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N
° 2086

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 novembre 2009

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI sur le droit au revenu des agriculteurs (n° 1992),

PAR M. André CHASSAIGNE,

Député.

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Voir le numéro : 1992

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I.— UNE SITUATION ÉCONOMIQUE TRÈS DÉGRADÉE 9

A.— DES DIFFICULTÉS DANS TOUS LES SECTEURS DE PRODUCTION 9

B.— UNE VOLATILITÉ ACCRUE DES PRIX SUR LES MARCHÉS AGRICOLES 9

II.— DES MÉCANISMES DE RÉGULATION IMPUISSANTS 11

A.— LE RECUL DE LA PAC 11

B.— QUEL RÔLE POUR L’ÉTAT FRANÇAIS ? 12

III.— DES INSTRUMENTS À ACTIVER AUX NIVEAUX NATIONAL ET COMMUNAUTAIRE 14

A.— AU NIVEAU NATIONAL 14

B.— AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE 15

TRAVAUX DE LA COMMISSION 17

I.— DISCUSSION GÉNÉRALE 17

II.— EXAMEN DES ARTICLES 25

Chapitre Ier : Garantir des prix rémunérateurs pour tous les producteurs 25

Article 1er : Observatoire des prix et des marges 25

Article 2 (article L. 611-4-2 du code rural) : Coefficient multiplicateur 27

Article 3 : Prix minimum indicatif 29

Article 4 : Prix plancher d’achat aux producteurs 30

Chapitre II : Dispositions relatives à la mise en place d’un dispositif d’alerte et de mise en œuvre de mesures d’urgence 31

Article 5 : Alerte économique et sociale 31

Article 6 : Mesures d’urgence 32

Chapitre III : Une politique européenne régulatrice 33

Article 7 : Mise en œuvre au niveau communautaire de mesures visant à garantir des prix rémunérateurs pour les producteurs 33

Article 8 : Mise en œuvre de mécanismes de gestion de l’offre 34

Article 9 : Mise en œuvre d’un programme européen d’aide alimentaire 35

Article 10 : Gage 37

TABLEAU COMPARATIF 39

ANNEXE 43

MESDAMES, MESSIEURS,

Comme aime à le répéter le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, le secteur agricole traverse aujourd’hui sa plus grave crise depuis trente ans. Si la situation dans le secteur du lait et des fruits et légumes a dominé l’actualité de l’été, en cet automne 2009, ce sont l’ensemble des productions qui souffrent et qui, peu à peu, meurent sous nos yeux : du porc, qui s’échange à moins de un euro le kilo au cadran à Plérin, aux grandes cultures, dont les cours, après avoir connu des hausses jusqu’à 300 euros la tonne de blé en 2007, se retrouvent désormais aux alentours de 110 euros. Marges négatives, ventes à perte, absence de revenu : telle est la réalité vécue par les agriculteurs français aujourd’hui.

Pourtant que n’a-t-on pas dit sur la hausse des cours des matières premières agricoles en 2007 et 2008 ? On entrait alors dans une nouvelle ère, une ère de prix durablement élevés. Que ne nous promettait pas la commissaire européenne en charge de l’agriculture, Mariann Fischer-Boel, à l’heure du bilan de santé de la politique agricole commune (PAC) ? L’augmentation de la population mondiale et la hausse du niveau de vie dans les nouveaux pays consommateurs (Chine, Inde) allaient durablement tirer les cours vers le haut, garantissant ainsi un revenu suffisant aux producteurs sans qu’il soit besoin pour l’Union européenne de prévoir des soutiens spécifiques et des mécanismes de stabilisation des marchés. Les producteurs allaient vivre des prix du marché, ils devaient d’ailleurs être à même de « répondre aux signaux du marché » et, si, par hasard, ceux-ci n’étaient pas bons, le conseil de Mariann Fischer-Boel était simplement de « changer de produits quand ils ne les écoul[ai]ent pas » (1). Mais quand toutes les productions sont touchées par la crise, vers quoi se tourner ?

Car, bien sûr, c’était sans compter la crise économique et financière. C’était aussi sans compter la concurrence extra-communautaire. C’était sans compter la volatilité des prix inhérente au secteur agricole, secteur où, plus que tout autre, l’offre et la demande ne s’ajustent pas spontanément (2), où le plus petit dérèglement climatique ou le moindre virus peut avoir des effets catastrophiques. C’était, enfin, sans compter la préservation de notre modèle agricole, qui se veut durable, respectant l’environnement, présent sur les territoires, même difficiles, produisant en quantité suffisante des aliments sains et de qualité à un prix raisonnable pour les consommateurs et offrant un revenu décent aux producteurs.

Aujourd’hui, alors que l’Europe a démantelé la plupart de ses instruments de gestion des marchés et déconnecté les aides de la production afin de mieux pouvoir les supprimer plus tard, les paysans se tournent vers l’État... qui se tourne vers l’Europe ! Quelle ironie d’entendre le Président de la République, dans son discours du 27 octobre 2009 à Poligny (Jura), dire que la France demande à la Commission européenne de prendre l’initiative afin de « mettre en œuvre une véritable régulation » alors que Bruxelles est à l’origine de la dérégulation qui frappe aujourd’hui le marché européen des produits agricoles !

On ne peut en revanche qu’acquiescer à la lecture du diagnostic que le Président de la République dresse de la situation agricole : « La crise révèle en premier lieu un défaut de régulation européenne et mondiale auquel il est urgent de répondre. Elle révèle en second lieu des défaillances nationales réelles dans la répartition de la valeur au sein de nos filières agricoles. Entre le mois de septembre 2008 et le mois de septembre 2009 l’indice des prix à la production des produits agricoles a baissé de 20%. Sur la même période, les prix à la consommation des produits alimentaires ont baissé de 1%. Cet écart est sans précédent. Cet écart est inacceptable ! Il révèle une répartition inéquitable de la valeur ajoutée au sein des filières. Cet écart met notre production alimentaire en danger. »

Il nous appartient donc aujourd’hui de réitérer avec force notre exigence d’une politique agricole commune efficace, juste et équitable. Parce que les produits agricoles et alimentaires ne sont pas des biens de consommation comme les autres qui peuvent s’échanger sur des marchés mondialisés où la spéculation règne en maître, mettant en péril non seulement la survie de nos exploitations mais également l’autosuffisance alimentaire de l’Europe et in fine l’équilibre alimentaire mondial.

Toutefois, dans une Europe à 27, l’avenir d’une nouvelle régulation européenne n’est pas entre nos mains. En revanche, il nous revient pleinement d’agir pour remédier à ce que le Président appelle les « défaillances nationales réelles » et qui ne sont autres que les brèches ouvertes dans les relations commerciales par plusieurs législations successives adoptées sous la présente majorité, au premier rang desquelles la loi de modernisation de l’économie.

Nous disposons cependant d’ores et déjà au niveau national des leviers d’action nécessaires pour assurer un revenu aux agriculteurs : observatoire des prix et des marges, coefficient multiplicateur, interprofessions, offices agricoles. En ayant le courage d’utiliser ces instruments ou de les rendre véritablement opérationnels, nous pourrons instaurer un droit au revenu des agriculteurs. Car tel doit être notre objectif et tel est celui de la proposition de loi qui vous est aujourd’hui soumise afin d’apporter une solution immédiate et efficace aux crises que traverse le secteur agricole.

I.— UNE SITUATION ÉCONOMIQUE TRÈS DÉGRADÉE

A.— DES DIFFICULTÉS DANS TOUS LES SECTEURS DE PRODUCTION

Les indicateurs macroéconomiques sont dans le rouge depuis le début de la crise économique et financière en 2008 : le PIB recule, le commerce extérieur s’effondre, le chômage progresse. L’agriculture n’échappe à ce contexte et en est même une des premières victimes, avec un revenu agricole par exploitant qui affiche une baisse de 22 %.

Tous les secteurs d’activité agricole ont en effet dû faire face en 2008 à une augmentation de leurs charges et, pour certains, à une diminution de leur chiffre d’affaires. Ainsi, pour les viticulteurs et les céréaliers, les pertes de revenus se situeraient entre -20 % et -35 %, pour les éleveurs de bovins viande, elles seraient de -25 % alors qu’elles atteindraient -40 % dans le secteur de l’arboriculture. Si les résultats en termes de production sont plutôt bons, et parfois même les résultats en termes de prix, le coût des consommations intermédiaires a réduit à néant les efforts de productivité des agriculteurs : hausse du prix de l’énergie, des engrais, des produits phytosanitaires et, dans une moindre mesure, de l’alimentation animale.

La hausse du prix des intrants en 2008 a en outre été aggravée par le décalage conjoncturel existant dans le cycle de production agricole entre le moment où les agriculteurs achètent leurs intrants et le moment où ils vendent leur production. En l’occurrence, la conjoncture économique s’est précisément retournée entre 2008 et 2009, comme en témoigne par exemple le décrochage du prix du lait en janvier 2009. Sur les sept premiers mois de 2009, le décalage dans la conjoncture des prix agricoles à la production et des prix des intrants joue en en outre considérablement en la défaveur des éleveurs laitiers, faisant chuter le revenu de ceux-ci (3).

En cet automne 2009, la conjoncture reste défavorable dans la plupart des secteurs agricoles. La crise économique continue d’agir négativement en affectant la demande mondiale et en déprimant les exportations françaises.

B.— UNE VOLATILITÉ ACCRUE DES PRIX SUR LES MARCHÉS AGRICOLES

Les mouvements de prix erratiques qui ont affecté les marchés agricoles ces trois dernières années ont légitimement suscité la crainte des pouvoirs publics que ce soit en raison de leur répercussion sur le pouvoir d’achat des ménages (voire sur les conditions d’accès de la population à la nourriture dans certaines régions du monde), ou, à rebours, en raison de leurs conséquences potentiellement graves sur le revenu des producteurs, et, partant, sur le maintien de l’activité agricole sur nos territoires. Mais force est de constater que l’instabilité des cours et le fait que celle-ci se répercute de plus en plus sur le prix de nos produits alimentaires de grande consommation constituent en soi une source d’inquiétude. On observe en effet aujourd’hui une volatilité accrue des cours des produits agricoles et agroalimentaires qui s’est notamment illustrée par une période d’instabilité très importante entre 2007 et 2009 avec :

– tout d’abord une forte hausse des prix des matières premières, qui a entraîné une crise alimentaire majeure dans les pays pauvres et en développement mais qui a également eu des répercussions sur le prix des produits alimentaires en Europe ainsi que des conséquences négatives pour nos propres productions agricoles en raison de la hausse du coût de l’alimentation animale, de l’énergie et des engrais ;

– puis ensuite une brutale chute des prix ayant des conséquences dramatiques sur le revenu des agriculteurs et notamment de ceux qui avaient profité de l’embellie pour investir et s’étaient endettés pour moderniser leurs exploitations, des nouveaux installés et des exploitations familiales en particulier en zone de handicap. Cette diminution des prix payés aux producteurs ne s’est en outre pas traduite par une baisse équivalente du prix des produits payés par les consommateurs et par une diminution des charges des premiers qui continuent à faire face au prix élevé des intrants.

De cette instabilité accrue, résulte une absence de visibilité pour l’avenir et des perspectives peu claires pour les exploitants. Ainsi, les prévisions de la commissaire européenne Mariann Fischer-Boel, à l’heure du bilan de santé de la PAC, qui comptait sur le maintien de prix agricoles durablement élevés en raison de la hausse de la demande mondiale pour imposer ses réformes libérales, ont été démenties. La chute des prix a été brutale dans certains secteurs, comme le lait (voir encadré ci-après), et si les cours se sont maintenus dans certaines productions, cela n’a pas suffi à compenser la montée en puissance des charges. Toutefois certains spécialistes envisagent déjà le prochain retournement conjoncturel, estimant même que « toutes les conditions pour une nouvelle crise alimentaire dans un ou deux ans sont réunies » (4).

Le Président de la République a d’ailleurs dénoncé cette instabilité des prix dans son discours de Poligny du 27 octobre 2009, dressant un audacieux parallèle avec le domaine financier où la crise a permis à chacun de comprendre « les conséquences dramatiques des mécanismes d’un marché laissé à lui-même ». Il s’est fermement engagé à ne pas accepter « la même folie pour les biens qui nourrissent la population mondiale » : « l’idée de la toute puissance du marché qui ne devait être contrarié par aucune règle, par aucune intervention politique, cette idée, j’emploie à dessein un mot simple, est une idée folle. La crise du secteur agricole que nous connaissons en est le témoignage le plus criant » . Comment ne pas adhérer à ce propos et à sa conclusion : « Pour remédier à cette instabilité des prix, il faut mettre en place de véritables outils de régulation ». Mais pourquoi, alors, depuis 1992 et encore plus depuis 2002, l’État français donne-t-il son accord au démantèlement des outils de régulation existants ?

II.— DES MÉCANISMES DE RÉGULATION IMPUISSANTS

A.— LE RECUL DE LA PAC

La politique agricole commune est aujourd’hui à bout de souffle : les réformes initiées depuis sa mise en œuvre en 1962 ont progressivement remis en cause ses principes fondamentaux, la souveraineté et l’autosuffisance alimentaires, tout en la privant d’une bonne partie de ses moyens d’action notamment suite aux élargissements successifs de l’Union Européenne.

Si les objectifs initiaux de la PAC figurant dans le traité de Rome, assurer l’indépendance alimentaire de l’Europe, mais aussi garantir un revenu stable aux agriculteurs, ont été remplis  grâce à une politique de prix garantis et de tarifs douaniers protecteurs tempérée par des mécanismes de gestion de l’offre à la fin des années 1970, la PAC a ensuite été profondément affaiblie. Face à une production excédentaire et à la pression internationale symbolisée par l’OMC (l’organisation mondiale du commerce), la PAC a dû changer de cap à partir de 1992.

On assiste depuis lors :

– à un alignement progressif des prix intérieurs sur les prix internationaux ;

– à un remplacement des divers systèmes de soutien aux exploitants par des aides directes dites « découplées », c’est-à-dire déconnectées de la production agricole;

– ainsi qu’à une réduction des mécanismes d’intervention sur les marchés.

Enfin, avec le bilan de santé de la PAC, on arrive au bout de la logique des réformes de 1992, 1999 et 2003 et on entrevoit ce que sera la PAC après-2013 : une politique de soutien au développement rural, des aides directes réduites voire renationalisées, des instruments de gestion des marchés résiduels constituant un simple « filet de sécurité » pour des producteurs dont le seul leitmotiv sera à l’avenir d’être compétitifs sur le marché mondial.

Les agriculteurs subissent ces évolutions successives, qui créent un climat d’instabilité juridique et d’insécurité économique presque aussi nuisible à la conduite de leurs exploitations que les soubresauts des prix sur le marché, sans savoir s’ils pourront ou non poursuivre leur activité dans le monde que nous prépare la Commission européenne. En effet, il est clair que la libéralisation programmée du secteur agricole se traduira par une concentration de l’activité agricole sur les bassins de production les plus performants :

– au détriment de l’aménagement du territoire et du maintien d’une présence dynamique dans les zones les plus difficiles, défavorisées ou de montagne,

– au détriment de la préservation de l’environnement et des productions de qualité,

– au détriment enfin de la survie de nos exploitations familiales.

C’est donc à une totale remise en cause de notre modèle agricole européen que nous sommes confrontés aujourd’hui.

B.— QUEL RÔLE POUR L’ÉTAT FRANÇAIS ?

Au niveau national, la situation n’est pas beaucoup plus favorable. Dans son discours du 27 octobre 2009, le Président de la République a appelé de ses vœux une nouvelle régulation des marchés agricoles et une meilleure définition du métier d’agriculteur par le biais notamment d’un recours accru à la contractualisation, d’une consolidation des organisations de producteurs et d’un renforcement du rôle de l’observatoire des prix et des marges. Mais que constate-t-on dans la réalité ?

– la déréglementation des relations commerciales avec notamment la consécration du principe de libre négociation des conditions générales de vente dans la loi de modernisation de l’économie ;

– la remise en cause par la DGCCRF du rôle de l’interprofession laitière en matière de recommandations sur l’évolution du prix du lait, rôle certes imparfait, mais naguère structurant ;

– l’absence de mise en œuvre cet été du mécanisme du coefficient multiplicateur en dépit d’une situation conjoncturelle catastrophique dans le secteur des fruits et légumes (de mai à septembre, 15 fruits et légumes ont été caractérisés en crise conjoncturelle) ;

– le refus du ministre Bruno Le Maire d’ouvrir les interprofessions aux syndicats minoritaires.

Quant à l’action du gouvernement au niveau communautaire, elle a certes permis de dégager des fonds et d’initier une réflexion sur l’avenir de la régulation, mais le ministre de l’agriculture a dû parallèlement avaliser officiellement la suppression des quotas laitiers, ce à quoi son prédécesseur n’avait jamais formellement consenti, et la France se trouve aujourd’hui à la tête d’une coalition de circonstance composé d’États membres aux opinions fondamentalement divergentes s’agissant de l’avenir de la PAC après 2013.

Illustration avec la crise du lait :

Ÿ 2007– début 2008 : dans un contexte de flambée du prix des matières premières, de hausse de la demande mondiale et de légère contraction de la production liée à la sécheresse en Océanie, les cours du lait atteignent des niveaux sans précédent

Ÿ fin 2008 – 2009 : la crise économique et financière entraîne un recul de la demande alors que la production augmente, les cours chutent, la situation financière des éleveurs se dégrade rapidement : le prix du lait a en effet chuté de plus de 30 % en un an, en France mais aussi dans d’autres pays européens comme l’Allemagne

Pourquoi ?

Ÿ le marché du lait est un marché très spécifique qui est soumis à une très forte volatilité des cours qui réagissent ou plutôt « surréagissent » à un faible déficit de production, comme en 2007, ou à un léger excédent, comme en 2008 : en l’absence de régulation, l’équilibre du marché mondial du lait et des produits laitiers se joue à 0,5 % d’excédent ou de déficit entre l’offre et la demande.

Ÿ au niveau communautaire, les mécanismes de régulation ont fonctionné normalement, mais la portée de ceux-ci n’a cessé de diminuer depuis 1999 :

– les instruments destinés à soutenir les prix à la production, c'est-à-dire le système des prix administrés (prix indicatif, prix d’intervention et prix de seuil) a été quasiment réduit à néant (seul un prix d’intervention demeure à un niveau très faible avec des conditions de mise en œuvre restreinte) et les droits de douane sont désormais inexistants ;

– quant aux instruments destinés à réguler les volumes : quotas laitiers, stockages publics et privés et aides aux exportations ou à la consommation pour écouler les surplus, ils sont également en voie de disparition ;

Ÿ enfin, au niveau national, la remise en cause par la DGCCRF du système de recommandations sur le prix du lait géré par l’interprofession a déstabilisé la filière. En dépit des dispositions votées dans le cadre de la loi de finances pour 2009 pour permettre au CNIEL d’élaborer et diffuser des indices de tendance et de l’accord du 3 juin 2009 sur le prix moyen annuel du lait, qui est remis en cause par bon nombre de professionnels, la régulation du marché laitier au niveau national apparaît également à bout de souffle.

III.— DES INSTRUMENTS À ACTIVER AUX NIVEAUX NATIONAL
ET COMMUNAUTAIRE

La présente proposition de loi vise, d’une part, à ajuster un certain nombre d’instruments, pour la plupart existants, afin d’en faire des outils de régulation simples et efficaces pour lutter contre les crises et permettre à l’activité agricole de se développer dans un cadre stable et prévisible et, d’autre part, à promouvoir l’établissement d’un tel cadre au niveau européen.

A.— AU NIVEAU NATIONAL

– l’Observatoire des prix et des marges, aujourd’hui simple outil statistique aux mains du gouvernement, est consolidé d’un point de vue juridique et pratique. Son existence est reconnue par la loi, ses missions précisées et étendues à l’ensemble des produits agricoles et agroalimentaires et son rôle renforcé en cas de crise : un pouvoir d’impulsion en matière de mise en œuvre du coefficient multiplicateur lui est ainsi reconnu (article 1er) ;

– le coefficient multiplicateur, créé par la loi relative au développement des territoires ruraux, apparaît aujourd’hui comme un instrument très limité, non seulement parce qu’il ne s’applique qu’aux fruits et légumes mais surtout parce que les pouvoirs publics n’ont jamais souhaité y avoir recours. Le coefficient multiplicateur est ici étendu à l’ensemble des produits agricoles et alimentaires périssables. La procédure de mise en œuvre du coefficient multiplicateur sera en outre désormais initiée par l’Observatoire des prix et des marges (article 2) ;

– le rôle des interprofessions est conforté. Le coup d’arrêt porté par la DGCCRF aux recommandations de prix émises par le CNIEL, sous couvert du droit de la concurrence mais en réalité dans une vaine tentative de limiter la hausse des prix des produits alimentaires, est l’exemple même de ce qu’il ne faut pas faire. Les interprofessions auront désormais compétence pour fixer un « prix minimum indicatif » pour chaque production agricole, prix qui sera régulièrement revu afin de tenir compte notamment de l’évolution des charges pour les producteurs (article 3) ;

– l’ouverture des interprofessions aux syndicats minoritaires constitue un préalable indispensable à l’exercice de nouvelles responsabilités par celles-ci : l’ensemble des syndicats agricoles seront donc désormais conviés à une conférence annuelle sur les prix (article 4) ;

– la fixation d’un niveau plancher de prix d’achat aux producteurs complète le dispositif du « prix minimum indicatif » : il désigne la limite en deçà de laquelle les acteurs de la filière s’accordent à dire que les producteurs ne gagnent plus leur vie. De la sorte, il constituera une référence incontournable dans les relations commerciales, comme dans l’action des pouvoirs publics puisque son dépassement déterminera le déclenchement d’une alerte économique et sociale (article 4) ;

– un avis d’alerte économique et sociale sera officiellement lancé par France Agri Mer, sur proposition des syndicats et organisations professionnelles agricoles représentatifs, lorsque le niveau plancher des prix d’achat aux producteurs sera franchi (article 5). Cette alerte entraînera alors l’adoption automatique de mesures d’urgence, mettant à contribution les banques, les assurances et la Mutualité sociale agricole afin de soulager la trésorerie des agriculteurs (article 6).

Ainsi, un double mécanisme est mis en place qui, en cas de crise conjoncturelle, agira directement et sur les prix, via le déclenchement du coefficient multiplicateur sur proposition de l’Observatoire des prix et des marges, et sur les revenus, grâce aux aides d’urgence débloquées suite au lancement d’une alerte économique et sociale en cas de dépassement des prix planchers.

B.— AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE

Parmi les objectifs de la PAC, figure la mission « d’assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l’agriculture » (5). C’est pourquoi la France doit s’efforcer au niveau communautaire :

– de promouvoir la mise en œuvre d’une politique visant à garantir des prix rémunérateurs aux producteurs, qui pourrait notamment passer par l’instauration d’un prix minimum indicatif européen, de mesures traduisant la préférence communautaire, de clauses de sauvegarde ou de tout autre dispositif (article 7) ;

– d’obtenir le maintien des mécanismes de régulation des marchés, comme les quotas ou les mesures d’intervention (article 8) ;

– de mettre à disposition du programme alimentaire mondial, en cas de besoin, une partie des surplus de production européens notamment laitiers, à travers la création d’un programme européen d’aide alimentaire (article 9).

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.— DISCUSSION GÉNÉRALE

La commission examine, sur le rapport de M. André Chassaigne, la proposition de loi sur le droit au revenu des agriculteurs (n° 1992).

M. André Chassaigne, rapporteur. La proposition de loi que je vous présente, mes chers collègues, s’appuie sur un constat partagé par tous sur la situation du secteur agricole. Comme cela est démontré dans l’exposé des motifs, toutes les productions sont touchées. Or, le problème fondamental, du reste souligné par le Président de la République dans ses différents discours, est celui des prix. Comment garantir des prix à la production rémunérateurs ? La proposition de loi tente d’apporter des solutions qui se présentent sous la forme d’outils, répartis en trois chapitres. Le premier comporte des mesures à mettre en œuvre au niveau national, le deuxième concerne la mise en place d’un dispositif d’alerte pour réagir face à une crise, et le troisième traduit notre souhait d’instaurer une politique européenne régulatrice.

Tout d’abord la proposition de loi conforte le rôle de l’Observatoire des prix et des marges en le plaçant sous la tutelle des ministres chargés de l’agriculture et de la consommation. L’Observatoire doit ensuite procéder à une évaluation régulière et approfondie des prix, non seulement des prix à la consommation mais aussi des prix pratiqués à tous les niveaux de la filière. Grâce à ce travail d’observation, l’Observatoire pourra proposer en période de crise conjoncturelle l’instauration d’un coefficient multiplicateur s’appliquant à toutes les productions. Enfin, des prix minimums indicatifs par filière et par production seront fixés par les interprofessions : c’est là à mon sens le point le plus important de la proposition de loi.

Sans prétendre apporter une réponse de fond aux questions agricoles, le deuxième chapitre de la proposition de loi instaure un mécanisme permettant, grâce à un dispositif d’alerte, d’attribuer en urgence des aides déjà prévues pour répondre aux besoins immédiats de la profession, au lieu d’attendre que les comptabilités des exploitations soient à sec, que les producteurs manifestent et que des négociations aient lieu. Cette disposition permettrait d’éviter que beaucoup de producteurs en soient réduits à fermer leurs exploitations. J’indique d’ailleurs que cette mesure, comme toutes celles que je vous propose, répond à une attente de la profession et a bien sûr été discutée avec les différentes organisations syndicales.

Au chapitre III, vous remarquerez que les articles 7, 8 et 9 commencent tous par « La France promeut », car j’ai souhaité proposer des orientations pour la politique communautaire. Ces orientations sont d’ailleurs souvent défendues par les ministres successifs de l’agriculture. Et je dois avouer que je me suis appuyé sur les engagements pris par le Président de la République dans son dernier discours concernant les mesures traduisant la préférence communautaire et la mise en œuvre de clauses de sauvegarde pour certaines productions. Inscrire ces objectifs dans la loi, cela reviendrait en quelque sorte, mes chers collègues, à fixer une étoile afin d’atteler la charrue en direction de cette étoile.

M. Michel Raison. Je me réjouis d’entendre M. Chassaigne reprendre la formule employée par Eugène Forget lorsque, après la guerre, il a tenté de réunir l’ensemble des syndicats agricoles et fondé la FNSEA : « Pour tracer un sillon bien droit, il faut viser une étoile ». 

Sur le constat, nous ne pouvons qu’être d’accord : le problème des prix est le plus important pour l’agriculture, bien que la rentabilité des exploitations dépende également du poids des charges.

Pour autant, nous ne pouvons voter cette proposition de loi, car le ministère de l’agriculture est actuellement en train de préparer un projet de loi de modernisation agricole qui contiendra non seulement des dispositions relatives à la « fabrication » des prix agricoles, mais également des dispositions relatives à la fiscalité, aux charges et aux relations des producteurs avec les organismes chargés d’acheter, de transformer et de commercialiser les produits agricoles.

Les mesures contenues dans cette proposition de loi ne sont pas forcément critiquables. Pour autant, le coefficient multiplicateur ne peut être appliqué à toutes les productions : s’il pourrait convenir, en période de crise, au secteur des fruits et légumes, il n’en va pas de même pour le lait ou les viandes bovines. Par ailleurs, actuellement, ce coefficient multiplicateur, introduit dans la loi relative au développement des territoires ruraux, n’est pas ou peu appliqué, à la fois pour des raisons de compatibilité avec les règles européennes et parce qu’il a aussi des effets pervers : il donne en effet au distributeur une raison supplémentaire de se reporter sur des produits venant de pays où les coûts de main-d’œuvre sont inférieurs – c’est le cas, par exemple, des fraises d’Espagne. En voulant bien faire, nous risquons de défavoriser les producteurs français.

L’ensemble des mesures de cette proposition de loi, qu’il s’agisse du renforcement du coefficient multiplicateur ou de la mise en place d’un dispositif d’alerte, seront abordées dans le projet de loi de modernisation agricole qui ne manquera pas d’apporter des solutions pour éviter les crises, comme la contractualisation, la protection contre les aléas, les assurances. S’agissant enfin du chapitre sur la politique européenne, nous n’avons pas à donner des consignes au ministre de l’agriculture qui, au demeurant, fait bien son travail.

Pour toutes ces raisons, monsieur Chassaigne, les députés du groupe UMP vous proposent d’attendre l’examen de la loi de modernisation de l’agriculture, beaucoup plus complète que votre proposition, et de présenter des amendements sur ce texte.

M. Germinal Peiro. Je remercie notre collègue Chassaigne et ses collègues d’avoir présenté une proposition de loi qui pose, de façon cruelle mais réaliste, le problème majeur de l’agriculture d’aujourd’hui. Les revenus de nombreux agriculteurs sont insuffisants et un grand nombre d’exploitations ferment ou ne sont pas reprises.

Quelle que soit notre sensibilité, nous faisons tous le même constat. Certaines communes n’ont plus un seul agriculteur, et de nombreux départements n’enregistrent qu’une installation pour quatre, cinq ou six départs. Nous prévoyons tous une diminution importante du nombre des exploitations sur notre territoire, mais celle-ci frappe particulièrement les régions où sont pratiqués l’élevage, la polyculture ou la culture hors sol.

Le débat que suscitera l’examen de cette proposition de loi en séance publique nous permettra d’éclairer le présent et de proposer des solutions pour l’avenir.

M. Chassaigne place la question des prix agricoles au centre de sa proposition. C’est une vraie question dans un marché ouvert : comment garantir au producteur des prix suffisants ? Comment faire en sorte que les prix soient rémunérateurs et que la grande distribution achète les produits à de tels prix ? Je vous avoue, mes chers collègues, que je n’ai pas de réponse. Comment, en toute légalité, soutenir les prix du fait des réglementations européennes et imposer à des acheteurs d’acheter des produits dont les prix sont fixés ? Soyons clairs, c’est totalement impossible.

L’examen de ce texte nous donnera l’occasion de débattre de la politique européenne, dont M. André Chassaigne souhaite qu’elle soit régulatrice. De ce point de vue, il est d’accord avec le ministre Bruno Le Maire, qui oublie cependant de dire qu’il appartient à une majorité qui n’a cessé de déréguler et qui a approuvé, notamment après 1990, le démantèlement de la PAC. Mais dans cette affaire, il faut bien reconnaître également que les socialistes ne sont pas exempts de reproches. Il est vrai aussi que lorsqu’ils proposent plus de régulation, ils se heurtent au refus de la droite, et je ne parlerai pas des forces syndicales. Je me souviens parfaitement de la mise en place des quotas laitiers par un gouvernement socialiste en 1984 et des affiches électorales placardées à l’époque dans la région du sarladais où le ministre Roland Dumas avait été candidat, sur lesquelles on pouvait lire : « Dumas = quotas ». Je me souviens aussi que, en 1999, lors de l’examen d’une loi de modernisation agricole soutenue par l’ensemble de la gauche, la droite était contre nous alors que nous voulions introduire des outils de régulation.

Aujourd’hui, l’agriculture française est victime du libéralisme débridé qui régit l’Union européenne. Elle est délocalisée, sacrifiée, comme l’ont été le textile et l’industrie de la chaussure.

J’espère que le débat qui aura lieu sur ce texte nous permettra de faire entendre la voix de la France dans le concert ultralibéral que l’Europe nous impose aujourd’hui.

M. Jean Dionis du Séjour. La proposition de loi comporte clairement deux parties : une partie nationale et une partie européenne. S’agissant de la politique agricole européenne à promouvoir, nous pouvons trouver un consensus. Pour la partie nationale, le groupe du Nouveau Centre est également favorable à l’Observatoire des prix et des marges et au coefficient multiplicateur. Nous nous étions battus, en 2005, avec le sénateur Daniel Soulage ainsi que Jean-Michel Ferrand et un certain nombre d’autres députés de l’UMP, pour le faire adopter dans le cadre du projet de loi sur les territoires ruraux, mais depuis il n’a pas été appliqué. Ce fut une grave erreur.

En période de crise, certaines règles fixées au niveau européen passent par pertes et profits. Ce fut le cas, par exemple, des critères de convergence du traité de Maastricht. Dans la crise de grande ampleur que nous traversons, l’absence d’eurocompatibilité du coefficient multiplicateur, au demeurant très discutable, ne peut être invoquée.

Il est vrai que la profession agricole n’a pas toujours été unanime pour soutenir le coefficient multiplicateur, mais, aujourd’hui les lignes bougent. En période de crise, on se rend compte qu’il est indispensable d’établir un rapport de forces avec la grande distribution. La position de la Fédération nationale des producteurs de fruits et des producteurs de légumes était ainsi plutôt défavorable au coefficient multiplicateur, mais son point de vue a évolué. Quant à la menace soulevée par la grande distribution de ne plus acheter aux producteurs français, il est vrai qu’elle existe. En dépit de ces pressions, la régulation me paraît être une arme efficace en période de crise, en particulier pour le secteur des fruits et légumes. À titre personnel, j’y suis favorable.

Le rôle de l’Observatoire des prix et des marges doit également être conforté. Je suis en revanche beaucoup plus sceptique sur l’opportunité d’une conférence annuelle.

Bien qu’étant favorable au coefficient multiplicateur et en accord avec le constat raisonnable dressé par le rapporteur de la difficulté d’introduire de la régulation dans le secteur agricole, qui est aujourd’hui un secteur dérégulé, je m’abstiendrai de voter cette proposition de loi.

Je voudrais dire à M. Raison qu’il faut raisonner filière par filière : la PAC ne prévoit aucune mesure de soutien aux fruits et légumes, ils peuvent donc bien faire l’objet de dispositifs nationaux.

Je remercie M. Chassaigne pour ses propositions car en période de crise aussi violente que celle que nous connaissons, il faut faire preuve d’audace. C’est pourquoi le Nouveau Centre soutient un rôle accru de l’Observatoire des prix et des marges, la mise en œuvre du coefficient multiplicateur et les accords de modération des marges. Pour autant, nous ne pouvons approuver totalement sa proposition de loi telle qu’elle est rédigée, même si nous soutiendrons les dispositifs que je viens de mentionner lors de l’examen de la LMA.

M. le président Patrick Ollier. Monsieur Dionis du Séjour, c’est grâce à moi qu’a été adopté le principe du coefficient multiplicateur. Le ministre de l’agriculture, M. Gaymard, y était favorable, mais il doutait de pouvoir convaincre Matignon. Il m’a donc demandé de téléphoner au Président de la République, ce que j’ai fait, et celui-ci a donné son approbation. Faites donc confiance à la majorité !

M. Antoine Herth. La proposition de loi de M. Chassaigne présente un réel intérêt et elle permet de prendre date avant l’examen du projet de loi de modernisation agricole, mais, s’agissant de l’équilibre à trouver entre le grand large et le repli sur soi, celle-ci me paraît un peu trop pencher du côté du repli.

Je dirai quelques mots sur l’article 9. Nous devons approfondir notre réflexion sur l’aide alimentaire et la faim dans le monde, qui est un véritable scandale pour l’humanité, et raffermir notre volonté de réduire le nombre de ses victimes. Si la production du Sénégal a augmenté cette année de 30 %, grâce à plus de surfaces mises en culture, des apports au moment opportun en engrais et en semences, c’est que le gouvernement sénégalais a pris conscience de l’importance du développement de la production agricole et a voté il y a quelques années une loi d’orientation agricole. L’équilibre alimentaire ne peut donc se résumer à l’aide alimentaire, car celle-ci peut détruire la volonté de produire localement.

Enfin, monsieur Chassaigne, vous gagez vos propositions en taxant les alcools et les tabacs. Il faudrait élargir ces gages aux jeux, et probablement créer un nouvel impôt, tant vous réécrivez l’économie générale de l’agriculture française. Je ne voterai pas cette proposition de loi, préférant vous donner l’occasion d’approfondir votre réflexion et de vous montrer encore plus percutant.

M. François Brottes. Il y a des jours où il n’est pas facile d’être de droite et libéral, comme l’illustre le débat que nous avons aujourd’hui. Bien sûr, on peut s’interroger sur la différence entre économie dirigée et économie régulée. Mais lorsque j’entends M. Dionis du Séjour faire l’apologie du contrôle des prix, ou M. Antoine Herth prendre des précautions pour critiquer la proposition de loi, je me dis que l’on avance !

La LME ne fonctionne pas, pas plus que le libéralisme, l’Europe de la dérégulation agricole, la solidarité contre la faim dans le monde, les OGM, la monoculture et la concentration des exploitations. Ce n’est pas l’agriculture qui est en crise, mais le libéralisme !

L’agriculture traverse la même crise que le monde de la finance : c’est pourquoi nous devons adopter une approche différente, plus respectueuse de l’environnement, du social et de l’économie. Mais vous avez supprimé les quotas et les contrats territoriaux d’exploitation, qui reconnaissaient pourtant à l’exploitant agricole un rôle social, environnemental et économique. La question des prix agricoles est importante, mais les autres éléments doivent également être pris en compte pour respecter le travail des agriculteurs, sachant à quel point il est difficile de différencier la propriété de la terre et son exploitation. Vous avez également supprimé le « contrôle des structures » que nous avions mis en place pour favoriser l’installation des jeunes agriculteurs.

Nous adhérons aux propositions de notre collègue Chassaigne et, s’il nous y autorise, nous déposerons quelques amendements lors de son examen en séance afin que nous puissions montrer ensemble à quel point la fin du libéralisme dans le secteur agricole nous préoccupe.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Pour ma part, monsieur Brottes, je ne ressens aucun malaise. Il est un peu tôt pour dire que tel ou tel dispositif ne fonctionne pas. Vous critiquez le libéralisme, mais François Mitterrand a lui-même été un grand défenseur du libéralisme en signant le traité de Maastricht et les accords de Schengen qui ont supprimé les frontières avant même que ne soient harmonisés les codes du travail et les coûts de la main-d’œuvre en Europe, provoquant ainsi des distorsions dans les charges des entreprises.

Je me réjouis du travail accompli par M. André Chassaigne, je suis satisfait des propos tenus par M. Jean Dionis du Séjour et je pense, comme M. François Brottes, que l’on avance sur ces dossiers. Mais l’agriculture a besoin d’un vote unanime, et j’espère que la LMA nous en donnera l’occasion, comme nous avons eu occasion la semaine dernière de nous prononcer unanimement sur la proposition de résolution européenne sur le secteur laitier. L’unanimité aiderait en effet le ministre de l’agriculture et le Président de la République à faire entendre la voix de la France. À cet égard, j’ai la conviction que les problèmes de l’agriculture, dont le premier d’entre eux : comment, en 2050, nourrir 9 milliards d’habitants ?, ne pourront être réglés qu’au niveau du G20. En attendant, je suggère que nous établissions une liste de produits de première nécessité. Car garantir les prix revient uniquement à garantir les marges pour permettre au producteur, au transformateur et au distributeur de vivre de leur travail. L’unanimité de notre vote aiderait également le monde agricole.

M. le président Patrick Ollier. L’analyse de M. Chassaigne présente beaucoup de pertinence et de lucidité sur les maux de l’agriculture. Je comprends que le groupe GDR, sachant que nous travaillons depuis plusieurs mois à l’élaboration de la loi de modernisation de l’agriculture, ait souhaité anticiper et ouvrir le débat, mais il ne faut pas qu’il y ait de quiproquo. Nous nous sommes engagés, avec le Président de la République, à changer l’agriculture, et une majorité d’États membres sont prêts à soutenir une nouvelle régulation au niveau communautaire.

Ne mettons pas en difficulté le projet de loi qui sera présenté prochainement à l’Assemblée. Les groupes de travail qui préparent l’examen de ce texte sont très actifs. La semaine dernière, je me suis encore rendu en Saône-et-Loire avec M. Raison, qui sera le rapporteur de ce texte, pour y rencontrer des agriculteurs et des transformateurs. Ce que vient de dire M. Taugourdeau est très juste : évitons, pour une fois, la compétition entre opposition et majorité, et votons à l’unanimité la loi de modernisation de l’agriculture, comme nous l’avons fait pour le projet de loi de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Ce serait un signe fort pour l’agriculture française et pour l’Europe.

Votre proposition de loi, monsieur Chassaigne, a le mérite d’ouvrir le débat, mais nous allons naturellement nous y opposer, car l’adopter occulterait le débat que nous aurons en séance publique lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture. Or ce texte représente la dernière chance qui nous sera donnée de préparer notre agriculture à l’après-2013. Je vous invite à donc à préparer des amendements. Comme nous tous ici, vous êtes sincère. Il faut que cette sincérité se traduise par des actes forts. Renoncez à votre proposition de loi, et « nous irons tous au paradis » en votant la loi de modernisation de l’agriculture.

M. le rapporteur. Je ne sais pas si c’est le chemin de l’enfer ou du paradis qui est pavé de bonnes intentions, mais vos différentes interventions me prouvent que cette proposition de loi ne condamne pas à monter au Golgotha dans la douleur.

Certes, cette proposition de loi vous est présentée alors même que l’on engage un grand débat et une réflexion sur le projet de loi relatif à la modernisation de l’agriculture. Mais sachez que j’ai écrit au Président de la République pour attirer son attention sur le contenu de la proposition de loi et en lui rappelant que la loi de modernisation de l’agriculture ne sera opérationnelle qu’au début de l’été. D’ici là, combien d’installations, de projets d’investissements, de diversification ou de conversion vers des productions bénéficiant de signes d’identification de la qualité et de l’origine seront tout simplement enterrés ? Je ne sous-estime pas le travail accompli par le ministre de l’agriculture pour préparer la loi de modernisation de l’agriculture, mais il y a des mesures urgentes à prendre.

Les articles de cette proposition de loi relèvent davantage d’orientations que de propositions détaillées car il ne nous appartient pas, dans le cadre d’une niche parlementaire, de détailler les dispositions, comme le fera la LMA. Ces textes ne sont pas de même nature.

Certaines des dispositions que je vous propose sont non seulement consensuelles mais proposent la mise en œuvre d’outils permettant de répondre de façon urgente aux attentes de la profession. Toutes les dispositions de ce texte ont d’ailleurs été approuvées par l’ensemble des organisations syndicales.

Je prendrai quelques exemples. Tout d’abord, l’Observatoire des prix et des marges, bien qu’il fonctionne de fait, n’existe pas puisqu’il n’a aucune dimension législative et pourrait donc disparaître du jour au lendemain. L’inscrire dans la loi dès aujourd’hui ne serait pas en contradiction avec le projet de loi de modernisation de l’agriculture, car il doit dès aujourd’hui avoir des missions mieux définies et notamment s’intéresser aux prix à tous les échelons de la filière.

M. le président Patrick Ollier. Merci M. le rapporteur, nous allons passer à l’examen des articles.

M. André Chassaigne, rapporteur. Je vous invite solennellement, mes chers collègues, à vous déterminer article par article de façon à en approuver certains.

Monsieur le président, la réforme du règlement n’a pas instauré les niches parlementaires uniquement pour « faire beau ». Lorsque certains articles d’une proposition de loi font l’unanimité, il faut les voter, même si ce texte est présenté par l’opposition.

M. le président Patrick Ollier. Permettez-moi de relever une incohérence dans vos propos : la proposition de loi n’est pas inscrite à l’ordre du jour du Sénat, tandis que le projet de loi de modernisation de l’agriculture, lui, sera examiné par l’Assemblée et par le Sénat, et il a la certitude d’être voté.

M. François Brottes. Ce que vous venez de dire concernant les propositions de loi n’est pas acceptable, monsieur le président ! Vous semblez considérer que dans la mesure où un texte n’est pas encore inscrit au Sénat, il n’est pas utile d’en discuter.

M. le président Patrick Ollier. Je n’ai pas dit cela ! J’ai dit simplement que nous n’avons pas la certitude que cette proposition de loi sera inscrite au Sénat.

M. François Brottes. Je ne voudrais pas que l’on en déduise que l’opposition n’a plus le droit de déposer des propositions de loi. En tout cas, nous sommes favorables à l’adoption de celle-ci.

M. le président Patrick Ollier. Monsieur Brottes, six propositions de loi sont inscrites aujourd’hui à l’ordre du jour des commissions !

La Commission procède à l’examen des articles de la proposition de loi.

M. le président Patrick Ollier. Je ne suis saisi d’aucun amendement sur ce texte.

II.— EXAMEN DES ARTICLES

Chapitre Ier

GARANTIR DES PRIX RÉMUNÉRATEURS
POUR TOUS LES PRODUCTEURS

Le présent chapitre vise à renforcer les moyens dont disposent les pouvoirs publics au niveau national afin de permettre, comme l’a souhaité le chef de l’État, une répartition équitable de la valeur ajoutée au sein des filières. En effet, ces moyens existent déjà en grande partie dans notre arsenal juridique : il s’agit de l’observatoire des prix et des marges, du coefficient multiplicateur, des recommandations de prix émises par les interprofessions. En consolidant l’existant, en rendant plus systématique l’intervention publique en cas de crise conjoncturelle ou simplement en donnant aux acteurs les moyens de négocier une juste rémunération pour chacun à chaque étape de la commercialisation des produits, nous sommes à même d’apporter des garanties de prix rémunérateurs aux producteurs.

Article 1er

Observatoire des prix et des marges

L’observatoire des prix et des marges a été créé par les pouvoirs publics, en mars 2008, après l’adoption de la loi Chatel du 3 janvier 2008 (6) et avant l’examen par le Parlement du projet de loi de modernisation de l’économie. Sa création coïncide également avec l’emballement des cours des produits agricoles et la hausse des prix des produits alimentaires.

L’observatoire, qui est fourni par les chiffres transmis par les entreprises spécialisées mais qui est également destinataire des données issues des enquêtes de la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), analyse l’évolution des prix des produits de grande consommation (PGC), vendus par la grande distribution (alimentation, hygiène, droguerie, parfumerie), à l’exception des poissons frais (7). Deux types d’indicateurs sont pris en compte : l’évolution des prix réels payés (sortie de caisse) correspondant à la dépense effective des consommateurs (8) et l’évolution des prix affichés (9).

Depuis sa création, l’observatoire des prix et des marges produit ainsi mensuellement tableaux et analyses de l’évolution des prix. Il peut également réaliser des études spécifiques, comme en témoignent la publication d’éléments de comparaison de marges au sein de la filière agro-alimentaire en juillet 2008 ou encore les rapports produits en réponse à la saisine conjointe en juillet 2009 des ministres chargés de l’agriculture et de la consommation afférentes à la formation, la décomposition et l’évolution des prix de certains produits agricoles (10). Cette dernière mission a été réalisée avec l’aide de France Agri Mer (11) puis validée par le « comité de pilotage » de l’observatoire, co-présidé par M. Jean-Marc Bournigal, directeur général des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires (DGPAAT) au ministère de l’agriculture et Mme Nathalie Homobono, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

L’observatoire des prix et des marges constitue un instrument intéressant mais aujourd’hui relativement passif. En outre son existence n’est pas consacrée au niveau législatif : il reste donc un objet administratif non identifié, dont le gouvernement pourrait parfaitement se passer s’il le souhaitait. Le présent article vise donc à la fois à étendre ses prérogatives afin de le rendre véritablement opérationnel et à reconnaître son existence dans la loi.

À l’alinéa 1, il est tout d’abord indiqué qu’il est institué un observatoire des prix et des marges placé sous la tutelle des ministères chargés de l’agriculture et de la consommation. De la sorte, l’article consacre la pratique actuelle qui fait bénéficier l’observatoire des moyens de la DGCCRF et de France Agri Mer. Les missions actuelles de l’observatoire sont ensuite rappelées : « l’observatoire analyse les variations des prix des produits alimentaires et publie tous les mois des données sur les prix des produits de grande consommation vendus par la grande distribution ». Des précisions supplémentaires sont en outre apportées sur le contenu des travaux de l’observatoire : il est en effet proposé de lui assigner pour tâche spécifique de suivre l’évolution des prix et des marges pratiqués au sein des filières agricoles et agroalimentaires par type de produits et en tenant compte, le cas échéant, de certaines spécificités, comme l’origine géographique ou la reconnaissance par un signe d’identification de la qualité et de l’origine. En effet, seule une analyse aussi fine permettra d’avoir un tableau de bord précis de la répartition de la valeur au sein de chaque filière, susceptible de donner lieu à des corrections ou simplement d’orienter les agriculteurs qui le souhaitent vers des productions générant une meilleure plus-value.

Enfin, à l’alinéa 2, sont détaillées les missions spécifiques de l’observatoire des prix et des marges en période de crise conjoncturelle. Cette notion renvoie à la définition donnée à l’article L. 611-4 du code rural qui dispose que, pour les produits agricoles périssables (12), la situation de crise conjoncturelle « est constituée lorsque le prix de cession de ces produits par les producteurs ou leurs groupements reconnus est anormalement bas par rapport à la moyenne des prix observés lors des périodes correspondantes des cinq dernières campagnes, à l’exclusion des deux périodes au cours desquelles les prix ont été respectivement le plus bas et le plus élevé ». Ainsi, en cas de crise ou en prévision d’une crise, l’observatoire des prix et des marges aurait désormais la possibilité de proposer à l’autorité administrative, c'est-à-dire aux ministres compétents, l’instauration d’un coefficient multiplicateur, le mécanisme du coefficient multiplicateur étant lui-même rénové et étendu à l’article 2. L’observatoire des prix et des marges, ne serait plus ainsi un simple outil statistique, mais deviendrait une vraie force de proposition et d’impulsion des politiques publiques en cas de situation de crise objectivement avérée.

L’ensemble des missions de l’observatoire des prix et des marges se trouvent ainsi définies dans un même article de loi, qui pourrait d’ailleurs être ultérieurement codifié.

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La Commission rejette l’article 1er.

Article 2

Coefficient multiplicateur

(article L. 611-4-2 du code rural)

Le présent article vise à étendre l’application d’un dispositif introduit par l’article 23 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux issu d’un amendement sénatorial : le coefficient multiplicateur. Ce dispositif, qui fait l’objet de l’article L. 611-4-2 du code rural, ne concerne actuellement que les fruits et légumes et son déclenchement est laissé à la libre appréciation des ministres chargés de l’économie et de l’agriculture.

En période de crises conjoncturelles définies à l’article L. 611-4 du code rural (voir supra le commentaire de l’article 1er) ou en prévision de celles-ci, les ministres concernés peuvent en effet décider de l’application d’un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de vente des fruits et légumes périssables à un taux et pour une durée qu’ils définissent, dans la limite toutefois de trois mois. Les mêmes établissent la liste précise des produits visés par cette mesure.

Si, depuis l’instauration de ce dispositif, son activation a été évoquée à plusieurs reprises, jamais cette démarche n’a été concrétisée. L’idée selon laquelle le coefficient multiplicateur serait en quelque sorte une « arme de dissuasion » à l’égard des distributeurs a depuis été largement répandue, si bien qu’au plus fort de la crise des fruits et légumes cet été, il n’a même pas été question d’y avoir recours ! Les services du ministère de l’agriculture notaient cependant au mois de juillet une chute des prix par rapport à 2008 allant de 7 % pour les tomates en grappe à plus de 30 % pour les abricots et le Service des nouvelles des marchés relevait des cours « anormalement bas » pour cinq produits dont trois (abricot, courgette et poireau) présentant les symptômes d’une « crise conjoncturelle » susceptible de déclencher la mise en œuvre d’un coefficient multiplicateur. La seule réponse des pouvoirs publics fut d’autoriser à titre exceptionnel la vente directe de fruits et légumes à l’extérieur des magasins pour huit catégories de produits (melon, nectarine, poire d’été, abricot, poireau, courgette, artichaut et tomate) durant trois week-ends fin juillet et début août, autant dire quasiment rien.

Le coefficient multiplicateur, s’il était effectivement utilisé, serait cependant un outil très efficace pour éviter les situations dans lesquelles les producteurs sont obligés de travailler à perte. C’est la raison pour laquelle la présente proposition de loi propose de l’étendre à l’ensemble des produits agricoles et agroalimentaires périssables, tout en renforçant sa portée contraignante.

En conséquence, le présent article propose une réécriture de l’article L. 611-4-2 du code rural (alinéa 1). En premier lieu, il est indiqué que le coefficient multiplicateur s’applique « entre le prix d’achat et le prix de vente des produits agricoles et alimentaires périssables » et non plus des seuls fruits et légumes périssables (alinéa 2). La référence à l’article L. 611-4 du code rural définissant les crises conjoncturelles demeure mais il est précisé que le coefficient multiplicateur est instauré « sur la base des propositions de l’observatoire des prix et des marges ». Ainsi, non seulement celui-ci participera à la transparence des marchés agricoles en publiant des statistiques sur la constitution et l’évolution des prix et des marges, mais il participera également à l’élaboration de solutions à mettre en place en cas de crise. Ce mécanisme objectif de déclenchement du dispositif du coefficient multiplicateur constituera en outre une incitation supplémentaire pour les pouvoirs publics à ne pas fuir leurs responsabilités. Car si l’observatoire recommande l’instauration d’un coefficient multiplicateur et que les ministres compétents refusent, ces derniers devront s’en expliquer publiquement, alors qu’aujourd’hui ils n’ont pas à se justifier de leur inaction coupable.

À l’alinéa 3, sont reprises les dispositions actuelles du deuxième alinéa de l’article L. 611-4-2, à deux réserves près : les ministres chargés de l’économie et de l’agriculture devront à l’avenir, avant de décider du taux et de la durée du coefficient multiplicateur, consulter non seulement les organisations professionnelles concernées mais également les syndicats agricoles ; ensuite, la limitation à trois mois de l’application du coefficient multiplicateur est supprimée.

Enfin, l’alinéa 4 reprend à l’identique les dispositions du troisième alinéa de l’article L. 611-4-2 du code rural qui renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer les modalités d’application de cet article ainsi que les sanctions applicables en cas de méconnaissance de ses dispositions.

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La Commission rejette l’article 2.

Article 3

Prix minimum indicatif

À rebours de la décision de la DGCCRF d’avril 2008 condamnant la pratique du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL) visant à émettre des recommandations sur le prix du lait, décision ô combien fragile juridiquement, absurde économiquement, et qui a contribué à précipiter la filière dans la crise, le présent article vise en quelque sorte à généraliser cette pratique et autoriser les interprofessions à définir des prix minima indicatifs.

Le présent article contribue ainsi à revaloriser le rôle des interprofessions en leur donnant un véritable levier d’action pour organiser les relations commerciales au sein de chaque filière. Arrêter des recommandations de prix ou des prix minima indicatifs favorise en effet la concertation au sein des filières et permet de confronter les anticipations de chacun des acteurs afin d’aboutir à une vision partagée de la conjoncture qui permette de trouver un accord sur un juste prix des produits. Cette forme de régulation interne aux interprofessions permettrait d’éviter ou du moins d’amortir les excès auxquels les fluctuations de prix sur les marchés mondiaux ont pu donner lieu entre 2007 et 2009. En outre, dans la mesure où les recommandations restent des recommandations et où, dans le cas du présent article, le prix indicatif reste indicatif, il n’y a aucune raison de penser que le dispositif pourrait être contraire au droit de la concurrence.

Le présent article prévoit en conséquence qu’un prix minimum indicatif par production agricole est défini par l’interprofession compétente. Il précise que ce prix minimum indicatif fait l’objet d’une révision régulière (les recommandations du CNIEL étaient trimestrielles) notamment afin de « tenir compte de l’évolution des coûts de production et des revenus des producteurs ».

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La Commission rejette l’article 3.

Article 4

Prix plancher d’achat aux producteurs

Le présent article complète en quelque sorte l’article précédent en créant un prix plancher qui puisse en quelque sorte servir de référence à la définition du prix minimum indicatif et qui corresponde au prix en deçà duquel les producteurs ne peuvent plus dégager de revenu décent. Les deux dispositifs sont donc complémentaires.

Le prix plancher est également arrêté au niveau interprofessionnel, mais n’est pas destiné à être revu aussi régulièrement que le prix minimum indicatif, car il fait l’objet d’une «  négociation interprofessionnelle » plus large, qui a lieu dans le cadre d’une « conférence annuelle sur les prix » rassemblant producteurs, fournisseurs et distributeurs, organisée par chaque interprofession.

L’article prévoit en outre que sont conviés à y participer l’ensemble des syndicats agricoles. Cette précision est importante car elle permettra aux syndicats minoritaires qui ne siègent pas dans les interprofessions mais sont néanmoins représentatifs d’une partie de la profession agricole – on l’a vu notamment dans le secteur laitier où le mouvement de contestation a mis à jour les insuffisances du syndicat majoritaire dans lequel de nombreux producteurs ne se reconnaissent plus – de participer au moins à cette négociation annuelle. Comme l’a déclaré la Confédération paysanne à l’occasion de la grève du lait, « tous les syndicats doivent être représentés car tous les paysans doivent être défendus. Tous les producteurs sont indispensables pour demain » (13).

Étant donné l’importance des enjeux, certains conflits doivent en effet aujourd’hui être dépassés et un large rassemblement de toutes les parties prenantes doit être réalisé. Le présent article se limite en outre à ouvrir une petite brèche dans l’économie générale du dispositif interprofessionnel (14) en conviant les syndicats minoritaires à une négociation annuelle. Votre rapporteur estime néanmoins que, sur un strict plan juridique, le refus récemment opposé par le ministre Bruno Le Maire à l’entrée des syndicats minoritaires (Confédération paysanne, Coordination rurale, Mouvement de défense des exploitants familiaux, Association des producteurs de lait indépendants) dans l’interprofession laitière arguant du fait que le CNIEL est un organisme de droit privé qui définit seul ses modalités de fonctionnement (15) ne peut leur être valablement opposé dans la mesure où les interprofessions font l’objet d’une reconnaissance par l’autorité administrative et se voient accordées des prérogatives spécifiques par la loi. Il est donc logique qu’en retour, la puissance publique puisse avoir son mot à dire sur les modalités de fonctionnement de ces interprofessions.

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La Commission rejette l’article 4.

Chapitre II

DISPOSITIONS RELATIVES À LA MISE EN PLACE D’UN DISPOSITIF D’ALERTE ET DE MISE EN œUVRE DE MESURES D’URGENCE

Le présent chapitre tire les conséquences de l’instauration, à l’article 4, d’un « niveau plancher de prix d’achat aux producteurs ». En effet, ce prix, qui résulte d’un accord conclu au sein de chaque interprofession, désigne le prix en deçà duquel les producteurs ne peuvent plus gagner leur vie et donc percevoir un revenu décent en échange de leur production. Ce prix est un prix de référence : il doit ainsi servir d’indicateur pour la définition du prix minimum indicatif et des prix pratiqués dans les relations commerciales, mais il doit aussi constituer un signal d’action pour les pouvoirs publics. Le prix plancher n’est pas un prix administré qui s’impose aux acteurs économiques et il peut arriver que les prix s’effondrent et passent sous le niveau plancher préalablement fixé. C’est pourquoi, à l’instar du nouveau rôle de l’observatoire des prix et des marges dans l’activation du mécanisme du coefficient multiplicateur, le présent chapitre instaure un dispositif d’alerte économique et sociale dont le déclenchement est confié à France Agri Mer.

Article 5

Alerte économique et sociale

France Agri Mer, l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, est un établissement public placé sous la tutelle de l’État issu de la fusion des offices d’intervention agricoles (à l’exception de l’ODEADOM), auxquels s’est ensuite ajouté le Service des nouvelles des marchés (SNM). L’établissement est composé de « conseils de direction pléniers » représentant les anciens offices, dont les membres sont des représentants de la production, de l’industrie et du commerce mais également des consommateurs, des salariés et de l’État.

Les missions que remplit France Agri Mer, définies aux articles L. 621-2 et L. 621-3 du code rural, sont essentielles pour les agriculteurs. France Agri Mer participe en effet à une meilleure connaissance des marchés et contribue à un meilleur fonctionnement de ces derniers afin, notamment, d’ « assurer, en conformité avec les intérêts des consommateurs, une juste rémunération du travail des professionnels » (2° de l’article L. 621-3 du code rural). France Agri Mer dispose en outre de crédits d’intervention, malheureusement en forte diminution ces dernières années, qui contribuent très concrètement à orienter les productions et à soutenir les producteurs en cas de crise. En raison de sa fonction de veille économique sur les marchés, France Agri Mer n’ignore rien de la situation conjoncturelle dans le secteur agricole : il est donc logique de mettre cette compétence à profit pour alerter les pouvoirs publics en cas de crise. L’article L. 621-3 du code rural prévoit d’ailleurs explicitement dans son 7° qu’il appartient à l’établissement d’« alerter les pouvoirs publics en cas de crise, faire toute proposition appropriée et concourir à la mise en œuvre des solutions retenues par l'autorité administrative pour y faire face ».

Le présent article vise à compléter ces dispositions en introduisant un cas spécifique d’alerte dans les cas où « les prix d’achat aux producteurs franchissent les niveaux planchers définis par la conférence annuelle sur les prix organisée par chaque interprofession ». France Agri Mer peut alors adresser un « avis d’alerte économique et sociale à l’autorité administrative », sur proposition des syndicats et organisations professionnelles agricoles.

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La Commission rejette l’article 5.

Article 6

Mesures d’urgence

Le présent article définit les mesures concrètes susceptibles d’être mises en œuvre par les pouvoirs publics en cas d’alerte économique et sociale. Afin que la responsabilité financière de la gestion de crise ne repose pas uniquement, comme c’est souvent le cas, sur le contribuable, le présent article envisage une participation de tous les acteurs de l’économie agricole : banques, assurances et Mutualité sociale agricole. On peut ainsi imaginer qu’en cas d’alerte économique et sociale, le Gouvernement engage une action en vue d’obtenir des banques des prêts à des taux préférentiels et accordés dans des conditions favorables aux agriculteurs ou bien des reports d’échéances pour les prêts en cours ; quant aux assurances et à la MSA, elles pourraient concéder des reports de cotisations.

La mise en œuvre de ces mesures doit, au préalable, faire l’objet d’une concertation avec l’ensemble des syndicats et organisations professionnelles agricoles afin de faire en sorte que les mesures prises ne ratent pas leur cible et soient réellement conforme aux attentes du monde agricole.

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La Commission rejette l’article 6.

Chapitre III

UNE POLITIQUE EUROPÉENNE RÉGULATRICE

Dans ce dernier chapitre, la présente proposition de loi trace les grandes orientations de ce que devrait être la politique de la France au niveau européen. En effet, si les États ne sont pas totalement démunis face aux crises, la prévention de ces crises ne peut être mise en œuvre qu’à l’échelle européenne via une régulation des marchés. C’est la raison pour laquelle la France doit peser de tout son poids pour influer sur les réformes de la politique agricole commune qui sont aujourd’hui à l’étude dans la perspective de 2013. La France doit notamment plaider en faveur de la poursuite des objectifs auxquels répond la PAC aujourd’hui et du maintien des moyens qui lui sont alloués pour ce faire. Rappelons à cet égard que l’article 33 du traité instituant la Communauté européenne assigne à la PAC la mission d’assurer l’autosuffisance alimentaire de l’Europe en permettant une augmentation de la productivité agricole et en fournissant aux consommateurs des produits à un prix raisonnable, mais il lui impose également : « b) d’assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l’agriculture ; » et « c) de stabiliser les marchés ; ».

Article 7

Mise en œuvre au niveau communautaire de mesures visant à garantir
des prix rémunérateurs pour les producteurs

Le présent article vise à faire en sorte que la France soutienne au niveau communautaire l’adoption et l’application de toute mesure susceptible de garantir des prix rémunérateurs aux producteurs. Sont notamment citées à ce titre :

– la mise en place d’un prix minimum indicatif européen sur le modèle du prix minimum indicatif créé à l’article 3 de la présente proposition de loi. Il s’agit là d’un objectif très ambitieux qui devrait contribuer à réduire les cas de distorsions de concurrence qui se multiplient sur le marché intracommunautaire et dont sont plus particulièrement victimes les productions dont le coût dépend fortement de la main-d’œuvre, comme les fruits et légumes. Il est précisé que ce prix minimum indicatif devra « tenir compte des spécificités des différentes zones de production », c'est-à-dire être modulé en fonction des conditions de production sur les territoires, le prix des facteurs de production n’étant pas les mêmes selon que l’on se situe en plaine ou en montagne, dans des zones bien desservies ou défavorisées, et en fonction des conditions climatiques ;

– l’activation de « dispositions visant à appliquer le principe de préférence communautaire ». La notion de préférence communautaire revient comme un leitmotiv dans le discours politique depuis 2002, sans toutefois avoir une quelconque portée, faute d’être traduite en actes au niveau européen. Il s’agit pourtant simplement de rétablir une véritable équité dans les relations commerciales au niveau international, en imposant aux produits que nous importons de respecter strictement les mêmes contraintes de production que celles que nous exigeons de nos producteurs : conditions sociales bien sûr, mais également environnementales et sanitaires. Seule la mise en œuvre de mesures réglementaires ou douanières traduisant le principe de préférence communautaire sera en effet à même de mettre fin au dumping social, environnemental et sanitaire qui caractérise aujourd’hui la concurrence mondiale sur les produits agricoles au niveau mondial.

Le présent article évoque également l’adoption de « clauses de sauvegarde », qui existent déjà en cas de risque avéré pour la santé ou l’environnement, mais qui devraient être étendues aux risques économiques afin de protéger nos exploitations, dont un grand nombre pourrait disparaître faute de dégager un revenu suffisant. Enfin, la mise en œuvre de « tout autre mécanisme » concourant l’objectif de garantir des prix rémunérateurs aux producteurs doit également être promue.

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La Commission rejette l’article 7.

Article 8

Mise en œuvre de mécanismes de gestion de l’offre

Le présent article incite le gouvernement français à rester fidèle à sa position de toujours en faveur de la régulation des marchés agricoles, contre le dogme du libre marché promu par la Commission européenne. Les réformes initiées à partir de 1992 et renforcées en 1999, 2003 et 2008, en arrivent aujourd’hui à être contraires aux dispositions des traités fondateurs de la Communauté européenne sur la PAC. Ceux-ci prévoient en effet qu’il soit tenu compte dans l’élaboration de la politique agricole commune des spécificités du secteur agricole. Enfin qu’il s’agisse de ses caractéristiques inhérentes (forte volatilité des prix, étroitesse des marchés, faible élasticité de la demande) ou de ses finalités multiples (production alimentaire mais également production de biens publics : préservation de l’environnement, entretien des paysages, maintien d’une vie rurale), le secteur agricole n’est comparable à aucun autre secteur de production et justifie le maintien de protections spécifiques.

À l’encontre des réformes prônées par la Commission européenne afin de permettre aux agriculteurs de « répondre aux signaux » du marché mondial, totalement influencés par la spéculation et complètement déconnectés de la demande réelle sur le marché intérieur, la France doit promouvoir « la mise en œuvre de mécanismes de régulation » au niveau communautaire et notamment ne pas renoncer à réclamer le maintien de quotas – la crise laitière illustrant à cet égard la nécessité d’instruments efficaces de gestion de l’offre – voire leur création dans d’autres productions, et à exiger non seulement que soient conservés des mécanismes d’intervention (stockage public) mais que ceux-ci soient réellement et pleinement activés lorsque la situation sur les marchés le justifie.

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* *

La Commission rejette l’article 8.

Article 9

Mise en œuvre d’un programme européen d’aide alimentaire

L’Union européenne dans son ensemble (les États membres et la Commission) est l’un des principaux donateurs d’aide humanitaire au niveau mondial. Modeste à l’origine, l’aide apportée par la Commission européenne a rapidement augmenté au point d’atteindre un poids similaire à la somme des aides bilatérales de tous les États membres : cela représente aujourd’hui un budget comparable à la totalité de l’aide humanitaire des États-Unis. Toutefois, il ne s’agit là que d’une aide financière (16).

La politique américaine dans ce domaine est tout à fait différente : ainsi, les États-Unis fournissent annuellement plus de la moitié de l’aide alimentaire mondiale. Quand elle ne prend pas la forme d’une aide « monétisée » (17), la presque totalité de l’aide alimentaire américaine est versée sous la forme de transferts directs de céréales, d’huile alimentaire et de légumineuses provenant de producteurs américains. En 2006, par exemple, seuls 1,4 % de l’aide américaine s’est matérialisée par des achats auprès des producteurs locaux contre 96 % de l’aide de la Commission européenne. Nos modalités d’intervention sont donc beaucoup plus vertueuses et beaucoup plus respectueuses pour les économies locales que les voies empruntées par les États-Unis pour écouler leurs surplus de production tout en versant une rémunération à leurs producteurs.  

Néanmoins, avec la fin programmée des restitutions aux exportations et la réduction des mécanismes d’intervention sur le marché communautaire, on ne peut que s’interroger sur les modalités de gestion à l’avenir des excédents agricoles européens.

On constate en outre que, parallèlement, les États-Unis n’ont quant à eux pas l’intention de renoncer à leur programme d’aide alimentaire national (food stamps) et international qui constitue une part financièrement très importante de leur politique agricole, qui repose par ailleurs sur un Farm Bill très généreux :

– mécanismes de soutien par les prix accompagnés de quotas d’importation ou de taxes à l’importation pour le sucre et le lait ;

– soutien au revenu des producteurs avec les marketing loans, des aides directes ainsi que des aides contra-cycliques ;

– aides indirectes (soutien à la production d’éthanol, garanties de crédit à l’export et promotion des exportations) ;

– financement de la gestion des risques, avec notamment une prise en charge des primes d’assurance récolte.

Ainsi, on ne s’étonnera pas qu’aux États-Unis, les revenus des ménages dans le secteur agricole soient supérieurs aux revenus moyens des ménages américains : 80 000 dollars contre 68 000 dollars en 2006 (18), des chiffres qui laissent rêveur.

Enfin, la volatilité accrue des prix sur les marchés agricoles mondiaux accroît l’insécurité alimentaire en renchérissant le coût des denrées alimentaires et contribue à gonfler les chiffres de la faim dans le monde. Le rapporteur des Nations unies pour le droit à l’alimentation, M. Olivier de Schutter, soulignait à cet égard récemment que « depuis juin 2008, les prix agricoles ont fortement baissé sur les marchés internationaux. Mais sur les marchés locaux des pays en développement, ils restent bien plus élevés qu'il y a deux ou trois ans » (19).Dans ce cas, pourquoi ne pas proposer de mettre à disposition du programme alimentaire mondial, s’il la juge utile, une partie de nos productions excédentaires ?

Le présent article propose donc l’instauration d’un « programme européen d’aide alimentaire destiné à mettre à la disposition du programme alimentaire mondial une partie des surplus de production européens ». Il cite notamment l’exemple du lait : en effet, face au démantèlement des quotas laitiers, la menace d’une surproduction risque de réapparaître. Il serait alors honteux pour l’Europe de gaspiller ces surplus au lieu d’en faire bénéficier en cas de besoin les millions d’enfants victimes de malnutrition dans le monde.

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La Commission rejette l’article 9.

Article 10

Gage

Le présent article contient des dispositions de nature financière visant à neutraliser les éventuelles conséquences pour le budget de l’État ou des organismes sociaux, que pourrait avoir l’adoption des dispositions de la proposition de loi en prévoyant l’instauration d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts (droits sur les tabacs) et une majoration de ceux-ci.

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La Commission rejette l’article 10.

Puis la Commission rejette l’ensemble de la proposition de loi.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, je m’abstiens !

M. le président Patrick Ollier. Je prends acte de l’abstention de M. Dionis du Séjour.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Propositions de la Commission

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CHAPITRE IER

 
 

Garantir des prix rémunérateurs pour tous les producteurs

 
 

Article 1er

 
 

Il est institué un observatoire des prix et des marges placé sous la tutelle des ministères chargés de l’agriculture et de la consommation. L’observatoire analyse les variations des prix des produits alimentaires et publie tous les mois des données sur les prix des produits de grande consommation vendus par la grande distribution. Il opère un suivi régulier de l’ensemble des prix et des marges pratiqués par tous les acteurs au sein de chaque filière agricole et agroalimentaire, en distinguant les prix et les marges pratiqués par type de produits au sein d’une même production, en fonction notamment de l’origine géographique ou de la reconnaissance par un signe d’identification de la qualité et de l’origine de ces produits.

 
 

En période de crises conjoncturelles définies à l’article L. 611-4 du code rural ou en prévision de celles-ci, l’observatoire peut proposer à l’autorité administrative l’instauration d’un coefficient multiplicateur.

 
 

Article 2

 

Code rural

Partie législative

Livre VI : Production et marchés

Titre Ier : Dispositions générales.

L’article L. 611-4-2 du code rural est ainsi rédigé :

 

Art. L. 611-4-2. – Un coefficient multiplicateur entre le prix d'achat et le prix de vente des fruits et légumes périssables peut être instauré en période de crises conjoncturelles définies à l'article L. 611-4 ou en prévision de celles-ci. Ce coefficient multiplicateur est supérieur lorsqu'il y a vente assistée.

« Art. L. 611-4-2. – Un coeffi-cient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de vente des produits agricoles et alimentaires périssables peut être instauré en période de crises conjoncturelles, définies à l’article L. 611-4 ou en prévision de celles-ci, sur la base des propositions de l’observatoire des prix et des marges. Ce coefficient multiplicateur est supérieur lorsqu’il y a vente assistée.

 

Les ministres chargés de l'économie et de l'agriculture fixent le taux du coefficient multiplicateur, sa durée d'application, dans une limite qui ne peut excéder trois mois, et les produits visés après consultation des organisations professionnelles agricoles.

Après consultation des syndicats et organisations professionnelles agricoles, les ministres chargés de l’économie et de l’agriculture fixent le taux du coefficient multiplicateur, sa durée d’application et les produits visés.

 

Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article et les sanctions applicables en cas de méconnaissance de ses dispositions.

Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article et les sanctions applicables en cas de méconnaissance de ses dispositions.

 
 

Article 3

 
 

Un prix minimum indicatif est défini pour chaque production agricole par l’interprofession compétente. Ce prix minimum indicatif est revu régulièrement afin, notamment, de tenir compte de l’évolution des coûts de production et des revenus des producteurs.

 
 

Article 4

 
 

Une conférence annuelle sur les prix rassemblant producteurs, fournisseurs et distributeurs est organisée annuellement pour chaque production agricole par l’interprofession compétente. L’ensemble des syndicats agricoles sont conviés à y participer. Cette conférence donne lieu à une négociation interprofessionnelle sur les prix destinée, notamment, à fixer un niveau plancher de prix d’achat aux producteurs.

 
 

CHAPITRE II

 
 

Dispositions relatives à la mise en place d’un dispositif
d’alerte et de mise en
œuvre de mesures d’urgence

 
 

Article 5

 
 

L’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer peut, sur proposition des syndicats et organisations professionnelles agricoles représentatifs, adresser un avis d’alerte économique et sociale à l’autorité administrative dès lors que les prix d’achat aux producteurs franchissent les niveaux planchers définis par la conférence annuelle sur les prix organisée par chaque interprofession.

 
 

Article 6

 
 

Lorsqu’un avis d’alerte économique et sociale est adressé à l’autorité administrative, des mesures d’urgence mettant à contribution le secteur bancaire et assurantiel et la mutualité sociale agricole peuvent être mises en œuvre, après concertation avec l’ensemble des syndicats et organisations professionnelles agricoles.

 
 

CHAPITRE III

 
 

Une politique européenne régulatrice

 
 

Article 7

 
 

La France promeut au niveau communautaire la mise en œuvre de toutes les mesures permettant de garantir des prix rémunérateurs aux producteurs : mise en place d’un prix minimum indicatif européen pour chaque production prenant en compte les spécificités des différentes zones de production, activation de dispositions visant à appliquer le principe de préférence communautaire, mise en œuvre de clauses de sauvegarde ou tout autre mécanisme concourant à cet objectif.

 
 

Article 8

 
 

La France promeut au niveau communautaire la mise en œuvre de mécanismes de régulation, notamment le maintien ou la création de quotas pour certaines productions et l’activation d’outils de stockage public de productions agricoles et alimentaires.

 
 

Article 9

 
 

La France promeut au niveau communautaire l’activation d’un programme européen d’aide alimentaire destiné à mettre à la disposition du programme alimentaire mondial une partie des surplus de production européens, notamment laitiers, afin de lutter contre la malnutrition dont sont victimes des millions d’enfants dans le monde.

 
 

Article 10

 
 

Les charges qui pourraient résulter de l’application de la présente loi pour l’État sont compensées à due concurrence par une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A.

 
 

Les pertes de recettes et charges qui pourraient résulter de l’application de la présente loi pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A.

 
     

ANNEXE

ÉLÉMENTS D’INFORMATION SUR LE DROIT EUROPÉEN APPLICABLE OU EN COURS D’ÉLABORATION

(Transmis par la commission des affaires européennes)

Éléments d’information sur le droit de l’Union européenne applicable ou en cours d’élaboration

(application de l’article 86, paragraphe 7 du Règlement)

Proposition de loi de M. André Chassaigne et les députés du groupe GDR sur le droit au revenu des agriculteurs (n° 1992)

Droit européen de la concurrence et agriculture

I. Droit européen de la concurrence

Les articles 101 et suivants du traité sur l’Union européenne (anciennement articles 81 et suivants) interdisent les ententes et les abus de position dominante :

– les ententes

Par le terme « entente », on désigne notamment tout partage de marché, fixation de quota de production ou accord sur les prix entre entreprises pour les maintenir artificiellement élevés. Ces différents comportements faussent le marché, au détriment des consommateurs et des autres producteurs. Un régime d'exemption peut cependant autoriser un certain type de coopération qui améliore la distribution de produits ou permet le progrès technique, dans un secteur d'activité donné.

– les abus de position dominante

Lorsqu'une entreprise domine un marché donné, elle peut avoir tendance à profiter de cette situation pour imposer des conditions de vente déloyales : prix abusifs, accords de vente exclusifs, primes de fidélité visant à détourner les fournisseurs de leurs concurrents. On parle alors d'abus de position dominante. Le droit communautaire de la concurrence ne sanctionne pas les positions dominantes en tant que telles mais seulement leurs abus.

Par ailleurs le Traité institue un contrôle des concentrations. Une concentration d'entreprises n'est pas interdite en soi, sauf si celle-ci crée ou renforce une position dominante susceptible de déboucher sur des abus. On parle de concentration lorsque plusieurs entreprises fusionnent pour donner naissance à une nouvelle firme (fusion) ou lorsqu'une entreprise en rachète une autre (acquisition). A l'origine, ce contrôle n'était pas prévu par le traité. L'accroissement des rapprochements d'entreprises au sein du marché commun (parfois dans le but d'échapper à la législation sur les ententes) a rendu nécessaire l'intervention communautaire. Celle-ci est longtemps demeurée informelle. Le règlement n°4064/89 du 21 décembre 1989 en a posé les fondements juridiques, remplacé en 2004 par le règlement n°139/2004. Le contrôle des concentrations est en quelque sorte un contrôle par anticipation des abus de position dominante. Conformément au principe d'attribution des compétences, la Commission intervient uniquement si les rapprochements envisagés ont une dimension communautaire.

II. Droit européen de la concurrence appliqué à l’agriculture

Les spécificités de l’application du droit de la concurrence en agriculture résultent de l’articulation de plusieurs textes communautaires. L’article 42 du Traité sur l’Union européenne (ancien article 36) laisse au Conseil et au Parlement européen le soin de déterminer dans quelle mesure les règles communautaires de concurrence s’appliquent à la production et au commerce des produits agricoles, en tenant compte des objectifs de la politique agricole commune (PAC). Ces objectifs, énumérés par l’article 39 (anciennement 33), sont les suivants: accroissement de la productivité, garantie apportée à la population agricole d’un niveau de vie équitable, stabilisation des marchés, sécurité d’approvisionnement et prix raisonnable pour le consommateur.

Le règlement (CE) n°1184 /2006 du Conseil du 24 juillet 2006 portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles prévoit trois exceptions au droit de la concurrence : celles s’insérant dans une organisation nationale de marché, celles nécessaires à la réalisation des objectifs de la PAC dans le cadre des organisations communes de marché et celles entre exploitants agricoles et coopératives les regroupant. Ces exceptions sont strictement encadrées.

Les accords dans le cadre d’une organisation nationale de marché sont interprétés de façon très restrictive, dans la mesure où la Commission a une marge d’appréciation importante. En 1974, dans l’affaire Frubo (20), la Cour de Justice des Communautés européennes avait approuvé la Commission pour avoir sanctionné un accord imposant une exclusivité d’approvisionnement en fruits et légumes sur les places de ventes aux enchères, au motif que l’accord n’était pas indispensable pour assurer la productivité de l’agriculture ou pour assurer un niveau de vie équitable pour la population agricole. En 1995 (21), la Cour a jugé contraires au droit de la concurrence certaines dispositions statutaires de sociétés coopératives laitières qui imposaient le paiement d’une indemnité de départ aux adhérents désireux de quitter la coopérative. Elle a en effet estimé que si des restrictions pouvaient être imposées aux adhérents pour garantir leur fidélité et constituer en cela un facteur d’efficacité, elles ne pouvaient excéder ce qui est nécessaire pour garantir le bon fonctionnement de la coopérative et en particulier, lui garantir une base commerciale suffisamment large et une certaine stabilité de la participation sociale.

Plus récemment, en 2003, l’affaire de la viande bovine française a eu un fort retentissement. Alors que ce secteur traversait une crise sanitaire et économique grave, les autorités françaises avaient pris des mesures pour tenter de rééquilibrer la situation : suspension des importations et application d’une grille de prix d’achat minimum de la viande par les transformateurs. La Commission européenne a estimé dans une décision du 2 avril 2003, confirmée par le Tribunal de première instance (22), dont l’arrêt fait l’objet d’un recours devant la Cour, que ces mesures constituaient une violation de deux principes fondateurs du droit communautaire, la libre circulation des marchandises et la liberté des prix.

Dans le rapport d’information sur la filière laitière (23), le Sénat fait l’analyse suivante : « Les accords passés dans ce cadre ne sont pas considérés comme licites s’ils ne sont ni le seul moyen ni le meilleur pour atteindre les objectifs de la politique agricole commune. Un accord conclu dans une organisation nationale de marché doit par ailleurs favoriser la réalisation de l’ensemble des objectifs de la PAC et pas seulement quelques uns d’entre eux, condition qu’il est très difficile de remplir. En tout état de cause, comme l’a montré l’affaire de la viande bovine en 2003, des accords sur les prix constituent des infractions au droit de la concurrence systématiquement sanctionnées ».

Les organisations communes de marché (24) (OCM) prévoient des règles particulières portant notamment sur les normes de commercialisation, la mise en place d’organisations de producteurs autorisées à réguler l’offre et les mises sur le marché des produits, à optimiser les coûts de production, à mettre en place des contrats types, à promouvoir la qualité des produits et à orienter la production vers certains débouchés. Les dispositions contenues dans les OCM exemptent ce type d’activités de l’application du droit de la concurrence, mais à des conditions strictes. Sont ainsi interdits les accords de cloisonnement de marché, les distorsions de concurrence non nécessaires à la satisfaction des tous les objectifs de la PAC et les mesures aboutissant à la fixation des prix ou à des discriminations. Les marges de manœuvre sont donc quasiment nulles pour mettre en œuvre des accords ou pratiques se réclamant des objectifs de la PAC, qui sont supposés être contenus dans l’OCM.

Les producteurs peuvent se regrouper dans le cadre d’organisations de producteurs (OP) relevant d’un seul Etat membre et conclure ainsi des accords qui, sans fixer de prix déterminé, concernent la production ou la vente de produits, ou l’utilisation d’installations communes (stockage, traitement, transformation). Si les OP sont en principe admises dans tous les secteurs agricoles, le règlement communautaire ne l’organise que dans certains secteurs : houblon, huiles d’olive et de table, fruits et légumes et vins.

Les secteurs agricoles peuvent, comme tout secteur économique, déroger au droit de la concurrence si quatre conditions posées par l’article 101 du Traité sont réunies : contribuer à améliorer la production ou la distribution de produits ou promouvoir le progrès technique ou économique ; réserver aux producteurs une part équitable du profit ; ne pas imposer aux entreprises des restrictions non indispensables aux objectifs précités et ne pas donner à des entreprises la possibilité d’éliminer la concurrence.

Sur la base de ces principes, en France, l’Autorité de la concurrence a rendu plusieurs avis, notamment en 2008 sur l’organisation économique de la filière « Fruits et légumes » (25). Rappelant le caractère fragmenté, aléatoire et non stockable des produits en cause, l’Autorité de la concurrence (ex Conseil de la concurrence) conclut que l’inélasticité de l’offre peut entraîner une forte volatilité des prix susceptible de provoquer des problèmes de trésorerie pour les producteurs qui sont confrontés en outre à un rapport de force inégal avec les producteurs. Dans ce contexte, l’Autorité de la concurrence se montre favorable aux associations d’organisations de producteurs de commercialisation mais rappelle que l’OCM pose une limite à cette concentration de l’offre, à savoir l’interdiction d’aboutir à une position dominante. De même, elle ne voit pas d’inconvénient à ce que les producteurs procèdent à un échange d’informations régulier et détaillé, au motif que le marché n’est pas oligopolistique au niveau de l’offre et que les échanges d’information seraient dés lors probablement générateurs de faibles effets négatifs, en raison du caractère atomisé du marché et de l’absence de barrières à l’entrée. Un raisonnement similaire avait été suivi en 2002 (26) dans un avis portant sur un contrat cadre relatif à la situation du marché de la pêche et de la nectarine, le Conseil de la concurrence estimant que les échanges d’informations qui seraient prohibés en situation normale parce qu’ils auraient pour objet de restreindre volontairement l’accès au marché des produits pour faire face à une chute des prix de cession, s’inscrivaient ici dans un contexte de programmation des mises en production et des apports qui sont l’essence même de l’activité des OCM. Cependant, est affirmée l’opposition à toute démarche qui pourrait aboutir à la fixation de prix en commun. Cette pratique avait été sanctionnée dans le cadre d’un barème de prix agricoles pour le séchage du maïs (27) et d’un mécanisme de prix de cession à la première mise en marché (avis précité du 1er octobre 2002). Le rapport précité du Sénat indique que « l’interprétation très stricte de ces conditions ne permet pas d’appliquer cette exemption de droit commun aux pratiques de régulation des marchés agricoles, en particulier aux pratiques d’encadrement des prix. Une exemption notable reste cependant admise : les accords fixant des prix minimum à la production en échanges d’exigences de qualité particulière, à condition que la concurrence entre filières de qualité demeure et que la fixation du prix au niveau du consommateur reste libre, n’ont pas été condamnées par les autorités nationale ou européenne de la concurrence ».

Dans son avis du 2 octobre 2009 (28) sur le secteur laitier, l’Autorité de la concurrence estime que « sans préjuger de ce que l’examen d’une saisine contentieuse révélerait, l’émission de recommandations de prix au niveau national, voire au niveau régional, par l’Interprofession présente un réel risque juridique au regard des règles de la concurrence ».

© Assemblée nationale

1 () Le Monde, 9-10 décembre 2007.

2 () En raison des cycles de production liés à la nature, toute augmentation ou diminution de l’offre prend du temps et risque de se produire à contretemps ; une variation parfois minime de la demande peut avoir des conséquences majeures pour des produits qui se consomment frais et ne se conservent pas ou très peu.

3 () Voir le développement de Philippe Caraës dans « L’agriculture française au cœur de la crise économique », Chambres d’agriculture, n° 986, octobre 2009.

4 () M. Olivier de Schutter. rapporteur des Nations unies pour le droit à l’alimentation, dans un entretien au Monde en date du 16/11/2009.

5 () Article 33 du Traité instituant la Communauté Européenne.

6 () Loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.

7 () Concernant les prix du poisson frais, les observations portent à partir d'août 2008 sur différentes espèces de poisson de consommation courante. Les données considérées sont les prix moyens mensuels de chacune de ces espèces, relevés en grandes et moyennes surfaces (hypermarchés et supermarchés). La source de ces données est le Service des nouvelles des marchés (SNM).

8 () L’observation porte sur 100 000 références constantes observés dans 5 700 grandes surfaces, avec une moyenne de 13 000 références par magasin, soit environ 75 millions de prix par mois observés.

9 () Pour 200 000 références constantes observées dans 5 700 magasins, correspondant à la variation des étiquettes visible par le consommateur dans les rayons.

10 () Filière porc, filière fruits et légumes et filière lait.

11 () France Agri Mer est le nom courant donné à l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, qui regroupe désormais l’ensemble des offices agricoles, à l’exception de l’ODEADOM.

12 () L’article L. 441-2-1 du code de commerce, auquel renvoie l’article L. 611-4 du code rural, vise plus précisément « les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses ou (…) les produits de la pêche et de l'aquaculture, figurant sur une liste établie par décret ».

13 () Citation reprise dans Agra Presse Hebdo, lundi 19 octobre 2009.

14 () Articles L. 632-1 à L. 632-11 du code rural.

15 () Entretien accordé à Agra Presse Hebdo le 26 octobre 2009.

16 () La direction générale de l’aide humanitaire de la Commission européenne (DG ECHO) ne met pas elle-même en œuvre de programmes d’assistance : elle agit en tant que donateur qui exerce sa mission en finançant les actions humanitaires de la Communauté par l’intermédiaire de partenaires qui ont signé un contrat-cadre de partenariat (ONG, organisations internationales) ou un accord-cadre financier et administratif (agences des Nations unies).

17 () Ce terme désigne l’achat de denrées alimentaires à prix subventionnés dans le pays donateur et la vente de ces denrées dans le pays bénéficiaire, en vue de générer des fonds pour financer des projets de développement.

18 () Chiffres du département agricole américain (USDA), transmis à l’occasion de l’audition de la ministre-conseiller aux affaires agricoles de l’ambassade des États-Unis en France, Mme Elisabeth Berry, sur le Farm Bill (audition du groupe de travail sur le bilan de santé de la PAC, le 15 janvier 2008).

19 () Entretien accordé au journal Le Monde le 16 novembre 2009.

20 () CJCE, 15 mai 1975, aff ,71/74, Frubo.

21 () CJCE, 12 décembre 1995, aff. , C-265/95, H.G.Oude Luttikhuis.

22 () Aff.jts. T-217/03.

23 () « Filière laitière : à la recherche d’une nouvelle régulation ». Rapport d’information n° 73 de M. Jean-Paul Emorine et Gérard Bailly au nom de la Commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

24 () Réunies depuis 2007 dans une OCM unique.

25 () Avis n°08-A-07 du 8 mai 2008.

26 () Avis n°02-A-12 di 1er octobre 2002.

27 () Décision n°07-D-16 du 9 mai 2007.

28 () Avis n°09-A-48 du 2 octobre 2009.