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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 1705

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 juin 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence,

PAR M. FrÉdÉric REISS,

Député.

——

Voir les numéros :

Sénat : 19, 20 rectifié et 88 et T.A. 20 (2008-2009)

Assemblée nationale : 1319

INTRODUCTION 5

I.- UNE DISPOSITION QUI A PERMIS DE METTRE FIN À UNE RÉELLE INÉGALITÉ ENTRE PUBLIC ET PRIVÉ 7

A. LE PRINCIPE DE L’ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ENTRE ÉTABLISSEMENTS 7

B. UN PRINCIPE NON RESPECTÉ 8

C. UN VIDE JURIDIQUE COMBLÉ PAR L’ARTICLE 89 DE LA LOI DE 2004 10

II.- UNE APPLICATION QUI A SUSCITÉ CONTROVERSES ET CONTENTIEUX 11

A. UNE LECTURE MAXIMALISTE DU DISPOSITIF 11

B. LA LECTURE MODÉRÉE POSÉE PAR LES CIRCULAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2005 ET DU 27 AOÛT 2007 12

III.- UNE SOLUTION DE COMPROMIS QUI EST JURIDIQUEMENT FRAGILE 15

A. DES CIRCULAIRES CONTESTÉES DEVANT LE CONSEIL D’ÉTAT 15

B. UN RELEVÉ DE CONCLUSIONS OFFICIALISANT LES DÉSACCORDS 15

C. SUR LE TERRAIN, UNE SITUATION PEU SATISFAISANTE 16

IV.- LA VALIDATION DE CE COMPROMIS PAR LA LOI EST UNE NÉCESSITÉ 19

TRAVAUX DE LA COMMISSION 21

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 21

II.- EXAMEN DES ARTICLES 35

Article 1er Obligation de financement des classes élémentaires sous contrat par les communes de résidence des élèves 35

Article 2  Règlement des conflits par le préfet 42

Article 3 Dispositions finales 43

TABLEAU COMPARATIF 45

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 49

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 51

INTRODUCTION

La proposition de loi n°1319« visant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence » a été adoptée par le Sénat le 10 décembre 2008 de façon quasi-consensuelle, seul le groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche ayant voté contre.

Cette proposition de loi a un objectif simple : mettre fin à un feuilleton juridique et politique qui n’a que trop duré depuis l’adoption de l’article 89 de la loi d’août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales. La radicalisation des positions et l’insécurité juridique qui en ont découlé ne conviennent à personne.

Le dispositif proposé est donc une solution de compromis qui s’inscrit dans la philosophie de la loi Debré de 1959 : il s’agit d’une solution qui calque la procédure prévue en pareille situation pour un élève accueilli dans une école publique tout en respectant les spécificités de l’enseignement privé sous contrat.

Si l’on a pu croire pendant un temps que les circulaires successives de 2005 et de 2007 permettraient de garantir une certaine sécurité juridique, force est de constater que ce n’est pas le cas et qu’une intervention du législateur est aujourd’hui nécessaire. Tel est le sens de cette proposition de loi qui permettra d’inscrire dans le code de l’éducation la solution de compromis retenue par les circulaires successives.

Elle part du principe simple que, pour le financement par les communes de résidence des classes élémentaires sous contrat, les mêmes conditions que celles qui valent pour les classes élémentaires publiques doivent s’appliquer dès lors que celles-ci sont compatibles avec la protection constitutionnelle attachée à la liberté de l’enseignement.

En conséquence, la proposition de loi calque le régime de prise en charge par la commune de résidence des frais de fonctionnement pour un élève accueilli dans une école privée d’une autre commune sur celui de prise en charge des frais de fonctionnement de cet élève dans une école publique de cette même commune.

Parallèles, ces régimes sont néanmoins autonomes : n’est ainsi pas reprise, dans le régime applicable aux écoles privées, l’autorisation préalable du maire de la commune de résidence. Une telle disposition serait contraire à la Constitution car elle subordonnerait l’exercice effectif d’une liberté publique à l’accord préalable d’une autorité locale.

Certaines interrogations se sont exprimées lors de l’examen de cette proposition de loi par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, concernant en particulier les garanties à apporter aux dérogations prévues et la nécessité de préciser le champ des regroupements pédagogiques intercommunaux ; des réponses claires et précises devront être apportées par le Gouvernement en séance publique.

Il est donc proposé à l’Assemblée d’adopter cette proposition de loi telle qu’adoptée par le Sénat : il s’agit d’une proposition équilibrée qui permettra de mettre un terme à un conflit qui envenime inutilement les relations entre des acteurs fondamentaux de l’enseignement primaire ayant chacun sa légitimité.

I.- UNE DISPOSITION QUI A PERMIS DE METTRE FIN
À UNE RÉELLE INÉGALITÉ ENTRE PUBLIC ET PRIVÉ

La question du financement des écoles publiques et privées a constitué l’un des principaux enjeux de la « guerre scolaire » qui a trop longtemps sévi dans notre pays. Grâce à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les relations entre l’État et les établissements, dite « loi Debré », un équilibre a été trouvé qui, à part dans les années 80, n’a pratiquement jamais été remis en question. Cet équilibre est fondé sur la contractualisation entre l’État et les établissements privés et l’égalité de traitement entre les établissements.

A. LE PRINCIPE DE L’ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ENTRE ÉTABLISSEMENTS

L’article 442-5 du code de l’éducation, directement issu de la loi Debré, dispose que « les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l’enseignement public ». Il doit par conséquent y avoir parité de traitement, les dispositions prévues pour le public devant être appliquées au privé sous contrat d’association.

Dès lors, lorsque l’obligation de financer les dépenses de fonctionnement des classes publiques correspondantes repose sur une collectivité territoriale, celle-ci est également tenue de prendre en charge les dépenses de fonctionnement des classes privées sous contrat d’association.

Depuis la loi Guizot du 28 juin 1833, ce sont les communes qui doivent assumer le financement des dépenses de fonctionnement des classes élémentaires publiques situées sur leur territoire. En application des dispositions de l’article L. 442-5 précité, elles doivent faire de même pour les classes privées couvertes par un contrat d’association implantées dans la commune.

Elles ne peuvent se délier de cette obligation en faisant connaître leur opposition à la passation d’un tel contrat avec une école située sur le territoire de leur commune, ce dernier liant l’établissement et l’État, sans que celui-ci soit tenu en quelque manière que ce soit de rechercher l’accord des collectivités territoriales concernées.

Le Conseil constitutionnel l’a explicitement rappelé dans sa décision 84-185 DC du 18 janvier 1985, en déclarant contraire à la Constitution une disposition prévoyant qu’un tel accord devrait désormais être donné s’agissant des contrats d’association portant sur des classes primaires. Cela reviendrait en effet à soumettre l’exercice effectif d’une liberté publique, en l’espèce la liberté d’enseignement, aux décisions des collectivités territoriales, ce qui pourrait conduire à ce que cette liberté soit inégalement garantie sur le territoire national.

B. UN PRINCIPE NON RESPECTÉ

Lorsque des enfants étaient scolarisés dans des classes élémentaires sous contrat d’association hors du territoire de leur commune de résidence, ce principe n’était pas respecté. En effet, les communes ne doivent prendre en charge les dépenses de fonctionnement des classes élémentaires publiques que pour les seuls enfants domiciliés dans la commune.

Le régime de financement des classes élémentaires sous contrat d’association étant, en vertu des dispositions de l’article L. 442-5 précité, calqué sur celui des classes élémentaires publiques, la commune d’accueil n’est pas tenue de participer aux dépenses de fonctionnement des classes élémentaires sous contrat pour des élèves originaires d’autres communes.

Jusque-là, le parallélisme était parfaitement respecté. Mais, alors qu’il existait pour les écoles publiques une disposition venant explicitement régler la question de la prise en charge des dépenses de fonctionnement liées à la scolarisation d’enfants domiciliés dans une autre commune que celle où est implantée l’école, rien de tel n’était prévu pour les écoles privées.

En effet, pour les écoles publiques, l’article L. 212-8 du code de l’éducation dispose en son premier alinéa que « lorsque les écoles maternelles, les classes enfantines ou les écoles élémentaires publiques d’une commune reçoivent des élèves dont la famille est domiciliée dans une autre commune, la répartition des dépenses de fonctionnement se fait par accord entre la commune d’accueil et la commune de résidence ».

Faisant prévaloir l’esprit de dialogue entre les communes, le législateur a prévu que la répartition des dépenses devait par principe faire l’objet d’un accord. Toutefois, si celui-ci se révélait impossible, les dispositions des alinéas 2 à 8 de l’article L. 212-8 précité prévoient une procédure de règlement des éventuels conflits :

– en confiant au préfet la responsabilité d’arrêter le montant de la contribution de chacune des communes, après avis du conseil départemental de l’éducation nationale (alinéa 2) ;

– en définissant les éléments devant être pris en compte pour le calcul de la contribution de la commune de résidence, à savoir : les ressources de cette commune, le nombre d’élèves domiciliés dans cette commune et scolarisés dans la commune d’accueil ; le coût moyen par élève calculé sur la base des dépenses de l’ensemble des écoles publiques de la commune d’accueil, à l’exclusion des dépenses liées aux activités périscolaires (alinéa 3) ;

– en rendant facultative la contribution de la commune d’accueil si elle dispose des capacités d’accueil suffisantes pour recevoir les enfants concernés, sauf accord préalable du maire de la commune. Ces capacités d’accueil sont considérées comme suffisantes lorsque la commune de résidence dispose des postes d’enseignants et des locaux nécessaires (alinéa 4) ;

– en rendant obligatoire la contribution de la commune de résidence lorsque les familles sont contraintes de scolariser leur enfant dans une école publique située sur le territoire d’une autre commune en raison :

- des obligations professionnelles des parents, lorsque la commune de résidence n’assure pas, directement ou indirectement, la restauration et la garde des enfants, ou lorsqu’elle n’a pas organisé un service d’assistances maternelles agréées (alinéa 6) ;

- de l’inscription d’un frère ou d’une soeur dans un établissement situé dans la commune d’accueil (alinéa 7) ;

- de raisons médicales (alinéa 8).

En prévoyant d’une part que la commune de résidence pouvait être tenue de contribuer à la prise en charge des dépenses de fonctionnement des écoles publiques situées sur le territoire d’une autre commune lorsque des enfants domiciliés sur le territoire de la première y sont scolarisés et en définissant d’autre part les modalités de règlement des éventuels désaccords entre communes, l’article L. 212-8 permettait donc de garantir que l’ensemble des charges de fonctionnement des écoles publiques seraient financées par les communes intéressées.

Malheureusement, aucun dispositif analogue n’existait pour les établissements sous contrat. En effet, les dispositions de l’article L. 212-8 précité n’étaient que partiellement applicables au financement des dépenses de fonctionnement des établissements privés. En effet, aux termes de l’article L. 442-9 du code de l’éducation, issu de l’article 27-5 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 modifié par la loi n° 85-97 du 25 janvier 1985, « l’article L. 212-8 du présent code, à l’exception de son premier alinéa, et l’article L. 216-8 ne sont pas applicables aux classes sous contrat d’association des établissements d’enseignement privés ».

Le premier alinéa de l’article L. 212-8 posant le principe d’un accord entre commune de résidence et commune d’accueil en cas de scolarisation dans une école d’enfants domiciliés dans plusieurs communes, ce principe était reconduit pour les classes élémentaires des écoles privées sous contrat d’association. Toutefois, en excluant l’application des autres dispositions de l’article L. 212-8 précité, le texte de l’article L. 442-9 ne reprenait pas, s’agissant de l’enseignement privé, la procédure de règlement des éventuels désaccords prévue par celui-là.

Dès lors, même si le principe d’une contribution de la commune de résidence aux charges de fonctionnement des écoles primaires sous contrat d’association était bien posé, aucune procédure ne venait garantir l’effectivité de cette contribution lorsque la commune de résidence refusait de la supporter.

Le seul effet des dispositions de l’article L. 442-9 était donc de rendre facultative la prise en charge par la commune d’accueil des charges de fonctionnement occasionnées par la scolarisation d’enfants ne résidant pas sur le territoire de la commune.

C. UN VIDE JURIDIQUE COMBLÉ PAR L’ARTICLE 89 DE LA LOI DE 2004

Même si telle n’était pas l’intention de l’auteur de l’amendement à l’origine de cet article, le sénateur Michel Charasse, l’article 89 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 permettait de mettre enfin en place une procédure devant mettre fin à une inégalité entre écoles publiques et écoles élémentaires privées sous contrat d’association aboutissant à ce que les frais de fonctionnement liés à la scolarisation de certains enfants n’étaient pas pris en charge, ni par la commune où était situé l’établissement, ni par la commune de résidence de l’enfant, en complète contradiction avec l’article 442-5 du code de l’éducation.

Aux termes de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 précitée, tel qu’il résulte de sa rédaction initiale, « les trois premiers alinéas de l’article L. 212-8 du code de l’éducation sont applicables pour le calcul des contributions des communes aux dépenses obligatoires concernant les classes des écoles privées sous contrat d’association. »

Le véritable apport de cet article est de rendre applicables au financement de ces classes les deuxième et troisième alinéas du même article. Ceux-ci prévoient d’une part, l’intervention du préfet en cas de désaccord entre la commune d’accueil et la commune de résidence sur la répartition des dépenses et, d’autre part, déterminent les critères qui doivent être pris en compte par le représentant de l’État lorsqu’il doit procéder lui-même à cette répartition.

L’alinéa 3 de l’article L. 212-8 précité dispose en effet que « pour le calcul de la contribution de la commune de résidence, il est tenu compte des ressources de cette commune, du nombre d’élèves de cette commune scolarisés dans la commune d’accueil et du coût moyen par élève calculé sur la base des dépenses de l’ensemble des écoles publiques de la commune. Les dépenses à prendre en compte à ce titre sont les charges de fonctionnement, à l’exclusion de celles relatives aux activités périscolaires ».

L’article 89 est donc un article de procédure, en ce qu’il ne crée pas une obligation de financement, mais définit ses conditions de mise en œuvre en prévoyant, le cas échéant, l’intervention du préfet.

Au surplus, en rendant applicables au financement des classes élémentaires sous contrat d’association les dispositions du troisième alinéa de l’article L. 212-8 précité, l’article 89 témoigne du souci d’équité du législateur : la prise en compte des ressources de la commune de résidence permet au préfet de fixer avec mesure la contribution due en garantissant une charge non disproportionnée.

À première vue, cet article semblait donc se contenter de combler un vide juridique réel. Malheureusement, des ambiguïtés quant à sa rédaction et les divergences d’interprétation ont conduit à des controverses et à des contentieux dont il est urgent de se dégager.

II.- UNE APPLICATION QUI A SUSCITÉ CONTROVERSES
ET CONTENTIEUX

Les conditions d’adoption de l’article 89 ont empêché une réelle concertation avec les différents acteurs concernés et surtout une analyse juridique approfondie du dispositif proposé qui a ainsi fait l’objet de lectures contradictoires.

A. UNE LECTURE MAXIMALISTE DU DISPOSITIF

En semblant exclure explicitement l’application des autres alinéas de l’article L. 212-8 précité, l’article 89 a pu, dès son adoption, faire naître des inquiétudes. À la lecture du seul article 89, il pouvait sembler qu’à l’exception des trois premiers alinéas, l’article L. 212-8 restait inapplicable aux classes élémentaires sous contrat d’association.

Le principe d’une contribution de la commune d’accueil semblait donc devoir s’appliquer sans aucune des restrictions posées, pour la scolarisation dans les écoles publiques, par l’article L. 212-8 dans son ensemble.

Dès lors, les communes de résidence auraient été soumises à l’obligation de prendre en charge les dépenses de fonctionnement d’élèves scolarisés dans une classe élémentaire sous contrat d’association implantée dans une autre commune, alors qu’il n’en aurait pas été de même si cet enfant avait fréquenté une école publique de la commune d’accueil.

Ainsi, à un déséquilibre premier aurait succédé un autre déséquilibre, les dispositions de l’article 89 devenant alors plus favorables à l’enseignement privé sous contrat d’association qu’à l’enseignement public.

C’est cette lecture qui a été privilégiée par certains organismes de gestion des établissements catholiques qui ont alors adressé aux communes de résidence des factures correspondant aux élèves résidant dans cette commune et inscrits dans leurs établissements. Ces demandes ont provoqué un émoi certain chez de nombreux maires de tous horizons politiques qui ne comprenaient pas que leur soient adressées de telles factures alors qu’ils disposaient dans leur commune de la capacité d’accueil nécessaire. La plupart ont donc refusé de payer provoquant des conflits et parfois des contentieux.

Toutefois, une telle lecture était à l’évidence incompatible avec les dispositions de l’article L. 442-5 du code de l’éducation, qui prévoit que les dépenses de fonctionnement des classes élémentaires sous contrat d’association sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l’enseignement public. Une lecture combinée de l’article 89 de la loi de 2004 et de l’article 442-5 du code de l’éducation était nécessaire.

B. LA LECTURE MODÉRÉE POSÉE PAR LES CIRCULAIRES DU 2 DÉCEMBRE 2005 ET DU 27 AOÛT 2007

Soucieux d’apaiser les inquiétudes qui s’exprimaient au sujet de l’interprétation de l’article 89, les ministres de l’intérieur et de l’éducation nationale ont publié le 2 décembre 2005 une circulaire destinée à clarifier l’état du droit applicable.

À cette occasion, ils ont rappelé que « les dispositions de l’article 89 doivent être combinées avec le principe général énoncé à l’article L. 442-5 selon lequel « les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l’enseignement public ». Il en résulte que la loi ne peut être lue comme imposant aux communes une charge plus importante pour le financement des écoles privées que pour celui des écoles publiques. »

Par ailleurs, comme le précise le texte de la circulaire précitée, il ressort de cette combinaison que « l’application de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 (1) ne saurait donc conduire à mettre à la charge de la commune de résidence une contribution supérieure par élève à celle qui lui incomberait si l’élève concerné était scolarisé dans une école publique. En revanche, et conformément au principe de parité qui doit guider l’application de la loi, la commune de résidence doit participer au financement de l’établissement privé sous contrat dans tous les cas où elle devrait participer au financement d’une école publique qui accueillerait le même élève. »

L’application combinée des deux dispositions conduit donc les communes à prendre en charge les dépenses de fonctionnement liées à la scolarisation, dans une école primaire privée sous contrat d’association d’une autre commune, d’enfants domiciliés sur son territoire dans tous les cas où elle devrait participer au financement d’une école publique qui accueillerait le même élève.

Ce faisant, il ne peut plus y avoir de rupture d’égalité entre écoles publiques et privées sous contrat d’association.

Pour autant, cette lecture combinée des deux dispositions ne permet pas d’étendre telles quelles les dispositions de l’article L. 212-8 du code de l’éducation au financement des classes élémentaires sous contrat.

En particulier, le principe de la liberté de l’enseignement, qui, en vertu de la Constitution, est un principe fondamental reconnu par les lois de la République, faisait obstacle à ce que les dispositions du quatrième alinéa de l’article précité puissent être appliquées en l’état à la scolarisation des enfants dans des classes élémentaires sous contrat d’association.

En faisant de l’accord du maire de la commune de résidence l’un des cas faisant naître, pour celle-ci, l’obligation de contribuer aux charges de fonctionnement des classes élémentaires sous contrat établies dans une autre commune, la stricte application du quatrième alinéa de l’article L. 212-8 aurait en effet conduit à faire dépendre l’exercice effectif d’une liberté protégée par la Constitution des décisions prises par les collectivités territoriales, violant ainsi le principe constitutionnel interdisant que les conditions essentielles d’exercice d’une liberté garantie par la Constitution puissent ne pas être les mêmes sur l’ensemble du territoire.

III.- UNE SOLUTION DE COMPROMIS QUI EST JURIDIQUEMENT FRAGILE

Si le principe d’une lecture combinée des articles 89 de la loi de 2004 et de l’article L. 442-5 semble solide intellectuellement et en pleine cohérence avec les principes posés par la loi Debré, sa solidité juridique reste incertaine. Cela a conduit à une insécurité juridique qui, au final, est préjudiciable à l’ensemble des acteurs du dossier.

A. DES CIRCULAIRES CONTESTÉES DEVANT LE CONSEIL D’ÉTAT

Le 4 juin 2007, le Conseil d’État, saisi par les organismes réunis au sein du Comité national d’action laïque, a annulé la circulaire du 2 décembre 2005 pour des raisons de forme. Celle-ci avait en effet été signée par les directeurs de cabinet des deux ministres concernés, alors qu’elle aurait dû l’être par les directeurs d’administration centrale qui seuls disposaient de la délégation pour ce faire.

Le Conseil d’État n’a donc pas eu à se prononcer sur le fond de l’affaire, l’examen des moyens d’illégalité externe ayant suffi à emporter l’annulation de la circulaire. Pour cette même raison, les conclusions du commissaire du gouvernement n’ont pas apporté d’éléments susceptibles d’éclairer la position que le juge administratif serait susceptible de prendre sur la question de la portée de l’article 89 de la loi précitée.

Après cette annulation, les parties concernées ont été consultées par le ministre de l’éducation nationale le 27 juin 2007 et il a été décidé de publier aussi rapidement que possible une nouvelle circulaire reprenant l’essentiel du texte de la circulaire du 2 décembre 2005.

Les ministres de l’intérieur et de l’éducation nationale ont publié le 27 août 2007 une nouvelle circulaire clarifiant les conditions de mise en œuvre de l’article 89 par combinaison avec les principes énoncés à l’article 442-5 du code de l’éducation. Mais cette circulaire a de nouveau fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État qui n’a pas encore tranché sur cette affaire, maintenant une situation de forte incertitude juridique.

B. UN RELEVÉ DE CONCLUSIONS OFFICIALISANT LES DÉSACCORDS

En effet, l’intervention du Conseil d’État sur ce dossier est attendue par tous les acteurs du dossier.

De fait, la clarification des dispositions de l’article 89 opérée par la circulaire du 2 décembre 2005 avait été contestée par le Secrétariat général de l’enseignement catholique qui remettait en cause la combinaison des dispositions de l’article 89 de la loi du 13 août 2004 précitée et de l’article 442-5 du code de l’éducation.

Pour sa part, l’Association des maires de France (AMF) s’était réjouie de cette clarification et souhaitait l’application pleine et entière des dispositions de l’article 89 telles qu’éclairées par la circulaire.

Afin de prévenir d’éventuels désaccords qui pourraient survenir compte tenu du différend d’interprétation opposant les représentants de l’enseignement catholique, les représentants des maires et les ministères de l’intérieur et de l’éducation nationale, le ministre d’État, ministre de l’intérieur, M. Nicolas Sarkozy, a alors pris l’initiative d’engager une nouvelle concertation afin de dégager les conditions d’un compromis satisfaisant pour l’ensemble des parties, et ce dans l’attente de la décision du Conseil d’État qui permettrait de trancher définitivement les questions de droit au fond.

Cet accord a pris la forme d’un relevé de conclusions en date du 16 mai 2006. Ce dernier prend acte des divergences d’interprétation portant sur l’article 89 de la loi du 13 août 2004 et prévoit, dans l’attente de la décision du Conseil d’État, que ces dispositions seront appliquées dans le respect des principes posés par la circulaire du 2 décembre 2005.

C. SUR LE TERRAIN, UNE SITUATION PEU SATISFAISANTE

Le relevé de conclusions et la concertation qui a accompagné la rédaction de la circulaire de 2007 ont incontestablement permis d’apaiser les tensions entre les différentes parties. Et, de fait, les contentieux sont assez rares : à ce jour, les juridictions compétentes n’ont été saisies que de dix-neuf affaires.

Pour autant, un climat d’insécurité juridique persiste, qui ne satisfait personne :

– les maires ignorent la portée exacte de leurs obligations légales, ce qui complique singulièrement leur tâche lorsqu’ils doivent construire les budgets communaux ;

– les établissements privés sous contrat d’association sont dans l’impossibilité de prévoir les financements dont ils bénéficieront, puisque leur versement effectif reste suspendu à la lecture de l’article 89 retenue par la commune considérée.

Par ailleurs, la persistance des divergences conduit les positions extrêmes des uns et des autres à s’exprimer avec d’autant plus de vigueur :

– certaines communes s’estiment en effet fondées à refuser par principe tout financement aux écoles privées sous contrat d’association, niant ainsi les principes mêmes de la « loi Debré » ;

– certains établissements privés sous contrat croient possible d’exiger, sans information et sans concertation préalables, des contributions des communes, plaçant ainsi ces dernières devant le fait accompli.

Ces incertitudes entretiennent donc un climat peu favorable, rythmé par des décisions de justice de première instance qui viennent démentir ces positions extrêmes et entretenir l’insécurité latente, alors même que ces arrêts sont sur le fond parfaitement prévisibles.

Il est donc nécessaire de clarifier définitivement les règles applicables en matière de financement des écoles primaires privées sous contrat d’association et de restaurer ainsi la sérénité et la sécurité juridique auxquelles tous aspirent désormais.

IV.- LA VALIDATION DE CE COMPROMIS PAR LA LOI
EST UNE NÉCESSITÉ

Face à cette situation, on a longtemps cru que les circulaires, éventuellement validées par une décision du Conseil d’État, suffisaient à garantir une certaine sécurité juridique. Force est de constater que ce n’est pas le cas et qu’une intervention du législateur est aujourd’hui nécessaire. C’est le sens de la proposition de loi déposée par notre collègue sénateur Jean-Claude Carle, adoptée par le Sénat lors de sa séance du 10 décembre 2008 et dont notre Assemblée est aujourd’hui saisie.

La proposition de loi reprend pour l’essentiel les dispositions figurant dans les circulaires de 2005 et de 2007, partant du principe simple que, pour le financement par les communes de résidence des classes élémentaires sous contrat, les mêmes conditions que celles qui valent pour les classes élémentaires publiques doivent s’appliquer dès lors que celles-ci sont compatibles avec la protection constitutionnelle attachée à la liberté de l’enseignement.

En conséquence, la proposition de loi calque le régime de prise en charge des frais de fonctionnement par la commune de résidence d’un élève accueilli dans une école privée sur celui de prise en charge de ces frais d’un élève dans une école publique d’une autre commune. Comme l’explique clairement Jean-Claude Carle dans son rapport (2), deux régimes parallèles mais autonomes existeront donc, l’un propre au public, l’autre propre au privé.

Le premier alinéa du nouvel article L. 442-5-1 du code de l’éducation résume parfaitement le principe posé : « La contribution de la commune de résidence pour un élève scolarisé dans une autre commune dans une classe élémentaire d’un établissement privé du premier degré sous contrat d’association constitue une dépense obligatoire lorsque cette contribution aurait également été due si cet élève avait été scolarisé dans une des écoles publiques de la commune d’accueil ».

Cela recouvre quatre cas :

– l’absence de capacités d’accueil dans la commune de résidence ;

– la nécessité de scolariser l’enfant dans une autre commune en raison des obligations professionnelles de ses parents et de l’inexistence d’un service de garde et de restauration organisé, directement ou indirectement, par la commune de résidence ;

– la nécessité de scolariser l’enfant dans une autre commune pour des raisons médicales ;

– la scolarisation d’un frère ou d’une sœur dans la commune d’accueil.

Parallèles, ces régimes sont néanmoins autonomes : n’est ainsi pas reprise, dans le régime applicable aux écoles privées, l’autorisation préalable du maire de la commune de résidence prévue à l’article L. 212-8 du code de l’éducation. Une telle disposition serait contraire à la Constitution car elle subordonnerait l’exercice effectif d’une liberté publique à l’accord préalable d’une autorité locale (DC 84-185 du 18 janvier 1985).

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales examine, sur le rapport de M. Frédéric Reiss, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence (n° 1319) au cours de sa séance du mercredi 3 juin 2009.

Un débat suit l’exposé du rapporteur.

M. Alain Marc. Je me réjouis qu’une solution soit trouvée à cette situation d’insécurité juridique. Mais pourquoi exiger que le RPI soit adossé à un EPCI ? Ce n’est pas le cas de tous ces regroupements.

Par ailleurs, quand une commune rurale n’a pas d’école mais bénéficie d’une démographie dynamique, il arrive que de nombreux enfants y vivent, tout en étant scolarisés dans une autre commune. Dès lors, le maire peut être amené à se poser la question de l’opportunité d’ouvrir à nouveau une classe. Le sujet qui nous occupe a donc également un lien avec la carte scolaire et le rôle joué par l’inspection académique.

Mme Michèle Delaunay. En dépit de sa brièveté, cette proposition de loi exige une analyse très fine pour en comprendre les conséquences. Par rapport à l’application de l’article 89, je note que son adoption entraînera un allégement des charges obligatoires pesant sur les communes de résidence d’enfants scolarisés dans un établissement privé d’une commune voisine.

Sur le plan politique, toutefois, la situation demeure inchangée, puisqu’il y a toujours, pour le maire de la commune de résidence, une obligation de financer. Or, lorsque l’enfant est scolarisé dans une école publique, il existe une cinquième condition, l’accord du maire. Le fait que cet accord ne soit pas requis pour l’enseignement privé sous contrat va à l’encontre du souci d’équilibre affiché par la loi. C’est donc un point sur lequel il faudra revenir.

Il existe un autre point de discussion : si nous sommes très favorables à l’idée d’examiner les capacités d’accueil à l’échelle d’un RPI, nous ne voyons pas la nécessité de restreindre ce principe aux RPI adossés à un EPCI. Le fait que le RPI ne soit pas un territoire administratif ne nous semble pas constituer une source d’inconstitutionnalité.

Quoi qu’il en soit, le plus important est que l’article 89 soit enfin abrogé.

Mme Marie-Hélène Amiable. L’article 89 est certes supprimé, mais cette suppression est le prétexte à modifier le régime de financement des classes élémentaires sous contrat par les communes de résidence. En outre, confier au préfet le soin de résoudre les litiges nous semble être une remise en cause du principe de libre administration des communes.

Alors que des commissions de dérogation existent pour ce qui concerne les écoles publiques, il ne nous paraît pas normal que les familles puissent placer leurs enfants dans une école privée sans que le maire de la commune qui finance ait donné son avis.

C’est pour ces deux raisons essentielles qui nous voterons contre cette proposition de loi, d’autant qu’elle s’ajoute à une série d’attaques portées contre le service public de l’éducation – avec notamment les suppressions de postes et la remise en cause de l’école maternelle.

M. Yvan Lachaud. Ce texte arrive au bon moment tant certaines situations locales apparaissent inextricables. Mais je me demande pourquoi le Sénat a cru bon d’ajouter la disposition relative aux RPI. En effet, non seulement le RPI n’est pas un territoire administratif de la République, mais il peut se décliner de multiples façons d’un département à l’autre – et même à l’intérieur d’un département. Nous risquons donc de complexifier un texte qui avait l’avantage de rendre enfin claire la législation applicable en ce domaine, en particulier parce qu’il précise les quatre cas dans lesquels la commune de résidence doit apporter sa contribution – j’exclus bien évidemment la possibilité qu’un maire donne son avis sur la scolarisation dans le privé. Même s’il y a urgence à adopter cette proposition de loi, nous devons éviter que cette question du RPI ne soit la source de nouveaux conflits.

M. le rapporteur. Il me semble que nous pouvons tous approuver l’objectif de ce texte, qui est clairement rappelé dans le deuxième alinéa de l’article 1er : « La contribution de la commune de résidence pour un élève scolarisé dans une autre commune dans une classe élémentaire d’un établissement privé du premier degré sous contrat d’association constitue une dépense obligatoire lorsque cette contribution aurait également été due si cet élève avait été scolarisé dans une des écoles publiques de la commune d’accueil. »

Contrairement à vous, madame Amiable, la disposition prévoyant l’arbitrage du préfet me semble plutôt bienvenue, d’autant que celui-ci devra statuer dans un délai de trois mois. Je vous rassure toutefois : les situations conflictuelles sont relativement peu nombreuses.

J’en viens aux regroupements pédagogiques communaux, qui recouvrent, il est vrai, des réalités très diverses. Ainsi, dans ma circonscription, il existe un RPI associant deux communes, six classes, trois directeurs et cinq écoles. Il fonctionne parfaitement.

Peu de textes font mention des RPI, mais la circulaire du 3 juillet 2003 rappelle les différentes règles qui les régissent. Elle distingue le RPI dispersé, qui rassemble les élèves de plusieurs communes par niveau pédagogique, chaque école gardant son statut juridique et sa direction, et le RPI concentré, lorsque l’ensemble des élèves des communes concernées est scolarisé dans l’école de l’une des communes.

Il existe environ 5 000 RPI, dont une partie seulement est adossée à un EPCI – souvent un syndicat intercommunal à vocation unique dont la seule compétence est la compétence scolaire. Le problème est que les communes ne considèrent les RPI en tant que territoires que lorsqu’il en résulte une situation favorable pour elles ; dans le cas contraire, elles n’y voient que des regroupements à caractère purement pédagogique. Prenons l’exemple de trois communes dont l’une comprend une école privée sous contrat. L’obligation de financement incombe depuis toujours au maire de cette dernière, qui doit financer de la même façon le fonctionnement de l’école publique et de l’école privée. Si les deux autres communes font partie d’un territoire clairement identifié sous forme d’EPCI, tous les élèves des trois communes deviennent résidents, et l’obligation de financer s’applique de la même façon : toutes trois doivent se répartir le financement de la prise en charge des élèves, dans le public comme dans le privé – même si c’est le coût de scolarisation dans le public qui sert de référence.

Dans la mesure où le RPI est une structure fluctuante, les sénateurs ont adopté de façon presque unanime l’amendement du groupe socialiste, sous-amendé par Michel Charasse, et prévoyant qu’un décret fixerait les conditions dans lesquelles les capacités d’accueil pourraient être évaluées à l’échelle d’un RPI. Or pour réduire tout risque de litige, ce décret devra être précis. Si le territoire considéré est celui de l’EPCI compétent en matière scolaire, il appartient alors à ce dernier d’assumer les frais de fonctionnement liés à la scolarité d’un élève ; dans le cas contraire, la situation de chaque commune est prise en compte, et l’alinéa 2 de l’article 1er s’applique.

Quand Mme Delaunay estime que l’accord du maire doit faire partie des conditions nécessaires pour que la commune de résidence soit tenue de payer, elle me semble faire une lecture sélective de l’article L. 212-8 du code de l’éducation. En effet, le maire peut être consulté, mais il ne l’est pas dans tous les cas. La commune de résidence est tenue de participer aux frais dans les cas où la scolarisation se justifie par les obligations professionnelles des parents, par des raisons médicales ou si un frère ou une sœur est déjà scolarisé dans une autre commune. Ce n’est que quand la capacité d’accueil des établissements scolaires de la commune de résidence permet la scolarisation des enfants concernés que le maire peut être amené à donner son avis.

En ce qui concerne la condition relative à la présence d’un frère ou d’une sœur dans un établissement d’une autre commune, je précise qu’en vertu de l’article R. 212-21, la première inscription du frère ou de la sœur doit elle-même être justifiée par l’appartenance à l’une des trois catégories déjà énoncées.

M. le président Pierre Méhaignerie. Où commencent et où finissent les obligations professionnelles des parents ?

M. le rapporteur. Comme le précise le quatrième alinéa, ces obligations constituent un critère recevable lorsque les parents résident dans une commune qui n’assure pas, directement ou indirectement, la restauration ou la garde des enfants – l’un ou l’autre.

M. le président Pierre Méhaignerie. La scolarisation dans une autre commune est donc justifiée si elle permet aux parents d’accompagner plus facilement leur enfant à l’école ?

M. le rapporteur. Oui : les deux parents doivent seulement prouver qu’ils ne peuvent être présents lors de l’ouverture et de la fermeture de l’école.

M. Pierre Cardo. Si l’on autorise une famille à inscrire un enfant dans l’école privée d’une autre commune parce que la commune de résidence ne propose pas la restauration ou la garde, pourquoi n’est-il précisé nulle part que l’école privée doit elle-même proposer ces prestations ?

M. le rapporteur. Cette précision devra en effet figurer dans le décret. Il conviendra de demander au Gouvernement quelle est sa position sur ce point.

M. Bernard Perrut. Nous évoquons aujourd’hui un sujet très important. Si nous sommes tous attachés à l’école républicaine, nous sommes tout aussi sensibles au principe de la liberté d’enseignement, et donc au respect de la loi Debré.

Je retiens que la proposition de loi doit apporter des solutions concrètes et une sécurité juridique aux acteurs du terrain, maires ou établissements scolaires. Elle est porteuse de clarté, et c’est pourquoi nous la soutiendrons.

Compte tenu des difficultés d’interprétation de l’article 89, il fallait trouver un compromis. Cette proposition de loi répond pleinement aux préoccupations des maires soucieux de préserver le réseau des écoles publiques, notamment en milieu rural.

Le texte soulève toutefois certaines interrogations. Ainsi, s’il est légitime de prévoir des dérogations selon les critères qui ont été rappelés, il convient de les encadrer et de contrôler leur usage. Dans le cas contraire, nous dépasserions l’objectif initial. Il appartiendra aux préfets de faire en sorte que les règles du jeu soient respectées.

En ce qui concerne les RPI, le décret devra en préciser les fondements juridiques : délibération du conseil municipal ou inscription au budget, par exemple. Ou peut-être faudra-t-il se tourner vers l’État et prévoir qu’un RPI n’existe que lorsque l’inspecteur d’académie l’a reconnu. Ainsi, aucune contestation ne sera possible.

M. Alain Néri. Ce texte tente en effet de répondre à certain nombre de questions, sans toutefois y parvenir totalement. Et je préfère pour ma part régler tous les problèmes avant de voter plutôt que de m’en remettre à un futur décret.

Lors de l’établissement de l’école publique par Jules Ferry, la volonté était que chaque village ait son école. Nous devons veiller à ce que dans chaque commune, l’école publique puisse continuer d’accueillir tous les enfants – d’autant que, avec la disparition du service militaire, c’est le seul endroit où ils peuvent apprendre à vivre ensemble.

Or lorsque je vois les différentes dérogations prévues par le texte, je me dis que presque tous les enfants pourraient en bénéficier… Ainsi, jusqu’à quelle heure faudra-t-il prévoir de faire fonctionner les services de garde pour répondre aux besoins professionnels des parents ? Il ne faudrait pas que la journée de travail de l’enfant soit plus longue que celle des parents ! De même, ne sera-t-il pas aisé d’obtenir un certificat médical ? Enfin, je vois que le rapport évoque, outre l’organisation d’un service de garde ou de restauration, celle d’un service d’assistantes maternelles. Je pensais que les assistantes maternelles relevaient de la compétence des conseils généraux, et non des maires.

M. le rapporteur. Justement : cette disposition a été retirée du texte initial.

M. Alain Néri. J’en viens aux regroupements pédagogiques intercommunaux qui tendent à être réalisés de façon systématique dans les territoires ruraux, où ils rendent des services éminents – notamment les RPI « dispersés », qui permettent de maintenir une école dans chaque commune. Nous n’avons pas d’inquiétude à avoir quant à leur existence administrative, car elle est liée à leur reconnaissance par l’inspection académique. La preuve en est que les enseignants, lorsqu’ils demandent leur mouvement, postulent sur un poste de RPI. À quoi bon, dès lors, s’en remettre à un hypothétique décret ?

M. Marc Bernier. Nos débats montrent que l’interprétation que l’on peut avoir du texte dépend largement de la situation à laquelle on est confronté sur le plan local.

Les dispositions proposées, on l’a dit, constituent une solution de compromis. Mais elles ont l’avantage de clarifier la situation tout en respectant la liberté de choix des parents et le principe de parité entre public et privé.

Toutefois, il convient de veiller à la façon dont seront appliqués les critères auxquels sont soumises les dérogations. En effet, si aucun frein n’est mis à l’inscription d’élèves dans une autre commune que la commune de résidence, et notamment dans une commune centre, on risque de voir les RPI se vider de leurs effectifs, ce qui serait une catastrophe du point de vue de l’aménagement du territoire. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, les écoles privées n’y gagneront pas forcément. Je rappelle qu’un tiers de leurs élèves déjà ne sont pas scolarisés dans la commune de résidence : c’est du moins le cas dans mon département. Il convient donc de veiller à ce que le régime de dérogations soit sans ambiguïté, d’autant que chaque litige mettrait le préfet dans une situation délicate.

M. Yves Durand. Le principe implicitement posé par la loi Debré de 1959 est la parité de traitement entre les écoles publiques et les écoles privées – même si le terme de parité n’est inscrit ni dans la loi, ni dans la Constitution. Or cette parité n’est pas respectée en l’espèce, puisque ce qui, pour le maire, est une faculté dans le cas des classes élémentaires publiques devient une obligation pour les classes élémentaires sous contrat d’association. Je vous renvoie à la deuxième page du rapport : la proposition de loi reprend la formulation des conditions valant pour l’enseignement public, « à l’exclusion de l’accord du maire, qui ne peut être étendu au privé car cela reviendrait à subordonner l’exercice effectif d’une liberté publique à l’accord préalable d’une autorité locale ». Or cette liberté publique, la liberté d’enseignement, s’oppose ici à un autre principe constitutionnel fondamental, celui de la libre administration financière des collectivités territoriales. Il y a là un conflit entre deux principes qu’il convient de régler.

L’accord du maire est donc nécessaire, non seulement en application de la Constitution, mais aussi parce que c’est cet accord qui valide l’existence du RPI. C’est pourquoi le groupe socialiste défendra un amendement soumettant le paiement de la contribution par la commune de résidence à la condition que le maire ait donné son accord à la scolarisation de l’enfant hors de sa commune.

Je reconnais que la proposition de loi est motivée par de bonnes intentions, mais l’enfer en est pavé… Je ne voudrais pas que le règlement d’un problème purement financier nous conduise à relancer la guerre scolaire.

M. Benoist Apparu. Nous cherchons en effet à appliquer un principe de parallélisme ou de parité entre le public et le privé, qui non seulement découle de la loi Debré, mais a été largement réaffirmé par les accords Lang-Cloupet de 1992. Or l’amendement du Sénat relatif aux RPI risque d’aller à l’encontre de ce principe. Je suis donc d’accord avec le rapporteur : il est indispensable que le RPI soit adossé à un EPCI. Pourquoi, d’ailleurs, ne pas faire figurer cette précision dans le texte lui-même ?

Il est vrai qu’un vide juridique demeure s’agissant de la définition des RPI et de leurs liens avec les EPCI. Une nouvelle fois, la question de la personnalité morale des écoles primaires françaises est posée.

M. Michel Issindou. Même si la proposition de loi représente un progrès par rapport à l’article 89, nos débats montrent qu’elle est loin de tout clarifier. En effet, tous les cas dans lesquels la contribution de la commune de résidence est obligatoire sont contestables. Vous avez évoqué le problème posé par la situation professionnelle des parents, monsieur le président, mais on pourrait également soulever celui des raisons médicales – on peut s’attendre à ce que toutes les raisons soient invoquées – ou de la scolarisation d’un frère ou d’une sœur – songeons aux familles recomposées.

De nombreuses communes disposant de capacités d’accueil suffisantes dans le public vont donc voir partir certains de leurs enfants vers la commune d’à côté. Dès lors, on peut s’attendre à ce que le maire vérifie avec précaution que l’une des conditions requises est bien remplie, ce qui pourrait conduire à un important contentieux.

Par ailleurs, est-il vraiment envisageable qu’en France, un élève ne puisse, faute de capacités suffisantes, être accueilli par l’école publique de sa commune ? J’espère qu’aucun élève ne peut être contraint, par manque de places, à s’inscrire dans une école privée.

Quant au préfet, il ne sera pas en mesure de rendre des arbitrages. Dès lors, compte tenu des enjeux financiers, il faut nous attendre à des contestations.

M. Patrice Debray. Certains maires de ma circonscription, située en milieu rural, ont refusé de payer pour les élèves scolarisés à l’extérieur de leur commune dans le public, dans la mesure où les communes de résidence disposaient de toutes les capacités d’accueil nécessaires. En revanche, ils étaient obligés de payer pour les établissements privés, souvent situés dans des villes centres. La proposition de loi va-t-elle régler ce problème ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Dans ce domaine, il convient d’éviter les règles trop rigides. Et à partir du moment où une marge d’appréciation est laissée au maire, il n’est pas anormal que l’arbitrage du préfet soit requis en cas de conflit.

Dans la mesure où un décret devra préciser certaines dispositions, j’espère que l’Assemblée pourra, le moment venu, exercer son pouvoir de contrôle et examiner de plus près son contenu.

S’agissant des regroupements pédagogiques intercommunaux, je me pose la même question que mes collègues : comment les définir de façon suffisamment rigoureuse pour éviter que n’apparaissent des difficultés d’interprétation encore plus grandes que celles que nous connaissons déjà ? L’idée d’adosser ces RPI aux seuls EPCI disposant de la compétence scolaire pourrait constituer une solution, mais encore faudrait-il le préciser – et je serais d’accord pour le faire par amendement plutôt que par décret, même si cela doit conduire à bousculer le calendrier parlementaire prévu. Il serait dans tous les cas intéressant de connaître la position du Gouvernement.

Enfin, le calcul des frais de fonctionnement doit-il prendre en compte les intérêts des emprunts souscrits pour investissement ? Il n’inclut pas bien sûr le capital lui-même. Une clarification sur ce point est nécessaire.

M. Vincent Descoeur. En tant que maire, j’ai le souvenir d’avoir invalidé des demandes de dérogation pour raisons professionnelles, ne les jugeant pas fondées. Je crains que, désormais, une telle appréciation ne puisse plus être portée, et si c’est le cas, il importe que les possibilités de dérogations soient très encadrées. Évitons d’organiser le déménagement des écoles rurales de périphérie vers les préfectures ou les sous-préfectures.

Dans ma circonscription, les écoles appartenant à un même RPI peuvent parfois être assez éloignées l’une de l’autre. Dès lors, je suis souvent saisi de demandes de dérogations de la part de parents qui veulent éviter que leur enfant en bas âge soit amené à parcourir chaque jour plus de quinze kilomètres. De telles demandes ne sont-elles pas légitimes ?

M. Pierre Cardo. En tant que maire de banlieue, j’ai passé vingt-six ans à me battre contre l’évasion scolaire. Or je constate aujourd’hui, dans ma circonscription, que les deux collèges, dont la capacité d’accueil est de mille élèves, n’en reçoivent qu’un peu plus de 400. Un incident récent, très médiatisé, devrait d’ailleurs conduire à réduire encore le nombre d’inscriptions. Telle est la situation de certaines communes ayant beaucoup de zones urbaines sensibles, alors que celles-ci sont moins concentrées dans les villes voisines.

J’en viens au texte lui-même. À partir du moment où celui-ci prévoit le cas où la scolarisation de l’élève dans une école d’une autre commune est motivée par les obligations professionnelles des parents ainsi que par l’absence de services de restauration et de garde dans la commune de résidence, cela autorise, de fait, les parents à inscrire leurs enfants ailleurs, y compris dans un établissement privé qui ne propose pas ces services. Et comme on ne demande plus l’avis du maire, c’est la porte ouverte à l’évasion scolaire. La dérogation ne doit donc être possible que si la prestation en question est assurée par l’établissement d’accueil.

S’agissant du cas où un frère ou une sœur est déjà scolarisé dans une autre commune, je remarque que le texte ne précise pas dans quel type d’établissement. Compte tenu de l’assouplissement de la carte scolaire, cela signifie que si l’inspection d’académie autorise un élève à s’inscrire dans un collège situé dans une autre commune que celle où il réside, toute la fratrie pourra être scolarisée dans la même commune. Le texte n’est donc pas suffisamment précis.

Dans une ville qui connaît de nombreuses difficultés, les parents ne songent qu’à une chose : inscrire leurs enfants ailleurs. Il en résulte une concentration des difficultés dans certains établissements et un effet de ghettoïsation qui sont catastrophiques.

Enfin, s’agissant des raisons médicales, je vous mets en garde contre les risques liés au communautarisme. Rappelez-vous nos combats relatifs à la nourriture halal. Compte tenu des évolutions que j’observe depuis quelques années, nous risquons d’envoyer ainsi de nombreux élèves dans des établissements dont nous désapprouvons l’enseignement.

Mme Martine Billard. M. Cardo a raison de le souligner : la loi s’applique sur tout le territoire national, et pas seulement dans les zones rurales. Or sa rédaction me semble comporter des dangers pour l’école publique. En effet, dans les cas où le nombre d’élèves est proche du seuil de fermeture d’une classe, la loi risque de s’appliquer au détriment des écoles publiques et au profit des écoles privées. L’école publique est censée accueillir tout enfant. Pourquoi prévoir qu’elle pourrait « ne pas disposer des capacités d’accueil nécessaires » ?

Quant aux critères définis par les alinéas 4 à 6, je préfère que l’on ne s’en remette pas au décret pour les préciser. En particulier, l’absence de services de restauration ou de garde des enfants ne peut constituer une condition valable que si l’école privée de la commune d’accueil organise elle-même ces prestations.

Nous risquons de fragiliser encore plus des communes déjà touchées par la fuite d’une partie de leurs élèves, ce qui serait particulièrement dangereux.

Mme Françoise Guégot. En tant que maire, j’ai présidé pendant de nombreuses années une commission de dérogation. Nous n’avons jamais observé de déficit entre les entrées et les sorties : le système parvient à s’équilibrer, y compris entre public et privé. En revanche, nous étions confrontés à des situations très complexes, liées par exemple à la situation professionnelle des parents ou aux problèmes de garde. À cet égard, il me paraît essentiel de pouvoir regrouper les enfants dans un même établissement. Il convient surtout de tenir compte, de manière juste et équitable, de la situation de chaque famille. Or c’est ce que fait ce texte.

Certains s’interrogent sur les raisons médicales. Mais il existe de nombreuses situations où il est nécessaire d’en tenir compte. C’est le cas notamment quand il s’agit d’intégrer les enfants en situation de handicap : certaines écoles privées ont fait de gros efforts dans ce domaine.

Quant à la condition relative à la garderie et à la restauration, son importance est loin d’être secondaire et elle doit donc être maintenue : la prise en charge d’un enfant pour la journée constitue un problème essentiel, en particulier dans le cas d’une situation familiale complexe – je pense notamment aux familles monoparentales.

Mme Claude Greff. La difficulté provient de la très grande variété des situations que cette proposition de loi recouvre, une variété dont nos débats sont le reflet. C’est pourquoi les questions comptables ne doivent pas être le seul horizon de notre intervention législative.

L’important est de mettre en évidence les responsabilités de chacun. Les maires sont à même de savoir si certaines situations particulières justifient des dérogations. De même, le préfet a son rôle à jouer, comme d’ailleurs l’éducation nationale.

Ce qu’il ne faut surtout pas négliger, c’est l’intérêt de l’enfant et celui de la famille. À cet égard, la proposition de loi me paraît équilibrée, et je la voterai sans état d’âme.

M. Arnaud Robinet. Une des conditions dans lesquelles la contribution de la commune de résidence est obligatoire est le cas où un frère ou une sœur est déjà inscrit dans un établissement scolaire de la même commune. Cette disposition s’applique-t-elle aux enfants « vivant sous le même toit », dans la mesure où les familles recomposées sont désormais nombreuses dans notre société ?

Mme Monique Iborra. Comme de nombreux textes dont nous avons à débattre, cette proposition de loi est examinée dans la précipitation ; vouloir qu’elle s’applique dès septembre, c’est se donner un calendrier très serré. Or son adoption pourra avoir de graves conséquences sur le terrain.

J’aimerais savoir, monsieur le rapporteur, si la FCPE a été auditionnée, et si oui, quel était son avis. Il ne serait pas normal que l’on se contente d’interroger l’APEL et la Fédération de l’enseignement catholique, dont on connaît la position sur ces sujets.

Il peut y avoir un décalage entre ce que nous voulons faire et l’application concrète de ce texte sur le terrain. J’ai peur que ce type de proposition de loi, en apparence anodine, ne conduise, faute d’une concertation suffisante, à rallumer la guerre scolaire.

M. Jacques Grosperrin. Le rapport affirme que l’intervention du préfet a lieu « en cas de litige » et non en cas de « désaccord ». Pouvez-vous préciser cette nuance ?

S’agissant des RPI, le problème est de s’assurer qu’ils seront adossés à un EPCI. Il faut donc soit créer des syndicats intercommunaux à vocation unique, soit donner une existence juridique aux regroupements existants.

Nous devons agir rapidement : l’AMF et les associations de parents d’élèves, du public comme du privé, sont en attente d’une clarification. C’est pourquoi il me semble que nous devons adopter ce projet de loi.

Mme Françoise de Panafieu. Je suis sensible aux objections soulevées par Pierre Cardo. Il me paraît indispensable de prévoir une autorité de contrôle si nous voulons éviter une logique de ghettoïsation. La liberté des parents est une chose, la nécessité d’un contrôle en est une autre. Et dans ce domaine, les mêmes règles devraient prévaloir, que l’enfant soit scolarisé dans le secteur public ou dans le secteur privé. Si le maire ne dispose pas d’un pouvoir de contrôle, nous risquons en outre d’observer de nombreux litiges.

Mme Michèle Delaunay. Comme Mme Greff, je crois que nous ne devons pas nous limiter à une logique comptable, mais également discuter des principes. La liberté d’enseignement en est un, mais cette liberté implique également qu’un enfant puisse être scolarisé dans une école publique de sa commune.

Je constate que ce texte présente des similitudes avec le projet de loi sur l’hôpital : les deux autorisent le transfert des missions vers le secteur privé lorsqu’une carence du service public est constatée…

Quant à l’autorisation du maire, elle est en effet nécessaire : il ne s’agit pas seulement du contrôle, mais aussi de la validation des critères permettant une dérogation.

Enfin, je m’interroge sur la définition de la notion de fratrie.

M. le président Pierre Méhaignerie. Il y a vingt-quatre heures, j’éprouvais les mêmes réserves que certains d’entre vous. J’ai donc essayé de comprendre comment le Sénat était parvenu à adopter à une large majorité un texte consensuel. J’ai également demandé à Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France, quel était le sentiment des maires : celui-ci a répondu que tous les problèmes ne seraient pas résolus par cette proposition de loi, mais que son adoption nous permettrait toutefois d’avancer, tout en étant sûrs de faire le moins de dégâts possible. Tel est désormais mon sentiment.

M. le rapporteur. La plupart des questions que vous vous êtes posées, je me les suis posées moi-même. Et mon opinion sur ce dossier a évolué au fil de mes rencontres. À ce sujet, madame Iborra, je précise que je n’ai pas auditionné la FCPE, mais le CNAL, dont la FCPE fait partie.

De nombreuses interventions concernaient l’autorisation donnée par le maire à la scolarisation d’un enfant dans une autre commune. La meilleure réponse est donnée par la décision du Conseil constitutionnel du 13 janvier 1994 : « si le principe de libre administration des collectivités locales a valeur constitutionnelle, les dispositions que le législateur édicte ne sauraient conduire à ce que les conditions essentielles d'application d'une loi relative à l'exercice de la liberté de l'enseignement dépendent de décisions des collectivités territoriales et, ainsi, puissent ne pas être les mêmes sur l'ensemble du territoire ».

Je le répète, le dispositif proposé calque la procédure actuellement en vigueur pour l’école publique, laquelle est détaillée dans l’article L. 212-8 du code de l’éducation. En particulier, les dérogations obéissent aux mêmes critères – certes discutables. Je n’ai pas de réponse en ce qui concerne les fratries et les enfants issus de familles recomposées : il conviendra d’interroger le Gouvernement sur ce point en séance publique. Par ailleurs, s’agissant de la condition prévue au cinquième alinéa de l’article 1er, il est exact que le frère ou la sœur déjà scolarisé dans une école de la commune d’accueil peut l’être dans un établissement autre que primaire.

En ce qui concerne l’état de santé, je vous renvoie à l’article R. 212-21 du même code, qui indique précisément les conditions dans lesquelles il peut être invoqué, prévoyant notamment une attestation d’un médecin de santé scolaire ou agréé : il encadre ce motif de dérogation d’une façon assez claire pour éviter les glissements que certains redoutent.

Nous devons éviter tout faux débat : l’objectif du texte est bien de traiter de la même façon le public et le privé.

Comme l’a observé M. Cardo, il n’est nulle part précisé que l’établissement privé d’accueil doit assurer les prestations dont l’absence a justifié la scolarisation de l’enfant dans une autre commune. Mais je rappelle que la contribution aux frais de scolarité n’est due par le maire de la commune de résidence que dans le cas où il la devrait si la scolarisation avait lieu dans une école publique de la commune d’accueil. Une fois de plus, le parallélisme des formes est respecté.

Par ailleurs, de plus en plus nombreux sont les EPCI qui proposent des services périscolaires : dès lors, même en milieu rural, des services de restauration ou de garde sont souvent proposés.

Certains se sont interrogés sur la notion de capacité d’accueil. Comme il est précisé dans la loi, pour justifier de cette capacité, il faut que l’établissement scolaire dispose à la fois des postes d’enseignants et des locaux nécessaires pour accueillir les enfants. Et dans le cas où cette capacité est suffisante, il n’y a aucune raison que la commune de résidence contribue au financement d’une école privée située dans une autre commune.

Comme l’a précisé Marc Bernier, environ un tiers des enfants scolarisés dans le privé ne résident pas dans la commune où est situé l’établissement.

Le texte précise le mode de calcul de la contribution due par la commune. Celui-ci prend en compte les ressources, ce qui est important pour les communes dotées d’un faible potentiel fiscal. Mais ni les intérêts des emprunts, ni le capital ne sont pris en compte, me semble-t-il, dans le calcul des frais de fonctionnement.

En cas de litige, monsieur Grosperrin, les parties essaient d’abord de trouver une solution. Ce n’est qu’en cas de désaccord persistant que le préfet est saisi pour arbitrage.

J’en viens à la question des RPI. Il est vrai que ceux-ci doivent être reconnus par l’inspection d’académie, mais il n’en demeure pas moins qu’aucun critère objectif ne permet d’en délimiter le territoire. Or la notion de résidence ou de non-résidence doit s’apprécier par rapport au territoire, ce qui ne pose pas de problème dans le cas où le regroupement est adossé à un EPCI. C’est pourquoi il est indispensable, pour éviter toute contestation, que le décret apporte cette précision.

En ce qui concerne l’application de la loi, la commission des affaires sociales a l’habitude de rédiger un rapport d’application dans un délai de six mois après l’adoption d’un projet ou d’une proposition. Nous pourrons donc y revenir à cette occasion.

Quant aux conditions prévues pour permettre une dérogation, il appartiendra aux textes réglementaires de les préciser de façon à ce qu’elles ne soient pas contestables.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Obligation de financement des classes élémentaires sous contrat
par les communes de résidence des élèves

L’article 1er de la proposition de loi propose de créer un nouvel article L. 442-5-1 dans le code de l’éducation. Cet article s’insère juste après l’article L. 442-5 qui pose le principe des contrats d’association entre les établissements privés et l’État et indique clairement que « les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l’enseignement public ».

Le nouvel article L. 442-5-1 vient donc préciser ce principe et définit les modalités de financement de l’établissement privé pour les élèves résidant dans une commune différente de celle où l’établissement est implanté. C’est donc le pendant de l’article L. 212-8 qui traite du même sujet pour les écoles publiques.

Ne serait-ce que formellement, le dispositif proposé est beaucoup plus clair que celui de l’article 89 : il ne s’agit pas d’appliquer tel ou tel alinéa de l’article L. 212-8 à l’enseignement privé, avec toutes les ambiguïtés que cela peut comporter, mais bien d’établir, dans un article distinct, un régime parallèle mais autonome pour l’enseignement privé.

S’agissant du dispositif lui-même, il se sépare en quatre parties : la première (alinéa 2 de l’article 1er) fixe le principe ; la deuxième (alinéas 3 à 6) fixe les cas dans lesquels la contribution de la commune de résidence est obligatoire ; la troisième (alinéa 7) ouvre la possibilité d’un financement même quand la dépense n’est pas obligatoire ; enfin, la quatrième (alinéa 8) encadre le montant du forfait.

1. L’inscription du principe

L’alinéa 2 pose donc le principe fondamental régulièrement repris dans les circulaires d’application de l’article 89 : la commune de résidence de l’élève n’est tenue de prendre en charge les dépenses de fonctionnement liées à sa scolarisation dans le privé sous contrat d’association d’une autre commune que dans les seuls cas où cette contribution aurait été due pour ce même élève scolarisé dans le public de la même commune d’accueil.

2. Les cas dans lesquels la contribution de la commune de résidence est obligatoire 

Les alinéas 3 à 6 explicitent ce principe, en détaillant les conditions auxquelles la commune de résidence peut être tenue de verser une contribution :

– lorsqu’elle ne dispose pas des capacités d’accueil ;

– lorsque la scolarisation de l’élève dans une autre commune trouve son origine dans les obligations professionnelles de ses parents ainsi que dans l’absence de services de restauration et de garde des enfants par la commune ;

– lorsque la scolarisation de l’élève dans une autre commune trouve son origine dans l’inscription d’un frère ou d’une sœur dans la même commune ;

– lorsque la scolarisation de l’élève dans une autre commune trouve son origine dans des raisons médicales.

Ce faisant, l’article 1er de la proposition de loi reprend quasiment à l’identique la formulation des conditions valant pour le public, à l’exclusion de l’accord du maire, qui ne peut être étendu au privé car cela reviendrait à subordonner l’exercice effectif d’une liberté publique à l’accord préalable d’une autorité locale.

Par rapport à la proposition de loi initiale (3), quelques modifications ont été apportées par la commission d’abord, en séance publique ensuite.

a) Les modifications apportées par la Commission des affaires culturelles du Sénat

Celles-ci ont été marginales et ont concerné l’alinéa 4 actuel. En effet, la proposition de loi initiale prévoyait que parmi les conditions rendant obligatoire le financement par les communes de résidence figurait le cas où les obligations professionnelles des parents de l’enfant concerné rendaient nécessaire la scolarisation hors de la commune de résidence en l’absence d’organisation dans celle-ci d’un service de garde, de restauration ou d’assistantes maternelles.

L’ensemble de ce dispositif pouvait effectivement être repris, à l’exception du service d’assistantes maternelles. En effet, contrairement à l’article L. 212-8 du code de l’éducation, qui règle, pour l’enseignement public, la répartition de la contribution due pour la scolarisation dans les classes enfantines, maternelles et élémentaires, le nouvel article L. 442-5-1 ne définit les règles de financement que pour les seules classes élémentaires.

En effet, la scolarisation avant l’école primaire n’étant pas une obligation légale, elle ne se double pas, pour les communes, de l’obligation de prendre en charge les dépenses de fonctionnement, sauf si elles ont donné leur accord au contrat.

En conséquence, ni la contribution de la commune de résidence ni celle de la commune d’accueil ne peuvent être des dépenses obligatoires pour les classes maternelles. Dès lors, la mention du service d’assistants maternels, qui ne concerne que des élèves plus jeunes que ceux qui fréquentent l’école élémentaire, n’avait plus lieu d’être. La commission des affaires culturelles du Sénat l’a donc supprimée.

b) Les modifications apportées en séance publique : le délicat problème des regroupements pédagogiques intercommunaux

À part une précision rédactionnelle sur le titre, le Sénat n’a apporté en séance publique qu’une modification au texte adopté par la commission : il s’agit du territoire sur lequel est évaluée la capacité d’accueil de la commune.

Après un débat assez long et parfois un peu confus, le Sénat a en effet adopté un amendement de M. Pierre-Yves Collombat et des membres du groupe socialiste, sous-amendé par un sous-amendement de M. Michel Charasse, précisant que l’évaluation des capacités d’accueil se fait au niveau de la commune ou « dans des conditions définies par décret, (du) regroupement pédagogique intercommunal auquel elle participe ». Cette précision, qui semble être de bon sens dans la mesure où de nombreuses communes se sont constituées en regroupement pédagogique intercommunal (RPI) pour mutualiser leurs efforts scolaires, soulève pourtant certaines difficultés tant techniques que politiques. Ces difficultés pourront néanmoins être facilement levées si le décret prévu précise que parmi les conditions citées figure la nécessité pour le RPI d’être adossé à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

 Des difficultés techniques non négligeables

La notion de RPI est aujourd’hui extrêmement floue juridiquement et regroupe des réalités très différentes.

Actuellement la notion de RPI n’est pas définie par le code de l’éducation et ne possède donc aucune base légale. On y trouve seulement une référence à l’article D.213-29 qui précise que le département est consulté sur « les projets de création ou de suppression de regroupements pédagogiques intercommunaux», en raison de sa compétence dans le domaine des transports scolaires.

C’est en fait une circulaire n° 2003-104 du 3 juillet 2003 relative à la carte scolaire du premier degré qui rappelle les différentes règles qui régissent les RPI en ces termes :

« Légalement, les communes ont la possibilité de se réunir pour l’établissement et l’entretien d’une école, mais le regroupement d’élèves de plusieurs communes dans une seule école ne s’impose aux communes concernées que dans le cas de communes distantes de moins de trois km, dès lors que l’une des communes compte moins de quinze élèves (article L. 212-2 du code de l’éducation). Dans les autres cas, l’accord de la commune est requis.

« Les regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) peuvent utilement s’appuyer sur des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

« Il existe deux sortes de RPI :

« – les RPI dispersés : chaque école rassemble les élèves de plusieurs communes par niveau pédagogique et garde son statut juridique et sa direction d’école ;

« – les RPI concentrés : l’ensemble des élèves des communes concernées est scolarisé dans l’école de l’une des communes. »

Le RPI ne recouvre donc pas une réalité juridique (il est d’ailleurs dépourvu de personnalité morale) mais fonctionnelle. La notion renvoie en effet à une modalité conventionnelle d’organisation de dispositifs de scolarisation associant plusieurs communes. Ainsi, il existe aujourd’hui 4 878 RPI rassemblant un peu plus de 550 000 élèves, soit 11,5 % des élèves scolarisés. Plus de 15 000 communes participent aujourd’hui à un RPI dont un peu plus de 5 000 ne disposent pas de leur propre école.

Un certain nombre de ces RPI sont également des établissements publics de coopération intercommunale mais l’on ne dispose pas aujourd’hui de chiffres précis sur ce point. La seule information dont l’on dispose est qu’il existe aujourd’hui 2 861 EPCI (dont 1 967 syndicats intercommunaux à vocation unique) ayant la compétence scolaire sans que l’on sache plus précisément l’ampleur du transfert de compétences à l’EPCI et comment la carte des EPCI à compétence scolaire recoupe celle des RPI.

 Une potentielle remise en cause du parallélisme entre privé et public

Par ailleurs, une extension de l’évaluation de la capacité d’accueil de la commune à l’ensemble des RPI poserait également des problèmes de principe dans la mesure où elle vient rompre le parallélisme entre public et privé que la proposition de loi entend promouvoir. En effet, l’égalité entre public et privé pourrait être rompue à deux niveaux.

D’une part, dans le dispositif prévu à l’article L. 212-8 pour les établissements publics, l’évaluation de la capacité d’accueil peut également être élargie au-delà de la commune mais seulement si « les compétences relatives au fonctionnement des compétences publiques ont été transférées à un établissement public de coopération intercommunale ». C’est alors dans le ressort de l’EPCI auquel elle participe qu’est évaluée la capacité d’accueil de la commune. À aucun moment, il n’est fait référence aux RPI.

D’autre part, prendre le territoire du RPI, même non adossé à un EPCI, comme critère pour évaluer la capacité d’accueil de la commune de résidence constituerait une rupture d’égalité dans la mesure où ce n’est pas le territoire du RPI qui est pris en compte lorsque l’on évalue les obligations de la commune d’accueil, sauf à ce que le RPI soit constitué en EPCI. Prenons un exemple : imaginons un RPI constitué de deux communes, A et B, une école privée étant installée sur le territoire de B. Si un résident de A décide d’inscrire son enfant dans l’école privée située à B, de deux choses l’une : si le RPI est adossé à un EPCI, l’article L. 442-13-1 (4) du code de l’éducation s’applique et il revient à l’EPCI d’assumer les frais de fonctionnement liés à la scolarité de l’élève ; par contre, s’il s’agit d’un simple RPI contractuel, la commune d’accueil, B, n’a aucune obligation envers l’établissement privé et la commune de résidence, A, non plus, sauf si l’élève peut rentrer dans un des cas prévus par le nouvel article L. 442-5-1. Il y aurait donc deux poids, deux mesures.

Aussi, tant pour des raisons juridiques, pratiques que de principe, le rapporteur estime-t-il que, parmi les « conditions », au sens restrictif du terme, fixées par le décret devra nécessairement figurer l’obligation pour le RPI d’être adossé à un EPCI s’il souhaite que la capacité d’accueil de la commune soit évaluée sur ce territoire. C’est la seule façon de respecter le parallélisme qui irrigue l’ensemble de cette proposition et, plus généralement, le financement de notre système d’éducation. Cela constituerait également une incitation forte pour les RPI contractuels à s’adosser à des EPCI, permettant ainsi de clarifier des situations parfois confuses.

c) La situation des communes d’accueil

Le texte de la proposition de loi modifie le seul régime applicable aux communes de résidence. Pour les communes d’accueil, le droit antérieur continuera à s’appliquer. Or, en vertu d’une jurisprudence bien établie du Conseil d’État (5), seules constituent des dépenses obligatoires les dépenses liées à la scolarisation, dans des classes élémentaires sous contrat, d’enfants domiciliés sur le territoire de la commune.

En conséquence, les communes d’accueil continueront d’être exonérées de toute obligation de prise en charge des dépenses de fonctionnement liées à la scolarisation d’enfants qui résident sur le territoire d’une autre commune.

C’est pourquoi toute référence à un accord passé entre les deux communes sera désormais supprimée du droit applicable aux établissements privés. Cela permettra de clarifier définitivement les obligations des unes et des autres.

3. La possibilité d’un financement même quand la dépense n’est pas obligatoire

Par ailleurs, l’alinéa 7 précise explicitement la faculté laissée aux communes de résidence de contribuer aux dépenses de fonctionnement des classes élémentaires sous contrat situées hors de la commune lorsqu’elles n’y sont pas contraintes. Cette précision permet de garantir que la création du nouvel article ne pourra être interprétée comme limitant la prise en charge des dépenses de fonctionnement aux seuls cas obligatoires.

4. L’encadrement du forfait

Enfin, l’alinéa 8 propose un encadrement de la contribution de la commune de résidence. Il reprend à la fois des modalités de calcul inscrites dans les circulaires successives et au second alinéa de l’article 89 de la loi de 2004 introduit par l’article 89 de la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école.

Le dispositif proposé fixe un triple plafond :

– le coût pris comme référence pour le calcul de la contribution de la commune de résidence est celui de la scolarisation d’un élève dans les écoles publiques de la commune d’accueil ;

– dans l’hypothèse où le coût de la scolarisation dans une école publique de la commune d’accueil est supérieur à ce qu’il aurait été dans la commune de résidence, c’est ce dernier coût qui est alors pris comme référence, la commune de résidence ne pouvant donc en aucun cas verser plus à une école privée sous contrat que ce qu’elle paye pour un élève dans une de ses écoles publiques. La parité de financement est donc également garantie de ce point de vue ;

– dans l’hypothèse où la commune de résidence n’a pas d’école publique, le coût de référence pris en compte est celui du coût moyen de scolarisation d’un élève dans le département : cela permettra de garantir à la commune de résidence qu’elle n’aura pas à acquitter une somme supérieure à la moyenne départementale si le coût de l’élève se révélait extrêmement élevé dans la commune d’accueil.

Pour autant, cette dernière formule doit s’entendre elle aussi au sens d’un plafond : le coût moyen d’un élève dans une école publique du département n’est appelé à intervenir que s’il est plus faible que celui d’un élève dans une école publique de la commune d’accueil.

*

Sur avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AC 5 de Mme Marie-Hélène Amiable tendant à supprimer l’article 1er.

Puis, elle examine l’amendement AC 2 de M. Yvan Lachaud.

M. Yvan Lachaud. Si nous maintenons, sans la préciser, la référence aux RPI, le texte risque, en cas de recours, d’être invalidé par le Conseil constitutionnel. En effet, le regroupement pédagogique intercommunal n’est pas un échelon administratif, et il peut prendre de nombreuses formes différentes.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Sur le terrain, les RPI sont une réalité, même s’il est vrai que les règles qui les régissent sont plutôt floues. C’est pourquoi un décret devra préciser qu’ils doivent être adossés à un EPCI à compétence scolaire – il en existe 2 861 en France. Lorsqu’un tel établissement existe, son président se substitue de plein droit au maire de la commune de résidence pour en assumer les droits et obligations.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC 3 de Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Nous demandons que le maire de la commune de résidence donne son accord à la scolarisation des enfants dans un établissement privé hors de sa commune, non seulement pour une question de parallélisme des formes, mais aussi pour ne pas donner un chèque en blanc aux familles en ce qui concerne le choix de l’établissement scolaire. Il est en outre essentiel que le maire puisse valider les critères autorisant une dérogation.

Ce qui est en jeu, ce n’est pas la liberté de l’enseignement, mais la simple question du financement.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel que je citais précédemment. Par ailleurs, s’agissant des écoles publiques, le maire ne donne son autorisation que lorsque sa commune, bien qu’ayant la capacité d’accueillir les enfants concernés, a conclu un accord avec la commune d’accueil. Et dans ce cas, rien ne l’empêche de contribuer tout de même aux frais liés à la scolarité.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AC 4 de Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Il vise à prévoir le cas où les parents ont changé de résidence entre l’inscription d’un enfant et celle des autres.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Le cas peut se présenter, mais reste tout à fait particulier.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC 6 de Mme Marie-Hélène Amiable.

Mme Marie-Hélène Amiable. Il va dans le même sens que l’amendement AC 3.

M. le rapportable. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er sans modification.

Article 2

Règlement des conflits par le préfet

En étendant au financement des classes élémentaires sous contrat le bénéfice des trois premiers alinéas de l’article L. 212-8 du code précité, l’article 89 de la loi du 13 août 2004 avait pour but explicite de contraindre les maires des communes de résidence à prendre en charge la part du financement qui leur revenait en permettant, le cas échéant, l’intervention du préfet.

Compte tenu toutefois des désaccords existant sur l’interprétation à donner à l’article 89, les préfets semblent avoir eu assez peu recours à leur pouvoir d’intervention en la matière.

À cet égard, la clarification des règles applicables au financement du privé par les communes de résidence ne peut que contribuer à rendre effectives ces dispositions.

L’article 2 de la proposition de loi reprend le principe d’une intervention du préfet en cas de litige, en introduisant toutefois deux innovations au regard du droit existant :

– le préfet est saisi « en cas de litige » et non en cas de désaccord entre les communes. Toute référence au principe de la fixation de la contribution respective des communes est ainsi supprimée, confirmant ainsi l’orientation de la proposition de loi, qui définit le régime applicable aux seules communes de résidence ;

– un délai de trois mois est fixé, afin de garantir l’intervention effective du représentant de l’État. La disposition ne devrait dès lors plus rester lettre morte.

La proposition de loi précise par ailleurs que le préfet est appelé à trancher tout litige lorsque la contribution est obligatoire. L’intervention préfectorale n’est donc prévue que dans l’hypothèse où se trouve discuté le caractère obligatoire de la contribution de la commune de résidence.

En effet, la proposition de loi ne remettant pas en cause le caractère facultatif de la contribution de la commune d’accueil pour les enfants non résidents, le litige ne peut porter que sur la contribution due par la commune de résidence.

Par ailleurs, au vu de l’ensemble du texte de la proposition de loi, il apparaît clairement que ce litige peut également porter sur le montant de cette contribution, les éléments d’appréciation étant définis par ailleurs à l’article 1er de la proposition de loi.

Enfin, on peut noter que le caractère général de la formulation de l’article 2 permet d’avoir recours à l’intervention du préfet pour tout litige portant sur une contribution obligatoire liée à la scolarisation dans une classe élémentaire sous contrat.

Deux hypothèses sont ainsi couvertes :

– le cas où la commune de résidence estimerait qu’aucune des conditions posées à l’article 1er n’est réunie ;

– le cas où la commune-siège d’un établissement refuserait de verser la contribution obligatoire aux dépenses de fonctionnement liées à la scolarisation d’élèves résidant sur son propre territoire ou le cas où un différend existerait sur le montant de cette contribution.

*

La Commission examine l’amendement AC 7 de Mme Marie-Hélène Amiable tendant à supprimer l’article 2.

Mme Marie-Hélène Amiable. C’est aux maires qu’il revient de régler les conflits, et non au préfet.

M. le rapporteur. Avis défavorable : cet article est essentiel pour le règlement d’éventuels litiges.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 2 sans modification.

Article 3

Dispositions finales

Outre l’article 89, l’article 3 de la proposition de loi supprime également le premier alinéa de l’article L. 442-9 du code de l’éducation.

Celui-ci dispose que « l’article L. 212-8 du présent code, à l’exception de son premier alinéa et l’article L. 216-8 du présent code ne sont pas applicables aux classes sous contrat d’association des établissements d’enseignement privés ».

S’agissant de la référence au premier alinéa de l’article L. 212-8 du code de l’éducation, cet article avait d’ores et déjà été modifié de fait par l’adoption de l’article 89 de la loi du 13 août 2004, qui rendait applicables les trois premiers alinéas de l’article L. 212-8 aux classes élémentaires sous contrat.

Quant à la disposition écartant explicitement les établissements privés du bénéfice de l’article L. 216-8, elle n’a plus de portée pratique réelle, puisque cet article, issu de la loi du 22 juillet 1983, avait vocation à organiser la transition liée à la décentralisation.

Ces dispositions de coordination sont nécessaires et bienvenues. Elles sont en effet appelées par l’adoption d’un nouveau dispositif paritaire, mais autonome en matière de financement des classes élémentaires sous contrat par les communes de résidence.

*

La Commission adopte, à l’unanimité, l’article 3 sans modification.

Mme Michèle Delaunay. J’indique qu’en l’état le groupe SRC ne participera pas au vote sur l’ensemble de la proposition de loi.

*

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

En conséquence, la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la proposition de loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

___

Dispositions en vigueur

___

Texte adopté

par le Sénat

___

Texte adopté

par la Commission

___

 

Proposition de loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence

Proposition de loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence

Code de l’éducation

Article 1er

Article 1er

 

Après l’article L. 442-5 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 442-5-1 ainsi rédigé :

Sans modification

 

« Art. L. 442-5-1. – La contribution de la commune de résidence pour un élève scolarisé dans une autre commune dans une classe élémentaire d’un établissement privé du premier degré sous contrat d’association constitue une dépense obligatoire lorsque cette contribution aurait également été due si cet élève avait été scolarisé dans une des écoles publiques de la commune d’accueil.

 
 

« En conséquence, cette contribution revêt le caractère d’une dépense obligatoire lorsque la commune de résidence ou, dans des conditions fixées par décret, le regroupement pédagogique intercommunal auquel elle participe ne dispose pas des capacités d’accueil nécessaires à la scolarisation de l’élève concerné dans son école publique ou lorsque la fréquentation par celui-ci d’une école située sur le territoire d’une autre commune que celle où il est réputé résider trouve son origine dans des contraintes liées :

 
 

« 1° Aux obligations professionnelles des parents, lorsqu’ils résident dans une commune qui n’assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants ;

 
 

« 2° À l’inscription d’un frère ou d’une sœur dans un établissement scolaire de la même commune ;

 
 

« 3° À des raisons médicales.

 
 

« Lorsque la contribution n’est pas obligatoire, la commune de résidence peut participer aux frais de fonctionnement de l’établissement sans que cette participation puisse excéder par élève le montant de la contribution tel que fixé au dernier alinéa.

 
 

« Pour le calcul de la contribution de la commune de résidence, il est tenu compte des ressources de cette commune, du nombre d’élèves de cette commune scolarisés dans la commune d’accueil et du coût moyen par élève calculé sur la base des dépenses de fonctionnement de l’ensemble des écoles publiques de la commune d’accueil, sans que le montant de la contribution par élève puisse être supérieur au coût qu’aurait représenté pour la commune de résidence l’élève s’il avait été scolarisé dans une de ses écoles publiques. En l’absence d’école publique, la contribution par élève mise à la charge de chaque commune est égale au coût moyen des classes élémentaires publiques du département. »

 
 

Article 2

Article 2

 

Après l’article L. 442-5 du même code, il est inséré un article L. 442-5-2 ainsi rédigé :

Sans modification

 

« Art. L. 442-5-2.  Lorsqu’elle est obligatoire, la contribution aux dépenses de fonctionnement des classes élémentaires sous contrat d’association des établissements privés du premier degré est, en cas de litige, fixée par le représentant de l’État dans le département qui statue dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle il a été saisi par la plus diligente des parties. »

 
 

Article 3

Article 3

Art. L. 442-9. – L’article L. 212-8 du présent code, à l’exception de son premier alinéa, et l’article L. 216-8 du présent code ne sont pas applicables aux classes sous contrat d’association des établissements d’enseignement privés.

…………………………………...

I. – Le premier alinéa de l’article L. 442-9 du même code est supprimé.

Sans modification

     

Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales

   

Art. 89. – Les trois premiers alinéas de l’article L. 212-8 du code de l’éducation sont applicables pour le calcul des contributions des communes aux dépenses obligatoires concernant les classes des écoles privées sous contrat d’association.

La contribution par élève mise à la charge de chaque commune ne peut être supérieure, pour un élève scolarisé dans une école privée située sur le territoire d’une autre commune, au coût qu’aurait représenté pour la commune de résidence ce même élève s’il avait été scolarisé dans une de ses écoles publiques ou, en l’absence d’école publique, au coût moyen des classes élémentaires publiques du département.

II. – L’article 89 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est abrogé.

 

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° AC 2 présenté par M. Yvan Lachaud et les membres du groupe Nouveau centre :

Article 1er

À l’alinéa 3, supprimer les mots :

« ou, dans des conditions fixées par décret, le regroupement pédagogique intercommunal auquel elle participe ». 

Amendement n° AC 3 présenté par Mme Michèle Delaunay, MM. Yves Durand, Jean Glavany, Mmes Martine Pinville, Sandrine Mazetier, MM. Michel Ménard, Régis Juanico, Mme Marie-Odile Bouillé, M. Pascal Deguilhem, Mme Martine Carrillon-Couvreur et les commissaires du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Article 1er

Après l’alinéa 4, insérer l’alinéa suivant :

«1° bis À l’accord du maire de la commune de résidence à la scolarisation des enfants hors de sa commune ; »

Amendement n° AC 4 présenté par Mme Michèle Delaunay, MM. Yves Durand, Jean Glavany, Mmes Sandrine Mazetier, Martine Pinville, MM. Michel Ménard, Régis Juanico, Mme Marie-Odile Bouillé, M. Pascal Deguilhem, Mme Martine Carrillon-Couvreur et les commissaires du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :

Article 1er

Compléter l’alinéa 5 par les mots :

« elle-même conforme aux conditions préalables de la présente loi, sauf changement de résidence des parents entre l'inscription d'un enfant et celle des autres. »

Amendement n° AC 5 présenté par Mmes Marie-Hélène Amiable, Martine Billard, Marie-George Buffet, Jacqueline Fraysse, MM. Maxime Gremetz et Roland Muzeau :

Article 1er

Supprimer cet article.

Amendement n° AC 6 présenté par Mmes Marie-Hélène Amiable, Martine Billard, Marie-George Buffet, Jacqueline Fraysse, MM. Maxime Gremetz et Roland Muzeau :

Article 1er

Après l’alinéa 6, insérer l’alinéa suivant :

« Une demande de dérogation justifiée devra être transmise à la mairie de résidence afin de permettre au maire (ou au conseil municipal) d’apprécier d’une part le bien-fondé de la demande et d’autre part l’appartenance à la dérogation à l’une des trois catégories précédemment énoncées. »

Amendement n° AC 7 présenté par Mmes Marie-Hélène Amiable, Martine Billard, Marie-George Buffet, Jacqueline Fraysse, MM. Maxime Gremetz et Roland Muzeau :

Article 2

Supprimer cet article.

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Association de parents d’élèves de l'enseignement libre (APEL) Mme Béatrice Barraud, présidente, et M. Christophe Abraham, délégué aux relations extérieures

Ø Ministère de l’éducation nationale – Mme Claire Landais, directrice des affaires juridiques, M. Michel Dellacasagrande, directeur des affaires financières, et M. Frédéric Bonnot, sous-directeur de l'enseignement privé à la direction des affaires financières

Ø Secrétariat général de l’enseignement catholique – M. Éric de Labarre, secrétaire général, et M. Fernand Girard, délégué général

Ø Comité national d’action laïque (CNAL) – M. Laurent Escure, secrétaire général, et Mme Stéphanie Valmaggia, représentant le Syndicat des enseignants-Union nationale des syndicats autonomes (SE-UNSA)

Ø Association des maires ruraux de France (AMRF)  M. Vanik Berberian, président

Ø Association des maires de France (AMF)  M. Jacques Pélissard, président, M. Pierre-Yves Jardel, président du groupe de travail éducation, Mme Marie-Claude Serres Combourieu, responsable du département financier, du développement économique et de coopération intercommunale, et M. Alexandre Touzet, chargé des relations avec le Parlement

© Assemblée nationale

1 () Tel que modifié par l’article 89 de la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programmation pour l’avenir de l’école.

2 () Rapport n° 88 (2008-2009) de M. Jean-Claude Carle au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat relatif à la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées sous contrat d’association.

3 () Proposition de loi n° 20 rectifiée

4 () « Lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale est compétent pour le fonctionnement des écoles publiques, cet établissement est substitué aux communes dans leurs droits et obligations à l'égard des établissements d'enseignement privés ayant passé avec l'État l'un des contrats prévus aux articles L. 442-5 et L. 442-12. »

5 () L’arrêt d’assemblée du Conseil d’État du 31 mai 1985, Notre-Dame-d’Arc-les-Gray,