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le 3 décembre 2008



N
° 1270

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 novembre 2008

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L’ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 1261) DE MM. BERNARD DEFLESSELLES ET JÉRÔME LAMBERT, RAPPORTEURS DE LA COMMISSION CHARGÉE DES AFFAIRES EUROPÉENNES, sur le paquet énergie-climat,

PAR M. Serge Poignant,

Député.

——

Voir les numéros 1260 et 1261

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

L’enjeu environnemental : éviter les scénarios catastrophe 6

Le coût de l’inaction serait insupportable 6

Les négociations internationales engagées sont cruciales 8

L’engagement de la France sur cette question du climat est parfaitement clair 8

ANALYSE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 11

I.— LES TROIS VISAS 11

II.— LES NEUF PRISES DE POSITION 19

TRAVAUX DE LA COMMISSION 29

PROPOSITION DE RÉSOLUTION 33

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 35

MESDAMES, MESSIEURS,

Le présent rapport a pour objet d’examiner une proposition de résolution formulée par la Commission chargée des affaires européennes, en vertu de l’article 88-4 de la Constitution, qui prévoit que les deux assemblées parlementaires peuvent voter des résolutions sur les propositions d’acte communautaire.

La résolution examinée porte en l’occurrence sur cinq textes présentés ensemble par la Commission européenne le 23 janvier 2008. Quatre propositions ont caractère législatif, et font l’objet d’une procédure de codécision avec le Parlement européen. Trois de ces textes sont négociés dans le cadre du Conseil « Environnement », mais la proposition relative à la promotion des énergies renouvelables est traitée au sein du Conseil « Énergie ». Il s’agit de :

– une proposition de directive visant à améliorer et à étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission (l’ETS) ;

– une proposition de décision imposant des réductions d’émission de GES aux secteurs économiques qui ne sont pas couverts par l’ETS ;

– une proposition de directive relative à la promotion des énergies renouvelables (ENR) ;

– une proposition de directive précisant le cadre juridique dans lequel le captage et le stockage du carbone (CSC) pourraient être développés.

Un cinquième texte, établissant de nouvelles lignes directrices pour l’appréciation des aides d’État à l’environnement, ressort de la seule compétence de la Commission européenne et s’applique depuis sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, le 1er avril 2008. Il n’a donc pas été transmis au Parlement dans le cadre de la procédure prévue par l’article 88-4 de la Constitution.

Présenté le 23 janvier 2008 par la Commission européenne, ce paquet poursuit trois grands objectifs, conformément à la règle des « trois fois vingt » arrêtée par le Conseil européen de mars 2007, afin de parvenir à l’échéance 2020 à une économie faible en carbone :

– réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre (GES), voire de 30 % si tous les pays industrialisés s’engagent à en faire de même dans le cadre d’un accord international ;

– accroître de 20 % l’efficacité énergétique ;

– porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la production d’énergie (avec, en particulier, un objectif de 10 % de sources renouvelables dans les transports).

L’enjeu environnemental : éviter les scénarios catastrophe

A défaut de « décarbonisation majeure de l’économie », le monde subira selon les dernières analyses de l’Agence internationale de l’énergie, « des dégâts catastrophiques et irrémédiables ».

Depuis que les enregistrements sont fiables (1850), douze des treize années les plus chaudes dans le monde ont été observées entre 1995 et 2007. D’après les modèles des scientifiques du GIEC, la température moyenne annuelle du globe pourrait s’élever de 1,1 °C à 6,4 °C d’ici 2100, du fait du doublement de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère à la fin de ce siècle si l’inaction politique se prolongeait. L’impact de ce réchauffement serait d’autant plus grave que l’élévation de la température moyenne serait importante et, en tout état de cause, serait fortement ressenti si une augmentation de 2 °C au moins se produisait : fonte des glaces, hausse du niveau des mers, libération du méthane captif dans les fonds marins et le sous-sol des régions polaires, etc.

Le coût de l’inaction serait insupportable

Dans le contexte de crise financière et économique que nous traversons, beaucoup se demandent si une telle politique reste pertinente. Le président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, comme le président de la République lors du bilan du Grenelle qu’il a dressé récemment à Vaujours, se sont heureusement inscrits en faux contre une telle idée : il est illusoire de croire que l’on peut choisir entre résoudre la crise financière et résoudre le changement climatique.

Il reste exact qu’un tel ensemble de mesures implique un effort considérable : une politique environnementale ambitieuse exige au départ un investissement important.

Le récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie (World Energy Outlook 2008) considère que, pour maintenir en 2050 les émissions de CO2 à leur niveau actuel, les besoins d’investissements supplémentaires dans le secteur mondial de l’énergie sont de l’ordre de 17 000 milliards de dollars d’ici cette échéance, soit en moyenne 400 milliards de dollars par an, ce qui équivaut à 0,4 % de PIB mondial chaque année d’ici 2050. Si l’on voulait réduire de moitié les émissions de CO2 par rapport au niveau actuel, les investissements à réaliser grimperaient à 45 000 milliards de dollars, soit 1 100 milliards de dollars par an et 1,1 % du PIB mondial chaque année.

La Commission européenne estime que les objectifs de réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre et de 20 % concernant la part des énergies renouvelables dans la consommation finale ont un coût économique direct de 0,58 % du PIB de l’UE, ou de 91 milliards d’euros en 2020. Elle évalue le coût de l’ensemble de ses propositions à 150 euros par personne et par an, soit l’équivalent de 2 à 3 pleins du réservoir d’une voiture familiale. Ce n’est pas rien.

Pour autant, l’inaction aurait un coût bien supérieur, voir fatal. La Commission évalue l’impact financier du paquet énergie climat au dixième du coût de l’inaction. Selon le rapport Stern, cité par la commission chargée des affaires européennes, « l’atténuation des risques – à savoir, l’adoption de mesures vigoureuses en vue de réduire les émissions – doit être vue comme un investissement, comme un coût encouru aujourd’hui et au cours des quelques décennies à venir en vue d’éviter les risques de conséquences très sévères à l’avenir. Si ces investissements sont faits judicieusement, les coûts seront gérables et il y aura une vaste gamme de possibilités de croissance et de développement ».

De plus, on le constate déjà, le développement durable est facteur de croissance.

Dans son étude d’impact sur le paquet énergie-climat, la Commission européenne indique que les investissements dans les sources d’énergie viables sur le plan environnemental ont augmenté l’an dernier de 43 % à l’échelon mondial. Les recettes commerciales de l’énergie solaire, de l’énergie éolienne, des biocarburants et des piles à combustible devraient augmenter pour atteindre environ 150 milliards d’euros d’ici à 2016,

Le secteur de l’énergie renouvelable dans l’UE représente un chiffre d’affaires de 30 milliards d’euros et emploie environ 350 000 personnes.

Soulignons enfin que ce paquet énergie climat s’insère dans une politique européenne de l’énergie plus large, avec un troisième paquet de libéralisation du marché intérieur (1), et le tout récent plan de sécurité énergétique.

Les négociations internationales engagées sont cruciales

Les négociations avec les autres États membres sur le paquet énergie climat sont extrêmement difficiles. Nous avons pourtant absolument besoin d’un accord sur ce paquet avant la fin de l’année : c’est une priorité de la présidence française de l’Union européenne, car sans engagement européen fort, nous n’aurons pas d’accord post Kyoto satisfaisant. Or, un tel accord international est indispensable, pour lutter contre le réchauffement climatique, comme pour préserver la compétitivité de nos entreprises. Le ministre d’État, M. Jean-Louis Borloo, a résumé l’enjeu de ces négociations en ces termes : « la première économie du monde – 450 millions de consommateurs, 15 % des émissions de gaz à effet de serre – tente de démontrer que le développement durable est possible à l’échelle de vingt-sept États, et ce en dépit d’histoires industrielles, climatiques, géographiques, économiques très différentes. C’est, pour les autres continents, la démonstration qu’un de leurs principaux partenaires est d’ores et déjà engagé, la preuve que c’est possible. » Le World Energy Outlook 2008 indique dans son scénario de référence que les émissions anthropiques de gaz carbonique vont augmenter de 45 % entre 2006 et 2030, et que pour la première fois depuis deux siècles, l’essentiel de cette augmentation sera le fait des pays « du sud », y compris l’Inde et la Chine, responsables à elles seules de 70 % de cette croissance.

L’Europe assume depuis longtemps un rôle moteur dans la lutte contre le changement climatique. En 2001, elle avait décidé de poursuivre la mise en œuvre du protocole de Kyoto malgré la défection des États-Unis. À Bali en 2007, la communauté internationale a pris la mesure de la menace en fixant une feuille de route pour la négociation d’un accord complet et global de lutte contre le changement climatique d’ici à la conférence de Copenhague en décembre 2009. La conférence de Poznan début décembre 2008, doit permettre d’engager l’intense phase de négociation qui se poursuivra tout au long de l’année 2009, une des difficultés tenant au calendrier d’entrée en fonction de la nouvelle présidence américaine.

L’engagement de la France sur cette question du climat est parfaitement clair

L’urgence tient plus conjoncturellement, au calendrier des négociations internationales : conférence de Poznan début décembre, puis conférence de Copenhague dans un an, pour définir ce que sera l’après Kyoto.

Ce sentiment d’urgence nous a animés lors des débats des dernières semaines, nous poussant à siéger jour et nuit, afin que le Ministre puisse porter à Bruxelles l’engagement clair de l’Assemblée nationale : cela explique aussi le bouleversement de la procédure ordinaire, les débats dans l’Hémicycle (Grenelle et débat sans vote du 18 novembre) ayant précédé les réunions de commission sur ce paquet.

L’Assemblée nationale a adopté en première lecture le 21 octobre 2008 le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement. Les amendements adoptés ont permis de préciser quelques grands principes, renforçant la reconnaissance de l’urgence écologique et de la nécessité d’une diminution des consommations en énergie, eau et autres ressources naturelles, ou encore de la nécessité de préserver les paysages ; renversant la charge de la preuve en matière d’infrastructures, ou rappelant les trois dimensions du développement durable : écologique, économique et sociale.

Le « Facteur 4 » a été confirmé, la problématique de la précarité énergétique prise en compte, et des objectifs très ambitieux fixés en matière d’efficacité énergétique, notamment dans les bâtiments et les transports. L’objectif de généralisation des « bâtiments basse consommation » en 2012 a été conforté : priorité à l’isolation, comptage en énergie primaire quelle que soit la filière énergétique, et un programme encore plus ambitieux de rénovation thermique des bâtiments a été fixé : 400 000 rénovations complètes par an à partir de 2013, des échéances réduites pour les bâtiments publics, 180 000 logements sociaux rénovés en zone ANRU. - L’Assemblée nationale a confirmé la priorité aux modes alternatifs à la route, ainsi qu’aux transports collectifs, voulu l’amélioration de la desserte ferroviaire et fluviale des ports, précisé les objectifs de développement du réseau des lignes à grande vitesse, entériné la création de la taxe poids lourds.

ANALYSE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

La proposition de résolution comporte dix-neuf alinéas, qui se répartissent, après la référence initiale à l’Assemblée nationale, en neuf visas et neuf prises de position, sans considérants.

I.— Les trois visas

Le premier visa concerne l’article 88-4 de la Constitution, qui autorise les deux assemblées parlementaires à voter des résolutions portant sur des propositions d’actes communautaires.

L’article 151-1 du Règlement de l’Assemblée nationale précise qu’en ce cas les propositions d'actes communautaires sont « instruites par la commission chargée des affaires européennes « qui peut soit transmettre aux commissions ses analyses assorties ou non de conclusions, soit déposer un rapport d'information concluant éventuellement au dépôt d'une proposition de résolution ».

En l’occurrence, un rapport d’information n° 1260 a été déposé le 18 novembre 2006 par la commission chargée des affaires européennes, concluant au dépôt de la proposition de résolution examinée. Il était présenté par MM. Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert.

Les visas suivants mentionnent, conformément au quatrième alinéa de l’article 151-1 du règlement de l’Assemblée nationale, les propositions d'actes communautaires soumises à l'Assemblée sur lesquelles la proposition de résolution s’appuie.

Le deuxième visa fait ainsi référence à la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE afin d'améliorer et d'étendre le système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (COM [2008] 16 final / n° 3771).

La directive 2003/87/CE dotait l’Union européenne d’un système d’échange de quotas d’émission de CO2 (SCEQE, ou ETS) pour la période 2005-2012.

Une première phase a permis la mise en place, de 2005 à 2007, et l’ajustement de ce nouvel instrument. En 2006, le SCEQE représentait plus de 80 % de la valeur monétaire des échanges de carbone sur le marché mondial et plus de 60 % de leur volume total. Plus de 10 000 installations des 27 États membres ont été plafonnées à 2,1 milliards de tonnes par an.

Les ajustements décidés par la Commission européenne sur les plans nationaux d’allocation des quotas (PNAQ) et l’anticipation de la décision de réduire les niveaux d’émission de 20 % d’ici 2020 qui autorise les installations à mettre en réserve leurs quotas entre la deuxième et la troisième phase ont permis de stabiliser les prix des quotas à près de 25 euros la tonne.

Le protocole de Kyoto prévoyait une réduction des émissions de 8 % en 2012 par rapport à 1990. L’Europe devrait atteindre ce résultat en 2010, et s’est donc fixé un nouvel objectif, plus ambitieux : une réduction de 20 % des émissions par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2020. Dans cette perspective, la nouvelle proposition de directive prévoit des réformes de trois ordres :

– l’extension du champ d’application

Actuellement limité au CO2, le SCEQE portera désormais sur les six GES couverts par le protocole de Kyoto (CO2, méthane, oxyde nitreux, hydrofluoro-carbones, hydrocarbures perfluorés et hexafluorure de soufre).

De nouvelles activités vont en outre être concernées, dont la chimie et l’aluminium. Seules les petites installations émettant moins de 10 000 tonnes de CO2 seraient exemptées, afin de restreindre la charge bureaucratique.

– La substitution de plafonds sectoriels aux plafonds nationaux,

pour éviter les distorsions de concurrence et limiter les conflits sur le partage du fardeau que la mise en place des PNAQ (plans nationaux d’allocation des quotas) a permis de constater. La transposition d’un tel mécanisme au niveau international n’est pas neutre : elle permet une appréciation plus fine des engagements des pays émergents ou en voie de développement.

Toutefois, la quantité de quotas à délivrer en 2013 aux installations déjà intégrées dans le SCEQE sera adaptée pour tenir compte de la quantité annuelle moyenne délivrée antérieurement.

– La mise aux enchères des quotas d’émission

Le secteur de l’électricité (centrales électriques à charbon, gaz ou fuel, centrales thermiques) a supporté le plus grand effort de réduction des émissions de GES : peu exposé à la concurrence internationale, il est le plus grand émetteur de GES. C’est pourquoi il est prévu une mise aux enchères des quotas intégrale dès 2013.

Les autres secteurs industriels (raffinerie, minerai métallique, fer et acier, ciment, verre, céramique, papier et carton) ont bénéficié de la part des États membres d’allocations plus généreuses de quotas compte tenu de leur plus grande exposition à la concurrence et d’un potentiel de réduction des émissions à un coût moindre perçu comme plus difficile. Le taux d’enchères sera fixé à 20 % en 2013, et s’élèvera progressivement jusqu’à 100 % en 2020.

Le système communautaire d’échange de quotas encadrera ainsi non plus 40 mais 50 % des GES en Europe et la restriction progressive des plafonds sectoriels entre 2013 et 2020 permettra d’atteindre, à cette échéance, une réduction de 21 % des émissions des secteurs couverts par rapport à 2005. Le taux de 20 % en 2020 s’appliquant à l’ensemble des émissions, qu’elles soient ou non concernées par l’ETS.

Le troisième visa fait référence à la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l'effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu'en 2020 (COM [2008] 17 final / n° E 3772).

Cette proposition vise les secteurs non couverts par le système SCEQE, comme les transports (hors aviation), les bâtiments, les services, l’agriculture, ou encore les déchets. Ils représentent environ 35 % des émissions de GES en Europe.

La Commission propose de leur imposer une réduction globale de leurs émissions de 10 % par rapport au niveau de 2005 (contre - 21 % pour les secteurs soumis au système ETS). La détermination d’objectifs différenciés pour chaque État membre traduit une solidarité effective, permettant aux pays caractérisés par un PIB relativement faible et donc un besoin de croissance, d’augmenter leurs émissions dans les prochaines années, alors que les pays dont le PIB par habitant est déjà élevé devront impérativement réduire leurs émissions.

Les efforts à fournir varient de - 20 % à + 20 %. Le Luxembourg, l’Irlande et le Danemark se voient attribuer le taux de réduction maximal, tandis que la Bulgarie et la Roumanie bénéficient de la plus grande souplesse. La France devra réduire de 14 % les émissions de ces secteurs. Sont concernés au premier chef les transports et le bâtiment, qui ont donc fait l’objet d’une attention particulière dans le cadre du Grenelle de l’environnement.

Le quatrième visa fait référence à la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au stockage géologique du dioxyde de carbone et modifiant les directives 85/337/CEE et 96/61/CE du Conseil, ainsi que les directives 2000/60/CE, 2001/80/CE, 2004/35/CE, 2006/12/CE et le règlement (CE) n° 1013/2006 (COM [2008] 18 final / n° E 3774)

L’utilisation de combustibles fossiles pour la production d’énergie compte actuellement pour environ 40 % des émissions de CO2 de l’Union européenne, principalement du fait de l’importance des centrales électriques au charbon. Compte tenu du caractère encore incontournable de ces sources d’énergie à court et moyen terme, la capture, le transport et le stockage du CO2 (CSC) doivent être considérés comme une option à étudier : c’est une des conclusions du GIEC dans un rapport spécial de 2005, reprise dans les engagements du Grenelle de l’environnement.

La proposition de directive précise le cadre juridique dans lequel cette technique pourra être développée, sans établir de dimension contraignante quant aux objectifs de réduction de CO2 susceptibles d’être atteints grâce à cette méthode. Compte tenu des délais de mise en œuvre de ces techniques, les effets sur la réduction des émissions commenceront à peine à être appréciables en 2020.

L’exploration des sites potentiels et le stockage devront faire l’objet d’un permis. Toutes les demandes de permis seront soumises à la Commission européenne qui rendra un avis dont l’autorité nationale compétente devra tenir compte (mais cette autorité nationale aura bien le dernier mot, contrairement à ce qui avait été envisagé dans un premier temps). La directive fixe aussi des exigences en matière de surveillance et de suivi des sites de stockage.

Le cinquième visa fait référence à la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables (COM [2008] 19 final / n° E 3780).

La part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale de l’Union européenne s’élevait à 8,5 % en 2005. La proposition de directive fixe un objectif de 20 % en 2020.

L’objectif propre à chaque État est déterminé de manière contraignante par la Commission. La méthode de calcul tient compte des efforts déjà consentis par certains pays, et de leur PIB. Mais les autorités françaises ont regretté l’absence de prise en compte de l’énergie nucléaire. Alors que l’objectif ultime de cette politique reste la lutte contre le réchauffement climatique, donc la réduction des émissions de GES, et que l’efficacité énergétique et le développement des renouvelables ne sont que des moyens d’y parvenir, l’importance de son parc électronucléaire permet à la France d’émettre en moyenne 25 % de CO2 de moins que les autres États membres.

La Commission a ainsi fixé à notre pays une part de 23 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale en 2020 (contre 10,3 % en 2005). Cette part n’est que de 15 % au Royaume-Uni (contre 1,3 %), de 18 % en Allemagne (contre 5,8 %) ou encore de 49 % en Suède (contre 39,8 %).

Des seuils graduels sont établis pour chaque période de deux années : en 2012, chaque État devra avoir réalisé le quart de l’effort supplémentaire qui lui est assigné d’ici 2020, puis 35 % en 2014, 45 % en 2016 et 65 % en 2018. Cette trajectoire permet donc de reporter une part importante de l’effort sur la fin de la période et donc de profiter pleinement des sauts technologiques escomptés. Enfin, chaque État membre reste libre de définir la répartition entre les trois secteurs visés (électricité, chauffage/refroidissement et transports) de l’effort nécessaire pour accomplir cette trajectoire. La Commission examinera toutefois les plans nationaux, qui devront lui être notifiés avant le 31 mars 2010. Elle contrôlera leur mise en œuvre.

Alors que les conclusions du Grenelle de l’environnement prévoyaient un objectif de 20 %, décliné par le comité opérationnel consacré aux énergies renouvelables, qui a présenté dans son rapport les contributions nécessaires de toutes les sources renouvelables à l’horizon 2020, l’Assemblée nationale, avec l’avis favorable du Gouvernement, a porté l’objectif à 23 %.

Plusieurs mesures doivent faciliter la mise en œuvre de cette politique, notamment la simplification des obstacles administratifs, et la garantie d’un accès prioritaire au réseau, deux instruments dont l’Assemblée nationale a débattu à l’occasion de l’examen du projet de loi dit Grenelle 1. Il faut également mentionner le système d’échange de « certificats d’origine », qui introduit une marge de souplesse dans le dispositif, dont il n’est cependant pas sûr qu’elle permette aux États membres dont les objectifs sont particulièrement ambitieux de remplir leurs obligations. Le principe est de permettre à ces États membres de soutenir le développement des énergies renouvelables dans d’autres pays membres où la production de ce type d’énergies est moins onéreuse.

La proposition de directive consacre par ailleurs un volet spécifique aux biocarburants, réaffirmant l’objectif minimum de 10 % de « sources renouvelables » dans les transports à l’échéance 2020.

Ce seuil est subordonné à la « durabilité » des biocarburants. Pour être comptabilisés, la Commission européenne propose qu’ils permettent d’économiser au moins 35 % de CO2 par rapport aux carburants classiques. De plus, ils ne peuvent être issus de matières premières cultivées sur des terres jusqu’alors utilisées pour stocker le carbone ou préserver la biodiversité (forêts naturelles, zones humides, prairies permanentes …). Pour les importations, la Commission propose de donner son aval à des accords avec des pays tiers garantissant que leurs biocarburants respectent des critères environnementaux similaires.

La présidence française a obtenu l’intégration d’une « clause de rendez-vous » à caractère général dans la directive, probablement en 2014, sans remettre en cause l’objectif final.

Ces quatre textes forment le paquet climat au sens strict, avec les lignes directrices déjà évoquées sur les aides d’État à caractère environnemental.

La résolution se concentre donc sur l’analyse de ces quatre textes. Notons que les visas de la résolution adoptée par le Sénat sur ce même sujet ne visaient que ces quatre textes, ajoutant un visa mentionnant le plan d'action sur la politique énergétique européenne adopté par le Conseil européen des 8 et 9 mars 2007.

*

* *

Les visas suivants concernent deux propositions législatives et deux Livres verts. Ils sont rappelés pour mémoire, compte tenu de leur importance dans les négociations ou de leur caractère historique ou préparatoire.

Ainsi, le sixième visa fait référence à la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 98/70/CE en ce qui concerne les spécifications relatives à l'essence, au carburant diesel et aux gazoles ainsi que l'introduction d'un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant des carburants utilisés dans le transport routier, modifiant la directive 1999/32/CE du Conseil en ce qui concerne les spécifications relatives aux carburants utilisés par les bateaux de navigation intérieure et abrogeant la directive 93/12/CEE (COM [2007] 18 final / n° E 3452).

Ces spécifications ont été élaborées dans un souci de protection de la santé et de l'environnement et de bon fonctionnement du marché unique pour ces carburants, sans fixer d’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cette dernière dimension est donc introduite par le texte E 3452. La proposition de directive comprend trois volets :

– la réduction de la teneur des carburants en polluants atmosphériques (teneur maximale en soufre et hydrocarbures aromatiques polycycliques du carburant diesel, teneur maximale en soufre du gazole non routier). L’objectif de la Commission est double : rendre les carburants « plus propres » et développer la commercialisation de véhicules et d'engins équipés de dispositifs antipollution plus perfectionnés.

– Un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre

D'après la proposition de directive, les fournisseurs de carburant devront réduire de 10 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) générées par la production, le transport et l'utilisation de leurs produits entre 2011 et 2020.

– La mise au point d'un nouveau carburant, baptisé « E 10 »

Le texte E 3452 prévoit d'augmenter la part de biocarburants entrant dans la composition de l'essence en proposant un nouveau grade d'essence pouvant contenir jusqu'à 10 % d'éthanol (la teneur actuellement autorisée est limitée à 5 % par volume).

Les autorités françaises ont affiché quelques réserves, principalement sur le deuxième volet. Elles estiment qu'il est prématuré de fixer des échéances et d'accepter un taux de réduction des émissions de GES avant de connaître la méthode d'analyse du cycle de vie mise en avant par la Commission. Les progrès envisageables dans le cycle des carburants conventionnels, d'une part, et les objectifs d'incorporation de biocarburants, d'autre part, tendent en effet à démontrer qu'une réduction de 10 % est quelque peu élevée. Enfin, il semble que ce type de disposition relève plutôt de la directive 2003/87/CE instaurant un système communautaire d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre, en place depuis le 1er janvier 2005 et à laquelle sont déjà soumises toutes les raffineries européennes. En introduisant ce nouvel objectif dans la directive 98/70/CE, la Commission ne fait qu'introduire de la confusion.

Le septième visa fait référence au Livre vert sur les instruments fondés sur le marché en faveur de l'environnement et des objectifs politiques connexes (COM [2007] 140 final / n° E 3494).

Adopté le 28 mars 2007 par la commission européenne, le document visait à susciter un large débat public sur la façon dont les taxes, les droits d’émission négociables et autres instruments fondés sur le marché peuvent être utilisés plus largement et plus efficacement à des fins de politique environnementale et énergétique, aux niveaux communautaire et national, et plus particulièrement pour la consommation d’énergie, les effets des transports sur l’environnement et d’autres domaines spécifiques de la politique environnementale tels que la gestion durable de l’eau, la gestion des déchets, la protection de la biodiversité et la réduction de la pollution atmosphérique.

En vue de la révision prochaine de la directive sur la taxation de l’énergie, l’utilisation plus intensive des instruments fondés sur le marché est préconisée dans le sixième programme d’action communautaire pour l’environnement (6e PAE) et la stratégie de l’UE en faveur du développement durable.

Le huitième visa fait référence au Livre vert présenté par la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions. Adaptation au changement climatique en Europe : les possibilités d'action de l'Union européenne (COM [2007] 354 final / n° E 3573).

Présenté le 29 juin 2007, il analyse la nécessité pour l’Europe de mettre en œuvre une politique d’adaptation au changement climatique complémentaire aux mesures d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre. Cette politique s’organise autour de quatre piliers : une intégration immédiate de l’adaptation au changement climatique dans toutes les politiques et programmes de financements existants et à venir de l’Union ; l’intégration de cette dimension dans l’action extérieure de l’UE ; la réduction de l’incertitude grâce à une meilleure intégration de la recherche sur le climat, donc un élargissement des connaissances ; enfin, la participation de la société, des entreprises et du secteur public à l’élaboration de stratégies d’adaptation coordonnées et globales.

Le dernier visa fait référence à la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des normes de performance en matière d'émissions pour les voitures particulières neuves dans le cadre de l'approche intégrée de la Communauté visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules légers. (COM(2007) 0856 final / n° E 3756).

Ce dernier texte tient une place particulièrement importante dans les négociations, comme le ministre d’État, M. Jean-Louis Borloo l’a rappelé au début du débat sur le paquet énergie-climat en séance publique le 18 novembre dernier.

Cette proposition de règlement consiste à fixer un objectif d’émission par véhicule neuf mis sur le marché à partir de 2012, défini en fonction de sa masse. Chaque constructeur se voit fixer un objectif qu’il doit atteindre en moyenne sur l’ensemble de ses véhicules. Le dispositif est élaboré de manière à ce que les objectifs de chacun des constructeurs, cumulés en fonction des ventes, permettent d’atteindre 130 g/km en 2012.

Les rapporteurs de la commission chargée des affaires européennes ont rappelé les débats difficiles sur cette question, les États membres ayant des spécialisations industrielles différentes. Ils estiment, malgré les différentes exigences des commissions chargées de l’industrie et de l’environnement au Parlement européen, qu’un compromis reste envisageable, sur la base de l’accord franco-allemand du 9 juin 2008. Un consensus a en effet été dégagé fin octobre, pour que l’effort de réduction à 130 g/km ne porte, en 2012, que sur 60 % à 65 % de la flotte d’un constructeur avec une évolution graduelle jusqu’à 100 % en 2015. L’ajout d’un objectif de 95 g/km en 2020 a été accepté. Enfin, les pénalités seraient évolutives en fonction de l’ampleur des écarts et augmenteraient fortement après 2015.

Rappelons le succès du dispositif du bonus-malus mis en place en France, qui a permis de réorienter le marché dans des proportions considérables, et l’engagement pris dans le cadre du Grenelle pour un État exemplaire, avec l’achat par l’État de véhicules émettant moins de 130 g de CO2 par kilomètre.

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II.— LES NEUF PRISES DE POSITION

La commission chargée des affaires européennes a voulu s’en tenir aux principes, sans vouloir définir le niveau optimal des seuils, qu’il s’agisse du pourcentage d’affectation des recettes des enchères de quotas de GES, modalités de financement des démonstrateurs de CSC, etc.), souhaitant laisser cette souplesse aux négociateurs.

Dans cette perspective, la proposition de résolution ne balaie pas systématiquement les dispositions des différents textes du paquet énergie climat, mais tient compte avant tout des risques de blocage actuels dans les négociations ; la commission chargée des affaires européennes a fait le choix d’une perspective opérationnelle, plus qu’exhaustive, et son rapport très circonstancié est particulièrement intéressant pour les analyses proposées sur les perspectives d’accord sous présidence française, comme sur la stratégie possible pour l’Europe dans le cadre des négociations internationales.

Compte tenu de l’état de ces négociations, la proposition de résolution accorde une importance particulière à la question des quotas de CO2. Les pays baltes, engagés, aux termes du traité européen, à démanteler leurs centrales nucléaires, posent, en raison de leur situation géographique particulière, un certain nombre de problèmes techniques, matériels et financiers spécifiques. La Pologne est l’exemple le plus significatif d’un deuxième groupe de pays dont l’industrie est sensiblement moins performante au plan énergétique, car très « carbonée ». Enfin, un troisième ensemble de pays est très attentif au coût de la solidarité et à l’utilisation des recettes des différentes mises aux enchères.

Le point 1 (alinéa 11) propose de soutenir pleinement les objectifs ambitieux que l’Europe se fixe à l’horizon 2020, visant à réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre, à accroître de 20 % son efficacité énergétique et à porter à 20 % la part des énergies renouvelables. Ces objectifs correspondent effectivement à l’ampleur du défi du réchauffement climatique et confortent l’Europe dans son rôle moteur dans le cadre des négociations internationales avant l’échéance de la conférence de Copenhague de décembre 2009.

Le point 1 ne vise que les objectifs définis globalement pour l’Europe, sans se prononcer sur les objectifs définis par État membre (pour la France par exemple : 23 % d’ENR dans la consommation d’énergie finale, 14 % de réduction des GES dans les secteurs hors quotas).

La deuxième phrase n’est pas neutre : ainsi selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’objectif européen de limiter le réchauffement climatique à 2 °C s’avérera très difficile à atteindre.

Enfin, ces débats européens sont replacés d’emblée dans le contexte international.

Ce point 1 est conforme au vote de notre Assemblée : l’article 2 du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement affirme que « La lutte contre le changement climatique est placée au premier rang des priorités. Dans cette perspective, est confirmé l’engagement pris par la France de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 ». La France « prendra toute sa part à la réalisation des trois axes du « triple 20 », et allant même au-delà, « la France se fixe comme objectif de devenir l’économie la plus efficiente en équivalent carbone de la Communauté européenne d’ici à 2020 ».

Le point 2 (alinéa 12) s’oppose à l’automaticité d’un passage de 20 à 30 % de la réduction des émissions de gaz à effet de serre en cas de signature d’un accord international et demande que le Conseil et le Parlement européen soient préalablement consultés pour vérifier que les autres pays développés s’engagent à réaliser des réductions d’émissions comparables et que les pays émergents apportent une contribution adaptée à leurs responsabilités et à leurs capacités.

Il doit être clair que ce refus du passage automatique de 20 à 30 % de l’objectif de réduction des émissions de GES porte sur la procédure et non pas sur le fond.

La position du Gouvernement, réaffirmée lors du débat dans l’hémicycle du 18 novembre, et celle de l’Assemblée nationale (affirmée à l’article 2 du projet de loi Grenelle 1) est bien de basculer vers l’objectif de 30 % en cas d’accord international. Le Parlement européen et le Conseil devront toutefois apprécier si l’accord international est satisfaisant : c’est une exigence démocratique compréhensible pour une question de cette importance, et dont les répercussions pour nos entreprises sont considérables. Parmi les critères d’appréciation figurent naturellement le nombre de pays parties prenantes, et l’effort accepté par chacun. Cette consultation ne doit pas donner l’occasion d’abaisser l’objectif final de 30 %.

Le point 3 (alinéa 13) regrette la place secondaire accordée à l’objectif d’efficacité énergétique, alors que les potentialités des économies d’énergie pour réduire les émissions de gaz à effet de serre sont très importantes. A cet égard, il serait opportun que les gouvernements des États membres s’attachent à préserver un « signal-prix » sur les tarifs énergétiques, afin de les maintenir à un niveau incitatif pour la réalisation d’investissements liés aux économies d’énergie, tout en veillant à adopter des mesures d’accompagnement en faveur des plus défavorisés ;

L’efficacité énergétique constitue l’un des trois axes du triple 20. Mais c’est le seul à ne pas faire l’objet de mesures contraignantes, faute de consensus européen en ce sens. La commission des affaires européennes, attentive à cette question depuis longtemps (voir le rapport d’information de M. André Schneider sur le Livre vert de juin 2005 « Comment consommer mieux avec moins »), a souhaité, à juste titre, attirer l’attention sur cette question.

Les débats sur le projet de loi Grenelle 1 ont été marqués par des débats sur l’équilibre à respecter entre différents objectifs : réduction des émissions de CO2, maîtrise de la demande, etc.

Il est également apparu un consensus sur l’importance du signal prix, comme instrument de mise en œuvre de ces politiques : « les mesures nationales visent à intégrer le coût des émissions de gaz à effet de serre dans la détermination des prix des biens et des services ». Cet engagement est significatif : dans son étude d’impact sur le paquet énergie-climat, la Commission européenne estime que, toutes choses égales par ailleurs, le paquet énergie –climat entraînera une hausse des prix de l’électricité de 10 à 15 %. C’est pourquoi il faut prévoir un accompagnement pour les ménages les plus fragiles. L’Assemblée nationale a toutefois naturellement estimé que le lien entre la question du pouvoir d’achat et celle des économies d’énergie était direct : « Les objectifs d’efficacité et de sobriété énergétiques exigent la mise en place de mécanismes d’ajustement et d’effacement de consommation d’énergie de pointe. La mise en place de ces mécanismes passera notamment par la pose de compteurs intelligents pour les particuliers, d’abonnement avec effacement des heures de pointe pour les industriels. La maîtrise de la demande d’énergie constitue la solution durable au problème des coûts croissants de l’énergie pour les consommateurs, et notamment pour les ménages les plus démunis, particulièrement exposés au renchérissement des énergies fossiles. Le programme d’économies d’énergie dans le secteur du logement comprendra des actions ciblées de lutte contre la précarité énergétique» (2).

Cette question fondamentale devra être à nouveau évoquée dans le rapport que le Gouvernement rendra au Parlement à l’automne 2009, conformément à la loi de décembre 2006 relative au secteur de l’énergie. La réflexion sur l’avenir des tarifs réglementés doit prendre en compte la dimension environnementale.

Le point 4 (alinéa 14) refuse une mise aux enchères progressive des quotas du secteur de la production électrique sur l’ensemble de la période 2013-2020 et serait favorable, tout au plus, à l’octroi de dérogations d’ampleur et de durée limitées, sur la base de critères précis, comme celui d’une intégration insuffisante du pays bénéficiaire dans le marché européen de l’électricité ;

Le projet de directive prévoit que les producteurs d’électricité achèteront 100 % de leurs droits d’émission de C02 aux enchères. Certains États, comme la Pologne, redoutent deux types d’effets pervers : d’une part, une hausse du prix de l’électricité en raison du surcoût lié à l’achat de quotas d’émissions d’autre part, un retard en matière d’investissement dans la mesure où l’argent utilisé pour acheter des quotas d’émissions ne sera pas investi dans la modernisation de leurs capacités de production. Pour ces deux raisons, ces États demandent une mise en œuvre progressive, voire très progressive, du taux d’enchères. C’est l’un des deux principaux points de blocage susceptible d’empêcher un accord, la Pologne menaçant d’utiliser son veto.

La présidence française a donc proposé un système de dérogation à la Pologne : dans les pays dont 60 % de l'électricité provient de centrales à charbon, un dispositif dérogatoire limité dans le temps prévoyant un taux d’enchères de 50 % dès 2013 pour atteindre 100 % le plus rapidement possible, selon un calendrier à déterminer. Les associations écologistes ont protesté, estimant que le prix sera le même pour le consommateur, que les quotas soient distribués gratuitement ou mis aux enchères. La différence tiendrait dans le fait que dans le premier cas ce sont les entreprises qui bénéficieront de ces sommes ; dans le second cas, ce seront les États, qui pourront alors les utiliser pour aider les citoyens européens à réduire leur consommation d’énergie ou développer la recherche.

Le point 5 (alinéa 15) prend en compte le besoin de prévisibilité des opérateurs économiques, qui impose de déterminer dès 2009 la liste des secteurs et sous-secteurs à forte intensité d’énergie susceptibles de bénéficier de mesures protectrices au cas où l’accord international n’apporterait pas de garanties suffisantes ;

Sont visés ici les risques de « fuite de carbone » (risques de délocalisation d’industries fortement émettrices de CO2 ou électro-intensives, sans bénéfice pour l’environnement, et au détriment de la compétitivité européenne).

Conformément à la position française, il est proposé de demander à la Commission d’accélérer le calendrier prévu : prévoir des critères précis et quantitatifs permettant de déterminer dès 2009 au lieu de mars 2010 la liste des secteurs soumis à un risque significatif de fuites de carbone. Parmi eux devraient figurer la sidérurgie, la pétrochimie, les producteurs d’ammoniac, d’aluminium ou d’acide nitrique. Les mesures à prendre au cas où l’accord international n’apporterait pas de garanties suffisantes devraient être arrêtées avant le 31 décembre 2010, au lieu de juin 2011.

En l’absence d’un accord international d’ici 2009 (au sommet de Copenhague), plusieurs mécanismes sont possibles pour protéger ces secteurs : soit l’allocation gratuite de l’ensemble des quotas, soit l’inclusion dans l’ETS des importations de même nature (cette dernière possibilité équivalant à une « taxe carbone » à l’importation), soit la combinaison des deux, dans la mesure où le premier correspond à une solution de court et moyen termes, tandis que le second relèverait plutôt d’une solution de moyen et long termes, soit enfin soit la conclusion d’accords sectoriels internationaux pour la réduction des émissions.

Les États-Unis envisagent plutôt un mécanisme d’inclusion carbone dans le cadre de leur propre paquet. L’Allemagne souhaiterait que ne soit retenu qu’un seul critère (benchmark) et le renoncement à la progressivité.

La Commission européenne se réserve, en outre, la possibilité de réexaminer la situation de ces industries tous les trois ans dans le cadre de la comitologie.

Le point 6 (alinéa 16) rappelle que, dans ce cas également, un « ajustement aux frontières », visant à inclure les importateurs dans le système communautaire d’échange des quotas d’émission, doit demeurer une option ouverte et note, à cet égard, qu’un mécanisme similaire est prévu par la récente directive relative au transport aérien ;

La position de la France sur cette question est constante : très tôt dans la négociation, la France a proposé un dispositif visant à inclure les importateurs dans l’ETS européen ; ce dispositif ne s’appliquerait qu’en faveur des secteurs sujets aux risques de fuites de carbone, et à l’encontre des pays tiers qui, à l’issue des négociations internationales, ne s’engageraient pas à prendre des mesures de réduction des émissions de CO2 correspondant à leur capacité.

Les autres États membres les plus sensibles aux questions de compétitivité préfèrent le maintien de l’attribution de quotas gratuits pour les secteurs exposés à la concurrence internationale. Certaines industries craignent les rétorsions de pays tiers. Les travaux du Centre d’analyse stratégique concluent à une probable compatibilité du mécanisme d’ajustement aux frontières avec les règles de l’OMC.

Formellement distincte du paquet énergie-climat, la directive visant à intégrer l’aviation dans l’ETS en 2012 a été adoptée le 24 octobre 2008. Ce secteur n’émet que 2 % des émissions mondiales de CO2, mais ce taux pourrait atteindre 4 % d’ici 2020, ce qui signifie que plus d’un quart des avantages environnementaux liés aux efforts accomplis par la Communauté dans le cadre de la mise en œuvre du protocole de Kyoto auraient pu se trouver neutralisés.

La commission chargée des affaires européennes a souligné le point le plus intéressant dans ce dispositif : il concerne tous les vols à destination ou au départ d’un aéroport communautaire. Cette intégration d’office des compagnies non communautaires dans l’ETS constitue, en quelque sorte, une première ébauche de « l’ajustement aux frontières » envisagé pour préserver la compétitivité de l’industrie européenne, face à des concurrents ne supportant pas les mêmes contraintes environnementales.

Ce point est conforme au projet de loi Grenelle 1 qui dispose que la « France soutiendra la mise en place d’un mécanisme d’ajustement aux frontières pour les importations en provenance des pays qui refuseraient de contribuer à raison de leurs responsabilités et capacités respectives à l’effort mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre après 2012. »

Le point 7 (alinéa 17) approuve l’encadrement quantitatif de l’usage des biocarburants de première génération et demande un renforcement des efforts de recherche sur les véhicules électriques et les véhicules à pile à combustible dans le cadre du plan stratégique pour les technologies énergétiques (SET).

Dans la directive 2003/30/CE, l’Union européenne s’est imposée l’incorporation de 5,75 % de biocarburants dans les carburants liquides en 2010 (en France, aujourd’hui, ce taux est de 3,5 %). Le paquet énergie-climat fixe, de plus, un objectif spécifique et contraignant de 10 % de sources renouvelables dans le secteur des transports en 2020.

Alors que cette obligation semblait faire référence à 10 % de biocarburants à l’échéance 2020, le Conseil Énergie informel de début juillet 2008 a « découvert » que le texte de la proposition de directive ne mentionne que des « sources renouvelables » et ce glissement sémantique permet d’inclure dans le ratio de 10 % d’autres sources comme, par exemple, l’électricité (voire l’hydrogène, mais il est douteux qu’à l’échéance de 2020 ce combustible soit très développé).

Les objectifs fixés pour les biocarburants sont inatteignables sans ceux de première génération, compte tenu des délais de mise en œuvre des techniques de seconde génération.

La commission Environnement du Parlement européen préconise le découpage de l’objectif de 10 % en deux sous-objectifs : au moins 4 % pour les véhicules électriques et les biocarburants de seconde génération ; 6 % pour les biocarburants de première génération. Les parlementaires européens voudraient aussi prévoir un objectif intermédiaire, à l’horizon 2015, de 5 % de carburants d’origine renouvelable (80 % de cet objectif devant être atteint en recourant aux biocarburants de première génération, les 20 % restants en utilisant ceux de seconde génération et l’électricité). La commission Énergie a, enfin, voté en faveur d’une clause de révision en 2014.

Le Conseil Énergie propose des critères qualitatifs dits de « durabilité » plus stricts que ceux prévus initialement par la Commission européenne : ne comptabiliser, à partir de 2009, que les biocarburants assurant une réduction de CO2 d’au moins 35 % par rapport à l’essence ou au diesel traditionnels, ratio qui passerait à 50 % en 2015. Pour la commission Environnement du Parlement européen, il faudrait aller plus loin encore : 45 % en 2009 et 60 % en 2015.

Les négociations ont également permis de préciser la définition des zones qui ne peuvent être affectées à la production de matières premières pour l’élaboration des biocarburants, afin de protéger la biodiversité d’écosystèmes fragiles ou encore la production alimentaire.

L’article 18 du projet de loi Grenelle 1 place la France en conformité avec ces orientations, subordonnant la production de biocarburants en France à des critères de performances énergétiques et environnementales comprenant en particulier ses effets sur les sols et la ressource en eau. La France s’engage à soutenir aux niveaux européen et international la mise en place d’un mécanisme de certification des biocarburants tenant compte de leur impact économique, social et environnemental. Enfin, une priorité sera donnée au développement de la recherche sur les biocarburants de deuxième et de troisième générations.

Le point 8 (alinéa 18) juge nécessaire de trouver dès 2009 des moyens de financement pour les projets de démonstration des technologies de captage et de stockage du carbone ;

Alors que la proposition de directive de la Commission vise essentiellement l’encadrement juridique du CSC, les débats se sont concentrés sur le financement.

Selon l’Agence internationale de l’énergie, le CSC pourrait contribuer à près de 20 % de la réduction requise pour diminuer de moitié les émissions de GES d’ici à 2050. Le déploiement de cette technique encore expérimentale n’est pas prévu avant 2015-2020.

Le Conseil européen a souhaité en mars 2007 soutenir la construction de « jusqu’à 12 » projets de démonstrateurs, dont le coût est estimé à 6 milliards d’euros, mais les États membres ne souhaitent pas utiliser le produit des enchères. Les entreprises électriques excluent d’utiliser leurs fonds propres, demandent un apport financier des États membres. Les modalités de financement font encore l’objet de débat entre le Parlement et le Conseil.

Les commissions environnement et industrie du Parlement européen souhaitent octroyer à ces pilotes une grande partie des quotas mis en réserve pour les nouveaux entrants au sein de l’ETS. Mais ce ne sera possible qu’en 2013 : entre-temps, il faut prévoir d’autres mécanismes (par exemple le fonds du mécanisme de partage des risques mis en place par la BEI dans le cadre du 7ème PCRD). La proposition de résolution choisit de ne pas rentrer dans ces détails, encore débattus. À l’heure actuelle, un compromis semble se dessiner avec le Parlement européen autour d’un financement sur le produit des enchères de l’ordre de 6 milliards d’euros, ce qui permettrait de lancer les premiers démonstrateurs dès 2009.

Deux dispositions ont été adoptées à ce sujet dans le cadre du projet de loi Grenelle 1 : l’article 19, consacré à la recherche, prévoit que la capture et le stockage du dioxyde de carbone seront soutenus par l’organisation d’un cadre juridique adapté et l’allocation de financements particuliers, tandis que l’article 17 dispose que tout projet de construction d’une centrale à charbon devra être conçu de sorte à pouvoir être équipée dans les meilleurs délais d’un dispositif de captage et de stockage du dioxyde de carbone.

Le point 9 (alinéa 19) encourage un renforcement du volet externe du paquet énergie-climat, afin de favoriser un rapprochement avec les pays en développement dans les négociations internationales sur le changement climatique ; suggère, à cette occasion, de prévoir l’affectation d’une partie du produit de la mise aux enchères des quotas en faveur des actions d’adaptation et d’atténuation dans ces pays ; de même, propose d’assouplir les plafonds fixés pour le recours aux mécanismes pour un développement propre (MDP), sous réserve que ne soient pris en compte que ceux réalisés dans le marché réglementé sous l’égide des Nations Unies, à l’exclusion des projets du marché volontaire.

La commission des affaires européennes, contrairement au Sénat, n’a pas souhaité rentrer dans le débat sur la fixation précise du pourcentage d’affectation des recettes des enchères, alors que le Sénat demande quant à lui de rendre obligatoire, et non pas indicative, l’affectation d’une partie des revenus tirés de la mise aux enchères des quotas, à des actions de lutte contre le changement climatique et de transition vers une économie sobre en carbone, et juge nécessaire de porter le taux d’affectation actuellement prévu de 20 % au maximum, à au moins 50 %.

Le paquet énergie climat autorise la délivrance de quotas pour des projets gérés par des États membres destinés à réduire les émissions de GES hors du système ETS.

Sont visés les MDP (mécanismes de développement propre, dans les pays en développement), mais pas les MOC (« mise en œuvre conjointe », dans les pays d’Europe de l’Est hors UE) ni le marché volontaire : la Banque mondiale jugeant que ce dernier manque d’une norme généralement acceptable.

L’aide au développement est un argument dans les négociations internationales. Réunis à Alger les 19 et 20 novembre, une quarantaine de ministres africains ont ainsi décidé le principe de la création d'un groupe de trois ou cinq pays qui les représentera dans la négociation. Ce groupe devrait être opérationnel dès la Conférence de Poznan sur le climat ; le texte évoque aussi une "alliance continentale et intercontinentale sur le climat", ouvrant la porte à une coopération renforcée entre l'Afrique et l'Europe.

Pour autant, la nécessité de préserver le financement de projets de recherche permettant de franchir plus rapidement les ruptures technologiques doit être prise en compte.

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En complément de ces différents points, votre rapporteur propose trois amendements :

– rappelant l’importance de l’énergie nucléaire pour assurer la sécurité d’approvisionnement énergétique et la compétitivité économique sans émission de CO2

La France produit en moyenne 25 % de dioxyde de carbone de moins que les autres États membres - notamment pour la production d'électricité qui est le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre - grâce à l'importance de son parc nucléaire.

Si le nucléaire n’est pas une énergie « renouvelable », c’est une source considérable d’énergie non carbonée ; cette idée fait heureusement son chemin en Europe. La Commission européenne a annoncé deux textes, sur la sécurité et les déchets nucléaires. Alors qu’elle vient de compléter le paquet énergie climat par la présentation d’un plan pour la sécurité énergétique, on ne peut que se réjouir de voir reconnu le lien fondamental entre la sécurité d’approvisionnement et la lutte contre le réchauffement climatique ; ce sont, avec la compétitivité économique, les trois piliers d’une politique énergétique européenne.

– appelant à l’approfondissement du soutien au développement des ENR, notamment par le soutien à la recherche, et soulignant l’importance du solaire

Les objectifs de 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale de l’Europe et de 23 % pour la France sont extrêmement ambitieux. Toutes les étapes du Grenelle de l'environnement ont permis l’émergence d’un consensus pour souligner le caractère prioritaire de la recherche dans le domaine des énergies renouvelables. Le solaire, pour lequel des pays comme le Japon consentent des efforts considérables, constitue un secteur crucial.

– appelant à la poursuite de la réflexion et des expérimentations pour une meilleure prise en compte de la contribution des forêts à la capture du CO2

La France avait été un des premiers pays à porter cette idée lors de la conférence de Bali. La commission Environnement du Parlement européen demande l’inclusion des crédits forestiers dans le système communautaire d’échanges de quotas d’émissions, ce que la Commission européenne refuse encore. Dans une communication publiée le 15 octobre 2008, elle estime que ce serait irréaliste, car les émissions dues à la déforestation sont trois fois plus élevées que le volume des émissions régulées par l’ETS. Dans ces conditions, elle juge qu’autoriser des entreprises à acheter des crédits dits « de déforestation évitée » générés par des projets forestiers mis en œuvre au titre du mécanisme de développement propre (MDP), aurait pour effet de créer des déséquilibres dans le système. Plusieurs États membres ont rejoint la position française sur la forêt.

Comme l’indiquait le rapport d’évaluation sur les projets domestiques de la Caisse des dépôts et consignations dès 2005, « par l’attribution aux États d’actifs carbone liés à la séquestration, le système Kyoto promeut la séquestration passive des stocks de carbone dans les forêts gérées, au lieu d’encourager le prélèvement et l’utilisation des matériaux et énergies à base de bois( …) Il nous semble pertinent d’élaborer (…) en prévision de l’horizon post 2012 un système dans lequel les producteurs de bois qui gèrent leur forêt de façon durable et ont obtenu une écocertification seraient incités à récolter et à transformer leurs bois par l’attribution d’actifs carbone de séquestration. Ces actifs carbone pourraient être échangés et monétarisés sur un marché d’actifs carbone, qu’il soit européen ou international ».

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du 25 novembre 2008 la commission a examiné, sur le rapport de M. Serge Poignant, la proposition de résolution sur le paquet énergie-climat (n° 1261) adoptée par la Commission des affaires européennes.

Après l’intervention de M. Serge Poignant, rapporteur, les orateurs des groupes ont pris la parole.

M. Philippe Tourtelier. Nous sommes parfaitement d’accord sur les objectifs du trois fois 20, l’avancement de la date de publication des secteurs soumis à un risque de fuites de carbone, l’encadrement des biocarburants et le financement du captage et du stockage du carbone, et nous déplorons, nous aussi, la place secondaire accordée à l’objectif d’efficacité énergétique.

Nous sommes favorables à la mise aux enchères des quotas de CO2 mais, comme me le faisait remarquer à juste titre à l’instant François Brottes, dès qu’il y a enchères, il y a spéculation. Comment peut-on empêcher cette dernière ?

Sur plusieurs autres points, le groupe socialiste propose des amendements oraux.

À l’alinéa 19, concernant les pays en développement, il est écrit que l’Assemblée nationale « suggère, à cette occasion, de prévoir l’affectation d’une partie du produit de la mise aux enchères des quotas en faveur des actions d’adaptation et d’atténuation dans ces pays ; ». Le verbe « suggère » et les mots « une partie du produit » sont insuffisants. Il faut être plus offensif. Je propose de les remplacer respectivement par « demande » et « au moins 20 % du produit ».

Par ailleurs, j’estime qu’on donne un mauvais signal avant les négociations de Copenhague.

Premièrement, à l’alinéa 16, on présente l’« ajustement aux frontières » comme une menace en cas de non-réussite. Or, comme le soulignait à juste titre un participant à la conférence qui s’est tenue à Lyon ce week-end, on devrait le présenter comme un élément de la négociation internationale de Copenhague. Cela suppose de supprimer, dans cet alinéa, les mots «, dans ce cas également, ».

Deuxièmement, à l’alinéa 12, l’opposition à l’automaticité d’un passage de 20 à 30 % me gêne énormément. Cela signifie que l’on anticipe un échec des négociations de Copenhague. Or la présidence française a déclaré en juin vouloir se caler le plus possible sur les propositions de la Commission – et c’est une proposition de cette dernière, que le Grenelle a reprise. Je trouve que c’est un recul. C’est pourquoi je proposerai de supprimer cet alinéa 12.

Je proposerai, enfin, deux ajouts pouvant s’insérer après l’alinéa 19.

Le premier tend à rappeler les objectifs concernant les émissions de CO2 s’appliquant aux voitures. Dans un contexte où chaque pays défend son industrie automobile, l’accord qui a été conclu désavantage les voitures françaises. Le Parlement devrait, nous semble-t-il, « réaffirmer la nécessité de prendre en compte l’objectif de 130 g/km de CO2 pour les voitures neuves à partir de 2012, avec des pénalités dissuasives si les objectifs ne sont pas atteints » ou – amendement de repli – « réaffirmer la nécessité de prendre en compte l’objectif de 95 g/km de CO2 pour les voitures neuves d’ici 2030, avec un échelonnement des efforts de réduction et des pénalités dissuasives si les objectifs ne sont pas atteints », afin de défendre aussi l’industrie automobile française.

Le second ajout a pour objet de « demander que l’Union européenne fasse un bilan, en particulier en termes de prix, de l’ouverture à la concurrence des marchés du gaz et de l’électricité ».

M. Jean-Pierre Nicolas. Nous nous réjouissons tous que l’Europe ait pris à bras-le-corps les problèmes énergétiques et climatiques. Les objectifs du « paquet énergie-climat » – 3×20 : 20 % d’énergies renouvelables, +20 % d’efficacité énergétique et -20 % d’émission de CO2 – sont louables. J’y ajouterai les +10 % de biocarburants, notamment de deuxième génération.

Si l’Europe n’avait pas pris ces décisions, des pays comme la Chine, l’Inde ou le Brésil n’auraient jamais accepté de diminuer leurs émissions de gaz carbonique puisqu’ils tiennent l’Europe du Nord pour responsable de la pollution mondiale.

Il est à souhaiter que les négociations qui vont avoir lieu débouchent très rapidement sur un consensus, ne serait-ce que sur la question des échanges de quotas d’émission de gaz carbonique.

Nous devrons nous montrer très volontaires sur l’objectif de « 23 % d’énergies renouvelables » que s’est fixé la France, contre 20 % pour l’Europe. J’ai bien noté le deuxième amendement présenté par Serge Poignant recommandant de renforcer les programmes de recherche en matière d’énergies renouvelables, particulièrement dans le domaine du solaire photovoltaïque. L’énergie éolienne déclenche souvent les passions. Je rappelle quand même que, sur les 564 térawattheures d’électricité produits en France l’année dernière, l’éolien en a produit 4. Il faut donc ramener ce dernier à sa juste valeur et à ses justes coûts.

Comme la meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas, il est extrêmement intéressant de mettre l’accent sur l’efficacité énergétique. Si j’ai bien lu le Grenelle, les trois quarts des frais d’isolation doivent être couverts par des économies d’énergie.

Nous viendrons rapidement aux véhicules électriques. Il en existe déjà. J’ai eu l’occasion d’en conduire et ils fonctionnent très bien. Ils utiliseront peut-être la pile à combustible.

Les biocarburants de deuxième génération permettent d’utiliser la plante complète et sont infiniment plus performants que ceux de première génération. Ils n’entrent pas en concurrence avec les surfaces alimentaires.

Le nucléaire doit garder une place importante. La France est un pays à part en ce domaine, mais il devra passer rapidement du système à neutrons thermiques – qui transforme 0, 6 % de l’uranium qu’il consomme – au système à neutrons rapides – qui transforme 60 % de l’uranium qui lui est fourni. Je rappelle que le nucléaire n’émet pas de gaz carbonique.

Dernièrement, un journaliste qui interviewait en même temps M. Tourtelier et moi-même voulait nous opposer. Or il n’y a pas d’opposition à avoir sur un sujet planétaire et de citoyenneté. Il faut que l’économie soit plus respectueuse du climat, des citoyens et des entreprises, sans oublier le développement économique, source d’emplois.

M. Daniel Paul. Comme je l’ai déjà indiqué lors de la discussion en séance publique sur le « paquet énergie-climat », les propositions faites par le Gouvernement et les instances européennes concernant le 3×20 ne me posent pas de problèmes. Chacun est, fort heureusement, devenu conscient des efforts à fournir.

Cela étant, j’estime, comme mes collègues socialistes, qu’un bilan de l’ouverture à la concurrence des marchés du gaz et de l’énergie, notamment de ses conséquences sur les tarifs, est nécessaire. Un petit groupe de travail s’est d’ailleurs constitué à ce sujet.

Il faut également être attentifs aux conséquences sur les secteurs industriels de tout ce qui a trait aux problèmes de l’énergie et à l’évolution des obligations imposées en la matière.

Il faut aussi mettre l’accent sur l’importance de l’énergie nucléaire. Je voterai à ce sujet le premier amendement proposé par le rapporteur. L’énergie nucléaire ne produisant pas de CO2, les décisions prises par les instances européennes sont regrettables.

L’institution, par contre, d’un marché du CO2 me pose un problème majeur dans un système libéral mondialisé qui cherche à « faire du fric » avec tout.

Un système identique a été mis en place, il y a une trentaine d’années, aux États-Unis pour lutter contre d’autres émissions. Il a fonctionné à peu près correctement parce qu’il s’appliquait sur un marché très restreint. Sur un marché aussi large et mondialisé que celui du CO2, il y a fort à craindre que l’on n’assiste aux mêmes dérives que celles que l’on déplore depuis quelques mois dans le domaine financier et industriel, d’autant que ce marché du CO2 sera extrêmement lucratif. Il y a sans doute d’autres moyens à utiliser.

Je me trouve, en quelque sorte, devant un casus belli. Je ne saurais donc approuver cette proposition de résolution, même amendée, du fait de l’institution d’un marché du CO2. Je voterai contre.

La Commission adopte un amendement du rapporteur visant, dans un alinéa s’insérant après l’alinéa 11 de la proposition de résolution, à rappeler l’importance de l’énergie nucléaire pour assurer la sécurité d’approvisionnement énergétique et la compétitivité sans émission de CO2.

Après avis défavorable du rapporteur, elle rejette un amendement de M. Philippe Tourtelier tendant à supprimer l’alinéa 12.

Après avis favorable du rapporteur, elle adopte, à l’unanimité, un amendement de M. Philippe Tourtelier visant, à l’alinéa 16, à supprimer les mots « , dans ce cas, » et, en conséquence, à remplacer le mot « que » par le mot « qu’ ».

La Commission adopte, également à l’unanimité, deux amendements du rapporteur tendant respectivement à insérer, après l’alinéa 17, un alinéa en faveur du renforcement et d’une meilleure coordination européenne des programmes de recherche scientifique et technologique en matière d’énergies renouvelables, particulièrement dans le domaine du solaire photovoltaïque, et, après l’alinéa 18, un alinéa prônant l’approfondissement de la réflexion et des expérimentations relatives à l’inclusion des forêts dans le marché du carbone.

La Commission examine ensuite deux amendements de M. Philippe Tourtelier visant, dans l’alinéa 19, respectivement à remplacer le mot « suggère » par le mot « demande », et à substituer aux mots « une partie du produit » les mots « au moins 20 % du produit ».

Après avis favorable du rapporteur, elle adopte, à l’unanimité, le premier de ces deux amendements.

Après avis défavorable du rapporteur, elle rejette le second.

Enfin, après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette trois amendements de M. Philippe Tourtelier, tendant respectivement, après l’alinéa 19, à réaffirmer la nécessité de prendre en compte, pour les voitures neuves, l’objectif de 130 g/km de CO2 à partir de 2012, l’objectif de 95 g/km de CO2 d’ici à 2020, et à demander à l’Union européenne de dresser un bilan, en particulier en termes de prix, de l’ouverture à la concurrence des marchés du gaz et de l’énergie.

La Commission adopte la proposition de résolution ainsi modifiée.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


L’Assemblée nationale,


Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE afin d'améliorer et d'étendre le système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (COM [2008] 16 final / n° 3771),


Vu la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l'effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu'en 2020 (COM [2008] 17 final / n° E 3772),


Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au stockage géologique du dioxyde de carbone et modifiant les directives 85/337/CEE et 96/61/CE du Conseil, ainsi que les directives 2000/60/CE, 2001/80/CE, 2004/35/CE, 2006/12/CE et le règlement (CE) n° 1013/2006 (COM [2008] 18 final / n° E 3774),


Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables (COM [2008] 19 final / n° E 3780),


Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 98/70/CE en ce qui concerne les spécifications relatives à l'essence, au carburant diesel et aux gazoles ainsi que l'introduction d'un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant des carburants utilisés dans le transport routier, modifiant la directive 1999/32/CE du Conseil en ce qui concerne les spécifications relatives aux carburants utilisés par les bateaux de navigation intérieure et abrogeant la directive 93/12/CEE (COM [2007] 18 final / n° E 3452),


Vu le Livre vert sur les instruments fondés sur le marché en faveur de l'environnement et des objectifs politiques connexes (COM [2007] 140 final / n° E 3494),


Vu le Livre vert présenté par la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions. Adaptation au changement climatique en Europe : les possibilités d'action de l'Union européenne (COM [2007] 354 final / n° E 3573),


Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des normes de performance en matière d'émissions pour les voitures particulières neuves dans le cadre de l'approche intégrée de la Communauté visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules légers. (COM(2007) 0856 final / n° E 3756),


1. soutient pleinement les objectifs ambitieux que l’Europe se fixe à l’horizon 2020, visant à réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre, à accroître de 20 % son efficacité énergétique et à porter à 20 % la part des énergies renouvelables. Ces objectifs correspondent effectivement à l’ampleur du défi du réchauffement climatique et confortent l’Europe dans son rôle moteur dans le cadre des négociations internationales avant l’échéance de la conférence de Copenhague de décembre 2009 ;


bis. rappelle l’importance de l’énergie nucléaire pour assurer la sécurité d’approvisionnement énergétique et la compétitivité économique sans émission de CO2 ;


2. s’oppose à l’automaticité d’un passage de 20 à 30 % de la réduction des émissions de gaz à effet de serre en cas de signature d’un accord international et demande que le Conseil et le Parlement européen soient préalablement consultés pour vérifier que les autres pays développés s’engagent à réaliser des réductions d’émissions comparables et que les pays émergents apportent une contribution adaptée à leurs responsabilités et à leurs capacités ;


3. regrette la place secondaire accordée à l’objectif d’efficacité énergétique, alors que les potentialités des économies d’énergie pour réduire les émissions de gaz à effet de serre sont très importantes. A cet égard, il serait opportun que les gouvernements des Etats membres s’attachent à préserver un « signal-prix » sur les tarifs énergétiques, afin de les maintenir à un niveau incitatif pour la réalisation d’investissements liés aux économies d’énergie, tout en veillant à adopter des mesures d’accompagnement en faveur des plus défavorisés ;


4. refuse une mise aux enchères progressive des quotas du secteur de la production électrique sur l’ensemble de la période 2013-2020 et serait favorable, tout au plus, à l’octroi de dérogations d’ampleur et de durée limitées, sur la base de critères précis, comme celui d’une intégration insuffisante du pays bénéficiaire dans le marché européen de l’électricité ;


5. comprend le besoin de prévisibilité des opérateurs économiques, qui impose de déterminer dès 2009 la liste des secteurs et sous-secteurs à forte intensité d’énergie susceptibles de bénéficier de mesures protectrices au cas où l’accord international n’apporterait pas de garanties suffisantes ;


6. rappelle qu’un « ajustement aux frontières », visant à inclure les importateurs dans le système communautaire d’échange des quotas d’émission, doit demeurer une option ouverte et note, à cet égard, qu’un mécanisme similaire est prévu par la récente directive relative au transport aérien ;


7. approuve l’encadrement quantitatif de l’usage des biocarburants de première génération et demande un renforcement des efforts de recherche sur les véhicules électriques et les véhicules à pile à combustible dans le cadre du plan stratégique pour les technologies énergétiques (SET);


bis. demande en outre un renforcement et une meilleure coordination européenne des programmes de recherche scientifique et technologique en matière d’énergies renouvelables, particulièrement dans le domaine du solaire photovoltaïque ;


8. juge nécessaire de trouver dès 2009 des moyens de financement pour les projets de démonstration des technologies de captage et de stockage du carbone ;


bis. souhaite l’approfondissement de la réflexion et des expérimentations relatives à l’inclusion des forêts dans le marché du carbone ;


9. encourage un renforcement du volet externe du paquet énergie-climat, afin de favoriser un rapprochement avec les pays en développement dans les négociations internationales sur le changement climatique ; demande, à cette occasion, de prévoir l’affectation d’une partie du produit de la mise aux enchères des quotas en faveur des actions d’adaptation et d’atténuation dans ces pays ; de même, propose d’assouplir les plafonds fixés pour le recours aux mécanismes pour un développement propre (MDP), sous réserve que ne soient pris en compte que ceux réalisés dans le marché réglementé sous l’égide des Nations Unies, à l’exclusion des projets du marché volontaire.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Après l’alinéa 11

Amendement présenté par M. Serge Poignant (adopté) :

Insérer l’alinéa suivant :

« 1 bis. Rappelle l’importance de l’énergie nucléaire pour assurer la sécurité d’approvisionnement énergétique et la compétitivité économique sans émission de CO2 ; ».

Alinéa 12

Amendement présenté par M. Philippe Tourtelier (rejeté) :

Supprimer cet alinéa.

Alinéa 16

Amendement présenté par M. Philippe Tourtelier (adopté) :

Substituer aux mots : « que, dans ce cas également, », le mot : «qu’ ».

Après l’alinéa 17

Amendement présenté par M. Serge Poignant (adopté) :

Insérer l’alinéa suivant :

« 7 bis. Demande en outre un renforcement et une meilleure coordination européenne des programmes de recherche scientifique et technologique en matière d’énergies renouvelables, particulièrement dans le domaine du solaire photovoltaïque ; ».

Après l’alinéa 18

Amendement présenté par M. Serge Poignant (adopté) :

Insérer l’alinéa suivant :

« 8 bis. Souhaite l’approfondissement de la réflexion et des expérimentations relatives à l’inclusion des forêts dans le marché du carbone ; »

Alinéa 19

Amendement présenté par M. Philippe Tourtelier (adopté) :

Substituer au mot : « suggère », le mot : « demande ».

Amendement présenté par M. Philippe Tourtelier (rejeté) :

Substituer aux mots : « une partie du produit », les mots : « au moins 20 % du produit ».

Après l’alinéa 19

Amendements présentés par M. Philippe Tourtelier (rejetés) :

•  Insérer l’alinéa suivant :

« - réaffirme la nécessité de prendre en compte l’objectif de 130 g/km de CO2 pour les voitures neuves à partir de 2012, avec des pénalités dissuasives si les objectifs ne sont pas atteints »

•  Insérer les alinéas suivants :

« - réaffirme la nécessité de prendre en compte l’objectif de 95 g/km de CO2 pour les voitures neuves d’ici 2030, avec un échelonnement des efforts de réduction et des pénalités dissuasives si les objectifs ne sont pas atteints »

« - demande que l’Union européenne fasse un bilan, en particulier en termes de prix, de l’ouverture à la concurrence des marchés du gaz et de l’électricité ».

© Assemblée nationale

1 () Voir le rapport 29 mai 2008 rapport fait au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire sur la proposition de résolution (n° 887) de M. André Schneider, rapporteur de la délégation pour l’union européenne, sur le troisième paquet de libéralisation du marché de l’énergie, par M. Jean-Claude Lenoir. Procédure originale, un groupe de travail conjoint à la délégation et à la commission avait permis un travail commun très en amont.

2 () Article 2 du projet de loi Grenelle 1.