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N° 1289

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 décembre 2008.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (N° 1239), MODIFIÉ PAR LE SÉNAT, relatif à la protection du secret des sources des journalistes,

PAR M. Étienne BLANC,

Député.

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 735, 771 et T.A. 145.

Sénat : 341, 420 (2007-2008) et T.A. 11 (2008-2009).

INTRODUCTION 5

I. UN PROJET DE LOI DONT L’ADOPTION RAPIDE EST SOUHAITABLE … 7

A. LA PROTECTION DES SOURCES DES JOURNALISTES EST LE COROLLAIRE DIRECT DE LA LIBERTÉ DE LA PRESSE 7

B. LE RESPECT DU PRINCIPE DE LA PROTECTION DES SOURCES EST SANCTIONNÉ PAR LA COUR EUROPÉENNE DE STRASBOURG 7

C. NOTRE DROIT POSITIF NE GARANTIT PAS CE PRINCIPE DE MANIÈRE SATISFAISANTE 9

II. … D’AUTANT QUE L’EXAMEN DU PROJET PAR LE SÉNAT, TOUT EN CONFORTANT SA PHILOSOPHIE GÉNÉRALE, A PERMIS D’EN AMÉLIORER LA RÉDACTION 11

A. UN TRÈS LARGE ACCORD SUR LES LIGNES DIRECTRICES DU PROJET 11

1. Nécessité de mieux protéger le secret des sources des journalistes sans l’ériger en principe absolu qui serait dépourvu d’exceptions 11

a) Mieux protéger le secret des sources journalistiques 11

b) Prévoir des exceptions légitimes au principe 11

2. Nécessité de protéger l’ensemble de la chaîne de l’information 12

3. Reconnaissance au profit des journalistes d’un droit absolu de taire leurs sources tout au long de la procédure pénale 12

4. Renforcement des garanties procédurales au cours des investigations menées par la Justice 12

a) Lors des perquisitions 13

b) Dans le cadre de réquisitions judiciaires ou d’écoutes téléphoniques 14

B. DE NOUVELLES AVANCÉES ONT ÉTÉ APPORTÉES AU TEXTE PAR LE SÉNAT 14

1. Certaines ambiguïtés ont été levées 14

a) La définition explicite des « atteintes indirectes » au secret des sources 14

b) La précision des conditions requises pour porter atteinte au secret des sources journalistiques en matière de réquisitions judiciaires ou d’écoutes téléphoniques 15

2. Des précisions utiles ont été apportées 15

a) Les conditions requises pour pouvoir porter atteinte au secret des sources dans le cadre d’une procédure pénale 15

b) La prise en compte du recel de violation du secret professionnel 16

C. UN POINT PLUS DÉLICAT : LA SUPPRESSION DE LA NOTION D’ « INTÉRÊT GÉNÉRAL » 17

DISCUSSION GÉNÉRALE 19

EXAMEN DES ARTICLES 22

Article 1er [articles 2 et 35 de la loi du 29 juillet 1881] : Consécration législative du principe général de la protection du secret des sources journalistiques – Diffamation et respect des droits de la défense 22

Article 2 [article 56-2 du code de procédure pénale] : Accroissement des garanties procédurales en cas de perquisition concernant un journaliste 28

Article 2 bis [article 56-1 du code de procédure pénale] : Coordination avec les règles de perquisition applicables aux avocats 32

Après l'article 2 bis 32

Article 3 [articles 326 et 437 du code de procédure pénale] : Extension du droit du journaliste entendu comme témoin de taire ses sources 32

Après l'article 3 34

Article 3 bis [articles 60-1, 77-1 et 99-3 du code de procédure pénale] : Nullité des réquisitions judiciaires portant atteinte au secret des sources des journalistes 35

Article 3 ter [article 100-5 du code de procédure pénale] : Nullité des transcriptions de correspondance portant atteinte au secret des sources des journalistes 36

TABLEAU COMPARATIF 38

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 45

MESDAMES, MESSIEURS,

Notre Assemblée est saisie en deuxième lecture du projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes.

Notre droit n’a jusqu’ici pas érigé le principe de la protection du secret des sources journalistiques comme règle générale : depuis la loi du 4 janvier 1993 est seulement reconnu aux journalistes un droit de non-divulgation de leurs sources lorsqu’ils sont entendus comme témoins dans le cadre d’une procédure d’instruction (article 109 du code de procédure pénale).

Or il est urgent pour notre pays de se doter enfin d’une législation plus ferme en la matière car la Cour européenne des droits de l’Homme a consacré depuis dix ans la protection des sources journalistiques comme « l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse ». Déjà condamnée plusieurs fois, la France risquerait de l’être à nouveau pour ses pratiques insuffisamment protectrices du secret des sources.

Répondant à cette nécessité, mais aussi à l’attente des journalistes, qui réclament depuis de nombreuses années déjà des aménagements du régime juridique qui leur est opposable, et réalisant un engagement pris par le Président de la République lors de la campagne pour l’élection présidentielle, le présent projet de loi, adopté par le Conseil des ministres le 12 mars dernier, entend renforcer la liberté d’exercice du métier de journaliste, ainsi que, de manière plus générale, la crédibilité dont les journalistes pourront se prévaloir auprès de leurs informateurs en affirmant de manière solennelle et absolue le principe de la protection du secret de leurs sources et en tirant les conséquences de ce principe en matière de procédure pénale. Il consacre ainsi, au sein de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un principe général et complète les dispositifs applicables en matière pénale pour permettre aux journalistes de s’opposer plus efficacement à la remise en cause de leur droit au silence et de bénéficier, dans le cadre de perquisitions effectuées sur leur lieu de travail ou à leur domicile de garanties procédurales renforcées.

Lors de son examen du projet de loi en première lecture le 15 mai dernier, notre Assemblée avait sensiblement modifié le texte, adoptant pas moins de vingt-deux amendements, dont dix-sept avaient été adoptés par votre Commission. Votre rapporteur avait présenté ces amendements dans le souci de répondre aux interrogations et inquiétudes qu’avait suscitées auprès des professionnels qu’il avait entendus la version initiale du projet de loi et notamment de réduire les incertitudes juridiques qui pesaient encore sur le travail d’enquête et d’investigation des journalistes.

Le Sénat a adopté le projet de loi en première lecture le 5 novembre dernier, apportant à son tour des modifications parfois substantielles ; seize amendements ont été adoptés, à l’initiative du rapporteur M. François-Noël Buffet, dont l’un insère un nouvel article 2 bis qui procède à des coordinations.

A l’issue de ces deux lectures, si seulement un article a été adopté dans les mêmes termes, il se dégage un très large accord sur le fond du texte entre les deux assemblées. Toutes deux ont affirmé leur souhait de voir consacré dans la loi le principe de la protection du secret des sources des journalistes, souhaitant adresser un signal fort à la profession en faveur de la liberté de la presse, d’une presse d’investigation, pluraliste et indépendante.

Les deux assemblées sont parvenues au bout de leur recherche du juste équilibre entre les nécessités de l’enquête judiciaire et les garanties de la liberté de la presse, du juste équilibre entre deux institutions, toutes deux à la recherche de la vérité, du juste équilibre entre deux secrets, secret de l’enquête et de l’instruction et secret des sources. Lors de l’examen du projet de loi par le Sénat, le rapporteur François-Noël Buffet a résumé les termes de l’équation qu’il nous appartenait de résoudre : « ces deux légitimités dans une société démocratique sont évidemment amenées à se heurter dès lors que la recherche de la vérité par l’une passe précisément par la connaissance, voire la divulgation, des informations couvertes par le secret de l’autre ».

Le présent projet de loi, tel qu’amendé par les deux assemblées, définit désormais de manière satisfaisante le cadre juridique de leur coexistence.

I. UN PROJET DE LOI DONT L’ADOPTION RAPIDE EST SOUHAITABLE …

A. LA PROTECTION DES SOURCES DES JOURNALISTES EST LE COROLLAIRE DIRECT DE LA LIBERTÉ DE LA PRESSE

Le rôle du journaliste est d’informer les citoyens en rendant publics les faits et événements dont il a connaissance. Ce rôle d’information implique la recherche d’éléments susceptibles d’éclairer le public, par des canaux plus ou moins officiels, qu’il lui appartient de vérifier et de recouper, et qui constituent ses sources.

Dans l’exercice de sa profession, le journaliste peut être confronté de diverses manières à la justice : il peut lui être demandé d’apporter la preuve des informations (« exceptio veritatis ») qu’il a publiées lorsqu’il est par exemple accusé de diffamation ; les enquêteurs peuvent également vouloir l’entendre dans leur recherche d’éléments de preuve sur une affaire dans laquelle il a également enquêté.

La justice n’exige à l’évidence pas en permanence de la presse qu’elle révèle ses sources ; elle ne le fait que pour certains sujets sensibles pour l’opinion publique et, plus fréquemment, lorsqu’ont été divulguées des informations confidentielles à l’insu du juge en charge d’une affaire. Tout dépend donc du sujet traité et, partant, du choix initial du journaliste quant au domaine de ses investigations. Il reste que cette liberté de choix apparaît étroitement corrélée à la liberté d’information.

Dès lors, la liberté de la presse ne se conçoit pas sans que soient apportées des garanties aux journalistes dans l’exercice de leur profession et, notablement, sans que soit protégé le secret de leurs sources : la possibilité pour un journaliste de taire l’origine de ses informations permet d’éviter un tarissement de ses sources et favorise donc une réelle liberté d’informer. Il serait sans doute extrêmement difficile pour les journalistes de mener des enquêtes approfondies si les témoins qu’ils sollicitent n’avaient pas l’assurance de pouvoir s’exprimer sans courir le risque de voir leur identité révélée ou leur situation sociale remise en cause. « Qui cite ses sources, les tarit » dit l’adage.

B. LE RESPECT DU PRINCIPE DE LA PROTECTION DES SOURCES EST SANCTIONNÉ PAR LA COUR EUROPÉENNE DE STRASBOURG

L’article 10 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales garantit le droit à la liberté d’expression tout en précisant les motifs qui peuvent légitimer les atteintes au principe.

Article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme
et des Libertés fondamentales

« Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »

La Cour européenne des droits de l’Homme est régulièrement amenée à expliciter cette disposition. Elle a progressivement construit une théorie générale dans laquelle elle s’est posée en gardienne sourcilleuse des droits de la presse et, notamment, de la protection de ses sources.

Dans l’arrêt « Goodwin c/ Royaume-Uni de Grande-Bretagne » du 27 mars 1996 la Cour de Strasbourg a pour la première fois posé le principe de la liberté du journaliste de ne pas révéler ses sources, estimant que « la protection des sources journalistiques est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse », ajoutant à l’appui de sa démonstration que « l’absence d’une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d’aider la presse à informer le public sur des questions d’intérêt général. En conséquence, la presse pourrait être moins à même de jouer son rôle indispensable de « chien de garde » et son aptitude à fournir des informations précises et fiables pourrait s’en trouver amoindrie ». Il ressort de cette jurisprudence que condamner un journaliste pour détention d’un document obtenu loyalement, mais soumis au secret, équivaut à cantonner le rôle de la presse à la diffusion d’informations officielles, ce qui entre en totale contradiction avec l’intérêt de la société démocratique qui est d’assurer et de maintenir la liberté de l’information. Il en résulte également que les journalistes sont fondés à ne pas révéler leurs sources à l’autorité judiciaire, sauf à ce que celle-ci justifie d’un « impératif prépondérant d’intérêt public ».

À la suite de cet important arrêt, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté en mars 2000 une recommandation (1) invitant les États membres à « prévoir une protection explicite et claire du droit des journalistes de ne pas divulguer les informations identifiant une source ». Ce texte reconnaît la possibilité de prévoir des exceptions à cette protection, justifiées par l’existence d’un « impératif prépondérant d’intérêt public », tout en insistant sur le fait que les restrictions à apporter à la protection du secret des sources doivent respecter la prééminence du droit de non-divulgation.

Par la suite, l’arrêt « Roemen et Schmit c/ Luxembourg » du 25 février 2003 a donné un éclairage complémentaire à la jurisprudence Goodwin en matière de perquisitions, dont la Cour a estimé qu’elles ont par nature un effet encore plus conséquent sur la protection des sources qu’une sommation de divulgation de l’identité des sources – cas de l’affaire Goodwin. Elle a jugé que dans le cas d’espèce d’autres mesures auraient sans doute permis de parvenir aux mêmes résultats.

Dans l’arrêt « Fressoz et Roire c/ France » du 21 janvier 1999, la Cour a rappelé que l’article 10 de la Convention, « par essence, laisse aux journalistes le soin de décider s’il est nécessaire ou non de reproduire le support de leurs informations pour en asseoir la crédibilité. Il protège le droit des journalistes de communiquer des informations sur les questions d’intérêt général dès lors qu’ils s’expriment de bonne foi, sur la base de faits exacts, et fournissent des informations fiables et précises dans le respect de l’éthique journalistique ».

Si la France n’est certainement pas le pays membre du Conseil de l’Europe dont la législation s’avère la plus éloignée de ses engagements internationaux, il apparaît que d’autres pays européens ont des législations plus libérales, à l’instar de l’Autriche, de la Suède ou de la Belgique (2). Déjà condamné plusieurs fois, notre pays risquerait l’être à nouveau pour ses pratiques insuffisamment protectrices du secret des sources. C’est pourquoi l’adoption rapide du présent projet de loi est souhaitable.

C. NOTRE DROIT POSITIF NE GARANTIT PAS CE PRINCIPE DE MANIÈRE SATISFAISANTE

À l’heure actuelle, notre droit ne traduit le principe du secret des sources que par des dispositions indirectes qui n’assurent qu’une protection partielle de ce secret : l’article 109 du code de procédure pénale reconnaît aux journalistes un droit au silence lorsqu’ils sont entendus comme témoins par un juge d’instruction, cas cependant étendus par la pratique à l’ensemble de la procédure pénale.

L’article 56-2 du même code précise le régime applicable aux perquisitions dans les locaux des entreprises de presse ou de communication audiovisuelle, prévoyant qu’elles ne peuvent être effectuées que par un magistrat –le juge d’instruction, si une information judiciaire est ouverte, ou le procureur de la République, dans le cadre d’une enquête préliminaire – qui est chargé de veiller à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au « libre exercice de la profession de journaliste » et ne constituent pas un obstacle ou n’entraînent pas un retard injustifié à la diffusion de l’information.

Dans sa rédaction actuelle, cet article présente un certain nombre de limites, déjà analysées par votre rapporteur en première lecture : ne sont tout d’abord concernées que les perquisitions dans les entreprises de presse et de communication audiovisuelle, à l’exclusion des locaux des agences de presse (3), des agences de communication en ligne et du domicile des journalistes, alors que ces derniers sont de plus en plus amenés à travailler chez eux. Le champ couvert par cet article ne semble donc plus en adéquation avec les réalités actuelles de l’exercice de la profession journalistique.

Ensuite, les journalistes n’étant pas organisés en ordre professionnel, ils ne bénéficient pas d’une protection similaire à celle accordée, par exemple, aux avocats par l’article 56-1 du code de procédure pénale, qui prévoit la présence du bâtonnier de l’ordre.

Enfin, la notion d’« atteinte au libre exercice de la profession de journaliste » ouvre la voie à beaucoup d’interprétations. Ne sachant pas à l’avance quelles seront les découvertes effectuées à l’occasion de la perquisition d’un local de presse, le magistrat instructeur ou du parquet ne peut savoir a priori si cette démarche est de nature à constituer ou pas un obstacle ou un retard injustifié à la diffusion de l’information.

Ajoutons que la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a institué au profit des officiers de police judiciaire un droit de réquisition de documents intéressant l’enquête, englobant notamment les éléments issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives. Dans le cas des entreprises de presse, l’article 60-1 du code de procédure pénale prévoit que, si le secret professionnel n’est pas opposable, la remise des documents demandés ne peut intervenir qu’avec l’accord des journalistes.

Au total, en dépit du cadre fixé par le législateur, le régime des perquisitions et des saisies dans les locaux des entreprises de presse peut constituer un moyen efficace de contournement du droit au silence des journalistes.

Le projet de loi tel qu’amendé par les deux assemblées permet de retrouver un bon équilibre entre liberté de la presse et efficacité des investigations judiciaires.

II. … D’AUTANT QUE L’EXAMEN DU PROJET PAR LE SÉNAT, TOUT EN CONFORTANT SA PHILOSOPHIE GÉNÉRALE, A PERMIS D’EN AMÉLIORER LA RÉDACTION

A. UN TRÈS LARGE ACCORD SUR LES LIGNES DIRECTRICES DU PROJET

1. Nécessité de mieux protéger le secret des sources des journalistes sans l’ériger en principe absolu qui serait dépourvu d’exceptions

a) Mieux protéger le secret des sources journalistiques

Le secret des sources n’étant pas garanti de manière satisfaisante par le droit actuel, les deux assemblées ont exprimé leur plein accord sur la nécessité de le consacrer au sein de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. L’article 1er du projet complète cette loi afin d’y inscrire de manière solennelle le principe de la protection du secret des sources des journalistes qui reçoit ainsi une pleine consécration législative dans un texte emblématique, soulignant son caractère de direct corollaire de la liberté d’information.

b) Prévoir des exceptions légitimes au principe

Les deux assemblées se sont accordées sur le fait que la protection du secret des sources journalistiques ne saurait être absolue, ni ériger le journaliste en citoyen hors du commun : s’il a connaissance d’informations permettant d’élucider un crime, il se doit de donner ses sources si cette révélation est nécessaire à la manifestation de la vérité.

La Cour de Strasbourg elle-même reconnaît d’ailleurs l’existence d’exceptions. Elle a dégagé dans sa jurisprudence plusieurs critères justifiant une atteinte au principe : existence d’« un impératif prépondérant d’intérêt public », nécessité et proportionnalité de l’atteinte, la Cour vérifiant l’importance de l’information recherchée et si d’autres mesures n’auraient pas permis de parvenir au même résultat. Lors de son examen du projet de loi en première lecture, notre Assemblée avait d’ailleurs choisi de mieux calquer les terminologies retenues par le projet de loi sur celles employées par la Cour de Strasbourg.

Les deux assemblées ont aussi réaffirmé que protection du secret des sources ne signifie pas déresponsabilisation des journalistes : si le principe de la protection du secret de sources interdit toute mesure d’investigation tendant à découvrir la source de l’information publiée par un journaliste, il n’emporte nullement obligation de publier l’information, le journaliste étant tenu de procéder aux recoupements inhérents à son métier, et ne peut empêcher le journaliste d’être par la suite poursuivi pour diffamation ou atteinte à la vie privée, notamment. Le rapporteur du Sénat, tout comme votre rapporteur, a en outre plaidé pour l’élaboration par la profession de journalistes d’un code de déontologie.

2. Nécessité de protéger l’ensemble de la chaîne de l’information 

Au cours des débats devant les deux assemblées a été rappelé à de nombreuses reprises que c’est la source qui est protégée et non le journaliste : l’Assemblée nationale a d’ailleurs adopté un amendement de votre rapporteur incluant les « atteintes indirectes » au secret des sources pour bien préciser que le secret protège la source, quelle que soit la personne qui en raison de ses relations personnelles ou professionnelles avec un journaliste a été amenée à la connaître.

Le Sénat a approuvé une telle précision qu’il a même renforcée en définissant explicitement ce qu’est une atteinte indirecte (cf. infra). Les inquiétudes souvent exprimées par la profession de journalistes devraient donc être totalement apaisées.

3. Reconnaissance au profit des journalistes d’un droit absolu de taire leurs sources tout au long de la procédure pénale

Les deux assemblées se sont accordées sur la consécration par le projet de loi d’un droit absolu des journalistes au silence lorsqu’ils sont entendus comme témoins tout au long de la procédure pénale : l’article 3 du projet de loi complète les articles 326 et 437 du code de procédure pénale pour fonder en droit la pratique existante consistant à garantir le droit du journaliste de taire ses sources lorsqu’il est entendu comme témoin devant une cour d’assises ou un tribunal correctionnel.

L’article 1er du projet de loi précise en outre, à l’initiative de l’Assemblée nationale, que ce droit absolu s’applique y compris lorsque les conditions seraient réunies pour autoriser une atteinte au secret des sources. « Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources », est-il précisé.

En revanche, les deux assemblées se sont toutes deux refusées à accéder à une demande parfois exprimée par la profession de journalistes consistant à encadrer le régime des gardes à vue pour les journalistes : toute personne placée en garde à vue étant libre de se taire, le journaliste est a fortiori libre de ne pas révéler ses sources. Modifier la loi sur ce point impliquerait de prendre acte d’éventuelles pratiques contraires à la loi consistant à exiger d’un journaliste placé en garde à vue qu’il livre ses sources, ce que la loi ne peut faire. Cela consisterait aussi à faire des journalistes des citoyens hors du commun, ce que ni l’Assemblée nationale ni le Sénat ne souhaitent.

4. Renforcement des garanties procédurales au cours des investigations menées par la Justice

Lors de l’examen du projet de loi en première lecture par l’Assemblée nationale, votre rapporteur avait rappelé que l’article 1er du projet de loi pose un principe général qui « irradie » l’ensemble de la procédure pénale : tout acte d’investigation qui concerne un journaliste doit appliquer le principe et ses exceptions.

M. François-Noël Buffet, rapporteur au Sénat, s’est lui-même tout d’abord interrogé sur la nécessité dans ces conditions de prévoir des dispositions déclinant le principe général dans la procédure pénale, jugeant finalement, comme votre rapporteur, qu’il est préférable d’apporter de telles précisions aux articles relatifs aux investigations menées par la justice et qui pourraient remettre en cause le principe.

a) Lors des perquisitions

Les deux assemblées se sont accordées sur le fait que la consécration du principe de protection des sources rend nécessaire l’instauration, à l’image de ce qui prévaut pour les avocats, d’un régime spécifique en matière de perquisitions dans les locaux où sont amenés à travailler les journalistes et où ils pourraient donc disposer de documents en lien avec leur activité professionnelle.

L’article 2 du projet de loi accroît considérablement les garanties procédurales entourant une perquisition concernant un journaliste, en s’inspirant très largement du dispositif prévu à l’article 56-1 du code de procédure pénale s’agissant des perquisitions réalisées dans les bureaux ou au domicile des avocats :

—  La protection est étendue aux locaux des agences de presse, au domicile des journalistes, lorsque les investigations réalisées sont liées à leur activité professionnelle, ainsi qu’aux véhicules professionnels, depuis un amendement adopté par l’Assemblée nationale à l’initiative de votre rapporteur. Une telle extension est plus conforme aux réalités du métier de journaliste.

—  Est par ailleurs instaurée une procédure d’opposition à la saisie de documents lors de la perquisition : le journaliste – ou, en son absence, son représentant – peut s’opposer à la saisie d’un document qu’il jugerait irrégulière. Dans ce cas, le document litigieux doit être placé sous scellé fermé et transmis sans délai au juge des libertés et de la détention qui, après avoir entendu le magistrat et le journaliste, décide soit la restitution immédiate du document s’il estime qu’il n’y a pas lieu à le saisir – ce qui implique également la destruction du procès-verbal des opérations et la cancellation de toute référence à ce document dans le dossier de la procédure –, soit le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure. À l’initiative de votre rapporteur, l’Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant que le journaliste peut demander à être entendu par le JLD s’il n’avait pas été présent lors de la perquisition.

Au total, les règles applicables aux journalistes deviennent d’une certaine manière plus favorables que celles qui s’appliquent aux avocats : le journaliste peut, contrairement à l’avocat, s’opposer, durant la perquisition, à la saisie d’un document qui permettrait d’identifier l’une de ses sources. Il appartient ensuite au JLD de se prononcer sur la nécessité de saisir ce document et de le verser au dossier de procédure.

b) Dans le cadre de réquisitions judiciaires ou d’écoutes téléphoniques

À l’initiative de votre rapporteur, l’Assemblée nationale avait adopté en première lecture deux amendements, devenus les articles 3 bis et 3 ter relatifs pour le premier aux réquisitions judiciaires et pour le second aux écoutes téléphoniques. Votre rapporteur avait jugé préférable de prévoir une disposition particulière en ces matières compte tenu des graves atteintes que de telles investigations peuvent porter à ce principe.

Dès lors, toute réquisition judiciaire qui porterait illégalement atteinte au secret des sources sera déclarée nulle, de même que toute transcription des écoutes judiciaires qui porteraient atteinte au principe du secret des sources posé par l’article 2 de la loi de 1881.

Le Sénat a adopté ces deux articles tout en précisant leur rédaction (cf. infra).

B. DE NOUVELLES AVANCÉES ONT ÉTÉ APPORTÉES AU TEXTE PAR LE SÉNAT

1. Certaines ambiguïtés ont été levées

Dans son rapport établi au nom de la commission des Lois du Sénat (4), M. François - Noël Buffet a indiqué que les personnes qu’il a auditionnées ont salué les avancées réalisées à l’Assemblée nationale en première lecture, tout en jugeant qu’une « clarification du texte serait de nature à lever de nombreux malentendus et à écarter le risque d’une interprétation restrictive de la protection du secret des sources ».

a) La définition explicite des « atteintes indirectes » au secret des sources

Devant les inquiétudes soulevées par les personnes entendues par le rapporteur s’agissant de la protection de l’ensemble de la chaîne de l’information, le Sénat a préféré lever toute ambiguïté en explicitant la signification de la notion d’« atteinte indirecte » au secret des sources.

Le quatrième alinéa de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 précise désormais qu’« est considérée comme atteinte indirecte au secret des sources au sens du troisième alinéa le fait de chercher à découvrir les sources d’un journaliste au moyen d’investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut détenir des renseignements permettant d’identifier ces sources ».

Votre rapporteur estime que la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale se suffisait à elle-même mais se rallie bien volontiers à l’explicitation apportée par le Sénat, puisqu’il semble qu’elle soit de nature à apaiser les craintes de la profession.

b) La précision des conditions requises pour porter atteinte au secret des sources journalistiques en matière de réquisitions judiciaires ou d’écoutes téléphoniques

À l’invitation de sa commission des Lois, le Sénat a supprimé aux articles 3 bis et 3 ter la notion de « proportionnalité », qui laissait penser qu’une condition supplémentaire à celles prévues à l’article 2 de la loi de 1881 était créée pour apprécier la légalité d’une atteinte au secret des sources.

Votre rapporteur, qui n’avait pas conçu la rédaction proposée par l’Assemblée nationale comme induisant une telle interprétation, est favorable à une précision qui lève toute ambiguïté.

2. Des précisions utiles ont été apportées

a) Les conditions requises pour pouvoir porter atteinte au secret des sources dans le cadre d’une procédure pénale

À l'issue des travaux de l’Assemblée nationale avaient été retenus deux niveaux de critères justifiant que le secret des sources soit écarté :

—  des critères généraux, applicables en toute matière, aussi bien par la justice administrative que civile ou commerciale, permettant une atteinte au principe « à titre exceptionnel » et « si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie » :

—  des critères spécifiques à la procédure pénale, qui justifient une atteinte si « la nature et la particulière gravité » de l’infraction sur laquelle porte la procédure rendent cette atteinte « strictement nécessaire ».

Il s’agissait dans l’esprit de votre rapporteur d’affirmer qu’il ne peut être recouru à tout acte portant atteinte au secret des sources que si aucun autre moyen n’existe pour prévenir ou réprimer un crime ou un délit d’une particulière gravité.

Votre rapporteur estimait nécessaire de retenir une formulation relativement large et d’éviter l’écueil de l’établissement d’une liste, qui comporte un risque d’oubli, et de renvoyer au juge national le soin d’apprécier, au regard de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, la balance qui devra être faite dans chaque cas entre le principe de la protection du secret et l’intérêt impérieux qui pourrait justifier une exception.

Le Sénat a reformulé ces critères, jugés trop généraux et trop « malléables » par les représentants de la profession de journaliste reçus par le rapporteur, tout en excluant toute liste a priori d’infractions pouvant justifier la levée du secret des sources. Votre rapporteur ne cesse de s’étonner de la défiance des personnes auditionnées à l’égard des juges et de leur liberté d’appréciation...

Le Sénat a choisi de rapprocher la rédaction du texte de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, en affirmant de manière générale que les mesures susceptibles de porter atteinte au secret des sources lorsqu’un impératif prépondérant d’intérêt public existe doivent être « strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi ». Le Sénat a ainsi fait « remonter » le critère de proportionnalité de l’atteinte au niveau des critères généraux, pour qu’il soit respecté pour toute levée du secret, même en dehors de la procédure pénale. Ce critère renvoie aussi à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg qui analyse toujours si d’autres mesures que la levée du secret des sources n’auraient pas permis d’aboutir au même résultat.

Dans le cadre d’une procédure pénale, il a précisé les trois critères
– cumulatifs – dont il doit être tenu compte :

—  la gravité du crime ou du délit ;

—  l’importance de l’information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction ;

—  le fait que « les mesures d’investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité » : il appartiendra au juge de vérifier qu’aucune autre mesure n’aurait permis de connaître l’information recherchée sans porter atteinte au secret des sources. Sauf dans les cas d’urgence, il lui faudra s’assurer que l’atteinte au secret est l’unique moyen en pratique dont il dispose pour connaître l’information recherchée.

b) Le recel de violation du secret professionnel est pris en compte

L’Assemblée nationale avait adopté en première lecture un amendement présenté par votre rapporteur complétant l’article 1er du projet de loi afin de prévoir qu’une personne poursuivie pour diffamation peut, pour les besoins de sa défense, établir sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires (« exceptio veritatis ») en produisant des pièces couvertes par le secret de l’enquête et de l’instruction sans encourir par la suite de poursuite pour recel de violation du secret de l’instruction.

Le Sénat a, par souci de cohérence, adopté un amendement présenté par le rapporteur prévoyant que le prévenu peut produire pour sa défense, outre des pièces couvertes par le secret de l’enquête ou de l’instruction, des pièces couvertes par un secret professionnel. Rappelons d’ailleurs que dans sa jurisprudence, la Cour de Strasbourg considère qu’il n’existe pas de différence de nature entre ce qui relève du secret professionnel et ce qui relève du secret de l’instruction.

À l’instar de votre rapporteur, le rapporteur de la commission des Lois du Sénat a jugé inopportun d’aller plus loin en supprimant le délit de recel de violation du secret de l’instruction ou du secret professionnel. Une telle suppression enverrait en effet un message dévastateur en supprimant de facto tout secret. L’existence du délit de recel freine les journalistes qui pourraient être tentés s’il n’existait plus de publier toutes les pièces protégées par le secret au risque d’être instrumentalisés par les parties au procès.

C. UN POINT PLUS DÉLICAT : LA SUPPRESSION DE LA NOTION D’ « INTÉRÊT GÉNÉRAL »

Le Sénat a supprimé dans le premier alinéa de l’article 2 de la loi de 1881 la notion d’information « sur des questions d’intérêt général », préférant une formulation plus neutre, garantissant la protection du secret des sources des journalistes « dans l’exercice de leur mission d’information du public ». Le rapporteur François-Noël Buffet, à l’origine de l’amendement, s’est fait l’écho des inquiétudes de la profession de journalistes et a préféré une formulation qu’il a jugé moins susceptible d’interprétations divergentes. Il a jugé préférable de ne pas distinguer selon la nature de l’information, estimant que c’est l’acte journalistique qui en lui-même est d’intérêt général.

Il faut dire que la notion d’intérêt général a été vue comme une atténuation du principe et a suscité de nombreuses critiques de la part des professionnels. Ceux-ci semblent avoir été heurtés par la distinction à leurs yeux induite par cette rédaction entre une grande presse d’investigation et une presse de second ordre, comprenant notamment la presse dite people. Ce n’était à l’évidence pas du tout l’intention du Gouvernement et encore moins celle de votre rapporteur.

Votre rapporteur était dans un premier temps très réservé face à la suppression de la mention de « l’intérêt général », référence qui figure d’ailleurs expressément dans la jurisprudence de la Cour de Strasbourg (cf. arrêt Goodwin).

Il est important, et d’ailleurs la profession n’en disconvient pas, que ne soient pas protégées les sources d’un journaliste qui abuserait de sa fonction pour régler des comptes personnels. L’intérêt général doit primer sur les intérêts particuliers.

Votre rapporteur se range cependant à l’appréciation du Sénat qui a retenu une formulation plus neutre, sans doute moins susceptible d’interprétations divergentes, mais limitée à l’exercice de la profession journalistique pour éviter tout risque de dérapage. Le cadre professionnel est le seul qui justifie une protection : « c’est l’activité journalistique elle-même qui motive la protection des sources » a rappelé le Garde des Sceaux devant le Sénat.

*

* *

DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa deuxième séance du mardi 2 décembre 2008.

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale a eu lieu.

Mme Aurélie Filippetti. Le sujet qui nous réunit de nouveau, après notre première lecture de mai dernier, est assurément important. Il s’inscrit dans un contexte particulier, marqué par l’interpellation mouvementée, contestée et contestable de l’ancien directeur de la publication du quotidien Libération, M. Vittorio de Filippis.

Ce projet de loi fait suite à une longue liste de pressions diverses exercées sur des organes de presse. Je rappellerai pour mémoire la tentative de perquisition au siège du Canard Enchaîné, ainsi que les affaires Auto Plus et Guillaume Dasquié, la mise en examen de M. Denis Robert dans le cadre de l’instruction relative à Clearstream, ainsi que la perquisition réalisée à Radio Bleu Corse.

Nous nous réjouissons qu’avec ce texte la France se mette en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et le droit européen en matière de protection des sources des journalistes. Les modifications apportées par le Sénat vont dans le bon sens mais elles s’avèrent insuffisantes.

Les sénateurs ont apporté une clarification bienvenue sur les cas dans lesquels la protection du secret des sources trouve à s’appliquer, la suppression de la référence à la notion d’intérêt général mettant fin à une restriction contraire à l’esprit de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, de sorte que l’affaire de la publication des feuilles de paie de M. Jacques Calvet ne pourrait plus avoir lieu aujourd’hui. À cet égard, nous avons une réelle divergence de vues avec vous, M. le rapporteur. De même, le Sénat a utilement précisé la définition du contournement de la protection des sources, qui pourra être indirect ou direct et découler de mesures strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi, cette limite restant indistinctement applicable aux enquêtes administratives et judiciaires.

Il n’en demeure pas moins que, en dépit de ces avancées, les dispositions du projet de loi demeurent insuffisantes. Elles restent d’ailleurs très proches de la version adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture. C’est ainsi, notamment, que la définition du journaliste laisse en suspend la question du statut des pigistes, même si nous avons relevé que les travaux des sénateurs établissent qu’ils entrent dans la profession, à l’exception notable des collaborateurs occasionnels qui ne relèvent pas de la définition du code du travail car ils n’ont pas la carte de presse.

J’observe par ailleurs que la notion d’impératif prépondérant d’intérêt public, qui émane de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, n’est pas définie dans notre droit interne, ce qui ouvre la voie à toutes les interprétations empiriques par les praticiens.

Le régime de la perquisition et de la saisie des documents n’a pas été modifié par le Sénat. Le magistrat instructeur continuera de s’autoriser à procéder à ce type d’opérations, sans véritables obstacles si ce n’est l’obligation de veiller à ce que ses investigations ne portent pas atteinte aux sources et ne retardent pas de manière injustifiée la divulgation des informations. On peut ainsi craindre que ces recommandations demeurent des vœux pieux, notamment en raison de la durée de cinq jours laissée au juge de la détention et des libertés pour se prononcer, laquelle permettra d’éventer largement les sources. Cette possibilité de perquisitionner dans le respect du secret des sources et de la profession, en dehors de toute mise en cause des journalistes, nous paraît quelque peu hypocrite dans la mesure où le risque d’assécher les sources des journalistes d’investigation perdurera.

Nous regrettons aussi qu’aucune sanction à l’encontre des autorités instigatrices d’une perquisition abusive ni qu’aucune indemnisation des journalistes victimes de telles perquisitions ne figure dans le texte.

Enfin, en matière de garde à vue, utilisée bien souvent comme un moyen de pression pour forcer le journaliste à divulguer ses sources, le projet de loi reste en deçà des protections accordées par la loi belge, qui est une référence en l’espèce.

Pour toutes ces raisons, le groupe SRC entend que le projet de loi soit notablement enrichi. Il a déposé plusieurs amendements à cet effet, dont le rejet par la majorité le conduirait à réitérer le vote contre qu’il avait émis en première lecture.

M. Jean-Paul Garraud. J’aimerais formuler une observation générale sur une suggestion émise par notre rapporteur, à savoir l’élaboration d’un code de déontologie applicable à la profession des journalistes. Cette recommandation figurait déjà parmi les 80 propositions de la commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau, dont je faisais partie.

Je m’étonne qu’elle n’ait pas jusqu’à présent rencontré davantage d’écho, d’autant qu’elle me semble constituer un corollaire indispensable au renforcement de la protection du secret des sources de la presse, dont le rôle ne fut pas à l’abri de la critique dans le cas de l’affaire d’Outreau. J’ajoute que certains pays, comme l’Allemagne, ont mis en place un code de déontologie de ce type. Aujourd’hui encore, je pense que cet aspect mérite de trouver une concrétisation dans notre pays.

M. Thierry Lazaro. Je faisais également partie de la commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau. Nos travaux ont clairement mis en évidence, sur la base de l’aveu même de la presse quotidienne régionale, des erreurs qui légitiment la revendication d’un code de déontologie pour l’ensemble de la profession. Ce sujet, qui ne remet nullement en cause l’importance que nous portons tous à la préservation du secret des sources des journalistes, me semble majeur.

M. Étienne Blanc, rapporteur : Pour répondre à Madame Filippetti, je souhaiterais rappeler que dans l’affaire de Libération, le Garde des Sceaux a apporté une réponse très claire en séance tout à l’heure. L’intéressé avait refusé par trois fois de répondre à la convocation du juge qui était donc fondé à délivrer à son encontre un mandat d’amener. Il ne faudrait pas faire des journalistes des citoyens hors du commun.

L’inscription dans la loi de 1881 du principe de la protection des sources des journalistes conforte leur rôle et renforce la liberté de la presse. Toute la question est de déterminer les limites légitimes à ce principe. J’étais pour ma part très attaché à la notion d’« information du public sur des questions d’intérêt général ». Je rappellerai que dans une affaire soulevée devant la CEDH, un cadre d’entreprise avait laissé publier dans la presse une note – qu’il savait erronée – relative à la situation financière de cette entreprise, qu’il s’apprêtait à quitter, et ce dans le seul but de déstabiliser ladite entreprise. De mon point de vue, l’information ainsi publiée ne relève pas de l’intérêt général mais sert un règlement de comptes particuliers. J’estime que les conséquences induites pour la survie de l’entreprise et pour l’avenir de ses centaines de salariés justifiaient qu’on puisse rechercher la personne qui avait été à l’origine de la fuite et donc rechercher la source du journaliste. Le Sénat a choisi de supprimer la notion d’intérêt général, estimant que le maintien de la référence à la mission du journaliste d’informer le public suffit pour écarter le secret des sources, y compris dans le cas d’espèce. Je me range à cet avis pour les motifs que j’ai énoncés tout à l’heure.

S’agissant des pigistes, je rappelle qu’ils sont couverts par le texte au même titre que toute la chaîne de l’information. Je répondrai à vos autres questions lors de l’examen des amendements.

Pour répondre à Messieurs Garraud et Lazaro, je voudrais indiquer que tous les professionnels entendus se sont déclarés favorables à l’élaboration par la profession de journalistes d’un réel code de déontologie, mais demeurent réservés quand aux outils qui pourront le mettre en œuvre. Ils sont en tout état de cause défavorables à la création d’un ordre professionnel qui serait chargé de sanctionner les manquements à ce code, comme c’est le cas pour les avocats ou les médecins. C’est sur cette question qu’achoppe aujourd’hui encore cette question. Je crois que la maturation sera longue, mais j’espère que le processus pourra aboutir.

La commission est ensuite passée à l’examen des articles restant en discussion dans le texte du Sénat.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

[articles 2 et 35 de la loi du 29 juillet 1881]


Consécration législative du principe général de la protection du secret des sources journalistiques – Diffamation et respect des droits de la défense

Le présent article complète la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse par un nouvel article 2 qui consacre le principe général de la protection du secret des sources des journalistes tout en fixant ses limites.

Lors de son examen du texte en première lecture, le Sénat a remanié assez sensiblement la rédaction de l’article, dont l’architecture d’ensemble a évolué, complétant et précisant souvent des dispositions déjà amendées par l’Assemblée nationale en première lecture.

1. La consécration du principe de la protection du secret des sources des journalistes (premier alinéa)

L’Assemblée nationale n’avait pas modifié la rédaction du premier alinéa de l’article, qui énonce le principe de la protection du secret des sources des journalistes et en précise la justification fondamentale : il s’agit de « permettre l’information du public sur des questions d’intérêt général ».

Le Sénat a quant à lui modifié cette rédaction, précisant que le secret des sources des journalistes est « protégé dans l’exercice de leur mission d’information du public ». Il a jugé préférable de ne pas distinguer selon la nature de l’information, estimant que c’est l’acte journalistique qui en lui-même est d’intérêt général.

Votre rapporteur était particulièrement sensible à la notion d’intérêt général. À ses yeux, le secret des sources ne doit en aucun cas servir à protéger des intérêts personnels privés, ni permettre à des journalistes de régler des comptes à titre personnel.

Il note cependant que la suppression de la notion ne confère aucune immunité au journaliste qui demeure responsable de ce qu’il écrit ou énonce. Il peut être poursuivi sur les chefs de diffamation ou atteinte à la vie privée. Et dans le cas où il s’exprimerait en dehors de tout cadre professionnel, le secret des sources ne saurait être invoqué, puisque le Sénat a eu soin de maintenir la référence à l’« exercice de leur mission d’information ».

Votre rapporteur se range donc à l’avis selon lequel le secret de la source doit pouvoir être invoqué quelle que soit la nature de l’information, dans le seul but de ne pas amoindrir la relation de confiance qui s’établit entre le journaliste et sa source.

2. La définition du journaliste (deuxième alinéa)

Le deuxième alinéa de l’article précise comment il faut entendre le terme « journaliste » au sens du premier alinéa. Le Sénat a déplacé cet alinéa au sein de l’article, sans en modifier la rédaction, par souci de lisibilité d’ensemble de l’article.

Rappelons que la définition comprend trois critères :

—  la nature de l’activité

Le journaliste est celui qui exerce la « profession » de journaliste, notion qui est définie comme la pratique du « recueil et de la diffusion d’informations au public ». Le terme « diffusion » permet d’inclure dans cette définition le directeur de publication d’un organe de presse, qui n’est pas nécessairement un journaliste au sens du droit du travail, mais qui est responsable de la publication sur un plan pénal et qui doit donc entrer dans le champ de la protection apportée par cet article.

—  limportance de l’activité

L’exercice de la profession de journaliste doit être « pratiqué à titre régulier et rétribué ». Ne peut donc se prévaloir de la qualité de journaliste celui qui n’exerce cette activité qu’occasionnellement ou à titre bénévole. En revanche, un correspondant de presse régulier peut s’en prévaloir, ainsi que l’a rappelé le Garde des Sceaux devant le Sénat.

—  le lieu de l’activité

Le journaliste doit exercer son activité dans une ou plusieurs « entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse ». Ce champ avait été précisé par l’Assemblée nationale lors de son examen du projet de loi en première lecture : il s’agissait d’harmoniser la rédaction retenue par le projet initial avec celle de l’article 2. Ce sont bien les mêmes lieux qui doivent être visés comme lieux de travail des journalistes et lieux où sont réalisées les perquisitions.

3. Les conditions rendant possible une atteinte au principe (troisième à cinquième alinéas)

Les trois derniers alinéas de l’article traitent de la question cruciale des exceptions au principe posé au premier alinéa.

Dans le texte initial, l’alinéa relatif aux conditions rendant possible une atteinte au principe était composé de deux phrases : la première posait un critère général d’exception, tandis que la seconde traitait du cas particulier de la procédure pénale.

L’Assemblée nationale avait modifié ces critères et adjoint un principe général selon lequel l’atteinte au secret des sources « ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources ». Le Sénat a maintenu cette dernière formulation, qui reconnaît aux journalistes un droit absolu de se taire, tout en remaniant assez profondément l’articulation de l’article sur les autres points, le rapporteur jugeant « possible d’améliorer la rédaction et de la préciser sans toutefois remettre en cause l’esprit du dispositif » (5).

a) Le critère général : l’existence d’un « impératif prépondérant d’intérêt public » et la stricte nécessité des mesures envisagées (troisième alinéa)

Le troisième alinéa de l’article précise le critère général de dérogation qui s’applique en toute matière : aussi bien devant le juge administratif, que devant le juge commercial ou le juge civil, notamment. Il s’applique aussi devant le juge pénal, les critères énoncés en cette matière par le cinquième alinéa n’étant que la déclinaison particulière de ce principe général.

L’Assemblée nationale avait retenu un double critère, rendant une dérogation au principe possible :

—  « à titre exceptionnel » (votre rapporteur avait souhaité faire « remonter » ce critère, réservé par le projet de loi initial au seul domaine pénal, au rang des critères généraux)

—  et lorsqu’un « impératif prépondérant d’intérêt public » le justifie, votre commission préférant cette dernière formulation, issue de la jurisprudence de la CEDH, à celle, jugée trop floue, d’«  intérêt impérieux » retenue par le projet de loi initial.

Le Sénat a supprimé la mention du caractère exceptionnel de l’atteinte, maintenu le second critère et ajouté celui de la stricte nécessité et proportionnalité des mesures envisagées au but légitime poursuivi. Il a en effet estimé que les critères retenus par l’Assemblée nationale rendaient possibles une atteinte au principe qui serait disproportionnée.

b) La définition des atteintes indirectes au secret des sources (quatrième alinéa)

L’Assemblée nationale avait adopté en première lecture un amendement de votre rapporteur précisant le champ de l’atteinte qui peut être portée au secret, cette atteinte pouvant être directe ou « indirecte ». Il s’agissait de souligner que le secret est protégé, quelle que soit la personne qui le détient et d’énoncer le plus clairement possible que c’est le secret des sources des journalistes qui est protégé et non les journalistes eux-mêmes. Votre rapporteur précisait que dès lors, les conditions de dérogation au principe devraient être appliquées à toute mesure d’investigation qui viserait à obtenir la communication des sources d’un journaliste de manière indirecte, par exemple auprès d’un de ses collaborateurs (secrétaires de rédaction, cameraman, monteur, preneur de son…) ou d’un membre de sa famille.

Lors de son examen du projet de loi, le Sénat a estimé nécessaire de préciser ce qu’il convient d’entendre par « atteinte indirecte » et a adopté un amendement du rapporteur de la commission des Lois dans ce sens. Il s’agissait, selon son auteur, de lever tout malentendu et d’affirmer que c’est bien l’ensemble de la « chaîne » de l’information qui est protégée.

Désormais, le quatrième alinéa de l’article précise qu’« est considérée comme une atteinte indirecte au secret des sources au sens du troisième alinéa de fait de chercher à découvrir les sources d’un journaliste au moyen d’investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut détenir des renseignements permettant d’identifier ces sources ».

Sans doute cette précision n’était-elle pas indispensable, mais elle ne contredit en rien la conception qu’a votre rapporteur du principe de la protection du secret des sources journalistiques.

c) Le cas particulier de la procédure pénale (cinquième alinéa)

Dans le projet de loi initial, la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article précisait comment le critère général devait être décliné en matière pénale – principal champ potentiel d’atteinte au secret des sources –, précisant que l’identification de l’origine d’une information ne pourrait être recherchée qu’à titre exceptionnel et à condition que la nature et la particulière gravité du crime ou du délit ainsi que les nécessités des investigations le justifient.

À l'issue des travaux de l’Assemblée nationale, la condition pour qu’il soit porté atteinte au secret en matière pénale était ainsi énoncée : « que si la nature et la particulière gravité du crime ou du délit (sur lequel porte la procédure) ainsi que les nécessités des investigations rendent cette atteinte strictement nécessaire ». Cette formulation, plus restrictive que le projet initial, soulignait aux yeux de votre rapporteur le caractère subsidiaire que devra revêtir en pratique l’atteinte au principe : « ce n’est que dans le cas où l’infraction sur laquelle porte l’enquête est particulièrement grave et où les actes de procédure, tels une perquisition dans les locaux d’un journal ou la réquisition d’un opérateur de téléphonie mobile pour obtenir la liste des appels d’un journaliste, constituent quasiment l’unique moyen d’obtenir des informations nécessaires à l’enquête qu’il pourra être porté atteinte au principe » écrivait-il dans son rapport en première lecture.

Le Sénat a adopté un amendement du rapporteur François-Noël Buffet qui définit différemment les critères d’appréciation de la nécessité de l’atteinte au principe de la protection du secret des sources. Il s’agit :

1 —  de la gravité du crime ou du délit. Le Garde des Sceaux a précisé devant le Sénat qu’« une atteinte au secret des sources serait évidemment disproportionnée dans le cadre d’une enquête portant sur de simples vols, sur de petites fraudes ou des escroqueries, sur des cercles de jeux clandestins ou sur des infractions au code de la route. La gravité des faits n’est évidemment pas suffisante » ;

2 —  de l’importance de l’information recherchée pour la répression ou la prévention de l’infraction. Là encore, le Garde des Sceaux a précisé les choses : « A priori, aucun impératif prépondérant d’intérêt public ne justifie que soit levé le secret des sources dans le cadre d’une affaire de contrefaçon. Toutefois, l’appréciation serait différente si la contrefaçon portait sur des produits de santé ou sur de simples vêtements, mais qu’un reportage révélait que c’est un moyen de financement de mouvances radicales, d’un réseau de criminalité organisée voire de terroristes » ;

3 —  du fait que les mesures d’investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité. Le Garde des Sceaux a expliqué devant le Sénat que « tous les actes d’enquête et d’instruction seront soumis aux conditions restrictives permettant, à titre exceptionnel, d’identifier la source d’un journaliste. Si ces conditions ne sont pas satisfaites, les enquêteurs et les magistrats devront chercher à résoudre l’affaire sans passer en aucune façon par le journaliste. À défaut, leurs actes seront disproportionnés et annulés ».

4. Diffamation et recel de violation du secret de l’instruction ou du secret professionnel

L’Assemblée nationale avait adopté en première lecture un amendement présenté par votre rapporteur visant à répondre à une des incohérences de notre droit : alors qu’un journaliste, poursuivi pour diffamation, est sommé par la justice d’apporter la preuve de la véracité des informations publiées, il peut ensuite être poursuivi pour recel de violation du secret de l’instruction si la preuve qu’il apporte est issue de la violation de ce secret(6). Désormais, une personne poursuivie pour diffamation ne pourra plus être poursuivie pour recel si elle produit pour sa défense des pièces couvertes par le secret de l’enquête ou de l’instruction qui sont de nature à établir sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires. Il s’agit de faire primer les droits de la défense de la personne sur le principe du secret de l’instruction.

Le Sénat a, par cohérence, complété ce dispositif en l’étendant au secret professionnel, prévoyant que le prévenu pourra produire pour sa défense, outre des pièces couvertes par le secret de l’enquête ou de l’instruction, des éléments couverts par tout secret professionnel.

*

La Commission a été saisie d’un amendement de Mme Aurélie Filippetti visant à encadrer les exceptions à la protection du secret des sources des journalistes.

Mme Aurélie Filippetti. Cet amendement précise qu’il ne peut être porté atteinte au secret des journalistes qu’à titre exceptionnel, dans la mesure où la révélation des sources est de nature à prévenir la commission d’un crime ou délit constituant une menace grave pour l’intégrité des personnes et sous réserve que cette information ne puisse être obtenue d’aucune autre manière. Il s’agit en fait d’un alignement sur la législation belge.

M. le rapporteur. Mme Aurélie Filippetti veut cantonner les cas où il peut être porté atteinte à la protection du secret des sources des journalistes à la prévention de la commission d’un crime ou d’un délit. Cela n’est pas souhaitable car la loi doit aussi permettre de lever cette protection pour résoudre des affaires criminelles.

Après avoir rejeté cet amendement, la Commission a été saisie d’un amendement de Mme Aurélie Filippetti visant à élargir la définition donnée à la profession de journaliste.

Mme Aurélie Filippetti. Cet amendement vise à remédier à une définition juridique qui tend à refuser toute protection à des journalistes non salariés ou salariés précaires.

M. le rapporteur. Un journaliste stagiaire non rémunéré travaille avec un journaliste confirmé et s’inscrit, à ce titre, dans la chaîne de l’information couverte par le projet de loi. Cet amendement se trouve donc satisfait par la rédaction actuelle du texte.

La Commission a rejeté cet amendement, puis adopté l’article 1er sans modification.

Article 2

[article 56-2 du code de procédure pénale]


Accroissement des garanties procédurales en cas de perquisition concernant un journaliste

Aujourd’hui, en application de l’article 56-2 du code de procédure pénale, les perquisitions effectuées dans les locaux des entreprises de presse sont entourées de deux garanties spécifiques par rapport aux perquisitions « de droit commun » :

—  Elles doivent être effectuées par un magistrat (procureur de la République ou juge d’instruction) ;

—  Le magistrat doit veiller à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au « libre exercice de la profession de journaliste » et qu’elles ne « constituent pas un obstacle ou n’entraînent pas un retard injustifié à la diffusion de l’information » (7).

Les dispositions de cet article s’appliquent aux perquisitions menées aussi bien dans le cadre d’une enquête de flagrance – directement visée par l’article 56-2 –, que dans le cadre d’une information judiciaire – l’article 96 du code précise que les dispositions de cet article, notamment, sont applicables aux perquisitions menées par le juge d’instruction – ou d’une enquête préliminaire : il résulte en effet de la pratique que les articles 56-1 et suivants du code sont applicables dans ce cadre (8).

L’article 2 du projet de loi renforce considérablement ces garanties, en s’inspirant très largement du régime des avocats. Lors de son examen du texte en première lecture, l’Assemblée nationale a renforcé encore la protection dont bénéficient les journalistes en cas de perquisition. Le Sénat a confirmé ces avancées et amélioré la rédaction de l’article.

1. L’Assemblée nationale a renforcé la protection dont bénéficient les journalistes en cas de perquisition

a) Une extension de la protection non seulement aux locaux d’une agence de presse et au domicile du journaliste, mais aussi aux véhicules professionnels

Dans sa rédaction initiale, le projet de loi visait à étendre la protection aux locaux d’une agence de presse et au domicile du journaliste, lorsque les investigations réalisées sont liées à son activité professionnelle.

Lors de son examen du projet de loi en première lecture, l’Assemblée nationale avait adopté, à l’initiative de votre rapporteur, un amendement étendant en outre aux véhicules professionnels le champ d’application de la procédure spécifique de perquisition applicable aux journalistes, de tels véhicules constituant le prolongement direct de l’entreprise de presse ou de communication audiovisuelle, notamment. Toutes ces extensions sont ainsi plus conformes aux réalités du métier de journaliste.

b) Un renforcement des garanties en cas de perquisition

L’Assemblée nationale avait également adopté un amendement présenté par votre rapporteur visant à renforcer les garanties apportées aux perquisitions concernant les journalistes, en s’inspirant des dispositions de l’article 56-1 du code de procédure pénale relatif aux perquisitions dans les cabinets d’avocat. Désormais, l’article prévoit que toute perquisition doit être précédée d’une décision écrite et motivée du magistrat indiquant la nature des infractions sur lesquelles portent les investigations et l’objet de la perquisition. La personne qui pourra s’opposer à la saisie des documents sera dès lors à même de vérifier que les saisies demandées par le magistrat entrent bien dans le champ fixé par cette décision préalable.

Ce même amendement précisait en outre que la méconnaissance des prescriptions posées par le premier alinéa de l’article 56-2 du code, tel que réécrit par le projet de loi, est une cause de nullité de l’ensemble de la procédure.

b) Les précautions que doit prendre le magistrat plus précisément définies

La réécriture de l’article 56-2 par le projet de loi permet de préciser la notion, sans doute trop floue, qui y figure aujourd’hui de « libre exercice de la profession de journaliste » : le projet de loi prévoit que cette atteinte peut se manifester, notamment, par celle portée « de façon disproportionnée au regard de la nature et de la gravité de l’infraction à la protection qui est due au secret des sources ».

Votre rapporteur avait présenté un amendement, adopté par l’Assemblée nationale lors de son examen du texte en première lecture, précisant que c’est à l’aune des critères posés par l’article 2 de la loi de 1881 que doivent être appréciés le degré de l’atteinte portée au principe et l’appréciation du caractère proportionné ou non de cette atteinte au regard de la nature et de la gravité de l’infraction.

c) Une procédure d’opposition à la saisie de documents lors de la perquisition

Le présent article instaure une procédure, inspirée de l’article 56-1 du code de procédure pénale s’agissant des perquisitions dans les bureaux ou au domicile des avocats, permettant une opposition à la saisie de certains documents.

Le rôle dévolu au bâtonnier pour les perquisitions réalisées dans des bureaux d’avocats est tenu par « la personne présente lors de la perquisition en application des dispositions de l’article 57 » du code de procédure pénale, c’est-à-dire le journaliste lui-même, son représentant, ou, à défaut, les témoins requis par le magistrat pendant la perquisition.

En cas d’opposition, le document litigieux doit être placé sous scellé fermé et la procédure consignée sur un procès-verbal distinct, contenant les objections de la personne. Les documents et le procès-verbal sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention avec une copie de la procédure. Le JLD statue dans les cinq jours par ordonnance motivée, non susceptible de recours. Il entend le magistrat et la personne en présence de laquelle la perquisition a été effectuée. Il peut ouvrir le scellé en présence de ces personnes.

À la suite de ces auditions, le JLD peut :

—  soit ordonner la restitution immédiate du document, s’il estime qu’il n’y a pas lieu à le saisir, ainsi que la destruction du procès-verbal des opérations et, le cas échéant, la cancellation de toute référence à ce document ou à son contenu qui figurerait dans le dossier de la procédure ;

—  soit ordonner le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure, une telle décision n’excluant pas la possibilité ultérieure pour les parties de demander la nullité de la saisie devant, selon les cas, la juridiction de jugement ou, si une instruction a été ouverte, la chambre de l’instruction.

En première lecture, votre rapporteur avait présenté un amendement, qui a été adopté par l’Assemblée nationale, visant à inclure dans les choses dont la saisie peut faire l’objet d’une contestation devant le JLD, outre les « documents » visés par le projet de loi, certains matériels utilisés par les journalistes pour recueillir, conserver ou transmettre les informations (songeons aux ordinateurs ou aux téléphones mobiles).

Un autre amendement avait été adopté en première lecture par notre Assemblée qui visait à prévoir que si le journaliste chez qui la perquisition a été réalisée n’était pas présent lors de la perquisition, il peut être entendu à sa demande par le JLD et assister, si elle a lieu, à l’ouverture des scellés : il est de fait le mieux à même d’éclairer la décision du magistrat.

2. Le Sénat a confirmé ces avancées et a amélioré la rédaction de l’article

Le Sénat a exprimé son accord sur la procédure prévue par cet article. Le rapporteur François-Noël Buffet, dans le souci de reprendre au plus près la procédure existante pour les avocats, a cherché à trouver qui pourrait jouer le rôle du bâtonnier, mais en l’absence d’organisation structurée de la profession, il a considéré que la présence de deux témoins permet de s’adapter aux circonstances : dans les locaux des entreprises de presse, il s’agira sans difficulté de journalistes ; dans le cas d’une perquisition domiciliaire, la présence de deux journalistes serait plus délicate à obtenir. Le rôle des témoins est d’ailleurs de veiller à la régularité de la procédure de saisie et notamment de contrôler la présence effective des objets saisis dans les lieux : dès lors, aucune qualité particulière n’est requise d’autant qu’ils ne sont pas parties à la procédure. Le rapporteur a reconnu qu’une autre solution aurait créé un fâcheux précédent.

Le Sénat a adopté une série d’amendements rédactionnels et de coordination : il a procédé à des améliorations rédactionnelles qui renforcent la lisibilité de l’article que l’Assemblée nationale avait beaucoup amendé, par des interversions de phrases et des simplifications rédactionnelles. Ainsi, les termes « matériel de toute nature utilisé, dans l’exercice de ses fonctions par le journaliste pour recueillir, conserver ou transmettre les informations » ont été remplacés par ceux, plus simples, mais aussi plus large, de « tout objet ».

*

La Commission a été saisie d’un amendement de Mme Aurélie Filippetti rétablissant la possibilité de déposer un recours à l’encontre de l’ordonnance motivée rendue par le juge de la liberté et de la détention sur la contestation de la saisie d’un document lors d’une perquisition.

Mme Aurélie Filippetti. Cet article prévoit que l’ordonnance motivée rendue par le juge de la liberté et de la détention, lorsque la saisie d’un document au cours d’une perquisition est contestée, n’est susceptible d’aucun recours. Il me semble que la gravité de telles contestations justifierait au contraire que la loi prévoie la possibilité d’un recours à l’encontre de cette ordonnance.

M. le rapporteur. Il est préférable de maintenir l’alignement de cette procédure sur celle qui est applicable aux avocats dans ces situations. Le projet de loi permet de s’opposer à la saisie d’un document ou d’un objet lors de la perquisition : celui-ci est alors placé sous scellé, dans l’attente d’une décision du juge de la liberté et de la détention qui s’assimile déjà à une voie de recours à l’encontre de la décision initiale de saisie prise par le magistrat qui a effectué la perquisition.

Par ailleurs, la chambre de l’instruction, appelée à connaître de l’ensemble de la procédure d’instruction, peut être saisie d’une contestation. Si elle estime que les critères n’étaient pas réunis pour justifier la saisie, elle peut annuler toute la procédure, ce qui constitue une sanction particulièrement lourde. Cet amendement ne m’apparaît donc pas pertinent.

La Commission a rejeté cet amendement, puis adopté l’article 2 sans modification.

Article 2 bis

[article 56-1 du code de procédure pénale]


Coordination avec les règles de perquisition applicables aux avocats

Cet article est issu d’un amendement du rapporteur du projet de loi au Sénat. Il a pour objet d’actualiser les règles des perquisitions dans les cabinets et au domicile des avocats définies à l’article 56-1 du code de procédure pénale : par coordination avec un amendement adopté à l’article 56-2, il ajoute la mention des « objets » en complément des « documents » qui peuvent être saisis au domicile ou au cabinet d’un avocat.

La Commission a adopté l’article 2 bis sans modification.

Après l’article 2 bis

La Commission a été saisie d’un amendement de Mme Aurélie Filippetti précisant que les deux témoins requis lors d’une perquisition doivent avoir la qualité de journalistes.

Mme Aurélie Filippetti. L’alignement évoqué du régime des perquisitions applicable aux journalistes sur celui des avocats n’a guère de sens, car les journalistes ne peuvent bénéficier de la présence du bâtonnier lors d’une perquisition à leur domicile ou dans les locaux d’une entreprise de presse. L’amendement propose donc que les deux témoins requis lors de la perquisition aient la qualité de journalistes.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement car, si deux journalistes présents sur place pourraient aisément jouer le rôle de témoins lors d’une perquisition organisée dans les locaux d’une entreprise de presse, il risque en revanche d’être difficile d’assurer la présence de deux journalistes pour une perquisition au domicile d’un autre journaliste.

La Commission a rejeté cet amendement.

Article 3

[articles 326 et 437 du code de procédure pénale]


Extension du droit du journaliste entendu comme témoin de taire ses sources

Le présent article vise à étendre tout au long de la procédure pénale le droit du journaliste entendu comme témoin de taire ses sources : en l’état actuel du droit, l’article 109 du code de procédure pénale permet au journaliste de ne pas révéler l’origine des informations recueillies dans le cadre de son activité lorsqu’il est cité comme témoin dans le cadre d’une procédure d’instruction. Le présent article vise à garantir le même droit du journaliste à taire ses sources lorsqu’il est cité comme témoin devant la cour d’assises – article 326 du code de procédure pénale – ou devant le tribunal correctionnel – article 437 du même code (9).

C’est bien un droit absolu au silence – qui n’emporte pas l’interdiction de révéler - qui est reconnu aux journalistes lorsqu’ils sont cités comme témoins tout au long de la procédure pénale. Il s’agit d’un principe absolu, qui ne souffre aucune exception et qui emporte que le journaliste entendu comme témoin n’est jamais tenu de divulguer ses sources, ce qui a été réaffirmé par l’Assemblée nationale par amendement à l’article 1er.

Le Sénat a adopté deux amendements qui réécrivent les deux paragraphes composant cet article. Dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, le paragraphe I complétait l’article 326 du code de procédure pénale par un alinéa repris à l’identique de l’article 109 du même code pour garantir la même protection des sources du journaliste en cas de citation comme témoin devant une cour d’assises.

Le Sénat a adopté un amendement du rapporteur visant à ajouter une référence aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal relatifs au secret professionnel et aux peines encourues en cas de révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire. Il s’agit, peut-on lire dans le rapport, d’« éviter tout risque d’interprétation a contrario qui laisserait penser que les personnes soumises au secret professionnel n’ont plus le droit de ne pas déposer lorsqu’elles sont entendues comme témoin devant une Cour d’assises ou un tribunal correctionnel ». De fait, de même que l’usage a étendu l’application de l’article 109 à toute la procédure pénale, de même les personnes soumises au secret professionnel sont en pratique depuis longtemps dispensées de déposer sur les secrets dont elles sont dépositaires.

Par parallélisme, le Sénat a procédé à une modification analogue au paragraphe II du présent article, qui complète l’article 437 du code de procédure pénale pour prévoir la même protection du journaliste cité comme témoin devant un tribunal correctionnel.

*

La Commission a été saisie d’un amendement de Mme Aurélie Filippetti étendant le droit du journaliste de ne pas révéler l’origine de ses informations à tous les cas où il est entendu.

Mme Aurélie Filippetti. Le projet de loi ne permet au journaliste de taire ses sources que lorsqu’il est entendu comme témoin. Cette protection demeure donc partielle et pourrait même inciter à mettre en examen un témoin, ce qui irait à l’encontre de l’esprit de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes. L’amendement propose donc d’élargir ce droit du journaliste de taire ses sources à toutes les procédures au cours desquelles il peut être entendu, que cela soit dans le cadre d’une enquête préliminaire, d’une instruction ou d’une audience.

M. le rapporteur. Je ne suis pas favorable à cet amendement, qui avait déjà été rejeté en première lecture, car toute personne mise en examen est toujours libre de se taire et de ne pas s’incriminer elle-même. Le projet de loi rend le principe de la protection des sources applicable dans tous les cas où le journaliste, entendu comme témoin, serait placé dans l’obligation de déposer.

La Commission a rejeté cet amendement, puis a été saisie d’un amendement du même auteur prévoyant que les journalistes sont autorisés à taire leurs sources et que leur garde à vue est réputée irrégulière.

Mme Aurélie Filippetti. Cet amendement vise à éviter que la garde à vue ne soit utilisée comme un moyen de pression à l’encontre d’un journaliste. Je rappelle que Guillaume Dasquié a passé 36 heures en garde à vue.

M. le rapporteur. La première partie de cet amendement est satisfaite, car nul n’est tenu de déposer. En revanche, l’irrégularité de plein droit de la garde à vue d’un journaliste transformerait les journalistes en une catégorie de citoyens à part et risquerait de rompre le principe constitutionnel d’égalité devant la loi pénale.

La Commission a rejeté cet amendement, puis adopté l’article 3 sans modification.

Après l’article 3

La Commission a été saisie d’un amendement de Mme Aurélie Filippetti empêchant de placer en garde à vue un journaliste pour un acte lié à son activité lorsque cette mesure vise à révéler des sources et limitant à 24 heures non renouvelables leur garde à vue dans les autres cas.

Mme Aurélie Filippetti. Il s’agit, là encore, d’éviter que la garde à vue ne soit utilisée comme un moyen de pression pour obliger un journaliste à révéler les informations qu’il a recueillies dans l’exercice de ses fonctions.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement pour les raisons que j’ai déjà indiquées.

La Commission a rejeté cet amendement, puis a été saisie d’un amendement du même auteur précisant que le seul fait, pour un journaliste ou une personne assimilée, de détenir des sources d’information protégée, ne constitue pas une infraction.

Mme Aurélie Filippetti. Cet amendement vise à éviter que des journalistes détenant des sources d’information protégée ne soient poursuivis pour recel, notamment en cas de violation du secret de l’instruction. La divulgation de telles informations par les journalistes, lorsqu’elles sont fausses, met avant tout en jeu la responsabilité de l’auteur de la « fuite », même si le journaliste doit, de son côté, s’efforcer de recouper ses informations.

M. le rapporteur. Un amendement identique avait été rejeté en première lecture. Le projet de loi dépénalise clairement la situation du journaliste poursuivi pour diffamation et contraint d’utiliser pour plaider l’excuse de vérité, devant une juridiction correctionnelle, une information obtenue par violation du secret de l’instruction . En revanche, cet amendement remettrait en cause, de manière globale, le secret de l’instruction. Cette question mérite un vrai débat et ne peut être tranchée à l’occasion de ce texte.

La Commission a rejeté cet amendement.

Article 3 bis

[articles 60-1, 77-1 et 99-3 du code de procédure pénale]


Nullité des réquisitions judiciaires portant atteinte au secret des sources des journalistes

Cet article est issu d’un amendement présenté par votre rapporteur en première lecture visant à compléter les dispositions du code de procédure pénale relatives aux réquisitions judiciaires (articles 60-1, en matière d’enquête de flagrance, 77-1-1 pour l’enquête préliminaire et 99-3 en cas d’ouverture d’une information) introduites par la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite « Perben II ». Il s’agissait de préciser que les réquisitions judiciaires ne peuvent, à peine de nullité, porter atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l’infraction, à la protection qui est due au secret des sources d’un journaliste, ce qui peut être le cas notamment dans l’hypothèse de réquisitions adressées à un opérateur de télécommunication ou de communication en ligne, pour obtenir la liste des numéros appelés ou reçus par un journaliste ou la liste de ses correspondants e-mails.

Le Sénat a adopté un amendement du rapporteur supprimant la notion de « proportionnalité », qui laissait penser qu’une condition supplémentaire à celles prévues à l’article 2 de la loi de 1881 était créée pour apprécier la légalité d’une atteinte au secret des sources.

Votre rapporteur, qui n’avait pas conçu que la rédaction proposée par l’Assemblée nationale puisse induire une telle interprétation, est favorable à une précision qui lève toute ambiguïté.

Suivant son avis, la Commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 ter

[article 100-5 du code de procédure pénale]


Nullité des transcriptions de correspondance portant atteinte au secret des sources des journalistes

Cet article, issu d’un amendement présenté par votre rapporteur en première lecture, institue, en matière d’écoutes téléphoniques, une protection similaire à celle prévue par le deuxième alinéa de l’article 100-5 du code de procédure pénale pour les avocats, qui interdit, à peine de nullité, la retranscription de toute correspondance avec un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense. Il prévoit qu’à peine de nullité, ne pourront être transcrites les correspondances (10) avec un journaliste portant atteinte de façon disproportionnée, au regard la gravité et de la nature de l’infraction, à la protection du secret des sources. Dès lors, le juge d’instruction devra écarter les écoutes téléphoniques constitutives d’une telle atteinte, en dehors des cas où celle-ci serait justifiée, conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Le Sénat a adopté un amendement du rapporteur visant d’une part à supprimer, par cohérence avec l’amendement adopté à l’article précédent, la notion d’« atteinte disproportionnée » et d’autre part à préciser que c’est bien la transcription de la correspondance et non la correspondance elle-même qui porte atteinte au secret des sources.

*

La Commission a été saisie d’un amendement de Mme Aurélie Filippetti interdisant toute écoute téléphonique ou interception des courriels des journalistes et personnes assimilées pour les actes liés à leur activité professionnelle.

Mme Aurélie Filippetti. Cet amendement vise à étendre aux journalistes les protections donc bénéficient les parlementaires, avocats et magistrats en matière d’interceptions de sécurité.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement, pour les raisons déjà évoquées.

La Commission a rejeté cet amendement, puis a adopté l’article 3 ter sans modification.

La Commission a ensuite adopté l’ensemble du projet de loi sans modification.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter sans modification le projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes, modifié par le Sénat en première lecture (n°1239).

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte adopté par
l’Assemblée nationale

___

Texte adopté par le Sénat

___

Propositions de la Commission

___

Article 1er

Article 1er

Article 1er

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :

(Alinéa sans modification)

(Sans modification)

1° L’article 2 devient l’article 3 ;

1° (Sans modification)

 

2° L’article 2 est ainsi rétabli :

2° (Alinéa sans modification)

 

« Art. 2. —  Le secret des sources des journalistes est protégé afin de permettre l’information du public sur des questions d’intérêt général.

« Art. 2. —  

… protégé dans l’exercice de leur mission d’information du public.

 
 

« Est considéré comme journaliste au sens du premier alinéa toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d’informations et leur diffusion au public.

 

« Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement à ce secret qu’à titre exceptionnel et lorsqu’un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie. Au cours d’une procédure pénale, il ne peut y être porté atteinte que si la nature et la particulière gravité du crime ou du délit sur lesquels elle porte ainsi que les nécessités des investigations rendent cette atteinte strictement nécessaire. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources.

… indirectement au secret des sources que si un impératif …

… justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Cette atteinte …

 

« Est considérée comme journaliste, au sens du premier alinéa, toute personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et rétribué, le recueil d’informations et leur diffusion au public. » ;

Alinéa supprimé

 
 

« Est considérée comme une atteinte indirecte au secret des sources au sens du troisième alinéa le fait de chercher à découvrir les sources d’un journaliste au moyen d’investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut détenir des renseignements permettant d’identifier ces sources.

 
 

« Au cours d’une procédure pénale, il est tenu compte, pour apprécier la nécessité de l’atteinte, de la gravité du crime ou du délit, de l’importance de l’information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d’investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité. » ;

 

3° (nouveau) L’article 35 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

3° (Alinéa sans modification)

 

« Le prévenu peut produire pour les nécessités de sa défense, sans que cette production puisse donner lieu à des poursuites pour recel, les pièces d’une procédure pénale couvertes par le secret de l’enquête ou de l’instruction si elles sont de nature à établir sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires. »

… recel, des éléments provenant d’une violation du secret de l’enquête ou de l’instruction ou de tout autre secret professionnel s’ils sont de nature …

 

Article 2

Article 2

Article 2

L’article 56-2 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

(Sans modification)

« Art. 56-2. —  Les perquisitions dans les locaux d’une entreprise de presse, d’une entreprise de communication audiovisuelle, d’une entreprise de communication au public en ligne, d’une agence de presse, dans les véhicules professionnels, ou au domicile d’un journaliste lorsque les investigations sont liées à son activité professionnelle, ne peuvent être effectuées que par un magistrat. Ces perquisitions sont réalisées sur décision écrite et motivée du magistrat qui indique la nature de l’infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, ainsi que les raisons justifiant la perquisition et l’objet de celle-ci. Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance de la personne présente en application de l’article 57. Aucune saisie ne peut concerner des documents relatifs à d’autres infractions que celles mentionnées dans cette décision. Les dispositions du présent alinéa sont édictées à peine de nullité. Le magistrat et la personne présente en application de l’article 57 ont seuls le droit de prendre connaissance des documents découverts lors de la perquisition préalablement à leur éventuelle saisie.

« Art. 56-2. —  

… professionnels de ces entreprises ou agences ou au domicile …

… professionnelle ne … … magistrat.

« Ces perquisitions …

… l’article 57.

« Le magistrat et la personne …

… documents ou des objets découverts …

… saisie. Aucune saisie ne peut concerner des documents ou des objets relatifs à d’autres infractions que celles mentionnées dans cette décision.

 
 

« Ces dispositions sont édictées à peine de nullité.

 

« Le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites respectent le libre exercice de la profession de journaliste. Il veille à ce qu’elles ne portent pas atteinte de façon disproportionnée, au regard de la nature et de la gravité de l’infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et qu’elles ne constituent pas un obstacle ou n’entraînent pas de retard injustifiés à la diffusion de l’information.

… journaliste, ne portent pas atteinte au secret des sources en violation de l’article 2 …

… presse, et ne constituent …

… pas un retard …

 

« La personne présente lors de la perquisition en application de l’article 57 du présent code peut s’opposer à la saisie d’un document ou du matériel de toute nature utilisé, dans l’exercice de ses fonctions, par le journaliste pour recueillir, conserver ou transmettre les informations, à laquelle le magistrat a l’intention de procéder si elle estime que cette saisie serait irrégulière au regard de l’alinéa précédent. Le document doit alors être placé sous scellé fermé. Ces opérations font l’objet d’un procès-verbal mentionnant les objections de la personne, qui n’est pas joint au dossier de la procédure. Si d’autres documents ont été saisis au cours de la perquisition sans soulever de contestation, ce procès-verbal est distinct de celui prévu par l’article 57. Ce procès-verbal ainsi que le document placé sous scellé fermé sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention, avec l’original ou une copie du dossier de la procédure.

… document ou de tout objet si elle estime …

… document ou l’objet doit …

… documents ou objets ont été saisis …

… document ou l’objet placé ...

 

« Dans les cinq jours de la réception de ces pièces, le juge des libertés et de la détention statue sur la contestation par ordonnance motivée non susceptible de recours.

(Alinéa sans modification)

 

« À cette fin, il entend le magistrat qui a procédé à la perquisition et, le cas échéant, le procureur de la République, ainsi que la personne en présence de qui la perquisition a été effectuée. Il peut ouvrir le scellé en présence de ces personnes. Si le journaliste chez qui la perquisition a été réalisée n’était pas présent lorsque celle-ci a été effectuée, notamment s’il a été fait application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 57, le journaliste peut se présenter devant le juge des libertés et de la détention pour être entendu par ce magistrat et assister, si elle a lieu, à l’ouverture du scellé.

… journaliste au domicile duquel la perquisition …

 

« S’il estime qu’il n’y a pas lieu à saisir le document, le juge des libertés et de la détention ordonne sa restitution immédiate, ainsi que la destruction du procès-verbal des opérations et, le cas échéant, la cancellation de toute référence à ce document ou à son contenu qui figurerait dans le dossier de la procédure.

… document ou l’objet, le juge …

… document, à son contenu ou à cet objet qui figurerait …

 

« Dans le cas contraire, il ordonne le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure. Cette décision n’exclut pas la possibilité ultérieure pour les parties de demander la nullité de la saisie devant, selon les cas, la juridiction de jugement ou la chambre de l’instruction. »

(Alinéa sans modification)

 
 

Article 2 bis (nouveau)

Article 2 bis

 

L’article 56-1 du même code est ainsi modifié :

(Sans modification)

 

1° Aux troisième et quatrième phrases du premier alinéa, après le mot : « documents », sont insérés les mots : « ou des objets » ;

 
 

2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :

 
 

a) À la première phrase, les mots : « à laquelle le magistrat a l’intention de procéder » sont remplacés par les mots : « ou d’un objet » ;

 
 

b) À la deuxième phrase, après le mot : « document », sont insérés les mots : « ou l’objet » ;

 
 

c) À la quatrième phrase, après le mot : « documents », sont insérés les mots : « ou d’autres objets » ;

 
 

d) À la dernière phrase, après le mot : « document », sont insérés les mots : « ou l’objet » ;

 
 

3° Au sixième alinéa, après les mots : « le document », sont insérés les mots : « ou l’objet » et les mots : « ou à son contenu » sont remplacés par les mot : « , à son contenu ou à cet objet ».

 

Article 3

Article 3

Article 3

I. —  L’article 326 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

I. —  Le deuxième alinéa de l’article 326 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

(Sans modification)

« Tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l’origine. »

« L’obligation de déposer s’applique sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal et de la faculté, pour tout journaliste …

… activité, de ne …

 

II. —  L’article 437 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

II. —  L’article 437 du même code est ainsi rédigé :

 
 

« Art. 437. —  Toute personne citée pour être entendue comme témoin est tenue de comparaître, de prêter serment et de déposer sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

 

« Tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l’origine. »

(Alinéa sans modification)

 

Article 3 bis (nouveau)

Article 3 bis

Article 3 bis

I. —  L’article 60-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

I. —  (Alinéa sans modification)

(Sans modification)

« À peine de nullité, ne peuvent être versés au dossier les éléments obtenus par une réquisition portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l’infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

… réquisition prise en violation de l’article 2 …

 

II. —  Les articles 77-1-1 et 99-3 du même code sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

II. —  Non modifié ……………..

 

« Les dispositions du dernier alinéa de l’article 60-1 sont également applicables. »

   

Article 3 ter (nouveau)

Article 3 ter

Article 3 ter

L’article 100-5 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

(Sans modification)

« À peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un journaliste portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l’infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

… journaliste permettant d’identifier une source en violation de l’article 2 …

 

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Article 1er

Amendements présentés par Mme Aurélie Filippetti et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

•  Rédiger ainsi l’alinéa 5 :

« Il ne peut être porté atteinte à ce secret qu’à titre exceptionnel, dans la mesure où la révélation des sources est de nature à prévenir la commission d’un crime ou d’un délit constituant une menace grave pour l’intégrité des personnes et sous réserve que cette information ne puisse être obtenue d’aucune autre manière. »

•  À l’alinéa 5, supprimer les mots : « à titre régulier et rétribué ».

Article 2

Amendement présenté par Mme Aurélie Filippetti et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

À la fin de l’alinéa 8, supprimer les mots : « non susceptible de recours ».

Après l’article 2 bis

Amendement présenté par Mme Aurélie Filippetti et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Insérer l’article suivant :

« Le deuxième alinéa de l’article 57 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« "Pour les perquisitions relevant de l’article 56-2, les deux témoins sont requis par le magistrat ; ils ont la qualité de journalistes au sens de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse." »

Article 3

Amendements présentés par Mme Aurélie Filippetti et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

•  À l’alinéa 2, substituer aux mots : « comme témoin » les mots : « à quelque titre que ce soit ».

•  Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Toutefois les personnes visées à l’article 3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sont autorisées à taire leurs sources dans les conditions prévues par ledit article ; leur placement en garde à vue est réputé irrégulier. »

Après l’article 3

Amendements présentés par Mme Aurélie Filippetti et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

•  Insérer l’article suivant :

« I. —  Après le troisième alinéa de l’article 63 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« "Une mesure de garde à vue ne peut être prise à l’encontre d’un journaliste ou de toute personne visée aux troisième et quatrième alinéas de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour tout acte ressortissant de l’exercice de son activité lorsque cette mesure a pour objet ou pour effet la mise à disposition des sources."

« II. —  Après le troisième alinéa de l’article 77 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« "Une mesure de garde à vue ne peut être prise à l’encontre d’un journaliste ou de toute personne visée aux troisième et quatrième alinéas de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour tout acte commis dans l’exercice de sa profession lorsque cette mesure a pour objet ou pour effet la mise à disposition des sources. Dans tous les autres cas, ces mêmes personnes ne pourront être gardées à vue pour des raisons liées à l’exercice de leur profession que pour une durée de 24 heures non renouvelable." »

•  Insérer l’article suivant :

« Le seul fait de détenir des sources d’information protégées, dès lors qu’il ressort de l’activité professionnelle d’un journaliste ou de toute personne visée aux troisième et quatrième alinéas de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ne constitue pas une infraction. »

Article 3 ter

Amendement présenté par Mme Aurélie Filippetti et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Rédiger ainsi cet article :

« Après le troisième alinéa de l’article 100-7 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« "Aucune interception ne peut avoir lieu sur un service téléphonique ou sur un service de communications électroniques d’un journaliste, ou de toute personne visée aux alinéas 3 et 4 de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881, y compris à son domicile, pour un acte ressortissant de son activité professionnelle." »

© Assemblée nationale

1 () Recommandation n°R (2000) 7 du 8 mars 2000, dont le texte figue en annexe.

2 () Loi relative à la protection des sources journalistique du 7 avril 2005

3 () Il est ressorti des auditions menées par votre rapporteur que si les agences de presse ne sont pas expressément visées par l’article 56-2, il apparaît qu’en pratique, les règles posées par cet article ont été suivies pour les perquisitions menées dans leurs locaux.

4 () Rapport n°420 (2007-2008) du 25 juin 2008

5 () Rapport précité p. 30.

6 () Rappelons qu’une personne poursuivie pour diffamation dispose de trois voies pour se défendre :

—  soutenir que l’imputation litigieuse ne vise pas le plaignant, ou n’est pas assez précise, ou ne porte pas atteinte à son honneur ou sa réputation ;

—  faire la preuve de sa bonne foi (légitimité du but poursuivi, absence d’animosité personnelle, sérieuse enquête préalable, prudence et mesure de l’expression) ;

—  prouver la vérité des imputations diffamatoires (« exceptio veritatis »).

7 () La circulaire du 1er mars 1993 a précisé cette notion : « ces obligations doivent conduire à éviter que la saisie de documents constituant la preuve d’une infraction soit effectuée sans qu’un double soit remis à l’entreprise de communication audiovisuelle. En outre, ce double doit être établi avec diligence afin d’éviter tout retard injustifié dans la diffusion de l’information ».

8 () Voir aussi Cass. crim. 8 août 2007.

9 () Il s’agit de la consécration législative d’une heureuse pratique issue d’une lecture extensive de l’article 109 du code de procédure pénale qui a consisté à reconnaître le droit au silence des journalises concernant leur source devant une cour d’assises ou un tribunal correctionnel.

10 () au sens de l’article 100 du code de procédure pénale : « correspondances émises par la voie des télécommunications », c'est-à-dire toutes les formes de correspondance, même dématérialisées, ainsi que l’a rappelé le ministre de la culture au Sénat.