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N° 1600

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 avril 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (N° 1542) DE M. DANIEL GOLDBERG visant à supprimer le « délit de solidarité »,

PAR M. Daniel GOLDBERG,

Député.

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INTRODUCTION 5

I. LA RÉPRESSION DE L’AIDE À L’ENTRÉE, À LA CIRCULATION ET AU SÉJOUR IRRÉGULIERS DES ÉTRANGERS : UN DISPOSITIF PARTICULIÈREMENT SÉVÈRE 7

A. L’ÉVOLUTION DU DÉLIT D’AIDE À L’ENTRÉE, À LA CIRCULATION ET AU SÉJOUR : UN DISPOSITIF DE PLUS EN PLUS SÉVÈRE 7

1. Le délit d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour des étrangers : une infraction autonome justifiée par la nécessité de lutter contre les réseaux de passeurs 7

2. Les articles 622-1 à 622-10 du CESEDA 8

B. UN DÉLIT EXTRÊMEMENT GÉNÉRAL DONT LA RÉPRESSION DÉPEND DE LA JURISPRUDENCE ET DE LA DOCTRINE ADMINISTRATIVE 11

1. La prise en compte insuffisante des circonstances de l’aide 11

2. Des immunités insuffisantes qui sont complétées par la jurisprudence ou la pratique administrative 13

C. L’AIDE AUX ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE : UNE NÉCESSITÉ PARADOXALEMENT RECONNUE PAR L’ÉTAT 16

II. LA GÉNÉRALITÉ DU DÉLIT D’AIDE AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS RISQUE D’ENTRAVER TOUTE FORME DE SOLIDARITÉ À L’ÉGARD DES ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE 18

A. LE TRAVAIL SOCIAL ET HUMANITAIRE EN FAVEUR DES ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE EST FRAGILISÉ PAR L’ARTICLE L. 622-1 DU CESEDA 18

1. Une application qui fragilise le travail social et l’action humanitaire 18

2. La situation particulière du Calaisis 21

B. UNE MODIFICATION LÉGISLATIVE INDISPENSABLE 22

DISCUSSION GÉNÉRALE 25

EXAMEN DES ARTICLES 27

Article 1er [art. L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile] : Dépénalisation de l’aide au séjour irrégulier à titre gratuit — substitution du terme de « transit » à celui de « circulation » — Extension à l’aide à l’entrée et au transit de l’immunité pour raison humanitaire 27

Article 2 [art. L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit
d’asile] : Extension des immunités pour l’aide au séjour
30

TABLEAU COMPARATIF 35

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 37

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 41

Mesdames, Messieurs,

La commission des Lois est aujourd’hui saisie d’une proposition visant à supprimer le « délit de solidarité », déposée par les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Cette proposition de loi vise à modifier les articles L. 622-1 et L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de sanctionner uniquement l’aide au séjour irrégulier quand elle est le fait de filières d’immigration clandestine.

En effet, la législation française, telle qu’a été mise en place en 1938 dans un contexte historique bien particulier, pénalise toutes les formes d’aide au séjour d’une personne en situation irrégulière, sans prendre en considération les motifs de ce comportement. Il en résulte qu’une personne apportant un peu de réconfort à un étranger dans le dénuement encourt les mêmes peines qu’une personne qui profite de la misère et de l’espoir d’un migrant. Si les conséquences économiques et sociales de migrations internationales non contrôlées peuvent justifier que chaque pays réglemente les conditions d’entrée et de séjour des étrangers, il n’est pas acceptable que notre droit positif condamne des comportements dictés par des considérations d’humanité élémentaires.

Le succès du film « Welcome » de Philippe Lioret a permis à beaucoup de nos concitoyens de connaître l’existence d’une disposition législative qui, bien qu’ancienne, est inique et largement inapplicable. Bien avant ce film, les députés socialistes avaient tenté, par voie d’amendements lors des nombreuses modifications législatives sur les conditions d’entrée et de séjour des étrangers débattues ces dernières années, d’exempter les actions de soutien humanitaire aux étrangers du champ d’application de la loi. Lors de son audition par votre rapporteur, M. Philippe Lioret a fait part des réactions très majoritaires du public qu’il avait perçues à l’issue des nombreuses projections organisées partout en France : après avoir vu ce film, nombreux sont ceux qui ont demandé au réalisateur ce qu’il était possible de faire face à la situation de dénuement des migrants errants sur le littoral de la Manche et de la mer du Nord. Les actions de solidarité, individuelles ou collectives, constituent une réaction naturelle au regard de ces détresses humaines.

Lors de son déplacement à Calais, votre rapporteur a d’ailleurs pu observer que les bénévoles venant en aide aux migrants répondaient à une exigence humanitaire, à l’opposé de tout soutien aux réseaux de passeurs.

Les auditions conduites par votre rapporteur ont mis en lumière que, sur tout le territoire national, au-delà de la situation exceptionnelle de Calais et de sa région, de nombreuses actions de solidarité se développent en direction des étrangers en situation irrégulière.

Dans ce contexte, les dispositions législatives applicables apparaissent singulièrement décalées et il n’est pas neutre que la principale réponse du Gouvernement à cette proposition de loi soit d’avancer que ces dispositions ne seraient, dans les faits, pas appliquées.

Pourtant, si ces dispositions ne conduisent pas à la condamnation de personnes venant en aide de manière désintéressée à des étrangers en situation irrégulière, elles constituent le fondement juridique permettant d’interpeller, de garder à vue, voire de mettre en examen, des bénévoles, des associatifs et des travailleurs sociaux. L’existence même des articles L. 622-1 et suivants du code de séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) entrave leur action, mettant en cause l’un des fondements du travail social qui est l’aide à toute personne, sans aucune distinction. C’est également sur la base de ces articles qu’un certain nombre de décisions administratives touchant des étrangers en situation régulière sont rendues.

La présente proposition de loi offre donc une occasion de modifier la législation sur l’aide au séjour des étrangers en situation irrégulière, afin qu’elle tienne compte des motivations, désintéressées ou non, de cette aide, comme la directive européenne du 28 novembre 2002 le permet.

Votre rapporteur estime ainsi que les articles L. 622-1 et L. 622-4 du CESEDA peuvent évoluer, sans remettre en cause la lutte indispensable contre les filières d’immigration clandestine. Les termes très équilibrés de la proposition de loi examinée par la Commission tiennent donc compte de cet impératif, afin d’éviter que les passeurs ne soient les premiers bénéficiaires d’une modification de la loi, tout en permettant aux citoyens agissant pour la solidarité et l’accès aux droits de poursuivre sereinement leurs missions jugées par tous utiles.

I. LA RÉPRESSION DE L’AIDE À L’ENTRÉE, À LA CIRCULATION ET AU SÉJOUR IRRÉGULIERS DES ÉTRANGERS : UN DISPOSITIF PARTICULIÈREMENT SÉVÈRE

A. L’ÉVOLUTION DU DÉLIT D’AIDE À L’ENTRÉE, À LA CIRCULATION ET AU SÉJOUR : UN DISPOSITIF DE PLUS EN PLUS SÉVÈRE

Le délit d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers des étrangers en France figure dès l’origine au sein de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, en son article 21. Cet article reprend d’ailleurs les termes de l’article 4 du décret-loi du 2 mai 1938 sur la police des étrangers.

1. Le délit d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour des étrangers : une infraction autonome justifiée par la nécessité de lutter contre les réseaux de passeurs

Dès l’origine, le champ d’application de l’incrimination de l’article 21 de l’ordonnance du 21 novembre 1945 est défini de façon très large. En effet, il a été fait le choix de créer une infraction contre les aidants, autonome du délit d’entrée ou de séjour irréguliers sur le territoire. En application, des dispositions applicables en matière de complicité, il serait en effet possible de punir les personnes qui aident à l’entrée, à la circulation ou au séjour des étrangers des mêmes peines que celles qu’encourent les étrangers en situation irrégulière.

La création d’une infraction autonome, aujourd’hui codifiée à l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) permet donc de sanctionner plus sévèrement l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers qu’en appliquant les règles de la complicité :

les peines encourues sont plus lourdes : normalement un complice encourt les mêmes peines que l’auteur. Tel n’est pas le cas pour l’aide à l’entrée ou au séjour irréguliers qui est davantage sanctionnée que l’entrée ou le séjour irréguliers. Ainsi, en 1945, les aidants encouraient une peine d’un mois à un an d’emprisonnement et une amende de 600 francs à 12 000 francs. La loi du 5 juillet 1972 porte ces peines de deux mois à deux ans pour l’emprisonnement et jusqu’à 200 000 francs pour l’amende. Les peines encourues sont de nouveau alourdies par la loi du 31 décembre 1991 qui fixe le quantum de peine actuel (5 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende).

Ces peines pour les aidants sont donc beaucoup plus lourdes que celles qu’encourent les étrangers en situation irrégulière, à savoir un an d’emprisonnement et 3750 euros d’amende. Jusqu’à la loi du 29 octobre 1981, le séjour irrégulier était même passible d’une simple contravention, avant d’être institué en délit puni des mêmes peines que l’entrée irrégulière ;

le champ d’application de l’incrimination est plus vaste : le délit de l’article L. 622-1 est constitué que l’aide soit directe ou indirecte, alors même que l’existence d’une « complicité indirecte » est généralement réfutée par la doctrine et la jurisprudence, n’étant admise que dans des circonstances précises. De la même façon, la jurisprudence refuse de punir la tentative de complicité, alors que l’article L. 622-1 s’applique indifféremment à l’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers et à la tentative d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers.

L’existence d’un délit d’aide à la commission d’un autre délit ne peut se justifier que par un motif d’intérêt général particulièrement fort. En l’occurrence, il s’agit de lutter contre les filières d’immigration clandestine. En effet, l’ensemble des travaux parlementaires sur les lois ayant aggravé la répression dans ce domaine montre que l’objectif clair du législateur était de sanctionner très sévèrement ceux qui participent à de tels réseaux. Les étrangers en situation irrégulière étant les premières victimes de ces réseaux, il est logique qu’ils soient moins sanctionnés que ceux qui ont contribué à leur présence et à leur séjour irréguliers sur le territoire.

De fait, l’existence du délit d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour des étrangers est indispensable pour lutter contre les réseaux d’immigration clandestine. En effet, les dispositions de l’article 225-4-1 du code pénal (1) sur la traite des êtres humains sont très spécifiques et concernent uniquement certains réseaux dont l’activité a pour conséquence des atteintes à la dignité de la personne humaine.

2. Les articles 622-1 à 622-10 du CESEDA

Le régime répressif de l’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour des étrangers fait aujourd’hui l’objet du chapitre II « Aide à l’entrée et au séjour irréguliers » du titre II du Livre VI du CESEDA).

L’article L. 622-1 définit les éléments constitutifs du délit et fixe les peines applicables (premier alinéa). Ces dispositions sont également applicables :

—  aux personnes ayant commis ce délit sur le territoire d’un État partie à la Convention de Schengen (deuxième alinéa) ;

—  aux personnes ayant facilité l’entrée, la circulation ou le séjour d’un étranger dans un État partie à la convention de Schengen (troisième alinéa) ;

—  aux personnes ayant facilité l’entrée, la circulation ou le séjour d’un étranger dans un État partie à la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée du 12 novembre 2000.

Le champ d’application géographique très vaste de l’article L. 622-1 s’explique par l’impératif de lutte contre les filières d’immigration clandestine. Ainsi, dans l’espace Schengen où les personnes peuvent circuler sans contrôle frontalier, il était indispensable de mettre en place des mesures harmonisées de lutte contre l’immigration clandestine. C’est cette même motivation qui a incité les États membres de l’Union européenne à adopter la directive du 28 novembre 2002 définissant l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers ainsi que la décision-cadre du 28 novembre 2002 visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers.

Le droit européen applicable en matière d’aide à l’entrée
et au séjour irréguliers

Le Conseil européen de Tampere de 1999 a souligné l’importance de lutter contre le trafic des êtres humains en rapprochant les règles de droit pénal des États membres. C’est dans cette perspective qu’ont été présentées les deux initiatives qui visent, respectivement, à définir l’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers et à harmoniser les sanctions applicables à de telles infractions.

La directive du 28 novembre 2002 définit l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers. Chaque État membre considère comme une infraction:

—  l’aide directe ou indirecte à l’entrée et au transit irréguliers d’un ressortissant d’un pays tiers. Ce comportement peut toutefois ne pas être sanctionné lorsqu’il a pour objet d’apporter une aide humanitaire ;

—  l’aide directe ou indirecte au séjour d’un ressortissant d’un pays tiers, dans un but lucratif.

Ces infractions doivent être passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. Certains membres de la famille de l’étranger ayant bénéficié de l’aide ainsi que le conjoint peuvent toutefois être exonérés des sanctions.

La décision-cadre du 28 novembre 2002 exige que chaque État membre s’assure que l’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour clandestins soit punissable par des sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives. Des mesures complémentaires peuvent être prises (confiscation du moyen de transport utilisé, interdiction d’exercer l’activité professionnelle dans laquelle l’infraction a été commise, expulsion).

Les infractions font l’objet de peines privatives de liberté d’un minimum de huit ans, lorsqu’elles sont commises dans le cadre des activités d’une organisation criminelle, ou en mettant en danger la vie des personnes faisant l’objet de l’infraction.

Le champ d’application de la proposition ne se limite pas aux personnes physiques. Les personnes morales peuvent également être tenues responsables de (la participation à) l’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers, ou de la tentative de commettre ces infractions. Les sanctions applicables, dont la nature n’est pas précisée, doivent dans tous les cas être effectives, proportionnées et dissuasives.

L’article L. 622-2 constitue une modalité d’application des deuxième, troisième et quatrième alinéas qui permettent l’incrimination d’une aide à l’entrée et au séjour irréguliers commise en dehors du territoire français. Dans une telle hypothèse, la situation irrégulière de l’étranger est appréciée au regard de la législation de l’État partie intéressé.

L’article L. 622-3 énumère les peines complémentaires auxquelles peuvent être condamnées les personnes coupables du délit d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers.

L’article L. 622-4 prévoit des cas d’immunité pénale dans lesquels l’aide au séjour, à l’exclusion donc de l’aide à l’entrée ou à la circulation, ne peut être poursuivie. Il faut distinguer :

—  les immunités familiales, introduites par la loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 : elles s’appliquaient aux ascendants, descendants et au conjoint de l’étranger. La loi n° 98-349 du 11 mai 1998 l’a étendu aux frères et sœurs, aux conjoints des personnes bénéficiant déjà d’une immunité et aux personnes vivant en situation maritale avec l’étranger. Toutefois, la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 a introduit une condition de vie commune s’agissant des conjoints et personnes assimilées ;

—  l’immunité « humanitaire » a été introduite par la loi du 26 novembre 2003. Elle s’applique aux personnes qui ont agi pour sauvegarder la vie et l’intégrité physique de l’étranger, sauf en cas de disproportion des moyens utilisés ou s’il existe une contrepartie. Il résulte de ces conditions que les critères de cette immunité sont plus exigeants que ceux énumérés par l’article 122-7 du code pénal sur l’état de nécessité (2), principe fondamental du droit pénal qui s’applique donc également en l’espèce. Telle qu’elle est rédigée, l’immunité « humanitaire » de l’article L. 622-4 est donc sans réelle portée juridique.

L’article L. 622-5 prévoit des circonstances aggravantes rendant l’infraction punissable de dix ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende. Ces circonstances aggravantes sont destinées à punir plus lourdement certains réseaux de passeurs, notamment en cas d’aide commise en bande organisée, en cas de mise en danger de la vie des étrangers, d’atteinte à la dignité de la personne humaine ou d’éloignement d’un mineur de son milieu familial.

Par ailleurs, l’article L. 622-6 permet la confiscation des biens des personnes condamnées pour aide à l’entrée et au séjour avec une circonstance aggravante, et l’article L. 622-7 permet de prendre à l’égard de ces personnes une mesure d’interdiction du territoire.

Les articles L. 622-8 et L. 622-9 concernent l’application de l’ensemble de ces dispositions aux personnes morales.

L’article L. 622-10 autorise des mesures exceptionnelles pour réprimer l’immigration dans certains départements d’outre-mer dans des conditions bien déterminées : destruction des embarcations fluviales en Guyane, immobilisation du véhicule en Guadeloupe et en Guyane.

Enfin, les articles L. 623-1 à L. 623-3 incriminent une forme spécifique d’aide au séjour irrégulier : la reconnaissance d’enfant et le mariage à seule fin d’obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour ou la nationalité française. Paradoxalement, les peines encourues ne sont pas rigoureusement identiques à celles punissant l’aide au séjour irrégulier, puisqu’elles sont de 5 ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende contre 5 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende pour l’aide au séjour irrégulier. Lorsque les faits sont commis en bande organisée, les sanctions sont identiques : 10 ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende.

B. UN DÉLIT EXTRÊMEMENT GÉNÉRAL DONT LA RÉPRESSION DÉPEND DE LA JURISPRUDENCE ET DE LA DOCTRINE ADMINISTRATIVE

1. La prise en compte insuffisante des circonstances de l’aide

La description des articles L. 622-1 à L. 622-10 du CESEDA montre que la législation française ne tient pas suffisamment compte des circonstances dans lesquelles une personne peut être conduite à aider un étranger à séjourner irrégulièrement sur le territoire.

Ainsi, le contraste est saisissant entre les textes européens, fondés sur la répression des réseaux de passeurs à but lucratif, et la législation française.

Par exemple, l’article 27 de la Convention de Schengen du 19 juin 1990 indique que « Les parties contractantes s’engagent à instaurer des sanctions appropriées à l’encontre de quiconque aide ou tente d’aider, à des fins lucratives, un étranger à pénétrer ou à séjourner sur le territoire d’une Partie contractante en violation de la législation de cette Partie contractante relative à l’entrée et au séjour des étrangers ». De même, l’article 1er de la directive n° 2002/90/CE du Conseil de l’Union européenne du 28 novembre 2002 invite chaque État membre à adopter des sanctions appropriées « à l’encontre de quiconque aide sciemment, dans un but lucratif, une personne non ressortissante d’un État membre à séjourner sur le territoire d’un État membre en violation de la législation de cet État relative au séjour des étrangers ».

À l’inverse, de façon pour le moins paradoxale, notre législation, bien que particulièrement complète, ne sanctionne pas spécifiquement l’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour des étrangers, commis dans un but lucratif. Des circonstances aggravantes existent certes, mais elles sont destinées à sanctionner plus durement certaines aides aux conséquences les plus graves. Les passeurs ne relevant pas de ces circonstances aggravantes (bande organisée…) ne font donc pas l’objet de sanctions plus sévères que les personnes qui aident une personne en situation irrégulière de façon désintéressée. Dans ces conditions, certains juristes s’interrogent même sur la constitutionnalité de ces dispositions au regard de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». (3)

Lors des débats sur la loi n° 94-1136 du 27 décembre 1994 comme lors de ceux sur la loi du 26 novembre 2003, cette situation fut mise en avant, d’autant que ces lois transposaient les textes européens insistant sur la nécessité de réprimer la traite des étrangers à des fins lucratives.

Dans les deux cas, les arguments avancés pour s’opposer à la prise en compte de la motivation de l’aide à l’entrée et au séjour furent les mêmes. Dans son rapport sur la loi du 26 novembre 2003, notre collègue Thierry Mariani écrivait ainsi que « la question d’intégrer la condition “de fins lucratives” s’est déjà posée lors de la transposition de l’accord de Schengen par la loi du 27 décembre 1994 portant modification de l’ordonnance de 1945. Le législateur s’y était opposé afin de "poursuivre des agissements qui relèveraient par exemple de l’infiltration en France d’éléments appartenant à des réseaux d’islamistes, terroristes ou d’espionnage" ». (4)

Votre rapporteur considère que, si ces arguments doivent être pris en considération, les comportements cités font eux-mêmes l’objet de dispositions pénales permettant de les sanctionner. De plus, ces arguments sont bien davantage pertinents à l’égard de l’entrée irrégulière que du séjour irrégulier.

Il est en effet injustifié de sanctionner de la même manière l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers. Dans le cas de l’aide à l’entrée d’un étranger en situation irrégulière, il peut être nécessaire de prévoir des sanctions dans tous les cas, sauf ceux liés à l’état de nécessité, car cette aide constitue réellement le fait générateur de l’entrée irrégulière : sans cette aide, en effet, l’étranger n’aurait pas pu rentrer sur le territoire. S’agissant du séjour, les données du problème sont bien différentes : le seul fait d’aider au séjour un étranger, en l’hébergeant ou en le nourrissant, ne « crée » pas la situation d’irrégularité du séjour, qui préexistait à cette aide.

Ainsi, l’aide au séjour irrégulier ne doit être réprimée que lorsqu’elle constitue un élément avéré d’un réseau d’immigration clandestine. C’est le cas de l’hébergement organisé dans des lieux souvent insalubres de personnes en situation irrégulière par des « marchands de sommeil » ou de la fourniture de faux papiers, comportements qui doivent être sévèrement réprimés.

En revanche, celles et ceux qui aident une personne en situation irrégulière par simple solidarité ne devraient pas pouvoir être mis en cause. Comme l’écrit Michel Reydellet : « ces personnes n’ont aucun point commun ni avec les trafiquants et passeurs, ni avec ceux qui aident des terroristes. La précision évoquée sur les motivations devrait permettre d’exclure les poursuites pénales lorsque l’aide est désintéressée et ne menace en rien l’ordre public : que la motivation soit l’amour (conjoint, concubin, proches parents), l’amitié, la solidarité, qu’on la désigne par la fraternité, l’assistance, la charité (associations), voir la déontologie (médecins, avocats, travailleurs sociaux) ». (5)

2. Des immunités insuffisantes qui sont complétées par la jurisprudence ou la pratique administrative

Une application littérale des articles L. 622-1 et suivants du CESEDA aurait pour conséquence de laisser dans le dénuement le plus total les personnes qui séjournent irrégulièrement sur le territoire.

● L’état de nécessité

Certes, des cas d’immunités ont été prévus, mais ils sont extrêmement restrictifs. En dehors d’une aide donnée dans un cadre familial, au sens strict, elles ne permettent aucune aide au séjour, sauf en cas de danger immédiat pour la vie même de l’étranger.

En effet, les termes du 3° de l’article L. 622-4 sont très restrictifs et même plus étroits que l’article 122-7 du code pénal. Ce dernier autorise à prendre en considération toute menace pour sauvegarder une personne ou son bien, alors que l’article L. 622-4 est limité à la sauvegarde de la vie et de l’intégrité physique de la personne.

Pour autant, il semble que l’existence d’une immunité à caractère spécial ne peut déroger aux règles générales de l’état de nécessité, qui constitue un principe fondamental du droit pénal, appliqué par la jurisprudence bien avant sa consécration législative par le nouveau code pénal, entré en vigueur en 1994. D’ailleurs, l’intention des membres du groupe socialiste, auteurs de l’amendement qui a créé le 3° de l’article L. 622-3 au cours des débats sur la loi du 26 novembre 2003, était clairement énoncée : il s’agissait d’étendre les possibilités d’immunité, et certainement pas de les réduire.

D’après le professeur Marc Segonds : « Si l’on se fie à la jurisprudence la plus récente de la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. crim., 12 oct. 2004 ; Bull. crim. 2004, n° 239), de la consécration d’un fait justificatif à caractère spécial, l’on ne saurait déduire la mise à l’écart des faits justificatifs à caractère général. En la matière, les règles spéciales ne font que s’ajouter aux règles générales et, en aucune façon, n’ont vocation à leur déroger. Les restrictions apportées par l’article L. 622-4, 3°, du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pourraient donc être considérées comme de nulle portée à l’égard de l’article 122-7 du Code pénal » (6).

L’application de l’état de nécessité à l’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour permet donc de ne pas sanctionner des comportements non spécifiquement visés à l’article L. 622-4 tels que :

—  l’aide à l’entrée et à la circulation irrégulière : ne pourrait par exemple pas être poursuivie une personne qui aide un étranger en situation irrégulière persécuté dans son pays à franchir la frontière ;

—  l’aide au séjour lorsque l’intégrité morale de l’étranger est en cause. Pour le professeur Corinne Mascala, l’état de nécessité doit être étendu « à la protection des intérêts moraux supérieurs, tel l’honneur de la personne ou du foyer qui, pour l’honnête homme, ont autant de prix que la vie ». (7) Toute action contribuant à sauvegarder la dignité de l’étranger pourrait donc ne pas encourir de poursuites pénales ;

—  l’aide au séjour qui contribue à la sauvegarde de la personne en général, et non simplement de sa vie : tout acte de soin, même non vital, à l’égard d’un étranger devrait donc bénéficier d’une immunité ;

—  l’aide au séjour qui contribue à la préservation du bien d’une personne en situation irrégulière.

● Le délit d’aide aux étrangers en situation irrégulière doit être intentionnel :

L’article 121-3 du code pénal dispose qu’« il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Ce principe général du droit pénal trouve bien évidemment application dans le domaine de la répression de l’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers.

Tout d’abord, il implique que la personne soupçonnée d’aide à l’immigration irrégulière ait eu précédemment la connaissance du caractère irrégulier de la situation de l’étranger. Ainsi, la plus grande partie des actes de la vie quotidienne — faire des courses, aller chez le médecin, se rendre à une banque alimentaire… — peut être accomplie sans qu’il soit besoin de faire connaître sa situation administrative.

En outre, la jurisprudence du Conseil constitutionnel invite à retenir une interprétation large de la portée de l’article 121-3 du code pénal à l’égard des délits d’aide à l’immigration irrégulière. Dans une décision du 2 mars 2004, après avoir indiqué que « le délit d’aide au séjour irrégulier d’un étranger en France commis en bande organisée ne saurait concerner les organismes humanitaires d’aide aux étrangers », le Conseil constitutionnel a rappelé que « s’applique à la qualification d’une telle infraction le principe énoncé à l’article 121-3 du même code, selon lequel il n’y a point de délit sans intention de le commettre » (8).

Ainsi, du fait même de leur objet humanitaire, les associations de défense des étrangers qui viennent en aide à une personne en situation irrégulière le font dans une finalité qui n’est pas délictuelle. Dès 1998, le Conseil constitutionnel avait estimé « qu’il appartient au juge, conformément au principe de légalité des délits et des peines, d’interpréter strictement les éléments constitutifs de l’infraction définie par l’article 21 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, notamment lorsque la personne morale en cause est une association à but non lucratif et à vocation humanitaire, ou une fondation, apportant, conformément à leur objet, aide et assistance aux étrangers » (9).

Cette large immunité dont doivent bénéficier les associations est d’ailleurs reconnue par l’administration, au-delà de motivations purement humanitaires. Dans une réponse à une question écrite, le ministre de l’Intérieur avait ainsi précisé « que les associations dont la fonction et l’objectif sont d’apporter un soutien aux étrangers dans leurs démarches administratives, afin de faire valoir leur droit au séjour en France, ne sont pas concernées par ces dispositions » (10).

Une autre réponse ministérielle (11), alors que M. Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur, retient une interprétation encore plus stricte de l’incrimination prévue à l’article L. 622-1, en indiquant que « ces dispositions ont essentiellement pour objet de donner les moyens juridiques de lutter contre les réseaux organisés d’immigration clandestine ». Le ministre d’État en concluait par exemple « que le parrainage d’élus en faveur d’étrangers en situation irrégulière ne saurait caractériser à lui seul l’infraction d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers et ne peut de ce fait justifier de poursuites pénales ».

Au total, les termes des articles L. 622-1 et suivants sont particulièrement sévères et disposent d’un champ d’application possible très large. La doctrine administrative s’engageant à restreindre ce champ d’application ne peut s’appuyer sur aucune immunité prévue dans le CESEDA. De même, ce n’est que grâce à des recours réguliers aux décisions du Conseil constitutionnel et au respect des principes généraux du droit pénal que les articles L. 622-1 et suivants ne sont pas appliqués dans toute leur étendue légale. Si chacun s’accorde, votre rapporteur en particulier, à une application de ces articles strictement dirigée vers les filières d’immigration clandestine, ces interventions récurrentes et nécessaires de la jurisprudence révèlent une intelligibilité problématique et persistante de la loi.

Pour autant, malgré cette jurisprudence, ces dispositions des articles L. 622-1 et suivants existent, et elles sont, comme votre rapporteur le montrera, malheureusement parfois opposées à des personnes ou à des associations venant en aide de façon totalement désintéressée à des étrangers en situation irrégulière.

Pour toutes ces raisons, une modification de la loi est nécessaire afin de centrer son application sur le but réellement recherché : la lutte contre les filières d’immigration clandestine.

C. L’AIDE AUX ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE : UNE NÉCESSITÉ PARADOXALEMENT RECONNUE PAR L’ÉTAT

Bien que le législateur ait érigé en délit toute aide directe ou indirecte au séjour d’un étranger en situation irrégulière, l’État a prévu de nombreux dispositifs permettant de venir en aide à cette population. En effet, même en situation irrégulière, les étrangers ont des droits qu’il faut respecter. Par ailleurs, la puissance publique ne peut se désintéresser du sort de personnes qui n’ont parfois aucune ressource pour survivre et qui, pour certaines d’entre elles, demeurent sur le territoire national, soit qu’elles soient mineures, soit qu’elles soient ressortissantes d’un pays qui ne délivre pas de laissez-passer consulaires (pays en guerre,…).

Dans le domaine de la santé, les étrangers en situation irrégulière résidant en France depuis au moins trois mois peuvent bénéficier de l’aide médicale d’État (AME), créée par la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle et modifiée, dans un sens restrictif, par la loi de finances rectificative pour 2003 du 30 décembre 2003. Peuvent également en bénéficier sans condition de durée de résidence les personnes qui nécessitent des soins urgents et vitaux ainsi que les mineurs. L’AME permet la prise en charge des dépenses de soins, de consultations médicales à l’hôpital ou en médecine de ville, de prescriptions médicales et de forfait hospitalier. Le bénéficiaire de l’AME est dispensé de faire l’avance des frais, à l’hôpital ou en médecine de ville. Ainsi, lorsqu’un professionnel de santé intervient auprès d’un étranger en situation irrégulière, la prestation qu’il apporte est directement payée par l’État. Malgré tout, l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière est souvent problématique du fait de la pénurie de personnels soignants, voire du refus, parfois dissimulé, de certains d’entre eux d’accueillir ces patients. Bien entendu, l’accès aux soins des personnes ne bénéficiant pas de l’AME est encore plus problématique et nécessite la participation souvent bénévole de personnels soignants.

S’agissant des mineurs, la convention internationale de New York sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989 leur confère un certain nombre de droits de façon indifférenciée, c’est-à-dire sans tenir compte de leur situation administrative ou de celle de leurs parents. Pour respecter l’article 20 de la convention de New York, l’article L. 111-2 du code de l’action sociale et des familles, précise que l’aide sociale à l’enfance (ASE) n’est subordonnée ni à la régularité du séjour, ni même à une durée minimale de résidence en France. Ainsi, les mineurs isolés étrangers peuvent être placés auprès des services de l’aide sociale à l’enfance. Ces mineurs peuvent, s’ils ont été confiés pendant plus de trois ans aux services de l’aide sociale à l’enfance avant leurs dix-huit ans, demander la nationalité française. Pour autant, nombre de ces lieux d’accueil se trouvent aujourd’hui fragilisés par des moyens humains et financiers insuffisants et par une capacité d’accueil et de suivi restreinte. Ce constat est particulièrement fort en Ile-de-France.

De même, le droit à l’éducation implique l’accès à l’école de tous les enfants. Tous les mineurs présents sur le territoire doivent pouvoir être scolarisés sans condition de régularité de leur séjour. Une circulaire du ministre de l’éducation nationale du 20 mars 2002 pose ainsi le principe suivant : « l’inscription, dans un établissement scolaire, d’un élève de nationalité étrangère, quel que soit son âge, ne peut être subordonnée à la présentation d’un titre de séjour ».

Enfin, dans le domaine de l’hébergement d’urgence, le dispositif est ouvert à toute personne en difficulté, qu’elle soit française ou étrangère, en situation régulière ou irrégulière. Or, l’article l’article 4 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 dispose que : « Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d’hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation ». En application de ces dispositions, un étranger en situation irrégulière accueilli dans une structure d’hébergement d’urgence (12) peut donc y rester : c’est ce que l’on appelle l’hébergement de stabilisation. L’article 21 du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile avait envisagé de revenir sur cette disposition en limitant le droit reconnu à toute personne en difficulté d’être accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence à la seule période où l’urgence était constatée. Au-delà de cette période, l’étranger en situation irrégulière n’aurait pu s’y maintenir. Face à l’émotion suscitée par cette disposition, l’article 21 avait été supprimé par la commission mixte paritaire. Néanmoins, le nombre insuffisant de places ouvertes dans ce dispositif en limite la portée réelle.

II. LA GÉNÉRALITÉ DU DÉLIT D’AIDE AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS RISQUE D’ENTRAVER TOUTE FORME DE SOLIDARITÉ À L’ÉGARD DES ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE

A. LE TRAVAIL SOCIAL ET HUMANITAIRE EN FAVEUR DES ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE EST FRAGILISÉ PAR L’ARTICLE L. 622-1 DU CESEDA

1. Une application qui fragilise le travail social et l’action humanitaire

a) L’application de l’article L. 622-1

Si le ministre de l’immigration, de l’identité nationale, de l’intégration et du développement solidaire ne se trompe pas quand il affirme qu’aucune personne n’a jamais été condamnée sur la base de l’article L. 622-1 alors qu’il a agi par simple geste d’humanité, cela ne signifie pas que l’existence de cette disposition législative ne soit pas problématique.

Les services du ministère de la justice, interrogés par votre rapporteur, ont indiqué que, chaque année, environ 1000 condamnations d’aidants à l’immigration intervenaient, et que la peine moyenne prononcée était de neuf mois d’emprisonnement. Parmi ces personnes, aucune n’aurait agi par pure solidarité. Il semble même qu’aucune affaire concernant un aidant désintéressé n’ait été portée jusqu’à une juridiction de jugement. D’après Mme Nathalie Bécache, sous-directrice de la politique pénale générale à la Direction des affaires criminelles et des grâces, les parquets appliquent en effet une circulaire d’action pénale du 4 décembre 2006 qui met principalement l’accent sur la répression des filières d’immigration clandestine et des passeurs. Pour autant, cette circulaire n’indique pas explicitement que les personnes n’agissant pas dans un but lucratif ne doivent pas être poursuivies (13).

Néanmoins, l’existence de ce délit pose problème. Tout d’abord, si une législation n’est pas appliquée, votre rapporteur considère qu’il faut l’abandonner ou la corriger. Dans le cadre de la démarche de simplification du droit qu’il a initiée, le président Jean-Luc Warsmann a par exemple été conduit à faire abroger de nombreuses lois inappliquées dans les propositions de loi de simplification du droit qu’il a fait adopter.

De plus, la portée symbolique de l’existence de ce délit ne doit pas être négligée. Plusieurs bénévoles rencontrés par votre rapporteur lors de ses auditions se sont émus d’agir en « hors la loi », alors qu’ils ont le sentiment, lorsqu’ils distribuent de la nourriture à des étrangers en situation irrégulière ou leur permettent de se doucher, de réparer une carence de l’État.

Enfin, l’article L. 622-1 a une incidence sur l’action humanitaire en faveur des étrangers en situation irrégulière.

Ainsi, M. Jean-Yves Topin, directeur central de la police aux frontières, a reconnu que des personnes ne faisant pas partie de filières d’immigration clandestine pouvaient être interpellées, gardées à vue, voire mises en examen, pour aide au séjour irrégulier. Certes, il a rappelé que l’objectif judiciaire de la PAF était la lutte contre l’immigration irrégulière, le démantèlement des structures de travail illégal, la neutralisation des officines de fabrication ou de falsification des documents ainsi que toute forme organisée d’immigration clandestine. Néanmoins, dans la mise en œuvre de cette politique orientée vers les personnes qui tirent un profit de l’immigration clandestine, il arrive que des bénévoles ou membres d’associations soient inquiétés. Sur les 4314 aidants interpellés en 2008, 15 feraient partie d’associations de soutien aux migrants (six dossiers d’hébergement, six dossiers de faux documents, deux dossiers d’emploi d’étranger sans titre, un dossier d’aide à la circulation).

TYPOLOGIE DES AIDES À L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE EN 2008

Total

Organisateurs

Passeurs

Logeurs

Employeurs

Faux document

Conjoints de complaisance

 

282

1562

861

1175

303

131

Source : police aux frontières

En effet, le directeur central de la PAF estime qu’il n’y a pas lieu de distinguer a priori les associatifs et bénévoles. Il considère que si leur nom apparaît en relation avec un réseau, même si c’est totalement involontairement de leur part, l’interpellation et la garde à vue permettent de savoir ce qu’il en est exactement, afin éventuellement de les disculper.

b) Un travail social et humanitaire qui est fragilisé

Votre rapporteur a reçu un certain nombre d’associations et de fondations dont les salariés et bénévoles travaillent tous les jours avec des personnes en situation irrégulière.

Les représentants de ces associations ont tous cité des exemples de travailleurs sociaux ou de bénévoles inquiétés par la police pour aide au séjour irrégulier alors qu’ils se contentaient d’accomplir leurs missions, en parfaite conformité avec les statuts de leur association.

L’exposé des motifs de la proposition de loi cite ainsi certains exemples emblématiques : la garde à vue de deux intervenantes sociales travaillant pour France Terre d’Asile en novembre 2007 (pendant plus de 12 heures pour l’une et 24 heures pour l’autre) pour avoir donné leur numéro de portable privé à des jeunes afghans et leur avoir remis une carte attestant qu’ils font l’objet d’un suivi social ; la garde à vue du responsable d’un foyer Emmaüs qui hébergeait un étranger en situation irrégulière en février 2009 à Marseille ; la garde à vue d’une bénévole de l’association « Terre d’errance » en février 2009 dans le Pas-de-Calais pour avoir rechargé le portable d’un migrant…

Ainsi, des personnes qui agissent à titre humanitaire peuvent subir de sérieuses conséquences du seul fait de leur comportement généreux. Une garde à vue n’est en effet jamais un évènement anodin : outre le choc qu’elle peut engendrer sur des personnes qui n’ont aucunement l’habitude de fréquenter les commissariats, elle entraîne une privation de liberté qui peut être traumatisante et peut entacher leur réputation. Comme l’a souligné M. Matthieu Bonduelle du Syndicat de la magistrature, elle entraîne l’inscription de la personne dans les fichiers d’antécédents judiciaires (STIC et Judex), ce qui peut avoir des conséquences néfastes, compte tenu notamment des dysfonctionnements dans l’actualisation de ces fichiers.

Au total, les grandes associations à vocation nationale comme les petites structures locales uniquement composées de bénévoles ont le sentiment unanime que la menace d’une interpellation policière constitue une sérieuse entrave à leur action et est susceptible de dissuader certains bénévoles. Certains estiment même que les différentes gardes à vue intervenues dans ce cadre ont pour but d’intimider les travailleurs sociaux, les salariés de ces structures et leurs bénévoles pour les dissuader d’aider les étrangers en situation irrégulière.

Par ailleurs, les responsables des grands réseaux associatifs ont insisté sur les principes généraux du travail social qui sont mis à mal par l’article 622-1 du CESEDA, notamment celui de l’accueil inconditionnel. En effet, de par la nature de leurs missions, les travailleurs sociaux sont naturellement en contact avec des populations en situation irrégulière qui demandent aide, assistance, conseil ou hébergement. Afin de respecter la déontologie de leurs métiers, les travailleurs sociaux doivent venir en aide à tous ceux qui en ont besoin, indépendamment de leur situation administrative.

Le Conseil supérieur du travail social (CSTS), placé auprès de la secrétaire d’État à la solidarité, a d’ailleurs rendu en juillet 2008 un avis qui aborde ces problématiques en constatant notamment « un besoin urgent de clarification entre différentes réglementations : droit de séjour, droit pénal et civil, droit de tout être humain d’être respecté et de bénéficier de la protection de son intégrité physique et morale ». L’avis conclut en souhaitant la publication d’une circulaire chargée de « clarifier des sujets tels que : la relation d’aide inhérente à l’intervention sociale ; le secret professionnel ; les conditions du délit d’aide au séjour irrégulier ».

Cet avis aborde d’ailleurs d’autres problématiques liées aux interventions des travailleurs sociaux en direction des étrangers en situation irrégulière (interpellations à proximité des lieux d’hébergement, opérations de recherche de sans-papiers dans les centres…) qui ont également été mis en exergue par les responsables associatifs rencontrés par votre rapporteur. L’existence du « délit de solidarité » ne constitue donc pas la seule cause du malaise que l’on peut observer, mais elle joue un rôle important dans celui-ci.

2. La situation particulière du Calaisis

Sur l’ensemble du territoire, des bénévoles et travailleurs sociaux sont inquiétés par les services de police pour être venus en aide à des étrangers en situation irrégulière. Néanmoins, votre rapporteur s’est rendu à Calais, en raison de la situation exceptionnelle sur place, afin d’avoir une approche concrète de la réalité locale. En effet, compte tenu des spécificités de la question migratoire dans le Calaisis, la question de la pénalisation de l’aide au séjour étranger y est particulièrement sensible.

Depuis une quinzaine d’années, le Royaume-Uni est devenu l’« Eldorado » des migrants du monde entier et plus particulièrement, après une période marquée par un afflux en provenance du Kosovo, de migrants issus de la corne de l’Afrique (Érythrée, Soudan…) et du Moyen-Orient (Afghanistan, Pakistan, Irak, Iran…). Après un voyage qui peut prendre plusieurs années, les migrants se retrouvent sur les côtes de la Manche et de la Mer du nord où ils essayent sans relâche, chaque nuit, de monter à bord des camions en partance pour l’Angleterre. Dans l’attente d’une hypothétique traversée de la Manche, les migrants errent sur le littoral d’un pays où ils ne veulent pas rester et où ils ne demandent donc pas l’asile. Pour autant, ces personnes ont besoin de survivre : c’est-à-dire d’accomplir les gestes élémentaires de se nourrir, de boire, de se laver, de trouver un abri de fortune.

Depuis la fermeture du camp d’hébergement de la Croix-Rouge de Sangatte en 2002, il appartient aux migrants eux-mêmes de trouver une solution pour survivre. Comme l’a expliqué le sous-préfet de Boulogne, la position officielle du Gouvernement est que l’ouverture d’une structure permanente à destination des migrants, même un simple pôle d’accueil de jour réclamé par toutes les associations, serait contre-productive car elle créerait un « appel d’air ». Pour autant, aujourd’hui, le choix, délibéré ou non, consistant à laisser des centaines de migrants errer à Calais, sur tout le littoral ou encore à proximité d’aires d’autoroute, ne peut apparaître comme une réelle solution alternative, tant pour ces migrants que pour la population locale ou même l’État. De plus, dès lors que ce dernier s’est totalement désengagé de l’aide humanitaire aux migrants, se pose la question des conditions de subsistance quotidienne de ceux-ci.

Ainsi, c’est très légitimement que les bénévoles rencontrés lors du déplacement à Calais ont le sentiment de remplir une mission d’utilité publique : que se passerait-il si les deux distributions quotidiennes de nourriture ou les douches n’étaient plus organisées par les associations ? Il est clair que les migrants devraient recourir à des moyens illégaux pour trouver des moyens de subsistance. Compte tenu de leur nombre, entre 600 et 700 actuellement, une telle situation serait source de tensions avec une population calaisienne, alors que celle-ci, et c’est son honneur, a toujours fait preuve à leur égard d’une empathie et d’une solidarité remarquables. De plus, comme votre rapporteur a pu le constater lui-même, cette distribution se déroule dans une discipline organisée par les seuls bénévoles dont les responsables de l’ordre public devraient se féliciter. Pourtant, des rixes périodiques reflètent l’extrême fragilité de la situation, qui pourrait rapidement devenir explosive si les migrants étaient entièrement laissés à eux-mêmes.

Les Calaisiens qui donnent de leur temps et de leur argent pour atténuer les conséquences d’un problème européen sinon mondial souhaiteraient légitimement que leur action remarquable s’accomplisse dans un cadre plus sûr juridiquement. Certes, personne n’a jamais été inquiété pour avoir participé, en tant que tel, à une distribution de nourriture, mais il n’en reste pas moins que cet acte généreux, et indispensable pour des raisons sanitaires ou de sécurité, tombe sous le coup de la loi. Sa rédaction actuelle jette une certaine forme de suspicion sur ces actions et crée une inquiétude supplémentaire pour celles et ceux qui y participent.

Les bénévoles ont, en outre, le sentiment de bénéficier d’une tolérance lorsqu’ils se cantonnent à une aide purement humanitaire, mais qu’ils ne doivent surtout pas aller au-delà. Plusieurs témoignages ont fait part de personnes gardées à vue pour avoir transporté des personnes dans leur véhicule personnel ou pour avoir hébergé des sans-papiers. Les poursuites sont généralement rapidement abandonnées, mais elles sont vécues comme des intimidations par les bénévoles. De plus, il est arrivé à plusieurs reprises que des bénévoles et responsables associatifs subissent des mesures plus contraignantes : mises en examen, contrôle judiciaire, voire condamnation (mais sur d’autres fondements que l’article L. 622-1 du CESEDA). Beaucoup ont vu dans ces poursuites un véritable « harcèlement judiciaire ».

Alors que les collectivités territoriales (mairie de Calais, Conseil régional) commencent à s’impliquer davantage dans les actions d’aide humanitaire (une réflexion est en cours pour la mise en place d’un lieu de distribution des repas plus digne), il semble assez incongru que l’aide au séjour irrégulier à des fins purement humanitaires reste un délit.

B. UNE MODIFICATION LÉGISLATIVE INDISPENSABLE

La situation actuelle n’est pas satisfaisante. La France dispose d’une législation qui punit strictement toute aide aux étrangers en situation irrégulière. Ce ne sont que les principes fondamentaux du droit pénal qui empêchent d’appliquer pleinement cette législation dans la dureté excessive de sa rédaction actuelle.

Pourtant, du fait de son existence, cette législation constitue une entrave sérieuse à l’action des associations et des citoyens qui cherchent à venir en aide à des êtres humains en détresse. Ces motifs ont donc conduit le groupe SRC à proposer de modifier la législation applicable afin de concentrer les articles L. 622-1 et suivants sur leur raison d’être : la lutte contre ceux qui profitent de l’immigration irrégulière, comme nous en donnent obligation les instruments juridiques de droit européen.

Votre rapporteur estime qu’une législation centrée sur cet impératif serait plus lisible et plus efficace. Par exemple, parmi les indicateurs de performance de la mission budgétaire « immigration » figure le « nombre d’interpellations d’"aidants" », soit 5 000 pour l’année 2009. Si la représentation nationale avait l’assurance que cet indicateur ne comptabilise que les membres des filières d’immigration, le débat sur le sens à donner à cet indicateur en serait pacifié. Certes, le rapport au parlement sur les orientations de la politique de l’immigration de décembre 2008 recense les types d’aidants interpellés : y figurent les organisateurs de réseaux, les passeurs, les logeurs, les employeurs d’étrangers sans titre, les fournisseurs de faux documents et les conjoints de complaisance. L’action de la police aux frontières se concentre donc bien sur les filières d’immigration clandestine : une modification de la loi la recentrant explicitement sur cet objectif ne remettrait donc pas en cause l’efficacité de la lutte contre les filières, qui doit rester une priorité.

Cette nécessaire clarification figure d’ailleurs de manière explicite dans les propos du ministre de l’immigration, de l’identité nationale, de l’intégration et du développement solidaire qui déclarait récemment au sujet du concept d’aidant : « Peut-être que le mot qui a été mis dans la loi de finances était maladroit, car c’est une catégorie administrative qui couvre les organisateurs, les passeurs... Il aurait peut-être fallu dire, pour que ce soit clair, les trafiquants, pas les bénévoles » (14). Or, cette « catégorie administrative » découle en fait de la loi telle qu’elle est rédigée et qui ne distingue justement pas, parmi les aidants, les bénévoles de ceux qui prospèrent à travers les filières.

De fait, les syndicats représentant les fonctionnaires de police entendus par votre rapporteur ont souligné que l’objectif des forces de l’ordre était effectivement de lutter contre les filières d’immigration clandestine et non d’inquiéter les citoyens qui agissent dans un but humanitaire. Les représentants du syndicat Synergie-Officiers ont ainsi estimé qu’ils n’avaient pas d’opposition à mettre en accord le droit avec le fait en exonérant de poursuites les personnes agissant dans un but humanitaire. Le représentant de l’UNSA Police a indiqué qu’il était paradoxal d’inquiéter des personnes venant en aide à des personnes en situation irrégulière alors qu’il arrive que des policiers soient poursuivis pour « délaissement » de personnes en détresse. Tous ont toutefois insisté sur la nécessité qu’il pouvait y avoir d’utiliser les outils offerts par le code de procédure pénale, y compris la garde à vue, pour remonter les filières d’immigration clandestine. Le représentant du SNOP a considéré qu’une éventuelle modification de la législation ne devrait pas retirer des capacités d’investigation aux services enquêteurs.

Afin de répondre aux problèmes posés par la situation actuelle, la proposition de loi vise tout d’abord à dépénaliser l’aide au séjour irrégulier, dans un but de solidarité. Une personne venant en aide à un étranger en situation irrégulière, sans contrepartie, ne doit plus pouvoir être inquiétée (I. de l’article 1er).

Concernant le délit d’aide à la circulation des étrangers, la proposition de loi suggère de retenir désormais la formulation de transit, utilisée dans la directive du 28 novembre 2002, dont la portée est beaucoup moins large (I. de l’article 1er).

Par ailleurs, si l’aide à l’entrée et au transit doit continuer, d’une façon générale, à être pénalisée, même en l’absence de contrepartie, une extension de la « clause humanitaire » est nécessaire. En effet, comme le permet la directive européenne, la loi doit explicitement dépénaliser l’aide à l’entrée irrégulière sur le territoire d’une personne dont la vie est en danger (II. de l’article 1er).

À titre subsidiaire, si l’Assemblée nationale décidait de ne pas modifier les éléments constitutifs de l’infraction d’aide au séjour, le I. de l’article 2 de la proposition de loi fait alors le choix d’étendre les causes d’immunité liées à l’aide au séjour irrégulier. Actuellement, le 3° de l’article L. 622-4 prévoit une immunité lorsque l’aide est motivée par la « sauvegarde de la vie et de l’intégrité physique » : il est donc d’une portée juridique assez limitée, notamment par rapport à l’article 122-7 du code pénal. Étendre l’immunité aux comportements justifiés par la sauvegarde de la dignité de l’étranger constituerait donc une avancée par rapport à la situation actuelle, faisant par exemple sortir de l’illégalité le fait d’offrir un toit à une personne en situation irrégulière.

Enfin, la proposition de loi tente de sécuriser juridiquement les actions en faveur des étrangers en situation irrégulière réalisées par certains établissements et services agréés par l’État (foyers d’hébergement, centres d’hébergement et de réinsertion sociale, SAMU sociaux, foyers de jeunes travailleurs, centres d’accueil pour demandeurs d’asile, lieux de vie et d’accueil…). Les salariés et bénévoles de ces structures bénéficieraient d’une immunité vis-à-vis de l’application du délit d’aide au séjour irrégulier, lorsqu’ils agissent dans le cadre spécifique de leurs établissements et structures.

DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission examine la proposition de loi visant à supprimer le délit de solidarité au cours de sa séance du mercredi 8 avril 2009.

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale a lieu.

M. Jean-Paul Garraud. Même si je comprends l’intention de la proposition de loi, je me pose, en tant que juriste, des questions. Tout d’abord, on l’a bien compris, le « délit de solidarité » n’existe pas : ce n’est qu’une expression. Aucune condamnation n’a d’ailleurs été prononcée en vertu de l’article L. 622-1. Certes, l’exposé des motifs évoque des personnes placées en garde à vue après avoir aidé, par pure générosité, des étrangers en situation irrégulière ; ces cas très particuliers ont ému l’opinion. Mais les juges conservent un pouvoir d’appréciation sur l’opportunité d’engager des poursuites.

En outre, le placement en garde à vue n’est pas une condamnation, il n’est qu’un simple moyen employé lors d’une enquête, qui peut se révéler nécessaire dans le cadre de la lutte contre les réseaux illicites. Ne risque-t-on pas, avec les meilleures intentions, de compromettre cette lutte ?

Le texte propose d’exempter de sanctions « toute personne physique ou morale qui aura contribué à préserver la dignité ou l’intégrité physique de l’étranger ». Comment définir l’intégrité physique ? Dans la mesure où aucune condamnation n’a été prononcée contre des aidants bénévoles, je me demande si nous ne sommes pas sur le point de créer de la complication là où il n’y en a pas.

M. le rapporteur. Je remarque tout d’abord que l’expression « intégrité physique » figure déjà dans l’article L. 622-4, ce qui invalide votre dernière objection.

Par ailleurs, je suis d’accord avec vous sur la nécessité de poursuivre les enquêtes afin de lutter contre les réseaux clandestins. Mais l’adoption de cette proposition de loi ne constituerait pas un obstacle, bien au contraire. C’est bien pour mieux viser les réseaux que nous avons choisi l’expression « à titre onéreux », qui permet de sanctionner toute aide assortie d’une contrepartie, quelle qu’en soit sa nature.

Enfin, vous dites – et le ministre le disait également ce matin à la radio – qu’aucune poursuite n’est engagée contre des réseaux de solidarité. Mais les travailleurs sociaux comme les bénévoles sont mis en difficulté par l’existence même de cette disposition. En outre, je l’ai dit, des sanctions administratives peuvent être prises, comme le non-renouvellement de titre de séjour, sur le fondement de l’article L. 622-1. A contario, les passeurs appartenant à des filières clandestines sont condamnés plus souvent pour travail clandestin ou fabrication de faux documents qu’en application de cet article.

La situation est donc paradoxale : d’un côté, cette disposition pourrait permettre de poursuivre les bénévoles alors que, dans les faits, ils ne sont pas poursuivis ; de l’autre, elle ne sert que de façon marginale au démantèlement des filières clandestines, qui sont pourtant la cible visée.

La Commission passe ensuite à l’examen des articles de la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

[art. L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile]


Dépénalisation de l’aide au séjour irrégulier à titre gratuit — substitution du terme de « transit » à celui de « circulation » — Extension à l’aide à l’entrée et au transit de l’immunité pour raison humanitaire

L’article 1er de la proposition de loi modifie l’article L. 622-1 du CESEDA qui définit les éléments constitutifs du délit d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour des étrangers. Les modifications envisagées interviendraient dans tous les cas visés à l’article L. 622-1 : en France (alinéa 2 de l’article 1er), dans ou vers un État de l’espace Schengen (alinéa 3 et 4), dans un État partie à la convention de Palerme (alinéa 5).

1. Dépénaliser l’aide au séjour irrégulier à titre gratuit

Le premier objectif de cet article est de modifier les éléments constitutifs de l’incrimination pour aide au séjour d’un étranger en situation irrégulière. Actuellement, les aides à l’entrée, à la circulation et au séjour des étrangers sont punies de la même façon, même si l’article L. 622-4 prévoit des cas d’immunité pour la seule aide au séjour.

Compte tenu du caractère injuste de la pénalisation des comportements d’aide au séjour des étrangers en situation irrégulière, souvent en grande détresse, il est proposé de sanctionner l’aide au séjour irrégulier uniquement lorsque ce comportement reflète la participation à une filière d’immigration clandestine. Comme votre rapporteur a déjà eu l’occasion de l’indiquer, l’article 1er, paragraphe 1, point b) de la directive du 28 novembre 2002 définissant l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers requiert uniquement des sanctions à l’égard des personnes qui aident, dans un but lucratif, un étranger à séjourner irrégulièrement sur le territoire d’un État membre. En effet, l’un des objectifs de la directive (considérant 2) est de s’attaquer à l’aide apportée à l’immigration clandestine « lorsqu’elle a pour but d’alimenter les réseaux d’exploitation des êtres humains ».

Pour autant, l’article 1er de la proposition de loi ne reprend pas explicitement les termes de « but lucratif ». Il dépénalise en effet l’aide au séjour irrégulier, sauf lorsqu’elle a été effectuée « à titre onéreux ». Une aide opérée à titre onéreux est une aide effectuée en échange d’une contrepartie, monétaire ou non : elle s’oppose à une aide à titre gratuit, c’est-à-dire sans contrepartie. En revanche, la notion de but lucratif ne qualifie par les conditions dans lesquelles intervient l’aide, avec ou sans contrepartie, mais la finalité de l’aide : celle-ci a-t-elle été motivée par l’espérance d’un profit ?

Certaines des associations rencontrées par votre rapporteur ont souligné que la rédaction de la proposition de loi pourrait permettre de sanctionner des prestataires de service (logement par exemple) n’appartenant nullement à des réseaux d’immigration clandestine. Votre rapporteur n’ignore pas cette remarque, mais considère qu’il est préférable de pénaliser la seule aide au séjour à titre onéreux :

—  tout d’abord, la finalité de la proposition de loi est de supprimer ce que l’on qualifie parfois de « délit de solidarité », c’est-à-dire l’aide apportée à des étrangers en situation irrégulière par des citoyens, des bénévoles ou des salariés d’association par simple humanité. Une telle aide ne peut s’entendre qu’à titre gratuit ;

—  par ailleurs, les principes généraux du droit pénal, notamment celui selon lequel il n’est pas de délit sans intention de le commettre, permet déjà de couvrir l’essentiel des prestations de biens ou de services fournies à des étrangers ;

—  enfin, votre rapporteur estime qu’il est indispensable de ne pas fragiliser la répression des filières d’immigration clandestine. Or, retenir la notion de « but lucratif » imposerait à la justice de prouver la finalité de l’aide, preuve qui serait concrètement très difficile à apporter. Au contraire, l’existence d’une contrepartie, ou non, de l’aide est un critère objectif qui laisse une marge d’interprétation réduite.

Certes, les représentants de l’Union syndicale des magistrats ont rappelé que pour déterminer si une personne fait ou non partie d’un réseau de passeurs, doivent être examinées de nombreuses circonstances de fait, notamment la remise ou non d’argent qui peut être difficile à établir. Toutefois, ils estiment que la modification du texte d’incrimination n’empêchera nullement enquêteurs et magistrats de s’interroger sur les éléments constitutifs de l’infraction et de devoir, parfois, recourir à des mesures coercitives, comme la garde à vue, pour mieux cerner le rôle de chacun. En conséquence, la modification proposée par l’article 1er n’affaiblirait pas la répression des filières d’immigration clandestine.

Par ailleurs, l’adoption de la présente proposition de loi serait sans conséquence sur la répression pénale des mariages de complaisance, bien que ceux-ci ne fassent pas toujours l’objet d’une contrepartie. En effet, comme votre rapporteur l’a montré, l’article L. 623-1 sanctionne spécifiquement ce type de comportement.

Enfin, la proposition de loi ne modifie pas les règles sanctionnant l’aide à l’entrée irrégulière sur le territoire, qui pourrait toujours être sanctionnée, même en l’absence de contrepartie. L’article 1er, paragraphe 1, point a) de la directive du 28 novembre 2002 impose en effet aux États membres de sanctionner l’aide à l’entrée et au transit, qu’elle soit motivée ou non par un but lucratif. La lutte contre l’immigration clandestine, quels que soient ses motifs, fait en effet partie des objectifs de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. La directive permet néanmoins de ne pas sanctionner l’aide à l’entrée irrégulière, lorsqu’elle est réalisée à titre humanitaire. Le paragraphe II de l’article premier de la proposition de loi partage le même objectif.

2. Remplacer le terme trop général de circulation par celui de transit

L’article 1er de la proposition de loi a également pour objet de modifier la terminologie utilisée pour le délit d’aide à la circulation des étrangers en situation irrégulière, en retenant, comme le fait la directive du 28 novembre 2002, le terme de transit irrégulier.

En effet, en application de cette directive, il est nécessaire de prévoir une incrimination particulière des réseaux de passeurs qui utilisent la France comme simple pays de passage entre deux destinations. En revanche, il n’est pas justifié de sanctionner spécifiquement l’aide à la circulation d’un étranger par rapport à l’aide au séjour, alors même que les immunités, notamment familiales, ne sont pas applicables en cas d’aide à la circulation.

D’ores et déjà, en jurisprudence, l’aide au séjour et à la circulation se confondent. Commentant un arrêt de la Cour de cassation n’opérant pas de distinction entre ces deux notions, le professeur Jacques-Henri Robert écrit que le terme de séjour ne semble pas désigner « une habitation continue mais toute présence même fugace sur le territoire » (15). Il serait donc préférable d’inscrire cette interprétation dans la loi, afin que les personnes qui aident à la circulation des étrangers en situation irrégulière relèvent expressément des dispositions sur l’aide au séjour. Si la présente proposition de loi est adoptée, ces faits ne seraient donc punissables que s’ils donnent lieu à contrepartie.

3. Étendre explicitement l’immunité justifiée par l’état de nécessité à l’ensemble des formes d’aide à l’immigration irrégulière

Le II de l’article 1er de la proposition de loi complète l’article L. 622-1 par un alinéa clarifiant les immunités s’appliquant aux délits d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour des étrangers.

Depuis 2003, comme votre rapporteur l’a rappelé, la législation prévoit un cas spécifique d’immunité pour raison humanitaire pour le seul cas de l’aide au séjour. Ainsi, en application du 3° de l’article L. 622-4, les aidants au séjour irrégulier ne sont pas poursuivis « lorsque l’acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s’il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ».

Comme votre rapporteur l’a déjà souligné, la présence de cette « clause humanitaire » dans le CESEDA est sans préjudice de l’application de l’article  122-7 du code pénal dont la portée est générale. Ainsi, aucune aide envers un étranger commise pour « assurer la sauvegarde de la personne ou du bien », dès lors que le danger est actuel ou imminent et que les moyens utilisés sont proportionnés à la menace, ne peut être pénalement sanctionnée, que cette aide concerne l’entrée, la circulation ou le séjour.

Dans un souci de clarification pour les autorités administratives et judiciaires chargées de l’application de la loi pénale, mais aussi pour les citoyens concernés, il est souhaitable de rapprocher la définition de la clause « humanitaire » spécifique du CESEDA de celle de la clause « humanitaire » générale de l’article 122-7 du code pénal. Il est donc proposé d’étendre l’immunité inscrite dans le CESEDA en 2003 à toutes les formes d’aide aux étrangers en situation irrégulière : c’est-à-dire non seulement l’aide au séjour, mais aussi à l’entrée et à la circulation (ou au transit comme le souhaite la proposition de loi).

Toutefois, il est proposé de maintenir l’exception à cette immunité lorsque l’aide est apportée en échange d’une contrepartie. Tout d’abord, cette immunité se justifiant pour des raisons humanitaires, il serait illogique qu’elle puisse s’appliquer à une action qui a été conditionnée à une contrepartie : l’immunité se justifie par l’impossibilité dans laquelle s’est trouvée la personne de rester sans réaction face à un danger. En outre, cette précision reste nécessaire dans le cadre de la lutte contre les réseaux d’immigration clandestine.

Enfin, il est important de préciser que la modification souhaitée par la proposition de loi est conforme à la directive du 28 novembre 2002 dont l’article premier, paragraphe 2, autorise les États membres à ne pas sanctionner les aides à l’entrée et au transit dont le but est « d’apporter une aide humanitaire ».

La Commission rejette l’article 1er.

Article 2

[art. L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile]


Extension des immunités pour l’aide au séjour

L’article L. 622-4 prévoit des cas d’immunité pénale spécifiques pour l’aide au séjour. L’article 2 de la proposition de loi les complète afin de tenir compte des particularités de l’aide au séjour par rapport à l’aide à l’entrée. En effet, l’aide au séjour a pour but de venir en aide à des personnes qui sont déjà sur le territoire, alors que l’aide à l’entrée contribue dans tous les cas à l’augmentation des flux migratoires irréguliers.

1. La création d’une immunité lorsque l’aide au séjour est justifiée par la nécessité de préserver la dignité de la personne

Le I de l’article 2 crée un nouveau cas d’immunité lorsque l’aide au séjour irrégulier est le fait d’une personne « qui aura contribué à préserver la dignité ou l’intégrité physique de l’étranger, sauf si cette aide a été réalisée à titre onéreux ».

Les associations rencontrées par votre rapporteur ont souligné, à juste titre, que cette rédaction, par l’utilisation du futur antérieur, risquait d’introduire une obligation de résultat pour pouvoir bénéficier de l’immunité. L’objectif de la proposition de loi est bien de ne pas sanctionner les personnes qui ont agi pour tenter de garantir la dignité des étrangers en situation irrégulière, par exemple en leur offrant un toit. Ne pas dormir dehors est en effet incontestablement une composante de la dignité de la personne humaine.

Comme l’explique l’exposé des motifs, les auteurs de la proposition de loi entendent dépénaliser certaines aides au séjour qui pourraient ne pas être couvertes par les autres formes d’immunité pénale. Compte tenu de la rédaction suggérée pour l’article premier, ces cas devraient être peu nombreux.

Cependant, si l’Assemblée nationale décidait de ne pas adopter l’article 1er, qui porte sur les éléments constitutifs de l’infraction, la portée du I. de l’article 2, qui porte sur les cas d’immunités, serait alors beaucoup plus large. Les services du ministère de la justice ne sont en effet pas favorables à la modification de l’article L. 622-1, consistant à dépénaliser l’aide au séjour quand elle est fournie sans contrepartie. Si cette réticence s’explique par la crainte de difficultés à apporter la preuve de l’existence d’une compensation, c’est pourtant l’existence de cette compensation qui est la base de l’interpellation des « aidants », notamment dans la classification rappelée plus avant dans ce rapport et fournie par la police aux frontières.

À l’inverse, les services du ministère de la justice reconnaissent que la clause d’immunité « humanitaire » du 3° de l’article L. 622-4 est très limitée, puisque son champ d’application est même moins étendu que celle prévue à l’article 122-7 du code pénal. Il leur semblerait donc préférable, si le législateur décidait d’intervenir sur cette question, d’étendre les cas d’immunité plutôt que de modifier les éléments constitutifs de l’infraction d’aide au séjour irréguliers. Dans une telle hypothèse, comme l’a souligné le Syndicat de la magistrature, c’est alors à la personne poursuivie de faire la preuve qu’elle a agi pour préserver la vie, l’intégrité physique ou la dignité d’une personne en situation irrégulière. La modification de l’article L. 622-4, même si elle constituerait déjà un progrès, serait donc moins favorable aux aidants que celle de l’article L. 622-1.

2. Prévoir une clause d’immunité générale pour certaines structures venant en aide aux étrangers

Le II de l’article 2 crée également une nouvelle clause d’immunité, destinée à faciliter le travail social effectué dans les établissements et services relavant de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles (16).

Les représentants associatifs entendus par votre rapporteur ont fait part d’un véritable malaise dans l’accomplissement de leurs missions, dès lors qu’ils sont confrontés à des étrangers en situation irrégulière. Ils estiment que des principes aussi importants que celui de l’accueil indifférencié des populations en détresse ou du secret professionnel, inhérent à leur mission, sont mis à mal par la politique de lutte contre l’immigration irrégulière.

Ce malaise a également été relayé par un avis du 3 juin 2008 du Conseil supérieur du travail social adressé à la Secrétaire d’État à la solidarité. Cet avis souligne des dérives également constatées par les interlocuteurs de votre rapporteur, regrettant « la multiplication d’incidents comme des opérations de recherche de sans-papiers dans des structures du secteur social, des centres d’hébergement, d’accueil et de soins. De telles pratiques se multiplient avec notamment l’intervention de la police dans ces locaux, des demandes provenant de magistrats notamment en matière de communication de fichier et de dossiers nominatifs. Ces actions témoignent d’une forme de méconnaissance de la finalité du travail social et portent atteinte à l’exercice de ce dernier ».

La question du rôle des travailleurs sociaux vis-à-vis des étrangers en situation irrégulière n’est cependant pas nouvelle. Ils se trouvent en effet confrontés à deux exigences parfois antagonistes : celle de la déontologie du travail social d’une part, celle de la lutte contre l’immigration irrégulière d’autre part.

De fait, lors des débats sur la loi n° 98-349 du 11 mai 1998, un article 14 fut adopté qui disposait que les sanctions pénalisant l’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour « ne sont pas applicables aux associations à but non lucratif à vocation humanitaire, dont la liste est fixée par arrêté du ministre de l’intérieur, et aux fondations, lorsqu’elles apportent, conformément à leur objet, aide et assistance à un étranger séjournant irrégulièrement en France ». Comme votre rapporteur a déjà eu l’occasion de l’indiquer, ces dispositions furent déclarées contraires à la Constitution. Le Conseil constitutionnel avait en effet considéré « qu’en soumettant à l’appréciation du ministre de l’intérieur la "vocation humanitaire" des associations, notion dont la définition n’a été précisée par aucune loi et de la reconnaissance de laquelle peut résulter le bénéfice de l’immunité pénale en cause, la disposition critiquée fait dépendre le champ d’application de la loi pénale de décisions administratives » (17).

Cependant, sur le fond, il avait admis que le législateur prévoit « sous réserve du respect des règles et principes de valeur constitutionnelle et, en particulier, du principe d’égalité, que certaines personnes physiques ou morales bénéficieront d’une immunité pénale ». En outre, le Conseil constitutionnel avait également admis la spécificité de l’aide apportée dans un cadre associatif puisqu’il avait estimé « qu’il appartient au juge, conformément au principe de légalité des délits et des peines, d’interpréter strictement les éléments constitutifs de l’infraction définie par l’article 21 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, notamment lorsque la personne morale en cause est une association à but non lucratif et à vocation humanitaire, ou une fondation, apportant, conformément à leur objet, aide et assistance aux étrangers ».

La spécificité de l’action associative fut confortée par une autre décision du Conseil constitutionnel, du 2 mars 2004 (18), par laquelle il précisa que le délit d’aide au séjour irrégulier d’un étranger en France commis en bande organisée ne saurait concerner les organismes humanitaires d’aide aux étrangers.

Dans ces conditions, les auteurs de la proposition de loi ont estimé qu’il était nécessaire d’instituer une immunité pour sécuriser le travail social effectué dans certains établissements et structures, en tenant compte des raisons de la censure de la disposition envisagée en 1998.

Ainsi, la rédaction proposée est, volontairement, relativement restrictive puisque l’immunité s’appliquerait aux seuls établissements et services sociaux et médico-sociaux relevant de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles : c’est-à-dire l’ensemble des établissements et services intervenant dans le cadre de l’action sociale et médico-sociale en direction des publics en difficulté (aide sociale à l’enfance, prévention spécialisée, handicap, personnes âgées dépendantes, structures d’hébergement, CADA…). Ces établissements et services ne se caractérisent pas par une forme juridique spécifique, associative ou autre, mais par leur participation à la mission d’aide sociale et médico-sociale, qui se manifeste par une autorisation délivrée par l’autorité publique. Ces structures emploient en effet des travailleurs sociaux et ont parfois recours à des bénévoles qui ont besoin de voir leur action juridiquement sécurisée quand ils portent aide à des personnes en situation irrégulière.

Certains des représentants associatifs entendus par votre rapporteur ont regretté le champ d’application limité envisagé par cette disposition, préconisant une immunité pour l’ensemble des associations à but humanitaire. Votre rapporteur estime cependant que le champ d’application de cette nouvelle immunité doit être défini très strictement. En effet, les responsables du ministère de la justice, de la police aux frontières mais aussi les représentants de l’Union syndicale des magistrats ont mis en garde contre les effets pervers d’une immunité définie trop largement, faisant valoir les capacités d’adaptation très rapides des filières d’immigration irrégulière, qui pourraient alors essayer d’agir dans un cadre associatif afin de bénéficier d’une certaine forme d’impunité. C’est pourquoi votre rapporteur estime qu’il serait dangereux d’offrir l’immunité à l’ensemble des associations à but humanitaire ou de défense des étrangers, y compris en retenant un critère d’ancienneté de la déclaration comme le fait la proposition de loi déposée au Sénat par Mme Éliane Assassi (19). En effet, il serait très facile pour un réseau d’immigration clandestine de créer des associations, voire de prendre le contrôle d’associations déjà existantes afin de pouvoir bénéficier d’une immunité.

Toutefois, même dans le cadre des établissements et services visés à l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, il n’est pas possible d’écarter a priori toute possibilité de dérives. On ne saurait en effet exclure que des salariés ou bénévoles agissant dans ces structures ne participent aux agissements de filières d’immigration clandestine. En conséquence, l’article 2 précise explicitement que l’immunité ne vaut que pour les salariés et bénévoles « lorsqu’ils agissent dans le cadre de ces établissements et services », c’est-à-dire dans le strict cadre de leurs missions sociales et médico-sociales. Aucun comportement sortant de ce cadre ne pourrait fonder le bénéfice de l’immunité pénale. Or, les activités des filières d’immigration clandestine ne peuvent bien entendu pas relever des missions sociales et médico-sociales, elles pourraient donc continuer à être poursuivies, même si leurs auteurs sont salariés ou bénévoles des services et établissements de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles. En tout état de cause, votre rapporteur estime que le risque d’une infiltration de ces structures par des réseaux d’immigration clandestine est très peu probable s’agissant des travailleurs sociaux.

La Commission rejette l’article 2.

Le Président Jean-Luc Warsmann constate alors le rejet de la proposition de loi.

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* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi visant à supprimer le « délit de solidarité » (n°1542).

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Proposition de loi
visant à supprimer le « délit de solidarité »

 

Article 1er

Code de l’entrée et du séjour des étrangers
et du droit d’asile

I. —  Les quatre premiers alinéas de l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sont ainsi rédigés :

Art. L. 622-1. —  Toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 €.

« Sous réserve des exemptions prévues à l’article L. 622-4, toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée ou, à titre onéreux, le séjour irréguliers d’un étranger en France ou le transit irrégulier d’un étranger par la France, sera punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 30 000 €.

Sera puni des mêmes peines celui qui, quelle que soit sa nationalité, aura commis le délit défini au premier alinéa du présent article alors qu’il se trouvait sur le territoire d’un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 autre que la France.

« Sera puni des mêmes peines celui qui, quelle que soit sa nationalité, aura commis le délit défini au premier alinéa du présent article alors qu’il se trouvait sur le territoire d’un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 autre que la France.

Sera puni des mêmes peines celui qui aura facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un autre État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990.

« Sous réserve des exemptions prévues à l’article L. 622-4, sera puni des mêmes peines celui qui aura facilité ou tenté de faciliter l’entrée ou, à titre onéreux, le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un autre État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ou le transit irrégulier d’un étranger par le territoire d’un tel État.

Sera puni de mêmes peines celui qui aura facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000.

« Sous réserve des exemptions prévues à l’article L. 622-4, sera puni des mêmes peines celui qui aura facilité ou tenté de faciliter l’entrée, ou, à titre onéreux, le séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire d’un État partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000, ou le transit irrégulier d’un étranger par le territoire d’un tel État. »

Les dispositions du précédent alinéa sont applicables en France à compter de la date de publication au Journal officiel de la République française de ce protocole.

Art. L. 622-4. —  Cf. infra art. 2.

 
 

II. —  Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

 

« Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas lorsque l’acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger, sauf s’il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte. »

 

Article 2

Art. L. 622-4. —  Sans préjudice des articles L. 621-1, L. 621-2, L. 623-1, L. 623-2 et L. 623-3, ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement des articles L. 622-1 à L. 622-3 l’aide au séjour irrégulier d’un étranger lorsqu’elle est le fait :

I. —  Le 3° de l’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :

1° Des ascendants ou descendants de l’étranger, de leur conjoint, des frères et sœurs de l’étranger ou de leur conjoint, sauf si les époux sont séparés de corps, ont un domicile distinct ou ont été autorisés à résider séparément ;

 

2° Du conjoint de l’étranger, sauf si les époux sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui ;

 

3° De toute personne physique ou morale, lorsque l’acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de l’étranger, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s’il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte.

« 3° De toute personne physique ou morale qui aura contribué à préserver la dignité ou l’intégrité physique de l’étranger, sauf si cette aide a été réalisée à titre onéreux ; ».

 

II. —  Après le 3° du même article, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

 

« 4° De tous les établissements et services visés à l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, ainsi que leurs salariés et bénévoles lorsqu’ils agissent dans le cadre de ces établissements et services. »

Les exceptions prévues aux 1° et 2° ne s’appliquent pas lorsque l’étranger bénéficiaire de l’aide au séjour irrégulier vit en état de polygamie ou lorsque cet étranger est le conjoint d’une personne polygame résidant en France avec le premier conjoint.

 

Code de l’action sociale et des familles

 

Art. L. 312-1. —  Cf. annexe.

 

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Code de l’action sociale et des familles 38

Art. L. 312-1

Code de l’action sociale et des familles

Art. L. 312-1. —  I. —  Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d’une personnalité morale propre, énumérés ci-après :

1° Les établissements ou services prenant en charge habituellement, y compris au titre de la prévention, des mineurs et des majeurs de moins de vingt et un ans relevant des articles L. 221-1, L. 222-3 et L. 222-5 ;

2° Les établissements ou services d’enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d’adaptation ;

3° Les centres d’action médico-sociale précoce mentionnés à l’article L. 2132-4 du code de la santé publique ;

4° Les établissements ou services mettant en œuvre les mesures éducatives ordonnées par l’autorité judiciaire en application de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante ou des articles 375 à 375-8 du code civil ou concernant des majeurs de moins de vingt et un ans ou les mesures d’investigation préalables aux mesures d’assistance éducative prévues au code de procédure civile et par l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante ;

5° Les établissements ou services :

a) D’aide par le travail, à l’exception des structures conventionnées pour les activités visées à l’article L. 322-4-16 du code du travail et des entreprises adaptées définies aux articles L. 323-30 et suivants du même code ;

b) De réadaptation, de préorientation et de rééducation professionnelle mentionnés à l’article L. 323-15 du code du travail ;

6° Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale ;

7° Les établissements et les services, y compris les foyers d’accueil médicalisé, qui accueillent des personnes adultes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale ou bien qui leur assurent un accompagnement médico-social en milieu ouvert ;

8° Les établissements ou services comportant ou non un hébergement, assurant l’accueil, notamment dans les situations d’urgence, le soutien ou l’accompagnement social, l’adaptation à la vie active ou l’insertion sociale et professionnelle des personnes ou des familles en difficulté ou en situation de détresse ;

9° Les établissements ou services qui assurent l’accueil et l’accompagnement de personnes confrontées à des difficultés spécifiques en vue de favoriser l’adaptation à la vie active et l’aide à l’insertion sociale et professionnelle ou d’assurer des prestations de soins et de suivi médical, dont les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie, les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue, les structures dénommées "lits halte soins santé" et les appartements de coordination thérapeutique ;

10° Les foyers de jeunes travailleurs qui relèvent des dispositions des articles L. 351-2 et L. 353-2 du code de la construction et de l’habitation ;

11° Les établissements ou services, dénommés selon les cas centres de ressources, centres d’information et de coordination ou centres prestataires de services de proximité, mettant en œuvre des actions de dépistage, d’aide, de soutien, de formation ou d’information, de conseil, d’expertise ou de coordination au bénéfice d’usagers, ou d’autres établissements et services ;

12° Les établissements ou services à caractère expérimental ;

13° Les centres d’accueil pour demandeurs d’asile mentionnés à l’article L. 348-1 ;

14° Les services mettant en œuvre les mesures de protection des majeurs ordonnées par l’autorité judiciaire au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d’accompagnement judiciaire ;

15° Les services mettant en œuvre les mesures judiciaires d’aide à la gestion du budget familial.

Les établissements et services sociaux et médico-sociaux délivrent des prestations à domicile, en milieu de vie ordinaire, en accueil familial ou dans une structure de prise en charge. Ils assurent l’accueil à titre permanent, temporaire ou selon un mode séquentiel, à temps complet ou partiel, avec ou sans hébergement, en internat, semi-internat ou externat.

II. —  Les conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement des établissements et services relevant des catégories mentionnées au présent article, à l’exception du 12° du I, sont définies par décret après avis de la section sociale du Comité national de l’organisation sanitaire et sociale.

Les établissements mentionnés aux 1°, 2°, 6° et 7° du I s’organisent en unités de vie favorisant le confort et la qualité de séjour des personnes accueillies, dans des conditions et des délais fixés par décret.

Les établissements et services mentionnés au 1° du même I s’organisent de manière à garantir la sécurité de chacun des mineurs ou des majeurs de moins de vingt et un ans qui y sont accueillis.

Les prestations délivrées par les établissements et services mentionnés aux 1° à 13° du I sont réalisées par des équipes pluridisciplinaires qualifiées. Ces établissements et services sont dirigés par des professionnels dont le niveau de qualification est fixé par décret et après consultation de la branche professionnelle ou, à défaut, des fédérations ou organismes représentatifs des organismes gestionnaires d’établissements et services sociaux et médico-sociaux concernés.

Les associations qui organisent l’intervention des bénévoles dans les établissements sociaux et médico-sociaux publics ou privés doivent conclure avec ces établissements une convention qui détermine les modalités de cette intervention.

III. —  Les lieux de vie et d’accueil qui ne constituent pas des établissements et services sociaux ou médico-sociaux au sens du I doivent faire application des articles L. 311-4 à L. 311-8. Ils sont également soumis à l’autorisation mentionnée à l’article L. 313-1 et aux dispositions des articles L. 313-13 à L. 313-25, dès lors qu’ils ne relèvent ni des dispositions prévues au titre II du livre IV relatives aux assistants maternels, ni de celles relatives aux particuliers accueillant des personnes âgées ou handicapées prévues au titre IV dudit livre. Un décret fixe le nombre minimal et maximal des personnes que ces structures peuvent accueillir.

IV. —  Les équipes de prévention spécialisée relevant du 1° du I ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 311-4 à L. 311-7. Ces dispositions ne s’appliquent pas non plus aux mesures d’investigation préalables aux mesures d’assistance éducative prévues au code de procédure civile et par l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

MINISTÈRES :

- Direction générale de la police nationale

—  M. Jean-Yves TOPIN, directeur central de la police aux frontières

Direction des affaires criminelles et des grâces

—  Mme Nathalie BECACHE, sous-directrice de la justice pénale générale

MONDE JUDICIAIRE :

Union syndicale des magistrats :

—  Mme Virginie VALTON, secrétaire générale

—  Mme Catherine VANDIER, vice-présidente

Syndicat de la magistrature

—  M. Mathieu BONDUELLE, secrétaire général

—  Mme Laurence MOLLARET, vice-présidente

GIE Conseil national des barreaux – Barreau de Paris – Conférence des Bâtonniers

—  Maître Marianne LAGRUE pour le Conseil national des barreaux

—  Mme Françoise LOUIS, chargée des relations avec la presse et le Parlement

SYNDICATS DE POLICE :

 Synergie officiers

—  M. Mohammed DOUHANE, officier de police, conseiller technique

—  Mme Muriel LEVEQUE, officier de police

 UNSA police – le syndicat unique

—  M. Yannick DANIO, porte parole

Syndicat national des officiers de police (SNOP)

—  M. Pierre DARTIGUES, conseiller technique au bureau national

MONDE ASSOCIATIF :

France Terre d’Asile

—  M. Pierre HENRY, directeur général

CIMADE

—  M. Jérôme MARTINEZ, délégué national en région Île-de-France

Fédération de l’Entraide Protestante

—  M. Olivier BRES, secrétaire général

Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale - FNARS

—  Mme Sophie ALARY, responsable du service des missions

—  Mme Lise FENDER, chargée de mission

Secours Catholique

—  M. Jean HAFFNER, responsable du département « étrangers »

Emmaüs

—  M. Patrick DUGOIS, délégué général

—  M. Gilles DUCASSÉ, délégué général adjoint

Ligue des droits de l’homme

—  Mme Agnès TRICOIRE, membre du Bureau national de la LDH

PERSONNALITÉ QUALIFIÉE :

M. Philippe LIORET, réalisateur du film « Welcome »

DÉPLACEMENT A CALAIS :

État

—  M. Gérard GAVORY, sous-préfet de Calais

—  Mme Marie-Hélène JUSTO, directrice départementale de la Police aux frontières

—  M. Jean-Philippe MADEC, commissaire central de police de Calais

Mairie de Calais

—  Mme Natacha BOUCHART, maire de Calais

—  M. Antoine DEGUINES, avocat, 3ème adjoint au maire

Monde associatif et bénévole

—  M. Francis GEST, collectif C’SUR

—  Mme Martine VERPRAET et M. Daniel CHEVROT, association « La belle étoile »

—  Mme Martine DEVRIES, Médecins du monde

—  M. Michaël BOUDE, Secours catholique

—  M. Jean-Claude Lenoir, association Salam

—  M. Christian HOGARD, Secours populaire (fédération du département du Nord)

—  M. Charles FRAMMEZELLE, dit « Moustache », bénévole indépendant

—  Mme Nan SUELLE, Terre d’errance

© Assemblée nationale

1 () Art. 225-4-4 : « La traite des êtres humains est le fait, en échange d'une rémunération ou de tout autre avantage ou d'une promesse de rémunération ou d'avantage, de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l'héberger ou de l'accueillir, pour la mettre à sa disposition ou à la disposition d'un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre cette personne des infractions de proxénétisme, d'agression ou d'atteintes sexuelles, d'exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d'hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit.

La traite des êtres humains est punie de sept ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. »

2 () Art. 122-7 du code pénal : « N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »

3 () Voir l’analyse de Michel Reydellet au recueil Dalloz 1998 page 148.

4 () Rapport n°949 (XIIème législature) au nom de la commission des Lois.

5 () Recueil Dalloz 1998 page 148.

6 () Marc Segonds, Professeur à l'Université d'Aix-Marseille III, JurisClasseur Lois pénales spéciales, Fascicule 40 (Étrangers).

7 () Corinne Mascala, Professeur à l'Université des sciences sociales de Toulouse, JurisClasseur Pénal Code, Art. 122-7, Fascicule unique.

8 () Décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004.

9 () Décision n° 98-399 DC du 5 mai 1998. Le Conseil constitutionnel avait apporté cette précision après avoir censuré une disposition de loi relative à l’entrée et au séjour des étrangers et au droit d’asile (RESEDA) instituant une immunité au profit des associations à but non lucratif à vocation humanitaire, dont la liste aurait été fixée par arrêté du ministre de l'intérieur. Il avait en effet estimé que le législateur faisait dépendre le champ d'application de la loi pénale de décisions administratives.

10 () Rep min n°28065, JOAN Q, 2 août 1999, p. 4756.

11 () Rep min n°66968, JOAN Q, 1 août 2006, p. 8153.

12 () Selon la mission d'audit de modernisation sur la procédure de prévision et de gestion des crédits d'hébergement d'urgence, environ 7.000 étrangers en situation irrégulière bénéficiaient d'un dispositif d'hébergement d'urgence en 2006.

13 () Circulaire CRIM-AP N° 06-20/E1-04/12/2006 La seule instruction donnée aux parquets, dans la circulaire, s’agissant de l’implication d’individus isolés ne fait pas référence à l’existence ou non d’une contrepartie : « Lorsque l’infraction d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers est le fait d’individus isolés et notamment de « passeurs » à l’encontre desquels il ne paraît pas possible de rapporter la preuve de leur appartenance à un groupe criminel organisé, le recours à la comparution immédiate doit s’imposer ».

14 () Déclaration faite lors de l'émission « L'Invité d'Inter », France Inter, 8 avril 2009.

15 () Cass, crim, 21 janv. 2004 ; Dr Pénal 2004, comm. 87, note J-Y Robert.

16 () Voir le texte de l’article dans l’annexe au tableau comparatif.

17 () Décision n°99-399 DC du 5 mai 1998.

18 () Décision n°2004-492 DC du 2 mars 2004.

19 () Proposition de loi n°291 (Sénat, 2008/2009).