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N° 1290

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 décembre 2008.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

sur le projet de loi de finances rectificative pour 2008 (n° 1266)

PAR M. Jacques LAMBLIN,

Député.

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Voir le numéro : 1297

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 5

I. —  LES CONDITIONS DE L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE POUR 2008 7

A. UNE EXÉCUTION GLOBALEMENT SATISFAISANTE MALGRÉ DES INCERTITUDES
DE FIN D’EXÉCUTION
7

B. LE NÉCESSAIRE AJUSTEMENT DES CRÉDITS DISPONIBLES 7

II. —  LE FINANCEMENT DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES 11

A. UN BESOIN EN CONSTANTE AUGMENTATION 11

B. LES EFFORTS DE BUDGÉTISATION DOIVENT ÊTRE POURSUIVIS 12

C. LES RESSOURCES COMPLÉMENTAIRES EN 2008 13

III. —  L’APPROVISIONNEMENT PÉTROLIER DES ARMÉES 17

A. LE FINANCEMENT DE L’APPROVISIONNEMENT PÉTROLIER 17

B. LE MÉCANISME DE COUVERTURE DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE 18

C. LA NÉCESSITÉ D’ADAPTER LE MÉCANISME AU CONTEXTE INTERNATIONAL 19

IV. —  LES MESURES TERRITORIALES D’ACCOMPAGNEMENT DE LA RÉFORME DU MINISTÈRE 21

TRAVAUX DE LA COMMISSION 23

INTRODUCTION

L’exécution budgétaire 2008 revêt un caractère particulier pour le ministère de la défense dans la mesure où elle achève la programmation entamée en 2003 et détermine les conditions d’entrée en vigueur de la loi de programmation militaire 2009-2014. L’année 2008 a été marquée par d’importants bouleversements économiques et financiers et par la forte volatilité des cours du pétrole. Par ailleurs, l’instabilité géopolitique internationale a conduit la France à maintenir, voire à renforcer, ses engagements internationaux en intervenant sur de nombreux théâtres d’opérations. L’ensemble de ces facteurs a pesé sur le budget de la défense, montrant la nécessité d’adapter aux nouveaux enjeux l’autorisation parlementaire initiale grâce à une loi de finances rectificative.

Dans le même temps, le ministère de la défense s’est engagé dans une ambitieuse réforme de ses structures et implantations, nécessitant d’importants mécanismes d’accompagnement social et territorial. Le projet de loi de finances rectificative participe à cet effort sur le plan fiscal avec diverses mesures d’exonération et avec la création d’un crédit d’impôt.

Le projet de loi procède enfin à l’annulation de crédits devenus sans objet, notamment les autorisations d’engagement provisionnées dans la loi de finances initiale pour 2008 au profit du second porte-avions. La décision de son éventuelle construction étant reportée, il apparaît nécessaire de les supprimer, gagnant ainsi en lisibilité et évitant d’aggraver artificiellement et inutilement les reports de crédits non consommés les années antérieures.

I. —  LES CONDITIONS DE L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE POUR 2008

A. UNE EXÉCUTION GLOBALEMENT SATISFAISANTE MALGRÉ DES INCERTITUDES DE FIN D’EXÉCUTION

Le contexte budgétaire difficile en 2008 ne semble pas avoir affecté les crédits du ministère de la défense qui, il est important de le souligner, pourra effectivement dépenser l’intégralité de ses crédits ouverts en loi de finances initiale (LFI) d’ici à la fin de l’année. Au 30 septembre 2008, la consommation finale est estimée à 99,5 % de la dotation de la loi de finances initiale pour les autorisations d’engagement (AE) et à 107,6 % pour les crédits de paiement (CP). Le dépassement de l’autorisation budgétaire pour les CP est rendu possible grâce à de nouvelles ressources dégagées en gestion.

Le tableau suivant récapitule les conditions d’exécution des crédits de la mission « Défense » par trimestre au cours des deux dernières années.

Consommation de la dotation LFI

   

au 31 mars

au 30 juin

au 30 septembre

au 31 décembre

2007

AE

19,0 %

43,4 %

68,1 %

100,6 %

CP

21,6 %

50,5 %

75,4 %

101,6 %

2008 (1)

AE

19,8 %

45,9 %

66,0 %

99,5 %

CP

22,2 %

52,3 %

75,1 %

107,6 %

(1) Prévisions pour le 4e trimestre.

Source : ministère de la défense.

Même si la situation semble sereine pour le ministère de la défense, il convient de veiller aux conditions de fin d’exécution. Pour atteindre les objectifs de consommation précédemment décrits, le ministère doit en effet voir sa réserve de précaution intégralement levée et ses crédits d’équipement doivent être effectivement consommés. Les principaux programmes d’équipement étant traditionnellement signés en fin d’année, il apparaît normal que les AE hors titre 2 de la mission ne soient consommées qu’à hauteur de 60 % au 30 septembre. Il ne faudrait cependant pas que cette faiblesse relative justifie le financement d’autres dépenses par une réaffectation de ces crédits. À l’inverse, le mécanisme de report quasi systématique des crédits non consommés ne doit pas conduire le ministère à être moins exigeant sur les délais d’engagement et de négociation.

B. LE NÉCESSAIRE AJUSTEMENT DES CRÉDITS DISPONIBLES

La gestion 2008 est pleinement conforme au schéma ordinaire d’exécution de l’autorisation parlementaire. Pour autant, elle ne permet pas de résorber les importants reports de crédits accumulés depuis de nombreuses années. En 2008, au titre des reports, le ministère de la défense a vu ses AE augmentées de 4,9 milliards d’euros et ses CP de 1,6 milliard d’euros. Même s’il convient de se féliciter de la parfaite exécution de l’autorisation parlementaire annuelle, force est de constater que les reports des années antérieures ne sont pas corrigés, pouvant notamment laisser penser que les engagements de la loi de programmation militaire 2003-2008 n’ont pas pu être complètement réalisés. Le niveau moyen de consommation des crédits de la défense depuis 2006 apparaît pourtant satisfaisant, dépassant souvent la dotation initiale. Selon le ministère du budget, les reports semblent relever de décalages pour l’essentiel antérieurs à 2003.

Alors que la nouvelle loi de programmation militaire va être prochainement examinée, il semble justifié d’apurer ces reports pour que les nouveaux engagements s’inscrivent dans un cycle vertueux. Une telle mesure permettrait par ailleurs de gagner en lisibilité et d’identifier immédiatement tout décalage ou tout non-respect des engagements de la LPM.

La loi de finances pour 2008 avait en outre inscrit quelque trois milliards d’euros d’AE pour le second porte-avions dans le programme 146 « Équipement des forces ». Lors de la présentation du Livre blanc, le Président de la République a indiqué avoir décidé de reporter la prise de décision à 2011 ou 2012. Dans l’intervalle, il apparaît inutile de maintenir artificiellement des AE sans objet. Le décret d’avance ayant déjà procédé à l’annulation de 312 millions d’euros, il reste à annuler 2 688 millions d’euros dans la loi de finances rectificative. Dans le même temps une analyse des modalités de financement du commissariat à l’énergie atomique (CEA) a montré que le ministère de la défense était redevable de 779 millions d’euros d’AE au titre des engagements antérieurs à 2007. En effet, depuis 2007, le ministère de la défense verse directement au CEA une subvention calculée en fonction des crédits strictement nécessaires. Il reste à honorer l’ensemble des engagements précédents. Pour corriger cet écart, le ministère a donc choisi d’ouvrir des AE dans la loi de finances rectificative en réaffectant une partie des AE initialement dédiées au deuxième porte-avions.

Néanmoins l’intégralité des annulations ne porte pas sur le seul programme 146. Le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » doit voir ses AE réduites de 162 millions d’euros à cause du report à 2009 du projet d’externalisation pour la construction des nouveaux locaux de l’école nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) à Palaiseau pour un montant de 120 millions d’euros à quoi s’ajoute la non-affectation de 42 millions d’euros d’AE diverses. Le ministère a choisi de n’annuler que 151 millions d’euros des AE du programme 212, contribuant à hauteur de 11 millions d’euros au versement au profit du CEA. Enfin, le ministère a obtenu l’ouverture de 57 millions d’euros au profit du CEA.

Compte tenu de ces éléments, l’annulation des AE ne doit se faire qu’à hauteur de 1 976 millions d’euros. Le tableau ci-après synthétise le raisonnement et retrace l’origine des ouvertures et annulations.

Origine des mouvements en AE
dans la loi de finances rectificative

(en millions d’euros)

Programme 178

ouverture

57

Programme 212

report du projet d’externalisation (ENSTA)

- 120

AE non affectées

- 42

annulations théoriques en loi de finances rectificative

- 162

annulation effective en loi de finances rectificative

- 151

contribution au versement CEA

11

Programme 146

provision pour le deuxième porte-avions à annuler

- 3 000

annulations déjà faites dans le décret d’avance

- 312

reste à annuler en loi de finances rectificative

- 2 688

AE dues au CEA (engagements antérieurs à 2007)

779

reste théorique à annuler

- 1 909

ouverture en loi de finances rectificative (programme 178)

57

moindre annulation sur le programme 212 (contribution au versement au profit du CEA)

11

reste effectif à annuler

- 1 976

Source : ministère de la défense.

Les crédits de paiement sont quant à eux réduits de 360 millions d’euros. Le ministère de la défense ne pouvant pas consommer plus que l’intégralité de sa dotation budgétaire initiale en 2008, il ne pourra pas résorber les crédits de paiement de l’exercice 2007 qui avaient été reportés en 2008 et qui atteignent 1,32 milliard d’euros. Pour éviter que tous ces crédits ne soient de nouveau reportés en 2009, le projet de loi en annule 360 millions d’euros, améliorant ainsi la gestion des finances du ministère et évitant de consacrer un phénomène récurrent de report.

Le tableau suivant récapitule l’ensemble des ouvertures et annulations de crédits effectuées par la loi de finances rectificative (LFR).

Ouvertures et annulations de crédits en LFR

(en millions d’euros)

 

Ouverture

Annulation

 

AE

CP

AE

CP

Préparation et emploi des forces

57

     

dont titre 2

57

     

Soutien de la politique de la défense

   

151

 

Équipement des forces

   

1 976

360

Source : Projet de LFR.

II. —  LE FINANCEMENT DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

A. UN BESOIN EN CONSTANTE AUGMENTATION

Depuis 2005, l’engagement international de la France n’a cessé d’augmenter, les forces intervenant parfois dans des délais courts et sur des théâtres particulièrement complexes et violents. L’année 2008 a été marquée par la mort de dix soldats le 18 août en Afghanistan, rappelant si besoin était, que les militaires déployés dans cette zone font quotidiennement face à de véritables opérations de guerre. L’exigence de protection de nos troupes, combinée à un besoin opérationnel nouveau, explique que les dépenses liées aux opérations extérieures augmentent significativement en 2008 et devraient atteindre 852 millions d’euros à la fin de l’année.

Dans le même temps, la France s’est engagée à fournir un important contingent dans le cadre de l’opération européenne au Tchad (EUFOR) conformément au mandat figurant dans la résolution 1778 du Conseil de Sécurité de l’ONU adoptée le 25 septembre 2007. La France fournit de nombreux matériels logistiques, de transmission et de commandement ainsi que le noyau de l’état-major de la force, qui est installé au Tchad, et de l’état-major de l’opération en France. Elle fournit par ailleurs quatre hélicoptères d’attaque et quatre hélicoptères de manœuvre. Au total, 2 100 soldats français seront déployés au Tchad et en République Centrafricaine. La montée en puissance plus lente que prévue de ce dispositif a permis de limiter la hausse du surcoût pour ce théâtre à 130 millions d’euros en 2008. De même, l’étalement dans le temps de l’envoi de renforts en Afghanistan et l’évolution de l’opération Licorne en Côte-d’Ivoire ont évité d’aggraver encore les dépenses pour les OPEX.

Le tableau suivant récapitule l’évolution du surcoût OPEX par théâtre d’opérations depuis 2005.

Répartition du surcoût OPEX par théâtre d’opérations

(en millions d’euros)

 

2004

2005

2006

2007

2008 (1)

Bosnie et Croatie

58,9

33,2

24,2

18,0

7,5

Macédoine et Kosovo

146,5

112,9

85,8

84,3

103,2

Côte-d’Ivoire

191,9

191,7

164,2

156,7

116,4

Afghanistan

99,2

89,7

122,3

169,8

236,1

Tchad (Épervier)

76,9

80,3

78,5

96,6

104,1

EUFOR Tchad

     

8,3

130,3

Liban

7,1

6,1

42,5

67,8

78,9

Congo

0,4

0,4

21,8

3,0

0,6

autres

52,4

39,2

64,0

80,6

75,3

TOTAL

633,3

553,5

603,3

685,1

852,4

(1) Prévisions pour l’exercice 2008 arrêtées au 30 septembre.

Source : ministère de la défense.

B. LES EFFORTS DE BUDGÉTISATION DOIVENT ÊTRE POURSUIVIS

Comme le montre le graphique suivant, le mode de financement des opérations extérieures s’est nettement amélioré depuis l’inscription dans la loi de finances initiale d’une dotation pour les OPEX. Il n’en reste pas moins qu’elle n’a jamais suffi à couvrir l’ensemble des dépenses et qu’il a fallu trouver de nouvelles ressources, soit en loi de finances rectificative, soit en réduisant les crédits d’équipement de la défense. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale constate ainsi que malgré cet effort, en 2007, 45 % du surcoût OPEX a été financé par les crédits d’équipements.

Évolution de la dotation initiale OPEX et du surcoût réel

(en millions d’euros)

(1) Y compris les remboursements versés par l’ONU et les dépenses de titre 5 non remboursées.

Source : ministère de la défense.

La loi de programmation militaire cherche à corriger ce déséquilibre récurrent en augmentant, en 2010 et 2011, de 60 millions d’euros la dotation de 510 millions d’euros prévue dans le projet de loi de finances pour 2009, atteignant ainsi 630 millions d’euros à terme. Elle inscrit également le principe du financement des surcoûts non couverts par la provision par un prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle. Seront exclus du bénéfice de ce mécanisme les dépenses d’équipement (titre 5) habituellement non remboursées aux armées. De même, les remboursements des organisations internationales seront déduits du montant total du surcoût.

Cette stabilisation financière est satisfaisante mais elle doit également s’accompagner d’une stabilisation opérationnelle, une hiérarchie des opérations permettant de mieux cibler l’action internationale de la France et d’éviter une trop grande dispersion de ses forces. En rationalisant leur dispositif, les armées pourraient gagner en efficacité. Le débat parlementaire sur l’ensemble des opérations extérieures devrait permettre de préciser les conditions d’engagement des forces et les axes majeurs de la politique internationale de la France dans ce domaine.

C. LES RESSOURCES COMPLÉMENTAIRES EN 2008

En 2008, comme le montrent les tableaux précédents, la dotation initiale est inférieure de 377 millions d’euros au niveau réel des dépenses. Plusieurs mécanismes de financement ont été mis en place pour couvrir ces besoins. En cours d’exécution, des transferts entre programmes de la mission « Défense » ont permis d’augmenter les crédits de titre 2 dédiés aux opérations extérieures d’environ 55 millions d’euros. Par ailleurs, l’ONU a remboursé à la France 34 millions d’euros. Il convient enfin de rappeler que les dépenses d’équipement ne sont traditionnellement pas incluses dans la dotation et sont prises en charge par le budget ordinaire des armées. Elles sont estimées à 30 millions d’euros pour 2008.

L’augmentation de l’autorisation de découvert du compte de commerce « Approvisionnement des armées en produits pétroliers » permet également de réduire de 22 millions d’euros le surcoût lié aux carburants. Il ne s’agit pas de financer durablement l’approvisionnement par un découvert, l’augmentation du découvert fonctionnant comme un mécanisme d’avance. Le déséquilibre sera compensé en cours d’exécution en 2009, étant entendu que la loi de finances initiale pour 2009 repose sur une estimation du baril à 75 $ alors que l’évolution actuelle des cours semble montrer que le cours effectif sera plus faible. Le ministère de la défense pourra reconstituer ses stocks à moindre coût, rééquilibrer son compte de commerce et corriger l’écart constaté en fin d’année 2008.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le besoin de financement complémentaire est ramené à 236 millions d’euros. Le programme 178 dégage en gestion 15 millions d’euros supplémentaires, ramenant le besoin effectif à 221 millions d’euros. Le décret d’avance du 28 novembre 2008 couvre ce besoin comme le montre le tableau ci-après.

Répartition des crédits de paiement du décret d’avance
consacrés au financement des OPEX

(en millions d’euros)

   

Annulations brutes

Ouvertures brutes

Mission défense

Programme 144

Environnement et prospective de la défense

- 4,0

 

Programme 146

Équipement des forces

- 159,0

 

Programme 178

Préparation et emploi des forces

 

221,2

Programme 212

Soutien de la politique de la défense

- 9,4

 

Mission anciens combattants

- 1,3

 

Mission recherche

- 5,0

 

Autres missions

- 42,5

 

TOTAL

- 221,2

 

Source : ministère de la défense.

   

La réduction des crédits du programme 146 pèse principalement sur les sommes versées au commissariat à l’énergie atomique qui voit sa subvention amputée de 60 millions d’euros. Les autres annulations sont prélevées sur les réserves de précaution de chaque programme. L’article 51 de la loi organique relative aux lois de finances dispose en effet que « les mesures envisagées pour assurer en exécution le respect du plafond global des dépenses du budget général voté par le Parlement », et notamment « le taux de mise en réserve », sont chaque année retracées dans la loi de finances initiale. Ce mécanisme officialisé et systématisé par la LOLF constitue donc une garantie supplémentaire de financement et empêche de dégrader en cours d’exécution l’équilibre général des finances publiques.

Le décret d’avance de 2008 introduit également une nouveauté importante puisque, pour la première fois, les ministères civils participent directement au financement des opérations extérieures, anticipant en cela les dispositions de la prochaine loi de programmation militaire. Dans un contexte budgétaire contraint, il est remarquable que le ministère de la défense bénéficie d’une enveloppe complémentaire de 49 millions d’euros prélevés sur l’ensemble des autres missions.

Plus globalement, comme le notait M. Michel Grall, rapporteur pour avis sur le projet de loi de règlement pour 2007 (1), il importe également d’anticiper l’impact des opérations extérieures sur le montant des pensions que le ministère de la défense devra verser. En effet, les bonifications justifiées par les conditions extrêmes dans lesquelles les militaires sont amenés à intervenir peuvent induire à long terme une augmentation du niveau de pension ou donner plus rapidement un droit à pension.

III. —  L’APPROVISIONNEMENT PÉTROLIER DES ARMÉES

A. LE FINANCEMENT DE L’APPROVISIONNEMENT PÉTROLIER

Le service des essences des armées (SEA) est un service interarmées qui approvisionne la défense pour l’ensemble des produits pétroliers des armées à l’exception des combustibles de navigation de la Marine. Son champ d’action s’étend de la recherche de la ressource à la distribution en passant par l’expertise. Le projet annuel de performance pour 2009 estime que le SEA fournira au seul ministère de la défense 603 000 m3 de carburéacteur, 69 000 m3 de fioul et 94 000 m3 de gazole. Il approvisionnera également d’autres ministères à hauteur de 53 000 m3.

Compte tenu de la spécificité des opérations pétrolières, le SEA dispose d’un compte de commerce établi par la loi de finances pour 1985 et confirmé par la loi de finances rectificative pour 2003 et la loi de finances pour 2004. L’article 22 de la LOLF dispose qu’un compte de commerce retrace « des opérations de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l’État non dotés de la personnalité morale ». Pour 2008, le compte de commerce dispose d’une enveloppe de 700 millions d’euros, son découvert pouvant atteindre 75 millions d’euros. Le SEA est le gestionnaire de ce compte pour l’ensemble des carburants, à l’exception de ceux de la Marine nationale qui relèvent de son budget propre. Cette spécificité devrait d’ailleurs disparaître avec la réforme du ministère, le ministre ayant chargé le SEA de lui faire des propositions en ce sens avant la fin de l’année.

La forte augmentation des cours pétroliers a durablement bouleversé l’équilibre du compte de commerce et partant de là n’a pas été sans incidence sur le coût global des opérations extérieures d’autant plus que les théâtres d’opérations sont de plus en plus éloignés de la métropole. Le transport des unités et des équipements doit alors se faire par avion ou par bateau, importants consommateurs de carburant. Outre la problématique strictement liée à l’évolution des cours, il convient de s’interroger sur le niveau moyen de consommation des appareils aujourd’hui utilisés.

B. LE MÉCANISME DE COUVERTURE DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

Pour limiter l’impact des fluctuations de marché, le ministère de la défense a mis en place un mécanisme de couverture passant par la souscription de contrats financiers d’assurance (notamment des cap). Ils garantissent un prix maximal d’achat de carburant défini à l’avance contre le versement d’une prime. Ce dispositif de couverture, aujourd’hui pleinement opérationnel, reste prudent et n’intervient pas autant qu’il le pourrait sur les marchés financiers, contrairement aux recommandations du ministère des finances. Le tableau suivant synthétise le résultat net mensuel du mécanisme de couverture depuis janvier 2007.

Résultat net mensuel du mécanisme de couverture des approvisionnements pétroliers du ministère de la défense

(en milliers d’euros)

Source : ministère de la défense.

Le ministère doit payer de manière fixe la prime de couverture. Le système ne lui est profitable que lorsque le cours des produits pétroliers est supérieur au prix d’achat garanti du ministère augmenté de la prime. L’augmentation des cours a été suffisamment importante d’octobre 2007 à septembre 2008 pour qu’il profite du mécanisme. En revanche la baisse récente des cours devrait dégrader ce bénéfice au cours du dernier trimestre 2008. En moyenne, le mécanisme de couverture a permis au ministère d’économiser un peu plus d’un million d’euros en 2008. Outre ce gain, le ministère a surtout évité de fortes augmentations de ses dépenses d’approvisionnement.

Le système doit être pérennisé même s’il convient d’une part d’en élargir l’assiette et d’autre part d’en modifier les modalités. La souscription de contrats d’assurance dits floor permettrait par exemple de couvrir le ministère contre le risque d’une trop grande baisse des cours. Le ministère disposerait ainsi d’une protection à la fois contre la hausse et contre la baisse des cours. La combinaison de ces deux contrats dans un seul mécanisme dit collar est également envisageable.

C. LA NÉCESSITÉ D’ADAPTER LE MÉCANISME AU CONTEXTE INTERNATIONAL

Même si le mécanisme assurantiel a permis de limiter les effets de la hausse des cours, le compte de commerce est actuellement dans l’incapacité d’assurer ses missions sans déséquilibrer temporairement ses comptes. Le découvert autorisé est en effet limité à 75 millions d’euros en 2008, somme relativement réduite par rapport à ses 700 millions d’euros de budget. L’article 16 de la loi de finances rectificative augmente de 50 millions d’euros l’autorisation de découvert du compte de commerce « Approvisionnement des armées en produits pétroliers » de façon à le porter à 125 millions d’euros. Cette hausse est d’autant plus nécessaire que les armées doivent procéder à de fortes opérations de restockage, compte tenu des faibles stocks disponibles en 2008. Cette mesure ne fait qu’anticiper la loi de finances pour 2009 qui porte le découvert à 125 millions d’euros.

Par ailleurs, le ministère de la défense a décidé de virer 44 millions d’euros du programme 146 au programme 178 qui assure la majorité des dépenses en carburant. Cette opération de gestion est toutefois nulle, l’avance accordée par le programme 146 étant corrigée au cours de l’exécution 2009.

Ces mesures apparaissent pleinement justifiées et ne font que tirer les conséquences de l’évolution du contexte international. La crise financière ne peut que renforcer encore cette exigence de souplesse et de réactivité pour ces approvisionnements stratégiques.

IV. —  LES MESURES TERRITORIALES D’ACCOMPAGNEMENT DE LA RÉFORME DU MINISTÈRE

● La réforme du ministère de la défense engagée à la suite des travaux du Livre blanc et des conclusions de la révision générale des politiques publiques (RGPP) va profondément bouleverser tant les structures nationales du ministère que ses implantations territoriales. Au total, 20 régiments, 11 bases aériennes et une base navale seront dissous ou transférés entre 2009 et 2014. Pour la seule armée de terre, ce sont quelque trente garnisons qui seront abandonnées en métropole, parfois dans des zones où les armées constituent le principal voire le seul employeur. Conscient de l’impact territorial de la réforme, le ministère de la défense et le secrétariat d’État à l’aménagement du territoire ont mis en place un ensemble de dispositifs d’accompagnement. Le présent projet de loi les complète en créant des mesures fiscales incitatives au profit des entreprises implantées dans les zones touchées par une restructuration de défense.

● Lors de la présentation de la réforme, le 24 juillet dernier, le Premier ministre a insisté sur l’importance de son accompagnement territorial. Il a pour cela adressé, dès le 25 juillet, une circulaire à l’ensemble des préfets dans laquelle sont précisées les grandes orientations de ces mesures à destination des collectivités touchées par les restructurations. Le plan programmé repose sur quatre éléments d’action :

- seront mis en place des contrats de redynamisation de site de défense pour les sites les plus touchés, le ministère de l’aménagement du territoire, en liaison avec le ministère de la défense, ayant identifié 26 sites prioritaires (dont deux outre-mer) et pour les autres zones des plans locaux de redynamisation ;

- les cessions d’emprises militaires seront facilitées, le projet de loi de finances initiale pour 2009 prévoyant même que certains biens pourraient être cédés à l’euro symbolique ;

- des administrations centrales seront déconcentrées vers les territoires subissant les réductions d’effectifs les plus importantes, 5 000 personnes pouvant ainsi quitter la région parisienne ;

- pour les régions du Nord-Est de la France qui concentrent l’essentiel des fermetures, une mission spécifique d’accompagnement est confiée au préfet Hubert Blanc.

Pour mener à bien ces objectifs, l’État mettra à la disposition des préfets, coordinateurs locaux de la réforme, et des différents services de la défense et de l’aménagement du territoire en charge de l’accompagnement territorial, une enveloppe globale de 320 millions d’euros sur l’ensemble de la période. Ces crédits sont centrés sur les territoires les plus impactés puisque 225 millions d’euros iront aux 26 contrats de redynamisation (CRSD) et 75 millions d’euros aux plans locaux de redynamisation. La ventilation par département n’est pas encore définitivement arrêtée.

● Pour autant, le Gouvernement a conscience des effets indirects de la réforme notamment en ce qui concerne les ressources des collectivités territoriales. Le départ des militaires conduit en effet à réduire massivement la population de certains bassins. L’exemple de la ville de Bitche est significatif : la ville compte quelque 6 000 habitants et le régiment emploie environ 1 300 personnes. La baisse de la population a un effet direct sur le budget des collectivités dans la mesure où la dotation globale de fonctionnement est principalement assise sur l’évolution de la population de la collectivité concernée. Pour éviter un changement trop brutal, l’article 72 du projet de loi de finances pour 2009 a créé un fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées doté de 5 millions d’euros en 2009 et de 25 millions d’euros pour la période 2009-2011.

● Dans sa circulaire, le Premier ministre indique également que des aménagements fiscaux seront prochainement proposés au Parlement pour compléter les mesures de soutien aux collectivités précédemment présentées. L’article 19 du projet de loi procède à ces modifications en créant un mécanisme d’exonération fiscale combiné à un crédit d’impôt.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 3 décembre 2008.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur pour avis.

M. Gilbert Le Bris. Quelles ont été les sommes effectivement engagées par le ministère de la défense au titre du deuxième porte-avions (PA2) ?

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. Les 3 milliards d’euros qui sont annulés sont des autorisations d’engagement, c'est-à-dire de simples autorisations à signer des contrats. La décision ayant été reportée, ces sommes n’ont pas été consommées. Je ne dispose en revanche d’aucun élément sur les montants qui ont été réellement engagés au titre des études préliminaires.

M. Jean-Pierre Soisson. Dans le cadre de la mission d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits du ministère de la défense, le directeur du budget a fait une présentation assez claire des implications du projet de loi de finances rectificative, insistant notamment sur le report de la décision concernant le deuxième porte-avions et sur le financement des OPEX. Le projet qui nous est soumis correspond en tous points à ce qui nous a été expliqué. J’ajoute toutefois que s’il faut se féliciter du mécanisme de financement interministériel des OPEX, il ne reste pas moins primordial de se pencher sur les conditions financière de notre participation à des opérations internationales en général et à des opérations européennes en particulier. Il ne faudrait pas que la France, qui fournit déjà un effort humain et matériel important, prenne à sa charge une part excessive de ces opérations. Nous devons veiller à ce que la charge financière soit mieux répartie entre les différents partenaires.

M. Jean-Claude Viollet. Je me félicite de cette amorce de financement interministériel, mais je tiens à souligner que c’est la mission Défense qui supporte encore l’essentiel du financement des OPEX, avec des efforts de gestion et une annulation de crédits d’équipement.

Par ailleurs, la commission de la défense doit disposer de tous les éléments lui permettant d’apprécier les conditions dans lesquelles a été décidé le report du choix concernant le second porte-avions. Quelles ont été les dépenses effectivement engagées ? Quels ont été les bénéficiaires des études qui ont été menées ? Quel était l’état d’avancement du programme ?

M. le président Guy Teissier. Je propose que notre rapporteur poursuive ses investigations sur ce thème et nous fasse partager le fruit de ses recherches lors d’une prochaine réunion.

M. Bernard Cazeneuve. Dans le cadre du rapport d'information que j’ai présenté avec M. Jean-Michel Fourgous en conclusion des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur le financement des projets d'équipement naval militaire, nous avions évalué à 250 millions d’euros le surcoût de la coopération avec les Britanniques pour le deuxième porte-avions, c'est-à-dire que la France a financé le « design » du modèle choisi par le Royaume-Uni. Ces études amont ont en effet été menées alors que notre pays avait renoncé à la propulsion nucléaire au profit de la solution britannique de la propulsion classique, qui ne correspondait pourtant pas à nos besoins. Nous nous sommes engagés sur une fausse voie et nous devons pouvoir établir les faits en toute transparence.

Par ailleurs, j’aimerais que le rapporteur puisse nous apporter des précisions sur le programme FREMM dont le financement devait être partagé entre le ministère de la défense pour 13/19e de son montant et le ministère chargé du budget pour le restant. Ce partage tient-il toujours ? Je vous rappelle que la loi de finances rectificative pour 2007 n’avait pas prévu le financement de la part revenant à la charge du budget. Faute de traduction budgétaire réelle, c’est tout le modèle décrit par le Président de la République qui risque de s’effondrer.

M. le président Guy Teissier. En ce qui concerne le second porte-avions, il me faut rappeler que, lors du lancement des études, la commission avait rendu un rapport sur ce sujet qui examinait notamment la question de la propulsion. Le choix de la coopération avec le Royaume-Uni constituait, il faut le dire, une décision forte du président de la République qui entendait à la fois l’ériger en symbole de la coopération européenne et réaliser des économies. Au final, ni le porte-avions ni les économies ne sont au rendez-vous. Je ne doute pas que la mission d’information sur l’exécution de la loi de programmation militaire 2003-2008 examinera ce point avec attention, ce qui devrait utilement éclairer les travaux sur la prochaine loi de programmation.

M. Michel Voisin. Il faut conserver à l’esprit que l’arrêt d’un programme n’est jamais total. Il existe toujours des structures qui continuent à le gérer. S’agissant du projet de porte-avions, des équipes poursuivent encore leurs études. Lorsque l’on analyse le coût d’un programme, il ne faut donc pas oublier les coûts induits par son arrêt.

M. le président Guy Teissier. La gestion de la fin des programmes est une question importante que j’ai évoquée avec le Président de la République. De ce point de vue, le programme d’achat d’obus Bonus est intéressant. Il s’agit d’obus conçus pour atteindre les moteurs des chars dans l’hypothèse d’une guerre avec le pacte de Varsovie. Le contexte ayant radicalement changé, il me semble que l’on aurait pu modifier la commande avant de livrer 3 700 pièces que nous devons stocker aujourd’hui.

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. En ce qui concerne la facturation des prestations par l’Union européenne, un certain nombre d’interrogations ont pu apparaître, le sommes demandées étant parfois importantes, ce qui conduit l’état-major des armées à engager un examen minutieux des méthodes de calcul.

S’agissant de la construction d’un second porte-avions, la décision du Président de la République de reporter la décision en 2011-2012 retire tout intérêt à l’inscription des autorisations d’engagement correspondantes. Cela ne présage pas de la décision qui sera finalement prise, mais il faudra certainement réactualiser les études.

Enfin, sur le programme FREMM, le financement devrait être revu dans le cadre de la prochaine normalisation.

M. Jean-Louis Bernard. Lors de l’audition du directeur du budget par la mission d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la défense, il a été précisé que l’enveloppe globale consacrée au programme FREMM serait réduite, les commandes passant de 17 appareils à 11, mais que, dans le même temps, leur coût unitaire devait dépasser les 388 millions d’euros initialement prévus.

M. Bernard Cazeneuve. Dans le cadre de notre mission d’information sur la mise en œuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la défense, nous avons rencontré le directeur du budget qui nous a indiqué qu’il n’a jamais été question d’un changement dans le mode de financement des FREMM. Or cela fait maintenant deux ans que les 6/19e ne sont pas inscrits dans les budgets d’équipement. Faut-il y voir une volonté de remettre en cause ce programme, ce qui me semblerait particulièrement grave ?

La commission a ensuite procédé à l’examen des articles du projet de loi.

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Article 12

Budget général : ouverture de crédits supplémentaires

Cet article ouvre quelque 1,852 milliard d’euros en AE et 1,816 milliard d’euros en CP, la répartition des ouvertures étant précisée dans l’annexe B. Pour la mission défense, les ouvertures atteignent 57 millions d’euros pour les seules AE, ce qui correspond à une partie des engagements du ministère envers le CEA et antérieurs à 2007.

La commission a émis un avis favorable à l’adoption de l’article 12 sans modification.

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Article 13

Budget général : annulation de crédits

L’article 13 annule les crédits du budget général à hauteur de près de 3,5 milliards pour les AE et de 1,066 milliard pour les CP. La mission défense concentre près de 62 % des annulations d’AE puisque les AE du programme 146 sont réduites de 1,976 milliard et celles du programme 212 de 151 millions d’euros. Les CP du programme 146 baissent quant à eux de 360 millions d’euros.

Comme précédemment indiqué, ces annulations tirent les conséquences du report de la décision concernant le second porte-avions qui avait fait l’objet d’une provision initiale de trois milliards d’euros dans la loi de finances initiale. Tous les crédits ne sont cependant pas supprimés, le ministère devant honorer des engagements antérieurs vis-à-vis du CEA.

Ces changements apparaissent comme des mesures de saine gestion et évitent d’entretenir inutilement des reports alors que le ministère de la défense doit déjà résorber un stock d’AE avoisinant les cinq milliards d’euros. Par ailleurs, ces annulations ne préjugent en rien de la décision finale du Président de la République et ne remettent pas en cause les conditions d’exécution de fin d’année du budget du ministère.

La commission a émis un avis favorable à l’adoption de l’article 13 sans modification.

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Article 16

Comptes de commerce : autorisation de découvert supplémentaire

La forte augmentation du cours du baril de pétrole en fin d’année 2007 et pendant l’essentiel de l’année 2008 a profondément bouleversé les conditions d’approvisionnement et de stockage pour les armées. Ces difficultés se sont ressenties d’autant plus durement que les unités et les matériels déployés en opérations extérieures sont de plus en plus éloignées du territoire métropolitain. Le présent article vise à donner plus de souplesse au gestionnaire du compte de commerce « Approvisionnement des armées en produits pétroliers » en augmentant de 50 millions d’euros son autorisation de découvert. Ce faisant, la loi de finances rectificative ne fait qu’anticiper les dispositions de la loi de finances initiales pour 2009 et ne dégrade pas durablement l’équilibre du compte, l’évolution prévisionnelle des cours en 2009 devant permettre de corriger ces découverts en cours de gestion.

La commission a émis un avis favorable à l’adoption de l’article 13 sans modification.

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Article 19

Instauration d’aides fiscales dans les zones de restructuration de la défense

Le présent article comprend huit paragraphes : le I définit les zones de restructuration de la défense (ZRD) bénéficiant d’aides fiscales ; les II, III et IV concernent les exonérations fiscales d’impôt sur le revenu, d’impôt sur les sociétés, de taxe foncière et de taxe professionnelle ; le V crée un crédit d’impôt ; le VI exonère de charges sociales certaines entreprises implantées dans les zones de restructuration de la défense et le VIII est relatif à l’exercice du droit d’option entre les aides fiscales nationales et les dispositifs communautaires.

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Le I du présent article (alinéas 1 à 11) modifie l’article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire qui liste les zones où s’appliquent « des politiques renforcées et différenciées de développement ». Sont actuellement visées les « zones d’aménagement du territoire, les territoires ruraux de développement prioritaire, les zones urbaines sensibles, les bassins d’emploi à redynamiser et les régions ultrapériphériques françaises ». L’alinéa 2 ajoute à cette liste « les zones de restructuration de la défense ». Les alinéas 3 à 11 précisent la nature de ces zones qui se répartissent en deux catégories figurant désormais au 3 ter de l’article 42 de la loi n° 95-115.

L’alinéa 5 définit la première catégorie de territoires qui figurent désormais au 1° du 3 ter de l’article 42 de la loi de 1995. Il s’agit des « territoires dans lesquels la majorité des actifs résident et travaillent », c’est-à-dire les bassins d’emplois, qui comprennent au moins une commune affectée par la perte d’au moins 50 emplois directs du fait de la réorganisation des unités militaires et qui bénéficient d’un dispositif spécifique « visant à recréer un niveau d’emploi comparable à celui existant avant la réorganisation ». Les deux conditions sont cumulatives, l’existence d’un plan d’accompagnement, contrat de redynamisation de site de défense ou plan local de redynamisation, étant une condition nécessaire pour bénéficier du dispositif fiscal.

Les territoires ainsi identifiés ne peuvent cependant bénéficier des dispositions fiscales que s’ils remplissent un des trois critères permettant de le qualifier de « bassin d’emploi à redynamiser » au sens du 3 bis de l’article 42 de la loi de 1995. Les territoires doivent donc avoir un taux de chômage supérieur de trois points à la moyenne nationale, connaître une « variation annuelle moyenne négative de population entre les deux derniers recensements connus supérieure en valeur absolue à 0,15 % » ou « une variation annuelle moyenne négative de l’emploi total sur une période de trois ans supérieure en valeur absolue à 0,75 % ». L’alinéa 9 précise que les références statistiques sont fixées par voie réglementaire. Selon les informations transmises au rapporteur, le taux de chômage pris comme référence est celui du troisième trimestre 2008, c’est-à-dire le taux calculé au moment de l’annonce des restructurations.

Selon les éléments fournis au rapporteur, 12 des 24 bassins d’emploi métropolitains faisant l’objet d’un contrat de redynamisation de site (CRDS) répondent à ces différents critères. Il s’agit de Laon / Couvron et Aumencourt (02), Givet (08), Guéret (23), Châteauroux / Déols (36), Langres (52), Laval (53), Commercy (55), Bitche (57), Dieuze (57), Cambrai (59), Limoges (87) et Joigny (89).

Sont en revanche écartés les autres territoires bénéficiant d’un CRDS car ils ne remplissent pas un des trois critères complémentaires. Il s’agit des bassins de Barcelonnette (04), Briançon (05), Caen, Mondeville et Bretteville (14), La Rochelle (17), Vernon (27), Reims et Bethény (51), Metz (57), Noyon (60), Arras (62), Bourg-Saint-Maurice (73), Sourdun et Provins (77) ainsi que celui de Brétigny-sur-Orge (91).

L’alinéa 10 du présent article crée une seconde catégorie de territoire reconnu comme « zone de restructuration de la défense » : il s’agit des communes subissant la perte d’au moins 50 emplois directs du fait de la réforme des unités militaires.

Les deux catégories de territoires bénéficient de régimes différenciés, exclusifs l’un de l’autre :

- les contribuables des territoires visés au nouveau 1° de l’article 3 ter de l’article 42 de la loi de 1995 font l’objet de mesures d’exonération prévues aux paragraphes II, III, IV (alinéas 12 à 56) et VII (alinéas 71 à 82);

- les contribuables les territoires visés au nouveau 2° de l’article 3 ter de l’article 42 de la loi de 1995 bénéficient quant à eux d’un crédit d’impôt prévu au paragraphe V (alinéas 57 à 69).

La rédaction de l’article apparaît cependant très restrictive dans la mesure où il n’est fait référence, pour les deux catégories, qu’aux seules « unités militaires », écartant de ce fait les structures relevant du ministère de la défense mais qui n’ont pas de caractère militaire. Les établissements de la délégation générale pour l’armement et ceux du secrétariat général pour l’administration sont ainsi exclus alors que leurs fermetures impactent parfois très fortement les territoires. La fermeture partielle de l’établissement technique d’Angers (ETAS) de la DGA conduit par exemple à la suppression de près de 300 postes. De même, les 334 emplois du laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques de Vernon sont supprimés. À Valenciennes, la disparition du bureau du service national équivaut à la suppression de 171 emplois. Or, la situation socio-économique de ces zones peut être déjà délicate et les bassins ont parfois déjà dû faire face à d’importantes modifications du tissu industriel. Il apparaît donc nécessaire d’intégrer dans le périmètre l’ensemble des établissements de la défense, qu’ils soient sous statut militaire ou non. Cette modification ne modifierait en rien la liste des territoires bénéficiant des exonérations, les sites potentiellement concernés ne remplissant pas, à l’heure actuelle, les conditions socio-économiques complémentaires. Pour autant, ils ne doivent pas être écartés a priori de toute modification ultérieure de l’arrêté fixant les ZRD, leur contexte socio-économique ayant pu évoluer d’ici à cette date, ce qui leur permettrait alors de bénéficier de l’exonération.

La qualité de zone de restructuration de la défense est reconnue par un arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie, du budget et de l’aménagement du territoire « au titre d’une seule année, située entre 2009 et 2013 ». L’entrée dans le dispositif ne peut avoir lieu qu’une seule fois, mais l’année de départ est librement déterminée sous réserve qu’elle soit comprise entre 2009 et 2013. Ce mécanisme permet de ne faire débuter les aides fiscales qu’au moment de la fermeture effective des unités, ciblant ainsi précisément la période la plus difficile. Par ailleurs, l’absence du ministre de la défense parmi les ministres signataires de l’arrêté interministériel est justifiée par le fait que le secrétariat d’État chargé de l’aménagement du territoire pilote l’ensemble de l’accompagnement social, le ministère de la défense ne fournissant que des informations statistiques.

La création de deux niveaux de référence pour les zones de restructuration de la défense peut sembler surprenante mais traduit une volonté d’isoler les zones les plus touchées afin d’y concentrer l’essentiel des dispositifs.

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Les paragraphes II à IV du présent article (alinéas 12 à 56) mettent en place les différents mécanismes fiscaux d’incitation, chacun pour une imposition différente.

Le II (alinéas 12 à 30) concerne l’exonération d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés et crée un nouvel article 44 quaterdecies dans le code général des impôts. Pour l’impôt sur le revenu, peuvent prétendre à l’exonération les contribuables « exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale », c’est-à-dire les personnes imposées pour l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux. Pour l’impôt sur les sociétés, sont concernées les sociétés exerçant une activité non commerciale. Sont expressément visées par renvoi au 1 de l’article 92 du code général des impôts les « professions libérales, […] charges et offices dont les titulaires n’ont pas la qualité de commerçants » et toutes les personnes tirant un bénéfice d’une occupation ou exploitation lucrative «  ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ».

Selon l’alinéa 13, peuvent prétendre à ce dispositif les contribuables qui « créent » des activités pendant une période de trois ans à compter de la date de l’arrêté reconnaissant la zone comme zone de restructuration de la défense. Seuls les entreprises ou sociétés qui s’installent sur le territoire après l’annonce des restructurations pourront prétendre à ce régime. Les entreprises déjà installées dans la zone pourront, sous certaines réserves, bénéficier du crédit d’impôt prévu au paragraphe V du présent article du projet de loi de finances rectificative. Ce choix s’explique par la volonté de renforcer l’attractivité du territoire, étant entendu que les entreprises existantes pourront prétendre à ces aides pour les extensions de leur activité. Ce mécanisme ne vise pas à soutenir l’activité existante mais bien à soutenir le développement de nouvelles activités. Il s’inspire en cela des dispositifs fiscaux qui ont pu être mis en place pour accompagner les phénomènes de désindustrialisation.

Le bénéfice de l’exonération est limité aux créations d’activité qui interviennent dans les trois années suivant l’arrêté de qualification du bassin en ZRD. L’arrêté précise à partir de quelle année la qualification est reconnue au territoire, c’est-à-dire que la qualification peut intervenir plus tardivement. Pour un arrêté pris en 2009, deux situations peuvent apparaître :

- le territoire est reconnu comme ZRD dès 2009, les créations d’activité devront alors avoir lieu entre la date de publication de l’arrêté et le 31 décembre 2011 ;

- le territoire n’est reconnu comme ZRD qu’à compter de 2011 (date de la fermeture effective) : les créations d’activité devront alors avoir lieu entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2012.

Cette différence de limitation dans le temps s’explique par l’impossibilité d’accorder de façon rétroactive une exonération fiscale. En tout état de cause, il importe que l’arrêté interministériel soit publié le plus rapidement possible, de façon à ce que la mise en œuvre des exonérations puisse être anticipée le plus possible.

La zone d’application du dispositif est strictement limitée aux bassins d’emploi reconnus comme zone de restructuration de la défense, c’est-à-dire les territoires visés par le 1° du 3 ter de l’article 42 de la loi du 4 février 1995. Sont donc exclus les communes reconnues comme zone de restructuration de la défense au titre du 2° du 3 ter de l’article précité mais non incluses dans un bassin d’emploi reconnu comme zone de restructuration de la défense.

Les alinéas 15 et 16 refusent respectivement le bénéfice de cette exonération :

- aux contribuables transférant leur activité dans la zone s’ils ont bénéficié, dans les cinq années précédant le transfert, d’une prime d’aménagement du territoire versée pour aider le transfert d’activité ;

- aux contribuables reprenant une activité dans le cadre d’un transfert, d’une concentration ou d’une restructuration, sauf si ladite activité bénéficie déjà ou a déjà bénéficié de l’exonération.

Ces deux restrictions ne visent qu’à éviter des phénomènes d’opportunisme fiscal, qui, loin de profiter à la redynamisation du site, dévoient et font perdre de l’efficacité au dispositif fiscal d’exonération.

L’alinéa 17 constitue en revanche un gage de souplesse puisque le quatrième alinéa du I du nouvel article 44 quaterdecies ainsi créé dispose que l’exonération s’applique également aux contribuables dont une partie de l’activité non sédentaire est exercée en dehors de la zone à condition qu’ils emploient un salarié sédentaire à temps plein dans la zone ou qu’ils réalisent au moins 25 % de leur activité auprès de clients situés dans la zone.

L’alinéa 18 précise que les bénéfices des activités créées durant la période visée sont exonérés pendant trois à taux plein puis font l’objet d’une exonération dégressive les deux années suivantes. La quatrième année, les bénéfices ne sont imposés qu’à hauteur d’un tiers de leur montant, la cinquième année à hauteur de deux tiers. Ce mécanisme dit « en sifflet » facilite le retour à un régime ordinaire d’imposition et évite les changements brusques d’imposition.

Le II du nouvel article 44 quaterdecies (alinéas 19 à 27) définit pour sa part les modalités de calcul du bénéfice imposable qui fait l’objet de l’exonération. Il dispose que, pour les contribuables qui se trouvent dans une zone d’aide à finalité régionale, le bénéfice de cette exonération est soumis aux règles communautaires relatives à la compatibilité de certaines aides avec le marché commun. Le contribuable exerce alors une option irrévocable pour la durée de l’exonération entre les aides à finalité régionale et le régime d’exonération fiscale. Cette option doit intervenir dans les six mois suivant la création de l’activité.

Le III du nouvel article 44 quaterdecies (alinéas 28 et 29) concerne les sociétés pouvant prétendre à l’exonération qui sont membres d’un groupe fiscal visé à l’article 223 A du code général des impôts. Il précise que seul le bénéfice de la société implantée dans la zone est concerné par l’exonération. Il dispose par ailleurs que l’application de ce régime constitue une option irrévocable, le contribuable devant opérer ce choix dans les six mois suivant celui du début d’activité.

Le IV du nouvel article 44 quaterdecies (alinéa 30) renvoie les obligations déclaratives des contribuables concernés par l’exonération à un décret.

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Le III du présent article (alinéas 31 à 41) concerne l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties et insère un nouvel article 1383 I au code général des impôts.

L’alinéa 32 dispose que les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale dotés d’une fiscalité propres « peuvent […] exonérer de taxe foncière sur les propriétés bâties » les immeubles situés dans les bassins reconnus comme zone de restructuration de la défense, c’est-à-dire les territoires visés au 1° du 3 ter de l’article 42 de la loi du 4 février 1995.

Il convient de relever que l’exonération est ici soumise à une décision de la collectivité ou de l’établissement de coopération intercommunale idoine. Le projet de loi n’ouvre qu’une possibilité, c’est-à-dire que les collectivités décident librement d’alléger le traitement fiscal dans leur zone de compétences, sans que la perte de recette ne puisse faire l’objet d’une quelconque compensation par l’État. Ce mécanisme est justifié dans la mesure où les territoires bénéficient déjà d’importantes mesures d’accompagnement. L’exonération fiscale constitue un élément supplémentaire que les collectivités et établissements peuvent engager seulement si les mesures d’accompagnement ne suffisent pas à maintenir ou à développer l’activité sur le bassin concerné. Le mécanisme semble donc cohérent et constituer un gage de souplesse, les élus pouvant librement l’adapter aux circonstances locales.

Conformément à l’alinéa 33, sont concernés les immeubles rattachés à un établissement qui bénéfice de l’exonération de taxe professionnelle prévue au paragraphe IV du présent article du projet de loi de finances rectificative (alinéas 42 à 56). Cette rédaction s’explique d’une part par le fait que les exonérations de taxe foncière sont toujours adossées à la taxe professionnelle pour la détermination de la base, et d’autre part par la volonté de suivre l’ordre du code général des impôts, les articles relatifs à la taxe foncière précédant ceux concernant la taxe professionnelle. Cet alinéa assure la cohérence du dispositif avec les dispositions actuelles du code général des impôts.

Le changement d’exploitant au cours de la période d’exonération est sans incidence sur le régime fiscal applicable, le bénéfice de l’exonération continuant à courir dans les conditions préalablement déterminées (alinéa 36).

L’alinéa 37 indique que l’exonération est totale et porte sur des années pleines, débutant le 1er janvier de l’année suivant le rattachement du bâtiment au contribuable et s’achevant le 1er janvier de l’année suivant celle où l’immeuble n’est plus affecté à une activité entrant dans le champ d’application de la taxe professionnelle. Il peut apparaître surprenant que les collectivités ne puissent pas moduler la part d’exonération, mais l’instauration d’un tel système serait tellement lourde sur le plan technique qu’il risquerait d’empêcher sa mise en œuvre effective. Pour autant, les collectivités peuvent parfaitement choisir de ne procéder qu’à une des deux exonérations (taxe foncière ou taxe professionnelle).

Tout comme l’exonération d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés, l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties ne peut pas être cumulée avec un autre régime d’exonération, l’alinéa 38 soulignant que le contribuable doit irrévocablement opter pour l’une des exonérations avant le 1er janvier de l’année à compter de laquelle l’exonération prend effet.

De même, aux alinéas 39 et 40, il est précisé que cette exonération est subordonnée au respect des obligations communautaires dans les mêmes conditions que celles prévues pour l’impôt sur le revenu et pour l’impôt sur les sociétés.

Comme précédemment, les obligations déclaratives sont renvoyées à un décret (alinéa 41).

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Le 1° du IV du présent article (alinéas 43 à 52) ajoute un I quinquies B à l’article 1466 A relatif à l’exonération de taxe professionnelle.

L’alinéa 44 dispose que les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale dotés d’une fiscalité propres « peuvent […] exonérer de taxe professionnelle les entreprises pour les créations et extensions d’établissements » qui interviennent soit dans les trois suivant la publication de l’arrêté reconnaissant la zone de restructuration de la défense si cette qualification est attribuée dès 2009, soit à compter du 1er janvier de l’année précédant celle au titre de laquelle le territoire est reconnu comme ZRD.

Les observations formulées au sujet de la souplesse du dispositif d’exonération de taxe foncière peuvent être intégralement reprises pour l’exonération de taxe professionnelle.

L’exonération porte sur la totalité de la part revenant à chaque collectivité pendant cinq ans à compter de l’année suivant la création ou à compter de la deuxième année suivant l’extension d’établissement (alinéa 45). Ce décalage s’explique par le régime déclaratoire propre à la taxe professionnelle : l’activité créée est déclarée l’année de sa création alors que l’extension, en tant qu’immobilisation, est déclarée avec un décalage d’un an. L’exonération intervient donc l’année de l’imposition effective et non l’année de réalisation du fait générateur de l’aide fiscale.

En application de l’alinéa 46, le changement d’exploitant au cours de la période d’exonération est sans incidence sur le régime fiscal applicable, le bénéfice de l’exonération continuant à courir dans les conditions préalablement déterminées.

Tout comme les précédents dispositifs, cette exonération est subordonnée aux règles de non-cumul et au respect des obligations communautaires dans les mêmes conditions que celles précédemment décrites (alinéas 47 à 52). L’option doit être exercée soit dans le délai prévu pour le dépôt de la déclaration annuelle afférente à la première année au cours de laquelle l’exonération prend effet soit, en cas de création d’établissement ou de changement d’exploitant ou d’activité en cours d’année, dans le délai prévu pour le dépôt de la déclaration provisoire de taxe professionnelle, conformément aux dispositions de l’article 1477 du code général des impôts.

Le 2° du IV (alinéas 53 à 56) assure la cohérence rédactionnelle du code général des impôts en modifiant plusieurs renvois pour intégrer les dispositions du présent projet de loi.

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Le V du présent article (alinéas 57 à 69) insère dans le code général des impôts un nouvel article 1647 C septies qui crée un crédit d’impôt, pris en charge par l’État, pour les micro-entreprises (2) ou pour le établissement réalisant une activité commerciale ou artisanale et qui sont situées dans les communes visées au 2° du 3 ter de l’article 42 de la loi du 24 février 1995, c’est-à-dire les communes touchées par une restructuration de la défense mais qui ne relèvent pas des bassins d’emploi visés au 1° du 3 ter dudit article.

L’alinéa 58 précise que le crédit d’impôt est égal à 500 euros par salarié employé depuis au moins un an au 1er janvier de l’année au cours de laquelle le crédit d’impôt est demandé. Selon l’alinéa 62, il s’applique pendant trois ans à compter du 1er janvier suivant l’année de publication de l’arrêté reconnaissant la commune comme zone de restructuration de la défense. La durée retenue a été calculée pour s’harmoniser avec les dispositifs existants et prend comme repère l’entrée en vigueur effective de la restructuration. Ainsi si le site ferme en 2011, les entreprises de la commune concernée pourront bénéficier du crédit d’impôt du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. Contrairement aux dispositifs d’exonération précédemment décrits, il s’agit ici d’inciter les entreprises à rester sur le territoire, c’est donc une fois que les personnels ont quitté le site qu’il faut intervenir et non en amont.

L’aliéna 64 précise les modalités de déclaration du nombre de salariés. L’alinéa 65 dispose que ce crédit s’impute sur la cotisation de taxe professionnelle et que s’il lui est supérieur, la différence est due au redevable.

L’alinéa 66 interdit au redevable de transférer les emplois ayant ouvert droit au crédit d’impôt hors de l’espace économique européen pendant toute la période d’application du crédit ou dans les cinq années suivant la fin de son versement, sauf à reverser les sommes dont il a bénéficié. L’alinéa 67 procède de la même logique puisque le redevable perd le bénéfice du crédit d’impôt s’il transfère les emplois hors de la zone de restructuration de la défense.

Ce crédit d’impôt ne peut pas être cumulé avec le crédit de taxe en faveur des entreprises implantées dans des zones d’emploi en grande difficulté prévu par l’article 1647 C sexies du code général des impôts (alinéa 68).

L’alinéa 69 rappelle que le crédit d’impôt est soumis aux règles communautaires relatives aux aides de minimis, c’est-à-dire que le montant cumulé des aides ne peut dépasser 200 000 euros sur trois ans. Compte tenu de la nature des activités visées, ce plafond est tout à fait pertinent.

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Le VI de l’article 19 du projet de loi de finances rectificative (alinéa 70) a trait aux conditions de délibération des collectivités ou établissements de coopération intercommunale. S’ils choisissent d’exonérer de taxe foncière ou de taxe professionnelle, ils doivent délibérer dans les soixante jours suivant la publication de l’arrêté reconnaissant le territoire concerné comme zone de restructuration de la défense.

L’inscription législative du délai s’explique par la reprise du dispositif existant pour les bassins d’emploi à redynamiser. Mais les dispositions de 1995 prévoient une exonération automatique, sauf délibération contraire des collectivités territoriales. Dans ce cas, la contrainte de 60 jours est justifiée. En revanche, le dispositif prévu par le présent projet de loi est totalement facultatif et rend donc inutile la reprise de cette contrainte.

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Le VII du présent article (alinéas 71 à 82) concerne l’exonération des cotisations à la charge de l’employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales. L’année de départ de l’exonération est identique à celle des exonérations fiscales et s’appuie sur la date prévue par l’arrêté interministériel. Le zonage est identique, seules les entreprises implantées dans les zones visées au 1° du 3 ter de l’article 42 de la loi de 1995 bénéficie de ce régime social dérogatoire. En application de l’alinéa 74, la sortie du dispositif est également progressive puisque, après trois années d’exonération totale, les entreprises bénéficient d’une exonération sur 60 % des charges la quatrième année et sur 40 % la cinquième année, l’exonération finissant la sixième année.

Sont exonérés les salaires dans la limite de 1,4 SMIC, de façon à soutenir prioritairement les emplois peu qualifiés. Jusqu’à 2,4 SMIC, l’exonération est dégressive. Au-delà de ce plafond, l’exonération ne s’applique plus. Le nouveau mécanisme ne fait que reprendre les plafonds existants pour conserver une harmonie entre les différents dispositifs. Il est à noter que la taille de l’entreprise est totalement indifférente et ne décide en rien de l’application de cette exonération.

L’alinéa 75 souligne que seul l’emploi des salariés dont l’activité « réelle, régulière et indispensable […] s’exerce en tout ou partie » dans une ZRD ouvre droit à exonération.

Le bénéfice de cette aide est subordonné au respect de l’ensemble des obligations déclaratives (alinéas 79 et 80) ainsi qu’aux dispositions communautaires relatives au cumul des aides, dans des conditions similaires aux autres exonérations (alinéas 81 et 82).

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Le VIII de l’article (alinéas 83 et 84) précise les conditions d’exercice de l’option pour l’application des dispositions communautaires relatives à la compatibilité de certaines catégories d’aides avec le marché commun. Même si chaque exonération mentionne l’obligation d’option pour les contribuables, il convient d’assurer la mise en cohérence de ces choix : dès lors qu’une option est exercée pour une exonération, elle vaut pour tous les autres. Cette limitation évite tout dépassement artificiel des seuils communautaire, qu’il s’agisse des aides à finalité régional ou des aides de minimis.

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De manière générale, selon les informations fournies au rapporteur, l’ensemble de ces dispositifs d’aide fiscale, pendant toute leur durée de vie, c'est-à-dire une période de cinq ans à compter de la date de la restructuration, devraient constituer un manque à gagner global de 672 millions d’euros, dont 246 millions d’euros pour l’exonération d’impôt sur les sociétés et sur le revenu et 382 millions d’euros pour l’exonération de charges sociales.

Par ailleurs, le rapporteur note qu’aucune disposition spécifique pour les territoires d’outre-mer n’est actuellement prévue. Cette absence peut s’expliquer par le fait qu’aucune décision n’est encore arrêtée dans ces zones dans l’attente de la reprise de missions de service public aujourd’hui exercées par les armées par les services du ministère de l’intérieur. De plus, à ce jour aucun CRDS n’a été signé avec une collectivité d’outre-mer. Il importe donc de préciser l’application du dispositif dans ces zones, la situation socio-économique de ces bassins leur donnant vraisemblablement droit à ces exonérations étant entendu que l’évaluation financière actuelle n’intègre pas de territoires ultramarins.

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Après avoir rappelé l’économie d’ensemble du dispositif, le rapporteur pour avis a insisté sur le fait que ces aides fiscales viennent en complément des mesures d’accompagnement déjà annoncées.

M. Bernard Cazeneuve. Le secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire a indiqué qu’une enveloppe de 320 millions d’euros serait consacrée à l’accompagnement des restructurations. Les mesures fiscales que vous avez décrites viennent-elles s’ajouter à cette enveloppe ?

Je considère par ailleurs que proposer aux collectivités territoriales déjà touchées par les restructurations, et donc affectées par une diminution de leurs revenus fiscaux, de prendre à leur charge des exonérations d’impôts est particulièrement injuste. Je regrette qu’aucun amendement n’ait été déposé pour corriger ce mécanisme.

Je souhaite enfin revenir sur le seuil de 50 suppressions de postes. Je crains qu’il ne soit particulièrement difficile à manier, compte tenu du décalage que nous constatons entre les éléments fournis par le ministère et la réalité des suppressions de postes constatée sur le terrain. Comment peut-on être certain que la détermination du seuil ne conduira pas à écarter, sans justification, certains territoires du dispositif fiscal ?

M. Jean-Pierre Soisson. Le dispositif est très complexe. Il tend à modifier la loi portant sur l’aménagement du territoire en créant une nouvelle catégorie de territoires, les « zones de restructuration de la défense ». Il manifeste la volonté du Gouvernement de venir en aide aux collectivités territoriales ainsi qu’aux personnels touchés par les restructurations mais sa lecture sera difficile pour les élus locaux qui auront à en connaître. De plus, il me semble que les exonérations de taxe professionnelle et fiscales doivent être compensées par l’État pour garantir la viabilité du dispositif.

M. Jean-Claude Viollet. L’ensemble des effets collatéraux des restructurations doivent être pris en compte. Or, les élus locaux ont d’importantes difficultés à obtenir des données fiables au-delà des premiers éléments très partiels qui leur ont été fournis. Je note par exemple que toutes les suppressions d’emploi liées à la mise en œuvre des bases se défense ne figurent pas dans les documents disponibles. De ce fait, certaines zones géographiques qui n’atteignent pas aujourd’hui le seuil des 50 emplois directs perdus sont susceptibles d’être en réalité concernées. Il conviendra de rester vigilant quant aux effets amplificateurs possibles. Nous ne pouvons pas limiter notre attention aux seules entités civiles et militaires de la défense ; nous devons avoir une approche économique globale de l’impact des réorganisations.

Mme Patricia Adam. Il est souvent difficile d’appréhender la réalité des économies réalisées grâce aux restructurations. Pour atteindre les objectifs fixés, d’importantes dépenses d’investissements sont d’ailleurs souvent nécessaires. La nature des emplois et les fonctions des entités restructurées ne sont pas prises en compte par l’approche strictement comptable qui semble avoir présidé à cette réforme. Les élus manquent d’éléments clairs et les informations transmises ne sont pas conformes à ce qui a été annoncé.

M. Alain Rousset. Je fais actuellement réaliser une étude pour évaluer la pertinence des réorganisations annoncées au regard des objectifs fixés par le Livre blanc, notamment en ce qui concerne les personnels. La réforme peut potentiellement avoir des effets importants sur des domaines stratégiques comme la dissuasion ou les capacités d’essais en vol. Des éclaircissements doivent être apportés dans les meilleurs délais sur ces points.

S’agissant de la reconversion de sites de la défense, la mise en place du dispositif s’inscrit dans un contexte de crise économique. Une réflexion est en cours sur les aides à finalité régionale dont les zones d’éligibilité se réduisent, le Gouvernement s’interrogeant sur un éventuel retour au zonage antérieur afin d’augmenter l’attractivité de ces aides. Il serait opportun d’étudier les possibilités de classement des zones de restructuration de la défense en zone à finalité régionale afin de les faire bénéficier de ces aides.

M. Michel Voisin. Les rapporteurs sur le projet de loi de programmation militaire évaluent actuellement son adéquation au regard des conclusions du Livre blanc.

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. Les aides fiscales viennent bien en complément de l’enveloppe de 320 millions d’euros. Même si je partage vos interrogations sur la non compensation des mesures d’exonération de taxe professionnelle et de taxe foncière, il faut en relativiser l’ampleur. Selon les éléments qui m’ont été fournis, les dépenses fiscales représentent un manque à gagner total de 672 millions dont seulement 44 millions d’euros à la charge des collectivités territoriales. Au demeurant, il ne s’agit que d’une option, les collectivités territoriales ne sont pas contraintes par le dispositif.

M. Gilbert Le Bris. Les collectivités territoriales sont donc doublement perdantes : elles doivent faire face aux conséquences économiques et sociales des restructurations et on leur demande de payer un tribut supplémentaire en réduisant leurs ressources propres. Je propose d’amender le dispositif pour éviter aux collectivités d’avoir à prendre en charge ce surcoût.

M. Michel Voisin. Le dispositif est facultatif, rappelons-le. Il n’y a pas d’obligation.

M. Bernard Cazeneuve. Le modèle économique de la réforme prévoit de dégager quelque 3,5 milliards d’économie sur la période 2009-2014. Pour atteindre ce niveau d’économie, il faut financer des mesures d’accompagnement des personnels à hauteur de 900 millions d’euros, le surcoût de la remise à niveau des infrastructures avant cession qui s’élève à 1,2 milliard d’euros et désormais le montant des dépenses fiscales introduites par ce dispositif soit plus de 650 millions d’euros. Je m’interroge donc très sérieusement sur la soutenabilité du modèle et sur la capacité réelle du ministère à dégager des ressources supplémentaires pour financer les équipements.

M. Alain Marty. Mon département est particulièrement touché par les restructurations et pourtant il me semble qu’il est indispensable de procéder à la réorganisation de nos unités. Notre modèle militaire n’étant plus adapté à nos besoins, il est nécessaire de redéfinir un format cohérent tant en effectifs qu’en implantation territoriale.

Pour autant, la présentation du dispositif me paraît importante mais il me semble qu’il apparaîtra surtout comme un effort supplémentaire demandé aux collectivités locales du fait de la non compensation des exonérations d’impôts locaux alors qu’il s’agit bien d’un complément aux mesures déjà annoncées en faveur des zones touchées par les restructurations.

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. Je rappelle que la loi de finances initiale pour 2009 a créé un mécanisme permettant de stabiliser la dotation globale de fonctionnement des collectivités touchées par les restructurations. Il est doté de 5 millions d’euros dès l’année prochaine et de 25 millions d’euros d’ici à 2011.

S’agissant de l’effet de seuil, je souligne que la loi garantit au contraire une relative souplesse puisque le bénéfice des aides fiscales est subordonné à l’existence d’un dispositif spécifique d’accompagnement, c'est-à-dire un plan ou un contrat de redynamisation. Or les critères pour relever de ces dispositifs sont déterminés par voie réglementaire, ce qui permettra au Gouvernement d’adapter, si besoin était, le dispositif en cours d’exécution.

S’agissant des économies attendues, il ne faut pas tirer des conclusions trop hâtives sur leur caractère proprement aléatoire.

La commission a adopté deux amendements présentés par le rapporteur, visant à prendre en compte les suppressions d’emploi découlant de la restructuration des entités civiles du ministère de la défense.

Elle a ensuite émis un avis favorable à l’adoption de l’article 19 ainsi modifié.

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© Assemblée nationale

1 () Avis n° 988de M. Michel Grall déposé le 19 juin 2008.

2 () Le 1. de l’article 2 de l’annexe 1 du règlement 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 définit comme une micro-entreprise les entreprises « qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total du bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros ».