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N
° 1627

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 avril 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 1431, autorisant l’approbation de l’accord de coopération administrative pour la lutte contre le travail illégal et le respect du droit social en cas de circulation transfrontalière de travailleurs et de services entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas,

par M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I – UN ACCORD LIÉ AU DÉTACHEMENT DE TRAVAILLEURS DANS L’UNION EUROPÉENNE 7

A – L’APPLICATION DE LA DIRECTIVE N°96/71/CE SUR LE DÉTACHEMENT DE TRAVAILLEURS 7

1) Le droit communautaire contient des dispositions précises sur le droit du travail 7

2) Le régime appliqué en Europe implique une coopération administrative 8

B – L’IMPORTANCE D’ACCÉLÉRER LA COOPÉRATION ENTRE LES ETATS MEMBRES 9

1) Les premiers bilans laissent apparaître des difficultés de mise en œuvre du droit communautaire 9

2) Plusieurs accords entre les Etats membres ont déjà été noués 9

II – UN MODÈLE D’ACCORD A ÉTENDRE 11

A – L’ACCORD DU 15 MAI 2007 PRÉCISE LES CONDITIONS DE LA COOPÉRATION ENTRE LA FRANCE ET LES PAYS-BAS DANS LA LUTTE CONTRE LE TRAVAIL ILLÉGAL 11

B – D’AUTRES ACCORDS DE CE TYPE POURRAIENT ÊTRE SIGNÉS POUR PARFAIRE LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE °96/71/CE 12

CONCLUSION 13

EXAMEN EN COMMISSION 15

______

ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 17

Mesdames, Messieurs,

La France et les Pays-Bas ont signé le 15 mai 2007 un accord de coopération en matière de lutte contre les atteintes au droit social et au droit du travail. Du fait de l’intervention du droit communautaire, de nouvelles règles ont été élaborées en matière de détachement de travailleurs sur un territoire étranger, et les Etats ont dû progressivement intégrer ces évolutions dans leurs textes et leur pratique.

Ainsi, le présent accord est, en grande partie, lié à la transposition et la mise en œuvre de la directive communautaire n°96/71/CE sur le détachement de travailleurs dans le cadre d’une prestation de services. En proposant une couverture juridique importante pour ces personnes, le droit communautaire rend impérative la coopération entre chacun des Etats membres afin de garantir une application effective.

L’accord signé le 15 mai 2007 vient compléter un ensemble de textes au contenu similaire, signés par la France et d’autres Etats membres de l’Union européenne. Il ne présente pas de spécificités majeures par rapport au standard qui prévaut dans cette matière.

I – UN ACCORD LIÉ AU DÉTACHEMENT DE TRAVAILLEURS DANS L’UNION EUROPÉENNE

Signé par deux Etats fondateurs de la Communauté européenne, l’accord du 15 mai 2007 a pour objet général la lutte contre le travail illégal. L’intervention du droit communautaire dans ce domaine implique en effet une coopération renforcée entre les Etats membres.

A – L’application de la directive n°96/71/CE sur le détachement de travailleurs

La coopération pour lutter contre le travail illégal ne saurait se réduire à la seule application des textes communautaires. Un séminaire franco-néerlandais sur ce sujet s’est ainsi tenu à La Haye le 10 octobre 2006. Néanmoins, l’adoption d’une directive communautaire traitant du détachement de travailleurs sur le territoire d’un autre Etat membre a eu des conséquences importantes qui doivent être rappelées.

L’importance des flux de travailleurs concernés par le détachement au sein de l’Union européenne est indéniable, et croissante. En 2007, leur nombre était estimé, en France, entre 210 000 et 300 000, au premier rang desquels figuraient les salariés polonais, suivis par les Allemands. Des règles spécifiques sont applicables à ces salariés.

1) Le droit communautaire contient des dispositions précises sur le droit du travail

La directive n°96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concerne ainsi le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services. Elle prévoit que, lorsque des salariés d’une entreprise située dans un Etat membre sont amenés à accomplir une mission sur le territoire d’un autre Etat membre, les règles de protection minimale en vigueur dans le pays d’accueil leur sont appliquées (1).

Ces règles concernent notamment le niveau minimal de rémunération, la durée du travail, ainsi que la protection de la santé et la sécurité au travail. Dans ces domaines, les règles du pays d’origine ne peuvent être appliquées aux salariés que lorsqu’elles leur sont plus favorables, au titre de l’article 3.7 de la directive de 1996. En France, la transposition de ces dispositions est assurée par l’article L. 1262-4 du code du travail.

Afin de garantir le respect de ces principes par les Etats membres, la directive prévoit de développer la coopération entre les différentes administrations participant au contrôle du respect des normes de droit social et de droit du travail.

2) Le régime appliqué en Europe implique une coopération administrative

Plusieurs mécanismes prévus par la directive n°96/71/CE rendent nécessaire un travail en commun des administrations concernées. Afin de préserver le principe d’égalité de traitement des salariés sur le territoire, l’article 4 de la directive prévoit ainsi que les Etats membres s’informent mutuellement des conditions de travail et d’emploi auxquelles les salariés issus d’autres Etats membres doivent être soumis.

Par ailleurs, le principe d’application du régime le plus favorable, déjà évoqué, impose aux administrations de chaque Etat membre d’être correctement informée des différentes règles existants dans chacun des autres Etats.

Enfin, la directive communautaire relative au détachement de travailleurs fixe, pour chaque Etat membre, une obligation de coopération administrative en cas d’abus manifestes dans l’application des règles relatives au détachement de travailleurs, ou lorsque des activités transnationales sont présumées illégales.

La possibilité offerte par le droit communautaire de fournir plus aisément des prestations de service sur l’ensemble du territoire européen s’est ainsi accompagnée de dispositions dans le domaine du droit du travail et du droit social, principalement contenues dans la directive n°96/71/CE. La mise en œuvre de ce texte nécessite une coopération administrative entre Etats membres, comme l’a rappelé le Conseil dans sa résolution du 22 avril 1999 relative à un code de conduite pour une meilleure coopération entre les autorités des États membres.

Les objectifs ainsi fixés ont toutefois rencontré certaines difficultés auxquelles les Etats ont été sommés de réagir.

B – L’importance d’accélérer la coopération entre les Etats membres

Imposée par la directive de 1996, la coopération entre Etats membres pour garantir une protection adéquate des salariés détachés sur le territoire de l’Union européenne a été jugée insuffisante par la Commission, suscitant dès lors un mouvement important de négociation d’accords bilatéraux par les Etats.

1) Les premiers bilans laissent apparaître des difficultés de mise en œuvre du droit communautaire

Le 4 avril 2006, la Commission a rendue publique une communication sur le bilan de l’application de la directive n°96/71/CE baptisée « «Orientations concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services». Elle constatait des défaillances, de la part des Etats membres, tant en matière d’information des entreprises et des salariés concernés par les dispositions de la directive, qu’en matière de coopération entre les Etats.

Ce constat a été confirmé par la recommandation de la Commission du 31 mars 2008 relative à « l'amélioration de la coopération administrative dans le contexte du détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services ». La Commission affirme, dans ce texte récent, que « malgré certaines améliorations en matière d'accès à l'information, des inquiétudes justifiées demeurent quant à la manière dont les États membres mettent en oeuvre et/ou appliquent, dans la pratique, les règles de la directive 96/71/CE relatives à la coopération administrative ».

La Commission propose trois voies pour améliorer l’application du droit communautaire dans ce domaine : la mise en place d’un système électronique d’échange d’informations, l’accroissement des efforts fournis par les Etats membres pour améliorer l’accès à l’information des entreprises et des salariés, ainsi que la création d’un processus d’échange de bonnes pratiques, au sein de comités de haut niveau.

Certains Etats membres ont choisi de prévenir ces critiques en signant des accords de coopération bilatérale en matière de lutte contre le travail illégal, dont les dispositions font directement écho aux préconisations de la directive n°96/71/CE.

2) Plusieurs accords entre les Etats membres ont déjà été noués

Interrogé par votre Rapporteur, le ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a fourni une liste d’accords de coopération entre Etats membres de l’Union européenne dans le domaine du droit social et du droit du travail, dont les stipulations portent notamment sur les échanges d’informations et le contrôle des règles de détachement au sens de la directive communautaire.

Les Pays-Bas ont ainsi signé des conventions de ce type en 2007 avec la République Tchèque, la Pologne et le Portugal. Ce pays a quant à lui noué des partenariats avec l’Espagne et la Bulgarie, en 2003 et 2007. Enfin, trois accords bilatéraux lient entre eux, depuis 2008, l’Allemagne, le Luxembourg et la Belgique.

Afin de répondre aux critiques émises notamment par la Commission, plusieurs Etats européens ont ainsi choisi de développer leur coopération bilatérale dans le domaine de la lutte contre le travail illégal. La France participe également à ce mouvement, et a lancé des négociations pour parvenir à des accords bilatéraux dans ce domaine, notamment avec les Pays-Bas.

II – UN MODÈLE D’ACCORD A ÉTENDRE

Conçu notamment pour répondre aux manques apparus dans le cadre de l’application de la directive communautaire sur le détachement de travailleurs, l’accord franco-néerlandais pour la lutte contre le travail illégal propose de renforcer la coopération entre les deux Etats dans deux domaines : la prévention des atteintes au droit social et au droit du travail, et le contrôle des infractions commises.

A l’heure actuelle, deux arrangements administratifs portant des stipulations similaires sont déjà en vigueur, le premier conclu avec l’Allemagne le 31 mai 2001, le second avec la Belgique le 9 mai 2003. Le présent accord est plus solennel, puisqu’il associe les deux Gouvernements, et préfigure une augmentation certaine du nombre d’accords internationaux liant la France avec des Etats européens.

A – L’accord du 15 mai 2007 précise les conditions de la coopération entre la France et les Pays-Bas dans la lutte contre le travail illégal

Au titre de l’article 1er de l’accord, la France et les Pays-Bas s’engagent à mener des actions communes dans plusieurs domaines : l’application des dispositions de la directive n°96/71/CE, l’utilisation abusive des règles du détachement, le non respect des règles de droit social du pays d’accueil ainsi que d’autres types d’infractions comme le placement abusif ou les fraudes à l’assurance chômage.

Les articles 2 et 3 prévoient de lancer des initiatives afin de prévenir le travail illégal. L’article 2 indique que des informations doivent pouvoir être fournies aux entreprises et aux salariés dans leurs langues. A l’heure actuelle, la France met à disposition, sur le site Internet de la direction générale du travail, des fiches de synthèse du droit français en anglais, allemand, roumain, portugais et polonais. L’article 3 prévoit la possibilité d’intégrer les actions de prévention menées en partenariat par la France et les Pays-Bas à un programme pluriannuel qui intègre notamment la question du financement de ces actions.

Les articles 4 et 5 du présent accord visent quant à eux à rapprocher les administrations des deux Etats afin de faciliter le contrôle des situations de détachement de salariés d’entreprises françaises aux Pays-Bas, et inversement. Après avoir fourni la liste des administrations concernées par ces actions de contrôle dans chacun des Etats, l’article 4 rappelle que les bureaux de liaison nationaux, dont la création est prévue par la directive de 1996, restent le seul point de contact entre les Etats membres.

La fonction de bureau de liaison est assurée en France par la direction générale du travail. Elle doit, à ce titre, répondre aux demandes d’information de son homologue néerlandais, comme le prévoit l’article 4 de l’accord du 15 mai 2007, afin de contrôler la légalité des opérations de détachement de travailleurs. Ces demandes doivent être motivées, et peuvent ne pas être traitées dans la mesure où la réponse exigerait un travail administratif disproportionné.

L’article 5 prévoit que les bureaux de liaison doivent rendre compte à leur homologue des suites données aux informations reçues. De plus, si l’un des deux bureaux de liaison s’avère détenir une information tendant à établir qu’une infraction a été commise au regard des dispositions communautaires en matière de sécurité sociale, il doit en informer son homologue, ainsi que les organismes de sécurité sociale des deux parties.

Les articles 6 et 7 de l’accord franco-néerlandais apportent quelques compléments aux actions prévues par les stipulations précédentes. Des stages de fonctionnaires peuvent ainsi être organisées au sein de l’administration de l’autre partie, afin de les sensibiliser au droit en vigueur dans cet Etat. L’article 7 prévoit pour sa part une évaluation annuelle du dispositif ainsi créé, et une rencontre bilatérale, au moins tous les deux ans, associant les bureaux de liaison et, éventuellement, d’autres administrations impliquées dans le contrôle des dispositions du droit du travail et du droit social.

L’article 8 indique que l’accord est signé pour une durée indéterminée, qu’il prend effet à réception le jour de la réception du dernier instrument de ratification, et qu’il peut être dénoncé par l’une des deux parties sous réserve d’un préavis de trois mois.

B – D’autres accords de ce type pourraient être signés pour parfaire la transposition de la directive °96/71/CE

Les dispositions de l’accord du 15 mai 2007 permettent donc de clarifier les conditions d’application du droit communautaire. En France, deux arrangements administratifs, avec l’Allemagne et la Belgique, actuellement en vigueur, concernent la même matière.

Un tel dispositif est loin de couvrir la totalité des besoins. En plus du présent texte, un accord similaire a donc été conclu avec la Bulgarie le 30 mai 2008 et devrait être prochainement soumis à la ratification parlementaire.

Enfin, cinq accords sont actuellement en cours de négociation par la France, avec l’Italie, le Luxembourg, l’Allemagne, la Pologne et le Portugal.

CONCLUSION

L’accord du 15 mai 2007 permet de clarifier les modalités de la coopération administrative entre la France et les Pays-Bas en matière de lutte contre le travail illégal. Commandée par les évolutions du droit communautaire, celle-ci permet de contrôler que la norme la plus favorable aux salariés est systématiquement appliquée dans les domaines essentiels du droit du travail et du droit social.

Des accords de ce type devraient se multiplier, au vu du nombre de travailleurs placés en situation de détachement sur le territoire de l’Union européenne. En accompagnant cette évolution par des garanties importantes, le présent accord permet de protéger les salariés tout en facilitant la poursuite d’activités économiques transfrontalières.

Pour ces raisons, votre Rapporteur conclut en faveur de l’adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du 29 avril 2009.

Après l’exposé du Rapporteur et suivant ses conclusions, la Commission adopte sans modification le projet de loi (no 1431).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord de coopération administrative pour la lutte contre le travail illégal et le respect du droit social en cas de circulation transfrontalière de travailleurs et de services entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas, signé à Paris le 15 mai 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 1431).

© Assemblée nationale

1 () Ces règles ne sont pas modifiées par l’adoption de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, version largement remaniée de la directive dite « Bolkestein », du nom de l’ancien commissaire européen chargé du marché intérieur. En effet, l’article 3.1 de ce texte prévoit explicitement que, dans le cas où ses dispositions entreraient en conflit avec celles contenues dans la directive n°96/71/CE, ce sont les préconisations de ce dernier texte qui devront être appliquées.