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N
° 1806

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 juillet 2009

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports (n° 1507),

PAR M. Hervé Mariton

Député.

——

Voir les numéros :

Sénat : 501, 184, 240, et T.A. 60 (2008-2009)

Assemblée nationale : 1507 et 1788.

INTRODUCTION 5

I.– LE PRÉSENT PROJET DE LOI RÉPOND À LA NÉCESSITÉ DE TRANSPOSER LE « TROISIÈME PAQUET » FERROVIAIRE 9

A.– LA FRANCE S’EST INSUFFISAMMENT INSÉRÉE DANS LE CADRE COMMUNAUTAIRE DE LA LIBÉRALISATION PROGRESSIVE DE L’ACTIVITÉ FERROVIAIRE 9

1.– Le processus de libéralisation de l’activité ferroviaire 9

2.– La France doit poursuivre son adaptation 10

a) Le système de tarification ne répond pas aux exigences d’indépendance et de performance. 10

b) Le gestionnaire de l’infrastructure n’offre pas de garanties d’indépendance suffisantes vis-à-vis des opérateurs 10

c) L’organisme français de contrôle ferroviaire souffre d’une absence d’indépendance et bénéficie de missions trop limitées 11

B.– LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DU PROJET 11

1.– La préparation de l’ouverture du réseau ferroviaire aux services internationaux de transport de voyageurs. 11

2.– L’institution d’une Autorité de régulation des activités ferroviaires 12

3.– Le régime du cabotage routier 13

II.– LE SÉNAT A APPORTÉ PLUSIEURS MODIFICATIONS VISANT À MIEUX RÉPONDRE AUX INJONCTIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE 13

A.– LE RENFORCEMENT DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES ACTIVITÉS FERROVIAIRES 13

B.– UNE PLUS JUSTE TRANSPOSITION DES DISPOSITIFS COMMUNAUTAIRES 14

TRAVAUX DE LA COMMISSION 17

I.– DISCUSSION GÉNÉRALE 17

II.– EXAMEN DES ARTICLES 21

Article 1er Ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire (Loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs). 21

Article 1er ter : Droits des voyageurs ferroviaires internationaux 35

Article 2 : Dispositions relatives à Réseau ferré de France (RFF) 37

Article 3 A : Rapport sur le remboursement progressif de la dette de RFF 42

Article 4 : Statut et champs de compétence de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) 46

Article 7 : Pouvoir réglementaire de l’ARAF 50

Article 8 : Missions et pouvoirs de l’ARAF 52

Article 9 : Compétence de traitement des litiges et de réformation des décisions 57

Article 23 bis : Ouverture du transport routier à l’ensemble des États membres de l’Union européenne 63

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION  71

INTRODUCTION

La France est engagée, dans le cadre européen, dans un processus d’ouverture progressive à la concurrence du transport ferroviaire. Le transport ferroviaire de fret est ouvert à la concurrence depuis le 31 mars 2006. Les services de transport international de voyageurs doivent l’être au plus tard le 1er janvier 2010.

Depuis le 31 mars 2006, tous les services de fret, internationaux et domestiques, sont libéralisés (directive 2004/51/CE transposée par la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relative au développement et à la sécurité des transports et le décret n° 2006-368 du 28 mars 2006).

Aujourd'hui, sept entreprises ferroviaires, en sus de fret SNCF, circulent sur le réseau ferré national. L'ouverture à la concurrence s'est traduite par une augmentation du trafic fret de 3,5 % de 2006 à 2007. La part de marché des nouveaux entrants représente près de 5 % en 2007 et devrait être proche des 10 % fin 2008.

Après l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de fret, la libéralisation du transport ferroviaire se poursuit avec le « troisième paquet » ferroviaire voté par le Parlement européen fin 2007. Au plus tard le 1er janvier 2010, les services de transports internationaux de voyageurs seront ouverts à la concurrence, avec une possibilité de prendre et de déposer des voyageurs en cours de route dans un même pays. Les passagers devraient donc se voir proposer de nouvelles offres de transport, non seulement entre la France et les autres pays européens, mais également au sein du territoire français (par exemple : Paris-Lille sur le trajet Paris-Bruxelles). Ce cabotage est doublement encadré puisqu'il ne sera accepté que s'il ne représente pas l'objet principal du service international, ou s'il ne compromet pas l'équilibre économique d'un contrat de service public. Dans le même temps, la SNCF pourra développer son offre au niveau européen et de nouveaux opérateurs nationaux pourront être créés.

Ce mouvement de libéralisation constitue une chance, à l’échelle européenne, pour les entreprises françaises, reconnues pour leur savoir-faire. Il devrait également favoriser le développement du chemin de fer sur le réseau domestique conformément aux objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement.

Cette évolution ne constituera toutefois une avancée que si cette libéralisation est suffisamment préparée et régulée. Les textes européens l’exigent et le présent projet de loi prévoit la mise en place d’une autorité de régulation ferroviaire indépendante, véritable clé de voûte d’une nouvelle gouvernance du secteur. Aussi, cette ouverture du secteur ferroviaire à la concurrence conduit à mettre en place un dispositif de régulation efficace, garantissant l’accès non discriminatoire au réseau pour tous les opérateurs. Cette nécessité a été rappelée par le Président de la République dès le 26 juin 2007.

L’objet principal de ce projet de loi est donc d’instituer une autorité administrative indépendante, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF).

L'ouverture du secteur ferroviaire à la concurrence, engagée depuis 1991, doit s'accompagner de la mise en place de mécanismes de régulation. La directive 2001/14/CE prévoit ainsi que les États mettent en place un « organisme de régulation et de contrôle », chargé de veiller au bon fonctionnement du service public de transport et des activités concurrentielles du transport ferroviaire.

En France, jusqu'à présent, ce rôle était confié au ministre en charge des transports, avec l'appui de la Mission de contrôle des activités ferroviaires (MCAF). Avec l'ouverture effective du marché du fret, et celle prévue pour les services de transport international de voyageurs, cette organisation doit être renforcée. Le projet de loi institue une autorité de régulation sous forme d'une autorité administrative indépendante : l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF). La fonction principale de l’ARAF sera de permettre, dans un contexte d'ouverture à la concurrence, un accès non discriminatoire au réseau ferroviaire. Cette autorité pourra non seulement instruire les plaintes des différents acteurs du secteur mais aussi prendre l'initiative d'enquêtes et d'investigations. Elle possédera également un pouvoir de sanction. En cas de manquements d'un gestionnaire d'infrastructure ou d'une entreprise ferroviaire à ses obligations, l’ARAF pourra infliger une interdiction temporaire d'accès et/ou une amende pouvant représenter jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires de l'opérateur.

L’ARAF sera également consultée sur tous les textes réglementaires ferroviaires, notamment les barèmes de péages. À la demande du ministre en charge des transports, elle pourra donner un avis sur les tarifs domestiques de la SNCF avant homologation de ces derniers par l'État.

L’ARAF sera composée :

– d'un collège de sept commissaires non révocables, nommés pour six ans en raison de leur qualification technique en matière ferroviaire, économique et juridique ou pour leur expertise en matière de concurrence. Le Président et les six membres sont nommés par décret. Trois des membres, autres que le président, seront nommés respectivement par le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat et le président du Conseil économique et social ;

– de services administrés par un secrétaire général, comprenant principalement des juristes comptables et des économistes. Cette structure comprendra environ 60 personnes et son budget est estimé à 8 millions d’euros.

Enfin, le Grenelle de l’Environnement a fixé comme objectif l'augmentation de la part du fret ferroviaire de 25 % d'ici 2012. Afin de tenir cet engagement et de répondre dans le même temps aux besoins des acteurs locaux en matière de transport ferroviaire, le projet de loi facilite la création d'une offre locale de transport de fret en permettant la polyvalence des personnels d'opérateurs locaux.

Le projet de loi facilite donc également la mise en place d'opérateurs ferroviaires de proximité. Ces derniers pourront, dans un objectif d'optimisation des moyens techniques et humains, se voir confier par RFF des missions de gestion de l'infrastructure sur des lignes à faible trafic, réservées au transport de marchandises. Sur ces lignes, ils assureront également des services de traction ferroviaire. Cela permettra de répondre aux attentes fortes des acteurs économiques d'une offre ferroviaire compétitive et fiable, adaptée aux envois par lots de wagons, afin de drainer des flux diffus et diversifiés vers les opérateurs « longue distance ».

La commission des Finances, de l’économie générale et du plan s’est saisie pour avis des articles premier, premier ter, 2, 3A, 4, 7, 8, 9, 23 bis du présent projet de loi adopté par le Sénat.

I.– LE PRÉSENT PROJET DE LOI RÉPOND À LA NÉCESSITÉ DE TRANSPOSER LE « TROISIÈME PAQUET » FERROVIAIRE

À la suite du processus de libéralisation des activités ferroviaires mené dans le cadre européen qui a conduit à l’ouverture à la concurrence du transport de fret et très prochainement du transport de voyageurs, le présent projet de loi vise principalement à :

– actualiser plusieurs aspects du droit ferroviaire ;

– instituer une autorité de régulation des activités ferroviaires ;

A.– LA FRANCE S’EST INSUFFISAMMENT INSÉRÉE DANS LE CADRE COMMUNAUTAIRE DE LA LIBÉRALISATION PROGRESSIVE DE L’ACTIVITÉ FERROVIAIRE

1.– Le processus de libéralisation de l’activité ferroviaire

À la suite d’autres monopoles comme les télécommunications ou l’énergie, le transport ferroviaire s’est engagé à son tour à partir de 1991 (directive n° 91/440) dans une dynamique de libéralisation. Les deux premiers « paquets ferroviaires » de 2001 et 2004 ont préparé l’ouverture à la concurrence tandis que le troisième paquet fait de cette ouverture une réalité.

L’évolution législative et réglementaire a conduit à une modification substantielle des structures de gouvernance de l’activité ferroviaire : la séparation entre opérateurs et gestionnaires d’infrastructures doit permettre d’assurer aux divers opérateurs de chemin de fer un égal accès aux infrastructures des différents États membres. La France s’est engagée sur cette voie avec la création par la loi n° 97-135 du 13 février 1997 de Réseau ferré de France (RFF), établissement public gestionnaire du réseau ferré national indépendant de l’opérateur historique – la SNCF. Le rôle qui incombe à RFF dans le bon fonctionnement des mécanismes concurrentiels a été précisé par le décret du 7 mars 2003.

Le deuxième « paquet ferroviaire » prévoit la mise en place de nouveaux organismes de régulation pour accompagner le mouvement d’ouverture à la concurrence.

L’Agence ferroviaire européenne mise en place le 1er janvier 2005 a pour mission de rapprocher les règles nationales en matière technique et de sécurité afin de favoriser l’interopérabilité (règlement 881/2004).

Chaque État membre doit, en outre, se doter d’une Autorité nationale de sécurité indépendante aussi bien des opérateurs que des gestionnaires d’infrastructures (directive 2004/09) et d’un organisme de contrôle (directive 2001/14) chargé notamment d’instruire les réclamations au sujet des droits d’accès au réseau. La France a donc créé en 2003 la Mission de contrôle des activités ferroviaires (MCAF) auprès du ministre des Transports, chargée d’une part, d’instruire pour le compte dudit ministre, les réclamations émanant des demandeurs d’accès et d’autre part, d’une fonction générale d’observation et de surveillance du marché ferroviaire. En 2006, a également été institué l’Établissement public de sécurité ferroviaire.

Le processus d’ouverture à la concurrence du marché du fret ferroviaire est achevé. En effet, les entreprises titulaires d’une licence jouissent d’un droit d’accès à l’ensemble du réseau depuis le 1er janvier 2006 s’agissant du fret international et depuis le 1er janvier 2007 pour tout type de fret, national et international.

L’ouverture à la concurrence du transport international de voyageurs est, quant à elle, prévue pour le 1er janvier 2010 par le « troisième paquet » ferroviaire. Pour bénéficier de l’ouverture à la concurrence, la directive précise bien que le transport de passagers entre deux gares situées dans un même pays doit demeurer secondaire par rapport à l’objet principal du service qui doit être international. Cette limitation de la pratique dite du « cabotage » est complétée par l’affirmation du régime des services publics de transport qui ne sont pas ouverts à la concurrence internationale.

2.– La France doit poursuivre son adaptation

Malgré les réformes intervenues, la Commission européenne estime que la France n’a qu’insuffisamment transposé les différents textes communautaires et a, de ce fait, adressé au Gouvernement, le 26 juin 2008, une lettre de mise en demeure portant sur trois points essentiels :

a) Le système de tarification ne répond pas aux exigences d’indépendance et de performance.

La Commission critique le fait que le régime des redevances acquittées par les entreprises utilisant le réseau et relevant en France du ministre des Transports ne soit pas déterminé de façon indépendante par le gestionnaire du réseau comme l’exige la directive 2001/14/CE. Elle critique également le montant des péages acquittés par les trains de fret, inférieur à leurs coûts marginaux d’utilisation, ainsi que la structure de ces péages, qui ne comporte aucun élément incitatif à l’amélioration des performances.

b) Le gestionnaire de l’infrastructure n’offre pas de garanties d’indépendance suffisantes vis-à-vis des opérateurs

La loi du 13 février 1997 impose à RFF de déléguer l’exécution de ses missions aux services de la SNCF en charge de l’infrastructure. Or ces services ne sont nullement indépendants du reste de l’entreprise. La séparation entre RFF, qui gère des infrastructures, et la SNCF, qui fournit des services de transport ferroviaire, est donc incomplète, voire en contradiction avec les prescriptions de la directive 31/440/CEE qui « prévoit la séparation entre la gestion de l’infrastructure et l’activité de transports » dans le souci « de garantir un accès équitable et non discriminatoire ».

c) L’organisme français de contrôle ferroviaire souffre d’une absence d’indépendance et bénéficie de missions trop limitées

La MCAF est placée sous l’autorité administrative directe du ministre des Transports, qui est également l’autorité de tutelle de la SNCF, entreprise dont l’État est actionnaire à hauteur de 100 %. Cette double tutelle n’est pas de nature à garantir l’indépendance de l’organisme de contrôle ferroviaire vis-à-vis de l’opérateur historique. La MCAF n’est, de plus, pas dotée de toutes les attributions qu’elle devrait avoir au regard des textes communautaires. En effet, elle n’instruit pas les recours portant sur le système de tarification. Elle ne dispose pas du pouvoir de contraindre le gestionnaire de l’infrastructure ou les entreprises ferroviaires à répondre à ses questions ni celui d’ester en justice. Elle n’exerce pas non plus de pouvoirs de sanction.

C’est d’ailleurs essentiellement pour répondre aux griefs de la Commission relatifs à l’autorité de contrôle ferroviaire que le présent projet de loi a été déposé.

B.– LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DU PROJET

On ne mentionnera ici que les articles relevant du champ de la saisine de la commission des Finances.

1.– La préparation de l’ouverture du réseau ferroviaire aux services internationaux de transport de voyageurs.

L’article 1er modifie en profondeur la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs (LOTI) et de manière plus partielle la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l’établissement public « Réseau ferré de France ».

Son principal objectif est de transposer en droit interne les principes d’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire contenus dans la directive 91/440/CE du Conseil relative au développement de chemin de fer et dans la directive 2001/14/CE du Parlement européen et du Conseil concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire.

Les principales dispositions préparent et déterminent les principes et les modalités de l’ouverture à la concurrence des services internationaux de voyageurs.

L’article 1er ter prévoit l’application du règlement (CE) n° 1371/2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires à compter du 4 décembre 2009.

L’article 2 modifie la loi du 13 février 1997 créant Réseau ferré de France. Il vise à assouplir les règles de gestion de l’infrastructure afin de faciliter l’intervention d’acteurs privés, notamment les opérateurs de proximité. En effet, cette intervention de nouveaux acteurs permettrait l’augmentation du fret ferroviaire, objectif visé par le Grenelle de l’environnement.

L’article 3A prévoit le dépôt au Parlement d’un rapport gouvernemental présentant les voies et moyens envisagés pour le remboursement de la dette de RFF.

2.– L’institution d’une Autorité de régulation des activités ferroviaires

L’article 4 précise le statut et le champ d’intervention de l’ARAF ainsi que son champ de compétences.

Il prévoit la création de cette nouvelle instance, prenant la forme d'une autorité administrative indépendante, à l’origine dénommée « Commission de régulation des activités ferroviaires », et rebaptisée par le Sénat « Autorité de régulation des activités ferroviaires » – ARAF.

Cette principale innovation du projet de loi introduit une rupture nette par rapport au système actuel – où la MCAF est placée auprès du ministre –, dans la mesure où une autorité administrative indépendante n’est précisément soumise à aucune autorité supérieure. Dans le système actuel, le pouvoir de régulation appartient in fine au ministre des transports, la MCAF n’ayant pour mission que de l'assister en instruisant les réclamations des entreprises et en lui adressant de simples avis consultatifs ou des recommandations. L’indépendance nouvelle de l’autorité régulatrice ne prend tout son sens que dès lors qu’elle dispose de réels pouvoirs, aboutissant à en faire le véritable régulateur du système ferroviaire, en lieu en place du ministre des transports, ce que le projet organise dans ses articles 7, 8 et 9.

L’article 7 dote l’ARAF d’un pouvoir réglementaire supplétif, conforme aux exigences posées par le Conseil constitutionnel : celui-ci est limité d’une part, contrôlé d’autre part.

L’article 8 définit les missions et les pouvoirs de la nouvelle autorité en matière d’avis sur les règles devant régir le système de transport ferroviaire à la suite de son ouverture à la concurrence.

L’article 9 prévoit l’intervention de la nouvelle autorité dans le domaine du règlement des litiges. Le rôle de l'ARAF sera différent selon que les litiges portent sur des sujets touchant à la sécurité ferroviaire ou aux autres aspects des règles d'accès au réseau.

3.– Le régime du cabotage routier

L’article 23 bis précise les conditions du « cabotage » routier. Cet article issu de la discussion au Sénat vise à transposer en droit français une décision du Conseil des ministres de l’Union européenne sur l’ouverture du transport routier à l’ensemble des États membres, adoptée à l’unanimité le 13 juin 2008. Dans le prolongement de cette décision, cet article organise le régime du cabotage dans le cadre de l’ouverture du transport routier à l’ensemble des États membres de l’Union européenne.

II.– LE SÉNAT A APPORTÉ PLUSIEURS MODIFICATIONS VISANT À MIEUX RÉPONDRE AUX INJONCTIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

Le régulateur étant appelé à devenir la « clé de voûte » de la nouvelle organisation ferroviaire française au même titre que l’ARCEP pour les télécommunications, le Sénat a souhaité le rendre plus indépendant vis-à-vis de l’exécutif mais aussi des opérateurs historiques et a également renforcé ses pouvoirs.

Le Sénat a considérablement enrichi le projet gouvernemental en renforçant le nouveau régulateur et en améliorant la transposition des autres dispositions communautaires.

A.– LE RENFORCEMENT DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES ACTIVITÉS FERROVIAIRES

Dans le projet présenté par le gouvernement, la MCAF était remplacée par une nouvelle autorité administrative indépendante, la Commission de régulation des activités ferroviaires.

Le Sénat l’a rebaptisée « Autorité de régulation des activités ferroviaires » (ARAF), cette modification apparemment sémantique traduisant en fait, et plus largement, un souci de renforcer et mieux positionner cette nouvelle autorité régulatrice.

Le Sénat a en premier lieu conféré à la nouvelle autorité de régulation une personnalité morale propre (article 4) lui permettant d’être financée par des ressources propres (article 14), alors que le texte initial prévoyait qu'elle demeure juridiquement intégrée à l'État.

Il a par ailleurs étendu le pouvoir réglementaire de l’ARAF en prévoyant pour le régulateur la possibilité d’intervenir sur les règles relatives à l’accès aux facilités essentielles (article 7) et a également permis à l’ARAF de mieux exercer ses pouvoirs en matière de péages ferroviaires, qui devront désormais s’inscrire dans une perspective pluriannuelle (article 2).

La Haute Assemblée a également étendu le champ d'intervention de l'ARAF en lui reconnaissant d’une part la possibilité de donner son avis sur le document de référence du réseau, d’autre part de veiller à l’équité des politiques tarifaires (article 8).

L'article 9 du projet de loi a enfin fait l'objet d’une réécriture globale afin de clarifier le rôle de l'ARAF en matière de litiges, selon que ceux-ci portent sur des sujets touchant à la sécurité ferroviaire ou aux autres aspects des règles d'accès au réseau.

B.– UNE PLUS JUSTE TRANSPOSITION DES DISPOSITIFS COMMUNAUTAIRES

À l’article 1er le Sénat a adopté un amendement visant à encadrer l’accès aux informations notamment lorsque ces informations « sont susceptibles de porter atteinte au secret des affaires » dans le cadre nouveau de la concurrence.

Il a également supprimé la possibilité donnée à l’autorité administrative d’interdire les dessertes intérieures mais qui constituent en fait, le but principal des transports dits internationaux. L’autorité administrative peut donc désormais seulement les encadrer.

Une autre disposition d’initiative sénatoriale qualifie plus précisément les gestionnaires d’infrastructures.

Enfin, un amendement gouvernemental crée au sein de la Société nationale des chemins de fer français, un service spécialisé qui exerce, à compter du 1er janvier 2010, pour le compte et selon les objectifs et principes de gestion définis par Réseau ferré de France, les missions de gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national

Le Sénat a inséré un article 1er ter à l’initiative du Gouvernement. Cet amendement vise à transposer dans notre droit le règlement européen sur les droits et obligations des voyageurs. Il s’agit de prévoir les droits des voyageurs en matière de tarifs, de billets, de réservations, d’indemnités de retard ou de perte de bagages, et des droits de nos concitoyens européens handicapés ou à mobilité réduite. Ces mesures s’inspirent de celles qui existent dans le transport aérien. Elles s’appliquent moins bien pour les trajets régionaux ou nationaux. Il est par ailleurs prévu des assouplissements, en particulier pour les transports régionaux qui sont organisés par les conseils régionaux ou ceux qui relèvent du syndicat des transports d’Île-de-France.

La Haute assemblée a introduit à la suite de l’article 2 deux articles additionnels. L’article 2-1 prévoit dans un souci de développement durable et d’efficacité économique et sociale la création d’un conseil de développement du réseau ferré national. L’article 2-2 formalise la publication des actes administratifs de RFF au bulletin officiel de l’EPIC diffusé sur Internet dans le souci d’une plus grande publicité.

Le Sénat a également introduit un article nouveau, l’article 3A relatif au remboursement de la dette de RFF.

Enfin, en ce qui concerne l’article 23 bis, il s’agit d’un article introduit par le Sénat à la suite du conseil des ministres des transports du 21 juin 2008 fixant les règles du cabotage routier.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.– DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Hervé Mariton, les articles 1er, 1er ter, 2, 3 A, 4, 7, 8, 9 et 23 bis du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports (n° 1507).

M. le président Didier Migaud. Pour des raisons liées à notre agenda, nous nous réunissons après la Commission des affaires économiques saisie au fond. Nous avons délimité le champ de la saisine de la Commission des finances aux articles 1er, 1er ter, 2, 3 A, 4, 7, 8, 9 et 23 bis, qui font l’objet de douze amendements.

M. Hervé Mariton, rapporteur pour avis. Le projet de loi « ORTF » vise principalement à transposer le troisième paquet ferroviaire voté par le Parlement européen à la fin de 2007 et à poursuivre l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire en mettant en place les mécanismes de régulation nécessaires.

L’ouverture à la concurrence fait l’objet de l’article 1er, qui confère à l’État et aux collectivités territoriales les moyens de se procurer les informations relatives au trafic ferroviaire et les données économiques correspondantes. Les procédures d’autorisation et de mise en exploitation commerciale des véhicules de transport public guidés ou ferroviaires sont simplifiées. Surtout, le projet de loi précise les conditions d’ouverture à la concurrence du réseau ferroviaire et les modalités d’ouverture à la concurrence des services internationaux de transport de voyageurs avec l’ouverture à la concurrence du réseau national par le biais du cabotage pour autant que ce service ne soit pas l’activité principale du prestataire. Le texte prévoit en particulier la stricte séparation comptable entre la gestion des infrastructures ferroviaires et l’exploitation des services de transport, ainsi que l’interdiction de tout transfert d’aide publique entre les deux activités.

Les entreprises ferroviaires seront tenues de publier des comptes de pertes et profits, des bilans financiers décrivant l’actif et le passif pour le fret, afin de séparer les activités de fret et les activités de voyageurs. Je proposerai un amendement pour que soient publiés les comptes consolidés pour le fret si une entreprise détient plusieurs filiales œuvrant dans ce secteur.

Nous aurons l’occasion, en examinant les amendements, de discuter de RFF puisque, tel qu’il est rédigé, l’article 3 A qui traite du remboursement progressif de la dette de cet établissement public, est très peu contraignant.

Le projet de loi crée une autorité administrative indépendante chargée de la régulation des activités ferroviaires, qui fait l’objet de plusieurs amendements.

M. Jean-Louis Dumont. L’organisation et la régulation des transports ont un impact direct sur la desserte. Le fret est progressivement abandonné par la SNCF et j’ai été le témoin de l’installation de la première rame de fret privé. C’est pourquoi je souhaiterais savoir si les contraintes qui s’imposent au service public de la SNCF s’appliquent à l’ensemble des opérateurs utilisant le réseau de RFF.

Par ailleurs, qui donnera l’autorisation de desserte ?

Les collectivités locales ont largement financé la ligne à grande vitesse Est Europe et elles ont du mal à la finir. Pourtant, M. Pépy nous refuse des dessertes que nous réclamons parce qu’il y a une clientèle et que nous avons payé, au moins les rails sinon les trains.

À la lumière de ce qui s’est passé avec la vente des autoroutes, nous craignons une forte dégradation de l’entretien et des services rendus aux clients. Sur ces points, quel sera le rôle du régulateur ?

M. François Goulard. Le texte organise de manière tout à fait rationnelle le secteur ferroviaire en procédant à la clarification des comptes, en créant une autorité de régulation, et en offrant la possibilité d’une véritable concurrence grâce à des règles ad hoc. Il s’agit donc d’un vrai progrès. Même si le texte ne suscite pas beaucoup de réactions, il est important et il répond à ces objectifs, sous réserve de l’adoption de quelques amendements.

M. Michel Vergnier. La SNCF a signé la charte des services publics en milieu rural à laquelle je tiens en tant que président de la Commission nationale des territoires ruraux de l’Association des maires de France.

Le dialogue entre les élus locaux et la SNCF étant déjà compliqué lorsqu’il s’agit de modifier des dessertes ou des horaires, je crains que l’ouverture telle qu’elle est prévue ne fasse passer les élus locaux à la trappe. Il faudrait qu’ils soient consultés sur toute modification !

M. le rapporteur pour avis. L’Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF, n’est pas l’autorité compétente en matière de sécurité ferroviaire : c’est l’EPSF, l’Établissement public de sécurité ferroviaire, qui a cette compétence. L’ARAF se cantonne à la régulation économique et financière.

En outre, il n’existe pas de droit à la desserte : vous pourriez faire appel à la concurrence pour faire ce que la SNCF ne fait pas et que rien n’oblige à faire.

Les collectivités locales pourront profiter de l’ouverture du marché pour saisir l’Autorité de régulation si elles estiment que le contrat qui les lie à la SNCF est déséquilibré.

Sans ce texte, François Goulard a raison, l’ouverture à la concurrence serait bancale et inachevée. Il est indispensable, non seulement pour permettre la transposition, mais aussi pour organiser une régulation qui, aujourd'hui, est mal assurée.

La Commission passe ensuite à l’examen des articles du projet de loi dont elle est saisie pour avis.

II.– EXAMEN DES ARTICLES

Le projet de loi adopté par le Sénat se compose de 34 articles répartis en 7 titres différents, d’importance inégale. La commission des Finances, de l’économie générale et du plan s’est saisie pour avis de 9 articles.

TITRE Ier
DE L’ORGANISATION DES TRANSPORTS FERROVIAIRES ET GUIDÉS.

Ce titre comprend 4 articles qui, pour l’essentiel, visent d’une part à transposer en droit interne des directives tendant à ouvrir à la concurrence les services de transport ferroviaire, d’autre part à rendre plus efficace l’action de Réseau Ferré de France (RFF). La Commission s’est saisie pour avis des articles 1er, 1er ter et 2.

Article 1er

Ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire
(Loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs).

Cet article modifie en profondeur la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs (LOTI) et de manière plus partielle la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l’établissement public « Réseau ferré de France ».

Son principal objectif est de transposer en droit interne les principes d’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire contenus dans la directive 91/440/CE du Conseil relative au développement de chemin de fer et dans la directive 2001/14/CE du Parlement européen et du Conseil concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire.

Il comprend deux paragraphes, à la suite de l’adoption par le Sénat d’un paragraphe II nouveau relatif à la qualification légale de « gestionnaire de trafic » dans le cadre du développement des partenariats public-privé.

Les sept divisions du premier paragraphe modifient la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs (LOTI). À l'exception des 4° et 5° dont la portée n’est que rédactionnelle, ces divisions sont relatives respectivement à l’accès aux informations économiques et aux données de trafic, aux procédures d’autorisation de mise en exploitation commerciale des véhicules de transport guidé et ferroviaire, aux principes assurant un réseau ferroviaire ouvert à la concurrence et déterminant les modalités d’action des services internationaux de transport de voyageurs, au regroupement des syndicats mixtes de transports à l’échelle régionale enfin. En outre, l’examen au Sénat a permis d’aborder deux questions d’importance : la notion de gestionnaire de réseau d’une part, la création d’un service spécialisé de la SNCF pour la gestion du Réseau d’autre part.

Par ailleurs, le rapporteur pour avis souhaiterait fixer un échéancier en vue de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire régional à la suite de l’étude confiée au sénateur Grignon par le Gouvernement sur la question et devant faire l’objet d’un rapport publié en février 2010. Il proposera donc un amendement en ce sens.

I.– L’ACCÈS AUX INFORMATIONS ÉCONOMIQUES
ET AUX DONNÉES DE TRAFIC

L’article 5 de la LOTI définit la notion de service public des transports comme « l’ensemble des missions qui incombent aux pouvoirs publics en vue d’organiser et de promouvoir le transport des personnes et des biens ». Ces missions sont assurées par des personnes publiques comme l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, en liaison avec les entreprises privées ou publiques qui en sont chargées ou qui y participent en vertu de dispositions législatives.

Le projet de loi confère à l’État et aux collectivités territoriales, dans le but d’exercer ces missions, un droit d’accès aux informations relatives au trafic ferroviaire et aux données économiques qui se révèlent indispensables à la réalisation d’« études » et de « recherches » portant sur les objectifs assignés au système de transports.

Le Sénat a adopté un amendement visant à encadrer l’accès aux informations notamment lorsqu’elles « sont susceptibles de porter atteinte au secret des affaires » dans le cadre nouveau de la concurrence. Cet amendement confie au ministre chargé des transports le soin d’organiser, par l’intermédiaire de « services habilités », la diffusion des informations concernée. Il sera également chargé de définir la nature des données pouvant être rendues publiques.

L’organisation de la diffusion de ces données aurait également pu être confiée à l’Autorité de régulation de l’activité ferroviaire (ARAF). Cette solution aurait permis de garantir une plus grande neutralité aux yeux de la Commission européenne mais aurait exigé de doter l’ARAF de moyens supplémentaires, par ailleurs sans rapport avec sa mission première de régulation. Le rapporteur pour avis considère également qu’il n’y a aucune raison de priver l’État de l’information et considère que cette disposition doit être adoptée en l’état.

II.– LES PROCÉDURES D’AUTORISATION DE MISE EN EXPLOITATION COMMERCIALE DES VÉHICULES DE TRANSPORT PUBLIC GUIDÉ OU FERROVIAIRE

Le 2° de l’article modifie l’article 13-1 de la LOTI, relatif à la sécurité des systèmes de transport public guidé ou ferroviaire, et notamment ceux destinés aux transports de personnels.

En l’état actuel du droit, les « travaux de construction » ou de « modification substantielle » concernant les systèmes de transport public doivent obtenir l’accord de l’État ou de « l’établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) » après présentation d’un dossier préalable accompagné d’un rapport sur la sécurité établi par un « expert ou un organisme qualifié ». Une fois les travaux réalisés, l’exploitation est soumise à l’obtention d’une « autorisation d’exploitation commerciale » délivrée par l’État ou l’EPSF, en fonction des « garanties de sécurité » offertes par les « caractéristiques » et les « modalités d’exploitation » de l’ouvrage. Cette autorisation peut être accordée avec ou sans restriction. Les « systèmes déjà en service » peuvent également se voir prescrire la réalisation d’un diagnostic ou la mise en œuvre de mesures restrictives d’exploitation, voire une interruption de fonctionnement en cas de danger immédiat.

Le projet adopté par le Sénat supprime en premier lieu le dossier préalable pour la construction ou la modification substantielle des véhicules de transport public guidé ou ferroviaire. Le rapporteur approuve cette simplification.

Il consacre par ailleurs en droit positif français la reconnaissance mutuelle des véhicules au sein de la Communauté, rendue obligatoire par la directive 2008/57/CE du Parlement et du Conseil du 17 juin 2008. En effet, il dispose que dès lors qu’une autorisation de mise en exploitation commerciale d’un véhicule de transport ferroviaire ou guidé a été délivrée soit par l’autorité compétente d’un autre État membre de l’Union européenne, soit par « celle d’un État qui respecte les règles techniques et de sécurité équivalentes à celles de l’Union européenne » en vertu d’accords que la France ou l’Union européenne a conclus, cette autorisation entraîne ipso facto autorisation de son exploitation commerciale en France. Elle est subordonnée toutefois à une bonne application des « règles communautaires ».

Le 3° de l’article vise enfin à limiter aux « organismes qualifiés » la reconnaissance de la qualité d’expert : en effet, les personnes physiques ne sont pas à même de présenter les garanties financières liées à cette responsabilité. Il convient de noter que la même restriction est apportée par ce 3° aux travaux visés par l’article 13-2 de la LOTI, relatif aux constructions et modifications substantielles d’un système de transport faisant appel à des technologies nouvelles.

III.– OUVERTURE À LA CONCURRENCE DU RÉSEAU FERROVIAIRE ET MODALITÉS D’ACTION DES SERVICES INTERNATIONAUX DE TRANSPORT DE VOYAGEURS

Le 6° constitue la partie sans doute la plus importante de l’article premier.

Le a) du 6° de l’article modifie l’intitulé de la section I du chapitre I du titre II de la LOTI, dans la mesure où les dispositions de cette section ne visent plus simplement le seul service public, mais bien l’ensemble du transport ferroviaire.

Le b) modifie un certain nombre d’articles de la LOTI et donne notamment valeur législative aux principes actuellement énoncés dans le décret n° 2003-194 relatif à l’utilisation du réseau ferré national, qui transpose les directives des deux premiers « paquets ferroviaires » et ouvre à la concurrence le transport de marchandises sur le réseau ferré national tout en en fixant les droits d’accès.

1.– L’ouverture à la concurrence du réseau ferroviaire (article 17-1 nouveau de la LOTI)

Le nouvel article 17-1 de la LOTI est articulé en 7 divisions et reprend les principes actuellement contenus dans le décret n° 2003-194.

Le paragraphe I définit un certain nombre de notions.

Le réseau ferroviaire est défini comme « le réseau ferré national » et les « lignes ferroviaires ouvertes à la circulation publique qui lui sont reliées » incluant « les lignes d’accès aux ports et terminaux desservant ou pouvant desservir plus d’un utilisateur final ».

Aux termes de ce paragraphe, « les capacités d’infrastructure » sont entendues comme « la possibilité de programmer des sillons sollicités pour un segment de l’infrastructure pendant une certaine période », le sillon étant lui-même défini comme une « capacité d’infrastructure requise pour faire circuler un train donné d’un point à un autre à un moment donné ».

Le paragraphe II affirme la stricte séparation comptable entre les activités de gestion des infrastructures ferroviaires et les activités d’exploitation des services de transport ; il interdit tout transfert d’aide publique entre les deux activités.

Le rapporteur pour avis que cette stricte séparation comptable doit également concerner la gestion des gares qui est une question essentielle pour une plus grande effectivité de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs ainsi que pour la mise en place de l’interopérabilité. Il proposera donc un amendement dans ce sens. Cet amendement sera l’occasion de l’ouverture d’un débat sur la gouvernance future des gares.

Le paragraphe III oblige les entreprises ferroviaires à tenir et publier « des comptes de profits et pertes et, soit des bilans soit des bilans financiers décrivant l’actif et le passif » pour les services de transport de fret, afin de séparer les activités de transport de fret et de voyageurs. Par ailleurs ce paragraphe fait obligation de faire figurer les sommes publiques reçues au titre des missions de service public de transport de voyageurs dans les comptes correspondants et interdit d’affecter ces sommes à d’autres activités.

Le rapporteur pour avis soulève la nécessité de la tenue et de la publication d’une comptabilité consolidée pour les entreprises regroupant plusieurs services de transport ferroviaire de fret et présentera un amendement dans ce sens.

Le paragraphe IV précise les droits et devoirs des entreprises ferroviaires autorisées à exploiter des services de transport. Elles jouissent d’un droit d’accès à l’ensemble du réseau ferroviaire dans « des conditions équitables et sans discrimination », s’étendant, lorsqu’il n’existe pas d’autre possibilité d’accès dans des conditions économiques raisonnables, aux infrastructures de services. Le texte adopté par le Sénat renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser « la nature des prestations minimales ou complémentaires dont toute entreprise ferroviaire peut demander la fourniture » pour les gares ou autres infrastructures de services ainsi que les principes de tarification applicables à ces services. Les prestations complémentaires ou connexes sont la contrepartie d’une redevance dont le montant est lié « au coût de la prestation calculé d’après le degré d’utilisation réelle ».

La conclusion d’un contrat entre le bénéficiaire d’un sillon et le gestionnaire d’infrastructure est nécessaire pour utiliser l’infrastructure. Les capacités d’infrastructure affectées à un candidat ne peuvent être transférées à une autre entreprise « à titre onéreux ou gratuit » sous peine d’exclusion de « l’attribution ultérieure de capacité ». Le projet de loi interdit donc le développement d’un marché parallèle de capacités d’infrastructures : le gestionnaire de l’infrastructure reste l’unique pourvoyeur de capacités. Cependant d’autres personnes que les entreprises ferroviaires sont autorisées à demander des capacités pour les mettre à disposition des entreprises ferroviaires.

Le paragraphe V définit les obligations du gestionnaire du réseau en terme d’information à l’attention des entreprises ferroviaires. Il fait obligation au gestionnaire du réseau de publier « un document de référence du réseau » qui expose les caractéristiques de l’infrastructure ainsi que les informations nécessaires à l’exercice du droit d’accès. Toutefois, ce document n’est pas obligatoire quand une seule entreprise circule sur le réseau et n’effectue que des services de marchandises jusqu’à ce qu’une autre entreprise demande à utiliser la capacité dudit réseau.

Le rapporteur pour avis souligne l’importance de la publication du document de référence. Il estime cependant que la loi doit prévoir une périodicité pour la publication du document afin de permettre aux entreprises de mieux planifier leur offre de service.

Le paragraphe VI offre la possibilité pour tout demandeur de sillon de conclure un accord-cadre « précisant les caractéristiques des capacités d’infrastructure ferroviaire qui lui sont offertes » et l’existence éventuelle de « contrats commerciaux, d’investissement éventuels ou de risques » dans un souci d’une information maximale.

Le paragraphe VII, enfin, concerne également l’accord-cadre mais uniquement pour les entreprises qui exploitent des services avant le 1er janvier 2010 qui ont donc la possibilité de conclure de tels accords avec le gestionnaire pour une durée de 5 ans reconductible une fois, sur la base des caractéristiques des capacités utilisées, à condition que ces entreprises justifient soit d’investissements spéciaux, soit de contrats commerciaux avant cette date.

2.– la réglementation des services de transport international de voyageurs (article 17-2 nouveau de la LOTI)

Les services de transport international de voyageurs constituent l’ensemble des liaisons ferroviaires desservant des destinations situées dans au moins deux États membres de l’Union. Ils sont ouverts à la concurrence au 1er janvier 2010. Il est donc possible, dans le cadre d’une telle liaison, de desservir un tronçon national. Cette pratique est connue sous le nom de « cabotage », qui constitue donc un transport national effectué par une entreprise immatriculée dans un autre État membre.

Le premier alinéa du texte proposé pour le nouvel article 17-2 de la LOTI donne la possibilité aux entreprises ferroviaires exploitant des services de transport international de voyageurs d’assurer, à partir du 13 décembre 2009, des dessertes nationales à la stricte condition que l’objet principal du service soit « le transport de voyageurs entre des gares situées dans des États membres différents ».

Le deuxième alinéa confère à l’autorité administrative compétente la capacité de limiter ces dessertes intérieures sous réserve d’un avis motivé de l’autorité de régulation estimant que la condition posée au premier alinéa n’est pas remplie. Le projet de loi initial donnait la possibilité à l’autorité administrative d’interdire les dessertes intérieures mais cette disposition a été supprimée par le Sénat dans la mesure où la directive 2007/58/CE autorise les transports internationaux de voyageurs : l’autorité administrative d’un État membre ne saurait les interdire ; il lui est simplement possible de les « encadrer »

À l’inverse, le troisième alinéa dispose que toute autorité organisatrice de transport ferroviaire compétente peut soit interdire, soit limiter ces dessertes nationales lorsqu’elles « compromettent gravement l’équilibre économique d’un contrat de service public » et ce, après un avis motivé de l’autorité de régulation.

Enfin, le dernier alinéa renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les règles d’application de ces dispositions.

Il n’est donc possible de limiter les dessertes intérieures effectuées par une entreprise étrangère que si l’objet principal du transport de voyageurs n’est pas international, voire de le limiter ou même l’interdire si ces dessertes intérieures entrent en concurrence avec des dessertes effectuées par une compagnie nationale dans le cadre d’un contrat de service public.

IV.– LA NOTION DE GESTIONNAIRE DE RÉSEAU
(ARTICLE 17-3 NOUVEAU À LA LOTI)

La notion de « gestionnaire de réseau » a été précisée à l’initiative du Sénat.

L’introduction dans la loi d’orientation des transports intérieurs des principes régissant l’ouverture à la concurrence conduit à faire remonter au niveau législatif la notion de « gestionnaire d’infrastructure », sans que soient définis pour autant les titulaires de cette qualification. Le Sénat a donc à juste titre estimé nécessaire de désigner dans la loi d’orientation des transports intérieurs les gestionnaires d’infrastructure.

Or, la création des partenariats public-privé ferroviaires amène plusieurs gestionnaires d’infrastructure à coexister sur le même réseau ferré national. Ainsi, dans ce cadre, Réseau ferré de France mais aussi les titulaires des contrats de partenariat public-privé peuvent être qualifiés de gestionnaires d’infrastructure. Cette qualification résulte des dispositions de l’article 9 du décret 2006-1279 du 19 octobre 2006 et de l’article 2 du décret 2006-1534 du 6 décembre 2006.

Cependant, parmi les gestionnaires d’infrastructure, RFF joue un rôle très particulier dans la mesure où la société assure l’unité du réseau, publie son document de référence et coordonne la répartition des capacités entre les titulaires de contrats de délégation de service public. Il apparaît donc nécessaire, à côté des gestionnaires transitoires d’infrastructure du réseau ferré national, de désigner un « gestionnaire du réseau », qui est naturellement RFF.

Par cohérence avec cet ajout dans la LOTI, la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de RFF est modifiée dans un paragraphe II nouveau, qui trouverait naturellement plus sa place dans l’article 2.

V.– LA CRÉATION D’UN SERVICE SPÉCIALISÉ DE LA SNCF POUR LA GESTION DU RÉSEAU

On remarquera en premier lieu que le Sénat a modifié l’article 18 de la LOTI, qui dispose désormais que la SNCF exploite, selon les principes du service public, les services de transport ferroviaire de voyageurs sur le réseau ferré national, en cohérence avec les dispositions relatives à l’ouverture à la concurrence.

Par ailleurs, la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a enrichi les missions dévolues à la SNCF par l’article 18 de la LOTI en prévoyant que celle-ci a pour mission de « gérer, de façon transparente et non discriminatoire, les gares de voyageurs qui lui sont confiées par l’Etat ou d’autres personnes publiques » et de percevoir des « redevances » à cet effet ». Le rapporteur regrette que cet amendement semble donner une compétence générale à l’opérateur historique sur la gestion des gares en service mais également des gares nouvelles au détriment d’éventuels autres opérateurs. Il proposera une réécriture de l’amendement visant à restreindre la mission de la SNCF au service en gare.

Mais le Sénat a également adopté un amendement du gouvernement tendant à la création d’un service spécialisé au sein de la SNCF pour la gestion du réseau, qui complète l’article 24 de la LOTI par un III.

Ce service sera chargé « pour le compte et selon les objectifs et principes de gestion définis par Réseau ferré de France », des missions de gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national. Il devra exercer cette mission « dans des conditions assurant l’indépendance des fonctions essentielles ainsi exercées garantissant une concurrence libre et loyale et l’absence de toute discrimination. ».

Séparé du reste de l’entreprise, ce service d’exploitation du réseau regroupera à compter du 1er janvier 2010 l’ensemble des agents en lien avec la production de sillons, soit 14 400 personnes. Le budget de cette direction sera distinct de celui de la SNCF et son directeur sera nommé par décret du Premier ministre sur proposition du ministre des transports et après avis de l’ARAF. Les agents dépendront uniquement du directeur de ce service. Le texte renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les modalités d’application de ces dispositions.

Pour le rapporteur, cette solution présente l’avantage, outre de répondre aux exigences des autorités européennes, de faciliter le contrôle effectué par l’ARAF sur cette fonction stratégique d’attribution des sillons mais aussi d’individualiser les services en charge de la gestion des circulations en vue d’une éventuelle évolution ultérieure. D’autres solutions avaient été envisagées : la création d’une filiale au sein de la SNCF sur le modèle de réseau de transport d’électricité, voir le transfert des 14 400 cheminots concernés à RFF, qui présentait toutefois l’inconvénient de susciter d’importantes inquiétudes quant au statut des personnels.

VI.– REGROUPEMENT DES SYNDICATS MIXTES DE TRANSPORT

Le texte adopté par le Sénat donne aux syndicats mixtes de transports la possibilité de se regrouper dans un grand syndicat mixte à l’échelon régional afin de parvenir à harmoniser les différents moyens de transports – autocars, bus, chemins de fer –, régler les horaires de manière plus coordonnée, établir une tarification coordonnée et résoudre les problèmes d’itinéraires, les autocars n’ayant par exemple pas le droit de s’arrêter dans certaines zones qu’ils traversent pourtant.

VII. – OUVERTURE A LA CONCURRENCE DES TRANSPORTS REGIONAUX DE VOYAGEURS

Le rapporteur pour avis souhaite également demander, par le biais d’un amendement, au Gouvernement de déposer un rapport au Parlement présentant un calendrier pour l’ouverture à la concurrence des transports régionaux de voyageurs.

En effet, le règlement « obligation service public » devant entrer en vigueur en décembre 2009 soulève la question du monopole de la SNCF sur les services ferroviaires intérieurs de voyageurs sur le réseau ferré national et ce rapport permettra de préciser le cadre législatif avant éventuellement de le faire évoluer.

*

* *

La Commission examine d’abord l’amendement CF 1 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de séparer la gestion des gares du reste de l’exploitation des services de transport des entreprises ferroviaires.

M. Jean-Louis Dumont. La répartition de l’ensemble des biens immobiliers est-elle définitivement terminée ?

M. le rapporteur pour avis. Nous sommes sur une asymptote qui nous en rapproche…

M. Charles de Courson. Je suis tout à fait d’accord sur le fond, mais il faudrait préciser dans l’amendement qu’il s’agit des gares « en activité », cet élément figurant parmi les clefs de répartition : les gares désaffectées sont réputées appartenir à RFF, et celles en activité à la SNCF.

Et qu’a-t-on fait des quais militaires qui sont propriété du ministère de la défense ?

M. François Goulard. Une gare désaffectée n’est plus une gare. C’est pourquoi la précision me paraît inutile.

M. Jean-Louis Dumont. Il existe des gares désaffectées, mais qui sont encore desservies. Quel en est le statut ?

M. le rapporteur pour avis. Il ne faut pas être trop ambitieux. La gestion de la SNCF, la qualité du contrôle que nous devons effectuer, et la concurrence elle-même ont tout à gagner à une comptabilité séparée pour la gestion des gares. Le texte n’a pas vocation à régler les problèmes immobiliers en suspens. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Je retire ma proposition, mais il faudrait corriger l’amendement car ce n’est pas la gestion des gares qui est « comptablement séparée ».

En conséquence, je propose de remplacer les mots : « est comptablement séparée de l’exploitation » par les mots : « fait l’objet d’une comptabilité séparée de celle de l’exploitation ».

M. le président Didier Migaud. En effet, ce n’est pas la gestion qui est séparée, mais la comptabilité.

La Commission adopte l’amendement CF 1 ainsi corrigé.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF 2 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement prévoit que les entreprises regroupant plusieurs services de transport ferroviaire de fret présentent une comptabilité consolidée. Autrement dit, l’ensemble des activités de fret d’une même entreprise ferait l’objet de comptes consolidés.

M. François Goulard. S’il s’agit d’isoler comptablement l’activité de fret, on ne peut pas à proprement parler de « consolidation ».

M. Charles de Courson. L’idée du rapporteur pour avis est bonne. On peut envisager une rédaction un peu différente.

M. le Rapporteur pour avis. Je propose à la Commission d’adopter un amendement CF 2 rectifié, qui pourrait être ainsi rédigé :

«  Compléter l’alinéa 20 de l’article 1er par la phrase : “ Lorsqu’un groupe d’entreprises publiant une comptabilité consolidée ou une entreprise exploite plusieurs services de transport ferroviaire de fret, la gestion de ces services fait l’objet d’une comptabilité séparée, le cas échéant au niveau du groupe.” »

La Commission adopte l’amendement CF 2 ainsi rectifié.

Elle adopte également l’amendement CF 3 du rapporteur pour avis, qui précise que la publication du document à laquelle sera tenu le gestionnaire d’infrastructure sera annuelle.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 4 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Faute de mieux, parce que la méthode ne nous plaît guère, l’amendement prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport présentant un calendrier d’ouverture à la concurrence des transports ferroviaires régionaux de voyageurs.

M. Charles de Courson. Êtes-vous sûr qu’aucune date n’était prévue pour l’ouverture à la concurrence de ce segment du marché ? Est-il exclu du champ de la directive ?

M. le rapporteur pour avis. Pour l’instant, oui. Les dispositions complexes du règlement sur les obligations de service public font que l’application de la concurrence au transport régional n’est pas codifiée. Il n’y a donc pas de calendrier précis.

M. Charles de Courson. Même s’il n’y a qu’un seul opérateur pour le moment, qu’est-ce qui empêche une région de faire un appel d’offre ?

M. le rapporteur pour avis. S’agissant de la circulation des trains, il me semble que nous ne disposons pas du cadre légal qui permettrait d’organiser la concurrence.

M. Charles de Courson. Nous sommes hors du cadre des obligations de service public – OSP – en vertu même du droit de la concurrence.

M. François Goulard. Il s’agit là d’un point important car il concerne l’ensemble du transport régional. La région Alsace envisageait, il y a quelques années, de confier ses transports de voyageurs régionaux à la Deutsche Bahn. C’est donc apparemment que la loi ne l’en empêchait pas.

M. le rapporteur pour avis. Mais elle ne l’a pas fait. Je pense que les obstacles juridiques ne lui ont pas permis d’aboutir. Au cours de la préparation du projet de loi, l’idée d’aller plus loin dans l’ouverture à la concurrence a été envisagée, mais le Gouvernement a décidé d’en rester là pour le moment. Juridiquement, nous en sommes réduits à demander un rapport sur le sujet. Si l’on voulait ouvrir le transport régional de voyageurs à la concurrence, il faudrait un texte positif l’autorisant clairement.

M. le président Didier Migaud. Cet amendement n’est pas neutre car son adoption signifierait que la Commission des finances souhaite introduire la concurrence dans les transports régionaux de voyageurs alors que l’Europe ne l’impose pas et que le gouvernement français n’a pas encore tranché.

M. le rapporteur pour avis. Nous ne demandons qu’un modeste rapport, monsieur le président !

M. Charles de Courson. S’il était confirmé qu’un conseil régional ne puisse pas faire jouer la concurrence en matière de transport ferroviaire de voyageurs régional – ce que je trouverais étrange car il faudrait que l’interdiction soit explicite –, l’attention devrait être appelée sur ce point dans l’intérêt des contribuables et de la bonne gestion des services publics confiés aux régions.

M. le rapporteur pour avis. Tel est l’esprit de mon amendement. J’apporterai à mes collègues les précisions de droit sur lesquelles je me fonde. En tout état de cause, tant l’État que les opérateurs ferroviaires considèrent que la concurrence n’est pas possible aujourd'hui. Je me contente pour l’instant de réclamer, par cet amendement, un modeste rapport qui permettra de clarifier les choses.

La Commission adopte l’amendement CF 4.

La Commission est saisie de l’amendement CF 5 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement tend à préciser la compétence de la SNCF sur les seuls services rendus en gare et à laisser ouverte la compétence générale sur les gares dans leur ensemble. Nous ne voudrions pas que l’alinéa 42 de l’article 1er permette de conférer subrepticement à la SNCF cette compétence générale, en particulier sur les gares qui sont à construire.

M. le président Didier Migaud. Votre amendement reprend la formule du texte : « de gérer de façon transparente et non discriminatoire ». Peut-on gérer de façon opaque et discriminatoire ?

Est-ce ainsi que l’on rédige la loi ?

M. le rapporteur pour avis. Mon amendement vise avant tout à opérer une distinction entre les services aux entreprises ferroviaires et les gares en tant que telles. Il n’est pas écrit d’avance que c’est la SNCF qui construira certaines gares : cela pourra être notamment RFF et les collectivités locales. L’alinéa 42 me semble fermer un système dont il vaudrait mieux qu’il soit ouvert.

M. Charles de Courson. L’amendement ne mentionne que les services aux entreprises ferroviaires. Mais les gares proposent bien d’autres services, tels que la restauration et l’hôtellerie.

En cas d’ouverture à la concurrence, les opérateurs devront-ils acquitter un loyer pour l’hébergement des conducteurs de trains, par exemple ?

M. le rapporteur pour avis. Il faut distinguer services aux entreprises ferroviaires et services aux voyageurs. Les premiers restent de la compétence de la SNCF, tandis que les services aux tiers – voyageurs ou simples chalands – doivent être ouverts.

M. Charles de Courson. Contrairement au texte adopté par la Commission des affaires économiques, l’amendement ne fait plus état des « autres personnes publiques » susceptibles de confier la gestion des gares. Or, sauf erreur de ma part, certaines gares, dans les réseaux secondaires, n’appartiennent pas à la SNCF.

M. le rapporteur pour avis. Vous avez raison. Il faudrait rectifier l’amendement en ajoutant, après le mot : « État », les mots : « ou d’autres personnes publiques ».

M. François Goulard. Quoi qu’il en soit, la rédaction proposée dans l’amendement est plus restrictive que celle du texte de la Commission des affaires économiques, qui vise l’ensemble des services.

M. le rapporteur pour avis. Le dispositif du texte encadre la gestion des gares de voyageurs par la SNCF. Cet amendement a pour objet de préciser que la SNCF gère les services aux entreprises ferroviaires. En permettant à d’autres entités de gérer certains services, il restreint en effet le champ de la mission de la SNCF dans les gares.

M. François Goulard. En cas de coexistence de plusieurs compagnies de transport ferroviaire, le principal problème qui se pose est celui du traitement du public : guichets, orientation, etc. C’est l’ensemble du champ des services rendus par la gare qui doit faire l’objet d’une gestion transparente et non discriminatoire.

M. le rapporteur pour avis. Alors que la loi actuelle ne lui confie pas la gestion des gares, il m’a semblé que la SNCF profitait de ce texte pour ajouter aux missions qui lui étaient assignées une mission de gestion globale des gares. Le dispositif du texte exclut les collectivités locales, RFF ou d’autres acteurs de la gestion des gares.

Mme Béatrice Pavy. Comme mes collègues François Goulard et Charles de Courson, je trouve cette nouvelle rédaction restrictive. On n’y retrouve même plus la possibilité de percevoir des redevances, alors que celle-ci figure dans le projet.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement prévoit bien cette possibilité puisqu’il renvoie au texte proposé pour le IV de l’article 17-1 de la loi du 30 décembre 1982.

Je le répète, il s’agit seulement de ne pas verrouiller la responsabilité de la gestion des gares au profit de la seule SNCF.

M. François Goulard. Les gares de voyageurs appartiennent à la SNCF. A priori, c’est le propriétaire qui est chargé de la gestion.

M. le rapporteur pour avis. Quid des gares nouvelles ? Mais je conviens que la matière est un peu compliquée. La prudence me conduit, à ce stade, à retirer mon amendement. Nous reviendrons sur le sujet en séance publique.

L’amendement CF 5 est retiré.

M. Charles de Courson. Autrefois, la SNCF était concessionnaire des gares. Ce régime a-t-il été modifié ?

M. le rapporteur pour avis. L’État est propriétaire des gares et celles-ci sont mises à l’actif de la SNCF, sans qu’il existe à proprement parler de texte juridique énonçant que la gare est la propriété de la SNCF. Si une gare est désaffectée, elle revient à l’État.

M. François Goulard. S’il y a toute cette querelle entre RFF et la SNCF, c’est bien parce qu’il s’agit de propriété et pas seulement de dévolution. Et le produit des ventes va bien à une entreprise ou à l’autre.

M. Henri Emmanuelli. Pourtant, lorsqu’une gare doit subir une réfection, ce sont les collectivités locales qui paient. Si l’on pouvait tirer les choses au clair grâce au texte que nous examinons, ce serait formidable !

M. le rapporteur pour avis. Dans ses travaux consacrés à l’immobilier de l’État, la mission d’évaluation et de contrôle a largement développé ces sujets. On a certes accompli des progrès dans la répartition entre les acteurs. La SNCF est, si vous me passez l’expression, « quasi-propriétaire ». C’est elle qui perçoit les loyers lorsqu’il y a location. Pour autant, je ne pense pas qu’elle ait toutes les caractéristiques du propriétaire.

M. Charles de Courson. Dispose-t-elle de l’usus, du fructus et de l’abusus ?

M. le rapporteur pour avis. Il n’est pas certain qu’elle dispose complètement de l’abusus. Je vous apporterai des précisions à ce sujet.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er
ainsi
modifié.

*

* *

Article 1er ter

Droits des voyageurs ferroviaires internationaux

Cet article issu d’un amendement du gouvernement comprend deux parties distinctes.

I.– TRANSPOSITION INTÉGRALE EN DROIT INTERNE DES DROITS DES VOYAGEURS SUR LES SERVICES INTERNATIONAUX

Le premier paragraphe du présent article transpose en droit français le règlement (CE) n° 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires, à compter du 4 décembre 2009.

Cette transposition totale s’applique aux seules entreprises disposant d’une licence conforme à la directive 95/18/CE du Conseil du 19 juin 1995, concernant les licences des entreprises ferroviaires. Sont notamment exclues de son champ d’application les entreprises ferroviaires dont l'activité est limitée exclusivement aux transports urbains, suburbains et régionaux, et les entreprises ferroviaires et regroupements internationaux dont l'activité est limitée à la fourniture de services de navette transportant des véhicules routiers à travers le tunnel sous la Manche. Le règlement précité vise donc à établir les droits et obligations des voyageurs des services ferroviaires internationaux afin d’améliorer l’attrait et l’efficacité du transport international de voyageurs par chemin de fer.

Il fixe les dispositions concernant les exigences minimales applicables à l’information des voyageurs avant, pendant et après leur voyage, la responsabilité des entreprises ferroviaires en cas d’accident, de retard, d’annulation de service et les conditions de transport pour les personnes à mobilité réduite.

Les entreprises ferroviaires doivent fournir aux voyageurs :

– toutes les informations préalables aux voyages en terme de tarifs, d’horaires, d’accessibilité, de disponibilité ;

– toutes les informations durant le voyage concernant les éventuels retards ainsi que les questions relatives à la sécurité ;

– toutes les informations postérieures au voyage en terme de procédures en cas de préjudice.

Il affirme par ailleurs le droit pour les voyageurs d’acheter des billets intégrés « directs » pour les trajets internationaux et ce dans un maximum de points de vente : guichet, guichet automatique, téléphone ou internet.

Le règlement organise également les responsabilités de l’entreprise ferroviaire en cas de décès ou de dommages corporels et en cas de perte ou de vol de bagages sauf si ceux-ci sont sous la responsabilité du voyageur.

On notera que l’entreprise est également responsable en cas de retard, y compris lorsque celui-ci entraîne une correspondance manquée ou une annulation sauf si elle résulte de circonstances exceptionnelles – conditions météorologiques, catastrophes naturelles, actes de guerre ou de terrorisme. Dans ce cas, le voyageur a droit au remboursement ou au ré-acheminement.

Le règlement fait obligation aux entreprises ferroviaires d’assurer l’effectivité des droits des personnes à mobilité réduite à obtenir un billet pour un voyage international en assurant les informations nécessaires ainsi que l’assistance pour l’embarquement, le débarquement et les correspondances.

II.– TRANSPOSITION PARTIELLE POUR LES DROITS DES VOYAGEURS SUR LES AUTRES SERVICES

Le deuxième paragraphe de l’article assouplit cette transposition pour les services publics de transport ferroviaire de voyageurs organisés par le syndicat des transports d’Île de France et par les régions d’une part, pour les trains de grandes lignes d’autre part.

Seules les dispositions obligatoires du règlement sont applicables pour les entreprises organisant des transports régionaux ou en Île de France. Celles-ci sont donc soumises à l’application des seuls articles 9, 11, 12, 19, 26 et du 1 de l’article 20 du règlement précité, relatifs notamment aux règles de billetterie, de bagages, d’assurance obligatoire ou dans le domaine des devoirs en faveur des personnes handicapés ou à mobilité réduite. Toutefois, l’autorité compétente conserve le droit de décider de l’application d’autres dispositions : il appartient donc aux conseils régionaux ou aux syndicats des transports d’Île-de-France de fixer les règles applicables aux transports régionaux, et notamment celles relatives aux dédommagements de retards ou d’annulations ainsi qu’aux ré-acheminements en cas de manquement d’une correspondance. Ces assouplissements trouvent leur justification dans le principe de liberté d’administration des collectivités territoriales.

Les autres services intérieurs de transport ferroviaire – c'est-à-dire essentiellement les trains de grandes lignes – relèvent du même régime d’assouplissement. Mais la durée d’assouplissement est limitée, dans la mesure où elle ne peut être renouvelée, par décret, que deux fois par période maximale de cinq ans. À l’issue de cette période, l’ensemble des dispositions du règlement sera applicable à ces services. Le projet de loi utilise ainsi le maximum du délai prévu par le règlement (CE) n° 137/2007. Il devrait normalement permettre à la SNCF de parvenir à de meilleures conditions d’indemnisation.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er ter sans modification.

Article 2

Dispositions relatives à Réseau ferré de France (RFF)

(Loi n° 97-135 du 13 février 1997)

Cet article vise à assouplir les règles de gestion de l’infrastructure afin de faciliter l’intervention d’acteurs privés, notamment les opérateurs de proximité. En effet, cette intervention de nouveaux acteurs permettrait l’augmentation du fret ferroviaire, objectif visé par le Grenelle de l’environnement. L’activité du wagon isolé est donc bien d’intérêt général. Il comprenait initialement quatre parties. La discussion au Sénat a permis d’en ajouter une cinquième.

La loi n° 97-135 portant création du RFF dispose que cet établissement public ne peut déléguer la gestion du réseau qu’à la SNCF notamment pour les missions de gestion de trafic, de fonctionnement et d’entretien des installations, RFF étant le gestionnaire unique de la totalité du réseau.

Le 1° de l’article permet « pour les lignes à faible trafic réservées au transport de marchandises » à RFF de confier par convention « ces missions à toute personne selon les mêmes objectifs et principes de gestion ». Ces dispositions trouvent leur fondement dans le fait que l’action de RFF est forcément limitée et qu’il est nécessaire de permettre à d’autres opérateurs de développer des réseaux de proximité notamment en remettant en circulation des lignes désaffectées.

Les opérateurs de proximité pourraient être soit des entreprises privées soit des filiales de la SNCF, mais aussi des chambres de commerce ou d’agriculture, des coopératives agricoles, des collectivités territoriales ou des syndicats mixtes.

Un amendement sénatorial a par ailleurs prévu qu’un opérateur de proximité ne puisse en aucun cas devenir propriétaire d’une partie du réseau qui doit rester entièrement la propriété de l’État par le biais de RFF dans un souci d’intégrité du réseau ferroviaire. Cette interdiction concerne également les collectivités territoriales ou leurs établissements publics. Le rapporteur pour avis estime que cet amendement est redondant. La loi n° 97-135 faisant déjà de RFF le propriétaire exclusif du réseau. Il peut même instiller un doute quant à la propriété du réseau dans d’autres cas. Il présentera un amendement de suppression.

Le Rapporteur pour avis souhaite, par ailleurs, renforcer les partenariats public-privé qui ne sont actuellement autorisés pour les infrastructures ferroviaires que pour les seules opérations d’intérêt national ou international. Il proposera donc un amendement supprimant ces restrictions pour laisser la même liberté aux maîtres d’ouvrage public lorsqu’il souhaite recourir au PPP pour des investissements destinés notamment au développement du trafic du fret ou de celui du transport de proximité.

Il souhaite également mieux assurer la sécurité de la gestion des infrastructures ferroviaires réalisées dans le cadre de contrats de partenariat ou de délégation de service public en clarifiant le rôle des acteurs du point de vue de la sécurité ferroviaire. En effet, la loi du 5 janvier 2006 a permis à RFF ou à l’État de confier au titulaire d’un tel contrat, la construction, l’entretien et l’exploitation de tout ou partie de l’infrastructure ferroviaire mais a réservé à la SNCF l’entretien des installations de sécurité. Ce fractionnement des responsabilités, outre qu’il soit malaisé à déterminer, engendre des retards et des dysfonctionnements. Il proposera d’unifier les responsabilités.

La convention pourra éventuellement prévoir les obligations pesant sur les personnes désignées et le contrôle de celles-ci par RFF.

Le Rapporteur pour avis souligne que ces outils législatifs viennent d’être complétés par des outils de soutien à cette activité, comme la cellule d’appui créée en juillet dernier et animée par M. Jacques Chauvineau, réunissant des personnalités d'horizons divers (chargeurs, acteurs économiques représentatifs des territoires, professionnels de la logistique et des transports, associations, institutions). Elle accompagne les initiateurs de projets dans les domaines de la logistique, de la technique ferroviaire ou dans l’analyse des marchés pertinents. Elle organise le partage des expériences et facilite les échanges de compétences et de savoir-faire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des Transports, vient également de se féliciter de la création dans les prochaines semaines d’une société de portage en vue de promouvoir les opérateurs de fret de proximité (OFP). Cette société – partenariat entre Réseau Ferré de France, la Caisse des Dépôts et Consignations et un short-liner nord-américain (Railroad Development Corp) –, fournira aux entrepreneurs locaux un appui en compétences ferroviaires, en montage économique et financier, et en pratique opérationnelle de trafic de fret de courte distance.

Le 2° de l’article permet au titulaire d’un contrat de partenariat ou d’une délégation de service public de rémunérer directement la SNCF pour les missions qu’elle assure pour son compte au titre de la gestion des circulations et de l’entretien des équipements de sécurité « dans le respect des objectifs et principes de gestion du réseau ferré national définis par RFF ». Cette disposition permet d’assurer, comme l’avait souhaité le Conseil d’État, une certaine stabilité des contrats de partenariat.

Le 3° de l’article précise la composition du conseil d’administration de RFF en prévoyant que la personnalité mentionnée au dernier alinéa de l’article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public est choisie parmi les représentants des usagers du service du transport public.

Il prévoit aussi la présence d’un représentant d’une association de protection de l’environnement désigné par le ministre chargé de l’Écologie. Le rapporteur pour avis propose de modifier la nouvelle disposition introduite par le Sénat car il remet en cause l’équilibre du conseil. En effet, l’article 5 de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public oblige à ce qu’au moins un tiers des membres du conseil d’administration soit composé de représentants des salariés. L’ajout d’un membre supplémentaire obligerait soit à augmenter le nombre des membres du Conseil, soit à remplacer un membre actuel par le représentant des associations environnementales. Par ailleurs, les associations de protection de l’environnement seront représentées dans le nouveau conseil de développement du réseau ferré national, consulté dans un objectif de développement durable et d’efficacité économique et sociale.

Un bis a été introduit à la suite l’initiative du Sénat. Il s’agit d’insérer après l’article 2, deux articles 2-1 et 2-2.

L’article 2-1 prévoit dans un souci de développement durable et d’efficacité économique et sociale la création d’un conseil de développement du réseau ferré national représentant les « autorités organisatrices de services de transport ferroviaire, les entreprises ferroviaires, les opérateurs de transport combiné, les grands ports maritimes, les chargeurs, les usagers, les milieux professionnels de l’industrie ferroviaire, les associations de protection de l’environnement ». Ce conseil émet des avis ou des propositions sur les « grandes orientations de gestion et de développement de l’infrastructure » du réseau ferré national. L’article renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser la composition exacte de ce conseil ainsi que ses règles de fonctionnement.

L’article 2-2 formalise la publication des actes administratifs de RFF au bulletin officiel de l’EPIC diffusé sur internet dans un souci d’une plus grande publicité.

Enfin le 4° de l’article fixe les règles de calcul des redevances d’utilisation du réseau ferré national. Celui tient compte « lorsque le marché s’y prête » de la valeur économique, pour l’attributaire du sillon, de l’utilisation du réseau national tout en respectant les gains de productivité réalisés par les entreprises ferroviaires. Un amendement adopté par le Sénat précise que l’évolution des redevances est fixée de façon pluriannuelle pour plus de prévisibilité.

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La Commission est saisie de l’amendement CF 6 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. À l’heure actuelle, les partenariats public-privé, les PPP, ne sont autorisés que pour les infrastructures ferroviaires d’intérêt national ou international. Nous souhaitons par cet amendement en élargir le champ aux infrastructures destinées au transport de proximité et au développement d’autres activités ferroviaires.

M. Charles de Courson. Je suis d’accord sur le fond, mais cette précision est-elle vraiment utile ? Existe-t-il une disposition qui réduise ainsi le champ des PPP ?

M. le rapporteur pour avis. Oui. Les textes généraux ne permettaient pas les PPP en matière d’infrastructures ferroviaires, sauf pour les lignes internationales. Nous avons déjà dû introduire, dans le projet de loi relatif au développement et à la sécurité des transports, des dispositions spécifiques en faveur des infrastructures d’intérêt national. Il vous est proposé avec cet amendement d’aller plus loin.

M. François Goulard. Tout en souscrivant à l’objectif du rapporteur pour avis, je n’ai pas le souvenir d’une disposition restreignant de la sorte l’application des PPP.

Par ailleurs, je rappelle que le coût de la première construction réalisée en PPP, la ligne Perpignan-Figueras, s’est révélé inférieur de 25 % aux prévisions établies par la SNCF.

M. Henri Emmanuelli. L’État n’ayant pas les moyens de mettre en œuvre les grands travaux, il met à contribution jusqu’à 50 % du coût le budget des collectivités locales, dont ce n’est pas la vocation. C’est un transfert de charges massif !

Quant à RFF, lorsqu’on lui demande la construction de quelques centaines de mètres de ligne pour éviter le passage quotidien de 2 000 camions, il répond qu’il n’a pas d’argent !

Il me semble que l’on ferait mieux d’aborder en premier lieu la question des moyens.

M. le rapporteur pour avis. J’y reviendrai à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances car je trouve les schémas de financement des infrastructures ferroviaires assez « artistiques », ce qui n’empêche pas les études de progresser.

La Commission adopte l’amendement CF 6.

Elle examine ensuite l’amendement CF 7 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de confier au titulaire d’un contrat de partenariat ou de délégation de service public, et non à la SNCF, l’entretien des installations de sécurité. Ce fractionnement excessif des responsabilités est incompatible avec la réalité opérationnelle d’un PPP.

M. François Goulard. Le rapporteur pour avis a sur ce point parfaitement raison !

M. Charles de Courson. Cela ne risque-t-il pas de poser des problèmes de coordination en matière de sécurité ?

M. le rapporteur pour avis. Il est seulement question d’entretien, c'est-à-dire de travail physique.

M. François Goulard. Selon la manière dont on conçoit et réalise un équipement, les coûts d’entretien peuvent varier considérablement. Si l’on ne confie pas l’entretien au partenaire privé, celui-ci risque de livrer des installations qui se révéleront ensuite très coûteuses. Le contrat global va dans le sens de l’économie.

La Commission adopte l’amendement CF 7.

Puis elle est saisie de l’amendement CF 8 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Le Sénat a souhaité préciser que le conseil d’administration de Réseau ferré de France « comprend également un représentant d’une association de protection de l’environnement agréée au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement ». Dans la mesure où ces associations seront déjà représentées au sein du conseil de développement du réseau ferré national, une telle disposition ne semble pas indispensable.

La Commission adopte cet amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 2 ainsi modifié.

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Article 3 A

Rapport sur le remboursement progressif de la dette de RFF

La question de l’endettement de RFF a été bien entendu abordée au Sénat à l’occasion de l’examen du présent projet.

Un premier amendement qui proposait la reprise de la dette de RFF par l’État et son remboursement grâce au produit d’une taxe additionnelle sur les tabacs et alcools a été repoussé au motif que la moitié de cette dette est « une bonne dette », c'est-à-dire une dette économique amortissable tout à fait légitime.

Comme le rappelait le Rapporteur pour avis dans son rapport d’information n° 875, publié en mai 2008, la dette ferroviaire totale, comprenant les dettes de la SNCF, du service annexe d’amortissement de la dette – SAAD – et de RFF, est passée, selon la cour des comptes, de 38,1 milliards d’euros, fin 1997, à 41,1 milliards d’euros à la fin 2006.

Les dettes du SAAD et de la SNCF ne devraient pas rencontrer de difficultés particulières pour leur remboursement. La dette du SAAD est reprise par l’État comme le prévoit la loi de finances rectificative pour 2007. La SNCF a, en 2007, dégagé un résultat opérationnel de 994 millions d’euros et fait passer son endettement de 6,458 milliards d’euros fin 2006 à 4,480 milliards d’euros fin 2007. La marge d’exploitation de la SNCF est considérée comme suffisante pour permettre à la SNCF d’accroître, le cas échéant, son endettement de 3 à 4 milliards d’euros.

L’endettement de RFF, soit 27,9 milliards d’euros fin 2007, est, au contraire, considéré comme préoccupant, tant en ce qui concerne son niveau que son évolution (+ 30 % depuis 1997). Plusieurs solutions sont envisageables, les unes inspirées des exemples étrangers avec une reprise de dettes par l’État, l’autre, bien préférable, consistant en la valorisation et la réalisation de la part de son patrimoine détachable de l’infrastructure proprement dite.

Le Rapporteur pour avis rappelait dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2009 que le contrat de performance 2008-2012 prévoit que RFF pourra faire appel à l’emprunt pour couvrir son besoin de financement, dans la mesure où, sur la période, la subvention de l’État diminuera et où le surcroît de recettes ne sera pas suffisant.

Cette dette est décomposée en trois parties :

– représentant un montant de 6,8 milliards d’euros fin 2006, la première composante correspond aux dettes contractées dans les conditions de l’article 4 du décret du 5 mai 1997. Dans la pratique, l’amortissement de la dette correspondante doit provenir des recettes des péages ferroviaires ;

La dette dite de l’article 4 de Réseau ferré de France

L’article 4 du décret du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de Réseau ferré de France détaille le processus d’investissement de RFF.

Réseau ferré de France élabore chaque année son programme d’investissement, qui peut comporter un volet pluriannuel, et qui est assorti d’un plan de financement.

Les projets d’investissement inscrits à son programme à la demande de l’État, d’une collectivité territoriale ou d’un organisme public local ou national, ne peuvent être acceptés par RFF qu’à la condition que les demandeurs contribuent à leur financement par un concours financier « propre à éviter toute conséquence négative sur les comptes de RFF sur la période d’amortissement de cet investissement ».

– d’un montant de 6,7 milliards d’euros fin 2006, la deuxième composante s’intitule dette « hors article 4 amortissable » par RFF et correspond à sa capacité d’autofinancement hors article 4 jusqu’en 2028 ;

– enfin, d’un montant de 13,5 milliards d’euros, soit la moitié du total de la dette, la troisième composante est considérée comme la dette « hors article 4 non amortissable » de RFF.

Pour la Cour des comptes, il importe que l’État trouve une solution pour cette dette de 13,5 milliards d’euros que RFF est jugé dans l’impossibilité de rembourser (1).

Dans son rapport d’information de mai 2008 sur les péages ferroviaires (2), le Rapporteur pour avis estimait indispensable que le système réduise son endettement par ses propres moyens.

Il demeure à ses yeux nécessaire de valoriser le patrimoine de RFF et d’en réaliser une partie.

La loi du 13 février 1997 a défini les biens constitutifs de l’infrastructure apportés en pleine propriété à RFF. Il convient que le patrimoine de RFF soit rapidement arrêté, valorisé et, dans certains cas, réalisé de manière à réduire la dette de RFF.

Deux questions se posent à ce sujet, à savoir, d’une part l’achèvement du partage en application de la répartition de la loi de 1997 et, d’autre part, une éventuelle extension du périmètre du patrimoine de RFF.

Malgré la mise en place d’une commission nationale de répartition des actifs – CNRA – pour régler les cas litigieux, le partage du patrimoine entre RFF et la SNCF n’est pas encore terminé.

La Cour des comptes souligne à juste titre que l’inachèvement du partage n’a pu que ralentir les cessions d’actifs, qui ont représenté, de 1997 à 2006, un montant cumulé de 600 millions d’euros, alors qu’elles auraient pu atteindre 2 milliards d’euros. La Cour recommande que les derniers arbitrages soient « très rapidement rendus et exécutés ».

Au-delà de l’indispensable achèvement du partage, il convient de dynamiser la cession des actifs de RFF qui ne présentent pas d’intérêt opérationnel pour sa mission.

Par ailleurs, une réflexion pourrait être engagée sur la propriété des gares. Actuellement, la SNCF est quasi-propriétaire d’un grand nombre de gares car elle en a l’usus et le fructus et même l’abusus puisqu’elle peut les aliéner sous réserve d’un simple déclassement par l’État. RFF est, lui, propriétaire de ces infrastructures car il n’a pas besoin d’un déclassement pour une éventuelle cession mais la propriété, en terme quantitatif, est largement favorable à la SNCF.

L’ouverture à la concurrence en 2010 du transport international de voyageurs placera les concurrents de la SNCF dans l’obligation de recourir aux installations de cette dernière. Cette situation pourrait être invoquée comme un obstacle à l’ouverture à la concurrence si les possibilités ou les redevances d’accès n’étaient pas jugées satisfaisantes par les nouveaux entrants sur le marché des transports ferroviaires. Le transfert de la propriété des gares à RFF résoudrait cette question.

Les gares pourraient ensuite être valorisées, en tant que patrimoine immobilier, dans des opérations d’aménagement et constituer la base de cessions partielles ou complètes d’actifs susceptibles de désendetter RFF.

Autre conséquence positive du transfert, les conditions d’emprunt de RFF seraient améliorées et ses coûts d’endettement réduits, compte tenu des revenus additionnels générés et des garanties supplémentaires apportées par son patrimoine immobilier.

Cette orientation est confirmée par le contrat de performance 2008–2012. La dette « hors article 4 non amortissable » a été estimée par RFF, début octobre 2008, à 5 milliards d’euros, ce qui semble montrer une capacité accrue de RFF à assumer la dette historique du système ferroviaire.

Le Sénat a souhaité qu’ « avant la fin de l’année 2009, le Gouvernement dépose au Parlement un rapport présentant les solutions envisageables pour que soit rendu possible le remboursement progressif de la dette de Réseau ferré de France ».

Le rapporteur pour avis estime, tout de même, que la formulation de cet article laisse planer un doute sur la possibilité de rembourser la dette de Réseau ferré de France et écorne la crédibilité de l’État. Il proposera donc une réécriture de cette disposition.

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La Commission est saisie de l’amendement CF 9 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L’article 3 A dispose que : « Avant la fin de l’année 2009, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les solutions envisageables pour que soit rendu possible le remboursement progressif de la dette de Réseau ferré de France ». Notre Commission ne peut laisser passer une telle rédaction ! Je propose de faire plus simplement référence aux solutions « proposées pour le remboursement » de la dette de RFF.

La Commission adopte cet amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 A ainsi modifié.

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TITRE III

DE LA RÉGULATION DES ACTIVITÉS FERROVIAIRES

Article 4

Statut et champs de compétence de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF)

L’ouverture à la concurrence du service ferroviaire impose la création d’une autorité de régulation.

L'article 4 du projet de loi prévoit la création de cette nouvelle instance, prenant la forme d'une autorité administrative indépendante, à l’origine dénommée « Commission de régulation des activités ferroviaires », et rebaptisée par le Sénat « Autorité de régulation des activités ferroviaires » – ARAF.

Cette principale innovation du projet de loi introduit une rupture nette par rapport au système actuel – où la MCAF est placée auprès du ministre –, dans la mesure où une autorité administrative indépendante n’est précisément soumise à aucune autorité supérieure. Dans le système actuel, le pouvoir de régulation appartient in fine au ministre des transports, la MCAF n’ayant pour mission que de l'assister en instruisant les réclamations des entreprises et en lui adressant de simples avis consultatifs ou des recommandations. L’indépendance nouvelle de l’autorité régulatrice ne prend tout son sens que dès lors qu’elle dispose de réels pouvoirs, aboutissant à en faire le véritable régulateur du système ferroviaire, en lieu en place du ministre des transports, ce que le projet organise dans ses articles 7, 8 et 9.

Cette nouvelle structure aura évidemment pour vocation à se substituer à l’actuelle MCAF, même si elle disposera de pouvoirs plus étendus que cette dernière. Cependant cette suppression ne nécessite qu’une simple abrogation réglementaire, la MCAF ayant été créée par décret (3).

I.– Le statut de l’ARAF

Le premier alinéa pose donc clairement le principe que l’ARAF sera une autorité administrative indépendante. En effet, si le droit communautaire n'impose pas que le régulateur soit nécessairement indépendant du ministère des Transports – l'article 30 de la directive 2001/14/CEE prévoit même explicitement la possibilité que l'organe de contrôle soit les autorités gouvernementales elles-mêmes –, cette option n'est possible que si l’État est sans lien avec les entreprises ferroviaires, ce qui n’est bien sûr pas le cas en France.

Par ailleurs, la rédaction retenue par le Sénat qualifie l’ARAF d’« autorité publique indépendante » : cette qualification permettra à l’Autorité de pouvoir bénéficier de la personnalité juridique et donc de ressources propres autres que celles prévues à l’origine par le projet de loi – rémunérations pour services rendus –, sans méconnaître l’article 36 de la LOLF qui prévoit qu’une ressource établie au profit de l'État ne puisse faire l'objet d'une affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale ou a fortiori, à une instance dépourvue de la personnalité juridique.

Pour M. Francis Grignon, rapporteur au Sénat, « (…) la personnalité juridique et l'autonomie financière sont un gage supplémentaire de l'indépendance fonctionnelle de l'ARAF, qui ne sera plus intégrée à la personnalité juridique de l'État. Certes, la Commission de régulation de l'énergie ou l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes exercent pleinement leur office sans personnalité juridique. Mais l'Autorité de régulation des activités ferroviaires disposera de la sorte du plus haut degré d'indépendance dont peut jouir une instance de régulation, ce qui renforcera auprès des acteurs du secteur les garanties d'impartialité des décisions qu'elle sera amenée à prendre (4)».

Le Sénat a, sur ce point, passé outre l’avis du gouvernement, qui faisait valoir que « la force et la puissance d’une autorité ne sont pas liées à sa capacité de disposer de ressources indépendantes ».

II.– les champs de compétence de l’ARAF

Les alinéas 1 à 6 précisent les champs de compétences de l’ARAF.

L’ARAF se voit confier par le premier alinéa de l’article 4 la mission générale de concourir « au bon fonctionnement du service public et des activités concurrentielles de transport ferroviaire, au bénéfice des usagers et clients des services de transport ferroviaire ». Cela signifie que l’ARAF exerce ses compétences sur l'ensemble des transports ferroviaires, qu’ils aient ou non la qualité de service public. La globalité de cette compétence est directement liée au fait que l’infrastructure ferroviaire est utilisée par tous les types de trafic, le rôle de l’ARAF étant précisément de veiller à ce que les différents acteurs puissent utiliser ce réseau unique dans des conditions équitables.

Le deuxième alinéa prévoit en effet que l’autorité de régulation s’assure « en particulier » que « les conditions d’accès au réseau n’entravent pas le développement de la concurrence » : ainsi, les nouveaux entrants ne seront pas défavorisés lors de l’instruction de leurs demandes de sillons auprès du gestionnaire d'infrastructure (RFF) ou de son délégué – en l'état actuel SNCF Infra –. L’affirmation implicite du caractère non exhaustif des compétences de l’ARAF revient à rappeler que d’autres compétences lui sont conférées par d’autres articles du projet et que d’autres autorités organisatrices de transport pourront demander elles aussi à disposer de sillons.

Le troisième alinéa confère à l’ARAF une mission générale d'observation des conditions d'accès au réseau ferroviaire ainsi que la possibilité de formuler et de publier, après toute consultation qu’elle juge utile, des recommandations à ce propos. Cette mission est en apparence très proche de celle de la MCAF ; cependant, le fait que la nouvelle autorité régulatrice soit une autorité administrative signifie qu'il lui reviendra librement de décider de publier telle ou telle recommandation sans avoir à en référer au ministre.

Le quatrième alinéa confie à l’ARAF :

– le soin de veiller « à ce que l'accès aux capacités d'infrastructure sur le réseau et l'accès aux différentes prestations associées soient accordés de manière équitable et non discriminatoire », cette redondance s’expliquant par la reprise exacte des termes de l'annexe II de la directive 91/440 ;

– le soin de s’assurer de « la cohérence des dispositions économiques, contractuelles et techniques mises en œuvre par les gestionnaires d'infrastructures et les entreprises ferroviaires, avec leurs contraintes économiques, juridiques et techniques ».

Le rapporteur pour avis prévoit également de confier à l’ARAF la mission d’émettre un avis sur le plan de financement du programme d’investissement. En effet, grâce à l’échange fructueux entre le ministère des transports, RFF et l’ARAF, il permettra également de mieux adapter les tarifs et le coût des investissements.

Le cinquième alinéa définit l'étendue du réseau sur lequel s'étend la compétence de l’ARAF. Il s'agit en fait de l'ensemble du réseau ferroviaire tel que défini au nouvel article 17-1 de la LOTI introduit par l'article 1er du présent projet de loi (5). La seule exception prévue porte sur la partie française du tunnel sous la Manche, qui relève d'une commission bilatérale franco-britannique et non du droit national de chacun des deux États.

Le sixième alinéa enfin prévoit la possibilité pour l’ARAF d'être, à la demande du ministre, associée à la préparation de la position française dans les négociations et de participer à la représentation française dans différentes instances européennes ou internationales. Il est à noter que ces fonctions sont d’ores et déjà aujourd’hui remplies par la MCAF.

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La Commission est saisie de l’amendement CF 10 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Par cet amendement, il est proposé que l’Autorité de régulation des activités ferroviaires donne un avis sur le financement du programme d’investissement relatif à l’infrastructure.

Sans aller jusqu’au dispositif britannique, où c’est le régulateur qui décide du programme d’infrastructures, il semble utile que l’ARAF puisse s’exprimer sur les questions de financement.

M. François Goulard. Je suis assez réservé. L’ARAF n’a pas de compétence en matière d’infrastructures. La répartition du financement entre l’État, les régions et les départements est une question politique qui ne relève pas de l’Autorité de régulation.

M. le président Didier Migaud. On estime déjà qu’il y a trop d’autorités de régulation. Est-il opportun de leur donner des pouvoirs supplémentaires ?

M. le rapporteur pour avis. Lorsqu’elle devra se prononcer sur les tarifs, l’ARAF devra tout de même disposer d’une bonne analyse du financement et des coûts d’investissement. Dans la mesure où il n’existe pas aujourd'hui d’instance s’occupant sérieusement du financement, un avis ne me paraissait pas inutile.

Cela dit, je retire l’amendement.

L’amendement est CF 10 est retiré.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 sans modification.

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Article 7

Pouvoir réglementaire de l’ARAF

En l’état actuel du droit, le pouvoir réglementaire appartient au seul ministre en charge des transports. En effet, la Mission de contrôle des activités ferroviaires ne dispose pas d’un pouvoir réglementaire autonome, les dispositions de l’article 29 du décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 relatif à l'utilisation du réseau ferré national, complété par l'arrêté du 6 mai 2003 fixant les modalités de fonctionnement de la mission de contrôle des activités ferroviaires, ne lui conférant qu’une compétence d’instruction de certains recours portés auprès du ministre en charge des transports ou d'instruction des demandes portées auprès du même ministre par un délégataire contre RFF ou la SNCF.

L'article 7 investit l’ARAF d'un pouvoir réglementaire supplétif, qui concerne un certain nombre de dispositions susceptibles d’être précisées au regard des objectifs définis à l’article 4.

L’attribution d’un pouvoir réglementaire autonome à certaines autorités administratives indépendantes (6) est traditionnellement admise par le Conseil constitutionnel, sous réserve d’un encadrement relativement strict.

Le Conseil constitutionnel admet en effet depuis 1986 que si l’article 21 de la constitution attribue au Premier ministre, sous réserve des pouvoirs reconnus au Président de la République, l'exercice du pouvoir réglementaire à l'échelon national, il ne fait cependant pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité de l'État autre que le Premier ministre, le soin de fixer, dans un domaine déterminé et dans le cadre défini par les lois et règlements, des normes permettant de mettre en œuvre une loi (7), notamment dans le cas où est institué un contrôle ministériel sur les règlements de l’autorité administrative (8).

Les caractéristiques du pouvoir réglementaire de l’ARAF répondent à ces deux conditions : son pouvoir réglementaire est limité d’une part, contrôlé d’autre part.

I.– UN POUVOIR RÉGLEMENTAIRE LIMITÉ

Les dispositions du présent article confèrent à l’ARAF un pouvoir réglementaire limité.

En effet, le premier alinéa de l’article précise que ce pouvoir s’exerce « dans le respect des dispositions législatives et réglementaires » et « dans le cadre des missions fixées à l’article 4 ». Les dispositions constitutionnelles et législatives laissent donc toute latitude au législateur ou au gouvernement de préciser de façon très détaillée les dispositions qui contraignent l'ARAF. Le pouvoir de cette dernière ne constitue donc en aucun cas un pouvoir concurrent de celui des autorités de droit commun.

Ce pouvoir réglementaire sera par ailleurs limité par la nature même des actes édictés. Ses actes ne concernent que des dispositions à caractère impersonnel et général, à la différence par exemple des décisions de l'établissement public de sécurité ferroviaire. Les alinéas 2 à 5 de l'article 7 détaillent les différents types de dispositions susceptibles d’être précisées par l’ARAF au regard des objectifs définis par l'article 4 : son pouvoir réglementaire trouvera ainsi à s’appliquer aux règles concernant les conditions de raccordement au réseau ferroviaire, aux conditions techniques et administratives d'accès au réseau et de son utilisation, aux conditions d’accès aux services présentant un caractère de facilités essentielles (9) – cette compétence a été ajoutée par le Sénat –, et aux périmètres de chacune des activités comptablement séparées désignées par les II et III de l'article 17-1 nouveau de la loi du 30 décembre 1982 précitée – voir le commentaire sur l’article 1 du présent projet. Cette énumération a un caractère exhaustif, et l’ARAF ne pourrait donc voir son pouvoir réglementaire élargi que par une disposition législative.

II.– UN POUVOIR RÉGLEMENTAIRE CONTRÔLÉ

L’exercice du pouvoir réglementaire de l’ARAF est par ailleurs soumis à l'homologation du ministre, sur le modèle de certaines décisions de l’ARCEP
– alinéa 6 de l’article 7.

Le ministre dispose d'un délai de deux mois pour s'opposer aux décisions de l’ARAF prises en application de cet article. Son éventuel refus d’homologation doit être motivé et son silence vaut approbation implicite des règles formulées par l’ARAF.

Ce n’est qu’à l’issue de cette procédure que les règles homologuées sont publiées au Journal officiel.

L’ensemble de cette procédure d’homologation constitue aux yeux du Rapporteur pour avis un partage des rôles équilibré entre le Gouvernement d’une part, la nouvelle autorité d’autre part.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 sans modification.

Article 8

Missions et pouvoirs de l’ARAF

Le présent article décrit avec précision les différentes missions et pouvoirs de l’ARAF.

Il est d’une importance considérable puisqu’en l'état actuel du droit, la directive 2001/14/CEE prévoit que l'organisme national de régulation doit s'assurer du caractère non discriminatoire des redevances d'utilisation, être informé des négociations entre le gestionnaire d'infrastructure et les candidats et vérifier enfin que les dessertes intérieures créées à l’occasion de services internationaux ne constituent pas en fait le principal objectif du service. Or, aucun texte ne confie en droit positif de telles missions à la MCAF.

I.– COMPÉTENCES EN MATIÈRE DE DESSERTES INTÉRIEURES CRÉÉES À L’OCCASION DE SERVICES INTERNATIONAUX DE VOYAGEURS

Le paragraphe I de l'article 8 du projet de loi prévoit dans son premier alinéa que l’ARAF peut donner son avis, à la demande du ministre ou des entreprises ferroviaires concernées, sur les dessertes intérieures créées à l'occasion des services internationaux de voyageurs pour se prononcer sur le caractère principal ou accessoire des dessertes intérieures. L'avis de l’ARAF lie l'autorité administrative compétente – le ministre des Transports – qui peut alors, sur ce fondement, encadrer la création de cette desserte intérieure – et non plus s’y opposer, comme le prévoyait le projet initial : voir en ce sens le commentaire, à l’article 1er, sur l’article 17-2 nouveau de la LOTI.

Le second alinéa de ce paragraphe prévoit aussi que l’ARAF se prononce, à la demande de l’autorité administrative compétente, de l'autorité qui a attribué ledit contrat, du gestionnaire d'infrastructure ou de l'entreprise ferroviaire qui exécute le contrat, sur l'existence éventuelle d'une atteinte à l'équilibre économique d'un contrat de service public, afin de permettre à l'autorité organisatrice compétente, le cas échéant, de s'opposer à la création d'un service de desserte intérieure ou de le limiter, quand bien même son objet à titre principal constituerait bien une desserte internationale.

II.– COMPÉTENCES EN MATIÈRE DE REDEVANCES
D'UTILISATION DU RÉSEAU

Le paragraphe II oblige tout gestionnaire d'infrastructure à informer l’ARAF de son intention de négocier des redevances d'utilisation du réseau avec un demandeur – entreprises ferroviaires, autorités organisatrices et autorités portuaires. Cette information devra être préalable aux négociations, la rédaction de ce paragraphe visant explicitement « l’intention » de négocier.

L’ARAF disposera d’une marge d’interprétation considérable dans la mesure où elle pourra s'opposer au tarif finalement négocié en se fondant sur les 2ème et 4ème alinéa de l’article 4 du présent projet. Ce 2ème alinéa vise à ce que les conditions d'accès au réseau ferroviaire « n'entravent pas le développement de la concurrence ». Le 4ème alinéa vise à garantir que « l'accès au réseau et aux différentes prestations associées soit accordé de manière équitable et non discriminatoire ».

Il faut toutefois s’étonner que la décision de l’ARAF, pourtant informée de la simple intention de négocier, ne soit assortie d’aucune contrainte en matière de délai, alors même que l’exercice de certaines de ses missions est, lui, soumis à des contraintes calendaires.

III.– COMPÉTENCE D'AUTORISATION D'ENTRÉE EN VIGUEUR DES ACCORDS-CADRES CONCLUS PAR LES ENTREPRISES FERROVIAIRES

Le paragraphe II de l'article 8 de la directive 2001/14 concerne la répartition des capacités d'infrastructure ferroviaire, la tarification, et la certification en matière de sécurité. La directive prévoit que des accords-cadres puissent être conclus pour des projets d'investissement spécifiques qui seront réalisés à l'avenir ou dont la réalisation ne remonte pas à plus de quinze ans avant son entrée en vigueur. Le gestionnaire de l'infrastructure peut fixer ou maintenir des redevances plus élevées, par exemple basées sur le coût à long terme de tels projets, pour autant qu'il s'agisse de projets améliorant le rendement et/ou la rentabilité qui ne pourraient pas ou n'auraient pas pu être mis en œuvre. De tels arrangements en matière de tarification peuvent également comporter des accords sur le partage des risques liés à de nouveaux investissements.

Le paragraphe III de l’article 8 du présent projet donne à l’ARAF un pouvoir d'autorisation d'entrée en vigueur de ces accords-cadres, conclus par les entreprises ferroviaires qui exploitent des services avant le 1er janvier 2010 avec le gestionnaire d'infrastructure, pour une durée de cinq ans, renouvelable une fois, sur la base des caractéristiques des capacités utilisées dans les conditions prévues par le VII de l'article 17-1 nouveau de la loi du 30 décembre 1982 précitée. Cette disposition doit permettre de tenir compte d'investissements spécialisés ou de l'existence de contrats commerciaux.

IV.– APPROBATION DES RÈGLES DE LA SÉPARATION COMPTABLE

Le paragraphe IV de cet article attribue à l’ARAF, après avis de l'Autorité de la concurrence, un pouvoir d'approbation des règles de la séparation comptable prévue à l'article 17-1 de la loi du 30 décembre 1982 mentionnée ci-dessus, des règles d'imputation, des périmètres comptables et des principes régissant les relations financières entre les activités comptablement séparées, qui sont proposés par les opérateurs. Ces règles doivent être conformes aux principes régissant le droit de la concurrence.

Il s'agit donc de prohiber le fait qu'une entreprise organise un déficit dans la gestion des infrastructures au bénéfice de ses activités d'exploitation des services de transports de voyageurs.

Le présent paragraphe organise donc un transfert des compétences de l’autorité administrative actuellement compétente vers l’Autorité de régulation, sans que l’avis de l'Autorité de la concurrence ne lie cette dernière.

V.– FIXATION DES TARIFS DE REDEVANCE D'UTILISATION DU RÉSEAU FERRÉ NATIONAL

Le premier alinéa du paragraphe V soumet la fixation des tarifs de redevance d'utilisation du réseau ferré national, aujourd’hui déterminés par le ministre en charge des transports après avis de RFF, à un avis conforme de l’ARAF : celle-ci partagera désormais ce pouvoir de décision avec le ministre.

Cette novation importante satisfait partiellement l'un des griefs adressés à la France par l'Union européenne, qui soulignait que le régime français de fixation des tarifs ne répondait pas à des exigences minimales d'indépendance de l’autorité responsable. Cependant, les règles de tarification ont été strictement fixées dans le décret n° 97-446 du 5 mai 1997 relatif aux redevances d’utilisation du réseau ferré national : aussi convient-il de concéder que l’ARAF n’aura qu’une marge d’appréciation limitée.

Le second alinéa de ce paragraphe supprime l’exigence procédurale précitée lorsque l’Autorité s’est déjà prononcée.

V BIS.– AVIS MOTIVÉ SUR LE DOCUMENT
DE RÉFÉRENCE DU RÉSEAU

Le Sénat a souhaité que l’ARAF puisse rendre un avis motivé sur le Document de Référence du Réseau (DRR). Ce document contient en effet l'essentiel des informations nécessaires aux entreprises ferroviaires qui souhaitent utiliser le réseau ferré national pour y assurer des prestations de transport de voyageurs et de marchandises et plus généralement à toutes les parties intéressées par le transport ferroviaire. Prévu par les dispositions de la directive 2001/14/CE et, s’agissant du droit français, réglementé par l’article 17 du décret 2003-194 du 7 mars 2003 relatif à l'utilisation du réseau ferré national, il prévoit que Réseau ferré de France élabore un document de référence du réseau ferré national qui contienne l'ensemble des informations nécessaires à l'exercice des droits d'accès au réseau ferré national (présentation de la consistance et des caractéristiques de l'infrastructure mise à la disposition des entreprises ferroviaires et des conditions d'accès à celle-ci, présentation des prestations, règles de répartition des capacités d'infrastructure, délais et modalités de présentation et d'instruction des demandes d'attribution des capacités, principes de tarification et montant des tarifs pris en application du décret n° 97-446 du 5 mai 1997, conditions d’utilisation des infrastructures, mise en œuvre de la réglementation relative à l'utilisation de l'infrastructure).

À l’appui de ce souhait, il a fait valoir l’importance des prérogatives confiées à l’ARAF par le présent projet de loi et la consultation actuelle de la mission de contrôle des activités ferroviaires, expressément prévue par le décret de 2003 précité.

Le Sénat a bien sûr admis que « l'ARAF ne saurait embrasser la multiplicité de ce document (et que) son avis ne traitera que ce qu’elle aura jugé utile d'étudier, eu égard à ses missions et pouvoirs » (10).

Le texte voté prévoit que « l’autorité émet un avis motivé sur le document de référence du réseau dans un délai de deux mois suivant sa publication. Les modifications qui, au vu de cet avis, sont nécessaires pour rendre les dispositions conformes à la réglementation sont apportées sans nouvelle consultation des parties intéressées ».

On peut toutefois s’interroger sur la pertinence d’une saisine de l’autorité après la publication du DDR, l’article 17 du décret précité de 2003 prévoyant que l'avis du ministre chargé des transports, de la mission de contrôle des activités ferroviaires, des entreprises ferroviaires utilisant le réseau ferré national et des organisations nationales représentatives des usagers des transports ferroviaires est sollicité sur le projet de document avant l’élaboration de sa version définitive par RFF. On pourrait imaginer sa saisine sur le seul projet de DDR.

VI.– AVIS SUR LES TARIFS DES SERVICES PUBLICS

Le paragraphe VI assigne à l’ARAF une compétence d'avis simple sur les tarifs des services de transport de voyageurs réalisés à titre exclusif par une entreprise ferroviaire à qui l'exploitation en est confiée sans mise en concurrence préalable.

L'avis de l’ARAF portera sur la tarification des billets de transports telle qu'issue de la convention liant l'autorité administrative compétente et l'opérateur historique. Son avis n’est pas ici contraignant.

Le Sénat a complété ce paragraphe en prévoyant que l’autorité se prononce sur « l’équité des politiques tarifaires » et veille « à l’existence d’un socle commun de tarification applicable à l’ensemble du territoire et de nature à permettre une égalité d’accessibilité aux voyageurs » et « au respect, à ce titre, des tarifications sociales et de la loi sur le handicap ».

Il souhaitait ainsi répondre notamment à l’écart très élevé entre les tarifs de transport applicables en Île-de-France et ceux en vigueur à quelques kilomètres seulement des limites administratives de cette région.

Le Gouvernement s’y est opposé en faisant valoir que le rôle de l’Autorité ne pouvait pas se substituer aux pouvoirs des collectivités territoriales, de surcroît pour contrôler une « équité » non définie juridiquement.

VII.– AVIS SIMPLE SUR LES TEXTES À CARACTÈRE RÉGLEMENTAIRE

Le paragraphe VII donne à l’ARAF une compétence d'avis simple sur les textes à caractère réglementaire relatifs au réseau, aux infrastructures et au matériel ferroviaires. Ce pouvoir, parfois accordé à de simples organes purement consultatifs, est très classique s'agissant d'une autorité indépendante.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 sans modification.

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Article 9

Compétence de traitement des litiges et de réformation des décisions

Le présent article organise le rôle de la nouvelle Autorité en matière de traitement des litiges et de réformation des décisions : ses dispositions sont donc essentielles pour asseoir le rôle, le poids et la crédibilité de l’ARAF.

Les articles 10 de la directive 91/440, modifié par la directive 2001/12/CEE d’une part, 21 et 30 de la directive 2001/14/CEE d’autre part, fixent les grands principes du traitement des litiges.

Un certain nombre des missions et pouvoirs que le projet de loi propose d'octroyer à l’ARAF sont aujourd'hui dévolus à la MCAF. En vertu de l'article 29 du décret n° 2003-194, précité, elle est chargée d'instruire les réclamations relatives au contenu du document de référence du réseau, à la procédure de répartition des capacités d'infrastructure et aux décisions afférentes au système de tarification, ainsi qu'au niveau et à la structure des redevances d'utilisation de l'infrastructure empruntée, à l'exercice du droit d'accès au réseau, à la fourniture des prestations et services et à la mise en œuvre des accords-cadres ainsi que des contrats d'utilisation de l'infrastructure. La MCAF est en outre chargée d'instruire les demandes adressées au ministre au titre des dispositions prévues au 2ème alinéa de l'article 25 du décret n° 2006-1534 du 6 décembre 2006 : sur saisine du ministre chargé des transports, elle donne son avis sur les différends opposant le délégataire à RFF ou à la SNCF pour l'application des règles relatives notamment au droit d'accès à l'infrastructure ou au DRR.

L’Union européenne, dans sa mise en demeure, relevait toutefois que la MCAF n’était en fait chargée que d’instruire les demandes adressées au ministre, sans disposer d’un réel pouvoir autonome de réformation. Or, la formulation de la directive 2001/14/CE fait obligation à l'organisme de contrôle de se prononcer sur toute plainte qui serait portée devant lui, et d'adopter les mesures nécessaires afin de remédier à la situation en cause dans un délai maximum de deux mois. Le présent article 9 organise donc les pouvoirs de réformation de l’ARAF, tandis que l’article 10 détermine les sanctions qu’elle est susceptible d’imposer.

Le Sénat a procédé à une réécriture globale du présent article 9 afin de clarifier le rôle de l'ARAF selon que les litiges portent sur des sujets touchant à la sécurité ferroviaire ou aux autres aspects des règles d'accès au réseau.

L’article 9 originel énumérait une liste non exhaustive de domaines où l’ARAF pourrait trancher les litiges. Il plaçait ainsi la sécurité sur le même plan qu'un ensemble de dispositions de nature économique et financière. Or, la France s’est dotée en matière ferroviaire d’une gouvernance marquée par la séparation organique entre la régulation économique et la sécurité ferroviaire : la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports a créé l'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF), transposant ainsi la directive 2004/49 : sa mission essentielle consiste en la délivrance des différentes autorisations nécessaires à l'exercice des activités ferroviaires (certificat de sécurité d’entreprise ferroviaire, agrément de sécurité du gestionnaire d’infrastructure, autorisations de mise en exploitation des infrastructures et des matériels roulants).

C’est donc à juste titre aux yeux du Rapporteur pour avis que le Sénat a estimé qu’il ne revenait pas à l’ARAF d’exercer un pouvoir de réformation des actes de l’EPSF, et qu’il convenait donc de bien distinguer le contentieux de la sécurité ferroviaire du contentieux de la concurrence.

I.– LES LITIGES RELATIFS À LA SÉCURITÉ FERROVIAIRE

Le paragraphe I de l'article est relatif aux réclamations sur lesquelles se prononce l’autorité lorsqu'une entité s'estime victime de la part de l’EPSF « d'un traitement inéquitable, d'une discrimination ou de tout autre pratique ayant pour effet de restreindre l'accès au réseau ferroviaire ».

Il est clair que le recours contre le fond d’une règle de sécurité relève de la compétence du juge administratif et non de celui de l’ARAF. L’article prévoit d’ailleurs expressément que l’ARAF ne peut intervenir lorsqu’une procédure est engagée devant une juridiction.

Le premier alinéa de cet article prévoit toutefois l’intervention de l’autorité dans son domaine de compétence résiduelle, et dès lors qu’une telle procédure n’est pas engagée :

– toute personne s’estimant victime de l’application d’une règle de sécurité peut solliciter pour avis l’ARAF ;

– celle-ci en informe l’EPSF, qui doit lui fournir toutes les informations relatives à l’instruction de la saisine ;

– l’ARAF dispose de deux mois pour formuler son avis, le cas échéant publiquement ;

– le directeur général de l’EPSF prend, au vu de cet avis, toute mesure qu’il juge nécessaire et notifie sa décision à l’auteur de la saisine et à l’autorité.

Le second alinéa de ce paragraphe prévoit que la saisine de l’autorité suspend les délais de recours à l’encontre de la décision de l’Établissement public de sécurité ferroviaire. Ces délais recommencent à courir à compter de la notification au demandeur de l’avis de l’autorité.

II.– LES AUTRES LITIGES

Le paragraphe II du présent article confie à l’ARAF la compétence pour se prononcer sur toute réclamation, présentée par une personne autorisée à demander des capacités d’infrastructure ferroviaire (entreprise ferroviaire, opérateur de transport combiné, autorité publique organisant un service de transport ferroviaire, demandeur autorisé de capacité d'infrastructure ferroviaire) ou tout gestionnaire d’infrastructures s'estimant victime d'un traitement inéquitable, d'une discrimination ou de tout autre préjudice liés à l'accès au réseau ferroviaire.

La directive 2001/14 prévoit que l'instance de régulation des activités ferroviaires doit garantir, au travers du règlement des litiges, que l'accès au secteur s'effectue de façon équitable et non discriminatoire. Mais la rédaction de l'article 9 va plus loin que cette obligation, puisqu'elle ouvre également la procédure à raison de « tout préjudice » lié à l'accès au réseau ferroviaire. Cette disposition permettra à l’ARAF de disposer d’une grande latitude d’interprétation.

Ces réclamations peuvent porter en particulier – l’énumération n’est donc pas limitative – sur sept matières :

– le contenu du document de référence du réseau ;

L’ARAF n’est donc compétente ni pour l’application ni pour la procédure d'élaboration du DRR. Un nouvel entrant sur le secteur pourra par exemple saisir l’autorité s'il estime que ses dispositions sont de nature à favoriser la position des acteurs déjà installés sur le marché. Cette compétence de l’ARAF n’est pas incompatible avec la possibilité pour elle de donner son avis sur le DRR.

– la procédure de répartition des capacités d'infrastructure et les décisions afférentes ;

– les conditions particulières qui lui sont faites ou les redevances d'utilisation de l'infrastructure empruntée.

Le Sénat a à juste titre exclu que le litige puisse porter sur le système de tarification dans son ensemble, qui est, en vertu de l’article 8 du présent projet dans la version qu’il a adoptée, soumis à son avis conforme ;

– l'exercice du droit d'accès au réseau ;

On rappellera sur ce point que la contestation ne peut, en vertu du paragraphe I, porter sur le fond des règles de sécurité ;

– la fourniture des prestations minimales, complémentaires ou connexes liées à l'infrastructure ainsi que l'accès aux infrastructures de services, y compris les gares ;

On se reportera pour la définition de ces prestations à l’encadré (11)
ci-dessous.

Les différents types de prestations liées au réseau

(définies par l'annexe II de la directive 2001/14)

Les "prestations minimales" sont celles dont toute entreprise ferroviaire a, dans tous les cas, besoin pour circuler sur le réseau et qui doivent donc lui être fournies. Elles sont payées à travers la redevance d'accès au réseau. Il s'agit du traitement des demandes de capacités de l'infrastructure, du droit d'utiliser les capacités accordées, de l'utilisation des branchements et aiguilles du réseau, de la régulation de la circulation des trains comprenant la signalisation, la régulation, du dispatching, ainsi que de la communication et de la fourniture d'informations concernant la circulation des trains, et de toute autre information nécessaire à la mise en œuvre ou à l'exploitation du service pour lequel les capacités ont été accordées.

Les "prestations complémentaires" sont celles dont une entreprise peut avoir besoin en fonction du service qu'elle assure. Par exemple, un train diesel n'utilisera pas l'énergie de traction de même qu'une entreprise offrant un service de fret n'utilisera pas de système de préchauffage des voitures. Selon l'organisation de chaque pays et son système réglementaire, ces prestations complémentaires peuvent ou non être offertes, mais si c'est le cas elles sont facturées en plus des péages. La directive exige en revanche que si le gestionnaire d'infrastructure propose une de ces prestations à une entreprise, alors elle doit le faire pour toutes. Elles comprennent le courant de traction, le préchauffage des voitures, la fourniture du combustible, les services de manœuvre et tous les autres services fournis aux installations d'accès mentionnées ci-dessus, et la mise à disposition de contrats sur mesure pour le contrôle du transport de marchandises dangereuses, l'assistance à la circulation de convois spéciaux.

Quant aux « prestations connexes », elles sont librement offertes aux entreprises sur une base purement commerciale et sans autres obligations. Elles comprennent l'accès au réseau de télécommunications, la fourniture d'informations complémentaires, le contrôle technique du matériel roulant.

Enfin, "l'accès par le réseau aux infrastructures de services et les services fournis" regroupe les prestations dont une entreprise peut avoir besoin pour exécuter son service de transport et qui doivent lui être fournies. Elles sont elles aussi facturées en plus des redevances de base. Elles portent sur l'utilisation du système d'alimentation électrique pour le courant de traction, le cas échéant, les infrastructures d'approvisionnement en combustible, les gares de voyageurs, leurs bâtiments et les autres infrastructures, les terminaux de marchandises, les gares de triage, les gares de formation, les gares de remisage et les centres d'entretien et les autres infrastructures techniques.

– l'exécution des accords-cadres mentionnés aux VI et VII de l'article 17-1 nouveau de la LOTI, c'est-à-dire d’une part l'accord conclu entre un demandeur de sillons et le gestionnaire d'infrastructure précisant les caractéristiques des capacités d'infrastructure ferroviaire qui sont offertes pour une durée déterminée tenant compte, le cas échéant, de l'existence de contrats commerciaux, d'investissements particuliers ou de risques, et d’autre part l'accord conclu entre les entreprises ferroviaires qui exploitent des services avant le 1er janvier 2010 avec le gestionnaire d'infrastructure des accords-cadres pour une durée de cinq ans, renouvelable une fois, sur la base des caractéristiques des capacités utilisées à condition que ces entreprises justifient d'investissements spéciaux ou de contrats commerciaux avant cette date ;

– la création de services intérieurs de voyageurs effectués lors d'un service international de voyageurs ;

Pour l’ensemble de ces litiges, la décision de l’autorité, qui peut être assortie d’astreintes, précise les conditions d’ordre technique et financier de règlement du différend dans le délai qu’elle accorde. Lorsque c’est nécessaire pour le règlement du différend, l’autorité fixe, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités d’accès au réseau et ses conditions d’utilisation. Sa décision est notifiée aux parties et publiée au Journal officiel, sous réserve des secrets protégés par la loi. En cas d’atteinte grave et immédiate aux règles relatives l’accès au réseau ou à son utilisation, l’autorité peut, après avoir entendu les parties en cause, ordonner, le cas échéant sous astreinte, les mesures conservatoires nécessaires, notamment la suspension des pratiques en cause.

Le paragraphe III du présent article énonce un certain nombre de principes ayant pour principal objet de confier au juge judiciaire la compétence pour connaître de recours en annulation ou en réformation exercés contre les décisions de l’ARAF, dans le délai d’un mois. Il est clair que les dispositions de ce paragraphe ne s’appliquent qu’aux seules décisions ne portant pas sur les litiges relatifs à la sécurité ferroviaire, ce que précisera un amendement du Rapporteur pour avis.

La compétence du juge judiciaire pour connaître des décisions d’une autorité publique indépendante peut surprendre mais n’est pas exceptionnelle.

À l’occasion d’une décision 96-378 du 23 juillet 1996 relative à loi sur la réglementation des télécommunications, le Conseil constitutionnel a admis que, même si les décisions d’une autorité sont prises dans l’exercice de prérogatives publiques, le législateur peut admettre, notamment parce que cette autorité a à trancher, soit de litiges entre opérateurs privés relevant du droit de la concurrence, soit de différends survenus entre les mêmes opérateurs à l'occasion de la négociation ou de l'exécution de conventions de droit privé, que ce contentieux relève des tribunaux judiciaires.

Récemment, et s’agissant d’autorités indépendantes compétentes en matière économique, la loi du 26 juillet 1996, modifiée par la loi du 20 mai 2005, et la loi du 10 février 2000, modifiée par la loi du 3 février 2003, ont donné expressément compétence à la Cour d'appel de Paris pour statuer sur les recours dirigés contre les décisions prises en matière de règlement de différends respectivement par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et par la Commission de régulation de l'énergie.

Le projet de loi prévoit que les décisions prises par l’autorité sont susceptibles de recours en annulation ou en réformation dans un délai d’un mois à compter de leur notification. Ces recours relèvent de la compétence de la Cour d’appel de Paris. Le recours n’est pas suspensif. Toutefois, le sursis à exécution de la décision peut être ordonné par le juge, si celle-ci est susceptible d’entraîner des conséquences manifestement excessives ou s’il est survenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d’une exceptionnelle gravité. Le pourvoi en cassation formé contre l’arrêt de la cour d’appel est exercé dans le délai d’un mois suivant la notification ou la signification de cet arrêt.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 sans modification.

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TITRE IV BIS
DU TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES

Article 23 bis

Ouverture du transport routier à l’ensemble des États membres
de l’Union européenne

Cet article issu d’un amendement gouvernemental vise à transposer en droit français une décision du Conseil des ministres de l’Union européenne sur l’ouverture du transport routier à l’ensemble des États membres, adoptée à l’unanimité le 13 juin 2008.

Le cabotage est un transport routier national effectué par un véhicule routier automobile immatriculé dans un autre pays. Le règlement européen n° 3118/93 du 25 octobre 1993 fixe les conditions de l'admission de transporteurs non-résidents aux transports nationaux de marchandises par route dans un État membre : pour effectuer un transport de cabotage, l’entreprise doit être titulaire d’une licence communautaire et exercer cette activité sur le territoire d’un autre État membre de façon non permanente. L’exécution des transports de cabotage est soumise, dans un certain nombre de domaines, aux dispositions législatives, réglementaires et administratives en vigueur dans l’État membre d’accueil. Son application est effective depuis le 1er juillet 1998.

À l’échelon national, la législation relative au cabotage résulte de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005. L’activité de cabotage routier est soumise à une double limitation, puisque sa durée ne peut excéder 30 jours consécutifs ou 45 jours sur une période de 12 mois. En outre, un transporteur ne peut pas se prévaloir de la réglementation sur le cabotage routier lorsqu’il exerce sur le territoire national une activité de transport intérieur de façon habituelle, continuelle ou régulière, ou une activité qui est réalisée à partir de locaux ou d’infrastructures situés sur le territoire national et concourant à l’exercice de cette activité d’une façon permanente, continuelle ou régulière. Les transports de cabotage sont soumis à la législation nationale dans les domaines des prix, des normes relatives aux poids et aux dimensions, des prescriptions relatives aux transports de certaines marchandises, des temps de conduite et de repos des chauffeurs et de la TVA sur les services de transport.

Ce cabotage demeurait toutefois interdit en France pour les véhicules de 9 pays ayant intégré l’Union européenne en 2004 et 2007, et pour une période transitoire variable selon les pays, mais ayant expiré le 1er juin 2009 ou arrivant à échéance au 1er janvier 2010. De façon réciproque, les poids lourds français circulant dans ces pays n’ont pas le droit d’y réaliser des opérations de cabotage.

Dans le prolongement de la décision du 13 juin 2008 précitée, le présent article organise le régime du cabotage dans le cadre de l’ouverture du transport routier à l’ensemble des États membres de l’Union européenne.

I.– ENCADREMENT DES ACTIVITÉS DE CABOTAGE

La décision du 13 juin 2008 impose de modifier l’article 6-1 de la LOTI. Le présent article vise trois cas distincts :

– lorsque le cabotage de marchandises s’effectue à l’occasion d’un transport international à destination du territoire français, trois opérations sont admises dans un délai de 7 jours suivant un transport international ; le cabotage doit être effectué avec le même véhicule que celui qui a servi au transport international ;

– lorsque le cabotage de marchandises n’a pas pour destination le territoire français, une seule opération est admise, dans le délai maximal de 3 jours suivant l’entrée sur le sol français et de sept jours suivant le déchargement des marchandises ayant fait l’objet du transport international ;

– dans le cas de services occasionnels de cabotage de personnes, la présence du véhicule ne peut excéder 30 jours consécutifs ou 45 jours sur une période de 12 mois.

Le respect de ces dispositions nécessite un contrôle efficace. En tout état de cause, les véhicules effectuant ces opérations de cabotage devront être porteurs de tout document permettant de vérifier le caractère international du transport et les opérations de cabotage déjà réalisées. Ils doivent également présenter un appareil de contrôle homologué prévu par le règlement (CEE) n° 3821/85 du Conseil du 20 décembre 1985.

Le paragraphe I de cet article modifie en conséquence l’article 6-1 de la LOTI.

II.– RENFORCEMENT DES CONTRÔLES ET DES SANCTIONS

Le deuxième paragraphe :

– habilite les agents ayant qualité à se faire présenter les documents relatifs au cabotage ;

– double les sanctions financières pour le fait, pour une entreprise de transport routier de marchandises non-résidente ou, dans le cas de services occasionnels, pour une entreprise de transport de personnes non-résidente, admise à effectuer des transports intérieurs dits de cabotage, de réaliser ces transports avec un véhicule demeurant sur le territoire national plus de trente jours consécutifs ou plus de quarante-cinq jours sur une période de douze mois. Celles-ci atteindront désormais 15 000 euros.

III.– RÉGIME SOCIAL DU CABOTAGE

Enfin, les troisième et quatrième paragraphes confirment que le régime social du détachement est applicable aux salariés des entreprises de transport qui effectuent des opérations de cabotage. Les employeurs concernés sont soumis aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d’activité établies en France, en matière de législation du travail. Un décret en conseil d’État mettra en œuvre ce principe.

IV.– ELARGISSEMENT DU CADRE DE CET ARTICLE : LA NECESSITE DE FACILITER LE TRANSPORT ROUTIER DE VOYAGEURS

Cet article traite du transport routier de marchandises. Le rapporteur pour avis souhaite élargir son cadre pour aborder également le transport routier de voyageurs.

En effet, le rapporteur avait déjà traité le sujet dans le cadre de son rapport spécial pour la loi de finances 2007 et ce qu’il écrivait à l’époque est malheureusement encore d’actualité.

La situation du transport intérieur de voyageurs par autocar est assez simple à observer en France dans la mesure où l’activité y est aujourd’hui… inexistante. Si le transport régional ou international par autocar existe, les liaisons susceptibles de concurrencer celles offertes par la SNCF ne peuvent se mettre en place librement.

Alors que de nombreux élus, face à l’inadaptation de l’offre de transport sur certaines liaisons, face surtout aux coûts du rail en termes d’infrastructure, d’activité et de personnel, seraient désireux de promouvoir, dans certains cas et sur certaines distances, des liaisons par autocar, l’évolution du cadre juridique suscite de grandes réticences de la part de l’État comme de la SNCF.

Or, pour des raisons difficiles à comprendre, des entreprises françaises sont aujourd’hui empêchées de mettre en place des services réguliers de voyageurs par autocar qui, s’ils resteraient probablement marginaux, pourraient assurément dynamiser l’offre de transport et créer des emplois.

L’exemple du Royaume-Uni, pays ayant libéralisé le transport par autocar, montre que ce type de transport reste un marché marginal. De plus, la croissance de la route doit être mesurée afin de protéger l’environnement comme le développement équilibré et soutenable des autres modes de transport.

Mais la promotion du transport de voyageurs par autocar sur des liaisons régulières est cohérente avec le nouveau concept de « co-modalité », qui fait florès en Europe. Rappelons, en effet, que la Commission européenne a présenté en juin 2006 une communication relative à la révision à mi-parcours du Livre Blanc sur la politique européenne des transports. Il en ressort un infléchissement notable de l’approche très volontariste du Livre Blanc de 2001 s’agissant du transfert modal, et ce bien que la Commission réaffirme la nécessaire intégration des exigences environnementales dans la politique des transports.

Plutôt que de réitérer des objectifs irréalistes de transfert modal, la Commission préconise désormais une optimisation du potentiel que recèle chaque mode de transport et un recours accru à la co-modalité. Il ne s’agirait plus de découpler la croissance économique de celle du secteur des transports, mais de rappeler le caractère essentiel de la mobilité dans le respect des objectifs du développement durable (12). Le développement du transport intérieur par autocar traduit bien ce souci.

De plus, si l’on garde à l’esprit qu’un bus interrégional correspond à 30 ou 40 voitures individuelles, une déréglementation du transport intérieur de voyageurs par autocar permettrait probablement de réduire le transport en voiture.

Surtout, aucune raison sérieuse ne s’oppose à l’ouverture en France de ce « marché de niche », qui trouverait son public (des étudiants, des retraités, des voyageurs peu pressés ou rétifs à d’autres modes de transport), son équilibre économique (en lien avec le succès des low costs) et pour lequel des entreprises (privées) sont prêtes à s’engager.

Ainsi, des liaisons régulières par autocar pourraient se mettre en place sur des lignes interrégionales que la SNCF n’assure pas en direct ou qu’elle pourrait envisager d’alléger : Lille–Strasbourg, Paris–Belfort–Bâle, Quimper–Nantes–Tours–Lyon, ou encore Nantes–Bordeaux–Toulouse.

Des projets immédiatement opérationnels, sur lesquels des études de marché ont conclu à une véritable pertinence, existent, notamment sur les trois liaisons suivantes : Valenciennes–Paris–Tours–Bordeaux, Toulouse–Perpignan et Montpellier–Marseille.

D’après les informations recueillies par votre rapporteur à l’occasion du projet de loi de finances pour 2007, cette alternative au rail serait d’autant plus heureuse, dans un contexte de crise des Corail Intercités, que le tarif kilométrique moyen de la SNCF varie entre 9 et 15 centimes d’euros… alors que les tarifs d’une compagnie comme Eurolines, leader sur le marché des transports internationaux de voyageurs par autocar, se situent plutôt autour de 6 à 7 centimes d’euros.

Alors… pourquoi interdire à des entreprises de prendre un risque qu’elles entendent assumer – sans subvention publique – et qui peut au mieux se traduire par des créations d’emplois, par une amélioration de l’offre pour les voyageurs et, accessoirement, par une stimulation de la concurrence propre à faire évoluer les mentalités et les comportements des acteurs publics ?

Il ne s’agit, enfin, nullement de contester l’impact différent sur l’environnement de tel ou tel mode de transport, mais de comprendre la complémentarité et la pertinence des différentes offres.

Le rapporteur pour avis déposera donc un amendement en ce sens.

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* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 11 du rapporteur pour avis, lequel fait l’objet du sous-amendement CF 13 de M. Charles de Courson.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à faciliter le transport routier de voyageurs sur des dessertes intérieures régulières d’intérêt national. En effet, le cadre juridique actuel est si contraignant et complexe qu’il n’existe pas d’offre significative en la matière.

M. Charles de Courson. Mon sous-amendement tend à permettre le transfert à un organisme agréé de la gestion et de la délivrance des documents de contrôle du cabotage routier. Aujourd'hui, ces activités sont déléguées par l’administration à une association professionnelle, l’AFTRI, l’Association française du transport routier international.

M. le rapporteur pour avis. Je ne suis guère favorable au sous-amendement, qui me semble destiné à maintenir la situation existante là où il faudrait introduire un peu plus de liberté. Je ne pense pas qu’il faille tout confier à un organisme prédéterminé.

M. Charles de Courson. Il ne s’agit que d’ouvrir une possibilité. La question est surtout de savoir si l’administration a les moyens de délivrer toutes les autorisations de cabotage.

M. François Goulard. L’amendement et le sous-amendement sont rapprochés pour des raisons de procédure, mais ils traitent de sujets différents.

La proposition du rapporteur est tout à fait fondée. La France est le seul pays où il n’existe pas de liaison de longue distance par autocar car l’autorisation n’est jamais délivrée. En revanche, ces restrictions n’existent pas sur le plan international, ce qui permet à de nombreux jeunes Européens de visiter notre pays.

Le train coûte cher. Pour quatre jeunes de province qui veulent passer un week-end à Paris, il est souvent moins onéreux d’utiliser une voiture. Des lignes de transport à longue distance par car permettraient une économie considérable pour les personnes concernées et un gain réel en termes de sécurité et d’environnement. Si l’on s’est longtemps refusé à voir cette réalité, c’est uniquement du fait de l’hostilité de la SNCF !

L’adoption de l’amendement pourrait donc marquer une date dans l’histoire du transport de voyageurs en France.

M. Henri Emmanuelli. Je suis d’autant plus favorable à l’amendement que ma régie départementale a vainement essayé de créer une ligne Gibraltar-Cap Nord !

M. Charles de Courson. Si l’on n’ouvre pas la possibilité de délégation, on ne permet pas d’autre gestion que directe.

M. le rapporteur pour avis. Je maintiens mon avis défavorable au sous-amendement. La question de l’incapacité de l’État n’est pas établie. Le principe de la délégation n’est pas illégitime en soi, mais peut-on réellement confier la mission à plusieurs organismes et non à la seule AFTRI ?

M. Charles de Courson. Mon sous-amendement n’exclut nullement le pluralisme, et il laisse également l’administration libre de déterminer de grands secteurs géographiques.

M. le rapporteur pour avis. Alors qu’il devait figurer à l’ordre du jour de la session extraordinaire, ce texte ne sera examiné en séance publique qu’à la rentrée. Peut-être pourrions-nous dans l’intervalle revenir sur ce point.

M. Charles de Courson. Dans le cadre de l’article 88 du Règlement ?

M. le président Didier Migaud. Ce serait alors en Commission des affaires économiques.

M. François Goulard. La délégation à l’AFTRI fonctionne, mais il ne peut y avoir de monopole en la matière. En outre, l’administration doit s’assurer que la délégation de gestion n’aboutit pas à restreindre le cabotage : les associations professionnelles ont une tendance naturelle à limiter la concurrence. Cela étant, la gestion de ce type d’autorisation est sans doute mieux assurée par une ou plusieurs organisations professionnelles.

Je suis donc favorable au sous-amendement. Si nous ne l’adoptons pas aujourd’hui, il risque de « passer à la trappe » pour des raisons de procédure.

M. le président Didier Migaud. Notre Commission pourrait l’adopter, sous réserve que la Commission des affaires économiques apporte quelques précisions.

M. Charles de Courson. Pour éviter toute ambiguïté, je propose de substituer, dans mon sous-amendement, aux mots : « un organisme agréé », les mots : « un ou plusieurs organismes agréés », et aux mots : « cet organisme », les mots : « ces organismes ».

M. le rapporteur pour avis. Très bien !

La Commission adopte le sous-amendement CF 13 ainsi corrigé.

M. le rapporteur pour avis. Le transport par autocar s’inscrit dans une logique favorable à l’environnement puisqu’il se substitue fréquemment à l’usage de la voiture. Dans son dernier bulletin, la FNAUT, la Fédération nationale des associations d’usagers des transports, se montre très favorable au développement de ce type d’offre.

La Commission adopte l’amendement CF 11 modifié par le sous-amendement CF 13 corrigé.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 23 bis ainsi modifié.

Elle adopte ensuite l’amendement de cohérence CF 12 du rapporteur pour avis, tendant à supprimer, dans l’intitulé du titre IV bis, les mots « de marchandises ».

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AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION (13)

AMENDEMENT N° CF 1

présenté par M. Hervé Mariton,
rapporteur pour avis au nom de la commission des Finances

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Article 1 er

Après l’alinéa 19, insérer l’alinéa suivant : « À compter du 1er janvier 2011, la gestion des gares fait l’objet d’une comptabilité séparée de celle de l’exploitation des services de transport des entreprises ferroviaires. Aucune aide publique versée à l’une de ces activités ne peut être affectée à l’autre ».

AMENDEMENT N° CF 2 rect.

présenté par M. Hervé Mariton,
rapporteur pour avis au nom de la commission des Finances

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Article 1 er

Compléter l’alinéa 20 par la phrase : « Lorsqu’un groupe d’entreprises publiant une comptabilité consolidée ou une entreprise exploite plusieurs services de transport ferroviaire de fret, la gestion de ces services fait l’objet d’une comptabilité séparée, le cas échéant consolidée au niveau du groupe. ».

AMENDEMENT N° CF 3

présenté par M. Hervé Mariton,
rapporteur pour avis au nom de la commission des Finances

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Article 1er

À l’alinéa 28, après le mot : « publie », insérer les mots : « chaque année ».

AMENDEMENT N° CF 4

présenté par M. Hervé Mariton,
rapporteur pour avis au nom de la commission des Finances

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Article 1er

Après l’alinéa 62, insérer l’alinéa suivant :

« III.– Avant le 30 juin 2010, le Gouvernement dépose au Parlement un rapport présentant un calendrier en vue de l’ouverture à la concurrence des transports ferroviaires régionaux de voyageurs ».

AMENDEMENT N° CF 5

présenté par M. Hervé Mariton,
rapporteur pour avis au nom de la commission des Finances

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Article 1er

Rédiger ainsi l’alinéa 42 : « - de gérer de façon transparente et non discriminatoire, les services aux entreprises ferroviaires dans les gares de voyageurs qui lui sont remises en dotation par l’État dans les conditions prévues à l’article 17-1 IV de la présente loi ».

AMENDEMENT N° CF 6

présenté par M. Hervé Mariton,
rapporteur pour avis au nom de la commission des Finances

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Article 2

Après l’alinéa 4, insérer l’alinéa suivant :

« aa) (nouveau) Dans la première phrase, après les mots : “ pour des projets ”, substituer aux mots : “ d’infrastructures d’intérêt national ou international portant sur les lignes destinées à être incorporées au réseau ferré national ” les mots : “ contribuant au développement, à l’aménagement et la mise en valeur de l’infrastructure du réseau ferré national ”».

AMENDEMENT N° CF 7

présenté par M. Hervé Mariton,
rapporteur pour avis au nom de la commission des Finances

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Article 2

Rédiger ainsi le début de l’alinéa 7 : « Lorsque la gestion du trafic et des circulations est incluse dans le périmètre du contrat ou de la convention, cette mission est assurée... (le reste sans changement) ».

AMENDEMENT N° CF 8

présenté par M. Hervé Mariton,
rapporteur pour avis au nom de la commission des Finances

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Article 2

À l’alinéa 9, supprimer la dernière phrase.

AMENDEMENT N° CF 9

présenté par M. Hervé Mariton,
rapporteur pour avis au nom de la commission des Finances

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Article 3A

Substituer aux mots : « envisageables pour que soit rendu possible le remboursement progressif » les mots : « proposées pour le remboursement ».

AMENDEMENT N° CF 10

présenté par M. Hervé Mariton,
rapporteur pour avis au nom de la commission des Finances

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Article 4

Après l’alinéa 4, insérer l’alinéa suivant : « Elle donne un avis sur le financement du programme d’investissement relatif à l’infrastructure. ».

AMENDEMENT N° CF 11

présenté par M. Hervé Mariton,
rapporteur pour avis au nom de la commission des Finances

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Article 23 bis

Après l’alinéa 9, insérer les alinéas suivants :

« Après l’article 29-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 précitée, insérer un article 29-2 ainsi rédigé :

« Art. 29-2. – L’État autorise sur déclaration, les entreprises de transport routier de personnes à assurer des dessertes intérieures régulières d’intérêt national.

« L’État peut limiter ou, le cas échéant, interdire ces dessertes intérieures si leur existence compromet l’équilibre économique d’un contrat de service public de transport de personnes. Il peut être saisi à cette fin par une collectivité intéressée.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article et notamment les conditions dans lesquelles les autorités organisatrices de transport concernées sont consultées. ».

AMENDEMENT N° CF 12

présenté par M. Hervé Mariton,
rapporteur pour avis au nom de la commission des Finances

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Titre IV bis

Au titre IV bis, supprimer les mots : « de marchandises ».

SOUS-AMENDEMENT N° CF 13

à l'amendement n° CF 12 de M. Hervé Mariton

présenté par M. Charles de Courson

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Article 23 bis

Après le dernier alinéa, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La gestion et la délivrance des documents relatifs au contrôle du cabotage et des autorisations de transport routier pour la réalisation de liaisons internationales peuvent être confiées à un ou plusieurs organismes agréés. Un décret en Conseil d’État précise les attributions et les conditions d’agrément de ces organismes ; il détermine les règles de gestion et de délivrance des documents et des autorisations, et les modalités selon lesquelles les entreprises participent aux frais de gestion et de délivrance. ».

© Assemblée nationale

1 () Le réseau ferroviaire : une réforme inachevée, une stratégie incertaine, rapport public thématique ; Cour des comptes, avril 2008.

2 () Péages ferroviaires : pour la vérité des coûts, Rapport d’information n° 875, Assemblée nationale, mai 2008.

3 () Article 29 du décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 relatif à l'utilisation du réseau ferré national

4 () Sénat, rapport n°184

5 () Ce réseau comprend le réseau ferré national ainsi que toutes les lignes ferroviaires ouvertes à la circulation publique qui lui sont reliées, y compris les lignes d'accès aux ports et aux terminaux desservant ou pouvant desservir plus d'un utilisateur final.

6 () Commission de régulation de l’énergie, ARCEP, recommandations de la Commission nationale Informatique et Libertés ou du Conseil supérieur de l’audiovisuel par exemple.

7 () Décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, loi relative à la liberté de communication.

8 () Décision n° 96-378 du 23 juillet 1996, loi de réglementation des télécommunications.

9 () Relatives notamment au garage, au remisage, à l’entretien, au préchauffage, à l’accès en gare et à l’information.

10 () Rapport précité de M. Francis Grignon, n°184.

11 () Source : Rapport précité de M. Francis Grignon, Sénat n°184

12 () Sur d’autres points, tels que la poursuite de la construction du marché intérieur, la continuité avec les orientations de 2001 prévaut davantage. La Commission tire ainsi un bilan positif de la libéralisation du marché intérieur dans les transports et souhaite poursuivre les efforts en ce sens. Cette évolution conduit la Commission à préconiser l’optimisation des potentiels de chacun des modes de transport. La Commission affirme, par ailleurs, avec davantage de force que dans le Livre Blanc de 2001 sa volonté d’inscrire la politique des transports au cœur de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi.

13 () La présente rubrique ne comporte pas les amendements déclarés irrecevables ni les amendements non soutenus en commission. De ce fait, la numérotation des amendements examinés par la commission peut être discontinue.