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N
° 1294

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 décembre 2008.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 1265, autorisant lapprobation d’un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces,

par M. Jean-Claude MIGNON,

Député

INTRODUCTION 5

I –LA FRANCE FACE À L’EMERGENCE D’UNE NOUVELLE PUISSANCE 7

A – UNE PUISSANCE EN GESTATION 7

1) L’affirmation du Brésil comme puissance du Sud 7

2) Un outil de défense d’importance modeste 8

3) La modernisation en cours de l’armée brésilienne 9

B – LE DÉVELOPPEMENT DU PARTENARIAT FRANCO-BRÉSILIEN EN MATIÈRE DE DÉFENSE 10

1) Des coopérations déjà engagées 10

2) Des perspectives importantes 11

II – UN ACCORD COMPARABLE AUX TEXTES SIMILAIRES DEJÀ EN VIGUEUR 13

A – DES DISPOSITIONS CLASSIQUES CONCERNANT LE STATUT DES FORCES 13

1) L’activité des forces militaires étrangères sur le territoire national 13

2) Les circonstances du séjour dans le pays d’accueil 14

B – UN DÉVELOPPEMENT DU PARTENARIAT MILITAIRE FRANCO-BRÉSILIEN 15

1) Les domaines ouverts à la coopération 15

2) La mise en œuvre des activités de coopération 16

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

Mesdames, Messieurs,

L’accord du 29 janvier 2008, dont le présent projet de loi demande l’approbation, permet de mieux définir la coopération entre la France et le Brésil dans le domaine de la défense, et offre un statut juridique sécurisé aux forces utilisées dans ce contexte.

Le Brésil a récemment lancé une réforme, semblable à celle menée par la France, afin de moderniser en profondeur l’organisation, le fonctionnement, et l’équipement de ses armées. Ce traité intervient donc à un moment opportun en permettant le renforcement de la coopération militaire entre nos deux pays.

Il apparaît souhaitable, en second lieu, de favoriser le rapprochement de notre pays avec la grande puissance émergente qu’est le Brésil, dont le rôle régional pourrait à l’avenir se doubler d’une ambition mondiale. A cette fin, un accord de partenariat stratégique devrait être signé fin 2008, comme convenu lors de la rencontre entre les deux Présidents, le 12 février denier. Quatre des sept domaines de coopération envisagés concernent la défense.

L’accord du 29 janvier 2008 dont il vous est demandé d’autoriser l’approbation est donc important pour l’avenir des relations franco-brésiliennes.

Ce texte tend à la fois à préciser les domaines dans lesquels les forces armées française et brésilienne envisagent de nouer des partenariats à l’avenir, et offre un statut particulier aux troupes présentes, dans le cadre de cette coopération, sur le territoire de l’autre partie. De telles dispositions doivent être analysées au regard des nombreux autres accords similaires déjà passés par la France, tant au niveau multilatéral que bilatéral.

I –LA FRANCE FACE À L’EMERGENCE D’UNE NOUVELLE PUISSANCE

Fort de sa population, la plus importante d’Amérique du Sud avec environ 180 millions d’habitants, et de la taille de son territoire, supérieur à douze fois celui de la France, le Brésil est un acteur de premier plan au sein du sous-continent. Toutefois, jusqu’à aujourd’hui, ce pays n’a pas ressenti le besoin de se doter d’un outil militaire particulièrement développé pour remplir ses objectifs stratégiques. Malgré l’importance limitée des questions de défense dans la stratégie du Brésil, les armées sont soumises, depuis peu, à une réforme de grande ampleur, à laquelle la France désire contribuer.

A – Une puissance en gestation

Le Brésil poursuit une stratégie reposant principalement sur l’intégration régionale et la recherche de partenariats avec des pays se trouvant dans une situation comparable à la sienne, à savoir celle de puissance émergente. Ces objectifs n’imposent pas de disposer d’une armée très puissante, et les missions des forces brésiliennes sont pour l’instant restées limitées à la protection du territoire. Pour autant, des réformes importantes sont en cours, tant en matière d’organisation que dans le domaine de l’équipement.

1) L’affirmation du Brésil comme puissance du Sud

La première priorité du Brésil est de conduire l’intégration du sous-continent sud américain. Ce processus donne lieu actuellement à des actions dans différents domaines, à la fois économiques et politiques.

En matière économique, la principale institution est le marché commun du cône Sud, ou Mercosur. Créé en 1991, celui-ci vise à terme à garantir la libre circulation des travailleurs, de biens, des services et des capitaux, et à la mise en place d’un tarif extérieur commun. Il compte actuellement cinq membres permanents (1) et cinq pays associés (2).

Dans le domaine de la sécurité, l’Union des nations sud-américaines – UNASUR – se veut une instance permettant de régler plus aisément les litiges qu’au sein de l’Organisation des Etats américains, privilégiée jusqu’à présent. Le Brésil a également promu la création d’un Conseil sud-américain de défense, projet encore en cours de discussion entre les Etats intéressés.

Au-delà de ses objectifs régionaux, le Brésil s’efforce de conclure un ensemble de partenariats bilatéraux avec des pays émergents. Des accords ont ainsi été passés avec la Chine, troisième partenaire commercial, en matière de satellites, domaine dans lequel le Brésil n’a pas réussi à concrétiser les grandes ambitions qu’il avait initialement affichées. De la même manière, le groupe « IBAS », qui regroupe l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud, est né en 2003, et vise à développer une coopération entre ces trois Etats dans les domaines économiques, culturels et politiques. Enfin, un rapprochement avec les pays arabes a été opéré, les représentants brésiliens ayant condamné, lors du sommet Amérique du Sud – pays arabes de Brasilia en mai 2005, la politique menée par Israël à l’encontre des Palestiniens.

En matière sécuritaire, le Brésil participe à la Zone de paix et de coopération de l’Atlantique Sud – ZOCAPAS – qui inclue également des Etats d’Afrique. Sur ce continent, le Brésil est également actif à travers le réseau tissé par la Communauté des pays de langue portugaise, et s’intéresse au dispositif européen de Renforcement des capacités africaines au maintien de la paix (RECAMP) afin d’intégrer un formateur lusophone au sein de l’école nationale à vocation régionale du Bénin.

Le Brésil considère également sa participation aux opérations de maintien de la paix, commandées par l’Organisation des Nations Unies, comme une « vitrine » pour ses forces armées. A l’heure actuelle, environ 1 250 militaires brésiliens sont utilisés dans le cadre des OMP – la France contribue à hauteur de 2 250 hommes environ – soit 20 % du total des troupes latino-américaines ainsi employées. Une telle participation n’est toutefois pas exempte de considérations régionales, puisque plus de 1 200 Brésiliens participent à la seule Mission des Nations Unies à Haïti ;

Du fait de son importance croissante dans les équilibres internationaux, s’appuyant notamment sur la montée en puissance des Etats émergents, le Brésil aspire donc à jouer un rôle international plus marqué. Il est ainsi candidat pour l’attribution d’un siège de membre permanent aux Nations unies, dans la perspective d’une réforme du Conseil de sécurité. Toutefois, si les performances du Brésil sont indéniables dans de nombreux domaines, il n’est pas sûr que ses forces armées lui permettent de remplir, pour le moment, les missions qu’il souhaite s’attribuer.

2) Un outil de défense d’importance modeste

En effet, avec 310 000 militaires et 39 000 civils, l’armée brésilienne est surtout organisée afin de faire face au défi que représente la surveillance d’un vaste territoire, et d’une zone économique exclusive de 3,5 millions de km². Ses équipements sont également choisis en fonction de ces objectifs.

L’armée de terre est donc la composante la plus nombreuse, comptant environ 190 000 militaires et 13 000 civils. Elle est actuellement la plus sollicitée par les missions internationales auxquelles le Brésil participe, et des déclarations ont été faites par ses responsables, tendant à montrer que les capacités actuelles ne permettaient pas d’assurer d’effort supplémentaire dans ce domaine.

Une telle affirmation est concordante avec les difficultés rencontrées par l’armée de terre brésilienne pour équiper convenablement ses personnels. Sauf pour les unités d’élite, comme les forces spéciales et la brigade parachutiste, aucun programme de développement ou d’acquisition de matériel moderne n’a pour l’instant été mené à son terme.

La marine brésilienne souffre d’un paradoxe structurel. Elle est en effet dotée de matériels sophistiqués, puisqu’elle dispose en propre des quatre grandes forces génériques, à savoir la force de surface, la force sous-marine, la composante aéronavale, grâce au porte-avions Foch, rebaptisé Sao Paulo après son rachat par l’Etat brésilien, et un corps de fusiliers marins. Pour autant, le renouvellement des équipements peine à être assuré, du fait notamment de financements insuffisants, malgré une hausse spectaculaire du budget de la marine entre 2007 et 2008.

Les projets sont en effet nombreux, et touchent la totalité des composantes de la marine brésilienne, notamment les sous-marins, dont la modernisation pourrait coûter plusieurs centaines de millions d’euros.

L’armée de l’air se trouve, pour sa part, dans une situation plus avantageuse. A l’heure actuelle, elle fait partie des principaux bénéficiaires des nouveaux programmes d’équipement, une commande prochaine devant être passée à hauteur de 36 nouveaux avions de combat, alors même que plusieurs hélicoptères, ainsi que des F5 et des Mirage 2000, ont été récemment achetés. Du fait de l’existence d’un équipementier brésilien, l’entreprise Embraer, un certain nombre de besoins sont couverts par l’industrie nationale, notamment les avions patrouilleurs et les avions de transport. Enfin, la plupart des programmes de modernisation annoncés, qui concernent par exemple les AMX et les chasseurs F5 ont pu être menés à leur terme.

Globalement, l’armée brésilienne souffre toutefois de structures anciennes, qui n’ont connu que peu de modifications du fait du relatif désintérêt des gouvernements successifs : le ministère de la défense ne date que de 1999. Une nouvelle orientation a toutefois été choisie au cours des dernières années.

3) La modernisation en cours de l’armée brésilienne

Le dernier document résumant la doctrine de défense brésilienne, intitulé « Politique de défense nationale », date de 2005. Un comité ministériel de formulation de la stratégie nationale de défense a été nommé afin de procéder à son actualisation, et a remis au Président Lula le résultat de ses travaux le 9 septembre dernier.

Bien que ce document, programmatique, doive encore être validé par le Conseil de défense nationale, des avancées ont déjà été enregistrées concernant la modernisation des armées. En matière budgétaire, des ressources ont été dégagées pour acquérir, ou développer, des équipements plus modernes : hélicoptères, avions de combat et sous-marins. Le budget de la défense est ainsi passé de 2,16 % du produit intérieur brut en 2007 à 3,15 % en 2008.

Des programmes structurants ont été lancés, comme le projet de fabrication d’un sous-marin nucléaire d’attaque doté d’une chaufferie de conception brésilienne, qui a été annoncé en 2007, et dont l’achèvement serait prévu en 2018.

Enfin, des projets de restructuration en profondeur des armées pourraient voir le jour prochainement. La question de la solde des militaires semble aujourd’hui résolue, mais l’armée brésilienne souffre encore de blocages nombreux. Contrairement aux armées les plus modernes, celle-ci n’a pratiquement pas développé de coopération interarmées, et les différentes composantes conservent de larges prérogatives, tant dans le domaine opérationnel qu’en matière d’acquisitions. Le cloisonnement qui en résulte est jugé source d’inefficacité, suscitant dès lors un intérêt marqué pour le modèle français.

La neuvième réunion d’état-major franco-brésilien, tenue à Paris du 22 au 24 octobre 2008, a permis de constater que des échanges fructueux pouvaient être envisagés, concernant l’organisation interarmées, entre les deux parties. Celles-ci coopèrent déjà dans de nombreux domaines touchant à la défense et à la sécurité.

B – Le développement du partenariat franco-brésilien en matière de défense

Situé dans la sphère d’influence traditionnelle des Etats-Unis, le Brésil n’entretient pourtant pas de relations très intenses avec ce pays en matière de défense. Aucun conseiller militaire américain, et aucune présence militaire permanente, ne se trouvent sur le sol brésilien. A l’inverse, de nombreuses coopérations sont menées avec la France, et pourraient se développer dans des domaines cruciaux.

1) Des coopérations déjà engagées

La coopération militaire avec le Brésil suit quatre axes principaux : l’amélioration capacitaire, l’échange d’expérience, le soutien à l’export et le soutien aux activités de sécurité. Dans ces domaines, de nombreuses actions ont déjà été menées, tant en matière de formation que de partenariat directement opérationnel.

Ainsi, depuis 1993, deux à trois officiers brésiliens suivent la formation du Collège interarmées de défense, ce qui représente plus de cinquante officiers à ce jour. Par ailleurs, des auditeurs brésiliens ont participé à la deuxième session de « Amérique latine » organisée par l’Institut des hautes études de la défense nationale, en novembre 2008. Des rencontres entre les états-majors interarmées sont organisées annuellement.

D’importantes actions communes sont conduites par les armées de terre. Celles-ci sont le fait, côté français, des forces armées en Guyane, qui rencontrent régulièrement les responsables de la huitième région militaire terrestre du Brésil. Récemment, les forces brésiliennes ont annoncé l’installation d’un peloton spécial de frontière et la construction d’une pise d’aviation à proximité du fleuve Oyapock, qui marque la frontière entre les deux territoires.

Dans le domaine maritime, les forces des deux pays coopèrent dans tous les domaines relevant de l’action de l’Etat en mer, comme la lutte contre la pêche illicite, l’immigration illégale, la contrebande et le narcotrafic. Cette coopération passe notamment par l’échange d’informations et le partage des contrôles à effectuer, et permet aux représentants des deux Etats de disposer d’un vaste éventail d’instruments pour effectuer les missions de surveillance.

Enfin, les armées de l’air ont programmé plusieurs actions en 2008, concernant à la fois la formation des pilotes, les échanges de personnels, et la conduite d’exercices communs. Le Brésil participe ainsi, avec l’Australie, le Chili et l’Argentine, à l’exercice régional « Croix du Sud », qui permet de tester et de valider les capacités de chaque participant pour le commandement d’une opération multinationale.

L’excellence des relations franco-brésiliennes dans le domaine de la défense et de la sécurité permet d’envisager leur développement dans plusieurs secteurs, notamment celui des nouveaux programmes d’armement.

2) Des perspectives importantes

Décidée lors de la rencontre entre les chefs d’Etat du 12 février 2008, la signature d’un accord de partenariat stratégique, qui devrait intervenir avant la fin de l’année, pourrait permettre de développer les relations entre la France et le Brésil dans quatre domaines spécifiques à la défense.

En premier lieu, le développement d’une composante sous-marine renouvelée. Afin de doter le Brésil, d’ici 2020, de la capacité de construire un sous-marin accueillant une chaufferie nucléaire de conception entièrement nationale, l’acquisition de sous-marins de conception française est envisagée. La France pourrait également contribuer à la construction d’un chantier naval associé à une base sous-marine, et à l’acquisition des technologies nécessaires à l’achèvement du programme.

En deuxième lieu, la France souhaite coopérer avec le Brésil pour achever le programme d’acquisition de nouveaux avions de combat, baptisé « FX2 ». Relancé en 2008, ce projet pourrait s’achever avant la fin de l’année 2009. La fin de l’analyse technique entre les trois candidats, à savoir le Rafale, le Gripen suédois et le F18 Super Hornet américain, est en effet prévue pour mars 2009.

En troisième lieu, le Brésil envisage de développer un programme de « combattant du futur », et pourrait s’inspirer du projet de fantassin à équipements et liaisons intégrés – FELIN – qui devrait bientôt équiper les armées françaises.

En dernier lieu, la réunion des chefs d’Etat a conclu à la possibilité de renforcer la coopération entre la France et le Brésil dans le domaine spatial. Aucun programme précis n’a été pour le moment évoqué.

L’accord du 29 janvier 2008 remplit un double objectif. Il donne un statut juridique plus stable aux nombreuses coopérations déjà engagées et permet également de renforcer les relations militaires franco-brésiliennes, et de les élargir à de nouveaux domaines. Il préfigure en cela l’intensification probable de notre partenariat stratégique avec ce pays.

II – UN ACCORD COMPARABLE AUX TEXTES SIMILAIRES DEJÀ EN VIGUEUR

Elément d’un projet de partenariat ambitieux, l’accord franco-brésilien de janvier 2008 doit faciliter et développer la coopération de défense entre les deux Etats. Tout en élargissant les domaines que recouvre cette dernière, il en fixe les modalités pratiques, et prévoit notamment de conférer aux forces militaires intégrées dans des programmes de coopération un statut particulier, conforme aux normes posées par les accords du même type déjà ratifiés par la France.

A – Des dispositions classiques concernant le statut des forces

Le texte de référence concernant le statut des forces militaires a été élaboré dans un cadre multilatéral. Il s’agit de la convention entre les Etats parties au Trait de l'Atlantique Nord et les autres Etats participant au partenariat pour la paix sur le statut de leurs forces, signée le 19 juin 1951. Depuis, la France a conclu de nombreux textes semblables, avec l’Argentine et Singapour en 1998, par exemple, ou avec le Venezuela, le 2 octobre dernier. L’accord franco-brésilien ne présente pas de particularité par rapport à ces conventions.

1) L’activité des forces militaires étrangères sur le territoire national

Les principaux termes employés dans l’accord ayant été définis à l’article premier, les articles 4 à 8 précisent les conditions auxquelles les forces armées sont soumises pour pouvoir demeurer sur le territoire de l’autre Etat partie, et y poursuivre des activités menées en coopération.

Au titre de l’article 4, les obligations en matière de visa et de titre de séjour sont simplifiées pour les membres des personnels civil et militaire employés en coopération. Ainsi, l’obligation de fournir un visa n’est prévue que pour les séjours supérieurs à trois mois, et sa délivrance est gratuite. De la même manière, les demandes de titres de séjour sont centralisées par l’Etat d’envoi. Leur traitement doit être effectué sans délai, et aucune taxe n’est exigible.

L’article 5 rappelle que les personnels concernés par l’accord ne peuvent en aucun cas être associés à des opérations de guerre, ni à des actions de maintien de l’ordre ou de la sécurité publique.

L’article 6 vise certaines particularités liées à la présence de personnels militaires sur le territoire d’un autre Etat. La partie d’accueil est ainsi responsable de l’édiction de normes concernant le port d’armes, et le port de l’uniforme. Le même article prévoit également la reconnaissance, sans condition, des permis de conduire délivrés dans l’Etat d’envoi.

Les articles 7 et 8 énoncent les règles applicables en matière de discipline, et en cas d’infraction. Selon les termes du premier de ces deux articles, seules les autorités d’envoi peuvent décider des règles de discipline applicables à leurs personnels, et prendre des sanctions. Elles informent l’Etat d’accueil de leurs décisions en la matière. Celui-ci peut toutefois demander qu’un personnel soit renvoyé dans son Etat d’envoi, en cas de manquement aux règles de discipline en vigueur dans le pays d’accueil.

En cas d’infraction commise par un membre du personnel civil ou militaire de la partie d’envoi, l’article 8 distingue plusieurs cas. Pour les infractions portant uniquement atteinte à la sécurité ou aux biens de la partie d’envoi, à un membre de son personnel, et pour toute infraction commise dans l’exécution du service, le contentieux relève des autorités juridictionnelles de la partie d’envoi. Toutes les autres infractions sont examinées par les juridictions du pays d’accueil.

Plusieurs dispositions contribuent à protéger les personnels de la partie d’envoi, en cas d’instance devant les juridictions de la partie d’accueil. D’abord, la partie d’envoi peut introduire une demande visant à l’abandon des poursuites, qui doit être examinée prioritairement par les autorités du pays d’accueil. De plus, un certain nombre de garanties procédurales sont accordées aux personnels contre lesquels l’instance est introduite, inspirées de celles prévues par la Convention européenne des droits de l’homme de 1950. Enfin, le paragraphe 8 de l’article indique qu’une même personne ne peut être condamnée deux fois pour la même infraction.

Ces spécificités donnent lieu à des dispositions particulières en matière de règlement des litiges entre les parties. Celles-ci renoncent, au titre de l’article 13, à toute demande d’indemnité à l’encontre de l’autre partie en cas de dommages causés aux biens de l’Etat dans le cadre des activités prévues par l’accord, et en cas de blessure ou de décès survenu dans le cadre de ces activités, sauf faute lourde ou intentionnelle. La détermination de l’existence d’une faute lourde ou intentionnelle appartient aux autorités de la partie d’envoi.

2) Les circonstances du séjour dans le pays d’accueil

Les articles 9 à 12 contiennent des éléments concernant divers aspects du séjour des personnels civils et militaires sur le territoire de l’autre Etat partie.

L’article 9 précise que, si la sécurité des installations mises à disposition des forces armées est du ressort conjoint des autorités des deux parties, la sécurité à l’extérieur de ces installations n’est assurée que par la partie d’accueil. Toutefois, les forces armées envoyées sur le territoire de l’autre partie peuvent assurer un service de police en leur sein, qui peut intervenir hors des installations.

L’article 10 soumet les revenus des personnels civils et militaires des deux parties aux stipulations de l’accord du 10 septembre 1971, entre la France et le Brésil, tendant à éviter la double imposition et prévenir l’évasion fiscale, qui repose principalement sur l’octroi d’un crédit d’impôt.

L’article 11 offre plusieurs facilités en matière douanière, à la fois pour l’installation dans le pays d’accueil, mais également pour l’activité des forces armées sur place. Celles-ci peuvent ainsi recevoir les équipements, ainsi que les approvisionnements, nécessaires à l’accomplissement de leurs tâches, sans qu’aucun droit ou taxe ne soit exigible. De la même manière, les navires et les aéronefs des forces armées sont exonérés des taxes portuaires et aéroportuaires.

L’article 12 définit les procédures applicables en cas de décès d’un membre du personnel civil ou militaire de la partie d’envoi.

B – Un développement du partenariat militaire franco-brésilien

En plus d’élaborer plusieurs règles relatives aux activités menées en coopération entre la France et le Brésil, l’accord du 29 janvier 2008 définit un cadre général pour le développement de ce partenariat.

1) Les domaines ouverts à la coopération

Destinée, au titre de l’article 2, à être précisée par des arrangements administratifs futurs, la coopération militaire franco-brésilienne peut concerner, conformément aux stipulations de l’article 3, la plupart des domaines d’activité intéressant la défense et la sécurité.

Neuf types d’actions sont ainsi envisagées : la coopération en matière de recherche et de développement, les réunions de personnels, l’échange d’instructeurs et d’élèves, les escales de navires de guerre et les escales aéroportuaires, la participation à des cours théoriques et pratiques, les actions d’entraînement et de formation, le partage d’expérience en matière d’opérations et d’utilisation d’équipements, les projets culturels ou sportifs et, finalement, les actions en matière de recherche et technologie intéressant le domaine de la défense.

La plupart des programmes concernant la défense et la sécurité, et qui ne conduisent pas à mener des opérations de guerre ou de préparation de la guerre, peuvent ainsi faire l’objet d’actions communes. Une autre exception est toutefois implicitement prévue. Selon les informations obtenues par votre Rapporteur auprès du ministère de la défense, aucun transfert de technologie liée au nucléaire n’est en effet envisagé en faveur du Brésil, qui a abandonné son programme nucléaire militaire en 1990 mais tarde à ratifier le protocole additionnel au traité de non prolifération.

2) La mise en œuvre des activités de coopération

Définie aux articles 2 et 3, la coopération militaire franco-brésilienne doit être mise en œuvre, par les ministères de la défense de chaque Etat partie, en tenant compte des règles relatives au statut des forces. D’autres stipulations de l’accord de janvier 2008 encadrent également les partenariats à venir.

Les articles 14 à 22 précisent ainsi les diverses obligations de la partie d’accueil, en vue de faciliter l’organisation des activités prévues dans le cadre de la coopération. L’article 14 impose la mise à disposition des forces armées accueillies des immeubles et services nécessaires à l’accomplissement de leurs tâches. L’article 15 permet aux personnels de la partie d’envoi de bénéficier des services médicaux offerts aux personnels de la partie d’accueil. L’article 16 autorise les personnels accueillis à mener des actions de formation et d’entraînement sur le sol de la partie d’accueil, sous réserve de l’accord de cette dernière. L’article 17 concerne les autorisations de survol et d’escales maritimes, alors que l’article 18 permet à la partie d’envoi d’acheter les biens et services nécessaires. L’article 19 rappelle quant à lui que la partie d’envoi peut employer une main d’œuvre locale, en respectant les dispositions du droit du pays d’accueil.

L’article 20 indique que les systèmes de communication installés par la partie d’envoi doivent être examinés par la partie d’accueil, qui fixe les conditions de leur construction et de leur utilisation, et notamment les fréquences utilisables. Les parties sont, selon l’article 21, seules responsables de leurs propres dépenses. Enfin, l’article 22 renvoie aux stipulations de l’accord de sécurité du 2 octobre 1974 afin de fixer les règles concernant les échanges d’informations classifiées. L’accord de 1974 a établi un tableau de correspondance entre les différents niveaux de classification appliqués dans chaque Etat.

Le contentieux né de l’application de l’accord franco-brésilien est réglé, conformément aux stipulations de l’article 23, par le biais de consultations et de négociations entre les parties. L’accord entre en vigueur trente jours après la date de la dernière notification des instruments de ratification, et reste en vigueur tant qu’il n’a pas été dénoncé, comme le stipule l’article 24.

CONCLUSION

Le Brésil nourrit des ambitions certaines quant au rôle qu’il pourrait jouer, demain, sur la scène internationale. Légitimées par le poids économique et démographique de ce pays, elles ne sont pourtant pas retranscrites dans son outil militaire, qui souffre encore d’une organisation ancienne et d’un équipement déficient.

La modernisation des armées brésiliennes fait donc partie d’une stratégie plus générale, qui vise à imposer le Brésil comme puissance régionale, voire mondiale. La France a salué cette perspective, en proposant, lors de la rencontre entre les deux chefs d’Etat en février dernier, de conclure un partenariat stratégique avec ce pays, qui concernera en grande partie des activités liées à la défense et à la sécurité.

Afin de préparer ce rapprochement, l’accord du 29 janvier 2008 s’efforce d’encadrer la coopération militaire, déjà très développée entre nos deux pays, en indiquant les domaines dans lesquelles elle pourrait s’exercer, et en offrant aux forces armées employées dans ce cadre un statut juridique stable, conforme aux normes internationales en vigueur.

L’accord franco-brésilien relatif à la coopération de défense et au statut des forces s’inscrit donc dans un projet plus global de renforcement des liens entre la France et une puissance en devenir. Contenant les garanties nécessaires à la mise en œuvre de ce type d’actions communes, sa ratification doit être vue comme un élément positif pour notre politique étrangère.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 3 décembre 2008.

M. Axel Poniatowski, président. Je remercie le rapporteur de son exposé et je saisis l’occasion de l’examen de ce projet par notre commission pour rappeler la diminution drastique, depuis deux ans, des crédits de la direction de la coopération militaire et de la défense du ministère des affaires étrangères et européennes. Pour 2009, ce budget passera de 97 à 88 millions d’euros et cette baisse de près de 10 millions d’euros concernera les crédits d’intervention – c’est-à-dire notamment nos actions de formation des armées et de nos officiers – dont le montant atteindra 25 millions d’euros contre 35 millions d’euros en 2008.

Les intentions du Gouvernement montrent que le Brésil reste un partenaire privilégié. Toutefois, notre effort global en matière de coopération militaire en Amérique latine va baisser, ce qui pose un véritable problème et nous appelle à la vigilance. Il s’agit de s’assurer, pour l’avenir, que le Brésil ne constituera pas une exception.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (no 1265).

*

* *

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 1265).

© Assemblée nationale

1 () Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay, Venezuela.

2 () Bolivie, Chili, Colombie, Equateur, Pérou ?