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N° 2089

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 novembre 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (N° 1654) DE MM. CHRISTOPHE CARESCHE et GUY GEOFFROY, RAPPORTEURS DE LA COMMISSION CHARGÉE DES AFFAIRES EUROPÉENNES, sur la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle (COM [2008] 426 final/n° E 3918),

PAR M. Guy GEOFFROY,

Député.

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Voir le numéro : Assemblée nationale : 1654

INTRODUCTION 5

I. UNE DIRECTIVE NÉCESSAIRE POUR COMPLÉTER LE DISPOSITIF COMMUNAUTAIRE DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS 7

A. UN DISPOSITIF COMMUNAUTAIRE DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS DANS LE CHAMP PROFESSIONNEL ANCIEN ET COMPLET 7

B. UN DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS PARTIEL EN DEHORS DU CHAMP PROFESSIONNEL 8

C. UNE NOUVELLE PROPOSITION DE DIRECTIVE DESTINÉE À COMBLER LES LACUNES DE L’ACTUEL DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS 10

II. UNE PROPOSITION DE DIRECTIVE COMPORTANT DES IMPERFECTIONS DEVANT ÊTRE CORRIGÉES 10

A. LA RÉSOLUTION DU SÉNAT DU 17 NOVEMBRE 2008 10

B. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION CHARGÉE DES AFFAIRES EUROPÉENNES DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE 12

1. Améliorer la rédaction et les définitions de la directive 13

2. Définir le champ d’application de la directive d’une manière plus conforme au traité 13

3. Apporter les précisions nécessaires pour garantir, conformément au principe de subsidiarité et au traité, le plein respect des compétences des États membres 14

4. Améliorer les dispositions relatives à l’interdiction des discriminations selon l’âge 15

5. Améliorer et clarifier les dispositions relatives au handicap 16

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : LA NÉCESSAIRE PRISE EN COMPTE DES AMÉLIORATIONS DEMANDÉES PAR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION 17

A. LES DIFFICULTÉS SOULEVÉES PAR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DOIVENT ÊTRE PRISES EN COMPTE PAR LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS DANS LE CADRE DES NÉGOCIATIONS ACTUELLES 17

B. LA NÉCESSITÉ D’UNE DOUBLE APPROCHE PHILOSOPHIQUE ET JURIDIQUE DE L’ÉGALITÉ DE TRAITEMENT 18

EXAMEN EN COMMISSION 21

PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION SUR LA MISE EN œUVRE DU PRINCIPE DE L’ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ENTRE LES PERSONNES SANS DISTINCTION DE RELIGION OU DE CONVICTIONS, DE HANDICAP, D’ÂGE OU D’ORIENTATION SEXUELLE 25

Mesdames, Messieurs,

La commission des Lois est saisie, en application de l’article 88-4 de la Constitution, d’une proposition de résolution que votre rapporteur a eu l’honneur de déposer au nom de la commission chargée des affaires européennes, le 11 février 2009, sur la proposition de directive du Conseil sur la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle (COM [2008] 426 final/n° E 3918).

La proposition de résolution ayant été renvoyée à notre Commission avant l’entrée en vigueur du nouveau Règlement de l’Assemblée nationale, le 25 juin 2009, les dispositions du nouvel article 151-6 (1) ne s’appliquent pas à elle. En conséquence, la commission des Lois doit examiner et adopter la proposition de résolution afin qu’elle puisse devenir définitive.

Le principe de l’égalité de traitement et la lutte contre les discriminations font incontestablement partie des valeurs de l’Union européenne comme de la République française. En France, le principe d’égalité est l’un des trois principes fondateurs de notre République, issu de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Les développements historiques du principe d’égalité ont guidé des évolutions telles que l’abolition de l’esclavage, l’élargissement progressif du droit de vote jusqu’au suffrage universel et la reconnaissance de l’égalité entre les femmes et les hommes.

En ce qui concerne l’Europe, le principe de l’égalité de traitement et la lutte contre les discriminations ont, dès l’origine, fait partie des objectifs poursuivis par les pères fondateurs de la Communauté économique européenne. Ainsi, le principe de la lutte contre la discrimination salariale entre les femmes et les hommes figurait déjà dans le traité de Rome en 1957. Ensuite, la Communauté européenne a adopté plusieurs directives en matière de lutte contre les discriminations, à partir de 1975. Initialement limitée au domaine salarial sur la base du traité de Rome, son intervention s’est ensuite progressivement étendue à l’ensemble des questions d’emploi puis au-delà de ces seules questions, à une grande partie des discriminations, d’abord sous l’effet des décisions de la Cour de justice des communautés européennes et, ensuite, grâce au protocole sur l’Europe sociale annexé au traité de Maastricht et aux ajouts du traité d’Amsterdam en 1997. En effet, ce dernier traité a complété le dispositif, en posant les bases juridiques d’un dispositif de lutte contre toutes les formes de discriminations.

Adoptée par la Commission européenne le 4 juillet 2008, la proposition de directive du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle, qui fait l’objet de la proposition de résolution qui nous est soumise, s’inscrit parfaitement dans cette perspective, puisqu’elle vise à compléter l’ensemble constitué des actuelles directives en vigueur.

Cette directive apparaît nécessaire en vue de compléter le dispositif communautaire de lutte contre les discriminations (I). Cependant, elle doit voir ses imperfections corrigées et son dispositif clarifié et sécurisé, afin de permettre la pleine efficacité de sa mise en œuvre, dans le respect des compétences propres aux États membres et du principe de subsidiarité (II). Compte tenu de la double nécessité d’adopter une nouvelle directive et d’améliorer la proposition de directive en discussion, la position de votre Commission sera celle d’un soutien à la proposition de directive sous réserve qu’elle soit nettement améliorée sur les points mis en exergue par la proposition de résolution (III).

I. UNE DIRECTIVE NÉCESSAIRE POUR COMPLÉTER LE DISPOSITIF COMMUNAUTAIRE DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS

Le dispositif communautaire de lutte contre les discriminations dans le champ professionnel est ancien et, de ce fait, très complet (A). En revanche, la protection reste partielle en dehors du champ professionnel (B). C’est afin de combler les lacunes du dispositif que la Commission européenne a élaboré et proposé une nouvelle proposition de directive sur la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle.

A. UN DISPOSITIF COMMUNAUTAIRE DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS DANS LE CHAMP PROFESSIONNEL ANCIEN ET COMPLET

Le premier champ couvert par ce dispositif a été, à l’origine, la lutte contre les discriminations salariales et professionnelles à l’encontre des femmes, sur la base de trois fondements juridiques :

● Tout d’abord, l’article 119 du traité de Rome avait ainsi prévu le principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes. Cette disposition, intégrée dans un traité à caractère économique, permettait de lutter contre les distorsions de concurrence pouvant résulter de différences salariales importantes entre les femmes et les hommes ;

● Ensuite, l’article 94 de ce même traité, en permettant au Conseil de prendre à l’unanimité des directives destinées à assurer le rapprochement des législations ayant une incidence sur le fonctionnement du marché commun, a conduit à l’adoption de plusieurs textes permettant de lutter contre les discriminations ;

● Enfin, l’article 308 autorisant le Conseil, dans les mêmes conditions d’unanimité, à prendre des mesures pour réaliser un des objets de la Communauté dans des domaines où aucun pouvoir d’action n’est prévu, a également permis l’adoption de textes dans ce domaine.

Plusieurs textes communautaires, encore actuellement en vigueur, sont progressivement intervenus pour assurer l’égalité entre les genres dans le travail et l’emploi ainsi que, plus largement, dans le domaine social : la directive 75/117/CEE du 10 février 1975 qui ne concerne que l’égalité des rémunérations, ultérieurement modifiée par la directive 2002/73/CE ; la directive 76/207/CEE du 9 février 1976 sur l’accès à l’emploi, à la formation, à la promotion professionnelle et sur les conditions de travail ; la directive 79/7/CEE du 9 décembre 1978 concernant les régimes légaux de sécurité sociale ; la directive 86/378/CEE du 24 juillet 1986 relative aux régimes professionnels de sécurité sociale ; la directive 86/613/CEE du 11 décembre 1986 appliquant les règles précédemment établies aux travailleurs indépendants, y compris aux travailleurs agricoles.

S’agissant de la mise en œuvre du principe, la directive 97/80/CE du 15 décembre 1997 a aménagé la règle de la preuve, pour la transférer au défendeur, dans certaines circonstances. Ce renversement de la charge de la preuve s’exerce en pratique en faveur du salarié qui s’estime lésé, face à l’employeur.

Dans un deuxième temps, le dispositif de lutte contre les discriminations s’est étendu à l’interdiction de toutes les formes de discriminations dans l’emploi.

Tout d’abord, en 1992, le protocole sur l’Europe sociale annexé au traité de Rome par le traité de Maastricht, signé par tous les États membres à l’exception du Royaume-Uni, a confirmé que la Communauté pouvait compléter et appuyer l’action des États membres en matière d’égalité entre hommes et femmes sur l’ensemble des questions relatives au travail et à l’emploi, « en ce qui concerne leurs chances sur le marché du travail et le traitement dans le travail ».

Ensuite, en 1997, à la suite de la renonciation du Royaume-Uni à son précédent opt out, a également été insérée dans le corps du traité, à l’article 141, la teneur du protocole de 1992, en l’étendant, en outre, à toutes les formes de discrimination dans l’emploi et en prévoyant également le principe des actions positives. Il s’agissait de donner une base juridique aux mesures destinées à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous-représenté comme à prévenir ou compenser les désavantages dans la carrière. C’est sur ce fondement qu’a été adoptée la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, pour lutter contre les discriminations fondées sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle.

Tous les critères susceptibles d’être à la base des discriminations dans l’emploi ont ainsi été couverts : le sexe ; la race ou l’origine ethnique ; la religion ou les convictions ; le handicap ; l’âge ; l’orientation sexuelle.

B. UN DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS PARTIEL EN DEHORS DU CHAMP PROFESSIONNEL

Le traité d’Amsterdam a apporté de profondes modifications au traité de Rome, à la demande notamment de la France, en matière de lutte contre les discriminations. Ce traité a inséré à l’article 13 une disposition donnant compétence à la Communauté pour lutter contre toutes les formes de discriminations. Le Conseil a depuis lors la faculté de prendre, à l’unanimité, après consultation du Parlement européen, les mesures en vue de « combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ».

Par la suite, le traité de Nice a ajouté un paragraphe 2 à cet article 13, prévoyant des mesures – prises dans le cadre de la procédure de codécision – destinées à appuyer celles prises par les États membres dans ces mêmes domaines. Les dispositions antérieurement en vigueur sont ainsi devenues le paragraphe 1 de l’article 13.

Cette base juridique nouvelle du paragraphe 1 de l’article 13 a permis d’étendre le champ de la lutte contre les discriminations non seulement dans son domaine mais aussi dans les formes de discrimination prises en considération. C’est sur ce fondement qu’ont été adoptés les textes suivants :

● la directive 2000/43/CE du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, qui visait l’abolition de toute discrimination fondée sur ces critères, non seulement dans l’emploi, mais également dans les domaines de la protection sociale, des avantages sociaux et de l’éducation ;

● la directive 2004/113/CE du 13 décembre 2004 qui fonde le cadre destiné à lutter contre les discriminations selon le sexe dans l’accès aux biens et aux services. Ce texte visait à appliquer l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes en dehors du cadre professionnel, et plus précisément l’égal accès à la protection sociale, aux avantages sociaux, à l’éducation, aux biens et services et à la fourniture de biens et services à la disposition du public, y compris en matière de logement.

Néanmoins, en dépit de ces indéniables avancées permises par l’article 13, paragraphe 1, du traité tel qu’il résulte du traité d’Amsterdam, la protection contre les discriminations en dehors du champ professionnel reste encore incomplète. Ainsi, dans l’étude d’impact associée à la proposition de directive, la Commission européenne présentait le tableau suivant, révélant les lacunes du dispositif actuel.

CADRE LÉGISLATIF ACTUELLEMENT EXISTANT AU NIVEAU EUROPÉEN

Motif

Domaine

Race

Religion

Handicap

Âge

Orientation sexuelle

Sexe

Emploi et formation professionnelle

Oui +

organisme pour l’égalité

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui +

organisme pour l’égalité

Éducation

Oui +

organisme pour l’égalité

Non

Non

Non

Non

Non

Biens et services

Oui +

organisme pour l’égalité

Non

Non

Non

Non

Oui +

organisme pour l’égalité

Protection sociale

Oui +

organisme pour l’égalité

Non

Non

Non

Non

Oui +

organisme pour l’égalité

Source : Commission européenne

C. UNE NOUVELLE PROPOSITION DE DIRECTIVE DESTINÉE À COMBLER LES LACUNES DE L’ACTUEL DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS

La directive faisant l’objet de la présente proposition de résolution fait application du principe de l’interdiction des discriminations dans un champ très large, tant en ce qui concerne les formes de discriminations que s’agissant des domaines couverts. Sont en effet proscrites par cette proposition de directive les discriminations selon la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, pour l’ensemble des biens et services, l’éducation et les prestations sociales et de santé.

S’agissant des domaines couverts, cependant, à la différence du champ retenu par la directive 2000/43/CE sur la lutte contre la discrimination selon les races ou l’origine ethnique, les relations entre particuliers sont exclues. En effet, le futur dispositif n’est pas prévu pour s’appliquer en dehors du champ d’une activité professionnelle ou commerciale.

Comme l’a souligné le rapport de la Commission chargée des Affaires européennes dans son rapport d’information sur cette proposition de directive, celle-ci constitue la « dernière pièce indispensable à la cohérence de l’ensemble » du dispositif communautaire de lutte contre les discriminations (2).

Pour autant, en dépit de sa nécessité et de la légitimité des objectifs qu’elle poursuit, cette proposition de directive suscite un certain nombre de réserves et de critiques, en raison des imperfections de son dispositif et de ses considérants.

II. UNE PROPOSITION DE DIRECTIVE COMPORTANT DES IMPERFECTIONS DEVANT ÊTRE CORRIGÉES

La nouvelle proposition de directive a suscité des réserves et des critiques, formulées par la résolution adoptée par le Sénat en novembre 2008 (A) et par la proposition de résolution qui nous est soumise (B).

A. LA RÉSOLUTION DU SÉNAT DU 17 NOVEMBRE 2008

Le 30 octobre 2008, la Commission des affaires sociales du Sénat a examiné et adopté, sur le rapport de Mme Muguette Dini, sénatrice, sur la proposition de directive, une proposition de résolution européenne présentée par Mme Muguette Dini et plusieurs de ses collègues (3). Cette proposition de résolution est devenue résolution du Sénat le 17 novembre 2008 (4).

Assez critique dans ses considérants et exigeante dans ses demandes, elle adresse cinq reproches à la proposition de la Commission européenne :

– une confusion entre les notions de discrimination et d’inégalité de traitement, la première impliquant une intention de nuire alors que la seconde peut intervenir sans discrimination ;

– une orientation communautariste, en raison du recours à la notion de « désavantage particulier » ;

– des définitions floues de la discrimination – directe et indirecte – et du harcèlement ;

– des dispositions peu satisfaisantes sur le handicap : le recours à une notion non définie d’« aménagement raisonnable » ; l’hétérogénéité de la prise en compte du handicap en raison des différences de niveaux de développement des États membres, ce qui fait douter de la pertinence d’une intervention communautaire ;

– les interférences avec le droit civil et la compétence des États membres, notamment s’agissant de la faculté de l’accès à la procréation médicalement assistée des couples homosexuels pacsés.

Tirant les conséquences de ces griefs, la résolution adoptée par le Sénat adressait au Gouvernement cinq demandes dans le cadre de la discussion de cette proposition de directive :

1° La résolution « estime impératif que soit posé un principe général d’égalité de traitement dans les domaines d’application de la directive, afin que la législation communautaire protège équitablement l’ensemble des citoyens de l’Union » ;

2° La résolution « s’oppose fermement à la rédaction actuelle de l’article 2 qui, appliqué notamment au service public, méconnaît le principe fondamental d’égalité des citoyens devant la loi et comporte des risques sérieux de dérives communautaristes » ;

3° Elle « juge indispensable la clarification des définitions de la discrimination directe, de la discrimination indirecte et du harcèlement, par l’élimination des notions non juridiques et des références aux situations fictives qu’elles contiennent, afin de garantir la sécurité juridique nécessaire et d’éviter tout procès d’intention » ;

4° Elle « regarde l’insécurité juridique créée par le concept non défini d’« aménagement raisonnable » comme inacceptable ; rappelle que la lutte contre les discriminations à l’égard des personnes handicapées passe non par la culpabilisation morale de la société civile, mais par la volonté du législateur, auquel il revient de définir des obligations claires et précises pour les organismes publics et les entreprises privées ; considère, en vertu du principe de subsidiarité, que l’échelon européen n’est pas adapté à une lutte efficace contre les discriminations à l’égard des personnes handicapées » ;

5° Enfin, la résolution « exige que la proposition de directive n’entraîne en aucun cas d’effets juridiques en matière de droit d’accès des couples homosexuels liés par un contrat civil comparable au mariage, par exemple le pacte civil de solidarité, à la procréation médicalement assistée » ;

B. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION CHARGÉE DES AFFAIRES EUROPÉENNES DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

À la suite du rapport d’information de la Commission chargée des Affaires européennes, que votre rapporteur avait eu l’honneur de présenter avec M. Christophe Caresche, cette Commission a adopté la proposition de résolution européenne qui fait l’objet du présent rapport. Le rapport d’information de la Commission chargée des Affaires européennes avait souligné qu’un « important travail de fond à caractère technique » devait être réalisé pour lever les « incertitudes dont font l’objet tant ses définitions que ses dispositions [qui] ne manqueraient pas de provoquer des contentieux, laissant ainsi au juge (…) le soin de résoudre des questions qui relèvent clairement de l’arbitrage politique et non juridictionnel » (5) et avait formulé des critiques sur cinq points précis de la directive.

Après avoir rappelé en préambule que « la lutte contre les discriminations fait partie des valeurs de l’Union européenne comme de la République française », la proposition de résolution indique que la proposition de directive « vise à étendre, au niveau européen, l’application du principe de l’égalité de traitement entre les personnes, sans distinction de religion ou de convictions, ou de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle au-delà des questions liées au travail et à l’emploi au sens large, et que tel est déjà largement le cas au niveau national ». Toutefois, « estimant qu’un objectif aussi légitime exige un texte non seulement ambitieux dans ses principes comme dans ses orientations et l’essentiel de ses mesures, mais également parfaitement applicable dans le détail de ses mécanismes », la proposition de résolution constate « à regret, que la proposition précitée doit être substantiellement revue et clarifiée, de manière à lui donner la précision et la sécurité juridique nécessaires, avant de pouvoir être adoptée par le Conseil ». Ces demandes d’amélioration du dispositif de la directive – soutenue dans son esprit mais pas dans sa lettre – portent sur les cinq points critiqués par la Commission chargée des Affaires européennes dans son rapport d’information.

1. Améliorer la rédaction et les définitions de la directive

La rédaction et les définitions de la proposition de directive appellent d’importantes améliorations afin de rendre le texte de la proposition de directive réellement applicable. L’un des principaux objectifs de ces améliorations doit être de faire en sorte de maintenir les correspondances entre les notions du droit européen et celles déjà en vigueur dans le droit national, afin d’éviter tout effet perturbateur.

La Commission chargée des Affaires européennes a insisté sur deux aménagements à caractère technique d’une particulière importance :

—  Tout d’abord, elle a estimé nécessaire d’harmoniser la notion de harcèlement avec celle prévues par les autres directives relatives à l’égalité de traitement, et à renvoyer par conséquent sa définition aux législations et pratiques nationales.

—  Ensuite, elle a estimé qu’il importait d’intégrer directement dans le corps de la directive, de manière explicite, l’interdiction de la discrimination par association, conformément à l’arrêt du 17 juillet 2008, Coleman, de la Cour de justice (affaire C-303/06), à propos d’une femme moins bien traitée que ses collègues en raison du handicap de son fils.

En conséquence de ces critiques sur la rédaction de la proposition de directive, la proposition de résolution « demande que [la] rédaction et [les] définitions [de la directive] soient améliorées, notamment pour mettre la notion de harcèlement en conformité avec d’autres directives intervenues en la matière, par un renvoi au droit national, comme pour tenir compte de la notion de discrimination par association identifiée par la Cour de justice dans l’arrêt Coleman de juillet 2008 ».

2. Définir le champ d’application de la directive d’une manière plus conforme au traité

En l’état, la Commission européenne a proposé un dispositif qui prévoit l’interdiction des discriminations « en ce qui concerne » la protection sociale, y compris la sécurité sociale et les soins de santé, les avantages sociaux, l’éducation, l’accès aux biens et services, y compris le logement.

La Commission chargée des Affaires européennes a estimé cette rédaction problématique pour deux raisons. D’une part, la formulation manque de précision. D’autre part, elle met le futur dispositif en porte à faux vis-à-vis du traité : selon les termes mêmes du traité de Rome, la compétence communautaire est limitée en matière de soins de santé, de protection sociale et d’éducation, puisqu’il ne s’agit pas d’une compétence d’harmonisation. En outre, l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne n’apportera de ce point de vue aucune modification.

Dès lors, l’application du principe de non-discrimination ne peut au niveau communautaire que s’inscrire dans cette répartition des compétences et ne peut ni ne doit affecter en rien les compétences nationales. La Commission chargée des Affaires européennes a préconisé une solution consistant à modifier la rédaction actuelle en prévoyant l’interdiction de toute discrimination dans « l’accès » aux éléments précités : en effet, c’est l’existence de différences injustifiées d’accès à des mêmes prestations, services ou biens entre des personnes qui permettent de caractériser la discrimination sur un plan juridique.

Cette préconisation a été traduite dans le point 2 de la proposition de résolution, qui « estime indispensable de définir [le] champ d’application [de la directive] d’une manière plus conforme au traité, en précisant qu’il concerne « l’accès » à tous les prestations, biens et services concernés, notamment l’accès à l’éducation ».

3. Apporter les précisions nécessaires pour garantir, conformément au principe de subsidiarité et au traité, le plein respect des compétences des États membres

La Commission chargée des Affaires européennes a relevé certaines ambiguïtés et imperfections de la rédaction de la proposition de directive qui seraient à terme, à l’occasion de contentieux futurs, susceptibles de porter atteinte aux compétences des États membres. Afin de prévenir ce risque d’atteinte au principe de subsidiarité, elle a proposé plusieurs clarifications :

—  Le premier point de préoccupation majeure exprimée par la Commission chargée des Affaires européennes concerne la laïcité. La France a en effet une conception propre de la laïcité, qui doit être pleinement protégée par le principe de subsidiarité, car relevant du pacte républicain. Afin de protéger cette compétence nationale s’agissant de la laïcité, il importe que la proposition de directive ne comporte aucune ambiguïté sur le fait que la compétence en la matière doit rester celle des États membres.

Pour ce qui concerne la France, la levée de toute incertitude sur cette question de compétence permettra de préserver l’équilibre de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 qui a inséré l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation interdisant « dans les écoles, collèges et lycées publics le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ». Elle permettra également de garantir que ne soit pas mis en cause le principe de l’impossibilité, prévue à l’article L. 442-1 du code de l’éducation, pour les établissements publics comme pour les établissements privés sous contrat de prévoir des considérations religieuses parmi les critères d’inscription dans un établissement. Dans le domaine de la santé, ces garanties permettront de ne pas affecter la mise en œuvre du même principe de laïcité, notamment dans le cadre des soins réalisés dans les hôpitaux.

—  Le deuxième point soulevé par la Commission chargée des Affaires européennes concerne le droit civil. Celle-ci a exprimé la préoccupation que soient évitées les éventuelles interférences avec les questions de droit civil, notamment pour ce qui concerne le droit familial, ainsi que l’adoption et le droit à la procréation. Certes, l’exposé des motifs et le considérant n° 17 et le corps de la directive indiquent le respect de la compétence nationale en matière d’état familial et matrimonial, de procréation ainsi que, comme l’indique l’exposé des motifs, d’adoption. Cependant, l’arrêt de la Cour de justice du 1er avril 2008 Tadao Maruko (affaire C-267/06) ayant jugé que le principe de l’égalité de traitement s’applique dès lors que le droit interne reconnaît des formes de relations comme comparables au mariage, l’exclusivité de la compétence nationale dans ces domaines doit être affirmée sans la moindre ambiguïté dans la directive.

Ces deux sujets de vigilance ont été traduits dans le point 3 de la proposition de résolution, qui « considère que les précisions nécessaires doivent (…) être apportées [au texte de la directive] pour garantir, conformément au principe de subsidiarité et au traité, le plein respect des compétences des États membres, notamment dans les domaines touchant aux libertés publiques, à la laïcité et au droit civil ».

4. Améliorer les dispositions relatives à l’interdiction des discriminations selon l’âge

La Commission chargée des Affaires européennes a également exprimé la crainte qu’en l’absence de précaution adaptée, l’interdiction de toute distinction selon l’âge empêche de conduire des politiques publiques modulées selon les différents âges de la vie.

Certes, la Commission européenne a précisé dans sa proposition que « les États membres peuvent prévoir que les différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. En particulier, la présente directive n’exclut pas la fixation d’un âge spécifique pour accéder aux prestations sociales, à l’éducation et à certains biens ou services ». Toutefois, la Commission chargée des Affaires européennes a estimé que ce dispositif n’apparaissait pas suffisamment sécurisé, notamment en matière de prestations sociales ou de dispositifs d’emploi, pour lesquels des conditions d’âge sont toujours prévues.

Cette nécessité d’assurer la sécurité juridique des dispositifs tenant compte de l’âge des bénéficiaires a été inscrite au point 4 de la proposition de résolution, qui « juge également indispensable d’améliorer les dispositions relatives à l’interdiction des discriminations selon l’âge, étant notamment nécessaire de prévoir une modulation des actions et politiques publiques, selon les âges de la vie ».

5. Améliorer et clarifier les dispositions relatives au handicap

Les dispositions relatives au handicap, qui font l’objet de très vives critiques de la part de la résolution du Sénat, sont également jugées insatisfaisantes par la Commission chargée des Affaires européennes. Celle-ci a en effet considéré que la rédaction initiale de la Commission européenne représente, par ses différences avec la convention des Nations Unies sur le droit des personnes handicapées en date du 13 décembre 2006 qui doit de l’avis général servir de base aux dispositions communautaires en matière de handicap, un élément de confusion qu’il convient de rectifier, selon trois modalités :

—  Tout d’abord, le handicap doit être défini, alors que tel n’est pas le cas dans la proposition de la Commission européenne, et doit être bien distingué d’autres notions telles que la dépendance. Le plus simple, mais aussi le plus opérationnel, est de faire référence à la définition de la convention précitée, qui définit les personnes handicapées comme celles présentant des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres.

—  Ensuite, la notion d’aménagement raisonnable retenue par la convention précitée étant définie de façon plus claire que dans la proposition de directive, il apparaît opportun d’aligner la définition communautaire sur la définition de la convention des Nations Unies.

—  Enfin, la question de la mise en accessibilité des locaux, infrastructures et services, notamment les services d’urgence, les services d’information et les services électroniques étant traitée de manière plus pratique et opérationnelle dans la convention des Nations Unies, la proposition de directive devrait s’y référer expressément. Il importera toutefois de veiller à ce que le délai que prévoira la directive pour mettre en œuvre l’accessibilité ne remette pas en cause l’échéance prévue par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, à savoir une obligation d’accessibilité en février 2015 en matière d’accès aux établissements et d’infrastructures.

Le point 5 de la proposition de résolution traduit ces préoccupations, en demandant « une amélioration et une clarification des dispositions relatives au handicap de manière, entre autres, à assurer leur cohérence avec la convention (…) des Nations unies ».

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION :
LA NÉCESSAIRE PRISE EN COMPTE DES AMÉLIORATIONS DEMANDÉES PAR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Comme le souligne la proposition de résolution soumise à notre examen, « un objectif aussi légitime [que la lutte contre les discriminations] exige un texte non seulement ambitieux dans ses principes comme dans ses orientations et l’essentiel de ses mesures, mais également parfaitement applicable dans le détail de ses mécanismes ». En effet, votre rapporteur estime que la France ne peut qu’être favorable à l’adoption d’une nouvelle directive en matière de lutte contre les discriminations, et doit soutenir la proposition de directive actuellement en cours d’examen, dans ses objectifs si ce n’est dans son texte actuel. Il semble donc important à votre rapporteur que le Parlement français soutienne de façon constructive le Gouvernement français dans le cadre des discussions qui vont se poursuivre, afin de permettre d’aboutir à un texte à la fois ambitieux et satisfaisant pour l’ensemble des États membres.

Dès lors, votre rapporteur estime indispensable que les difficultés soulevées par la proposition de résolution soient prises en compte par le Gouvernement français dans le cadre des négociations (A), mais aussi – comme le demande la proposition de résolution qui nous est soumise – que soit développée dans le texte de la future directive une double approche à la fois philosophique et juridique qui permettra de conjuguer l’ambition nécessaire à l’applicabilité concrète du texte (B).

A. LES DIFFICULTÉS SOULEVÉES PAR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DOIVENT ÊTRE PRISES EN COMPTE PAR LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS DANS LE CADRE DES NÉGOCIATIONS ACTUELLES

Depuis l’adoption par la Commission chargée des affaires européennes de la proposition de résolution qui nous est soumise, les discussions se sont poursuivies sur la proposition de directive au niveau européen. Cependant, les négociations se trouvent actuellement dans une phase difficile, compte tenu des fortes réserves notamment de l’Allemagne et des Pays-Bas. En effet, le contrat de coalition de l’actuel Gouvernement allemand a fait du rejet de la proposition de directive un point essentiel de la coalition, en considérant que cette directive pourrait constituer un frein à la reprise de la croissance.

Du fait de ces difficultés, et bien que la présidence suédoise ait initialement fait de l’adoption de cette directive l’une de ses priorités, elle n’est pas parvenue à réaliser un consensus sur la proposition de directive permettant une adoption avant la fin de sa présidence. La présidence espagnole, assez allante sur ce sujet de l’égalité de traitement, semble vouloir faire aboutir – ou, à tout le moins, faire progresser significativement – ce texte au cours des six premiers mois de l’année 2010 au cours desquels l’Espagne exercera la présidence tournante.

Les critiques formulées par la résolution adoptée par le Sénat et par la proposition de résolution de l’Assemblée nationale apparaissent, aux yeux de votre rapporteur, comme des éléments essentiels devant guider le Gouvernement dans le cadre des discussions qui sont actuellement menées pour permettre l’adoption d’une nouvelle directive sur l’égalité de traitement dans les meilleurs délais.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, le dernier état du texte montre que certaines évolutions ont pris en compte certaines des réserves formulées par la proposition de résolution. Ainsi, les préoccupations exprimées par la proposition de résolution quant au champ d’application de la directive en matière de protection sociale semblent avoir été prises en considération dans le texte en discussion, par un recentrage de ses dispositions sur l’accès aux prestations sociales. En matière de handicap, votre rapporteur a reçu confirmation que le Gouvernement français entendait, dans un souci de cohérence du droit européen et du droit international, promouvoir des définitions harmonisées entre la future directive et la convention des Nations Unies sur le droit des personnes handicapées en date du 13 décembre 2006.

Compte tenu du fait que les discussions vont vraisemblablement encore conduire à d’importantes évolutions, il importe que la résolution adoptée maintienne expressément les demandes formulées par la Commission chargée des affaires européennes, afin de guider et de soutenir le Gouvernement français dans les négociations en cours.

B. LA NÉCESSITÉ D’UNE DOUBLE APPROCHE PHILOSOPHIQUE ET JURIDIQUE DE L’ÉGALITÉ DE TRAITEMENT

Sur le sujet de l’égalité de traitement, votre rapporteur considère que l’objectif de l’action politique au niveau communautaire doit être de conférer à la législation en vigueur toute sa puissance philosophique et politique, tout en lui donnant suffisamment de précision juridique afin de permettre aux États membres de la transposer conformément à leurs priorités et à leur propre philosophie dans le plein respect du principe de subsidiarité. Une double approche, philosophique d’une part, juridique d’autre part, doit donc être développée en matière d’égalité de traitement.

S’agissant de l’approche philosophique de la lutte contre les discriminations, votre rapporteur estime que l’Europe doit mener un rôle pionnier en la matière, en faisant le choix délibéré de placer cette problématique au cœur de son action et d’en faire l’un des principes fondamentaux de l’éthique de son développement économique. Du reste, le contexte international actuel est marqué par une forte volonté de promotion d’un développement économique respectueux des dimensions sociales et environnementales de la croissance. En atteste particulièrement le communiqué final du sommet du G 20 de Pittsburgh, qui s’est tenu les 24 et 25 septembre 2009, dont l’annexe relative au « cadre pour une croissance forte, durable et équilibrée » appelle à « mieux prendre en compte les dimensions sociales et environnementales du développement économique ».

Cette approche philosophique, source d’ambition, doit être conjuguée avec une approche juridique fine, destinée à permettre d’éviter toute ambiguïté sur les termes utilisés et sur la force contraignante des dispositions de la future directive. En effet, il importe que la lutte contre les discriminations ne puisse être perçue par aucun des acteurs politiques et économiques européens comme un frein au développement économique et à la reprise de la croissance, particulièrement dans la période actuelle de ralentissement économique. De fait, toute ambiguïté sur la portée des dispositions de la directive ne manquera pas de susciter – y compris parmi les États les plus allants en matière de politique commune de lutte contre les discriminations – des incertitudes et des inquiétudes, derrière lesquelles les États réticents pourraient se réfugier en arguant du risque de ralentissement de la reprise de la croissance.

En conséquence, votre rapporteur vous demande d’adopter la présente proposition de résolution qui, au-delà des réserves juridiques dont le Gouvernement français devra tenir compte afin de permettre l’amélioration de la proposition de directive, devra permettre de promouvoir la mise en œuvre d’une double approche philosophique et juridique, ambitieuse et pragmatique, de la lutte contre les discriminations en Europe.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine la proposition de résolution au cours de sa première séance du mercredi 18 novembre 2009.

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale a lieu.

M. Serge Blisko. Je tiens d’abord à remercier nos collègues Guy Geoffroy et Christophe Caresche pour le travail accompli sur cette proposition de résolution, qui nous donne l’occasion de regarder comment les règles communautaires nous permettront de progresser dans la lutte contre les discriminations. Je souscris à l’article unique de cette proposition, et je partage notamment les considérations dont ses derniers alinéas font état, en ce qui concerne la nécessité d’une approche différente des discriminations relatives à l’âge et au handicap, ou touchant aux libertés publiques, à la laïcité et au droit civil : sur ces sujets, le débat ne peut être cantonné à l’échelon communautaire.

Par ailleurs, cette proposition de loi montre l’importance croissante de la lutte contre les discriminations, ce qui devrait conduire à renforcer les moyens de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), qui est de plus en plus fréquemment saisie par les citoyens. Je trouve donc regrettable que, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2010, les crédits de cette autorité administrative indépendante aient été diminués à l’initiative du président de notre Commission.

M. Jérôme Lambert. Nous avons déjà eu l’occasion de débattre de cette proposition de résolution au sein de la Commission chargé des Affaires européennes de notre assemblée. Mais il me semble que nous ne nous sommes jamais demandés pourquoi les origines ethniques ne figuraient pas parmi les critères de discrimination visés par la proposition de directive faisant l’objet de la proposition de résolution. Cela paraît d’autant plus étrange qu’il s’agit à l’évidence de l’une des premières causes de discrimination ! Cette question est-elle traitée dans un autre texte ?

M. Olivier Dussopt. Cette proposition de résolution montre bien qu’il est nécessaire de préserver les moyens des autorités administratives intervenant dans la lutte contre les discriminations, au premier rang desquelles la HALDE. Il est donc nécessaire de mener dans ce domaine une politique globale et cohérente, qui va bien au-delà de ce seul texte.

La proposition de résolution appelle à respecter les compétences nationales en matière de libertés publiques, de laïcité et de droit civil, ce qui est bien légitime. Pour autant, sur la question particulière des orientations sexuelles, je crois qu’il serait utile que nous ouvrions un débat touchant à l’état civil : nous devrions nous pencher, dans un prochain texte, sur la question de l’égalité des droits des personnes pour le mariage et l’adoption, sans distinctions liées à leurs orientations sexuelles.

Mme Aurélie Filippetti. Je souhaiterais d’abord savoir pourquoi les discriminations liées au genre des personnes ne figurent pas, dans l’intitulé de la proposition de directive, parmi les critères de discrimination qu’il convient de combattre.

Par ailleurs, je regrette que le projet de rapport souligne, dans son avant-dernier paragraphe, les difficultés que la lutte contre les discriminations pourrait poser en matière de développement économique. Cette approche me semble d’autant plus paradoxale que la diversité des ressources humaines constitue avant tout un enrichissement pour une entreprise.

M. Michel Hunault. Je tiens à saluer le travail de notre rapporteur sur cette proposition de résolution. Toutefois, j’aurais aimé que, de la même manière qu’il est fait référence dans le projet de rapport à des conventions et directives, les positions du Conseil de l’Europe et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme soient mentionnées.

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme du Conseil de l’Europe a discuté lundi un rapport de M. Andreas Gross sur les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle ou le genre. Je crois qu’en faire état permettrait d’enrichir le rapport.

M. Jean-Christophe Lagarde. Comme l’a souligné Aurélie Filippetti, il peut sembler regrettable de ne pas faire figurer le sexe comme source de discrimination. Mais cela est peut-être prévu dans d’autres textes.

D’autre part, l’enfer est pavé de bonnes intentions en matière d’égalité, comme on a pu le voir dernièrement avec la question de la majoration de la durée d’assurance pour la retraite des personnes ayant élevé des enfants. L’égalité ne doit pas conduire à nier les différences. Cela n’est pas rappelé dans la proposition de résolution et je le regrette.

M. Guy Geoffroy, rapporteur. J’indique tout d’abord que j’adhère pleinement à certaines des remarques qui ont été formulées par certains de nos collègues sur la nécessité de mettre en place une politique efficace de lutte contre les discriminations.

Sur les questions de la prise en compte par les textes européens des discriminations fondées sur l’origine ethnique et sur le sexe, la réponse se trouve dans le tableau figurant dans le rapport écrit, qui décrit les domaines et les types de discrimination couverts par les textes en vigueur. Ces deux types de discriminations, fondées sur l’origine ethnique et sur le sexe, sont couverts par la réglementation européenne. S’agissant des discriminations fondées sur le sexe, je rappelle que la lutte contre ces pratiques figurait dès l’origine dans le traité de Rome.

Je confirme également que les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle sont bien couvertes par la proposition de directive en cours de discussion.

Enfin, je partage l’avis émis par Aurélie Filippetti quant au fait que cette directive ne doit pas donner de grain à moudre à ses opposants, notamment à nos amis allemands. Il importe donc que les termes de la directive ne suscitent pas d’inquiétudes sur l’impact économique qu’elle pourrait avoir.

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À l’issue de ce débat, la Commission adopte sans modification l’ensemble de la proposition de résolution, dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION SUR LA MISE EN œUVRE DU PRINCIPE DE L’ÉGALITÉ DE TRAITEMENT ENTRE LES PERSONNES SANS DISTINCTION DE RELIGION OU DE CONVICTIONS, DE HANDICAP, D’ÂGE OU D’ORIENTATION SEXUELLE

Article unique


L’Assemblée nationale,


Vu l’article 88-4 de la Constitution,


Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment son article 13, paragraphe 1,


Vu la proposition de directive du Conseil relative à la mise en
œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, ou de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle (COM [2008] 426 final/n° E 3918),


Vu également la convention des Nations unies du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées,


Considérant que la lutte contre les discriminations fait partie des valeurs de l’Union européenne comme de la République française ;


Considérant que la proposition précitée vise à étendre, au niveau européen, l’application du principe de l’égalité de traitement entre les personnes, sans distinction de religion ou de convictions, ou de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle au-delà des questions liées au travail et à l’emploi au sens large, et que tel est déjà largement le cas au niveau national ;


Estimant qu’un objectif aussi légitime exige un texte non seulement ambitieux dans ses principes comme dans ses orientations et l’essentiel de ses mesures, mais également parfaitement applicable dans le détail de ses mécanismes ;


Constatant par conséquent, à regret, que la proposition précitée doit être substantiellement revue et clarifiée, de manière à lui donner la précision et la sécurité juridique nécessaires, avant de pouvoir être adoptée par le Conseil ;


1. Demande que sa rédaction et ses définitions soient améliorées, notamment pour mettre la notion de harcèlement en conformité avec d’autres directives intervenues en la matière, par un renvoi au droit national, comme pour tenir compte de la notion de discrimination par association identifiée par la Cour de justice dans l’arrêt Coleman de juillet 2008 ;


2. Estime indispensable de définir son champ d’application d’une manière plus conforme au traité, en précisant qu’il concerne « l’accès » à tous les prestations, biens et services concernés, notamment l’accès à l’éducation ;


3. Considère que les précisions nécessaires doivent lui être apportées pour garantir, conformément au principe de subsidiarité et au traité, le plein respect des compétences des États membres, notamment dans les domaines touchant aux libertés publiques, à la laïcité et au droit civil ;


4. Juge également indispensable d’améliorer les dispositions relatives à l’interdiction des discriminations selon l’âge, étant notamment nécessaire de prévoir une modulation des actions et politiques publiques, selon les âges de la vie ;


5. Demande également une amélioration et une clarification des dispositions relatives au handicap de manière, entre autres, à assurer leur cohérence avec la convention précitée des Nations unies.

© Assemblée nationale

1 () L’alinéa 2 de cet article prévoit que : « Si, dans un délai d’un mois suivant le dépôt d’une proposition de résolution sur le fondement de l’article 151-2, alinéas 2 ou 3, ou du rapport prévu à l’article 151-5, la commission permanente saisie au fond n’a pas déposé son rapport, le texte de la Commission des affaires européennes est considéré comme adopté par la commission permanente saisie au fond ».

2 () Rapport d’information (n° 1653) de M. Christophe Caresche et Guy Geoffroy, au nom de la Commission chargée des Affaires européennes, sur la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle (COM [2008] 426 final/n° E 3918), page 14.

3 () Proposition de résolution européenne (n° 58, session ordinaire de 2008-2009) sur la proposition de directive du conseil relative a la mise en oeuvre de l’egalite de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’age ou d’orientation sexuelle (E 3918), présentée par Mmes Muguette Dini, Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Annie David, Annie Jarraud-Vergnolle, Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Nicolas About, Jean Boyer et Guy Fischer.

4 () Résolution européenne (n° 13, session ordinaire de 2008-2009) sur la proposition de directive du Conseil relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle (E 3918).

5 () Rapport d’information (n° 1653) de M. Christophe Caresche et Guy Geoffroy, au nom de la Commission chargée des Affaires européennes, op. cit., page 32.