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N
° 2084

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 novembre 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n°1888, autorisant l’approbation de l’accord international de 2006 sur les bois tropicaux,

par M. Jean-Paul DUPRÉ

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

INTRODUCTION 5

I – ACTUALITÉ DES BOIS TROPICAUX 7

A – DONNÉES GÉNÉRALES SUR LE SECTEUR DES BOIS TROPICAUX 7

1) Productions et producteurs 7

2) Le commerce mondial des bois tropicaux 9

B – INSTAURER DES MÉCANISMES DE LUTTE CONTRE LE COMMERCE ILLÉGAL DES BOIS TROPICAUX 12

1) Le commerce illégal du bois : un phénomène de grande ampleur 12

2) Des mécanismes régionaux en développement 13

C – DES TEXTES INTERNATIONAUX QUI MANQUENT ENCORE DE FORCE 16

1) Un dialogue international soutenu ; des mécanismes épars 16

2) Les précédents à l’Accord international de 2006 17

II –VERS UNE ÉCONOMIE INTERNATIONALE DES BOIS TROPICAUX MIEUX RÉGULÉE 19

A – LE CONTENU DE L’ACCORD DE 2006 19

1) L’évolution des objectifs vers les préoccupations actuelles 19

2) L’architecture de l’accord 20

B – L’ORGANISATION INTERNATIONALE DES BOIS TROPICAUX, OIBT 21

1) Les pays membres 21

2) Le Conseil international des bois tropicaux 22

C – LES ACTIVITÉS ET LES MOYENS D’ACTION DE L’OIBT 23

1) Les activités de l'OIBT et du Conseil 23

2) Les moyens d’action 24

CONCLUSION 27

EXAMEN EN COMMISSION 29

_____

ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 31

Mesdames, Messieurs,

A quelques semaines du sommet de Copenhague, le projet de loi qui est aujourd’hui soumis à l’examen de notre commission prend un relief particulier. La coïncidence est heureuse, car la rencontre de Copenhague sera aussi un moment décisif pour la question forestière que l’Accord international de 2006 sur les bois tropicaux entend résoudre.

Chacun sait en effet que le réchauffement climatique impose dès à présent que des mesures strictes soient prises pour garantir une gouvernance environnementale à la fois respectueuse des ressources naturelles et soucieuse de contribuer au développement durable de la planète. A cet égard, les pays du sud sont les premiers concernés, à un double titre : de par les conséquences auxquelles ils doivent d’ores et déjà faire face, mais aussi pour la place particulière qu’occupent les forêts dans cette urgence que constitue la préservation de l’environnement et l’équilibre écologique.

Abritant plus de la moitié des espèces animales et végétales, les forêts, notamment tropicales, jouent un rôle essentiel dans la protection de la biodiversité. Pour une grande partie de l’humanité aussi, puisque selon l’ONU, 1,5 milliard de personnes dépendent de la forêt pour leur survie. Dans la mesure où elles stockent quelque 300 à 400 milliards de tonnes de carbone, ce sont aussi des éléments indispensables à la lutte contre le réchauffement climatique. En d’autres termes, la lutte contre la dégradation des forêts et le déboisement, en faveur de leur préservation, la mise en place de mécanismes de conversation et de gestion durable des massifs forestiers, ainsi que les politiques de reforestation, participent au premier rang de la mobilisation internationale pour le climat, dans la mesure où la destruction des forêts intervient à hauteur de 20 % dans les émissions de gaz à effet de serre.

Or, la destruction, la surexploitation ou la conversion de forêts en terres agricoles pour les productions d’agrocarburants, au Brésil ou en Indonésie, et entraînent chaque année la disparition de 13 millions d’hectares de massifs forestiers, essentiellement tropicaux. L’ampleur de ces dommages rend même envisageable la disparition des forêts elles-mêmes et amplifie les effets des dérèglements climatiques : sécheresses, raréfaction des ressources aquifères, dégradation de la qualité de l’air, pertes de diversité biologique.

Dans ce contexte, l’Accord international sur les bois tropicaux dont le gouvernement demande à la représentation nationale d’autoriser l’approbation, apparaît comme essentiel. Signé en 2006 à Genève, il actualise des mécanismes internationaux en vigueur depuis plus de vingt ans, mis en œuvre à partir de 1983 avec l’adoption d’un premier accord sur les bois tropicaux, négocié à une époque où l’inquiétude quant aux ravages de la déforestation, et plus généralement, quant au devenir des forêts tropicales, commençait de croître. Il s’agissait alors d’essayer de concilier le développement des pays producteurs de bois tropicaux, et donc les nécessités du commerce international, avec les exigences de la préservation de la ressource.

L’accord de 1983 a été renouvelé une première fois en 1994 et complété par un ensemble de déclarations, programmes, principes et autres partenariats, qui ont tous œuvré dans le sens d’une gestion durable des forêts tropicales qui permette le développement socioéconomique des pays producteurs. C’est dans cette optique que l’Accord de 2006 vise la promotion et la diversification du commerce international des bois tropicaux, qui soient issus d’une exploitation légale et faisant l’objet d’une gestion durable.

Vous aurez compris que votre rapporteur vous recommandera d’approuver ce texte au terme de son analyse. Il vous propose tout d’abord de situer la réalité du commerce du bois tropical et de la problématique des bois tropicaux aujourd’hui, avant de détailler le contenu de l’Accord.

I – ACTUALITÉ DES BOIS TROPICAUX

Compte tenu de l’importance économique et écologique que représente la gestion des massifs forestiers, que votre rapporteur vient d’évoquer, il apparaît nécessaire de procéder à une présentation rapide du secteur.

A – Données générales sur le secteur des bois tropicaux

Il convient de rappeler en premier lieu que la notion de bois tropicaux se réfère à ceux qui ont un usage industriel, « bois d’œuvre », tirés de l’exploitation de forêts ou produits dans les pays situés entre les Tropiques du Cancer et du Capricorne. Quatre types de produits sont concernés : les grumes ; les sciages ; les placages et les contreplaqués.

1) Productions et producteurs

Selon les dernières données connues (1), pour l’ensemble des pays membres de l’Organisation internationale des bois tropicaux, OIBT, la production de grumes, bois ronds industriels, d’origine tropicale, était de l’ordre de 140 millions de m3 en 2008, en légère progression par rapport aux années précédentes. Cela représente un peu plus de 11 % de la production mondiale de bois ronds industriels qui s’élève à 1 280 millions de m3. Cela étant, les effets de la crise économique mondiale se faisant sentir également sur le secteur forestier, les prochains chiffres devraient être inférieurs, compte tenu des baisses de production constatées et des fermetures d’usines de traitement intervenues dans plusieurs grands pays producteurs à la fin de 2008.

A cette première production s’ajoute celle des sciages d’origine tropicale, qui représente plus de 42 millions de m3, soit 12 % du total des sciages, celles des bois de placage, proche de 3 millions de m3 en 2008 (35 % de la production totale de placages) et des contreplaqués, de 13,5 millions de m3, soit 26 % du total de la production de contreplaqués. Sur la période récente, il apparaît que certaines de ces productions sont assez cycliques et peuvent varier d’une année sur l’autre avec des amplitudes de l’ordre de plus ou moins 5 %. La crise économique actuelle devrait également produire des effets sur ces segments de marché, compte tenu d’ores et déjà du recul constaté dans la fabrication et la consommation de meubles dans les pays destinataires.

Les principaux pays producteurs dominent très largement le marché, avec toutefois des différences nettes selon les types de productions. Ainsi, l’Indonésie produit-elle près de 35 millions de m3 de grumes, devant le Brésil, 25 millions, la Malaisie et l’Inde, autour de 20 millions de m3 chacune et le Nigeria, plus de 7 millions de m3.

La production de sciages est en revanche fortement originaire des forêts d’Amérique latine, continent qui en fournit entre 40 et 45 %. Le Brésil est, de loin, devant le Pérou et le Venezuela, le principal producteur, avec sans doute plus de 15 millions de m3 en 2008, sur les 18,5 que l’Amérique latine produit. Le reste de la production est, comme celle des grumes, surtout originaire d’Asie, zone où la Malaisie, l’Inde et l’Indonésie produisent chacune de 4 à 5 millions de m3, devant la Thaïlande, 2,5.

Les placages sont également asiatiques pour l’essentiel : La Chine en est le plus grand producteur au sein de l’OIBT, avec quelque 750 000 m3, soit plus de 20 % du total. Elle a désormais dépassé la Malaisie, qui ne fournit plus aujourd’hui que quelque 600 000 m3. Il faut remarquer que dans ce segment de production un second pays africain apparaît parmi les cinq premiers producteurs : la Côte d’Ivoire est en effet le troisième producteur de placages ; sa production, tirée ces dernières années par les marchés d’ameublement européens, a fortement augmenté, pour aujourd’hui dépasser les 450 000 m3. Le Brésil et l’Inde fournissent chacun entre 270 000 et 300 000 m3, le Brésil représentant à lui seul près de 85 % de la production d’Amérique latine.

Enfin, la production de contreplaqués est également dominée par l’Asie : Malaisie, Chine, Indonésie, Inde et Taiwan sont les cinq plus importants producteurs, qui se partagent 82 % de la production des pays membres de l’OIBT. La croissance de la production chinoise a été portée par l’essor de son secteur du bâtiment au cours de la dernière décennie. Elle produit aujourd’hui environ 4,5 millions de m3, contre 5,5 pour la Malaisie. L’Indonésie occupait autrefois la première place de ce créneau mais sa production s’est réduite de moitié, à 3,7 millions de m3 désormais. L’Inde dépasse les 2 millions de m3 et Taiwan apparaît, plus modestement, au cinquième rang.

En faisant remarquer que la production de contreplaqués tropicaux est un secteur dans lequel les producteurs travaillent fréquemment sur des grumes importées, comme le font notamment la Chine et l’Inde, votre rapporteur souligne aussi que la France apparaît parmi les principaux producteurs, de rang certes secondaire, aux côtés du Japon, de l’Equateur ou encore des Philippines. Cela le conduit à aborder le thème des échanges commerciaux en matière de bois tropicaux.

2) Le commerce mondial des bois tropicaux

L’analyse des données collectées par l’OIBT montre que la consommation de bois tropicaux reflète globalement la production et le niveau de développement des pays intéressés.

Ainsi, il apparaît en premier lieu que les cinq plus grands consommateurs de grumes tropicales, - Indonésie, Brésil, Inde, Malaisie et Chine -, représentent à eux seuls les trois quarts de la consommation des pays membres de l’organisation. L’Indonésie se taille la part du lion, avec une consommation de près de 35 millions de m3, suivie du Brésil, proche des 25 millions de m3, en forte hausse ces dernières années, de plus de 20 %.

Comme le montre le tableau ci-dessus (2), le Brésil, ainsi que l’Amérique latine, d’une manière générale, est absent des exportateurs : la quasi totalité de la production latino américaine est en effet transformée sur place. La Chine domine en revanche de très loin les importations de grumes : avant de fléchir récemment, elle a atteint les 8,3 millions de m3 en 2007, quatre fois plus que l’Inde, en deuxième position, avec 2 millions de m3.

Si certains grands producteurs de grumes apparaissent logiquement parmi les premiers exportateurs, telle la Malaisie, au premier rang avec plus de 4,5 millions de m3, il faut noter que ce sont en revanche des pays plus modestes, en termes de production et en développement économique, qui dominent le marché : derrière la Malaisie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, avec 2,7 millions de m3, le Gabon, avec 2 millions de m3, dirigés essentiellement vers la Chine, comme ceux de Papouasie, ou encore le Myanmar et le Congo se partagent en effet l’essentiel des exportations.

La France est le cinquième importateur mondial de grumes tropicales, en provenance du Gabon notamment. La France reste le premier importateur européen mais la demande de l’UE est en régression constante et forte : les importations ont diminué de plus de 30 % en 2008 par rapport à l’année précédente, pour plafonner à 800 000 m3 dont 416 000 pour la France. Les prévisions laissent penser que cette tendance à la baisse se poursuivra et il est attendu que le cubage global importé par la France soit de 330 000 aujourd’hui.

La tendance est parallèle en ce qui concerne les autres productions de bois tropicaux.

Parmi les principaux pays consommateurs de sciages, on ne s’étonnera pas de trouver en premier lieu le Brésil, avec près de 14 millions de m3 sur un total de 33. Loin derrière, l’Inde, l’Indonésie, la Chine et la Malaisie en consomment entre 5 et 3 millions de m3, suivies du Nigeria, 1,9. Les importations de ce type de production, en témoigne le diagramme ci-après (3), sont dominées par la Chine, mais la France et les Pays-Bas se classent respectivement quatrième et cinquième importateurs mondiaux de bois de sciage, avec respectivement plus de 500 000 m3, en hausse, en provenance du Brésil, du Cameroun, de Malaisie de Côte d’Ivoire et du Ghana, et 450 000 m3. Les deux premiers exportateurs sont asiatiques : Malaisie et Thaïlande.

La Chine domine largement la consommation de placages tropicaux, dont la France est deuxième importateur, derrière la Corée, avec 125 000 m3 en 2007 ; elle domine ici encore, parmi les importations européennes, d’un cubage total de quelque 420 000 m3.

C’est enfin sur le segment des contreplaqués que notre pays apparaît particulièrement bien positionné puisqu’il est cinquième exportateur, parmi les pays membres de l’OIBT, certes, très loin de la Malaisie qui culmine à plus de 5 millions de m3, le volume global de l’UE, en baisse, représentant moins de 470 000 m3 aujourd’hui.

Ces éléments permettent aussi d’illustrer que, parmi les tendances ou traits dominants du secteur forestier, celle d’une forme de commerce international « triangulaire » est forte, qui se traduit par des achats de matières premières dans un pays forestier, importées et transformées dans le pays importateur, puis par une réexportation de produits finis vers des pays consommateurs, notamment en Europe. On remarque toutefois que les pays forestiers, y compris africains, tendent à intensifier leurs politiques de transformation de leurs bois sur place.

Au total, en 2008, la France importait au total près d’1,5 million de m3 de bois tropicaux. La majeure partie sous forme de sciages, de grumes et de placages. En valeur, le total dépasse les 400 M€, les sciages représentant la plus grosse part. A l’instar des autres pays européens, notre consommation de bois tropical est en baisse régulière depuis plusieurs années, sauf en ce qui concerne les importations de contreplaqués.

B – Instaurer des mécanismes de lutte contre le commerce illégal des bois tropicaux

Par définition, le commerce illégal de produits issus des forêts tropicales est difficile à quantifier et les données internationales fiables sont peu nombreuses. Les estimations globales sont néanmoins inquiétantes, issues de recoupements de diverses études. Au niveau européen, selon les données qui ont été communiquées à votre rapporteur, il est estimé que quelque 20% des importations de bois de l’Union proviennent de sources illégales : bassin indonésien, bassin du Congo, Brésil et, s’agissant de bois non tropicaux, Russie. Aucune des grandes régions tropicales d’exploitation forestière n’y échappe : jusqu’à la moitié de la production amazonienne, de l’Asie du sud-est ou de l’Afrique centrale semble pouvoir être concernée.

Ces éléments d’information confirment l’urgence d’instruments internationaux efficaces pour une gestion durable et légale des ressources.

1) Le commerce illégal du bois : un phénomène de grande ampleur

Selon le site Web de Greenpeace, « l’exploitation forestière illégale a désormais atteint des proportions inégalées à ce jour ». (4) Citant les conclusions de plusieurs enquêtes, en 1998, l’ONG précise par exemple qu’« une étude sur l’industrie du bois en Indonésie, menée conjointement par le Royaume-Uni et l’Indonésie, a estimé qu’environ 40 % de la capacité de production était illégale ».

L’Amérique latine est tout aussi touchée par le phénomène. La Banque mondiale estime ainsi que les opérations forestières en Bolivie ou au Pérou sont illégales à 80 %, et à plus de 40 % en Colombie. C’est aussi le cas en Amazonie où l’on estime que 80 % de l’exploitation forestière se font en violation des contrôles fédéraux brésiliens.

La situation n’est pas meilleure en Afrique d’où il ressort d’enquêtes réalisées en 2002 par le WWF International que « le taux des opérations illégales dans le secteur de l’exploitation forestière vont de 50 % pour le Cameroun et la Guinée équatoriale à 70 % au Gabon et jusqu’à 80 % au Libéria ». Dans ce dernier pays, les bénéfices tirés de ces trafics, de manière identique à ceux de la production de diamants, ont servi au financement de la guerre civile.

Comme le souligne en conséquence à juste titre Greenpeace, la corruption est au coeur de l’exploitation forestière illégale, que ce soit au niveau interne, (au Brésil), ou international, la Malaisie, par exemple, jouant un rôle majeur dans l’exportation de produits forestiers illégaux en provenance d’Indonésie. Dans de nombreux pays, des législations forestières ont été adoptées, parfois fortement inspirées par l’industrie forestière. Elles restent la plupart du temps inappliquées et leur champ d’intervention ne concerne parfois qu’une petite part des forêts publiques, comme c’est le cas en Indonésie. Enfin, dans la mesure où certaines productions, tel l’acajou, ne bénéficient d’aucun mode de traçabilité, le problème ne peut que s’aggraver et ses conséquences catastrophiques sur les écosystèmes locaux et régionaux empirer.

C’est la raison pour laquelle de nombreux débats internationaux ont eu lieu et des négociations se sont engagées ces dernières années, au niveau régional, européen ou international pour appréhender en commun cette question et tenter de proposer des solutions collectives.

2) Des mécanismes régionaux en développement

Dans un premier temps, dans la mesure où les achats publics des pays développés représentent environ le cinquième des importations de bois, il est apparu que les pouvoirs publics pouvaient disposer d’un levier d’influence important pour essayer d’assainir le commerce international, contribuer à garantir la légalité des approvisionnements et à promouvoir des modes de gestion durable des ressources forestières.

Au niveau de l’Union européenne, une réflexion importante est menée depuis plusieurs années. Il faut rappeler tout d’abord, que le Conseil avait adopté, en décembre 1998 (5), une résolution définissant la « Stratégie forestière de l’Union européenne », centrée sur la gestion durable dans une perspective environnementale, sans pour autant que la question de l’illégalité des ressources soit abordée.

A la même époque, en 1998, les pays du G8, lors de leur sommet de Birmingham, ont en revanche adopté un plan d’action contre l’exploitation illégale et le commerce lié, aux termes duquel ils entendaient, en premier lieu, évaluer l’efficacité des mesures internes pour contrôler l’exploitation illégale et le trafic international du bois d’origine illégale, et identifier les dispositifs à améliorer et également travailler avec les pays partenaires, et par le biais des organisations internationales, pour développer leur capacité à évaluer l’exploitation illégale et le trafic de bois d’origine illégale et définir et appliquer des contre-mesures.

L’Union européenne a poursuivi sa réflexion, compte tenu de l’absence d’une législation communautaire qui interdise « l’importation et le commerce de bois ou de produits forestiers en infraction avec les lois des pays d’origine ». Un Plan d’action, le Plan FLEGT (« Forest Law Enforcement on Governance and Trade ») (6), a été proposé par la Commission, adopté en 2003, et le Conseil a approuvé en décembre 2005 un règlement (7) relatif aux systèmes de certification volontaire et à la négociation d’accords de partenariat volontaires entre les pays producteurs et les pays acheteurs, qui permet aux Etats membres de pouvoir vérifier la légalité des produits forestiers entrant sur le marché européen. Ce règlement a le double objectif d’inciter les entreprises européennes à acheter du bois à des producteurs qui respectent les lois locales et agissent de façon responsable envers les populations locales pauvres et d’aider les pays producteurs à mettre en place des lois et règlements garantissant la bonne gestion de leurs forêts, notamment via des accords volontaires de partenariat. Seul le bois autorisé, bénéficiant d’une « licence FLEGT », sera accepté à l’entrée de l’UE. Un premier accord a été signé avec le Ghana en octobre 2008, et des négociations sont en cours avec la Malaisie et l’Indonésie. D’autres pays ont également exprimé leur intérêt.

Cela étant, ces mécanismes, reposant sur des démarches volontaires, n’ont pas encore rencontré de véritable succès : dans une déclaration officielle adoptée le 24 octobre 2008, le Comité du bois CEE-ONU sur les marchés des produits forestiers pouvait remarquer : « une majorité écrasante des forêts et produits certifiés provient de la région CEE » et précisait que « dans l’ensemble, la certification n’a pas réussi à traiter le problème de la gestion forestière non durable dans les pays tropicaux, où la demande intérieure en bois certifiés est souvent non existante. » Pour l’instant, les démarches entreprises tardent donc à rencontrer le succès. Les ONG internationales, telle Greenpeace, plaident pour cette raison en faveur de l’instauration de réglementations contraignantes incluant des sanctions suffisamment dissuasives pour être efficaces contre les entreprises du secteur forestier agissant dans l’illégalité, qui pourrait être inspirée du Code des douanes français.

Pour l’heure, néanmoins, selon la Déclaration du Comité du bois précitée, les États membres de l’UE envisagent d’adopter une réglementation de vérification préalable dans le cadre de la FLEGT, qui permettrait de s’assurer que toutes les mesures nécessaires sont prises pour éliminer l’achat et l’utilisation de bois illégaux, ce qui pourrait modifier les marchés mondiaux des produits forestiers dans les prochaines années. L’UE continue en parallèle de promouvoir le plan FLEGT et négocie les accords de partenariat volontaire mentionnés avec les fournisseurs tropicaux. Dans ce cadre, la Commission sollicite le soutien des Etats membres, dont les plus actifs aujourd’hui sont la Belgique, le Danemark, le Royaume Uni, les Pays-Bas, l’Allemagne et la France. La France apporte ainsi son appui au Congo, à la République centrafricaine et au Gabon.

D’une manière générale, les marchés consommateurs occidentaux de bois se dotent d’outils législatifs pour lutter contre cette production illégale de bois et créer des incitations à gérer et à exploiter les forêts de manière légale et durable. Les USA ont récemment amendé les dispositions de la loi Lacey en vigueur, pour rendre illicite la détention et le commerce de bois produits en infraction à la législation du pays producteur, en exigeant la fourniture d’information sur l’origine des produits lors du passage en douanes. Le Japon réfléchit à un outil similaire. La démarche européenne est identique, qui a pour ambition de rendre le marché communautaire exemplaire, soit sans bois illégal. A cette fin, les opérateurs du marché bois seront tenus d’obtenir suffisamment de garanties pour s'assurer que le bois et les produits dérivés qu'ils vendent sont issus d'une récolte conforme à la législation applicable dans le pays d'origine. Un accord politique est prévu par la présidence suédoise en décembre sous réserve d’un avancement satisfaisant des négociations d’ici là.

Au niveau national enfin, au cours de ces dernières années, certains pays, le Royaume Uni et le Danemark, par exemple, ont défini des politiques et adopté des législations tendant à garantir des importations provenant de sources légales et durables. La France n’a pas été en reste et, dès avant le Grenelle de l’environnement, a pris des engagements fermes en matière de lutte contre le déboisement illégal. Selon les précisions qui ont été fournies à votre rapporteur, la lutte contre l’exploitation illégale est le « pilier central » de l’approche française en matière de gestion durable des forêts, autour duquel s’articule toute la gouvernance en matière forestière, « depuis la lutte contre la corruption des filières d’exportation ou le détournement des taxes forestières jusqu’à l’implication et la formation des communautés villageoises et des communes en matière forestière. » En parallèle, la France a pris l’engagement en 2005 de réaliser en 2010 la totalité de ses achats publics en bois certifié, ce que le Grenelle de l’environnement a récemment confirmé.

En complément, notre pays mène une politique d’aide bilatérale, essentiellement en direction de partenaires régionaux, via le ministère des affaires étrangères et européennes et l’Agence française de développement. Près de 350 M€ ont été consacrés à ce secteur au cours de ces cinq dernières années. Une coopération avec les pays du bassin du Congo a notamment été engagée dans le cadre du « Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo » (PFBC), ouvert à tous les acteurs régionaux, nationaux, multilatéraux, privés, publics, associatifs, scientifiques, soucieux d’agir pour aider et encourager les pays du Bassin du Congo à sauvegarder leurs forêts en tant que biens publics mondiaux.

Au niveau international, d’autres mécanismes existent, parfois depuis plusieurs décennies, qui tendent à traiter de la question forestière dans sa globalité, à la différence notable du Plan FLEGT, dont l’objet, comme on l’a vu, est restreint à l’un des aspects, celui de la commercialisation de bois tropicaux légaux.

L’Accord que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans cette logique globale.

C – Des textes internationaux qui manquent encore de force

1) Un dialogue international soutenu ; des mécanismes épars

Il est utile de préciser en premier lieu que le système forestier international est fragmenté entre de nombreux mécanismes juridiques et institutionnels multilatéraux, qu’il n’appartient pas à votre rapporteur d’analyser ici, mais qui peuvent refléter la complexité du dossier.

En premier lieu, diverses instances de dialogue coexistent, qui sont actives sur la thématique forestière, en particulier au niveau des Nations Unies. Le Forum des Nations Unies sur les Forêts (FNUF) et le Comité des forêts de la FAO, en particulier sont naturellement à la pointe du débat, articulé avec les Objectifs du Millénaire pour le développement. Le Sommet mondial de l’Assemblée générale des Nations Unies, tenu en 2005, a ainsi mis l’accent sur « la conservation, la gestion et la mise en valeur durable de tous types de forêts au bénéfice des générations actuelles et futures », et l’année 2006 a été déclarée « Année internationale des déserts et de la désertification ». Le Comité des forêts promeut des programmes forestiers nationaux, régionaux et internationaux, comme mécanismes de concrétisation des engagements pris au cours de ses réunions ministérielles des forêts.

De nombreux accords multilatéraux ont également été signés, qui traitent à un titre ou un autre des problèmes des forêts. Votre rapporteur peut notamment citer la Convention sur la diversité biologique (CDB), qui axe depuis quelques années ses travaux sur la mise en œuvre concrète de ses recommandations et programmes ; la Convention sur le commerce international des espèces menacées (CITES), la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD), qui a fait de la gestion durable des forêts un axe central de sa politique ou encore la Convention du patrimoine mondial de l’UNESCO. On peut encore remarquer que le Fonds pour l’environnement mondial, FEM, consacre 14 % de ses financements à des projets forestiers.

Même s’il avait mis en place un dispositif financier, le Mécanisme pour un développement propre, dans le cadre de la réduction des gaz à effets de serre, le protocole de Kyoto n’avait cependant pas fait de la question forestière une des ses priorités. A la demande des pays du sud, la conférence de Bali, fin 2007, a en revanche inclus la déforestation et la dégradation des forêts, dans les engagements de la seconde étape du protocole de Kyoto, après 2012. Plus précisément, la dégradation des forêts, notamment celles du bassin du Congo, est désormais un thème intégré à part entière dans le champ de la négociation à venir et la nécessité d’agir, par le renforcement des capacités des pays en développement, aidés en cela par les pays développés pour éviter la déforestation, est reconnue.

Un changement est également apparu au sein du FNUF avec l’adoption en 2007 d’un instrument juridiquement non contraignant concernant tous les types de forêts. Un programme de travail, courant jusque 2015, a été lancé.

Cela étant, l’établissement d’un accord international juridiquement contraignant reste controversé et, selon les indications communiquées à votre rapporteur, improbable dans un futur proche. En particulier, sur la question spécifique de la lutte contre l’abattage et du commerce illégal de bois tropicaux, il n’existe pas encore d’outil spécifique de niveau international.

2) Les précédents à l’Accord international de 2006

L'Accord international sur les bois tropicaux (AIBT) qui a été signé en 2006 est le troisième du nom. Le premier l’a été en novembre 1983, après des négociations menées sous l'égide de la CNUCED, dans le cadre de ses résolutions relatives aux produits de base.

Il avait notamment pour ambition de mettre en place un cadre efficace pour la coopération et la consultation entre pays producteurs et pays consommateurs dans tous les aspects pertinents de l’économie des bois tropicaux ; de favoriser l'expansion et la diversification du commerce international des bois tropicaux et d'améliorer les conditions structurelles du marché dans une perspective tenant compte, à la fois, de l'accroissement à long terme de la consommation, de la continuité des approvisionnements et de la rémunération équitable des producteurs. Il s’agissait aussi de soutenir la recherche et le développement, en vue d'améliorer la gestion forestière et d'encourager les parties prenantes à soutenir et à développer les activités de reboisement en bois d'oeuvre tropicaux et de gestion forestière. L’accord prévoyait enfin le soutien à l’élaboration de politiques nationales en faveur de l'utilisation durable et de la conservation des forêts tropicales et des ressources génétiques, de la préservation de l'équilibre écologique dans les régions concernées et l’encouragement de politiques nationales visant à assurer l'utilisation et la conservation des forêts tropicales et de leurs ressources génétiques et à maintenir l'équilibre écologique des régions intéressées (8).

Ce premier accord, d’une durée initiale de cinq ans, a été prorogé à deux reprises, à chaque fois pour trois ans. Il a été renégocié en 1993 et un deuxième Accord international a été signé en janvier 1994. Si les objectifs étaient logiquement similaires à ceux de l’accord de 1983, une orientation était néanmoins notable vers l’articulation de l’économie forestière avec le développement durable. Le renforcement de la capacité des pays membres d'atteindre les objectifs de l’Accord et d'exécuter une stratégie visant à ce que, d'ici à l'an 2000, les exportations de bois et de produits dérivés des bois tropicaux proviennent de sources gérées de façon durable, était notamment affirmé.

Conclu, pour une durée de trois ans, l'accord de 1994 a été prorogé à deux reprises pour des périodes supplémentaires de trois ans. L’accord de 2006 lui est substitué.

II –VERS UNE ÉCONOMIE INTERNATIONALE DES BOIS TROPICAUX MIEUX RÉGULÉE

A – Le contenu de l’accord de 2006

1) L’évolution des objectifs vers les préoccupations actuelles

Les objectifs de l’Accord international de 2006 sur les bois tropicaux, AIBT, marquent une nouvelle et intéressante progression par rapport à l’ambition de ses prédécesseurs.

Ainsi qu’on l’a vu, l’accord initial de 1983 était articulé autour de deux idées force : en premier lieu, l’amélioration de la commercialisation des bois tropicaux devait avoir en perspective le développement industriel des pays producteurs qui devaient retirer de l’exploitation forestière une rémunération juste. D’autre part, des politiques nationales devaient assurer l’utilisation et la conservation des forêts tropicales, maintenir l’équilibre écologique des régions intéressées, et encourager les activités de reboisement.

En 1994, en complément, un nouvel aspect était abordé, celui de la contribution de l’accord au développement durable, sous diverses formes et notamment celui de la gestion durable des forêts tropicales. Des allusions étaient certes faites quant à la transparence du commerce international des bois tropicaux, sans que cependant la question de la légalité des activités forestières soit encore évoquée.

Selon votre rapporteur, la principale novation de l’accord de 2006, quant au fond, réside précisément dans le fait que cette dernière préoccupation de occupe désormais une place centrale dans l’architecture du dispositif.

Aux termes de son article premier, l’accord de 2006 indique en effet que ses objectifs sont de « promouvoir l’expansion et la diversification du commerce international des bois tropicaux issus de forêts faisant l’objet d’une gestion durable et d’une exploitation dans le respect de la légalité et de promouvoir la gestion durable des forêts tropicales productrices de bois… » L’analyse des actions à entreprendre pour l’atteinte de ces différents objectifs, détaillées ensuite à l’article 1, montre que, aux aspects touchant à l’environnement, à la gestion durable, au développement et à l’industrialisation des pays originaires, insérés dans les textes antérieurs, c’est sans doute celui de la licéité des opérations forestières qui justifie le nouvel accord. Elle en constitue en tout cas la principale originalité.

Plus concrètement, il est précisé que l’objectif sera poursuivi entre autres voies, en :

« k) Améliorant la commercialisation et la distribution des exportations de bois tropicaux et de produits dérivés qui proviennent de sources faisant l’objet d’une gestion durable et d’une exploitation légale et qui sont commercialisées de manière licite, notamment en sensibilisant les consommateurs ; (…)

n) Renforçant la capacité des membres d’améliorer l’application du droit forestier et la gouvernance et de lutter contre l’abattage illégal de bois tropicaux et le commerce lié ; (…) »

De telle sorte qu’il y a désormais une proximité certaine entre les dispositions de l’AIBT et les principes défendus par le Plan FLEGT. Pour centré qu’il soit sur un objectif précis, celui-ci voit dans l'AIBT 2006, plus ouvert, un relais international associant le plus grand nombre possible d’acteurs du secteur et, consécutivement, une possibilité d’effet de levier appréciable. Comme le rappelle à juste titre l’exposé des motifs, l’AIBT 2006 est le seul accord spécifiquement consacré aux forêts et au bois, et il répond aux souhaits de l’Union européenne et de la France, dont on a vu l’implication sur ces questions, de voir promue la gestion durable et légale des forêts tropicales. Si les préoccupations environnementales et sociales ne sont pas considérablement étoffées dans l’Accord de 2006 par rapport aux textes précédents, les détails apportés à la nécessité de lutter contre l’exploitation illégale des forêts et contre le commerce illégal méritent en revanche d’être soulignés.

2) L’architecture de l’accord

Formellement, l'AIBT 2006 ne diffère pas fondamentalement d’autres textes internationaux. Il se compose de 46 articles, répartis en une dizaine de chapitres, dont les deux premiers précisent les objectifs poursuivis et la définition des notions utilisées dans le texte.

Il est surtout utile de faire ressortir ici l’Organisation internationale des bois tropicaux, qui existe depuis l’AIBT de 1983, que votre rapporteur vous présentera plus loin. Elle est maintenue dans ce nouvel accord et les dispositions la concernant font l’objet des chapitres III à VI. Ils portent notamment sur son organisation et son administration : siège, composition et prérogatives ; sur les privilèges et immunités de l’organisation, de son directeur exécutif, de son personnel et de ses experts, ainsi que des représentants des Etats membres ; les dispositions relatives à l’accord de siège y figurent également.

Des développements spécifiques intéressent l’organisation financière et comptable de l’OIBT, originale, comme on le verra, ainsi que ses activités opérationnelles destinées à permettre la mise en oeuvre des objectifs poursuivis, aspects sur lesquels votre rapporteur reviendra également.

Le Conseil international des bois tropicaux, qui existe également depuis les accords antérieurs, est également maintenu et fait l’objet du chapitre IV qui en détaille la composition, les pouvoirs et fonctions. Il traite aussi des procédures de vote et d’élection des instances dirigeantes du Conseil, ainsi que des modalités de prises de décisions.

Diverses autres questions, tels que l’organisation financière et comptable de l’OIBT, les modes de paiement, ou les modalités de la vérification et de la publication des comptes, la nature des activités opérationnelles de l’organisation destinées à permettre la mise en œuvre des objectifs poursuivis, le contenu du rapport annuel de l’organisation ou encore les obligations générales des Etats membres, font l’objet de chapitres particuliers. Les dispositions finales portent notamment sur les modalités d’adhésion, de retrait, les conditions d’entrée en vigueur du texte.

B – L’Organisation internationale des bois tropicaux, OIBT

L'OIBT, entrée en vigueur en 1986, présente l’originalité d’avoir été créée dans le cadre de négociations menées sous l’égide de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement, CNUCED, pour traiter de questions relatives à une catégorie particulière de produits de base. Il est par conséquent logique que le commerce et de l'industrie soient les thèmes premiers auxquels elle s’est intéressée. Le fait, cependant, qu’elle s’attache aussi à la question de la gestion durable de ces ressources lui confère un caractère propre et la rapproche ainsi d’organisations plus environnementales que commerciales. Elle occupe par conséquent une place particulière, à la charnière des deux domaines.

D’autres traits la caractérisent, au premier rang desquels un partenariat égalitaire dans la prise de décision, le mode de formulation de ses politiques et l'élaboration de ses projets entre les membres producteurs, - les pays tropicaux en développement - et les membres consommateurs de bois tropicaux, pour l’essentiel, des pays développés.

1) Les pays membres

Les membres adhérents de l'OIBT représentent aujourd’hui 80 % des forêts tropicales de la planète et 90 % du commerce mondial des bois tropicaux. En d’autres termes, l’OIBT est une organisation globale qui regroupe la quasi totalité des acteurs du secteur.

Ils se répartissent en deux catégories distinctes : les producteurs et les consommateurs.

Les premiers, au nombre de 33, se trouvent sur les trois continents de la zone tropicale. En Afrique, adhèrent à l’OIBT : le Cameroun, la République centrafricaine, le Congo, la Côte d'Ivoire, la République démocratique du Congo, le Gabon, le Ghana, le Libéria, le Nigeria et le Togo. Pour la zone Asie et Pacifique, le Cambodge, Fidji, l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie, le Myanmar, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Philippines, la Thaïlande et le Vanuatu. Enfin, pour l’Amérique latine : la Bolivie, le Brésil, la Colombie, l’Equateur, le Guatemala, le Guyana, le Honduras, le Mexique, le Panama, le Pérou, le Suriname, Trinidad et Tobago et le Venezuela.

La liste des 26 membres consommateurs permet de voir l’importance particulière que les pays européens attachent à la problématique forestière. Elle comprend actuellement l’Australie, le Canada, la Chine, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, l’Egypte, les Etats-Unis d'Amérique, le Japon, le Népal, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la République de Corée et la Suisse. La Communauté européenne est également membre de l’organisation, la participation d’organisations intergouvernementales étant expressément prévue dans l’Accord.

Il est à noter à cet égard que l’Estonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie, sans être membres de l’accord de 1994, ni donc de l’OIBT, ont participé néanmoins à la négociation internationale de l’accord de 2006, en tant que membres consommateurs potentiels. On peut supposer, logiquement, qu’ils adhèreront prochainement, renforçant ainsi encore le poids de l’Europe dans ces mécanismes. Parmi les pays producteurs, quelques pays africains ont été aussi associés à la négociation : l’Angola, le Bénin, Madagascar et le Rwanda, tout comme Haïti, la République dominicaine, le Nicaragua ou le Costa Rica en ce qui concerne la région Amérique latine et Caraïbe.

2) Le Conseil international des bois tropicaux

Selon le chapitre IV de l’Accord, le Conseil international des bois tropicaux, composé de tous les membres de l’organisation, en est l’organe exécutif. Réuni au moins une fois l’an en session ordinaire au siège, sans préjudice d’éventuelles sessions extraordinaires demandées à la majorité des membres, - producteurs, consommateurs ou des deux catégories (article 9) -, le Conseil exerce tous pouvoirs et détermine notamment les normes internes nécessaires à l’application des dispositions de l’Accord. Il prend aussi les décisions nécessaires au fonctionnement de l’OIBT.

La parité est un principe cardinal au sein de l’OIBT. A cet égard, il est utile de préciser en premier lieu que les producteurs et les consommateurs, répartis en deux groupes, y ont collectivement un nombre égal de voix, 1000. Cette égalité se décline ensuite proportionnellement au sein de chacun de ces groupes.

En ce qui concerne les pays producteurs, la répartition est à la fois géographique et quantitative : 400 voix sont réparties également entre les trois régions productrices d’Afrique, d’Amérique latine et des Caraïbes et d’Asie - Pacifique. Les voix ainsi attribuées à chacune de ces régions sont reparties entre les producteurs. 300 voix sont ensuite réparties entre les membres producteurs, selon la part de chacun dans les ressources forestières tropicales. Enfin, 300 voix sont réparties entre les producteurs, proportionnellement à la valeur moyenne de leurs exportations nettes respectives de bois tropicaux.

Le principe est identique en ce qui concerne les pays consommateurs, encore qu’avec des critères moins stricts : l’Accord prévoit simplement que chaque membre de ce groupe dispose de « 10 voix de base », à laquelle s’ajoute une part proportionnelle au volume moyen de ses importations nettes.

En d’autres termes, au sein de chaque groupe, la quote-part de chaque membre est calculée en fonction de son poids respectif, tenant compte de son commerce et de l'étendue des forêts tropicales présentes sur son territoire, en ce qui concerne les pays producteurs, et du prorata de son volume d’importation, pour les pays consommateurs. A cette aune, la France, ainsi que le Royaume Uni sont les Etats qui, avec 33 voix, en détiennent le plus grand nombre au sein de l’UE.

Le principe de parité se retrouve enfin dans les organes directeurs du Conseil : un président et un vice-président, non rémunérés par l’organisation, sont élus annuellement par le Conseil, dont l’un, alternativement, est membre des pays producteurs, l’autre, des pays consommateurs (article 8).

Enfin, il faut signaler dans cet ordre d’idées qu’aux termes de l’article 12 de l’accord, dans la mesure du possible, le Conseil, qui se réunit avec un quorum de la majorité des membres de chaque catégorie représentant au moins les deux tiers des voix de leur catégorie, « s’efforce de prendre toutes ses décisions et de faire toutes ses recommandations par consensus. »

C – Les activités et les moyens d’action de l’OIBT

1) Les activités de l'OIBT et du Conseil

L’organisation internationale des bois tropicaux mène trois types d’activités complémentaires.

Comme le détaille l’article 24 de l’accord, l’Organisation internationale des bois tropicaux mène tout d’abord des activités de politique générale, inspirées par le plan d'action que définit périodiquement le Conseil qui trace les priorités et les programmes thématiques à développer. Elle élabore dans ce cadre des textes d'orientation visant à favoriser la gestion forestière durable et la conservation des forêts : directives, manuels, études, rapports, outils de communication et de vulgarisation de base, notamment.

Elle aide également les pays tropicaux membres à adapter ces orientations à leurs conditions propres et à les mettre en oeuvre par des projets sur le terrain. Elle mène une activité importante de statistiques, d’études et d’information de ses membres sur les différents aspects de la problématique, et à cet effet, rassemble, analyse et diffuse des données relatives à la production et au commerce des bois tropicaux, (chapitre VIII, articles 27 et 29).

Enfin, dans le cadre du programme biennal qu’elle adopte, elle finance des projets et actions cherchant à développer les entreprises de la filière, que ce soit au niveau industriel ou villageois. A cet effet, l’article 25 indique que les membres sont invités à soumettre des propositions de projets au Conseil pour examen et financement, lesquels peuvent être des projets pilotes, des projets de développement des ressources humaines ou des projets de recherche-développement. Ces projets sont financés par des contributions volontaires, la plupart émanant de pays membres consommateurs.

L’article 28 de l’accord prévoit qu’un rapport annuel est publié par le Conseil et qu’un examen biannuel est effectué par le Conseil pour évaluer la situation internationale de l’ensemble de la filière : données statistiques ; progrès enregistrés en matière de gestion durable et de commerce illégal notamment.

2) Les moyens d’action

L'OIBT reste une petite organisation, de par les moyens qui lui sont alloués. Au plan administratif, elle dispose d'un secrétariat de quelque 35 fonctionnaires, basé à Yokohama, que nomme et dirige le directeur exécutif, lui-même élu par le Conseil, devant lequel il est responsable de l’administration et du fonctionnement de l’accord. La France n’y a pas de fonctionnaires à temps plein. En revanche, deux experts français participent habituellement aux réunions annuelles de l’OIBT, ce qui permet à notre pays d’être impliqué dans les instances de suivi décisionnel sur le financement des projets.

Selon l’article 26, précisé par les données fournies par l’Organisation (9), le Conseil bénéficie aussi de la collaboration de quatre comités, ouverts aux membres et observateurs, qui lui dispensent leurs avis et assistance en matière d'orientations et de projets. Trois d’entre eux interviennent dans les domaines essentiels des travaux d'orientation et de projets : le Comité de l’économie, des statistiques et des marchés ; le Comité du reboisement et la gestion forestière ; le Comité de l’industrie forestière. Ces comités s’associent la collaboration d’un groupe d'experts chargé de l'évaluation technique des projets et avant-projets, et de juger de leur pertinence en regard des objectifs de l'OIBT. Le quatrième comité, le Comité des finances et de l’administration, assiste le Conseil quant aux questions budgétaires, de financement et d'administration ayant trait à la gestion de l'Organisation. Deux groupes consultatifs interviennent également auprès du Conseil : le Groupe consultatif sur le commerce (TAG) et le Groupe consultatif de la société civile (CGSC).

Le budget de l’OIBT est également modeste : selon les indications qui ont été communiquées à votre rapporteur, il s’élève à 4,6 M$ par an.

Aux termes des dispositions prévues au chapitre VI, « dispositions financières », le financement des activités de l’organisation fonctionne sur la base d’une division en deux comptes :

Un compte administratif, sur lequel sont imputées les dépenses requises pour l’administration de l’organisation ainsi que les dépenses opérationnelles essentielles, tels que les frais de communication et de vulgarisation. Il est abondé par les contributions obligatoires annuelles des pays membres, calculées proportionnellement au nombre de voix dont ils disposent au sein du conseil. A titre d’information, le montant de la contribution obligatoire de la France, - en moyenne, quelque 80 000 dollars -, est calculé comme pour les autres pays membres en fonction des volumes qu’elle importe.

Un compte spécial, prévu à l’article 20 de l’accord, qui comprend deux sous-comptes : l’un pour les programmes thématiques, l’autre pour les projets. Ils sont alimentés par les contributions volontaires des pays membres. La France n’y contribue pas systématiquement. En pratique, l’OIBT soumet deux fois par an des projets à financer, qui peuvent concerner des actions d’intérêt commun à l’ensemble des Etats parties ou des projets de terrain dans les pays en développement, consommateurs ou producteurs. Selon les informations qu’il a recueillies, votre rapporteur peut préciser que, en 2009, la France a cofinancé deux actions d’intérêt général du programme de travail de l’organisation à hauteur de 25 000€ chacune : l’une, pour la mise à jour des directives de l’OIBT pour la gestion durable des forêts tropicales et leur application pilote dans les trois grands massifs tropicaux ; l’autre pour l’analyse des entreprises forestières communautaires dans les trois grands massifs tropicaux pour une meilleure connaissance du secteur et le développement des échanges d’expériences entre entrepreneurs. A titre d’information complémentaire, on peut enfin préciser que l’OIBT a pu mobiliser quelque 300 M$ depuis son entrée en activité en 1987 pour financer plus de 700 projets, avant-projets et activités. Les principaux bailleurs de fonds sont les gouvernements du Japon, de la Suisse et des Etats-Unis d'Amérique.

Enfin, un Fonds pour le partenariat de Bali est institué, également abondé de manière volontaire par les pays membres. Il est destiné à aider les producteurs à faire les investissements nécessaires pour renforcer leurs capacités à mettre en œuvre des stratégies visant à la gestion durable de leurs ressources.

Un principe de coopération et de coordination « dans toute la mesure du possible » avec « les facilités, services et connaissances spécialisées d’organisations intergouvernementales, gouvernementales et non gouvernementales, de la société civile et du secteur privé, afin d’éviter le chevauchement des efforts réalisés pour atteindre les objectifs du présent Accord et de renforcer la complémentarité et l’efficacité de leurs activités » est affirmé à l’article 15, qui mérite également selon votre rapporteur d’être salué.

CONCLUSION

L’accord de 2006 n’est pas encore entré en vigueur et l’OIBT continue par conséquent de fonctionner sur la base de celui de 1994. A l’heure actuelle en effet, selon les informations recueillies par votre rapporteur, sur 59 membres 48 ont signé l'accord et 25 seulement l’ont ratifié. 14 Etats membres de l’UE l’ont déjà fait, et plusieurs sont sur le point de le faire, les procédures parlementaires étant en cours.

Votre rapporteur ne peut que vous inviter à approuver ce projet de loi. S’il reste encore dans un registre incitatif, l’Accord de 2006 marque néanmoins un progrès notable dans la prise de conscience internationale de l’importance des activités illégales qui sont au cœur de la filière des bois tropicaux et qui aggravent les problèmes auxquels nous devons aujourd’hui faire face de manière urgente, au premier rang desquels le réchauffement climatique.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 18 novembre 2009.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Paul Lecoq. Le rapport de M. Dupré est très éclairant, mais il me semble que l’objectif de cet accord est contradictoire avec la politique menée dans notre pays. En effet, les collectivités territoriales sont tenues de respecter des critères de développement durable dans la conclusion des marchés publics, lesquels imposent notamment de limiter l’utilisation des bois tropicaux. Or le rapport parle de perspectives d’augmentation de l’utilisation de tels bois. Faut-il en déduire que ces critères ne sont pas respectés ?

Par ailleurs, si l’objectif est de limiter l’utilisation de ces matériaux, afin d’améliorer les conditions d’exploitation des forêts et de réduire la « facture carbone » résultant de leur transport sur de longues distances, est-il prévu des mesures en faveur des exploitants actuels de ces forêts, qui devront être dirigés vers d’autres activités ?

M. Jean-Paul Dupré. Il me semble que toutes les forêts sont destinées à être exploitées dans des conditions qui permettent leur régénération. Le plus important est que les pays qui importent les bois tropicaux exigent que leur origine légale soit certifiée, cette certification garantissant la préservation des forêts sur le long terme.

Mme Geneviève Colot. Parmi les 33 Etats producteurs et les 26 Etats consommateurs qui ont signé cet accord, combien l’ont déjà ratifié ?

M. Jean-Paul Dupré. 25 ont d’ores et déjà achevé leur procédure de ratification.

M. Henri Plagnol. En matière de protection des forêts, comme de lutte contre le changement climatique, c’est l’Union européenne et le Japon qui jouent un rôle essentiel. Dans ces domaines, l’Union a un message clair et une véritablement capacité d’action. Je considère moi aussi que la certification est le point clé pour résoudre la question de la surexploitation des forêts tropicales.

Le problème, c’est que certains Etats gros consommateurs de bois, au premier rang desquels se trouve la Chine, se soucient peu de ces questions. Peut-on espérer une évolution de leur part ?

Enfin, comment éviter que, dans les pays en guerre civile, se développe un commerce illégal de bois tropicaux à destination des pays peu regardants sur la provenance des matériaux ?

M. Jean-Paul Dupré. La Chine fait partie de 33 Etats consommateurs qui ont signé l’accord. Elle est donc censée respecter les règles qu’il pose. Il appartient au conseil d’administration de l’Organisation internationale des bois tropicaux d’y veiller.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (n° 1888).

*

* *

La commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord international de 2006 sur les bois tropicaux (ensemble deux annexes), adopté à Genève le 27 janvier 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 1888).

© Assemblée nationale

1 () Les chiffres indiqués dans ce rapport sont issus du dernier rapport annuel (« Examen annuel et évaluation de la situation mondiale des bois, 2008 ») de l’Organisation internationale des bois tropicaux, OIBT, pages 18 et suiv.

2 () Examen annuel et évaluation de la situation mondiale des bois, 2008 ; OIBT, page 14.

3 () Examen annuel et évaluation de la situation mondiale des bois, 2008 ; OIBT, page 15

4 () « Dossier de presse spécialisé, campagne forêts », « l’exploitation forestière illégale en quelques chiffres », disponible sur www.greenpeace.fr

5 () Résolution (1999/C 56/01, JO des Communautés européennes, 26 février 1999

6 () « Forest Law Enforcement on Governance and Trade » : Application des réglementations forestières, gouvernance et échanges commerciaux

7 () Complété par un règlement d’application en 2008

8 () Accord international de 1983 sur les bois tropicaux, chapitre 1, objectifs ; article 1.

9 () Disponibles sur le site www.itto.int/fr