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N° 1553

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 mars 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (n° 1503) de M. Michel HERBILLON, rapporteur de la Commission chargée des affaires européennes, sur la réforme du fonds européen d’ajustement à la mondialisation,

PAR M. Michel Herbillon,

Député.

——

INTRODUCTION 5

I.- LA RÉFORME DU FONDS EUROPÉEN D’AJUSTEMENT À LA MONDIALISATION EST AUJOURD’HUI UNE NÉCESSITÉ 7

A. LE FONDS EUROPÉEN D’AJUSTEMENT À LA MODIALISATION (FEM) N’A PAS RÉPONDU À TOUTES LES ATTENTES 7

1. Le FEM a été créé dans le contexte du développement de la mondialisation 7

2. Les éléments de bilan du FEM sont en deçà des prévisions de 2006 9

B. L’ACTUELLE CRISE FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE MONDIALE EXIGE DES MESURES EXCEPTIONNELLES 10

1. La crise financière et économique mondiale est d’une ampleur exceptionnelle 10

2. La crise a de graves répercussions sociales 11

II.- LA RÉFORME DU FONDS EUROPÉEN D’AJUSTEMENT À LA MONDIALISATION DOIT ÊTRE MISE EN œUVRE RAPIDEMENT 13

A. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION SE FÉLICITE DES PRINCIPAUX APPORTS DE LA PROPOSITION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE 13

1. La Commission européenne a présenté des propositions de réforme 13

2. La Commission chargée des affaires européennes de l’Assemblée nationale a salué ces propositions 14

B. LE TEXTE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE PEUT NÉANMOINS ENCORE ÊTRE AMÉLIORÉ 15

1. La Commission chargée des affaires européennes a proposé deux améliorations au texte de la Commission européenne 15

2. La réforme engagée doit aboutir dans les meilleurs délais 16

TRAVAUX DE LA COMMISSION 19

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 21

INTRODUCTION

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale est saisie de la proposition de résolution sur la réforme du fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM) présentée par M. Michel Herbillon, vice-président de la Commission chargée des affaires européennes.

Plus de deux années après sa création, par le règlement du 20 décembre 2006, comme outil susceptible d’être mobilisé en urgence pour contribuer au financement de mesures destinées à favoriser la réinsertion ou la reconversion de salariés touchés par un licenciement lié à la mondialisation, le FEM se révèle en deçà des attentes qu’il avait suscitées.

Force est de constater aujourd’hui que le FEM n’a pas tenu toutes ses promesses, s’agissant tant des moyens utilisés que du nombre de salariés impactés. Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer ce résultat décevant, qui résulte à la fois de certains choix retenus pour sa mise en œuvre – les critères d’intervention du fonds se révèlent à l’expérience trop restrictifs – et d’une relative complexité du dispositif. Plus encore, à l’heure d’une crise financière et économique majeure aux conséquences sociales graves, la question de la nature de l’intervention du FEM se pose avec acuité, tant il semble nécessaire  de recourir à cet instrument pour faire face à cette nouvelle situation d’urgence.

C’est ainsi que la Commission européenne a évoqué récemment, à plusieurs occasions, la question de la réforme du FEM : dès juillet 2008 lors de la présentation de propositions sur l’agenda social, et en novembre 2008 dans sa communication relative au plan européen pour la relance économique.

En décembre dernier, dans une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1927/2006 portant création du fonds européen d’ajustement à la mondialisation, la Commission européenne a suggéré un certain nombre de modifications du règlement fondateur du FEM. C’est ce dernier texte qui, soumis à l’avis de l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution, a conduit la Commission chargée des affaires européennes à adopter la présente proposition de résolution à l’unanimité.

La désignation par la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales du même rapporteur que celui choisi par la Commission chargée des affaires européennes lui permet, en dépit de délais courts, de se prononcer dans de bonnes conditions. Le présent rapport a donc pour objet, pour l’essentiel, de rappeler le contexte d’élaboration des propositions de réforme par la Commission européenne ainsi que les prises de position de la Commission chargée des affaires européennes, en particulier les pistes d’amélioration envisageables. Il vise aussi, quelques semaines après l’examen en Commission chargée des affaires européennes, à faire le point sur l’avancée des négociations menées sur cette réforme au plan communautaire.

I.- LA RÉFORME DU FONDS EUROPÉEN D’AJUSTEMENT À LA MONDIALISATION EST AUJOURD’HUI UNE NÉCESSITÉ

La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1927/2006 portant création du fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM) est motivée par deux raisons : le bilan insuffisant du FEM ; la crise financière et économique qui touche les États européens aujourd’hui.

A. LE FONDS EUROPÉEN D’AJUSTEMENT À LA MODIALISATION (FEM) N’A PAS RÉPONDU À TOUTES LES ATTENTES

Conformément au texte de la proposition de résolution adoptée par la Commission chargée des affaires européennes sur la réforme du fonds européen d’ajustement à la mondialisation (alinéa 5 de l’article unique de la proposition de résolution), « le fonds n’a pas en l’état répondu aux attentes qui ont présidé à sa création ».

1. Le FEM a été créé dans le contexte du développement de la mondialisation

Le FEM a été créé par le règlement n° 1927/2006 du 20 décembre 2006 pour répondre aux enjeux de la mondialisation. Le rapport de la Commission européenne du 20 octobre 2005 sur les valeurs européennes à l’ère de la mondialisation avait mis en évidence les apports de l’ouverture du commerce mondial, mais aussi souligné la nécessité d’apporter un soutien à ceux qui pouvaient être confrontés aux répercussions négatives de la mondialisation à travers une perte d’emploi (1).

Dans ce contexte, en réponse à une demande de la France et du Royaume-Uni, le président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, avait suggéré, dans une lettre adressée le 20 octobre 2005 aux chefs d’État et de gouvernement de l’Union et du Parlement européen, avant le sommet européen informel de Hampton Court, la création d’un fonds d’ajustement à la mondialisation. Cette proposition a été approuvée lors du Conseil européen de décembre 2005.

Ce nouveau fonds avait vocation à s’inscrire dans une stratégie plus globale, la stratégie de Lisbonne, telle qu’elle a été définie par le Conseil européen du 24 mars 2000 en termes de développement de la compétitivité économique, de la croissance, de l’emploi et de la cohésion sociale. Comme le soulignait le rapporteur dans son rapport sur la proposition de résolution de la Délégation pour l’Union européenne de l’Assemblée nationale sur la proposition de règlement qui allait instituer le FEM, celui-ci devait « être conçu comme un élément, et un élément de renforcement de la « stratégie de Lisbonne », seule voie d’adaptation pour que l’économie européenne fasse partie des bénéficiaires de la mondialisation (…) » (2).

L’objectif consistait à affecter 500 millions d’euros chaque année au soutien à la réinsertion et la reconversion professionnelle des salariés pour lesquels le lien entre licenciement et mondialisation était clairement établi. Entre 35 000 et 50 000 salariés, au bas mot (3), devaient être appelés à bénéficier de l’aide du FEM chaque année.

En pratique, le FEM finance :

– l’aide à la recherche d’un emploi ;

– les mesures de reconversion ;

– des dispositifs de valorisation de l’entreprenariat ;

– des aides au développement des formes d’emploi indépendant ;

– divers compléments de revenus d’activité spécifiques à caractère temporaire.

L’idée générale est que seules les mesures d’aide dites « actives » sont financées. En outre, les aides du FEM sont conçues comme des interventions complémentaires d’actions similaires mises en œuvre dans les États, le montant de la contribution du fonds étant plafonné à 50 % du total de la dépense engagée.

Comme il en va pour l’ensemble des fonds européens de solidarité, le fondement juridique du FEM est l’article 159, paragraphe 3, du traité instituant la Communauté européenne. En revanche, la logique de son intervention est spécifique puisqu’il répond à la nécessité d’une intervention ponctuelle et non structurelle, à la différence par exemple du fonds social européen (FSE).

Le règlement du 20 décembre 2006 portant création du fonds européen d’ajustement à la mondialisation a défini les modalités d’intervention du fonds :

– doit être établi un lien entre les pertes d’emploi subies et des transformations profondes de la structure des échanges commerciaux internationaux tels une délocalisation économique vers un pays tiers, une augmentation substantielle des importations ou un recul rapide de la part de marché européen du secteur touché ;

– les pertes d’emploi doivent s’élever à un minimum de 1000 licenciements, soit sur une période de quatre mois en cas de restructuration d’une seule entreprise, avec prise en compte des effets en aval et amont de la filière, soit sur une période de neuf mois pour un même secteur et dans un bassin d’emploi, lorsque ce sont seulement des entreprises de moindre taille qui sont concernées ; ce critère avait été retenu de manière à limiter l’intervention du fonds aux restructurations d’une certaine ampleur ;

– dans le cas des marchés de travail de taille réduite ou dans des circonstances exceptionnelles, le FEM peut intervenir même si les conditions d’intervention ne sont pas entièrement satisfaites, dès lors que des licenciements ont une incidence grave sur l’emploi et l’économie locale ;

– la durée d’intervention du fonds est limitée à douze mois à partir de la date de la présentation de la demande.

2. Les éléments de bilan du FEM sont en deçà des prévisions de 2006

Le règlement du 20 décembre 2006 est entré en vigueur, conformément à son article 21, le 1er janvier 2007. Le bilan qui peut être dressé aujourd’hui porte donc sur deux années pleines de fonctionnement.

Comme le rapporteur a eu l’occasion de le souligner devant la Commission chargée des affaires européennes de l’Assemblée nationale lors de sa communication du 4 mars 2009, ce bilan est, au seul plan quantitatif, très en deçà des prévisions faites au moment de sa création :

– on dénombre au total quelque quinze dossiers présentés seulement depuis la création ;

– alors que 500 millions d’euros devaient pouvoir être consacrés chaque année au financement des aides par le FEM, le montant des aides attribuées à ce jour est de 22 millions d’euros au titre de l’année 2007, ce qui représente 4,4 % de la somme prévue ;

– un autre chiffre significatif est le nombre des salariés aidés au cours des dix-huit premiers mois d’activité du fonds, de l’ordre de 15 000, quand celui-ci aurait pu approcher 75 000 sur une période de dix-huit mois selon les prévisions initiales : ce résultat correspond donc seulement à un cinquième des projections réalisées en 2006.

Or, à l’évidence, les occasions de mobilisation du fonds ont été très nombreuses, puisque sur la période de dix-huit mois évoquée, l’observatoire européen des restructurations a dénombré 104 opérations de restructurations concernant plus de 1000 salariés.

Les raisons expliquant ce bilan n’en sont pas moins pour une grande part liées aux critères retenus en 2006, qui se sont révélés à l’expérience trop restrictifs : le seuil de 1000 licenciements sur une période de quatre mois ou la limitation de la durée d’intervention du fonds à douze mois, pour une même action, à compter de la date de présentation de la demande sont apparus limitatifs ; de même, le plafond retenu de 50 % pour le taux de cofinancement des mesures par le fonds a pu apparaître dissuasif car insuffisant dans certaines situations.

En outre, la mobilisation du FEM s’avère dans certains cas trop complexe : en pratique, les États sont dans l’obligation de faire une avance au fonds, avant même de savoir si leur dossier fera l’objet d’une acceptation, celle-ci étant conditionnée à une décision de l’autorité budgétaire (à savoir à la fois le Parlement et le Conseil). Par ailleurs, la preuve du lien entre les restructurations et la mondialisation peut être difficile à apporter dans certains cas. Ces éléments sont également dissuasifs et ont pu faire renoncer certains États à solliciter l’aide du fonds.

B. L’ACTUELLE CRISE FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE MONDIALE EXIGE DES MESURES EXCEPTIONNELLES

Par-delà le bilan très mitigé du FEM deux ans après sa création et la nécessité d’une redéfinition des modalités de son intervention, il s’avère nécessaire de prendre en compte le contexte économique actuel ainsi que ses répercussions sociales, ce qui implique presque un changement de la nature du FEM. C’est aussi l’un des objectifs de la réforme proposée.

1. La crise financière et économique mondiale est d’une ampleur exceptionnelle

Comme le souligne le deuxième considérant de fond de la proposition de résolution (alinéa 6 de l’article unique), « l’actuelle crise financière et économique mondiale [est] d’une ampleur sans précédent depuis 1945 », ce qui nécessite « des mesures exceptionnelles » et justifie « un changement d’orientation dans sa mise en œuvre ».

C’est en réponse à cette situation de crise exceptionnelle que la Commission européenne a présenté au Conseil européen une communication, le 26 novembre 2008, établissant les modalités de mise en œuvre d’un plan européen pour la relance économique et faisant le constat suivant : « La crise financière mondiale a touché l’Union européenne de plein fouet. L’assèchement du crédit, la chute des prix immobiliers et le plongeon des marchés boursiers renforcent la brutale perte de confiance des consommateurs et accentuent le recul de la consommation et des investissements. Les ménages sont sous pression. Les carnets de commande des entreprises se dégarnissent. Les secteurs dépendant du crédit à la consommation – comme la construction privée et l’industrie automobile – ont vu leurs marchés se détériorer brusquement dans de nombreux États membres ».

La France n’échappe pas à la crise. Comme a eu l’occasion de le rappeler le secrétaire d’État chargé de l’emploi, M. Laurent Wauquiez, lors d’un point d’étape sur la politique de l’emploi le 10 mars 2009, le gouvernement a engagé une mobilisation générale de la politique de l’emploi, qui se donne pour objectif de « protéger entre 200 000 et 300 000 emplois en 2009 ».

L’une des propositions de la Commission pour répondre à la crise est la réforme du FEM : dans la communication du 26 novembre 2008 précitée, la Commission a proposé de revoir les règles du fonds afin de favoriser son intervention rapide dans des secteurs stratégiques, notamment pour cofinancer la formation et le placement des personnes licenciées. La Commission s’est en outre engagée à réexaminer les moyens budgétaires disponibles pour le fonds en fonction de la mise en œuvre des règles modifiées.

2. La crise a de graves répercussions sociales

Aux termes du même alinéa, la proposition de résolution de la Commission chargée des affaires européennes mentionne également les « graves répercussion sociales » de la crise financière et économique. Cette mention a été ajoutée à la suite des échanges en commission.

Cet ajout est conforme à l’esprit de l’ensemble de la résolution, dont l’alinéa suivant (alinéa 7 de l’article unique) est, à cet égard, sans ambiguïtés : « l’Europe doit manifester dans de telles circonstances, par des actions concrètes et visibles en faveur de ceux qui perdent leur emploi, la réalité de sa dimension sociale ».

C’est dans cette perspective qu’en juillet 2008, la Commission européenne avait présenté une communication sur l’agenda social renouvelé, intitulée « Opportunités, accès et solidarité dans l’Europe du XXIe siècle », en proposant de nombreuses pistes de travail pour les années à venir, dans des domaines aussi divers que l’emploi et les affaires sociales, l’éducation et la jeunesse, la santé, la société de l’information ou les affaires économiques (4). La Commission fait expressément référence à cette communication dans l’exposé des motifs de la proposition de règlement modifiant le règlement de 2006 sur le FEM.

Certaines analyses relèvent que le modèle social européen présente aujourd’hui une réelle homogénéité et qu’il est inexact de soutenir que la mondialisation ébranlerait les bases de ce modèle : la rigueur de la législation protectrice de l’emploi constitue ainsi l’un des traits distinctifs de l’Europe (du moins pour sa partie continentale), ce qui la différencie des États-unis ou du Canada. Pour l’avenir, la flexicurité paraît constituer le nouvel horizon du modèle social européen (5).

Dans l’exposé des motifs précité, la Commission observe que l’action du FEM est en plein accord avec les politiques intégrées de flexicurité telles qu’elles sont exposées dans la communication « Vers des principes communs de flexicurité » adoptée par le Conseil européen en décembre 2007, dans la mesure où elle vise à faciliter la transition rapide des salariés licenciés vers un autre emploi afin de contribuer à maintenir les salariés qualifiés sur le marché du travail.

II.- LA RÉFORME DU FONDS EUROPÉEN D’AJUSTEMENT À LA MONDIALISATION DOIT ÊTRE MISE EN œUVRE RAPIDEMENT

C’est dans le contexte et pour les raisons ainsi rappelés que la Commission européenne a transmis au Conseil de l’Union européenne, le 5 janvier 2009, une proposition de règlement (établie le 16 décembre 2008) aux fins de modifier le règlement du 20 décembre 2006 portant création du fonds européen d’ajustement à la mondialisation. Au cours de sa séance du 4 mars 2009, la Commission chargée des affaires européennes de l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une proposition de résolution portant sur cette proposition de règlement, aux termes de laquelle elle se félicite des principaux apports de la réforme, tout en proposant quelques pistes d’amélioration.

A. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION SE FÉLICITE DES PRINCIPAUX APPORTS DE LA PROPOSITION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

Pour l’essentiel, la Commission chargée des affaires européennes a approuvé les propositions de la Commission européenne.

1. La Commission européenne a présenté des propositions de réforme

Par sa proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1927/2006 portant création du fonds européen d’ajustement à la mondialisation, la Commission a entendu, comme elle le souligne dans l’exposé des motifs, « permettre au fonds européen d’ajustement à la mondialisation (« FEM ») de venir plus efficacement en aide aux travailleurs qui perdent leur emploi en raison de la mondialisation, (…) élargir temporairement son champ d’action en l’étendant aux licenciements dus à l’impact de la crise financière et économique mondiale et (…) mieux faire concorder les actions du fonds avec l’objectif de solidarité qui est le sien ».

À cet effet, la Commission propose les principales modifications suivantes au règlement du 20 décembre 2006 portant création du fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM) :

– en réponse à la crise financière et économique mondiale, elle élargit le champ d’intervention du FEM et prévoit les ajustements nécessaires pour apporter une aide temporaire aux salariés licenciés en raison de cette crise (modification de l’article 1er du règlement) ;

– elle abaisse de 1000 à 500 le nombre de licenciements qui déclenche, sous certaines conditions, l’attribution des aides (modification de l’article 2 du règlement) ;

– elle introduit une définition de l’événement valant licenciement, définition issue de la jurisprudence communautaire, à savoir la résiliation de fait d’un contrat de travail avant son expiration, pour des raisons indépendantes du salarié concerné (modification de l’article 2 du règlement). À cet article 2, la délégation française du Conseil de l’Union européenne a fait valoir qu’il serait en outre nécessaire d’élargir la définition des licenciements de manière à les prendre en compte dès lors que l’employeur notifie à l’autorité publique compétente le projet de licenciement collectif (il peut en effet s’écouler une longue période entre la notification du licenciement à l’autorité compétente et la notification au salarié) ;

– la Commission européenne propose aussi de garantir un traitement équitable et non discriminatoire des salariés dont le licenciement, bien qu’intervenu avant ou après la période de référence de quatre mois, peut être relié au même événement valant licenciement : la condition est qu’un tel licenciement doit être postérieur à l’annonce générale des licenciements projetés et qu’un lien fonctionnel clair puisse être établi avec l’événement ayant déclenché les licenciements pendant la période de référence (modification de l’article 5 du règlement) ;

– elle clarifie la définition des types d’activités admissibles à un financement par le FEM (modification de l’article 8 du règlement) ;

– elle porte le taux de cofinancement des actions prises en charge par le FEM de 50 % à 75 % de l’ensemble du montant considéré, de manière à mieux prendre en compte l’urgence de l’aide à apporter aux salariés licenciés (modification de l’article 10 du règlement) ;

– elle porte la période de mise en œuvre d’une contribution du FEM de douze à vingt-quatre mois (modification de l’article 13 du règlement) ;

– elle prévoit que le Parlement européen et le Conseil peuvent revoir le règlement FEM, y compris la dérogation temporaire relative à la prise en compte de la crise financière et économique mondiale, sur la base d’une proposition de la Commission (modification de l’article 20 du règlement).

2. La Commission chargée des affaires européennes de l’Assemblée nationale a salué ces propositions

Après avoir rappelé les principaux éléments de contexte justifiant la réforme du FEM (voir supra), la proposition de résolution se prononce, conformément à ses visas (alinéas 1 à 4 de l’article unique), sur la proposition de règlement de la Commission européenne précitée.

Elle « se félicite » dans un premier temps de quatre modifications substantielles proposées par la Commission européenne (alinéas 8 à 12 de l’article unique de la proposition de résolution) :

– l’élargissement du champ d’intervention du fonds, de manière à aider les salariés victimes des restructurations que provoque la crise financière et économique ;

– la réduction de 1 000 à 500 du seuil des licenciements conditionnant sa mobilisation ;

– l’augmentation de 50 % à 75 % des dépenses éligibles du taux de cofinancement du fonds ;

– l’augmentation de 12 à 24 mois de la période de mise en œuvre des actions éligibles.

Comme il l’a exprimé devant la Commission chargée des affaires européennes, le rapporteur rappelle que « du point de vue de la France, ces mesures de bon sens n’appellent aucune réserve de fond ». Interrogés par le rapporteur sur la position du gouvernement, les services du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ont confirmé ces tout derniers jours la position française.

B. LE TEXTE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE PEUT NÉANMOINS ENCORE ÊTRE AMÉLIORÉ

Dans le même temps, la proposition de résolution « estime néanmoins que [le] dispositif [de la proposition de la Commission européenne] peut être amélioré pour le rendre plus efficace et plus réactif » (alinéa 13 de l’article unique).

1. La Commission chargée des affaires européennes a proposé deux améliorations au texte de la Commission européenne

Les propositions d’amélioration du texte de la Commission européenne sont de deux ordres.

● La prise en compte de toute rupture du contrat de travail pour l’appréciation du seuil des 500 licenciements

La première concerne la prise en compte, pour l’appréciation du seuil des licenciements conditionnant la mobilisation du FEM, non seulement des licenciements entendus au sens strict, mais aussi de « toute rupture » des contrats de travail (alinéa 14 de l’article unique).

Cette question a été expressément abordée à l’occasion de l’examen de la proposition de résolution par la Commission chargée des affaires européennes de l’Assemblée nationale, lors de sa séance du 4 mars 2009. En réponse à une interrogation du président Pierre Lequiller, le rapporteur a ainsi eu l’occasion de préciser que la référence à « l’ensemble des rupture de contrat de travail permet d’inclure les départs volontaires. Cette notion est juridiquement plus large que celle de licenciement ».

De fait, outre les licenciements, cette référence permettrait d’inclure les départs volontaires et les départs négociés. En revanche, comme l’a exposé lors de la même séance le rapporteur, ne sont pas concernés les non-remplacements de départs à la retraite, ni les non-renouvellements de contrats à durée déterminée (CDD) : « il faut (…) être réaliste et une extension aux départs volontaires constitue déjà une avancée essentielle ».

La définition de ce périmètre est particulièrement importante dans le cas français, à l’heure où se développent les modes de rupture négociée des contrats de travail, à l’image de la nouvelle procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail telle qu’elle a été définie par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail aux articles L. 1237-11 et suivants du code du travail (6).

● La suppression de l’obligation d’une décision au cas par cas de l’autorité budgétaire

Concernant la procédure à mettre en œuvre préalablement à la mobilisation du FEM, l’État membre intéressé apporte à la Commission les éléments démontrant la recevabilité de la demande et la Commission accepte ou non celle-ci sur le fond. Mais il appartient ensuite encore à la Commission européenne de faire une proposition au Parlement européen et au Conseil qui, en qualité d’autorités budgétaires, conformément à l’article 251 du traité instituant la Communauté européenne, donnent ou non leur accord et, en cas d’avis favorable, fixent le montant alloué.

Comme l’a mis en évidence la communication établie par le rapporteur devant la Commission chargée des affaires européennes, le délai supplémentaire engendré par cette procédure d’autorisation budgétaire au cas par cas peut être évalué à quatre mois et porte donc préjudice à l’efficacité de la mise en œuvre de l’aide. C’est pourquoi la Commission chargée des affaires européennes s’est prononcée en faveur de la suppression de cette procédure (alinéa 15 de l’article unique).

Il est vrai que cette question a trait aux règles budgétaires communautaires « de droit commun ». En effet, le budget communautaire ne prévoit pas de ligne budgétaire spécifique pour le FEM. La somme allouée (500 millions d’euros par an) provient de crédits initialement affectés à d’autres postes budgétaires et laissés disponibles. Un moyen de supprimer l’autorisation au cas par cas pourrait être de « budgéter » le fonds en le finançant sur une ligne spécifique, identifiée au sein du budget communautaire, afin de rendre la mise en œuvre du fonds plus rapide et plus efficiente.

2. La réforme engagée doit aboutir dans les meilleurs délais

Aux termes du dernier alinéa de la proposition de résolution (alinéa 16 de l’article unique), la Commission chargée des affaires européennes « juge également indispensable que la révision engagée aboutisse dans les meilleurs délais de manière à permettre, comme l’y invitent les circonstances, la mobilisation rapide de cet instrument européen en faveur de l’emploi ».

Tel semble être aussi l’objectif poursuivi par la présidence de la Commission européenne. Le rapporteur, en l’état, reprend donc la prévision évoquée devant la Commission chargée des affaires européennes, selon laquelle une adoption de la proposition de règlement pourrait intervenir avant l’interruption des travaux du Parlement européen. Peut-être un accord sera-t-il trouvé entre le Parlement et le Conseil – le présent texte faisant l’objet de la procédure de codécision – d’ici le mois de mai 2009. La commission emploi et affaires sociales du Parlement européen doit se prononcer sur le texte le 31 mars 2009, sur le rapport de Mme Gabriele Stauner (Parti populaire européen – PPE, Allemagne).

Sans doute, lors du Conseil emploi du 9 mars 2009, la question de la révision du règlement sur le FEM n’a-t-elle pas fait l’unanimité (7). En l’état, la révision du règlement de 2006 a fait l’objet de « réserves » de la part de douze États membres sur vingt-sept. Ces réserves concernent l’ensemble du texte dans le cas de l’Allemagne, du Danemark, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de la Suède. Certains autres États ont accepté le texte sous réserve d’un examen général : Chypre, la Finlande, la Hongrie, l’Italie, Malte, la Pologne et la Slovénie. D’autres ont accepté la proposition telle quelle, y compris l’augmentation du taux de cofinancement, porté de 50 % à 75 %.

Le rapport d’évaluation du groupe de travail du Conseil emploi évoque les réserves suivantes :

– des États s’opposeraient à l’augmentation du taux de cofinancement ;

– l’extension temporaire du champ d’application du FEM pourrait être acceptée par une majorité d’États, même si plusieurs délégations en remettent en cause l’utilité et craignent que le FEM ne s’écarte de ses objectifs initiaux ;

– la réduction du seuil de 1000 à 500 licenciements a été rejetée par certaines délégations en raison de l’accroissement des dépenses publiques qu’elle pourrait entraîner.

En ce qui concerne la France, le gouvernement s’est dit favorable à la révision du fonds telle qu’elle est proposée par la Commission européenne. Par ailleurs, s’agissant des deux propositions d’amélioration présentées par le rapporteur de la Commission chargée des affaires européennes et de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, il s’est prononcé en faveur d’une notion plus extensive du licenciement. Quant à la proposition de création d’une ligne budgétaire dédiée au fonds, le gouvernement a indiqué soutenir tout ce qui peut permettre de rendre le fonds plus efficace et très réactif en cas de problème grave de licenciements dans un endroit ou dans un autre de l’Union européenne (8).

Il est en tout état de cause important de réaffirmer, comme cela a été fait lors de l’examen de la proposition de résolution par la Commission chargée des affaires européennes, le soutien à la présente réforme, compte tenu des propositions d’amélioration précédemment évoquées ; celle-ci doit être mise en œuvre au plus vite de sorte que le FEM puisse être pleinement opérationnel dans le cadre du plan de relance européen.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales examine, sur le rapport de M. Michel Herbillon, la proposition de résolution sur la réforme du fonds européen d’ajustement à la mondialisation (n° 1503) au cours de sa séance du mercredi 25 mars 2009.

Un débat suit l’exposé du rapporteur.

M. le président Pierre Méhaignerie. Pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué ? L’excellente idée de ce fonds est tuée par sa complexité européenne. La raison en est sans doute que les structures ont vocation à vivre : des procédures trop simples les privent de leur raison d’être. Le contre-modèle positif est, à cet égard, l’amendement Scellier-Carrez, discuté et adopté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, simple et efficace : 25 % de réduction d’impôt au titre du montant investi dans un bien immobilier, limité à 300 000 euros, et tout est dit.

Ainsi, même avec les améliorations que vous proposez, je ne vois pas comment cette idée, qui est pourtant juste et montrait aux salariés que l’Europe pouvait les aider à faciliter les transitions, pourra s’appliquer à Vitré, à Concarneau ou à Besançon. Il est inutile de préciser que ces réflexions de cœur sont celles d’un Européen convaincu.

M. le rapporteur. Monsieur le président, je partage votre opinion. Les propositions de modification vont toutefois dans le sens d’une plus grande simplification et d’une plus grande éligibilité, en particulier si une ligne budgétaire spécifique peut être instituée.

Le fonds, qui montre que l’Europe peut intervenir concrètement pour des problèmes auxquels les salariés sont confrontés quotidiennement, est une illustration de ce que peut être l’Europe sociale. Il me semble dommage que l’organisation en soit aussi complexe. Mais la proposition adoptée par la Commission des affaires européennes devrait permettre une mobilisation plus efficace du fonds.

M. Marcel Rogemont. Hormis l’élargissement de l’éligibilité à la présente situation de crise, il n’est pas certain que les trois autres dispositions prévues par le texte favorisent grandement le déclenchement du dispositif. Si 22 millions d’euros seulement ont été consommés sur 500 prévus, il faut améliorer le dispositif – à moins, bien sûr, que sa complexité n’ait précisément pour but de limiter l’utilisation du fonds et de cantonner celui-ci dans le domaine des déclarations, mais telle n’est peut-être pas l’intention de la Commission européenne.

M. le rapporteur. À l’évidence, une réponse définitive ne sera possible que lors de l’évaluation du dispositif modifié. Sans lire dans le marc de café, il me semble que les quatre modifications proposées devraient permettre une mise en œuvre plus rapide du fonds, en particulier l’extension de son application aux présentes circonstances de crise.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales adopte à l’unanimité l’article unique de la proposition de résolution sur la réforme du fonds européen d’ajustement à la mondialisation (n° 1503) sans modification.

*

En conséquence, la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la proposition de résolution dont le texte suit.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION SUR LA RÉFORME DU FONDS EUROPÉEN D’AJUSTEMENT À LA MONDIALISATION

Article unique


L’Assemblée nationale,


Vu l’article 88-4 de la Constitution,


Vu le règlement (CE) n° 1927/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, portant création du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation,


Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1927/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, portant création du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (COM [2008] 867 final/n° E 4207]),


Constatant que le Fonds n’a pas en l’état répondu aux attentes qui ont présidé à sa création et qu’une révision de ses modalités d’intervention est donc nécessaire ;


Constatant que l’actuelle crise financière et économique mondiale, d’une ampleur sans précédent depuis 1945, et ses graves répercussions sociales exigent des mesures exceptionnelles et justifient ainsi un changement d’orientation dans sa mise en
œuvre ;


Considérant, en outre, que l’Europe doit manifester dans de telles circonstances, par des actions concrètes et visibles en faveur de ceux qui perdent leur emploi, la réalité de sa dimension sociale ;


1. Se félicite de ce que la proposition de règlement précitée vise :


a)
 À élargir le champ d’intervention du Fonds, de manière à aider les salariés victimes des restructurations que provoque cette crise ;


b)
 À réduire de 1.000 à 500 le seuil des licenciements conditionnant sa mobilisation ;


c)
 À élever, de 50 % à 75 % des dépenses éligibles, le taux de cofinancement du Fonds ;


d)
 À porter de 12 à 24 mois la période de mise en
œuvre des actions éligibles ;


2. Estime néanmoins que son dispositif peut être amélioré pour le rendre plus efficace et plus réactif :


a)
 D’une part, en prenant en compte pour le seuil précité, toutes les ruptures de contrats de travail, et non pas les seuls licenciements ;


b)
 D’autre part, en supprimant l’obligation d’une décision au cas par cas de l’autorité budgétaire ;


3. Juge également indispensable que la révision engagée aboutisse dans les meilleurs délais de manière à permettre, comme l’y invitent les circonstances, la mobilisation rapide de cet instrument européen en faveur de l’emploi.

© Assemblée nationale

1 () Ces éléments de contexte sont rappelés par la Commission européenne dans les développements consacrés au fonds sur son site internet.

2 () Rapport fait au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur la proposition de résolution (n° 3446) de M. Michel Herbillon sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (COM [2006] 91 final / E 3102) – novembre 2006. Se reporter à ce rapport pour des éléments complémentaires sur les raisons d’établissement du fonds ainsi que les modalités d’intervention alors envisagées.

3 () Certains économistes se sont même interrogés sur les moyens d’élargir encore le groupe des salariés visés – voir par exemple Étienne Wasmer et Jakob von Weizsäcker, « Le fonds européen d’ajustement à la mondialisation : pour quoi faire ? », Revue de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), été 2007.

4 () Voir la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au comité des régions, « Un agenda social renouvelé : opportunités, accès et solidarité dans l’Europe du XXIe siècle ».

5 () « Le modèle social européen est-il soluble dans la mondialisation ? », note de veille du Centre d’analyse stratégique (CAS), septembre 2008.

6 () Fin novembre 2008, on dénombrait déjà quelque 20 000 ruptures conventionnelles homologuées, ce qui représente 5 % du total des ruptures de contrats à durée indéterminée.

7 () Les éléments d’information qui figurent dans le présent développement sont extraits de « Europolitique », n° 3711, mercredi 11 mars 2009.

8 () Voir le compte rendu de l’audition de M. Bruno Le Maire, secrétaire d’État chargé des affaires européennes, devant la Commission chargée des affaires européennes le 25 mars 2009 (compte rendu n° 99).