi donc refuser que ces secteurs fassent l’objet de garanties particulières ?

Certains déplorent que les dirigeants du secteur public restent peu de temps en poste, contrairement à ceux des entreprises audiovisuelles privées, qui peuvent de ce fait conduire des stratégies de plus long terme. Or vous allez instaurer une procédure de révocation, confiée à un seul homme.

Enfin, vous dites qu’il n’y a rien à craindre car le droit de révocation sera encadré par la règle des trois-cinquièmes, mais sous la Ve République, cette règle n’a jamais trouvé à s’appliquer ! Ainsi, d’une part vous donnez de fausses garanties, d’autre part vous refusez de reconnaître que les sociétés de l’audiovisuel public ne sont pas des entreprises comme les autres.

M. Noël Mamère. C’est le principe de la révocation qui doit être condamné : le Président de la République considère le président de France Télévisions comme un ministre qu’il peut révoquer selon son bon plaisir. Or France Télévisions est au service des citoyens, qui la financent par la redevance.

Vous avez déclaré, monsieur le président Copé : « Moi vivant, la redevance n’augmentera jamais ». Je le répète : il existe d’autres pays de l’Union européenne où la redevance est plus élevée et qui possèdent un service public de la télévision de grande qualité, capable de tenir tête au secteur privé.

Nous nous battons sur ce point, non par plaisir, mais parce que c’est une question de démocratie. Ne nous faites pas croire que les avis du Parlement et du CSA compteront alors que le Président de la République aura déjà pris sa décision – surtout vu la pratique actuelle : il n’y a plus de Premier ministre ni de ministres, tous les pouvoirs sont réunis entre les seules mains du Président. Nous l’avons vérifié de manière éclatante lors de l’audition du ministre du budget et de la ministre de la culture.

Par ailleurs, il aurait été intéressant, monsieur le rapporteur, d’auditionner M. Hervé Bourges, qui a marqué l’histoire de la télévision, que ce soit au sein du service public ou comme président du CSA. Il vous aurait expliqué que ce que vous écrivez sur Philippe Guilhaume n’est pas tout à fait exact. Mais l’important est que dans une démocratie, le président d’une société de l’audiovisuel public doit avoir les moyens de résister aux pressions. Avec ce projet de loi, les futurs responsables de France Télévisions ne les auront pas. Ce texte régressif fragilise l’indépendance, le pluralisme et la qualité du service public. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 9.

M. le rapporteur. Monsieur Mamère, le président Bourges avait déjà été auditionné par plusieurs ateliers de la Commission pour la nouvelle télévision publique : l’entendre à nouveau ne nous a pas paru nécessaire.

Par ailleurs, pour des raisons de parallélisme des formes, c’est à celui qui nomme un responsable de le révoquer : ainsi, actuellement seul le CSA peut révoquer les présidents des sociétés de l’audiovisuel public.

Enfin, je vous rappelle que le décret devra être motivé et que la révocation n’interviendra qu’après avis conforme, également motivé, du CSA. C’est pour cette raison que j’émets un avis défavorable à l’amendement.

M. Noël Mamère. Puisque nous condamnons les conditions de la nomination, il est logique que nous nous opposions à celles de la révocation…

La Commission rejette l’amendement de M. Didier Mathus.

Elle est ensuite saisie de deux amendements, pouvant être soumis à discussion commune, tendant à encadrer l’exercice du droit de révocation des présidents des sociétés de l’audiovisuel public par le Président de la République. Ils sont présentés respectivement par M. Patrice Martin-Lalande et M. Noël Mamère.

M. Patrice Martin-Lalande. Mon amendement précise qu’une procédure de retrait du mandat ne pourra être déclenchée à l’encontre d’un président d’une société nationale de programme qu’en cas de manquement grave dans l’exercice de ses fonctions.

M. Noël Mamère. Le nôtre est un amendement de repli – le principe de la révocation restant, selon nous, condamnable.

M. Martin-Lalande parle de « manquement grave ». Mais à quoi ? Nous proposons qu’il soit fait référence au cahier des charges, sachant que certaines chaînes privées ont pu ignorer les obligations prévues par leur convention sans que le CSA refuse de renouveler leur autorisation de diffusion…

M. Christian Paul. M. Mamère a raison : où commence et où s’achève le manquement grave ? Le délit d’impertinence en constitue-t-il un ? Considérer qu’il existe une différence de nature entre la programmation de TF1 et celle de France Télévisions, est-ce un manquement grave – auquel cas il faudrait dès à présent révoquer M. de Carolis ?

M. Patrice Martin-Lalande. M. Mamère limite le manquement grave au non-respect du cahier des charges, tandis que j’invoque une notion juridique plus large, établie notamment par la jurisprudence : il s’agit des fautes particulièrement graves commises dans le cadre de responsabilités données. Il n’y a pas besoin de davantage de précision.

M. Marcel Rogemont. Le manquement grave ne pourrait-il pas être constaté par le CSA ? Il faut que celui-ci puisse donner son avis indépendamment du Président de la République, de manière à encadrer très fortement le droit de révocation, qui ne doit pas être perçu comme arbitraire. Qu’on donne à une personnalité politique la possibilité de révoquer à tout moment un responsable de l’audiovisuel public m’inquiète beaucoup. Dès lors que le Président de la République souhaitera exercer son droit de révocation, le CSA sera bien obligé de constater que les conditions même d’exercice du mandat de président ne sont plus remplies !

M. le rapporteur. Cette discussion le montre : tout cela est bien flou. J’émets un avis défavorable sur les deux amendements. Celui de M. Martin-Lalande me paraît trop restrictif, car il ne prend pas en compte les révocations pouvant intervenir suite à un empêchement – longue maladie ou immobilisation – ou en cas de condamnation grave, mais non liée à l’exercice du mandat. A contrario, les dispositions prévues par M. Noël Mamère, paradoxalement, protègent mal le président en fonction. Qui constaterait la gravité d’un manquement au cahier des charges ?

M. Noël Mamère. Le CSA !

M. le rapporteur. Je le répète, la révocation des présidents des sociétés de l’audiovisuel public interviendra par décret motivé et après avis conforme et motivé du CSA. En outre, je vais vous présenter un amendement visant à solliciter, comme pour la nomination, l’avis des commissions parlementaires chargées des affaires culturelles. Il y aura donc une triple garantie.

La Commission rejette successivement les amendements de MM. Patrice Martin-Lalande et Noël Mamère, puis elle adopte deux amendements rédactionnels du rapporteur.

Elle examine ensuite un amendement du rapporteur visant à prévoir l’avis des commissions chargées des affaires culturelles sur la révocation des présidents des sociétés nationales de programme.

M. le rapporteur. Pour des raisons de parallélisme des formes, cet amendement vise à préciser que le Parlement rend un avis en cas de révocation d'un président d'une société de l'audiovisuel public, dans les mêmes conditions que pour la nomination. En la matière, le principe clairement établi est en effet que celui qui nomme est également celui qui révoque, cette révocation devant intervenir dans les mêmes conditions.

L'avis des commissions parlementaires compétentes interviendra après celui du CSA. Le Président de la République ne pourra procéder à une révocation si l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois-cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

M. Noël Mamère. Cet amendement est un leurre. Avec l’obligation d’une majorité des trois-cinquièmes et la composition du Sénat, la décision du Président de la République sera toujours suivie par le Parlement. Tel est d’ailleurs l’esprit dans lequel le Président de la République a conduit la révision constitutionnelle : elle ne visait pas à renforcer les pouvoirs du Parlement mais ceux de la majorité, même si ce n’est pas ce qu’on a vendu à l’opinion.

M. le président Jean-François Copé. Ce n’est déjà pas si mal !

M. Noël Mamère. Ce week-end, certains membres de la majorité ont déploré l’absence d’opposition, disant que ce n’était pas bon pour la démocratie. Il faudrait donc, pour donner plus de vitalité à la démocratie, donner plus de pouvoir à l’opposition.

M. le président Jean-François Copé. Je vous rappelle que nous travaillons à une réforme du Règlement de notre assemblée qui donnera plus de pouvoir à l’opposition et qui est directement liée à la révision de la Constitution, que vous n’avez pas votée.

M. Noël Mamère. Nous avons eu bien raison : la première disposition que nous voterons dans ce cadre sera une loi organique permettant au Président de la République de procéder à un confortable remaniement ministériel après Noël, les ministres éjectés retrouvant leur siège parlementaire. C’est digne d’une république bananière !

M. le président Jean-François Copé. Revenons au texte.

M. Didier Mathus. Nous avons fait le calcul : dans l’histoire de la Ve République, une opposition des trois-cinquièmes des deux commissions parlementaires n’aurait jamais pu se produire. L’hypothèse est donc illusoire et la disposition proposée purement décorative.

La Commission adopte cet amendement.

La Commission adopte l’article 9 ainsi modifié.

Article 10

Coordination liée à la création de la société nationale
de programme France Télévisions

Cet article modifie l’article 47-6 de la loi du 30 septembre 1986 relatif au contrôle des comptes des chaînes publiques, par coordination avec les dispositions adoptées à l’article 1er du présent projet de loi qui font de France Télévisions une société nationale de programme unique. De ce fait, la référence à France 2, France 3, France 5, RFO, ainsi qu’à France 4, devient obsolète. Elle est donc supprimée par cet article.

*

La Commission adopte l’article 10 sans modification.

Chapitre II

Des fréquences et de la diffusion

L’objectif de ce chapitre est de continuer à assurer la disponibilité des services de communication audiovisuelle édités par les sociétés nationales de programme et leurs filiales soumises à des obligations de service public sur l’ensemble des supports de diffusion. Pour ce faire, les quatre articles qui composent ce chapitre prévoient des ajustements aux dispositions de la loi du 30 septembre 1986, par coordination avec les dispositions précédemment modifiées.

Article 11

Conditions d’attribution de la ressource radioélectrique

Cet article du projet de loi modifie le II de l’article 26 de la loi du 30 septembre 1986 relatif à l’attribution des fréquences au secteur public (alinéa 1).

En l’état actuel du droit, le II de l’article 26 prévoit un droit prioritaire d’usage de la ressource radioélectrique pour France Télévisions et les chaînes de la holding, RFI, Radio France, la chaîne culturelle européenne Arte et la Chaîne Parlementaire. Cela ne signifie d’ailleurs pas que le législateur entend ainsi réserver certaines fréquences au secteur privé et d’autres au secteur public (Conseil d’État, 30 mars 1994, Association de défense de la Cinq), mais simplement que les modalités d’attribution des fréquences de l’audiovisuel public n’obéissent pas aux mêmes règles ni aux mêmes procédures que celles de l’audiovisuel privé.

L’attribution des fréquences au service public de l’audiovisuel s’effectue donc en dehors des procédures d’appel à candidatures imposées aux opérateurs privés, à la demande du Gouvernement. Cette demande est formulée soit auprès du CSA pour la « ressource radioélectrique de radiodiffusion », soit auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) pour la « ressource radioélectrique de transmission ». La ressource radioélectrique de radiodiffusion désigne les bandes de fréquences réservées au service de radiodiffusion dont le CSA est affectataire(56). Il s’agit en pratique des fréquences utilisées par les services de communication audiovisuelle pour diffuser leurs émissions. La ressource radioélectrique de transmission désigne les bandes de fréquences réservées au service fixe dont l’ARCEP est affectataire en application du TNRBF. Il s’agit des liaisons de transport des émissions, par exemple entre le studio et l’émetteur de radiodiffusion lors d’un reportage.

Par coordination avec la création de la société nationale de programme en charge de l’audiovisuel extérieur de la France à l’article 2 du projet de loi, et donc avec la filialisation de RFI, l’alinéa 2 du présent article prévoit que le droit d’usage de cette ressource radioélectrique pourra également être attribué aux filiales des sociétés nationales de programme répondant à des obligations de service public. Cela permettra à RFI de pouvoir continuer à bénéficier du droit d’usage de la ressource radioélectrique qui lui a été accordé par le CSA pour être diffusée à Paris.

Cela permettra également au Gouvernement de demander au CSA d’accorder en priorité le droit d’usage de la ressource radioélectrique à d’éventuelles futures filiales de sociétés nationales de programme qui répondraient à des missions de service public. Toutefois, il s’agit là d’une possibilité et le Gouvernement s’assurera avant d’effectuer de telles demandes que cela est nécessaire pour l’accomplissement des missions de service public confiées aux sociétés concernées.

Par ailleurs, en l’état actuel du droit, la deuxième phrase du premier alinéa du II de l’article 26 précise que, « pour la continuité territoriale des sociétés nationales de programme métropolitaines dans les collectivités françaises d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie », ce droit d’usage est accordé à RFO.

L’alinéa 3 du présent article supprime cette disposition par coordination avec la dissolution de la société RFO et la création de France Télévisions, entreprise unique chargée d’éditer directement l’ensemble des programmes des sociétés préexistantes. Par ailleurs, avec l’arrivée de la TNT en outre-mer, les programmes de France Télévisions pourront bientôt également être repris directement.

*

La Commission adopte un amendement rédactionnel du rapporteur.

La Commission adopte l’article 11 ainsi modifié.

Article 12

Obligation de reprise des chaînes publiques – « Must carry »

Par coordination avec les dispositions adoptées à l’article 1er, cet article modifie le I de l’article 34-2 de la loi du 30 septembre 1986 relatif à l’obligation de reprise des programmes de l’ensemble des chaînes de France Télévisions, mais également d’Arte et de TV5, par l’ensemble des distributeurs tels que définis à l’article 2-1 de la loi du 30 septembre 1986 – satellite, câble et ADSL – sauf si les éditeurs de ces services « estiment que l’offre de services [du distributeur] est manifestement incompatible avec le respect de leurs missions de service public » (alinéa 1). Rappelons que, dans ce cadre, ce sont les distributeurs qui assument le coût de diffusion des chaînes de service public.

 Obligation de reprise en métropole

En l’état actuel du droit, pour la métropole, le I de l’article 34-2 dispose notamment que les distributeurs doivent mettre gratuitement à disposition de leurs abonnés les programmes des chaînes de France Télévisions, y compris les programmes de France Ô, auxquels la loi fait référence lorsqu’elle vise les « services spécifiquement destinés au public métropolitain édités par la société mentionnée au 4° du I de l’article 44 ».

La société nationale de programme RFO, actuellement visée au 4° du I de l’article 44, disparaissant au profit de France Télévisions, l’alinéa 2 du présent article propose une nouvelle « appellation » pour France Ô.

La rédaction du Gouvernement propose de viser « les services de télévision diffusés en clair par voie hertzienne terrestre en mode numérique spécifiquement destinés au public métropolitain édités par la société mentionnée au I de l’article 44 ». Le rapporteur estime qu’il conviendrait plutôt d’utiliser le terme de « service diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique », la fin restant inchangée, car ce programme est actuellement diffusé en clair en métropole. Il est donc redondant de le préciser dans la loi. Par ailleurs, il s’agit d’un service unique, et non de plusieurs.

 Obligation de reprise outre-mer

Cette obligation de reprise des chaînes publiques trouve également à s’appliquer outre-mer puisque le deuxième alinéa du I de l’article 34-2 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que, comme en métropole, les distributeurs doivent mettre gratuitement à disposition de leurs abonnés les programmes de RFO qui sont diffusés par voie hertzienne terrestre dans la collectivité.

Toujours par coordination avec les dispositions adoptées à l’article 1er du projet de loi qui créent une société nationale de programme unique et font de RFO un service de France Télévisions, l’alinéa 3 du présent article remplace dans le deuxième alinéa du I de l’article 34-2 de la loi du 30 septembre 1986 la référence à RFO par une référence à France Télévisions. Ce qui veut dire que demain, tout distributeur outre-mer devra proposer l’ensemble des programmes de France Télévisions outre-mer, et plus seulement ceux de RFO.

En effet, le must carry s’appliquera aux services de France Télévisions qui seront diffusés par voie hertzienne terrestre dans la collectivité d’outre-mer en cause. Ce qui ne concerne aujourd’hui que RFO pourra, après le lancement de la TNT, également s’appliquer aux autres services de France Télévisions diffusés dans la collectivité.

*

La Commission adopte un amendement rédactionnel du rapporteur.

Elle adopte ensuite un amendement du rapporteur visant à ce que l’obligation de transport et de reprise des chaînes publiques sur tous les modes de diffusion prévue par la loi de 1986, communément appelée « must carry », englobe la reprise des chaînes publiques diffusées en haute définition, en plus de leur reprise en simple définition, lorsque le distributeur propose une offre en haute définition.

Elle adopte alors l’article 12 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 12

Numérotation des services de télévision
dans les offres des distributeurs de services

La Commission est saisie de deux amendements pouvant être soumis à discussion commune, présentés par le rapporteur et par Mme Laure de la Raudière, visant à maintenir la numérotation logique des chaînes de la TNT dans les offres des distributeurs de services.

M. le rapporteur. Mon amendement vise à concilier deux objectifs : assurer à l'offre audiovisuelle gratuite de référence une plus grande lisibilité, tout en préservant la liberté éditoriale des distributeurs et en évitant un traitement trop discriminatoire entre des chaînes de même genre, qu'elles soient issues de la TNT gratuite ou du câble et du satellite.

Transposant dans la loi les termes de la délibération du CSA sur ce sujet, il oblige les distributeurs à réserver un bloc cohérent de leur offre à la reprise des chaînes gratuites de la TNT, dans l'ordre qui est le leur sur le numérique hertzien. Cette mesure offrirait aux téléspectateurs un plus grand confort.

Mme Laure de La Raudière retire son amendement au bénéfice de celui du rapporteur, auquel elle souscrit, et que la Commission adopte.

Article 13

Reprise de l’ensemble des programmes régionaux de France 3
en mode numérique

Par coordination avec la création de la société nationale de programme unique France Télévisions prévue à l’article 1er du présent projet de loi, cet article modifie l’article 34-5 de la loi du 30 septembre 1986 relatif à l’obligation de reprise de l’ensemble des décrochages régionaux de France 3 par les distributeurs de services diffusant en mode numérique afin d’harmoniser la référence à France 3 avec la nouvelle rédaction du I de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986.

Actuellement, à l’article 34-5 précité, est fait référence aux « programmes régionaux de la société nationale de programme mentionnée au 2° du I de l’article 44 », c’est-à-dire aux décrochages régionaux de France 3. France 3 devenant un service de la société nationale de programme France Télévisions, selon les termes du I de l’article 44 dans sa rédaction issue de l’article 1er du présent projet de loi, l’article 1er du projet de loi proposait de faire désormais référence pour parler des décrochages régionaux de France 3 aux « programmes locaux, à l’exception de ceux spécifiquement destinés à l’outre-mer, de la société nationale de programme mentionnée au I de l’article 44 ».

Le rapporteur estime qu’il convient de garder la référence aux programmes régionaux, la catégorie des programmes locaux étant un sous-ensemble des programmes régionaux. Il propose donc un amendement rédactionnel de coordination à cet article, par cohérence avec les dispositions adoptées à l’article 1er.

*

La Commission est saisie de cinq amendements pouvant faire l’objet d’une discussion commune, les deux premiers, identiques, du rapporteur et de M. Jean Dionis du Séjour, visant à remplacer le mot « locaux » par le mot « régionaux », les deux suivants, identiques, de MM. Noël Mamère et Didier Mathus, et le dernier de M. Patrick Braouezec, visant à compléter le mot « locaux » par les mots « locaux et régionaux ».

M. le rapporteur. Mon amendement tend à remplacer le mot « locaux » par le mot « régionaux ». L’article 13 est relatif à l’obligation de reprise de l’ensemble des décrochages régionaux de France 3 par les services diffusant en mode numérique. Outre un amendement de M. Jean Dionis du Séjour, identique au mien, la discussion commune porte également sur deux amendements tendant à substituer au mot « locaux » les mots « régionaux et locaux ».

L’article 34-5 de la loi de 1986 fait référence aux décrochages régionaux de France 3. Cette dernière devenant un service de la société France Télévisions, le projet de loi propose d’employer désormais, pour désigner ses décrochages régionaux, les mots « programmes locaux ». Mais ces derniers étant en réalité un sous-ensemble des programmes régionaux, il semble préférable de conserver l’expression « programmes régionaux ». Cette modification rédactionnelle assurerait en outre la cohérence avec celle que nous avons adoptée à l’article 1er.

M. Jean Dionis du Séjour. Bien que mon amendement soit identique sur le fond, une illustration locale ne me semble pas inutile : à Agen, les décrochages des programmes locaux du Béarn rencontrent peu de succès. L’information régionale aurait sans doute plus d’audience.

M. Noël Mamère. Mon amendement, qui tend à remplacer le mot « locaux » par les mots « régionaux et locaux », est destiné à protéger le caractère de proximité, que la notion de « régional » n’exprime pas suffisamment. Alors que certaines chaînes, notamment associatives, diffusent à l’échelle locale, une chaîne publique doit être en mesure d’exercer sa fonction au plus près des citoyens, c’est-à-dire certes à l’échelle régionale mais aussi avec des décrochages locaux. La suppression de ceux-ci préoccupe autant les personnels que les citoyens. Je rappelle que les Français passent en moyenne trois heures et demie chaque jour devant la télévision et que celle-ci est, pour bon nombre d’entre eux, la seule source d’information.

M. Didier Mathus. Notre amendement a le même objet. En matière de transport des programmes, distinguer les programmes régionaux et locaux a un sens précis et lourd de conséquences, y compris financières. L’amendement du rapporteur semble exclure du « must carry » les programmes locaux de France 3, alors que l’amendement de M. Mamère et le mien tendent à soumettre à cette obligation l’ensemble des programmes de France 3.

M. Noël Mamère. J’avais moi aussi déposé avec Patrick Braouezec un amendement visant à permettre à France 3 de garder sa vocation à la fois régionale et locale. Les attentes n’étant pas nécessairement les mêmes partout, il paraît normal qu’il y ait des décrochages locaux.

M. le rapporteur. La reprise des décrochages locaux, qui n’est pas prévue actuellement, coûterait extrêmement cher. Mieux vaut s’en tenir aux programmes régionaux.

La Commission adopte les amendements identiques du rapporteur et de M. Jean Dionis du Séjour. En conséquence, les trois autres amendements deviennent sans objet.

La Commission adopte l’article 13 ainsi modifié.

Article 14

Coordination relative à la diffusion satellitaire de la télévision numérique

Cet article modifie les deuxième et quatrième alinéas de l’article 98-1 de la loi du 30 septembre 1986 relatif à la diffusion satellitaire des chaînes de la TNT, par coordination avec les dispositions adoptées à l’article 1er du présent projet de loi.

L’article 98-1 a été introduit dans la loi du 30 septembre 1986 par un amendement à la loi n° 2007-309 du 7 mars 2007, afin que l’ensemble des chaînes de la TNT soit accessible par satellite et que les 5 % de Français qui ne pourront pas, pour des raisons multiples, avoir accès à la TNT par la voie hertzienne, notamment en zone rurale, en zone de montagne ou aux frontières, puissent la recevoir par satellite. L’objectif était clairement que les Français puissent disposer rapidement d’une offre satellitaire gratuite avec l’ensemble des chaînes de la TNT diffusées en hertzien numérique.

En l’état actuel du droit, le deuxième alinéa de l’article 98-1 précité prévoit qu’un distributeur de services satellitaire qui dispose dans son offre de l’ensemble des chaînes actuellement diffusées en hertzien numérique, c’est-à-dire de l’ensemble des chaînes de la TNT, y compris France Ô, peut les mettre gratuitement à la disposition du public.

Depuis début juin 2007, un bouquet des chaînes gratuites de la TNT est diffusé sur le satellite Astra sous la forme d’un service nommé « TNTSat », commercialisé par CanalSat. Cette offre par satellite permet la réception sans abonnement ni frais de location d’un terminal de réception des 18 chaînes gratuites de la TNT, des 24 décrochages régionaux de France 3 ainsi que de France Ô en qualité numérique. Selon les informations transmises par Canal +, à l’automne 2008, on comptait 800 000 foyers utilisateurs. Les prévisions de CanalSat tablent sur 1,1 million de foyers utilisateurs en février 2009, date à laquelle les chaînes en haute définition (HD) de la TNT seront également en HD sur « TNTSat ».

Ce choix de distribution des programmes régionaux de France 3 permet par ailleurs à France 3 de toucher l’ensemble des abonnés à CanalSat ou TPS avec ses programmes régionaux, c’est-à-dire non seulement les 800 000 foyers équipés en TNTSat mais aussi les plus de quatre millions d’abonnés qui reçoivent France 3 via leur abonnement payant.

L’alinéa 2 du présent article du projet de loi prévoit simplement de modifier la référence à France Ô qui, du fait des dispositions prévues par l’article 1er du présent projet de loi, ne sera demain plus un service édité par la société nationale de programme RFO, mais un service édité par la société nationale de programme France Télévisions, « ayant pour objet de concourir à la connaissance de l’outre-mer ».

Par ailleurs, en l’état actuel du droit, le quatrième et dernier alinéa de l’article 98-1 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit qu’une de ces offres satellitaires doit permettre la réception simultanée de l’ensemble des programmes régionaux de France 3 sur tout le territoire, l’État compensant le coût de cette diffusion par crédits budgétaires versés à France Télévisions, selon les termes des débats de la loi du 7 mars 2007 précitée.

Ce point a été précisé dans le contrat d’objectifs et de moyens (COM) signé entre l’État et le groupe France Télévisions le 24 avril 2007. Il est ainsi prévu que « les décrochages régionaux de France 3 seront diffusés sur l’offre gratuite par satellite moyennant compensation de l’État, dont le montant correspondra aux surcoûts de diffusion réellement décaissés chaque année par France 3. Ce montant fera l’objet d’un financement budgétaire ad hoc ». Pour tenir compte de cette dépense, a bien été prévue dans le plan d’affaires du COM une ligne de dépenses spécifique, intitulée « décrochages de France 3 sur le satellite » et financée à hauteur de 5,7 millions d’euros pour 2008.

Grâce aux négociations menées par France Télévisions, le coût finalement négocié avec CanalSat ne dépasse pas ces 5,7 millions d’euros. Pour le futur, cette ligne de dépenses est stabilisée à 5,7 millions d’euros pour la période 2008-2010.

L’alinéa 4 du présent article remplace simplement la référence aux décrochages régionaux de France 3 par le terme suivant : « l’ensemble des programmes locaux, à l’exception de ceux spécifiquement destinés à l’outre-mer » de France Télévisions, « moyennant compensation de l’État ». La terminologie utilisée est comparable à celle des articles 13 ou 18 du présent projet de loi.

La Commission est saisie d’un amendement du rapporteur imposant aux bouquets satellitaires qui diffusent gratuitement les chaînes de la TNT d’utiliser le même standard technique de diffusion que celui dont bénéficient les téléspectateurs couverts en diffusion hertzienne.

M. le rapporteur. Lorsque la haute définition sera généralisée, il serait anormal que les foyers non couverts en diffusion hertzienne aient une moins bonne qualité de réception des chaînes gratuites de la TNT.

M. Didier Mathus. L’intention est bonne, mais je ne comprends pas les modalités techniques : comment, sans disposer des moyens de diffusion en haute définition (HD), reproduire de la TNT en HD ?

M. le rapporteur. Aujourd’hui, CanalSat diffuse Canal Plus en HD. Je ne crois donc pas qu’il y ait un problème, mais je veux bien creuser la question.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie d’un amendement du rapporteur assurant la reprise des chaînes gratuites de la TNT dans l’offre de programmes de tout distributeur de services par voie satellitaire ou de tout opérateur de réseau.

M. le rapporteur. L’article 98-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée par celle du 5 mars 2007 prévoit la mise à disposition des chaînes gratuites de la TNT sur l’ensemble du territoire, et particulièrement dans les zones où leur diffusion par voie hertzienne terrestre ne peut pas être assurée, par un distributeur de services par voie satellitaire ou un opérateur de réseau satellitaire. Les foyers qui disposent déjà d’une parabole pour accéder à la télévision analogique doivent pouvoir accéder à la TNT sans surcoût notoire, c’est-à-dire sans avoir besoin de changer d’opérateur satellitaire ; à l’horizon du passage au tout numérique en novembre 2011, il faut se donner les moyens de favoriser l’accès de tous les Français aux chaînes de la TNT.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de trois amendements pouvant être soumis à discussion commune et relatifs, comme précédemment, à la qualification locale ou régionale des décrochages de France 3. La Commission adopte les amendements identiques du rapporteur et de M. Didier Mathus visant à substituer au mot « locaux », le mot « régionaux ». En conséquence, l’amendement de M. Noël Mamère, tendant à maintenir l’un et l’autre termes, devient sans objet.

La Commission adopte un amendement du rapporteur précisant que la compensation par l’État du coût de diffusion simultanée des programmes régionaux de France 3 sur le satellite est spécifiquement prévue dans le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions.

Elle est ensuite saisie d’un amendement de M. Didier Mathus visant à étendre à l’outre-mer le modèle métropolitain de couverture satellitaire.

M. Victorin Lurel. Il s’agit de permettre le développement de la TNT outre-mer dans les mêmes conditions qu’en métropole.

M. le rapporteur. La loi du 5 mars 2007 organise sur l’ensemble du territoire de la République, et donc également outre-mer, l’extinction de la diffusion par voie hertzienne en mode analogique. S’agissant de l’outre-mer, il appartient aujourd’hui à RFO, pour le lancement de la TNT, de jouer le rôle d’agrégateur des programmes de France Télévisions, mission qui sera après la promulgation de la loi confiée à la société France Télévisions. Par ailleurs, le régime d’octroi des fréquences est identique en métropole et outre-mer. De même, les télévisions locales existantes se sont vu accorder un droit à rediffusion intégrale et simultanée de leurs programmes en TNT, qu’elles peuvent faire jouer à tout moment, c’est-à-dire sans avoir à attendre que le CSA lance un appel dans la zone, ainsi qu’une prorogation de leurs autorisations d’émettre au plus tard jusqu’au 31 mars 2015. Enfin, des GIP chargés de l’extinction de la diffusion par voie hertzienne peuvent être créés dans chaque collectivité d’outre-mer, à l’instar de celui qui a été institué en métropole.

Je suis donc défavorable à cet amendement ainsi qu’à ceux qui ont été déposés dans le même esprit après l’article 14 car ils sont satisfaits par la législation existante.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission adopte l’article 14 ainsi modifié.

Après l’article 14

M. Victorin Lurel retire un amendement relatif aux appels à candidatures dans les collectivités d’outre-mer.

La Commission examine un amendement de M. Patrice Martin-Lalande portant le seuil anticoncentration en radio analogique de 150 à 200 millions d’habitants.

M. Patrice Martin-Lalande. Cet amendement tient compte de l’évolution démographique de notre pays et, surtout, de la moindre rareté des fréquences radio.

M. le rapporteur. Cet amendement entend modifier le plafond de concentration dans le secteur privé de la radio analogique, fixé à 150 millions d’habitants. Mais, pour la radio numérique, la contrainte est établie de façon plus dynamique, avec un plafond, beaucoup plus évolutif, de 20 % de la diffusion des opérateurs publics et privés.

Il me semble que, dans la période actuelle de transition vers le numérique, il faut préserver la situation de la radio analogique : la croissance des grands groupes risque de se faire aux dépens du secteur des radios indépendantes, déjà fragile. La transition vers le numérique et le succès de la radio du futur méritent sans doute qu’on ne modifie pas sans concertation préalable et sans expertise le seuil actuel.

Cette question doit aussi s’insérer dans une démarche législative plus large, consacrée plus spécifiquement à la radio ; tous les acteurs du secteur demandent qu’elle soit engagée en 2009, année où seront délivrées les premières autorisations d’émission en radio numérique terrestre. Je reconnais donc le bien-fondé de la demande, mais j’émets un avis défavorable pour préserver la transition.

M. Jean Dionis du Séjour. Je soutiens l’amendement. L’article 41 de la loi de 1986 a vieilli. À l’heure où l’on peut écouter la radio sur Internet, limiter le nombre d’auditeurs potentiels d’une radio est extrêmement archaïque.

M. Didier Mathus. Nous sommes d’accord avec le rapporteur. Le plafond de 150 millions d’auditeurs a été institué non par la loi de 1986 mais par celle d’août 2000 qui l’a modifiée ; la France n’a pas tant évolué depuis. Il existe aussi des dispositions similaires, voire beaucoup plus restrictives, en Allemagne par exemple ; personne ne considère qu’elles sont archaïques ; on y voit des garanties pour la démocratie. Porter le plafond à 200 millions d’auditeurs, c’est favoriser les réseaux les plus puissants et le développement de la concentration. C’est pourquoi nous sommes défavorables à l’amendement.

M. Patrice Martin-Lalande. La référence démographique qui a été utilisée pour la loi d’août 2000 est le recensement de 1990 ; les résultats du recensement de 1999 n’étaient pas disponibles lors de l’examen de cette loi. Depuis le vote de la loi, la situation démographique du pays a donc bel et bien évolué.

Il y a des régions, comme la Sologne, où l’on ne peut pas recevoir certaines radios nationales car elles n’y disposent pas de fréquences ; l’amendement permettrait d’y remédier.

M. Michel Françaix. L’amendement ne porte que sur la radio analogique, qui est en voie d’extinction.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine un amendement de M. Didier Mathus tendant à permettre au CSA, dans les collectivités d’outre-mer, d’autoriser le simulcast de chaînes locales diffusées en mode analogique.

M. Victorin Lurel. Nous ne sommes pas convaincus par l’argumentaire général du rapporteur sur l’outre-mer. Il faut donner plus de pouvoir au CSA.

M. le rapporteur. Conformément à cet argumentaire général, mon avis est défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine ensuite un amendement de M. Didier Mathus tendant à établir un taux de couverture de 70 % de la population en numérique hertzien dans les collectivités d’outre-mer, contre 95 % en métropole.

M. Victorin Lurel. Il s’agit d’adapter la loi aux réalités : en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie, par exemple, l’obligation d’une couverture de 95 % de la population ne pourra jamais être respectée. Créer une obligation de couverture de 70 % de la population paraît de bon sens.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

La Commission examine un amendement de M. Patrice Martin-Lalande tendant à astreindre les éditeurs de services nationaux en clair diffusés par voie hertzienne en mode numérique à mettre ensemble, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, leur offre de programmes terrestres à la disposition d’au moins deux distributeurs de services présents sur deux positions orbitales distinctes ou d’au moins deux opérateurs de réseaux satellitaires, pour une couverture au moins équivalente à celle de leur diffusion analogique terrestre.

Mme Laure de La Raudière. Je crois que, du fait de l’adoption d’un amendement du rapporteur après l’alinéa 2 de l’article 14, le présent amendement, que j’ai cosigné, devient sans objet ; mais est-il entièrement satisfait par cet amendement du rapporteur ?

M. le rapporteur. À mon sens, oui.

Mme Laure de La Raudière. Nous souhaitons alors cosigner l’amendement du rapporteur.

L’amendement de M. Patrice Martin-Lalande est retiré.

La Commission examine ensuite un amendement de Mme Laure de La Raudière tendant à imposer que toute nouvelle installation ou rénovation d’un réseau de distribution interne à un immeuble collectif, à une copropriété ou à un ensemble locatif et intégrant une réception par satellite, permette la réception de deux offres satellitaires de services nationaux en clair diffusés par voie hertzienne en mode numérique.

Mme Laure de La Raudière. Cet amendement est complémentaire de l’amendement précédent. Il s’agit d’assurer l’offre la plus large possible pour les habitants.

M. le rapporteur. L’amendement a plutôt sa place au sein du code de la construction et de l’habitation. Du fait des coûts qu’il induit, le dispositif proposé doit faire l’objet d’un accord collectif dans les logements sociaux et d’une décision de l’assemblée générale dans les copropriétés. Mon désaccord ne porte donc pas sur l’esprit de l’amendement mais sur sa forme : à mon sens il n’a pas réellement sa place dans le présent projet de loi. J’émets donc un avis défavorable.

L’amendement est rejeté.

La Commission examine un amendement de M. Didier Mathus tendant à créer un label spécifique pour la réception de la TNT outre-mer.

M. Victorin Lurel. Il s’agit de répondre à la nécessité d’une information claire outre-mer sur les adaptateurs permettant de recevoir la télévision en mode numérique en MPEG-4.

M. le rapporteur. L’amendement pose un problème de forme. Il formule une nouvelle rédaction de dispositions déjà présentes à l’article 19 de la loi de mars 2007.

M. Didier Mathus. En métropole, la TNT a été lancée à la norme de compression MPEG-2. Outre-mer, elle le sera à la norme MPEG-4. Une information sur la nature des décodeurs et des téléviseurs y est donc nécessaire ; le consommateur doit savoir s’il achète un appareil à la norme MPEG-2 ou à la norme MPEG-4. Il paraît utile que la loi règle cette question.

M. le rapporteur. La difficulté ne m’avait pas échappé. Mais il est difficile de prévoir un label spécifique pour l’outre-mer. Les modalités de mises en œuvre d’un tel dispositif paraissent malaisées. J’émets donc un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Chapitre III

Des cahiers des charges et autres obligations
des sociétés nationales de programme

Ce chapitre permet de soumettre enfin le secteur public de l’audiovisuel à une obligation de résultats, encadrée par le cahier des charges. Le projet de cahier des charges de France Télévisions, rendu public le 7 novembre, prévoit des objectifs précis de programmation d’émissions culturelles, de spectacle vivant ou de fictions adaptant le patrimoine littéraire français. Il est également précisé que, chaque soir, l’une des chaînes du groupe devra proposer un programme à vocation culturelle.

Article 15

Cahier des charges des nouvelles sociétés nationales de programme, conditions du parrainage des émissions et de la promotion croisée
entre chaînes d’une même société nationale

Cet article modifie l’article 48 de la loi du 30 septembre 1986 relatif au contenu des cahiers des charges des sociétés nationales de programme (alinéa 1), afin de prendre en compte la création de la société unique de programme France Télévisions et d’assouplir les règles relatives au parrainage, telles qu’elles figurent dans les cahiers des charges.

Comme le précise l’exposé des motifs du projet de loi, « la réforme du secteur public de l’audiovisuel et notamment la création d’une entreprise unique permet d’envisager une harmonisation et une simplification des obligations applicables aux différents services de communication audiovisuelle qui seront à terme édités directement par France Télévisions », ce qui explique que les obligations de toutes les chaînes de la société seront regroupées dans un unique document, « qui définira les caractéristiques de chacun des services édités afin de garantir le respect du principe de défense du pluralisme ». Par ailleurs, ce cahier des charges unique devra fixer clairement les obligations imposées à chacune des chaînes, « notamment les modalités de développement du soutien à la création », l’objectif étant que ce document permette de garantir « le respect de la diversité des programmes du secteur public audiovisuel et le pluralisme des courants de pensées et d’opinion ».

La rédaction de l’article 15 du projet de loi répond-elle à ces objectifs ?

 Un cahier des charges plus précis et plus détaillé

En l’état actuel du droit, le premier alinéa de l’article 48 de la loi du 30 septembre 1986 dispose qu’un cahier des charges définit les obligations de France Télévisions, France 2, France 3, France 5, RFO, Radio France et RFI, et notamment celles « qui sont liées à leur mission éducative, culturelle et sociale, ainsi qu’aux impératifs de la défense nationale, de la sécurité publique et de la communication gouvernementale en temps de crise ». Il doit également prévoir « des dispositions pour la promotion de la protection de la santé des sportifs et de la lutte contre le dopage ». Ces cahiers des charges sont approuvés par décret.

Ainsi, pour France 2 et France 3, il s’agit du décret n° 94-813 du 16 septembre 1994. Pour France 5, il s’agit du décret n° 95-71 du 20 janvier 1995. Pour RFO, il s’agit du décret n° 93-535 du 27 mars 1993. Pour Radio France, il s’agit du décret du 13 novembre 1987. Pour RFI, il s’agit du décret n° 88-66 du 20 janvier 1988. Tous ces décrets ont été modifiés pour la dernière fois par le décret n° 2006-645 du 1er juin 2006.

La deuxième phrase du premier alinéa de l’actuel article 48 de la loi du 30 septembre 1986 précise que, lorsqu’une des sociétés listées ci-dessus édite plusieurs services, le cahier des charges précise les caractéristiques de chacun d’entre eux. Ainsi, pour Radio France, l’article 25 du cahier des charges prévoit que « la société conçoit et fait diffuser cinq programmes nationaux : un programme généraliste d’information, de distraction et de culture, diffusé vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; un programme musical présentant les divers genres musicaux, favorisant la création musicale et s’attachant à mettre en valeur les œuvres du patrimoine et la musique vivante ; un programme présentant les divers aspects et modes d’expression des cultures, mettant en valeur le patrimoine et développant la création radiophonique ; un programme d’information, de services, de divertissement et de musique constituant notamment le complément des programmes spécifiques des stations locales ; un programme d’information continue diffusé vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En outre, la société conçoit et fait diffuser un programme de musique continue et de services ; les programmes des stations locales privilégiant la proximité dans leur offre d’information, de services et de divertissements ; un programme à dominante musicale privilégiant la dimension éducative, sociale et culturelle des divers modes d’expression de la jeunesse et la découverte de nouveaux talents ; les programmes autres que nationaux satisfaisant une offre spécifique de service public ». On le voit, alors que la loi ne liste pas l’ensemble des radios éditées par Radio France, les spécificités et les périmètres de chacune d’entre elles sont précisément détaillés dans son cahier des charges. Une telle souplesse permet d’ailleurs à Radio France d’être très réactive. Ainsi, pour faire face aux évolutions de la société, elle a pu créer Le Mouv’ par simple modification de son cahier des charges, sans avoir à en passer par une disposition législative.

L’alinéa 2 du présent article du projet de loi modifie cette deuxième phrase du premier alinéa de l’actuel article 48 de la loi du 30 septembre 1986 pour prévoir que le cahier des charges des sociétés nationales de programme doit préciser les caractéristiques de chacun des services de communication audiovisuelle qu’édite la société, et non plus uniquement de chacun des services. Le périmètre des cahiers des charges est en effet aujourd’hui réduit aux seuls services de télévision et de radio. L’idée est, ici, dans la ligne des modifications relatives au média global, de traiter l’ensemble des services de communication audiovisuelle édités par le groupe public, au sens de la modification apportée par l’article 22 du présent projet de loi.

Les futurs cahiers des charges devront également préciser « la répartition des responsabilités au sein de la société en matière de programmation et de commande et production des émissions de telle sorte que le respect du pluralisme des courants de pensée et d’opinion et la diversité de l’offre de programmes fournie soient assurés ».

Ces précisions sont à nouveau apportées pour répondre à la crainte du « guichet unique », exprimée par de nombreux acteurs de la filière, dont le rapporteur a eu l’occasion d’expliquer les tenants et les aboutissants à l’occasion des débats sur l’article 1er du présent projet de loi. Les termes « respect du pluralisme » et « diversité de l’offre de programmes », déjà présents à l’article 1er, visent ici encore à garantir le pluralisme des programmes puisque la loi ne mentionne plus expressément l’existence des chaînes, mais également à garantir la diversité de la commande par rapport au secteur de la création, afin de prévenir tout risque de réduction du pluralisme interne de l’offre de programmes de France Télévisions.

Il s’agit par ailleurs de s’assurer que la répartition des responsabilités quant aux choix des programmes, tant en ce qui concerne ce qui passera à l’antenne (responsabilité en matière de programmation) que les commandes de programmes (responsabilité en matière de commande et production), permet bien de créer les conditions qui doivent garantir la diversité de l’offre de programmes.

Cette précision fait suite à la remarque formulée par le CSA dans l’avis n° 7 du 7 octobre 2008 sur le projet de loi qu’il a remis au Gouvernement. Il y exprimait sa préoccupation quant à certaines conséquences que pourraient avoir la fusion des actuelles sociétés nationales de programme et la transformation du groupe France Télévisions en une société unique. Le Conseil a ainsi demandé que « le cahier des charges et l’organisation interne de France Télévisions comportent des dispositions précises garantissant le respect de l’identité de chacune des chaînes et l’absence d’uniformisation de leurs lignes éditoriales ; la diversité des responsables des programmes de création, notamment dans le domaine de la fiction ; le respect de l’exigence constitutionnelle du pluralisme en matière d’information ».

 Un toilettage des règles applicables au parrainage

En outre, le présent article modifie les règles applicables au parrainage sur le service public de l’audiovisuel. En l’état actuel du droit, selon les termes de l’article 48 de la loi du 30 septembre 1986, les sociétés nationales de programme peuvent faire parrainer leurs émissions « qui correspondent à leur mission en matière éducative, culturelle et sociale », dans des conditions déterminées par ces cahiers des charges. Cette restriction n’a jamais trouvé application : les cahiers des charges n’ont jamais précisé quelles émissions répondaient plus particulièrement à cette mission et pouvaient ainsi être parrainées. Ainsi, l’article 40 du cahier des charges de France 2 dispose que la société est autorisée à faire parrainer ses émissions dans les conditions prévues par le décret n° 92-280 du 27 mars 1992 fixant les principes généraux concernant le régime applicable à la publicité et au parrainage.

On ne trouve pas non plus de décision du CSA contestant pour ce motif le parrainage pratiqué. Cette disposition n’ayant jamais trouvé application, elle est supprimée. La possibilité de parrainage est maintenue et son périmètre n’est plus restreint puisque l’alinéa 4 du présent article du projet de loi prévoit que les sociétés nationales de programme – France Télévisions, Radio France, mais également l’audiovisuel extérieur de la France – pourront à l’avenir faire parrainer leurs émissions dans les conditions déterminées par ces cahiers des charges. Le rapport de la Commission pour la nouvelle télévision publique préconisait en effet pour France Télévisions qu’à « titre dérogatoire et résiduel » des exceptions à la suppression de la publicité soient envisagées, notamment s’agissant « des ressources issues du parrainage hors placement de produit (qui pourraient même augmenter avec la transposition de la directive SMAd) ». Selon les informations communiquées au rapporteur, France Télévisions évalue ses recettes de parrainage à environ 85 millions d’euros par an à partir de 2009.

Pour autant, selon les termes de l’article 20 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 modifié, le parrainage est interdit pour les émissions d’information politique et les journaux télévisés sur tous les services de télévision, L’objectif de cette interdiction est d’éviter tout risque d’influence d’un annonceur sur le contenu d’émissions sensibles. Il s’agit de garantir le pluralisme des sources d’information et l’indépendance éditoriale des chaînes, qui auraient pu être tentées de valoriser indûment, au sein d’émissions qui se doivent d’être déontologiquement irréprochables, l’image ou les activités d’annonceurs contribuant, à travers le parrainage, au financement de ces émissions.

Le rapporteur estime opportun d’étendre cette interdiction aux « émissions d’information » comme Envoyé spécial ou Complément d’enquête sur France 2, qui sont des émissions d’information non politique, contrairement à Mots croisés et À vous de juger sur France 2). Actuellement, ces émissions d’information ne sont d’ailleurs pas parrainées sur France Télévisions. Le CSA, sollicité par le rapporteur, estime qu’une telle extension, inscrite dans la loi, serait d’autant plus cohérente qu’il est souvent délicat de déterminer la frontière entre émissions d’information et émissions d’information politique, même si elle conduirait, par voie de conséquence, à fixer deux régimes différents selon qu’il s’agit d’une émission d’information de l’audiovisuel public ou privé.

 La promotion croisée

L’alinéa 5 du présent article du projet de loi encadre la promotion croisée des programmes entre services d’une même société nationale de programme, en précisant que les conditions de ce type de promotion seront également prévues par les cahiers des charges. Cette disposition figure aujourd’hui au deuxième alinéa du VI de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 pour France 2 et France 3 et dispose que « le conseil d’administration de la société France Télévisions détermine les limitations de durée applicables aux messages destinés à promouvoir les programmes ».

Le présent alinéa transfère ces dispositions à l’article 48 en la généralisant à l’ensemble des sociétés nationales de programme – France Télévisions, Radio France, mais également l’audiovisuel extérieur de la France – et en supprimant le renvoi à une décision du conseil d’administration, car ces derniers n’ont jamais délibéré sur le sujet. Il s’agit de permettre la promotion croisée des programmes au sein d’une même société nationale de programme, entre chaînes, mais également entre sociétés nationales de programme – entre Radio France et France Télévisions par exemple.

Il convient de bien préciser ces deux hypothèses, afin que les sociétés, mais également leurs services, puissent faire de la promotion croisée. Le rapporteur déposera un amendement en ce sens.

Ce sont les cahiers des charges qui organiseront les modalités de cette promotion. Le projet de cahier des charges de France Télévisions dispose ainsi, en son article 21, que la société «  assure sur ces différents services la promotion à des fins d’information des programmes de ses services de télévision et de télévision de rattrapage ».

Pour les chaînes privées, qui ne sont aucunement impactées par cette modification, il convient malgré tout de rappeler que le CSA a également récemment autorisé la promotion croisée en assouplissant sa doctrine sur ce sujet.

Le présent article du projet de loi ne modifie par ailleurs pas les troisième et quatrième alinéas de l’article 48 de la loi du 30 septembre 1986, qui restent donc inchangés. À l’avenir, comme aujourd’hui, selon les termes du troisième alinéa de l’article 48, le Conseil supérieur de l’audiovisuel sera saisi pour avis par le Gouvernement des dispositions des cahiers des charges. Il devra toujours rendre un avis motivé, ce qui signifie qu’il s’agira toujours d’un avis publié au Journal officiel. Par ailleurs, en pratique, cela implique de recueillir l’avis du CSA sur tout nouveau cahier ou simple modification, fût-elle minime, à défaut de quoi le décret pourrait être annulé. Enfin, rappelons que les statuts des chaînes prévoient également une information des conseils d’administration des sociétés concernées.

Par parallélisme avec les dispositions existant pour les contrats d’objectifs et de moyens, et étant donné l’importance que revêtiront à l’avenir les cahiers des charges, puisqu’ils listent notamment le périmètre et les missions de l’ensemble des antennes de chaque société nationale de programme, le rapporteur estime que les commissions parlementaires en charge des affaires culturelles doivent non seulement être informées annuellement de leur exécution (ce qui est déjà le cas) mais aussi être saisies pour avis de ce document.

Enfin, selon les termes du quatrième alinéa de l’article 48, non modifié par le projet de loi, rappelons que le cahier des charges prévoit également « les modalités de programmation des émissions publicitaires » et la part maximale de publicité qui peut provenir d’un même annonceur. Ces dispositions ne deviennent pas obsolètes du fait de la suppression progressive de la publicité sur les antennes de France Télévisions pour trois raisons. Premièrement, la publicité sera toujours présente sur France Télévisions avant 20 heures. Deuxièmement, même après l’extinction, il restera des dérogations (publicité locale, campagnes d’intérêt général). Troisièmement, cette disposition s’applique également à Radio France et à l’audiovisuel extérieur de la France, qui conserveront de la publicité sur leurs antennes.

*

La Commission examine un amendement de M. Didier Mathus tendant à supprimer cet article.

M. Didier Mathus. L’article 15 instaure la possibilité de parrainage des émissions, mais dans des conditions extrêmement confuses : tout est renvoyé au cahier des charges.

La loi supprime la publicité. Compte tenu de l’importance que prend de ce fait le parrainage et de l’attractivité qu’il pourra avoir dans le futur – ce n’est jamais que de la publicité déguisée – nous proposons de supprimer l’article 15.

M. le rapporteur. Je trouve cette proposition surprenante. Avec la disparition des sociétés nationales de programme, c’est au sein des cahiers des charges que seront définies les obligations de chaque chaîne, devenue « service » dans la terminologie de la loi. Le CSA sera saisi pour avis, comme le Parlement, de ces documents ; des améliorations pourront donc être proposées.

S’agissant de l’élargissement des émissions parrainées, l’article modifie certes des règles existantes : en application de l’article 48 de la loi de 1986, les sociétés nationales de programme peuvent aujourd’hui, dans des conditions déterminées par les cahiers des charges, faire parrainer les émissions correspondant à leurs missions en matière éducative, culturelle et sociale mais cette disposition n’a jamais trouvé d’application ; elle est donc supprimée, la possibilité de parrainage étant maintenue.

Je suis défavorable à l’amendement. En revanche, j’émettrai un avis favorable à un amendement présenté par MM. Noël Mamère et Patrick Braouezec interdisant le parrainage des émissions d’information.

M. Michel Françaix. Par cet article, vous nous dites en réalité que la perte de ressources induite par la suppression de la publicité sera telle que les compensations prévues seront insuffisantes.

M. le président Jean-François Copé. Mais non !

M. Michel Françaix. Vous commencez déjà à prendre conscience que vous ne pourrez pas donner à la télévision publique les moyens qui lui sont nécessaires et qu’il vous faudra racler tous les fonds de tiroir. Dont acte : vous êtes débusqués !

M. le président Jean-François Copé. Non. Le parrainage est un des éléments de développement de l’entreprise, comme le seront les gains de productivité.

M. Michel Françaix. C’est un argument facile de dire que la publicité nuit à l’image du service public de la télévision pour ensuite miser sur le parrainage, dont chacun sait fort bien qu’il ne demeurera pas longtemps idyllique, si jamais il l’est. Vous aurez du mal à me convaincre que, si la télévision publique n’est plus dépendante de la publicité, c’est une bonne chose qu’elle le soit du parrainage.

M. Jean Dionis du Séjour. Je l’ai dit d’emblée, mon groupe est opposé à la suppression de la publicité sur les chaînes de la télévision publique. Quand M. Michel Françaix dit que publicité et parrainage sont de même nature, il a raison.

M. le président Jean-François Copé. Disons que vous estimez qu’il a raison.

M. Jean Dionis du Séjour. J’ai du mal à comprendre si les membres du groupe SRC sont pour ou contre la suppression de la publicité sur les chaînes de la télévision publique. Nous le sommes, et je déposerai des amendements à ce sujet.

M. Noël Mamère. Je partage l’opinion exprimée par notre collègue Didier Mathus, ce qui explique les amendements que j’ai déposés avec M. Patrick Braouezec. En réalité, l’article 15 contourne l’interdiction de la publicité sur les chaînes de la télévision publique. Vous soulignez périodiquement que nous avions défendu la suppression de la publicité sur les chaînes de France Télévisions. Certes, mais dois-je rappeler que cette suppression était assortie de dispositions dont on ne voit nulle trace dans votre projet ? Il s’agissait d’une augmentation progressive de la redevance, d’un prélèvement sur le produit de la publicité sur les chaînes privées et – nous verrons ce qu’il en est de votre proposition à ce sujet lors de l’examen de l’article 20 – de l’interdiction pour une entreprise qui répond à des commandes publiques de détenir la majorité du capital d’une chaîne privée, car le conflit d’intérêts est manifeste.

Le parrainage est une manière déguisée de faire de la publicité. Verra-t-on bientôt un journal d’informations parrainé par une entreprise du CAC 40 ? Le principe n’est pas sain et l’article doit être supprimé. Que l’État donne les moyens à France Télévisions de remplir sa mission de service public au lieu de réintroduire subrepticement la publicité à peine supprimée pour permettre au groupe de rattraper son inévitable manque à gagner ! Le risque d’effets pervers est évident ; déjà, les chaînes révisent la programmation de leurs émissions pour concentrer l’effort sur les heures où la publicité sera autorisée. C’est donc un détournement de l’esprit supposé du texte. Il faut faire vivre les chaînes publiques autrement qu’en improvisant des petits bricolages qui risquent de porter atteinte à leur indépendance.

M. Patrick Bloche. La loi en vigueur précise que les sociétés nationales de programme « peuvent faire parrainer seulement celles de leurs émissions qui correspondent à leur mission en matière éducative, culturelle et sociale, dans des conditions déterminées par ces cahiers des charges ». Dès lors, comment nier que vous faites sauter un verrou pour permettre à France Télévisions de faire parrainer toutes ses émissions, alors que cette source de financement était jusqu’à présent contrainte ? Étant donné le manque de ressources que vous créez par la suppression de la publicité, le risque de dérives est inévitable. Il faut en rester à l’esprit de la loi actuelle.

M. Didier Mathus. Outre que l’article consacre la disparition de France 2 et de France 3, il déverrouille le parrainage. Que l’on constitue une entreprise unique ne nous choque pas car cela peut avoir du bon pour les fonctions « support », mais nous sommes hostiles à la disparition de l’identité des chaînes. C’est un facteur d’uniformatisation des contenus et des valeurs éditoriales néfaste à la créativité. Vouloir tout formater n’est pas une bonne idée.

On nous explique que, la publicité nuisant à la télévision publique, on doit l’en faire disparaître et aussitôt on multiplie les possibilités de parrainage et le placement de produits – un procédé jusqu’à présent sanctionné par le CSA mais qui se trouve maintenant paré de toutes les vertus. Tout cela est très dangereux. La dérive est inquiétante.

M. le président Jean-François Copé. Mais cela existe déjà !

M. Didier Mathus. Oui, mais vous faites sauter tous les verrous.

Mme Muriel Marland-Militello. Chacun ici sait comment fonctionnent les institutions culturelles publiques : par le biais du parrainage. Et qui s’en est jamais plaint ? Aucun directeur de musée, ni de théâtre, ni d’opéra ! Les entreprises qui parrainent les manifestations culturelles sont très respectueuses de la liberté d’expression. S’il y avait quelque chose à dire, ce serait sur l’emprise du service public en matière culturelle !

Mme Françoise de Panafieu. Lorsque j’étais chargée des affaires culturelles à la Ville de Paris, loin de fuir les parrainages, je les recherchais. C’est un gage de sérieux pour une manifestation culturelle qu’une entreprise la cautionne – irait-elle se perdre dans un événement sans intérêt ? Il ne faut pas voir là l’appât du gain, mais considérer le parrainage d’une manière un peu plus moderne.

M. Patrick Bloche. J’ai rappelé quelles sont les dispositions en vigueur : seules peuvent être parrainées les émissions qui correspondent à une mission en matière éducative, culturelle et sociale. Jusque-là, tout va bien ! Ne nous lançons pas dans de faux débats. Nous ne sommes pas opposés au parrainage en tant que tel mais à ce que vous fassiez sauter ce verrou, si bien que le parrainage va s’étendre de manière incontrôlée et gangrener le service public de l’audiovisuel.

M. Noël Mamère. Voir Areva parrainer des émissions sur les éoliennes ou sur les économies d’énergie ne manquera pas de sel…

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite un amendement de Mme Françoise de Panafieu, sous-amendé par le rapporteur, tendant à ce que la programmation des sociétés nationales de programme reflète la diversité de la société française et contribue à la lutte contre les discriminations.

La Commission adopte ensuite un amendement rédactionnel du rapporteur.

Puis elle est saisie d’un amendement de M. Noël Mamère tendant à ce que France Télévisions puisse produire ses propres émissions.

M. Noël Mamère. Les chaînes publiques comme privées sont devenues davantage des diffuseurs que des producteurs. Or il me paraît important d’offrir à un grand service public, à l’instar de la BBC que vous citez souvent en exemple, la possibilité de produire ses propres émissions.

M. le rapporteur. France Télévisions a la possibilité de « concevoir » et de « programmer ». Or cela recouvre bien à la fois la production et l'achat de programmes. Cette demande est donc satisfaite.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite un amendement du rapporteur prévoyant un avis des commissions parlementaires chargées des affaires culturelles sur tout nouveau cahier des charges et la transmission annuelle des rapports d’exécution de ces cahiers des charges à ces mêmes commissions.

M. Patrick Bloche. Pourquoi vous contentez-vous d'ouvrir une possibilité au lieu d'écrire tout simplement que tout nouveau cahier des charges « fait l'objet d'un débat au Parlement » ?

M. le rapporteur. Tout simplement parce que la loi ne peut contraindre le Parlement.

La Commission adopte l'amendement.

Elle est ensuite saisie d'un amendement de M. Noël Mamère tendant à ce que le cahier des charges reçoive l'avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel.

M. Noël Mamère. Le projet reste flou sur ce point alors qu'il conviendrait pour le moins de donner au CSA le pouvoir de valider le cahier des charges.

M. le rapporteur. L’avis du CSA doit rester un avis simple, le cahier des charges étant une feuille de route que la tutelle, c'est-à-dire l'État, entend faire respecter par les sociétés nationales de programme. Si le CSA doit éclairer l'État, ce dernier doit garder la main sur le contenu. Qui plus est, une garantie supplémentaire est offerte par l'amendement que nous avons précédemment adopté, qui prévoit que les commissions des affaires culturelles de chacune des assemblées donnent un avis sur tout nouveau cahier des charges. Elles se verront en outre communiquer le rapport annuel d'exécution des cahiers des charges.

J’émets donc un avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Elle examine ensuite un amendement de M. Noël Mamère visant à supprimer le quatrième alinéa de l'article relatif au parrainage.

M. Noël Mamère. Ouvrir sans restriction la possibilité de parrainer n'importe quelle émission risque de conduire les chaînes publiques à concentrer leurs programmes parrainés en prime time pour aller chercher le chaland. Il s'agit donc d'une nouvelle possibilité de contourner la loi. Verrons-nous de la sorte un journal télévisé de 20 heures parrainé par une entreprise du CAC 40 ?

M. le rapporteur. Adopter cet amendement reviendrait à priver France Télévisions de 80 millions d’euros de ressources. N'y a-t-il pas, par ailleurs, quelque contradiction à vouloir supprimer brutalement le parrainage tandis que vous demandez ultérieurement de repousser la suppression de la publicité au 1er septembre 2009 ?

La Commission rejette l'amendement.

Elle est ensuite saisie d'un amendement de M. Noël Mamère tendant à interdire le parrainage pour les émissions d'information, les journaux télévisés, les débats politiques ou d’actualité.

M. Noël Mamère. Il s'agit en quelque sorte d'un amendement de repli.

M. le rapporteur. Faire figurer cela dans la loi a une portée symbolique assez forte et donne un signal en faveur de l'indépendance des rédactions de France Télévisions. J’y suis favorable.

La Commission adopte l'amendement.

Elle adopte ensuite un amendement de coordination du rapporteur.

Puis elle examine un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à ouvrir aux sociétés nationales de programme les avantages fiscaux en faveur du mécénat prévus par l’article 238 bis du code général des impôts.

M. Jean Dionis du Séjour. La loi de finances rectificative pour 2007 a étendu le bénéfice du régime fiscal du mécénat d’entreprises aux sociétés dont l’État est actionnaire. Sont donc désormais susceptibles de bénéficier de ces dispositions les sociétés de capitaux qui ont pour activité principale la présentation au public d’œuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques…

Il me semble donc que France Télévisions doit pouvoir bénéficier du dispositif d’incitation existant, le mécénat étant bien plus conforme que le parrainage à l’esprit du service public.

M. le rapporteur. Je suis favorable à cette idée mais, d'une part, cet amendement n'est pas gagé et il est donc irrecevable en l’état et, d'autre part, il tend à modifier l'article 238 bis du code général des impôts et ne peut donc pas s'insérer dans la loi de 1986. J'invite donc son auteur à revoir la rédaction de son amendement et à le redéposer dans le cadre de la réunion prévue en application de l’article 88 du Règlement.

L'amendement est retiré.

La Commission examine ensuite un amendement de M. Noël Mamère tendant à ce que le président de France Télévisions présente chaque année l'état d'avancement du contrat d'objectifs et de moyens devant des commissions ad hoc du Parlement.

M. Noël Mamère. Il est fréquent dans un certain nombre de pays, en particulier au Royaume-Uni, que le président de la société nationale présente une fois par an son action aux parlementaires.

M. Patrice Martin-Lalande. C'est déjà le cas en France !

M. le rapporteur. Je rappelle que nous examinons un article sur le cahier des charges et non sur le contrat d'objectifs et de moyens. Par ailleurs, l'exécution de ce COM fait déjà l'objet d'une présentation annuelle devant les commissions des affaires culturelles et des finances. Je souhaite donc le retrait de cet amendement.

L'amendement est retiré.

M. le Président Jean-François Copé. J’indique ainsi aux commissaires que la Commission des affaires culturelles et la Commission des finances auditionneront, le mercredi 3 décembre à 9 h 30, lors d’une audition publique, M. Patrick de Carolis sur l’exécution du COM de France Télévisions pour 2006-2010.

La Commission est ensuite saisie d'un amendement de M. François Loos tendant à ce que France Télévisions assure la promotion de la langue française et des langues régionales et mette en valeur la diversité du patrimoine culturel et linguistique.

M. Noël Mamère. Le rôle du service public n'est pas de niveler mais de maintenir la culture régionale et les racines de ceux qui vivent dans les territoires.

Après avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement.

Puis la Commission adopte l'article 15 ainsi modifié.

Article 16

Retransmission des débats parlementaires par France Télévisions

Cet article propose de permettre – sans le rendre impératif – l’arrêt de la retransmission des débats parlementaires dans les émissions de France 3, à compter de l’extinction de la diffusion terrestre analogique et dans les seules zones géographiques où est assurée la diffusion terrestre de La Chaîne Parlementaire.

1. La diffusion des débats parlementaires sur le service public de l’audiovisuel est ancienne

Dès la création de l’ORTF, le service public de l’audiovisuel s’est vu confier la charge de retransmettre les débats parlementaires sur ses antennes. Tant l’article 5 de la loi du 27 juin 1964 (57) que l’article 11 de la loi du 3 juillet 1972 (58) prévoyaient ainsi que l’ORTF assurait « la radiodiffusion ou la télévision des débats des assemblées parlementaires […] sous le contrôle du bureau de chacune de ces assemblées ».

Depuis, les lois audiovisuelles successives ont maintenu cette obligation sans évolution majeure. La loi du 7 août 1974 (59), qui met en place des sociétés nationales de programme (Radio France, TF1, Antenne 2 et France Régions 3), confie cette obligation à ces dernières, sans déterminer pour autant sur quelle antenne s’effectue la retransmission. Le principe d’une retransmission sous le contrôle du bureau de chacune des assemblées est ainsi maintenu.

On relèvera toutefois une originalité puisque la loi du 29 juillet 1982 (60) élargit l’obligation de retransmission des débats parlementaires aux débats des assemblées régionales, son article 33 disposant que « la radiodiffusion ou la télévision des débats des assemblées parlementaires et des assemblées régionales s’effectue sous le contrôle du bureau de chacune de ces assemblées » (article 33 de la loi).

De même que les textes antérieurs, la loi du 30 septembre 1986 a maintenu, en son article 55, l’obligation de diffusion des débats parlementaires « par les sociétés nationales de programme » et « sous le contrôle du bureau de chacune des assemblées ». La disposition de la loi de 1982 qui prévoyait la retransmission des débats des assemblées régionales a été supprimée dans la mesure où celle-ci incombait aux sociétés régionales de télévision qui n’ont jamais vu le jour.

Au cours des nombreuses modifications de la loi du 30 septembre 1986, l’article 55 n’a pas connu d’évolution majeure. L’unique modification est intervenue en 1989 (61) : cette modification rédactionnelle a consisté à remplacer la référence à la Commission nationale de la communication et des libertés par la référence au Conseil supérieur de l’audiovisuel s’agissant de la définition des modalités de répartition du temps d’émission accordé aux formations politiques.

En pratique, ces retransmissions concernent les séances de questions au Gouvernement à l’Assemblée nationale et de questions d’actualité au Sénat, ainsi que, ponctuellement, des séances de nature particulière comme celles consacrées aux déclarations de politique générale ou aux discussions de motions de censure.

Le tableau ci-dessous présente des éléments récents de mesure de l’audience de ces retransmissions sur France 3, qui réunit un public majoritairement composé de téléspectateurs de plus de 60 ans.

Audience (4 ans et plus) des débats parlementaires sur France 3
(septembre 2007 – Juin 2008)

Heure de début

Programme

TM % 

(moyenne) (1)

PdA 

(moyenne) (2)

Nombre d’individus

14:59:06

En direct de l’Assemblée nationale

0,8

6,1

457 960

15:01:36

En direct de l’Assemblée nationale : questions au Gouvernement

0,9

7,7

515 205

15:00:14

En direct du Sénat

0,6

5,2

343 470

15:01:18

Questions au Gouvernement

0,9

8,3

515 205

14:46:06

Sénat Info

0,6

4,8

343 470

Source : Médiamétrie - MMW

(1) Le taux moyen daudience (TM) est le pourcentage moyen par seconde dindividus regardant une émission. La multiplication du taux moyen daudience par la valeur du point daudience (572 450, ici) permet d'obtenir le nombre de téléspectateurs.

(2) La part daudience (PdA) est la part que représente la durée découte dune chaîne dans la durée découte totale du média télévision.

2. Le projet de loi rend possible la fin de l’obligation de retransmission

Le présent article prévoit deux séries de modifications s’agissant de la retransmission des débats parlementaires sur le service public :

– d’une part, il mentionne explicitement « France Télévisions », qui est désormais la seule société nationale à être soumise à l’obligation de retransmission des débats parlementaires sur ses antennes ;

– d’autre part, il organise l’arrêt de la diffusion des débats parlementaires sur France Télévisons à l’extinction de la diffusion hertzienne terrestre en mode analogique prévue au 30 novembre 2011 (62).

Compte tenu de l’existence d’une chaîne parlementaire, mentionnée à l’article 45-2 de la loi du 30 septembre 1986, et du passage au tout numérique qui permettra à l’ensemble des citoyens français de bénéficier des 18 chaînes nationales gratuites de l’offre de télévision numérique terrestre, dont la Chaîne parlementaire fait partie intégrante, la retransmission des débats des assemblées sera pleinement assurée par LCP–AN et Public Sénat (63).

Ce dispositif est toutefois encadré par le fait qu’il ne s’agit que d’une possibilité – France Télévisions pouvant naturellement continuer à assurer cette diffusion – et que, ne pouvant intervenir qu’à l’extinction de la diffusion analogique de l’ensemble des services de télévision, il est impossible que des téléspectateurs soient privés de cette retransmission, France Télévisions et La Chaîne Parlementaire figurant nécessairement toutes deux dans l’offre du téléspectateur de la télévision numérique terrestre.

À l’horizon 2012, on pourrait ainsi envisager une modification dans la présentation télévisée et la diffusion régulière des séances de questions au Gouvernement à l’Assemblée nationale et de questions d’actualité au Sénat, dans la mesure où cela se ferait sans dommage pour le pluralisme.

C’est la raison pour laquelle le présent article modifie l’article 55 de la loi du 30 septembre 1986 (alinéa 1) pour prévoir que la retransmission des débats des assemblées parlementaires par France Télévisions peut « prendre fin à l’extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision dans les zones géographiques où est assurée la diffusion par voie hertzienne terrestre de la chaîne mentionnée à l’article 45-2 » (alinéa 2), à savoir La Chaîne Parlementaire.

Rappelons, au demeurant, que La Chaîne Parlementaire constitue le vecteur idéal, sinon naturel, de la retransmission des débats parlementaires. Née d’une volonté commune et déjà ancienne de l’Assemblée nationale et du Sénat de favoriser la présentation des travaux parlementaires à la télévision, elle a pris la suite, au printemps 2000, d’un programme de retransmission « brute » des débats diffusé depuis 1993.

Aux termes de la loi de 1999 (64), La Chaîne Parlementaire remplit ainsi « une mission de service public, d’information et de formation des citoyens à la vie publique, par des programmes parlementaires, éducatifs et civiques », cohérente avec la mission qui lui est désormais assignée par le présent projet de loi et compatible avec son organisation spécifique. Précisons, en effet, que la loi de 1999 a prévu que le canal affecté à la diffusion de la chaîne parlementaire comporte, à parité de temps d’antenne, les émissions de deux sociétés de programmes : La Chaîne Parlementaire–Assemblée nationale (LCP–AN) et Public–Sénat.

Ces deux chaînes parlementaires différentes sont des sociétés de programme qui jouissent d’une indépendance éditoriale dont sont garants à la fois leurs présidents, nommés pour trois ans par les bureaux des assemblées, sur proposition de leur président respectif, et leurs conseils d’administration, qui comprennent des représentants de chaque groupe parlementaire constitué.

Ces deux chaînes sont liées, à l’Assemblée pour l’une, au Sénat pour l’autre, par une convention prévoyant notamment la dotation financière dont elles bénéficient. Elles sont constituées sous la forme de sociétés commerciales de droit privé dont le capital est intégralement détenu par l’assemblée à laquelle chacune d’elles se rattache.

Conformément au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, les deux sociétés ne sont pas soumises à l’autorité de régulation de l’audiovisuel, à savoir le CSA. C’est sous le contrôle du bureau de chaque assemblée que les sociétés doivent respecter la réglementation applicable en matière de chaînes de télévision thématiques et répondre à l’exigence d’impartialité des programmes posée par la loi.

*

La Commission examine un amendement de M. Patrick Braouezec tendant à maintenir l’obligation pour France Télévisions de retransmettre les débats parlementaires.

M. Noël Mamère. Outre qu’elle est source de gaspillages, la situation actuelle, où coexistent deux chaînes parlementaires, n’est pas satisfaisante : le service public devrait pouvoir diffuser les débats importants pour les Français.

M. le rapporteur. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée s’agissant d’un débat interne à notre maison. Sans entrer dans le débat sur l’existence de deux chaînes parlementaires, la question de savoir si on doit leur réserver la diffusion des débats parlementaires – y compris les Questions au Gouvernement – reste ouverte. Il faut savoir cependant que l’audience de la retransmission des Questions au Gouvernement sur France 3 ne cesse de se dégrader.

M. Jean Dionis du Séjour. Cet amendement ne porte pas sur le nombre de chaînes parlementaires. Il me semble raisonnable, du point de vue budgétaire notamment, de ne plus contraindre le service public à diffuser les Questions au Gouvernement une fois que tous les Français auront accès à une chaîne parlementaire.

M. le président Jean-François Copé. Je suis favorable à l’adoption de cet amendement car ce sujet, dont l’intérêt va bien au-delà de notre commission, doit être débattu dans l’hémicycle.

M. Didier Mathus. J’approuve votre proposition car le sujet est compliqué. On ne peut pas se contenter de dire qu’il y aura un canal parlementaire, peut-être deux, qui seront diffusés sur la TNT à la disparition de l’analogique : ce n’est pas à nous, parlementaires, de mettre fin à la diffusion de nos débats sur une chaîne nationale ayant la puissance de diffusion de France 3.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 16 ainsi modifié.

Article 17

Programmation des émissions à caractère religieux par France Télévisions

Cet article propose de confirmer, tout en l’assouplissant, l’obligation de retransmission des émissions à caractère religieux par l’une des chaînes de France Télévisions.

1. Un principe ancien de diffusion par France 2

Historiquement, l’obligation de diffusion des émissions religieuses sur le service public relevait du domaine réglementaire. Cette obligation était imposée à la chaîne publique TF1 dans son cahier des charges, dont l’article 27 disposait que « la société programme le dimanche matin des émissions à caractère religieux consacrées aux principaux cultes pratiqués en France ; ces émissions sont réalisées sous la responsabilité des représentants de ces cultes et se présentent sous la forme de retransmission de cérémonies cultuelles ou de commentaires religieux. Les frais de réalisation sont pris en charge par la société dans la limite d’un plafond fixé par les dispositions annuelles du cahier des charges ».

La consécration législative de cette obligation est intervenue avec la loi du 30 septembre 1986. Reprenant largement les termes de l’ancien cahier des charges de TF1 (dont la cession par l’État était organisée par le titre IV de la loi), le Sénat a introduit, à l’article 56 de la loi, l’obligation pour Antenne 2 de diffuser le dimanche matin des émissions religieuses.

La loi du 1er août 2000, modifiant celle du 30 septembre 1986, a introduit une modification de coordination à l’article 56. En effet, la création de la société holding France Télévisions, composée des sociétés nationales de programme France 2, France 3 et La Cinquième, a conduit à préciser que « France 2 » serait seule tenue de programmer les émissions religieuses le dimanche matin.

À cette occasion, plusieurs amendements tendant à permettre à France Télévisions de répartir, entre les différentes chaînes de la holding, la programmation des émissions religieuses avaient été rejetés par l’Assemblée nationale et le Sénat. Cette demande, motivée notamment par le souci d’adapter les jours de diffusion aux réalités des pratiques de chaque confession, avait alors été écartée pour deux raisons principales : éviter, d’une part, de créer une répartition faisant correspondre une chaîne à une religion, et, d’autre part, ne pas anticiper la question des programmations confessionnelles qui paraissait devoir être résolue à terme avec l’émergence des chaînes privées de télévision sur le même modèle que certaines stations de radio confessionnelles (65).

Audiences des émissions religieuses de France 2

Diffusées le dimanche matin entre 8 heures 30 et midi (et certains jours de fêtes religieuses), les émissions religieuses ont réuni, en 2007, 510 000 téléspectateurs sur la tranche globale, soit une part d’audience de 8,5 %. Dans le détail, les différentes émissions, qui réunissent un public majoritairement composé de téléspectateurs de plus de 60 ans, ont recueilli, en 2007, les résultats suivants :

– 11,4 % de parts d’audience, soit 850 000 téléspectateurs en moyenne pour les 40 émissions Le Jour du Seigneur ;

– 6,5 % de parts d’audience, soit 230 000 téléspectateurs en moyenne pour les 24 émissions de Voix Bouddhistes puis les 17 de Sagesses Bouddhistes ;

– 6,4 % de parts d’audience, soit 400 000 téléspectateurs en moyenne pour les 40 émissions de Présence protestante ;

– 5,5 % de parts d’audience, soit 280 000 téléspectateurs en moyenne pour les 11 émissions de Foi et traditions ;

– 5,2 % de parts d’audience, soit 280 000 téléspectateurs en moyenne pour les 20 émissions La Source de vie ;

– 4,9 % de parts d’audience, soit 170 000 téléspectateurs en moyenne pour les 41 émissions relatives à l’Islam ;

– 4,7 % de parts d’audience, soit 280 000 téléspectateurs en moyenne pour les 10 émissions relative à l’Orthodoxie ;

– 4,4 % de parts d’audience, soit 230 000 téléspectateurs en moyenne pour les 30 émissions Judaïca ;

– 4,1 % de parts d’audience, soit 170 000 téléspectateurs en moyenne pour l’émission À Bible ouverte.

2. Une obligation confirmée pour France Télévisions

Le présent projet de loi tire les conséquences rédactionnelles de la réorganisation du service public de la télévision en une entreprise unique.

Compte tenu de la disparition de la mention de « France 2 » dans la loi du 30 septembre 1986, le présent article modifie l’article 56 de cette loi pour confier à « France Télévisions » le soin de programmer « le dimanche des émissions à caractère religieux ». D’après les informations recueillies par le rapporteur et dans le cadre des négociations en cours avec France Télévisions relatives au nouveau cahier des charges unifié, France 2 devrait rester le diffuseur des émissions religieuses.

Ces émissions continueront d’être réalisées sous la responsabilité des représentants des cultes et de se présenter sous la forme de retransmissions de cérémonies cultuelles ou de commentaires religieux. Quant aux frais de réalisation, ils demeureront pris en charge par France Télévisions, dans la limite d’un plafond fixé par les dispositions annuelles du cahier des charges.

*

La Commission adopte l’article 17 sans modification.

Chapitre IV

Des contrats d’objectifs et de moyens

Article additionnel avant l’article 18

Intitulé du chapitre IV

La Commission adopte un amendement rédactionnel du rapporteur visant à compléter l’intitulé du chapitre IV du titre Ier.

Article 18

Réforme de la diffusion des messages publicitaires par France Télévisions et adaptation des contrats d’objectifs et de moyens de l’audiovisuel public

Modifiant l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 précitée, cet article poursuit deux objectifs distincts : moderniser et adapter les outils de pilotage des sociétés nationales de programme (alinéas 1 à 10) ; réformer les modalités de diffusion des messages publicitaires sur France Télévisions (alinéas 11 à 13).

1. La modernisation et l’adaptation du pilotage des relations entre l’État et les organismes de l’audiovisuel public

Les alinéas 1 à 10 du présent article procèdent à des modifications, d’importance variable, dans le fonctionnement de l’outil principal de pilotage partenarial des relations entre les organismes de l’audiovisuel public et l’État : le contrat d’objectifs et de moyens (COM).

Rappelons que les COM, institués en 2000 par modification de l’article 53 de la loi de 1986, sont désormais devenus à la fois un vecteur de modernisation de la gestion des opérateurs audiovisuels, un facteur de sécurisation de leurs perspectives financières et un outil de définition et de suivi des objectifs et des missions assignés à chaque entreprise ou établissement. Ils ont, en effet, pour vocation de formaliser dans un cadre contractuel les relations entre un opérateur de l’audiovisuel public et son actionnaire unique, l’État, chaque partie au contrat prenant des engagements clairs dans une optique d’amélioration de la qualité du service rendu et de la performance.

Comme l’écrit le rapporteur spécial des médias, « les COM permettent de remédier à cette " myopie " budgétaire qui, jusqu’à la promulgation de la loi de finances de l’année à la fin du mois de décembre, affecte les sociétés concernées. Si la présentation pluriannuelle des crédits à partir de la loi de finances pour 2009 va sensiblement atténuer cette incertitude, il n’en demeure pas moins que les COM constituent un outil moderne et indispensable de bonne gestion de la relation entre les sociétés de l’audiovisuel public et leur unique actionnaire, l’État. Néanmoins, rappelons que si les COM présentent une dimension clairement pluriannuelle, les deux principales ressources de l’audiovisuel public, à savoir la redevance audiovisuelle et la compensation des dégrèvements, continue d’être votée sur une base annuelle par le Parlement » (66).

Les COM constituent, ce faisant, un outil grâce auquel l’État fixe, à chaque opérateur, des objectifs adaptés et différenciés en termes de création, de programmation, de diversité culturelle, mais également d’efficience et de productivité.

Réciproquement l’État s’engage, sur une période de quatre à cinq ans, à assurer aux opérateurs concernés un montant de ressources publiques lui permettant de remplir les objectifs prédéfinis. Un tel engagement des pouvoirs publics sur les recettes est indispensable aux yeux d’entités qui, hormis l’INA, sont des sociétés agissant dans un contexte économique concurrentiel et particulièrement mouvant qui exige une certaine visibilité budgétaire.

a) Soumettre la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France à l’obligation de conclure un COM avec l’État

Le 1° (alinéa 2) vise à pallier une faille majeure : l’absence de document de pilotage des sociétés audiovisuelles extérieures. Le 1° propose donc de soumettre la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France à l’obligation de conclusion d’un COM avec l’État.

Cette obligation se substitue à celle pesant aujourd’hui sur RFI et dont on sait qu’elle ne s’est jamais concrétisée. RFI est ainsi la seule société nationale de programme à n’avoir jamais disposé de COM, alors même que la loi l’impose depuis 2000 (67). Les raisons de cette déficience de pilotage sont connues et ont récemment été rappelées.

RFI ou les déficiences de la décision politique

Extrait du rapport particulier de la Cour des comptes (68)

[Au cours de l’année 2004], M. Antoine Schwarz, PDG de RFI depuis le 2 juin 2004, a rapidement proposé les grandes lignes d’un projet de réforme pour l’essentiel conforme aux attentes des tutelles. Les objectifs affichés étaient ambitieux, prévoyant notamment une numérisation de la production, une refonte des rédactions et une accentuation de la diffusion locale, les suppressions de postes de salariés en CDI pouvant aller de 70 à 150 selon les hypothèses retenues. Initialement, les tutelles ont réagi plutôt favorablement à cette démarche, dont les grandes lignes ont été présentées lors du conseil d’administration du 23 juin 2004.

Le Président de RFI sollicitait l’accord des tutelles sur les grandes orientations proposées avant de travailler à leur finalisation. Pourtant, les tutelles exprimèrent, dès une réunion du 19 août 2004, des doutes sur les propositions de réforme formulées par le nouveau président. La tonalité générale de leurs réactions témoigne alors des contradictions auxquelles elles sont confrontées. Elles souhaitent une réforme d’ampleur de RFI, mais elles ne disposent pas des moyens financiers nécessaires à sa mise en œuvre. Les tutelles ont rapidement précisé la double contrainte qui s’imposait au nouveau président : l’évolution des financements publics demeurerait limitée et les économies internes devraient être réalisées sans recours à la procédure du plan de sauvegarde de l’emploi.

Le resserrement de la contrainte budgétaire, à laquelle RFI était déjà soumise depuis plusieurs années, s’est manifesté très rapidement. Dès la première réunion de travail avec le nouveau président de RFI, la DDM lui précisa que la société bénéficierait, l’année suivante, de la plus faible augmentation parmi les opérateurs de l’audiovisuel public relevant de la redevance. Le Quai d’Orsay l’informait, à la même occasion, que la subvention du ministère des Affaires étrangères ne devrait progresser que de l’ordre de 1 %. La contrainte budgétaire sera à nouveau renforcée par la suite avec une diminution de 3,5 % de cette subvention, le gel de la réserve de précaution et une progression des crédits de la redevance allouée à RFI de 1,2 % contre 2,57 % en moyenne pour l’ensemble du secteur dans le cadre de la préparation du budget 2007.

L’opposition des tutelles à un plan de sauvegarde de l’emploi a considérablement limité les capacités de redéploiements internes de RFI. Les motivations de ce refus semblent plus politiques que financières, dans la mesure où aucune évaluation sérieuse du coût d’un tel plan n’avait été réalisée et que la direction du budget du ministère des Finances y semblait plutôt favorable.

L’enquête de la Cour des comptes confirme que la décision de ne pas autoriser RFI à recourir à des licenciements économiques dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi a été prise au niveau politique. Le président de RFI a été contraint de limiter ses ambitions dans un contexte de fortes tensions sociales.

C’est ce qui explique que le projet de contrat d’objectifs et de moyens 2006–2009, présenté aux tutelles en juin 2005, ne proposait plus de hiérarchisation claire des missions et objectifs de RFI, limitait les redéploiements à 19 ETP sur trois ans et sollicitait une progression importante des financements publics (4,3 % en moyenne sur la période). La réaction des tutelles, très négative, conduira à l’arrêt des discussions sur le COM dès l’automne 2005.

Les tutelles n’ont pas su, dans ce contexte, préciser les priorités stratégiques de RFI. Les tensions sociales récurrentes au sein de l’entreprise, alimentées par les perspectives ouvertes par son nouveau président, ont amené le ministère des Affaires étrangères à adopter une position de retrait sur la finalisation des choix stratégiques attendus, en particulier en matière de langues de diffusion. Les services du Quai d’Orsay craignaient, en particulier, que la définition de priorités en matière de langues étrangères n’ait pour conséquence de lui faire assumer publiquement les conséquences d’une réforme à venir des rédactions de RFI. La position prudente et attentiste adoptée par ce ministère contribuera à affaiblir un peu plus la direction de RFI. Elle se traduira par des renvois réciproques de responsabilités du président de RFI, en attente d’indications claires sur les langues prioritaires, et des services du ministère des Affaires étrangères, ne souhaitant pas les formuler compte tenu du contexte social de l’entreprise.

On a désormais – avec le 1° du présent article – de raisonnables motifs d’espérer qu’à court terme, les missions de RFI et ses priorités stratégiques soient précisément définies dans le cadre d’un COM unique, commun à l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel extérieur, ainsi que l’exigent la cohérence, la lisibilité et l’efficacité de la politique audiovisuelle extérieure de la France.

Le président de la société holding Audiovisuel Extérieur de la France et sa directrice générale doivent encore établir un document stratégique pour les années 2009–2013 qui, assorti d’un plan de financement pluriannuel, devrait constituer la base du futur COM de l’audiovisuel extérieur, négocié entre la société nationale de programme et l’État.

La grande nouveauté de ce 1° tient donc également, et par cohérence avec l’esprit de la réforme de l’audiovisuel extérieur, dans le fait que France 24 et, dans une certaine mesure, TV5 Monde seront à l’avenir pilotées en fonction d’une stratégie pluriannuelle explicite et budgétée.

b) Inciter à la conclusion de COM correspondant à la durée du mandat des présidents des sociétés audiovisuelles

Le 2° (alinéa 3) propose de préciser qu’un « nouveau contrat peut être conclu après la nomination d’un nouveau président ». D’une portée normative toute relative, cette disposition n’en demeure pas moins bienvenue. Il paraît, en effet, souhaitable de mettre en cohérence la durée du mandat d’un président avec celle de l’engagement pluriannuel consenti par l’État afin d’octroyer à la société qu’il préside les moyens financiers nécessaires à l’accomplissement des objectifs négociés dans le COM.

Ainsi les présidents des organismes de l’audiovisuel public seront-ils en mesure de mener une politique ambitieuse, grâce à la signature de contrats qui correspondront à la durée de leur mandat.

c) Inclure dans les COM des engagements en faveur des personnes aveugles ou malvoyantes

Le 3° (alinéas 4 et 5) vise à compléter les engagements pris, dans les COM des sociétés de télévision publique, en faveur des personnes handicapées.

Conformément à la rédaction actuelle de l’article 53 de la loi de 1986 qui énumère les éléments devant nécessairement figurer dans les COM, ces derniers déterminent, pour chaque société ou établissement public, « les axes prioritaires de son développement, dont les engagements pris au titre de la diversité et l’innovation dans la création ainsi que les engagements permettant d’assurer, dans un délai de cinq ans suivant la publication de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, l’adaptation à destination des personnes sourdes ou malentendantes de la totalité des programmes de télévision diffusés, à l’exception des messages publicitaires, sous réserve des dérogations justifiées par les caractéristiques de certains programmes » (69).

Le 3° du présent article complète cette énumération en contraignant les COM à déterminer, pour chaque société ou établissement public, « les engagements permettant d’assurer la diffusion de programmes de télévision qui, par des dispositifs adaptés, sont accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes ».

Dans l’esprit de la directive 2007/65/CE (70) et du plan « Handicap visuel » lancé par le Gouvernement le 2 juin 2008 (71), il s’agit ainsi de garantir des engagements forts de la part des chaînes publiques, le 3° s’articulant, par ailleurs, avec d’autres dispositifs du présent projet de loi orientés tant vers les opérateurs privés (72) que vers la production en amont de programmes adaptés aux personnes aveugles et malvoyantes (73).

S’agissant des chaînes publiques, cette adaptation passe par le recours à la technique dite de l’audio-description, qui consiste à insérer, dans un programme audiovisuel, un commentaire oral descriptif en vue d’en améliorer la compréhension par la personne aveugle ou malvoyante. Elle constitue, en effet, pour les personnes aveugles ou malvoyantes, une technique d’accessibilité des programmes, dont l’équivalent, pour les personnes sourdes ou malentendantes est le sous-titrage et la langue des signes. L’audio-description permet de décrire les éléments visuels d’une œuvre de fiction ou documentaire et de donner ainsi, au public aveugle ou malvoyant (on recense en France 77 000 aveugles et 1,2 million de malvoyants), les éléments essentiels à sa compréhension (décors, personnages, actions, gestuelle). Le texte enregistré est calé entre les dialogues et les bruitages et mixé avec le son original de l’œuvre. Deux voix de comédiens, une femme, un homme, sont préconisées.

Afin de favoriser le développement de cette technique, à laquelle les éditeurs de services de télévision ne recourent presque pas aujourd’hui, le 3° oblige donc à sa prise en compte dans les COM. En effet, l’audio-description n’est accessible que pour les abonnés à la télévision en mode numérique et actuellement, en France, peu d’œuvres sont diffusées en audio-description, ce procédé étant encore mal connu des professionnels. TF1 propose une œuvre cinématographique audio décrite par mois. Arte produit et diffuse une œuvre audio décrite par mois depuis huit ans qui peut être une fiction ou un documentaire. Aucune œuvre audio décrite n’est proposée sur France Télévisions. Dans les pays étrangers, l’offre est plus importante. Par exemple, en Allemagne, une œuvre en audio-description par jour est diffusée sur les différentes chaînes.

Rappelons néanmoins que les contrats actuels doivent déjà comporter des engagements permettant d’assurer la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et, plus spécifiquement, l’adaptation à destination des personnes sourdes ou malentendantes des programmes de télévision. Ainsi la loi n° 2005–102 du 11 février 2005 pour l’égalité des chances pose un principe général d’adaptation de la totalité des programmes télévisés, valable pour toutes les chaînes dépassant un certain seuil d’audience. En effet, « pour les services dont l’audience moyenne annuelle dépasse 2,5 % de l’audience totale des services de télévision, cette obligation s’applique, dans un délai maximum de cinq ans suivant la publication de la loi (…), à la totalité de leurs programmes, à l’exception des messages publicitaires. La convention peut toutefois prévoir des dérogations justifiées par les caractéristiques de certains programmes ».

En pratique, selon les parts d’audience des chaînes mesurées par Médiamétrie sur les individus âgés de 4 ans et plus, les trois grandes chaînes privées TF1, M6 et Canal + dépassent de façon constante les 2,5 % d’audience et sont ainsi soumises à l’obligation d’adapter la totalité de leurs programmes dans un délai de cinq ans. Les autres chaînes terrestres privées qui n’atteignent pas le seuil des 2,5 % d’audience, comme celles de la télévision numérique terrestre (TNT) par exemple, devront adapter à destination des personnes sourdes ou malentendantes des « proportions substantielles » de leurs programmes, « en particulier aux heures de grande écoute ». La convention des télévisions locales peut néanmoins prévoir un allégement des obligations d’adaptation. Par ailleurs, la convention des chaînes du câble, du satellite et de l’ADSL n’atteignant pas ce seuil d’audience doit préciser « les proportions des programmes » qui devront être rendues accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes, « en particulier aux heures de grande écoute ».

Les chaînes du secteur public sont également soumises à cette obligation d’adaptation de la totalité de leurs programmes, indépendamment de leur audience et dans le même délai de cinq ans, et la loi renvoie aux COM de France Télévisions et d’ARTE-France le soin de déterminer les engagements permettant d’assurer la mise en œuvre de cette obligation d’adaptation.

Les dispositions contenues dans les COM actuels

Conformément à l’article 81 de la loi du 30 septembre 1986 inséré par l’article 74 de la loi du 11 février 2005, le Gouvernement a consulté, au mois d’avril 2007, le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) sur les dispositions relatives à l’accessibilité des programmes aux personnes sourdes et malentendantes prévues dans les projets de contrats d’objectifs et de moyens pour France Télévisions et ARTE-France. Le CNCPH a émis un avis favorable sur ces deux projets le 24 avril 2007.

1. Le COM de France Télévisions

Le contrat d’objectifs et de moyens conclu, le 27 avril 2007, entre l’État et France Télévisions, pour la période comprise entre 2007 et 2010, prévoit les éléments suivants :

– France Télévisions assurera le sous-titrage de la totalité de ses programmes nationaux à compter de février 2010 ;

– à la mesure des progrès techniques, le groupe France Télévisions envisagera l’extension du dispositif aux programmes régionaux les plus porteurs d’audience ;

– en raison des particularités locales, un journal régional quotidien sera sous-titré dans chaque station de RFO ;

– France Télévisions fera ses meilleurs efforts pour assurer un sous-titrage de qualité et, en liaison avec les distributeurs des chaînes du groupe, pour permettre leur réception dans des conditions satisfaisantes pour les téléspectateurs concernés.

2. Le COM d’ARTE-France

Le contrat d’objectifs et de moyens conclu entre l’État et ARTE-France, le 15 mars 2007, pour la période comprise entre 2007 et 2011, prévoit les éléments suivants :

– ARTE-France a procédé par paliers successifs et rend aujourd’hui accessible aux sourds et malentendants environ 60 % des programmes inédits apportés par le pôle français.

L’objectif est d’arriver à 80 % d’heures sous-titrées pour les programmes fournis par ARTE-France en 2009 et à 100 % d’ici 2011 ;

– le site arteradio.com est un des rares sites à avoir fait la démarche d’adopter une version « Wai » (pour " webaccessibility initiative ", mesure internationale de l’accessibilité des sites aux handicapés). Les personnes handicapées peuvent ainsi profiter d’ARTE-radio. ARTE-radio organise également des séances d’écoutes pour les sourds (avec traduction en langue des signes) ;

– enfin, ARTE est la seule chaîne nationale, avec TF1, à proposer déjà des programmes accompagnés d’un commentaire (en « voix off ») descriptif du contenu des images et permettant aux malvoyants de suivre ses émissions.

3. Les conséquences financières pour les chaînes publiques

L’augmentation du volume des programmes adaptés a pour corollaire une augmentation des budgets de sous-titrage. Le coût unitaire du sous-titrage ne diminue pas nécessairement de manière mécanique avec l’accroissement du volume de programmes à adapter. En effet, au fur et à mesure de la montée en charge, l’adaptation s’étend à des programmes dont le sous-titrage est techniquement délicat à réaliser (c’est le cas, par exemple, des émissions en direct) et beaucoup plus onéreux.

Le coût moyen du sous-titrage des émissions en direct ou quasi-direct est, selon France Télévisions, deux fois et demi supérieur à celui des émissions enregistrées. Ainsi, selon une estimation de France Télévisions, le déploiement du sous-titrage a été estimé à 162 millions d’euros sur la période 2006–2010 et le sous-titrage de l’ensemble des programmes des chaînes du groupe France Télévisions (France 2, France 3, France 4, France 5, RFO) devrait représenter à l’horizon 2010 un budget annuel de 62 millions d’euros. Le plan d’affaires figurant dans le COM de France Télévisions prend en compte l’obligation d’adaptation de la totalité des programmes en prévoyant une très forte croissance des crédits alloués au sous-titrage.

Le 3° du présent article permettra de parachever l’effort des chaînes de télévisions publiques en faveur des personnes handicapées, au-delà des seuls efforts en faveur des personnes sourdes et malentendantes.

L’impact financier de l’audio-description (74) sera pris en compte dans le cadre de l’élaboration, en cours, du plan d’affaires 2009–2012 de France Télévisions. La diffusion des œuvres en audio-description pourrait être demandée à partir de 2012, c’est-à-dire après l’extinction de l’analogique et après que le sous-titrage à destination des personnes sourdes ou malentendantes aura été mis en place définitivement.

d) Supprimer, par coordination, une référence aux sociétés du groupe France Télévisions

Le 4° (alinéa 6) abroge la disposition précisant que le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions détermine les mêmes données que celles énumérées précédemment – à savoir la liste des éléments devant nécessairement figurer dans les COM – pour chacune des sociétés France 2, France 3, France 5 et RFO et des filiales du groupe.

Pour autant, cette mesure de coordination avec la réforme de sociétés nationales de programme n’empêchera évidemment pas le futur COM de France Télévisions de se décliner différemment selon les objectifs fixés et les moyens assignés à chacun de ses services.

e) Soumettre les COM à l’avis du CSA

Comme l’a souligné M. Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, « une nouvelle page du champ de la régulation exercée par le CSA s’ouvre avec le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle ». Un exemple en est donné avec le 5° (alinéa 7) du présent article, aux termes duquel les présidents des organismes de l’audiovisuel public seront en mesure de mener une politique qui sera désormais le fruit d’un échange aussi bien avec l’État actionnaire qu’avec le CSA, ce qui ne peut que contribuer à garantir la cohérence et le sérieux de ces contrats.

En effet, le 5° prévoit que le CSA sera désormais destinataire des projets de nouveaux COM – comme des projets d’avenants aux contrats déjà en vigueur – et qu’il pourra, de surcroît, formuler un avis sur ces documents dans un délai de six semaines à compter de leur transmission.

L’avis du CSA permettra ainsi d’éclairer utilement celui que peuvent déjà rendre, en application des dispositions législatives complétées par le 5°, les commissions chargées des affaires culturelles et des finances de chaque assemblée. Et ce, d’autant plus que les dispositions actuelles de la loi du 30 septembre 1986 prévoient que les COM et leurs éventuels avenants peuvent faire l’objet d’un débat au Parlement, ce dernier ne pouvant que se trouver enrichi par l’avis que rendra le CSA sur ces documents.

Soulignons, à ce propos, que beaucoup a été fait, ces dernières années, pour que le Parlement ne soit plus étranger au processus de construction des COM, à l’initiative notamment de M. Patrice Martin-Lalande, dont un amendement, adopté fin 2005 (75), a obligé à ce que les projets de COM soient transmis non seulement aux commissions des affaires culturelles mais aussi des finances de chaque assemblée, et dont un autre amendement, adopté fin 2006 (76), a permis d’inciter à la négociation systématique d’un avenant en cas de changement stratégique ou de remise en cause de l’équilibre financier d’un COM.

f) Supprimer, par coordination, une référence à la société RFI

Le 6° (alinéa 8) substitue la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France à la société RFI dans la liste des organismes audiovisuels (77) tenus de transmettre, chaque année et avant la discussion du projet de loi de règlement, un rapport sur l’exécution de leur COM aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.

g) Supprimer, par coordination, une autre référence aux sociétés du groupe France Télévisions

Par coordination et selon la même logique que le 4°, le 7° (alinéa 9) supprime la disposition de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 faisant référence aux « conseils d’administration des sociétés France 2, France 3, France 5 et RFO et de chacune des filiales » du groupe, jusqu’ici consultés sur les projets de COM.

h) Supprimer, par coordination, une autre référence à la société RFI

Selon la même logique que le 6°, le 8° (alinéa 10) substitue la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France à la société RFI parmi les organismes audiovisuels (78) dont les conseils d’administration sont tenus d’approuver les COM et de délibérer sur leur exécution annuelle.

2. La réforme des modalités de diffusion des messages publicitaires sur France Télévisions

Libérer France Télévisions de la contrainte publicitaire : tel est l’un des objectifs majeurs de la réforme de l’audiovisuel public préparée par la Commission pour la nouvelle télévision publique. Tout en procédant à des mesures de coordination, le 9° du présent article (alinéas 11 à 13) réforme les règles relatives à la diffusion des messages publicitaires figurant au VI de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986, en précisant notamment le calendrier de la suppression de la publicité ainsi que les dérogations à cette interdiction.

a) La suppression de la règle des huit minutes

La rédaction de l’alinéa 11 conduit à supprimer la règle posée par la rédaction actuelle du VI de l’article 53, selon laquelle « pour chacune des sociétés France 2 et France 3, le temps consacré à la diffusion de messages publicitaires ne peut être supérieur à huit minutes par période de soixante minutes ».

La suppression de cette règle des « huit minutes » doit être mise en regard de la pratique fixée par le cahier des charges, France Télévisions ayant limité le temps consacré à la diffusion de messages publicitaires à six minutes par heure d’antenne en moyenne quotidienne (79). Pendant la période transitoire de la réforme (pour la tranche 6 heures-20 heures notamment), la publicité sur France Télévisions sera donc régie par les dispositions du cahier des charges, la réforme imminente du cadre réglementaire régissant la publicité télévisée devant, en  principe, aligner la méthode de comptabilisation du temps de publicité des chaînes publiques sur celle des chaînes privées (méthode de l’heure d’horloge) et reprendre la durée mentionnée à l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 (8 minutes par période de 60 minutes).

D’après le bilan du CSA pour l’année 2007, France 2 a diffusé 534 heures 29 minutes de publicité sur ses écrans nationaux (dont 518 heures 55 minutes de publicité de marques) l’an dernier et France 3 a diffusé 461 heures 30 minutes sur ses écrans nationaux (dont 452 heures 29 minutes de publicité de marques).

Par ailleurs, la rédaction de l’alinéa 11 amène également à supprimer les dispositions de l’article 53 de la loi de 1986, lesquelles confient au conseil d’administration de la société France Télévisions le soin de déterminer « les limitations de durée applicables aux messages destinés à promouvoir les programmes ». D’après les informations recueillies par le rapporteur, cette disposition n’a jamais trouvé à s’appliquer en pratique.

b) Le premier temps de la réforme : la suppression de la publicité après 20 heures

Se substituant à ces règles, l’alinéa 12 programme la réduction de la publicité sur les chaînes de France Télévisions en deux étapes. La première doit s’ouvrir « à compter du 5 janvier 2009 » et permettre de rendre visible très rapidement le nouveau profil du service public de l’audiovisuel.

Le principe retenu est le suivant : « les programmes diffusés entre vingt heures et six heures des services nationaux de télévision mentionnés au I de l’article 44, à l’exception de leurs programmes locaux, ne comportent pas de messages publicitaires autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique ». L’alinéa 12 confirme donc les dérogations au principe de suppression de la publicité préconisées par le rapport de la Commission pour la nouvelle télévision publique :

– il concerne les seuls services « de télévision » : pour autant, des travaux sont en cours pour examiner une refondation du régime publicitaire de Radio France sur des bases plus actuelles et plus pérennes, centrées autour de la notion d’intérêt général. La publicité sur les antennes de Radio France est, en effet, réglementée par son cahier des missions et des charges, dont la rédaction date du 13 novembre 1987 ; seuls certains types d’annonceurs sont autorisés, le critère essentiel étant le caractère collectif ou d’intérêt général de la publicité. Si une modification du cahier des missions et des charges de Radio France dans un sens restrictif intervenait, les recettes pourraient ne pas être à la hauteur des montants prévus au COM de la société. C’est ce qui explique que l’Assemblée nationale a voté, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, un montant de dotations (23 millions d’euros) qui permettrait l’an prochain d’apporter un complément budgétaire à Radio France, en cas de révision de son régime publicitaire ;

– il concerne bien les seuls services « mentionnés au I de l’article 44 » de la loi du 30 septembre 1986, à savoir ceux de France Télévisions (80). Pour autant, l’autre société nationale de programme de télévision, ARTE-France, applique déjà une restriction totale de la diffusion de messages publicitaires (81) ;

– il concerne les seuls services « de télévision mentionnés au I de l’article 44 » : autrement dit, la publicité restera autorisée sur les autres services de communication audiovisuelle édités par France Télévisions, ainsi que sur leurs sites Internet ;

– il ne s’applique qu’aux « services nationaux » : l’interdiction de diffuser des messages publicitaires ne concerne donc pas RFO, qui n’est pas un service national puisque sa mission ne s’exerce que dans les collectivités d’outre-mer (82) ;

– il ne s’applique qu’aux services nationaux de télévision de France Télévisions, à l’exception de ses « programmes locaux » : par cette rédaction, le Gouvernement a souhaité que la publicité reste autorisée sur l’ensemble des décrochages de France 3, qu’il s’agisse de ses 24 décrochages régionaux (83) ou de ses 43 décrochages locaux ;

– il ne s’applique qu’aux « messages publicitaires », le parrainage restant autorisé sur les chaînes du service public (84). Précisons, à ce titre, que les textes français et communautaires distinguent clairement les quatre activités de « communication commerciale audiovisuelle », à savoir la publicité, le parrainage, le télé-achat et le placement de produit (85) ;

– il ne s’applique qu’aux « messages publicitaires autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique » : seule la publicité commerciale est donc supprimée. La notion de « biens ou services présentés sous leur appellation générique », tels les produits laitiers ou le sucre, fait référence à la publicité collective, par opposition à la publicité de marques (86). Précisons, à toutes fins utiles, que les « messages d’intérêt général » (87) pourront continuer à être diffusés sur France Télévisions, dans la mesure où ils ne sont pas juridiquement regardés comme des messages publicitaires, bien qu’ils puissent être insérés dans les séquences publicitaires. C’est le cas des campagnes des organisations caritatives et des campagnes d’information des administrations : outre les facilités que les chaînes accordent de leur propre chef aux associations caritatives pour permettre l’accès à leurs antennes, une circulaire du Premier ministre du 30 novembre 2005 prévoit que toute campagne qualifiée par le Premier ministre de « grande cause nationale » doit être diffusée gratuitement par les chaînes publiques.

– il séquence clairement la réforme en deux temps, le premier ne concernant que la tranche comprise « entre vingt heures et six heures », afin de donner un maximum de visibilité et d’effet à cette réforme importante et libératrice pour l’audiovisuel public.

L’alinéa 12 reprend ainsi l’ensemble des préconisations du rapport de la Commission pour la nouvelle télévision publique, rappelées ci-après.

Extrait du rapport de la Commission
pour la nouvelle télévision publique

La donnée clef du raisonnement qui conduit à définir le futur schéma de financement de la télévision publique est constituée par la suppression de la publicité sur ses antennes.

– À titre dérogatoire et résiduel, des exceptions sont envisagées. Il s’agit :

§ des ressources issues du parrainage hors placement de produit (qui pourraient même augmenter avec la transposition de la directive SMA) ;

§ des ressources issues de la publicité sur l’outre-mer et sur les antennes régionales de France 3 ;

§ de la publicité sur les sites Internet de France Télévisions et les nouveaux supports ;

§ de la publicité d’intérêt général concernant, par exemple, les grandes causes nationales et les messages en faveur d’associations caritatives.

– Les modalités de réduction par étapes à retenir sont :

§ le calendrier de la réduction par étapes avec une première étape débutant en 2009 et une deuxième étape (avec clause de rendez-vous) au moment du basculement au « tout numérique » (1er janvier 2012) ;

§ les modalités de réduction durant cette période transitoire avec la suppression de la publicité sur toutes les chaînes après 20 heures.

c) Le deuxième temps de la réforme : la suppression de la publicité en journée

La deuxième phrase de l’alinéa 12 programme la deuxième étape « à compter de l’extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision mentionnés au I de l’article 44 », à savoir le 30 novembre 2011 au plus tard (88). Même si la loi fixe, outre-mer compris, la date du 30 novembre 2011 comme horizon de la fin de l’analogique, la rédaction du présent article précise que c’est l’extinction de cette diffusion « sur l’ensemble du territoire métropolitain » qui est prise en compte pour la mise en œuvre du deuxième temps de la réforme publicitaire à France Télévisions.

On sait que, si le passage au « tout numérique » devra être achevé à la fin de l’année 2011 et concernera toutes les catégories de foyers, certaines franges de la population demeurent, pour l’instant, dépendantes de la réception analogique qui est appelée à être remplacée par le numérique. C’est ce qui explique que le législateur ait mis en place un dispositif d’aides pour faciliter cette délicate transition (89).

Au-delà, il paraît établi – et cela a encore été récemment confirmé par le CSA – que toutes les composantes de la société française manifestent un attrait indéniable pour l’offre télévisuelle élargie et gratuite permise par la télévision numérique. La décroissance rapide du nombre de foyers recevant la télévision par la seule voie hertzienne en mode analogique permet donc d’envisager sereinement le passage au « tout numérique » dans les délais impartis par la loi, et ce, bien que l’ampleur de la tâche restant à accomplir soit indéniable.

La rédaction de la deuxième phrase de l’alinéa 12 confirme que cette deuxième étape concerne les « programmes diffusés […] entre six heures et vingt heures ». Il s’agit donc bien d’une extension horaire à périmètre inchangée, les mêmes programmes – avec les mêmes exceptions que celles visées à la première phrase – étant concernés par la modification du régime de diffusion des messages publicitaires.

d) Le principe d’une compensation financière de l’État

La Commission pour la nouvelle télévision publique a évalué à 150 millions d’euros le total des ressources propres exclues du périmètre de la réforme (parrainage, publicité sur les antennes régionales, outre-mer et sur les nouveaux supports, publicité d’intérêt général). Sur la base d’analyses concurrentes ou complémentaires (en particulier sur la diminution de valeur des écrans de « daytime »), elle a ensuite chiffré le besoin de financement de la première étape de la réduction de la publicité à 450 millions d’euros pour France Télévisions durant la période transitoire.

Aussi l’alinéa 13 précise-t-il que la mise en œuvre de cette réforme « donne lieu à une compensation financière de l’État ». Afin d’assurer l’effectivité de cette disposition, le Gouvernement a fait le choix de garantir cette compensation au moyen d’une subvention, versée à France Télévisions à partir du programme Contribution au financement de l’audiovisuel public, créé – au sein de la mission Médias – par le projet de loi de finances pour 2009 et fixée à 450 millions d’euros l’an prochain (90).

Comme cela a été expliqué dans l’exposé général du présent rapport, l’absence de tout lien d’affectation entre le produit des deux taxes créées à l’occasion de cette réforme (91), reversé au budget général de l’État, et les modalités de la compensation financière accordée par l’État au titre de la réforme de la diffusion des messages publicitaires sur les chaînes de France Télévisions est clairement établi. Aucun principe ni objectif de valeur constitutionnelle ne paraît ainsi s’opposer à l’architecture de la réforme du financement de la télévision publique.

*

La Commission adopte un amendement rédactionnel du rapporteur.

La Commission examine ensuite deux amendements identiques, de M. Didier Mathus et M. Noël Mamère, tendant à supprimer la possibilité de conclure un nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) après la nomination d’un nouveau président.

M. Didier Mathus. Lier la durée du COM au sort du président serait un facteur d’instabilité majeure pour France Télévisions.

M. Noël Mamère. Il faut assurer en effet la pérennité du COM en le mettant à l’abri des vicissitudes du mandat présidentiel.

Mme Muriel Marland-Militello. L’un et l’autre doivent être étroitement liés au contraire, car deux présidents n’appliqueraient pas le même COM de la même façon.

M. Patrick Bloche. La cohérence nous impose de voter cet amendement à partir du moment où la Commission a refusé qu’on précise les conditions de révocation du président. L’autre partie au contrat pourrait en effet invoquer la nécessité d’un nouveau président pour remettre en cause le contrat. Découpler la durée du COM de celle du mandat du président est donc un verrou nécessaire.

Mme Chantal Bourragué. Un nouveau président doit pouvoir renégocier un nouveau contrat.

M. le président Jean-François Copé. La concomitance de la durée du mandat présidentiel et de celle du COM est une proposition essentielle de la Commission pour la nouvelle télévision publique. L’absence de coïncidence entre la durée du COM et le mandat du président engendre en effet des situations kafkaïennes d’illisibilité totale. Je peux en témoigner, ayant été amené, en tant que ministre du budget, à négocier des COM. Un véritable projet d’entreprise suppose un COM de même durée que le mandat présidentiel. Cela seul permettra une vision d’entreprise, des relations claires avec la tutelle et une prise en compte réelle de l’État actionnaire. Aujourd’hui, la relation avec la tutelle est « bidon » parce que personne ne sait ce qu’il y a à faire. Le président de France Télévisions n’a pas de feuille de route claire lui permettant de rendre compte à la tutelle et au Parlement.

Cette concomitance rend en outre peu probable une révocation du président, hormis dans le cas exceptionnel d’une inadéquation totale du président avec sa fonction résultant d’un constat collectif. Même dans ce cas d’école, rien n’empêche de signer un nouveau COM de cinq ans.

L’alignement de la durée du mandat du président et de la durée du COM est une disposition fondamentale de la réforme. L’erreur capitale de la non-corrélation explique d’ailleurs beaucoup de choses : à l’avenir, celui qui a négocié le contrat sera celui qui rendra des comptes.

M. Marcel Rogemont. Si le président est récusé pour son incapacité à atteindre les objectifs du COM, cela prouve bien que c’est le COM qui prévaut et qu’il préexiste à la nomination d’un nouveau président !

M. Patrice Martin-Lalande. La démarche contractuelle est essentielle pour mobiliser les acteurs de l’audiovisuel public et donner une lisibilité à leur action. Cette lisibilité, ils nous la réclament. On peut prévoir qu’un contrat d’objectifs et de moyens soit mis en place dans les trois ou six mois suivant la nomination du président. En cas d’interruption du mandat de ce dernier, le contrat serait soit confirmé, soit modifié par la voie d’avenants. Mais affaiblir la relation contractuelle entre les pouvoirs publics et le service public de l’audiovisuel serait porter un mauvais coup contre ce dernier.

M. Patrick Bloche. Plus vous tentez de défendre votre position, plus vous nous fournissez des arguments. Vous annoncez en fanfare une extension à cinq ans de la durée du COM, destinée, dites-vous, à renforcer l’engagement pluriannuel de l’État et à sécuriser le fonctionnement de l’audiovisuel public. Mais avec cette clause permettant l’interruption de la durée du COM, c’est l’inverse qui se produit ! Pourquoi la nomination d’un nouveau président devrait-elle inévitablement entraîner l’interruption du COM en cours ?

M. le président Jean-François Copé. Vous vous focalisez sur la révocation du président de France Télévisions, mais il ne s’agit que d’une hypothèse d’école, prévue pour une situation d’empêchement majeur, par exemple dans le cas où le président ferait preuve d’une incompétence totale et constatée par tous.

Dans un souci de bonne gestion, il est important qu’une entreprise publique établisse une relation claire et lisible avec son autorité de tutelle, quelle que soit la couleur politique de cette dernière. Il est dès lors de bon sens que la durée du contrat d’objectifs et de moyens soit la même que celle du mandat du président. L’absence de corrélation à cet égard explique bien des problèmes rencontrés par France Télévisions. Désormais, le président aura un mandat clair et il devra rendre des comptes sur l’exécution du contrat.

La Commission rejette les deux amendements identiques.

Elle est ensuite saisie d’un amendement de M. Patrice Martin-Lalande visant à ce qu’un objectif de résultat d’exploitation équilibré et la définition d’axes d’amélioration de la gestion soient inclus dans les contrats d’objectifs et de moyens, et d’un sous-amendement du rapporteur tendant à supprimer dans l’amendement la disposition contraignant les COM des sociétés audiovisuelles à présenter nécessairement un résultat d’exploitation équilibré.

M. Patrice Martin-Lalande. Dès lors que le financement de l’audiovisuel public provient en quasi-totalité de fonds publics, il convient de préciser clairement que, dans le cadre des contrats d’objectifs et de moyens, d’une part, est fixé un objectif de résultat d’exploitation équilibré et, d’autre part, sont définis des axes d’amélioration de la gestion. Le service public de l’audiovisuel doit montrer qu’il fait le meilleur usage possible du budget qui lui est alloué.

M. le rapporteur. Je suis favorable à cet amendement, sous réserve d’adopter un sous-amendement supprimant l’exigence d’un objectif de résultat d’exploitation au moins équilibré. Le souci de rigueur manifesté par l’auteur de l’amendement est louable, mais avec une telle disposition, le redressement de l’Agence France presse n’aurait pas été possible. Imaginons une entreprise qu’il faudrait aider à se redresser, le COM pourrait autoriser, au moins dans un premier temps, un résultat d’exploitation déficitaire.

M. Patrice Martin-Lalande. Il s’agit d’un objectif, pas d’une exigence d’équilibre annuel. Dès lors que l’action d’une entreprise publique est clairement définie par un contrat d’objectifs et de moyens et que son financement est assuré presque exclusivement par le budget de l’État, il serait dangereux de ne pas prévoir une telle disposition. Ne laissons pas des soupçons injustifiés peser sur le service public.

Rappelons en outre qu’un résultat d’exploitation ne comprend ni les produits et charges financiers, ni les produits et charges exceptionnels, ni la participation des salariés aux résultats de l’entreprise, ni les impôts sur les bénéfices.

M. le rapporteur. L’équilibre doit en effet être l’objectif recherché, mais soyons prudents et n’en faisons pas une exigence absolue au risque de compromettre un éventuel processus de redressement.

M. Didier Mathus. Je ne partage pas l’avis de M. Patrice Martin-Lalande : les crédits budgétaires sont des ressources fragiles – plus, peut-être, que les ressources publicitaires. Je me souviens qu’en 1996, une régulation budgétaire massive avait conduit à supprimer 12 % du budget de France Télévisions – qui, dès lors, s’était naturellement vue dans l’incapacité d’obtenir un résultat équilibré. Il ne me paraît donc pas raisonnable d’appliquer des critères d’annualité budgétaire à une industrie fonctionnant sur le long terme. Ce serait faire preuve d’une fausse rigueur. Il n’y a, de toute façon, qu’un donneur d’ordres : c’est l’État, qui fera comme il l’entendra.

M. Patrice Martin-Lalande. L’équilibre d’exploitation est le minimum que l’on puisse demander au service public de l’audiovisuel. Cet objectif doit donc figurer dans le COM. Si, cependant, l’État manquait à ses engagements, notamment en raison d’une régulation budgétaire, un avenant serait toujours possible.

M. Jean Ueberschlag. Je note qu’un représentant du ministère des finances est présent au conseil d’administration de France Télévisions. Dès lors, le risque de dérive n’existe pas vraiment.

M. le président Jean-François Copé. Je propose que nous adoptions cet amendement tel quel pour mieux en débattre en séance, avec le Gouvernement.

Le rapporteur ayant retiré son sous-amendement, la Commission adopte l’amendement.

Puis, suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte un amendement de M. Patrice Martin-Lalande visant à imposer que soient précisés, dans le cadre des contrats d’objectifs et de moyens, les engagements en termes de contenus éditoriaux du groupe France Télévisions, de façon à ce que les programmes du groupe soient le reflet des valeurs et des missions du service public audiovisuel.

La Commission adopte ensuite un amendement rédactionnel du rapporteur.

Elle adopte également un amendement du même auteur visant à s’assurer que les commissions parlementaires compétentes seront destinatrices de l’avis formulé par le CSA sur les contrats d’objectifs et de moyens et leurs éventuels avenants et que l’avis du CSA sur ces contrats sera impératif.

La Commission adopte ensuite un amendement de coordination du rapporteur.

Puis, elle examine un amendement du rapporteur et un amendement de M. Patrice Martin-Lalande, pouvant être soumis à discussion commune, tendant à instaurer une audition annuelle, devant les commissions des affaires culturelles et des finances de chaque assemblée, des présidents de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France en plus de celle déjà prévue pour le président de France Télévisions.

La Commission adopte l’amendement du rapporteur, l’amendement de M. Patrice Martin-Lalande étant retiré.

La Commission spéciale est saisie d’un amendement de M. Didier Mathus, tendant à supprimer les alinéas relatifs à la réforme de la diffusion de la publicité sur les chaînes de France Télévisions.

M. Marcel Rogemont. La suppression de la publicité est encore une de ces réformes que le Parlement doit étudier dans la plus grande précipitation, comme l’ont été toutes les lois que ce Gouvernement a voulu faire voter en urgence – sans raison puisque la plupart ne sont toujours pas exécutoires. Lorsque la BBC, elle, a voulu réfléchir à son avenir, elle a mené un travail de plusieurs mois.

Cette suppression arrive par ailleurs à un bien mauvais moment : les recettes publicitaires diminuent et les finances de l’État sont secouées par la crise économique. Sans compter que l’État n’a prévu de compenser les pertes de France Télévisions qu’à hauteur de 450 millions d’euros, alors qu’elles sont estimées entre 800 millions et 1 milliard, et que les nouvelles taxes qui doivent contribuer à compenser la perte sont en train d’être rognées par les propositions du rapporteur.

La suppression des recettes de la publicité est donc une attaque directe contre la télévision publique, doublée d’une aubaine pour quelques groupes amis du Président de la République – Bouygues, Bolloré, Bertelsmann, par exemple – dans un contexte de restriction.

Quant à la garantie de l’État, elle n’est que formelle. Le principe de l’annualité budgétaire interdit toute assurance que les 450 millions prévus seront reconduits dans le temps. Il n’y a donc aucune garantie réelle que les pertes de France Télévisions seront compensées. On envisage même une suppression totale de la publicité à l’horizon 2011 sans autre compensation. Or la télévision publique, confrontée à la perspective du média global, doit non seulement gérer au quotidien son argent avec parcimonie, mais elle doit surtout investir. La suppression de la publicité met donc tout simplement l’équilibre financier de France Télévisions en danger.

Certes, des économies peuvent être réalisées, mais on sait qu’elles ne produiront leurs effets qu’avec retard. Dans l’immédiat, la réduction du budget de France Télévisions aura donc un impact direct sur la création.

On voit bien que cette réforme a été engagée de façon beaucoup trop hâtive, et c’est pourquoi nous proposons de supprimer les alinéas 11 et 12 de cet article.

M. Noël Mamère. Pour leur part, les députés du groupe GDR sont depuis longtemps favorables à la suppression de la publicité sur les chaînes publiques. Toutefois, nous considérons que l’annonce faite par le Président de la République le 8 janvier 2008, n’est qu’une manœuvre politicienne visant à mettre la gauche dans l’embarras. En outre, elle a été faite sans aucune concertation avec les partenaires sociaux, en particulier les personnels de France Télévisions : c’est une décision autoritaire, qui ne prévoit aucun dispositif d’accompagnement susceptible de garantir la pérennité du financement des dépenses de fonctionnement et de création du service public.

Nous venons d’ailleurs de transmettre au rapporteur copie d’un article paru sur le site Figaro.fr, qui confirme nos inquiétudes sur le sous-financement croissant du service public, au profit de ceux que Marcel Rogemont vient d’appeler « les amis du Président » : il s’agit bien de la chronique de la mort annoncée du service public de l’audiovisuel.

L’annonce du 8 janvier a déjà plongé le service public dans de grandes difficultés : les annonceurs ont commencé à se retirer, le privant de plusieurs centaines de millions d’euros de recettes. La commission Copé, en décidant que les chaînes privées auraient dorénavant droit à deux écrans publicitaires, n’a fait que confirmer la volonté d’assèchement pure et simple du service public de l’audiovisuel. Certes, on autorise des écrans publicitaires sur certaines tranches horaires, mais cela risque de se faire au détriment de la qualité des programmes. Telle n’est pas l’idée que nous nous faisons du service public !

Nous avons aujourd’hui la visite de collègues du Bundestag. Or, en Allemagne, comme en Grande-Bretagne, le service public est financé de manière forte et pérenne. La ZDF et la BBC n’ont rien à voir avec notre télévision publique : elles sont capables de produire de grandes émissions, qui cherchent à éclairer l’opinion et non à l’abrutir, et qui font le tour du monde.

Je le répète : je suis très choqué par les propos du président Copé, qui a dit que, lui vivant, la redevance n’augmentera jamais. Faut-il rappeler que la redevance est bien plus élevée en Allemagne et en Grande-Bretagne qu’en France ? Ce que nous proposons, ce n’est pas de nous mettre au même niveau immédiatement mais sur cinq ans, de manière à assurer un financement sérieux du service public.

Se servir de l’avenir de la télévision publique comme variable d’ajustement pour ses ambitions politiciennes me paraît contraire à la démocratie et à l’éthique politique. Je considère que ce qui nous est proposé aujourd’hui n’est, pour reprendre le mot du Président de la République, qu’une manière de « flinguer » le service public de l’audiovisuel et de renvoyer l’ascenseur à ceux qui lui ont permis d’accéder à la plus haute marche du pouvoir.

M. Bolloré n’est pas seulement le possesseur de la chaîne Direct 8, c’est aussi le patron de l’agence Havas : il a donc la haute main sur la publicité. Notre collègue Frédéric Lefebvre, ici présent, a fait voter un amendement créant une niche fiscale sur les investissements en Afrique ; or le groupe Bolloré est le propriétaire des chemins de fer du Cameroun et du port d’Abidjan ! Et il nous a proposé un autre amendement visant à assouplir le seuil anti-concentration, afin de servir la soupe à M. Bouygues et à ses amis qui avaient commis une grave erreur stratégique en ne croyant pas à la TNT ! Mais pour qui nous prend-on ?

Plusieurs députés du groupe de l’UMP. C’est de la diffamation ! C’est inacceptable !

M. Noël Mamère. Les vérités font mal lorsqu’elles sont justes ! Et je n’hésite pas à les dire publiquement, au nom d’une certaine conception du service public de l’audiovisuel, que j’ai servi durant de longues années, et qui n’a pas à être méprisé, attaqué, affaibli de cette manière. Nous n’avons pas à cautionner une opération visant à livrer nos écrans à ceux qui recherchent le profit plutôt que l’intérêt général ! Voilà pourquoi nous défendons la suppression de la publicité, à condition de l’assortir de certaines dispositions.

Je le répète : la gauche a commis une erreur – prolongée par la droite du fait d’une complicité avec les chaînes privées – en permettant à des entreprises qui répondent à des commandes publiques de détenir la majorité du capital des chaînes privées, car cela suscite des conflits d’intérêts et porte atteinte au pluralisme. TF1 ne diffusera jamais d’émission critique sur la téléphonie mobile et les antennes relais, puisque son propriétaire, le groupe Bouygues, est aussi un opérateur ; de même, M6 ne proposera jamais un documentaire comme celui qu’ARTE a diffusé hier soir sur la politique des grands groupes français de l’eau.

Quand il y a conflit d’intérêts, il y a atteinte au droit à l’information !

M. le président Jean-François Copé. Monsieur Mamère, il va sans dire qu’à l’Assemblée nationale la parole est libre. Toutefois, ce ne sont pas les vérités qui blessent, mais les injures, les attaques personnelles et les procès d’intention. Ne croyez pas qu’à chaque fois que vous exprimez une conviction, vous affirmiez une vérité. Par exemple, vous oubliez que, dans des émissions comme Capital ou Zone interdite, M6 a diffusé de très nombreux reportages critiques.

Par ailleurs, quand on est député, il faut éviter de donner à ses collègues des leçons de morale ou d’éthique. Ainsi, lorsqu’en septembre dernier, après avoir prêté serment, je suis entré dans un cabinet d’avocats, vous aviez joint votre voix au concert de critiques venu de la gauche. Or, six mois plus tard, vous êtes à votre tour devenu avocat – comme d’ailleurs nombre de nos collègues. Mais je n’ai rien dit : il y a des moments où le silence vaut toutes les vérités.

On peut être convaincant sans attaquer ou injurier les autres. Dans cette enceinte, toutes les opinions peuvent être exprimées ; ce que je demande, c’est qu’elles le soient sans être assorties d’attaques personnelles. (Plusieurs députés du groupe de l’UMP applaudissent.)

M. Noël Mamère. Ne vous drapez dans votre vertu outragée, monsieur le président, car je ne me suis livré à aucune attaque personnelle : je n’ai fait que rappeler ce qui a été voté à l’Assemblée nationale, à l’initiative de certains collègues.

Que l’on me dise si mes informations sur le groupe Bolloré sont fausses ! Quant à vos affaires d’avocat, elles n’ont rien à voir avec notre propos, et elles m’indiffèrent.

M. le président Jean-François Copé. Je prends à témoin notre commission : M. Mamère a changé de ton. De l’attaque, il est passé à la défense…

M. Noël Mamère. La seule chose que je défende, c’est le service public de l’audiovisuel !

M. Didier Mathus. On ne peut pas continuer ainsi !

M. Frédéric Lefebvre. M. Mamère reproche au Président de la République de prendre une décision embarrassante pour la gauche, mais il sait parfaitement que la suppression de la publicité a été portée par la gauche qui, lorsqu’elle était au pouvoir, n’a pas eu le courage de l’appliquer.

Votre embarras, monsieur Mamère, est tel qu’au lieu d’argumenter vous recourez à l’invective et aux allusions déplacées.

L’amendement que vous évoquiez tend à permettre de défiscaliser les investissements réalisés en Afrique. Il est stupide de l’appeler, comme vous venez de le faire, monsieur Mamère, « l’amendement Bolloré ». En effet, si M. Bolloré a investi en Afrique avant cet amendement, c’est qu’il n’en avait pas besoin. Il faut réfléchir avant de parler.

Cet amendement est cohérent avec d’autres dispositifs que j’ai proposés dans le passé, comme le livret d’épargne codéveloppement, qui a été adopté à l’unanimité – vous étiez d’ailleurs, je crois, dans l’hémicycle, ainsi que Mme George Pau-Langevin. Lors de son audition par la commission des finances, M. Charles Milhaud, alors président du directoire de la Caisse d’épargne, a expliqué que ce dispositif n’était malheureusement pas applicable et j’ai donc étudié avec le ministère des finances un nouveau dispositif, plus efficace, qui permette aux citoyens français d’investir dans les pays en développement. Les aides de citoyen à citoyen sont en effet plus efficaces que les aides d’État à État, qui ne parviennent pas toujours jusqu’au tissu économique local. Il n’est donc pas ici question de M. Bolloré, mais de l’aide au développement, attendue notamment par de nombreuses associations avec lesquelles j’ai travaillé pour préparer cet amendement.

Pour en revenir à la suppression de la publicité sur les chaînes du service public, il ne s’agit pas d’une atteinte au service public, mais, bien au contraire, de son sauvetage. La TNT et l’Internet provoquent en effet une évaporation du marché publicitaire. Le système Horizon, mis en place par France Télévisions Publicité, a provoqué une chute de plus de 20 % des recettes publicitaires pour la société publique, alors que l’érosion n’est que de 4 % pour le secteur privé. Cette chute était sensible avant même que le Président de la République ne s’exprime le 8 janvier – vous lui avez assez reproché d’avoir pris tout le monde par surprise, y compris la ministre concernée – et le système Horizon a dû être interrompu en septembre. Il était donc indispensable de trouver une solution pérenne pour le secteur public, où la publicité disparaissait plus rapidement qu’ailleurs – au détriment de la création, comme l’a souligné à juste titre M. Marcel Rogemont.

Une taxe portant sur le secteur des télécommunications, qui est le secteur d’activité le plus dynamique, assure à France Télévisions une recette stable. Dans un paysage audiovisuel très éclaté, l’État s’engage, comme l’a rappelé encore hier la ministre de la culture, et France Télévisions bénéficie d’une recette dynamique.

Monsieur Mamère, le débat que nous aurons dans l’hémicycle permettra de voir qui joue pour et qui joue contre le service public.

M. Jean Dionis du Séjour. Après avoir apporté leur soutien à la première partie du texte, les centristes sont en désaccord avec la deuxième partie – qu’il s’agisse de la suppression des recettes publicitaires ou du financement de cette mesure par les deux taxes prévues.

Le principe de la suppression de la publicité est peut-être une idée de gauche, mais c’est une bonne idée – que proposait d’ailleurs aussi le programme de la campagne présidentielle de l’UDF en 2002, qui prévoyait de la financer par la redevance. En cohérence avec cette position, nous avons exprimé dès le mois de juin 2008, dans une annexe au rapport Copé, notre divergence profonde sur ce point. La suppression de la publicité peut, certes, être un marqueur intéressant de différenciation de la télévision publique, mais il faut raison garder : la publicité est partout et sa disparition de l’audiovisuel public n’en préservera pas les consommateurs – qui sont d’ailleurs déjà bien vaccinés. Qui plus est, si la publicité française est parfois toxique, elle est parfois aussi drôle et informative, notamment en matière de prix ou d’innovation.

Le groupe Nouveau Centre formule deux critiques sur la disposition proposée.

Tout d’abord, supprimer aujourd’hui la publicité est une faute de calendrier majeure : avec un déficit de 52 milliards d’euros et un taux de prélèvement qui est déjà le deuxième d’Europe, ce n’est pas le moment de remplacer par de l’argent public des recettes privées qui représentent déjà les deux tiers des recettes de France Télévisions. Le Président de la République attache assurément une grande importance à cette mesure, mais M. Édouard Balladur, qu’on ne peut pas suspecter d’antisarkozisme, déclarait le 13 octobre que cette réforme n’était pas opportune aujourd’hui et qu’elle devrait, au moins, être reportée à 2011 ou 2012. J’invite donc mes collègues de la majorité présidentielle – à laquelle les centristes réaffirment leur appartenance – à la prudence.

Ensuite, s’il faut faire cette erreur, mieux vaudrait au moins la financer par la redevance. Nous reviendrons plus en détail sur ce point, car nous ne ménagerons pas nos forces pour limiter la casse que pourrait provoquer le financement calamiteux de ce dispositif.

M. Didier Mathus. Je partage l’avis de Jean Dionis du Séjour : à un moment où l’État, confronté à une crise financière majeure, cherche partout de l’argent, il y a plus urgent que la suppression de la publicité sur la télévision publique. Les propos de M. Balladur étaient frappés au coin du bon sens. N’en déplaise au député suppléant d’Issy-les-Moulineaux, cette idée bizarre vient du Président de la République, dont chacun connaît les liens avec les groupes Bouygues et Bolloré. Assez d’hypocrisie ! Chacun a pu prendre connaissance du Livre blanc de TF1 remis au Président de la République par M. Laurent Solly, ancien directeur adjoint de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en décembre, soit un mois avant que ce dernier n’annonce sa décision, cousue de fil blanc. Il s’agissait d’abord de rendre service à TF1 qui avait, par un aveuglement incompréhensible, refusé de s’engager dans la TNT et qui, perdant des parts de marché et donc de publicité, n’avait aucune perspective de développement. La proposition faite dans le Livre blanc n’est pas une idée neuve : TF1 avait fait un recours auprès de la Commission européenne en 1998 pour demander l’interdiction de la publicité sur le service public.

Qu’on ne prétende pas que nous, socialistes, serions mécontents de ne pas avoir pris cette mesure nous-mêmes. Ayant rédigé la plupart des programmes sur l’audiovisuel établis par mon parti depuis 1988 pour les élections présidentielles et législatives, je vous mets au défi d’y trouver une proposition de suppression de la publicité. Nous avions certes étudié cette idée en 1988, mais nous y avons renoncé, estimant que, compte tenu de la privatisation de TF1, il ne serait plus possible d’avoir un paysage audiovisuel équilibré si la télévision publique était privée de publicité. En revanche, nous avons toujours défendu l’idée qu’il fallait réduire la publicité sur les chaînes publiques ; c’est ce que nous avons fait avec la loi d’août 2000, qui a abaissé le plafond à huit minutes par heure. Nous avons en outre été quelques-uns à défendre l’idée qu’il fallait une chaîne publique sans publicité, destinée à l’enfance et à la jeunesse, mais elle a été démolie par le premier ministre de la culture du gouvernement Raffarin, M. Aillagon.

Par ailleurs, la publicité n’est pas un marqueur de qualité : il y a de très bonnes chaînes avec ou sans publicité, de très mauvaises chaînes avec ou sans publicité. BBC One est une chaîne sans publicité et de mauvaise qualité, qui ne fait que de l’assemblage de séries.

Pour le reste, il apparaît que le projet politique qui sous-tend ce texte est l’affaiblissement de la télévision publique, à l’égard de laquelle l’UMP nourrit visiblement une certaine rancune. Sous prétexte de lui demander des gages de qualité, on veut en réalité en faire une sorte de grosse ARTE, que personne ne regardera mais dont tout le monde dira du bien, et laisser le champ libre aux opérateurs privés de la télévision commerciale. C’est pourquoi nous combattrons avec beaucoup de force ce projet.

M. Patrice Martin-Lalande. Partout dans le monde, le modèle de la télévision généraliste est remis en cause. Cessons donc d’interpréter la situation nationale avec des arrière-pensées politiques. Une évolution s’impose.

Le problème de financement touche à la fois le secteur privé et le secteur public. Il faut y apporter une réponse car nos concitoyens ont besoin de chaînes généralistes. Un choix limité aux chaînes thématiques et à l’Internet, sur lequel on sait ce qu’on veut aller voir, risque d’aboutir à une sorte d’autisme médiatique.

Cette réforme permet au service public de troquer les recettes de publicité, en perte de vitesse, contre une recette garantie par l’État. Celle-ci a pour deuxième avantage de libérer le service public de toute contrainte de programmation. Par ailleurs, le montant des deux taxes qui vont être créées n’aura pas d’incidence sur le financement du service public, étant donné la règle de l’universalité budgétaire : le produit des taxes sera versé au budget général de l’État, lequel, de toute façon, apportera à France Télévisions la compensation financière prévue.

Par ailleurs, il est clair que la réforme va dans le sens d’une amélioration de l’engagement du service public en faveur de la création. La liberté de programmation qu’offrira le nouveau système de financement favorisera la diffusion d’œuvres de création dans de meilleures conditions. Enfin, les synergies que va permettre l’entreprise unique contribueront à mieux financer la création.

Cette réforme n’est donc pas un cadeau à la télévision privée. Ce n’est pas non plus un cadeau à la télévision publique, mais c’est pour lui une promesse de financement solide et pérenne – qui permettra aussi de financer la télévision privée, étant donné que nous avons besoin de l’une et de l’autre.

Mme Muriel Marland-Militello. Une proposition phare de la mission sur l’éducation artistique et culturelle, dont j’étais présidente et rapporteure sous la précédente législature, était la suppression de la publicité à la télévision. Chers amis socialistes, vous l’avez votée à l’unanimité ! L’argument essentiel était que, pour accroître le public des spectacles culturels, il fallait éviter le lien entre publicité et programmes pour cause d’audimat. Je me souviens aussi qu’avec Patrick Bloche, vous disiez que, si la droite restait au pouvoir, vous n’auriez jamais gain de cause.

M. Christian Kert, rapporteur de la Commission spéciale. Le rapporteur ne peut être que défavorable à un amendement qui remet en cause la philosophie du texte.

La Commission rejette l’amendement.

Sur l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette également un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à surseoir à la suppression de la publicité sur les chaînes de télévision publique.

Elle est ensuite saisie d’un amendement de M. Patrick Braouezec, tendant à substituer à la date du 5 janvier 2009 celle du 1er septembre 2009 pour le début de la réforme publicitaire à France Télévisions.

M. Noël Mamère. Cet amendement de repli reprend la proposition que vous aviez vous-même formulée dans votre rapport, monsieur le président.

M. le président Jean-François Copé. C’était une demande des parlementaires socialistes, que j’avais accepté d’intégrer, mais la consultation des professionnels m’a fait revenir en arrière.

M. le rapporteur. La réforme est en marche, il faut l’appliquer.

Sur l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

La Commission examine ensuite un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à maintenir la publicité sur France 2.

M. Jean Dionis du Séjour. Cet amendement est un amendement de repli. Notre groupe est absolument opposé à la suppression de la publicité sur les chaînes publiques.

La solution retenue, consistant à instaurer une première étape où la publicité est maintenue sur les chaînes publiques entre six heures et vingt heures, entraînera à l’évidence un dumping de la part des chaînes privées. N’ayant plus de concurrence sur le créneau du soir, elles vont pouvoir augmenter largement leurs prix. Une hausse de 15 % des tarifs est déjà annoncée. Cette hausse leur permettra de faire des offres très basses, donc du dumping, sur les tarifs de journée.

Nous vous proposons de réfléchir à une autre solution : continuer à permettre la publicité sur France 2 toute la journée jusqu’en 2011, et voir à cette date s’il faut continuer. Dans ce cas, la concurrence restera ouverte.

M. Didier Mathus. Il est un peu stupide de considérer que toutes les chaînes publiques doivent être traitées à l’identique. Nous réaffirmons notre souhait d’une chaîne pour la jeunesse sans publicité ; c’est une demande légitime. Mais autant on pourrait être favorable à la suppression de la publicité sur certains créneaux ou programmes, autant traiter toutes les chaînes publiques de la même façon est une absurdité ; ce qui fait l’intérêt du service public, c’est sa logique de bouquet, c’est-à-dire une offre diversifiée.

On mesure dès à présent l’effet pervers de la mesure proposée. Le chiffre d’affaires de la publicité en 2007 étant de 800 millions d’euros, on obligera les chaînes publiques à trouver 350 millions d’euros de recettes publicitaires dans la journée, avant vingt heures. Or TF1 et M6 se trouveront en situation de monopole après vingt heures, et elles pourront augmenter leurs tarifs : elles pratiqueront un dumping d’enfer pour les diffusions avant vingt heures. France Télévisions, qui doit absolument trouver 350 millions sur ce créneau horaire, sera moins concurrentielle qu’elles, et l’on peut déjà affirmer qu’elle ne trouvera pas ces montants. Tout cela montre le caractère extrêmement dangereux et nocif pour la télévision publique de la mesure.

M. Christian Paul. Je partage cet avis. On passe d’un sous-financement de l’audiovisuel public à son effondrement financier.

Je souhaite que le rapporteur soit beaucoup plus précis sur l’ampleur qu’il veut donner à la clause de sauvegarde apparente qui figure à l’article 18. Comment l’établit-on ? Comment la met-on en œuvre ? Il faudrait nous donner des assurances. Le rapporteur doit amender l’article pour rendre cette clause sûre ; aujourd’hui, c’est une véritable passoire.

M. Michel Françaix. Le rapporteur nous a dit qu’il faut maintenant que le service public s’organise en fonction du projet de loi. Sa régie publicitaire est déjà en train de le faire, par des suppressions d’emplois, sources de difficultés.

L’amendement de M. Dionis du Séjour est intéressant. La majorité soutient que, dès lors qu’il y a de la publicité, les programmes sont établis en fonction de celle-ci et qu’ils sont donc la plupart du temps de mauvais programmes, en tout cas pas des programmes dont la qualité n’est pas celle qu’on attend du service public. Si vous avez raison, le service public devra réorganiser complètement sa grille avant vingt heures pour attirer la publicité. Il s’y emploie déjà.

Nous soutenons donc cet amendement de repli.

M. le rapporteur. L’amendement est difficilement lisible au regard de la logique du texte. Je ne vois pas comment la chaîne phare de France Télévisions pourrait échapper au dispositif appliqué aux autres chaînes. Ce serait peu cohérent avec l’état d’esprit du texte. Avis défavorable, donc.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission adopte ensuite deux amendements identiques, respectivement du rapporteur et de M. Didier Mathus, et tendant à préciser que la suppression de la publicité dans les programmes de France Télévisions ne concerne ni les décrochages locaux de France 3 ni ses décrochages régionaux.

En conséquence, un amendement de M. Jean Dionis du Séjour, visant à réintroduire la même idée, devient sans objet.

La Commission est saisie d’un amendement de M. Jean Dionis du Séjour, tendant à interdire la publicité pour les biens et produits sous appellation générique.

M. Jean Dionis du Séjour. Les dispositions du projet de loi sont le summum de la confusion et de l’hypocrisie. La publicité pour les pruneaux d’Agen sera-t-elle permise ou non ? C’est une marque commerciale : leur distribution est organisée par une interprofession. Mais c’est aussi une appellation générique : elle se réfère à un territoire, une zone reconnue par l’Union européenne pour la qualité de sa production. Les dispositions de la loi seront allégrement tournées. Le même raisonnement peut être tenu pour le Roquefort, le Champagne, le Brie de Meaux, le vin d’Alsace…

M. le rapporteur. Avis défavorable. L’intention est louable. J’ai cependant déposé un amendement faisant la part des choses entre les produits qui viennent d’être évoqués et les campagnes d’intérêt général, pour les produits laitiers par exemple. M. Jean Dionis du Séjour pourrait le cosigner.

M. le président Jean-François Copé. L’amendement est retiré ?

M. Jean Dionis du Séjour. Non, j’y tiens.

M. le président Jean-François Copé. Le rapporteur pourrait peut-être nous présenter son amendement de façon à nous éclairer ?

M. le rapporteur. Si nous adoptons l’amendement présenté par M. Jean Dionis du Séjour, des campagnes de publicité pour les produits laitiers, le veau ou le sucre ne seront plus autorisées. L’amendement que je défendrai confirme que la suppression de la publicité sur France Télévisions ne concerne pas les campagnes d’intérêt général.

M. le président Jean-François Copé. Intègre-t-il les préoccupations de l’amendement de M. Jean Dionis du Séjour ?

M. le rapporteur. Oui.

M. Jean Dionis du Séjour. Non. L’amendement du rapporteur confirme que les campagnes d’intérêt général restent possibles sur les chaînes publiques, et je le soutiens. Mais quid des campagnes pour les produits génériques, tels que le vin d’Alsace, l’andouillette de Troyes et le Brie de Meaux ? Le générique renvoie à l’interprofessionnel.

M. le président Jean-François Copé. J’avais compris que l’amendement de M. Dionis du Séjour poursuivait un objectif exactement inverse alors qu’il vise à empêcher que l’on ne détourne l’esprit de la réforme. Autant je suis favorable à ce que les chaînes publiques puissent diffuser des campagnes d’intérêt général, autant je suis hostile à ce qu’elles accueillent des campagnes pour des produits d’appellation générique.

Je propose donc à la Commission d’adopter l’amendement de M. Dionis du Séjour, quitte à en améliorer ultérieurement la rédaction, ainsi que celui du rapporteur.

M. Didier Mathus. Il faut toutefois être conscient que l’amendement de M. Dionis du Séjour priverait le service public d’une partie des ressources initialement prévues.

M. le président Jean-François Copé. Je l’ai dit, je récuse l’argument selon lequel le compte n’y est pas : avec la taxe sur les fournisseurs d’accès Internet et sur la téléphonie mobile, jamais France Télévisions n’aura eu autant d’argent.

La Commission adopte l’amendement de M. Jean Dionis du Séjour.

En conséquence, l’amendement suivant de M. Dionis du Séjour, visant à supprimer la publicité destinée à la promotion de marques de biens ou de services de nature industrielle ou commerciale, devient sans objet.

La Commission examine ensuite un amendement de Mme Françoise de Panafieu, tendant à ce qu’un bilan de la présente réforme soit dressé avant d’étendre, si la situation le permet, la suppression de la publicité aux programmes diffusés entre 6 heures et 20 heures.

Mme Françoise de Panafieu. La brutalité avec laquelle est survenue la crise financière actuelle nous montre à quel point il est difficile de prévoir aujourd’hui ce que sera la situation en 2011.

Mieux vaudrait donc convenir d’un rendez-vous à cette date avant de prendre la décision de passer à la seconde phase de suppression de la publicité pour les chaînes publiques.

M. Jean Ueberschlag. J’aimerais que l’on évite d’employer l’expression « extinction de la publicité », qui me rappelle l’extinction du paupérisme après dix heures du soir, jadis préconisée par Ferdinand Lop.

M. le rapporteur. Je propose à Mme de Panafieu de retirer son amendement au profit de deux de mes amendements que nous nous apprêtons à examiner, qui répondent à son souci mais qui éviteraient de devoir repasser par la loi pour appliquer la deuxième phase de la réforme.

M. le président Jean-François Copé. Ces amendements ultérieurs visent notamment à ce que le Gouvernement présente en 2011 un rapport proposant, le cas échéant, les mesures législatives nécessaires et à partir duquel nous prendrons la décision.

M. Didier Mathus. Nous défendrons un amendement poursuivant le même objectif. Mme de Panafieu propose qu’aucune décision ne soit prise a priori, ce qui n’est pas la même chose !

M. le président Jean-François Copé. Pour ma part, je fais confiance au Gouvernement et je suis persuadé que la réforme sera un succès. Mais si tel n’était pas le cas, nous repasserions bien sûr par la voie législative.

Mme Françoise de Panafieu. Je ne dis pas que la réforme échouera, mais simplement que l’on ignore totalement ce que sera la situation économique et sociale dans deux ans.

M. Patrice Martin-Lalande. Les chaînes publiques ont besoin de visibilité et de clarté. Mieux vaut donc leur faire connaître la direction qui sera ultérieurement suivie, sauf si de nouveaux éléments apparaissaient.

M. le président Jean-François Copé. Dans ses propositions, la Commission pour la nouvelle télévision publique se fondait déjà sur une hypothèse de crise, puisqu’elle a recommandé une dotation de 150 millions d’euros pour compenser une baisse des recettes publicitaires déjà très significative.

Mme de Panafieu retire son amendement.

La Commission adopte un amendement du rapporteur, tendant à exclure les campagnes d’intérêt général du champ de la réforme publicitaire à France Télévisions.

Elle examine ensuite deux amendements pouvant être soumis à une discussion commune, respectivement présentés par le rapporteur et M. Didier Mathus et faisant obligation au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur la première étape de la suppression de la publicité.

La Commission adopte l’amendement du rapporteur.

En conséquence, l’amendement de M. Didier Mathus devient sans objet.

La Commission est saisie d’un amendement de M. Didier Mathus, précisant que le produit des messages publicitaires diffusés sur les programmes locaux est affecté à la réalisation de ces mêmes programmes.

M. Didier Mathus. Nous voulons éviter que les ressources publicitaires ne se perdent dans l’ensemble des ressources de France Télévisions.

M. le rapporteur. Une telle préaffectation des ressources introduirait de la rigidité dans le fonctionnement de France Télévisions et serait contradictoire avec la création de l’entreprise unique.

La Commission rejette cet amendement.

La Commission examine deux amendements, pouvant être soumis à une discussion commune respectivement présentés par le rapporteur et M. Didier Mathus. Le premier fait obligation au Gouvernement de transmettre au Parlement une évaluation de la réforme par le Conseil supérieur de l’audiovisuel après consultation des organismes professionnels représentatifs du secteur de la publicité, le second prévoit que le Gouvernement présentera au Parlement un rapport conjoint du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARCEP).

M. Patrick Bloche. L’amendement du groupe socialiste a l’avantage d’insister sur la nécessité d’évaluer les besoins de financement de France Télévisions, alors que celui du rapporteur ne prévoit que l’évaluation des conditions du marché publicitaire.

M. le président Jean-François Copé. Nous pourrions étudier une meilleure formulation de l’amendement dans le cadre de la réunion que la Commission tiendra en application de l’article 88 du Règlement.

M. Jean Dionis du Séjour. Ce deuxième rapport n’est-il pas surabondant ?

M. le rapporteur. Non, puisque c’est le CSA qui en sera l’auteur, et non le Gouvernement.

M. le président Jean-François Copé. On confie là une mission majeure au CSA.

La Commission adopte l’amendement du rapporteur.

En conséquence, l’amendement de M. Didier Mathus devient sans objet.

La Commission est saisie d’un amendement de M. Patrice Martin-Lalande, tendant à supprimer progressivement la publicité sur RFO.

M. Patrice Martin-Lalande. S’il est vrai que les chaînes du service public sont le seul support de la publicité audiovisuelle en outre-mer, le développement du pluralisme audiovisuel suppose de programmer la suppression progressive de la publicité de ces chaînes. Je propose de concilier ces deux exigences par cette solution de préservation du pluralisme adaptée à la diversité des territoires.

M. Gaël Yanno. Je suis favorable à cette solution car la concurrence du service public sur un gisement publicitaire réduit n’est pas supportable pour les chaînes privées.

M. le rapporteur. J’y suis quant à moi défavorable pour trois raisons : cet amendement est contraire aux équilibres préconisés par la Commission pour la nouvelle télévision publique ; il priverait France Télévisions de près de 25 millions d’euros de recettes ; enfin, il serait paradoxal de supprimer la publicité sur RFO alors qu’elle serait maintenue sur les décrochages régionaux de France 3.

À cela s’ajoute un argument social : en faisant travailler de nombreux salariés, la régie publicitaire de RFO joue un rôle essentiel dans l’économie de l’outre-mer.

M. Patrice Martin-Lalande. Cette disposition ne réduira pas l’accès des entreprises aux marchés locaux puisqu’elle ne s’appliquera pas là où les chaînes publiques sont le seul support de publicité.

M. le président Jean-François Copé. La Commission pour la nouvelle télévision publique avait conclu à la nécessité de maintenir les 23 millions de recettes publicitaires à RFO jusqu’en 2012.

M. Patrice Martin-Lalande. Mon amendement ne remet pas en cause ce principe. De plus, les recettes se sont élevées à 18 millions d’euros en 2007, et non à 23 millions d’euros.

M. Gaël Yanno. Maintenir la publicité sur RFO revient à condamner l’initiative privée en matière de télévisions locales outre-mer.

M. le rapporteur. Notre discussion porte sur la télévision publique, et non sur les chaînes privées. Il s’agit de donner toutes ses chances à la télévision publique !

M. le président Jean-François Copé. Je reconnais qu’il y a débat. Votre proposition s’appliquant à compter du 1er janvier 2010, alors que la suppression totale de la publicité ne doit prendre effet que plus d’un an après, nous pourrions renvoyer son examen à la réunion que nous aurons au titre de l’article 88.

M. Patrice Martin-Lalande. Je veux bien retirer mon amendement. Mais on ne peut pas prétendre vouloir développer les télévisions locales et leur retirer la seule ressource disponible.

M. le président Jean-François Copé. Je ne veux pas que l’on ouvre un nouveau débat sur les moyens de compenser la perte de recettes pour RFO.

M. Jean Ueberschlag. La régie publicitaire de France 3 emploie 85 personnes, dont 60 outre-mer. Il faut donc réfléchir avant de toucher au dispositif actuel.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite trois amendements – le premier de M. Didier Mathus, le deuxième de M. Noël Mamère et le troisième de M. Jean Dionis du Séjour –, pouvant être soumis à une discussion commune et précisant que la suppression de la publicité donne lieu à une compensation intégrale de l’État.

M. Michel Françaix. Le président de la Commission spéciale nous assure que la perte de recettes dues à la suppression de la publicité serait compensée à l’euro près, afin de permettre au service public de l’audiovisuel de fonctionner normalement. L’amendement de M. Didier Mathus devrait donc faire l’unanimité. Il précise que la mise en œuvre de cette suppression donne lieu à une compensation financière intégrale dont le montant est garanti par l’État, chaque année, dans le cadre de la loi de finances. Si, pour une raison ou une autre, le produit des deux taxes ou celui de la redevance n’atteignait pas les niveaux prévus – même si l’on nous promet qu’il y aura beaucoup plus d’argent que nécessaire –, la dotation du service public audiovisuel serait ainsi garantie.

M. Noël Mamère. Il est en effet essentiel de ne pas rester dans le flou en ce qui concerne la compensation du manque à gagner résultant de la suppression de la publicité, mais au contraire d’affecter intégralement au service public de l’audiovisuel le produit des taxes sur la publicité télévisée et sur les opérateurs de communications électroniques. Si la loi n’est pas plus précise, toutes les dérives sont à craindre car, en termes financiers, nous sommes dans une situation que nous maîtrisons mal. Les taxes étant affectées au budget de l’État, si la compensation n’est pas précisément encadrée, nous savons très bien ce qui peut advenir de leur produit.

M. Jean Dionis du Séjour. Pour ses promoteurs, ce projet de loi apporte un avantage formidable au service public de l’audiovisuel dans la mesure où il remplace ses ressources publicitaires, par essence fluctuantes, par des ressources plus solides car d’origine budgétaire. Mais, en réalité, le financement demeure fragile. En effet, les deux taxes qui doivent contribuer à ce financement ne sont pas affectées – d’ailleurs, ni le Conseil constitutionnel ni l’Union européenne ne le permettraient. Dès lors, la somme versée en compensation ne sera pas corrélée au produit de ces taxes. Nous n’avons donc aucune certitude que l’argent issu de la taxation des services de communications électroniques et de la publicité sur les chaînes privées sera intégralement versé au service public de l’audiovisuel.

L’expérience parlementaire doit nous mettre en garde. Ainsi, le produit de la TACA, la taxe pour l’aide au commerce et à l’artisanat, qui frappe les grandes et moyennes surfaces, devait permettre d’aider les artisans et les petits commerçants, notamment en milieu rural. Or, sur les 600 millions d’euros que rapporte aujourd’hui la taxe, seulement 80 millions sont reversés au FISAC, le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce.

De même, nous n’avons aujourd’hui aucune certitude quant à la compensation versée à l’audiovisuel public : en dépit de sa nature budgétaire et du COM, elle pourrait être remise en cause chaque année – peut-être pas dans l’immédiat, mais personne ne sait ce que l’avenir nous réserve. Tel est l’inconvénient d’avoir choisi des ressources qui, contrairement à la redevance, ne sont pas affectées.

M. Christian Paul. Ces amendements ont en effet une importance particulière, et c’est pourquoi, même si nous n’acceptons toujours pas les principes qui guident ce projet de loi, nous souhaitons qu’ils fassent l’objet d’une discussion complète.

Aujourd’hui, le service public de l’audiovisuel est sous-financé. Vous prétendez qu’il sortira renforcé de la réforme grâce à une véritable sécurité financière. Mais, tel qu’est rédigé le projet de loi, c’est le contraire qui se produira. Le seul moyen de garantir cette sécurité serait de prévoir une clause de sauvegarde.

Tel est l’objet de notre amendement, qui a deux objectifs : prévoir l’affectation complète des ressources et garantir une compensation à l’euro près. Si, par exemple, le rendement de la taxe sur la publicité diffusée par la télévision était insuffisant, le budget de l’État serait ainsi mis à contribution pour assurer l’intégralité de cette compensation.

M. Marcel Rogemont. Ces amendements s’inscrivent dans le droit fil de l’amendement précédent, qui réclamait un rapport sur l’évolution du marché publicitaire, les besoins de financement de France Télévisions et la compensation financière de l’État. L’exemple de la TACA est en effet éclairant : trop d’incertitudes pèsent sur le fonctionnement de l’audiovisuel public ; il est donc indispensable de prévoir une compensation intégrale.

M. le rapporteur. Sur le fond, nous sommes d’accord, même si j’ai un doute sur la recevabilité financière de ces trois amendements. En outre, tel qu’il est rédigé, l’amendement de M. Didier Mathus pourrait être interprété comme donnant une injonction à la loi de finances, ce qui serait contraire à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Il en est de même pour celui de M. Noël Mamère, dont la rédaction est de surcroît peu claire. L’amendement de M. Jean Dionis du Séjour est plus simple et ne pose donc pas les mêmes problèmes. Je suggère donc aux auteurs des deux premiers amendements de les retirer et de s’associer au troisième, sur lequel j’émets un avis favorable.

M. Patrick Bloche. Notre souci est de garantir un financement pérenne pour France Télévisions, dans un contexte d’incertitude qui a d’ailleurs conduit nos collègues de la majorité à prévoir la rédaction d’un rapport d’étape.

L’amendement de M. Dionis du Séjour fait référence à une compensation intégrale, mais encore faudrait-il savoir par rapport à quoi : sinon, la notion de compensation n’aurait guère de sens. L’amendement de Noël Mamère a l’avantage d’être plus précis.

M. Benoist Apparu. Je fais mienne l’inspiration de ces amendements, mais je me demande s’ils ne tomberont pas sous le coup de l’article 40 de la Constitution.

M. le Rapporteur. Je le crains en effet, comme je l’ai déjà indiqué.

M. Noël Mamère. L’amendement de M. Dionis du Séjour manque de précision. Nous avons besoin d’une référence claire, que seul mon amendement permet d’établir.

M. Jean Dionis du Séjour. La notion de compensation s’interprétera naturellement en fonction de l’avant-dernier alinéa de l’article : c’est la recette publicitaire supprimée qui sera prise en compte.

Par ailleurs, si l’amendement était irrecevable, nous pourrions essayer de trouver une formulation permettant d’inscrire au moins le principe dans la loi, en demandant par exemple qu’une compensation intégrale soit mise à l’étude chaque année.

Ce qui est certain, c’est que si le texte restait en l’état, sa crédibilité serait singulièrement affectée.

M. le président Jean-François Copé. Il est vrai que ces amendements s’exposent au couperet de l’article 40. Mais il s’agit de lancer un appel, et ce débat doit avoir lieu.

M. Benoist Apparu. Certes, mais si les amendements sont irrecevables, ils ne viendront pas en discussion dans l’hémicycle.

M. Christian Paul. Je suis heureux que la majorité accepte le débat, car la clause de sauvegarde ne fonctionnera pas. Je vous invite à adopter ces amendements, puis nous aurons le temps de chercher la solution idéale.

En tout cas, nous ne pourrons pas nous contenter de simples déclarations de bonnes intentions de la part du Gouvernement : il faut inscrire le principe de compensation dans la loi. Il y va de l’indépendance de l’audiovisuel public.

M. Patrice Martin-Lalande. Je vois une contradiction : si nous tombions sous le coup de l’article 40, ce serait parce que les dépenses augmentent. Dans ce cas, il ne s’agirait pas d’une compensation intégrale.

Pour ma part, je propose que M. Dionis du Séjour rectifie son amendement, afin de remplacer les mots « une compensation financière intégrale » par les mots « la compensation ». Nous serions alors sûrs que tout sera compensé.

La Commission rejette les amendements de M. Didier Mathus et de M. Noël Mamère.

Elle adopte l’amendement de M. Jean Dionis du Séjour ainsi rectifié.

Elle examine ensuite un amendement de M. Patrice Martin-Lalande tendant à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif à l’incidence financière de la suppression de la publicité avant le 30 juin 2009.

M. Patrice Martin-Lalande. Nous avons besoin d’une première évaluation dès le début de l’été, afin d’en disposer lors de l’examen de la loi de finances pour 2010.

M. le Rapporteur. L’échéance proposée me semble trop rapprochée. D’autre part, ce que vous demandez me semble bien réducteur : il faudra certes se pencher sur l’incidence financière de la réforme, mais aussi sur l’évolution des contenus, des marchés et des audiences.

Enfin, nous avons déjà demandé de nombreux rapports.

La Commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à ce qu’une commission d’experts indépendants évalue l’incidence de la suppression des recettes publicitaires.

M. le président Jean-François Copé. Il ne serait pas responsable de multiplier à l’infini les rapports et les commissions, d’autant qu’il y a tous les ans une discussion budgétaire.

M. Jean Dionis du Séjour. La matière est complexe !

La Commission rejette cet amendement.

Elle adopte ensuite l’article 18 ainsi modifié.

Chapitre V

De la redevance

Avant l’article 19

La Commission est saisie de deux amendements déposés par MM. Didier Mathus et Patrick Braouezec tendant à étendre la redevance aux postes de télévision des résidences secondaires.

M. Didier Mathus. Cela paraît d’autant plus normal que les ménages qui possèdent une résidence secondaire sont parmi les plus aisés.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette ces amendements.

Article 19

Indexation du montant de la redevance audiovisuelle
sur l’indice des prix à la consommation

Cet article propose de modifier le régime juridique de la redevance audiovisuelle, substantiellement s’agissant de son montant – en créant une règle dynamique d’indexation sur l’évolution annuelle de l’indice des prix à la consommation (alinéas 1 et 2) –, marginalement s’agissant de l’affectation de son produit – en introduisant des modifications d’essence rédactionnelle ou de cohérence (alinéas 3 à 5).

1. L’indexation du montant de la redevance sur l’évolution de l’inflation 

Le paragraphe I de cet article (alinéas 1 et 2) procède à l’instauration d’un principe d’indexation automatique du montant de la redevance sur l’indice des prix à la consommation.

Cette mesure de bon sens, qui correspond à une demande déjà ancienne des parlementaires, doit d’abord et avant tout être interprétée comme le signe de la confirmation et du maintien du financement du secteur public de l’audiovisuel par son canal le plus naturel et le plus légitime : celui de la redevance audiovisuelle.

Rappelons que la redevance, qui est une imposition de toute nature (92) mais n’est pas considérée comme un prélèvement obligatoire, a été créée par une loi du 31 mai 1933 (comme un droit d’usage sur les postes de radio (93)), étendue en 1949 aux récepteurs de télévision, incluse dans le champ de l’autorisation parlementaire en 1974 et profondément réformée, en 2004 (94), afin notamment d’en rationaliser le recouvrement, d’en optimiser les coûts de collecte et de réduire la fraude.

Sur le fondement d’une étude commandée à la Cour des comptes par la commission des finances de l’Assemblée nationale (95), il est désormais établi que cette réforme a été un succès.

Le bilan de la réforme de la redevance

(Extrait du rapport d’information de M. Patrice Martin-Lalande)

La redevance audiovisuelle a fait l’objet d’une réforme de grande ampleur dans la loi de finances initiale pour 2005. L’aspect le plus visible en a été un recouvrement désormais adossé à celui de la taxe d’habitation.

Depuis lors, certaines critiques ont été émises, s’exprimant notamment à travers des amendements récurrents lors des débats budgétaires successifs : montant trop, ou insuffisamment, élevé, régime d’exonérations inéquitable, collecte complexe et peu transparente, confusion avec les impôts locaux…

Afin de disposer d’un point de vue objectif sur cette réforme et en application des dispositions du 2° de l’article 58 de la LOLF, la commission des finances a donc demandé à la Cour des comptes, le 12 octobre 2006, de dresser le bilan de la réforme de la redevance audiovisuelle.

En réponse à cette demande, la Cour lui a adressé une communication de grande qualité, qui fait apparaître que la réforme de la redevance audiovisuelle :

– est un succès véritable en ce qui concerne tant la simplification et le coût de la collecte que la lutte contre la fraude et le service rendu à l’usager ;

– est un « demi-succès » en terme de restructuration des services ;  

– a globalement renforcé l’acceptabilité de la redevance ;

– est neutre sur le plan de la justice fiscale ;

– n’apporte pas de réponse du point de vue du rendement de la redevance et de son aptitude à financer durablement les sociétés de l’audiovisuel public, la légère croissance du produit de la redevance restant inférieure à celle des budgets de ces sociétés.

Pour autant, certaines faiblesses demeurent.

Le rapporteur général a ainsi eu récemment l’occasion de dire combien l’élargissement du champ des bénéficiaires du produit de la redevance, prévue par l’article 23 du projet de loi de finances pour 2009, semble problématique.

Ce projet de loi prévoit, en effet, d’élargir le champ des bénéficiaires au groupement d’intérêt public « France Télé Numérique », qui supervise le passage à la télévision « tout numérique ».

Ce GIP, créé par l’article 6 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, est chargé de mettre en œuvre les mesures d’accompagnement de l’extinction de la diffusion analogique : communication adaptée et commune pour informer les téléspectateurs des changements à venir, gestion du fonds d’aide destiné à contribuer à la continuité des services nationaux diffusés en analogique après l’extinction... Le GIP regroupe l’ensemble des éditeurs de chaînes nationales hertziennes analogiques, c’est-à-dire TF1, France Télévisions, Canal Plus, Arte et M6, et l’État.

Or, lors des débats sur le projet de loi de modernisation de la diffusion audiovisuelle, le rapporteur de la commission des affaires culturelles, M. Emmanuel Hamelin, avait fort justement indiqué, en réponse à une question de Mme Martine Billard, qu’il était « impensable de demander aux chaînes de financer les conséquences de la fin de leur diffusion en mode analogique. Cela reviendrait en quelque sorte à les faire payer pour leurs obsèques. Au contraire, étant donné qu’il s’agit d’une décision gouvernementale, c’est un financement public qui s’impose ».

De même, le rapporteur spécial des médias, M. Patrice Martin-Lalande soulignait que « la justification de la redevance, sous sa forme actuelle ou sous une autre modernisée, réside, puisqu’il s’agit d’une recette affectée, dans l’objet même de ce qu’elle contribue à financer : le service public de l’audiovisuel » (96).

Le rapporteur souhaite donc réaffirmer l’objet unique de la redevance : financer la télévision et la radio publiques.

Si l’on peut comprendre que de lourdes contraintes budgétaires pèsent sur l’État et si l’on sait que les opérations de communication relatives à l’extinction de l’analogique sont très coûteuses, cette dilution de l’objet de la redevance n’est pas acceptable, alors même que l’on tente de clarifier les modalités de financement de l’audiovisuel public.

Par contre, avec le présent article, une réponse est enfin apportée à la critique récurrente portant sur l’aptitude de la redevance à financer les organismes de l’audiovisuel public dans la durée.

En effet, le montant de la redevance audiovisuelle est gelé depuis 2001. 

Lors de la réforme de 2004, il a été décidé que le taux de la redevance ne devait pas augmenter à l’occasion de l’adossement du recouvrement à celui de la taxe d’habitation. Ainsi, si ce taux a augmenté de 36 % de 1990 à 2002 (soit une moyenne annuelle de 2,9 %), il n’a pas été relevé depuis lors. L’adossement à la taxe d’habitation a même conduit à un ajustement technique, à la baisse, de cinquante centimes.

Entre 1999 et 2007, soit sur une période de huit années, le taux a augmenté de 2,27 %, soit 0,28 % par an en moyenne. Le tableau ci-après retrace l’évolution de la redevance métropolitaine sur une vingtaine d’années.

Évolution du taux de la redevance

 

Télévision noir et blanc

Télévision couleur

 

Montant
(en euros)

Évolution
(en %)

Montant
(en euros)

Évolution
(en %)

1990

54,12

+ 3,49

84,15

+ 3,56

1991

55,49

+ 2,5

86,29

+ 2,5

1992

56,86

+ 2,5

88,42

+ 2,5

1993

59,46

+ 4,5

92,38

+ 4,5

1994

61,74

+ 4

96,20

+ 4

1995

65,55

+ 6,2

102,14

+ 6,2

1996

68,45

+ 4,5

106,71

+ 4,5

1997

68,45

0

106,71

0

1998

71,80

+ 5

112,05

+ 5

1999

72,41

+ 1,2

113,42

+ 1,2

2000

73,02

+ 0,9

114,49

+ 0,9

2001

73,02

0

114,49

0

2002

74,31

+ 1,8

116,50

+ 1,8

2003

74,31

0

116,50

0

2004

116,50

0

116,50

0

2005

116

0

116

0

2006

116

0

116

0

2007

116

0

116

0

2008

116

0

116

0

Source : Cour des comptes

Même si les comparaisons de périmètre entre pays s’avèrent très délicates, il est intéressant de constater que le taux de la redevance française s’est maintenu à un niveau à peine supérieur à la moitié de celui de plusieurs pays européens, dont l’Allemagne et la Grande-Bretagne.

On constate que ces deux pays ont, non seulement, un taux de redevance plus élevé, mais consacrent également davantage de ressources publiques (ramenées à un montant par habitant) au secteur de l’audiovisuel public que la France.

De même, et quoiqu’elle n’ait plus de redevance audiovisuelle depuis 1965, l’Espagne consacre un montant significatif de ressources publiques au secteur de l’audiovisuel public.

Financement de l’audiovisuel public dans cinq pays d’Europe

Montant annuel de la redevance

(en euros
en 2006)

Ressources publiques totales affectées à l’audiovisuel public
(en millions d’euros en 2006)

Ressources publiques affectées aux organismes audiovisuels par habitant

(en euros)

Part d’audience du secteur audiovisuel public
(en % en 2005)

France

116,00

2 736

44,93

39 %

Allemagne

204,36

7 120

86,35

44 %

Royaume-Uni

196,25

4 773

79,08

42 %

Italie

99,60

1 482

25,22

44 %

Espagne

2 825

64,04

38 %

Source : Direction du développement des médias

Évolution de la redevance dans quatre pays d’Europe

 

Montant annuel de la redevance en 2007
(en euros)

Progression de la redevance 2003–2007 (en %)

France

116,0

+ 0 %

Allemagne

204,4

+ 1,3 %

Royaume-Uni

201,2

+ 3,7 %

Italie

104,00

+ 1,8 %

Source : Ministère chargé du budget

Les comparaisons font apparaître davantage de différences encore si l’on s’attache au seul montant unitaire de la redevance.

Montant de la redevance audiovisuelle en Europe en 2006

Islande

363,30 €

Autriche

324,85 €

Suisse

290,00 €

Norvège

246,00 €

Suède

210,00 €

Allemagne

204,36 €

Finlande

200,70 €

Royaume-Uni

195,60 €

Belgique wallonne

149,60 €

Irlande

155,00 €

Slovénie

132,00 €

France

116,00 €

Italie

99,60 €

Source : Observatoire européen de l’audiovisuel

Le paragraphe I de cet article (alinéas 1 et 2) apporte ainsi une réponse à cette faille dans le régime de la redevance, en instaurant, au sein de l’article 1605 du code général des impôts (CGI), un principe d’indexation automatique et annuelle de son montant sur l’indice des prix à la consommation hors tabac.

En effet, la rédaction actuelle du III de l’article 1605 du CGI – qui fixe le montant unitaire de la redevance audiovisuelle à 116 euros pour la France métropolitaine et 74 euros pour les départements d’outre-mer – ne prévoit aucun dispositif d’indexation, condamnant cette imposition à conserver le même montant – sauf intervention formelle du législateur (97).

Sur le modèle retenu en matière d’impôts directs (98), le paragraphe I prévoit que le produit de cette indexation est arrondi « à l’euro le plus proche », étant précisé que « la fraction d’euros égale à 0,50 est comptée pour 1 ». Ne sera ainsi pas reproduite la décision prise, lors de la réforme de 2004, de diminuer de 50 centimes d’euros le montant de la redevance, portée à 116 et non à 117 euros.

L’indexation est prévue par référence à « l’indice des prix à la consommation hors tabac tel qu’il est prévu dans le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances pour l’année considérée ». Cet indice, traditionnellement retenu pour les indexations (99), permet de mesurer une inflation non affectée par les choix publics en matière de réglementation des prix du tabac.

Rappelons que l’indice des prix à la consommation est l’instrument de mesure, entre deux périodes données, de la variation du niveau général des prix sur le territoire français. En d’autres termes, il s’agit des prix des biens et des services proposés aux consommateurs sur l’ensemble du territoire. L’INSEE suit les prix affichés toutes taxes comprises : cela comprend les soldes et les promotions, mais exclut les réductions privées (cartes de fidélité) et les remises en caisse. Une faible part, moins de 5 %, des biens et services ne sont pas couverts par l’indice : il s’agit principalement des services hospitaliers privés, de l’assurance-vie et des jeux de hasard (100).

Concrètement, la direction générale des finances publiques effectuera, dès 2009 et chaque année, un calcul d’indexation : les valeurs figurant dans le code général des impôts seront alors modifiées par instruction et décret de codification.

Précisons, enfin et à toutes fins utiles, que si le montant de la redevance avait, depuis 2001, évolué dans la même proportion que l’inflation, les Français de métropole acquitteraient aujourd’hui un impôt d’environ 129 euros et son montant pour 2009 aurait été porté à 131 euros.

Projection de l’impact théorique
d’une indexation de la redevance sur l’inflation

Année

Évolution moyenne annuelle des prix hors tabac (1)
(en %)

Montant de la redevance après indexation
(en euros)

2001

114,49

2002

1,70 %

116,44

2003

1,50 %

118,18

2004

1,50 %

119,96

2005

1,80 %

122,11

2006

1,80 %

124,31

2007

1,80 %

126,55

2008

1,60 %

128,58

2009

2,00 %

131,15

(1) : Telle que retenue dans le projet de loi de finances correspondant à chacune des années budgétaires mentionnées

Source : Ministère chargé du budget

Ce nouveau principe d’indexation de la redevance sur l’inflation est, sans nul doute, à même de rendre dynamique une ressource aussi légitime qu’adaptée au financement pérenne des entreprises audiovisuelles.

En prenant comme référence les encaissements nets prévisionnels inscrits au projet de loi de finances pour 2009, évalués à 2 510 millions d’euros, une évolution d’indexation de la redevance de 2 %, telle qu’appréciée en moyenne annuelle par le rapport économique, social et financier, permet de dégager près de 50 millions d’euros de ressources nettes supplémentaires pour le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel.

Cette indexation conduirait à un taux de redevance de 118 euros pour la métropole et 75 euros pour les départements d’outre-mer en 2009.

Le projet de loi contribue ainsi, par ce biais comme par celui de la subvention apportée, à compter de 2009, par le budget général de l’État (101), à offrir des garanties durables quant au financement, sans ressources publicitaires, du service public : comme le reconnaît le président du CSA, « c’est un point important pour soutenir sa transformation en média global et pour lui permettre d’entrer de plain-pied dans l’âge du numérique ».

2. Des modifications d’ordre rédactionnel

D’une part, le paragraphe II de cet article (alinéa 3) procède à une modification rédactionnelle tendant à actualiser (102) et à simplifier (103) la référence faite, au III de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986, aux organismes affectataires du produit de la redevance audiovisuelle.

D’autre part, le paragraphe III (alinéas 4 et 5) procède à une réécriture du IV de l’article 53 de la loi de 1986. La disposition faisant référence aux sociétés France 2, France 3, France 5 et RFO est supprimée, par coordination avec les dispositions du présent projet de loi, et remplacée par une référence aux « filiales chargées de missions de service public ».

Cette modification, qui concerne toutes les sociétés mentionnées à l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986, est nécessaire pour que les sociétés nationales de programme puissent réaffecter à leurs filiales chargées de missions de service public des ressources issues de la redevance. France Télévisions continuera donc de reverser à ses différentes chaînes, filiales chargées de missions de service public, une part du produit de la redevance qui lui est affecté. De même, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France pourra redistribuer une partie des ressources de la redevance à ses filiales chargées d’une mission de service public, à savoir RFI et France 24.

*

La Commission est saisie d’un amendement de M. Noël Mamère visant à augmenter progressivement le montant de la redevance en fonction de la moyenne européenne.

M. Noël Mamère. Cela nous permettrait d’atteindre en 2014 les niveaux pratiqués par la Grande-Bretagne ou l’Allemagne et de financer correctement le service public de l’audiovisuel.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette cet amendement.

Elle est saisie ensuite d’un amendement de Mme Marland-Militello visant à arrondir le montant de la redevance à l’euro supérieur.

Après avis favorable du rapporteur, la Commission adopte cet amendement.

Puis elle est saisie d’un amendement de Mme Françoise de Panafieu tendant à généraliser le paiement de la redevance par mensualisation.

M. le Rapporteur. Cet amendement n’a pas sa place dans le présent texte, mais plutôt dans le projet de loi de finances rectificative. Avis défavorable.

Mme Françoise de Panafieu. Je le retire et le redéposerai dans le cadre du collectif.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 19 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 19

Assujettissement à la redevance des personnes physiques
ayant contracté un abonnement avec un fournisseur d’accès à Internet

La Commission est saisie d’un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à assujettir à la redevance les personnes physiques qui ont contracté un abonnement avec un fournisseur d’accès à Internet.

M. Jean Dionis du Séjour. L’extension de la redevance aux personnes qui regardent la télévision sur leur ordinateur par exemple a été largement débattue, et approuvée, par la Commission Copé. Elle permettrait d’augmenter les recettes, mais surtout de créer une dynamique car de plus en plus de gens sont appelés à accéder aux programmes par un autre biais que l’écran plat.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est l’égalité de traitement entre téléspectateurs qui est en jeu. Il va de soi qu’un foyer disposant d’une télévision et d’un ou plusieurs ordinateurs n’acquittera la redevance qu’une fois.

M. le président Jean-François Copé. La Commission pour la nouvelle télévision publique était effectivement très favorable à cette proposition, mais des problèmes de rédaction se posent.

Il n’est pas question de faire acquitter la redevance à des gens qui possèdent un vieil ordinateur incapable d’accéder aux programmes de télévision.

M. Patrice Martin-Lalande. La loi ne doit viser que les ordinateurs capables de recevoir la télévision.

M. le président Jean-François Copé. Dans ce cas, une instruction fiscale pourrait suffire ! En tout cas, il faudra affiner la rédaction de cet amendement avant la séance.

La Commission adopte cet amendement.

Après l’article 19

Elle est saisie ensuite d’un amendement de M. Noël Mamère précisant que les exonérations de la redevance sont compensées par l’État.

M. Patrice Martin-Lalande. Cela figure dans la loi depuis 2000 ! Le fait est que cette compensation n’est pas intégrale, malgré nos demandes répétées, mais l’essentiel est que la télévision publique reçoive de l’État tout ce à quoi il s’est engagé dans le contrat d’objectifs et de moyens. L’amendement est inutile.

M. Didier Mathus. Cette disposition avait été introduite par amendement parlementaire après un bras de fer avec le gouvernement de l’époque. Mais elle n’a jamais été appliquée, sauf la première année, puisque la compensation n’a jamais été intégrale !

M. le président Jean-François Copé. C’est pour cette raison qu’il faut que cette loi soit évaluée et que nous allons modifier le Règlement de l’Assemblée nationale pour créer un comité d’évaluation et de contrôle.

M. Noël Mamère. C’est aussi pour cette raison qu’il faut voter cet amendement.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette cet amendement.

TITRE II

INSTITUTION DE TAXES SUR LE CHIFFRE D’AFFAIRES DES OPÉRATEURS DU SECTEUR AUDIOVISUEL ET DE COMMUNICATION ÉLECTRONIQUES

Article 20

Institution d’une taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision

Cet article vise à instituer, au profit du budget général de l’État, une taxe nouvelle sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision.

1. L’économie actuelle du dispositif de taxation de la publicité télévisée

La nouvelle taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision suivant le même schéma que la taxe sur les services de télévision prévue aux articles 302 bis KB et 302 bis KC du code général des impôts (CGI), il n’est pas inutile de rappeler l’économie actuelle du dispositif de taxation de la publicité télévisée.

Il existe dans le code général des impôts (CGI) différentes taxes sur la publicité télévisée, outre la « taxe INPES (104) » (article 1609 octovicies du CGI), qui ne s’applique qu’aux messages publicitaires relatifs aux produits alimentaires lorsque ces messages ne comportent pas les avertissements sanitaires requis.

Au total, la pression fiscale sur les recettes de publicité télévisée est estimée à 6,28 %.

a) La taxe sur la publicité télévisée (article 302 bis KA du CGI)

Cette taxe est acquittée par les personnes qui assurent la régie des messages de publicité télévisée reçus en France. Elle est perçue sous la forme d’un tarif par message :

– 3,80 euros par message dont le prix est supérieur à 150 euros et au plus égal à 1 520 euros ;

– 20,60 euros par message dont le prix est supérieur à 1 520 euros et au plus égal à 9 150 euros ;

– 34,30 euros par message dont le prix est supérieur à 9 150 euros.

Le produit de cette taxe, affecté au budget général de l’État, a été en 2007 de 12 millions d’euros.

b) La taxe sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision (article 302 bis KD du CGI)

Elle est acquittée par les personnes qui assurent la régie des messages publicitaires et est assise sur les sommes, hors commission d’agence et hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA), payées par les annonceurs aux régies pour l’émission et la diffusion de leurs messages publicitaires à partir du territoire français.

Elle est déclarée et liquidée, comme en matière de TVA, sur l’annexe à la déclaration de TVA, déposée soit trimestriellement soit annuellement, et elle est acquittée lors du dépôt de ces déclarations.

Le tarif d’imposition est déterminé par palier de recettes trimestrielles perçues par les régies (à hauteur d’un peu moins de 1 %). Pour la publicité télévisée, le barème de la taxe est celui figurant dans le tableau suivant.

Recettes trimestrielles

(en euros)

Montant de la taxe

(en euros)

de 457 001 à 915 000

3 000

de 915 001 à 2 287 000

7 000

de 2 287 001 à 4 573 000

18 000

de 4 573 001 à 9 147 000

41 000

de 9 147 001 à 18 294 000

92 500

de 18 294 001 à 27 441 000

183 000

de 27 441 001 à 36 588 000

285 000

de 36 588 001 à 45 735 000

368 000

de 75 735 001 à 54 882 000

455 000

de 54 882 001 à 64 029 000

545 500

de 64 029 001 à 73 176 000

629 500

de 73 176 001 à 82 322 000

717 500

de 82 322 001 à 91 469 000

806 000

de 91 469 001 à 100 616 000

894 500

de 100 616 001 à 109 763 000

982 500

de 109 763 001 à 118 910 000

1 071 000

de 118 910 001 à 128 057 000

1 159 000

de 128 057 001 à 137 204 000

1 330 000

de 137 204 001 à 148 351 000

1 420 000

de 148 351 001 à 161 498 000

1 510 000

de 161 498 001 à 176 645 000

1 600 000

de 176 645 001 à 193 345 000

1 690 000

de 193 345 001 à 221 939 000

1 780 000

de 221 939 001 à 242 086 000

1 870 000

au-dessus de 242 086 000

1 960 000

Source : Direction générale des finances publiques

Le produit de cette taxe (radio et télévision), affecté au fonds de soutien à l’expression radiophonique, a été de 26 millions d’euros en 2007.

c) La taxe sur les services de télévision (articles 302 bis KB et 302 bis KC du CGI)

Portant à la fois sur les éditeurs de services de télévision (les chaînes) comme sur les distributeurs de services de télévision (les opérateurs de téléphonie mobile et les fournisseurs d’accès Internet), cette taxe a vu son dispositif être profondément remanié, à compter du 1er janvier 2008, par la loi n° 2007-09 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.

Pour les éditeurs, la taxe sur les services de télévision est assise sur le montant, hors TVA :

– des sommes versées par les annonceurs et les parrains, pour la diffusion de leurs messages publicitaires et de parrainage, à ces éditeurs ou aux régisseurs de messages publicitaires et de parrainage ;

– du produit de la redevance pour droit d’usage des appareils de télévision encaissé par les redevables ;

– des sommes versées directement ou indirectement par les opérateurs de communications électroniques aux redevables, à raison des appels téléphoniques à revenus partagés, des connexions à des services télématiques et des envois de minimessages liés à la diffusion de leurs programmes.

Elle est calculée annuellement en appliquant à la part des versements et encaissements annuels, hors TVA, qui excède 11 millions d’euros, le taux de 5,5 %. Le produit de cette taxe, affectée au centre national de la cinématographie, a été de 367,5 millions d’euros en 2007.

2. La création d’une nouvelle taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision

a) Régime juridique et redevables de la taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire (nouvel article 302 bis KG du CGI)

Le I du présent article (alinéas 1 à 9) vise à créer, au sein du titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts et à la suite des taxes existantes, un chapitre VII septies consacré à la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision.

L’alinéa 4 définit le régime de la nouvelle taxe, applicable à compter du 1er janvier 2009 (105), non affectée et donc reversée au budget général de l’État, et la nature de ses redevables : « tout éditeur de services de télévision au sens de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, établi en France ».

Cette taxe serait due donc par les éditeurs de services de télévision établis en France, c’est-à-dire deux qui ont en France le siège de leur activité ou un établissement stable à partir duquel le service qu’il propose est rendu. En pratique, les chaînes qui devraient acquitter la taxe en 2009 seraient principalement TF1, M6, Canal Plus et France Télévisions, ainsi qu’une dizaine de chaînes de la TNT environ.

Autrement dit, les redevables de la nouvelle taxe seront les entreprises publiques ou privées établies en France qui programment des émissions de télévision nationales, régionales ou locales, quel que soit le mode de diffusion de ces émissions.

b) Assiette, exigibilité et calcul de la taxe

 Le II du I du présent article (alinéa 5) détermine l’assiette de la nouvelle taxe, assiette constituée par le montant, hors TVA, des sommes versées par les annonceurs, pour la diffusion de leurs messages publicitaires, à ces éditeurs ou aux régisseurs de messages publicitaires.

Cette assiette se justifie à la fois par la suppression de la seule publicité sur France Télévisions – les recettes de parrainage devraient être maintenues – et par le report d’une partie des recettes publicitaires de France Télévisions vers les chaînes privées. Comme pour la taxe sur les services de télévision (article 302 bis KB du CGI), ces sommes feraient l’objet d’un abattement forfaitaire de 4 %.

Cette définition d’assiette signifie que les recettes publicitaires des sites Internet des chaînes de télévision ne seraient pas taxées, ces sites étant gérés en pratique par des personnes morales juridiquement distinctes des éditeurs de services de télévision et qui ne sont pas elles-mêmes des éditeurs de service de télévision au sens de l’article 2 de la loi du 30 septembre 1986.

 Le III du I du présent article (alinéa 6) précise que l’exigibilité de la taxe est constituée par le versement effectif, par les annonceurs, des sommes encaissées par les éditeurs de services de télévision ou les régisseurs de messages publicitaires.

 Le IV du I du présent article (alinéa 7) définit le taux et le seuil de taxation applicable à la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision. Les modalités de calcul retenues sont les suivantes : « la taxe est calculée en appliquant un taux de 3 % à la fraction du montant des versements annuels, hors taxe sur la valeur ajoutée, afférent à chaque service de télévision, qui excède 11 millions d’euros »

Afin de ne pas taxer les chaînes de télévision émergentes ou ayant un chiffre d’affaires relativement faible (à l’exemple des nouvelles chaînes de la TNT), il est prévu, comme en matière de taxe sur les services de télévision (article 302 bis KC du CGI), un abattement de 11 millions d’euros sur les sommes taxables. Cet abattement profiterait à toutes les chaînes de télévision.

Précisons également que, la rédaction de cet alinéa faisant référence des montants afférents « à chaque service de télévision », l’assiette de la taxe sera déterminée service de télévision par service de télévision. Ainsi, une entreprise qui édite plusieurs services de télévision devra ventiler les sommes taxables entre ces différents services et appliquer à l’assiette ainsi déterminée par service taxable le taux de 3 % pour déterminer le montant de taxe dû.

c) Hypothèses de rendement de la taxe

D’après les informations recueillies par le rapporteur, le taux de 3 %, appliqué aux assiettes taxables, correspond à un produit de l’ordre de 94 millions d’euros en 2009.

La question de l’impact sur les chaînes privées de la mise en œuvre de la suppression de la publicité sur les antennes de France Télévisions doit évidemment s’apprécier en fonction d’un nombre important d’hypothèses, qui dépendent notamment des évolutions de l’environnement de marché et du comportement des acteurs industriels. Une partie de ces évolutions est délicate à apprécier, l’année 2009 étant nécessairement marquée par le ralentissement général de la conjoncture économique.

Pour autant, les calculs transmis au rapporteur par les services du ministère chargé du budget, conformément aux données retracées dans les tableaux ci-après, permettent de rendre compte du gain net de chiffre d’affaires pour l’ensemble des acteurs privés de l’audiovisuel, en fonction :

– du taux de captation par les chaînes privées de la perte publicitaire subie par France Télévisions (liée à la suppression de la publicité après 20 heures) et estimée à 450 millions d’euros en 2009. Le tableau ci-après (variation en colonnes) permet d’apprécier les effets d’un taux de captation entre 100 % et 0 % ;

– de l’évolution de l’environnement économique, indépendante de la suppression de la publicité, traduite par une hypothèse de croissance du chiffre d’affaires publicitaire des chaînes privées en 2009. Le tableau ci-après (variation en lignes) permet d’apprécier les effets d’une croissance du chiffre d’affaires de + 3 % à – 20 % ;

– de la mise en œuvre de la nouvelle taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire des chaînes privées au taux de 3 %. Les effets d’abattement sur la taxe ne sont pas pris en compte, étant entendu que leur prise en compte viendrait améliorer le gain net de chiffre d’affaires pour les chaînes privées.

En conjuguant les hypothèses de taux de captation et de décroissance du marché pour les chaînes privées, le gain net de chiffre d’affaires (c’est-à-dire y compris l’effet de la nouvelle taxe) s’apprécie selon la formule suivante :

Gain net = CA2009 - CA2008 , avec :

1) CA2009 = CA2008 x Croissance du marché + Report publicitaire FTV – Taxe

2) Report publicitaire France Télévisions = 450 millions d’euros x Taux de captation

3) CA2008 = 2 858 millions d’euros (selon les chiffrages communiqués par le BIPE).

Gain net prévisionnel de chiffre d’affaires pour les chaînes privées en 2009

Taux de captation des chaînes privées de la perte FTV

 

100 %

90 %

80 %

70 %

60 %

50 %

40 %

30 %

20 %

10 %

0 %

3 %

434

390

347

303

259

216

172

128

85

41

-3


2 %

406

363

319

275

232

188

144

101

57

13

-30

1 %

378

335

291

248

204

160

117

73

29

-14

-58

0 %

351

307

263

220

176

133

89

45

2

-42

-86

-1 %

323

279

236

192

148

105

61

17

-26

-70

-113

-2 %

295

252

208

164

121

77

33

-10

-54

-98

-141

-3 %

268

224

180

137

93

49

6

-38

-82

-125

-169

-4 %

240

196

153

109

65

22

-22

-66

-109

-153

-197

-5 %

212

168

125

81

38

-6

-50

-93

-137

-181

-224

-6 %

184

141

97

53

10

-34

-77

-121

-165

-208

-252

-7 %

157

113

69

26

-18

-62

-105

-149

-192

-236

-280

-8 %

129

85

42

-2

-46

-89

-133

-177

-220

-264

-308

-9 %

101

58

14

-30

-73

-117

-161

-204

-248

-292

-355

-10 %

74

30

-14

-57

-101

-145

-188

-232

-276

-319

-363

-11 %

46

2

-41

-85

-129

-172

-216

-260

-303

-347

-391

-12 %

18

-26

-69

-113

-157

-200

-244

-287

-331

-375

-418

-13  %

-10

-53

-97

-141

-184

-228

-272

-315

-359

-402

-446

-14  %

-37

-81

-125

-168

-212

-256

-299

-343

-387

-430

-474

-15  %

-65

-109

-152

-196

-240

-283

-327

-371

-414

-458

-502

-16  %

-93

-136

-180

-224

-267

-311

-355

-398

-442

-486

-529

-17  %

-121

-164

-208

-251

-295

-339

-382

-426

-470

-513

-557

-18  %

-148

-192

-236

-279

-323

-366

-410

-454

-497

-541

-585

-19  %

-176

-220

-263

-307

-351

-394

-438

-482

-525

-569

-612

-20  %

-204

-247

-291

-335

-378

-422

-466

-509

-553

-597

-640

Source : Ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique

Hypothèses retenues dans le tableau précédent

 

Hypothèse de chiffre d’affaires des chaînes privées en 2008

(hypothèse BIPE en millions d’euros)

2 858

Niveau de perte de recettes publicitaires pour France Télévisions

(en millions d’euros)

450

Taux de la nouvelle taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire

3 %

Source : Ministère du Budget, des comptes publics et de la fonction publique

Les résultats du tableau tendent à montrer que :

– l’hypothèse la plus plausible est celle correspondant à la zone encadrée dans le tableau précédent, c’est-à-dire à des hypothèses de taux de captation de 60 % à 70 % et de décroissance du marché de – 3 % à – 5 % : le gain net (c’est-à-dire y compris l’effet de la nouvelle taxation) dans cette zone d’hypothèses resterait bien positif pour les chaînes privées (compris entre 38 et 137 millions d’euros) ;

– à environnement économique stable (c’est-à-dire en observant la ligne du tableau précédent correspondant à une croissance du marché de 0 %, laquelle reflète le seul effet, isolé de la conjoncture, d’une réduction de la publicité sur les chaînes de France Télévisions), tout taux de captation par les chaînes privées des anciennes recettes publicitaires de France Télévisions supérieur à 20 % permet d’assurer à ces chaînes un gain net positif (compris entre 2 millions d’euros au minimum et 351 millions d’euros au maximum) ;

– il faudrait une très forte dégradation du marché publicitaire et un taux de captation inférieur à 50 % pour qu’il n’y ait pas de gain net pour les chaînes privées.

d) Régime spécial de recouvrement

Les V et VI du I du présent article (alinéas 8 et 9) déterminent les principes généraux de liquidation et de recouvrement de la taxe due au titre de l’année civile précédente. La liquidation intervient lors du dépôt de la déclaration de TVA du mois de mars ou du premier trimestre de l’année civile (106).

Il est d’ailleurs précisé que :

– la nouvelle taxe est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la TVA ;

– les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à la TVA.

Traduisant ces principes généraux, le II du présent article (alinéas 10 à 14) vise à créer, au sein de la section II du chapitre Ier du livre II du code général des impôts, un II quinquies consacré au régime spécial des redevables de la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision (alinéa 11) et un article 1693 quinquies déterminant les principes de ce régime spécial (alinéas 12 à 14).

Pour le recouvrement de cette taxe, le modèle suivi est celui prévu, pour la taxe sur les services de télévision, à l’article 1693 quater du code général des impôts : les redevables de la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision acquitteront donc cette taxe par acomptes mensuels ou trimestriels au moins égaux, respectivement, au douzième ou au quart du montant de la taxe due au titre de l’année civile précédente (alinéa 12). Le complément de taxe exigible au vu de la déclaration de TVA mentionnée au V du I (alinéa 8) sera versé lors du dépôt de celle-ci (alinéa 13).

Le nouvel article 1693 quinquies du CGI précise également que les redevables qui estiment que les acomptes déjà payés au titre de l’année atteignent le montant de la taxe dont ils seront en définitive redevables peuvent surseoir aux paiements des acomptes suivants (alinéa 14(107).

Cette taxe serait donc perçue selon les mêmes modalités que la taxe sur les services de télévision (article 302 bis KB du CGI) : les redevables acquitteraient des acomptes dont la fréquence serait liée à la périodicité du dépôt de leur déclaration de TVA, sur la base du montant des encaissements constatés lors de l’année civile précédente. Ils procéderaient à la régularisation de la taxe due au titre d’une année civile considérée lors du dépôt de leur déclaration de TVA du mois de mars ou du premier trimestre de l’année civile suivante.

Quant aux entreprises qui éditent plusieurs services de télévision, elles liquideraient les acomptes et le solde de la taxe service par service, mais porteraient sur une seule déclaration les sommes dues à raison de l’ensemble de leurs services.

*

La Commission est saisie d’un amendement de suppression de l’article présenté par M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Non seulement le moment semble bien mal choisi pour instituer deux nouvelles taxes mais telles qu’elles sont imaginées, elles posent des problèmes de fond. D’abord, n’étant pas affectées, elles n’offrent aucune sécurité à l’audiovisuel public. Ensuite, puisqu’elles ciblent des secteurs économiques particuliers, elles risquent d’être déclarées anticonstitutionnelles pour des raisons d’égalité par rapport à l’impôt – d’autant plus qu’elles sont assises sur le chiffre d’affaires, qui n’a jamais été assimilé à la capacité contributive.

Ces taxes soulèvent aussi des questions de légitimité : l’audiovisuel public va être financé par la concurrence. Dans le contexte actuel, croyez-vous que les chaînes privées vont se tuer à décrocher des contrats publicitaires pour en reverser le produit aux chaînes publiques ? Je suis sûr qu’elles trouveront un moyen de contourner la difficulté. En outre, l’une des taxes porte sur les opérateurs de télécommunications au prétexte qu’ils proposent de l’audiovisuel mais, en fait, leur activité tourne autour du téléphone fixe, des services voix ou des SMS : leur offre de télévision est tout à fait marginale.

Enfin, dans le contexte actuel, ces taxes sont antiéconomiques. Elles conduiront les opérateurs soit à diminuer leurs investissements, soit à répercuter la taxe dans leurs prix.

M. le rapporteur. Je suis bien entendu défavorable à cet amendement qui remet entièrement en cause le dispositif de financement prévu. Sur le fond, nous nous exprimerons largement en séance publique.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est ensuite saisie de deux amendements, pouvant être soumis à discussion commune, tendant à exonérer les chaînes de télévision publiques de la taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire. Ils sont présentés respectivement par MM. Didier Mathus et Noël Mamère.

M. Didier Mathus. Il semble paradoxal de vouloir appliquer à France Télévisions une taxe visant à compenser la perte de ses ressources !

M. Noël Mamère. C’est aberrant ! Soit il s’agit d’une erreur, soit c’est volontaire, et alors ce serait beaucoup plus grave…

M. le rapporteur. Avis défavorable : si on adoptait vos amendements, il y aurait bien une rupture d’égalité.

M. le président Jean-François Copé. Il appartiendra au Gouvernement de veiller à ce que la perte de recettes soit intégralement compensée.

La Commission rejette successivement les deux amendements.

Après avis défavorable du rapporteur, elle rejette également un amendement de M. Jean Dionis du Séjour visant à différer l’application de cette taxe jusqu’à l’arrêt complet de la diffusion analogique.

Elle examine ensuite un amendement de M. Jean Dionis du Séjour instituant une série de déductions dans l’assiette de la nouvelle taxe.

M. Jean Dionis du Séjour. Selon nous, instituer une taxe sur le chiffre d’affaires est inconstitutionnel. Notre amendement propose, au-delà de l’abattement forfaitaire de 4 %, de retirer de l’assiette de la nouvelle taxe les dépenses liées à l’analogique et au COSIP, le compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Mieux vaut modifier le champ de la taxe que son assiette – ce que je proposerai dans un prochain amendement.

La Commission rejette cet amendement.

Elle est ensuite saisie de trois amendements identiques de Mme Muriel Marland-Militello, M. Didier Mathus et M. Noël Mamère visant à supprimer l’abattement forfaitaire de 4 %.

Mme Muriel Marland-Militello. Il faut supprimer cet abattement si l’on veut garantir un financement correct de la télévision publique et, surtout, clarifier le dispositif.

M. le rapporteur. Avis défavorable : l’abattement est légitime car il prend en compte une partie des frais généraux de régie publicitaire.

M. Didier Mathus. Nous recevons tous des argumentaires de TF1, qui attirent notre attention sur le fait que cet abattement est trop faible. C’est une manière d’échapper à la taxe !

M. le rapporteur. Cet abattement a été calqué sur le modèle de la taxe COSIP.

La Commission rejette les trois amendements.

Elle examine ensuite un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à supprimer l’exonération de taxe pour les sociétés dont le chiffre d’affaires est inférieur à 11 millions d’euros.

M. Jean Dionis du Séjour. Ce seuil a été retenu pour que les chaînes de la TNT échappent à la taxation. Or elles gagnent des parts croissantes du marché publicitaire – de même que les grands portails Internet, absents de ce projet de loi. Il peut paraître étrange d’exonérer les principaux bénéficiaires du report des ressources publicitaires !

M. le président Jean-François Copé. Vous ne pouvez pas à la fois demander la suppression de la taxe et vouloir que les nouvelles chaînes y soient soumises ! C’est incohérent ! Les chaînes de la TNT s’acquitteront de la taxe quand elles atteindront le seuil des 11 millions !

M. Jean Dionis du Séjour. Je suis opposé au principe de cette taxe. Mais dès lors que vous l’adoptez, je me place dans ce cadre ; je ne vois pas où est l’incohérence. Or, il est curieux de vouloir exonérer de la nouvelle taxe les chaînes de la TNT, alors qu’elles seront les premières bénéficiaires de la croissance du marché publicitaire.

M. Benoist Apparu. Elles seront taxées dès qu’elles franchiront le seuil des 11 millions ! C’est un faux problème !

M. Didier Mathus. Deux chaînes, bien connues, passeront la barre cette année… Par ailleurs, contrairement à ce qu’écrit M. Dionis du Séjour dans son exposé des motifs, le développement des chaînes de la TNT n’était pas inespéré, bien au contraire !

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement de M. Jean Dionis du Séjour.

Puis elle rejette celui de M. Noël Mamère tendant à abaisser le seuil d’exonération de 11 à 5 millions d’euros.

Elle examine ensuite un amendement du rapporteur visant à adapter la nouvelle taxe aux évolutions conjoncturelles en créant une assiette plafond et un taux plancher.

M. le rapporteur. Cet amendement associe plusieurs dispositifs : il plafonne la taxe à 50 % de l’accroissement annuel du chiffre d’affaires d’une chaîne, afin de prendre en compte les évolutions de la conjoncture économique ; il fixe un taux plancher à 1,5 %, ce qui garantit une recette minimale pour l’État ; enfin, il fait de 2008 l’année de référence pour le calcul du montant de la taxe exigible au titre des années 2009, 2010 et 2011. L’année 2008 ayant été particulièrement difficile en termes de chiffre d’affaires publicitaire, l’accroissement de l’assiette dans les trois prochaines années ne pourra être que favorable à son rendement.

M. Didier Mathus. C’est une disposition déloyale ! Le Gouvernement et la majorité se sont engagés publiquement sur une taxe à 3 %. Et en cours de discussion, vous changez les règles du jeu ! Qui garantira désormais son financement à France Télévisions ?

Sur le fond, on sait bien que cet amendement a été réclamé par le groupe Bouygues. Le projet de loi tend à nouer une corde autour du cou de France Télévisions, et notre rapporteur se charge de resserrer encore le nœud !

Vous dites que les chaînes privées ne bénéficieront pas de l’effet d’aubaine escompté puisque le marché publicitaire est en décroissance. Peut-être, mais vous introduisez une inégalité fondamentale entre ceux qui, comme TF1 ou M6, bénéficieront d’un filet de sécurité et les autres médias qui subiront cette baisse de plein fouet.

Plutôt que le chiffre d’affaires, mieux vaudrait prendre en compte le volume publicitaire. Le complément du dispositif, c’est en effet l’autorisation de la seconde coupure, le passage de l’heure glissante à l’heure d’horloge et l’augmentation du temps publicitaire horaire de 6 à 9 minutes. Cela se soldera par un apport considérable de recettes publicitaires pour TFI et M6 – 500 millions d’euros sur les 550 millions de flux publicitaires déplacés, à conditions constantes. Les autres n’auront rien. C’est inacceptable. La mesure proposée par le rapporteur aggravera encore ce mouvement.

M. Jean Dionis du Séjour. Notre groupe ayant déposé un amendement de suppression, je maintiens cette position, mais la mesure proposée va dans le bon sens car il est incohérent de taxer un chiffre d’affaires. Mais a-t-on réalisé une étude d’impact sur ces nouvelles bases ?

M. Benoist Apparu. Je souscris à l’amendement. Le retournement du marché publicitaire est une réalité. De toute façon, si les recettes atteignent les 500 millions escomptés, l’amendement ne s’appliquera pas : c’est une mesure de sauvegarde qui jouerait en cas de baisse des recettes publicitaires de TF1 et M6.

Par ailleurs, l’alinéa 13 de l’article 18 prévoit une compensation financière par l’État et l’amendement de M. Martin-Lalande que nous avons adopté tout à l’heure permet d’assurer que cette compensation sera intégrale.

M. Noël Mamère. La mesure proposée par le rapporteur n’a rien de transitoire. Il s’agit donc d’une inégalité de traitement, et nous avions raison de protester contre tous les cadeaux faits à TF1, à Bouygues et autres lobbies, qui contribuent à dépouiller le service public.

M. Marcel Rogemont. La crise ne sera pas éternelle, mais l’amendement proposé a une durée indéterminée. Par ailleurs, si l’on suit votre argumentation, puisque l’État garantit une compensation, le produit des taxes peut diminuer : à quoi bon, alors, créer les taxes ?

M. Christian Paul. Le paradoxe, c’est que vous mettez en place la réforme de façon en quelque sorte contre-cyclique. Je regrette qu’on n’ait pas écouté M. Édouard Balladur, qui suggérait sagement un moratoire sur ce texte.

M. Didier Mathus. La mauvaise situation du marché publicitaire n’est pas un bon argument. Le même raisonnement s’appliquerait d’ailleurs à la taxe sur les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) dont il sera question tout à l’heure.

La Commission adopte cet amendement.

Puis elle est saisie d’un amendement de Mme Muriel Marland-Militello tendant à ce que la taxe évolue au même rythme que l’indice des prix à la consommation hors tabac.

Mme Muriel Marland-Militello. Ce ne serait que justice, puisque la redevance augmentera de même. Et cela procurera des ressources pour un service public de qualité.

Après avis défavorable du rapporteur, l’amendement est retiré.

La Commission est saisie de deux amendements, l’un du rapporteur, l’autre de M. Patrice Martin-Lalande, tendant à instituer une « clause de rendez-vous » afin d’évaluer les conséquences de l’instauration d’une taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision et portant notamment sur le rendement de cette taxe.

M. Patrice Martin-Lalande. Je retire mon amendement et cosigne celui du rapporteur.

M. Jean Dionis du Séjour. Un tel rendez-vous ne saurait se substituer à une étude d’impact. Il faut que nous sachions combien rapportera la taxe sur la publicité maintenant qu’elle est modifiée.

La Commission adopte cet amendement.

Puis elle adopte l’article 20 ainsi modifié.

Après l’article 20

La Commission est saisie d’un amendement de M. Noël Mamère, tendant à assujettir à la taxe les chaînes exonérées de la contribution au COSIP.

M. le rapporteur. Défavorable, ce serait une rupture d’égalité.

La Commission rejette cet amendement.

Article 21

Institution d’une taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques

Cet article vise à instituer, au profit du budget général de l’État, une taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques.

1. L’économie actuelle du régime de taxation des télécommunications

On rappellera qu’aujourd’hui, les opérateurs de télécommunication et les fournisseurs d’accès Internet supportent diverses redevances ayant trait à l’occupation du domaine public.

a) Les redevances liées à l’utilisation du spectre

Il s’agit essentiellement des redevances suivantes, prévues par les articles L. 42-1 et suivants du code des postes et des communications électroniques, non assises sur le chiffre d’affaires et qui ont pour contrepartie l’utilisation du domaine public.

 Les redevances annuelles d’utilisation de fréquences GSM

Le montant de ces redevances payées par les opérateurs de téléphonie mobile est déterminé par l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) lors des décisions d’autorisation d’utilisation du réseau GSM données aux opérateurs.

Le mode de calcul des redevances payables au titre de la mise à disposition des fréquences GSM 900 ou GSM 1800 est le suivant : la mise à disposition d’un mégahertz (Mhz) sur tout le territoire métropolitain donne lieu au paiement d’une redevance annuelle de 304 898,03 euros.

Dans le cas d’une mise à disposition de F Mhz, dans une zone géographique correspondant à une population P, pour une période de M mois, la redevance R est calculée de la manière suivante :

R (exprimée en euros) = 304 898,03 x F x M/12 x P/60 000 000

Il s’y ajoute une redevance de 1 % portant sur le segment des activités GSM que sont le GSM de seconde génération permettant l’envoi de SMS et le GSM de 3ème génération caractérisé par un débit accru de téléphonie mobile.

En 2007, le produit de ces redevances a été de 213,7 millions d’euros (108).

 Les redevances annuelles d’utilisation de fréquences UMTS (109)

Initialement prévues à l’article 36 de la loi de finances pour 2001 qui a été abrogé par la loi de finances pour 2008, ces redevances sont désormais fixées par le pouvoir réglementaire afin de permettre l’accès d’un nouvel entrant.

Le montant de ces redevances comprend une part fixe d’un montant de 619 millions d’euros (droit d’entrée) et une part variable calculée en pourcentage du chiffre d’affaires UMTS. Le taux de la redevance proportionnelle au chiffre d’affaires UMTS est fixé à 1 %. Le chiffre d’affaires UMTS comprend différentes recettes d’exploitation :

– des recettes de fourniture de service téléphonique et de transport de données aux clients directs et indirects de l’opérateur ;

– des recettes perçues par l’opérateur à raison de services ou de prestations fournies à des tiers, en particulier les prestations publicitaires, de référencement ou la perception de commissions dans le cadre du commerce électronique ;

– des recettes de mise en service et de raccordement au réseau comme des recettes liées à la vente de services (y compris la fourniture de contenus) dans le cadre d’une transaction vocale ou de données. Les reversements aux fournisseurs de services (éditeurs de contenus par exemple) sont déduits de ces recettes ;

– des recettes liées à l’interconnexion ;

– des recettes issues des clients en itinérance sur le réseau 3G de l’opérateur.

En 2007, le produit de ces redevances a été de 3,9 millions d’euros.

 Les redevances annuelles de mise à disposition du spectre et les redevances de gestion destinées à couvrir les coûts de gestion supportés par l’ARCEP et l’Agence nationale des fréquences

Ces redevances (110) couvrent l’utilisation de fréquences satellitaires, de faisceaux hertziens, de réseaux indépendants et les boucles locales de radio. En 2007, le produit de ces redevances a été de 53,6 millions d’euros.

Ces trois catégories de redevance ne sont pas assises sur le chiffre d’affaires mais sur plusieurs paramètres, tels que la largeur de bande de fréquences attribuée, la bande de fréquence, la surface couverte par l’autorisation d’utilisation de fréquences et des valeurs de référence fixées par arrêté du ministre chargé des communications électroniques.

 La taxe liée à l’usage de numéros de téléphone fixe ou mobile

Le plan national de numérotation téléphonique relève de la compétence de l’ARCEP en matière de numérotation. Pour le calcul de la redevance, le ministre chargé des communications électroniques et le ministre chargé du budget fixent par arrêté conjoint la valeur d’une unité de base qui ne peut excéder 0,023 euro. Cette valeur est fixée sur proposition de l’ARCEP, le montant de la redevance étant calculé selon la catégorie de numéro attribué.

En 2007, le produit de cette taxe a été de 16 millions d’euros.

b) Les autres redevances et taxes

 Les redevances de droit de passage pour l’utilisation des réseaux filaires

Ces redevances (111) sont payées, principalement aux collectivités territoriales, par les opérateurs de téléphonie mobile et les fournisseurs d’accès Internet.

Le montant de ces redevances tient compte de la durée de l’occupation, de la valeur locative de l’emplacement occupé et des avantages matériels économiques, juridiques et opérationnels qu’en tire le permissionnaire. Le produit de ces redevances est versé au gestionnaire ou au concessionnaire du domaine occupé, dans les conditions fixées par la permission de voirie.

Le calcul du montant de la redevance se fait sur la base d’un tarif plafonné, au kilomètre et par artère, différent suivant la nature du domaine public concerné. Une artère est constituée par un fourreau en cas d’occupation du sol ou du sous-sol.

Quand le fourreau est propriété de l’État, les services fiscaux fixent le montant de la redevance par opération, alors qu’en cas de propriété d’une collectivité, il fait l’objet d’un barème établi pour tous les occupants par délibération de l’assemblée territoriale. Le gestionnaire peut moduler le montant de la redevance en fonction de la rentabilité de l’équipement.

 La taxe finançant le service universel de France Télécom

Cette taxe prévue par la loi du 31 décembre 2003 (112) est payée par les opérateurs de téléphonie à raison de services assurés par France Télécom (tels que la gestion de cabines téléphonique ou l’annuaire).

La contribution de chaque opérateur au financement du service universel est calculée au prorata de son chiffre d’affaires réalisé au titre des services de communications électroniques, à l’exclusion :

– du chiffre d’affaires réalisé au titre des prestations d’interconnexion et d’accès faisant l’objet de conventions et des autres prestations réalisées ou facturées pour le compte d’opérateurs tiers ;

– du chiffre d’affaires réalisé au titre de l’acheminement et de la diffusion de services de radio et de télévision ainsi que de l’exploitation d’antennes collectives.

Pour le calcul de la contribution, il est pratiqué un abattement de 5 millions d’euros sur le chiffre d’affaires annuel ainsi calculé.

En 2007, le produit de cette taxe a été de 30 millions d’euros.

 La taxe sur les services de télévision

À compter du 1er janvier 2008, les distributeurs de services de télévision sont soumis à la taxe sur les services de télévision prévue à l’article 302 bis KB du CGI. Ainsi les fournisseurs d’accès Internet et les opérateurs de téléphonie mobile sont redevables de cette taxe dès lors qu’ils assurent la commercialisation d’une offre de services de télévision auprès du public.

Elle est assise sur le montant, hors TVA, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers en rémunération d’un ou plusieurs services de télévision.

La taxe est calculée annuellement sur l’intégralité des encaissements intervenus au cours de l’année civile au titre de laquelle la taxe est due en appliquant, à chaque fraction du montant des encaissements annuels hors TVA qui excède 10 millions d’euros, les taux de :

– 0,5 % pour la fraction supérieure à 10 millions d’euros et inférieure ou égale à 75 millions d’euros ;

– 1 % pour la fraction supérieure à 75 millions d’euros et inférieure ou égale à 140 millions d’euros ;

– 1,5 % pour la fraction supérieure à 140 millions d’euros et inférieure ou égale à 205 millions d’euros ;

– 2 % pour la fraction supérieure à 205 millions d’euros et inférieure ou égale à 270 millions d’euros ;

– 2,5 % pour la fraction supérieure à 270 millions d’euros et inférieure ou égale à 335 millions d’euros ;

– 3 % pour la fraction supérieure à 335 millions d’euros et inférieure ou égale à 400 millions d’euros ;

– 3,5 % pour la fraction supérieure à 400 millions d’euros et inférieure ou égale à 465 millions d’euros ;

– 4 % pour la fraction supérieure à 465 millions d’euros et inférieure ou égale à 530 millions d’euros ;

– 4,5 % pour la fraction supérieure à 530 millions d’euros.

2. La création d’une nouvelle taxe sur les services fournis par les opérateurs de communication électroniques

a) Régime juridique et redevables de la taxe sur le chiffre d’affaires (nouvel article 302 bis KH)

La taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques suit le même schéma que la taxe sur les services de télévision prévue aux articles 302 bis KB et 302 bis KC du code général des impôts et, partant, que la nouvelle taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision (113).

Le I du présent article (alinéas 1 à 12) vise à créer, au sein du titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts et à la suite des taxes existantes, un chapitre VII octies consacré à la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques.

L’alinéa 4 définit le régime de la nouvelle taxe, applicable à compter du 1er janvier 2009 (114), non affectée et donc reversée au budget général de l’État, et la nature de ses redevables : « tout opérateur de communications électroniques au sens de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, qui est établi en France et qui a fait l’objet d’une déclaration préalable auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ».

Les redevables de la taxe sont donc les opérateurs déclarés auprès de l’ARCEP et établis en France. Précisons qu’au sens de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, on entend par :

– « communications électroniques », les émissions, transmissions ou réceptions de signes, de signaux, d’écrits, d’images ou de sons, par voie électromagnétique ;

– « réseau de communications électroniques », toute installation ou tout ensemble d’installations de transport ou de diffusion ainsi que, le cas échéant, les autres moyens assurant l’acheminement de communications électroniques, notamment ceux de commutation et de routage ;

– « opérateur », toute personne physique ou morale exploitant un réseau de communications électroniques ouvert au public ou fournissant au public un service de communications électroniques.

À la fin du mois d’octobre 2008, 804 opérateurs de communications électroniques s’étaient déclarés auprès de l’ARCEP. On estime à environ 120 le nombre d’opérateurs dont le chiffre d’affaires est supérieur à 5 millions d’euros et qui devraient être concernés par la nouvelle taxe. Les principaux redevables devraient en être France Télécom, Orange France, SFR, Bouygues Télécom, Neuf Cegetel et Free.

Précisons également, à toutes fins utiles, que selon les données figurant dans le rapport d’activité 2007 de l’ARCEP, le revenu des opérateurs de communications électroniques sur le marché de détail s’élève à 42,5 milliards d’euros en 2007, en progression de 3,7 % par rapport à 2006. Le revenu des seuls services de communications électroniques a, quant à lui, atteint 39,2 milliards d’euros, en hausse de 3,2 %.

Les recettes des opérateurs de communications électroniques se répartissent en 2007 de la façon suivante :

– 11 milliards d’euros pour la téléphonie fixe ;

– 17,8 milliards d’euros pour la téléphonie mobile ;

– 4,6 milliards d’euros pour l’accès à Internet ;

– 2,6 milliards d’euros pour les services à valeur ajoutée (renseignements, SMS, voix télématiques) ;

– 3,2 milliards d’euros pour les services de capacité (liaisons louées et transport de données).

b) Assiette, exigibilité et calcul de la taxe

 Le II du I du présent article (alinéa 5) détermine l’assiette de la nouvelle taxe. Cette assiette serait assise sur le montant, hors TVA, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers – qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales – aux opérateurs de communications électroniques « en rémunération des services de communications électroniques qu’ils fournissent ». Ces services comprennent les services fixes (téléphonie et Internet) et mobiles, les services à valeur ajoutée (renseignements, SMS, voix télématiques) et les services de capacité (liaisons louées et transport de données sur réseaux fixes).

Le II du I fixe également deux types d’exclusions d’assiette (alinéas 6 à 8) concernant :

– les sommes acquittées au titre des prestations d’interconnexion et d’accès (alinéa 7), faisant l’objet des conventions définies au I de l’article L. 34-8 du code des postes et des communications électroniques (115). Cette exclusion permet d’éviter une double taxation pour les prestations de détail reposant sur l’utilisation d’une offre de gros d’un opérateur tiers ;

– les sommes acquittées au titre des prestations de diffusion ou de transport des services de communication audiovisuelle (alinéa 8). Cette précision conduit à exclure de l’assiette de la taxe les sommes acquittées par les éditeurs auprès des diffuseurs de télévision hertzienne terrestre en modes numérique et analogique.

Pour autant, l’ARCEP a estimé que le champ des exclusions d’assiette n’était pas suffisant pour garantir le respect des principes de non-discrimination et de neutralité technologique et qu’il convenait d’exclure d’autres prestations de l’assiette de la taxe.

Extrait de l’avis de l’ARCEP sur le présent projet de loi

Avis n° 2008-1108 en date du 14 octobre 2008

Sur l’assiette de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques :

Concernant l’assiette de la taxe, le II de l’article 20 du projet de loi prévoit que « La taxe est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers aux opérateurs mentionnés eu I en rémunération des services qu’ils fournissent.

Sont toutefois exclues de l’assiette de la taxe :

1° Les sommes acquittés au titre des prestations d’interconnexion et d’accès faisant l’objet des conventions définies au I de l’article L. 34-8 du code précité ;

2° Les sommes acquittés au titre des prestations de diffusion ou de transport des services de communication audiovisuelle ».

L’Autorité note que l’objet du présent article consiste à asseoir la taxe sur les revenus de détail de l’Internet, de la téléphonie fixe et de la téléphonie mobile.

Afin de mettre en place un tel dispositif, le projet de loi prévoit que l’assiette potentielle de la taxe recouvre les revenus acquittés par des « usagers » au sens large, ce terme désignant à la fois les consommateurs finaux sur le marché résidentiel, les entreprises sur le marché de détail professionnel et les opérateurs tiers sur les marchés de gros. Pour ne faire s’appliquer la taxe qu’aux revenus pertinents, le texte prévoit plusieurs exceptions.

Sont ainsi exclues de l’assiette de la taxe les sommes acquittées :

– par les autres opérateurs sur le marché de gros au titre des prestations d’accès, d’interconnexion […] ;

– par les éditeurs ou multiplexes au titre des prestations de diffusion et de transport des services de communication audiovisuelle […].

Il semble toutefois qu’au vu de l’objet de la taxe envisagée et des principes de non-discrimination et de neutralité technologique, il convienne d’exclure d’autres prestations de l’assiette de la taxe.

Sur le marché de la distribution de contenus audiovisuels, plusieurs acteurs sont en concurrence pour fournir des services audiovisuels payants au client final, entre plateformes de diffusion d’une part (ADSL, réseaux câblés, fibre optique, satellite, TNT, réseaux mobiles, etc.) et au sein de chacune de ces plateformes d’autre part. Il convient donc que la taxe prévue par le présent article respecte les principes de non-discrimination et de neutralité technologique indispensables afin de permettre une concurrence équitable sur ce marché.

Or, l’Autorité constate que la taxe ne s’appliquerait qu’aux opérateurs de communications électroniques établis en France et déclarés. En particulier, cela signifie que des distributeurs d’offres de télévision payante, tels que le groupe Canal Plus et ses filiales, ne seraient pas assujettis à son paiement pour les revenus d’abonnements versés par les consommateurs finaux, et ce y compris pour leurs offres proposées via les réseaux de communications électroniques. Or, en l’état actuel du projet de loi, il apparaît que les fournisseurs d’accès Internet (FAI) et les opérateurs mobiles seraient assujettis au paiement de cette taxe y compris pour la part de leurs revenus de détail liés à la distribution de services audiovisuels.

En conséquence, il convient d’exclure de l’assiette de la taxe les revenus liés à la fourniture de services audiovisuels, afin que la taxe ne présente pas un caractère discriminatoire entre les FAI et opérateurs mobiles d’une part et les autres distributeurs de services audiovisuels (tels que les groupes Canal Plus et AB) d’autre part.

Ceci conduirait en pratique à taxer les FAI et opérateurs mobiles sur 50 % des revenus d’abonnements hors taxes pour leurs offres multiservices. En effet, l’article 279 du code général des impôts prévoit qu’« un taux de TVA réduit s’applique pour les abonnements souscrits par les usagers […] afin de recevoir les services de télévision mis à la disposition du public sur un réseau de communications électroniques », et précise que « lorsque ces services sont compris dans une offre composite pour un prix forfaitaire comprenant d’autres services fournis par voie électronique, le taux réduit s’applique à hauteur de 50 % de ce prix ».

Afin de tenir pleinement compte de l’avis de l’ARCEP, le Gouvernement a apporté une modification substantielle au présent article, avant son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Là où l’avant–projet de loi mentionnait, dans la définition de l’assiette de la taxe, les abonnements et autres sommes acquittés aux opérateurs en rémunération « des services qu’ils fournissent », le présent article fait référence à la rémunération « des services de communications électroniques qu’ils fournissent » (dernière phrase de l’alinéa 5).

Ne seront donc pas inclus dans l’assiette de la nouvelle taxe :

– les services qui ne relèvent pas de la communication électronique, à savoir la vente et la location de terminaux et équipements, la gestion des centres d’appels et les revenus des annuaires papier ;

– les sommes acquittées par les usagers en rémunération des services de télévision que les opérateurs de communications électroniques fournissent. En effet, lorsque les services de télévision sont compris dans une offre composite pour un prix forfaitaire, il conviendra, pour déterminer la part de l’offre correspondant à ces services, de se référer aux dispositions existantes en matière de taux réduit de TVA (116).

 Par ailleurs, le III du I du présent article (alinéa 9) précise que l’exigibilité de la taxe est constituée par l’encaissement du produit des abonnements et autres sommes acquittées par les usagers aux opérateurs de communications électroniques.

 Enfin, le IV du I du présent article (alinéa 10) définit le taux et le seuil de taxation applicable à la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques. Les modalités de calcul retenues sont les suivantes : « la taxe est calculée en appliquant un taux de 0,9 % à la fraction du montant des encaissements annuels taxables, hors taxe sur la valeur ajoutée, qui excède 5 millions d’euros ».

Afin de ne pas taxer les opérateurs de communications électroniques émergents ou ayant un chiffre d’affaires relativement faible (à l’exemple de nombreux fournisseurs d’accès Internet), il est donc institué un abattement de 5 millions d’euros sur les sommes taxables. Cet abattement profitera à tous les opérateurs de communications électroniques. Son montant correspond à celui existant pour le financement du service universel (117).

D’après les informations recueillies par le rapporteur, le taux de 0,9 %, appliqué aux assiettes taxables, correspond à un produit de l’ordre de 379 millions d’euros en 2009.

c) Régime spécial de recouvrement

Les V et VI du I du présent article (alinéas 11 et 12) déterminent les principes généraux de liquidation et de recouvrement de la taxe due au titre de l’année civile précédente. La liquidation intervient lors du dépôt de la déclaration de TVA du mois de mars ou du premier trimestre de l’année civile (118).

Il est également précisé que :

– la nouvelle taxe est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la TVA ;

– les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à la TVA.

Traduisant ces principes généraux, le II du présent article (alinéas 13 à 17) vise à créer, au sein de la section II du chapitre Ier du livre II du code général des impôts, un II sexies consacré au régime spécial des redevables de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (alinéa 14) et un article 1693 quinquies déterminant les principes de ce régime spécial (alinéas 15 à 17).

Pour le recouvrement de cette taxe, le modèle suivi est celui prévu pour la taxe sur les services de télévision à l’article 1693 quater du CGI : les redevables de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques acquitteront donc cette taxe par acomptes mensuels ou trimestriels au moins égaux, respectivement, au douzième ou au quart du montant de la taxe due au titre de l’année civile précédente (alinéa 15). Le complément de taxe exigible au vu de la déclaration de TVA mentionnée au V du I (alinéa 11) sera versé lors du dépôt de celle-ci (alinéa 16).

Le nouvel article 1693 sexies du CGI précise également que les redevables qui estiment que les acomptes déjà payés au titre de l’année atteignent le montant de la taxe dont ils seront en définitive redevables peuvent surseoir aux paiements des acomptes suivants (alinéa 17(119).

Les modalités de déclaration et de recouvrement de cette taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques sont donc identiques à celles prévues pour la nouvelle taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision et à celles applicables aujourd’hui à la taxe sur les services de télévision (article 302 bis KB du CGI).

*

La Commission est saisie de deux amendements de suppression de l’article 21, présentés par M. Didier Mathus et par M. Jean Dionis du Séjour.

M. Didier Mathus. L’idée d’une taxe sur les FAI pour financer la télévision publique hertzienne est saugrenue. Si une taxation du chiffre d’affaires des FAI est acceptable car il faut que les tuyaux financent les contenus, cependant, en défendant cette idée lors du débat sur la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (DADVSI), nous considérions que ce financement devait financer la création sur Internet. L’utiliser pour financer la télévision hertzienne revient à faire financer la vieille économie par la nouvelle. La commissaire européenne Viviane Reding a d’ailleurs fait des observations à cet égard.

Il est clair, par ailleurs, que les FAI répercuteront cette taxe sur le prix des abonnements. Ce projet de loi, que personne d’autre que TF1 n’a demandé, fera donc subventionner le groupe Bouygues par les usagers d’Internet.

Cette mesure inepte est en outre très dangereuse, car elle préempte une ressource potentielle qui serait nécessaire pour financer la création sur Internet. Au lieu de garantir l’intelligence du futur, on bouche les trous que vous avez vous-mêmes creusés.

M. Jean Dionis du Séjour. La position que vient de défendre M. Mathus est cohérente. Il aurait, en effet, été préférable d’avoir une vision globale de tout ce que nous voulons financer à partir de cette assiette. Deux autres objectifs seraient, à cet égard, plus légitimes que le financement de la télévision publique : le développement numérique de la France, avec le plan fibre optique, et la rémunération de la création. Après le naufrage de l’Assemblée nationale sur la loi DADVSI, très compliquée, le recours à cette assiette est une erreur majeure.

La taxe n’étant pas affectée, des tentations sont possibles, comme le montre l’exemple de la TACA, qui rapporte 600 millions, tandis que le FISAC n’en perçoit que 80. Dans le cas présent, le taux est déjà passé du 0,5 % proposé par la Commission Copé à 0,9 % par la seule volonté du Président de la République. Qu’en sera-t-il demain ?

Ensuite, nous avons des doutes sur la constitutionnalité du dispositif. Le fait de viser un acteur économique précis est une rupture d’égalité devant l’impôt. De plus, en prenant comme base le chiffre d’affaires, on rompt avec le droit fiscal français qui prend en compte la capacité contributive en déduisant les dépenses des recettes.

Au demeurant, au sein du chiffre d’affaires des opérateurs télécoms, la partie qui est liée à la télévision publique est extrêmement faible. D’autres taxes qui avaient été envisagées, comme la taxe sur l’électronique grand public, auraient été beaucoup plus légitimes.

Enfin, il est antiéconomique d’aller prélever entre 8 et 10 % du résultat d’un secteur français en croissance. La conséquence à terme risque d’être une diminution de ses investissements ou une répercussion sur les prix demandés aux consommateurs.

M. le président Jean-François Copé. Je voudrais rappeler la genèse de cette affaire.

Il nous est apparu que laisser un secteur économique en plein développement diffuser de l’image télévisée sans jamais contribuer à son financement était une folie. Nous allons d’ailleurs devoir nous pencher de manière plus générale sur l’ensemble du secteur Internet. Qu’on ne me dise pas qu’il faut éviter les mesures « anti-jeunes » ; un responsable politique doit savoir prendre des décisions impopulaires et prendre ses responsabilités lorsqu’il y a rupture d’égalité ou danger.

Les fournisseurs d’accès à Internet et les opérateurs de téléphonie mobile représentent 42 milliards de chiffre d’affaires, somme à rapprocher du budget de France Télévisions, qui est de 2,9 milliards. Le constat que la partie télévision de leur chiffre d’affaires est faible n’enlève rien au fait qu’il est choquant de pouvoir diffuser des images de la télévision publique sans rien débourser.

Par ailleurs, certes la taxe ne sera pas affectée car les règles budgétaires l’interdisent, mais il nous appartiendra, à nous parlementaires, de veiller à son utilisation conformément aux engagements politiques pris.

J’ai refusé l’idée d’une taxe sur l’électronique grand public, de même que j’ai refusé celle d’augmenter la redevance. J’estime en effet que ce n’est pas aux ménages de payer pour la suppression de la publicité sur France Télévisions.

La taxe sur les FAI est encore plus légitime à mes yeux que la taxe sur les télévisions privées : il s’agit de faire entrer un acteur nouveau majeur dans le financement de la télévision, qui en a bien besoin pour ses investissements de demain. Je suis d’ailleurs persuadé que ces nouveaux financeurs auront un jour envie de participer au financement des productions.

M. Frédéric Lefebvre. Sur Internet, il y a toujours création de valeur, comme dans l’ensemble des opérateurs télécoms. Le site Meetic crée de la valeur, en termes de rapports entre êtres humains. Je réfléchis avec le monde de la création à l’idée d’un fonds ; mais comme je pense que le produit de la taxe sera supérieur aux besoins de France Télévisions, je souhaite un fléchage du surplus vers la création. Je présenterai un amendement en ce sens.

Mme Laure de La Raudière. Je ne suis pas contre le fait que les opérateurs télécoms contribuent au financement de la télévision publique dès lors qu’ils la véhiculent sur leurs infrastructures. En revanche, je trouve tout à fait inéquitable que la taxe soit assise sur la totalité de leur chiffre d’affaires et je crains, moi aussi, qu’elle soit répercutée sur les consommateurs. Je m’abstiendrai donc.

M. Marcel Rogemont. Je ne reviens pas sur la supercherie consistant à ne pas augmenter la redevance et à créer une taxe qui, nécessairement, sera supportée par les consommateurs. Cette taxation aurait pu avoir un intérêt pour financer la création, mais on nous propose seulement de financer le financeur de la création.

La Commission rejette les amendements de suppression.

Elle est saisie de deux amendements identiques de Mme Laure de La Raudière et de M. Jean Dionis du Séjour tendant à appliquer la taxe à tout opérateur « qui fournit un service en France » et non « qui est établi en France ».

Mme Laure de La Raudière. Il s’agit, dans un souci de justice, d’élargir l’assiette de la taxe aux opérateurs qui fournissent un service en France sans y être établis.

M. Jean Dionis du Séjour. Le monde d’Internet est le principal bénéficiaire du transfert publicitaire ; or il intervient majoritairement de l’extérieur de la France. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement, qui pose un problème pratique mais qui est un amendement d’appel.

Sur l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte ces amendements.

Elle est saisie ensuite d’un amendement de Mme Laure de La Raudière visant à limiter le champ d’application de la taxe aux opérateurs dépassant le seuil de 5 % de part de marché.

Mme Laure de La Raudière. L’objectif est de ne pas couper les ailes aux nouveaux opérateurs MVNO (opérateurs de réseau mobile virtuel).

M. le rapporteur. Avis défavorable car, pour protéger les petits opérateurs, il y a déjà un seuil de 5 millions d’euros.

La Commission rejette cet amendement.

La Commission examine un amendement de M. Patrick Braouezec tendant à inclure l’ensemble des services fournis par les opérateurs de communications électroniques dans l’assiette de la taxe.

M. Noël Mamère. L’amendement est de même inspiration que nos amendements précédents.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Sur l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte ensuite un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à préciser que l’exclusion des sommes acquittées au titre des prestations d’interconnexion et d’accès de l’assiette de la taxe sont celles acquittées par les opérateurs.

Puis la Commission examine un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à préciser que l’exclusion de l’assiette de la taxe des sommes acquittées au titre des prestations d’interconnexion ou de transport des services de communication audiovisuelle vaut non seulement pour les offres de ces seuls services mais aussi pour les offres composites qui les composent.

M. Jean Dionis du Séjour. Vous avez admis que la taxe comportait une part d’injustice, pour ne pas dire d’inconstitutionnalité. Vous avez donc exclu de son assiette les sommes acquittées au titre de prestations de diffusion et de transport des services de communication audiovisuelle. La taxe ne porte que sur les prestations de contenu.

Cet amendement vise à préciser qu’en cas d’offres composites, incluant à la fois des prestations de transport et de contenu, il faudra séparer transport et contenu pour ne taxer que le contenu.

M. le rapporteur. L’amendement est inutile. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Sur l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à exclure de l’assiette de la taxe les prestations de service de communications électroniques de contenu.

Elle examine ensuite un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à rendre dégressif le taux de la taxe en dessous du seuil de 30 millions d’euros de chiffre d’affaires, en le fixant à 0,5 % lorsque ce chiffre d’affaires est compris entre 5 et 10 millions d’euros, à 0,6 % lorsqu’il l’est entre 10 et 20 millions d’euros, à 0,7 % lorsqu’il est compris entre 20 et 30 millions d’euros, et à 0,9 % à partir de 30 millions d’euros.

M. Jean Dionis du Séjour. Vous avez eu des propos charitables pour les petits opérateurs de la télévision. Je vous propose d’adopter la même attitude pour les petits opérateurs de télécommunications : ce secteur n’est pas composé seulement des trois grands opérateurs ; il comporte une floraison de sociétés en pleine croissance. Il faudrait que le dispositif soit progressif.

M. le rapporteur. Je comprends ce raisonnement. Cependant l’amendement ne me paraît pas assez étudié et je proposerai en cours de débat d’affiner le dispositif.

M. le président Jean-François Copé. C’est donc un amendement d’appel, destiné à ouvrir un débat en séance publique.

M. le rapporteur. Je suis favorable à l’adoption d’un amendement d’appel.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission adopte ensuite successivement quatre amendements rédactionnels du rapporteur.

Puis la Commission examine deux amendements en discussion commune, l’un du rapporteur et l’autre de M. Patrice Martin-Lalande, tendant à prévoir la remise dans le délai d’un an d’un rapport du Gouvernement sur l’application de l’article 21 et le rendement de la taxe qu’il institue.

M. Patrice Martin-Lalande. Je me rallie à l’amendement du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit d’instaurer une clause de rendez-vous.

La Commission adopte l’amendement du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 21 ainsi modifié.

TITRE III

TRANSPOSITION DE DIVERSES DISPOSITIONS DE LA DIRECTIVE 89/552/CEE DU 3 OCTOBRE 1989 MODIFIÉE PAR LA DIRECTIVE 2007/65/CE
DU 11 DÉCEMBRE 2007

La troisième partie du projet de loi vise à transposer les dispositions de la directive 2007/65/CE du 11 décembre 2007 dite « Services de médias audiovisuels », dont l’objectif est de rapprocher les obligations relatives aux services de télévision et celles relatives aux « services de médias audiovisuels à la demande » (SMAd).

Pour satisfaire aux obligations de la directive, les SMAd sont soumis aux dispositions de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, moyennant quelques adaptations.

Article 22

Définition et périmètre des services de médias à la demande (SMAd)

Cet article modifie l’article 2 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, afin d’intégrer les « services de médias audiovisuels à la demande » (SMAd) dans son champ d’application.

a) L’intégration des services de médias à la demande aux services de communication audiovisuelle

L’alinéa 3 vise à intégrer les SMAd dans le champ de la communication audiovisuelle qui se trouve ainsi redéfinie.

En l’état actuel du droit, la loi française n’identifie pas les SMAd. Le droit existant oppose, en effet, d’une part les services de communication audiovisuelle, d’autre part, les services de communication au public en ligne par voie électronique :

– Les services de communication audiovisuelle sont soumis à l’article 2 de la loi du 30 septembre 1986 et définis comme « toute communication au public de services de radio ou de télévision, quelles que soient les modalités de mise à disposition auprès du public, ainsi que toute communication au public par voie électronique de services autres que de radio et de télévision et ne relevant pas de la communication au public en ligne telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ». Ainsi les services de communication audiovisuelle incluent toute communication au public de services de radio et de télévision, quelles que soient les modalités de mise à disposition auprès du public. Les services peuvent être diffusés par voie hertzienne, par Internet, par la téléphonie mobile (3G), par câble ou par satellite, sans que cela ait d’incidence sur leur régime juridique.

– Les services de communication au public en ligne par voie électronique sont définis par l’article 2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique comme « toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de communication électronique, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée ».

Afin d’assurer une convergence entre le droit applicable aux services de télévision et aux SMAd et mettre fin à une disparité juridique entre des services de même nature, l’alinéa 3 isole la catégorie des « services de médias audiovisuels à la demande » et l’intègre à la communication audiovisuelle. Cette intégration dans le champ d’application de la loi du 30 septembre 1986 apparaît comme la traduction nécessaire du choix exprimé par le législateur européen en faveur d’un cadre juridique unique pour les services de télévision et les SMAd. Ce choix se justifie d’autant plus qu’une partie substantielle des SMAd sera constituée de programmes de « télévision de rattrapage », qui sont le prolongement naturel des services de télévision.

Cependant, les règles énoncées par la directive SMA s’appliquent de façon graduée aux SMAd, comme le montre l’encadré ci-dessous. Le projet de loi obéit à la même logique (voir les commentaires des articles 29 et 34).

La soumission des SMAd aux dispositions de la directive SMA :
une logique de gradation

Un premier ensemble de règles s’applique indistinctement à tous services de médias audiovisuels :

– critères de détermination de la loi applicable ;

– informations minimales à la disposition des usagers ;

– absence d’incitation à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité ;

– accessibilité des personnes souffrant de déficiences visuelles ou auditives ;

– chronologie des médias selon des délais convenus avec les ayants droit ;

– règles déontologiques applicables aux communications commerciales (publicité, parrainage, télé-achat, placement de produit) ;

– publicité alimentaire ;

– placement de produit.

Un deuxième ensemble de règles est adapté aux SMAd :

– modalités d’entrave à la reprise de ces services ;

– régime de protection des mineurs ;

– régime de promotion des œuvres européennes.

Un troisième ensemble de règles reste cantonné à la radiodiffusion traditionnelle :

– régime de l’accès aux courts extraits ;

– modalités d’entrave à la reprise des services de télévision et dispositif anti-délocalisation ;

– régime de la publicité télévisée et du télé-achat.

La définition des SMAd établie par le projet de loi permet d’introduire une certaine souplesse dans les obligations qui leur seront appliquées.

b) La définition et le périmètre des SMAd

L’alinéa 5 de l’article propose une définition des « services de médias audiovisuels à la demande » en complétant l’article 2 de la loi du 30 septembre 1986 par un nouvel alinéa.

Comme cela a été le cas lors des travaux préparatoires à la révision de la directive, la définition des SMAd constitue l’une des questions majeures de sa transposition en droit français, compte tenu de leur caractère évolutif et de leur proximité avec les services de la société de l’information. La définition proposée par le projet de loi s’inspire largement de celle de la directive. Sont donc principalement concernées la vidéo à la demande et la télévision de rattrapage. La définition des SMAd doit permettre de soumettre aux dispositions de la loi du 30 septembre 1986 ce type de services, même dans le cas où ils sont fournis par la même entreprise, le cas échéant sur le même site Internet, que des services non soumis à cette loi, tels que des contenus créés par les usagers. Sous cette réserve, le CSA, dans son avis sur le projet de loi rendu public le 7 octobre 2008, a considéré que la définition envisagée correspondait à l’état actuel du développement des SMAd et à leur caractère fortement évolutif.

L’alinéa 5 reprend donc la définition de la directive SMA en y apportant quelques variantes afin de l’adapter au droit existant. Un SMAd y est donc défini comme « tout service de communication au public par voie électronique permettant le visionnage de programmes au moment choisi par l’utilisateur et sur sa demande, à partir d’un catalogue de programmes dont la sélection et l’organisation sont contrôlées par l’éditeur de ce service ».

Les SMAd sont définis comme des services de communication au public par voie électronique, ce qui les distingue désormais des autres services de communication électronique définis par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Ils diffèrent par ailleurs des services linéaires de radiodiffusion dans la mesure où le visionnage du programme se fait au moment choisi par l’utilisateur et à sa demande, à partir d’un catalogue de programme relevant de la responsabilité d’un éditeur de services.

Au terme de fournisseur, source de confusion, il a été préféré celui d’éditeur. En effet, ce terme désigne, sur le modèle des lois sur la presse, la personne responsable de la programmation. Le recours à cette notion est traditionnel en droit de l’audiovisuel pour désigner la personne responsable d’un service de communication audiovisuelle. Tout éditeur d’un service de communication électronique est en effet tenu de désigner un directeur de la publication (art. 93-2 et 93-3 de la loi 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle). On trouve le terme d’éditeur près de cent fois dans la loi du 30 septembre 1986 et il figure dans l’ensemble des décrets d’application de la loi. Il est ainsi utilisé pour fixer l’ensemble du régime juridique audiovisuel de sorte qu’on le retrouve dans les parties les plus emblématiques de la loi. Il permet par exemple :

– de définir la notion de distributeurs de services, qui est la personne qui conclut des contrats avec « des éditeurs... » (article 2-1) ;

– de définir le périmètre de la régulation du CSA (article 3-1, 17-1, etc.) ;

– de définir le régime d’autorisation d’usage de la ressource radioélectrique en radio comme en télévision (article 28 et suivants) ;

– d’asseoir le régime de contribution à la production puisqu’il vise spécifiquement les « éditeurs de services »  (articles 27 et 33). À ce titre, on précisera qu’au long de l’ensemble des décrets d’application relatifs à la contribution à la production, c’est le terme d’éditeur que l’on retrouve (décret n° 2001-609, décret n° 2001-1332, décret n° 2001-1333) ;

– de fixer le régime anticoncentration (articles 41 et suivants).

Le terme d’exploitant qui figure encore, à de rares occurrences, dans la loi est simplement une survivance du passé. Ainsi, les modifications terminologiques aux articles 43-3 et 43-4 de la loi de 1986 sont rédactionnelles. Elles n’emportent pas de conséquence juridique. Il s’agit uniquement en cohérence avec l’ensemble du texte de supprimer certaines des dernières occurrences où se trouve ce terme.

À l’inverse, la notion de « fournisseur de services » issue de la directive SMA est absente de la réglementation audiovisuelle. Introduire cette notion aurait pu nuire à l’équilibre global de la loi de 1986. La sélection et l’organisation d’un programme sont les éléments qui permettent de déterminer la présence d’un éditeur. Il s’agit d’une formule proche de celle de la directive SMA et de son article 1) 2) g) sur la définition des SMAd. En effet, la directive  parle de responsabilité éditoriale qu’elle définit comme (article 1 c) « l'exercice d'un contrôle effectif tant sur la sélection des programmes que sur leur organisation, soit sur une grille chronologique, dans le cas d'émissions télévisées, soit sur un catalogue, dans le cas de services de médias audiovisuels à la demande. La responsabilité éditoriale n'a pas nécessairement pour corollaire une responsabilité juridique quelconque en vertu du droit national à l'égard du contenu ou des services fournis ». L'introduction en tant que telle de la notion de « responsabilité éditoriale » aurait pu être source de confusion avec la responsabilité au sens de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. La directive a jugé nécessaire de clarifier ce point dans la définition de responsabilité éditoriale.

Cette définition exclut un certain nombre de services du champ des SMAd, dont le détail figure explicitement dans la rédaction de l’alinéa 5 :

– Les « services qui ne relèvent pas d’une activité économique au sens de l’article 256 A du code général des impôts » : il s’agit, conformément à la directive SMA, de tous les services « dont la vocation première n’est pas économique et qui ne sont pas en concurrence avec la radiodiffusion ». Cette définition couvre, en particulier, les sites des particuliers et autres pages personnelles.

– Les services « dont le contenu audiovisuel est secondaire » : il s’agit d’exclure les sites où le contenu audiovisuel n’est présent qu’à titre accessoire. Le considérant 18 de la directive SMA précise qu’il s’agit des services « dont la finalité principale n’est pas la fourniture de programmes ». Cette définition exclut de la définition des SMAd les journaux et les magazines mais également tous les services qui proposent de la vidéo en plus de leur activité principale. On peut ici penser par exemple aux sites Internet qui proposent des bandes annonces de films comme allociné.fr, IMDB.com ou encore aux moteurs de recherches ou portails comme Yahoo ou MSN qui proposent des vidéos de films, des publicités ou autre vidéos clips aux côtés de leur service de recommandation. On peut penser également aux sites de journaux qui proposent des extraits de vidéos.

– Les services « qui consistent à éditer du contenu audiovisuel créé par des utilisateurs privés à des fins de partage et d’échanges au sein de communautés d’intérêt ». Cette définition reprend la terminologie du considérant 16 in fine de la directive SMA. Elle exclut du champ des SMAd l’ensemble des services qui permettent aux particuliers de partager leurs contenus vidéo avec une communauté de personnes auxquelles elles sont liées. Cela concerne les « blogs » du type Skyblog ou les réseaux sociaux de type Myspace ou Facebook ou encore les sites de partages de vidéo comme Dailymotion.

– Les services « consistant à assurer, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le seul stockage de signaux audiovisuels fournis par des destinataires de ces services » : cette précision vise à respecter l’équilibre entre la loi du 30 septembre 1986 et la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, en excluant du champ des éditeurs de SMAd les hébergeurs de services de communication au public en ligne.

– Les services « dont le contenu audiovisuel est sélectionné et organisé sous le contrôle d’un tiers » : cette exclusion reprend les termes du considérant 19 de la directive SMA. Sont visés tous les services qui permettent à des professionnels ou à des particuliers des mettre des contenus audiovisuels en ligne. Si Dailymotion et YouTube peuvent encore ici être concernés, cette exclusion vise plus spécifiquement les sites du type Kewego ou même Vpod TV qui permettent de créer « sa chaîne de télévision » en ligne.

La dernière phrase du nouvel alinéa de l’article 2 de la loi de 1986 précise enfin qu’une offre composée à la fois de SMAd et d’autres services ne relevant pas de la communication audiovisuelle n’est soumise à la loi de 1986 qu’à raison des premiers. Pour tenir compte du caractère parfois complexe de l’offre de programmes de certains services, qui peut être composée de services de médias audiovisuels à la demande et d’autres services ne relevant pas de la communication audiovisuelle (offre mixte), la définition retenue précise que la loi du 30 septembre 1986 n’est pas rendue applicable, dans ce cas de figure, à cette seconde partie de l’offre. Sont visés à terme les services qui proposeront une offre de vidéo à la demande (VoD) professionnelle et dans le même temps l’hébergement de contenus personnels. Ce pourrait être, par exemple, un réseau social qui proposerait une plateforme de VoD comprenant des films et des séries. Ces services ne seraient ainsi soumis que pour leur activité éditoriale aux dispositions législatives et réglementaires qui s’appliquent à l’ensemble des services de communication audiovisuelle.

Cette précision est capitale. En effet, la question de savoir si les éditeurs de ces sites exercent ou non une responsabilité éditoriale n’est pas clarifiée à ce jour. Compte tenu des évolutions rapides de ce secteur, il est essentiel de prévoir la possibilité d’intégration de ces sites dans le champ d’application de la loi. Cette définition permettra, en fonction des modalités pratiques d’exercice de la responsabilité éditoriale, de soumettre ou non certains services à la loi de 1986. Il appartiendra au CSA, amené à jouer un rôle de régulation dans ce nouveau secteur, de se prononcer en référence à cette définition pour qualifier telle ou telle offre de services.

 

Directive SMA

Projet de loi

Définition des SMAd

Article 1er 2) g) :

« Un service de médias audiovisuels fourni par un fournisseur de services de médias pour le visionnage de programmes au moment choisi par l’utilisateur et sur demande individuelle sur la base d’un catalogue de programmes sélectionnés par le fournisseur de services de médias. »

Article 22 du projet de loi :

« Tout service de communication au public par voie électronique permettant le visionnage de programmes au moment choisi par l’utilisateur et sur sa demande, à partir d’un catalogue de programmes dont la sélection et l’organisation sont contrôlées par l’éditeur de ce service. »

Services exclus du champ des SMAd

Considérants 16 à 25 :

– les sites Web privés et les services qui consistent à fournir ou à diffuser du contenu audiovisuel créé par des utilisateurs privés à des fins de partage et d'échange au sein de communautés d'intérêt ;

– « les services dont la finalité principale n'est pas la fourniture de programmes, autrement dit les services dont le contenu audiovisuel est secondaire et ne constitue pas la finalité principale. Tel est par exemple le cas des sites Web qui ne contiennent des éléments audiovisuels qu'à titre accessoire, comme des éléments graphiques animés, de brefs spots publicitaires ou des informations concernant un produit ou un service non audiovisuel. » ;

– les personnes physiques ou morales qui ne font que diffuser des programmes dont la responsabilité éditoriale incombe à des tiers ;

– les jeux de hasard, les jeux en ligne, les moteurs de recherche ainsi que les versions électroniques des journaux et des magazines.

Article 22 :

– les « services qui ne relèvent pas d’une activité économique au sens de l’article 256 A du code général des impôts »,

– les services « dont le contenu audiovisuel est secondaire » ; 

– les services « qui consistent à éditer du contenu audiovisuel créé par des utilisateurs privés à des fins de partage et d’échanges au sein de communautés d’intérêt » ; 

– les services « consistant à assurer, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le seul stockage de signaux audiovisuels fournis par des destinataires de ces services » ; 

– les services « dont le contenu audiovisuel est sélectionné et organisé sous le contrôle d’un tiers » ;

– les services dont le contenu est mixte, pour leur partie non éditoriale seulement.

En outre, il convient de préciser que de fait, cette définition exclut un certain nombre de services du champ des SMAd. Ainsi les services de « Pay-per-view », les services de paiement à la séance tels que Kiosque en France, sont assimilés à des services de télévision « anciens », comme le prévoit l’article 6-6 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 : « Est dénommé service de paiement à la séance un service de télévision faisant appel à une rémunération de la part des usagers directement liée soit à la durée d'utilisation du service, soit à l'émission ». Il n’y a donc pas de catalogue mis à la demande, puisqu’il s’agit de programmes multidiffusés sur des canaux différents (le même film est ainsi diffusé à 10h, 11h30, 13h, etc.).

De même, les fournisseurs d’accès à Internet, lorsqu’ils proposent l’accès « clé en main » à une plate-forme de services à la demande gérée par un tiers, de type « Canal Play », ne sont pas considérés comme des éditeurs. La présence d’un SMAd implique celle d’un éditeur, c'est-à-dire une responsabilité éditoriale, la détermination de grilles ou de catalogues de programmes, la sélection et la mise à disposition du public d’un certain nombre d’œuvres soutenues par une politique d’achat de droits, de production, etc. Les hébergeurs ou fournisseurs d’accès au sens de l’article 6 de la loi de 2004, ou les distributeurs de services au sens de l’article 2-1 de la loi de 1986, ne sont pas réputés fournir des SMAd. À titre d’exemple, Free qui propose le service « CanalPlay » n’est pas l’éditeur de cette offre, éditée par Canal +, et qu’il se contente d’héberger. Il n’est donc pas en tant que tel soumis aux obligations fixées par la loi de 1986. En revanche, Free propose sa propre offre VoD dont il est bien l’éditeur. Il est alors soumis aux dispositions de la loi précitée. On peut donc considérer que les fournisseurs d’accès à Internet et éditeurs de sites web 2.0 qui proposent une offre de contenus audiovisuels pourront être considérés comme des SMAd dès lors qu’ils ont acquis une partie des contenus audiovisuels mis à disposition au public auprès des ayants droit ou de leurs mandataires ou qu’ils ont acquis auprès des ayants droit l’autorisation pour les tiers (les utilisateurs du site) de mettre en ligne des contenus audiovisuels dont ils sont titulaires.

Ces précisions revêtent une réelle importance dans la transposition de la directive. En effet, celle-ci, dans son considérant 23, pose que les États membres peuvent préciser certains aspects de la définition de la responsabilité éditoriale, notamment la notion de «contrôle effectif » sur les services. Mais cette précision ne doit pas porter préjudice aux exonérations de responsabilité prévues par la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique.

*

La Commission adopte l’article 22 sans modification.

Article 23

Extension des pouvoirs de régulation
du CSA aux SMAd

Cet article vise à modifier l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, créé par la loi du 21 juin 2004 précitée, afin d’étendre les pouvoirs de régulation du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) aux SMAd. Tous les services de communication audiovisuelle étant soumis à la régulation de cette autorité indépendante, il est évident que le rattachement des SMAd à la loi du 30 septembre 1986 implique une extension en due forme des prérogatives du CSA.

a) L’extension du pouvoir de recommandation du CSA aux SMAd

En l’état actuel du droit, l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 définit les missions du CSA. Sa rédaction résulte de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Ces missions s'exercent à l'égard de toutes les personnes dont l'activité entre dans le champ de la loi du 30 septembre 1986, à savoir les éditeurs de services de radio ou de télévision, les distributeurs de services et les éditeurs de services de communication audiovisuelle, ce qui exclut les éditeurs de sites Internet autres que de radio ou de télévision ou les autres services de communication au public en ligne.

Le rattachement des SMAd à la loi du 30 septembre 1986 implique un pouvoir de régulation du CSA. L’alinéa 2 élargit donc les missions du CSA en lui confiant la régulation de toutes les personnes entrant dans la nouvelle définition de la communication audiovisuelle, c'est-à-dire non seulement les éditeurs et distributeurs de radio et de télévision, qu’ils proposent des services linéaires ou non linéaires, mais aussi les éditeurs de sites Internet autres que de radio et de télévision lorsqu’ils proposent des services de médias à la demande tels que définis à l’alinéa 3 de l’article 22 du présent projet de loi.

Les compétences du CSA s’exercent quel que soit le réseau de communication électronique utilisé par les éditeurs et distributeurs, en vertu du principe de neutralité technologique, ce qui signifie que tous les services sont concernés, qu’ils soient diffusés par voie hertzienne, par câble ou par satellite.

Le projet de loi étend la régulation des contenus aux services de médias audiovisuels à la demande et à l’ensemble des services de vidéo à la demande disponibles sur Internet, dès lors qu’ils sont susceptibles de concurrencer la radiodiffusion télévisuelle. Concrètement, il s’agira pour le Conseil d’exercer ses nouvelles compétences à l’égard :

– des services de vidéo à la demande déjà proposés par les distributeurs de services déclarés (Orange, Neuf Cegetel, Free…) ;

– des services de vidéo à la demande accessibles uniquement sur Internet (Glowria) ;

– des services audiovisuels proposés sur Internet et qui pourraient recevoir la qualification de services de médias audiovisuels à la demande.

La régulation porte aussi bien sur la qualité et la diversité des programmes, le développement de la production et de la création audiovisuelles nationales, que sur le respect de la libre concurrence entre éditeurs et distributeurs de services.

Par coordination, l’alinéa 3 étend le contrôle du CSA relatif à l’indépendance et à l’impartialité du secteur public à tous les services de communication audiovisuelle.

L’alinéa 4 modifie le troisième alinéa de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 relatif aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations dans le domaine de la communication audiovisuelle. Cet alinéa a été introduit par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances et prévoit que le CSA veille à ce que la programmation reflète la diversité de la société française, en tenant compte de la nature des programmes proposés par les services.

Les SMAd se trouvent soumis aux mêmes impératifs. Cependant il faut préciser d’une part que l’obligation porte sur l’ensemble des programmes et non sur chacun d’entre eux, d’autre part que seuls les éditeurs de programme sont concernés. Les distributeurs de services de télévision ou de radio (les câblo-opérateurs, TPS, CanalSatellite, Free TV, Neuf Télécom, etc.) ne peuvent ni être tenus comptables des obligations de diversité imposées par la loi aux services de télévision et de radio qu'ils distribuent, ni se voir imposer une obligation de contrôle du respect de la prescription par les éditeurs des services dont ils assurent la distribution.

Comme le rappelait le rapport préalable à la discussion de la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances établi au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, l'application de la loi selon des modalités impliquant un contrôle des contenus diffusés est très difficile en matière de cohésion sociale et de diversité pour trois raisons essentielles :

– le caractère morcelé des services qui émettent souvent quelques jours et reprennent parfois leurs émissions après une plus ou moins longue interruption ;

– la durée de vie brève des services (de quelques jours à quelques mois) qui rend vaines toutes remarques du CSA, adoptées selon une procédure nécessitant une ou plusieurs semaines de délai, puisqu’aucune rectification des programmes ne pourra être apportée du fait de l'arrêt des émissions ;

– la spécificité de la programmation (par exemple, la célébration du Débarquement en Normandie en 2004, le programme en région parisienne diffusé à l'occasion du congrès des maires de France, la retransmission d'un festival de musique bretonne, etc.) qui rend inadaptés les objectifs de cohésion et de diversité.

Il serait donc inopportun de refuser une autorisation temporaire au motif que la programmation proposée ne rend pas compte de la diversité de la communauté française et ne participe pas à la lutte contre les discriminations.

Enfin, l’alinéa 5 modifie le quatrième alinéa de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 afin d’étendre les pouvoirs de recommandation du CSA à l’égard des éditeurs de SMAd afin d’assurer le respect des principes énoncés par la loi. Le Conseil d’État a précisé que le CSA a compétence pour rappeler aux éditeurs les règles auxquelles ils sont tenus. Au surplus, le CSA peut édicter par voie de recommandation, adressée aux éditeurs et distributeurs de programmes réservés à un public adulte averti, des prescriptions relatives aux modalités de diffusion de ces programmes de nature à empêcher les mineurs d’être en mesure de les visionner.

Il est permis de s’interroger sur la capacité matérielle du CSA à assurer les nouvelles missions qui lui sont dévolues par le présent projet de loi. En effet la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur lui a récemment confié trois nouvelles missions : l’extension de la couverture de la télévision numérique terrestre ; le développement des nouveaux modes de diffusion que sont la télévision en haute définition et la télévision mobile personnelle ; l’extinction de la diffusion hertzienne terrestre analogique. Or les moyens budgétaires alloués au CSA depuis quelques années ne sont pas à la hauteur de l’extension de ses compétences. Ainsi, comme le rappelait le rapporteur spécial du budget Medias en 2008, entre 1992 et le projet de loi de finances pour 2008, les crédits initiaux attribués au CSA n’ont augmenté que de 12,3 % en euros courants (de 30,38 millions d’euros en 1992 à 33,94 millions d’euros en 2007), ce qui correspond à une baisse d’environ 16 % en euros constants. Entre ces deux mêmes dates, les effectifs théoriques sont demeurés quasiment stables. Le tableau présenté ci-après confirme cette analyse pour la période 2003-2008.

L’évolution du budget du CSA depuis six ans

Année

Crédits ouverts en loi de finances initiale
(en millions d’euros)

2003

35,18

2004

32,69

2005

31,95

2006

34,10

2007

33,11

2008

34,39

Source : Ministère de la culture et de la communication

Le tableau suivant met en regard les nouvelles missions liées à la régulation avec les ressources additionnelles à prévoir. La régulation des SMAd implique la mise en œuvre de moyens considérables. Le chantier est vaste en effet ; il suppose des modes de contrôle adaptés, particulièrement en matière de protection des mineurs, sujet crucial dont il est fait mention dans l’article 27, un suivi des programmes ad hoc, mais également une réflexion juridique et économique tant le modèle de régulation des SMAd est amené à évoluer. Le CSA s’est d’ores et déjà saisi de ce sujet avec la réalisation d’études et la mise en place de groupes de travail sur les nouveaux médias.

Le législateur devra s’assurer que le CSA aura les moyens financiers et humains de réguler un secteur en pleine expansion. Ainsi, selon les informations transmises au rapporteur par le CSA, il conviendrait de doter le Conseil de 14 emplois supplémentaires, destinés à assurer les nouvelles activités de contrôle des contenus issues de la transposition de la directive SMA qui lui imposent de renforcer ses moyens humains. Cette évaluation des besoins du Conseil devra être revue en fonction de la nature exacte des obligations qui seront imposées aux SMAd par les décrets d’application de la loi et du degré de contrôle qu’elles impliqueront de la part du Conseil. À ce stade, le projet de loi de finances pour 2009 ne prévoit aucun moyen supplémentaire pour le Conseil au titre de ses futures compétences relatives aux SMAd.

Ressources additionnelles souhaitées par le CSA compte tenu de l’extension
de ses pouvoirs de régulations aux SMAd

Nouvelles missions

Ressources additionnelles

Enregistrement et contrôle des déclarations (y compris les
éléments d’identification des fournisseurs de services de médias audiovisuels à la demande – ensemble des fournisseurs de services non linéaires dont les acteurs Internet concernés).

2 postes

Suivi des programmes des services de médias audiovisuels à la demande : visionnage et vérification des programmes des fournisseurs de services (y compris des acteurs d’Internet).

4 postes

Contrôle des obligations des services de médias audiovisuels à la demande : protection du jeune public, communication commerciale audiovisuelle (toutes formes de publicité), promotion de la diversité culturelle.

4 postes

Contrôle de la publicité : suivi spécifique du placement de produit.

1 poste

Suivi juridique, impact contentieux, déclenchement des procédures de sanction.

1 poste

Suivi des enjeux techniques (mécanismes techniques de distribution et d’accès ; expertise média sur IP).

1 poste

Suivi du modèle économique, des nouveaux usages et des enjeux de régulation économique.

1 poste

TOTAL

14 postes

Source : CSA

b) Les pouvoirs de sanction attachés au pouvoir de recommandation 

L’article 3-1 confère au CSA un pouvoir général de recommandation relatif au respect des principes énoncés dans la loi du 30 septembre 1986.

Le Conseil d’État a établi un lien entre le pouvoir de recommandation prévu à l’article 3-1 et le pouvoir de sanction prévu à l’article 42 de la loi (CE, 9 février 2004, Société télévision française 1, n° 250258 et CE, 17 mai 2006, Association comité de télévision et libertés et autres n°263081, 277711). Il a par ailleurs considéré que, dès lors que la recommandation que le CSA édicte ne constitue qu’une interprétation des textes législatifs ou réglementaires auxquels les opérateurs sont soumis, qui n’en méconnaît ni le sens ni la portée, le CSA n’excède pas sa compétence (CE, 9 février 2004, Société télévision française précitée). Le CSA est donc en mesure d’imposer aux opérateurs le respect des obligations législatives et réglementaires qui découlent de la loi du 30 septembre 1986 telles qu’explicitées par ses recommandations.

Le présent projet de loi en tire toutes les conséquences, dans la mesure où il étend les pouvoirs de sanction du CSA aux SMAd dans les articles 37, 38 et 39.

Par souci de cohérence, ce pouvoir de recommandation à l’égard des éditeurs de SMAd pourrait être assorti d’un pouvoir de règlement des différends (article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986) et d’un pouvoir en matière de régulation de la concurrence (article 41-4 de la loi du 30 septembre 1986) :

– L’article 17-2 de la loi de 1986, introduit par la loi du 9 juillet 2004, donne au CSA un pouvoir de règlement des différends liés à la distribution d’un service de radio ou de télévision.

Cet article confie au CSA une mission de règlement des litiges relatifs à la distribution des services de télévision en vue d'assurer le respect des principes mentionnés à l'article 17-1, c'est-à-dire, notamment, la liberté de communication audiovisuelle, le respect de la dignité de la personne humaine, la liberté et la propriété d'autrui, le pluralisme et la protection de l'enfance et de l'adolescence. Le contrôle du CSA porte également sur les conditions de cette offre de services qui doivent reposer sur des critères objectifs, équitables et non discriminatoires. À cette fin, il peut être saisi de tout litige relatif à la distribution d'un service de télévision, à la conclusion ou à l'exécution d'un contrat de distribution, aux conditions de commercialisation du service et aux obligations résultant de l'article 95, par un éditeur, un distributeur ou un exploitant de services.

Depuis la publication du décret n° 2006-1084 du 29 août 2006, le CSA a été saisi de vingt-et-une demandes de règlement de différends. Il faut noter qu’il ne s’agit pas d’un pouvoir d’arbitrage général, mais que les motifs d’intervention sont au contraire très précis : il s’agit de garantir les grands principes du droit de l’audiovisuel comme le pluralisme ou la protection des mineurs et naturellement pas de substituer le CSA au Conseil de la concurrence ou au juge du contrat.

Dans la mesure où les SMAd sont intégrés au champ des services de communication audiovisuelle et doivent par conséquent respecter les principes énoncés dans la loi du 30 septembre 1986, il apparaît nécessaire de confier des pouvoirs de règlement des différends au CSA en la matière. De plus, la directive de 2007 insiste sur la nécessité de confier aux organes de régulation la responsabilité de restreindre la liberté d’édition et de transmission de tout service de médias.

– Par coordination, il serait souhaitable d’étendre également les pouvoirs conférés au CSA par l’article 41-4 de la loi du 30 septembre 1986.

L’intégration des services de média audiovisuel à la demande (SMAd) dans le champ d’application de la loi du 30 septembre 1986 traduit le choix exprimé par le législateur européen en faveur d’un cadre juridique unique pour les services de télévision et les SMAd et permet de rapprocher les obligations applicables aux services de télévision et celles applicables aux services de média audiovisuel à la demande, qui proposent des contenus similaires. Dans cette même perspective, l’extension aux SMAd des dispositions prévues à l’article 41-4 de la loi de 1986 relatif aux saisines respectives entre le Conseil de la concurrence et le Conseil supérieur de l’audiovisuel permettrait une collaboration efficace entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et le Conseil de la concurrence dans la régulation de ce secteur en plein essor.

*

La Commission adopte l’article 23 sans modification.

Article 24

Recommandation du CSA sur les normes techniques de diffusion
et de distribution des services de communication audiovisuelle

Par coordination, cet article modifie le premier alinéa de l’article 12 de la loi du 30 septembre 1986, relatif à la consultation du CSA sur les normes techniques de diffusion et de distribution de services de radiodiffusion.

En l’état actuel du droit, il est prévu que le CSA est consulté sur tout projet visant à rendre obligatoires les normes relatives aux matériels techniques de diffusion ou de distribution des services de radio et de télévision par un réseau de communication électronique. La loi du 30 septembre 1986 prévoit également que le CSA peut formuler toute recommandation concernant ces normes.

En cohérence avec l’extension du champ de la communication audiovisuelle, cet article vise à élargir le pouvoir de recommandation du CSA sur tout projet visant à rendre obligatoires les normes relatives aux matériels techniques de diffusion ou de distribution des services de médias à la demande. À cet effet, il substitue la référence aux « services de radio et de télévision », la référence aux « services de communication audiovisuelle ».

Dans les faits ce pouvoir de recommandation pourrait concerner les SMAd diffusés par voie hertzienne terrestre dans les bandes affectées par le CSA, comme la « push TV », où un décodeur équipé d’un disque dur reçoit régulièrement des contenus audiovisuels : films, documentaires, séries, etc. Ces contenus sont diffusés via le réseau TNT et reçus par l’antenne râteau, sans sollicitation de l’abonné et sont stockés sur le disque dur. Ils sont cryptés et ne peuvent donc pas être visualisés par l’abonné. Le décodeur peut emmagasiner l’équivalent de plusieurs dizaines de films. La liste de ces contenus est rafraîchie périodiquement, et elle peut varier d’une zone TNT à une autre. Un système de notifications et de menus permet à l’abonné de naviguer parmi ces contenus et de choisir ceux qu’il veut acheter. L’avis du CSA pourrait donc par exemple porter sur les normes techniques de ces décodeurs.

*

La Commission adopte l’article 24 sans modification.

Article 25

Contrôle du CSA sur le contenu et les modalités de publicité sur les SMAd

Cet article modifie l’article 14 de la loi du 30 septembre 1986 dans le but d’étendre le contrôle du CSA sur le contenu et les modalités de programmation des émissions publicitaires sur les SMAd.

a) La régulation de la publicité par le CSA assure le respect d’un certain nombre de principes déontologiques 

En l’état actuel du droit, le CSA exerce un contrôle, par tous moyens appropriés, sur l'objet, le contenu et les modalités de programmation des émissions publicitaires diffusées par les sociétés nationales de programme et par les titulaires des autorisations délivrées pour des services de communication audiovisuelle en vertu de la loi de 1986, c'est-à-dire tous les éditeurs de services de télévision diffusés en mode hertzien. Les articles 27 et 33 de la loi de 1986 précisent qu’un décret en Conseil d’État fixe les principes généraux définissant les obligations des services diffusés en mode hertzien ou non hertzien en matière de publicité, de télé-achat et de parrainage, obligations qui ont été précisées par le décret n° 92-280 du 27 mars 1992.

Il incombe au CSA de veiller au respect de ces dispositions législatives et réglementaires. Le contrôle du CSA obéit à deux principes : d’une part, définir une déontologie tendant au respect des téléspectateurs et auditeurs ; d’autre part, maintenir un équilibre entre les différents secteurs économiques financés par la publicité. Le droit de la communication publicitaire s’est élaboré progressivement au fil des années et s’est enrichi des recommandations édictées par le CSA.

Les motifs d'intervention du Conseil sont nombreux et se fondent sur le non-respect de la réglementation, tels que la diffusion de messages, pour des raisons déontologiques ou économiques, pour des secteurs interdits de publicité radio ou télévisée, la programmation de messages contestables sur le plan déontologique ou encore le recours à des pratiques relevant de la publicité clandestine.

Les règles déontologiques relatives aux messages publicitaires
fixées par le décret du 27 mars 1992

Article 3 : La publicité doit être conforme aux exigences de véracité, de décence et de respect de la dignité de la personne humaine. Elle ne peut porter atteinte au crédit de l'État.

Article 4 : La publicité doit être exempte de toute discrimination en raison de la race, du sexe ou de la nationalité, de toute scène de violence et de toute incitation à des comportements préjudiciables à la santé, à la sécurité des personnes et des biens ou à la protection de l'environnement.

Article 5 : La publicité ne doit contenir aucun élément de nature à choquer les convictions religieuses, philosophiques ou politiques des téléspectateurs.

Article 6 : La publicité doit être conçue dans le respect des intérêts des consommateurs. Toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur les consommateurs est interdite.

Article 7 : La publicité ne doit pas porter un préjudice moral ou physique aux mineurs. À cette fin, elle ne doit pas :

1° Inciter directement les mineurs à l'achat d'un produit ou d'un service en exploitant leur inexpérience ou leur crédulité (le CSA a publié en juin 2006 une recommandation visant à encadrer les messages publicitaires en faveur des services de SMS susceptibles d’exploiter l’inexpérience ou la crédulité des mineurs) ;

2° Inciter directement les mineurs à persuader leurs parents ou des tiers d'acheter les produits ou les services concernés ;

3° Exploiter ou altérer la confiance particulière que les mineurs ont dans leurs parents, leurs enseignants ou d'autres personnes ;

4° Présenter sans motif des mineurs en situation dangereuse.

Article 8 : Est interdite la publicité concernant, d'une part, les produits dont la publicité télévisée fait l'objet d'une interdiction législative et, d'autre part, les produits et secteurs économiques suivants :

- boisson comprenant plus de 1,2 degré d'alcool ;

- édition littéraire sauf sur les services de télévision exclusivement distribués par câble ou diffusés par satellite ;

- cinéma ;

- distribution pour les opérations commerciales de promotion se déroulant entièrement ou principalement sur le territoire national, sauf dans les départements d'outre-mer et les territoires de la Polynésie française, des îles Wallis et Futuna, dans la collectivité départementale de Mayotte et en Nouvelle-Calédonie.

Article 10 : La publicité ne doit pas utiliser des techniques subliminales.

Le Conseil est en outre particulièrement attentif aux modalités d'identification et d'insertion des écrans publicitaires dans les programmes. Il s'assure ainsi que les diffuseurs respectent les règles relatives à l'interruption des œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Il contrôle le temps d'antenne consacré à la programmation de messages publicitaires et intervient auprès des chaînes en cas de dépassement de la durée maximale de publicité fixée par les conventions et les cahiers des missions et des charges des opérateurs.

b) Le contrôle du CSA sur la publicité est étendu aux SMAd, moyennant quelques adaptations qui devront être précisées 

La nouvelle rédaction de l’article 14 a pour effet d’étendre le contrôle du CSA sur le contenu et les modalités de publicité à tous les services de communication audiovisuelle, c'est-à-dire, si l’on reprend la définition qui en est donnée à l’article 22 du présent projet de loi :

– toute communication au public de services de radio et de télévision, quelles que soient les modalités de mise à disposition auprès du public, c'est-à-dire non seulement les services diffusés par voie hertzienne mais aussi les services diffusés par câble, satellite ou ADSL ;

– toute communication au public de services de médias à la demande.

Ce contrôle revêt une réelle importance. S’agissant des SMAd, cette extension est particulièrement bienvenue. Il est cependant précisé à l’article 29 du projet de loi, qui modifie l’article 27 de la loi de 1986, qu’un décret en Conseil d’État pourra définir des obligations adaptées à la nature particulière des SMAd diffusés en mode hertzien et les exonérer de l’application de certaines des règles prévues pour les autres services. L’article 36 du projet de loi précise quant à lui qu’un décret en Conseil d’État, pris après avis du CSA, pourra fixer, concernant les SMAd diffusés par câble et satellite, les règles applicables à la publicité, au télé-achat et au parrainage. Il s’agit donc de modifier le décret de 1992 précité. En effet, celui-ci est applicable aux seuls éditeurs de services de télévision et aux services dits « autres que de télévision », ce qui vise des services comme la météo, le guide électronique des programmes, etc. (article 1er), mais ne vise pas les SMAd en tant que tels, ces derniers n’étant pas encore identifiés en droit français.

Sur ce point, le 52ème considérant de la directive SMA indique que la disponibilité de services de médias audiovisuels à la demande élargit le choix du consommateur. Il ne semble dès lors ni justifié ni opportun, du point de vue technique, d’imposer des règles détaillées régissant les communications commerciales audiovisuelles pour les services de médias audiovisuels à la demande. Toutes les communications commerciales audiovisuelles devraient cependant respecter non seulement les règles d’identification, mais également un ensemble minimal de règles qualitatives pour répondre à des objectifs d’intérêt général clairement définis.

On peut dès lors penser que les principes déontologiques fondamentaux auxquels sont soumis les actuels services de radiodiffusion sont transposables en l’état aux SMAd. En revanche, les règles relatives aux volumes publicitaires autorisés ou aux modalités de diffusion devront être adaptées. À titre indicatif, le CSA, saisi par des diffuseurs et plusieurs entreprises éditant des sites Internet sur les conditions d'accès de ces sites à la publicité télévisée et au parrainage, a publié un communiqué en février 2000. Le Conseil a considéré que les activités des sites Internet constituaient un secteur économique nouveau et spécifique, et qu'à ce titre les restrictions d'accès à la publicité télévisée prévues par l'article 8 du décret du 27 mars 1992 pour certains secteurs d'activité tels la presse, la distribution, le cinéma et l'édition, ne devaient pas leur être appliquées. C'est au vu de l'évolution de ce nouveau marché, de sa dimension internationale et des textes applicables que le Conseil étudiera à nouveau, au terme d'une période expérimentale de dix-huit mois, les conditions d'accès à la publicité télévisée des sites Internet. Il a rappelé en revanche que les interdictions législatives touchant notamment la publicité pour l'alcool, le tabac, la publicité politique, le commerce des médicaments délivrés sur ordonnance s'appliquent aux sites Internet. Il a enfin mentionné le fait qu’il tenait à accompagner le développement de ce nouveau secteur économique dans des conditions d'égalité de concurrence entre ses acteurs.

*

La Commission adopte l’article 25 sans modification.

Article 26

Autorisation et réglementation du placement de produit

Cet article vise à introduire un article 14-1 après l’article 14 de la loi du 30 septembre 1986, afin de fixer les conditions dans lesquelles les programmes de communication audiovisuelle peuvent comporter du placement de produit.

a) Les règles fixées par la directive SMA 

Pour l’ensemble des services de médias audiovisuels, la directive pose, en son article 3 octies nouveau, le principe de la prohibition du placement de produit. Cette technique y est définie comme « toute forme de communication commerciale audiovisuelle consistant à inclure un produit, un service, ou leur marque, ou à y faire référence, en l'insérant dans un programme, moyennant paiement ou autre contrepartie » (article 1er m).

Cependant cette pratique est, sauf à ce que l’État membre en décide autrement, admissible dans les cas suivants :

– au sein des « œuvres cinématographiques, films et séries réalisés pour des services de médias audiovisuels, ainsi que pour des programmes sportifs et de divertissement » ;

– ou « dans les cas où il n'y a pas de paiement mais uniquement la fourniture, à titre gratuit, de certains biens ou services, tels que des accessoires de production et des lots, en vue de leur inclusion dans un programme ».

Les émissions pour enfants sont, en toute hypothèse, expressément exclues de ce nouveau régime. Par ailleurs, la directive définit un ensemble de règles déontologiques qui leur sont applicables (1 de l’article 3 sexies). Les règles applicables à cette technique sont très proches de celles applicables au parrainage :

– interdiction de tels placements pour les produits du tabac, les médicaments et traitements sur ordonnance ;

– absence d’influence sur le contenu du programme ;

– absence d’incitation directe à l’achat ou à la location de biens ou de services ;

– absence de mise en avant injustifiée du produit ;

– information du téléspectateur de l’existence de ces placements au début et à la fin de la diffusion ainsi qu’après l’interruption publicitaire.

Il appartient donc aux États membres de prohiber le recours à cette technique, ou de l’autoriser en la réglementant dans le respect minimal des dispositions qui précèdent.

Aujourd’hui la pratique du placement de produit est largement répandue, que ce soit dans les œuvres audiovisuelles ou cinématographiques. Mais la réglementation n’est pas homogène au sein de l’Union européenne. Des chiffres récents en provenance de pays autorisant le placement de produit indiquent que des règles claires devraient permettre à l’audiovisuel européen d’être plus compétitif, notamment vis-à-vis des États-Unis. Selon une étude indépendante publiée en mars 2007, le placement de produit a crû de 37 % à l’échelon mondial en 2006, avec une croissance prévue de 30 % pour 2007. Le placement de produit à la télévision est le premier choix en matière de publicité pour les marques, puisqu’il représente 71 % des dépenses globales. Son autorisation en Europe devrait donc permettre aux producteurs de contenu d’accéder à cette importante source de revenus. De plus, la reconnaissance en tant que telle du placement de produit permettra son encadrement et par là même une meilleure protection des téléspectateurs.

b) L’état actuel du droit français : l’interdiction du placement de produit en France

En l’état actuel du droit, la publicité à la télévision doit être insérée dans des écrans spécifiquement réservés à ces messages et identifiables comme tels. En conséquence, toute présentation d’une marchandise, d’un service ou d’une marque au sein des programmes faite dans un but publicitaire est assimilée à de la publicité clandestine et frappée d’interdiction. Telle est précisément la définition de la publicité clandestine donnée par l’article 9 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 relatif à la publicité, au parrainage et au télé-achat qui prévoit que « constitue une publicité clandestine la présentation verbale ou visuelle de marchandises, de services, du nom, de la marque ou des activités d'un producteur de marchandises ou d'un prestataire de services dans des programmes, lorsque cette présentation est faite dans un but publicitaire ».

À titre indicatif, le gouvernement britannique, qui procède actuellement à une consultation publique afin d’examiner l’opportunité de modifier les règles relatives à la publicité autorisée sur les chaînes, devrait s’orienter vers un maintien de l’interdiction du placement de produit.

c) La solution privilégiée : l’autorisation du placement de produit et sa régulation par le CSA

Le présent article introduit la possibilité pour les éditeurs de services de communication audiovisuelle de proposer des programmes comportant du placement de produit. Alors que le projet de loi prévoit la disparition progressive de la publicité et du parrainage sur le service public de l’audiovisuel, le placement de produit demeure accessible. Sur ce point, comme l’énonce la directive SMA, le critère déterminant qui permet de faire la distinction entre parrainage et placement de produit est le fait que, dans le cas de ce dernier, la référence à un produit est intégrée au déroulement d’un programme. Les références aux parraineurs, en revanche, peuvent apparaître au cours d’un programme, mais ne font pas partie de l’intrigue.

En l’état actuel du droit, l’alinéa 1 de l’article 27 et l’alinéa 3 de l’article 33 de la loi de 1986 mentionnent seulement « la publicité, le télé-achat et le parrainage ». L’introduction en droit français de la technique du placement de produit aurait pu être précisée au sein du « décret publicité » précité. À cette fin, une « accroche » aurait été nécessaire aux articles 27 et 33 de la loi du 30 septembre 1986 qui dressent la liste des thèmes dont le régime est précisé par décret. Le choix a cependant été fait, dans l’article 26 du projet de loi, de confier au CSA la fixation des conditions dans lesquelles les programmes peuvent comporter du placement de produit. Ce choix se justifie dans la mesure où le CSA sanctionne d’ores et déjà les pratiques de publicité illicite et a développé une jurisprudence précise en matière de placement de produit.

La doctrine du CSA veille à ce que la présence de produits dans les programmes ne revête pas un caractère promotionnel, tout en établissant des distinctions sur l’apparition de marques au sein des différents programmes, entre œuvres cinématographiques et œuvres audiovisuelles en particulier.

En matière cinématographique, le CSA, suivant l’approche communautaire, n’intervient pas auprès de l’éditeur d’un programme comportant un placement de produit insistant, dans la mesure où un film a prioritairement vocation à être exploité en salle.

En revanche, concernant les programmes audiovisuels, l’approche du CSA est plus restrictive, qu’ils aient été préfinancés par le diffuseur ou acquis une fois réalisés. Le CSA considère ainsi qu’« il appartient en particulier aux éditeurs de services de télévision de veiller à ce que les œuvres qu’ils programment soient exemptes de toute mise en valeur visuelle ou verbale excessive d'un bien, d’un service ou d’une marque, que les produits utilisés s'insèrent naturellement dans le scénario et que leur exposition est justifiée, sous peine de quoi le placement de produit relèverait de la publicité clandestine et à ce titre serait passible de sanctions. » À titre d’exemple, le CSA a, en octobre 1996, mis TF1 en demeure de se conformer aux dispositions de l’article 9 du décret du 27 mars 1992 à la suite de la diffusion d’un épisode de la série Alerte à Malibu au cours duquel avait été présentée avec complaisance une nouvelle marque de soda qui faisait concomitamment l’objet d’un lancement sur le marché français. Le CSA considère par ailleurs que le placement de produit dans les programmes de fiction et d’animation destinés aux enfants et adolescent est prohibé.

Le contrôle du CSA en matière de placement de produit semble à même de satisfaire les exigences de protection de l’indépendance éditoriale et des téléspectateurs. Il permet par ailleurs une certaine souplesse dans la régulation. Cependant le rapporteur souhaite rappeler la nécessité d’encadrer l’autorisation du placement de produit par des principes fondamentaux. À titre de comparaison, on peut noter qu’aux États-Unis, pays où le placement de produit est largement pratiqué, la FCC (Commission fédérale des communications), équivalent du CSA français, a proposé récemment d’encadrer d’avantage cette pratique, en prévoyant notamment que la présence de placement de produit dans un programme soit clairement identifiable pour les téléspectateurs. Il ne serait donc pas inutile d’énoncer ces principes dans la présente loi.

La pratique du placement de produit aux États-Unis

La pratique du placement de produit a pris de l'ampleur aux États-Unis. Les annonceurs cherchent de nouveaux moyens de s'adresser aux consommateurs qui changent de poste durant les publicités ou qui enregistrent leurs émissions préférées. D’après le chairman de la FCC (Commission fédérale des communications), le placement de produit et son intégration dans les scripts se sont aggravés avec l’augmentation de la population détentrice d’un DVR (« digital video recorder ») qui permet de « zapper » les spots publicitaires. Le volume de placement de produit dans les « prime-time » a augmenté de 13 % l’an passé et parmi les 10 émissions de télévision les plus regardées aux USA, 26 000 produits auraient été visibles en 2007 (et 160 000 au sein de l'ensemble des chaînes câblées), selon une coalition d’associations de consommateurs qui font pression sur la FCC pour modifier la législation. Le placement de produit dans les émissions n'est pas un phénomène nouveau, mais la nouvelle pratique consistant à inclure ces produits dans le scénario d'une émission a soulevé des inquiétudes. Par exemple, dans une des émissions de «7th Heaven», l'intrigue tournait autour des biscuits Oreo ; dans une émission de «The Office», les personnages travaillaient dans un magasin de la chaîne Staples.

Le Gouvernement américain a donc envisagé d'établir de nouvelles règles relatives au placement de produit dans les émissions de télévision depuis début 2008. La FCC a indiqué en septembre qu'elle pourrait exiger des télédiffuseurs qu'ils préviennent les téléspectateurs clairement à l'écran chaque fois qu'un annonceur a payé pour que son produit apparaisse dans une émission. Une obligation est faite de mentionner les sponsors dont les produits sont intégrés à l’histoire. Les télédiffuseurs pourraient être contraints d'identifier l'annonceur de manière plus évidente, pour une plus longue période ou au début et à la fin d'une émission. La FCC envisage également de resserrer les règles publicitaires concernant les émissions pour enfants et d'étendre les restrictions aux chaînes spécialisées.

*

La Commission examine un amendement de M. Didier Mathus tendant à supprimer cet article.

M. Patrick Bloche. En autorisant le placement de produit dans les programmes de la télévision publique, cet article inflige une double peine au service public. En effet, alors que l’on a chassé la publicité de la télévision publique par la porte, elle revient par la fenêtre sous la forme du placement de produit mais sans que le service public de l’audiovisuel en tire aucun bénéfice.

M. Christian Kert, rapporteur. Cet article met fin à une pratique hypocrite qui tolère de fait le placement de produit sans qu’il soit toujours clairement identifié. En outre, le placement de produit constitue une source supplémentaire de revenus pour les producteurs audiovisuels et cinématographiques. Enfin, il est autorisé et encadré par la directive sur les services de médias audiovisuels de 2007. Cette pratique ne sera pas nocive dès lors qu’elle sera réglementée. Je suis par conséquent défavorable à cet amendement.

M. Didier Mathus. Les modalités de cette réglementation sont floues, et la France va au maximum de ce qui est autorisé par la directive européenne. Le placement de produit étant la forme la plus sournoise de publicité, l’autoriser sur le service public est profondément hypocrite.

M. le rapporteur. Pour reprendre votre comparaison européenne, je vous rappelle que le placement de produit est autorisé dans nombre de pays membres de l’Union. Quant à son encadrement, c’est au CSA de trancher.

La Commission rejette l’amendement de M. Didier Mathus.

La Commission examine ensuite deux amendements identiques de M. Benoist Apparu et de M. Jean Dionis du Séjour tendant à confier à un décret pris en Conseil d’État le soin de définir les modalités d’encadrement du placement de produit.

M. Benoist Apparu. La réglementation de cette pratique me semble relever davantage d’un décret pris en Conseil d’État que du CSA, comme le reste de la réglementation publicitaire.

M. le rapporteur. Le projet de loi dote le CSA d’un pouvoir de régulation en la matière afin de ne pas fixer de règles trop rigides. Mais je vous proposerai dans un instant d’adopter un amendement qui précise les principes de cette réglementation.

Les deux amendements sont retirés et la commission adopte un amendement du rapporteur tendant à préciser les modalités d’encadrement du placement de produit.

La Commission adopte l’article 26 ainsi modifié.

Après l’article 26

M. Benoist Apparu et M. Jean Dionis du Séjour retirent deux amendements identiques dont l’objet, similaire à leurs amendements précédents, est satisfait par l’amendement du rapporteur précédemment adopté.

Article 27

Extension aux SMAd des règles relatives à la protection des mineurs
et au respect de la dignité de la personne

Cet article modifie l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986 afin d’étendre les dispositions relatives à la protection des mineurs et à l’interdiction de toute incitation à la haine raciale aux SMAd.

a) La protection des mineurs et le respect de la dignité humaine sur les médias audiovisuels : un dispositif complet bien que perfectible

En l’état actuel du droit, le régime juridique de la protection des mineurs au sein du paysage audiovisuel repose sur trois principes : la liberté de communication, ce qui implique qu’il n’existe pas de censure des programmes a priori, la responsabilité des éditeurs dans leur programmation et la régulation par le CSA. Le CSA veille à la protection de l'enfance et de l'adolescence et au respect de la dignité de la personne, inscrits au 1er alinéa de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, en contrôlant notamment que :

– des programmes susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soient pas mis à disposition du public par un service de radio et de télévision, sauf lorsqu’il est assuré, par le choix de l’heure de diffusion ou par tout procédé technique approprié, que des mineurs ne sont normalement pas susceptibles de les voir ou de les entendre ;

– lorsque de tels programmes sont diffusés, ils soient précédés d’un avertissement au public et identifiés par la présence d’un symbole visuel tout au long de leur durée ;

– aucun programme susceptible de nuire gravement à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soit diffusé par une radio ou une télévision ;

– les programmes ne contiennent aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de mœurs, de religion ou de nationalité.

Le CSA a mis en place, en concertation avec les diffuseurs, un dispositif reposant sur une classification des programmes en cinq catégories, assorties d'une signalétique et de restrictions horaires. Ainsi les programmes de catégorie IV (déconseillés aux moins de 16 ans) sont diffusables seulement après 20 h 30 sur les chaînes cinéma et les services de paiement à la séance et après 22 h 30 sur les autres services de télévision. La diffusion des programmes de catégorie V (déconseillés aux moins de 18 ans) est soumise au respect de la recommandation du CSA n° 2004-7 du 15 décembre 2004, qui prévoit des règles spécifiques de verrouillage des programmes et d’horaires de diffusion.

Par ailleurs, l’incitation à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité est réprimée par le code pénal. De même, la fabrication, le transport ou la diffusion, quel que soit le support, d’un message violent ou pornographique est réprimé par l’article 227-24 du code pénal lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur.

Ainsi l’article 227-24 du code pénal prévoit que « le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d'un tel message, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur. » Enfin, le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende (article 227-23 du code pénal). Cependant il faut mentionner d’une part que les hébergeurs de sites n’ont aucune obligation générale de surveillance des contenus hébergés, sauf s’ils ont connaissance d’un contenu illicite et n’agissent pas promptement pour les retirer. Par ailleurs, l’application des dispositions existantes est encore rare.

b) L’extension de ces principes aux SMAd : un progrès réel, dont la mise en œuvre est délicate

En conformité avec l’article 3 nonies de la directive de 2007, cet article étend les principes de protection des mineurs et de respect de la dignité humaine aux nouveaux SMAd. La directive comportait jusqu’à présent un dispositif de protection des mineurs contre l’exposition télévisuelle d’images susceptibles de leur nuire, qui reste inchangé. La directive SMA prévoit que « les États membres prennent les mesures appropriées pour que les services de médias audiovisuels à la demande fournis par des fournisseurs de services de médias relevant de leur compétence qui pourraient nuire gravement à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soient mis à la disposition du public que dans des conditions telles que les mineurs ne puissent normalement entendre ou voir ces services de médias audiovisuels à la demande ». Comme l’énonce son considérant 44, « la présence de contenus préjudiciables dans les services de médias audiovisuels demeure une source de préoccupation constante pour les législateurs, le secteur des médias et les parents. De nouveaux défis devront être relevés, en liaison notamment avec les nouvelles plates-formes et les nouveaux produits. Il est dès lors nécessaire de prévoir des règles pour la protection de l’épanouissement physique, mental et moral des mineurs et pour la sauvegarde de la dignité humaine dans tous les services de médias audiovisuels, y compris les communications commerciales audiovisuelles. »

Il s’agit d’une véritable avancée car aucune disposition de protection des mineurs n’était jusqu’alors prévue pour ces nouveaux services. La majorité des 6-17 ans a l’habitude d’aller sur Internet (seuls 4% d’entre eux n’y vont jamais). Or les contenus pouvant porter atteinte à la protection des mineurs ou au respect de la dignité humaine y sont croissants. Il serait inutile de déployer des moyens importants pour protéger les mineurs sur les services linéaires, sans prendre en compte les nouveaux modes d’utilisation des médias.

Typologie des signalements reçus au cours de l’année 2007 par la plate-forme nationale
de signalement de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies
de l'information et de la communication (OCLCTIC)

Catégorie

Infraction / mode opératoire

 

Discriminations

Contestation de crimes contre l’humanité

17

Provocation publique à la haine et la discrimination raciale, ethnique ou religieuse

297

Provocation publique à la haine et la discrimination à raison d’orientations sexuelles

3

Apologie de crime de guerre et contre l’humanité

30

Injures et diffamations xénophobes ou discriminatoires

324

Total catégorie

671

Atteintes sur les mineurs

Sites d’images ou vidéos pédo-pornographiques

12 917

Diffusion pédo-pornographiques par peer to peer

427

Diffusion d’images à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine susceptibles d’être vues par un mineur

105

Propositions de nature sexuelle sur Internet (« grooming ») / exhibitionnisme

64

Réseaux d’adoption illégale

2

Provocation à l’usage ou au trafic de stupéfiants

3

Provocation des mineurs à la commission d’autres délits

1

Agression sexuelle sur mineur (dénonciation ou commission devant webcam)

2

Total catégorie

13 386

Atteintes à la vie privée

Collecte illicite de données / traitement malgré opposition

1

Total catégorie

1

Atteintes aux personnes

Vidéos de violences réelles (snuff movies, happy slapping, etc.)

6

Usurpation d’identité

1

Total catégorie

7

Provocation au suicide

Provocation directe au suicide

2

Apologie du suicide

5

Total catégorie

7

Actes de cruauté envers les animaux

Sévices envers les animaux

1

Total catégorie

1

Divers

Infractions diverses

17

Spam (sans diffusion de documents ou liens pédophiles)

70

Urgence vitale (annonce de suicide ou de violences graves imminentes)

5

Escroquerie en ligne

17

Injures et diffamations (non xénophobes)

12

Pas d’infraction / signalements sans motif

107

Total catégorie

225

TOTAL GÉNÉRAL

14 465

Source : « Les nouveaux médias : des jeunes libérés ou abandonnés ? », rapport d’information de M. David Assouline, sénateur, octobre 2008.

L’alinéa 2 de cet article prévoit que le CSA veille à ce que des programmes susceptibles de nuire à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soient pas mis à disposition du public par SMAd, sauf lorsqu'il est assuré, par le choix de l'heure de diffusion ou par tout procédé technique approprié, que des mineurs ne sont normalement pas susceptibles de les voir ou de les entendre. Il pose également le principe selon lequel le CSA veille à ce qu'aucun programme susceptible de nuire gravement à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne soit mis à disposition du public par les SMAd. À cet effet, il substitue, dans l’article 15 de la loi de 1986, à la référence aux « services de radio et de télévision », la référence aux « services de communication audiovisuelle ».

L’alinéa 3 de cet article vise à préciser que lorsque des programmes susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs sont mis à disposition du public par des services de communication audiovisuelle, c’est-à-dire aussi bien des services de télévision que de SAMd, le CSA veille à la mise en œuvre de tout moyen de contrôle d’accès aux programmes qui soit adapté à la nature des SMAd.

L’application de cette dernière disposition est toutefois problématique. Dans son avis du 7 octobre 2008, le Conseil signalait qu’il approuvait l’extension du champ d’application du deuxième alinéa de l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986 à l’ensemble des services de communication audiovisuelle. Il souhaitait que cette disposition lui permette d’imposer sur les SMAd la mise en œuvre de tout moyen adapté à la nature de ces services et permettant de protéger les enfants contre les programmes qui ne sont pas destinés à leur âge, y compris ceux qui sont déconseillés aux moins de douze ans.

En effet, certaines des approches retenues pour les services de télévision (grille horaire, signalétique permettant aux parents d’être alertés sur le degré de nocivité des programmes pour le jeune public et d’exercer en conséquence un contrôle sur la présence des enfants devant le téléviseur familial) n’apparaissent pas adaptées aux SMAd, dont les programmes sont, en principe, accessibles à toute heure et pour une consommation normalement individuelle. Il convient donc de fixer, pour ces services, des règles appropriées et graduées qui demeurent cohérentes avec celles retenues pour les services de télévision.

La protection des mineurs sur les nouveaux médias pose de fait un certain nombre de problèmes :

– des obstacles techniques : les modalités de régulation s’appliquant aux médias traditionnels ne peuvent être purement et simplement transposées. Ainsi l’horaire de diffusion des programmes interdits aux mineurs ne peut s’appliquer à un service à la demande. Un récent rapport d’information présenté au nom de la Commission des affaires culturelles du Sénat par M. David Assouline, consacré à l’impact des nouveaux médias sur la jeunesse, notait que des épisodes de Nip/Tuck, déconseillés aux moins de 12 ans étaient diffusés toute la journée sur M6 Replay. De même la signalétique jeunesse, qui fait appel à la vigilance des parents, est moins opératoire lorsque l’enfant ou l’adolescent se trouve seul devant son écran.

– des obstacles juridiques : la responsabilité éditoriale est difficile à déterminer sur Internet avec le développement de contenus générés par les utilisateurs ou les sites de stockage.

La mise en œuvre de l’alinéa 6 de l’article 15 de la loi de 1986, introduit par la loi du 5 mars 2007, qui prévoit un « procédé technique de contrôle d’accès approprié aux services de télévision mobile personnelle » témoigne de ce caractère problématique.

Ces difficultés ont été soulignées lors de la discussion de la loi du 5 mars 2007 pour les services de médias diffusés en télévision mobile personnelle. Le rapporteur du projet de loi, M. Emmanuel Hamelin, notait alors que la détention d’un téléphone mobile se banalise chez les jeunes : 95 % des 15-25 ans en possèdent un et le mobile est un objet bien plus personnel que la télévision familiale. La télévision mobile personnelle se regarde donc plus volontiers seul, voire en cachette. C’est pourquoi il est effectivement impératif d’organiser un contrôle efficace de la consommation télévisuelle des mineurs sur les mobiles. Le rapporteur notait que la signalétique mise en place par le CSA n’était pas adaptée aux caractéristiques de la télévision mobile personnelle, en particulier parce que la taille de l’écran en réduit de façon drastique la visibilité et l’impact. La simple mention présente sur les écrans télévisés classiques n’étant pas assez visible, elle pourrait être insuffisante. Elle pourrait même produire l’effet inverse, la curiosité incitant le jeune à regarder le programme. Cette remarque est également valable pour les nouveaux SMAd.

Le présent projet de loi, compte tenu de la complexité du sujet, a préféré ne pas fixer prématurément de règles trop rigides. Lors de la consultation publique portant sur la révision de la directive TVSF, dans leur très grande majorité les acteurs ont souhaité une corégulation, c’est-à-dire la définition de règles en concertation avec le CSA. Il pourrait être envisagé, pour la télévision de rattrapage, d’adopter des règles relativement proches de celles des services de télévision dont ces services sont issus. En revanche, pour les services issus de l’Internet, des règles beaucoup plus spécifiques doivent être prévues. Pour contrôler l’accès aux contenus de catégorie II à V, différents procédés techniques existent déjà, notamment un cryptage à la source, applicable à toutes les chaînes, qu’elles soient payantes ou gratuites. Il pourrait être envisagé de les appliquer aux SMAd. Enfin, le contrôle parental, intégré dans le processus de vente depuis novembre 2006 pour tous les opérateurs de téléphonie mobile conformément à la charte d'engagement signée avec le ministre délégué à la famille le 10 janvier 2006, est une autre piste à explorer. L'obligation d'identification de l'utilisateur, proposée par le CSA, afin de s'assurer que seuls des adultes aient accès à des services de contenus adultes pourrait également être envisagée. Les considérants n° 44 à 47 de la directive SMA envisagent l’adoption de mesures telles que l'utilisation de codes PIN (numéros d'identification personnels), des systèmes de filtrage ou d'étiquetage.

Il semble que l’hypothèse d’éventuelles mesures de filtrage donne lieu à une très forte opposition de nombreux acteurs. C’est la raison pour laquelle le projet de loi attribue au CSA le soin d’organiser la concertation et de définir les moyens appropriés. À ce stade, le Conseil n’a pas encore établi un modèle particulier pour la protection des mineurs sur les SMAd. Il est probable que le futur dispositif impliquera un dispositif de contrôle parental et/ou de signalétique, mais il devra au préalable faire l’objet d’une concertation avec les acteurs concernés. Il faut rappeler que les efforts du législateur en la matière ne se traduiront dans les faits que si un système de régulation efficace, conçu en accord avec les différents opérateurs, est mis en place.

Enfin, comme le prévoit la directive SMA (l’article 3 ter), cet article étend les dispositions prohibant l’incitation à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité à l’ensemble des services de médias audiovisuels.

*

La Commission est saisie d’un amendement du rapporteur tendant à confier au CSA un contrôle sur la publicité placée par l’éditeur sur les sites de partage, afin que celle-ci ne puisse nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs.

Mme Françoise de Panafieu. Certains liens publicitaires, présents sur des sites de partage de données privées, sont susceptibles de porter atteinte à la protection des mineurs et échappent à tout contrôle. Il est du devoir du législateur de combler cette lacune.

M. le président Jean-François Copé. C’est un très bon amendement.

La Commission adopte l’amendement.

M. Didier Mathus. Je vous fais remarquer qu’en votant cet amendement, la Commission a créé un précédent en dotant le CSA d’une compétence sur des contenus mis en ligne sur Internet, en dehors de tout cadre législatif.

M. le rapporteur. Nous sommes en train d’élaborer un cadre puisque l’article 25 du projet de loi étend le contrôle du CSA sur le contenu et les modalités de la publicité sur les services de médias audiovisuels à la demande. Par ailleurs, l’objectif de cet amendement est de combler un vide juridique afin de protéger les mineurs.

M. Didier Mathus. Par ailleurs, est-il vrai que la Commission a adopté en fin de matinée un amendement modulant la taxe sur les services des opérateurs de communications électroniques ?

M. le président Jean-François Copé. Il s’agit simplement d’un amendement d’appel pour que nous puissions débattre avec le Gouvernement dans l’hémicycle.

La Commission examine ensuite un amendement de Mme Françoise de Panafieu visant à permettre au CSA de se doter des moyens d’évaluer la promotion de la diversité par les services de télévision.

Mme Françoise de Panafieu. Le CSA a récemment constaté que la représentation de la diversité dans les médias avait progressé de seulement 1 % depuis 1999. Il faut enfin lui donner les moyens d’aller au-delà du constat, en lui confiant des pouvoirs de sanction et des outils d’évaluation appropriés.

M. le rapporteur. La promotion de la diversité dans les médias est un principe inscrit à l’article 3-1 de la loi de 1986. Nous avons adopté deux amendements à l’article 3-1. Le premier prévoit que le CSA transmet au Parlement un rapport annuel en la matière et propose, le cas échéant, les moyens appropriés d’améliorer la promotion de la diversité à la télévision. Le deuxième prévoit que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) remet au Parlement un rapport dressant le bilan de la politique salariale et de recrutement menée par les sociétés nationales de programme, afin de lutter contre les discriminations et mieux refléter la diversité de la société française. J’ajoute que M. Frédéric Lefebvre déposera un amendement à ce sujet qui sera débattu en séance. Je vous propose de travailler avec M. Frédéric Lefebvre et moi-même à la rédaction de cet amendement.

Mme Françoise de Panafieu. De tels rapports, bien qu’importants, sont insuffisants en eux-mêmes. Nous ne pouvons pas en rester au stade des bonnes intentions.

L’amendement de Mme Françoise de Panafieu est retiré.

La Commission adopte l’article 27 ainsi modifié.

Article 28

Extension des obligations relatives à la promotion
de la langue française aux SMAd

Cet article modifie l’article 20-1 de la loi du 30 septembre 1986 et vise à étendre aux SMAd l’obligation d’emploi du français qui s’applique aujourd’hui aux organismes et services de télévision et de radio.

En l’état actuel du droit, l’article 20-1 de la loi du 30 septembre 1986, introduit par l'article 12 de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française, affirme l’obligation de l’emploi de la langue française sur l'antenne de l'ensemble des services de télévision et de radio, tant dans leurs programmes qu'au sein des écrans publicitaires et quel que soit leur mode de diffusion ou de distribution. Une circulaire du Premier ministre du 19 mars 1996 précise que le CSA est « responsable de l'application de la loi du 4 août 1994 dans le secteur audiovisuel (…) En cas de constatation d'infractions dans ce domaine, le Conseil peut prendre les sanctions prévues par la loi du 30 septembre 1986. » Les cahiers des missions et des charges des sociétés du secteur public et les conventions conclues par le CSA avec les opérateurs privés réaffirment le principe posé à l'article 20-1 de la loi, notamment en demandant à ces sociétés de veiller à un usage correct de la langue française dans leurs émissions.

L’obligation d’usage de la langue française est assortie d’exceptions, mentionnées dans une recommandation du CSA en date du 18 janvier 2005. En bénéficient :

– les œuvres cinématographiques et audiovisuelles en version originale (premier alinéa de l'article 20-1 de la loi du 30 septembre 1986) ;

– les œuvres musicales, y compris celles insérées dans des messages publicitaires, dont le texte est en tout ou partie en langue étrangère (deuxième alinéa de l'article 20-1 de la loi) ;

– les programmes, parties de programmes ou publicités incluses dans ces derniers qui sont conçus pour être intégralement diffusés en langue étrangère (troisième alinéa de l'article 20-1 de la loi). Le CSA, sur la base des préconisations de la circulaire du Premier ministre du 19 mars 1996 relative à l'application de la loi du 4 août 1994, retient notamment à ce titre, d'une part, les programmes proposés par des services étrangers reçus en France, d'autre part, ceux diffusés par les opérateurs nationaux à l'intention de communautés étrangères résidant en France, enfin, ceux destinés à une diffusion hors de France ;

– les programmes dont la finalité est l'apprentissage d'une langue et les retransmissions de cérémonies cultuelles (troisième alinéa de l'article 20-1 de la loi).

Si l'usage du français est obligatoire dans les programmes et les messages publicitaires, l'utilisation de langues étrangères n'est pas bannie, sous réserve qu'il soit recouru à une traduction en français, « aussi lisible, audible ou intelligible que la présentation en langue étrangère » (quatrième alinéa de l'article 20-1 de la loi). Par ailleurs, les dispositions de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française ne s'opposent pas à l'usage par voie audiovisuelle des langues régionales de France (métropole et outre-mer). Il existe dans la loi du 30 septembre 1986 des dispositions visant l’emploi de ces langues.

Les SMAd seront désormais soumis aux mêmes principes, quel que soit leur mode de diffusion ou de distribution, qu’ils soient édités par des opérateurs privés ou par le service public de l’audiovisuel. L’exposé des motifs donne peu d’indications sur le détail de ces obligations. Cependant les articles 29 et 36 du présent projet de loi introduisent une possibilité de modulation dans leur application.

En effet, l’article 29 précise que, pour les services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne, des décrets en Conseil d’État peuvent définir des obligations adaptées à la nature particulière des SMAd et les exonérer de l’application de certaines des règles prévues pour les autres services. La nature de ces adaptations et/ou exonérations devra être précisée. L’article 36 prévoit qu’un décret en Conseil d’État, pris après avis du CSA, fixe pour les SMAd diffusés en mode autre que hertzien, c'est-à-dire la majorité d’entre eux, des dispositions propres à assurer le respect de la langue française et du rayonnement de la francophonie. Il semble sur ce point que la jurisprudence du CSA en la matière, précédemment exposée, pourrait s’appliquer aux SMAd. Il reviendra in fine au CSA d’adapter ces principes, dans leur application, à la spécificité des nouveaux services. Il a signalé, dans son avis sur le projet de loi, qu’il était favorable à une régulation minimale, adoptée avec prudence, afin de ne pas menacer le développement des services innovants.

*

La Commission adopte l’article 28 sans modification.

Article additionnel après l’article 28

Rôle de régulation du CSA sur les conditions d’accès
des diffuseurs aux courts extraits

La Commission est saisie d’un amendement du rapporteur visant à confier au CSA un rôle de régulation afin de fixer des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires d’accès aux courts extraits de programmes présentant un grand intérêt pour le public.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à régler le problème récurrent de l’accès des chaînes à de courts extraits de programmes. Actuellement les images de compétitions sportives sont accessibles selon deux modalités : la retransmission en direct, dont un diffuseur a l’exclusivité, et la diffusion d’extraits à l’issue de la compétition. En effet, en application du droit à l’information du public, les faits marquants doivent pouvoir être vus et ce, en principe, à titre gratuit. Le problème est que l’article L. 333-7 du code du sport, s’il pose le principe du droit aux brefs extraits, ne précise ni leur durée ni les délais de diffusion. Le décret d’application qui devait les définir n’est jamais paru et les règles existantes ont été établies par la jurisprudence. La durée des extraits n’excède pas une minute et trente secondes toutes les quatre heures, sauf accord plus favorable du cessionnaire des droits.

Cet amendement répond donc à trois objectifs : transposer le régime de l’accès aux courts extraits pour les événements d’un grand intérêt pour le public introduit par la directive SMA ; établir un équilibre entre le droit à l’information du public, l’accès des nouvelles chaînes à des extraits de programmes de grand intérêt et la protection des droits exclusifs ; mettre fin à l’insécurité juridique dans laquelle se trouve un certain nombre de chaînes. Les différentes parties ne parvenant pas à s’entendre, nous proposons de confier au CSA un rôle d’arbitre afin de privilégier la régulation sur la réglementation.

La Commission adopte l’amendement.

Article 29

Valorisation des dépenses d’audio-description dans la contribution
des éditeurs de services de télévision diffusés en mode hertzien à la production –
Adaptation des obligations applicables aux services de communication audiovisuelle aux SMAd

Cet article vise à modifier l’article 27 de la loi du 30 septembre 1986 qui précise le régime des services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne, en vue notamment de valoriser l’audio-description dans la contribution à la production des éditeurs de services de télévision et de prévoir des obligations adaptées pour les SMAd.

L’alinéa 2 vise à modifier le 3° de l’article 27 de la loi du 30 septembre 1986, qui fixe le principe de la contribution des éditeurs de services de communication audiovisuelle diffusés en mode hertzien à la production audiovisuelle et cinématographique. Il est proposé de valoriser les dépenses liées à la diffusion de programmes adaptés aux personnes aveugles ou malvoyantes au sein de cette contribution, afin d’inciter les éditeurs à développer ces programmes.

a) La contribution des éditeurs à la production audiovisuelle et cinématographique : des règles récemment modifiées

En l’état actuel du droit, l’article 27 de la loi du 30 septembre 1986 détermine le principe d’un niveau minimal de dépenses obligatoires pour les diffuseurs dans la production d’œuvres audiovisuelles. En outre, les chaînes doivent réserver, selon les critères posés à l’article 71 de la même loi, une part de leurs investissements à des productions indépendantes. Le décret n° 2001-609 du 9 juillet 2001, précise les conditions d’application de ces principes aux chaînes hertziennes en clair diffusées en mode analogique, le décret n° 2001-1333 du 28 décembre 2001 les précise pour les éditeurs de services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique (TNT).

Les chaînes de télévision financent, en fonction de leurs résultats, la production audiovisuelle. Ainsi, les services de télévision, quel que soit leur support, sont tenus de consacrer chaque année une part de leurs chiffres d’affaires de l’année écoulée au développement de la production d’œuvres audiovisuelles européennes et d’expression originale française (EOF).

Au moins 2/3 de cette contribution annuelle doit répondre à des critères d’indépendance cumulatifs qui s’apprécient selon les œuvres et les entreprises qui les produisent. Ainsi les entreprises de production doivent être indépendantes sur le plan capitalistique et sur le plan économique des chaînes de télévision. Les œuvres, pour être réputées indépendantes, doivent respecter un ensemble de conditions relatives :

– à la limitation de la durée et du nombre de diffusions pour des droits exclusifs d’exploitation (1 diffusion pour 18 mois qui peut être étendue à 3 diffusions pour 42 mois à compter de la livraison de l’œuvre) ;

– à l’acquisition de droits d’exploitation pour un seul support de diffusion ;

– à la nécessité de conclure des mandats de commercialisation par contrats séparés et à la limitation de mandat de commercialisation confiés aux filiales des chaînes ;

– à la non-détention d’une part producteur par le diffuseur.

Enfin, les chaînes ont l’obligation de réserver une part de leur financement à la commande d’œuvres nouvelles. Celles-ci doivent représenter au moins 2/3 des investissements annuels des chaînes privées et 3/4 des dépenses des chaînes publiques.

Ces dispositions ont permis un essor considérable des investissements dans la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Le niveau global des investissements des chaînes historiques dans la production audiovisuelle a ainsi progressé de 38 % (790 millions d’euros en 2006 contre 574 millions d’euros en 2000) pour un volume horaire en progression de 44 %. Cependant ce dispositif a montré des lacunes quant à la diffusion des œuvres, insuffisamment développée. La mission conduite par MM. David Kessler et Dominique Richard, mise en place en 2007, a travaillé à élaborer avec les principales organisations professionnelles des accords conformes aux axes définis par la ministre de la culture et de la communication, principalement en vue de :

– centrer les dépenses en matière de production audiovisuelle en faveur des œuvres dites patrimoniales : fiction, animation, spectacle vivant, vidéomusique et documentaire ;

– adapter les droits exclusifs d’exploitation que détiennent les diffuseurs sur les œuvres au niveau de leur apport financier.

Ces réflexions ont abouti à la signature d’accords interprofessionnels approuvés par le ministère de la culture et de la communication le 22 octobre 2008. Ces accords comportent des modifications sur quatre points principaux.

– la définition de l’œuvre patrimoniale : le point d’achoppement principal de ces négociations a été de parvenir à un consensus autour de la notion d’œuvre patrimoniale. En effet, TF1, Canal + ou France Télévisions ont négocié un quota global de contribution à la production d’œuvres audiovisuelles patrimoniales et non plus un quota général d’œuvres audiovisuelles avec un sous-quota d’œuvres patrimoniales comme cela est aujourd’hui prévu par la loi. Les accords signés prévoient que les œuvres patrimoniales sont les œuvres de fiction, de documentaire, d’animation, la captation des spectacles vivants et les vidéo-musiques. Par ailleurs, les accords de TF1 et Canal + précisent que les œuvres de fiction comprennent les sketches.

– la contribution à la production : TF1 ne sera plus imposée qu’à hauteur de 12,5 % du chiffre d’affaires (CA) pour les œuvres audiovisuelles patrimoniales. Cependant toutes les œuvres financées entrent dans le champ des œuvres patrimoniales. France Télévisions verra ses obligations augmenter au fil des années pour atteindre 20 % en 2012.

– diffusion des œuvres : les accords interprofessionnels prévoient pour France Télévisions une augmentation à 70 % de la diffusion d’œuvres européennes dont 50 % d’œuvres EOF. De plus, certains accords prévoient un assouplissement de l’obligation de diffusion de 120 heures d’œuvres audiovisuelles inédites pour les programmes débutant entre 20 h et 21 h. Ainsi, TF1 pourra diffuser jusqu’à 30 heures de rediffusion au sein de ces 120 heures. Il est à noter qu’une autre modalité d’assouplissement aurait pu être choisie, consistant à faire remonter l’heure de grande écoute à 19 heures.

– prise en compte des services délinéarisés : dans la perspective du développement du numérique et de l’intégration des services non linéaires dans le projet de loi, les accords prennent en compte la télévision dite de rattrapage et la libération des droits non linéaires. Ainsi, TF1 a obtenu un droit prioritaire d’exploitation des droits de télévision de rattrapage pendant 31 jours suivant la première diffusion. De même, la chaîne peut exploiter l’œuvre pendant 12 mois en VoD payante et en exclusivité puis dispose de droits non exclusifs.

L’entrée en vigueur de ces accords est prévue au 1er janvier 2009. Sur le plan juridique, ils impliquent la révision des décrets dits Tasca. La question est de savoir si ces décrets définiront des règles a minima ou s’ils prendront en compte la spécificité des différents accords.

Principales modifications des décrets dits Tasca
au vu des accords interprofessionnels validés par les pouvoirs publics

Chaînes nationales diffusées en hertzien et en analogiques

Décrets Tasca

Accords interprofessionnels

Obligations de production

Les éditeurs consacrent 16 % de leur CA de l’exercice précédent à la production d’œuvres audiovisuelles EOF.

France 2 doit investir 18,5 % et France 3 19 % pour des EOF.

Au moins 2/3 des dépenses sont consacrés au développement de la production indépendante.

L’éditeur de service de cinéma de premières diffusions qui consacre plus de 20 % de son temps de diffusion à des œuvres audiovisuelles contribuera à la production d’œuvres audiovisuelles à hauteur de 4,5 % de ses ressources.

TF1 : 12,5 % du CA annuel net hors TVA (hors 3 % de la taxe pour le service public) investis dans les œuvres audiovisuelles patrimoniales. 9,25 % du CA annuel hors TVA dans les œuvres audiovisuelles indépendantes, dont 0,6 % pour des œuvres d’animation inédites.

France Télévisions : 18,5 % de l’assiette de l’exercice précédent en 2009 dans les œuvres patrimoniales indépendantes, 19 % de l’assiette de l’exercice précédent en 2010, 19,5 % de l’assiette de l’exercice précédent en 2011, 20 % de l’assiette de l’exercice précédent en 2012.

Canal + : 3,4 % du CA aux œuvres audiovisuelles patrimoniales indépendant + clause de bonne fortune : l’année suivant une hausse annuelle du CA abonnements comprise entre + 6 et + 9 %, l’obligation d’investissement dans les œuvres indépendantes patrimoniales passera de 3,4 % à 3,5 % ; si la croissance du CA est supérieure à + 9 %, l’obligation d’investissement passe de 3,4 % à 3,6 %.

Obligation de diffusion

Les éditeurs de services réservent dans le nombre total annuel de diffusions et de rediffusions d’œuvres cinématographiques au moins :

– 60 % à la diffusion d’œuvres européennes,

– 40 % à la diffusion d’œuvres EOF.

Les éditeurs diffusent en prime time (c’est-à-dire commençant entre 20 h et 21 h) 120 heures minimum d’œuvres européennes ou d’expression originale française de première diffusion.

TF1 : inchangé.

France Télévisions : 70 % de diffusion d’œuvres européennes, dont 50 % de diffusion d’œuvres françaises.

Canal + : inchangé.

TF1 : 120 heures minimum d’OE et OEOF de première diffusion débutant entre 20 h et 21 h, dont 30 heures de rediffusion.

France Télévision : inchangé.

Canal + : inchangé.

b) La valorisation des dépenses d’audio-description dans la contribution des éditeurs à la production : un mécanisme incitatif

L’alinéa 2 de l’article vise à modifier le 3° de l’article 27 de la loi du 30 septembre 1986, qui fixe le principe de la contribution des éditeurs de services au développement de la production, afin de valoriser les dépenses des chaînes de télévision en faveur de l’accessibilité des programmes pour les personnes aveugles et malvoyantes dans le calcul de ces obligations.

À cet effet, il ajoute qu’un décret pris en Conseil d’État après avis du CSA, prévoit que cette contribution peut tenir compte de l’adaptation de l’œuvre aux personnes aveugles et malvoyantes. Il faut sur ce point préciser qu’il s’agit d’une possibilité et non d’une obligation pour les chaînes. Par conséquent, cette disposition ne revient en rien sur les accords qui viennent d’être signés dans les modalités précédemment exposées. Il s’agit de mettre en place un dispositif incitatif qui permette le développement de ces programmes, conformément aux dispositions de la directive SMA qui prévoit dans son article 3 quater que les « États membres encouragent les fournisseurs de services de médias qui relèvent de leur compétence à veiller à ce que les services qu’ils offrent deviennent progressivement accessibles aux personnes souffrant de déficiences visuelles ou auditives ».

Le décret n° 2001-609 du 9 juillet 2001 prévoit déjà, au 3° de l’article 4, plusieurs modalités de contribution à la production. Constituent des dépenses contribuant au développement de la production d’œuvres cinématographiques les sommes consacrées par les éditeurs de services :

1) À l’achat de droits de diffusion en exclusivité, sur le service qu’ils exploitent, d’œuvres cinématographiques n’ayant pas encore reçu l’agrément des investissements ou une autorisation de production délivrés par le directeur général du Centre national de la cinématographie conformément aux dispositions du décret du 24 février 1999 susvisé ;

2) À l’investissement en parts de producteur dans le financement d’œuvres cinématographiques ;

3) Aux versements à un fonds participant, dans des conditions fixées par accord conclu par les éditeurs de services avec les organisations professionnelles de l’industrie cinématographique, à la distribution en salles d’œuvres agréées au sens du décret du 24 février 1999 susvisé.

Il s’agit d’y ajouter les dépenses liées à l’accessibilité des programmes aux personnes souffrant de déficiences visuelles. La technique aujourd’hui la plus communément utilisée en la matière est l’audio-description, qui consiste à insérer, dans un programme audiovisuel, un commentaire oral descriptif en vue d’en améliorer la compréhension par la personne aveugle ou malvoyante. Cette technique est toutefois très peu utilisée en France. C’est la raison pour laquelle la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a prévu que le Gouvernement dépose au Parlement un rapport « présentant les moyens permettant de développer l’audio-description des programmes télévisés au niveau de la production et de la diffusion, ainsi qu’un plan de mise en œuvre de ces préconisations ». Ce rapport, qui a été présenté le 19 juin 2008 à la Commission nationale culture et handicap, s’inscrit également dans le cadre du plan « Handicap visuel » lancé en juin 2008. Ce plan prévoit cinq mesures-phares au nombre desquelles figure l’accessibilité des médias aux personnes handicapées visuelles mise en œuvre par la ministre de la culture et de la communication. Sur le fondement de ces divers travaux, il est aujourd’hui proposé, afin de favoriser le développement de l’audio-description, d’introduire des mesures de nature législative tendant à :

– valoriser les dépenses d’audio-description dans la contribution des chaînes à la production cinématographique et audiovisuelle ;

– ne pas fixer par la loi une quelconque proportion de programmes audio-décrits, ni en volume, ni en genre, mais renvoyer au Conseil supérieur de l’audiovisuel, par le biais des conventions conclues avec les chaînes privées, et au Gouvernement, par le biais des contrats d’objectifs et de moyens, le soin de fixer des proportions de programmes accessibles. Cette souplesse permet de n’exclure à ce stade aucune piste (fixation de proportions de programmes en volume ou en genre).

Cette disposition est volontairement large, ce qui permettra ensuite, en fonction des situations, de fixer un pourcentage des dépenses d’audio-description dans le calcul de la contribution à la production des éditeurs. Les modalités de prise en compte de ces dépenses devront être précisées par la révision du décret n° 2001-609 du 9 juillet 2001.

c) L’adaptation des obligations applicables aux SMAd diffusés par voie hertzienne terrestre

L’alinéa 3 vise à compléter le dixième alinéa de l’article 27 de la loi du 30 septembre 1986, afin d’y intégrer une référence spécifique aux SMAd diffusés par voie hertzienne et de préciser que leurs obligations pourront faire l’objet d’aménagements, voirE d’exonérations tenant compte de leur spécificité, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État après avis du CSA.

Cette nouvelle disposition permet à la fois, comme l’exige la transposition de la directive SMA, de soumettre les SMAd à des règles minimales sans en freiner le développement. Le CSA, dans son avis d’octobre 2008 sur le projet de loi, a clairement indiqué sa préférence pour un encadrement spécifique aux SMAd qui permette plus de souplesse dans les obligations qui leur seront imposées : « des obligations ne devraient être imposées qu’à la condition d’être strictement nécessaires au maintien de conditions de concurrence équitables, notamment avec les services de cinéma ». Sur ce point le présent projet de loi fait clairement le choix d’une régulation adaptée des SMAd et d’obligations graduées. Comme cela a été évoqué, certains principes s’appliqueront sans discrimination aux SMAd et aux services de télévision, comme la protection des mineurs ou les règles déontologiques relatives à la publicité. D’autres feront l’objet d’une modulation. C’est le cas particulièrement des obligations en matière de promotion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes, que ce soit en matière de contribution à la production ou de diffusion des œuvres.

La directive SMA énonce sur ce sujet que les services de médias audiovisuels à la demande pourraient remplacer en partie la radiodiffusion télévisuelle. En conséquence, ils devraient favoriser, autant que possible, la production et la diffusion d’œuvres européennes et promouvoir ainsi activement la diversité culturelle. Ce soutien aux œuvres européennes pourrait par exemple prendre la forme de contributions financières de ces services à la production d’œuvres européennes et à l’acquisition de droits sur ces œuvres, du respect d’un pourcentage minimal d’œuvres européennes dans les catalogues de vidéos à la demande, ou de la présentation attrayante des œuvres européennes dans les guides électroniques des programmes. Il est important de réexaminer périodiquement l’application des dispositions relatives à la promotion des œuvres européennes par les services de médias audiovisuels. Dans le cadre des rapports réalisés en application de la présente directive, les États membres devraient également prendre en compte, notamment, la contribution financière de ces services à la production d’œuvres européennes et à l’acquisition de droits sur ces œuvres, la part des œuvres européennes dans les catalogues des services de médias audiovisuels, et la consommation réelle des œuvres européennes proposées par ces services.

Selon les informations fournies par le Gouvernement au rapporteur, la définition précise du dispositif permettant d’assurer la promotion des œuvres européennes par ces nouveaux services devrait intervenir au printemps 2009, par voie réglementaire. D’ores et déjà, la consultation publique menée pour l’élaboration du projet de loi a mis en évidence les éléments de débat suivants entre les professionnels :

– un consensus large pour que les services de télévision de rattrapage se voient appliquer le régime du service de télévision dont ils sont issus ;

– une très forte crainte des sites de plateforme communautaire, comme YouTube ou Dailymotion, d’être soumis à des obligations relatives à la promotion des œuvres et, plus généralement, à une quelconque réglementation audiovisuelle. En effet, certains acteurs estiment que les fournisseurs d’accès à Internet et éditeurs de sites web 2.0, qui proposent une offre d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques dont ils ont acquis les droits en vue d’une exploitation à la demande, doivent contribuer au développement de la production d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques européennes et d’expression originale française (EOF), comme les autres éditeurs de services de médias audiovisuels ;

– un débat ouvert sur le type de mesures à envisager. Plusieurs solutions sont en effet possibles. Une contribution financière sur le modèle de l’accord du 20 décembre 2005 sur le cinéma à la demande est la forme de promotion la plus souvent suggérée, avec des régimes de montée en charge.

S’agissant des éditeurs de service de télévision qui éditent également un service ou des services de vidéo à la demande.

Une obligation spécifique pourrait être prévue pour l’activité délinéarisée de ce même éditeur, qui pourrait prendre la forme d’un pourcentage de l’obligation globale à consacrer aux investissements sous forme de droit de diffusion sur les sites Internet pour des consultations à la demande. L’exploitation des œuvres à la demande précédant ou faisant suite à la diffusion télévisuelle (Catch up) pourrait être prise en compte au titre de l’obligation de contribution à la production audiovisuelle des services non linéaires. Le niveau de cette obligation spécifique pourra être fixé par décret.

Accord interprofessionnel de 2005 sur le cinéma à la demande

Contribution au développement de la production
des
œuvres cinématographiques et européennes

Les opérateurs de cinéma à la demande consacrent chaque année une contribution d’un pourcentage de leur chiffre d’affaires au développement de la production d’œuvres cinématographiques européennes et d’expression originale française. La contribution des opérateurs de service fait l’objet d’une montée en charge progressive :

– pour un chiffre d’affaires situé entre 1,5 et 3 millions d’euros : 5 % pour les œuvres européennes et 3,5 % pour les œuvres d’expression originale française ;

– pour un chiffre d’affaires situé entre 3 et 5 millions d’euros : 8 % pour les œuvres européennes et 5 % pour les œuvres d’expression originale française ;

– pour un chiffre d’affaires supérieur à 5 millions d’euros : 10 % pour les œuvres européennes et 7 % pour les œuvres d’expression originale française.

En matière de diffusion des œuvres, l’introduction de « quotas catalogue » et une présentation attrayante des œuvres, comme le suggère la directive SMA, recueillent l’assentiment de certains acteurs, en remplacement ou combinée avec la contribution financière. L’obligation d’offrir sur leur catalogue 60 % d’œuvres européennes et 40 % d’œuvres EOF semble excessive et pourrait aller à l’encontre de la liberté de communication. De plus elle ne tiendrait pas compte des éditeurs de services qui se spécialisent dans l’offre d’œuvres étrangères.

*

La Commission examine deux amendements de même objet, l’un de M. Benoist Apparu, l’autre de M. Jean Dionis du Séjour, tendant à intégrer dans le calcul de la contribution des éditeurs de services de télévision au développement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles les coûts occasionnés par l’adaptation des œuvres aux personnes sourdes ou malentendantes.

M. Benoist Apparu. L’article 29 prévoit déjà d’intégrer à cette contribution les coûts d’adaptation des programmes aux personnes aveugles ou malvoyantes. Nous proposons d’étendre cette disposition aux personnes sourdes et malentendantes.

M. le rapporteur. Bien que d’accord sur le principe, je suis défavorable à ces amendements.

Le système prévu par l’article 29 se veut incitatif. Il vise à encourager la production de programmes audio-décrits. Il n’intègre pas les programmes accessibles aux sourds ou malentendants car l’adaptation de ces programmes n’a pas à être encouragée, étant obligatoire depuis 2005. En effet, la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances prévoit que les chaînes sont soumises à l’obligation de fournir une proportion substantielle de programmes adaptés aux sourds et malentendants. S’ils étaient adoptés, ces amendements auraient pour conséquence que les dépenses d’adaptation des programmes viendraient diminuer d’autant la contribution des chaînes à la production, contre l’intention de leurs auteurs. Les chaînes auraient à choisir entre promouvoir la création ou permettre l’accès de tous à leurs programmes.

M. Benoist Apparu. L’article 29 permet d’intégrer les coûts de postproduction dans le cas de l’adaptation des œuvres aux personnes aveugles ou malvoyantes. Nous proposons simplement d’élargir la disposition aux sourds et malentendants. Je ne vois pas la contradiction avec les dispositions que rappelle le rapporteur. Pourquoi accepter d’intégrer les coûts de l’audio-description dans la contribution obligatoire à la production audiovisuelle et non ceux de l’adaptation des programmes aux personnes sourdes ou malentendantes ? Pourquoi cette différence de traitement ?

M. le rapporteur. Dans un cas, il y a incitation à produire des programmes adaptés, dans l’autre, obligation. Je suis prêt toutefois à reprendre ce débat en séance publique. Je vous indiquerai à cette occasion le coût de ces programmes et l’impact éventuel de leur intégration à la contribution des chaînes à la production.

Les amendements sont retirés.

M. Jean Dionis du Séjour. Permettez-moi de revenir sur la question de la progressivité de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques. Vous pouvez vous opposer à l’adoption de l’amendement en séance mais, ce matin, la Commission a jugé intéressante cette idée de progressivité, car le secteur ne se limite pas à trois grands opérateurs.

M. le président Jean-François Copé. Il s’agissait clairement d’un amendement d’appel. Nous l’avons voté dans cet esprit, afin d’avoir une discussion avec le Gouvernement sur ce sujet.

M. Patrick Bloche. Qu’il s’agisse ou non d’un amendement d’appel, la question demeure de savoir si le compte y est pour l’audiovisuel public. On nous a affirmé que la taxe sur les opérateurs de communications électroniques permettrait de le financer à hauteur de 360 millions d’euros. Nous avions déjà des réserves sur la réalité de cette somme, mais vous les aggravez en évoquant une progressivité de la taxe !

M. le président Jean-François Copé. Pour financer la perte des recettes publicitaires, nous instaurons une taxe sur les fournisseurs d’accès à Internet et sur les opérateurs de téléphonie. Nous taxons également les chaînes privées, ce qui est normal car elles vont bénéficier d’un effet d’aubaine – sauf si la crise économique s’aggrave. Telle est l’économie générale du dispositif. S’agissant de la taxe sur la publicité télévisée, nous avons par ailleurs décidé d’instaurer une petite modulation. Jean Dionis du Séjour reste opposé à ce dispositif, lui préférant une augmentation de la redevance – ce qui, à mes yeux, ne constitue pas un projet alternatif. L’adoption de son amendement était un geste à son intention, mais il n’est pas question de revenir sur la taxe sur les opérateurs.

La Commission examine successivement les amendements n° 20, 21 et 22 du Gouvernement : le premier vise à permettre que la contribution des chaînes diffusées par voie hertzienne terrestre puisse porter en totalité sur la production indépendante ; le deuxième vise à permettre que la contribution des éditeurs puisse porter en totalité sur les œuvres patrimoniales ; le troisième précise les conditions dans lesquelles est possible la mutualisation des investissements des chaînes d’un même groupe.

M. le président Jean-François Copé. C’est exceptionnel que des amendements d’origine gouvernementale soient présentés en commission au stade de l’examen du rapport. C’est l’esprit même de la réforme constitutionnelle qui commence ainsi à s’appliquer.

M. le rapporteur. Ces amendements permettront d’inscrire dans la loi les accords récemment conclus entre les principaux groupes audiovisuels et les syndicats de producteurs en vue de fixer la contribution des chaînes à la production d’œuvres audiovisuelles.

La création et la diffusion des œuvres en seront améliorées, sans que cela remette en cause l’esprit des décrets dits « Tasca » qui visent à soutenir et à promouvoir les œuvres européennes et d’expression originale française.

Je précise que ces accords ont reçu l’accord des chaînes et des producteurs. Tous semblent satisfaits de l’équilibre qui a été trouvé. Afin de préserver la spécificité de chaque chaîne, ces amendements se contentent de fixer des principes fondamentaux en évitant toute rigidité excessive.

La Commission adopte successivement les amendements n° 20, 21 et 22.

Elle adopte ensuite l’article 29 ainsi modifié.

Article 30

Programmes diffusés en mode hertzien adaptés
aux personnes souffrant d’un handicap visuel ou auditif

Cet article vise à modifier l’article 28 de la loi du 30 septembre 1986, qui fixe les obligations devant figurer dans les conventions signées entre les services diffusés par voie hertzienne terrestre autre que ceux diffusés par les sociétés nationales de programme et le CSA. Il a pour effet d’une part de préciser que les obligations en matière de diffusion de programmes adaptés aux sourds et malentendants ne portent que sur les éditeurs de services de télévisions, et d’autre part de prévoir la possibilité pour ces chaînes de diffuser des programmes adaptés aux personnes aveugles et malentendantes.

L’alinéa 2 modifie le 5°bis de l’article 28 et vise à préciser que l’obligation de diffuser des proportions substantielles des programmes qui, par des dispositifs adaptés et en particulier aux heures de grande écoute, sont accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes, s’applique uniquement aux services de télévision. La loi du 11 février 2005 pose un principe général d’adaptation de la totalité des programmes télévisés, valable pour toutes les chaînes dépassant un certain seuil d’audience. Ainsi, comme le mentionne l’article 28 de la loi de 1986, les conventions signées avec le CSA prévoient les « proportions substantielles de programmes qui, par des dispositifs adaptés et en particulier aux heures de grande écoute, sont accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes. Pour les services dont l'audience moyenne annuelle dépasse 2,5 % de l'audience totale des services de télévision, cette obligation s'applique, dans un délai maximum de cinq ans suivant la publication de la loi, à la totalité de leurs programmes, à l'exception des messages publicitaires. »

Programmes accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes en 2005, 2006 et 2007

(en volumes horaires)

 

France 2

France 3*

France 4**
(de 6 h à 19 h)

TF1

M6

Canal +

2005

3 569 h

3 439 h

2 004 h

2 275 h

1 116 h

77 films Ceefax + 260 films étrangers en version originale sous-titrée

2006

4 225 h

4 849 h

2 546 h

3 838 h

1 582 h

81 films Ceefax + 272 films étrangers en version originale sous-titrée

2007

4 814 h

5 117 h

3 862 h

4 727 h

2 757 h

86 titres Ceefax

* Diffusion nationale, hors émissions régionales

** Diffusion analogique

Source : CSA, bilan 2007 des chaînes

En 2007, seules W9, Direct 8, NRJ 12, NT1 et TF6, ont déclaré avoir rendu accessible une partie de leurs programmes, pour des volumes encore faibles mais qui montrent la volonté de ces chaînes de prendre en compte les difficultés des téléspectateurs sourds ou malentendants. Quatre chaînes ont déjà signé l’avenant que leur a envoyé le Conseil fixant à 40 % le taux de programmes devant être sous-titrés, en 2010, pour les personnes sourdes ou malentendantes : W9, LCI, Direct 8 et Virgin 17.

Compte tenu du poids des dépenses qu’implique cette obligation, il ne semble pas possible de l’appliquer dès aujourd’hui et dans les mêmes proportions aux nouveaux services de médias. Le coût du sous-titrage est en effet évalué entre 15 et 30 euros la minute. Selon France Télévisions, le sous-titrage de l’ensemble des programmes de France 2, France 3, France 4, France 5, et RFO devrait représenter à l’horizon 2010 un budget annuel de 62 millions d’euros.

L’alinéa 4 vise à introduire un dispositif incitatif en faveur des programmes accessibles aux personnes aveugles et malvoyantes. Il est donc prévu par le présent projet de loi que pour les services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique dont l’audience dépasse 2,5 % de l’audience totale de services de télévision, la convention signée avec le CSA peut prévoir une proportion de programmes qui, par des dispositifs adaptés et en particulier aux heures de grande écoute, sont accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes.

Seuls les services de télévisions diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique sont visés. En effet, il semble plus judicieux de faire porter l’effort d’audio-description uniquement sur le mode de diffusion hertzien numérique. À l’étranger, l’introduction de la diffusion numérique a, le plus souvent, été le facteur déclenchant du développement de politiques en matière d’audio-description. En France, la voie hertzienne terrestre est le mode principal de réception de la télévision pour plus de 50 % des foyers français. De plus, la diffusion en mode analogique présente un inconvénient majeur : elle contraint à diffuser la version classique et la version audio-décrite en monophonie, ce qui aboutit à proposer des programmes avec une faible qualité sonore pour l’ensemble des téléspectateurs, a fortiori pour les aveugles et malvoyants. Le mode numérique permet de proposer simultanément des versions classiques et audio-décrites sans conséquence majeure sur la qualité sonore de l’une ou l’autre des versions. Enfin la loi a programmé l’extinction de la diffusion terrestre en mode analogique au 30 novembre 2011 et de manière progressive à compter de 2008.

Le seuil d’audience retenu reprend par homothétie celui qui s’applique actuellement en matière de programmes accessibles aux personnes sourdes et malentendantes. Concrètement, il s’agit aujourd’hui, selon les parts d’audience des chaînes mesurées par Médiamétrie sur les individus âgés de 4 ans et plus, des trois grandes chaînes privées TF1, M6 et Canal + qui dépassent de façon constante les 2,5 % d’audience. Notons que cette disposition pourrait bientôt s’appliquer à certaines chaînes de la TNT, comme l’indique le tableau des audiences ci-dessous. Toutefois, afin de ne pas entraver le développement des chaînes qui pourraient entrer dans le champ d’application de cette disposition, le présent projet de loi met en place non pas une obligation mais une incitation à la diffusion des programmes audio-décrits et précise qu’ils doivent être d’abord diffusés aux heures de grande écoute.

Part d'audience des agrégats et des chaînes (%) (1) et couverture nationale en octobre 2008 (du 29 septembre au 2 novembre 2008)
(jour moyen lundi-dimanche - de 3 h 00 à 3 h 00 - âgés de 4 ans et plus)

   

Part d’audience nationale

Couverture semaine

Part d’audience exclusifs TNT

   

oct-08

sept-08

oct-07

oct-08

oct-08

sept-08

oct-07

 

Total TV

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

Agrégats

Chaînes nationales (2)

74,8

75,5

81,7

73,4

73,1

75,9

Autres TV (3), dont :

25,2

24,5

18,3

26,6

26,9

24,1

Autres chaînes reprises sur la TNT gratuite (4)

12,3

11,8

6,6

24,1

24,2

20,7

Autres chaînes thématiques, locales, interactives, étrangères… (5)

12,9

12,7

11,7

2,5

2,7

3,4

Chaînes

TF1

26,2

28,0

31,8

51 349 000

26,8

28,5

31,1

France 2

16,6

16,3

17,6

49 689 000

16,7

16,1

17,4

France 3

13,0

12,8

13,3

49 116 000

13,0

12,2

11,2

Canal + (6)

3,8

3,8

3,4

38 583 000

1,7

1,9

2,0

France 5 (7)

3,0 (5,3)

3,0 (5,5)

3,1 (6,2)

40 243 000

3,5

3,4

3,8

M6

11,2

10,7

11,3

46 540 000

11,4

10,8

10,2

Arte (7)

1,7 (2,7)

1,6 (2,5)

1,6 (3,2)

39 156 000

1,7

1,6

1,6

Direct 8

0,8

0,8

0,3

21 587 000

1,8

1,8

1,2

W9

2,1

2,0

1,1

24 631 000

3,9

3,9

3,6

TMC

2,3

2,3

1,4

25 019 000

4,3

4,3

3,5

NT1

1,0

0,9

0,6

22 788 000

2,1

2,0

2,0

NRJ12

1,0

1,0

0,5

21 627 000

2,1

2,3

1,8

France 4

1,1

0,9

0,4

21 787 000

1,9

1,8

1,2

BFM TV

0,5

0,5

0,2

17 822 000

1,1

1,1

0,8

I>TELE

0,4

0,4

0,3

18 143 000

0,6

0,6

0,7

Virgin 17

0,6

0,5

0,3

17 422 000

1,3

1,2

1,2

Gulli

1,6

1,6

0,8

17 582 000

3,3

3,6

3,1

(1) L'audience des chaînes comprend les modes de réception de la télévision par le public en hertzien analogique et numérique (TNT), par câble analogique et numérique ainsi que par satellite et ADSL

(2) Chaînes qui souscrivent au service Médiamat quotidien national : TF1, France 2, France 3, Canal +, M6, France 5 et Arte (sur leurs tranches horaires de diffusion hertzienne analogique : respectivement avant/après 19 heures)

(3) Le poste "Autres TV" est constitué de l'audience de toutes les autres chaînes que celles du (2) : autres chaînes reprises sur la TNT (Télévision Numérique Terrestre), chaînes locales, régionales, étrangères, thématiques, interactives, non signées.

(4) Les chaînes comprises dans cet agrégat sont : France 5 après 19 h, Arte avant 19 h, Direct 8, W9, TMC, NT1, NRJ12, LCP-Assemblée Nationale / Public Sénat, France 4, BFM TV, i>TELE, Virgin 17 et Gulli. Les chaînes locales de la TNT n'y figurent pas. Rappel : comme dans tout le tableau, les résultats d'audience comprennent tous les modes de réception de ces chaînes, tels que listés dans l'encadré.

(5) Cet agrégat comprend les chaînes thématiques, locales, régionales, interactives, étrangères et non signées.

(6) Ces résultats comprennent exclusivement l'audience de la chaîne Canal + ; l'audience des autres chaînes de Canal + Le Bouquet (Canal + Cinéma, Canal + Sport, Canal + Décalé et Canal + Family) est intégrée au poste "Autres chaînes thématiques, locales, interactives, étrangères…"

(7) Pour France 5 et Arte, les résultats entre parenthèses sont calculés sur les seuls horaires de diffusion en hertzien analogique : avant 19 h pour France 5 et après 19 h pour Arte.

Source: Médiamétrie –  Médiamat mensuel – 3 novembre 2008

Il faut noter que le coût de ces programmes est encore à ce jour considérable. À titre indicatif, à ce stade, France Télévisions indique que le coût serait de l'ordre de 2,3 millions d’euros la première année et de 4,5 millions d’euros la deuxième année. L'impact financier de l'audio-description est pris en compte dans le cadre de l'élaboration, en cours, du plan d'affaires 2009-2012 de France Télévisions.

*

La Commission examine l’amendement n° 23 du Gouvernement tendant à inclure l’acquisition des droits sur les services dits de « rattrapage » des chaînes dans la contribution à la production des œuvres audiovisuelles.

M. le rapporteur. Les pratiques évoluent. Les médias dits « non linéaires », comme les services de télévision de rattrapage sont amenés à se développer : il est normal qu’ils contribuent au soutien de la production des œuvres, sans toutefois que leur développement soit entravé par une réglementation trop rigoureuse. C’est précisément l’esprit des accords qui ont été conclus et que reprend ici encore cet amendement. Il permet en outre au CSA de préciser les modalités de mise à disposition des programmes sur les services de télévision de rattrapage par l’intermédiaire des conventions conclues avec les chaînes.

Par conséquent, avis favorable.

La Commission adopte l’amendement n° 23.

Elle adopte ensuite l’article 30 ainsi modifié.

Après l’article 30

La Commission examine un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à soumettre les services de télévision de rattrapage aux obligations relatives à la production et à la diffusion d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques mentionnées aux 3° et 4° de l’article 27 de la loi du 30 septembre 1986.

M. Jean Dionis du Séjour. Cet amendement ayant le même objet que celui que nous venons d’adopter, je le retire.

L’amendement est retiré.

Article additionnel après l’article 30

Reprise des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre numérique sur les réseaux mobiles de troisième génération

Après avis favorable du rapporteur, la Commission adopte un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à ce que tout service de télévision dont la diffusion par la voie hertzienne terrestre numérique est autorisée puisse être reçu en intégralité par les utilisateurs des réseaux mobiles de troisième génération.

Après l’article 30

La Commission examine ensuite un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à soumettre les services de télévision de rattrapage aux obligations mentionnées aux 6° et 7° de l’article 33 de la loi du 30 septembre 1986.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement est satisfait par l’amendement du Gouvernement que nous avons adopté.

La Commission rejette l’amendement.

Article 31

Modalités d’attribution de la ressource radioélectrique
pour la diffusion par satellite

Cet article vise à modifier l’article 30-6 de la loi du 30 septembre 1986, qui prévoit les conditions d’autorisation par le CSA de l’usage des fréquences radioélectriques de diffusion par satellite.

Cet article a été introduit par la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle. En l’état actuel du droit, l'article 30-6 de la loi du 30 septembre 1986 concerne la télévision ou la radio diffusées par satellite dans les bandes de « radiodiffusion », c'est-à-dire les bandes de fréquences assignées par le CSA (2ème alinéa de l'article 22 de la loi de 1986). C'est donc la procédure parallèle à celles prévues pour la diffusion par voie hertzienne terrestre aux articles 29, 29-1, 30 et 30-1. Il prévoit que l’usage de ressources radioélectriques pour diffuser des services de radio et de télévision par voie satellitaire est soumis à autorisation du CSA, selon une procédure fixée par décret en Conseil d’État. Le décret n°87-364 du 4 juin 1987 pris pour l'application de l'article 31 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication prévoit que le CSA procède à un appel aux candidatures accompagné de la liste des voies-image et des voies-son faisant l'objet de la consultation. Les dossiers de candidature indiquent notamment l'objet du service et le projet d'exploitation correspondant, la composition du capital de la société candidate, la liste des administrateurs, les prévisions de dépenses et de recettes, l'origine et le montant des financements prévus.

Ces autorisations sont accordées par le CSA au regard des impératifs prioritaires mentionnés au sixième alinéa de l’article 29 de la loi de 1986. Il s’agit de la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socioculturels, de la diversification des opérateurs et de la nécessité d’éviter les abus de position dominante et les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. Il est précisé que les services de radio et de télévision diffusés sur ces fréquences sont soumis aux dispositions des articles 33 et 33-1 de la loi de 1986, qui prévoient que tout service diffusé en mode autre que hertzien est soumis à un régime de convention avec le CSA. Il faut noter que cette obligation de conventionnement pèse sur tous les éditeurs et distributeurs. Par dérogation, les services distribués par un réseau dont le budget annuel est inférieur à 75 000 euros pour la radio et 150 000 euros pour la télévision, sont soumis à un régime de déclaration préalable. Enfin, les services de télévision émis par des opérateurs n’étant pas établis en France, mais relevant de sa compétence, peuvent être diffusés sans formalité préalable. Toutefois, ils demeurent soumis aux obligations résultant de la loi de 1986 et au contrôle du CSA.

Ce régime n'a en réalité été mis en œuvre qu'une seule fois avec TDF1 et TDF2 et les textes pris à l'époque pour son application sont tout à fait obsolètes (décret n° 87-364 du 4 juin 1987) dans la mesure où ces bandes de fréquences sont depuis lors vierges de toute utilisation (il n'y avait même pas de satellite dans ces bandes de fréquences). Les bouquets satellitaires comme CanalSatellite, TPS ou AB Sat utilisent en effet soit des fréquences gérées par l'ARCEP, soit des fréquences étrangères. Il est relativement lourd pour les distributeurs, mais aussi pour le CSA, et est de moins en moins adapté au paysage audiovisuel européen. S’il est possible pour le CSA de gérer un appel à candidature sur le territoire national, impliquant des acteurs nationaux, maîtrisant la langue française, et en nombre limité, il lui est difficile d’émettre des appels à candidature destinés à tous les éditeurs potentiellement intéressés par une fréquence satellitaire (ils peuvent être situés dans des dizaines de pays différents), dans un délai satisfaisant, et avec la garantie d’avoir accordé une visibilité assez large à la démarche. En mode de diffusion numérique, pour chaque fréquence exploitée par un satellite, ce sont plusieurs centaines de chaînes qui sont diffusées (avec d’ailleurs un taux de renouvellement rapide atteignant facilement les 10% par mois). Depuis 2001, Eutelsat a demandé le droit d’exploiter 7 fréquences différentes.

L’alinéa 3  modifie le premier alinéa de l’article 30-6, en remplaçant la référence aux services de « radio et de télévision » par satellite par la référence plus englobante aux services de « radiodiffusion ». Il prévoit, comme c’était le cas auparavant, que ces services sont soumis à un régime d'autorisation du CSA selon une procédure spécifique prévue par un décret en Conseil d'État. La durée des autorisations pour les services de radio numérique et de télévision demeure fixée à dix ans contre cinq ans pour les services de radio analogique.

L’alinéa 4 modifie le troisième alinéa de l’article 30-6 en supprimant la référence aux services de « radio et de télévision » pour la remplacer par la simple mention des « services » diffusés sur ces fréquences, ce qui comprend tous les services de communication audiovisuelle. Il prévoit que ces services sont soumis aux dispositions des articles 30 et 30-1 de la loi de 1986, qui prévoit les modalités d’autorisation d’usage des fréquences pour la diffusion des services en mode hertzien terrestre analogique et numérique.

Afin de moderniser le régime de la radiodiffusion par satellite dans les bandes de fréquences de radiodiffusion, il pourrait être envisagé de simplifier les modalités d’autorisation par le CSA. Selon la disponibilité de la ressource radioélectrique, le CSA pourrait retenir un régime d’autorisation après appel aux candidatures, comme c’est le cas aujourd’hui, ou un simple régime de conventionnement à l’instar du régime satellitaire dans les autres bandes de fréquences. Ces services, qu’ils soient autorisés ou conventionnés, resteraient soumis aux dispositions de l’article 30 et 30-1 de la loi de 1986.

*

La Commission examine un amendement du rapporteur tendant à moderniser l’attribution des fréquences assignées à la radiodiffusion par satellite.

M. le rapporteur. Il s’agit de remplacer le mode actuel d’attribution des fréquences assignées à la radiodiffusion par satellite, qui repose aujourd’hui sur un appel à candidatures lancé par le CSA, par un simple régime déclaratif. La procédure d’appel à candidatures ne serait maintenue qu’en cas d’insuffisance de la ressource radioélectrique disponible. Le régime actuel est devenu obsolète, car les fréquences satellite sont exploitées simultanément par des centaines de chaînes, non françaises dans la majorité des cas. Le CSA est aujourd’hui dans l’incapacité d’émettre des appels à candidatures dans un délai satisfaisant et dans des conditions de transparence suffisantes.

M. Didier Mathus. Faut-il comprendre que le CSA n’attribuera plus les fréquences ? Dans un cas comme celui de la chaîne Al Manar, il ne pourrait donc plus se prononcer.

M. le rapporteur. Cette modification du régime de radiodiffusion par satellite dans les bandes de fréquences de radiodiffusion s’est faite en accord avec le CSA lui-même. Par ailleurs, le régime déclaratif n’a pas pour effet de soustraire les services diffusés aux dispositions de la loi du 30 septembre 1986, lorsqu’ils entrent dans le champ de compétence de l’État français.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 31 ainsi modifié.

Article 32

Coordination

Comme celui qu’il précède, cet article vise à apporter une modification rédactionnelle, de nature à tirer les conséquences de la transposition de la directive du 11 décembre 2007 et, ce faisant, à inclure les services de médias audiovisuels dans le champ de la loi française, s’agissant des réseaux n’utilisant pas des fréquences assignées par le CSA (120).

Il propose ainsi de modifier l’intitulé du chapitre II du titre II de la loi du 30 septembre 1986, qui comporterait désormais des « dispositions applicables à la radio, et à la télévision et aux médias audiovisuels à la demande par les réseaux n’utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel ».

*

La Commission adopte l’article 32 sans modification.

Article 33

Coordination

Comme celui qu’il suit, cet article vise à apporter une modification rédactionnelle, de nature à tirer les conséquences de la transposition de la directive du 11 décembre 2007 et, ce faisant, à inclure les services de médias audiovisuels dans le champ de la loi française, s’agissant des réseaux n’utilisant pas des fréquences assignées par le CSA (121).

Il propose ainsi de modifier l’intitulé de la section 1 du chapitre II du titre II de la loi du 30 septembre 1986, qui concernerait désormais l’édition « de services de radio, de télévision et de médias audiovisuels à la demande par les réseaux n’utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel ».

*

La Commission adopte l’article 33 sans modification.

Article 34

Valorisation des dépenses d’audio-description
dans la contribution des éditeurs de services de télévision diffusés en mode non hertzienà la production

Cet article vise à valoriser les dépenses d’audio-description dans la contribution des éditeurs de services de télévision au développement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, s’agissant des réseaux n’utilisant pas des fréquences assignées par le CSA. Modifiant le 6° de l’article 33 de la loi du 30 septembre 1986, il est l’exact pendant, pour le câble, le satellite et l’ADSL, de la mesure proposée pour les réseaux hertziens (122).

La rédaction actuelle de l’article 33 de la loi de 1986 renvoie à un décret en Conseil d’État, pris après avis du CSA, la détermination d’un certain nombre d’obligations applicables à chaque catégorie de services de radio ou de télévision distribués par les réseaux n’utilisant pas des fréquences assignées par le CSA (123).

Au nombre de ces obligations figure, pour les seuls services de télévision diffusant des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles, une contribution des éditeurs au développement de la production de ces œuvres, et plus particulièrement au développement de la production indépendante. Cette contribution est affectée à l’acquisition des droits de diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles sur les services qu’ils éditent. Des règles différentes peuvent être fixées pour les œuvres cinématographiques et pour les œuvres audiovisuelles, ainsi qu’en fonction de la nature des œuvres diffusées et des conditions d’exclusivité de leur diffusion.

L’article 7 du décret dit « câble, satellite et ADSL » (124) oblige notamment les éditeurs de services de télévision à consacrer chaque année au moins 3,2 % de leur chiffre d’affaires (net de l’exercice précédent) à des dépenses contribuant au développement de la production d’œuvres cinématographiques européennes. La part de cette obligation composée de dépenses contribuant au développement de la production d’œuvres d’expression originale française doit représenter au moins 2,5 % du chiffre d’affaires (125).

L’article 11 du même décret oblige les éditeurs qui réservent annuellement plus de 20 % de leur temps de diffusion à des œuvres audiovisuelles à consacrer, chaque année, au moins 16 % de leur chiffre d’affaires (net de l’exercice précédent) à des dépenses contribuant au développement de la production d’œuvres audiovisuelles européennes ou d’expression originale française (126). La part de cette obligation consacrée à des œuvres d’expression originale française ne peut être inférieure aux trois quarts du montant total de l’obligation.

Par cohérence avec les mesures – déjà présentées (127) – du plan « Handicap visuel » lancé par le Gouvernement le 2 juin 2008 et de la directive du 11 décembre 2007, le présent article permet de tenir compte, pour le calcul du niveau de cette contribution, des efforts réalisés par les éditeurs en matière d’adaptation des œuvres « aux personnes aveugles ou malvoyantes ».

Cette règle viendra s’ajouter :

– à la disposition actuelle permettant de prendre en compte les frais de sauvegarde, de restauration et de mise en valeur des œuvres du patrimoine, pour le calcul de tout ou partie de la contribution des services dont l’objet principal est la programmation d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles, lorsque la nature de leur programmation le justifie ;

– à la possibilité ouverte par la rédaction actuelle de l’article 33 de la loi du 30 septembre 1986, de prendre en compte, dans cette contribution une part destinée à la distribution en matière cinématographique (128).

*

MM. Benoist Apparu et Jean Dionis du Séjour retirent deux amendements tendant à ce que la contribution des chaînes à la production puisse tenir compte des coûts de l’adaptation de programmes, non seulement aux personnes aveugles ou malvoyantes, mais également aux personnes sourdes et malentendantes.

Après avis favorable du rapporteur, la Commission adopte deux amendements du Gouvernement : le premier tend à prendre en compte la possibilité de mutualiser la contribution à la production au sein d’un même groupe ou de la limiter, par voie conventionnelle, à la seule production indépendante ; le second permet d’inclure, dans le calcul de la contribution des éditeurs à la production d’œuvres audiovisuelles, la formation des auteurs, le financement de festivals et la promotion des œuvres produites, et de mutualiser les investissements des chaînes d’un même groupe.

Elle adopte ensuite l’article 34 ainsi modifié.

Article 35

Programmes diffusés en mode autre que hertzien adaptés
aux personnes souffrant d’un handicap visuel ou auditif

Cet article vise à modifier l’article 33-1 de la loi du 30 septembre 1986, qui fixe le régime des services de radio et de télévision n’utilisant pas des fréquences assignées par le CSA, c'est-à-dire diffusés par câble et satellite, et ce sur trois points. Il précise que les obligations des éditeurs de diffuser des programmes accessibles aux personnes sourdes et malentendantes ne s’appliquent qu’aux services de télévision ; introduit la possible mention, dans les conventions passées avec le CSA, d’une proportion de programmes accessibles aux personnes malvoyantes et aveugles ; enfin ne soumet la diffusion des SMAd en mode non hertzien à aucune formalité préalable. Cet article est le pendant de l’article 30 pour les services non hertziens.

En l’état actuel du droit, la diffusion de ces services est subordonnée à la signature d’une convention avec le CSA pour la majorité d’entre eux, d’une déclaration préalable pour les services distribués par des opérateurs dont le budget est inférieur à un certain seuil, et peut se faire sans formalité préalable pour les services de télévision relevant de la compétence de la France, en application des articles 43-4 et 43-5 de la loi de 1986. La convention précise les obligations particulières au service, comme les proportions de programmes destinés aux personnes sourdes et malentendantes ou encore les modalités de concours au soutien financier de l’industrie cinématographique.

L’alinéa 2 modifie le quatrième alinéa du I de l’article 33, et vise à préciser que l’obligation qui résulte de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, de diffuser une certaine proportion de programmes adaptés aux personnes sourdes ou malentendantes, en particulier aux heures de grande écoute, ne s’applique qu’aux services de télévision. Ce principe ayant été affirmé à l’article 30 pour les SMAd diffusés en mode hertzien, au motif que ces dépenses pourraient grever leur développement, il est ici, par coordination, étendu aux SMAd diffusés par câble, satellite et ADSL.

Il faut mentionner qu’en 2007, les chaînes payantes conventionnées qui n’utilisent pas de fréquences assignées par le Conseil se sont peu investies dans l’accessibilité de leurs programmes aux personnes sourdes ou malentendantes. La plupart mettent en avant des coûts élevés pour la mise en place de dispositifs adaptés. Un avenant, édictant l’obligation de sous-titrer 20 % des programmes, hors écrans publicitaires, a été adressé par le Conseil aux chaînes dont la convention a été signée après le vote de la loi du 11 février 2005. Pour les autres services, cette obligation sera reprise lors du renouvellement de leur convention. En 2008, plusieurs chaînes ont signé l’avenant ou la convention que leur a envoyé le CSA prévoyant que 20 % des programmes comporteront le sous-titrage spécifique en 2010 (123 Sat, AP-HM Télévision, Astrocenter TV, Demain, Disney Channel, KTO, Lohys TV, Mizik Tropical, OL TV, OM TV, Onzéo, Tishk TV, Ciné-Cinéma Culte, Ciné-Cinéma Famiz, Euronews, Planète Justice, Télétoon, Vivolta).

L’alinéa 4 introduit un dispositif similaire à celui qui se trouve à l’article 30 pour les services hertziens. Il permet aux conventions passées entre le CSA et les diffuseurs de prévoir une proportion de programmes accessibles aux aveugles et malvoyants. Cependant, les chaînes conventionnées ayant d’ores et déjà des difficultés à remplir leurs obligations en matière de programmes accessibles aux personnes sourdes et malentendantes, on peut douter de l’essor de l’audio-description, celle-ci ayant un coût très élevé. Il serait opportun que le CSA se saisisse du sujet et puisse réfléchir, comme il l’a fait pour les programmes adaptés aux personnes malentendantes, à des proportions de programmes audio-décrits et aux modalités de leur mise en œuvre par les chaînes.

L’alinéa 5 modifie le III de l’article 33-1 en ajoutant les SMAd aux services actuellement diffusés en mode non hertzien sans formalité préalable. Dans son avis sur le projet de loi, le CSA a déclaré approuver ce choix de n’imposer aux SMAd ni autorisation ni déclaration préalables. Il considère en effet qu’à ce stade, il y a lieu de faciliter le développement des nouveaux services en s’abstenant de tout formalisme lourd et inutile, analyse que rejoint le rapporteur. Cela ne signifie pourtant pas que les SMAd soient soustraits au contrôle du CSA, comme le précise bien le III de l’article 33-1 de la loi de 1986.

*

La Commission examine l’amendement n° 26 du Gouvernement tendant, d’une part, à permettre l’inclusion des acquisitions de droits sur les services dits de rattrapage des chaînes diffusées en mode autre que hertzien dans la contribution à la production d’œuvres audiovisuelles et, d’autre part, à permettre au CSA de préciser, dans les conventions conclues avec les chaînes, les modalités de mise à disposition des programmes dans le cadre des services de rattrapage.

M. le rapporteur. Comme à l’article 29, il s’agit de transposer les accords signés par les producteurs et les diffuseurs, cette fois-ci pour les éditeurs de services diffusées par câble et satellite.

M. Jean Dionis du Séjour. Je regrette que nous ne connaissions pas le contenu exact de ces accords. Comment savoir dans quelle mesure cette série d’amendements du Gouvernement modifiera la situation actuelle ? L’atelier « modèle de développement » de la Commission pour une nouvelle télévision publique avait conclu à la nécessité de changer la donne en profondeur afin d’encourager le décollage d’un média global. Est-ce le cas ?

M. le rapporteur. Nous avons demandé au Gouvernement de nous communiquer le contenu des accords avant l’examen du texte en séance publique. Pour l’instant, ce que nous savons, c’est qu’ils satisfont les producteurs et les diffuseurs.

M. Jean Dionis du Séjour. Il faudrait donc voter les yeux fermés.

M. le président Jean-François Copé. On ne peut pas se plaindre que le Gouvernement dépose en catastrophe des amendements en séance, et regretter dans le même temps qu’ils viennent en discussion en Commission ! Nous aurons à nouveau l’occasion de débattre de tout cela en séance.

M. Didier Mathus. Ces accords devaient également concerner la chronologie des médias. Est-ce le cas ? Cela fera-t-il l’objet d’un amendement ?

M. le Rapporteur. Pour le moment, il n’en est pas question.

La Commission adopte l’amendement n° 26.

Elle adopte ensuite l’article 35 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 35

Rapport du CSA relatif aux programmes accessibles
aux personnes souffrant de handicap visuel ou auditif

La Commission examine un amendement du rapporteur demandant au CSA de remettre, avant le 31 décembre 2011, un rapport retraçant les efforts réalisés par les éditeurs de services de communication audiovisuelle afin de renforcer l’accessibilité des programmes aux personnes aveugles ou malvoyantes.

M. Jean Dionis du Séjour. Nous pourrions sous-amender cette disposition afin d’inclure les personnes sourdes ou malentendantes.

M. le rapporteur. Pas d’objection.

L’amendement est adopté ainsi sous-amendé.

Article 36

Obligations adaptées aux SMAd autres que hertziens

Cet article vise à introduire un article 33-1 nouveau dans la loi du 30 septembre 1986, afin de préciser les règles auxquelles les SMAd diffusés par voie autre que hertzienne seront soumis.

Les SMAd ne sont aucunement visés ni par la loi de 1986, ni par ses décrets d’application. Leur introduction devrait donc impacter un certain nombre de textes réglementaires et justifier leur révision. L’alinéa 2 prévoit qu’un décret en Conseil d’État, pris après avis du CSA, fixe les règles applicables pour les services de médias audiovisuels à la demande distribués par les réseaux n’utilisant pas les fréquences assignées par le CSA, c'est-à-dire la majorité des SMAd, qui sont diffusés par câble, satellite et Internet. Cet alinéa est le pendant de l’article 29, modifiant l’article 27 de la loi de 1986, qui concerne les SMAd diffusés en mode hertzien. Dans la mesure où la majorité des SMAd sont diffusés en mode non hertzien, il a été jugé nécessaire de détailler les domaines dans lesquels les règles applicables aux services de communication audiovisuelle feront l’objet d’une adaptation. Cependant on peut penser que le décret mentionné à l’article 29 comportera les mêmes principes.

L’alinéa 3 mentionne les règles applicables à la publicité, au télé-achat et au parrainage.

Cette disposition implique une modification du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 modifié, relatif à la publicité, au parrainage et au télé-achat. Il n’est ni justifié, ni techniquement possible d’imposer des règles trop détaillées et contraignantes régissant les communications commerciales audiovisuelles pour les SMAd. Cependant il convient que toutes les communications commerciales audiovisuelles respectent non seulement les règles d’identification, mais également un ensemble minimal de règles qualitatives pour répondre à des objectifs d’intérêt général clairement définis, notamment la protection des mineurs ou encore la santé publique (voir le commentaire de l’article 25).

L’alinéa 4 prévoit des dispositions propres à assurer le respect de la langue française et de la francophonie.

Il s’agit de soumettre les SMAd aux mêmes règles que la télévision sur ce plan (voir le commentaire de l’article 28). Les SMAd devant être intégrés par le présent projet de loi au champ d’application de l’article 20-1 de la loi du 30 septembre 1986, ils devraient être soumis à l'emploi obligatoire du français dans l'ensemble des émissions et des messages publicitaires, quel que soit leur mode de diffusion ou de distribution, à l'exception des œuvres cinématographiques et audiovisuelles en version originale. Aux actuelles dérogations prévues par l’article 20-1 de la loi au profit des œuvres musicales, des programmes qui sont conçus pour être intégralement diffusés en langue étrangère ou dont la finalité est l'apprentissage d'une langue pourraient s’ajouter des dispositions spécifiques aux SMAd. Ainsi les éditeurs de SMAd qui proposent à titre principal des programmes en langue étrangère devraient pouvoir bénéficier de dispositions spécifiques. Pour les SMAd comme pour les autres services de télévision, un équilibre devra être établi entre le principe de liberté de communication et d’expression proclamé à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 94-345 DC du 29 juillet 1994 et le respect de l’article 2 de la Constitution qui dispose : « la langue de la République est le français ».

L’article ne mentionne pas la protection des mineurs, non que les SMAd ne soient pas soumis à cette obligation, comme l’indique leur intégration dans le champ de l’article 15 de la loi de 1986, mais parce que ce domaine fait l’objet d’une auto-régulation par les chaînes et d’une régulation par le CSA.

L’alinéa 5 prévoit que le décret fixe également, pour les services mettant en à la disposition du public des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles :

– la contribution des éditeurs de services au développement de la production, notamment de la production indépendante (alinéa 6), ce qui implique une adaptation du décret n°2002-140 du 4 février 2002 modifié, fixant le régime applicable aux radios et télévisions par câble ou par satellite ;

– les dispositions permettant d’assurer la mise en valeur des œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d’expression originale française (alinéa 7) : cet alinéa implique une modification du décret n°90-66 du 17 janvier 1990 fixant les principes généraux concernant la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles par les éditeurs de services de télévision.

Comme cela a été évoqué au commentaire de l’article 29, il s’agit de soumettre les SMAd à des règles minimales en matière de promotion des œuvres européennes et d’expression française originale. La précision figurant à l’alinéa 5, qui mentionne les « services mettant à la disposition du public des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles » implique que seuls les SMAd mettant à disposition des « œuvres » seraient soumis à une obligation de diffusion et de contribution à la production.

Cette précision correspond aux préconisations du CSA, qui, dans son avis sur le projet de loi énonçait que les SMAd ne doivent être soumis à des règles contraignantes que dans la mesure où ils entrent en concurrence avec d’autres secteurs comme celui du cinéma.

Concernant les modalités de mise en œuvre de ces dispositions, il serait souhaitable, s’agissant de l’exposition des œuvres et de la contribution à leur production, de se fonder autant que possible sur des accords interprofessionnels qui seraient ensuite retranscrits par voie réglementaire.

*

Après avis favorable du rapporteur, la Commission adopte un amendement de Mme Françoise de Panafieu tendant à garantir la diversité de l’offre des services non linéaires, dits « services de média à la demande » et afin de promouvoir les œuvres européennes sur ces services et de préserver la liberté de choix du téléspectateur.

Elle adopte ensuite l’article 36 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 36

Extension aux SMAd de la saisine du CSA en matière de concurrence

La Commission est saisie d’un amendement du rapporteur tendant à rendre plus efficace la collaboration du CSA et du Conseil de la concurrence dans la régulation du secteur des services de médias audiovisuels à la demande.

M. le rapporteur. Le président du CSA est en plein accord avec la disposition proposée.

M. Didier Mathus. À ce jour, l’offre disponible sur Internet n’est pas comprise dans la définition des services de médias à la demande. En sera-t-il toujours ainsi ? Pouvez-vous préciser que l’amendement ne vise que les services de rattrapage des chaînes et la vidéo à la demande ?

M. le rapporteur. C’est le cas. L’extension des compétences du CSA ne vise que les SMAd tels que définis à l’article 22.

La Commission adopte l’amendement.

Article 37

Extension du pouvoir de mise en demeure du CSA aux SMAd

Cet article vise à modifier l’article 42 de la loi du 30 septembre 1986, qui prévoit un pouvoir de mise en demeure des éditeurs privés et des distributeurs par le CSA, afin d’étendre ce pouvoir de sanction aux SMAd.

Aux termes de la loi de 1986, le CSA dispose, d’une part, d’un pouvoir de sanction administrative qu’il exerce en propre et, d’autre part, de la faculté de recourir au juge. Les exigences de la régulation ont conduit les pouvoirs publics à confier à l’instance de régulation de l’audiovisuel, les pouvoirs répressifs nécessaires à l'accomplissement de sa mission régulatrice. Le pouvoir de sanction apparaît comme un complément indispensable de la régulation pour que celle-ci conserve son efficacité. Il existe en effet un parallèle étroit entre l'étendue des pouvoirs de sanction de l'instance de régulation et sa capacité à s'imposer comme autorité respectée des opérateurs. Le CSA dispose donc d’une large palette de dispositifs de sanction, qui pour les plus importants, sont étendus aux SMAd par le présent projet de loi.

L’intégration des services de médias audiovisuels à la demande (SMAd) dans le champ d’application de la loi du 30 septembre 1986 organisé par le présent projet de loi traduit le choix exprimé par le législateur européen en faveur d’un cadre juridique unique pour les services de télévision et les SMAd et permet de rapprocher les obligations applicables aux services de télévision et celles applicables aux services de médias audiovisuels à la demande, qui proposent des contenus similaires. Dès lors que le projet de loi étend de manière manifeste le champ d’intervention du Conseil en lui confiant notamment la régulation des contenus des services de médias audiovisuels à la demande, il convient que ce champ d’application porte aussi sur les pouvoirs de sanction du Conseil afin de mettre en place, sur ce plan-là, un cadre juridique unique pour les services de télévision et les SMAd. La régulation risque très fortement de rester lettre morte en l’absence de moyens de coercition à l’égard d’éventuels opérateurs récalcitrants.

Cet article prévoit donc que les éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle, c'est-à-dire à la fois la radio, la télévision et les SMAd, ainsi que les éditeurs de services autres que de radiodiffusion et les opérateurs satellitaires peuvent être mis en demeure de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3-1 de la loi de 1986. Ces mises en demeure sont rendues publiques. Cette procédure permet de préciser des obligations méconnues par les chaînes, avant de procéder à une éventuelle sanction. Il faut noter en outre que le CSA peut accorder aux sociétés un délai supplémentaire pour respecter leurs obligations, avant d’engager la procédure de mise en demeure.

Le rapporteur estime que, par souci de cohérence, d’autres pouvoirs de sanction du CSA à l’égard des services de communication audiovisuelle pourraient être étendus aux SMAd. Ainsi, il estime que l’article 41-4 de la loi de 1986 relatif aux saisines respectives entre le Conseil de la concurrence et le Conseil supérieur de l’audiovisuel doit être rendu applicable aux SMAd afin de permettre une collaboration efficace entre le CSA et le Conseil de la concurrence dans la régulation d’un secteur en plein essor. Il pourrait également être envisagé, à plus long terme, d’étendre les pouvoirs de règlement des différends du CSA, prévus à l’article 17-2 de la loi de 1986, à ces nouveaux services. Cet article, introduit par la loi du 9 juillet 2004, donne au CSA un pouvoir de règlement des différends relatifs à la distribution des services de télévision en vue d'assurer le respect des principes mentionnés à l'article 17-1, c'est-à-dire, notamment, la liberté de communication audiovisuelle, le respect de la dignité de la personne humaine, la liberté et la propriété d'autrui, le pluralisme et la protection de l'enfance et de l'adolescence. Le contrôle du CSA porte également sur les conditions de cette offre de services qui doivent reposer sur des critères objectifs, équitables et non discriminatoires.

*

La Commission adopte l’article sans modification.

Article additionnel après l’article 37

Pouvoir de suspension du CSA
d’un programme diffusé par un éditeur privé

La Commission adopte un amendement du rapporteur qui précise les pouvoirs de suspension des programmes dont dispose le CSA à l’égard des opérateurs contrevenant aux principes de la loi de 1986.

Article 38

Extension des pouvoirs de sanction du CSA aux SMAd :
obligation de publier un communiqué

Cet article vise à modifier l’article 42-4 de la loi du 30 septembre 1986, qui prévoit la possibilité pour le CSA d’ordonner l’insertion d’un communiqué dans un programme, pour non-respect des dispositions législatives et réglementaires, afin d’étendre cette disposition aux SMAd.

Dans tous les cas de manquement aux obligations incombant aux éditeurs de services de radio ou de télévision, le CSA peut ordonner l'insertion dans les programmes d'un communiqué dont il fixe les termes et les conditions de diffusion. Le CSA demande à l'intéressé de lui présenter ses observations dans un délai de deux jours francs à compter de la réception de cette demande. La décision est ensuite prononcée sans que soit mise en œuvre la procédure prévue à l'article 42-7. Le refus du titulaire de se conformer à cette décision est passible d'une sanction pécuniaire dans les conditions fixées à l'article 42-2.

Il faut noter que le pouvoir de sanction du CSA ainsi étendu aux SMAd doit demeurer adapté à leur spécificité. Ainsi les sanctions pécuniaires, qui devraient de fait pouvoir s’appliquer aux SMAd, ne doivent pas être de nature à freiner leur développement. Il reviendra au CSA d’utiliser avec justesse les pouvoirs de recommandation et de sanction, que ce soit la suspension d’un programme ou d’une partie de programme ou encore la publication d’un communiqué, dont il dispose aujourd’hui.

*

La Commission adopte l’article 38 sans modification.

Article 39

Application de la procédure préalable au prononcé
d’une sanction par le CSA

Cet article vise à modifier l’article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 qui fixe les modalités de procédure préalable au prononcé d’une sanction par le CSA. Par souci de coordination, il convient en effet d’accorder les mêmes droits aux fournisseurs de SMAd qu’aux fournisseurs d’autres services de communication audiovisuelle, dans la mesure où ils pourront désormais être sanctionnés par le CSA pour manquement à la loi de 1986.

En l’état actuel du droit, si la personne faisant l'objet de la mise en demeure ne se conforme pas à celle-ci, le CSA peut prononcer à son encontre, compte tenu de la gravité du manquement, l’une des sanctions suivantes :

1° La suspension de l'édition, de la diffusion ou de la distribution du ou des services ou d'une partie du programme pour un mois au plus ;

2° La réduction de la durée de l'autorisation ou de la convention dans la limite d'une année ;

3° Une sanction pécuniaire assortie éventuellement d'une suspension de l'édition ou de la distribution du ou des services ou d'une partie du programme ;

4° Le retrait de l'autorisation ou la résiliation unilatérale de la convention.

Les SMAd étant soumis au même régime que les autres services de médias, ils pourront désormais être sanctionnés par le CSA selon les mêmes modalités. Il faut mentionner que la sanction doit être proportionnée à la nature du manquement constatée. La procédure préalable au prononcé de la sanction se déroulera donc dans les conditions actuellement définies à l’article 42-7 de la loi de 1986. Le CSA notifie les griefs à l'éditeur ou au distributeur du service de radio ou de télévision pour l'exploitation d'un service de communication audiovisuelle qui peut consulter le dossier et présenter ses observations écrites dans le délai d'un mois. En cas d'urgence, le président du CSA peut réduire ce délai sans pouvoir le fixer à moins de sept jours. L'éditeur ou le distributeur de services est entendu par le CSA. Il peut se faire représenter. Le CSA peut également entendre toute personne dont l'audition lui paraît susceptible de contribuer utilement à son information.

*

La Commission adopte un amendement rédactionnel du rapporteur.

Elle adopte l’article 39 ainsi modifié.

Article 40

Détermination géographique des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande soumis à la présente loi

Cet article vise à compléter l’intitulé du chapitre 5 de la loi du 30 septembre 1986 afin d’intégrer les modifications apportées aux articles 2 et 2 bis de la directive européenne de 1989 ainsi que les dispositions de la Convention du Conseil de l’Europe du 5 mai 1989 sur la télévision transfrontière. Le chapitre 5 ainsi révisé comporte deux modifications majeures :

– la redéfinition des critères de compétence de l’État français sur les services de télévision communautaires et extracommunautaires ;

– l’alignement des critères de compétence de l’État français relatifs aux services de médias à la demande sur ceux des services de télévision.

a) L’état actuel du droit : les critères de détermination de l’État compétent sur les services de télévisions

En l’état actuel du droit, par transposition de la directive 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989, telle que modifiée en 1997, les articles 43-2 à 43-6 de la loi du 30 septembre 1986 définissent les critères permettant de déterminer le champ d’application de cette loi aux services de télévision.

Le chapitre 5 a été introduit par la loi du 1er août 2000 modifiant la loi du 30 septembre 1986 afin d’établir les critères permettant de déterminer, pour chaque chaîne diffusée en Europe, de quel État membre elle relève juridiquement. Il vise à éviter que deux pays se reconnaissent compétents pour une même chaîne ou, en sens inverse, qu'aucun État ne se considère compétent vis-à-vis d'un service de télévision émis dans l'espace communautaire. Bien des régulateurs, en effet, ont été et sont encore directement impliqués dans la question de la compétence territoriale sur les radiodiffuseurs. À titre d’exemple, on peut citer les affaires qui impliquent le CSA (Belgique) dans l’affaire des fenêtres publicitaires françaises, le Luxembourg et les Pays-bas (affaire RTL4 et RTL5), l’Espagne et le Royaume-Uni à propos des chaînes à vocation religieuse, la Suède et la Norvège notamment la licence de TV3 au Royaume-Uni ou encore la France et le Luxembourg relativement à RTL9.

L’article 2 § 1 de la directive de 1989 prévoyait que chaque État soumette à sa législation les émissions transmises « par des organismes de radiodiffusion télévisuelle utilisant des fréquences ou la capacité d’un satellite accordée par cet État membre ou une liaison montante vers un satellite située dans cet État membre, tout en ne relevant de la compétence d’aucun État membre ». La mise en œuvre de la directive de 1989 a fait apparaître la nécessité de clarifier les critères de juridiction appliqués au secteur de l’audiovisuel. C’est pourquoi l’article 2 de la directive de 1997 a consolidé ce système de détermination de la compétence nationale en mettant en place des critères en cascade fonctionnant selon le principe de la subsidiarité :

– Le premier critère est celui du lieu d’établissement de l’organisme. Celui-ci est apprécié au regard de trois critères : le lieu du siège social effectif, le lieu où sont prises les décisions relatives à la programmation, le lieu où opère une partie importante des effectifs employés aux activités de radiodiffusion télévisuelle.

– Le deuxième critère est d’ordre technique. Utilisé dans les cas où il est impossible de définir l’État compétent au moyen du premier critère, il est constitué de trois éléments subsidiaires entre eux : l’utilisation de fréquences, d’une capacité satellitaire ou d’une liaison montante vers un satellite situé dans un État membre

– Le troisième critère renvoie aux règles de droit commun régissant la liberté d’établissement dans l’Union européenne. Il est utilisé quand aucun des critères ne permet de déterminer l’État compétent.

Les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 s’imposent aujourd’hui aux services de télévision dont l’exploitant est établi en France selon les critères prévus à l’article 43-2 de la loi du 30 septembre 1986 ou qui relèvent de la compétence de la France en application des critères prévus à l’article 43-4, sans préjudice des règles relatives à l’occupation du domaine public. Les dispositions du chapitre 5 sont applicables à tout service de télévision, sur tout support de communication. Elles ne concernent pas, en revanche, la radiodiffusion sonore ou les autres services de communication audiovisuelle. Elles ne visent pas les sites sur Internet, du moins ceux ne pouvant être qualifiés de radio ou de télévision.

b) Les améliorations apportées par la directive de 2007

Les dispositions de la directive Télévision sans frontières relatives à la détermination de l’État compétent n’étaient pas entièrement satisfaisantes au regard des développements technologiques et de marché et posaient des problèmes d’interprétation et de mise en œuvre. Les nouveaux critères établis par la directive de 2007 devraient permettre de résoudre un certain nombre de ces problèmes.

S’agissant des critères de détermination de l’établissement énoncés à l’article 2 § 3 de la directive TVSF, la révision de 2007 maintient au premier rang, aux côtés du « lieu du siège social effectif de l’organisme de radiodiffusion », le « lieu où sont prises les décisions relatives à la programmation ». La notion de « lieu d’emploi d’une partie importante des effectifs » qui est particulièrement difficile à vérifier, demeure le troisième critère de l’établissement d’un organisme de radiodiffusion dans un État membre. Comme le notait le CSA dans son avis sur la révision de la directive TVSF, les dispositions introduites par la directive de 1997 ont certes constitué un progrès notable. Cependant, l’utilisation du critère de lieu de décision éditoriale est particulièrement malaisée en raison de l’internationalisation croissante des entreprises audiovisuelles, ce qui peut encourager les comportements frauduleux. Le CSA jugeait donc opportun de faire remonter le critère de lieu d’emploi d’une partie importante des effectifs aux côtés du lieu du siège social de l’organisme de radiodiffusion, solution qui n’a pas été finalement retenue (voir le commentaire de l’article 42).

S’agissant des critères de détermination de la compétence nationale sur les services extracommunautaires, la directive SMA apporte également une amélioration. Le nouvel article 2 fait en effet remonter le critère relatif à l’utilisation d’une liaison montante dirigée vers un satellite situé dans un État membre avant celui de l’utilisation d’une capacité satellitaire pour déterminer l’État compétent sur ces services. L’ancienne rédaction posait d’importants problèmes pratiques et de principe, c’est pourquoi le CSA avait préconisé l’inversion des critères actuels. La nouvelle rédaction devrait les résoudre (voir le commentaire de l’article 43).

c) L’application aux SMAd des critères de compétence d’un État sur les services de télévision

Le projet de loi propose de soumettre les services de médias à la demande aux dispositions de la loi du 30 septembre 1986 relatives à la compétence de l’État français, en conformité avec les modifications apportées par la directive SMA à la directive de 1989. En effet, l’absence de critères de détermination de la compétence d’un État pourrait donner lieu à des contentieux de conflits de compétences négatifs ou positifs, comme cela fut le cas pour les services de télévision.

Dans son septième considérant, la directive SMA de 2007 énonce que : « les entreprises européennes de services de médias audiovisuels sont confrontées à une situation d'insécurité juridique et d'inégalité de traitement pour ce qui est du cadre juridique régissant les nouveaux services de médias audiovisuels à la demande. Il est dès lors nécessaire, pour éviter les distorsions de concurrence, de renforcer la sécurité juridique, contribuer à l'achèvement du marché intérieur et faciliter l'émergence d'un espace unique de l'information, d'appliquer à tous les services de médias audiovisuels, tant la radiodiffusion télévisuelle (c'est-à-dire les services de médias audiovisuels linéaires) que les services de médias audiovisuels à la demande (c'est-à-dire les services de médias audiovisuels non linéaires), au moins un ensemble minimal de règles coordonnées. »

Les principes fondamentaux posés par la directive de 1989, à savoir la règle du pays d’origine et l’application de normes communes minimales, sont par conséquent étendus aux services de médias à la demande, dans les conditions nouvellement précisées par la directive de 2007. Toutefois la directive précise que les services de médias audiovisuels à la demande diffèrent de la radiodiffusion télévisuelle eu égard au choix et au contrôle que l’utilisateur peut exercer. Ce qui justifie une réglementation plus légère des services de médias audiovisuels à la demande, qui ne devraient se conformer qu'aux règles minimales prévues par la même directive. En l’espèce la directive fixe des conditions particulières à la restriction de la liberté de réception et de retransmission des services de médias à la demande qu’un État est en droit d’exercer (voir le commentaire de l’article 45).

Il faut souligner que l'adoption du présent projet de loi nécessitera de modifier en conséquence le décret n° 2002-140 du 4 février 2002 fixant le régime applicable aux différentes catégories de services de radiodiffusion sonore et de télévision distribués par câble ou diffusés par satellite.

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La Commission adopte l’article 40 sans modification.

Article 41

Coordination

Cet article modifie l’article 43-2 de la loi du 30 septembre 1986 et vise à remplacer les termes d’exploitant de services de télévision ou de SMAd par celui d’éditeur.

En l’état actuel du droit, l’article 43-2 de la loi du 30 septembre 1986 mentionne les services de télévision dont l’exploitant est établi en France ou qui relève de la compétence de la France. Cet article a été introduit par l’article 12 de la loi du 1er août 2000 afin de transposer les dispositions de la directive de 1989 dite TVSF. Le terme d’exploitant transpose celui d’organisme de radiodiffusion télévisuelle, défini dans la directive de 1989 comme « la personne physique et morale qui a la responsabilité éditoriale de la composition des grilles de programmes télévisés et qui les transmet ou les fait transmettre par une tierce partie ».

La directive de 2007 fait désormais mention des « fournisseurs de services de médias » définis comme toute « personne physique ou morale qui assume la responsabilité éditoriale du choix du contenu audiovisuel du service de médias audiovisuels et qui détermine la manière dont il est organisé ».

Cette nouvelle rédaction vient préciser la précédente, en introduisant les deux critères du choix du contenu et de l’organisation pour déterminer la présence ou non d’un fournisseur de médias. Elle permet en outre d’intégrer les SMAd dans le champ des services de médias, ce que ne permettait pas la rédaction de la directive de 1989 telle que modifiée par celle de 1997.

Afin de transposer la nouvelle directive, le présent projet de loi a préféré le terme d’éditeur à celui d’exploitant pour plusieurs raisons :

– par souci de cohérence et de clarté, le choix s’est porté sur le terme dont l’occurrence est la plus fréquente dans la loi du 30 septembre 1986 ;

– le terme d’éditeur correspond plus précisément à celui de fournisseur de services de médias tel qu’il est défini dans la directive de 1989. ;

– il entre ainsi en cohérence avec la définition des SMAd telle qu’elle figure à l’article 22 du présent projet de loi. ;

– il renvoie enfin à la notion de « responsabilité éditoriale », dont on a vu qu’elle est déterminante pour distinguer les SMAd des autres services de communication en ligne. Le terme d’éditeur permet donc de préciser, pour les fournisseurs de services mixtes, les activités éditoriales qui sont soumises aux critères de compétence des États, des autres services.

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La Commission adopte l’article 41 sans modification.

Article 42

Services de télévision et SMAd considérés comme établis en France

Cet article vise à modifier l’article 43-3 de la loi du 30 septembre 1986, qui définit les conditions dans lesquelles un exploitant de service de télévision est considéré comme établi en France, en vue de transposer l’article 2 § 3 de la directive SMA de 2007. Ces conditions restent globalement inchangées par rapport à la législation existante, à l’exception de leur extension aux SMAd et de la substitution rédactionnelle du terme d’éditeur à celui d’exploitant de service de médias.

L’alinéa 1 remplace le terme d’exploitant de service de télévision par celui d’éditeur, pour les motifs précédemment exposés. Il permet en outre de prendre acte de l’intégration des SMAd dans le champ des services de médias en soumettant les critères de détermination de l’établissement d’un organisme fournissant ces services dans un État membre aux dispositions définies dans la nouvelle directive SMA.

L’article 43-3 ainsi modifié prévoit, conformément à l’article 2 de la directive SMA, qu’un service de médias de télévision ou un SMAd est considéré comme établi en France lorsqu’il a son siège social effectif en France et que les décisions de la direction relatives à la programmation sont prises en France.

La notion d’établissement est utilisée en vue d’éviter la soustraction abusive aux obligations découlant de la législation nationale. Le risque de délocalisation abusive de services de télévision et bientôt de SMAd à la recherche de l’État membre le « moins-disant juridique » demeure une préoccupation constante de l’État français. Face aux exigences inégales que manifeste la transposition nationale des articles 4 et 5 de la directive TVSF relatifs à la promotion de la distribution et de la production des œuvres européennes, il est essentiel que les États désireux d’encourager le développement de l’industrie nationale et européenne des programmes aient la possibilité de se prémunir efficacement contre un détournement du principe de liberté d’établissement et puissent appliquer la législation en vigueur aux services qui relèvent de sa compétence.

À ce titre, on peut mentionner que l’article 43-10 nouveau du présent projet de loi permet de donner une base légale à la jurisprudence constante de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) sur ce sujet, ce qui répond à une demande constante du gouvernement français.

L’alinéa 2 dispose que lorsque l’éditeur a son siège social établi en France mais que les décisions relatives à la programmation sont prises dans un autre État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, il est réputé être établi en France, si une partie importante des effectifs employés aux activités du service y travaille. Ce, même si une partie importante des effectifs employés aux activités du service travaille également dans l'État où sont prises les décisions de la direction relatives à la programmation.

L’alinéa 3 prévoit que lorsque l’éditeur d’un service a son siège social effectif en France, mais que les décisions relatives à la programmation sont prises dans un autre État, qui n'est ni membre de la Communauté européenne ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, il est réputé être établi en France si une partie importante des effectifs employés aux activités du service y travaille.

L’alinéa 4 prévoit que lorsque l’éditeur d'un service a son siège social effectif dans un autre État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, mais que les décisions de la direction relatives à la programmation sont prises en France, il est réputé être établi en France si une partie importante des effectifs employés aux activités du service y travaille, sauf si une partie importante des effectifs employés aux activités du service travaille également dans l'autre État.

Enfin, l’alinéa 5 prévoit que lorsque l’éditeur d’un service a son siège social effectif dans un autre État, qui n'est ni membre de la Communauté européenne ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, il est réputé être établi en France si les décisions relatives à la programmation du service sont prises en France et si une partie importante des effectifs employés aux activités du service travaille en France.

L’actuel système permet de définir au cas par cas le régime juridique applicable aux services de médias diffusés en France et considérés comme établis en France. Il faut noter cependant que l’inversion de deux des critères énoncés au paragraphe 3 de l’article 2 de la directive TVSF, à savoir le lieu où sont prises les décisions relatives à la programmation et le lieu où opère une partie importante des effectifs employés aux activités de radiodiffusion télévisuelle n’a pas été retenu. Une telle inversion, suggérée par le CSA lors du réexamen de la directive TVSF en 2003, aurait rendu le contrôle plus aisé, l’actuel second critère étant plus facilement vérifiable.

*

La Commission adopte l’article 42 sans modification.

Article 43

Services de télévision et SMAd non établis en France
mais relevant de la compétence de l’État français

Cet article vise à modifier l’article 43-4 de la loi du 30 septembre 1986 afin de transposer l’article 2 alinéa 4 révisé de la directive de 2007. Il prévoit les conditions dans lesquelles un service de télévision ou de médias audiovisuels à la demande, n’étant pas considéré comme établi en France, relève malgré tout de la compétence de l’État français.

a) Les critères de compétence aujourd’hui applicables aux services de télévision non établis en France

La directive de 1989 repose sur le principe selon lequel un éditeur de services de télévision est soumis à la loi de l’État dans lequel il est établi. Après que plusieurs conflits de loi positifs et négatifs eurent surgi au début des années 1990, des critères plus précis de détermination de la loi applicable ont été adoptés lors de la modification de la directive en 1997. Ils sont transposés à l’article 43-4 de la loi du 30 septembre 1986, qui prévoit que lorsqu’il est établi en dehors de l’Europe (État membre de la Communauté européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen), un service de télévision relève de la compétence de l’État français lorsqu’il utilise :

– une fréquence accordée par la France ;

– une capacité satellitaire relevant de la compétence de la France ;

– une liaison montante vers un satellite à partir d’une station située en France. Le terme de liaison montante désigne la liaison entre la station de montée des signaux et le satellite. Elle utilise des fréquences et des polarisations différentes de celles des liaisons descendantes que l'on capte avec des paraboles, afin d'éviter les interférences.

Dans ces trois cas de figure, l’État français est tenu de s’assurer du respect de la réglementation européenne par cet éditeur de services.

La fixation de critères pertinents pour déterminer l'État compétent sur les services extracommunautaires diffusés par satellite requiert une réflexion particulière. Ces services n'ont en effet, par nature, pas de lien de rattachement naturel à un seul État membre et leur diffusion concerne l'Union européenne dans son ensemble. C’est pourquoi, dans son avis de 2005 sur la révision de la directive TVSF, le CSA a estimé que pour le cas particulier des services diffusés dans la langue d'un pays de l'Union européenne, l'attribution de la compétence pourrait être déterminée en premier lieu en fonction de la langue de diffusion utilisée, ce qui permettrait de faciliter leur contrôle. Lorsque ce critère est ambigu (notamment lorsque la langue utilisée est pratiquée dans plusieurs États membres), il serait souhaitable que les États concernés puissent déterminer d'un commun accord l'attribution de compétence. En cas de désaccord, ou lorsque le service n'est pas diffusé dans une langue d'un pays de l'Union européenne, il convient de revenir aux critères techniques retenus par la directive.

Surtout, la plupart des pays tiers utilisent des capacités satellitaires fournies par Eutelsat et Astra. De ce fait, le classement actuel qui résulte de la directive TVFS telle que modifiée en 1997 implique que deux pays principalement ont la compétence sur le plus grand nombre de programmes reçus en Europe, alors que ces pays ne peuvent avoir que des contacts très indirects avec les fournisseurs de contenu.

b) La simplification des critères de détermination de la loi applicable aux opérateurs extra communautaires et leur extension aux SMAd

L’article 2 de la nouvelle directive apporte deux séries de modifications à ce dispositif, qui sont transposées par le présent projet de loi.

– Les critères de détermination de la loi applicable aux opérateurs extra communautaires sont simplifiés.

En effet, le critère de l’utilisation d’une fréquence est supprimé et les critères tenant à l’utilisation d’une capacité satellitaire ou d’une liaison montante sont inversés. À cet égard, la France s’était prononcée en faveur de l’inversion des critères techniques, tels qu’énoncés au paragraphe 4 de l’article 2 de la directive TVSF, de manière à faire prévaloir celui de la liaison montante sur celui de la capacité satellitaire, une telle inversion répondant mieux aux réalités techniques et contractuelles qui résultent de la numérisation. Le CSA s’y était également déclaré favorable en ajoutant cependant qu’« il conviendrait dans ce cas que les opérateurs satellitaires soient tenus d'informer les États membres de la localisation de la liaison montante utilisée par les chaînes qu'ils diffusent ».

L’alinéa 3 prévoit ainsi que des services de télévision ou de médias audiovisuels à la demande relèvent de la compétence de l’État français s’ils utilisent une liaison montante vers un satellite à partir d’une station située en France.

L’alinéa 4 prévoit la compétence de l’État français si les mêmes services, n’utilisant pas de liaison montante à partir d’un autre État européen, utilisent une capacité satellitaire relevant de la France.

La transposition de la nouvelle directive SMA aura pour conséquence directe que le contrôle d’une partie de ces chaînes sera transféré à d’autres États membres, selon la localisation de la liaison montante du service. Lors de la dernière réunion du Comité de contact chargé de transposer la directive, il était ainsi mentionné que la France conservera la juridiction pour la plupart des 500 radiodiffuseurs qui ne sont pas établis dans l'Union européenne mais qui sont émis par le satellite Eutelsat. Néanmoins, l’inversion de l'ordre des critères de juridiction signifiera qu'environ 210 chaînes seront transférées sous la juridiction des États membres dans lesquels est située la liaison montante. Au moins 40 chaînes satellites qui relèvent actuellement de la compétence de la France tomberont sous la juridiction britannique.

– Le dispositif ainsi modifié est dans son ensemble étendu aux SMAd à l’alinéa 2.

Les dispositions de cet article s’appliquent à partir du 19 décembre 2009, date à la laquelle la directive doit avoir été transposée dans l'ensemble des États membres comme le prévoit l'article 3 de la directive de 2007. Cette date commune permet de coordonner l'entrée en vigueur des critères de compétence des États sur les services de télévision et les SMAd, et d’éviter ainsi tout conflit de loi positif ou négatif entre les États membres. Elle a été fixée par le Comité de contact de la directive TVSF, institué auprès de la Commission européenne. Composé de représentants des autorités compétentes des 27 États membres et présidé par un représentant de la Commission, ce comité permet d’assurer le suivi de la transposition de la directive.

*

La Commission adopte l’article 43 sans modification.

Article 44

Régime des services de télévision extra-communautaires

Cet article vise à modifier l’article 43-6 de la loi du 30 septembre 1986 qui détermine aujourd’hui le régime des services de télévision relevant d’un autre État membre de l’Union européenne. Il permet de combler un vide juridique en prévoyant la compétence de l’État français sur les services de télévision relevant d’États non-membres de la Communauté européenne ou de l’Espace économique européen, selon les critères prévus par la Convention du Conseil de l’Europe du 5 mai 1989.

Dès la fin des années 80, le Conseil de l'Europe, soucieux d'adapter le droit à une technologie vouée à un développement sans précédent, avait élaboré un premier texte. La convention du 5 mars 1989, « instrument juridique contraignant contenant les principes essentiels qui devraient régir la radiodiffusion transfrontière » a permis de combler ce vide juridique et d'encadrer un secteur en plein essor. Pour le Conseil, les programmes audiovisuels ne sauraient faire l'objet d'une réglementation analogue à celle concernant les autres biens et services, mais doivent relever d'une approche spécifique, en incluant notamment leur aspect culturel. Il lui incombait alors – cette préoccupation étant toujours d'actualité –d'assurer la compatibilité des différentes législations nationales de ses membres, au moyen de règles et de principes communs, dépassant les strictes considérations économiques.

En d'autres termes, la convention se veut un ensemble de règles communes destinées à assurer le développement harmonieux des services de programmes de télévision transfrontière. Elle pose les principes de garantie de réception et de non-restriction de la retransmission des services conformes à ces règles communes. Elle confie aux États de transmission le soin de veiller à la conformité des programmes de télévision transmis avec les dispositions de la Convention. En contrepartie, la liberté de réception des programmes est garantie, ainsi que la retransmission des programmes qui sont conformes aux règles minimales de la Convention. La Convention s'applique à tout programme qui dépasse les frontières, quels que soient les moyens techniques de diffusion utilisés (satellites, câbles, émetteurs terrestres, etc.).

La Convention du Conseil de l’Europe a été amendée par le Protocole adopté par le comité des ministres du Conseil de l'Europe le 9 septembre 1998, ouvert à l'acceptation par les parties à la Convention le 1er octobre 1998, ensemble les lois n° 94-542 du 28 juin 1994 et n° 2001-1210 du 20 décembre 2001 qui en autorisent l'approbation et les décrets n° 95-438 du 14 avril 1995 et n° 2002-739 du 30 avril 2002 qui en portent publication. Un des principaux objectifs recherchés en amendant la Convention a été de réaligner la Convention sur la directive TVSF révisée. Tout en acceptant plusieurs différences fondamentales liées au caractère distinct des deux instruments juridiques (par exemple, la Convention s'applique exclusivement à la télévision transfrontière, ce qui n'est pas le cas de la directive), le Comité permanent a cherché à maintenir du moins une cohérence entre les règles des deux instruments qui pourraient s'appliquer aux radiodiffuseurs relevant de la compétence d'une partie à la Convention et d'un État membre de la Communauté européenne. Les principales dispositions de la convention concernent :

– la liberté d'expression, de réception et de retransmission ;

– le droit de réponse (caractère transfrontier de ce droit et autres recours comparables) ;

– la pornographie, la violence, l'incitation à la haine raciale, etc. (elle les interdit) ainsi que la protection des jeunes ;

– la diffusion d'œuvres européennes (chaque fois que cela est réalisable, une proportion majoritaire du temps de diffusion) ;

– la diffusion d'œuvres cinématographiques (normalement pas avant un délai de 2 ans après le début de l'exploitation en salle – un an dans le cas d'œuvres coproduites par le radiodiffuseur) ;

– les normes pour la publicité (par exemple, interdiction de la publicité pour le tabac et les médicaments et traitements médicaux uniquement disponibles sur ordonnance médicale, restrictions sur la publicité pour certains produits tels que les boissons alcoolisées) ;

– la durée de la publicité (normalement limitée à 15 % du temps de transmission quotidien et à 20 % à l'intérieur d'une période d'une heure) ;

– l'insertion de la publicité (par exemple, deux coupures pendant un film de 90 minutes – aucune coupure dans la diffusion de services religieux, aucune pendant un journal télévisé ou un magazine d'actualité dont la durée est inférieure à 30 minutes) ;

– les règles sur le parrainage des émissions.

L’article 43-6 nouvellement rédigé dispose ainsi que la loi du 30 septembre 1986 est applicable aux services de télévision qui relèvent de la compétence de la France par application de la Convention modifiée du Conseil de l’Europe du 5 mai 1989 sur la télévision transfrontière.

Deux points méritent d’être soulignés.

D’une part les SMAd ne sont pas, à la différence de la directive SMA, identifiés par la nouvelle convention du Conseil de l’Europe. Cependant, le Comité permanent (organe composé des représentants des États parties à la Convention européenne sur la télévision transfrontalière – CETT – et chargé du suivi de cette Convention) a noté que l'exclusion des services de communication opérant sur appel individuel du champ d'application d'une Convention révisée ne signifiait pas que ces services devraient fonctionner dans un vide juridique, étant donné que ces services soulèvent, entre autres, des problèmes de contenu similaires aux problèmes posés par les services de programmes traditionnels, tels que la violence, le racisme, la pornographie et d'autres questions d'intérêt public.

D’autre part, les critères de compétence relatifs aux services de médias ne se recoupent pas exactement entre la Convention et la directive. Si, sur le fond, ces deux textes sont relativement proches, leur champ d’application territorial est différent : alors que la directive TVSF est d’application obligatoire pour l’ensemble des 27 états membres de l’Union européenne et des trois États de l’association européenne de libre échange, Islande, Norvège et Liechtenstein –AELE –, la CETT n’est opposable qu’à l’égard des États parties à la Convention et l’ayant ratifiée (soit aujourd’hui 32 États, dont 20 États membres de l’Union européenne). Dans leurs relations mutuelles, les États membres de l’Union européenne sont tenus d’appliquer la directive TVSF. En revanche, la CETT régit les relations entre les États membres de l’UE qui l’ont ratifié et les autres États parties à la Convention mais non membres de l’UE (exemple des relations entre la France et la Suisse, ou encore entre la France et la Turquie). De plus la directive SMA a fait l’objet d’une révision en 2007.

C’est pourquoi la convention du Conseil de l’Europe est actuellement en cours de renégociation afin de mettre à jour les dispositions de la Convention en tirant les conséquences de la dernière révision de la directive, prendre en compte les nouveaux services de médias et éviter une concurrence malheureuse de régimes juridiques pour les États parties à la Convention et membres de l'Union européenne.

La révision de la Convention du Conseil de l’Europe

L’objectif est d’arrêter un texte de Convention révisé, qui aura alors vocation à être adopté à la prochaine réunion du Comité permanent sur la télévision transfrontière (février 2009), puis transmis au Comité des Ministres. L’adoption formelle de la Convention révisée par le Conseil de l’Europe pourrait vraisemblablement intervenir vers la fin de l’année 2009. En tout état de cause, la Convention révisée ne devrait donc vraisemblablement pas s'appliquer avant 2010.

Le principal enjeu de cette révision pour la France est de s’assurer que le texte de la CETT sera bien aligné sur celui de la directive SMA s’agissant tout particulièrement de l’extension du champ d’application aux services à la demande et de l’inscription dans cette convention de dispositions relatives à la promotion de la diversité culturelle sur ces services. Le texte élaboré à ce stade est sur ces points satisfaisant. Il faut noter que des États extra-européens (le Maroc et Israël) ont manifesté leur intérêt pour adhérer à la CETT ; le projet de Convention révisée prévoit cette possibilité, en écartant toutefois pour de tels États l'application des dispositions relatives aux quotas d'œuvres européennes (afin d'éviter d'affecter ces derniers).

Traité ouvert à la signature des États membres et des autres États Parties à la Convention culturelle européenne et de la Communauté européenne

Ouverture à la signature

Lieu : Strasbourg
Date : 5/5/1989

Entrée en vigueur

Conditions : 7 ratifications comprenant 5 États membres.
Date : 1/5/1993

États ayant ratifié la Convention européenne sur la télévision transfrontière

États

Signature

Ratification

Entrée en vigueur

Albanie

2/7/1999

27/4/2005

1/8/2005

Allemagne

9/10/1991

22/7/1994

1/11/1994

Andorre

     

Arménie

     

Autriche

5/5/1989

7/8/1998

1/12/1998

Azerbaïdjan

     

Belgique

     

Bosnie-Herzégovine

9/12/2003

5/1/2005

1/5/2005

Bulgarie

20/5/1997

3/3/1999

1/7/1999

Chypre

3/6/1991

10/10/1991

1/5/1993

Croatie

7/5/1999

12/12/2001

1/4/2002

Danemark

     

Espagne

5/5/1989

19/2/1998

1/6/1998

Estonie

9/2/1999

24/1/2000

1/5/2000

Finlande

26/11/1992

18/8/1994

1/12/1994

France

12/2/1991

21/10/1994

1/2/1995

Géorgie

29/10/2003

   

Grèce

12/3/1990

   

Hongrie

29/1/1990

2/9/1996

1/1/1997

Irlande

     

Islande

     

Italie

16/11/1989

12/2/1992

1/5/1993

Lettonie

28/11/1997

26/6/1998

1/10/1998

l'ex-République yougoslave de Macédoine

30/5/2001

18/11/2003

1/3/2004

Liechtenstein

5/5/1989

12/7/1999

1/11/1999

Lituanie

20/2/1996

27/9/2000

1/1/2001

Luxembourg

5/5/1989

   

Malte

26/11/1991

21/1/1993

1/5/1993

Moldova

3/11/1999

26/3/2003

1/7/2003

Monaco

     

Monténégro

30/1/2008

26/2/2008

1/6/2008

Norvège

5/5/1989

30/7/1993

1/11/1993

Pays-Bas

5/5/1989

   

Pologne

16/11/1989

7/9/1990

1/5/1993

Portugal

16/11/1989

30/5/2002

1/9/2002

République tchèque

7/5/1999

17/11/2003

1/3/2004

Roumanie

18/3/1997

13/7/2004

1/11/2004

Royaume-Uni

5/5/1989

9/10/1991

1/5/1993

Russie

4/10/2006

   

Saint-Marin

5/5/1989

31/1/1990

1/5/1993

Serbie

     

Slovaquie

11/9/1996

20/1/1997

1/5/1997

Slovénie

18/7/1996

29/7/1999

1/11/1999

Suède

5/5/1989

   

Suisse

5/5/1989

9/10/1991

1/5/1993

Turquie

7/9/1992

21/1/1994

1/5/1994

Ukraine

14/6/1996

   

.

Nombre total de signatures non suivies de ratifications

7

Nombre total de ratifications/adhésions

32

*

La Commission adopte un amendement rédactionnel du rapporteur, puis elle adopte l’article 44 ainsi modifié.

Article 45

Conditions d’entrave à la reprise d’un service de télévision ou SMAd en provenance d’un autre État membre et dispositif anti-délocalisation

Cet article modifie l’article 43-6 de la loi du 30 septembre 1986, afin de soumettre aux dispositions de la même loi les services de télévision dont l’éditeur relève de la compétence de la France – selon les critères prévus par la Convention du Conseil de l’Europe du 5 mai 1989 sur la télévision transfrontière – et reçus par les États parties à cette convention non membres de la Communauté européenne.

a) Conditions d’entrave à la libre diffusion de services de médias relevant d’un autre État membre

L’un des principes fondateurs de la directive TVSF consiste à garantir la libre circulation des services de télévision au sein de l’Union européenne. Les États membres sont notamment tenus d’assurer la liberté de réception sur leur territoire des émissions télévisées en provenance d’autres États membres (article 2 bis). Ainsi l’alinéa 2 introduit un article 43-7 dans la loi de 1986, qui reprend ce principe. Les services de télévision relevant de la compétence d’un autre État membre de la Communauté européenne, partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou d’un État partie à la Convention du Conseil de l’Europe sur la télévision transfrontière, peuvent ainsi être diffusés par les réseaux n’utilisant pas des fréquences attribuées par le CSA sans formalité préalable. L’État français ne peut s’opposer à cette diffusion.

Il existe cependant des situations particulières dans lesquelles il est possible de déroger à ce principe. Comme le rappelle le considérant 34 de la directive SMA, selon la jurisprudence constante de la Cour de justice des communautés européennes, toute restriction à la libre prestation de services doit, comme toutes les dérogations à un principe fondamental du traité, être interprétée de manière restrictive (129). Les possibilités d’entrave à la reprise d’un service de télévision en provenance d’un autre État membre, définies par la directive TVSF, ont été transposées à l’article 43-6 de la loi du 30 septembre 1986, la procédure à suivre ayant pour sa part été transposée dans le titre II du décret n° 2002-140 du 4 février 2002 dit « décret câble-satellite ».

L’alinéa 3 prévoit, dans un nouvel article 43-8, que le CSA peut suspendre provisoirement la retransmission de services de télévision en provenance d’un État européen dans les conditions suivantes, qui sont celles de la directive SMA, et dont l’application sera précisée par un décret en Conseil d’État :

– si le service a diffusé plus de deux fois au cours des douze mois précédents des émissions susceptibles de nuire de façon manifeste, grave et sérieuse à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ou comportant une incitation à la haine pour des raisons de race de sexe, de religion ou de nationalité ;

– après notification des griefs et des mesures envisagées au service de la Commission européenne, consultation de l’État de transmission et de la Commission européenne, la violation alléguée persiste .

L’alinéa 6 mentionne la possibilité de suspendre provisoirement la diffusion d’un service en provenance d’un État extracommunautaire. Il n'est pas apparu nécessaire d'en reprendre le détail dans la mesure où la Convention du Conseil de l’Europe est un traité international, régulièrement ratifié par la France. La définition d'une régulation spécifique pour les chaînes extraeuropéennes relevant de la compétence du CSA au titre de leur diffusion sur un satellite exploité par l'opérateur français Eutelsat constitue un enjeu important. Le CSA doit veiller à ce que l'ensemble de ces chaînes respecte la législation française et européenne qui leur est applicable, en particulier en ce qui concerne l'absence d'incitation à la haine et le respect des droits de la personne humaine. Le CSA peut, en cas d'infraction, utiliser directement à leur égard les procédures prévues aux articles 42, 42-1 et 42-10 de la loi de du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, c'est-à-dire mettre l'éditeur en demeure (article 42), prendre des sanctions à l'égard de l'éditeur du service ou de l'opérateur satellitaire (42-1) et saisir le Conseil d'État en référé pour faire cesser la diffusion du service par l'opérateur satellitaire (article 42-10).

À titre d’exemple, par la délibération en date du 16 mai 2006, le Conseil a mis en garde la chaîne Iqra, établie en Arabie Saoudite et diffusée en France par satellite et ADSL, contre la tenue sur son antenne de propos pouvant inciter à la haine ou à la violence, tels ceux tenus le 2 avril 2006 qui appelaient à la destruction de l'État d'Israël. Le Conseil a informé le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), qui l'avait saisi au sujet des programmes de la chaîne Iqra, de sa décision de mise en garde. Les modalités d'entrave à la reprise des chaînes de TV relevant de la compétence d'un État de l'UE (régime de la directive version 1997 et de l'article 43-6 actuels) ont été précisées à l'article 34 du décret n° 2002-140 du 4 février dit « décret câble-satellite ».

b) Adaptation de ces règles aux SMAd

L’alinéa 8 crée un article 43-9 nouveau afin de transposer les dispositions du nouveau §4 de l’article 2 bis de la directive SMA relatives à la restriction du principe de liberté de diffusion en matière de SMAd. Cette possibilité de restriction demeure réduite au motif que des règles trop exigeantes pourraient limiter le développement de ces nouveaux médias. La directive précise ainsi que toute suspension de la retransmission de ces services doit être proportionnée au regard du danger qu’ils représentent pour la santé publique, la sécurité, le respect de la dignité de la personne.

Les SMAd étant toutefois soumis aux principes fondamentaux de respect de la dignité humaine, de protection des mineurs ou encore de respect de la sécurité publique, la directive a prévu un certain nombre de cas où un État peut suspendre leur diffusion sur son territoire. L’article 43-9 de la présente loi les reprend. Ainsi, le CSA peut suspendre provisoirement la retransmission d’un SMAd relevant de la compétence d’un État membre de la Communauté européenne, ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, si les conditions suivantes sont remplies :

– s’il porte atteinte ou présente un risque sérieux et grave de porter atteinte à l'ordre et à la sécurité publics, ainsi qu’à la prévention ou à la poursuite des infractions pénales, notamment dans les domaines de la protection des mineurs, du respect de la dignité de la personne humaine ou de la lutte contre l'incitation à la haine fondée sur la race, le sexe, la religion ou la nationalité ainsi qu’à la protection de la santé publique, des consommateurs et de la défense nationale (alinéa 9) ;

– après demande, sauf urgence, de prendre des mesures adéquates à l’État membre dont relève le SMAd et notification, sauf urgence, à cet État et à la Commission européenne, des violations constatées, la violation alléguée persiste (alinéa 10).

Le nouveau paragraphe 5 de l’article 2 bis de la directive SMA précise que les états membres peuvent, en cas d'urgence, déroger à ces conditions, ce que reprend l’alinéa 10 de cet article. Dans ce cas, les mesures sont notifiées dans les plus brefs délais à la Commission européenne et à l'État membre de la compétence duquel relève le fournisseur de services, en indiquant les raisons pour lesquelles l'État membre estime qu'il y a urgence. Sans préjudice de la faculté pour l'État membre de prendre et d'appliquer les mesures visées aux paragraphes 4 et 5, la Commission examine dans les plus brefs délais la compatibilité des mesures notifiées avec le droit communautaire. Lorsqu'elle parvient à la conclusion que la mesure est incompatible avec le droit communautaire, la Commission demande à l'État membre concerné de s'abstenir de prendre les mesures envisagées ou de mettre fin d'urgence aux mesures en question.

c) Dispositif anti délocalisation abusive 

L’alinéa 12 introduit un nouvel article 43-10 dans la loi du 30 septembre 1986 afin de prévenir les risques de délocalisation de services de télévision ou de SMAd dans des États européens dont la législation serait moins contraignante, conformément aux dispositions de la directive SMA.

L’article 3 de la nouvelle directive apporte une double innovation :

– il étend aux SMAd la possibilité pour les États membres d’adopter des règles plus strictes ou plus détaillées que celles figurant dans le corps de la directive (article 3.1) ;

– pour les seuls services de télévision, il définit dans le détail la procédure par laquelle un État peut constater la délocalisation d’un service sur le territoire de l’un de ses voisins et prendre des mesures à son encontre (article 3.2 à 3.5) ; cette procédure n’existe pas aujourd’hui formellement en droit français et doit donc être transposée.

Lors de sa présentation de la proposition de directive SMA à la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne du 23 janvier 2007, M. Michel Herbillon notait que le principe du pays d'origine (PPO) constitue le fondement de la directive TVSF, l'épine dorsale de la construction du marché intérieur des services de médias audiovisuels. En vertu de ce principe, un organisme de radiodiffusion établi dans un État membre peut librement diffuser sur le territoire d'un autre État membre dès lors qu'il respecte la législation de son pays d'établissement. Il n'est, en revanche, pas tenu au respect du droit du pays de réception, y compris lorsque celui-ci a édicté des règles plus strictes que celles énoncées dans la directive TVSF, en application du principe de subsidiarité.

Dès lors, certains organismes de radiodiffusion sont tentés, pour contourner les régimes juridiques les plus stricts, de s'établir sur le territoire des États les moins-disants juridiquement, alors qu'ils diffusent principalement vers le territoire d'autres États membres : c'est le cas, par exemple, d’une chaîne diffusée en suédois établie en Ecosse pour s'affranchir de la réglementation suédoise concernant la protection de la jeunesse dans le domaine de la publicité. Il peut également y avoir des chaînes n'ayant pas réalisé à proprement parler une délocalisation, mais dont la diffusion s'adresse manifestement à des téléspectateurs situés dans un autre État. La France est confrontée à une telle situation avec RTL 9, leader en audience des chaînes « mini-généralistes » en français, dont le statut luxembourgeois lui permet notamment de diffuser deux fois plus de films par an qu'une chaîne française, de ne pas respecter les quotas d'œuvres francophones, ou encore d'avoir un encadrement publicitaire plus souple. Comme le notait le ministère de la culture et de la communication lors de son audition par le rapporteur, notre pays étant l'État européen soumis à la plus forte régulation dans le secteur audiovisuel, il est particulièrement exposé à de tels contournements.

Une solution jurisprudentielle a été dégagée par la Cour de justice des communautés européennes (voir en particulier l’affaire C-23/93, TV10 SA). Elle considère qu’« un État membre conserve le droit de prendre des mesures à l’encontre d’un organisme de radiodiffusion télévisuelle établi dans un autre État membre, mais dont l’activité est entièrement ou principalement tournée vers le territoire du premier État membre, lorsque cet établissement a eu lieu en vue de se soustraire aux règles qui seraient applicables à cet organisme s’il était établi sur le territoire du premier État membre ». La nouvelle rédaction de l’article 3 de la directive SMA reprend cette jurisprudence.

L’article 43-10 nouveau prévoit donc que si un service de télévision ou un service de médias audiovisuels à la demande dont la programmation est entièrement ou principalement destinée au public français s’est établi sur le territoire d’un autre État membre de la Communauté européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen dans le but d’échapper à l’application de la réglementation française, il est réputé être soumis aux règles applicables aux services établis en France. L’inclusion, dans un article spécifique, de cette disposition relative aux délocalisations abusives constitue un véritable progrès.

Afin de mieux cerner la notion de programmation entièrement ou principalement destinée au public français, on peut se référer à la directive SMA qui dans son considérant 33 énonce que « lorsqu’un État membre évalue, cas par cas, si la diffusion par un fournisseur de services de médias établi dans un autre État membre est entièrement ou principalement destinée à son territoire, il peut se fonder sur des indices tels que l'origine des recettes publicitaires télévisuelles et/ou d'abonnement, la langue principale du service ou l'existence de programmes ou de communications commerciales visant spécifiquement le public de l'État membre de réception ».

*

La Commission adopte un amendement rédactionnel du rapporteur, puis elle adopte l’article 45 ainsi modifié.

Article additionnel après l’article 45

Pouvoir de suspension du CSA d’un programme
diffusé par une société nationale de programme

La Commission adopte un amendement du rapporteur qui précise la palette de sanctions dont dispose le CSA.

Elle est ensuite saisie des amendements n° 27 et 28 du Gouvernement, reprenant les accords entre groupes audiovisuels et producteurs : le premier tend à restreindre le champ d’application de l’article 71 de la loi du 30 septembre 1986 à la production cinématographique et propose un dispositif rénové quant à la contribution des chaînes à la production audiovisuelle indépendante ; le second amendement précise qu’une production est considérée comme indépendante si l’éditeur ne détient pas plus de 15 % du capital social de la société de production.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte successivement les amendements n° 27 et 28.

Article 46

Possibilité d’une seconde coupure publicitaire dans les films et téléfilms

Modifiant les règles de diffusion télévisée des messages publicitaires dans les œuvres cinématographiques et audiovisuelles, cet article propose notamment de rendre possible une « seconde coupure » dans les films et téléfilms.

1. Une mesure qui s’inscrit dans le cadre d’une réforme de la diffusion télévisée des messages publicitaires

Dans le cadre de la réforme, plus globale, de la diffusion télévisée des messages publicitaires, négociée avec les différents acteurs depuis plusieurs mois, le présent article vise à rendre effectif leur seul aspect de cette réforme relevant du domaine de la loi. Pour bien apprécier l’équilibre des assouplissements envisagés en matière de publicité sur les chaînes privées, il est néanmoins utile de présenter les mesures réglementaires qui doivent être publiées très prochainement, à l’occasion de la transposition de la directive du 11 décembre 2007.

Pour les chaînes privées, le décret du 27 mars 1992, dit « décret publicité » (130) sera, en effet, assoupli. Cet assouplissement, résumé dans le tableau ci-après, envisage deux évolutions correspondant à des demandes, souvent avancées par les éditeurs de services de télévision et réitérées dans un contexte de tensions sur le marché publicitaire :

– l’augmentation de 6 à 9 minutes du temps maximal de chaque coupure publicitaire par heure d’antenne, en moyenne quotidienne :

– le passage à un décompte de la publicité par « heure d’horloge », et non par « heure glissante » (131). En effet, à la télévision, la comptabilisation du nombre de minutes de publicité par heure se fait aujourd’hui par heure glissante, et non par heure d’horloge comme c’est généralement le cas en Europe. Cela constitue, aux yeux de nombreux acteurs du secteur, un frein à l’optimisation des écrans aux heures de grande écoute.

Ce faisant, la France, qui dispose aujourd’hui d’une réglementation plus stricte et détaillée que la plupart des états membres de l’Union européenne en la matière, se rapprochera de la pratique moyenne en Europe, même si sa réglementation demeurera plus précise que les exigences de la directive.

Assouplissement des durées de diffusion des messages publicitaires sur les chaînes privées

Nature du service

Dispositions actuelles de l’article 15 du décret :

Temps maximal par heure d’antenne en moyenne quotidienne / pour une heure donnée (glissante)

Projet de décret (2ème version) :

Temps maximal par heure d’antenne en moyenne quotidienne / par heure d’horloge

Chaînes hertziennes analogiques nationales

(TF1 et M6)

6 / 12 minutes

9 / 12 minutes

TNT nationale
+ TNT locale (sur une zone de plus de 10 millions d’habitants)

– Régime de montée en charge sur 7 ans

9 / 12 minutes

12 minutes

– Régime « de croisière »

6 / 12 minutes

9 / 12 minutes

Câble, satellite et ADSL

(hors canaux locaux)

9 / 12 minutes

12 minutes

TNT locale (moins de 10 millions d’habitants)

9 / 12 minutes

12 minutes

Source : Direction du développement des médias

2. La modification des règles d’interruption publicitaire dans les œuvres cinématographiques et audiovisuelles

a) L’augmentation du nombre de coupures publicitaires autorisées dans les films et téléfilms

Le présent article vise à compléter les deux assouplissements réglementaires venant d’être évoqués et, ce faisant, à rapprocher le droit français des dispositions de la directive 89/552/CEE en matière d’interruption des œuvres par des messages publicitaires.

Le premier alinéa de l’article 73 de la loi du 30 septembre 1986 (modifié par les alinéas 1 à 4) dispose que la diffusion d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle par un service de communication audiovisuelle ne peut faire l’objet de plus d’une interruption publicitaire, sauf dérogation accordée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Le 1° du présent article (alinéas 2 et 3) vise à modifier les règles fixées par l’article 73 de la loi de 1986, d’une part en supprimant toute possibilité de dérogation à la règle législative – le CSA n’étant plus mentionné dans l’article 73 (132) – et, d’autre part, en précisant que la diffusion par un service de télévision d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle ne peut faire l’objet de plus de deux interruptions publicitaires.

La première phrase de l’alinéa 3 introduit ainsi la possibilité d’une seconde interruption publicitaire dans les films et téléfilms sur les seuls services de télévision. Même si l’article 73 de la loi du 30 septembre 1986 s’appliquait à tout « service de communication audiovisuelle », il ne faisait aucun doute que l’intention du législateur était de ne viser que les services de télévision.

Avec l’introduction des services de médias audiovisuels à la demande dans le champ de la communication audiovisuelle, il est néanmoins apparu nécessaire de préciser que l’article 73 ne s’appliquait qu’aux services de télévision.

Le Gouvernement n’a, en effet, pas souhaité que les contraintes de programmation publicitaire dans les œuvres s’appliquent aux services de médias audiovisuels à la demande. Pour ces nouveaux services, la réglementation publicitaire sera uniquement constituée, comme le prévoit la directive, de règles déontologiques et des autres dispositions législatives applicables à la publicité.

Article 3 sexies de la directive 89/552/CEE

1. Les États membres veillent à ce que les communications commerciales audiovisuelles fournies par les fournisseurs de services de médias relevant de leur compétence répondent aux exigences suivantes :

a) les communications commerciales audiovisuelles sont facilement reconnaissables comme telles. Les communications commerciales audiovisuelles clandestines sont interdites ;

b) les communications commerciales audiovisuelles n’utilisent pas de techniques subliminales ;

c) les communications commerciales audiovisuelles :

i) ne portent pas atteinte à la dignité humaine,

ii) ne comportent pas de discrimination fondée sur le sexe, l’origine raciale ou ethnique, la nationalité, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, ni ne promeuvent une telle discrimination,

iii) n’encouragent pas des comportements préjudiciables à la santé ou à la sécurité,

iv) n’encouragent pas des comportements gravement préjudiciables à la protection de l’environnement ;

d) toute forme de communication commerciale audiovisuelle pour les cigarettes et les autres produits du tabac est interdite ;

e) les communications commerciales audiovisuelles relatives à des boissons alcooliques ne doivent pas s’adresser expressément aux mineurs et ne doivent pas encourager la consommation immodérée de ces boissons ;

f) la communication commerciale audiovisuelle pour les médicaments et les traitements médicaux qui sont disponibles uniquement sur ordonnance dans l’État membre de la compétence duquel relève le fournisseur de services de médias est interdite ;

g) les communications commerciales audiovisuelles ne causent pas de préjudice physique ou moral aux mineurs. Par conséquent, elles ne doivent pas inciter directement les mineurs à l’achat ou à la location d’un produit ou d’un service en exploitant leur inexpérience ou leur crédulité, inciter directement les mineurs à persuader leurs parents ou des tiers d’acheter les produits ou les services faisant l’objet de la publicité, exploiter la confiance particulière que les mineurs ont dans leurs parents, leurs enseignants ou d’autres personnes, ou présenter sans motif des mineurs en situation dangereuse.

2. Les États membres et la Commission encouragent les fournisseurs de services de médias à élaborer des codes déontologiques relatifs à la communication commerciale audiovisuelle inappropriée, accompagnant les programmes pour enfants ou incluse dans ces programmes, et concernant des denrées alimentaires ou des boissons contenant des nutriments ou des substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique, notamment ceux tels que les matières grasses, les acides gras Crans, le sel/sodium et les sucres, dont la présence en quantités excessives dans le régime alimentaire global n’est pas recommandée.

Le présent article précise, par ailleurs, que cette règle s’exerce « sans préjudice des dispositions du code de la propriété intellectuelle », là où la rédaction actuelle de l’article 73 de la loi du 30 septembre 1986 fait référence aux « dispositions de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 ».

Cette substitution résulte de la codification des dispositions de la loi de 1985 intervenue en 1992 (133). Il s’agit donc simplement de mettre à jour la référence faite au droit d’auteur dans la loi du 30 septembre 1986.

b) L’ajout d’une règle nouvelle : une coupure par tranche de 30 minutes

La deuxième phrase de l’alinéa 3 ajoute une règle nouvelle : toute œuvre cinématographique ou audiovisuelle diffusée à la télévision ne pourra « faire l’objet que d’autant d’interruptions qu’elle comporte de tranches programmées de trente minutes ». Autrement dit, la diffusion d’un film ou d’un téléfilm pourra être interrompue par de la publicité télévisée une fois par tranche programmée de trente minutes, toujours dans la limite de deux fois au total.

Une exception est néanmoins fixée pour les « séries, feuilletons et documentaires, qui ne sont pas destinés à la jeunesse ». En revanche, les feuilletons, documentaires et séries destinés à la jeunesse restent soumis au droit commun et ne pourront donc pas être interrompus par de la publicité si leur durée est inférieure à trente minutes.

Jusqu’à présent, la directive « télévision sans frontières » imposait la diffusion des messages publicitaires entre les émissions ou entre les parties autonomes des émissions, à trois exceptions :

– les coupures dans les « non-œuvres », les séries, les feuilletons et les documentaires étaient autorisées, sous réserve d’un délai minimum de 20 minutes entre chaque coupure ;

– les œuvres, cinématographiques ou audiovisuelles autres que les séries, feuilletons et documentaires pouvaient également être interrompues une fois par tranche de 45 minutes, une interruption supplémentaire était autorisée si leur durée excédait 110 minutes ;

– les émissions religieuses, les journaux et émissions d’information, les émissions pour enfants et les documentaires d’une durée inférieure à trente minutes, ainsi que les services religieux, ne pouvaient être interrompus.

La directive « services de médias audiovisuels » modifie profondément ce dispositif : les œuvres cinématographiques, les œuvres audiovisuelles (autres que les séries, les feuilletons et les documentaires), les journaux télévisés et les émissions destinées aux enfants ne pourront être interrompues qu’une fois par tranche de 30 minutes programmée. L’interdiction de l’interruption des services religieux reste maintenue, conformément à l’article 16 du décret du 27 mars 1992 précité.

La directive supprime donc la règle des 20 minutes entre deux interruptions et le présent article y substitue le principe de l’interruption par tranche de 30 minutes pour les œuvres cinématographiques et les œuvres audiovisuelles, à l’exclusion des séries, téléfilms et documentaires, qui ne sont pas destinés à la jeunesse. Ainsi, aucune coupure publicitaire ne pourra intervenir si la durée du « programme jeunesse » est inférieure à 30 minutes.

c) Le maintien des autres règles actuelles

Par ailleurs, la réécriture de l’article 73 de la loi du 30 septembre 1986 reprend les règles législatives actuelles :

– les messages publicitaires doivent être clairement identifiables comme tels ;

– l’interruption publicitaire ne peut contenir que des messages publicitaires à l’exclusion de tout autre document, donnée ou message de toute nature, notamment bande-annonce, bandes d’autopromotion ;

– le sous-titrage publicitaire des œuvres cinématographiques reste interdit, afin d’éviter les phénomènes de contournement des principes régissant les coupures dans les films en incrustant, par exemple, des bandeaux publicitaires pendant leur diffusion, afin de promouvoir certains produits ou services ;

– toute interruption publicitaire des œuvres cinématographiques diffusées dans le cadre d’émissions de ciné-club demeure prohibée.

3. La confirmation de l’interdiction, pour les chaînes publiques et l’ensemble des services de télévision de cinéma, de toute coupure publicitaire dans les films

Conformément à la rédaction actuelle de l’article 73 de la loi du 30 septembre 1986, la diffusion d’une œuvre cinématographique par les sociétés du secteur public et par les services de télévision « dont le financement fait appel à une rémunération de la part des usagers » ne peut faire l’objet d’aucune interruption publicitaire.

Tout en procédant à une mesure de coordination (la référence aux « sociétés » du groupe France Télévisions étant remplacée par celle aux « services de télévision » (134) édités par la société nationale de programme France Télévisions), le 2° du présent article (alinéa 4) vise à confirmer cette exigence, de sorte que la diffusion d’une œuvre cinématographique par les services de télévision publics et par les « services de télévision de cinéma » ne puisse faire l’objet d’aucune interruption publicitaire.

Ainsi, ce sont bien l’ensemble des « chaînes cinéma » qui seront concernées par l’interdiction de la publicité dans les films, et elles seules. En effet, dans la mesure où il n’existe pas de chaîne cinéma gratuite, cette réforme ne peut pas aboutir à priver une chaîne de la faculté – qui lui serait aujourd’hui reconnue – d’interrompre la diffusion des œuvres cinématographiques. À l’inverse, les chaînes payantes autres que de cinéma pourront insérer des messages publicitaires dans les œuvres cinématographiques.

Rappelons que le décret du 17 janvier 1990, dit « décret diffusion », définit le service de cinéma comme « un service de télévision dont l’objet principal est la programmation d’œuvres cinématographiques et d’émissions consacrées au cinéma et à son histoire » (135).

Les « chaînes cinéma »

1. Les différentes catégories de services

Plusieurs sous-catégories de service de cinéma, définies en fonction de la récence des œuvres diffusées, doivent être distinguées :

– les services de « première exclusivité » (136) (c’est-à-dire les chaînes dites « premium » comme Canal + ou TPS Star) sont des services de cinéma qui diffusent annuellement en « première fenêtre » au moins 75 œuvres cinématographiques de moins de trois ans, dont au moins 10 œuvres d’expression originale française (EOF) ayant fait l’objet d’un préachat.

Ces services sont soumis à une contribution de 26 % de leurs ressources dans les œuvres européennes, dont 22 % dans les œuvres EOF ;

– les services de « premières diffusions » (137) (c’est-à-dire la majorité des chaînes « Ciné Cinéma ») sont des services de cinéma qui diffusent annuellement une ou plusieurs œuvres cinématographiques en « première fenêtre » ou plus de 10 œuvres cinématographiques en « seconde fenêtre », de moins de trois ans. Ces services sont soumis à la même contribution que celle qui s’applique aux services de « première exclusivité », mais dont la grille de diffusion est un peu différente ;

– les « services de cinéma » qui ne diffusent ni en « première fenêtre », ni plus de 10 de « secondes fenêtres » : il s’agit des chaînes diffusant des films de catalogues. Ces services sont soumis à une contribution de 21 % de leurs ressources dans les œuvres européennes dont 17 % dans les œuvres EOF ;

– les services de patrimoine cinématographique (138) (comme la chaîne « Ciné Cinéma Classic ») sont des services de cinéma qui diffusent exclusivement des œuvres cinématographiques de plus de 30 ans. Ces services sont soumis à la même contribution que celle qui est applicable aux services de cinéma.

2. Obligations de contribution à la production et de diffusion

Contrairement au régime défini pour les autres chaînes thématiques, où l’essentiel de l’obligation de contribution à la production porte sur les œuvres audiovisuelles, le régime des « chaînes cinéma », historiquement issu de celui défini pour Canal +, fait porter l’essentiel de l’obligation de contribution à la production sur l’œuvre cinématographique, en fonction de la récence des œuvres proposées.

Dans le nombre total de diffusions et rediffusions d’œuvres cinématographiques, les chaînes doivent respecter les quotas suivants : au moins 60 % d’œuvres européennes et 40 % d’œuvres d’expression originale française. Ces quotas doivent également être respectés aux heures de grande écoute comprises entre 18 heures et 2 heures (139). Le « quantum » et la grille de diffusion des œuvres cinématographiques sont beaucoup plus souples que ceux des chaînes généralistes.

La diffusion des œuvres cinématographiques est limitée sur chaque antenne à 500 titres différents par an. Chaque œuvre ne peut être diffusée plus de sept fois pendant une période de trois semaines. Une huitième diffusion est autorisée à la condition qu’elle soit accompagnée d’un sous-titrage destiné spécifiquement aux personnes sourdes ou malentendantes. Pour les services à programmation multiple (dont le modèle est « Canal + le bouquet »), chaque œuvre ne peut être diffusée plus de 35 fois pendant une période de trois mois (140).

Les services de cinéma de première exclusivité ne peuvent diffuser aucune œuvre cinématographique le samedi de 18 heures à 23 heures (sauf pour les œuvres ayant réalisé un nombre d’entrées en salle inférieur à un seuil fixé par arrêté) et le dimanche de 13 heures à 18 heures (141).

3. Les principales « chaînes cinéma » en France

– Canal + : première « chaîne cinéma », lancée en 1984. Chaîne premium (service de cinéma de première exclusivité) composée de plusieurs déclinaisons (service à programmation multiple) : Canal + Cinéma, Canal + Sport, Canal + Family et Canal + Décalé, regroupées sous l’appellation Canal + le bouquet ;

– TPS Star : chaîne lancée par TPS pour concurrencer Canal + sur le format d’une chaîne cinéma premium (service cinéma de première exclusivité), proposant des films inédits et du football, elle a été intégrée à l’offre cinéma de Canal + depuis la fusion des plateformes CanalSat et TPS ;

– Ciné Cinéma : bouquet de sept chaînes issues de la fusion des « chaînes cinéma » de Canal + et de celles de TPS, chacune fondée sur une thématique propre : films d’auteur, films de patrimoine, films récents, films d’action… ;

– les « chaînes cinéma » du groupe AB : quatre chaînes diffusant des films de catalogue (films non inédits).

Signalons également Orange Cinéma Séries, le bouquet de « chaînes cinéma » qui doit être lancé par Orange dans les prochains mois, sur le même format que les chaînes Ciné Cinéma.

*

La Commission est saisie de deux amendements de suppression de l’article, respectivement déposés par M. Didier Mathus et M. Noël Mamère.

M. Didier Mathus. TF1 et M6 réclament depuis des années cette deuxième coupure publicitaire. La directive SMA permet aux États de l’autoriser mais ne les y oblige pas. En la permettant, vous commettez une faute à l’égard des créateurs. De plus, cette disposition complète un dispositif conçu pour siphonner les recettes du marché publicitaire au bénéfice des chaînes privées. Tous les créateurs s’élèvent contre votre mesure qui porte atteinte à l’intégrité des œuvres. C’est l’une des plus condamnables de ce texte.

M. Noël Mamère. Cette disposition conduira à l’appauvrissement des œuvres, comme on l’a vu aux États-Unis, où les programmes sont formatés en fonction des écrans de publicité. C’est donc une atteinte directe à la liberté de création, mais aussi une aubaine supplémentaire pour les chaînes privées. Vous aggravez l’appauvrissement du service public, poursuivant le dessein mis en œuvre lors de la privatisation de la première chaîne en 1986.

Mme Aurélie Filippetti. Avec cet article les masques tombent. On voit clairement qu’il s’agit de faire des cadeaux à TF1, à M6 et même à Canal Plus, puisque seules les chaînes de télévision entièrement consacrées au cinéma ne pourront procéder à une seconde coupure publicitaire. Par cet article, vous renforcez les dispositions particulièrement avantageuses déjà prises en faveur des chaînes privées, qu’il s’agisse de la diminution de moitié de la taxe sur leurs recettes publicitaires, réduite de 3 % à 1,5 % ou du passage de l’heure d’horloge à l’heure glissante. Tout cela est très mauvais et pour le service public et pour la création. Par ailleurs, vous-mêmes vous dénoncez, pour l’exclure des chaînes publiques, les effets néfastes de la publicité : cela cesse-t-il d’être vrai sur les chaînes privées ?

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les deux amendements.

Elle est ensuite saisie d’un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à supprimer la règle des vingt minutes devant s’écouler entre deux coupures publicitaires dans les programmes autres que les œuvres audiovisuelles ou cinématographiques.

M. Jean Dionis du Séjour. Je propose d’introduire un peu de souplesse pour éviter le formatage des émissions évoqué par M. Mamère.

M. Didier Mathus. Dites clairement que la télévision diffuse de la publicité, avec éventuellement quelques coupures pour des émissions !

M. le président Jean-François Copé. Monsieur Dionis du Séjour, point trop n’en faut…

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette cet amendement.

Elle adopte l’article 46 sans modification.

TITRE IV

DISPOSITIONS RELATIVES AU CINÉMA ET AUTRES ARTS
ET INDUSTRIES DE L’IMAGE ANIMÉE

Article 47

Habilitation à prendre par ordonnances des mesures visant à réformer le Centre national de la cinématographie et à rénover le droit des arts et industries de l’image animée

Cet article propose d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances (alinéa 1) des mesures législatives (énumérées par les alinéas 2 à 17) visant, d’une part, à rénover le droit du cinéma et des autres arts et industries de l’image animée et, d’autre part, à renforcer la gouvernance du Centre national de la cinématographie (CNC), dans un délai de six mois (alinéa 18).

Un des points essentiels de cette rénovation vise à créer un conseil d’administration au Centre national de la cinématographie, qui est l’instrument de la mise en œuvre de la politique de l’État dans le cinéma et dans la création audiovisuelle, tout en préservant son architecture originale, gage de son efficacité.

Cette rénovation du CNC figure parmi les décisions arrêtées par le conseil de modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007 et confirmées par celui du 4 avril 2008 : elle s’inscrit dans l’entreprise de révision générale des politiques publiques (RGPP) menée au ministère de la Culture et de la communication.

La réforme a aussi pour objectif de rendre plus intelligible et conforme à la hiérarchie des normes un ensemble de dispositions du code de l’industrie cinématographique, pour partie inchangées depuis l’immédiat après-guerre, et de redéfinir le champ actuel des interventions du CNC, élargi au fil des modernisations successives qu’il a connues, dans le but de l’inscrire pleinement dans le nouvel environnement numérique du monde des images animées et des contenus multimédia.

L’énumération des dispositions pour lesquelles le Gouvernement sollicite le recours à l’article 38 de la Constitution couvre plusieurs domaines.

1. Regrouper les textes en vigueur dans un code unique

Le 1° du I (alinéa 2) vise les mesures nécessaires pour regrouper, au sein d’un code, l’ensemble des textes de valeur législative, codifiés ou non, relatifs aux domaines du cinéma et des autres arts et industries de l’image animée.

En effet, la réforme a pour ambition de rénover et d’unifier le droit du cinéma, aujourd’hui défini par un code – le code de l’industrie cinématographique – qui rassemble, pour l’essentiel, des textes adoptés avant 1956. Ce code n’a jamais fait l’objet, depuis cette date, d’une modernisation d’ensemble.

Précisons également que l’expression « arts et industries de l’image animée » est un vocable permettant d’embrasser les diverses activités actuelles du CNC, allant du cinéma au jeu vidéo. Il n’est pas certain que cette terminologie soit retenue in fine dans le projet d’ordonnance, les professionnels ayant fait d’autres suggestions comme la référence aux arts et industries « du cinéma et de la création audiovisuelle ».

2. Réformer le fonctionnement du CNC

Le 2° du I (alinéas 3 à 7) vise un ensemble de dispositions relatives au Centre national de la cinématographie, établissement créé par une loi du 25 octobre 1946. Si la dénomination de ce dernier devrait être modifiée – pour refléter l’extension du champ d’action du CNC au-delà du seul cinéma, en direction principalement de la production audiovisuelle, de la vidéo et du multimédia, y compris le jeu vidéo –, l’établissement devrait continuer à être désigné sous l’acronyme « CNC » tout en devenant le « Centre national du cinéma et de l’image animée ».

Quatre séries de mesures sont envisagées :

– une clarification du statut du CNC et une actualisation de ses missions dans les secteurs du cinéma et des autres arts et industries de l’image animée (alinéa 4), en distinguant entre les missions que l’établissement public administratif exerce, en qualité d’opérateur de l’État, sous la tutelle du ministre chargé de la culture, et les prérogatives de puissance publique exercées, à titre personnel et sous l’autorité directe du ministre chargé de la culture, par son président ;

– une réforme de l’organisation et du fonctionnement du CNC, notamment par la création d’un conseil d’administration (alinéa 5). Il s’agit de la mesure la plus emblématique de cette réforme ;

– une adaptation des ressources et des dépenses du CNC à la nature de ses missions (alinéa 6) ;

– une actualisation du régime de recherche et de constatation des infractions à la réglementation et des sanctions administratives et pénales afférentes (alinéa 7).

En effet, la pratique du CNC en matière de gouvernance – produit de l’histoire et reflet des spécificités d’un établissement doté de missions d’administration centrale, à côté de ses missions d’opérateur de l’État – est celle d’une concertation large, approfondie et fréquente avec les administrations de tutelle et les professionnels, mais sans institution de nature statutaire. À l’heure actuelle, en droit, les fonctions habituellement dévolues dans les établissements publics à un conseil d’administration sont exercées par le seul directeur général.

La réforme institutionnaliserait donc des organes de gouvernance : un conseil d’administration et une commission générale professionnelle, qui, aujourd’hui, n’ont qu’une existence informelle sous une autre appellation. Une commission générale professionnelle institutionnaliserait le mode de concertation existant avec les professionnels des différents secteurs intéressés. Cette réforme s’inscrirait dans la logique même de l’autonomie financière croissante du Centre, dont la gestion serait sécurisée par la mise en place d’un conseil d’administration.

Ce dernier serait institué sans préjudice de l’équilibre existant actuellement entre les missions d’administration centrale et les missions propres à l’établissement public. Il devrait, du fait de la spécificité des missions du CNC, être composé, outre du président, de magistrats, de représentants de l’État et de représentants du personnel. Le président du conseil d’administration serait nommé en conseil des ministres sans limitation de durée, par analogie avec la situation existante et du fait de ses missions d’administration centrale.

La direction opérationnelle de l’établissement refléterait les compétences mixtes du Centre. La double fonctionnalité du président, agissant tantôt au titre des pouvoirs détenus de par sa nomination par décret en conseil des ministres sous l’autorité directe du ministre en charge de la culture, tantôt au titre de président de l’établissement public sous tutelle, en serait la traduction.

Les prérogatives du président du nouveau CNC

Le président du Centre national du cinéma et de l’image animée exercerait en propre, sous l’autorité directe du ministre chargé de la culture, les prérogatives suivantes :

– procéder à l’étude et à l’élaboration des projets de lois, de décrets et d’arrêtés relatifs au cinéma et aux autres arts et industries de l’image animée et proposer toute mesure susceptible de contribuer au développement et à la modernisation des secteurs concernés ;

– prendre, en tant que de besoin, des dispositions réglementaires à caractère technique pour compléter les conditions ou modalités d’application des règlements ;

– être associé à la préparation de la réglementation et au suivi des négociations professionnelles relatives aux obligations de production et de diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles auxquelles sont soumis les éditeurs de services de médias audiovisuels et plus généralement à toute question concernant la diffusion audiovisuelle, à la propriété littéraire et artistique et au régime social et fiscal de ces professions et activités ;

– participer à la négociation des accords internationaux relatifs aux coproductions et aux échanges cinématographiques et audiovisuels, ainsi qu’à la préparation de la position française dans les négociations internationales intéressant le cinéma et les autres arts et industries de l’image animée ;

– participer à la mise en œuvre, dans les secteurs du cinéma et des autres arts et industries de l’image animée, des procédures relevant de la législation relative à la concurrence ;

– déterminer les spécifications techniques auxquelles est subordonnée l’homologation des établissements de spectacles cinématographiques ;

– homologuer les établissements de spectacles cinématographiques et délivrer l’autorisation préalable à l’exercice de l’activité d’exploitant de ces établissements ;

– délivrer l’agrément préalable à la constitution des groupements et ententes de programmation cinématographique et homologuer les engagements de programmation ;

– délivrer l’agrément préalable à la mise en place des formules d’accès au cinéma donnant droit à des entrées multiples ;

– désigner les agents du Centre et prononcer des sanctions administratives.

Quant au Centre lui-même, il aurait notamment pour missions de :

– suivre l’évolution des professions et activités des arts et industries de l’image animée et leur environnement technique, juridique et économique, ainsi que les conditions de formation et d’accès aux métiers concernés ;

– contribuer au développement et au financement des arts et industries de l’image animée. Il apporterait notamment un soutien financier à la création, la production, la distribution, la diffusion et la promotion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles et des œuvres multimédia. Ce soutien concernerait également la création et la modernisation des établissements de spectacles cinématographiques, les industries techniques et l’innovation technologique. Il continuerait de favoriser la diversité des formes d’expression cinématographique, audiovisuelle et multimédia et de faciliter l’adaptation des entreprises à l’évolution des marchés et des technologies ainsi qu’à la concurrence internationale ;

– contrôler les recettes d’exploitation des œuvres cinématographiques dans les établissements de spectacles cinématographiques ; il contrôlerait également les recettes d’exploitation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles sous forme de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public ;

– participer à la lutte contre la contrefaçon des œuvres cinématographiques et audiovisuelles et des œuvres multimédia ;

– recueillir, conserver, préserver et mettre en valeur le patrimoine cinématographique.

3. Moderniser les règles encadrant les professions du cinéma et de l’image animée

Le 3° du I (alinéas 8 à 11) autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnances s’agissant de l’exercice des professions et activités du cinéma et des autres arts et industries de l’image animée. Le projet de réforme vise, ce faisant, à rendre plus intelligible et plus accessible le droit du cinéma, à la fois pour l’administration, les professionnels et, d’une manière générale, les citoyens, conformément aux objectifs de valeur constitutionnelle reconnus par le Conseil constitutionnel.

En effet, la dispersion des règles juridiques relatives au cinéma, à l’industrie audiovisuelle et à la vidéo, entre le code de l’industrie cinématographique, divers articles de lois isolés et des décisions réglementaires du directeur général du Centre, ainsi que l’existence de nombreuses dispositions parfois obsolètes, non appliquées ou formulées à un niveau normatif inadapté, ont contribué à opacifier et complexifier cette branche du droit.

Il convient donc de rendre les dispositions applicables aux divers champs d’intervention du CNC à la fois plus simples et plus conformes à l’ordonnancement juridique en vigueur.

Trois types de mesures sont, plus précisément, envisagés :

– une simplification des régimes d’autorisation ou de déclaration préalables à l’exercice des professions du cinéma et de la vidéo et une adaptation des bases juridiques de l’homologation des établissements de spectacles cinématographiques (alinéa 9) ;

– un aménagement des règles relatives à l’organisation de séances de spectacles cinématographiques à titre non commercial ou en plein air (alinéa 10) ;

– une actualisation et une clarification des règles relatives au contrôle des recettes d’exploitation des œuvres cinématographiques en salles de spectacles cinématographiques et des œuvres cinématographiques ou audiovisuelles en vidéo (alinéa 11).

Le contrôle des recettes d’exploitation dans les cinémas devrait notamment être organisé conformément à certain nombre de principes simples et explicites. Les exploitants de ces établissements seraient tenus soit de délivrer un billet d’entrée à chaque spectateur, soit d’enregistrer et de conserver, dans un système informatisé, les données relatives à l’entrée de chaque spectateur selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de la culture et du ministre chargé des finances.

Ils devraient établir, à la fin de chaque séance, un relevé comportant, en regard des recettes ou, en cas de formule d’accès illimité au cinéma donnant droit à des entrées multiples, des sommes correspondant au prix de référence par place, l’indication du programme et les numéros des billets d’entrées délivrés à chaque spectateur ou les données relatives à l’entrée de chaque spectateur. Les caractéristiques de ce relevé devraient être fixées par arrêté conjoint des ministres de la culture et des finances. Ce relevé serait tenu à la disposition des agents de l’administration des impôts et des agents du Centre national du cinéma et de l’image animée.

Enfin, les exploitants devraient, à la fin de chaque semaine cinématographique, adresser au CNC – par voie électronique – une déclaration de recettes dont les caractéristiques seraient également fixées par arrêté conjoint des ministres de la culture et des finances.

Des sanctions (peines d’emprisonnement et amendes) seraient prévues, notamment si les établissements admettent des spectateurs non munis de billet d’entrée, s’ils n’enregistrent ni ne conservent les données relatives à l’entrée des spectateurs dans le système informatisé adéquat, ou encore s’ils adressent de fausses déclarations au CNC.

4. Rénover les registres du cinéma et renforcer la transparence sur les recettes

Le 4° du I (alinéa 12) inclut, dans le champ de l’ordonnance, les mesures nécessaires pour actualiser les registres du cinéma et de l’audiovisuel et pour renforcer la transparence de l’information relative aux recettes d’exploitation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles.

Les registres du cinéma et de l’audiovisuel

La conservation des registres de la cinématographie et de l’audiovisuel, créée par une loi du 22 février 1944, est placée auprès du CNC. Ces registres sont prévus aux articles 31 et suivants du code de l’industrie cinématographique. Ils comprennent le registre public de la cinématographie et de l’audiovisuel (RPCA) et, depuis 2006, le registre des options (142).

Le RPCA assure, comme le ferait une conservation des hypothèques, la publicité des actes, conventions et jugements relatifs à la production, à la distribution, à la représentation et à l’exploitation des œuvres audiovisuelles au sens large. La publicité de ces différents documents ne peut avoir lieu qu’après immatriculation de l’œuvre à laquelle ils se rapportent. Celle-ci n’est obligatoire que pour les films de cinéma ; l’immatriculation des œuvres audiovisuelles non cinématographiques, permise depuis le 1er janvier 1986, reste facultative. Cependant, elle devient indispensable, sauf exception, pour les œuvres de fiction, les documentaires et les œuvres d’animation qui doivent bénéficier de l’apport d’une SOFICA ou d’une aide du COSIP.

Le conservateur des registres de la cinématographie et de l’audiovisuel n’est pas juge de la validité des actes publiés et ne peut donc refuser de procéder à leur inscription que pour des raisons de forme. L’existence du RPCA a permis la mise en œuvre d’un système original de sûretés (nantissement et délégation de recettes), qui facilite l’accès des professionnels au crédit.

Le registre des options permet au producteur qui a acquis une option pour l’adaptation cinématographique ou audiovisuelle d’une œuvre littéraire de déposer son projet au registre des options sous le titre de cette œuvre littéraire. L’inscription et la publication au registre des options sont opérées de la même façon qu’au RPCA. Toutefois, au registre des options, l’inscription des actes n’est pas obligatoire.

Le nouveau CNC aurait ainsi pour double mission de tenir les registres du cinéma et de l’audiovisuel et de centraliser et communiquer aux parties prenantes et aux ayants droit tous renseignements relatifs aux recettes réalisées par les personnes soumises à son contrôle.

5. Aménager les règles financières

Le 5° du I (alinéas 13 à 16) fait référence aux dispositions législatives relatives au financement du cinéma et des autres arts et industries de l’image animée. Trois réformes sont envisagées :

– Confier au CNC le recouvrement direct de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision (alinéa 14), conformément au vote, par l’Assemblée nationale, de l’article 22 du projet de loi de finances pour 2009 qui prévoit l’accès du CNC aux ressources fiscales finançant les soutiens (143).

L’autonomie financière croissante du Centre, concrétisée par la suppression du compte d’affectation spéciale à compter du 1er janvier 2009 et par la fonction de recouvrement des taxes confiée à l’établissement (pour la taxe sur les entrées en salles à partir du 1er janvier 2007, et pour la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision à compter du 1er janvier 2010), trouve comme contrepartie la mise en place, déjà évoquée, d’un conseil d’administration qui viendra sécuriser la gestion du CNC.

 Confier au nouveau conseil d’administration du CNC la détermination des conditions générales d’attribution des soutiens financiers au cinéma et aux autres arts et industries de l’image animée (alinéa 15).

Les règles régissant les soutiens financiers attribués par le CNC – sous forme d’aides directes, automatiques ou sélectives, ou d’aides indirectes – pourront être désormais fixées par délibérations du conseil d’administration. Pour l’attribution des aides automatiques, l’ordonnance devrait prévoir la règle selon laquelle un compte est ouvert dans les écritures du Centre national du cinéma et de l’image animée, au nom de chaque bénéficiaire, et sur lequel sont inscrites les sommes auxquelles il peut prétendre.

– Actualiser le régime d’affectation prioritaire du soutien financier à la production cinématographique au désintéressement de certains créanciers (alinéa 16). Il s’agit de clarifier – en le rendant plus efficace – le régime des créances dites « privilégiées » sur les œuvres déjà réalisées et dont le paiement est un préalable à la mobilisation du soutien financier automatique pour la production de nouvelles œuvres cinématographiques.

6. Actualiser le régime du dépôt légal

Le 6° du I concerne les mesures législatives nécessaires pour adapter les dispositions du titre III du livre Ier du code du patrimoine – relatives au dépôt légal des documents cinématographiques – aux exigences de la convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel adoptée à Strasbourg le 8 novembre 2001 (alinéa 17). Il s’agit de permettre la mise en conformité du régime de dépôt légal cinématographique avec cette convention européenne, avant le dépôt des instruments de ratification auprès du Conseil de l’Europe.

En effet, l’article L. 131-2 du code du patrimoine soumet à l’obligation de dépôt légal les documents cinématographiques, dès lors qu’ils sont mis à la disposition du public. Lorsque le document n’a pas de visa d’exploitation et ne donne pas lieu à une représentation publique en salles sur le territoire national, il n’est pas soumis à cette obligation. Tel est le cas notamment des documents qui n’ont pas de distributeur.

Or les œuvres cinématographiques auxquelles s’applique la convention sont définies comme l’ensemble des « images en mouvement de toute durée destinées à être diffusées dans les salles ». Il en découle que les obligations relatives au dépôt légal doivent s’appliquer aux œuvres destinées à être diffusées en salles, même si elles n’ont pas été communiquées au public.

Il apparaît donc nécessaire d’aménager L. 131-2 du code du patrimoine en prévoyant que les documents cinématographiques font l’objet d’un dépôt légal obligatoire, dès lors qu’ils sont destinés à une représentation en salle de spectacles cinématographiques (144).

Par ailleurs, l’article L. 132-2 du code du patrimoine doit également être adapté aux évolutions du cinéma numérique, les documents cinématographiques n’étant plus nécessairement fixés sur support photochimique, mais pouvant prendre la forme de fichiers informatiques.

7. Entrée en vigueur de l’ordonnance

Enfin, le II du présent article (alinéa 18) prévoit que :

– l’ordonnance doit être prise au plus tard dans un délai de six mois à compter de la publication du présent projet de loi ;

 un projet de loi portant ratification de cette ordonnance doit être déposé, devant le Parlement, au plus tard le dernier jour du troisième mois qui suit celui de sa publication.

*

La Commission examine deux amendements de suppression de l’article, respectivement présentés par MM. Noël Mamère et Didier Mathus.

M. Noël Mamère. La réforme du Centre national de la cinématographie (CNC) ne saurait être réalisée ainsi, en douce, dans un article fourre-tout : elle exige un débat parlementaire.

Par ailleurs, que signifie : « Adapter ses ressources et ses dépenses à la nature de ses missions » ? Cette expression est si floue qu’elle permet n’importe quoi. Nous nous opposons avec force à tout démantèlement du CNC, dont le rôle dans la création cinématographique et audiovisuelle française, qu’il s’agisse de fictions ou de documentaires, est fondamental.

M. Didier Mathus. Le financement du cinéma français relève de la mécanique de précision. Vouloir procéder à la réforme du CNC par ordonnance est d’autant plus surprenant que notre commission des affaires culturelles a toujours manifesté son attachement à un système de financement qui fait partie intégrante du patrimoine national et a largement contribué à la réussite du cinéma français – l’un des seuls, avec les cinémas coréen et indien, à avoir su résister au rouleau compresseur américain.

M. le rapporteur. Le recours aux ordonnances s’explique par un calendrier parlementaire surchargé et par le caractère très technique des mesures envisagées. Honnêtement, on ne peut pas dire que le Parlement n’ait pas été associé à une réforme annoncée et débattue depuis deux ans, et qui vient de faire l’objet d’un vote dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009 : je rappelle qu’à cette occasion, nous avons adopté un excellent amendement de Marcel Rogemont visant à préserver le niveau d’information du Parlement sur le CNC.

Il est urgent de parachever cette réforme en habilitant le Gouvernement à créer un conseil d’administration : cette mesure est la contrepartie de la décision de confier au CNC le recouvrement direct des taxes qui alimentent les aides qu’il attribue.

M. Michel Françaix. Vous dites vouloir redonner du lustre au Parlement, mais notre rapporteur estime que légiférer par ordonnances n’est pas grave : admettez que c’est paradoxal.

M. Marcel Rogemont. Cela n’a aucun sens de dire qu’on n’a pas le temps d’examiner un texte de loi sur le CNC. Le sujet, qui touche à l’exception culturelle française, est suffisamment important pour que le Parlement soit largement associé non seulement aux réflexions, mais aussi aux décisions.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les deux amendements.

Elle adopte ensuite un amendement rédactionnel du rapporteur, puis examine un amendement de M. Jean Dionis du Séjour tendant à préciser que l’ordonnance prévue par l’article 47 devra respecter les dispositions du code de la propriété intellectuelle.

M. Jean Dionis du Séjour. L’argument de la complexité est recevable, à condition de poser des garde-fous : l’un d’entre eux est le respect du code de la propriété intellectuelle.

M. Noël Mamère. Je soutiens cet amendement : il est utile de protéger les conditions de rémunération des auteurs. Et il serait extravagant que la loi ne respecte pas le code de la propriété intellectuelle…

Après avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement de M. Jean Dionis du Séjour, puis l’article 47 ainsi modifié.

Article 48

Habilitation à prendre par ordonnances des mesures visant à aménager
les dispositifs de régulation de la diffusion cinématographique et à rénover les relations entre distributeurs et exploitants

Cet article propose d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances (alinéa 1) des mesures législatives (énumérées par les alinéas 2 à 4) visant à aménager les dispositifs de régulation de la diffusion cinématographique et à rénover les relations entre distributeurs et exploitants, dans un délai de huit mois (alinéa 5).

Rappelons, en effet, que le secteur du cinéma fait l’objet depuis les années 1940 d’une politique de régulation sectorielle, élaborée afin de préserver une activité industrielle et artistique aux enjeux culturels. Les règles de la concurrence doivent néanmoins s’appliquer à lui, les dérogations accordées devant être strictement proportionnées aux objectifs d’intérêt général recherchés et ne porter atteinte que de façon limitée au bon fonctionnement du marché.

La législation poursuit ainsi un double objectif louable : d’une part, veiller au libre jeu de la concurrence et, d’autre part, sauvegarder la création cinématographique. La loi du 29 juillet 1982 dispose notamment que « tout groupement ou entente entre entreprises de spectacles cinématographiques destiné à assurer la programmation des œuvres cinématographiques en salle est soumis à agrément préalable délivré par le directeur du Centre national de la cinématographie » (145). Cet agrément est subordonné à un certain nombre de règles qui concernent la prise d’engagements de programmation afin de maintenir le pluralisme de la diffusion des œuvres cinématographiques.

À ce dispositif s’ajoute un intervenant également institué par la loi du 29 juillet 1982 : le médiateur du cinéma. Autorité administrative indépendante, il est chargé d’une mission de conciliation préalable en cas de litiges entre exploitants et distributeurs de films ayant pour origine « toute situation restreignant ou faussant le jeu de la concurrence ». Par ses médiations ou injonctions, il participe à la régulation du marché en contribuant au respect du droit de la concurrence et de la diversité de l’offre.

Afin de rénover le cadre juridique s’appliquant à la régulation de la diffusion des œuvres cinématographiques, Mme Christine Albanel, ministre de la Culture et de la communication, Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, des finances et de l’emploi, ont commandé à Mme Anne Perrot et M. Jean-Pierre Leclerc une étude sur l’équilibre à atteindre entre les règles du marché et le développement de la créativité cinématographique.

Rendu en mars 2008, ce rapport, intitulé « Cinéma et concurrence », dresse une analyse économique du secteur du cinéma et de ses modalités de régulation. Partant du principe que « la prise en compte des objectifs légitimes de protection de la culture n’a jamais été considérée, jusqu’à présent, comme une justification pour écarter purement et simplement les règles de concurrence », leurs préconisations tracent des perspectives que le présent article a pour ambition de mettre en œuvre.

Résumé du rapport « Cinéma et concurrence »
et des propositions d’Anne Perrot et de Jean-Pierre Leclerc

Le 25 septembre 2007, Christine Lagarde, ministre de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi, et Christine Albanel, ministre de la Culture et de la communication, ont demandé la réalisation d’une étude portant sur l’application du droit de la concurrence dans le domaine du cinéma.

Il s’agissait de répondre à des préoccupations concrètes touchant principalement au fonctionnement du marché de l’exploitation des films en salle, qui se sont multipliées dans la période récente : dégradation des conditions de sortie des films en salle ; craintes de « guerres des prix » ; conflits autour du renouvellement de l’agrément des formules d’abonnement illimitées ; contestation devant les tribunaux de la concurrence faite par des salles exploitées ou subventionnées par des municipalités ; interrogations sur l’avenir du régime d’autorisation d’ouverture des multiplexes ; remise en cause de la chronologie des médias ; projets d’équipement des salles de cinéma en technologies de projection numérique susceptibles de transformer les relations commerciales et financières entre les distributeurs et les exploitants.

La première partie du rapport tente d’éclairer comment, de manière générale, les règles de concurrence peuvent se combiner avec la régulation sectorielle propre au cinéma.

La seconde partie examine plus précisément les questions concrètes que posent différentes formes de concurrence sur les marchés de l’exploitation des films en salle et dans les différents médias et formule des propositions pour remédier aux problèmes identifiés.

1. Quel équilibre entre les mécanismes de concurrence et la régulation sectorielle du cinéma ?

1.1 Les caractéristiques particulières de l’économie du cinéma

L’économie du cinéma est marquée par des caractéristiques particulières : la production, la distribution et l’exploitation des films engage essentiellement des coûts fixes ou irrécupérables. Or le succès commercial est aléatoire : chaque film est une œuvre unique, un prototype, et les recettes du film à succès, les stars à l’affiche, l’importance des budgets de production ou de promotion, les stratégies de sorties massives ne protègent pas contre les échecs.

Le cinéma est une activité très risquée, ce qui explique les fortes tendances à la concentration dans ce secteur - même si en France elle reste modérée, du fait notamment des politiques de soutien de l’Etat qui ont permis à des entreprises indépendantes ou de petite taille de continuer à exister. D’autre part, les marchés du cinéma sont fragmentés : la concurrence entre les exploitants de salle s’exerce au sein de zones de chalandise locales ; les films à l’affiche sont en concurrence mais ne sont pas entièrement substituables.

Ceci favorise la constitution de positions dominantes nationales mais aussi locales, qui peuvent se renverser selon les circonstances. Dans la période actuelle, ce sont plutôt les exploitants qui disposent d’une ressource rare, les écrans, face à une offre de films pléthorique, et qui bénéficient d’une position de force dans les négociations commerciales.

1.2 Mécanismes de concurrence et objectifs de politique culturelle

Dans ces conditions, les instruments de la concurrence constituent des mécanismes utiles pour protéger les opérateurs les plus fragiles contre les pratiques discriminatoires, les abus de position dominante ou de dépendance économique, qu’ils soient le fait de distributeurs ou d’exploitants. Pour sanctionner ces pratiques, les autorités de la concurrence s’adaptent à la diversité des produits, des entreprises et des rapports de domination qui caractérisent le secteur : même lorsqu’un opérateur dispose seulement d’une position dominante locale, son comportement abusif peut être sanctionné comme le Conseil de la concurrence l’a récemment démontré.

Par contre, les mécanismes de la concurrence ne peuvent à eux seuls remplir les objectifs de la politique culturelle : diversité de l’offre, renouvellement des talents, aménagement du territoire, soutien à un tissu industriel national et européen. En effet, le seul jeu du marché tempéré par les règles de concurrence pourrait aboutir à une offre de films plus uniformisée, à la disparition des salles dans les zones les moins riches et les moins peuplées du territoire, et aussi à la disparition d’un certain nombre d’entreprises : les règles de la concurrence ne protègent pas les opérateurs économiques contre leurs concurrents plus dynamiques ou plus innovants.

1.3 Les principes de la régulation sectorielle : enrichir mais pas exclure les règles de concurrence

Ces objectifs culturels relèvent d’une régulation sectorielle, qui peut venir enrichir les mécanismes de concurrence, mais pas s’y substituer ou les exclure. La prise en compte des objectifs légitimes de protection de la culture n’a jamais été considérée, jusqu’à présent, comme une justification pour écarter purement et simplement les règles de concurrence. Celles-ci ont été constamment appliquées au secteur du cinéma par les autorités de la concurrence. Le fait que la production, la distribution et l’exploitation de films mettent en jeu l’exercice de droits de propriété intellectuelle n’exonère pas non plus ces activités du respect des règles de concurrence.

De plus, une dérogation aux règles de concurrence propre au cinéma serait contraire à nos engagements européens. Les traités européens ne prévoient pas d’exception aux règles de concurrence pour les produits ou les services culturels. Ainsi, dans la mesure où le marché communautaire pourrait être affecté, la régulation sectorielle du cinéma ne doit pas favoriser la conclusion par les professionnels d’ententes interdites ou la constitution de positions dominantes. Elle ne doit pas non plus limiter la libre circulation des marchandises ou la liberté de prestation de services au sein de l'Union européenne, sauf dans une mesure strictement nécessaire et proportionnée par rapport aux objectifs d’intérêt général poursuivis.

1.4 Les modalités de la régulation sectorielle du cinéma

La régulation publique, au nom de la défense et de la promotion de la culture, doit donc être conçue pour porter les atteintes les plus limitées possibles au bon fonctionnement des marchés et être strictement proportionnée aux objectifs poursuivis. De ces principes découlent des recommandations sur les modalités d’une régulation sectorielle.

Le recours à une autorégulation de la profession par la voie de protocoles d’accords ou de codes de bonne conduite, qui a souvent été privilégié, ne doit être envisagé qu’avec prudence.

Malgré l’intérêt pratique que pourrait représenter cette autorégulation, les possibilité d’y recourir sont juridiquement limitées : en principe, une concertation entre des entreprises qui aboutirait à un encadrement des prix, à une répartition des marchés, ou à la fixation de quotas de production ou de vente est interdite.

Par contre, certains accords qui apporteraient des progrès sensibles dans la distribution des films, profitant aussi bien aux entreprises du secteur qu’aux spectateurs, pourraient obtenir une « exemption ». La mission préconise de sécuriser la négociation d’accords en recourant à la procédure prévue à l’article L. 420-4 du code de commerce : autorisation par décret après avis conforme du Conseil de la concurrence.

En dehors de ces cas d’exemptions, c’est à l’État qu’il incombe d’exercer une régulation économique du secteur conforme à l’intérêt général, s’il l’estime nécessaire. Le cinéma est une industrie déjà très encadrée, alors que la diversité des situations, des acteurs, des marchés locaux en est le trait dominant. Dans ces conditions, la mission préconise de recourir aux instruments de régulation les plus souples, individualisés possible et qui entravent le moins le jeu de la concurrence.

La mission estime tout d’abord essentiel que soit respectée l’obligation de formaliser les relations commerciales dans des contrats écrits, sous peine de sanctions. Il semble en effet que les professionnels du cinéma ont perdu l’habitude de conclure des contrats formalisés que les instances judiciaires ou de médiation professionnelle pourraient faire respecter. Pourtant, ces contrats peuvent déterminer avec souplesse les engagements réciproques de ces partenaires en matière de rémunération, de conditions d’exposition des films et de coopération commerciale, et d’éviter que les relations entre distributeurs et exploitants soient gouvernées par la loi du plus fort. Les formalités pourraient être allégées grâce à la conclusion de contrats sous forme électronique.

La mission recommande en outre l’extension de l’intervention du médiateur du cinéma. C’est en effet l’institution la plus adaptée pour assurer avec efficacité et rapidité une régulation du secteur qui favorise le fonctionnement concurrentiel des marchés en même temps que la réalisation d’objectifs d’intérêt général.

À l’heure actuelle, son rôle consiste essentiellement à examiner les difficultés d’accès des exploitants aux copies et les décisions des commissions départementales d’équipement cinématographique. Son intervention pourrait se développer pour répondre à des problématiques nouvelles, sur lesquelles il pourrait se prononcer de manière précontentieuse, à titre de conciliation ou en formulant des recommandations : pratiques discriminatoires ou abusives dans l’accès des films aux écrans, relations commerciales entre distributeurs et exploitants, concurrence entre salles municipales et salles privées, litiges en matière de politique tarifaire et de rémunération des distributeurs. Ses moyens devraient être renforcés en conséquence.

Le contenu des engagements de programmation, qui seront renouvelés en 2009, peut également être adapté pour répondre à ces problématiques nouvelles ; le champ d’application des engagements de programmation pourrait être étendu à l’ensemble des multiplexes et aux salles gérées par des collectivités territoriales.

Enfin, l’octroi d’incitations financières constitue le meilleur moyen de réaliser des objectifs de politique culturelle que les mécanismes de marché ne pourraient pas eux-mêmes atteindre, mais la mission recommande de procéder à un audit des aides au cinéma afin de vérifier que la multiplication des dispositifs et le saupoudrage des crédits ne nuisent pas à l’efficacité de ces aides, et d’examiner si leur sélectivité doit être renforcée. Par contre, les effets du régime d’autorisation d’ouverture des multiplexes, qui est susceptible de restreindre la concurrence entre exploitants au niveau local, devraient être évalués. La mission ne considère néanmoins pas qu’il y aurait nécessairement lieu de lier le sort de ce régime à celui des autorisations d’ouverture de grandes surfaces, qui pourrait être prochainement réformé.

2. Quelles réponses aux questions de concurrence dans le secteur du cinéma ?

2.1 La concurrence par les prix entre les exploitants

La décision du Conseil de la concurrence du 10 mai 2007 qui a invalidé le code de bonne conduite de 1999 sur les politiques promotionnelles des exploitants suscite au sein de la profession des craintes de relance de « guerres des prix ».

La mission souhaite tout d’abord rappeler que la concurrence par les prix est a priori un phénomène positif : tout en offrant aux spectateurs la possibilité de voir plus de films à meilleur prix, elle peut relancer la fréquentation et donc apporter à toute la filière des recettes supplémentaires. C’est seulement si elle n’a pas d’effet sur la fréquentation globale que la concurrence par les prix peut entraîner une diminution de la remontée de recettes. Il appartient normalement aux exploitants de déterminer la politique tarifaire qui leur permettra de valoriser au mieux les investissements réalisés. Mais leurs décisions ont un impact sur l’ensemble de la profession, parce que la rémunération des distributeurs, des producteurs et des auteurs est calculée de manière proportionnelle aux recettes en salle.

Plusieurs solutions sont envisageables pour remédier à cette situation. Une première solution consisterait à limiter la liberté tarifaire des exploitants en donnant aux distributeurs, représentants des ayants droits, un droit de regard sur leurs politiques de prix. Sur le plan juridique, cet encadrement des prix par les ayants droits devrait nécessairement reposer sur des dispositions législatives. Sur le plan économique, le fait de retirer aux exploitants la maîtrise des prix pratiqués constituerait une contrainte importante sur la gestion de leur activité et aboutirait sans doute à uniformiser les prix des places. Cette solution constitue une limitation substantielle, peu opportune, au libre jeu de la concurrence.

D’autres solutions consisteraient au contraire à conserver toute liberté aux exploitants dans la détermination de leurs politiques tarifaires, en déconnectant en partie la rémunération versée aux distributeurs du prix des places de cinéma. Différentes modes de rémunération des distributeurs sont possibles : la location du film pourrait se faire contre une somme forfaitaire par copie ou par entrée ; alternativement, la location du film pourrait continuer d’être consentie moyennant une rémunération proportionnelle aux recettes, mais un minimum garanti serait versé aux distributeurs, ou encore un tarif de référence serait appliqué pour chaque billet vendu à un prix réduit en deçà de ce tarif.

Ces modes de rémunération auraient l’avantage de limiter les aléas subis par les distributeurs, et de réintroduire un seuil en dessous duquel les prix pratiqués par les exploitants pourraient être considérés comme abusivement bas, car inférieurs à leurs coûts. Les conséquences de ces nouvelles formules de rémunération des distributeurs sur les recettes reversées aux auteurs sont également examinées par le rapport.

Le choix entre ces différentes formules, le montant du forfait ou du tarif de référence devraient normalement être librement négociés entre distributeurs et exploitants. La profession est néanmoins soucieuse des discriminations et les abus auxquels cette négociation est susceptible de donner lieu ainsi que la fragilisation des distributeurs et exploitants indépendants qui pourrait en résulter. Elle pourrait donc souhaiter qu’une rémunération minimale des distributeurs soit fixée par une négociation collective ou par la voie réglementaire.

Une solution intermédiaire, inspirée des pratiques actuelles en matière de cartes illimitées, pourrait consister à appliquer le mécanisme du tarif de référence aux opérations promotionnelles, aux tarifs réduits et aux formules d’abonnement non illimitées.

Tout en maintenant le principe de la rémunération proportionnelle aux recettes en salles, le législateur pourrait imposer aux distributeurs et aux exploitants de fixer contractuellement un tarif de référence, ce qui offrirait aux distributeurs et aux ayants droit une rémunération minimale. En cas de non-respect de cette obligation, un tarif de référence minimal fixé par la voie réglementaire pourrait s’appliquer. Une plus grande transparence sur les recettes réalisées serait alors nécessaire, pour que cette négociation tarifaire puisse se dérouler dans de bonnes conditions.

Alternativement, aucune obligation particulière ne serait imposée par le législateur mais, dans le cadre juridique actuel, l’extension du tarif de référence pourrait être expérimentée par des distributeurs et des exploitants qui y seraient disposés. Cette expérience pourrait être évaluée et servir de modèle à un éventuel dispositif législatif.

2.2 La concurrence entre salles municipales ou subventionnées et salles privées

La concurrence entre salles municipales et salles privées constitue un sujet nouveau de préoccupation au sein de la profession. Pourtant, la mission constate que les salles gérées par des collectivités territoriales, en régie ou dans le cadre d’une délégation, ne captent qu’une très faible part du marché au niveau national.

La mission estime en outre que l’intervention des collectivités territoriales dans le secteur de l’exploitation en salle est légitime, qu’il s’agisse de poursuivre des objectifs d’aménagement du territoire, d’intégration sociale ou de revitalisation urbaine. La politique culturelle, qui vise à permettre au public d’accéder à une offre de films plus riche et plus ambitieuse, peut aussi justifier un soutien des collectivités territoriales, aux côtés de celui déjà assumé par le CNC, en faveur des salles qui font des efforts pour assurer une programmation diversifiée et de qualité.

Sur les marchés locaux où des salles municipales cohabitent avec des exploitants privés, la concurrence doit cependant s’exercer à armes égales. Ainsi, les prix pratiqués par les salles publiques doivent refléter leurs coûts d’investissement et de fonctionnement. Si des subventions leur sont versées par les collectivités, elles doivent avoir pour contrepartie des obligations d’animation et de programmation imposées dans l’intérêt général. Ces obligations devraient être définies par la collectivité de rattachement sous la forme d’un cahier des charges ; elles pourraient aussi relever du régime des engagements de programmation.

Des principes identiques devraient encadrer les subventions qui peuvent être versées par les collectivités territoriales à certaines salles privées ou associatives, sur le fondement de l’article L. 2251-4 du code général des collectivités territoriales.

2.3 La concurrence entre les films pour l’accès aux salles

La mission a constaté la persistance des tensions décrites dans le rapport de 2006 sur les conditions de sortie des films en salle : encombrement du calendrier de sortie des films, saturation des écrans du fait du nombre de films et de copies, rotation accélérée des films en salle, dégradation des relations entre distributeurs et exploitants. Le passage à la projection numérique pourrait en outre accentuer ces tensions.

La concurrence entre films pour l’accès aux écrans et le raccourcissement de la durée de leur exploitation en salle constitue sans doute une évolution irrémédiable. Cette situation est néanmoins très pénalisante pour les films plus fragiles, qui peinent à trouver un espace pour exister et rencontrer leur public. Or, il serait très dommageable que les efforts consentis pour soutenir la production soient annihilés par des conditions de sortie excessivement dégradées.

Plusieurs propositions ont été faites, tant en 2006 au cours de la mission Leclerc qui avait examiné plus précisément ces questions, qu’à l’occasion des auditions conduites par la présente mission, pour limiter l’inflation du nombre de copies, inciter les exploitants à améliorer la durée d’exploitation des films, soutenir les distributeurs dans leurs investissements de promotion des films. La mission souligne que bon nombre de ces propositions ne mettent pas en cause les principes de la concurrence.

Il paraît tout d’abord difficile, au regard du bon fonctionnement des marchés, de limiter le nombre de copies d’un même film comme cela a été proposé par certains professionnels. En revanche, un accord qui viserait à mieux répartir dans le temps le calendrier de sortie des films en salle pourrait être examiné positivement par les autorités de concurrence, compte tenu des avantages qui seraient ainsi apportés aux spectateurs, et bénéficier d’une exemption.

De plus, il paraît nécessaire de s’assurer que le système de financement à la production n’aboutit pas à un saupoudrage favorisant une trop forte croissance du nombre de films distribués.

Par contre, les incitations qui sont données aux exploitants de salles pour faire une place aux films qui ont des difficultés d’accès aux écrans pourraient être renforcées. La vocation des aides à l’art et essai est précisément de soutenir les films les plus audacieux, or ce label s’est banalisé : au-delà du recentrage de la recommandation art et essai, les aides accordées à ce titre pourraient être pondérées en fonction du nombre de films ou de spectateurs.

Enfin, les efforts de promotion des films faits par les distributeurs devraient également être soutenus par des aides sélectives, mais aussi par un intéressement aux recettes dégagées, grâce à leurs investissements de promotion, sur les autres supports d’exploitation des films.

2.4 La concurrence entre modes d’exploitation des films : le développement de la vidéo à la demande

La mission a également estimé nécessaire d’évoquer la concurrence entre modes d’exploitation des films, dont les enjeux lui paraissent revêtir un caractère prééminent même s’ils excèdent le cadre de la présente mission.

Depuis la libéralisation du secteur audiovisuel, l’exploitation des films sur différents supports (salle, vidéo, télévision payante puis gratuite) a, grâce au cadre réglementaire mis en place, efficacement contribué au développement de la production française. Ce circuit économique est aujourd’hui à la croisée des chemins du fait de l’émergence d’Internet comme support concurrent de la télévision, de la vidéo, et dans une moindre mesure de la salle pour la diffusion des films. La lutte contre le piratage constitue évidemment un préalable mais ne résout pas toutes les questions. Il importe, notamment, de garantir que le marché de la vidéo à la demande (VoD) fournira au cinéma français les sources de financement dont il a besoin, sans tarir les circuits financiers existants.

Ce nouveau marché est en devenir, et ses modes de fonctionnement encore mal connus. Des études sont en cours de réalisation par le CNC. A ce stade, la mission souhaite insister sur la nécessité de préserver la discrimination temporelle et tarifaire entre les différents supports d’exploitation des films : salle, DVD, VoD, télévision payante, télévision gratuite. Chaque support doit bénéficier d’une fenêtre d’exclusivité et les prix qui y sont pratiqués doivent refléter non seulement les services spécifiques offerts au spectateur mais aussi la « fraîcheur » de la fenêtre d’exploitation.

Les principes de la chronologie des médias, c’est-à-dire de fenêtres d’exploitation successives et nécessairement exclusives, doivent donc être préservés. Pour la définition du délai d’exploitation des films en VoD, la voie d’un accord professionnel paraît pouvoir être retenue : il s’agirait certes d’une restriction de concurrence, mais qui peut sans doute justifier une exemption.

La chronologie des médias constitue en effet un usage légitime des droits de propriété intellectuelle, qu’elle permet de valoriser au mieux, et répond à un objectif d’intérêt général, le financement de la création. Ces observations n’interdisent d’ailleurs pas de raccourcir les différentes fenêtres d’exclusivité, comme l’avait proposé le rapport de la mission Olivennes, pour tenir compte de l’accélération du rythme d’exploitation des films en salle.

Une autre approche consisterait à ouvrir des négociations individuelles entre les ayants droit et les différents diffuseurs de services pour déterminer la chronologie d’exploitation propre à chaque film. Cette libéralisation permettrait probablement de mieux valoriser individuellement les films. Mais, dans la mesure où elle aboutirait à démanteler la chronologie des médias, cette solution impliquerait aussi de reconstruire l’ensemble du circuit de financement du cinéma français afin de garantir une répartition équitable de cette charge financière entre les différentes catégories de diffuseurs et de maintenir le niveau global de ce financement. En principe, la chronologie des médias ne peut fonctionner efficacement que si le prix payé par le spectateur décroît d’une fenêtre d’exploitation à une autre. Mais il n’apparaît pas possible de coordonner les prix pratiqués par les services de VoD sans aboutir à une restriction substantielle de la concurrence. La mission préconise donc plutôt de transposer aux services de VoD les solutions déjà envisagées dans le secteur de l’exploitation en salle, pour garantir aux ayants droit une rémunération minimale, notamment par la définition d’un tarif de référence.

Récapitulatif des propositions

1. Sécuriser les accords susceptibles d’être exemptés au titre du progrès économique, en utilisant la procédure de l’article L.420-4 du code de commerce qui permet au gouvernement d’autoriser des accords ou des catégories d’accords par décret, pris sur l’avis conforme du Conseil de la concurrence, ou solliciter le Conseil de la concurrence pour avis, sur le fondement de l’article L.462-1 du code de commerce, sur les questions de concurrence posées par les accords que la profession souhaiterait pouvoir conclure.

2. Respecter l’obligation de conclure des contrats écrits et simplifier cette formalité en concluant des contrats cadre et en recourant à des modalités de signature électronique.

3. Inviter le médiateur à élargir le champ de ses interventions, par l’exercice d’un pouvoir de conciliation ou de recommandation en matière de pratiques discriminatoires ou abusives dans l’accès des films aux écrans, de relations commerciales entre distributeurs et exploitants, de concurrence entre salles municipales et salles privées, de politique tarifaire et de rémunération des distributeurs, et renforcer ses moyens.

4. Étendre le régime des engagements de programmation aux multiplexes qui n’y sont pas soumis.

5. Procéder à un audit des aides à la distribution et à l’exploitation et renforcer leur sélectivité.

6. Evaluer les effets de la procédure d’autorisation d’ouverture des multiplexes sur la concentration du secteur de l’exploitation en salle et sur la diversité de programmation. En cas de suppression du régime d’autorisation de l’équipement commercial, instituer une procédure propre au cinéma, assise sur des commissions constituées au niveau régional et national.

7. Remédier aux effets de la concurrence par les prix entre les exploitants de salle sur la rémunération des distributeurs, soit :

a. en dérogeant à l’article L.442-5 du code de commerce, pour donner aux distributeurs un droit de regard sur les prix pratiqués par les exploitants ;

b. en abrogeant l’article 24 du code de l’industrie cinématographique et la décision réglementaire n°15 du directeur général du CNC, pour permettre aux distributeurs et aux exploitants de négocier librement des rémunérations minimales ou forfaitaires ;

c. en définissant une rémunération minimale pour les distributeurs par la voie d’une négociation collective ou par la voie réglementaire ;

d. en imposant aux distributeurs et aux exploitants la négociation d’un tarif de référence applicable en cas de promotions, un tarif minimum défini par la voie réglementaire s’appliquant en cas de non-respect de cette obligation ;

e. en expérimentant, sans modification du cadre juridique existant, l’extension du tarif de référence aux promotions autres que les formules d’abonnement illimité.

8. Imposer aux salles municipales opérant en concurrence avec des exploitants privés de souscrire des engagements de programmation, ou la définition d’un projet cinématographique précis par des conventions ou cahiers des charges s’imposant aux gestionnaires de l’établissement.

9. Favoriser la concertation périodique entre les distributeurs autour d’un calendrier de sortie des films.

10. Veiller à ce que les mécanismes de soutien financier ou les obligations de financement de la production ne contribuent pas à la multiplication des films produits et des copies par un saupoudrage des financements.

11. Recentrer l’octroi des subventions art et essai, en pondérant l’aide accordée aux salles art et essai en fonction du nombre de copies ou du nombre de spectateurs, ou en excluant du calcul de ces aides les films ayant dépassé un seuil d’entrées, et récompenser les efforts d’exposition des films dans la durée.

12. Intéresser les distributeurs sur les recettes réalisées par les films qu’ils ont distribués sur les différents supports d’exploitation, notamment par l’intermédiaire des aides automatiques versées au titre du compte de soutien.

13. Fixer par voie d’accord interprofessionnel la fenêtre d’exploitation des services de vidéo à la demande, afin de préserver les principes de la chronologie des médias. Dans le cas d’une ouverture de négociations individuelles entre les ayants droit et les diffuseurs de services pour déterminer la chronologie d’exploitation propre à chaque film, répartir entre les différents médias les obligations de financement de la production et les quotas de diffusion.

14. Donner aux ayants droit la garantie d’une rémunération minimale à l’occasion de la location de films en VoD, comme proposé en 7. pour le secteur de l’exploitation en salle.

Le présent article vise précisément à traduire en droit les propositions de nature législative contenues dans le rapport Perrot–Leclerc, notamment celles sur l’extension du champ de compétences du médiateur du cinéma et sur le régime des engagements de programmation des établissements de spectacles cinématographiques.

Ce contexte explique que l’énumération des dispositions pour lesquelles le Gouvernement sollicite l’application de l’article 38 de la Constitution couvre les domaines suivants :

– les dispositifs de régulation de la diffusion cinématographique concernant les conditions de délivrance de l’agrément des groupements et ententes de programmation, les engagements de programmation des exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques ainsi que l’étendue des pouvoirs du médiateur du cinéma (, alinéa 2) ;

– les conditions de cession des droits de représentation cinématographique et les conditions de cession des droits d’exploitation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles sous forme de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public ou par les services de médias audiovisuels à la demande (, alinéa 4) ;

– les conditions et modalités de délivrance de l’agrément des formules d’accès au cinéma donnant droit à des entrées multiples (146) (, alinéa 3).

S’agissant de ce dernier point, le Gouvernement souhaite prendre, par voie d’ordonnances, des mesures confirmes à l’esprit des propositions formulées par la commission d’agrément des formules d’accès au cinéma du CNC dans son bilan d’activité du 12 février 2008, consacré aux « formules d’abonnement de type accès illimité au cinéma » (147).

Si, en effet, le cadre législatif et réglementaire mis en place depuis 2003 a répondu, en partie, au constat qui avait été fait lors de la mise sur le marché de la première formule d’abonnement avec accès illimité et donc aux attentes des principaux acteurs concernés, en préservant notamment le pluralisme de l’offre cinématographique et des lieux de diffusion, il a toutefois montré ses limites, à l’occasion du renouvellement des agréments de ces formules en 2007, et particulièrement en ce qui concerne la détermination du prix de référence.

Conformément aux préconisation de la commission d’agrément du CNC, l’ordonnance pourrait donc comporter une série de mesures propres à alléger la procédure d’agrément et à renforcer l’efficacité de celle-ci, au bénéfice de tous les acteurs concernés par ce dispositif : les émetteurs, les exploitants garantis, les distributeurs et les ayants droit.

L’ensemble de ces aménagements nécessitant une concertation approfondie entre les professionnels du cinéma et les sujets traités étant souvent, par ailleurs, très techniques, il est prévu que le Gouvernement dispose, pour rédiger cette ordonnance, d’un délai plus long que celui prévu par l’article 47 du présent projet de loi.

C’est pourquoi le II du présent article (alinéa 5) prévoit que :

– l’ordonnance doit être prise au plus tard dans un délai de huit mois à compter de la publication du présent projet de loi ;

– un projet de loi portant ratification de cette ordonnance doit être déposé, devant le Parlement, au plus tard le dernier jour du troisième mois qui suit celui de sa publication.

Si aucun projet d’ordonnance n’a pu être remis au rapporteur, c’est parce que sa rédaction dépend des négociations professionnelles en cours. Mais, si les négociations entre professionnels aboutissent, l’ordonnance permettra, à n’en pas douter, une rénovation utile des dispositifs de régulation de la diffusion cinématographique et des relations entre distributeurs et exploitants.

*

La Commission est saisie de deux amendements de suppression de l’article 48, respectivement présentés par MM. Didier Mathus et Noël Mamère.

M. Didier Mathus. Le présent article étend la pratique des ordonnances à d’autres aspects de la politique cinématographique. Curieusement, on prévoit un délai de huit mois afin d’engager les concertations nécessaires. Dès lors, comment justifier les ordonnances par l’urgence ?

M. Patrick Bloche. Surtout qu’il est ici question des engagements de programmation des établissements de spectacles cinématographiques et de l’étendue des pouvoirs du médiateur du cinéma, c’est-à-dire des relations ô combien conflictuelles entre distributeurs et exploitants ! Par le passé, le Parlement n’a pas ménagé sa peine pour essayer de réguler ces rapports et sauver nombre de salles. Qu’il ne soit pas appelé à intervenir est d’autant plus regrettable.

M. Noël Mamère. Il est inconcevable de réformer la politique cinématographique française par voie d’ordonnances : cela exige un débat parlementaire ! Pour l’heure, cette politique n’a d’ailleurs pas à être modifiée : le Parlement a bien travaillé, et, comme l’a rappelé Didier Mathus, notre industrie cinématographique est l’une des rares qui a résisté aux grands groupes d’outre-Atlantique.

M. Marcel Rogemont. J’ai déposé naguère un amendement relatif aux cartes de cinéma illimitées, qui n’offrent pas assez de transparence quant au nombre d’entrées, tant pour les ayants droit que pour les cinémas participant à cette opération, d’autant que leur prix n’a pratiquement pas augmenté depuis leur création. Il est fâcheux que le Parlement soit exclu de la réflexion et de la décision sur de tels dispositifs relatifs au cinéma.

M. le rapporteur. Monsieur Rogemont, le débat que vous ouvrez se poursuivra avec un amendement de M. Dionis du Séjour. Le cinéma français est l’un des plus vivants en Europe et nous devons tous avoir à cœur qu’il le reste. Les ordonnances viseront à transcrire dans la loi les propositions d’évolution qui figurent dans le rapport Cinéma et concurrence, élaboré par M. Jean-Pierre Leclerc et Mme Anne Perrot à la demande des ministres de la culture et de l’économie, ainsi que les préconisations du bilan d’activité de la commission d’agrément des formules d’accès illimité au cinéma. Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression.

La Commission rejette ces deux amendements.

Elle adopte l’article 48 sans modification

Article additionnel après l’article 48

Encadrement réglementaire de l’agrément des formules d’accès
au cinéma donnant droit à des entrées multiples

La Commission est saisie d’un amendement de M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. La gestion des cartes d’accès illimité au cinéma est présentée depuis longtemps comme un problème. L’autorisation donnée pour les cartes UGC s’est soldée par un échec et le système manque de transparence. Plus grave, aucun accord ne s’est fait quant à la rémunération des auteurs sur le chiffre d’affaires de ces cartes. La persistance du problème laisse penser qu’une réglementation nouvelle est nécessaire, qui devrait être définie par un décret en Conseil d’État.

Après avis favorable du rapporteur, la Commission adopte cet amendement.

TITRE V

DISPOSITIONS DIVERSES, TRANSITOIRES ET FINALES

Ces dispositions visent principalement à organiser la transition du secteur public de la communication audiovisuelle après l’adoption du présent projet de loi.

Avant l’article 49

La Commission est saisie d’un amendement de M. Didier Mathus relatif au seuil anti-concentration prévu à l’article 38 de la loi du 30 septembre 1986.

M. Didier Mathus. La France est le seul pays où la plupart des opérateurs privés de l’audiovisuel ont aussi des activités qui les font dépendre étroitement des marchés publics, qu’ils soient avionneurs, bétonneurs ou marchands d’armes : la question du conflit d’intérêt se pose directement. Afin d’assainir la situation et de garantir l’indépendance des médias, mon amendement tend à ce que toute société détenant au moins 10 % des parts d’une société de service de télévision soit exclue par principe des marchés publics. Une telle disposition existe dans des pays beaucoup plus libéraux que la France.

M. Noël Mamère. Les médias français sont sujets aux conflits d’intérêts. Cette situation pose également des problèmes déontologiques aux journalistes, qui ne peuvent pas mener de reportages d’investigation dans des secteurs où leurs patrons ont des intérêts. Aurait-on pu voir sur M6 ou TF1 le remarquable documentaire diffusé hier par Arte, qui montrait comment Suez et d’autres sociétés françaises privatisent ce bien commun qu’est l’eau en Amérique latine ou en Inde ? De même, je vous défie de trouver sur TF1 un reportage critique sur le Maroc, où Bouygues construit des universités, des logements, etc. Cette cartellisation des médias par de grandes entreprises qui répondent aux commandes publiques est un danger pour la démocratie.

M. le rapporteur. Si compréhensible que soit l’intention de l’amendement, il est hors sujet, car il n’est pas ici question de marchés publics ou de seuils de concentration. J’y suis donc défavorable.

M. Noël Mamère. Est-ce hors sujet que de dire que vous confortez les monopoles des chaînes privées, à qui vous permettez de gagner plus d’argent en leur permettant de récupérer des recettes publicitaires que vous supprimez sur les chaînes publiques ?

La Commission rejette cet amendement.

Elle est ensuite saisie d’un amendement de M. Didier Mathus relatif aux seuils anti-concentration prévus à l’article 39 de la loi du 30 septembre 1986.

M. Patrick Bloche. Cet amendement s’appuie sur le rapport élaboré en 2005 par M. Alain Lancelot à la demande du Premier ministre, M. de Villepin, qui proposait de fixer, comme dans certains pays européens dont l’Allemagne, des seuils de limitation de la concentration définis en fonction de l’audience totale réelle mesurée par un organisme indépendant. Ce seuil pourrait être fixé à 37,5 % de l’audience totale réelle de l’ensemble des services nationaux de télévision.

M. Noël Mamère. Cet amendement constitue une sorte de clause de sauvegarde contre celui, voté dans la loi de modernisation de l’économie à l’initiative de notre collègue d’Issy-les-Moulineaux, qui avait abaissé les seuils de concentration, toujours pour servir TF1 qui a fait l’erreur stratégique monumentale de ne pas s’engager dans la TNT. L’adopter, c’est faire œuvre de salut public, en sortant d’une exception française qui est malsaine.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Article 49

Modification du champ des compétences des
comités techniques radiophoniques (CTR)

Cet article complète l’article 29-3 de la loi du 30 septembre 1986 relatif aux comités techniques radiophoniques (CTR) afin de leur transférer de nombreuses compétences, afférentes notamment à la reconduction des autorisations pour les services de radios et de télévisions locales, aux demandes de modification non substantielle des éléments de l’autorisation ou de la convention ou à la délivrance d’autorisations temporaires, pour les autorisations n’excédant pas leur ressort territorial.

Selon les informations fournies par le CSA, le transfert de ces compétences se justifie par le nombre croissant d’éditeurs de services de radio locale. En métropole, 560 radios associatives et 175 radios locales et régionales indépendantes sont autorisées. Il convient également de prendre en compte les développements récents des télévisions locales, l’objectif du CSA étant d’en autoriser plusieurs dizaines dans les prochains mois. Par ailleurs, le CSA va autoriser en 2009 de nombreuses radios numériques et il examine chaque année plus de 300 demandes d’autorisations temporaires pour la couverture radiophonique d’événements ponctuels ou saisonniers à caractère strictement local.

Pour autant, il s’agit d’une modification très importante du rôle de ces CTR, puisqu’en l’état actuel du droit, l’article 29-3 prévoit qu’ils sont uniquement dotés d’une compétence consultative auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), dans le cadre de l’examen des dossiers lors des appels aux candidatures pour l’exploitation :

− d’une radio diffusée par voie hertzienne terrestre en mode analogique et/ou numérique ;

− d’un service de télévision locale diffusé par voie hertzienne terrestre en mode analogique et/ou numérique.

L’avis des CTR ne lie donc pas le CSA. Une fois les autorisations délivrées par le CSA, les CTR contrôlent le respect de leurs obligations par les titulaires des autorisations. Ces comités, au nombre de douze en métropole et de quatre dans les collectivités d’outre-mer, sont partie intégrante du CSA et contribuent à son information. Ils veillent à l’application des conventions conclues entre les titulaires d’autorisations et le CSA. C’est ainsi notamment qu’ils réalisent des écoutes par sondage pour s’assurer du respect des engagements souscrits en matière de programmes, par exemple en ce qui concerne la réalité du programme local des stations ou les modalités de diffusion de la publicité locale ou nationale.

Présidé par un membre de la juridiction administrative, chaque CTR est composé, en outre, de quatre membres titulaires et d’autant de suppléants. Titulaires et suppléants sont désignés par le CSA de façon à combiner au mieux compétences et lieux de résidence. Chaque comité comprend un secrétaire général placé sous l’autorité de son président. Il est le seul employé administratif permanent de ces comités et donc le seul à gérer et préparer l’ensemble des dossiers en vue des réunions des CTR. La majorité des CTR dispose par ailleurs d’un ou deux agents techniques, mais qui sont uniquement spécialistes des problèmes de réception et de planification des fréquences.

La composition, le ressort géographique et les modalités de fonctionnement des CTR sont fixés par le décret n°89-632 du 7 septembre 1989 relatif aux comités techniques prévus par l’article 29-1 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Une réflexion sur la modification de ce décret a été engagée en 2005 par le CSA suite à la publication de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, afin d’adapter la composition et le fonctionnement des CTR aux nouvelles missions qui leur ont été confiées par cette loi en matière de radio numérique et de télévision locale. Un projet de décret, préparé par le CSA en 2006 à l’issue d’une réflexion menée par un groupe de travail associant des présidents des CTR et des représentants des comités, n’a pas encore abouti à ce jour. Les travaux de modification du décret de 1989 devraient reprendre à l’issue de la promulgation du projet de loi.

Le rapporteur comprend tout l’intérêt qu’il y aurait à alléger la charge administrative du CSA, qui a délivré des autorisations à plusieurs centaines de services de radio et de télévision locales, alors que lui sont dévolues de nouvelles missions dans le domaine des services de médias audiovisuels à la demande et que ses moyens budgétaires et humains stagnent depuis de nombreuses années.

Pour autant, il s’interroge sur plusieurs points. Les CTR disposent-ils aujourd’hui réellement des moyens de remplacer le CSA dans cette tâche administrative lourde ? Ils ne disposent en général que d’un secrétaire général à temps plein. On court donc un risque de devoir renforcer dans l’urgence les moyens en personnel des CTR lorsque l’on se rendra compte des nombreux engorgements locaux créés par l’adoption du présent article.

Par ailleurs, ne risque-t-on pas de voir se développer une régulation à deux niveaux et des décisions incohérentes entre le CSA – compétent pour les radios nationales – et les CTR – compétents pour les radios locales. Les présidents de CTR n’ont en effet pas de connaissance particulière du secteur audiovisuel puisqu’ils sont présidents de tribunaux administratifs, et les autres membres des CTR, hors le secrétaire général, sont des quasi-bénévoles.

De plus, la notion de compétence pour les « services à vocation locale » dans un « ressort territorial » risque de s’avérer problématique : qu’est-ce qu’un service à vocation locale en radio ? Aujourd’hui toutes les autorisations des services de radio sont délivrées par ressort de CTR, y compris les services à vocation nationale. Par ailleurs, qu’entend-on par « modifications non substantielles » des autorisations ? Les CTR sont-ils outillés juridiquement pour distinguer ce qui est substantiel de ce qui ne l’est pas, alors que cette notion fait l’objet d’une jurisprudence abondante du Conseil d’État s’agissant déjà les décisions du CSA ?

Enfin, le pouvoir de signature des conventions d’autorisation et des décisions est donné aux présidents des CTR. Ceci semble en contradiction avec les pouvoirs généraux du CSA qui sont toujours exercés en réunion plénière par les conseillers. Cet article du projet de loi ne précise pas si les décisions devront être publiées au Journal Officiel, si les conventions devront faire l’objet d’un dépôt au CSA, comment elles pourront être consultées, quels seront les recours possibles, etc. Sur ce dernier point, s’il est sous-entendu que le recours de première instance puisse se faire auprès du CSA, simplifie-t-on réellement le circuit de décision ?

Il semblerait par ailleurs qu’il n’y ait eu aucune concertation préalable avec les différents acteurs intéressés, alors que l’on modifie en profondeur le régime de délivrance et d’administration des radios privées. Il convient de saluer le travail remarquable effectué par le CSA depuis quinze ans. Ainsi, s’agissant du dossier le plus récent, FM+, les « appels généraux » aux candidatures ont permis le renouvellement ou l’attribution de 3 000 fréquences dont 1 000 nouvelles en deux ans. Or, maintenant que ces « appels généraux » sont pratiquement achevés, la prochaine échéance comparable n’interviendra pas avant quinze ou vingt ans. De même, la prochaine vague massive de renouvellements ne commencera pas avant cinq ans ou dix ans. Le rapporteur estime donc qu’il faut se laisser le temps de la réflexion avant de mettre en œuvre une telle modification et qu’il est donc préférable de supprimer cette disposition.

*

La Commission est saisie de deux amendements identiques de suppression de l’article, l’un du rapporteur, l’autre de M. Didier Mathus.

M. Marcel Rogemont. Nous refusons que le CSA, qui a certes accompli un gros travail pour affecter les fréquences, abandonne aux comités techniques radiophoniques – souvent fort dépourvus de moyens – sa prérogative de statuer sur la reconduction des autorisations et sur les demandes de « modification non substantielle » de celles-ci.

M. Michel Françaix. Après nous avoir reproché tout à l’heure d’être hors sujet – alors que nous ne l’étions pas –, le président de la Commission ne saurait accepter cet article qui est un véritable « cavalier » législatif.

M. le rapporteur. Je partage votre analyse, ce qui explique que j’ai déposé le même amendement.

La Commission adopte les amendements de suppression.

L’article 49 est donc supprimé.

Article additionnel après l’article 49

Développement de la radio numérique terrestre

La Commission est saisie de deux amendements pouvant être soumis à discussion commune, l’un de M. Patrice Martin-Lalande et l’autre de Mme Laure de La Raudière, demandant au CSA de publier, avant le 31 mars 2009, le calendrier des appels aux candidatures à venir, ainsi que la liste des zones associées, afin de permettre le déploiement des services de radio numérique terrestre sur le territoire métropolitain. Ces amendements prévoient également que les terminaux neufs vendus après le 1er septembre 2010 permettent la réception de la radio numérique terrestre.

M. le rapporteur. Ces amendements sont presque identiques, à ceci près que celui de M. Martin-Lalande prévoit en outre le dépôt par le Gouvernement, avant le 1er juillet 2009, d’un rapport au Parlement sur les modalités de passage à la diffusion numérique des radios associatives. J’y suis favorable. Peut-être Mme de La Raudière accepterait-elle de le cosigner ?

Mme Laure de La Raudière. Ayant le projet de défendre, lors de la réunion prévue en application de l’article 88 du Règlement, un amendement relatif à la diffusion numérique des radios associatives, je préfère ne pas cosigner celui-ci, mais je le soutiens et je retire donc le mien.

L’amendement de Mme Laure de La Raudière est retiré.

La Commission adopte l’amendement de M. Patrice Martin-Lalande.

Article additionnel après l’article 49

Attribution de fréquences aux collectivités territoriales

Elle est ensuite saisie d’un amendement du rapporteur permettant au CSA d’attribuer aux collectivités territoriales qui lui en font la demande les fréquences nécessaires à la diffusion de programmes de télévision en mode numérique dans les zones non couvertes par la diffusion hertzienne terrestre.

M. le rapporteur. Les éditeurs de programmes de télévision ont l’obligation légale de diffuser leurs services auprès de 95 % de la population. Une fraction restante de 5 % de la population pourrait donc ne pas être couverte. Certaines collectivités territoriales peuvent souhaiter prendre en charge cette diffusion ; le code général des collectivités territoriales leur permet déjà d’intervenir dans le secteur des communications électroniques pour établir des infrastructures, mais la diffusion de programmes sur leur territoire nécessite l’usage de fréquences dont la loi réserve actuellement l’octroi aux seuls distributeurs choisis par les éditeurs. Mon amendement est donc une ouverture en direction des collectivités territoriales, permettant à celles qui le souhaitent d’obtenir des fréquences.

M. Didier Mathus. Faire financer par les collectivités ce qui n’est pas pris en charge par les opérateurs, je n’appelle pas cela une ouverture…

M. le rapporteur. L’amendement ne crée pas d’obligation. Là où les collectivités ne voudront pas intervenir, il y aura toujours la couverture par le satellite. Il s’agit donc bien d’une simple possibilité.

Mme Monique Boulestin. Même s’il n’y a pas d’obligation en droit, la population concernée voudra être couverte et se tournera vers les collectivités.

Mme Laure de La Raudière. Les collectivités locales ont-elles le droit de subventionner les antennes satellites ? Dans le cas contraire, cet amendement pourrait créer une distorsion de concurrence.

M. le rapporteur. Il existe un fonds géré par le groupement d’intérêt public.

M. Henri Nayrou. Il faudra également modifier l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales pour permettre aux collectivités d’intervenir. Je vais déposer deux amendements à ce sujet, pour la télévision et pour la radio.

La Commission adopte l’amendement.

Article additionnel après l’article 49

Rapport au Parlement sur l’état du marché
des services de diffusion audiovisuelle

La Commission examine un amendement de M. Patrice Martin-Lalande tendant à demander au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 30 juin 2009, un rapport relatif à l’état du marché des services de diffusion audiovisuelle, et présentant les éventuelles modifications, notamment législatives, à opérer afin d’en assurer un fonctionnement optimal.

M. Patrice Martin-Lalande, président. L’objectif est d’y voir plus clair sur le pluralisme dans le secteur de la diffusion audiovisuelle. Les auditions que j’ai conduites comme rapporteur spécial de la mission « Médias » m’ont révélé les interrogations de plusieurs éditeurs. Certains éléments d’évolution de ce marché ne peuvent pas rester sans approfondissement.

Après avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Article 50

Application de la loi du 30 septembre 1986 à l’outre-mer

Cet article propose une nouvelle rédaction de l’article 108 de la loi du 30 septembre 1986 relatif aux modalités d’application de la loi du 30 septembre 1986 à l’outre-mer (alinéa 1) afin de l’actualiser.

En l’état actuel du droit, l’article 108 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que, à l’exception de son article 53 relatif aux cahiers des missions et des charges, la loi du 30 septembre 1986 est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, à Mayotte et dans les Terres australes et antarctiques françaises. En effet, selon les termes du dernier alinéa de l’article 72-3 de la Constitution, la loi détermine le régime législatif et l’organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises et, selon les termes de l’article 74 et du titre XIII de la Constitution, les lois ne sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna que si cela est expressément prévu. A l’inverse, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, les lois votées par le Parlement français sont directement applicables, sauf mention contraire expresse dans la loi. L’exclusion de l’application de l’article 53 dans ces collectivités s’expliquait par la présence de dispositions fiscales à cet article.

L’alinéa 2 du présent article du projet de loi modifie à la marge le périmètre géographique d’application de la loi en excluant Mayotte de la liste ci-dessus. En application du dernier alinéa de l’article 73 de la Constitution, depuis le 1er janvier 2008, Mayotte est considérée comme une collectivité départementale, ce qui implique que les lois votées par le Parlement français y sont directement applicables, sauf mention contraire expresse.

Par ailleurs, ce même alinéa prévoit que, désormais, seul le V de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 ne sera pas applicable à ces collectivités, toujours pour des raisons d’autonomie fiscale. Ce paragraphe prévoit que les exonérations de redevance audiovisuelle décidées pour des motifs sociaux donnent lieu à remboursement intégral du budget général de l’État et que ce remboursement est calculé sur le fondement des exonérations en vigueur à la date de publication de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 précitée ainsi que celles qui pourraient intervenir postérieurement.

L’alinéa 3 du présent article du projet de loi complète l’article 108 par un nouvel alinéa afin de préciser les conditions d’application de la loi du 30 septembre 1986 dans les départements et collectivités départementales. Il dispose en effet que « les références de la présente loi à des dispositions qui ne sont pas applicables à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises sont remplacées par les références aux dispositions ayant le même objet applicables localement ».

En effet, en vertu des deux premiers alinéas de l’article 73 de la Constitution, les lois « peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s’exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement ».

Ce type de disposition existe déjà dans de nombreux codes et dans de nombreux textes, dont on peut prendre deux exemples récents. L’article 935 du code de procédure pénale créé par l’article 13 de la loi n° 2008-644 du 1er juillet 2008 ou l’article 25 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

On peut également donner d’autres exemples de dispositions non applicables ou applicables partiellement à ces collectivités :

− le code de commerce, le droit commercial relevant de la compétence de la Polynésie française) ;

− le code de la propriété intellectuelle, le droit de la propriété intellectuelle relevant de la compétence de la Polynésie française ;

− le code général des impôts, la fiscalité relevant, d’une manière générale, de la compétence des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie ;

− le code du travail, le droit du travail relevant soit de la compétence des collectivités d’outre-mer, soit de la compétence de l’Etat mais ce sont alors des dispositions spécifiques qui s’appliquent, comme pour le code du travail applicable à Mayotte ou le code du travail applicable respectivement à Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

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La Commission adopte l’article 50 sans modification.

Article 51

Transferts des biens, droits et obligations des sociétés France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO à la société nationale
de programme France Télévisions – Transfert des actions de l’État dans RFI
à la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France

Cet article prévoit les conditions du transfert des biens, droits et obligations des chaînes de France Télévisions vers la société unique France Télévisions, par coordination avec la création d’une société nationale de programme unique à l’article 1er du présent projet de loi. Est donc prévue la fusion-absorption des anciennes sociétés par France Télévisions. L’article prévoit également les conditions du transfert des actions de l’État dans RFI à la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.

Rappelons que les nouveaux statuts de France Télévisions ne pourront être modifiés qu’après qu’un premier conseil d’administration se SERA réuni pour convoquer une assemblée générale extraordinaire, seule à même de modifier les statuts de la société en application de l’article L. 225-96 du code du commerce. Ces statuts devront ensuite être approuvés par décret en application de l’article 47 de la loi du 30 septembre 1986.

 Les conditions du transfert des biens, droits et obligations des anciennes sociétés nationales de programme à France Télévisions (paragraphe I)

La rédaction des alinéas 1 à 5 relatifs à ces conditions de transfert est basée sur celle de l’article 18 de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi du 30 septembre 1986, qui prévoyait les conditions de transfert des biens, droits et obligations de ces mêmes sociétés à la holding France Télévision nouvellement créée, pour l’accomplissement de son objet. Elle est aussi quasiment identique à la rédaction de l’article 137 de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques qui prévoyait la transformation de RFO en société nationale de programme filiale de France Télévisions.

L’alinéa 1 du présent article du projet de loi prévoit donc que l’ensemble des biens, droits et obligations des sociétés nationales de programme France 2, France 3, France 5 et Réseau France Outre mer sont transférés à la société France Télévisions. Il précise qu’il s’agit bien ici d’un transfert dans le cadre d’une fusion absorption réalisée du seul fait de la loi.

Cette fusion, emportant transmission universelle du patrimoine des sociétés absorbées au profit de la société absorbante, prendra effet à la date du 1er janvier 2009. Cette précision est d’importance puisqu’elle signifie que, même si la loi est votée postérieurement au 1er janvier 2009, et que la fusion est donc réalisée après cette date, l’opération sera réputée intervenir comptablement et fiscalement à la date du 1er janvier 2009. Selon les informations communiquées par l’Agence des participations de l’Etat, la prise d’effet différé ou rétroactif d’une fusion est une disposition souvent prévue dans les traités de fusion. Concrètement, cette prise d’effet au 1er janvier 2009 permettra de simplifier considérablement la gestion comptable et fiscale de la fusion en prenant comme date d’effet le début de l’exercice comptable de France Télévisions.

S’agissant des précédents, le IV de l’article 137 de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle prévoyait également une fusion-absorption avec effet rétroactif au 1er janvier 2004.

L’alinéa 2 du présent article dispose que ces transferts emportent de plein droit la dissolution des sociétés absorbées et la transmission universelle de leur patrimoine à France Télévisions.

L’alinéa 3 prévoit que le transfert de l’ensemble des conventions en cours d’exécution ne peut en justifier ni la résiliation, ni une modification de leurs clauses ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l’objet sans le consentement des parties.

En effet, selon les informations communiquées au rapporteur par l’Agence des participations de l’Etat, certains contrats, en particulier les contrats dits « intuitu personae », comportent classiquement des clauses interdisant de transférer le contrat à un tiers ou exigeant un accord préalable des parties pour ce faire. De même, certains contrats peuvent contenir des dispositions ouvrant au fournisseur la possibilité d’un remboursement anticipé de l’ensemble de ses créances en cas, par exemple, de fusion. Il s’agit donc d’éviter une gestion extrêmement compliquée de la fusion en raison du nombre important de contrats potentiellement concernés (ce qui nécessiterait une revue très lourde à réaliser et des demandes d’autorisation complexes à gérer), mais également de sécuriser les contrats, tant pour France Télévisions que pour les cocontractants. Il reste entendu que les contrats pourront être modifiés avec le consentement des parties.

Par ailleurs, la mention des contrats conclus « au profit » des sociétés absorbées et non seulement « par » ces sociétés s’explique par le fait que France Télévisions a conclu un certain nombre de contrats de groupe, signés par la holding France Télévisions, qui se déclinent ensuite soit en contrats spécifiques par sociétés nationales de programme, soit prévoient des conditions spécifiques à chaque société sous forme d’annexe. Il peut par exemple s’agir de contrat d’approvisionnement en programmes. Ces contrats ne doivent pas pouvoir donner lieu à renégociation du seul fait de la fusion, au motif que les sociétés au profit desquelles ils auraient été conclus seraient dissoutes.

L’alinéa 4 du présent article du projet de loi prévoit quant à lui, comme il est d’usage dans ce type de fusion absorption que l’ensemble des opérations liées à ces transferts ou pouvant intervenir en application de la présente loi ne donnent lieu, directement ou indirectement, à la perception d’aucun droit de mutation, impôt ou taxe.

Comme l’indiquait déjà M. Didier Mathus dans son rapport sur la loi de 2000 précitée, « les modifications de structures se faisant au sein de la sphère publique, il doit s’agir d’une opération neutre d’un point de vue financier et fiscal ».

 Le cas spécifique de France 4 (paragraphe II)

Rappelons que France 4, créée par application du dernier alinéa du I de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986, créée à l’occasion du lancement de la télévision numérique terrestre (TNT), est une filiale ad hoc de France Télévisions.

Elle est le résultat de l’évolution de la société France Téléfilms qui éditait à l’origine une chaîne dénommée Festival dont ARTE-France détenait 11 % du capital. Toutefois, le conseil de surveillance d’Arte a autorisé la cession de sa participation financière à France Télévisions le 6 octobre dernier. France Télévisions l’a accepté lors de son conseil d’administration du 15 octobre dernier. Cette cession devrait très prochainement être approuvée par arrêté. France Télévisions détiendra alors l’intégralité du capital de France 4.

C’est donc en raison de cette spécificité que l’alinéa 6 du présent article du projet de loi prévoit que l’ensemble des biens, droits et obligations de France 4 sont transférés à France Télévisions dans les mêmes conditions que celles précédemment énoncées, mais seulement « à la date où celle-ci aura acquis l’intégralité du capital de cette société ». L’emploi de l’expression « ou simultanément à la fusion absorption mentionnée au I si cette acquisition lui est antérieure » est redondant puisque le premier cas est clair et couvre les deux options. Le rapporteur propose un amendement de clarification.

 Les conditions du transfert des actions de RFI à la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France (paragraphe III)

En l’état actuel du droit, le premier alinéa de l’article 47 de la loi du 30 septembre 1986 modifié par l’article 143 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dispose que l’État détient, directement ou indirectement, la totalité du capital de RFI.

Par coordination avec les dispositions des articles 2 et 4 du présent projet de loi, qui prévoient la création de la société nationale de programme en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et la détention par l’État de la majorité du capital de cette société, l’alinéa 7 du présent article du projet de loi précise que la totalité des actions de RFI détenues par l’État est transférée à la société nationale de programme en charge de l’audiovisuel extérieur de la France « du seul fait de la loi », c’est-à-dire sans qu’il soit besoin de prévoir de dispositions réglementaires ou contractuelles ultérieures.

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La Commission adopte un amendement rédactionnel du rapporteur.

Elle adopte également un amendement du rapporteur précisant explicitement, pour sécuriser les transferts de personnels à la nouvelle société, que le transfert des contrats de travail des personnels est régi par l’article L. 1224-1 du code du travail et les accords collectifs par l’article L. 2261-14 du même code.

Elle adopte ensuite un amendement rédactionnel du rapporteur.

La Commission adopte l’article 51 ainsi modifié.

Article 52

Poursuite des mandats en cours des présidents des sociétés de l’audiovisuel public et dispositions transitoires relatives aux conseils d’administration

Cet article prévoit les modalités de poursuite des mandats des actuels présidents des sociétés de l’audiovisuel public (paragraphe I), mais également l’adaptation de la composition des conseils d’administration aux dispositions issues de la présente loi (paragraphe II) et des dispositions transitoires pour le conseil d’administration de RFI (paragraphe III).

 Les modalités de maintien des actuels présidents de l’audiovisuel public (paragraphe I)

Comme l’a rappelé Mme Christine Albanel lors de son audition devant la Commission, si « le nouveau mode de nomination des présidents ne sera effectif qu’à l’issue des mandats en cours, en revanche, leur mode de révocation, selon la même procédure, entrera en vigueur dès la promulgation de la loi ».

C’est ce que prévoit l’alinéa 1 du présent article du projet de loi puisqu’il dispose que les mandats en cours des présidents de France Télévisions, Radio-France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France « ne sont pas interrompus du fait de l’entrée en vigueur de la présente loi », tout en prévoyant l’application immédiate des « dispositions du premier alinéa de l’article 47-5 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 dans sa rédaction issue de la présente loi », alinéa modifié par l’article 9 du présent projet de loi relatif aux nouvelles modalités de révocation des présidents de l’audiovisuel public.

 L’adaptation de la composition des conseils d’administration des sociétés nationales de programme (paragraphe II)

Par coordination avec les dispositions des articles 5 et 6 du présent projet de loi qui prévoient que les conseils d’administration de France Télévisions et de Radio-France disposeront d’un membre supplémentaire, l’alinéa 2 du présent article du projet de loi prévoit qu’à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, le CSA devra nommer une personnalité qualifiée pour compléter le conseil d’administration de chacune des sociétés nationales de programme France Télévisions et Radio-France, selon les mêmes modalités que celles existant actuellement et décrites précédemment.

 Des dispositions spécifiques pour le conseil d’administration de RFI (paragraphe III)

L’alinéa 3 du présent article du projet de loi prévoit des dispositions spécifiques transitoires pour le fonctionnement du conseil d’administration de RFI. RFI devenant une filiale, et non un service, de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, elle conserve un conseil d’administration qui doit pouvoir valablement délibérer.

Cette transformation en filiale fait entrer RFI dans le champ d’application de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. Elle implique donc la nomination de nouveaux administrateurs en assemblée générale, l’élection d’un représentant du personnel en plus, ainsi que la désignation de représentants de l’État dans les conditions définies par la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier.

C’est pour cette raison qu’il est prévu que, jusqu’à la mise en place du nouveau conseil d’administration, le conseil d’administration de RFI délibère valablement dans sa composition antérieure à la publication de la présente loi. Le nouveau conseil d’administration devra se mettre en place dans un délai de trois mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi, délai prévu aux articles 40 et 40-2 de la loi du 26 juillet 1983 précitée.

La précision apportée par cet alinéa est importante car l’article 40 de la loi du 26 juillet 1983 précitée s’applique aux sociétés « qui entrent dans le champ d’application de la loi ». Or RFI n’entrait dans le champ d’application de cette loi que s’agissant des modalités de l’élection des représentants des salariés au conseil d’administration, prévues au titre II de cette loi. Afin de lever toute ambiguïté, a donc été prévue une disposition transitoire ad hoc calquée sur celle de l’article 40 de la loi du 30 septembre 1986.

En pratique, après l’entrée en vigueur de la loi, une assemblée générale de RFI sera convoquée par la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France afin de désigner les administrateurs et de modifier les statuts de la société. L’élection de nouveaux représentants du personnel au conseil d’administration sera organisée et le décret pris en application de l’article 51 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier sera complété afin de permettre à l’État d’être représenté au conseil d’administration de RFI. Le nouveau conseil d’administration de RFI pourra alors se réunir à la place de l’ancien.

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La Commission adopte 52 l’article sans modification.

Article 53

Conséquence sur les titulaires des droits d’usage de la ressource radioélectrique de la création d’une société nationale de programme unique

 Transfert des droits d’usage de la ressource radioélectrique à France Télévisions

Par coordination avec la création d’une société nationale de programme unique à l’article 1er du présent projet de loi sous forme de fusion-absorption des anciennes sociétés par la société holding, l’article 53 du présent projet de loi prévoit le transfert à France Télévisions des droits d’usage de la ressource radioélectrique.

En effet, les sociétés France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO sont actuellement les détentrices de ces droits d’usage, en vertu de l’article 26 de la loi du 30 septembre 1986 et de décisions du CSA, les autorisations d’usage étant directement attribuées par le CSA sans appel aux candidatures. Ainsi, par exemple, c’est par décision n° 2005-116 en date du 30 mars 2005 que le CSA a attribué une fréquence à France 4, chaîne créée le 31 mars 2005.

Du fait de la transformation de ces sociétés nationales de programme et de France 4 en services de France Télévisions, si aucune disposition spécifique n’était prévue, les autorisations de droit d’usage antérieurement délivrées auraient été annulées, du fait de la disparition des sociétés détentrices de l’autorisation.

Pour pallier cette difficulté, l’alinéa 1 du présent article du projet de loi prévoit que, à compter de la dissolution des sociétés France 2, France 3, France 5, RFO et France 4, « France Télévisions devient titulaire des droits d’usage des ressources radioélectriques préalablement assignées à ces sociétés pour la diffusion de leurs programmes par voie hertzienne terrestre ». Cette disposition s’applique même si les autorisations de droits d’usage antérieurement délivrées l’interdisaient.

Ce transfert du droit d’usage des fréquences est valable à la fois, selon les termes employés à l’article 26 de la loi du 30 septembre 1986, pour la « ressource radioélectrique de radiodiffusion » − terme qui désigne les bandes de fréquences réservées aux services de radiodiffusion pour diffuser leurs émissions − et pour la « ressource radioélectrique de transmission », régie par l’article L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques − terme qui désigne les bandes de fréquences qui permettent les liaisons de transports des émissions, par exemple entre le studio et l’émetteur de radiodiffusion.

 Maintien du droit d’usage de la ressource radioélectrique à RFI

Par coordination avec les dispositions du deuxième alinéa de l’article 11 du présent projet de loi qui prévoient que les fréquences attribuées par le CSA pourront continuer à l’être aux filiales des sociétés nationales de programme et afin de permettre à RFI de pouvoir continuer à bénéficier du droit d’usage de la ressource radioélectrique qui lui a été accordée par le CSA pour être diffusée à Paris, l’alinéa 2 (II) du présent article du projet de loi prévoit que RFI restera titulaire du droit d’usage de cette fréquence, qui lui avait été assignée en sa qualité de société nationale de programme, préalablement à sa transformation en filiale de la société en charge de l’audiovisuel extérieur et au transfert de ses actions par l’État à cette même société.

Cette disposition transitoire vise à garantir la sécurité juridique du droit d’usage des fréquences dont bénéficie RFI à Paris.

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La Commission adopte l’article 53 sans modification.

Article 54

Entrée en vigueur différée des dispositions de l’article 49 du projet de loi

Cet article prévoit une entrée en vigueur différée des dispositions de l’article 49 du présent projet de loi relatif aux critères de compétence des États sur les services de télévision et les services de médias audiovisuels.

Il n’entrera en vigueur qu’à compter du 19 décembre 2009, date choisie par l’ensemble des États membres de l’Union européenne, car elle correspond à la date à la laquelle la directive doit avoir été transposée dans l’ensemble des États membres comme le prévoit l’article 3 de la directive qui dispose que « les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 19 décembre 2009. Ils en informent immédiatement la Commission ».

Le choix d’une date commune permet de coordonner l’entrée en vigueur des critères de compétence des États sur les services de télévision et les services de médias audiovisuels et éviter ainsi tout conflit de loi positif ou négatif entre les États membres.

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La Commission adopte l’article 54 sans modification.

Article 55

Entrée en vigueur des taxes sur le chiffre d’affaires des opérateurs du secteur audiovisuel et de communications électroniques

Cet article est relatif à l’entrée en vigueur des taxes sur le chiffre d’affaires des opérateurs du secteur audiovisuel et de communications électroniques (148).

1. Une application des deux nouvelles taxes au 1er janvier 2009

Les alinéas 1 et 3 précisent que les nouveaux articles 302 bis KG et 302 bis KH du code général des impôts, créant respectivement la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision et celle sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques, s’appliquent à compter du 1er janvier 2009.

La première phrase de l’alinéa 2 et la première phrase de l’alinéa 4 précisent que les modalités d’exigibilité et d’acquittement des deux taxes, en « régime de croisière » (c’est-à-dire à compter du 1er janvier 2010), sont celles prévues aux nouveaux articles 1693 quinquies et 1693 sexies du code général des impôts : les taxes sont dues au titre de l’année civile précédente et leur liquidation intervient lors du dépôt de la déclaration de TVA du mois de mars ou du premier trimestre de l’année civile (149).

Les redevables des deux taxes les acquitteront par acomptes mensuels ou trimestriels au moins égaux, respectivement, au douzième ou au quart du montant de la taxe due au titre de l’année civile. Le complément de taxe exigible au vu de la déclaration de TVA sera versé lors du dépôt de celle-ci. Les redevables estimant que les acomptes déjà payés au titre de l’année atteignent le montant de la taxe dont ils seront en définitive redevables pourront surseoir aux paiements des acomptes suivants.

2. Un dispositif transitoire pour le recouvrement de la taxe en 2009

Un dispositif spécifique est logiquement institué pour le recouvrement des deux taxes en 2009.

S’agissant de la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision, les deux dernières phrases de l’alinéa 2 précisent qu’un dispositif transitoire est institué pour son recouvrement en 2009. Les redevables de la taxe devraient ainsi l’acquitter par acomptes, mensuels ou trimestriels, versés lors du dépôt, au titre de la période considérée, de leur déclaration de TVA, en appliquant le taux de 3 % à la fraction du montant des versements, hors TVA, afférent à chaque service de télévision, excédant 11 millions d’euros constatés en 2008.

S’agissant de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques, les deux dernières phrases de l’alinéa 4 apportent la même précision, le taux et le seuil retenus étant, bien évidemment, ceux applicables à cette taxe, à savoir 0,9 % et 5 millions d’euros.

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La Commission adopte l’article 55 sans modification.

Article additionnel après l’article 55

Prélèvement sur les dotations en capital versées
aux sociétés audiovisuelles publiques en 2008

La Commission examine en discussion commune deux amendements, l’un du rapporteur, l’autre de Mme Françoise de Panafieu, tendant à prévoir que les dotations au capital versées par l’État en 2008 aux sociétés de l’audiovisuel public sont soumises à un prélèvement exceptionnel de 5,5 % au profit du Centre national de la cinématographie (CNC).

Mme Françoise de Panafieu. L’objectif de ces amendements est de s’assurer que le CNC disposera bien dès 2008 des ressources prévues à partir de 2009.

Ces ressources sont notamment celles que lui reverse France Télévisions au titre de la création. L’État a versé dès 2008 une subvention compensatoire à France Télévisions ; il faut s’assurer que 5,5 % de cette subvention seront bien reversés au CNC.

Cependant, le rapporteur présentant un amendement plus complet puisque gagé, je retire le mien et, avec son accord, je cosigne le sien.

L’amendement de Mme Françoise de Panafieu est retiré.

M. Patrick Bloche. Il est prévu une dotation de l’État de 150 millions d’euros au profit de France Télévisions pour financer la suppression de la publicité ; si je comprends bien, le prélèvement de 5,5 % se fait sur cette dotation. France Télévisions ne recevra donc pas 150 millions d’euros, mais seulement 94,5 % de ce montant.

M. Patrice Martin-Lalande, président. Dès le départ, il avait été prévu que la dotation de 150 millions d’euros serait assortie des obligations de financement de la création déjà à la charge des sociétés nationales de télévision. Il y a donc respect par l’État des engagements pris vis-à-vis de France Télévisions comme du CNC et de la création.

Sur l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Article 56

Application des dispositions du projet de loi à l’outre-mer

En vertu du dernier alinéa de l’article 72-3 de la Constitution, la loi détermine le régime législatif et l’organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises et, selon les termes de l’article 74 et du titre XIII de la Constitution, les lois ne sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna que si cela est expressément prévu.

Le présent article du projet de loi prévoit donc prévoit que la quasi-totalité des articles du présent projet de loi sera applicable à Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises à compter de sa promulgation.

Seuls le I de l’article 19 et les articles 20, 21 et 55, qui touchent à la fiscalité, ne peuvent être appliqués dans ces collectivités qui disposent d’une autonomie fiscale.

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La Commission adopte l’article 56 sans modification.

La Commission adopte ensuite l’ensemble du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ainsi modifié.

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En conséquence et sous réserve des amendements qu’elle propose, la Commission demande à l’Assemblée nationale d’adopter le projet de loi relatif au nouveau service public de la télévision – n° 1209.

IV.- EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE
DU PROJET DE LOI ORGANIQUE

La Commission spéciale examine les articles du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France (n° 1208 rectifié) au cours de sa séance du mercredi 12 novembre 2008.

Article unique

Nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public après consultation des commissions chargées des affaires culturelles

La loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République a introduit dans l’article 13 de la Constitution une disposition permettant de soumettre une nomination effectuée par le Président de la République à un avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée et prévoyant qu’en cas d’avis négatif, à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions permanentes, la nomination de la personne envisagée ne puisse avoir lieu. Conformément au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, afin de soumettre des propositions de nominations à certains emplois ou fonctions à cette procédure de consultation des commissions parlementaires compétentes, le législateur organique doit explicitement prévoir l’application de cette procédure à ces emplois ou fonctions.

Le présent article a pour objet de tirer les conséquences de la récente révision constitutionnelle en ce qui concerne les fonctions de président de la société France Télévisions, de président de la société Radio France et de président de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, en prévoyant que les propositions de nomination à ces emplois par le Président de la République devront être soumises à l’avis de la commission permanente compétente en matière d’affaires culturelles de chaque assemblée.

Il est ainsi proposé de mettre en œuvre une possibilité offerte par la révision constitutionnelle qui, loin de soulever des obstacles constitutionnels, renforcera les garanties d’indépendance des présidents des sociétés audiovisuelles et de radiodiffusion publiques.

Le présent article, qui sera l’une des premières dispositions organiques relatives à la procédure prévue par le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution à être adoptée, pose la question de la mise en œuvre pratique de cette procédure (150). Le sujet est d’autant plus important que les nominations en question seront également soumises, en vertu de l’article 8 du projet de loi ordinaire, à un avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), dont il convient de prévoir l’articulation avec l’avis des commissions parlementaires.

1. Une consultation parlementaire qui apporte de nouvelles garanties

La nomination des présidents des sociétés publiques audiovisuelles et de radiodiffusion est une question importante touchant aux garanties qui peuvent être apportées à la liberté de communication, dont le Conseil constitutionnel reconnaît la valeur constitutionnelle.

Les fonctions de président de la société France Télévisions, de président de la société Radio France et de président de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France entrent tout particulièrement dans le champ des emplois et fonctions que le constituant a souhaité soumettre à la nouvelle procédure de nomination par le Président de la République après consultation des commissions parlementaires compétentes. Le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution évoque en effet les emplois qui se distinguent « en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ».

Les emplois de président des grandes sociétés audiovisuelles et de radiodiffusion françaises répondent doublement à ce critère alternatif :

– ils peuvent être considérés comme particulièrement importants au regard de la préservation de la liberté de communication ;

– ils correspondent à la direction de sociétés qui représentent une part substantielle de l’activité d’un secteur majeur de la vie économique et culturelle de la Nation.

Après avoir été longtemps nommés par le pouvoir exécutif, les présidents de l’audiovisuel public sont, depuis vingt-six ans, choisis par une autorité administrative indépendante.

Histoire de la direction de l’audiovisuel public

La direction des sociétés publiques audiovisuelles et de radiodiffusion a, historiquement, d’abord été contrôlée étroitement par le pouvoir exécutif.

La radiodiffusion-télévision française, jusqu’en 1959, est une administration placée sous l’autorité directe, tantôt du président du Conseil, tantôt d’un ministre délégué, et sous la direction d’un directeur général nommé par le Gouvernement. Sa transformation en établissement public industriel et commercial, par l’ordonnance n° 59-273 du 4 février 1959 relative à la radiodiffusion-télévision française, ne met pas un terme à cette autorité hiérarchique. Cet établissement public présente la particularité de n’avoir pas de conseil d’administration, mais uniquement un directeur général, un directeur général adjoint et d’autres directeurs, tous nommés en Conseil des ministres.

La loi n° 64-621 du 27 juin 1964 portant statut de l’Office de radiodiffusion-télévision française, qui transforme la RTF en ORTF (Office de la radiodiffusion télévision française), si elle institue un conseil d’administration, prévoit une présence majoritaire des représentants de l’État à ce conseil. La loi n° 72-553 du 3 juillet 1972 portant statut de la radiodiffusion-télévision française, en concentrant les pouvoirs entre les mains du président-directeur général, nommé en Conseil des ministres et responsable des orientations de l’office, renforce dans les faits l’assujettissement de ce président au pouvoir exécutif. Avec la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relative à la radiodiffusion et à la télévision, il est mis fin à l’unicité de la société en charge de l’audiovisuel. Les conseils d’administration des différentes sociétés nationales de programme ne sont plus composés en majorité des représentants du Gouvernement (deux sur six seulement). Les présidents sont nommés pour trois ans, par décret en Conseil des ministres, parmi les membres du conseil d’administration.

Il faut attendre 1982 pour que soit instaurée une procédure de nomination des présidents de ces sociétés par une autorité administrative indépendante. La Haute Autorité de la communication audiovisuelle, qui est créée par la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, est chargée non seulement de nommer des administrateurs dans les conseils d’administration des établissements publics et sociétés audiovisuelles et de radiodiffusion mais également de désigner parmi eux les présidents de ces sociétés. Le fait de confier à une autorité administrative indépendante le pouvoir de nomination des présidents des sociétés nationales de programme ne mettra toutefois pas un obstacle à des nominations à forte connotation politique.

Malgré la transformation de la Haute Autorité en Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL), par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, puis en Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), par la loi n° 89-25 du 17 janvier 1989 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les présidents des sociétés nationales de programme ont toujours été désignés depuis lors par l’autorité administrative indépendante en charge du secteur audiovisuel.

Toutefois, la loi du 17 janvier 1989 avait mis fin de manière anticipée au mandat des présidents des deux sociétés nationales de programme Antenne 2 et FR3, pour permettre la nomination d’un président commun à ces deux sociétés par le CSA.

Par conséquent, il convient d’envisager l’objection selon laquelle il ne serait pas possible de renoncer à une nomination par une autorité administrative indépendante, au profit d’une nomination par le Président de la République.

Le Conseil constitutionnel considère que « s’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l’article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, c’est à la condition que l’exercice de ce pouvoir n’aboutisse pas à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel » (151).

Sur ce fondement, il a admis que le législateur dote d’un président commun les deux sociétés nationales de programme de télévision et prévoie que le Conseil supérieur de l’audiovisuel procède à une nouvelle nomination dans le mois suivant la publication de la loi, « considérant que les modifications ainsi apportées à la loi du 30 septembre 1986 n’affectent pas le mode de désignation des présidents des sociétés nationales de programme ; que leur nomination relève toujours d’une autorité administrative indépendante et la durée de leur mandat reste fixée à trois ans ; que ces modifications n’aboutissent donc pas à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel » (152).

Cette jurisprudence du Conseil constitutionnel a été confirmée récemment, en matière de droit d’asile, pour lequel le Conseil a considéré qu’une modification de la législation rendant facultative l’audition du demandeur d’asile par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides n’était pas contraire à la Constitution car elle ne privait le droit d’asile « d’aucune garantie essentielle » (153).

Il est donc nécessaire que la substitution d’une nouvelle procédure de nomination des présidents des sociétés France Télévision et Radio France à la procédure qui est jusqu’à présent en vigueur et qui prévoit une nomination par une décision motivée du Conseil supérieur de l’audiovisuel, à la majorité des membres qui le composent, ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel.

Des garanties équivalentes, ou des garanties suffisantes, peuvent donc permettre d’assurer la constitutionnalité d’une disposition législative, même lorsqu’elle peut sembler s’inscrire, sur certains points, en retrait par rapport à des dispositions législatives antérieures.

En l’état actuel du droit, la nomination des présidents des sociétés nationales de programme par une autorité administrative indépendante contribue à garantir l’indépendance de ces sociétés. En outre, le caractère public et motivé de la décision de nomination est un gage de transparence.

De ce point de vue, la nouvelle procédure de nomination apporte des garanties au moins équivalentes, voire supérieures, à la procédure actuelle. Alors que, en l’état actuel du droit, les présidents sont nommés par une seule institution, demain, cette nomination interviendra après le recueil de plusieurs avis : celui du CSA, qui doit être un avis conforme ; celui des commissions parlementaires compétentes, lesquelles peuvent émettre un veto à la nomination. Cette nomination se distinguera du mode habituel de nomination des dirigeants des entreprises publiques, qui prévoit dans le meilleur des cas le recueil préalable d’un seul avis.

Par ailleurs, le caractère public de l’avis émis par les commissions parlementaires est garanti par l’article 13 de la Constitution. La publicité de cet avis contribuera à garantir la transparence de la procédure de nomination.

Enfin, si le Conseil supérieur de l’audiovisuel, dans son avis sur le projet de loi, n’a pas souhaité se prononcer sur le choix du législateur quant au mode de nomination des présidents des sociétés nationales de programme, il a toutefois fait observer que l’exigence d’un avis conforme du CSA est « équivalente à un pouvoir de codécision » (154).

En effet, si le CSA n’approuvait pas, dans son avis, la nomination proposée par le Président de la République, l’absence de conformité de l’avis empêcherait de procéder à la nomination. Pour qu’une nomination soit possible, il sera nécessaire que l’avis du CSA soit un avis positif, qui approuve la proposition de nomination. Par conséquent, le CSA, comme il le reconnaît lui-même, continuera à jouer un rôle éminent dans le processus de désignation des dirigeants des sociétés de l’audiovisuel public, garantissant ainsi le plein exercice de la liberté de communication.

Il est donc possible de considérer que le dispositif qui est proposé par le présent projet de loi organique, combiné à l’article 8 du projet de loi ordinaire, est un renforcement des garanties d’indépendance, de transparence et d’objectivité dans la procédure de nomination, et que ce dispositif est donc conforme aux exigences constitutionnelles.

2. Les modalités de consultation des commissions parlementaires

L’article 13 de la Constitution prévoit que l’avis des commissions permanentes compétentes sur les propositions de nomination sera un « avis public ». Les autres modalités de la consultation des commissions parlementaires sont en revanche laissées au soin du législateur.

La consultation des commissions permanentes compétentes préalable à la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public est une procédure qui doit être précisée, tant en ce qui concerne le choix des commissions qu’en ce qui concerne l’organisation et le déroulement de la procédure de consultation, et tout particulièrement son articulation avec l’exigence, posée par l’article 8 du projet de loi ordinaire, d’un avis conforme du CSA sur la proposition de nomination.

Enfin, à défaut d’une disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, la nouvelle procédure sera d’entrée en vigueur immédiate, mais ne devrait trouver à s’appliquer pour la première fois qu’en mai 2009.

a) Les commissions permanentes compétentes

Le présent article précise que les commissions permanentes qui seront amenées à se prononcer sur les propositions de nomination seront celles compétentes en matière d’affaires culturelles.

La délégation parlementaire pour la communication audiovisuelle, qui avait été créée par la loi du 29 juillet 1982, comprenait parmi ses membres les rapporteurs généraux des commissions des finances des deux assemblées, les rapporteurs spéciaux des mêmes commissions et les rapporteurs des commissions des affaires culturelles chargés de la radiodiffusion sonore et de la télévision. La composition de cette délégation illustrait le fait que les questions relatives à l’audiovisuel sont à l’intersection des compétences des commissions des Finances et des commissions des Affaires culturelles. Cette position au carrefour du domaine de compétence de plusieurs commissions est illustrée, aujourd’hui encore, par le fait qu’une commission spéciale est saisie des présents projets de loi organique et ordinaire et également par les fonctions des ministres auditionnés sur les présents projets de loi.

Toutefois, le rapporteur considère qu’il est cohérent de vouloir confier à la commission chargée des affaires culturelles de chaque assemblée le soin de se prononcer sur les nominations des présidents des sociétés de l’audiovisuel public. La nomination de ces présidents doit en effet prendre en compte l’expérience et les compétences des personnes qui seront proposées, mais également le projet stratégique et les perspectives de développement des sociétés qui seront exposés par les candidats. De ce point de vue, il est légitime de considérer que les questions qui seront abordées lors des auditions auront d’abord trait à des questions de communication et de culture, et que les parlementaires membres des commissions des affaires culturelles seront donc le mieux à même de donner un avis sur les propositions de nomination.

En outre, on peut également signaler, en faveur d’une compétence des commissions chargées des affaires culturelles, que les parlementaires qui sont nommés au conseil d’administration des sociétés nationales de programme sont le plus souvent issus desdites commissions (155).

D’un point de vue juridique, le rapporteur attire l’attention de la Commission sur le fait que cette disposition relative aux commissions compétentes n’est pas de nature organique et qu’elle est donc susceptible d’être déclassée par le Conseil constitutionnel. En effet, Le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, s’il fait référence à la « loi organique » pour soumettre des emplois ou fonctions à la procédure de nomination après avis des commissions parlementaires, dispose en revanche : « La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés. »

b) La procédure d’avis

Lors de la révision constitutionnelle, avait été posée la question des modalités pratiques d’organisation des deux commissions permanentes afin de rendre les avis sur les propositions de nominations. Il avait été envisagé que les personnes proposées soient successivement auditionnées devant l’une puis l’autre commission permanente, l’audition pouvant être publique.

Il est néanmoins important de s’interroger sur le degré de publicité qu’il conviendrait d’accorder à la nouvelle procédure d’avis préalable du CSA et de consultation des commissions parlementaires compétentes pour les nominations des présidents des sociétés de l’audiovisuel public.

À l’instar de la procédure prévue par de simples dispositions législatives qui prévoit de recueillir l’avis des commissions parlementaires compétentes sur certaines nominations (156), il serait logique de prévoir que la délibération intervient à huis clos et le vote à bulletin secret. C’est d’ailleurs cette interprétation qui est soutenue par notre collègue Charles de La Verpillière en ce qui concerne la consultation des commissions parlementaires, sur le fondement du dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, pour la nomination du président de la commission sur la délimitation des circonscriptions législatives et la répartition des sièges pour les élections parlementaires (157).

En juillet 2000, le Conseil constitutionnel, saisi de la loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, avait censuré une disposition qui prévoyait que les auditions et débats du CSA relatifs à la nomination des présidents des conseils d’administration des sociétés nationales de programme seraient publiés.

Il avait considéré que « ne serait plus assurée en pareil cas l’entière liberté de parole tant des candidats que des membres du Conseil eux-mêmes, condition nécessaire à l’élaboration d’une décision collégiale éclairée, fondée sur la seule prise en compte de l’intérêt général et du bon fonctionnement du secteur public de l’audiovisuel dans le respect de son indépendance ; qu’en outre la publication intégrale de ces auditions et débats pourrait porter atteinte à la nécessaire sauvegarde du respect de la vie privée des personnes concernées » (158).

En ce qui concerne le CSA, si ce dernier ne doit plus nommer directement les présidents des sociétés de l’audiovisuel public, l’exigence d’un avis conforme lui donne néanmoins un rôle important dans la décision de nomination, et il semble à ce titre qu’il ne serait pas possible d’exiger pour les auditions et débats devant le CSA une publicité plus grande que celle admise par le Conseil constitutionnel le 27 juillet 2000.

En ce qui concerne les commissions parlementaires, leur caractère d’organe parlementaire et la simple faculté qui leur est accordée de s’opposer par un veto à une nomination permettent sans doute de prévoir un degré de publicité plus grand.

Il reviendra aux Règlements des assemblées de préciser de quelle manière les votes des deux commissions permanentes doivent intervenir, soit que l’on choisisse de privilégier le vote à la même date, pour donner à l’avis exprimé une plus grande unité (deux bureaux de vote mais un seul vote), soit que l’on préfère privilégier la liberté d’organisation des organes de chacune des deux assemblées parlementaires.

En revanche, les modalités de la publicité de l’avis rendu par les commissions permanentes pourraient être utilement précisées par le législateur organique, en prévoyant une publication de cet avis au Journal officiel.

c) La succession de l’avis conforme du CSA et de l’avis parlementaire

Dans la mesure où l’article 8 du projet de loi ordinaire prévoit que les nominations devront être effectuées après avoir recueilli l’avis conforme du CSA, il convient de préciser comment cet avis conforme et l’avis recueilli auprès des commissions parlementaires s’articuleront.

La consultation des commissions parlementaires a un fondement constitutionnel. En ce sens, cette consultation est une étape de la procédure qui doit être la plus proche possible de la nomination. Toute autre interprétation de la disposition figurant au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution poserait un problème quant à la place de la consultation parlementaire dans la procédure de nomination.

En effet, dans l’hypothèse où le CSA serait consulté après que les commissions parlementaires auraient donné leur avis, son intervention, qui pourrait être bloquante, apparaîtrait comme une sorte de contrôle en appel de l’appréciation portée par les commissions parlementaires.

Le président du CSA, lors de son audition par le rapporteur, a également plaidé en faveur d’un avis du CSA préalable à la consultation des commissions parlementaires.

Pour cette raison, le rapporteur vous propose de préciser que l’avis émis par les commissions parlementaires est le dernier avis recueilli avant de procéder à la nomination. Cette précision serait conforme à l’esprit de la révision constitutionnelle. Il ne s’agit pas pour le Parlement d’être l’une des instances consultées, mais bien l’instance compétente en dernier ressort pour évaluer la pertinence d’une nomination. Il est également souhaitable d’éviter de proposer aux commissions parlementaires des candidats qui ne passeraient pas un filtre ultérieur.

d) Une entrée en vigueur immédiate, mais une application différée

Si la disposition organique est d’application immédiate, elle n’aura toutefois à s’appliquer qu’à compter de la prochaine nomination du président de l’une des trois sociétés concernées, dans la mesure où l’article 52 du projet de loi ordinaire prévoit que les mandats en cours ne sont pas interrompus par la nouvelle procédure de nomination des présidents des sociétés audiovisuelles et de radiodiffusion.

La durée des mandats des présidents de ces sociétés a été portée de trois à cinq ans par la loi du 1er août 2000 (159). Par conséquent, au vu des dates d’entrée en fonction des actuels présidents, la première application de la nouvelle procédure de consultation des commissions parlementaires devrait concerner la nomination du président de Radio France, en mai 2009.

Les mandats en cours

Société

Président

Entrée en fonction

Échéance

Radio France

M. Jean-Paul Cluzel

12 mai 2004

11 mai 2009

France Télévisions

M. Patrick de Carolis

22 août 2005

21 août 2010

Audiovisuel extérieur de la France

M. Alain Duplessis de Pouzilhac

24 avril 2008

23 avril 2013

Toutefois, l’article 52 du projet de loi ordinaire prévoit également que la procédure de retrait du mandat de président de l’une de ces sociétés peut être mise en œuvre à tout moment, par décret motivé du président de la République, après avis conforme également motivé du CSA.

En tout état de cause, il serait préférable que la première application de la nouvelle procédure de nomination intervienne après la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale. En effet, l’agrégation des voix des deux commissions permanentes, en l’état actuel de la composition des Commissions des affaires culturelles des deux assemblées, pourrait créer un net avantage en faveur des députés, dans la mesure où l’on dénombre 145 députés membres de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, tandis que la Commission des affaires culturelles du Sénat ne compte que 56 membres. Les députés pourraient à eux seuls obtenir un veto (qui exigerait 134 voix, dans l’hypothèse où tous les parlementaires voteraient). Une fois que la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale aura permis de procéder à la scission de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, souhaitée par tous – et désormais permise par la nouvelle rédaction de l’article 43 de la Constitution, qui porte à huit le nombre maximal de commissions permanentes –, l’effectif de cette commission ne devrait plus être que de 72 membres (ou éventuellement 73).
86 voix étant nécessaires pour recueillir les deux tiers des voix, une seule des deux assemblées ne pourrait plus à elle seule imposer un veto à la nomination.

*

La Commission est saisie d’un amendement de M. Noël Mamère tendant à supprimer l’article unique du projet de loi.

M. Noël Mamère. Autant nous sommes favorables à une réforme de la composition du Conseil supérieur de l’audiovisuel, autant nous sommes hostiles à la nomination des responsables de l’audiovisuel public par le Président de la République, car il s’agit d’une régression démocratique. On a l’impression de revenir à une époque où le ministre de l’information – c’était son titre –, Alain Peyrefitte, venait expliquer au journal de 20 heures comment ce journal allait être modifié. Cet amendement vise à revenir à des pratiques plus démocratiques et qui ne mettent pas en péril le pluralisme et l’indépendance de France Télévisions.

M. Didier Mathus. Nous soutenons cet amendement. On nous dit que l’État, en sa qualité d’actionnaire, doit pouvoir nommer les présidents des sociétés de l’audiovisuel public. Sauf que la télévision publique ne fabrique pas des boulons ou des voitures, mais de la démocratie, du lien social. Parmi ses missions, l’État en a une encore plus haute que celle d’être un actionnaire efficace : celle de garantir le pluralisme. Y renoncer est toujours extrêmement dangereux, et je suis convaincu que si nous votions tous ici en notre âme et conscience, une majorité se dégagerait contre la proposition gouvernementale.

M. Christian Kert, rapporteur. On vient de parler des fantômes du passé, pas de la nouvelle télévision. La révision de la Constitution a créé une nouvelle procédure de nomination à certains emplois par le Président de la République, avec pour objectif un meilleur encadrement de ces nominations.

L’article 13 de la Constitution précise que la nouvelle procédure s’applique aux emplois ou fonctions qui se distinguent « en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ». Les emplois de président des grandes sociétés de l’audiovisuel public nous paraissent répondre à ces critères.

L’analyse de M. Noël Mamère est erronée : aujourd’hui, les nominations sont faites par le seul Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ; demain, les nominations faites par le Président de la République interviendront après un avis du CSA – qui devra être un avis conforme – et un autre des commissions parlementaires compétentes – qui pourront y opposer leur veto.

Le CSA a fait observer lui-même dans son avis sur le projet de loi que l’exigence d’un avis conforme revient à l’attribution d’un pouvoir de codécision. Le CSA continuera donc à jouer un rôle éminent dans le processus de désignation de ces dirigeants, garantissant ainsi le plein exercice de la liberté de communication.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, d’une part un amendement de M. Didier Mathus tendant à soumettre la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France, ainsi que du président de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France à un avis conforme d’une commission constituée paritairement de membres des deux assemblées, à la proportionnelle des groupes, et prenant ses décisions à la majorité des trois-cinquièmes, d’autre part un amendement de M. Noël Mamère tendant à ce que, pour ces nominations, les pouvoirs conférés au Président de la République par l’article 13 de la Constitution soient délégués au CSA.

M. Didier Mathus. Étant donné qu’il est quasiment impossible d’obtenir une majorité des trois-cinquièmes en faveur du veto – le calcul a été fait, cela n’aurait jamais pu se produire sous la Ve République –, nous voulons inverser le dispositif : nous proposons que ce soit un avis positif qui soit recueilli à la majorité des trois-cinquièmes.

Donner le pouvoir de nomination et de révocation au seul Président de la République ne constitue pas un progrès mais un recul grave de la démocratie.

M. Noël Mamère. Si le Président de la République tient autant compte de l’avis du CSA qu’il a tenu compte de celui de la Commission pour la nouvelle télévision publique, qui porte votre nom monsieur le président de la Commission spéciale, on peut s’interroger sur la suite qui sera donnée à ces avis.

Mme Aurélie Filippetti. L’objectif de la révision de l’article 13 de la Constitution était le renforcement du contrôle des assemblées. Ici, c’est l’inverse puisqu’on passe d’une nomination par le CSA à une nomination par le Président de la République. Ce n’est pas un progrès mais une régression.

M. le rapporteur. L’amendement de M. Didier Mathus propose la création d’une commission du type commission mixte paritaire, alors que le Constituant a choisi de confier à la commission compétente de chaque assemblée le soin de donner un avis sur les nominations. Le dispositif constitutionnel est plus favorable à l’Assemblée nationale que le dispositif proposé puisque, au sein de leur commission compétente, les députés sont plus nombreux que les sénateurs, et qu’ils le resteront même après l’augmentation du nombre de commissions.

L’exercice d’un droit de veto à la majorité des trois cinquièmes vise, comme l’a dit le président de la Commission des lois lors de la révision constitutionnelle, à éviter « l’erreur manifeste de nomination ».

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les deux amendements.

Elle adopte ensuite successivement trois amendements du rapporteur, deux de nature rédactionnelle, un autre prévoyant que l’avis des commissions parlementaires est recueilli après celui du CSA, avant qu’il ne soit procédé à la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public par le Président de la République.

La Commission adopte l’article unique ainsi modifié.

*

En conséquence et sous réserve des amendements qu’elle propose, la Commission demande à l’Assemblée nationale d’adopter le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France – n° 1208 rectifié.

© Assemblée nationale

1 () Rapport d’information n° 2917, Commission des affaires culturelles, Assemblée nationale, les missions du service public de l’audiovisuel et l’offre de programme, 1er mars 2006.

2 () M. Jean-Luc Warsmann, rapport au nom de la commission des Lois sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, Assemblée nationale, XIIIe législature, n° 892, page 136.

3 () Comme l’expliquait M. Jean-Luc Warsmann lors de la discussion en séance publique : « Le seuil des trois-cinquièmes se justifie par l’idée que, lorsqu’un candidat réunit contre lui la quasi-totalité des voix de l’opposition et une forte minorité des voix de la majorité, cela équivaut à un blocage. C’est un message adressé au Président de la République pour lui indiquer que, si la quasi-totalité de l’opposition et une minorité importante de sa majorité considèrent que le candidat ne convient pas, c’est qu’il ne remplit pas les conditions requises. » (Compte rendu intégral de la troisième séance du jeudi 22 mai 2008, Assemblée nationale).

4 () Annexe au projet de loi de finances pour 2009, Rapport relatif à l’État actionnaire.

5 () On peut utilement se reporter à ces rapports à l’adresse suivante : http://www.csa.fr/upload/publication/FRANCE2_2007.pdf, pour France 2, et http://www.csa.fr/upload/publication/FRANCE3_2007.pdf, pour France 3.

6 () Si la diffusion a lieu en première partie de soirée, les après-midi du samedi, du dimanche, des jours de vacances scolaires et des jours fériés, elle est valorisée à trois points ; si elle débute entre 10 heures et 22 h 45 et n’est pas valorisable à trois points, elle est valorisée à deux points ; pour les autres jours et horaires, la diffusion est valorisée à un point. L’obligation annuelle de diffusion de la société ne peut être inférieure à 100 points.

7 () Cette disposition est garantie par le VI de l’article 46 de la loi de finances pour 2006.

8 () Voir le rapport pour avis de M. Christian Kert sur le projet de loi de finances pour 2009 (Doc. AN n° 1199, tome VI, 16 octobre 2008) : pages 7 à 11.

9 () Conformément au principe de l’universalité budgétaire, garanti par la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

10 () Voir la décision n° 96-385 DC du 30 décembre 1996.

11 () Voir la décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007.

12 () Voir la décision n° 95-371 DC du 29 décembre 1995.

13 () Voir la décision n° 92-311 DC du 29 juillet 1992.

14 () Voir la décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998.

15 () Voir les articles 87 § 1 et 88 § 2 et 3 du traité CE.

16 () Voir l’arrêt de la CJCE du 27 octobre 2005, Distribution Casino France S.A.S. et autres (aff. C-266/04 et autres).

17 () Affaires C-174/02 et C-175/02 – CJCE arrêts du 13 janvier 2005.

18 () Voir notamment les rapports d’information de M. Christian Kert, « La création d’une télévision française d’information à vocation internationale » (Doc. AN n° 857, XIIe législature, 14 octobre 2003), de M. François Rochebloine, « L’organisation et le financement de l’audiovisuel extérieur » (Doc. AN, n° 3589, XIIe législature, 17 janvier 2007) et de M. Patrice Martin-Lalande « Audiovisuel extérieur de la France : nouvelles analyses pour mieux réformer » (Doc. AN n° 1087, XIIIe législature, 22 juillet 2008).

19 () Ce rapport, non publié, a été rédigé par des membres des cabinets et des services de la présidence de la République, du Premier ministre, du ministère des Affaires étrangères, du ministère de la Culture et de la communication et du ministère de l’Économie, des finances et de l’emploi. Il s’est appuyé sur une étude commandée au cabinet de conseil Altédia, portant sur les questions sociales liées à la réforme de l’audiovisuel extérieur.

20 () Dans le cadre du la révision générale des politiques publiques (RGPP), le conseil de modernisation des politiques publiques a prévu, lors de sa séance du 4 avril 2008, que l’administration centrale du ministère de la culture et de la communication s’organiserait en un secrétariat général et trois directions générales. Une direction générale devrait ainsi prendre en charge les missions relatives au développement des médias et à l’économie culturelle. Elle serait constituée par les services de l’actuelle DDM, de l’actuelle direction du livre et de la lecture ainsi que des différents services en charge de l’économie culturelle.

21 () Décret n° 2003-1056 du 4 novembre 2003.

22 () Voir le rapport d’information de M. Roland Blum au nom de la commission des affaires étrangères (Doc. AN n° 3197, juin 2001).

23 () Voir le rapport d’information de M. Marcel Rogemont au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (Doc. AN n° 3642, février 2002).

24 () Voir la décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999.

25 () Voir liste complète à l’article 3 du projet de loi.

26 () Voir le commentaire de l’article 4 du présent projet de loi, qui garantit que le capital de cette holding restera majoritairement et directement détenu par l’État.

27 () Voir le commentaire de l’article 51 du présent projet de loi.

28 () À ce stade, seules des autorisations ont été données par les instances de pilotage des organismes concernés : le conseil de surveillance d’ARTE–France a autorisé la cession d’une partie de ses actions dans TV5 Monde le 6 octobre dernier, afin que sa participation passe à terme de 12,5 % à 3,29 % ; le conseil d’administration de France Télévisions en a fait autant le 15 octobre 2008, autorisant le passage de sa participation au capital de TV5 Monde de 47,38 % à 12,58 % ; enfin, le conseil d’administration de l’INA a fait de même le 2 octobre 2008, sa participation dans le capital de la société passant de 6,61 % à 1,74 %. Avant d’être autorisées par arrêté, les cessions elles-mêmes doivent être soumises à l’agrément des autres actionnaires de TV5 Monde qui disposent d’un droit de préemption.

29 () La rédaction actuelle de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986 confie à RFI le soin de « contribuer à la diffusion de la culture française par la conception et la programmation d’émissions de radio en français ou en langue étrangère destinées aux auditoires étrangers ainsi qu’aux Français résidant à l’étranger. Cette société assure une mission d’information relative à l’actualité française et internationale ».

30 () Voir le rapport de M. Patrice Martin-Lalande, précité (Doc. AN n° 1087) : page 31.

31 () Elle a abouti à la sélection de la société Nomen, spécialisée dans la recherche et création de marques, en association avec le cabinet Legimark, qui procède aux recherches d’antériorité.

32 () Une sélection de noms a été faite, ces derniers faisant l’objet de recherches d’antériorité.

33 () Il est possible que des négociations de rachat de noms de domaine ou négociations de rachat de nom soient à prévoir.

34 () Voir le commentaire de l’article 15 du présent projet de loi.

35 () Approuvés par le décret n° 2004-1084 du 13 octobre 2004 modifiant le décret n° 2000-846 du 31 août 2000 portant approbation des statuts de la société France Télévisions.

36 () Le secrétariat d’Etat à l’outre-mer a très récemment demandé le remplacement de Monsieur Leysenne, appelé à d’autres fonctions, par Monsieur Pilloton. La procédure de nomination de ce dernier est en cours.

37 () Voir le commentaire de l’article 2 du présent projet de loi.

38 () Voir le commentaire de l’article 5 du présent projet de loi.

39 () Voir le commentaire de l’article 6 du présent projet de loi.

40 () Relatif à la désignation du président de Radio France et de celui de Radio France Internationale.

41 () Les six représentants des salariés sont élus dans les conditions prévues par la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

42 () Le président de cette société sera nommé dans les conditions définies par l’article 8 du présent projet de loi et par l’article unique du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.

43 () Voir le commentaire de l’article 4 du présent projet de loi.

44 () Ces représentants de l’État seront nommés par décret, conformément  à l’article 5 du décret n° 94-582 du 12 juillet 1994.

45 () Le nombre de représentants nommé par l’assemblée générale dépendra notamment du pourcentage de détention du capital par tout nouvel actionnaire et du projet stratégique qui en est à l’origine. Il convient de rappeler que l’article L. 225-18 du code de commerce prévoit simplement que les administrateurs sont nommés par l’assemblée générale ordinaire des actionnaires, c’est-à-dire à la majorité simple (50 % + 1 voix). Dans le droit commun, un actionnaire majoritaire d’une société anonyme peut donc fixer librement la composition du conseil d’administration et choisir de ne pas assurer la représentation des actionnaires minoritaires.

46 () En application des dispositions du décret-loi du 30 octobre 1935 organisant le contrôle de l’État sur les sociétés, les syndicats et associations ou entreprises ayant fait appel au concours financier de l’État, modifié par la loi n° 49-985 du 25 juillet 1949. 

47 () M. Alain de Pouzilhac était encore très récemment président du directoire de France 24. Il devrait devenir à nouveau président du directoire de cette société, après l’entrée en vigueur du présent projet de loi, en application de son article 7, sous réserve que les négociations concernant la sortie de TF1 du capital de France 24 aient abouti et qu’AEF ait acquis les parts de France Télévisions et de TF1 dans le capital de cette société, laquelle deviendra alors une filiale d’AEF à 100 %.

48 () L’article 52 du présent projet de loi n’interrompant pas les mandats en cours des présidents des sociétés nationales de programme, M. Alain de Pouzilhac devrait en conséquence, lors de l’entrée en vigueur de la loi, continuer d’exercer sa fonction de président-directeur général d’AEF, tel que le prévoit déjà expressément le décret du 24 avril 2008.

49 () M. Alain de Pouzilhac a été nommé président-directeur général de RFI par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le 30 juin 2008, Mme Christine Ockrent en devenant directrice générale déléguée.

50 () M. Alain de Pouzilhac a été nommé président du conseil d’administration de TV5 Monde le 29 avril 2008, Mme Marie-Christine Saragosse en devenant directrice générale exécutive. Il est à noter que ce n’est pas en tant que président de la holding AEF que M. de Pouzilhac a été nommé à la présidence de TV5 Monde : il s’agissait alors d’une situation de fait, TV5 Monde n’étant pas une filiale de la société holding française.

51 () Article 51 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier.

52 () Il résulte des critères fixés par la loi du 26 juillet 1983 qu’AEF est considérée comme une entreprise du secteur public de premier rang.

53 () Ainsi, le décret n° 96-1054 du 5 décembre 1996 prévoit que le conseil d’administration de France 4 comprend trois représentants de l’État, dont un au titre du Premier ministre, un au titre du ministère chargé de la communication et un au titre du ministère chargé de l’économie.

54 () Pour pouvoir, le cas échéant, procéder à la nomination de représentants de l’État, il conviendra de compléter la liste du décret simple n° 96-1054 du 5 décembre 1996, en précisant le nombre de ces représentants de l’État, qui ne pourra excéder six ni le tiers des membres du conseil.

55 () Le CSA est composé d’un collège de neuf membres nommés par décret du Président de la République : trois sont désignés par le Président de la République, trois par le Président du Sénat, trois par le Président de l’Assemblée nationale.

56 () En application du Tableau national de répartition des bandes de fréquences (TNRBF) annexé à un arrêté du Premier Ministre en application de l’article 21 de la loi du 30 septembre 1986.

57 () Loi n° 64-621 du 27 juin 1964 portant statut de l’Office de la radiodiffusion-télévision française.

58 () Loi n° 72-553 du 3 juillet 1972 portant statut de la radiodiffusion-télévision française.

59 () Loi n° 74-696 du 7 août 1974 relative à la radiodiffusion et à la télévision.

60 () Loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.

61 () Loi n° 89-25 du 17 janvier 1989 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

62 () Alinéa 1er de l’article 99 de la loi du 30 septembre 1986.

63 () Ces deux chaînes sont diffusées en canal partagé sur le canal 13 de la TNT.

64 () Loi n° 99-1174 du 30 décembre 1999 portant création de La Chaîne parlementaire.

65 () Toutefois, à ce jour, une seule véritable chaîne française confessionnelle de télévision existe : KTO. Créée en 1999, cette chaîne est diffusée sur les réseaux câblés, le satellite et l’ADSL ainsi que par Internet.

66 () Voir le rapport spécial de M. Patrice Martin-Lalande sur le projet de loi de finances pour 2009 (Doc. AN n° 1198, annexe n° 29, 16 octobre 2008) : pages 36 et 37.

67 () Suite à la modification en 2000 de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986, seuls deux COM avaient été conclus, l’un avec France Télévisions pour la période 2001–2005, l’autre avec ARTE-France et qui couvrait les années 2002–2005. Celui signé avec l’Institut national de l’audiovisuel pour la période 2000–2003 préexistait à la loi. Le recours au COM est désormais incontournable, puisque cinq opérateurs audiovisuels y sont soumis : France Télévisions, ARTE-France, Radio France, l’INA et l’AFP.

68 () Voir le rapport particulier de la Cour des comptes sur les comptes et la gestion de RFI pour les exercices 2000 à 2006, publié en annexe du rapport de M. Patrice Martin-Lalande, « Audiovisuel extérieur de la France : nouvelles analyses pour mieux réformer » (Doc. AN n° 1087, 22 juillet 2008).

69 () L’article 53 précise également que les COM déterminent, pour chaque société ou établissement public, « le coût prévisionnel de ses activités pour chacune des années concernées, et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d’exécution des résultats qui sont retenus », « le montant des ressources publiques devant lui être affecté en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes », « le montant du produit attendu des recettes propres, notamment celles issues de la publicité de marques et du parrainage », et enfin « les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d’un prix ».

70 () Laquelle impose aux États de veiller à ce que les services qui relèvent de leur compétence deviennent progressivement accessibles aux personnes souffrant de déficiences visuelles ou auditives.

71 () Lequel prévoit notamment l’accessibilité des médias aux personnes handicapées visuelles.

72 () Voir le commentaire des articles 30 et 35 du présent projet de loi.

73 () Voir le commentaire des articles 29 et 34 du présent projet de loi.

74 () À titre indicatif, le coût moyen de l’audio-description pour une fiction de 90 minutes est compris entre 5 000 euros et 6 300 euros. Le coût d’une minute d’audio-description, en France, varie de 56 à 70 euros. Il est nettement supérieur à celui du sous-titrage adapté aux personnes sourdes et malentendantes.

75 () Devenu le III de l’article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 (loi de finances rectificative pour 2005).

76 () Devenu l’article 151 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 (loi de finances pour 2007).

77 () Les autres organismes concernées sont Radio France, Arte–France et l’INA. France Télévisions est, quant à elle, soumise à la procédure plus contraignante du II de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986, qui prévoit la présentation annuelle de ce rapport d’exécution du COM par le président de France Télévisions lui-même, auditionné par les commissions des affaires culturelles et des finances de chaque assemblée.

78 () Les autres organismes concernées sont les conseils d’administration de France Télévisions, de Radio France et de l’INA et le conseil de surveillance d’Arte.

79 () Seul incident sur l’année 2007, s’agissant du temps publicitaire pour une heure donnée, un dépassement du temps maximal de publicité autorisé (huit minutes pour une heure donnée) a été constaté le 6 juin 2007. Le CSA a admis le caractère accidentel de ce dépassement, la chaîne ayant fourni les explications nécessaires à l’analyse des causes de celui-ci.

80 () Voir le commentaire de l’article 1er du présent projet de loi, qui modifie la définition des « services » de France Télévisions.

81 () L’article 19 du contrat de formation du 30 avril 1991, qui est, avec le traité interétatique du 2 octobre 1990, l’un des deux piliers juridiques d’ARTE, fait figurer « l’absence d’écran publicitaire et/ou de coupure des émissions par la publicité » parmi les principes de la chaîne, qui ne diffuse pas non plus de publicité sur ses offres hors antenne, qu’il s’agisse d’Internet ou d’ARTE-Radio.

82 () Conformément à son cahier des charges et à la rédaction actuelle du 4° du I de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986, RFO est « chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision et de radio destinées à être diffusées dans les collectivités françaises d’outre-mer ».

83 () Au sens de la loi du 30 septembre 1986 telle qu’interprétée par les rédacteurs du présent article, le terme « régional » doit être compris comme un sous-ensemble de la notion de « local ».

84 () L’article 17 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat définit le parrainage comme « toute contribution d’une entreprise ou d’une personne morale publique ou privée, n’exerçant pas d’activités de radiodiffusion télévisuelle ou de production d’œuvres audiovisuelles, au financement d’émissions télévisées, afin de promouvoir son nom, sa marque, son image, ses activités ou ses réalisations ». Voir aussi le commentaire de l’article 15 du présent projet de loi.

85 () Voir le commentaire de l’article 26 du présent projet de loi.

86 () L’article 2 du décret du 27 mars 1992 précité définit la publicité de la manière suivante : « constitue une publicité toute forme de message télévisé diffusé contre rémunération ou autre contrepartie, en vue soit de promouvoir la fourniture de biens ou services, y compris ceux qui sont présentés sous leur appellation générique, dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou de profession libérale, soit d’assurer la promotion commerciale d’une entreprise publique ou privée ».

87 () Article 14 du décret précité.

88 () Conformément à l’article 99 de la loi du 30 septembre 1986, inséré par la loi du 5 mars 2007.

89 () Voir les articles 100 à 102 de la loi du 30 septembre 1986, insérés par la loi du 5 mars 2007.

90 () Voir le rapport pour avis de M. Christian Kert sur le projet de loi de finances pour 2009 (Doc. AN n° 1199, tome VI, 16 octobre 2008) : pages 7 à 11.

91 () Voir le commentaire des articles 20 et 21 du présent projet de loi.

92 () Jusqu’au 31 décembre 2003, la redevance relevait du régime de la parafiscalité, comme l’avaient confirmé à plusieurs reprises les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État. Le Gouvernement en arrêtait par décret l’assiette et le taux. Mais il revenait au législateur d’autoriser annuellement son recouvrement ainsi que sa répartition entre les organismes bénéficiaires. L’article 63 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), en prévoyant la suppression des taxes parafiscales au plus tard au 31 décembre 2003 « à défaut de dispositions législatives particulières » a rendu nécessaire une évolution du statut de la redevance. Ainsi, la loi de finances initiale pour 2004 du 31 décembre 2003 a transformé la redevance en taxe affectée. Elle constitue dès lors un impôt se rattachant à la catégorie des « impositions de toute nature » visée à l’article 34 de la Constitution.

93 () La redevance appliquée aux postes de radio a été supprimée en 1980 et, depuis le 1er janvier 1987, la redevance audiovisuelle ne vise que les appareils de télévision et, théoriquement, les dispositifs assimilés.

94 () Par l’article 41 de la loi de finances pour 2005 (loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004).

95 () Voir le rapport d’information de M. Patrice Martin-Lalande, « Le bilan de la réforme de la redevance audiovisuelle » (Doc. AN n° 671, XIIIe législature, 31 janvier 2008). Voir également son rapport d’information, « Réformer la redevance, pour assurer le financement de l’audiovisuel public » (Doc. AN n° 1019, XIIe législature, 9 juillet 2003).

96 () Voir le rapport d’information précité (Doc. AN n° 1019, 9 juillet 2003, : page 9).

97 () Jusqu’à présent, l’ensemble des amendements majorant le montant de la redevance ont été rejetés, y compris celui, déposé par le rapporteur lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2008 et proposant de porter la redevance à 118 euros en métropole et 75 euros outre-mer.

98 () Conformément aux principes généraux de l’article 1657 du CGI applicables aux bases de cotisation des impôts directs. À titre d’exemple, l’article 193 du CGI prévoit, en matière d’impôt sur le revenu, que « le revenu imposable ainsi que les différents éléments ayant concouru à sa détermination, sont arrondis à l’euro le plus proche. La fraction d’euro égale à 0,50 est comptée pour 1 ».

99 () Cette règle d’indexation est, par exemple, appliquée pour la redevance communale des mines. L’article 1519 du CGI dispose ainsi que les taux de cette redevance « évoluent chaque année comme l’indice des prix tel qu’il est estimé dans la projection économique présentée en annexe au projet de loi de finances de l’année ».

100 () Ces produits sont exclus pour des raisons méthodologiques : par exemple, les assurances-vie sont en général à la fois des assurances, qui devraient être suivies par l’indice des prix à la consommation, et des placements financiers, exclus du champ de l’indice des prix à la consommation. Or ces deux fonctions sont indissociables et il est impossible de déterminer le prix du seul service d’assurance.

101 () Voir le commentaire de l’article 18 du présent projet de loi.

102 () La notion de « compte d’emploi de la redevance » est remplacée par la référence au « compte de concours financiers institué au VI de l’article 46 de la loi » de finances pour 2006.

103 () L’énumération nominative de chaque organisme affectataire d’une part du produit de la redevance est remplacée par une évocation générique de l’ensemble de ces organismes.

104 () Institut national de prévention et d'éducation pour la santé.

105 () Les modalités d’entrée en vigueur de cette nouvelle taxe sont déterminées par l’article 55 du présent projet de loi.

106 () Cette déclaration est celle visée au I de l’article 287 du CGI, qui dispose que « tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l’administration ».

107 () Si le montant de la taxe est supérieur de plus de 20 % au montant des acomptes versés, les pénalités classiquement prévues par le CGI sont applicables (article 1727 pour les intérêts de retard et article 1731 pour la majoration pour les retards de paiement).

108 () Pour Orange et SFR, les recettes sont égales à 25 millions d’euros par an. Pour Bouygues Télécom, la redevance est de 23,7 millions d’euros par an.

109 () « Universal mobile telecommunication system », système de télécommunications mobiles universelles.

110 () Prévues par les décrets n° 2007-1531 et n° 2007-1532 du 24 octobre 2007.

111 () Prévues par les articles L. 45-1, L. 47 et L. 148 et par le décret n° 2005-1676 du 27 décembre 2005 relatif aux redevances d’occupation du domaine public non routier, aux droits de passage sur le domaine public routier et aux servitudes sur les propriétés privées.

112 () Loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom.

113 () Voir le commentaire de l’article 20 du présent projet de loi.

114 () Les modalités d’entrée en vigueur de cette nouvelle taxe sont déterminées par l’article 55 du présent projet de loi.

115 () L’article L. 34-8 du code des postes et des communications électroniques dispose que l’interconnexion ou l’accès font l’objet d’une convention de droit privé entre les parties concernées, qui détermine les conditions techniques et financières de l’interconnexion ou de l’accès. Il précise également que les exploitants de réseaux ouverts au public font droit aux demandes d’interconnexion des autres exploitants de réseaux ouverts au public, y compris ceux qui sont établis dans un autre État européen, présentées en vue de fournir au public des services de communications électroniques. La demande d’interconnexion ne peut être refusée si elle est justifiée au regard, d’une part, des besoins du demandeur, d’autre part, des capacités de l’exploitant à la satisfaire.

116 () L’article 279 b octies du CGI soumet au taux réduit de la TVA les abonnements souscrits par les usagers pour recevoir les services de télévision, dans la limite de 50 % du prix forfaitaire facturé lorsque ces services sont compris dans une offre composite. Par parallélisme, la part de l’offre correspondant aux services de télévision qu’il conviendrait d’exclure de l’assiette de la taxe est donc estimée à 50 % du prix de l’offre composite donnant accès à l’ensemble des services fournis.

117 () Loi du 31 décembre 2003 précitée.

118 () Cette déclaration est celle visée au I de l’article 287 du CGI, qui dispose que « tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l’administration ».

119 () Si le montant de la taxe est supérieur de plus de 20 % au montant des acomptes versés, les pénalités classiquement prévues par le CGI sont applicables (article 1727 pour les intérêts de retard et article 1731 pour la majoration pour les retards de paiement).

120 () Voir le commentaire de l’article 36 du présent projet de loi.

121 () Voir le commentaire de l’article 36 du présent projet de loi.

122 () Voir le commentaire de l’article 29 du présent projet de loi.

123 () Parmi ces obligations, on peut mentionner les règles générales de programmation, celles applicables à la publicité, au télé-achat, au parrainage et à l’autopromotion, les dispositions propres à assurer le respect de la langue française et le rayonnement de la francophonie ainsi que celles relatives à la diffusion, sur les services de radio, d’œuvres musicales d’expression française ou interprétées dans une langue régionale en usage en France.

124 () Décret n° 2002-140 du 4 février 2002 pris pour l’application des articles 33, 33-1, 33-2 et 71 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant le régime applicable aux différentes catégories de services de radiodiffusion sonore et de télévision distribués par câble ou diffusés par satellite.

125 () L’article 9 de ce décret oblige à ce qu’au moins trois quarts des dépenses principales soient consacrés au développement de la production « indépendante », définies selon des critères réglementaires liés à l’œuvre cinématographique et à l’entreprise qui la produit.

126 () Ce taux est fixé à 8 % pour les éditeurs de services qui consacrent plus de la moitié de leur temps de diffusion à des vidéomusiques.

127 () Voir le commentaire des articles 18, 29 et 30 du présent projet de loi.

128 () Cette disposition a été intégrée à la suite des accords passés entre certaines chaînes et les représentants de l’industrie cinématographique. Elle est destinée à aider la distribution en salles des œuvres cinématographiques.

129 () Affaire C-35598, Commission contre Belgique, Rec. 2000, p. 11221, point 28 ; affaire C-348/96, Calfa, Rec. 1999, p. 1-0011, point 23.

130 () Décret n° 92-280 du 27 mars 1992 pris pour l’application des articles 27 et 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat.

131 () Le principe dit de l’heure « glissante » – ou « heure donnée » – empêche de concentrer les messages commerciaux aux heures où les audiences sont les plus importantes.

132 () Le principe actuel de la dérogation accordée par le CSA sur demande de l’éditeur ne concerne que les œuvres de longue durée. La suppression du recours au CSA se justifie par le fait qu’en pratique, le CSA n’accorde une seconde coupure que pour les œuvres d’une durée supérieure à 2 heures 30.

133 () Loi n° 92-597 du 1er juillet 1992 relative au code de la propriété intellectuelle. Seuls deux articles de la loi de 1985 n’ont pas été codifiés (les articles 52 et 54 relatifs aux garanties et sanctions) mais ne concernent pas le respect des règles du droit d’auteur, particulièrement le respect du droit moral de l’auteur sur son œuvre, tel qu’on le vise à l’article 73 de la loi du 30 septembre 1986.

134 () Comme pour le 1° du présent article, cette disposition exclut du champ de la restriction publicitaire les services de médias audiovisuels à la demande pouvant être édités par France Télévisions, auxquels s’appliqueront les règles de la directive du 11 décembre 2007.

135 () Article 6-2 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 pris pour l’application de la loi n° 89-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux concernant la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles par les éditeurs de services de télévision.

136 () Deuxième alinéa de l’article 6-3 du décret précité.

137 () Premier alinéa de l’article 6-3 du décret précité.

138 () Article 6-4 du décret précité.

139 () Article 7 du décret précité.

140 () Article 9 du décret précité.

141 () Conformément au II de l’article 11 du décret précité.

142 () Voir l’ordonnance n° 2005-652 du 6 juin 2005.

143 () Voir le commentaire de l’article 22 du projet de loi de finances pour 2009 dans le rapport général de M. Gilles Carrez (Doc. AN n° 1198, 18 octobre 2008) : pages 249 à 257. Cet article supprime le compte d’affectation spéciale intitulé « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » à la date du 31 décembre 2008 et prévoit l’affectation directe au CNC du produit des taxes, prélèvements fiscaux et autres ressources servant à financer le soutien aux industries cinématographique, audiovisuelle, vidéographique et multimédia.

144 () La destination devrait être appréciée au regard de l’existence du seul critère du visa d’exploitation.

145 () Article 90 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.

146 () L’article 27 du code de l’industrie cinématographique, créé par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, définit le cadre juridique des formules d’abonnement au cinéma, dites « cartes à entrées illimitées ». Le dispositif prévoit que ce type de formules est soumis à l’agrément du directeur général du Centre national de la cinématographie. L’agrément se fonde notamment sur l’engagement de l’exploitant, émetteur de la formule, sur un prix de référence par place servant de base de calcul pour la rémunération des distributeurs et des ayants droit. Par ailleurs, lorsque l’émetteur d’une formule détient une certaine part de marché dans une zone d’attraction donnée, il doit proposer aux exploitants moins importants, également présents dans cette zone, de s’associer à sa formule en leur garantissant un montant minimum de rémunération.

147 () Par lettre du 6 août 2007, la directrice générale du CNC a demandé à la commission d’agrément des formules d’accès au cinéma, de lui présenter un bilan de son activité et, éventuellement, de formuler des recommandations propres à améliorer la procédure d’agrément des formules d’abonnement.

148 () Les principes de l’entrée en vigueur de ces deux taxes ont été explicités à l’occasion du commentaire des articles 20 et 21 du présent projet de loi.

149 () Déclaration visée au I de l’article 287 du CGI.

150 () Il convient de signaler que l’article 5 du projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution, examiné en première lecture à l’Assemblée nationale par la commission des Lois le mardi 7 octobre 2008, prévoit l’application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution pour la nomination du président de la commission prévue par l’article 25 de la Constitution et chargée de donner son avis sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l’élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs.

151 () Décision n° 89-259 DC du 26 juillet 1989, loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, considérant 4.

152 () Décision précitée, considérant 8.

153 () Décision n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003, loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile, considérant 7.

154 () Conseil supérieur de l’audiovisuel, avis n° 2008-7 du 7 octobre 2008 sur le projet de loi modernisant le secteur public de la communication audiovisuelle et relatif aux nouveaux services audiovisuels.

155 () À l’Assemblée nationale, seuls les députés membres du conseil d’administration de la société nationale de programme RFI et de la société nationale de programme Radio France ne sont pas membres de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

156 () L’article L. 130 du code des postes et des communications électroniques prévoit un avis des commissions compétentes en matière de postes et de communications électroniques préalable à la nomination du président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) ; l’article 28 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité prévoit un avis des commissions compétentes en matière d’énergie préalable à la nomination du président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) ; l’article 2 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté prévoit un avis des commissions compétentes préalable à la nomination du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

157 () M. Charles de La Verpillière, rapport au nom de la commission des Lois sur le projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution et sur le projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés, Assemblée nationale, XIIIe législature, n° 1146, page 101.

158 () Décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000, loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, considérant 14.

159 () L’alignement de la durée du mandat des dirigeants des sociétés de l’audiovisuel public sur celles des dirigeants des entreprises publiques avait alors été justifié par l’objectif de « donner au service public de l’audiovisuel la stabilité nécessaire pour être efficace dans le contexte concurrentiel qui est désormais le sien » (rapport n° 1578 de M. Didier Mathus au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, 5 mai 1999, Assemblée nationale, XIe législature).