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N° 1597

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 avril 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI (n° 1541) de MM. Alain VIDALIES, Jean-Marc AYRAULT et Didier MIGAUD et plusieurs de leurs collègues pour l’augmentation des salaires et la protection des salariés et des chômeurs,

PAR M. Alain Vidalies,

Député.

——

INTRODUCTION 5

TRAVAUX DE LA COMMISSION 23

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 23

II.- EXAMEN DES ARTICLES 37

Article 1er Conditionnalité des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale à la conclusion d’accords collectifs sur les salaires 37

Article 2 Suppression du dispositif sur les heures supplémentaires prévu par la « loi TEPA » 51

Article 5 Gage 67

TABLEAU COMPARATIF 69

INTRODUCTION

Avant d’être financière, la crise que nous traversons est une crise politique, économique, sociale, écologique, une crise structurelle sans précédent par son ampleur, sa violence et sa gravité. L’accroissement des inégalités, les bas salaires, la précarité, les régressions sociales sont à l’origine du dévoiement du système financier et économique, car le recours croissant à l’endettement des ménages et des entreprises est la conséquence inéluctable d’un partage des richesses de plus en plus inégal et de la recherche frénétique de taux de profits incompatibles avec la croissance réelle des économies. Nous sommes confrontés à une crise de système face à laquelle il s’agit de créer les conditions de l’émergence d’un nouveau modèle de développement. Nous sommes aussi dans une situation d’urgence quand, d’après les dernières statistiques arrêtées fin février 2009 concernant la nouvelle « catégorie A » de la nomenclature, le chômage a augmenté de 19 % en un an et même de 32 % pour les moins de 25 ans.

Or que proposent le Président de la République et le Gouvernement actuel ? Après avoir dilapidé en 2007 toute marge de manœuvre budgétaire dans des mesures inefficaces, voire contreproductives, et injustes – le bouclier fiscal et les autres mesures d’allègement des impôts des plus fortunés, l’exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires… –, leur réaction à la crise démontre leur incapacité à prendre en compte la réalité de celle-ci. Le plan de relance que le Parlement a voté est à la fois insuffisant en volume, déséquilibré car uniquement fondé sur l’offre et inadapté pour répondre à la violence de la crise. Il propose au mieux quelques mesures d’investissement à long terme et fait l’impasse totale sur les questions centrales du pouvoir d’achat et du partage des richesses. C’est un plan en trompe-l’œil car l’essentiel des crédits annoncés correspond au règlement plus rapide de dettes de l’État vis-à-vis des entreprises ou à l’accélération de projets d’investissements déjà prévus et qui pour autant, d’ailleurs, ne pourront pas être réalisés dans les mois qui viennent, mais seulement à partir de 2010 ; les moyens réellement supplémentaires n’atteignent pas quatre milliards d’euros dans ce plan, dont moins d’un milliard pour des mesures ciblées en faveur de la consommation et du soutien aux salariés les plus modestes. Et en attendant, que fait-on pour les 3 000 demandeurs d’emploi supplémentaires que notre pays compte chaque jour ?

Le Parti socialiste, jouant le rôle normal d’un parti d’opposition responsable, a élaboré un contre-plan d’urgence massif et global, qui ne prétend pas répondre à l’ensemble des enjeux structurels fondamentaux, mais apporter des réponses immédiates et équilibrées avec un ensemble de propositions destinées à protéger les Français des graves conséquences sociales de la crise et à relancer la consommation, l’investissement et la croissance : il s’agit d’améliorer sans délai le pouvoir d’achat en relevant les salaires et les minima sociaux et en faisant baisser le prix des produits de première nécessité, d’élaborer une politique industrielle tournée vers l’industrie de demain et prenant en compte le défi écologique, de relancer ainsi la création d’emplois, de protéger les salariés des conséquences des restructurations, enfin d’inciter fermement les employeurs à assumer leur responsabilité sociale, notamment en modulant les cotisations sociales en fonction de leur recours aux contrats précaires et au temps partiel et en imposant le remboursement des aides publiques en cas de licenciements économiques par des entreprises qui dans le même temps distribuent des dividendes… Plus fondamentalement, il s’agit d’assumer ce que doit être la mission de l’État : un État régulateur, stratège, acteur de l’économie, faisant prévaloir l’intérêt général, en tout cas pas l’État tel que le conçoit la majorité actuelle, c’est-à-dire un État dont l’intervention n’est acceptable qu’en période de crise et sert surtout à protéger ceux-là même dont le comportement a fait éclater et amplifié la crise qui était sous-jacente.

La présente proposition de loi, dans sa version initiale, reprenait quatre des éléments essentiels du plan socialiste dans le domaine du pouvoir d’achat et de l’emploi, car c’est là que l’urgence est la plus grande :

1) Il s’agit tout d’abord d’établir une véritable conditionnalité de l’allégement général de charges sociales sur les salaires. Si l’on veut que les aides de l’État trouvent une réelle contrepartie en termes de pouvoir d’achat, le bénéfice de ce dispositif très coûteux pour la puissance publique et très avantageux pour les entreprises doit être subordonné non pas à la seule ouverture de négociations salariales, mais à la conclusion d’accords salariaux.

2) Il s’agit ensuite de supprimer l’aberrant dispositif d’exonération de charges sociales et fiscales des heures supplémentaires, dont le coût est exorbitant – on pourrait avec les fonds utilisés à cette fin financer 100 000 emplois au coût moyen d’un emploi en France (donc des emplois « normaux » et non des emplois au rabais) – et qui, la crise venue, a eu pour effet de reporter le premier ajustement de l’emploi dans les entreprises sur les contrats temporaires, donc principalement sur les jeunes qui travaillent.

3) Alors que les licenciements économiques se multiplient, il convient d’utiliser au mieux les instruments de protection existants. Le contrat de transition professionnelle (CTP) expérimenté dans une poignée de bassins d’emploi depuis 2006 assure une meilleure indemnisation des salariés et a donné de meilleurs résultats en termes de retour à l’emploi que d’autres dispositifs : il convient donc de le généraliser et, à titre provisoire, de porter d’un à deux ans sa durée.

4) Parallèlement, le CTP étant destiné à des salariés menacés de licenciement économique, donc qui bénéficiaient d’un contrat à durée indéterminée, il est légitime de prendre en compte la situation des salariés précaires en contrat à durée déterminée (CDD) ou en intérim. Et ce d’autant plus qu’ils ont été les premiers à supporter le choc de la crise car l’ajustement de l’emploi, contrairement à ce que l’on avait observé lors de crises précédentes, n’a pas commencé par les heures supplémentaires du fait de leur détaxe. Ainsi, l’activité en intérim a-t-elle diminué de près de 30 % de janvier 2008 à janvier 2009 ! Pendant deux ans, il était donc proposé de prolonger de six mois au-delà de la durée de droit commun l’indemnisation chômage des demandeurs d’emploi inscrits suite à une fin de CDD ou de mission d’intérim. Cette prolongation aurait été financée par l’État afin de ne pas déséquilibrer l’assurance chômage et compte tenu des marges budgétaires dégagées par la suppression de l’exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires.

Ces dispositions ne sauraient naturellement suffire et, à moyen terme, l’objectif doit rester la mise en place, avec les partenaires sociaux, d’une véritable sécurité sociale professionnelle qui garantira à chacun les trois éléments constitutifs du travail : l’emploi, la sécurité des ressources et la progression professionnelle tout au long de la vie active.

Mais dans l’urgence, les mesures de la présente proposition de loi, dans sa version initiale, constituaient un minimum pour protéger au mieux les salariés de France de la crise actuelle et préserver leur pouvoir d’achat, ce qui ne se justifie pas que pour des motifs de justice sociale, mais est aussi une condition essentielle de la sortie de crise et du retour de la croissance.

Toutefois, et bien que la délégation du Bureau de l’Assemblée nationale chargée du contrôle de recevabilité financière a priori des propositions de loi en application de l’article 81 du Règlement en ait accepté le dépôt, la version initiale de la présente proposition a été renvoyée par le Président de l’Assemblée nationale au Bureau de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan afin qu’il statue sur sa conformité à l’article 40 de la Constitution. Par décision du 7 avril 2009, cette instance a déclaré contraires à l’article 40 les articles 3 (généralisation et pérennisation du contrat de transition professionnelle) et 4 (prolongation exceptionnelle de l’indemnisation de certains demandeurs d’emploi) de la proposition de loi initiale.

Sans naturellement discuter la décision prise, le rapporteur ne peut que regretter cette saisine du Bureau de la Commission des finances, inédite par sa précocité, qui prive de fait la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales puis l’Assemblée nationale de la possibilité de débattre de l’ensemble des mesures du texte initialement déposé (ce qui n’aurait pas empêché, d’ailleurs, une éventuelle contestation ultérieure de sa recevabilité financière, notamment par le Gouvernement). Cette procédure inédite augure mal de l’extension des droits du Parlement, et plus particulièrement de l’opposition, extension qui a été présentée comme l’une des avancées de la réforme constitutionnelle de juillet 2008 par les défenseurs de cette réforme.

Toujours est-il qu’en l’état de la procédure, les deux dispositions supprimées suite à la décision du Bureau de la Commission des finances ne peuvent pas être examinées. Dans l’espoir de convaincre le Gouvernement de les reprendre à son compte, le rapporteur a néanmoins souhaité les présenter en détail dans les développements qui suivent.

*

I.- Généraliser et pérenniser le contrat de transition professionnelle

Parmi les multiples engagements inscrits au programme électoral du Président de la République lorsqu’il était candidat à cette fonction, figurait la « sécurité sociale professionnelle » : « (…) Je créerai la sécurité sociale professionnelle. Elle ne supprimera pas le chômage, pas plus que la sécurité sociale n’a supprimé la maladie. Mais elle permettra à chacun de surmonter au mieux et au plus vite cette difficulté. Une personne licenciée pour des raisons économiques ne perdra pas son contrat de travail: celui-ci sera transféré au service public de l’emploi qui lui garantira 90 % de sa rémunération antérieure aussi longtemps que nécessaire, pour suivre une formation qualifiante, trouver un nouvel emploi, essayer un nouveau métier (…) ».

Il est bien dommage que la majorité actuelle ait donné la priorité à tant de mesures inutiles ou néfastes sur celle-ci, auxquels tous auraient pu se rallier. Toujours est-il que l’on attend toujours la réalisation de cette promesse. L’un des seuls éléments qui la préfigurent est une disposition expérimentale, le contrat de transition professionnelle (CTP), qui avait été élaborée par le précédent Gouvernement mais n’a pas été généralisée. Or quelle est la portée d’une mesure qui jusqu’à présent, depuis près de trois ans qu’elle existe, a concerné au total à peine plus de 5 000 personnes ? Ce surtout quand, chaque jour, on compte 3 000 chômeurs de plus…

C’est pourquoi, dans l’urgence – le nombre d’inscriptions à Pôle emploi suite à un licenciement économique a bondi de 31,4 % de février 2008 à février 2009 – et même si le CTP n’est peut-être pas un dispositif parfait, le groupe SRC souhaite qu’il soit généralisé. En outre, à titre provisoire et pour le même motif d’urgence sociale, il convient d’en porter la durée de un à deux ans. Ces mesures constituaient l’objet de l’article 3 de la proposition de loi qui a été déclaré contraire à l’article 40 de la Constitution. Elles n’enlèvent naturellement rien à la nécessité d’élaborer à moyen terme, avec les partenaires sociaux, la sécurité sociale professionnelle.

1. Le contrat de transition professionnelle, un dispositif plus efficace et plus protecteur que d’autres

a) Une mesure expérimentale d’accompagnement des restructurations

Le contrat de transition professionnelle (CTP) a été institué à titre expérimental par l’ordonnance n° 2006-433 du 13 avril 2006. Cette ordonnance a prévu que, dans sept bassins d’emploi (Charleville-Mézières, Montbéliard, Morlaix, Saint-Dié, Toulon, Valenciennes et Vitré) et pour une durée limitée, ce dispositif se substituerait à une mesure de droit commun mise en place en 2005 à l’initiative des partenaires sociaux (accord national interprofessionnel du 5 avril 2005), la convention de reclassement personnalisé (CRP). Le champ des bénéficiaires potentiels des deux mesures est en effet le même : les salariés des entreprises de moins de mille salariés dont le licenciement économique est envisagé. La CRP et, dans les bassins concernés, le CTP constituent des modes de rupture du contrat de travail qui remplacent le licenciement. CRP et CTP étant des mesures conventionnelles, les employeurs ont l’obligation de les proposer, mais les salariés peuvent les refuser (auquel cas ils sont licenciés) ; en cas d’acceptation, la rupture du contrat de travail est réputée être effectuée d’un commun accord.

Ces mesures ont pour objet d’offrir des modalités d’indemnisation et d’accompagnement plus favorables que le droit commun de l’assurance chômage. Leur mise en place au bénéfice des personnes qui seraient à défaut licenciées pour motif économique rend compte de la responsabilité particulière, tant de la collectivité que des employeurs (obligations de reclassement), que la loi et les partenaires sociaux s’entendent à reconnaître au bénéfice des victimes de licenciements économiques. D’autres dispositifs spécifiques, congés de reclassement ou de mobilité, existent pour les salariés des entreprises ou groupes de mille salariés et plus également concernés par un projet de licenciement économique.

Les différents dispositifs spécifiques
pour les personnes dont le licenciement économique est envisagé

 

Droit commun

Dispositifs dérogatoires (1)

Entreprises et groupes de moins de 1 000 salariés ou en procédure judiciaire

Convention de reclassement personnalisé (CRP)

Contrat de transition professionnelle (CTP)

Entreprises et groupes de 1 000 salariés et plus

Congé de reclassement

Congé de mobilité

(1) Expérimentés dans certains bassins d’emploi ou nécessairement issus d’un accord collectif ad hoc.

b) Les points forts du CTP

Le CTP offre le double avantage de comporter des garanties, notamment en matière d’indemnisation, favorables aux salariés et d’être mis en œuvre de manière performante et avec des moyens importants.

● Des règles qui assurent une meilleure indemnisation et une meilleure prise en charge des salariés

CTP et CRP s’adressant au même « public », les salariés menacés de licenciement économique dans des entreprises de moins de 1 000 salariés, il est légitime d’en comparer les modalités. Comme les salariés concernés peuvent aussi refuser la CRP ou le CTP qui leur sont proposés, la comparaison avec le régime de droit commun d’indemnisation dans lequel ils retombent alors est également pertinente.

Sans détailler toutes les différences entre les régimes, on observe que, du point de vue des salariés, la CRP présente par rapport au droit commun plusieurs avantages :

– dès lors qu’ils ont au moins deux ans d’ancienneté, une indemnisation plus généreuse pendant la durée de la CRP, soit les huit premiers mois de chômage (80 % du salaire brut antérieur pendant trois mois, puis 70 % pendant cinq mois, contre 57,4 % à 75 % selon le niveau de salaire dans le droit commun) et versée immédiatement, sans délai de carence ;

– un statut favorable pour la conservation des droits sociaux, celui de stagiaire de la formation professionnelle ;

– des mesures d’accompagnement renforcées, au moins en principe.

Le seul aspect sur lequel la CRP (comme d’ailleurs le CTP) peut apparaître moins favorables que le régime de droit commun concerne l’indemnité de préavis : en cas de CRP ou de CTP, les deux mois de préavis légal ne sont pas versés au salarié mais constituent une contribution de l’employeur au financement du dispositif (les autres indemnités légales ou conventionnelles liées au licenciement sont en revanche versées au salarié).

Le CTP obéit largement aux mêmes règles que la CRP. Il s’en distingue principalement par :

– le fait qu’il est ouvert aussi aux salariés qui ne pourraient pas bénéficier des allocations de l’assurance chômage (faute d’une durée d’affiliation préalable suffisante) ;

– un délai de réflexion pour l’acceptation par le salarié qui est plus long (vingt-et-un jours au lieu de quatorze) ;

– une durée plus longue (douze mois au lieu de huit) ;

– une indemnisation plus élevée, acquise quelle que soit l’ancienneté et non dégressive : 80 % du salaire brut antérieur (soit compte tenu des charges sociales, plus ou moins l’intégralité du salaire net) pendant toute la durée du CTP, plus une possibilité de « capitalisation » en cas de reprise d’emploi avant le terme du contrat, c’est-à-dire de versement d’une prime à hauteur de 50 % des indemnités qui auraient été dues pour les mois restant à courir ;

– la possibilité d’insérer dans le CTP des périodes de travail rémunérées (dans la limite de neuf mois).

● Des moyens d’accompagnement significatifs et efficaces

La gestion du CTP a initialement été confiée à une filiale créée à cet effet (« Transitio-CTP ») de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Les cellules constituées dans chaque bassin regroupent des personnels provenant principalement de l’ex-Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et de l’AFPA. Ce rapprochement permet de valoriser les compétences spécifiques des deux agences. Les personnels de l’ex-ANPE amènent leur expérience du placement en emploi, ceux de l’AFPA – issus de deux métiers : psychologues et formateurs – leurs compétences dans la construction de parcours de reconversion professionnelle et la prescription de formation adaptées. La philosophie du CTP apparaît ainsi clairement tournée vers la construction de parcours professionnels « gagnants » à moyen terme, ce qui n’est pas le cas pour la CRP, plus centrée par la volonté des partenaires sociaux (plus exactement de la partie patronale…) sur le retour rapide à l’emploi quel qu’il soit.

L’accompagnement assuré dans le cadre du CTP se caractérise aussi par l’importance des moyens humains qui y sont consacrés : un référent pour 25 bénéficiaires quand ce taux d’encadrement reste pour la CRP d’un conseiller pour 110 demandeurs d’emploi.

L’accès aux formations constitue également l’un des points forts du CTP. Le taux d’accès à une mesure de formation (au moins) était au 30 septembre 2007 de 67 % pour les bénéficiaires des cohortes sorties du dispositif à cette date. S’agissant des allocataires de la CRP, ce taux d’accès aux formations n’est que de 25 %, tandis que 41 % d’entre eux, n’y accédant pas, le regrettent (1). Quant à l’ensemble des demandeurs d’emploi, on peut penser que leur taux d’accès à la formation est tout au plus de l’ordre de 15 % (632 000 demandeurs d’emploi sont entrés en formation en 2006 pour près de 4,4 millions d’inscriptions en « catégorie 1 » à l’ANPE).

Un dernier élément de la démarche de conversion propre au CTP doit être signalé : les périodes travaillées (avec un contrat de travail chez un employeur) qui peuvent s’intercaler dans le contrat de transition sans l’interrompre. Ce mécanisme permet de s’essayer à un nouvel emploi, voire un nouveau métier sans risque statutaire puisqu’en cas d’échec il y a retour dans le cadre du CTP ; il permet aussi des sortes de période d’alternance dans l’optique d’une véritable reconversion professionnelle. Au 30 juin 2008, 37 % des personnes entrées dans le dispositif depuis ses débuts avaient réalisé au moins une période travaillée à l’extérieur.

c) Des résultats significatifs

Le CTP obtient des résultats meilleurs – ou moins mauvais – que les autres dispositifs existants.

● Un taux d’adhésion élevé

Au 30 juin 2008, 79 % des salariés auxquels un CTP avait été proposé y avaient adhéré, alors que le taux d’adhésion reste beaucoup plus faible, même s’il semble en augmentation régulière, pour ce qui est de la CRP (fin juillet 2007 et depuis le début du dispositif, il était selon l’Unédic de 43 %).

● Un bon taux de reclassement

Le taux d’insertion dans l’emploi dit « durable » (hors contrats à durée déterminée et missions d’intérim de moins de six mois) s’élève à 60 % en fin de CTP, d’après les statistiques du comité de suivi, contre 58 % après douze mois pour les salariés bénéficiant d’une cellule de reclassement (ce taux incluant les entrées en formation longue) et 39 % en fin de CRP (donc après huit mois), selon les documents budgétaires (2). Une enquête de l’ANPE (3) donne quant à elle 53 % de bénéficiaires de la CRP en emploi (sans que soit précisé s’il s’agit d’un emploi « durable ») douze mois après leur inscription ; pour ce qui est des bénéficiaires du CTP, le taux d’insertion dans l’emploi de toute nature (même précaire) en fin de contrat est de 70 %.

S’agissant des éléments de comparaison avec les demandeurs d’emploi « de droit commun », on peut se référer à une enquête de l’ANPE (4) qui portait sur le devenir d’un échantillon de demandeurs d’emploi ayant eu leur premier entretien d’établissement du projet d’action personnalisé (PAP) en mai 2004 ; il s’agit de la population la plus large possible, puisque le PAP était alors proposé à tous les demandeurs d’emploi. Il apparaît que douze mois après cet entretien, 42 % des demandeurs d’emploi concernés travaillaient, tandis que 19 % avaient travaillé et ne travaillaient plus, ce qui donnait donc 61 % ayant travaillé au cours de la période des douze mois, y compris à temps partiel ou pour une courte période. Parmi ceux qui s’étaient inscrits suite à un licenciement économique (critère d’entrée, on le rappelle, en CRP ou CTP), 39 % travaillaient douze mois après et 53 %, au total, travaillaient ou avaient travaillé durant ces douze mois. Une étude de l’Unédic portant sur le champ plus restreint des chômeurs indemnisés, montre, sur la cohorte des personnes inscrites en décembre 2006, qu’un an après 54 % étaient en emploi (5).

Sous les réserves méthodologiques qu’implique la comparaison de données qui ne sont pas vraiment homogènes, les résultats du CTP en matière de reclassement apparaissent meilleurs que ceux que donnent les autres formules existantes.

Par ailleurs, le CTP semble souvent permettre de réaliser des reconversions professionnelles : 47 % des sorties en emploi durable se font avec un changement de métier.

d) Un dispositif plusieurs fois remanié et prorogé

Le dispositif CTP a fait l’objet de nombreux aménagements au cours de sa brève existence :

– La loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social a notamment prévu que les périodes de travail intercalaires seraient déduites pour le calcul de la durée résiduelle de droits à l’assurance chômage (en d’autres termes que la durée d’indemnisation soit le cas échéant prolongée à due concurrence de ces périodes). Cette loi a également réduit de deux à un mois de salaire le montant de la pénalité à la charge des employeurs qui procèdent à un licenciement économique sans avoir proposé un CTP au salarié concerné.

– L’expérimentation, débutée en avril 2006, devait initialement être close au 1er mars 2007 (6). La loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale a repoussé au 1er mars 2008 cette échéance. La même loi a également permis que les périodes de travail intercalaires soient effectuées non seulement dans le cadre de contrats à durée déterminée de moins de six mois, mais aussi, le cas échéant, dans le cadre de missions d’intérim.

– La loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi, a de nouveau reporté, du 1er mars au 1er décembre 2008, la date de clôture du dispositif.

– Enfin la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 a une fois encore reporté cette date, la fixant désormais au 1er décembre 2009, et a en outre prévu l’élargissement du CTP à dix-huit autres bassins d’emploi qu’elle n’a toutefois pas nommés : ces bassins, « caractérisés par une situation économique, démographique et sociale très défavorable pour l’emploi », doivent être fixés par décret. Dans ces nouveaux territoires ouverts à l’expérimentation, le dispositif n’est pas géré par la filiale précitée de l’AFPA, mais par Pôle emploi. Un décret (7) a déjà désigné deux de ces nouveaux bassins d’emploi couverts : Le Havre et Niort. Lors de son déplacement à Châteauroux le 27 janvier 2009, le Président de la République a par ailleurs annoncé que seraient également concernés les bassins d’emploi de Calais, Châteauroux, Châtellerault, Douai, L’Étang de Berre et Mulhouse. Enfin, trois des bassins initiaux ont bénéficié d’une extension : Charleville-Mézières, Montbéliard et Saint-Dié.

Alors que, comme on l’a dit, on dénombre chaque jour qui passe 3 000 chômeurs supplémentaires, cette politique des « petits pas » a-t-elle un sens ? Peut-on encore, alors que la crise est générale, raisonner par bassin d’emploi, sélectionner ceux qui seraient les plus en difficulté ? Trois ans après son instauration, on devrait être en mesure de décider définitivement si le CTP est ou non une bonne mesure : soit le généraliser, soit le supprimer. Et dans la situation actuelle, qui pourrait soutenir qu’il faut supprimer le dispositif de prise en charge des demandeurs d’emploi qui s’approche le plus, par sa philosophie et ses résultats, de la « sécurité sociale professionnelle » voulue par tous, Président de la République compris ?

2. Le dispositif de l’article 3 de la proposition de loi initiale : généraliser le CTP et en doubler la durée à titre provisoire

L’article 3 de la proposition de loi initiale proposait donc de généraliser et de pérenniser le CTP. À cette fin, ses alinéas 2 à 4 et 7 supprimaient dans l’ordonnance précitée du 13 avril 2006 les mentions indiquant que le CTP est une mesure expérimentale, limitée à certains bassins d’emploi et applicable seulement jusqu’au 1er décembre 2009. En conséquence, le CTP devenait un dispositif général et pérenne qui se substituait de fait à la CRP.

L’alinéa 6 permettait que le CTP généralisé soit conclu soit avec une filiale ad hoc de l’AFPA, soit avec Pôle emploi : on rappelle que dans les sept premiers bassins d’emploi où s’est déroulée l’expérimentation, la gestion du CTP a été confiée à la filiale de l’AFPA Transitio-CTP, tandis que dans les dix-huit bassins où la loi de finances pour 2009 en a prévu l’extension, elle doit l’être à Pôle emploi. Dans l’optique d’une généralisation à tout le territoire, il apparaîtrait naturel d’associer les deux organismes à la gestion du CTP, dont, comme on l’a dit, la réussite a reposé jusqu’à présent notamment sur le rapprochement, dans les cellules locales « CTP », des personnels de l’AFPA et de l’ex-ANPE. L’alinéa 8 supprimait par conséquent la mesure confiant spécifiquement au seul Pôle emploi la gestion du CTP dans les dix-huit nouveaux bassins concernés par l’extension partielle de la loi de finances pour 2009.

Dans le contexte économique présent et dans l’attente d’une véritable sécurité sociale professionnelle, l’article 3 de la proposition de loi initiale proposait également de doubler, à titre provisoire, la durée pour laquelle est conclue le CTP : cette durée était portée de 12 à 24 mois par l’alinéa 11 (et dans une mesure de coordination par l’alinéa 21). Les alinéas 12 à 15 correspondaient à des mesures de coordination visant à mieux stabiliser les bénéficiaires du CTP : la durée maximale de chaque période de travail chez un nouvel employeur susceptible d’être intercalée dans le CTP (sans en entraîner la rupture) était portée de 6 à 12 mois et la durée maximale cumulée de ces périodes durant le CTP de 9 à 18 mois ; la durée minimale d’un contrat à durée déterminée ou d’une mission d’intérim justifiant la rupture anticipée du CTP était portée de 6 à 12 mois.

L’alinéa 16 rétablissait à son niveau initial, soit deux mois de salaire du salarié concerné, la sanction de l’employeur qui ne propose par de CTP à un salarié qu’il envisage de licencier pour motif économique : ce montant avait été indûment ramené à un mois de salaire par la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 précitée, alors qu’un niveau aussi faible de pénalité constitue une véritable incitation à ne pas appliquer la loi dès lors que l’application normale de celle-ci coûte à l’employeur l’équivalent de l’indemnité légale de préavis, soit deux mois de salaire, qu’il doit verser (sans exécution du préavis, l’acceptation du CTP entraînant la cessation immédiate de la relation de travail).

Les alinéas 17 à 20 correspondaient à des mesures de coordination visant notamment à assurer la continuité entre la convention de reclassement personnalisé (CRP) et le CTP : les personnes en cours de CRP devaient se voir proposer de basculer sur un CTP, beaucoup plus protecteur (plus long et mieux indemnisé).

II.- Prolonger l’indemnisation de certains demandeurs d’emploi

L’article 4 de la proposition de loi initiale, également déclaré contraire à l’article 40 de la Constitution, visait à prolonger, à titre exceptionnel et à la charge de l’État, l’indemnisation chômage des demandeurs d’emploi inscrits suite à une fin de contrat à durée déterminée (CDD) ou de contrat d’intérim.

Cette mesure temporaire constituerait une réponse adaptée à la crise actuelle, qui frappe tout particulièrement les salariés précaires. Ce serait aussi une mesure complémentaire de celle de généralisation et de prolongation du CTP, puisque le CTP ne concerne par construction que des salariés qui étaient en contrat à durée indéterminée (car il est réservé à ceux dont le licenciement pour motif économique est envisagé).

Alors que les restructurations de grandes entreprises ou les fermetures d’usines entraînant de nombreux licenciements bénéficient, à juste tire, d’une grande visibilité et suscitent l’indignation quand la situation réelle des entreprises en cause ne les justifie pas, il convient de ne pas oublier que, chaque mois, de 170 000 à 180 000 personnes s’inscrivent à Pôle emploi suite à la fin d’un CDD ou d’une mission d’intérim (et moins de 60 000 suite à un licenciement économique) : la situation de ces salariés précaires qui sont les premiers à être exclus de l’entreprise et sont les moins indemnisés par l’assurance chômage doit être prise en considération.

1. Une véritable explosion du chômage, en particulier aux dépens des jeunes et des intérimaires

On assiste en effet à une dégradation de la situation de l’emploi dont la rapidité est sans précédent, qui plus est concentrée sur les jeunes.

D’après les statistiques que vient de rendre publiques Pôle emploi, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits sur les listes dans la nouvelle « catégorie A » (demandeurs d’emploi sans emploi et immédiatement disponibles) s’établissait à 2,385 millions en France métropolitaine fin février 2009. Ce nombre a crû de 380 000, soit 19 %, en un an. Sur un an, la progression atteint même 32 % pour les moins de 25 ans et 45,7 % si l’on s’en tient aux jeunes hommes ! En prenant également en compte les nouvelles catégories B et C (incluant les personnes qui ont une activité réduite) on atteint 3,404 millions de demandeurs d’emploi en France métropolitaine fin février 2009, soit + 10,4 % en un an.

Cette véritable explosion du chômage s’accompagne d’un recul de l’emploi salarié dont l’ampleur est inédite. L’emploi salarié dans le secteur concurrentiel a diminué de 0,6 % au seul quatrième trimestre 2008 et du même taux sur l’ensemble de l’année 2008, soit 100 500 emplois détruits en solde net. Sur l’année, la construction affiche une hausse de ses effectifs de 0,9 %, soit 13 000 créations nettes d’emplois, mais l’industrie un recul de 2 %, soit 73 000 destructions d’emplois. Et surtout, l’emploi tertiaire marchand se contracte en raison de la très forte baisse d’activité dans l’intérim : – 0,7 % sur l’année 2008 (80 500 emplois perdus).

L’intérim enregistre en effet au cours du dernier trimestre 2008 une baisse de 12,5 % de son activité (81 000 postes en moins), cette baisse étant de 22,3 % sur l’année (163 000 postes). Les chiffres relatifs à l’intérim sont encore plus inquiétants si on prend en compte janvier 2009 : – 7,6 % sur le mois, – 29,7 % par rapport à janvier 2008. Cette diminution des effectifs est concentrée sur les emplois d’ouvriers, qui représentent les trois quarts des emplois intérimaires (– 30,2 % pour les ouvriers non qualifiés, – 22,8 % pour les ouvriers qualifiés, – 6,2 % pour les employés, – 8,3 % pour les cadres et professions intermédiaires), et sur l’industrie. Si on affectait statistiquement les missions d’intérim aux secteurs utilisateurs, la baisse des effectifs atteindrait sur l’année 2008 près de 5 % pour l’ensemble de l’industrie, tandis que la construction et les services afficheraient une légère croissance.

Cette concentration – jusqu’à présent, puisque l’on commence à voir les licenciements économiques se multiplier à leur tour – de l’ajustement de l’emploi sur l’intérim, et particulièrement sur l’industrie, explique que la hausse du chômage concerne prioritairement les jeunes, et particulièrement les jeunes hommes. Ce phénomène inédit par son ampleur est évidemment lié à l’absurde politique d’exonération de charges des heures supplémentaires, laquelle conduit les chefs d’entreprise à se séparer des intérimaires ou des CDD avant de réduire leur recours à ces heures supplémentaires devenues moins onéreuses que le travail « normal » !

2. Un système d’indemnisation qui laisse de côté un trop grand nombre de demandeurs d’emploi, principalement du fait de la précarisation de l’emploi

Le système d’indemnisation du chômage, avec ses deux étages (l’assurance et, pour ceux qui sont en fin de droits mais peuvent justifier d’une importante activité salariée passée, la solidarité), n’a jamais couvert l’ensemble des demandeurs d’emploi, compte tenu de l’exigence d’une certaine durée d’affiliation pour être indemnisé et de la durée limitée de cette indemnisation (du moins pour le régime d’assurance). En juin 2008, d’après les statistiques de l’Unédic, 59,4 % des demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE étaient indemnisés au titre de l’un des deux étages, 47,8 % l’étant par l’assurance chômage et 11,6 % par le fonds de solidarité.

Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, depuis une quinzaine d’années, la part de demandeurs d’emploi indemnisés a connu d’importantes fluctuations.

Taux de demandeurs d’emploi qui bénéficient d’une indemnisation

(en juin des années considérées, en %)

Source : Unédic, revue Statis, n° 189, 2008.

Les fluctuations du taux global de chômeurs indemnisés sont dues essentiellement aux évolutions du régime d’assurance, le régime de solidarité couvrant assez continûment de 10 à 12 % des demandeurs d’emploi. En revanche, la part de ceux bénéficiant d’allocations d’assurance a oscillé entre 41 % à la fin des années 1990 et près de 54 % en 2003, avant de revenir à moins de 48 % depuis 2006.

La forte augmentation du taux de demandeurs d’emploi couverts par l’assurance chômage, à partir de 2001, puis sa forte baisse, de 2003 à 2006, rendent compte de l’impact des conventions d’assurance chômage :

– la convention de janvier 2001, agréée alors que M. Lionel Jospin était Premier ministre, a permis une meilleure couverture des demandeurs d’emploi, tout en améliorant leur accompagnement en instituant le plan d’aide au retour à l’emploi (PARE) ;

– les mesures restrictives prises à partir de l’accord du 27 décembre 2002 – agréé par le Gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin –, accord qui a notamment réduit de 30 à 23 mois la durée maximale d’indemnisation dans la « filière » la plus classique, ont entraîné l’évolution inverse.

Ces évolutions sont également liées à celle de la situation de l’emploi : quand celle-ci s’améliore fortement comme ce fut le cas dans les années 1997-2001 (où le taux de chômage au sens du Bureau international du travail est tombé en France de plus de 12 % à moins de 9 %), le taux de demandeurs d’emploi indemnisés augmente à réglementation constante (car, au dénominateur de ce taux, un moins grand nombre de personnes s’inscrivent au chômage et, au numérateur, un plus grand nombre retrouvent un emploi avant l’épuisement de leurs droits à indemnisation). Symétriquement, et cela doit nous faire réfléchir dans la situation présente, une forte dégradation de la conjoncture devrait entraîner, à réglementation constante, une diminution de la part de demandeurs d’emploi indemnisés.

Par ailleurs, l’analyse des taux de couverture indemnitaire par tranche d’âge est intéressante. Fin 2007, 45 % seulement des demandeurs d’emploi de moins de 25 ans percevaient une allocation d’assurance ou de solidarité, tandis que plus de 80 % des plus de 50 ans étaient couverts. Cette situation rend naturellement compte de la précarité des emplois occupés en particulier par les jeunes, emplois dont la durée est très souvent insuffisante pour ouvrir des droits à indemnisation ou n’ouvre ces droits que pour quelques mois. Il est à cet égard intéressant de croiser deux statistiques, l’une sur les motifs d’inscription à Pôle emploi, l’autre, plus ancienne (mais l’évolution de ce type de données est lente), sur la rotation de la main d’œuvre, c’est-à-dire la part des salariés présents dans une entreprise qui, en moyenne, la quittent dans l’année et les motifs de leur départ.

Répartition des motifs d’inscription à Pôle emploi en février 2009
(catégories A, B et C)

Motifs d’inscription

En % du total des inscriptions

Fin de CDD

25,3

Fin de mission d’intérim

9,7

Licenciement économique

4,1

Autre licenciement

11,4

Démission

4,4

Première inscription

6,6

Reprise d’activité (après une interruption volontaire)

7,8

Autres cas (par ex. cessation d’une activité non salariée)

30,7

Source : DARES, Premières synthèses, n° 13.1, mars 2009.

Rotation de la main d’œuvre
dans les établissements d’au moins 10 salariés en 2006

(en %)

Motifs de départ

Taux de départ rapporté aux salariés présents en début d’année

Taux de chaque motif de départ rapporté à l’ensemble des départs en cours d’année

Fin de CDD

23,7

56,8

Fin de mission d’intérim

3,3

7,9

Licenciement économique

0,6

1,4

Autres licenciements

2,4

5,8

Démission

6,8

16,3

Départ en retraite

1,4

3,4

Fin de période d’essai

1,7

4,1

Source : ministère du travail.

Ces deux sources montrent que le premier motif de perte d’emploi et en conséquence d’inscription au chômage est la fin d’un CDD, auquel on peut assimiler, car ce n’est qu’une variante de l’emploi temporaire, la fin de mission d’intérim. Près des deux tiers des pertes d’emploi et plus d’un tiers des inscriptions à l’ANPE peuvent se rattacher à ces deux cas de figure. On ne sait pas combien, parmi les personnes concernées, peuvent justifier des 6 mois d’activité au cours des 22 derniers mois qui sont actuellement le minimum pour bénéficier de l’assurance chômage, mais toutes ne le peuvent pas, évidemment ; et celles qui le peuvent ne s’ouvrent le plus souvent des droits que pour une courte période.

Sachant que naturellement, parmi les autres cas de figure d’inscription à l’ANPE, la primo-inscription, la reprise d’activité après une interruption volontaire ou la démission n’ouvrent pas droit non plus à indemnisation, le grand nombre de demandeurs d’emploi non indemnisés n’est pas surprenant.

3. Une réforme de l’assurance chômage qui n’est pas à la hauteur de la situation

Le 23 décembre 2008, certains des partenaires sociaux nationaux sont parvenus à un accord sur une nouvelle convention d’assurance chômage. Bien qu’un seul des cinq syndicats de salariés représentatifs au plan national et interprofessionnel ait ratifié cette convention et malgré le droit d’opposition exercé par deux de ces syndicats, le Gouvernement vient d’agréer ce texte par arrêté du 30 mars 2009 et a pris un décret (8) mettant en conformité la partie réglementaire du code du travail. Les nouvelles règles d’indemnisation sont applicables à compter du 1er avril 2009.

Sans entrer dans le détail d’une négociation marquée par la volonté forcenée du patronat d’obtenir une diminution des cotisations, on peut dire que le résultat final – détaillé dans le tableau ci-après pour ce qui est des durées d’indemnisation – est un compromis qui, par rapport au régime antérieur (la convention d’assurance chômage du 18 janvier 2006), comporte pour les salariés des avancées, mais aussi des reculs.

Du côté des avancées, on relèvera la suppression des « filières » multiples, qui créaient des effets de seuil injustes selon que les salariés avaient ou non atteint telle ou telle durée d’affiliation, ainsi que l’abaissement de six à quatre mois de la durée minimale d’affiliation ouvrant droit à indemnisation, ce qui ouvrira des droits à un certain nombre de salariés précaires.

Du côté des reculs, la durée maximale d’indemnisation de certains salariés sera réduite : par exemple, du fait du nouveau système « 1 jour cotisé = 1 jour indemnisé », un quinquagénaire ayant validé 27 mois d’affiliation ne percevra son allocation que pendant 27 mois au maximum, contre 36 mois dans le régime actuel. La partie patronale ne s’est d’ailleurs jamais cachée de vouloir réaliser des économies grâce au nouveau système de « filière unique » ; durant la négociation, des simulations de l’Unédic sur différentes hypothèses de paramétrage de ce nouveau dispositif anticipaient selon les cas de figure des économies annuelles de 2,38 à 4,7 milliards d’euros, avec une baisse du nombre de demandeurs d’emploi indemnisés de 179 000 à 377 000 par rapport au droit existant.

Durées d’affiliation et d’indemnisation dans l’ancienne
et la nouvelle convention d’assurance chômage

 

Durée d’affiliation exigée

Durée maximale d’indemnisation

Régime antérieur (convention du 18 janvier 2006)

Au moins 6 mois d’activité au cours des 22 derniers mois

7 mois

Si 12 mois d’activité au cours des 20 derniers mois

12 mois

Si 16 mois d’activité au cours des 26 derniers mois

23 mois

Cas particulier : personnes de 50 ans et plus

Si 27 mois d’activité au cours des 36 derniers mois

36 mois

     

Nouvelle convention (convention du 19 février 2009) telle qu’agréée

Au moins 4 mois d’activité
au cours des 28 derniers mois

Égale à la durée d’affiliation prise en compte dans la limite de 24 mois

Cas particulier : personnes de 50 ans et plus

Au moins 4 mois d’activité
au cours des 36 derniers mois

Égale à la durée d’affiliation dans la limite de 36 mois

Un tel accord parfois favorable, mais aussi parfois défavorable aux salariés est-il à la hauteur de la crise actuelle ? Quand le chômage s’emballe, il est difficile d’admettre que l’on réduise la durée de protection de certains demandeurs d’emploi, même si l’équilibre financier de l’assurance chômage constitue un enjeu important.

4. Le dispositif proposé par l’article 4 de la proposition de loi initiale : une réponse adaptée à la situation

Dans le contexte décrit supra, qui est celui d’un effondrement du recours à l’intérim et d’une explosion du chômage des jeunes, le tout alors que le système d’indemnisation du chômage laisse par construction de côté un très grand nombre de salariés précaires, il est légitime d’envisager des mesures réservées à ces salariés, dès lors qu’elles sont temporaires.

C’est donc à titre exceptionnel et seulement pendant les vingt-quatre mois suivant l’adoption définitive de la présente proposition de loi qu’il était proposé, pour les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi suite à une fin de CDD ou de contrat temporaire (intérim), une mesure de prolongation de leur indemnisation chômage.

Cette « prolongation » serait survenue lorsque les intéressés « ont épuisé leurs droits à l’assurance chômage pendant cette période ». Le terme « prolongation » et la notion d’épuisement des droits tendaient donc à réserver le dispositif aux personnes ayant acquis suffisamment de droits pour avoir bénéficié de l’assurance chômage.

La « période » auquel il est fait référence renvoyait aux vingt-quatre mois suivant la promulgation de la présente proposition : c’est le fait d’atteindre le terme de son indemnisation d’assurance chômage pendant ce délai qui aurait ouvert droit à la prolongation.

La prolongation prévue durait six mois. Afin de ne pas déséquilibrer l’assurance chômage, cette prolongation aurait été financée par l’État, qui aurait pu ainsi utiliser d’une manière juste et efficace les fonds économisés grâce à la suppression de l’exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires. Le montant de l’allocation spéciale à verser n’était pas précisé car ce type de disposition est de nature réglementaire.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales examine, sur le rapport de M. Alain Vidalies, la proposition de loi pour l’augmentation des salaires et la protection des salariés et des chômeurs (n° 1541) au cours de sa séance du mercredi 8 avril 2009.

M. le président Pierre Méhaignerie. Mes chers collègues, ce que je vais vous dire maintenant ne fera sans doute pas plaisir à tout le monde.

Afin de garantir un contrôle du respect de l’article 40 de la Constitution, préalablement à la discussion en séance de la proposition de loi dont nous sommes saisis, M. le président de l’Assemblée nationale a demandé à M. le président de la commission des finances de bien vouloir consulter le bureau de la commission des finances sur sa recevabilité financière.

En effet, lors de la dernière Conférence des présidents, le président Bernard Accoyer a fait valoir qu’en cas de doute sur la recevabilité financière d’une proposition de loi, et à l’image de la procédure suivie pour les amendements, il pourra être conduit à saisir le bureau de la commission des finances dès leur inscription à l’ordre du jour et, le cas échéant, à nouveau après l’adoption du texte par la commission. Cette précaution vise à éviter que la question de la recevabilité, soulevée en séance, oblige à interrompre le déroulement du débat pour permettre au bureau de la commission des finances de se réunir et, par ailleurs, contribuera à prévenir les risques de censure par le Conseil Constitutionnel.

Lors de sa séance du 7 avril 2009, le bureau de la commission des finances a considéré que les dispositions de l’article 40 sont opposables aux articles 3 et 4 de la proposition de loi que nous allons examiner ce matin.

En conséquence, ces articles ne seront pas discutés.

M. Jean Mallot. Comme par hasard, cette décision tombe sur notre proposition de loi, alors qu’il y a quelques jours des propositions issues du groupe majoritaire ont été examinées sans qu’on fasse à leur égard cette application de l’article 40. En outre, la tradition de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales voulait jusqu’ici que même les amendements passibles de n’être pas conformes à l’article 40 soient discutés en commission, afin de permettre un débat sur le fond – même s’ils n’étaient pas ensuite examinés en séance publique. Enfin, si certains articles de la proposition, pris isolément, peuvent se voir opposer l’article 40, la proposition de loi dans son ensemble n’entraîne pas d’accroissement des charges publiques, car son article 2 procure à l’État des ressources qui compensent largement les dépenses induites par les autres articles.

M. le président Pierre Méhaignerie. Cette procédure a été appliquée à la proposition de loi de Mme Marie-Louise Fort visant à identifier, prévenir, détecter et lutter contre l’inceste sur les mineurs et à améliorer l’accompagnement médical et social des victimes, et devrait s’appliquer le mois prochain à la proposition de loi de M. Jean-Frédéric Poisson pour faciliter le maintien et la création d’emplois, tous deux parlementaires appartenant au groupe UMP. Par ailleurs, je me dois d’appliquer une décision prise par la Conférence des présidents, d’autant que j’ai toujours défendu l’application de l’article 40, qui se justifie tout particulièrement dans la situation de crise que notre pays traverse.

M. Dominique Dord. Je m’étonne que l’exposé des motifs de cette proposition de loi s’apparente à ce point à la motion d’un parti politique ou à un tract, puisqu’il y est indiqué que « le président de la République et la majorité sous-estiment l’ampleur et la nature de la crise ». Et plus loin : « Pour agir vraiment contre la crise, les socialistes ont présenté un ensemble de mesures (…) ». Nous sommes là dans la polémique politicienne.

M. le président Pierre Méhaignerie. Vous êtes déjà dans la discussion générale !

M. Patrick Roy. Quoi d’étonnant qu’une proposition de loi du groupe socialiste soit proche des propositions du parti socialiste ? Je croyais qu’on faisait quand même un peu de politique dans cette assemblée ! Preuve en est que tous les slogans de campagne du candidat Nicolas Sarkozy sont repris par le groupe UMP et souvent traduits dans les textes votés. Nous revendiquons nos convictions, et la situation dans laquelle les choix politiques de la majorité ont plongé notre pays suscite de notre part une réaction légitime.

M. Jean Mallot. Il ne se passe pas une séance sans que les députés UMP nous expliquent qu’ils ne font que mettre en œuvre les engagements du candidat Nicolas Sarkozy. Je vois donc dans la remarque de M. Dord une autocritique…

M. Dominique Dord. Quand l’exposé des motifs d’une proposition de loi parle de « majorité », ou des « socialistes », nous sommes dans la polémique pure : il ne s’agit plus de trouver des solutions aux problèmes des Français, mais de régler des comptes entre nous.

M. Alain Vidalies, rapporteur. Quoi de plus légitime que de se référer au Parti socialiste, quand la Constitution elle-même précise que les partis politiques concourent à l’expression de la démocratie ?

En ce qui concerne l’application de l’article 40, la question n’est pas celle de son bien-fondé juridique, mais de son opportunité. Son application à ce stade nous semble très prématurée car cela interdira de débattre de beaucoup de propositions de loi, y compris du groupe UMP : c’est un recul démocratique. Le Gouvernement peut opposer l’irrecevabilité à tout moment ; une application moins précoce de l’article 40 lui laissait la liberté de reprendre les propositions irrecevables discutées en commission. Cette décision conduit donc à un appauvrissement du débat et de la capacité d’initiative, non seulement de l’opposition, mais aussi de la majorité.

Puis le rapporteur présente son rapport.

*

Un débat suit l’exposé du rapporteur.

M. le président Pierre Méhaignerie. Sur un tel sujet, qui fait apparaître de profondes divergences, je suis heureux que nous puissions avoir un débat de qualité. En France, le niveau du revenu moyen a plus que doublé entre 1960 et 2005, mais la part la plus importante de cette hausse (environ 80 %) a eu lieu avant 1981. Des études du Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) montrent clairement que l’augmentation du pouvoir d’achat est due à la formidable hausse des prestations sociales et des dépenses des collectivités territoriales, qui ont alimenté l’essentiel du pouvoir d’achat. Nous sommes devenus les champions des dépenses sociales, devant la Suède, mais nos résultats en termes de performance sociale sont décevants, comme l’a montré récemment M. Jérôme Vignon, président des Semaines sociales de France. C’est un devoir de vérité que de le rappeler.

Quant aux augmentations des hauts revenus par rapport aux plus faibles, le constat est vrai. Partout dans le monde, la petite classe moyenne a été tirée vers le bas et les salaires les plus élevés vers le haut. Il n’y a quasiment aucune exception. La crise nous oblige aujourd’hui à y réfléchir, mais le problème n’est pas spécifiquement français. Il est lié à la mondialisation.

Enfin, je crois beaucoup aux heures supplémentaires, qui sont un antidote à la rigidité des 35 heures. Certes, elles peuvent se substituer à des CDD et à l’emploi intérimaire, mais pour une faible part seulement, le reste correspondant aux dizaines de milliers d’emplois que nous n’arrivons pas à pourvoir. L’emploi ne peut pas se diviser de façon arithmétique ! Par ailleurs, les heures supplémentaires ont permis une amélioration considérable du pouvoir d’achat des salariés manuels aux faibles salaires. Nombre d’ouvriers, dans mon bassin d’emploi très industriel, ont vu leur revenu augmenter de 10 à 15 % grâce aux mesures sur les heures supplémentaires. Même à cause de la crise, il serait dommage de remettre en question cette politique d’efficacité économique et de justice, d’autant qu’au moment du rebond, nous aurons besoin de la flexibilité que permettent les heures supplémentaires.

M. Jean Mallot. Confrontés à une crise sans précédent, nous proposons d’agir sous les deux angles d’attaque indispensables, à la fois par des mesures conjoncturelles, pour faire face à un chômage qui augmente de 3,5 ou 4 % par mois, à un pouvoir d’achat qui stagne et à une économie en récession, et par des mesures structurelles qui doivent empêcher que cette situation ne se reproduise.

Du point de vue conjoncturel, il est clair que ce Gouvernement a pris des mesures qui ont aggravé la crise, à commencer par le subventionnement des heures supplémentaires. Celles-ci devenant moins chères pour le patron que les heures normales, il n’y a eu aucune surprise à constater une explosion du chômage dès août 2008, sans que cela ait rien à voir avec une crise financière qui s’est déclenchée en septembre. Et si le groupe des 20 (G20) est une aussi grande réussite que vous le dites, il faut se dépêcher de mettre sa déclaration commune du 2 avril 2009 en application, et donc par exemple s’engager, comme elle le préconise, à aider ceux qui sont touchés par la crise en créant des emplois et en soutenant leurs revenus (point n° 26). C’est pourquoi les articles 3 et 4 de notre texte prévoyaient, pour soutenir le pouvoir d’achat, une indemnisation à hauteur de 80 % du salaire pendant deux ans des salariés touchés par un licenciement économique et six mois de prolongation de l’indemnisation pour ceux qui se retrouvent au chômage à la suite d’un CDD ou d’une mission d’intérim.

D’un point de vue structurel, le président Méhaignerie souhaite manifestement rétablir la prééminence du salaire direct. Il ne peut donc qu’encourager la négociation collective visant à améliorer les salaires, qui doit servir de contrepartie aux exonérations de cotisations. En faisant cela, nous améliorerons la transparence des rémunérations et rétablirons l’équilibre entre la rémunération du capital et celle du travail, car l’écart qui existe aujourd’hui entre ces deux rémunérations est la cause majeure de la crise. Par ailleurs, ce n’est pas parce que les inégalités entre les revenus s’aggravent partout dans le monde qu’il ne faut rien faire. Je vous invite donc à nous aider à avancer sur ce sujet.

À plusieurs reprises, la majorité a dit vouloir encourager la négociation collective, faire en sorte que les partenaires sociaux soient bien considérés et transcrire le résultat de leurs négociations dans des textes. Nous avons notamment eu droit à un premier projet de loi destiné à transposer le volet sur la flexibilité de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 – mais nous attendons toujours celui sur la sécurité. Notre proposition de loi va donc vous aider à avancer, notamment pour généraliser le contrat de transition professionnelle ou alors pour établir des conditions pour bénéficier des allégements de cotisations sociales, comme vous avez dit vouloir le faire. En refusant de voter ce texte, vous manqueriez quelque peu de cohérence. Surtout, vous poursuivriez dans la démarche que vous aviez entreprise par exemple en supprimant l’allocation équivalent retraite, au détriment de la situation de 70 000 personnes dans ce pays.

M. Francis Vercamer. Tout comme le rapporteur, je trouve extrêmement regrettable que l’application de l’article 40 de la Constitution conduise à nous interdire de débattre sur certains articles. La censure n’est pas un bon procédé : mieux vaudrait discuter de ces sujets ici en commission, même si le débat n’a pas lieu en séance publique, que dans la rue.

Sur le fond, je suis assez surpris que le Parti socialiste se prononce aussi fermement pour une relance par la consommation, qui se finance par l’endettement. Il faudra bien rembourser un jour les dettes contractées aujourd’hui : faire payer par nos enfants ce que nous dépensons aujourd’hui ne me paraît pas une bonne politique. Par ailleurs, lorsqu’on se bat pour le pouvoir d’achat, on ne commence pas par augmenter les impôts locaux – de 19 % dans le département du Nord, ou de 40 % à Paris !

Il me semble indispensable que les entreprises jouissent d’une certaine souplesse pour pouvoir s’adapter à l’évolution de la conjoncture, qu’il s’agisse de périodes de crise ou de relance. Et je préfère une entreprise qui se sépare de certains salariés lorsqu’elle y est obligée, avec tous les dispositifs qui permettent d’atténuer les effets de telles mesures, à une entreprise en liquidation qui licencie tout le monde et aura disparu après la crise ! Les heures supplémentaires favorisent une telle adaptation aux évolutions du marché : ces évolutions sont inéluctables, parce que nous ne sommes pas dans un système collectiviste. En revanche, il faut bien sûr assurer une couverture sociale aux salariés et leur permettre de rebondir. C’est pourquoi je regrette qu’on ne puisse évoquer le contrat de transition professionnelle, qui permet la reconversion dans des métiers d’avenir.

Il faut aussi mener une politique de développement de la production en France, car la production crée beaucoup d’emplois – plus que le secteur des services. La suppression de la taxe professionnelle va dans ce sens. Les entreprises de production ont en effet tendance à quitter le territoire, et même si c’est au profit des entreprises de service, le bilan total montre un appauvrissement de la France en richesses et en emplois.

Enfin, il faut rappeler que plus on encadre les salaires, plus on oblige les gens à négocier, plus on décourage en fait la négociation : il est de la responsabilité des partenaires sociaux de se mettre autour d’une table ; mais si on les y contraint, ou s’ils savent que la loi viendra de toute façon régler le problème, ils auront tendance à ne pas négocier, ou à ne pas aller aussi loin qu’ils auraient pu le faire. Il faut une bonne fois pour toutes décider que l’État n’intervient pas dans le domaine des partenaires sociaux.

M. Alain Néri. Cette proposition de loi vient à point nommé dans une situation d’urgence sociale. Monsieur Vercamer, on aurait pu éviter d’augmenter les impôts locaux si l’État avait remboursé les dépenses de revenu minimum d’insertion (RMI) des départements, comme le prévoyait une de nos propositions de loi que vous avez refusée ! Ou s’il assumait la moitié des dépenses liées à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), comme c’était prévu, au lieu de 27 % aujourd’hui !

M. le président Pierre Méhaignerie. Croyez bien qu’au début du mois de septembre, avant que les feuilles d’impôts ne soient distribuées, on connaîtra l’apport de l’État et celui des collectivités pour chaque ville et chaque département au cours des dernières années. Vous verrez que l’État, par le biais des dégrèvements et des exonérations, aura au total donné beaucoup plus que ce qui manque aux collectivités.

M. Alain Néri. Qui n’écoute qu’une cloche, n’entend qu’un son…

Vous prétendez que les heures supplémentaires permettent d’augmenter le pouvoir d’achat. Mais ce que certains attendent, c’est déjà des heures de travail ! Pensez à tous ces jeunes qui ne trouvent pas d’emploi adapté à leurs qualifications – et qui ne sont pas des fainéants, contrairement à ce qu’on entend : ils acceptent n’importe quel travail, temporaire ou à temps partiel, et gagnent cinq ou six cents euros par mois. Expliquez-leur qu’ils n’ont qu’à attendre pendant que vous consacrez 450 millions d’euros au bouclier fiscal – qui permet, dans mon département, à 64 privilégiés de recevoir plus de 46 000 euros chacun en moyenne ! Nous avons compté 90 000 nouveaux chômeurs en janvier et 80 000 en février, et 250 000 jeunes vont arriver sur le marché du travail en juillet et août. Il faut des mesures urgentes pour tous ceux qui n’ont même pas de pouvoir d’achat – parce que le pouvoir d’achat, c’est ce qui reste lorsque vous avez dépensé l’indispensable et qu’avec six cents euros par mois, lorsqu’on a payé le loyer et l’essence, il ne reste même pas de quoi manger.

Les propositions du Parti socialiste – gel des loyers là où ils sont trop élevés, baisse de la TVA, augmentation de 10 % de l’allocation logement – sont des mesures de bon sens. Cette proposition de loi permettra de renforcer la cohésion nationale et d’assurer la paix sociale.

M. Michel Liebgott. Nous sommes dans un débat classique entre politique de relance par la consommation ou par l’investissement, entre politique de l’offre et politique de la demande. Les deux ne sont pas incompatibles. Mais, à l’heure où la crise nous atteint aussi durement, la relance par la demande est nettement insuffisante.

Vous avez, monsieur le président Méhaignerie, rappelé l’importance de nos dépenses sociales ; pour moi, elles contribuent largement à amortir la crise et permettent peut-être à la France d’être dans une situation un tout petit peu moins difficile que les pays voisins. Le Gouvernement l’a d’ailleurs compris puisqu’il a relancé les emplois aidés, qu’il avait presque entièrement supprimés. L’importance du secteur public contribue aussi largement au maintien d’une certaine activité. Les fonctionnaires, que certains vilipendent et dont vous voulez réduire le nombre, consomment, et souvent en France des produits dont la production n’est pas délocalisable : ils favorisent ainsi la production par les entreprises.

Nous avons adopté le dispositif du revenu de solidarité active (RSA). Même si sa forme ne nous a pas paru tout à fait satisfaisante, nous étions d’accord sur la philosophie qui le sous-tend. Salaires et dépenses sociales ne doivent pas être opposés mais peuvent tout à fait se conjuguer pour à la fois répondre à des difficultés personnelles des salariés et s’inscrire dans une logique économique.

En tant qu’élus locaux, nous connaissons des salariés à qui des heures supplémentaires sont proposées ; nous savons que ce sont toujours les mêmes. Dans la commune de taille moyenne dont je suis maire, j’ai constaté que le nombre de chômeurs est passé en un mois de 700 à 775. Je ne peux pas croire que certains de ces demandeurs d’emploi ne seraient pas capables d’effectuer, en contrat à durée déterminée ou indéterminée, des tâches aujourd’hui réalisées par d’autres sous forme d’heures supplémentaires. Même si leur formation est parfois insuffisante et doit alors être améliorée, ces 775 personnes ne sont pas toutes incapables de travailler.

Enfin, élu d’une région sidérurgique, j’ai constaté qu’Arcelor-Mittal continue à faire des bénéfices considérables, même s’ils sont passés de 9 milliards d’euros à 6 ou peut-être 4 milliards d’euros. En même temps, de telles sociétés suppriment aujourd’hui des postes d’intérimaires, mettent fin à des contrats à durée déterminée, conduisent très durement les négociations sur les salaires, envisagent des suppressions d’emplois dans les fonctions tertiaires. Il est clair qu’il s’agit d’accroître leur productivité pour satisfaire leurs actionnaires et respecter le ratio de 15 % de retour sur investissement, et non de faire face à une impossibilité de mieux payer les salariés.

M. Marcel Rogemont. En réponse à Francis Vercamer, je rappelle que la relance par la consommation n’augmente pas spécifiquement le déficit. Les 110 milliards d’euros environ du déficit actuel – contre 44,8 milliards d’euros l’an dernier –, que nos enfants, mais aussi nous-mêmes, devront de toute façon rembourser, pourraient se répartir différemment. La question n’est pas celle de la masse du déficit mais de la répartition de ses causes, et de son utilisation au profit d’une politique en faveur de l’emploi.

Le président Pierre Méhaignerie a raison de parler de la participation de l’État aux ressources des collectivités locales. Mais on ne peut additionner les dotations de l’État, comme la DGF, et les exonérations d’impôts locaux. Celles-ci ne créent aucune richesse supplémentaire pour les collectivités : que l’État compense les exonérations de taxe professionnelle ou de taxe d’habitation n’ajoute pas un centime à leur budget.

Le président Pierre Méhaignerie a également remarqué avec raison que partout dans le monde les revenus des petites classes moyennes avaient été tirés vers le bas, tandis que ceux des classes supérieures l’avaient été vers le haut. Mais du fait que le phénomène est mondial, il ne faut pas conclure qu’il est impossible d’y rien changer. Des actions sont possibles. Pour y remédier, le salaire différé n’est pas un instrument négligeable. Les effets de la crise auraient été plus graves sans l’existence de « filet sociaux ».

Les allègements de cotisations conduisent à une diminution du salaire différé pour les petits salaires et à un renforcement du différentiel entre ces petits salaires et les hauts salaires. La conditionnalité des cotisations sociales est donc un instrument intéressant : le salaire différé ne doit pas être diminué sans contreparties portant sur le salaire direct. Votre argumentation, Monsieur le président, comporte donc des éléments qui vont dans le sens des propositions défendues par le rapporteur.

L’argumentaire relatif aux heures supplémentaires est largement fondé sur la prétendue rigidité introduite par les 35 heures. Mais une telle rigidité existe depuis que la loi fixe une durée hebdomadaire légale du travail, qu’elle ait été de 39 heures ou même de 48 heures ! Les heures supplémentaires aussi existent depuis très longtemps. La spécificité du moment est que leur régime crée un effet d’aubaine pour les entreprises ; du travail qui pourrait justifier des créations d’emplois est en conséquence donné à des salariés déjà en poste.

Il n’est pas possible d’opposer en permanence l’intérêt particulier à l’intérêt général. L’intérêt particulier, c’est la possibilité pour les salariés d’effectuer des heures supplémentaires pour améliorer leur salaire ; l’intérêt général, c’est la diminution du nombre de chômeurs. Les décisions prises doivent être porteuses d’intérêt général, de façon à sauver des emplois qui permettent à leurs titulaires de vivre décemment. Ce dernier point me paraît être aussi l’un des objectifs de la proposition de loi que nous défendons.

M. Pierre Morange. À en croire son exposé des motifs, la proposition de loi qui nous est présentée vise à soumettre le maintien des allègements de cotisations sociales à la conclusion effective d’accords salariaux annuels avant le 1er septembre 2009, accompagnée d’une augmentation du SMIC. Elle comporte aussi une proposition de suppression des dispositions de la loi TEPA relatives aux heures supplémentaires, ces mesures étant censées préfigurer la mise en place d’une véritable sécurité sociale professionnelle à bâtir après une large concertation avec les partenaires sociaux.

La proposition d’instituer par la loi un tel cadre contraignant nous amène à réfléchir à la problématique de la démocratie sociale, de la représentativité, et de l’espace qui doit être réservé à ce qui relève du contrat par rapport à celui qui relève de la loi. Ce débat nous amène au thème central de la flexisécurité à la française. Celle-ci fait l’objet d’une mission d’information dont je remercie la Commission, Monsieur le président, de m’avoir nommé président et rapporteur. Les parlementaires qui en sont membres vont, à mon sens, s’inscrire dans la cohérence d’un dispositif global permettant de répondre aux défis auxquels notre pays est confronté. Il s’agit en effet de concilier la nécessaire productivité dans une économie de marché mondialisée et la sécurité des travailleurs qui y participent. La productivité horaire par salariés en France est la deuxième plus élevée au monde ; la productivité par salarié est la dix-septième seulement. La question du volume horaire annuel reste donc encore à revisiter. L’équilibre doit être revu au travers du contrat et de la loi. Pour cette raison, la coordination des textes déjà votés et ceux à venir sur la formation professionnelle – qu’évoque d’ailleurs notre collègue Alain Vidalies dans son exposé des motifs – prendra tout son sens au travers du contrat de transition professionnelle, qui constitue l’ébauche de cet équilibre voulu par le président de la République.

M. Régis Juanico. Les mesures contenues dans la proposition de loi que vient de nous présenter notre collègue Alain Vidalies, tant en faveur des salariés que des chômeurs, se justifient pleinement.

Elles se justifient d’abord par la gravité sans précédent de la situation économique et sociale : 300 000 chômeurs de plus en six mois, 180 000 en deux mois. La politique du Gouvernement n’est pas à la hauteur de la crise, qu’il s’agisse du nombre de contrats aidés ou de l’emploi des jeunes. Le contrat d’autonomie est un échec : 4 500 ont été signés pour un objectif de 45 000. Les dispositifs concernant l’emploi des seniors sont également inefficaces, élaborés à contretemps et contre-productifs. Il en est ainsi du durcissement des départs anticipés, mis en place l’an dernier, et de la suppression de la dispense de recherche d’emploi pour les chômeurs de plus de 55 ans. Ces deux mesures gonflent les chiffres du chômage. Il en est de même de l’assouplissement des règles du cumul emploi-retraite, et du droit de travailler jusqu’à 70 ans, décidés l’an dernier. Dans le contexte de récession d’aujourd’hui, ces dispositifs, qui incitent les retraités à rester présents sur le marché du travail, les mettent en concurrence avec les nouveaux chômeurs. Enfin, la nouvelle réglementation relative aux heures supplémentaires est aussi une machine à fabriquer de nouveaux chômeurs.

Le président Pierre Méhaignerie a évoqué les rigidités induites par les 35 heures. Aujourd’hui nous constatons que les entreprises redécouvrent les vertus de l’aménagement et de la réduction du temps de travail, et les pratiquent – au titre d’autres dispositifs – pour éviter d’avoir à se séparer de leurs salariés. J’ai remarqué que, depuis quelque temps, le groupe UMP ne parlait plus des 35 heures que mezzo voce

Les dispositions adoptées depuis quelques mois par le Gouvernement ne font pas preuve du pragmatisme nécessaire. Quand des mesures vont contre l’emploi, il faut savoir les réformer.

Il faut en finir avec l’expérimentation et le saupoudrage. Cette proposition de loi insiste avec raison sur les mesures destinées à mieux indemniser le chômage partiel, à améliorer l’indemnisation, et surtout à généraliser le contrat de transition professionnelle à l’ensemble des bassins d’emploi : nous le savons, en matière de plans sociaux et de licenciement économiques, le pire est devant nous. Il faudrait aussi accélérer le processus de nomination des commissaires à la réindustrialisation – un seul est aujourd’hui nommé –, et les doter de moyens.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je trouve étonnant que certains de nos collègues, tout en se refusant à voter les lois proposées par le Gouvernement, en exigent ensuite l’application générale. Je pense là au contrat de transition professionnelle.

Notre collègue Alain Vidalies a évoqué la gravité de la crise. Après le pouvoir d’achat, c’est la nouvelle antienne du Parti socialiste. Nous aussi, membres de la majorité, sommes au fait des difficultés de nos concitoyens. Les chefs d’entreprise que nous rencontrons dans nos permanences nous décrivent des carnets de commandes vides et de très grandes difficultés pour organiser le temps de travail de leurs salariés. Pourtant aucun ne m’a confié avoir redécouvert les vertus des 35 heures. Ce dispositif, qui continue à poser problème, est aussi spécifique à la France.

Nous rencontrons aussi des personnes privées d’emploi. Je trouve dommage que l’on établisse une relation entre les heures supplémentaires et le chômage. Si la suppression des heures supplémentaires pouvait mettre fin au chômage, nous nous y rallierions spontanément.

Monsieur le rapporteur, vous citez dans votre projet de rapport l’évolution du nombre des salariés en intérim : 300 000 en 1993, 700 000 en 2007. J’en suis un peu surprise. Défendez-vous l’intérim ? Pour moi, l’emploi intérimaire n’est pas un avenir. La situation difficile d’aujourd’hui doit nous rappeler la nécessité d’utiliser les dispositions mises en place par le plan de relance, ou d’autres qui lui préexistaient, sur la formation, de façon à pouvoir rendre possible le retour à l’emploi d’un certain nombre de personnes, et gagner la bataille de l’employabilité.

Je m’élève contre la conclusion de votre projet de rapport, où vous expliquez que « les salariés doivent utiliser leurs jours attribués au titre de la réduction du temps de travail pour diminuer les effets de la crise… dont seul le Gouvernement est responsable. » Cette crise est mondiale. Il me paraît aussi ubuesque de vouloir d’interdire aux salariés d’effectuer des heures supplémentaires pour permettre à des personnes de travailler de nouveau, alors que dans le contexte actuel, il ne sera pas créé d’emplois.

Mme Catherine Lemorton. Monsieur le président, ce n’est pas parce qu’un phénomène est largement répandu dans le monde qu’il est vertueux. L’augmentation du surendettement des ménages a conduit à la crise des subprimes.

Les 35 heures sont-elles le grand mal qu’on décrit ? Les salariés de Continental ont accepté de revenir aux 40 heures ; après quoi leurs emplois ont été supprimés !

Vous avez aussi évoqué l’augmentation du pouvoir d’achat que permettait le levier du salaire différé socialisé. C’est cependant déconsidérer la valeur travail que d’oublier l’augmentation du pouvoir d’achat à travers celle du salaire réel, celui que l’on doit à tout salarié qui travaille.

Notre collègue Francis Vercamer a soutenu qu’une proposition comme celle qui est présentée engendrerait des dettes, qui pèseraient sur les générations à venir. Je le renverrai aux 100 milliards de déficit de la protection sociale accumulés depuis 2002.

Je voudrais aussi pointer deux contradictions entre la politique actuellement menée et certains textes que le Gouvernement a fait adopter ces derniers mois. En septembre 2008, nous avons voté une loi qui organisait le recours à la participation et à l’intéressement pour augmenter le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Vous ne vouliez pas, à l’époque, reconnaître la crise financière. Or on voit maintenant que ce type de mesures n’améliore pas le pouvoir d’achat. Beaucoup de salariés, notamment ceux des PME, ne bénéficient pas de mesures d’intéressement ni de participation ; quant à ceux qui peuvent en bénéficier, les entreprises dont ils sont salariés ne génèrent plus forcément de bénéfices, du fait de la crise et de l’effondrement des carnets de commande.

Monsieur le président, vous avez aussi exposé que le recours aux heures supplémentaires offrirait une forme de flexibilité nécessaire lorsque l’économie de notre pays se porterait mieux. Pourquoi alors le Gouvernement nous a-t-il soumis en juillet 2008 un projet de loi traitant des droits et devoirs des demandeurs d’emploi ? Nous avions tous fait le constat que nos concitoyens devaient rester le moins longtemps possible au chômage. Lorsque viendra une reprise, que nous espérons tous, il sera donc souhaitable qu’elle permette, plutôt que l’augmentation du nombre d’heures supplémentaires, la réintégration le plus tôt possible dans le monde du travail des personnes qui vont continuer à être mises au chômage dans les prochains mois. La présente proposition de loi est donc positive pour nos concitoyens.

M. Gérard Cherpion. Je suis très étonné par cette proposition de loi. La crise est internationale. Je comprends mal, alors que nos collègues nous parlent des mesures contre-productives qu’aurait prises le Gouvernement, que le texte qui nous est proposé s’appuie sur des dispositions déjà votées, notamment le contrat de transition professionnelle (CTP), longtemps dénigré et qu’il faut maintenant généraliser !

La convention de reclassement personnalisé, nous expliquait-on, donnait satisfaction ; ce n’était pas vrai. Aujourd’hui, suite à l’accord que viennent de passer les partenaires sociaux, ses caractéristiques se rapprochent de celles du CTP : le délai de réflexion et la durée sont les mêmes, le salaire versé s’approche de 100 % du salaire net pendant huit mois – douze pour le CTP. On voit que les deux dispositifs convergent, pourvu qu’on leur en laisse le temps. Je ne vois donc pas ce qu’apporte la proposition sur ce point.

Deuxièmement, la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail étend le champ de l’obligation de négociation annuelle issue des lois Auroux. C’est une disposition que jamais depuis 1982 vous n’aviez modifiée quand vous étiez aux affaires. C’est nous les premiers à en avoir élargi la portée.

J’ajoute qu’on considère que les exonérations de charges sociales ont permis de préserver 800 000 emplois menacés par la concurrence internationale. Ce système fonctionne, il faut le conserver.

Il est faux par ailleurs de prétendre que les heures supplémentaires nuisent à l’emploi. En Suède, où l’âge de la retraite est de soixante et un ans, il y a deux fois plus de seniors qui travaillent que dans notre pays, où on part en moyenne en retraite à cinquante-huit ans, et le chômage des jeunes y est moindre. Ces chiffres montrent qu’en France l’emploi souffre d’autres problèmes – problèmes d’intégration, de formation ou d’insertion dans l’entreprise. Dans les petites entreprises, les mesures de la loi TEPA en faveur des heures supplémentaires ont porté leurs fruits.

Quant à la loi du 3 décembre 2008 précitée, en permettant la mobilisation immédiate des sommes accumulées au titre de l’intéressement et de la participation, elle donne aux salariés un supplément, direct ou différé, de pouvoir d’achat.

Loin d’être contre-productives, toutes ces mesures sont appréciées sur le terrain.

M. Christian Eckert. La question n’est pas de savoir si la crise est nationale ou internationale mais si une crise majeure justifie qu’on change de politique. Si le choix des heures supplémentaires au détriment d’une augmentation générale des salaires pouvait peut-être encore se défendre en 2007, comme celui de l’intéressement et de la participation au détriment des salaires directs en septembre 2008, ce n’est vraiment plus le cas aujourd’hui.

J’ajouterai trois remarques plus techniques. Premièrement, les mesures en faveur des heures supplémentaires ne sont pas justes puisqu’elles ne profitent pas à ceux qui n’ont pas de travail. Deuxièmement, comme le souligne la Cour des Comptes, l’exonération de charges crée une trappe à bas salaires, et c’est précisément la raison pour laquelle il faut l’assortir d’une obligation de négociation annuelle sur les salaires. Enfin, je rappelle que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 est construite sur une hypothèse d’augmentation des salaires de 4,5 % pour 2009 : la facture sera terrible pour les comptes sociaux. Une mesure favorisant l’augmentation des salaires pourrait l’adoucir un peu.

Par ailleurs, en réponse à Gérard Cherpion, opposition ne veut pas dire contestation systématique : si nous n’avons pas voté le renforcement de l’obligation de négociation annuelle sur les salaires, c’était à cause de son insuffisance.

Je peux vous dire enfin, pour l’avoir observé dans ma circonscription, et même dans ma propre famille, qu’en 2008 l’intéressement a été proche de zéro pour beaucoup de salariés. L’erreur fondamentale était de présenter l’intéressement et la participation comme un substitut de salaire. Il est temps de mettre les actes en accord avec les mots.

M. Pierre Cardo. Je note d’abord que la situation de l’emploi se dégrade moins rapidement chez nous que chez nos voisins. Et nombre d’établissements financiers résistent mieux en France.

En ce qui concerne les heures supplémentaires, vos propos sont contradictoires. D’un côté, vous soutenez l’idée simpliste que les heures supplémentaires sont défavorables à l’embauche – comme si les emplois étaient interchangeables et que les heures supplémentaires effectuées par une secrétaire pouvaient empêcher l’embauche d’un chirurgien ! – alors qu’elles permettent d’adapter le tissu économique à des besoins ponctuels. Mais d’un autre côté, vous vous êtes opposés au revenu de solidarité active (RSA) au motif qu’il favoriserait le temps partiel, qui devrait pourtant dans votre logique favoriser la réduction du temps de travail dans l’entreprise !

M. Jean-Frédéric Poisson. Sur les heures supplémentaires, l’opposition confond les niveaux d’analyse : si on peut affirmer que 105 heures égalent trois postes de travail sur le plan macroéconomique, cette équivalence ne résiste pas à l’analyse microéconomique, les emplois n’étant pas interchangeables.

D’autre part personne n’a présenté la participation et l’intéressement comme un substitut au salaire : il s’agit d’éléments importants de la politique salariale, mais dépendant malheureusement de l’activité de l’entreprise : sans bénéfices, on ne peut pas distribuer de l’intéressement.

Troisièmement, je veux bien envisager une suppression des allègements de charges, mais à condition que les taux globaux de cotisations soient abaissés dans les mêmes proportions. Ce serait revenir au coût réel du travail et engager – pourquoi pas ? – un débat sur le partage de la valeur ajoutée.

Je vous fais observer par ailleurs qu’en Allemagne, la Confédération générale des syndicats milite pour l’établissement d’un salaire minimum sur tout le territoire de 750 euros mensuels, contre 680 actuellement de fait dans certains Länder. Nous ne pouvons pas faire l’économie d’un examen des exemples étrangers, non pas pour s’aligner, mais pour être conscients que le débat sur les allègements de charges s’inscrit dans un contexte de coût global du travail.

M. le rapporteur. Il ne faut pas caricaturer nos positions : je n’ai jamais écrit que le Gouvernement était le seul responsable de la crise. Il faut relire tout mon rapport et ne pas tronquer ce que l’on en cite.

Le vrai débat, qui porte sur les heures supplémentaires, est entièrement faussé. Il est impossible de les considérer comme un élément de politique salariale alors que 53 % des salariés ne font jamais d’heures supplémentaires, et que, dans les entreprises qui y ont recours, la moyenne annuelle d’heures supplémentaires est de 55 heures.

Il est également caricatural de prétendre que nous voulons supprimer les heures supplémentaires, alors que nous reconnaissons au contraire leur rôle d’ajustement aux variations de l’activité. La question est de savoir s’il faut inciter à recourir aux heures supplémentaires – par des allègements qui coûtent 4 milliards –, même en situation de crise.

La majorité devrait aussi arrêter d’invoquer constamment les 35 heures et de dire que la loi TEPA se borne à y répondre. C’est l’histoire de l’œuf et de la poule. La majorité a tordu le cou des 35 heures, de la poule, il est temps de casser l’œuf…

Vous pouvez d’autant moins ignorer ce débat qu’il agite l’ensemble de la société, jusqu’à la Cour des comptes, qui revient sur cette question dans son rapport public 2009, observant que le « dispositif des allègements généraux a vu sa complexité s’accroître et ses coûts progresser encore », notamment du fait de la loi TEPA.

En ce qui concerne l’intéressement, le rapport de Gérard Cherpion posait la question du lien entre cotisations sociales et existence d’un accord salarial. Il ne proposait pas d’instaurer cette conditionnalité, mais seulement parce que le cadre de la loi en faveur des revenus du travail n’était pas le bon : sur le fond, Gérard Cherpion avait une approche nuancée, d’autant qu’il y avait l’engagement, que j’ai cité, du président de la République.

Par ailleurs, il n’est pas vrai que l’augmentation des heures supplémentaires concerne surtout les petites et moyennes entreprises. Certaines grandes entreprises détournent cette disposition afin de cumuler allégements de charges sur les heures supplémentaires et aides de l’État pour le temps partiel. Il y a une utilisation opportuniste du système. Le Parti socialiste le démontrera dans des monographies consacrées à certaines entreprises.

Quant aux emplois disponibles non pourvus, il est temps que le Parlement consacre une enquête ou une mission d’information à ce sujet. Le Gouvernement parle de 500 000 emplois disponibles, mais toutes les enquêtes parcellaires dont je dispose conduisent à s’interroger sur la réalité de cette disponibilité.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je partage cette dernière observation. Il conviendrait également de connaître précisément le nombre de jeunes sans formation.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

La Commission examine les articles de la présente proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 8 avril 2009.

Article 1er

Conditionnalité des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale à la conclusion d’accords collectifs sur les salaires

Cet article vise à subordonner le bénéfice des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale à la conclusion d’accords collectifs d’entreprise ou de branche sur les salaires, dans le but de favoriser les augmentations de salaire effectives. Les données statistiques existantes sur l’évolution du pouvoir d’achat montrent en effet que celui-ci est en recul. En outre, les instruments aujourd’hui à disposition pour relancer les négociations salariales sont insuffisants. C’est pourquoi il est nécessaire de prévoir une mesure favorisant une progression rapide et durable des salaires.

1. La nécessité de prévoir des mesures destinées à augmenter le pouvoir d’achat

a) Un recul avéré du pouvoir d’achat des Français

À l’évidence, le pouvoir d’achat des Français est en baisse. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), la notion usuelle de pouvoir d’achat correspond au pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages (ou revenu réel disponible).

L’INSEE définit le revenu disponible brut comme la part du revenu qui reste à la disposition des ménages pour la consommation et l’épargne une fois déduits les prélèvements sociaux et fiscaux.

Le revenu disponible brut comprend les revenus d’activités (salaires et traitements bruts des ménages, augmentés des bénéfices des entrepreneurs individuels), les revenus du patrimoine hors plus-values latentes ou réalisées (dividendes, intérêts et loyers), les transferts en provenance d’autres ménages (notamment les indemnités d’assurance nettes des primes) et les prestations sociales (allocations familiales, minima sociaux, pensions de retraite, indemnités de chômage, etc.) (9).

L’évolution du pouvoir d’achat du revenu disponible brut (RDB) des ménages montre combien les discours et les lois des derniers mois peinent à produire leurs effets.

Conformément au diagramme présenté ci-après reprenant les résultats des comptes nationaux de l’INSEE, l’évolution du pouvoir d’achat du RDB pour 2008 se caractérise par une quasi-stagnation au premier trimestre (+ 0,1 %), un véritable décrochage au deuxième trimestre (- 0,3 %) et un retour au statu quo au troisième trimestre (+ 0,1 %). Concernant le quatrième trimestre 2008, l’INSEE prévoyait même un effondrement avec un taux de - 0,8 %.

Évolution du pouvoir d’achat du revenu disponible brut (RDB) trimestriel en  %

Source : Insee, comptes nationaux

Sans doute un certain nombre d’économistes ont-ils montré ces derniers temps les limites pouvant affecter les instruments de mesure statistique du pouvoir d’achat (10). Sans doute aussi, cette tendance peut-elle en partie s’expliquer par la crise économique, financière et sociale actuelle. Mais force est de constater dans le même temps qu’elle ne fait que confirmer une évolution persistante des dernières années.

Conformément aux graphes suivants, après une période où le pouvoir d’achat s’était déjà caractérisé par une progression erratique (pour ne pas dire voisine de zéro, en 1994 et en 1996), celui-ci s’était maintenu entre 1998 et 2002 à un niveau toujours supérieur à 3 %. Or ce taux a chuté à 0,8 % en 2003 pour ne retrouver, sur l’ensemble des années suivantes jusqu’en 2007, qu’une fois un niveau semblable.

Évolution du pouvoir d’achat du revenu disponible brut (RDB) annuel en  %

Source : Insee, comptes nationaux

Ces chiffres sont préoccupants pour les ménages et leur consommation ; mais le recul du pouvoir d’achat, en pesant sur l’évolution de la consommation, contribue aussi au ralentissement économique général et reporte d’autant les perspectives de relance.

C’est la raison pour laquelle un plan de relance véritablement efficace passe par une redynamisation de la consommation (la croissance repose sur les deux piliers que constituent la consommation et l’investissement). Ce n’est donc pas seulement une exigence légitime de justice sociale, mais c’est aussi un impératif économique qui requiert une politique d’augmentation des salaires, analyse que réfute l’actuelle majorité.

Cette politique d’augmentation salariale doit en outre être complétée par les mesures suivantes, à commencer par d’autres aides financières immédiates aux salariés, retraités et allocataires de minima sociaux : une revalorisation du SMIC ; une indexation du SMIC, des pensions de retraite et des minima sociaux sur l’évolution du salaire moyen ; la généralisation du chèque-transport à tous les salariés et à tous les moyens de transport ; la revalorisation immédiate des allocations logement de 10 %.

Dans le même temps, il est urgent d’agir sur le prix des biens essentiels par : une baisse de un point du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui passerait de 19,6 % à 18,6 % ; un gel des loyers dans les zones de forte hausse en 2009 et en 2010 et la limitation de la hausse de l’ensemble des autres loyers au taux d’inflation ; la mise en chantier de 300 000 logements sociaux sur les deux prochaines années ; le doublement de la subvention unitaire de l’État pour le logement social, avec un effort particulier à destination des jeunes.

b) Des inégalités de revenus persistantes et un partage des bénéfices virtuel

Il y a près de deux ans déjà, certains économistes ont mis en évidence un important accroissement des inégalités de revenus sur la période récente (1998-2006). Ainsi, une étude de l’École d’économie de Paris (11) a relevé « une augmentation très forte des revenus des foyers les plus riches depuis 1998, tandis que les revenus moyen et médian croissent très modestement sur la période. Cette explosion des hauts revenus est essentiellement concentrée au niveau des foyers du dernier centile, qui voient leur part dans les revenus totaux considérablement augmenter entre 1998 et 2005. En particulier, les 0,01 % des foyers les plus riches ont vu leur revenu réel croître de 42,6 % sur la période, contre 4,6 % pour les 90 % des foyers les moins riches. La forte croissance des revenus du patrimoine est en partie responsable de ces évolutions, les hauts revenus étant plus que les autres foyers composés de ce type de revenus. Néanmoins, et c’est un fait nouveau, la très rapide augmentation des inégalités de salaires a également fortement participé à cette augmentation des inégalités de revenus. De ce point de vue, la France rompt avec vingt-cinq ans de grande stabilité de la hiérarchie des salaires ».

Les travaux du Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) avancent un élément d’explication en pointant « le creusement, probable, des inégalités dans le haut de la distribution des rémunérations [qui] proviendrait du recours croissant aux éléments de la rémunération non repris dans le salaire » (12). Il a fallu bien des scandales et bien des tergiversations avant que le gouvernement ne se résolve enfin, par un décret du 30 mars dernier, à commencer à encadrer les rémunérations des dirigeants des entreprises aidées par l’État ou bénéficiant du soutien de l’État du fait de la crise économique ainsi que des responsables des entreprises publiques.

Il n’est pas étonnant dans ce contexte qu’interrogé très récemment sur les possibilités d’une réduction des inégalités salariales dans les dix années à venir, l’économiste Philippe Askenazy, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), ait répondu : « Je ne crois pas, car le choix de la politique sociale française n’est pas de résorber ces inégalités. Elle les accepte, les naturalise. La politique fiscale, de moins en moins redistributive, tend à les accentuer » (13).

Le développement indéniable de ces situations inégalitaires s’accompagne, depuis une dizaine d’années, d’un double mouvement que l’on pourrait dire « en ciseaux » d’alourdissement des prélèvements pesant sur le travail, notamment les cotisations sociales, et d’abaissement de ceux pesant sur le capital, notamment l’impôt sur les bénéfices, conformément au constat encore récemment établi par certains économistes : « Si l’on se place du point de vue des revenus effectivement perçus par les ménages, alors on constate que la part des revenus du capital (dividendes, intérêts, loyers) n’a cessé d’augmenter, alors que celle des salaires nets baissait inexorablement, renforçant d’autant la progression des inégalités. Sans compter que les entreprises, dopées par la bulle boursière et des plus-values illusoires (et peu taxées), ont doublé leurs versements de dividendes depuis vingt ans, à tel point que leur capacité d’autofinancement est devenue négative (les profits non distribués, soit une petite moitié des profits bruts, ne permettent même pas de remplacer le capital usagé) » (14).

De fait, il était difficile au président de la République, dans son allocution télévisée du 5 février 2009, de ne pas souligner l’intérêt d’un « partage des profits entre les salariés et les actionnaires » en préconisant le respect de la règle dite « des trois tiers » : un tiers pour les salariés, un tiers pour les actionnaires et un tiers réinvesti dans l’entreprise. Cette proposition rejoint un débat de fond qui peut être légitime. Dans une étude récente (15), le Centre d’analyse stratégique (CAS) a par exemple rappelé que si, en 2006, 15 milliards d’euros ont été distribués aux salariés en plus du salaire nominal, ce qui représente 4,4 % de la masse salariale totale, cette répartition est toutefois très inégalitaire : elle profite davantage aux salariés des grandes entreprises, aux salariés travaillant dans les secteurs de l’énergie, de la banque, des assurances, de l’automobile et de la finance ainsi qu’aux cadres et aux professions intermédiaires (ils sont respectivement 54 % et 50 % de l’ensemble de leur catégorie à avoir bénéficié de cette redistribution, alors que seuls 38 % des employés et 43 % des ouvriers ont pu y prétendre).

Cette réflexion est d’autant plus nécessaire que, malgré la crise, les sommes restituées aux actionnaires en 2008 n’ont que légèrement reculé : les entreprises du CAC 40 ont en effet versé 54,2 milliards d’euros en 2008 (après des versements à hauteur de 57,2 milliards en 2007). Mais elle ne saurait dans le même temps excuser le gouvernement de sa totale ignorance de la question salariale, que reflètent les choix de politique économique et sociale effectués aujourd’hui.

À cet égard, quelques chiffres doivent être rappelés : en 2006, dans les entreprises du secteur privé et semi-public, le salaire net annuel moyen pour un travail à temps complet s’élève à 23 261 euros, soit 1 938 euros par mois. L’INSEE relève qu’autour de cette moyenne, la dispersion de salaires entre les différentes catégories socioprofessionnelles reste forte : un cadre à temps complet perçoit un salaire net annuel moyen de 46 221 euros, contre 17 064 euros pour un ouvrier et 16 327 euros pour un employé. Ainsi, un cadre gagne en moyenne 2,7 à 2,8 fois plus qu’un ouvrier ou un employé.

Un regard sur la conjoncture internationale montre que la France n’arrive qu’à la neuvième place dans l’Europe des vingt-sept s’agissant du niveau du salaire horaire moyen, en 2004. Cette année-là, le niveau du salaire horaire brut est de 15 euros dans l’Union européenne à vingt-sept, avec des disparités fortes : de 1 euro en Bulgarie à 27 euros au Danemark. Avec un montant de 19 euros, la France se situe légèrement au-dessus de la moyenne des pays de l’Union à quinze (18 euros).

S’agissant de l’évolution annuelle moyenne de l’indice de salaire horaire brut de 2004 à 2007, celle-ci peut être chiffrée à 3,4 % dans l’Union européenne à vingt-sept. La France a connu une hausse de 3,5 %, ce qui la place tout juste au-dessus de la moyenne, seulement au seizième rang sur vingt-sept.

c) Des allégements de charges considérables aux effets incertains

Il existe aujourd’hui trois types de dispositifs d’exonération de contributions et cotisations sociales : les allégements dit généraux, au premier rang desquels l’« allégement Fillon » ; les exonérations ciblées ; les « niches sociales ».

Les allégements généraux constituent la partie la plus importante de l’ensemble des exonérations, tant par leur quantité (plus de 26 milliards d’euros au total en 2008) que par leur évolution, à savoir une augmentation quasiment chaque année depuis 1993, date de la mise en œuvre du premier de ces dispositifs avec la loi n° 93-953 du 27 juillet 1993 relative au développement de l’emploi et de l’apprentissage et l’institution d’un allégement de cotisations patronales d’allocations familiales.

L’allégement général principal est la réduction dite « Fillon » de cotisations sociales patronales, qui s’applique à l’ensemble des entreprises du secteur privé soumises à l’obligation d’assurance chômage (à l’exception des particuliers employant des salariés à domicile).

Elle consiste en une baisse de la part patronale des cotisations sociales fixée par décret au niveau du SMIC, qui s’annule progressivement au fur et à mesure que le salaire parvient à un seuil de 1,6 SMIC, seuil fixé par l’article 129 de la loi de finances pour 2005 (n° 2004-1484 du 30 décembre 2004). Au niveau du SMIC, le taux de la réduction a été fixé à 26 points par ce même texte, mais pour les rémunérations versées à compter du 1er juillet 2007 par les entreprises comptant jusqu’à dix-neuf salariés inclus, l’article 41 de la loi de finances pour 2007 (n° 2006-1666 du 21 décembre 2006) a porté à 28,1 points le coefficient de la réduction, ce qui correspond à l’intégralité des cotisations patronales au titre de la maladie, de la famille et de la retraite et à une part très significative de l’ensemble des cotisations obligatoires.

Le montant total de l’allégement Fillon était estimé à 23,4 milliards d’euros en 2008, au moment de la discussion au Parlement du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 (16).

De telles sommes conduisent immanquablement à s’interroger sur l’efficacité de ces dispositifs, établis à l’origine en réponse à la question du coût de la main d’œuvre peu qualifiée et aux enjeux de compétitivité internationale (voir pour une présentation de l’évolution des différents types d’allégements au cours des quinze dernières années le commentaire de l’article 2).

C’est l’objet d’une des études que la Cour des comptes a consacrées à ces questions. En juillet 2006 (17), la Cour s’est en effet interrogée notamment sur l’effet sur l’emploi des exonérations générales de cotisations sociales, soulignant que « même si des emplois ont été effectivement créés, ou des destructions d’emplois effectivement ralenties, les allégements représentent aujourd’hui un coût très élevé. En outre, l’efficacité quantitative reste trop incertaine pour qu’on ne s’interroge pas sur la pérennité et l’ampleur du dispositif ».

Évoquant aussi le risque, certes bien identifié aujourd’hui, de l’effet dit de « trappe à bas salaire » (18), la Cour s’est étonnée « que, sur un sujet aussi essentiel pour la réflexion sur le principe et les modalités des allégements, et, d’ailleurs, difficile à traiter (ne serait-ce qu’en raison des données nécessaires), si peu de travaux aient été conduits jusqu’à présent ».

De façon générale, les exonérations de cotisations sociales ne sont assorties que de peu de conditions, ce que reconnaissait le rapport établi préalablement à la discussion du projet de loi en faveur des revenus du travail par le rapporteur de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, projet qui allait devenir la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail et comportait déjà une mesure destinée à établir une forme de conditionnalité des allégements de cotisations sociales en vue d’une augmentation des salaires (voir infra). Le rapporteur estimait toutefois que l’étude des mesures en faveur de la conditionnalité des allégements de charges « ne constitue pas le cadre approprié d’un débat plus général sur les barèmes, régimes et conditions d’application des exonérations de cotisations sociales ».

En établissant un mécanisme de conditionnalité des allégements de cotisations patronales à l’augmentation des salaires, le présent article est conforme aux engagements pris par le président de la République durant la campagne électorale, que rappelait le rapport précité : dans son discours prononcé à Périgueux le 12 octobre 2006, celui-ci avait proposé « que le maintien des exonérations de charges pour les entreprises soit dorénavant conditionné à la hausse des salaires et à la revalorisation des grilles de rémunérations fixées par les conventions collectives ».

2. Le droit existant ne suffit pas à assurer une augmentation effective des salaires

a) La négociation collective obligatoire sur les salaires n’est pas suffisante

Depuis la loi n° 50-205 du 11 février 1950 relative aux conventions collectives et aux procédures de règlement des conflits collectifs de travail, qui a consacré la négociation par les partenaires sociaux des salaires, l’existence même des négociations collectives portant sur les salaires constitue un premier outil destiné à accroître le niveau des rémunérations.

Plus encore, aux termes du premier alinéa de l’article L. 2241-1 du code du travail, « les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels, se réunissent, au moins une fois par an, pour négocier sur les salaires ». En outre, conformément au premier alinéa de l’article L. 2242-1 et au deuxième alinéa de l’article L. 2242-8 du même code, « dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur engage chaque année une négociation sur [les salaires effectifs] ». Ainsi est définie la négociation annuelle obligatoire (dite parfois NAO) sur les salaires, obligation qui remonte à l’une des lois Auroux (19).

Or la négociation collective sur les salaires n’assure pas aujourd’hui une augmentation effective des revenus.

Certes, cette obligation bien identifiée par les entreprises est assez encadrée par les articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du code du travail :

– Au niveau de l’entreprise, il est prévu qu’à défaut d’une initiative de l’employeur depuis plus de douze mois suivant la précédente négociation, celle-ci s’engage obligatoirement à la demande d’une organisation syndicale représentative. La demande de négociation formulée par l’organisation syndicale est transmise dans les huit jours par l’employeur aux autres organisations représentatives. Dans les quinze jours qui suivent la demande formulée par une organisation syndicale, l’employeur convoque les parties à la négociation annuelle.

– Les conditions de déroulement de la première réunion sont précisées. Lors de cette réunion doivent être évoqués : le lieu et le calendrier des réunions ; les informations que l’employeur remettra aux délégués syndicaux et aux salariés composant la délégation ainsi que la date de cette remise. Ces informations doivent permettre une analyse comparée de la situation des hommes et des femmes concernant les emplois et les qualifications, les salaires payés, les horaires effectués et l’organisation du temps de travail.

– Certaines garanties sont apportées, puisque tant que la négociation est en cours, l’employeur ne peut, dans les matières traitées, arrêter de décisions unilatérales concernant la collectivité des salariés, sauf si l’urgence le justifie.

– Si, au terme de la négociation, aucun accord n’a été conclu, il est établi un procès-verbal de désaccord dans lequel sont consignées, en leur dernier état, les propositions respectives des parties et les mesures que l’employeur entend appliquer unilatéralement. Ce procès-verbal donne lieu à dépôt, à l’initiative de la partie la plus diligente, dans des conditions définies par voie réglementaire.

En outre, des sanctions pénales sont prévues en cas de non respect de ces règles : aux termes de l’article L. 2243-1 du code du travail, le fait pour les entreprises de se soustraire aux obligations prévues à l’article L. 2242-1, relatives à la convocation des parties à la négociation annuelle et à l’obligation périodique de négocier, est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 euros. De plus, aux termes de l’article L. 2243-2, les entreprises qui contreviennent aux obligations relatives au contenu de la négociation encourent les mêmes peines d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende.

Il est vrai également que le bilan annuel de la négociation collective confirme la place prépondérante des salaires dans les négociations (20) puisqu’en 2007, les salaires sont demeurés le premier thème de négociation, tant au niveau des branches qu’au niveau des entreprises : pour les branches, la part des avenants salariaux représente près de la moitié des avenants conclus (49,2 % en 2007) ; pour les entreprises, la question des rémunérations est abordée dans 35,9 % des négociations (il s’agit du premier thème abordé, devant le temps de travail, avec un taux de 24,5 %).

Mais ces règles et ces chiffres ne doivent pas faire illusion.

D’une part, parce que toutes les entreprises ne sont pas concernées par l’obligation de négocier : seules celles qui sont dotées d’au moins une section syndicale d’organisation représentative sont visées, à savoir, en pratique, celles où il existe au moins un délégué syndical. Or la présence d’un délégué syndical dans l’entreprise est croissante avec la taille de l’entreprise. La désignation d’un délégué du personnel comme délégué syndical est possible dans les entreprises de moins de cinquante salariés, mais elle est assez rare. En 2005, moins des deux tiers (63 %) des établissements d’au moins cinquante salariés, et moins d’un quart (23 %) des établissements de moins de cinquante salariés, avaient un délégué syndical.

D’autre part, parce que même si l’on considère le champ des entreprises soumises à l’obligation de négocier, on constate qu’en 2006, si 77 % des entreprises où il existe au moins un délégué syndical ont ouvert au moins une négociation, cela signifie a contrario qu’un quart d’entre elles (23 %) n’ont engagé aucune négociation (et que ce taux est très probablement plus important s’agissant des entreprises qui n’ont pas engagé de négociations salariales). Il est vrai que ce taux décroît au fur et à mesure qu’augmente la taille de l’entreprise, comme le montre le diagramme suivant : si 36 % des entreprises de 10 à 49 salariés ayant un délégué syndical n’ont pas engagé de négociations en 2006, ce taux n’est que de 9 % dans les entreprises de 200 salariés ou plus ayant un délégué syndical.

Absence de négociation collective en 2006
alors qu’un délégué syndical est présent (1)


(1) Négociations engagées en 2006 au niveau de l’entreprise, de l’un de ses établissements ou au niveau du groupe ou de l’unité économique et sociale. Champ : entreprises de 10 salariés ou plus (secteurs marchands hors agriculture).

Source : Insee, comptes nationaux.

Pour expliquer cette situation, les entreprises invoquent : l’existence d’un accord de branche d’application directe dans l’entreprise (57,8 %) ; l’application d’un accord d’entreprise toujours en vigueur (35,6 %) ; le fait qu’une ou plusieurs négociations soient prévues dans l’année à venir (17,9 %) ; l’inutilité d’une négociation, compte tenu de la taille de l’entreprise (4,6 %).

Enfin, il faut souligner que les sanctions existantes en cas de non-respect de l’obligation de négociation annuelle précitée, de nature pénale, se révèlent inadaptées et ne sont, en pratique, pas appliquées.

b) Les tentatives récentes de relance des négociations collectives sur les salaires

● Un certain effort de soutien aux négociations salariales dans les branches à partir de 2005

Certes, la politique initiée en 2005 par M. Gérard Larcher, alors ministre en charge du travail, dans le cadre de la sous-commission des salaires de la Commission nationale de la négociation collective (CNNC), a conduit un certain nombre de branches à procéder, contrairement à leur pratique antérieure, à des négociations salariales. Un comité de suivi a été mis en place pour accompagner ces négociations. S’il est indéniable qu’un nombre non négligeable de branches ont conclu des accords, il faut aussi reconnaître que cette politique avait pour objectif premier l’ajustement des grilles salariales par rapport au salaire minimum car des retards considérables avaient été accumulés.

Au reste, ce n’est pas un hasard si le gouvernement a pris l’initiative de prévoir dans la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail précitée des mesures dites de conditionnalité des allégements de cotisations sociales, destinées à compléter cette politique. Comme le soulignait M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi, en présentant le projet de loi au cours de la première séance du lundi 22 septembre 2008 à l’Assemblée nationale, « (…) il reste à dynamiser la conditionnalité des allégements de charges. Il s’agit de profiter de cet outil pour stimuler les négociations de salaires, de manière à recréer des perspectives salariales pour toutes celles et toux ceux qui, aujourd’hui, plafonnent au SMIC ». Si ce constat peut être partagé, les moyens retenus alors par le gouvernement risquent de se révéler très insuffisants.

● Une mesure pour le moins timide dans la loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail

L’article 26 de la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail a modifié le régime d’un certain nombre de dispositifs d’allégements de cotisations patronales de sécurité sociale, notamment celui de la « réduction Fillon » prévue à l’article L. 241-13 de la sécurité sociale. Il s’agissait d’instituer un mécanisme de subordination du bénéfice des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale au respect de l’obligation de négociation annuelle sur les salaires. Cette idée avait été soumise par le gouvernement dès le mois de décembre 2007 au Conseil d’orientation pour l’emploi (COE), qui s’était prononcé sur cette question le 6 février 2008.

Aux termes de la nouvelle rédaction du III de l’article L. 241-13 de la sécurité sociale, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2009, lorsqu’un employeur n’a pas rempli au cours d’une année civile l’obligation de négociation annuelle collective, le montant de la réduction est diminué de 10 % au titre des rémunérations versées cette même année. Il est diminué de 100 % lorsque l’employeur ne remplit pas cette obligation pour la troisième année consécutive. Un tel dispositif, dont on peut comprendre, voire partager, l’inspiration, présente cependant un nombre non négligeable de limites :

– Ce dispositif entre en vigueur au 1er janvier 2009 mais il se fonde sur une appréciation de la négociation sur l’ensemble de l’année civile : c’est donc au mieux en janvier 2010 qu’il pourra être mis en œuvre, soit plus d’une année après son adoption définitive.

– Le mécanisme proposé et adopté repose sur une obligation de négociation, c’est-à-dire en pratique d’ouverture des négociations, non sur une obligation de couverture des entreprises concernées par un accord collectif. L’argumentation avancée, bien connue, s’appuie sur le principe de la liberté de négociation, présenté comme interdisant par avance toute mesure centrée sur l’existence même des accords collectifs, de manière à ce qu’il ne soit pas porté atteinte aux grands principes du droit du travail, voire du droit des obligations. On verra (cf. infra) les limites de telles argumentations.

En l’espèce, force est de constater que la seule présentation d’un procès-verbal de désaccord tel qu’il est prévu à l’article L. 2242-4 du code du travail permettra, le cas échéant, à un employeur d’échapper à toute sanction. Il est d’ailleurs révélateur que, dans son avis du 6 février 2008, le Conseil d’orientation pour l’emploi avait estimé qu’un tel dispositif « en ce qui concerne sa mise en œuvre pratique, (…) suppose la création d’une obligation de notification d’ouverture de négociation ». Mais la loi du 3 décembre 2008 ne prévoit pas une telle disposition.

– La sanction prévue (une diminution du montant de la réduction de 10 % les deux premières années, le taux étant porté à 100 % seulement la troisième année) est faible. Du reste, dans sa lettre de saisine du Conseil d’orientation pour l’emploi du 20 décembre 2007, le gouvernement avait envisagé des taux supérieurs puisqu’il proposait que l’entreprise qui aurait négligé d’ouvrir une négociation sur les salaires au cours d’une année verrait l’année suivante le montant d’allégements auxquels elle peut prétendre diminuer de moitié, les allégements étant supprimés l’année suivante en cas de non-conformité avec les dispositions du code du travail. En outre, le projet de loi ne prévoyait dans sa version initiale qu’un taux de 10 %, la réduction de 100 % la troisième année ayant été introduite dans le texte au cours de la navette parlementaire, signe d’une certaine insuffisance de la première mouture.

S’il est donc impossible de dresser un bilan effectif de ce dispositif qui n’entrera en vigueur que l’année prochaine, on ne peut raisonnablement que s’interroger sur ses chances de succès. C’est pourquoi le présent article propose une mesure à la fois plus simple et plus efficace.

3. Le dispositif proposé

Le dispositif proposé repose sur un double mécanisme, qui distingue entre deux périodes : une phase transitoire à compter du 1er septembre 2009 et jusqu’à la fin de cette même année ; un dispositif pérenne à compter du 1er janvier 2010.

a) Un dispositif transitoire dès le 1er septembre 2009

Aux termes de l’alinéa 1 de l’article 1er est mis en place un dispositif transitoire selon lequel « si à compter du 1er septembre 2009, l’entreprise n’est pas couverte par un accord salarial d’entreprise de moins d’un an en application de l’article L. 2242-8 du code du travail ou par un accord salarial de branche en application de l’article L. 2241-2 du même code, les réductions de cotisations sociales visées à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale sont suspendues au titre des rémunérations versées à compter de cette date et jusqu’à ce que l’entreprise soit couverte par un nouvel accord ».

Ce dispositif appelle les observations suivantes :

– Il entre en vigueur dès le 1er septembre 2009 : il faut saluer cette application aussi rapide que possible, destinée à favoriser une relance vraiment efficace de la négociation salariale, dont les effets devront donc se faire sentir dès les mois suivant l’adoption de la loi.

– Il repose sur la couverture de l’entreprise concernée soit par un accord d’entreprise de moins d’un an en application de l’article L. 2242-8 du code du travail (à savoir l’article relatif à la négociation collective obligatoire salariale d’entreprise), soit par un accord de branche conclu en application de l’article L. 2241-2 (à savoir l’article relatif à la négociation collective obligatoire salariale de branche, qui précise les données examinées à l’occasion de la négociation de branche : l’évolution économique, la situation de l’emploi dans la branche, son évolution et les prévisions annuelles ou pluriannuelles établies, notamment pour ce qui concerne les contrats de travail à durée déterminée et les missions de travail temporaire ; les actions éventuelles de prévention envisagées compte tenu de ces prévisions ; l’évolution des salaires effectifs moyens par catégories professionnelles et par sexe, au regard, le cas échéant, des salaires minima hiérarchiques).

Ce point est essentiel car il contribue à l’efficacité du dispositif proposé : là où la loi du 3 décembre 2008 précitée prévoit une seule conditionnalité de la négociation, le présent dispositif subordonne le bénéfice des allégements de charges patronales à la couverture de l’entreprise concernée.

En centrant la conditionnalité sur la simple ouverture des négociations, le gouvernement a présenté la loi du 3 décembre 2008 comme respectueuse du dialogue social et des grands principes du droit du travail. Mais en quoi le fait de fonder le bénéfice d’avantages en termes de cotisations sociales patronales sur l’existence d’un accord nuit-il à la liberté de conclure ? En tout état de cause, la négociation reste libre et son issue n’est jamais obligatoire. Simplement, l’échec aura un effet financier sur la mise en œuvre des allégements de charges.

Il est d’ailleurs révélateur que le Conseil d’orientation pour l’emploi, dans son avis du 6 février 2008, se soit de sa propre initiative engagé dans une telle voie pour proposer au gouvernement un scénario alternatif à celui qui lui était soumis. Ce scénario faisait précisément reposer la conditionnalité des allégements de cotisations sociales patronales sur le fait que l’entreprise soit couverte par un accord salarial de branche ou, à défaut, d’entreprise. Le COE reconnaissait expressément que « ce dispositif est ambitieux dans la mesure où les allégements des cotisations sont conditionnés à un accord salarial au niveau de la branche ou, à défaut, au niveau de l’entreprise, et non à la simple ouverture de négociations ».

En pratique, seules les entreprises pour lesquelles aucun accord collectif n’a été conclu depuis le 1er septembre 2008 sont concernées. Pour celles pour lesquelles un tel accord a été conclu entre le 1er septembre et le 31 décembre 2008, elles ne le sont qu’à compter de la date anniversaire de l’accord : si à ce moment-là, aucun nouvel accord n’est conclu, s’enclenche le dispositif de suspension des allégements de cotisations sociales patronales.

– Dans son avis précité, le COE ajoutait : « [Ce dispositif] est en même temps réaliste, dans la mesure où la sanction est fixée à 10 % des allégements ». En l’espèce, au cours de la première phase, la sanction n’est, dans un même souci de réalisme, que provisoire. Le dispositif prévoit en effet une seule « suspension » de la réduction de cotisations sociales visée à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, soit l’« allégement Fillon » (voir supra). La suspension porte sur les cotisations afférentes aux rémunérations versées à compter du 1er septembre 2009 et jusqu’au moment où l’entreprise est couverte par un nouvel accord. Par exemple, si une entreprise conclut un accord au 1er octobre 2009, la suspension des allégements de cotisations ne portera que sur le mois de septembre.

b) Un dispositif pérenne à compter du 1er janvier 2010

L’alinéa 2 de l’article 1er met en place un dispositif pérenne à compter du 1er janvier 2010. À partir de cette date, « chaque année, les réductions de cotisations sociales visées à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ne sont appliquées que pour les entreprises couvertes par un accord salarial d’entreprise de moins d’un an en application de l’article L. 2242-8 du code du travail ou par un accord salarial de branche en application de l’article L. 2241-2 du même code ».

Ce dispositif se caractérise par sa simplicité de mise en œuvre. Si, au 1er janvier 2010, l’entreprise est couverte par un accord salarial d’entreprise de moins d’un an (donc conclu au cours de l’année 2009) ou de branche, alors pour l’ensemble de l’année 2010 cette entreprise aura droit aux allégements de cotisations sociales patronales dits « allégements Fillon » tels qu’ils sont prévus à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.

A contrario, en l’absence d’un tel accord, l’entreprise concernée ne bénéficiera pas d’allégements de cotisations sociales patronales au titre de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale pour l’ensemble de l’année 2010, même si un accord est conclu au cours de cette année-là. En revanche, la conclusion en 2010 d’un accord permettra à l’entreprise de bénéficier de ces allégements au titre des rémunérations qu’elle versera à compter du 1er janvier 2011.

*

La Commission rejette l’article 1er.

Article 2

Suppression du dispositif sur les heures supplémentaires
prévu par la « loi TEPA »

Cet article a pour objet la suppression de l’article 1er de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, qui prévoit un dispositif d’exonération d’impôt sur le revenu et de réduction des cotisations salariales et patronales afférents aux rémunérations des heures supplémentaires et complémentaires effectuées à compter du 1er octobre 2007, ainsi que très généralement de l’ensemble des temps supplémentaires travaillés.

Ce dispositif, d’inspiration très large, a vocation à favoriser une augmentation de la durée moyenne du travail mais aussi à contribuer à la relance de l’économie à laquelle est dédiée l’ensemble de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat – dite loi TEPA –, de manière particulièrement emblématique puisque ce texte a été le premier de la législature à être discuté. La première phrase de l’exposé des motifs du projet de loi résume cette inspiration générale : « La relance de l’économie passe en priorité par la réhabilitation du travail comme valeur, comme outil d’amélioration du pouvoir d’achat et comme instrument de lutte contre le chômage ».

Plus de dix-huit mois ont passé et il faut bien admettre que la loi TEPA est loin d’avoir tenu toutes ses promesses. La mesure phare sur les heures supplémentaires, qui figure à l’article 1er de la loi, a certes bien dû être mise en œuvre par les entreprises. Mais l’évolution du T du travail reste une inconnue, tant il est difficile de mesurer la progression des heures supplémentaires aujourd’hui, faute d’instrument statistique adéquat. Surtout, le E de l’emploi et les P et A du pouvoir d’achat sont, ainsi que l’attestent les indicateurs conjoncturels, restés lettres mortes, ne permettant pas d’amortir les effets de la crise que traverse le pays : les chiffres du chômage connaissent chaque mois de nouveaux records et les destructions d’emplois, en particulier d’emplois intérimaires, tout comme les non-reconductions de contrats à durée déterminée, se multiplient.

Aussi la cohérence et l’urgence imposent-elles de procéder à la suppression pure et simple de l’article 1er de la loi TEPA. Tel est l’objet de l’alinéa unique de cet article 2, aux termes duquel « l’article 1er de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat est abrogé ».

1. Le dispositif d’exonérations fiscales et sociales de l’article 1er de la loi TEPA

a) Des exonérations qui s’inscrivent dans une évolution longue de quinze ans

Depuis quinze ans environ, les réductions générales de cotisations patronales de sécurité sociale pour les bas salaires constituent une orientation importante des politiques de l’emploi, selon des modalités toutefois diverses.

Le point de départ de cette évolution est la loi n° 93-953 du 27 juillet 1993 relative au développement de l’emploi et de l’apprentissage, qui a institué un allégement des cotisations patronales d’allocations familiales consistant en une exonération totale jusqu’à 1,1 SMIC et en une exonération à hauteur de 50 % entre 1,1 et 1,2 SMIC, applicable aux gains et rémunérations versés à compter du 1er juillet 1993.

Mais c’est surtout la loi n° 95-882 du 4 août 1995 relative à des mesures d’urgence pour l’emploi et pour la sécurité sociale qui a mis en place une réduction de cotisations sociales d’ampleur plus importante (la « ristourne Juppé »), au profit de l’ensemble des employeurs du secteur privé soumis à l’obligation d’assurance chômage. Cette réduction consistait en une baisse de la part patronale des cotisations sociales fixée à 12,8 points au niveau du SMIC puis s’annulant lorsque le salaire parvient à un seuil de 1,2 SMIC. Cette ristourne a été fusionnée avec l’allégement de 1993 au 1er octobre 1995. Elle atteignait alors 18,2 points au niveau de SMIC, le seuil étant porté à 1,33 SMIC.

La réduction des cotisations sociales avait pour objectif central d’abaisser les charges pesant sur les bas salaires et de contribuer ainsi à la lutte contre les délocalisations menaçant l’économie française. De manière plus précise, dans un second temps, des allégements mis en place dans le cadre de la réduction du temps de travail ont été soumis à conditions et se sont vus assignés des objectifs en termes de création d’emplois clairement définis :

– la loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l’emploi par l’aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail (dite « loi de Robien ») a la première établi un lien entre réduction du temps de travail et allégements de cotisations patronales de sécurité sociale, en instituant un abattement de 30 % à 40 % des cotisations patronales en faveur des entreprises réduisant leur horaire de travail de 10 % (ou 15 %) de la durée effective pratiquée et embauchant ou renonçant à des licenciements au moins à hauteur de 10 % (ou 15 %) de leur effectif salarié, pour une durée de sept années ;

– la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de travail (la « loi Aubry I ») a institué un régime d’allégement de charges de nature forfaitaire et dégressif sur cinq ans, au profit des entreprises réduisant de 10 % (ou 15 %) la durée effective du travail et s’engageant à créer des emplois ou à renoncer à des licenciements à hauteur de 6 % (ou 9 %) de l’effectif existant ;

– quant à la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail (la « loi Aubry II »), elle a institué un dispositif d’allégement de cotisations sociales à hauteur de 26 points au niveau du SMIC, puis dégressif jusqu’à 1,8 SMIC, pour les entreprises appliquant un accord collectif de travail fixant la durée du travail soit à 35 heures hebdomadaires, soit à 1600 heures annuelles, tout en s’engageant à créer ou préserver des emplois.

Ces allégements présentaient l’avantage d’établir clairement un mécanisme de conditionnalité, au profit de l’augmentation de l’emploi. La loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi (dite « loi Fillon ») est venue casser cette logique au profit d’un dispositif unique ne prévoyant plus aucune condition en termes de création d’emplois : ce régime de réduction dégressive de 26 points au niveau du SMIC s’annulait progressivement jusqu’à 1,7 SMIC. Ce seuil a ensuite été ramené par la loi de finances pour 2005 à 1,6 SMIC à compter du 1er juillet 2005.

La loi TEPA, en établissant de nouvelles formes d’allégements applicables aux rémunérations supplémentaires, s’inscrit dans cette même logique « inconditionnelle », dont la Cour des comptes, dans une communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale de juillet 2006, a bien montré les limites (voir le commentaire de l’article 1er).

b) Le dispositif de l’article 1er de la loi du 21 août 2007

L’article 1er de la loi TEPA comporte pour l’essentiel un dispositif destiné à exonérer aux plans fiscal et social l’ensemble des temps supplémentaires travaillés. Les temps pris en compte sont définis de manière particulièrement large : sont en effet concernées les heures supplémentaires mais aussi les heures complémentaires effectuées par les salariés à temps partiel, les heures réalisées au cours d’une semaine en dépassement de la durée légale du travail par les salariés bénéficiant d’un temps réduit pour les besoins de la vie familiale, l’ensemble des temps excédentaires travaillés en cas d’application d’un régime de modulation du temps de travail ou encore les heures effectuées au-delà de 1607 heures pour les salariés au forfait annuel en heures et les salaires versés au titre des jours supplémentaires travaillés au-delà de 218 jours pour les salariés relevant d’une convention de forfait annuel en jours.

Le principe retenu est que la rémunération du temps de travail additionnel ouvre droit aux différents allégements. Cependant, le montant de la majoration salariale est plafonné aux taux prévus, le cas échéant, par l’accord collectif applicable. En l’absence d’un tel accord, le montant de la majoration retenu pour l’application des allégements est limité à 25 % pour les huit premières heures supplémentaires et 50 % pour les heures suivantes, 25 % pour les heures complémentaires effectuées au-delà de 10 % de la durée contractuelle de travail, 25 % de la rémunération horaire pour les heures réalisées au-delà de 1607 heures et 25 % de la rémunération journalière pour les heures effectuées au-delà de 218 jours.

Sont applicables à ces différentes rémunérations :

– une exonération d’impôt sur le revenu au profit du salarié bénéficiaire de la rémunération ;

– une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à la rémunération brute du salarié, dans la limite des cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi, ce qui correspond à un taux plafond de 21,5 % ;

– une déduction forfaitaire de cotisations patronales de sécurité sociale pour les employeurs entrant dans le champ de la réduction générale de cotisations patronales dite « réduction Fillon », au titre des salariés ouvrant droit à cette réduction. Il faut noter que la déduction forfaitaire des cotisations patronales ne concerne que les heures supplémentaires, lorsqu’elles font l’objet d’une rémunération au moins égale à celle d’une heure normale (ne sont donc visées ni les heures complémentaires, ni les heures supplémentaires rémunérées en repos compensateurs de remplacement). Le montant de la déduction, fixé forfaitairement par heure supplémentaire effectuée, est égal à 0,50 euro par heure dans les entreprises de plus de vingt salariés et 1,5 euro par heure dans les entreprises employant de un à vingt salariés. Il s’impute sur les sommes dues par les employeurs aux unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et allocations familiales (URSSAF) au titre de l’ensemble de la rémunération versée à l’intéressé.

Un principe de non-substitution est posé par la loi de manière à limiter – en théorie au moins – tout effet d’aubaine : sont exclues du bénéfice de la réduction des cotisations salariales et de la déduction forfaitaire les rémunérations versées au titre des heures supplémentaires et complémentaires ou de jours auxquels le salarié a renoncé dès lors qu’elles se substituent à d’autres éléments de rémunération (par exemple des primes), à moins qu’un délai de douze mois se soit écoulé entre le versement du dernier élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier paiement des heures supplémentaires ou complémentaires qui le remplace.

2. Une évolution des heures supplémentaires sous le sceau de l’incertitude

a) Des statistiques peu précises

Nul ne sait véritablement combien d’heures supplémentaires étaient effectuées avant la loi TEPA (21). Avec la mise en œuvre des exonérations, le système statistique de suivi des heures supplémentaires connaît une amélioration certaine, liée à la fois à un meilleur suivi par les services du ministère du travail, à savoir la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES), ainsi qu’aux remontées de données provenant des services de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), chargés du calcul des exonérations sociales et du recouvrement de la part non exonérée des cotisations.

● L’amélioration du suivi par la DARES

Il est une évidence qu’il ne suffit pas, pour évaluer l’effet de la loi TEPA, de disposer aujourd’hui du nombre des entreprises qui ont recours aux nouveaux allégements. Car il n’est nul besoin de statistiques pour affirmer que 100 % des entreprises qui recourent aux heures supplémentaires bénéficient des exonérations sociales et fiscales mises en place ! Aucune ne peut vouloir laisser passer un tel effet d’aubaine ! Seule importe donc l’évolution qui peut être constatée entre la situation prévalant avant l’entrée en vigueur de la loi et la situation actuelle.

Or la moyenne de 900 millions d’heures annuelles, sur laquelle s’était pourtant fondé le gouvernement au moment de la discussion du projet de loi, serait incorrecte car surévaluée : en 2006, le nombre d’heures supplémentaires aurait été plus proche de 700 millions, a expliqué le gouvernement au mois d’avril 2008 (22).

Dans une publication plus récente, la DARES est revenue sur les difficultés de l’évaluation, rappelant que le volume d’heures supplémentaires rémunérées est statistiquement difficile à appréhender en France (23). Avant l’entrée en vigueur, au 1er octobre 2007, de la loi TEPA, les heures supplémentaires, généralement connues des entreprises, n’étaient pas nécessairement déclarées comme telles dans les enquêtes statistiques, en particulier dans les entreprises n’ayant pas réduit leur durée du travail à 35 heures pratiquant des heures supplémentaires à titre habituel (heures supplémentaires parfois dites structurelles).

Aujourd’hui, la DARES estime au total à 630 millions le nombre d’heures supplémentaires rémunérées dans les secteurs concurrentiels non agricoles en 2006, cette estimation étant encore entourée d’une marge notable d’incertitude. Du fait notamment de la suppression, fin 2006, du « régime d’équivalence » dans les hôtels, cafés et restaurants, le volume d’heures supplémentaires aurait augmenté de près de 100 millions d’heures entre 2006 et 2007, indépendamment des mesures incitatives prises en 2007 dans le cadre de la loi TEPA.

● Les données statistiques de l’ACOSS

Depuis le 1er octobre 2007, l’ACOSS est aussi en mesure de fournir des statistiques sur le nombre d’heures supplémentaires auxquelles ont recours les entreprises.

Le rapport, adressé par le gouvernement au Parlement fin 2008, sur la mise en œuvre de l’article 1er de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat s’inspire dans une large mesure de ces données pour souligner certaines conclusions :

– le nombre d’entreprises utilisatrices du dispositif sur les heures supplémentaires, complémentaires et choisies serait passé de 568 676 au quatrième trimestre 2007 à 624 264 au troisième trimestre 2008 ;

– les entreprises qui déclarent une exonération au titre de la loi du 21 août 2007 représenteraient 63 % de l’assiette totale des entreprises au deuxième et au troisième trimestre 2008 ;

– après la mise en place du dispositif au quatrième trimestre 2007, le nombre d’heures supplémentaires (à l’exclusion des heures complémentaires) se situerait autour de 184 millions par trimestre en 2008, conformément au tableau et au graphe présentés ci-après.

Évolution du nombre d’heures supplémentaires

Heures supplémentaires

T4 2007

T1 2008

T2 2008

T3 2008

Heures supplémentaires (en millions)

148,8

173

183,5

183,5

Heures supplémentaires / effectif salarié

8

9,2

9,7

9,6

Heures supplémentaires par effectif salarié des entreprises effectuant des heures supplémentaires

13

14,2

14,6

14,2

Source : ACOSS.

Évolution du nombre d’heures supplémentaires (en millions)

Source : ACOSS.

Selon ce même rapport, si l’on retient l’hypothèse d’un quatrième trimestre comparable aux deuxième et troisième trimestres 2008, le nombre des heures supplémentaires pourrait se situer aux environ de 720 millions d’heures en 2008. Ces données sont souvent avancées par le gouvernement pour souligner le succès de la loi TEPA. Or il faut redire qu’aucun de ces chiffres ne permet d’affirmer que la loi a conduit à un accroissement du recours aux heures supplémentaires (l’éventuel accroissement entre fin 2007 et fin 2008 peut être lié à un seul effet de montée en charge du dispositif, que s’approprient progressivement les entreprises). Tout au plus, si l’on retient le chiffre de la DARES de 730 millions d’heures supplémentaires pour 2007 et la prévision de l’ACOSS de 720 millions d’heures pour 2008, faudrait-il plutôt parler de stagnation.

b) Une législation sur les heures supplémentaires mouvante et pour le moins inquiétante

Ce contexte d’incertitude est d’autant plus déconcertant qu’une année après la loi TEPA, la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a bouleversé la réglementation existante relative aux heures supplémentaires. L’objectif affiché, toujours le même, est d’accroître la durée du travail en France, dont il faut pourtant rappeler qu’elle se situe dans la moyenne européenne et se trouve même supérieure à la durée du travail en Allemagne (24).

Alors même que les effets de la loi TEPA peinaient encore à être mesurés, le gouvernement, passant outre l’accord des partenaires sociaux – la position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme –, a décidé d’imposer ce qu’il faut bien appeler une dérégulation de la durée légale du travail.

Les promesses de concertation des partenaires sociaux préalablement à toute réforme du droit du travail et même l’obligation d’une telle concertation aux termes de la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social étaient loin déjà, alors même que lesdits partenaires sociaux avaient prévu à l’article 17 de la position commune un dispositif ouvrant la possibilité à des accords d’entreprise conclus avec des organisations syndicales représentatives et ayant recueilli la majorité absolue des voix aux élections des représentants du personnel, à titre expérimental, de préciser l’ensemble des conditions à mettre en œuvre pour dépasser le contingent conventionnel d’heures supplémentaires.

En lieu et place de la transposition de ce dispositif, le gouvernement a choisi de vider de son contenu la notion même de durée légale du travail, dont on sait qu’elle n’est finalement qu’un seuil déclenchant le décompte des heures supplémentaires, heures soumises à des règles particulières en matière d’autorisation administrative, de repos compensateur obligatoire et de majoration salariale.

Seul ce dernier point a été préservé par le gouvernement, mise en œuvre de la loi TEPA oblige.

En revanche, l’obligation d’une autorisation de l’inspecteur du travail pour réaliser des heures supplémentaires au-delà du contingent d’heures supplémentaires a été purement et simplement supprimée.

S’agissant du repos compensateur, le gouvernement avait choisi d’écarter les garanties minimales définies par la loi (50 % ou 100 % de repos compensateur obligatoire selon les cas) ; c’était peut-être un pas de trop : sur cette question, le gouvernement a dû subir un camouflet – il est vrai discrètement passé sous silence au beau milieu de l’été 2008 – car le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 7 août, a censuré cette disposition en estimant que le législateur avait méconnu l’étendue de sa compétence.

Mais sur bien d’autres points encore, le mal était fait : suppression des garanties afférentes aux différentes modalités d’aménagement du temps de travail ; suppression de la limite annuelle de travail des cadres au forfait-jours, le moins drôle n’étant pas – si le sujet n’était aussi grave – que cette suppression a été présentée comme une garantie par rapport au droit existant ! ; dernier point mais pas le moindre : la hiérarchie des normes a été entièrement revisitée en droit du temps de travail, l’accord d’entreprise prenant le pas de manière inconditionnelle sur les accords de branche.

3. Des effets macro-économiques plus que préoccupants

Un premier bilan de la loi TEPA montre rapidement les limites de ce dispositif. Ce n’est pas un hasard si certaines mises en garde venues d’économistes sont même antérieures à l’adoption de la loi. Ainsi, le rapport fait au nom du Conseil d’analyse économique (CAE) sur le temps de travail, le revenu et l’emploi par MM. Patrick Artus, Pierre Cahuc et André Zylberberg en 2007 avait-il regardé avec circonspection une telle réforme : « (…) une fiscalité spécifique sur les heures supplémentaires aurait, quelle que soit sa forme, un effet incertain sur l’emploi et le revenu global, avec un risque de dérapage des finances publiques et une complexité accrue du système fiscal. De plus, à notre connaissance, ce type de dispositif n’a jamais été appliqué dans aucun pays. On ne dispose donc d’aucune connaissance empirique précise quant au sens et à l’ampleur de ses effets. Dans ces conditions, avant de consacrer plusieurs milliards d’euros à une détaxation générale des heures supplémentaires, il nous apparaît indispensable d’expérimenter cette réforme sur une échelle réduite. Une telle expérimentation pourrait se dérouler dans un ou plusieurs secteurs confrontés à des difficultés de recrutement, comme l’hôtellerie, la restauration ou le bâtiment par exemple. Si elle est réussie, la reforme sera facile à généraliser. Si les problèmes se révèlent trop nombreux, elle sera plus facile à modifier ou à abandonner ».

a) Des coûts considérables

● Un coût global significatif

La question du chiffrage du dispositif prévu à l’article 1er de la loi TEPA atteste les incertitudes qui affectent cette politique. Lors de la discussion du projet de loi, le coût des allégements de charges sociales était évalué à environ 5 milliards d’euros en année pleine, sur la base d’un volume d’heures supplémentaires inchangé (alors estimé à 900 millions), l’État s’étant engagé à compenser intégralement cette somme aux régimes de sécurité sociale.

Les évaluations du nombre d’heures supplémentaires effectuées ayant été révisées, le gouvernement chiffre désormais le coût net pour les finances publiques de la mise en œuvre de l’article 1er de la loi TEPA à 4,4 milliards d’euros, sur la base d’un volume d’heures supplémentaires de 750 millions (à savoir la somme des 720 millions d’heures supplémentaires estimées pour le secteur marchand non agricole à partir des données de l’ACOSS et des 30 millions du secteur couvert par la mutualité sociale agricole – MSA).

Ce coût prend en compte, conformément au tableau présenté ci-après, les cinq dispositifs suivants qui résultent de l’article 1er de la loi TEPA : l’exonération des cotisations salariales ; la réduction forfaitaire des cotisations patronales ; la neutralisation de la majoration des heures supplémentaires dans l’allégement général dit « Fillon » ; l’exonération de l’impôt sur le revenu ; l’effet d’assiette sur les cotisations salariales et patronales lié à l’augmentation de la majoration à 25 % de la rémunération des heures supplémentaires dans les entreprises de 20 salariés et moins.

Évaluation du coût net pour l’État
de la mise en
œuvre de l’article 1er de la loi TEPA

(en milliards d’euros)

 

Mesures nouvelles

Montants cumulés

 

2007

2008

2009

2007-2008

2007-2009

Exonération (cotisations salariales, CSG, CRDS)

Réduction forfaitaire de cotisations sociales employeur

Coût des compensations des nouvelles exonérations de cotisations sociales

- 0,4

- 0,2


- 0,6

- 2,1

- 0,5


- 2,6

0,0

0,0


0,0

- 2,5

- 0,7


-3,3

- 2,5

- 0,7


- 3,3

Neutralisation de la majoration

Coût des exonérations de charges sociales
(y compris exonération non-compensées)

- 0,2


- 0,8

- 0,6


- 3,3

0,0


0,0

- 0,8


- 4,1

- 0,8


- 4,1

Impôt sur le revenu

Coût total brut des heures supplémentaires TEPA

0,0


- 0,8

- 0,2


- 3,5

- 0,7


- 0,7

- 0,2


- 4,3

- 0,9


- 5,0

Augmentation de la majoration

Coût total net des heures supplémentaires TEPA

0,1

- 0,6

0,4

- 3,0

0,0

- 0,7

0,6

- 3,7

0,6

- 4,4

Source : direction générale du trésor et de la politique économique (DGTPE) du ministère de l’économie et des finances.

L’exonération d’impôt sur le revenu correspond à une dépense fiscale de 221 millions d’euros en 2007 (prévision de 230 millions d’euros pour 2008).

En outre, d’octobre 2007 à septembre 2008, le montant des exonérations de cotisations salariales et patronales déclarées à l’ACOSS s’élève à 2,65 milliards d’euros, conformément au tableau présenté ci-après. Pour 2008, le volume des exonérations de cotisations sociales pourrait s’établir à environ 2,75 milliards d’euros.

Évolution du montant des exonérations de cotisations sociales

(en Mds d’euros)

 

T4 2007

T1 2008

T2 2008

T3 2008

Total des exonérations

569,4

661,8

700,4

705,1

Salariale

421,7

497,4

526,4

531,8

Patronale (entreprises de moins de 20 salariés)

109,9

116,8

123,6

122,9

Patronale (entreprises de plus de 20 salariés)

37,8

47,5

50,5

50,4

Source : ACOSS.

Ces sommes non seulement sont considérables et contribuent au dérapage des finances publiques, mais leur efficacité reste aussi à prouver. Comme l’a montré une étude de la commission des finances de l’Assemblée nationale réalisée au mois d’avril 2008, au final, la mesure coûtera plus cher à l’État (plus de 4 milliards d’euros) qu’elle ne bénéficiera au pouvoir d’achat des salariés (3,78 milliards d’euros) !

● Un coût pour certaines petites entreprises

Comme l’exposait M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, dans son rapport préalable à la discussion du projet de loi, « pour les entreprises, donc s’agissant du coût de l’heure supplémentaire, l’impact du dispositif proposé sera variable selon les cas. Le présent article comprend, en effet, des mesures minorant ce coût (déduction forfaitaire de charges sociales patronales, réforme du calcul de la réduction Fillon) et une mesure pouvant le majorer pour certaines entreprises (majoration salariale par anticipation des quatre premières heures supplémentaires). En pratique, plus le salaire du salarié est faible, plus les mesures proposées diminuent le coût du travail (la déduction de charges patronales étant forfaitaire, la réduction Fillon, dégressive et l’éventuelle majoration salariale, proportionnelle). Par ailleurs, l’éventuel relèvement de 15 points de la majoration salariale ne concernant que les quatre premières heures supplémentaires, l’effet de celui-ci s’atténue progressivement passé ce seuil, ce qui encourage à la réalisation d’un nombre élevé d’heures supplémentaires ».

Les tableaux présentés ci-après, reproduits dans le rapport précité, mettaient en évidence, dès le stade de la discussion du projet de loi, les gains pour les entreprises à l’exception des petites entreprises (moins de vingt salariés) à partir du seuil de 1,5 SMIC.

Cas où sont effectuées 188 heures supplémentaires annuelles sur 47 semaines
dans les entreprises de moins de vingt salariés

(impact mensuel en euros)

Salaire en part de SMIC

Mesure proposée

Majoration Fillon
de 26 à 28,1

Neutralisation Fillon

Déduction forfaitaire HS

Augmentation de la majoration HS

Total

1

33,6

9,0

23,5

- 28,8

37,3

1,1

27,7

9,0

23,5

- 31,6

28,5

1,2

21,8

9,0

23,5

- 34,5

19,7

1,3

15,8

9,0

23,5

- 37,4

10,9

1,4

9,9

9,0

23,5

- 40,3

2,2

1,5

4,0

9,0

23,5

- 43,1

- 6,6

1,6

0,0

0,0

23,5

- 46,0

- 22,5

1,7

0,0

0,0

23,5

- 48,9

- 25,4

Cas où sont effectuées 55 heures supplémentaires annuelles sur 47 semaines
dans les entreprises de moins de vingt salariés

(impact mensuel en euros)

Salaire en part de SMIC

Mesure proposée

Majoration Fillon
de 26 à 28,1

NeutralisationFillon

Déduction forfaitaire HS

Augmentation de la majoration HS

Total

1

28,1

2,9

7,6

- 9,3

29,3

1,1

23,1

2,9

7,6

- 10,2

23,4

1,2

18,2

2,9

7,6

- 11,2

17,5

1,3

13,2

2,9

7,6

- 12,1

11,7

1,4

8,3

2,9

7,6

- 13,0

5,8

1,5

3,4

2,9

7,6

- 14,0

- 0,1

1,6

0,0

0,0

7,6

- 14,9

- 7,3

1,7

0,0

0,0

7,6

- 15,8

- 8,2

Cas où sont effectuées 188 heures supplémentaires annuelles sur 47 semaines
dans les entreprises de plus de vingt salariés

(impact mensuel en euros)

Salaire en part de SMIC

Mesure proposée

Majoration Fillon
de 26 à 28,1

Neutralisation Fillon

Déduction forfaitaire HS

Augmentation de la majoration HS

Total

1

0,0

22,5

7,8

0,0

30,3

1,1

0,0

22,5

7,8

0,0

30,3

1,2

0,0

22,5

7,8

0,0

30,3

1,3

0,0

22,5

7,8

0,0

30,3

1,4

0,0

22,5

7,8

0,0

30,3

1,5

0,0

22,5

7,8

0,0

30,3

1,6

0,0

0,0

7,8

0,0

7,8

1,7

0,0

0,0

7,8

0,0

7,8

Cas où sont effectuées 55 heures supplémentaires annuelles sur 47 semaines
dans les entreprises de plus de vingt salariés

(impact mensuel en euros)

Salaire en part de SMIC

Mesure proposée

Majoration Fillon
de 26 à 28,1

NeutralisationFillon

Déduction forfaitaire HS

Augmentation de la majoration HS

Total

1

0,0

7,3

2,5

0,0

9,8

1,1

0,0

7,3

2,5

0,0

9,8

1,2

0,0

7,3

2,5

0,0

9,8

1,3

0,0

7,3

2,5

0,0

9,8

1,4

0,0

7,3

2,5

0,0

9,8

1,5

0,0

7,3

2,5

0,0

9,8

1,6

0,0

0,0

2,5

0,0

2,5

1,7

0,0

0,0

2,5

0,0

2,5

Source : Direction de la sécurité sociale du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

À la lecture de ces tableaux, l’argument selon lequel en tout état de cause, une heure supplémentaire coûte davantage à l’employeur qu’une heure « normale » paraît quelque peu spécieux. Il a pourtant été utilisé par Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, au cours de la deuxième séance du mercredi 18 mars 2009, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2009 : « Replaçons-nous un instant dans la stratégie d’un chef d’entreprise qui opère un raisonnement microéconomique à l’échelle de son entreprise. Où voyez-vous que des heures supplémentaires coûteraient moins cher que des heures normales ? L’employeur, qui est le seul à apprécier le coût réel pour son entreprise, est de toute façon contraint de payer les heures supplémentaires soit 25 %, soit 50 % de plus. (…) La seule déduction dont il bénéficie est une déduction forfaitaire de 1 euro par heure supplémentaire ou de 1,50 euro pour les entreprises de moins de vingt-cinq salariés. Peut-être mes mathématiques ne sont-elles pas excellentes, mais vous aurez du mal à me démontrer que ces heures-là coûtent moins cher que des heures normales ».

b) Des effets macro-économiques introuvables

La crise actuelle pourrait à elle seule fournir un indice, pour ne pas dire une preuve, de l’insuffisance de la politique fondée sur la relance des heures supplémentaires. De ce point de vue, le moins que l’on puisse dire est que le rapport précité du gouvernement au Parlement sur l’évaluation de la loi ne manque pas d’optimisme lorsqu’il évoque, notamment, les projections suivantes :

– « Les allégements prévus se traduiraient par un effet favorable sur le produit intérieur brut de près de 0,15 %, soit environ la moitié de l’effet favorable sur la croissance de la loi du 21 août 2007 dans son ensemble. L’effet expansionniste de court terme de la réforme des heures supplémentaires repose sur la hausse du pouvoir d’achat des ménages liée à la diminution de l’impôt sur le revenu, aux allégements des cotisations des salariés et à la majoration des heures supplémentaires ».

– « À moyen terme (dès la seconde année, soit 2009) s’ajoutent les effets de la baisse du coût du travail et les effets d’entraînement qui jouent positivement sur l’investissement des entreprises et sur l’emploi ».

– « En revanche, le dispositif d’exonération des heures supplémentaires n’induit pas d’effet malthusien de substitution des heures supplémentaires à d’autres formes de travail (contrat à durée indéterminée, contrat à durée déterminée, intérim, etc.). Les premières observations effectuées confirment cette analyse et démentent l’idée d’un partage du travail à volume total constant : ainsi, 150 000 emplois supplémentaires ont été créés dans le secteur concurrentiel pendant le premier semestre d’application du dispositif, soit entre octobre 2007 et mars 2008 ».

Chacun de ces différents points pourrait en effet être discuté. S’agissant de l’évolution de la croissance, Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, a elle-même rappelé à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009 devant l’Assemblée nationale au mois de mars dernier, que la diminution du produit intérieur brut (PIB) est de 1,2 % au quatrième trimestre 2008 ; le projet de loi de finances rectificative est construit quant à lui sur l’hypothèse d’une diminution du PIB de 1,5 % en 2009.

Quant à la situation actuelle de l’emploi, elle est certes en partie dépendante de la conjoncture internationale. Cet élément peut-il pour autant exonérer les politiques menées de toute responsabilité ? Or les données relatives à l’évolution du chômage que l’on peut recueillir sur une période commençant au 1er octobre 2007 sont particulièrement éloquentes, comme le montre le graphe suivant. Fin avril 2008, on dénombrait 1,9 million de demandeurs d’emploi de catégorie 1 (25). Fin janvier 2009, ce nombre est de 2,2 millions : autrement dit, en neuf mois, le nombre de demandeurs d’emploi s’est accru de 300 000 !

Il n’est pas inutile de rappeler que même les plus farouches opposants aux trente-cinq heures reprennent les évaluations de la DARES selon lesquelles 350 000 emplois au moins auraient été créés par les lois sur la réduction du temps de travail de 1998 à 2002 (26).

Source : ministère du travail.

Quant à l’évolution de l’emploi, celle-ci n’est pas plus favorable : au quatrième trimestre 2008, l’économie française a détruit 106 800 postes dans les secteurs concurrentiels (- 0,6 %), après une baisse de 28 100 (- 0,2 %) au trimestre précédent. Sur un an, entre le 31 décembre 2007 et le 31 décembre 2008, 100 500 postes ont été supprimés, ce qui représente une diminution de 0,6 %.

Plus encore, non seulement l’effet sur l’économie du développement des heures supplémentaires n’est pas avéré, mais les heures supplémentaires peinent, selon certains économistes, à jouer leur rôle de ralentisseur économique. En effet, on peut considérer que trois étapes rythment le cycle de l’emploi en temps de crise (27) : en période de ralentissement, il est fréquent que les entreprises commencent à ajuster leur comportement en réduisant le nombre d’heures supplémentaires et en ayant recours au chômage partiel ; dans un deuxième temps, elles procèdent à la suppression des emplois intérimaires et ne renouvellent pas les contrats à durée déterminée ; enfin, dans un troisième temps, elles licencient, ce qui crée généralement un décalage de deux ou trois trimestres entre l’évolution du produit intérieur brut (PIB) et celle de l’emploi.

Or aujourd’hui, ce cycle se déroule de manière particulière : les entreprises auraient privilégié (au moins dans un premier temps) le maintien d’heures supplémentaires, passant d’une certaine façon directement à la seconde étape en ne renouvelant pas les contrats à durée déterminée et en supprimant les emplois intérimaires ; elles auraient ainsi écarté plus rapidement les salariés précaires du marché du travail, pour deux raisons : d’une part, du fait de l’existence des avantages fiscaux et sociaux des rémunérations supplémentaires, empêchant d’une certaine façon les heures supplémentaires de jouer leur rôle d’amortisseur ; d’autre part, du fait de l’existence d’un volant particulièrement important d’emplois intérimaires et de contrats à durée déterminée. À titre de comparaison, au moment de la crise de 1993, on dénombrait quelque 300 000 emplois intérimaires. En 2007, ceux-ci atteignent 700 000. Or ces emplois ont chuté de manière régulière depuis le mois d’avril 2007 (706 000) jusqu’en janvier 2009 (où on dénombre 513 200 emplois intérimaires), ce qu’illustre le graphe suivant. En revanche, le nombre d’heures supplémentaires ne commence à diminuer que plus tardivement dans le cycle, à compter de novembre 2008 (28).


Source : Unédic.

Dès lors, on observe des pratiques pour le moins étonnantes de la part de certaines entreprises, qui continuent à faire effectuer des heures supplémentaires par leurs salariés tout en recourant au chômage partiel, à l’image de certaines entreprises automobiles. De même, les trente-cinq heures, dénoncées comme étant un carcan, tendent à devenir une nouvelle forme d’amortisseur de la crise : les salariés doivent utiliser leurs jours attribués au titre de la réduction du temps de travail pour diminuer les effets de la crise… dont seul le gouvernement est responsable. Ce mouvement peut être observé dans le secteur automobile également.

Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que certains observateurs s’interrogent : « un emploi salarié coûtait en 2007 41 000 euros en moyenne en France. Au lieu de dépenser 4 milliards d’euros avec comme résultat de dissuader les entreprises qui le pourraient d’embaucher, l’État pourrait donc, avec la même somme, financer entièrement 100 000 emplois supplémentaires ou encore, avec une subvention correspondant au tiers de leur coût, 300 000 de plus… » (29).

*

La Commission rejette l’article 2.

Article 5

Gage

Le présent article propose le traditionnel gage, fondé sur l’assiette des droits de consommation sur le tabac, destiné à compenser les charges qui résultent de la présente proposition de loi pour l’État, Pôle emploi et l’AFPA.

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La Commission rejette l’article 5.

*

La Commission rejette l’ensemble de la proposition de loi.

En conséquence, la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l’Assemblée nationale de rejeter la proposition de loi pour l’augmentation des salaires et la protection des salariés et des chômeurs (n° 1541).

TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Proposition de loi pour l’augmentation des salaires

et la protection des salariés et des chômeurs

 

Article 1er

 

I. – Si à compter du 1er septembre 2009, l’entreprise n’est pas couverte par un accord salarial d’entreprise de moins d’un an en application de l’article L. 2242-8 du code du travail ou par un accord salarial de branche en application de l’article L. 2241-2 du même code, les réductions de cotisations sociales visées à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale sont suspendues au titre des rémunérations versées à compter de cette date et jusqu’à ce que l’entreprise soit couverte par un nouvel accord.

   
 

II. – À compter du 1er janvier 2010, chaque année, les réductions de cotisations sociales visées à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ne sont appliquées que pour les entreprises couvertes par un accord salarial d’entreprise de moins d’un an en application de l’article L. 2242-8 du code du travail ou par un accord salarial de branche en application de l’article L. 2241-2 du même code.

Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail,

de l'emploi et du pouvoir d'achat

Article 2

Art. 1er. – I. - Après l'article 81 ter du code général des impôts, il est inséré un article 81 quater ainsi rédigé :

« Art. 81 quater. - I. - Sont exonérés de l'impôt sur le revenu :

1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies à l'article L. 3121-11 du code du travail et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l'article L. 3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application du troisième alinéa de l'article L. 3123-7 du même code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l'article L. 3122-4 du même code, à l'exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l'accord lorsqu'elle lui est inférieure.

L'exonération mentionnée au premier alinéa est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l'article L. 3121-44 du code du travail, à des jours de repos dans les conditions prévues à l'article L. 3121-45 du même code ;

2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies au 4° de l'article L. 3123-14, aux articles L. 3123-17 et L. 3123-18 du code du travail ou définies au onzième alinéa de l'article L. 212-4-3 du même code applicable à la date de publication de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail ;

3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu'ils réalisent ;

4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants et L. 423-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles au titre des heures supplémentaires qu'ils accomplissent au-delà d'une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures, ainsi que les salaires qui leur sont versés au titre des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable ;

5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu'ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;

6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu'ils effectuent ou, dans le cadre de conventions de forfait en jours, les salaires versés en contrepartie des jours de repos auxquels les salariés auront renoncé au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours.

II.- L'exonération prévue au premier alinéa du I s'applique :

1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :

a) Des taux prévus par la convention collective ou l'accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;

b) A défaut d'une telle convention ou d'un tel accord :

– pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au premier alinéa de l'article L. 3121-22 du code du travail et au I de l'article L. 713-6 du code rural ;

– pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;

– pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue à l'article L. 3121-46 du code du travail, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre d'heures de travail prévu dans le forfait, les heures au-delà de la durée légale étant pondérées en fonction des taux de majoration applicables à leur rémunération ;

2° A la majoration de salaire versée dans le cadre des conventions de forfait mentionnées au second alinéa du 1° du I et au 6° du I, dans la limite de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait, majorée de 25 % ;

3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.

III.- Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l'employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.

Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d'autres éléments de rémunération au sens de l'article 79, à moins qu'un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l'élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.

De même, ils ne sont pas applicables :

– à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l'article L. 3123-15 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l'horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret ;

– à la rémunération d'heures qui n'auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 20 juin 2007, de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l'article L. 3122-4 du code du travail.

II. - Dans le troisième alinéa du 1 de l'article 170 et dans le c du 1° du IV de l'article 1417 du même code, avant la référence : « 81 A », est insérée la référence : « 81 quater, ».

III. - Après le e du 3° du B du I de l'article 200 sexies du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les revenus exonérés en application de l'article 81 quater sont retenus pour l'appréciation du montant des revenus définis au a. »

IV. - Après l'article L. 241-16 du code de la sécurité sociale, sont insérés deux articles L. 241-17 et L. 241-18 ainsi rédigés :

« Art. L. 241-17. - I.- Toute heure supplémentaire ou complémentaire ou toute autre durée de travail effectuée, lorsque sa rémunération entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par cet article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d'origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.

Le premier alinéa est applicable aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l'article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa.

II.- La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l'ensemble de sa rémunération versée au moment du paiement de cette durée de travail supplémentaire et ne peut dépasser ce montant.

III.- Le cumul de la réduction prévue au I avec l'application d'une exonération totale ou partielle de cotisations salariales de sécurité sociale ou avec l'application de taux réduits, d'assiettes forfaitaires ou de montants forfaitaires de cotisations ne peut être autorisé, dans la limite mentionnée au premier alinéa du I, que dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les salariés concernés.

IV.- Le bénéfice de la réduction prévue au I est subordonné à la mise à la disposition des agents du service des impôts compétent ou des agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 du présent code et à l'article L. 724-7 du code rural, par l'employeur, d'un document en vue du contrôle de l'application du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-5-2, L. 133-8, L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code et à l'article L. 812-1 du code du travail, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret.

« Art. L. 241-18. - I. - Toute heure supplémentaire ou toute autre durée de travail, à l'exception des heures complémentaires, effectuée par les salariés mentionnés au II de l'article L. 241-13 du présent code, lorsque sa rémunération entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d'un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.

« II. - Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I du même article 81 quater.

« III. - Les déductions mentionnées aux I et II sont imputées sur les sommes dues par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural pour chaque salarié concerné au titre de l'ensemble de sa rémunération versée au moment du paiement de cette durée de travail supplémentaire et ne peuvent dépasser ce montant.

« IV. - Les déductions mentionnées aux I et II sont cumulables avec des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l'employeur au titre de l'ensemble de la rémunération du salarié concerné.

« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II du présent article est subordonné au respect des conditions prévues au III de l'article 81 quater du code général des impôts.

« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I du présent article est subordonné au respect du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.

« V. - Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné au respect des obligations déclaratives prévues par le IV de l'article L. 241-17. »

V. - L'article L. 241-13 du même code est ainsi modifié :

1° Le III est ainsi modifié :

a) La dernière phrase du premier alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Il est fonction du rapport entre le salaire minimum de croissance calculé pour un mois sur la base de la durée légale du travail et la rémunération mensuelle du salarié telle que définie à l'article L. 242-1, hors rémunération des heures complémentaires et supplémentaires dans la limite, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au I de l'article L. 212-5 du code du travail et à l'article L. 713-6 du code rural et hors rémunération des temps de pause, d’habillage et de déshabillage versée en application d’une convention ou d’un accord collectif étendu en vigueur au 11 octobre 2007. Pour les salariés qui ne sont pas employés à temps plein ou qui ne sont pas employés sur tout le mois, le salaire minimum de croissance pris en compte est celui qui correspond à la durée de travail prévue au contrat. » ;

b) Dans le deuxième alinéa, les mots : « dont la rémunération ne peut être déterminée selon un nombre d'heures de travail effectuées et dans celui des salariés » sont supprimés ;

c) Dans les deuxième et troisième phrases du troisième alinéa, le mot : « horaire » est supprimé ;

2° Les deuxième à cinquième alinéas du V sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :

« 1° Avec la réduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-14 ;

« 2° Avec les déductions forfaitaires prévues à l'article L. 241-18. »

VI. - Le même code est ainsi modifié :

1° L'article L. 131-4-1, tel qu'il résulte de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail, devient l'article L. 131-4-2 ;

2° Le dernier alinéa du IV de l'article L. 131-4-2, tel qu'il résulte du 1°, et la dernière phrase du III bis de l'article L. 241-10 sont complétés par les mots : « , à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 » ;

3° Dans le dernier alinéa de l'article L. 241-6-4, après les mots : « à l'exception », sont insérés les mots : « de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 et » ;

4° Le dernier alinéa de l'article L. 241-14 est complété par les mots : « et de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 » ;

5° Le IV bis de l'article L. 752-3-1 est complété par les mots : « , à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 ».

VII. - Le sixième alinéa de l'article L. 981-6 du code du travail est complété par les mots : « , à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale ».

VIII. - 1. Le deuxième alinéa du VI de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville et le VI de l'article 131 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003) sont complétés par les mots : « , à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale ».

2. Le neuvième alinéa du VII de l'article 130 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 est complété par les mots : « , à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale ».

IX. - Le livre VII du code rural est ainsi modifié :

1° Dans l'article L. 741-4, le mot et la référence : « et L. 241-13 » sont remplacés par les références : « , L. 241-13, L. 241-18 » ;

2° Le dernier alinéa de l'article L. 741-5 est complété par les mots : « et de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale » ;

3° Dans l'article L. 741-15, les mots : « de l'article L. 241-13 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 241-13, L. 241-17, L. 241-18 » ;

4° Dans le dernier alinéa des articles L. 741-15-1 et L. 741-15-2, la référence : « L. 241-13 » est remplacée par la référence : « L. 241-18 » ;

5° Dans le 2° de l'article L. 713-1, les mots : « et 6° » sont remplacés par les mots : « , 6°, 6° bis, 6° ter, 6° quater et au 12° ».

X. - Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel sont informés par l'employeur des volumes et de l'utilisation des heures supplémentaires et complémentaires effectuées par les salariés de l'entreprise ou de l'établissement. Un bilan annuel est transmis à cet effet.

XI. - Le I de l'article 4 de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise est abrogé, ainsi que le III en tant qu'il s'applique au I.

XII. - Le décret mentionné au I de l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale peut prévoir une majoration, jusqu'au 31 décembre 2008, du montant de la déduction forfaitaire qu'il fixe pour les entreprises de plus de vingt salariés auxquelles est applicable le régime dérogatoire prévu au II de l'article 4 de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 précitée.

XIII. - Les I à IX et le XII sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail effectuées à compter du 1er octobre 2007. Le XI entre en vigueur à la même date.

XIV. - Le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur l'évaluation de l'application du présent article avant le 31 décembre 2008. Ce rapport rend notamment compte :

– de l'évolution du nombre d'heures supplémentaires, complémentaires et choisies constatée à l'échelle nationale et par branche d'activité ;

– de l'impact sur l'économie nationale et les finances publiques de cette évolution ;

– de l'évolution des salaires dans les entreprises selon l'importance de leur recours aux heures supplémentaires, complémentaires et choisies ;

– des conséquences du présent article pour l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics en tant qu'employeurs.

XV. - Les IV, V, IX, XI et XIII s'appliquent de façon identique à Saint-Pierre-et-Miquelon.

L’article 1er de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat est abrogé.

 

Article 3

 

(Dispositions déclarées irrecevables,

en application de l’article 40 de la Constitution,

avant l’examen du texte par la Commission)

Ordonnance n°2006-433 du 13 avril 2006 relative à

l'expérimentation du contrat de transition professionnelle

L’ordonnance n° 2006-433 du 13 avril 2006 relative à l’expérimentation du contrat de transition professionnelle est ainsi modifiée :

 

1° L’article 1er est ainsi modifié :

Art. 1. – A titre expérimental, les dispositions de la présente ordonnance s'appliquent aux procédures de licenciement pour motif économique engagées entre le 15 avril 2006 et le 1er décembre 2009 par les entreprises non soumises aux dispositions de l'article L. 321-4-3 du code du travail à l'égard des salariés de leurs établissements implantés dans les bassins d'emploi de Charleville-Mézières, Montbéliard, Morlaix, Saint-Dié-des-Vosges, Toulon, Valenciennes et Vitré.

a) Au premier alinéa, les mots : « À titre expérimental, », « entre le 15 avril 2006 et le 1er décembre 2009 » et « implantés dans les bassins d’emploi de Charleville-Mézières, Montbéliard, Morlaix, Saint-Dié-des-Vosges, Toulon, Valenciennes et Vitré » sont supprimés ;

Elles s'appliquent également aux procédures de licenciement pour motif économique engagées entre une date fixée par décret et le 1er décembre 2009 dans dix huit bassins d'emploi caractérisés par une situation économique, démographique et sociale très défavorable pour l'emploi. La liste de ces bassins est fixée par décret.

………………………………………………………….

Les bassins d'emploi mentionnés au premier alinéa sont délimités par arrêté ministériel.

………………………………………………………….

b) Les deuxième et sixième alinéas sont supprimés ;

 

2° L’article 2 est ainsi modifié :

Art. 2. – L'employeur propose à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique de conclure un contrat de transition professionnelle avec la filiale de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes créée à cet effet.

a) Le premier alinéa est complété par les mots : « ou avec l’organisme mentionné à l’article L. 5312-1 du code du travail » ;

Cette proposition doit être faite avant le 10 décembre 2009, soit lors de l'entretien préalable au licenciement, soit à l'issue de la dernière réunion des instances représentatives du personnel.

b) Au deuxième alinéa, les mots : « avant le 10 décembre 2009 » sont supprimés ;

Art. 2-1. – Pour les bassins d'emploi mentionnés au deuxième alinéa de l'article 1er, l'organisme mentionné à l'article L. 5312-1 du code du travail assure les missions dévolues à la filiale mentionnée à l'article 2.

3° L’article 2-1 est abrogé ;

 

4° L’article 4 est ainsi modifié :

 

a) La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :

Art. 4. – Le contrat de transition professionnelle est conclu pour une durée de douze mois. Ce contrat a pour objet l'organisation et le déroulement d'un parcours, qui peut comprendre des mesures d'accompagnement, des périodes de formation et des périodes de travail pour le compte de tout employeur à l'exception des particuliers.

« À titre provisoire, le contrat de transition professionnelle est conclu pour une durée de vingt-quatre mois. »

Les périodes de travail prévues à l'alinéa précédent sont accomplies avec l'accord ou sur la proposition de la filiale de l'organisme mentionné à l'article 2, dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée conclus en application du 1° de l'article L. 122-2 du code du travail. Ces contrats sont d'une durée inférieure à six mois, renouvelable une fois avec le même employeur dans la limite d'une durée totale elle-même inférieure à six mois. Ces périodes peuvent également être accomplies dans le cadre de contrats de travail temporaire conclus en application de l'article L. 124-2 du même code. Elles ne peuvent excéder une durée totale de neuf mois.

b) Au deuxième alinéa, le mot : « six » est remplacé par deux fois par le mot : « douze » et le mot : « neuf » est remplacée par le mot « dix-huit ».

Art. 5. – Le contrat de transition professionnelle prend fin de manière anticipée :

………………………………….

5° L’article 5 est ainsi modifié :

2° A la date d'effet d'un contrat de travail à durée déterminée conclu pour au moins six mois ;

3° A la date d'effet d'un contrat de travail temporaire conclu pour au moins six mois ;

………………………………….

a) Aux 2° et 3°, le mot : « six » est remplacé par le mot : « douze » ;

Dans les cas de rupture du contrat de travail mentionnés aux 1°, 2° et 3° par l'employeur ou le salarié avant l'expiration du délai de douze mois suivant la conclusion du contrat de transition professionnelle, le bénéficiaire peut reprendre l'exécution de ce contrat pour la durée restant à courir.

b) Au dernier alinéa, le mot : « douze » est remplacé par le mot : « dix-huit » ;

Art. 11. – Tout employeur mentionné à l'article 2 qui procède au licenciement pour motif économique d'un salarié sans lui proposer le bénéfice d'un contrat de transition professionnelle acquitte une contribution égale à un mois du salaire moyen perçu par le salarié au cours des douze mois précédant le licenciement et aux cotisations sociales patronales afférentes. Cette contribution est recouvrée et contrôlée par l'institution mentionnée à l'article L. 311-7 du code du travail pour le compte de la filiale de l'organisme mentionné à l'article 2 de la présente ordonnance selon les règles applicables aux contributions mentionnées à l'article L. 351-3-1 du même code.

………………………………….

6° Au premier alinéa de l’article 11, les mots : « un mois » sont remplacés par les mots : « deux mois » ;

Art. 13-1. – Le premier alinéa de l'article 11 ne s'applique pas aux procédures de licenciement engagées entre le 1er décembre 2008 et la date de publication de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 dans les bassins d'emploi mentionnés au premier alinéa de l'article 1er lorsqu'a déjà eu lieu, soit l'entretien préalable au licenciement, soit la première réunion des instances représentatives du personnel.

7° À l’article 13-1, les mots : « n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 dans les bassins d’emploi mentionnés au premier alinéa de l’article 1er » sont remplacés par les mots : « de la loi n°         du                  pour l’augmentation des salaires et la protection des salariés et des chômeurs » ;

 

8° L’article 13-2 est ainsi modifié :

 

a) La première phrase est ainsi rédigée :

Art. 13-2. – Dans les bassins d'emploi mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article 1er, la filiale mentionnée à l'article 2 ou l'organisme mentionné à l'article 2-1 propose aux personnes ayant adhéré, à compter d'une date fixée par décret, à la convention de reclassement personnalisé mentionnée à l'article L. 1233-65 du code du travail, de conclure un contrat de transition professionnelle. Ce contrat est conclu pour une durée de douze mois de laquelle est déduite la durée ayant couru depuis la conclusion de la convention de reclassement personnalisé. Pour les personnes ayant accepté de conclure un contrat de transition professionnelle, la convention de reclassement personnalisé prend fin à la date à laquelle débute le contrat de transition professionnelle.

« La filiale de l’association nationale pour l’emploi ou l’organisme mentionné à l’article L. 5312-1 du code du travail, mentionnés à l’article 2 propose aux personnes ayant adhéré, à compter d’une date fixée par décret, à la convention de reclassement personnalisé mentionnée à l’article L. 1233-65 du code du travail, de conclure un contrat de transition professionnelle. » ;

 

b) Dans la deuxième phrase de l’article 13-2, le mot : « douze » est remplacée par « vingt-quatre ».

 

Article 4

 

(Dispositions déclarées irrecevables,

en application de l’article 40 de la Constitution,

avant l’examen du texte par la Commission)

 

À titre exceptionnel et pendant vingt-quatre mois à compter de la date de promulgation de la présente loi, les salariés inscrits sur la liste des demandeurs d’emploi auprès de l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail, suite à une fin de contrat à durée déterminée ou suite à une fin de contrat de travail temporaire, bénéficient d’une prolongation de six mois de leur indemnisation chômage, lorsqu’ils ont épuisé leurs droits à l’assurance chômage pendant cette période. Cette indemnisation supplémentaire est prise en charge par l’État.

 

Article 5

 

Les charges pour l’État engendrées par les articles de la présente proposition de loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

 

Les charges pour Transitio CTP, filiale de l’Association nationale pour la formation professionnelle, et pour l’organisme mentionné à l’article L. 5312-1 du code du travail engendrées par les articles de la présente proposition de loi sont compensées à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

© Assemblée nationale

1 () Observatoire de l’ANPE, L’essentiel, n° 14, octobre 2007.

2 () Données pour l’année 2007 extraites du projet annuel de performances de la mission « Travail et emploi » pour 2009.

3 () Observatoire de l’ANPE, L’essentiel, n° 14, octobre 2007.

4 () Observatoire de l’ANPE, L’essentiel, n° 3, juin 2006.

5 () Point’statis, n° 37, novembre 2008.

6 () Cette date correspondant à celle à laquelle devaient avoir été engagées les procédures de licenciement susceptibles d’ouvrir droit à un CTP.

7 () Décret n° 2009-111 du 30 janvier 2009.

8 () Décret n° 2009-339 du 27 mars 2009 relatif à la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi par le régime d’assurance chômage.

9 () Le revenu disponible brut est diminué des impôts et cotisations sociales versés. Les quatre principaux impôts directs pris en compte sont : l’impôt sur le revenu, la taxe d’habitation, la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution à la réduction de la dette sociale (CRDS). En revanche, les droits de succession ne figurent pas dans ce décompte.

10 () Voir par exemple le rapport de Philippe Moati et Robert Rochefort pour le Conseil d’analyse économique, « Mesurer le pouvoir d’achat », janvier 2008.

11 () Camille Landais, « Les hauts revenus en France (1998-2006) : une explosion des inégalités ? », juin 2007.

12 () « La France en transition, 1993-2005 », Rapport n° 7 du CERC, 2006.

13 () Entretien avec Philippe Askenazy, Liaisons sociales magazine, mars 2009.

14 () Thomas Piketty, « Profits, salaires et inégalités », Libération, 17 mars 2009.

15 () Note de veille du Centre d’analyse stratégique, « Le partage collectif des bénéfices : un outil efficace pour la productivité et le pouvoir d’achat ? », février 2009.

16 () Voir le rapport établi sur le projet de loi par M. Yves Bur au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales (n° 1211), octobre 2008.

17 () Communication de la Cour des comptes à la Commission des finances, de l’économie générale et du Plan de l’Assemblée nationale, « Les exonérations de charges sociales en faveur des peu qualifiés », juillet 2006.

18 () Les salariés qui occupent un emploi faiblement rémunéré risqueraient encore plus qu’avant l’allégement des charges de ne pas bénéficier d’augmentations salariales, puisqu’une augmentation de salaire se traduit pour l’employeur par une augmentation plus que proportionnelle du coût.

19 () Dispositions de l’article 4 de la loi n° 82-957 du 13 novembre 1982 relative à la négociation collective et au règlement des conflits collectifs du travail, anciennement codifiées aux articles L. 132-12 et L. 132-27 du code du travail.

20 () Voir le bilan de la négociation collective pour 2007 établi par les services du ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

21 () « Sur les heures supplémentaires, on ne sait pas grand chose. Il faut être très prudent. Au moment de la loi, on partait des estimations de la direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail, qui évaluait à 900 millions le nombre d’heures supplémentaires réalisées en France. Or si on ramène le volume d’heures supplémentaires du quatrième trimestre 2007 en année pleine (sachant qu’en fin d’année il y a traditionnellement beaucoup d’heures supplémentaires), on arrive à environ 600 millions. On est loin des 900 millions attendus », Eric Heyer, Observatoire français des conjonctures économiques, La Tribune, mercredi 12 mars 2008.

22 () L’erreur résulterait d’une extrapolation sur les entreprises de moins de dix salariés des données disponibles pour les entreprises en comptant plus de dix. En particulier, le décalage serait imputable à hauteur de 140 millions aux très petites entreprises, car celles-ci n’auraient effectué que 165 millions d’heures au lieu des 305 millions que les calculs réalisés laissaient attendre.

23 () Premières informations et premières synthèses, « Évaluation du volume d’heures supplémentaires rémunérées des salariés des secteurs concurrentiels en 2006 », octobre 2008, n° 40.5. Se reporter à cette publication pour une description des biais statistiques.

24 () La durée hebdomadaire moyenne du travail de l’ensemble des salariés en France est de 36,5 heures, en Allemagne de 34,6 heures ; la moyenne européenne est de 36,8 heures (Eurostat, quatrième trimestre 2007). Comme l’a montré par ailleurs le Conseil d’analyse économique, la France se distingue de ses voisins européens non par le processus de réduction du temps de travail en soi, mais parce que celui-ci affecte les salariés à temps plein alors dans les autres États il se traduit par le développement des emplois à temps partiel.

25 () Les demandeurs d’emploi de catégorie 1 sont les personnes inscrites à Pôle emploi déclarant être à la recherche d’un emploi à temps plein et à durée indéterminée, ayant éventuellement exercé une activité occasionnelle ou réduite d’au plus 78 heures dans le mois. À compter de février 2009 est appliquée une nouvelle nomenclature qui distingue notamment les demandeurs d’emploi de catégorie A, définis comme ceux qui sont « tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, sans emploi ». Le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A est en augmentation de 3,5 % de janvier 2009 à février 2009.

26 () Voir par exemple le rapport d’information de la mission d’information commune sur l’évaluation des conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail de l’Assemblée nationale (n° 1544, avril 2004).

27 () Cette analyse est notamment développée par Eric Heyer, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) – voir par exemple Le Monde, jeudi 1er janvier 2009, Les Échos, mercredi 21 janvier 2009.

28 () Le dernier chiffre publié par l’ACOSS est celui de novembre 2008, à savoir 44,2 millions. Ce chiffre est en baisse par rapport à celui d’octobre (47 millions). Certes, cette inflexion est encore légère.

29 () Voir l’article de Guillaume Duval, « Chômage et heures sup : au royaume d’Ubu », 2008.