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N
° 2096

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 novembre 2009

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI instaurant une planification écologique (n° 1991),

PAR Mme Martine BILLARD,

Député.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1991

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I.— S’ENGAGER POUR LA PRÉSERVATION DE LA PLANETE : UNE NÉCESSITÉ RECONNUE PAR TOUS 9

A. – L'URGENCE ÉCOLOGIQUE NE FAIT PLUS DÉBAT 9

B. – LES ENGAGEMENTS DE LA FRANCE DOIVENT ÊTRE TENUS 12

C.— ÊTRE EXEMPLAIRE DANS LE CADRE NATIONAL POUR PESER DANS LES CONFÉRENCES INTERNATIONALES 13

II.— LA PLANIFICATION POUR ENGAGER L’ENSEMBLE DE LA SOCIÉTÉ 15

A.— LA PLANIFICATION : UNE HISTOIRE NATIONALE 15

B.— UNE LOGIQUE OPÉRATIONNELLE D’ACTION DANS LES TERRITOIRES 16

C.— UN EXEMPLE DE PLANIFICATION TERRITORIALE ÉCOLOGIQUE : LE SCHÉMA DIRECTEUR 2008 DE LA RÉGION ILE-DE-FRANCE 18

III.— LA PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE : AGIR PARTOUT ET PAR TOUS 21

A.— POUR UNE ÉNERGIE RESPECTUEUSE DE L’ENVIRONNEMENT 21

B.— POUR UNE POLITIQUE DU LOGEMENT EFFICACE ET COORDONNÉE AUX RÉSEAUX DE TRANSPORT 21

C.— POUR UNE ÉCONOMIE QUI INTERNALISE LE FACTEUR ÉCOLOGIQUE 22

D.— POUR UN OBJECTIF COMMUN ÉTABLI ET PARTAGÉ PAR TOUS 24

EXAMEN EN COMMISSION 25

I.— DISCUSSION GÉNÉRALE 25

II.— EXAMEN DES ARTICLES 31

Article 1er: Plan écologique de la Nation 31

Article 2 : Contenu du Plan écologique de la Nation 32

Article 3 : Redéfinition du Centre d’analyse stratégique 33

Article 4 : Redéfinition de la délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires: 34

Article 5 :Conférences de participation populaire 35

Article 6 : Gage 36

TABLEAU COMPARATIF 37

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 43

MESDAMES, MESSIEURS,

La crise que traverse le monde n’est pas seulement d’ordre économique et financier. Elle est systémique, au sens où elle intègre une crise sociale et une crise écologique. Par sa dimension environnementale, elle constitue un écueil bien plus imposant, un défi à l’échelle de l’humanité. Les deux derniers siècles, théâtre d’un emballement productiviste autant déraisonnable qu’irraisonné, laissent en héritage une pollution portée à un niveau jamais atteint. Elle a des conséquences dans l’ensemble de l’écosystème. Les pluies acides frappent les forêts et les océans, menaçant la faune et la flore. La désertification des territoires s’accentue. Le déboisement limite le potentiel photosynthétique du globe. Une nouvelle extinction des espèces est en cours. Enfin, point le plus fréquemment mis en avant et très inquiétant pour l’avenir, l’activité humaine a rejeté tant de gaz à effet de serre dans l’atmosphère que les climatologues s’accordent dans leur très grande majorité sur une remontée des températures dans les décennies à venir. Provoquant intempéries, fonte des glaces et remontée des eaux, ce changement climatique accéléré générerait immanquablement des mouvements de populations vers les ressources vitales, un effondrement de l’économie et une résurgence des conflits pour l’accès à l’eau et aux terres.

Le futur promis à l’homme n’est guère réjouissant. Fort heureusement, il n’est pas encore inéluctable. Il est possible de ralentir et d’arrêter le processus en réduisant drastiquement les émissions de gaz polluants et en adoptant des comportements plus respectueux de l’environnement.

Qui doit agir ? La réponse est évidente : tout le monde. Chaque individu et chaque État ont une responsabilité dans l’évolution climatique de la maison commune. Néanmoins, que ces responsabilités soient partagées ne signifie en rien qu’elles soient égales. Les efforts à fournir découlent en toute logique des abus perpétrés par ceux qui, d’ailleurs, ne sont pas les plus graves victimes du réchauffement. On ne peut décemment pas exiger les mêmes sacrifices d’un Africain en lutte perpétuelle pour collecter les aliments nécessaires à sa survie immédiate et d’un Occidental évoluant dans un monde industrialisé fortement destructeur de ressources. On rappellera pour mémoire qu’un Tanzanien consomme chaque année en moyenne 58 000 litres d’eau contre 530 000 pour un Français, 1 400 000 pour un Canadien et 1 700 000 pour un Américain.1

C’est donc en toute justice qu’il appartient à l’Europe et l’Amérique du Nord, premières responsables de la situation globale, d’adopter des politiques volontaristes pour réduire leur empreinte écologique autant que pour montrer l’exemple. Détourner le regard de l’ardente nécessité d’une réaction aboutirait rapidement à une impasse catastrophique.

La France doit prendre une position claire et cohérente pour accomplir la part qui lui revient de cette mission. Force est de constater que ce n’est pour l’heure pas le cas. Bien sûr, chacun a entendu les déclarations de bonnes intentions et les pétitions de principe exprimées à l’envie par le Président de la République et son Gouvernement à toutes les tribunes, y compris à celle de l’Assemblée nationale et avec une préférence marquée pour les forums internationaux. Les paroles prononcées sont raisonnables et bien accueillies par les défenseurs de l’environnement. Mais une fois le premier contentement passé, le retour à la réalité n’est que plus douloureux, car la réalité est celle d’un pouvoir exécutif sourd au péril de la situation et qui contredit sans vergogne par ses actes des serments prêtés avec hypocrisie.

Le Gouvernement ne peut être de bonne foi dans ses protestations de respect de l’écologie alors qu’il mène une politique productiviste à tout crin, qu’il espère toujours relancer la croissance de la production sans bien savoir qu’en faire, qu’il déverse une manne de crédits pour les secteurs routier et aérien sans commune mesure avec ses investissements dans le ferroviaire, le fluvial et le maritime. La fermeture des services publics de proximité et leur concentration dans les centres urbains ne peuvent avoir d’autre conséquence qu’un recours accru à l’automobile. Pourtant cet exécutif ferme des hôpitaux. Cet exécutif ferme des bureaux de poste. Cet exécutif ferme même des tribunaux, ce qu’aucun autre n’avait osé faire avant lui. Où est, dans cette politique, la prise en compte des facteurs écologiques ?

Il y a le Grenelle de l’environnement, bien sûr. Mais alors que pour les autres lois, l'urgence est toujours de rigueur, y compris abusivement, là c'est le contraire. Que ce soit le Grenelle I ou le Grenelle II, l'inscription de ces textes à l'ordre du jour du Parlement n'a pas été jugée prioritaire. L’examen du projet de loi du Grenelle II serait même remis après les élections régionales. Sur le fond, ces textes sont peu normatifs et ne sont donc pas à la hauteur des enjeux, quand ils n'ont pas été amoindris voire dévoyés par certaines dispositions.

Les Français, au contraire de ceux qui les dirigent, ont pris conscience de l’obligatoire transformation des comportements que requiert l’état de la planète. Mais les bonnes pratiques individuelles ne suffiront pas si l’État, instrument et personnalisation de la collectivité nationale, ne joue pas son rôle d’impulsion et de coordination. Un instrument juridique est nécessaire pour aborder ce nouveau défi.

L’objet de cette proposition de loi consiste justement à doter la France des moyens de ses ambitions écologiques. Pour que le pays agisse rationnellement, il a besoin d’une stratégie établie dans le consensus et propre à rassembler le plus grand nombre. Dans la novlangue libérale, on parlerait de feuille de route, de charte, de lignes directrices, de guide de bonnes pratiques. Dans le respect de la langue française, on emploiera le seul mot qui convienne : une planification.

Le terme suscite peut-être la crainte d’un retour au Gosplan soviétique. Il faut rappeler que la planification est pourtant un grand succès de la France du XXe siècle, portée à la Libération par l’ensemble de la classe politique et mise en œuvre par des gouvernements de tous bords. Les Commissaires au Plan successifs n’étaient pas de dangereux bolcheviques : on trouve par exemple parmi eux l’un des Pères de l’Europe, le grand-père d’un ministre de l’actuel Gouvernement, et même un des conseillers les plus proches de l'actuel Président de la République.

Planifier, c’est prévoir et se donner les moyens d’atteindre un objectif préétabli. Une planification écologique se donnerait pour but de remettre l’environnement au centre des préoccupations en développant une politique incitatrice et volontariste en faveur de projets limitativement énumérés. Elle ne serait pas source de contraintes pour les personnes privées ni pour les collectivités locales, mais point de rencontre d’initiatives désordonnées dont l’harmonisation pourrait générer de grands résultats à moindre coût, pour le plus grand bénéfice de la société française et de ses populations les plus défavorisées. Dressée avec l’accord de tous, elle embrasserait l’ensemble des actions de la puissance publique par l’intermédiaire d’organes spécifiques – et déjà existants – dont la mission serait fixée par la loi.

Espérer le respect de l'environnement par un marché libéralisé relève de la douce utopie car celui-ci recherche un profit immédiat et le plus élevé possible. Seule la puissance publique est à même d’exiger sa préservation. Il paraît qu’elle en a la volonté : avec ce texte, elle en aura aussi le moyen.

I.— S’ENGAGER POUR LA PRÉSERVATION DE LA PLANÈTE : UNE NÉCESSITÉ RECONNUE PAR TOUS

A. – L'URGENCE ÉCOLOGIQUE NE FAIT PLUS DÉBAT

Le réchauffement climatique dû aux trop nombreuses émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines met en danger la vie sur Terre. Rien n'a permis à ce jour d'inverser la tendance, devant l'incapacité des pays les plus riches, premiers responsables du changement climatique, à revoir leur modèle économique de production et de consommation. Selon l'étude annuelle du consortium scientifique Global Carbon Project publiée le 17 novembre dans la revue Nature Geoscience, les émissions mondiales de CO2 ont augmenté en 2008 jusqu'à un nouveau record : près de dix milliards de tonnes de carbone. Les émissions de la décennie en cours se situent au-delà du plus pessimiste des scénarios proposés par le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Cette aggravation récente du diagnostic est due à l'usage massif du charbon, du pétrole et du gaz naturel. À ce rythme, la teneur en dioxyde de carbone de l'atmosphère, passée de 280 parties par millions (ppm) avant la révolution industrielle, à 385 ppm aujourd'hui, pourrait atteindre 1 000 ppm à terme. Quant aux « puits naturels » (océans, végétations terrestres) qui absorbent une part importante du dioxyde de carbone d'origine anthropique, ils perdent en efficacité: ils fixaient 45 % des émissions il y a un demi-siècle, alors qu'ils n'en fixent plus que 40 % en 2008.

Tous les signaux du dérèglement climatique sont visibles : évolution des températures, élévation rapide du niveau des mers, augmentation de la vapeur d'eau dans l'air plus chaud (ce qui amplifie l'effet de serre), acidification des océans, réaction des écosystèmes. Le réchauffement et l'acidification des océans menacent directement, en premier lieu, les organismes à coquilles. Même les quelques rares critiques qui s’inscrivent en faux contre les préconisations du (GIEC) reconnaissent le caractère indubitable de la raréfaction des ressources en eau, des enjeux d’approvisionnement en énergie ou encore des méfaits qui découlent d’un déboisement irraisonné.

Les engagements de la puissance publique sur le terrain de l’environnement, s’ils tendent à se focaliser sur la question climatique depuis quelques années, ne se limitent pas à elle. Le premier sommet de la Terre, tenu à Rio de Janeiro en 1992, abordait ainsi tout un ensemble de problématiques. Il a certes produit une convention cadre sur les changements climatiques, mais également deux autres relatives à la diversité biologique et à la lutte contre la désertification. Selon le rapport de l'Institut de recherche sur les impacts du climat de Potsdam réunissant vingt-six climatologues, publié le 24 novembre 2009, avec la tendance actuelle, le réchauffement climatique atteindrait 7 °C en 2100, soit le pire scénario jamais imaginé, alors que la limite acceptable est évaluée à 2 °C. Le rapport conclut que chaque retard dans l'action augmente les risques que le réchauffement dépasse les 2 °C. Depuis que les enregistrements sont fiables (1850), douze des treize années les plus chaudes dans le monde ont été observées entre 1995 et 2007. Les trois années 2007, 2008 et 2009 font partie des années les plus chaudes depuis cent cinquante ans. La concentration actuelle de dioxyde de carbone dans l’atmosphère a atteint un record historique. Elle aura des effets dévastateurs sur la fréquence et la localisation des catastrophes naturelles de toutes sortes (sécheresses, inondations, tempêtes). L’élévation du niveau des eaux qui découle de ce réchauffement par la fonte de la calotte polaire est également chose certaine. La rétractation de la banquise arctique durant l'été dépasse depuis trois ans de 40 % les prévisions. Le Groenland et l'Antarctique perdent de la glace par centaines de milliers de tonnes chaque année.

L'une des conséquences majeures du changement climatique réside dans la hausse du niveau des mers : cette élévation s'accélère à raison de 3,4 millimètres par an depuis 2003 et double l'estimation du niveau marin futur établi par le GIEC en 2007 (entre un et deux mètres d'ici 2100). Quelques mètres de plus dans le niveau des océans verraient submergées une grande partie des zones littorales. Des pays entiers, comme les Bahamas et les Pays-Bas, se trouveraient rayés de la carte. Les relations humaines, politiques et économiques s’en trouveraient grandement détériorées. Au total, 160 millions de personnes vivent sur des territoires situés à moins d'un mètre au-dessus du niveau marin et plus de 450 millions vivent sur la planète à moins de deux mètres. Il en va de même pour les données climatiques que pour les relations internationales : l’homme doit tout faire pour préserver leur stabilité, car leur remise en cause ne peut avoir lieu sans déchaînement de violence.

Nous constatons déjà de troublantes anomalies liées à un développement économique et démographique irraisonné, dédaigneux de son environnement, politiquement intenable. L’été venu, la cité de Barcelone ne doit sa subsistance en eau potable qu’à un réapprovisionnement extérieur par cargos entiers. Les guerres du Proche-Orient incluent dans leur logique une analyse des ressources aquatiques : si Israël et la Syrie ne s’entendent pas sur le tracé de leur frontière sur les hauteurs du Golan, c’est que le plateau constitue le château d’eau de la région. Enfin, la quasi-disparition de la mer d’Aral représente une des plus grandes catastrophes environnementales du XXe siècle, d’autant plus consternante qu’elle est directement imputable à l’activité économique humaine, au détournement des fleuves qui l’approvisionnaient à des fins agricoles. Quant aux glaciers des Andes tropicales (Pérou, Bolivie, Équateur et Colombie), ils ont perdu de 30 % à 100 % de leur surface depuis trente ans. Dans les Andes centrales qui représentaient la masse glaciaire tropicale la plus importante au monde (près de 2 000 km²), plusieurs glaciers n'existent plus.

La Mer d’Aral, de juillet 1989 (gauche) à octobre 2008 (droite)

Les exemples précédents frappent les imaginations car ils sont immédiatement constatables sur une carte et les médias s’en font fréquemment l’écho. Les effets néfastes de la pollution générée par une économie mal pensée sont tout aussi présents sur la santé de chacun. Combien d’asthmes les gaz automobiles provoquent-ils chez les enfants ? Combien de nappes phréatiques rendues impropres à la consommation par une agriculture productiviste ? Quel impact des déchets nucléaires à long terme quand notre consommation électrique semble croître sans cesse et sans limite ?

Le monde en général et la France en particulier connaissent ces problèmes. Nous en sommes trop longtemps restés au stade des discours, à la dénonciation de la « maison qui brûle » sans qu’aucune action concrète ne fasse suite aux beaux principes. Depuis une dizaine d’années, des engagements internationaux commencent à se faire contraignants mais c'est encore peu le cas de la législation nationale.

B.— LES ENGAGEMENTS DE LA FRANCE DOIVENT ÊTRE TENUS

Aux paroles en l’air, la communauté internationale tente de substituer des conventions internationales propres à imposer à chaque État une politique plus respectueuse de l’environnement. Il est entendu que l’action d’un seul ne suffit pas à changer le processus en cours. Quand bien même la France cesserait toute activité, la température du globe ne diminuerait pas sensiblement. Une interprétation fallacieuse amènerait à conclure que, dans ces conditions, mieux vaut continuer sur le chemin d’une croissance sans limite de la production.

Ce serait une grave erreur. L’action de la France revêt une importance capitale pour le monde de demain. D’une part, il est entendu que c’est l’humanité entière qui doit s’engager sans exception et chaque pays qui fait défection condamne mécaniquement les autres à l’échec. D’autre part, une responsabilité particulière pèse sur les pays riches, grands consommateurs de ressources naturelles et gros producteurs de gaz à effet de serre. Alors que les nations les moins favorisées ont encore à assurer des conditions d’existence décentes à leurs populations, les pays riches n’ont pas d’excuse dans la croissance perpétuelle et dans la quête infinie du profit. Les pays occidentaux sont les premiers responsables de cette situation. Ils ont même une dette écologique à l'égard des pays du Sud qui paient aujourd'hui les conséquences planétaires du mode de production et de vie des pays les plus riches. En France, le système économique de notre mode de vie consomme l'équivalent de 2,7 planètes : il est physiquement et matériellement impossible que tous les habitants du monde vivent de la même façon.

Le premier texte normatif établi par la communauté internationale est un complément à la convention cadre de 1992 sur les changements climatiques, ouvert à la ratification en 1998 et connu sous le nom de protocole de Kyôto. Il impose un calendrier de réduction des émissions des gaz à effet de serre, cause du réchauffement climatique. Des engagements absolus de réduction des émissions sont assignés à chacun des signataires, avec pour objectif une réduction globale de 5 % des émissions de dioxyde de carbone en 2012 par rapport aux émissions de 1990. À l’heure du bilan, alors que se réunit en décembre 2009 une nouvelle conférence sous l'égide de l'ONU à Copenhague, les résultats apparaissent tout à fait modérés. Les États-Unis n’ont toujours pas ratifié le protocole qui fut en son temps présenté au Sénat pour un désastreux résultat de 95 voix contre, sans aucun vote favorable. Les grandes économies émergentes (Chine, Inde, Brésil) n'ont pas d'engagement quantifié de réduction de leurs émissions dans le protocole de Kyoto. Enfin, la base de calcul retenue datant de 1990, alors que les républiques qui composaient encore l'Union soviétique n'étaient pas encore entrées dans la dépression de la décennie ayant suivi la chute du système communiste, des pays tels que la Russie sont dispensés d’entreprendre la moindre action concrète.

L’expérience du protocole de Kyôto montre la faiblesse d’une convention internationale lorsqu’elle n’est pas retranscrite en droit interne, autrement dit lorsqu’elle n’est pas adossée à une procédure de sanction en cas de manquement. Il faut par conséquent que le droit de la protection de l’environnement figure en toutes lettres dans les législations nationales.

L’Union européenne s’est engagée en faveur de l’environnement en édictant, à la fin de l’année 2008, l’objectif du Triple 20 en matière énergétique. En 2020, les pays européens devront donc avoir réduit leurs émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport au niveau de 1990, les énergies renouvelables devront représenter 20 % des énergies utilisées dans l’Union et les États membres devront avoir réalisé 20 % d’économie d’énergie. Mais cela ne suffit pas. Greenpeace a notamment communiqué son mécontentement: « L’avertissement des scientifiques du GIEC est pourtant clair : pour éviter un réchauffement au-delà de 2 °C, les pays industrialisés doivent se fixer une fourchette de réduction de leurs propres émissions de 25 à 40 % d’ici à 2020, avec comme objectif de passer à 80 % d’ici à 2050 ». Surtout, l’Union européenne reste tributaire de ses Etats-membres pour atteindre ces ambitions. Chacun doit décliner sur son territoire les mesures adéquates.

La France transcrit les lignes directrices européennes dans les deux lois dites Grenelle de l’environnement dont la seconde est en cours d’examen par notre Assemblée. On ne peut décemment prétendre que l’État s’attache à préserver l’environnement s’il ne prend pas la peine de libérer dans l’ordre du jour de l’Assemblée nationale un temps suffisant dans un délai raisonnable. Il y aura bientôt un an que le projet de loi d’engagement national pour l’environnement a été déposé sur le bureau du Sénat. Nous perdons du temps, et ce temps est précieux. Pour l’heure, la France ne s’est dotée réellement que d’un ensemble composite et peu normatif à travers la loi Grenelle I. On en retient un objectif de production de 23 % de l'électricité consommée en France à partir d'un bouquet d'énergies renouvelables, un peu plus ambitieux que les dispositions européennes. Votre Rapporteure regrette toutefois que son effet est faible en l’absence de mesures concrètes d’application.

La transition s’opère entre le temps des discours et le temps de l’action. Un constat s’impose : celle-ci est lente, très lente, peut-être malheureusement trop lente. La représentation nationale ne peut se résigner à simplement espérer que le Gouvernement honorera les engagements nationaux. Un meilleur contrôle serait souhaitable afin d’aller plus loin.

C.— ÊTRE EXEMPLAIRE DANS LE CADRE NATIONAL POUR PESER DANS LES CONFÉRENCES INTERNATIONALES

A défaut de décarbonisation majeure de l’économie, le monde subira selon les dernières analyses de l’Agence internationale de l’énergie, « des dégâts catastrophiques et irrémédiables. » Or, pour réduire l’émission de gaz à effet de serre en général et de dioxyde de carbone en particulier, un consensus général de la communauté internationale est indispensable. La France dit vouloir un objectif ambitieux. Pour que cette position prévale, il faut que sa propre politique soit exempte de tout reproche. En vérité, elle en est loin. Le crédit d’une faible émission de gaz polluants résiste mal au choix affirmé et réaffirmé d’un parc nucléaire immense et des déchets radioactifs qui en découlent. Nous serions plus crédibles face aux Américains, aux Chinois et aux Russes si nous fournissions les mêmes efforts que l’Allemagne, l’Espagne et le Danemark dans le développement des énergies renouvelables. Or, l’écart se creuse de jour en jour entre des prescriptions élevées et des réalisations faibles. Il manquera quinze mille mégawatts éoliens à la France d’ici 2020, la majorité UMP osera-t-elle soutenir les 6 000 mâts nécessaires pour leur mise en service ? Le Gouvernement donnera-t-il aux filières renouvelables les crédits dont elles ont besoin, alors qu’il fait aujourd'hui converger les fonds vers des réacteurs EPR dans une vision passéiste et productiviste du recours au nucléaire ? Osera-t-il imposer aux promoteurs immobiliers l’intégration de systèmes de chauffage respectueux de l’environnement et une isolation de qualité supérieure dans les logements neufs ?

Le discours volontariste tenu par le Président de la République à l’occasion du sommet du G20 de Pittsburgh sera sans aucun doute réitéré à Copenhague à la fin de l’année. La position de la France recevra le soutien de tous ceux qui sont conscients des dangers qui guettent la planète. Mais elle serait bien plus solide, bien plus apte à convaincre les sceptiques et les hésitants si elle faisait la preuve, sur son territoire, par ses politiques nationales, du bien-fondé et de la soutenabilité des options qu’elle prétend porter.

Il faut donner à la nation un moyen de privilégier des axes d’investissement qui préservent les générations futures. L’instauration d’une planification écologique paraît la seule réponse correcte qui puisse être apportée par le législateur.

II.— LA PLANIFICATION POUR ENGAGER L’ENSEMBLE DE LA SOCIÉTÉ

A.— LA PLANIFICATION : UNE HISTOIRE NATIONALE

Contrairement aux propos souvent fallacieux de ses contempteurs, la planification ne s’est historiquement pas limitée à l’expérience du régime soviétique. Tous le savent mais il n’est pas inutile de rappeler avec force que la planification nationale n’équivaut pas, par construction, à l’abolition de toute initiative privée, à la restriction des libertés individuelles et à une vision comptable déshumanisée de l’activité économique.

Le plus bel exemple, évidemment, s’inscrit dans l'histoire récente. Après la Seconde Guerre mondiale, les dommages subis par le pays sont immenses et les infrastructures quasiment entièrement détruites. Le conflit a anéanti le quart du capital immobilier français. Un million de familles sont sans abri. Sur 40 000 km de rail en 1938, seulement 18 000 sont opérationnels alors que la moitié des wagons a disparu et que les ouvrages d’art ont souffert. Il faut quinze heures pour aller de Paris à Strasbourg en train. Le réseau routier est également inopérant. Il n’y a plus de pont sur la Seine après Paris. Un camion sur cinq seulement a survécu aux réquisitions. Quant aux ports, tous sont détruits à l’exception de Cherbourg totalement engorgé.

Le général de Gaulle, alors, exprimant l’opinion unanime de dirigeants politiques et économiques, fait état de l’impérieuse nécessité du Plan. L’idée remonte au rapport Courtin de 1944. Sa concrétisation est l’œuvre de Jean Monnet dans un but de coordination et de modernisation du système économique par l’action concertée des différents départements ministériels. Il s’agissait, aussi, après les privations de l’Occupation, d'assurer un relèvement rapide du niveau de vie de la population, et notamment de son alimentation. Centrée sur les infrastructures, la planification se donnait comme objectif de long terme la transformation des conditions de vie et de logement.

Conçu pour moderniser la France, le Plan procède de façon non pas autoritaire mais incitative, non pas seulement à l’initiative de l’État mais par l’association du secteur privé et des partenaires sociaux. Se limitant à fixer des objectifs quantitatifs ou qualitatifs définis d'un commun accord et dégagés des affrontements partisans, l’expérience française se singularise par sa tentative – couronnée de succès – d'orienter les investissements dans des secteurs identifiés comme prioritaires. Pierre Massé, Commissaire général au Plan nommé par Charles de Gaulle, parla de son mandat comme d’un réducteur d'incertitudes.

Le Commissariat général au Plan se livra à dix reprises à l’exercice de la planification jusqu’à 1992. La décision de ne pas adopter le onzième Plan est imputable au gouvernement Balladur (1993-1995). Le tout-marché ayant pris idéologiquement le pas sur la planification, les gouvernements se contenteront à partir de cette date de lois de programmation. Ainsi, au cours de ces dernières années, nous avons adopté – parmi d’autres – une loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique2 et une loi de programmation des finances publiques3. Il s’avère donc que les autorités publiques refusent désormais de planifier au motif qu’elles préfèrent programmer de façon sectorielle.

B.— UNE LOGIQUE OPÉRATIONNELLE D’ACTION DANS LES TERRITOIRES

La mise en sommeil du Plan verra en revanche l’implication grandissante des collectivités locales aux côtés de l’État dans la mise en œuvre territorialisée des politiques nationales. Les contrats de Plan État-Régions – assez hypocritement renommés contrats de projet en 2007 – sont actuellement dans leur cinquième génération et ils ont pour ambition affirmée de relayer les choix stratégiques nationaux et communautaires en termes d’infrastructure. Les sommes mobilisées ont augmenté de 56 % entre les exercices 1994-1999 et 2000-2006.

En charge d’un territoire composite et diversifié par la multiplicité de ses paysages et de sa topographie, l’État a pour mission de limiter les déséquilibres territoriaux et de valoriser, dans chaque région, les avantages naturels et les perspectives de développement. Il revient au pouvoir gaulliste d’avoir formalisé ce lien entre conception et mise en œuvre par la création de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR) par le décret n° 63-112 du 14 février 1963 :

Cette délégation sera un organisme de coordination et d’impulsion. Son rôle sera, à partir des objectifs généraux définis par le Plan, de préparer et de coordonner les éléments nécessaires aux décisions gouvernementales en matière d’aménagement du territoire et d’action régionale et de veiller à ce que les administrations techniques ajustent leurs actions respectives dans ce domaine, et fassent converger les moyens dont elles disposent vers les objectifs qui globalement, dépassent l'action et la responsabilité de chacune d'elles : tâche intermédiaire, qui requiert de façon constante la possibilité de recourir à l'arbitrage et à l'autorité du Premier ministre.

Le lien entre cette mission de traduction du Plan sur le terrain et le Premier ministre conférait à cette dernière une forte légitimité. La priorité accordée par l’État a été renforcée en 1972 avec la création d'un ministère de l'aménagement du territoire, du logement et du tourisme.

La DATAR avait une fonction de réflexion, d’impulsion et d’animation des politiques de l’État sur les territoires. Son remplacement par la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT), formalisé par un décret du 31 décembre 2005, a entendu assigner à cette dernière un champ d'action davantage économique. En pratique, les activités n’ont guère été modifiées, sinon par un retour sous l’autorité du Premier ministre. La collectivité nationale ne peut de toute façon pas s’exonérer de son obligation de solidarité en direction de ses territoires les moins bien dotés. Preuve du caractère cosmétique de la nouvelle dénomination, un décret vient de rendre à la DIACT son appellation d'origine.

La création d’un Plan écologique de la nation rendrait donc également à la DATAR sa fonction historique : la coordination des différentes administrations pour la réalisation territoriale d’objectifs nationalement définis.

La planification française est un outil original de régulation économique, articulant incitation et intervention. La crainte d’une économie administrée au nom de l’écologie et de considérations environnementales, dont l’importance fondamentale a été démontrée au-delà de toute suspicion, ne saurait par conséquent justifier une hostilité quelconque à la présente proposition de loi.

Dans son ouvrage « L’État prédateur », l’économiste nord-américain James K. Galbraith consacre un chapitre entier à la nécessité d’une planification fondée sur une volonté de préserver l’environnement. Il conteste sans concession les idées reçues du libéralisme économique issues de l'ère Reagan et de la fin de la guerre froide. Selon l'économiste : « La publication en 2007 du quatrième rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) montre clairement, au-delà de toute contestation possible, que le problème de la planification technologique et de la gestion de la catastrophe va devenir assez rapidement l'enjeu de sécurité crucial auquel sera confrontée chaque région de la planète. [...] Il faudra nécessairement retirer du champ d'action des entreprises privées un élément central de la vie économique – le contrôle des sources et des usages de l'énergie – et le placer sous administration publique. »4. Il ajoute plus loin : « De deux choses l'une : soit la solution du problème du changement climatique sera planifiée par une autorité publique agissant avec la puissance publique, soit on déléguera sa planification à des entreprises privées dont la grande priorité est de vendre du charbon, du pétrole et des voitures qui consomment de l'essence. Si c'est la seconde voie qui est suivie, dans un siècle ou deux le monde industriel développé tel que nous le connaissons n'existera peut-être plus, et beaucoup d'êtres humains que ce monde s'était montré, par exception, capable de maintenir en vie n'existeront plus non plus »5

La crise financière mondiale générée par les errements de la finance globalisée qui s'est amplifiée depuis l'automne 2008 a justement montré, a contrario, que la maladie n’était pas uniquement là où on l’identifiait à la fin des années 1980. En France, le modèle national de planification est incitatif, coopératif et consensuel. Il demeure un outil digne d’être employé par la représentation nationale pour faire face aux formidables défis environnementaux et climatiques du XXIe siècle. Il faudra un gigantesque engagement collectif pour les relever. Il faudra, surtout, expliquer à chacun ce qu’il doit faire pour s’inscrire dans l’effort commun.

C.— UN EXEMPLE DE PLANIFICATION TERRITORIALE ÉCOLOGIQUE : LE SCHÉMA DIRECTEUR 2008 DE LA RÉGION ILE-DE-FRANCE

Le Schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF), adopté le 25 septembre 2008 par délibération du Conseil régional, est un document de planification qui définit à l’horizon 2030 l'avenir de l'Ile-de-France en termes d'aménagement de l'espace ainsi que d'évolutions sociales, économiques et environnementales. Il exprime une vision stratégique et un projet spatial. C'est un document d'urbanisme, opposable aux documents d'urbanisme locaux. Le SDRIF a depuis été transmis à l'État pour approbation mais, depuis une année, le Gouvernement ne souhaite pas lui donner suite et laisse la Région sans document prospectif de référence.

Le Schéma adopté par le conseil régional d'Ile-de-France est le fruit de deux ans de concertations institutionnelles et citoyennes entreprises entre 2005 et 2007. Le volet institutionnel s'est articulé autour d'un projet concerté, construit collectivement avec tous les acteurs de l'aménagement de l'Ile-de-France, au moyen d'un pilotage partenarial entre la Région, l'État et le Conseil économique et social régional. D'autres organismes ont été associés (tels que l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la Région Ile-de-France), ainsi que les chambres consulaires et les représentants de la société civile (syndicats de salariés, organisations patronales, associations environnementales et familiales). Ont également été consultés les élus locaux d'Ile-de-France et les représentants des Régions voisines.

Le volet participatif a compris trois conférences de citoyens, quarante-quatre ateliers, forums, conférences et états généraux qui ont rassemblé plus de cinq mille participants. Un institut de sondages a été sollicité pour cerner les réactions de l’opinion, il a reçu cinquante mille réponses. Une enquête publique de grande ampleur a été menée de septembre à décembre 2007 par dix-neuf commissaires enquêteurs pour rendre un avis favorable unanime au projet de nouveau SDRIF. Une telle démarche de participation citoyenne permet de combler l’hiatus qui pourrait apparaître entre une planification qui serait abstraite et les acteurs de terrain.

La démarche même d'élaboration du SDRIF, conduite par la Vice-présidente de la Région Ile-de-France en charge de l’aménagement du territoire Mireille Ferri, a voulu inverser les postulats classiques qui auraient appréhendé en priorité la compétitivité et l'attractivité de l'économie régionale, faisant passer au second plan les questions sociales et plus loin encore les réflexions environnementales. Au contraire, la démarche de planification a favorisé la lutte contre les inégalités sociales et la transformation écologique (touchant l'énergie, le climat ou le milieu environnant) pour prévenir des tensions dans l'accès aux ressources vitales (alimentation, eau, terres agricoles) et dans la protection de la biodiversité. La définition du modèle économique est logiquement venue en conclusion, en cohérence avec les éléments déjà retenus. Ce raisonnement a rencontré le soutien des partenaires sociaux, y compris de chambres consulaires comme la chambre d'agriculture, sensible à l’inscription comme objectif prioritaire de la protection des sols agricoles.

S'agissant du contenu du SDRIF, le Conseil d'État a autorisé le document de planification à édicter de nouvelles orientations – notamment la priorité aux questions environnementales – à condition qu'il définisse pareillement des instruments normatifs cohérents. Ainsi, s'agissant de la protection des sols agricoles, près d'agglomérations qui connaissent une pression foncière forte et la tentation de les déclarer constructibles, le SDRIF a prévu des limites de « front urbain régional ». L'objectif de division par quatre des émissions de gaz à effet de serre dès 2030 peut transparaître, dans le cadre d'une telle planification territoriale touchant à l'occupation des sols, à travers des prescriptions dans la gestion des densités de population, la limitation des déplacements en automobile individuelle et la tentative de rapprochement des zones d'emploi et de logement. Le SDRIF a également défini des zones d'urbanisation conditionnelle : l'urbanisation n’est permise qu'à la condition d'installer préalablement des infrastructures de transports en commun pour lutter contre l’étalement urbain et l’usage obligatoire de la voiture individuelle.

Si la planification territoriale touche avant tout l’aménagement spatial, elle doit s’articuler avec une dimension temporelle. La construction des équipements planifiés à travers une programmation budgétaire pluriannuelle a permis l’indication d’un phasage dans l'exécution des travaux. Le document de planification sert ainsi d'information à l'ensemble des citoyens et des entreprises dans leurs décisions individuelles.

Certaines dispositions du SDRIF sont simplement indicatives car la loi ne permet pas aujourd'hui d'intervenir sur le niveau de densité du territoire. Un nouvel instrument, le seuil minimal de densité, tente de circonvenir cette difficulté. En revanche, les Schémas régionaux de l'aménagement du territoire (SRAT) des autres Régions ne lient pas les collectivités en dehors de la Région elle-même. Il ressort de cette expérience du SDRIF et des SRAT qu'il serait souhaitable d’accroître la force normative des schémas et, par ailleurs, qu’une harmonisation fait défaut entre les différentes prospectives retenues dans les régions. Une délégation ministérielle trouverait ici toute sa place.

Mireille Ferri retire de son expérience la conviction que, dans le cadre d'un élargissement du processus de planification écologique au niveau national, le Plan devrait prévoir sa propre évaluation à travers des clauses de revoyure avec la poursuite du processus démocratique ayant conduit à son adoption. La planification écologique ne doit pas forcément être vue comme l’imagination de la nouveauté, ce qui est souvent à l’origine du caractère productiviste des processus des exemples historiques. Elle doit aussi envisager la transformation de l'ancien et de l'existant par rapport aux impératifs tracés par l'organe de planification.

Votre Rapporteure cite cet exercice francilien en exemple d’une planification modèle dans la définition de ses principes comme dans son processus d’élaboration. Le large consensus recueilli au Conseil régional et en dehors devrait lui garantir un troisième succès, sa réalisation, si le Gouvernement consent enfin à lever le moratoire qu’il impose depuis maintenant plus d’un an.

III.— LA PLANIFICATION ÉCOLOGIQUE : AGIR PARTOUT ET PAR TOUS

A.— POUR UNE ÉNERGIE RESPECTUEUSE DE L’ENVIRONNEMENT

La planification écologique en matière énergétique doit privilégier les approches qui permettent à la fois la réduction de la consommation énergétique, le développement des énergies nouvelles renouvelables dans des formes décentralisées et réparties, ainsi que la diminution du recours aux énergies fossiles et carbonées.

Un principe d’égalité dans l’accès à l’énergie doit être garanti à tous les citoyens sur l’ensemble du territoire. L’énergie est à considérer comme un bien public fondamental. La planification proposera de faire émerger un pôle public de l’énergie excluant la privatisation des principaux opérateurs et envisageant la renationalisation totale d’acteurs privés en situation dominante comme Total, EDF et GDF-Suez. La sécurité des approvisionnements et la territorialisation des lieux de production à proximité des lieux de consommation pour une meilleure autonomie des territoires seront un des axes forts du Plan. Les coopérations seront maintenues avec les partenaires d’Europe et de la Méditerranée par la poursuite des interconnexions.

Le premier Plan quinquennal écologique fixera comme orientation la sortie progressive du nucléaire et garantira l’impulsion donnée à la recherche dans le secteur fondamental des énergies renouvelables.

L’ensemble des problématiques énergétiques dans leur aspect de consommation et de production seront abordées. Durant l’élaboration de ce premier Plan, un moratoire sur l'ensemble des constructions de grands équipements, notamment celles de réacteurs nucléaires EPR, devrait être instauré, afin d’éviter l’engagement de dépenses d'importance que l’instance de planification pourrait juger peu après inopportunes.

B.— POUR UNE POLITIQUE DU LOGEMENT EFFICACE ET COORDONNÉE AUX RÉSEAUX DE TRANSPORT

Le chantier français de la rénovation énergétique des bâtiments est immense, c’est aussi un des premiers gisements d’économie dans les consommations. La planification écologique prévoira les procédures de révision des impacts réels de la norme Haute Qualité Environnementale et favorisera l'usage de matériaux respectueux du milieu naturel. Elle veillera à structurer les filières artisanale et industrielle afin de rattraper le retard accumulé dans les techniques de l’écoconstruction. Cette restructuration pourra mobiliser les acteurs de l'économie sociale et solidaire.

Le Plan doit jouer le rôle de catalyseur de l’innovation dans le secteur de l’écoconstruction, tant dans les matériaux que dans les procédés. Les conditions drastiques de sobriété, d’efficacité et de durabilité exigées dans la lutte contre le changement climatique conduiront naturellement à un recours massif à ce mode de construction.

La thématique du logement doit être considérée en lien avec une réflexion dans le domaine des transports. Ces derniers contribuent fortement aux émissions de gaz à effet de serre et leur pratique symbolise jusqu’à la caricature l'imprévision, l'absence de projection dans l'avenir qui gouverne les sociétés modernes dans une quête sans fin « du tout, tout de suite ».

La planification écologique aura pour objectif de privilégier les transports alternatifs, les transports collectifs et les modes doux de déplacement sur l’ensemble du territoire. Les maillages de proximité, dans le cadre d’un aménagement réfléchi du territoire, requièrent un effort particulier. Le financement pourrait être assuré par le gel des investissements publics en matière d’autoroutes et de voies rapides.

Constatant la faillite du postulat selon lequel la libéralisation du secteur des transports est nécessaire pour son optimisation, la planification écologique sera l’occasion de donner une nouvelle impulsion à la conception française de service public de transport et d’établir des accords publics de coopération au niveau européen.

C.— POUR UNE ÉCONOMIE QUI INTERNALISE LE FACTEUR ÉCOLOGIQUE

Conformément aux règles constitutionnelles contenues dans la Charte de l’environnement, la loi veillera à la généralisation du principe du pollueur payeur. Le levier de la fiscalité écologique doit permettre, dans un souci de redistribution et de réduction des inégalités de revenus et de patrimoine, à favoriser d'une part le rapprochement des lieux de vie – logement, travail et commerce – et d'autre part le raccourcissement des circuits de marchandises entre producteur et consommateur. La tarification des biens publics fondamentaux comme l’eau et l’énergie cherchera à garantir l'usage pour tous, tout en décourageant au mésusage, par le biais de mécanismes de solidarité et de sobriété articulant tarif social et surfacturation pour les consommations élevées et injustifiés.

Parce que l'eau est en effet un bien commun de l'humanité et l'accès à l'eau un droit fondamental, il est nécessaire d'écarter toute marchandisation et en conséquence de prévoir la gratuité des premiers mètres cubes consommés par les ménages, la progressivité du prix en fonction des volumes souhaités tant par les ménages que par les entreprises, la péréquation tarifaire à l'échelle du territoire.

La recherche française représente un atout pour la nation. Aussi le Plan doit-il être un outil d'orientation vers la performance écologique dans les secteurs économiques identifiées.

Le modèle agricole actuel, dont l’inspiration libérale et productiviste a été développée en France et en Europe et s’impose au reste du monde, est susceptible de conduire à une crise majeure de l’humanité. Il subvient de plus en plus difficilement aux besoins alimentaires de la population en raison des changements de mode de consommation, de la dégradation accélérée de la fertilité des sols induite par une production intensive, de la réduction de la surface agricole disponible à la suite de l’extension des zones urbaines, du réchauffement climatique et de la captation des terres arables par la culture des agrocarburants. Il mène également à une crise sociale qui accroît l’exode rural et obère la souveraineté alimentaire de nombreux pays réduits à quémander une aide bilatérale et dans les forums multilatéraux.

La planification écologique doit viser le droit à une alimentation de qualité pour tous et orienter les pratiques agricoles nationales en conséquence. Elle doit aussi avoir pour objectif la viabilité économique des familles paysannes par une rémunération digne de leur travail et le renouvellement générationnel des agriculteurs.

Ce nouveau modèle agricole doit intégrer la préservation et la restauration des écosystèmes dégradés et privilégier les aides et soutiens en direction de l'agriculture biologique en ménageant les temps de transition nécessaires à la mise en place des formations et des infrastructures nécessaires. Cette transition vers une révolution agricole doublement verte se donnera comme cadre de référence la relocalisation des productions et le développement des circuits courts de distribution. Ces principes seront défendus devant les partenaires européens pour une refonte de la politique agricole commune. Ils favoriseront par ailleurs une éducation axée sur l’évolution des régimes alimentaires valorisant les pratiques saines de consommation.

Un volet similaire appellera à la relocalisation des industries nationales pour une plus grande rationalité. Il est anormal que la recherche de la rentabilité économique conduise à faire parcourir à des marchandises plusieurs fois le tour de la planète entre le lieu de la première production et la zone de consommation finale. L’environnement en souffre tout autant que les ouvriers français confrontés à la concurrence déloyale d’entreprises ne respectant ni les bases du droit social ni les principes environnementaux. Le Plan s’attachera à minimiser les coûts induits par les relocalisations en favorisant la concentration des activités industrielles d’élaboration d’un même produit, diminuant de la sorte la nécessité de recourir aux infrastructures de transport.

D.— POUR UN OBJECTIF COMMUN ÉTABLI ET PARTAGÉ PAR TOUS

Dans la mise en œuvre du premier Plan qui a fait suite à la Libération, il a été admis que la France mène une bataille de la production qui fait l’objet d’un consensus national y compris parmi les partenaires sociaux : « Produire d’abord, revendiquer ensuite. » Ce principe, compréhensible dans un territoire dévasté par la guerre, se doit d’être aménagé aujourd’hui. La planification écologique ne reporte pas les préoccupations sociales pour se consacrer à la préservation de l’environnement. Au contraire, il est certain que l’un n’ira pas sans l’autre. Nous avons besoin d’un nouveau consensus national : il s'agit de lutter contre le mésusage dans la production, l'allocation et la consommation des ressources.

Cette ambition passe forcément par une mobilisation de l’ensemble des citoyens et des acteurs économiques. Si la planification est assimilée à un document technique produit par le centre pour la reprise en mains des territoires au mépris de leur libre administration, elle se soldera immanquablement par un échec retentissant. La définition d’une politique qui engage durablement la nation entière exige dans son élaboration la participation de tous les citoyens. Seul l’objectif librement arrêté sera considéré comme réaliste et légitime par la population. Une planification de qualité ne se fera pas sans des débats de qualité.

Dans les instances multinationales et bilatérales, la France défendra les principes de la planification écologique et des positions de négociation en accord avec les plans quinquennaux. Un bilan sera fait des conventions, textes, directives et autres traités auxquels la France est partie prenante au regard de leur compatibilité avec des objectifs de planification écologique. Il conviendra de renégocier ou de dénoncer tous les accords qui contribuent à l'accroissement de la crise écologique.

La bataille contre l'effet de serre ne peut se réduire à la somme des modifications de comportements individuels. Elle ne pourra être remportée sans assumer des ruptures avec le productivisme. Elle met à l’ordre du jour un véritable changement de modèle de société et le retour à l'action des pouvoirs publics, au service de l'intérêt général. Aussi la fiscalité ne peut être la seule réponse politique à l'urgence écologique. Au laisser-faire libéral, comme au mythe du marché régulé, il faut opposer la volonté politique. Les seules mesures incitatives ou correctives avancées par le gouvernement ne suffiront pas pour stopper à temps la marche du capitalisme au désastre écologique.

À la société du toujours plus (plus de croissance, plus de compétitivité, plus d'attractivité, plus de vitesse, plus de consommation), la planification écologique entend être l'outil public et démocratique d'une société du vivre autrement, du vivre plus lentement, en tissant les liens de coopération, pour piloter la transition vers le vivre mieux répondant aux défis écologiques présents et futurs.

EXAMEN EN COMMISSION

I.— DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du mercredi 25 novembre 2009, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de Mme Martine Billard, la proposition de loi instaurant une planification écologique (n° 1991).

M. le président Christian Jacob. Je donne sans plus tarder la parole à Martine Billard, que nous sommes heureux d’accueillir au sein de notre commission afin qu’elle présente sa proposition de loi visant à instaurer une planification écologique.

Mme Martine Billard, rapporteure. Ce texte que je présente au nom du groupe GDR trouve son origine dans le constat sans doute unanime de la gravité de la crise écologique que nous traversons. En effet, le réchauffement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre entraîne sécheresses, aggravation de certains épisodes climatiques, problèmes d’approvisionnement en eau, migrations de populations, dégradation des terres – notamment en raison de l’utilisation d’intrants agressifs –, diminution des réserves de pétrole comme des autres matières premières non renouvelables, augmentation de la population mondiale – nous serons bientôt neuf milliards sur notre planète. On le voit, les motifs d’inquiétude sont nombreux et il est donc urgent d’agir : le « temps du monde fini », pour reprendre la formule de Paul Valéry, interdit désormais certains modes de consommation ou de production.

À ce propos, la France a pris un certain nombre d’engagements qui doivent être impérativement tenus : diminution de 20 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020 et de 80 % à l’horizon 2050, diminution de 20 % de la consommation énergétique, augmentation de 20 % de la part des énergies renouvelables. J’ajoute que les conclusions de la mission parlementaire qui s’est penchée lors de la dernière législature sur les conséquences des émissions de gaz à effet de serre sur le réchauffement climatique sont dépassées puisque nous sommes confrontés à des échéances beaucoup plus brèves que prévu – comme en atteste également le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Enfin, le réchauffement climatique étant principalement dû aux émissions de gaz à effet de serre des pays riches, nous avons une dette écologique à l’endroit des nations les plus pauvres.

C’est parce que la modification individuelle de nos comportements, si utile soit-elle, ne suffira pas à changer la donne que je propose de réinstaurer une planification – différente, certes, de celle que nous avons connue dans le cadre du commissariat au plan mais s’inscrivant dans sa lignée. En effet, nous ne pouvons pas nous contenter de projets thématiques, donc dépourvus d’une vision globale, non plus que de lois de programmation : seule une planification permettra, d’une part, de tenir compte de l’ensemble des domaines concernés – sur le plan tant de l’économie que de l’énergie ou de l’aménagement du territoire –, d’autre part, d’intégrer le facteur écologique dans la production. Faute d’une telle vision d’ensemble et de prendre à bras-le-corps cette urgence écologique, nous risquons de voir se développer des conflits violents pour l’accès aux matières premières, aux terres et à l’eau.

A cela s’ajoute que le Grenelle de l’environnement a montré les limites d’un cadre purement incitatif et que des actions plus prescriptives sont nécessaires. Ainsi, dans le BTP, si nous avons les moyens d’agir sur les constructions nouvelles – je songe au développement des énergies passives –, nous devons aussi nous donner par exemple les moyens de modifier les bâtiments existants.

Par ailleurs, à ceux qui seraient effrayés par le mot de planification et qui redouteraient le retour à une économie administrée je ferais plusieurs remarques : outre que la planification écologique n’a évidemment rien à voir avec je ne sais quel Gosplan, il est notable que l’État reprend aujourd’hui la main dans un certain nombre de domaines, fût-ce hélas de manière autoritaire comme avec le projet du Grand Paris. Telle que je l’entends, en revanche, la planification ne peut qu’être démocratique : elle ne sera en effet efficace que si l’ensemble des Français et des acteurs économiques l’acceptent – d’où l’article 5 relatif aux conférences de participation populaire. De ce point de vue-là, elle s’inscrit d’ailleurs dans la lignée des schémas de cohérence territoriale (SCOT) ou du schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF), lequel a fait l’objet d’intenses concertations pendant plus de deux ans. C’est ainsi que nous parviendrons à prendre en compte effectivement l’aménagement du territoire dans ces deux dimensions essentielles que sont la politique de l’urbanisation et des transports.

Pour toutes ces raisons, j’invite nos collègues à soutenir cette proposition de loi, dont le dispositif se présente ainsi : l’article premier définit le plan écologique ; l’article 2 en donne le contenu ; l’article 3 étend les missions du centre d’analyse stratégique et l’article 4 celles de la délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT), que le Gouvernement vient de renommer DATAR ; l’article 5 prévoit l’organisation de conférences de participation populaire ; enfin, l’article 6 organise la compensation des charges et des pertes de recettes qui découleraient de ce texte.

M. Jean-Paul Chanteguet. Alors que le sommet de Copenhague aura lieu dans une quinzaine de jours et que le rapport du GIEC préconise en effet une diminution mondiale des émissions de gaz à effet de serre de 50 % à l’horizon de 2050 – ce qui implique, en application du fameux « facteur quatre », leur réduction de 80 % pour les seuls pays développés –, nous nous interrogeons tous sur les moyens d’atteindre ces objectifs : progrès techniques favorisant le stockage du carbone, mise en place d’un marché planétaire des quotas d’émission, taxation écologique ?

Il est vrai par ailleurs que la proposition de Martine Billard s’inscrit dans notre tradition et qu’il ne doit donc pas déplaire au conseiller du Président de la République qui fut le dernier commissaire au Plan…

Au total, le groupe SRC ne peut que soutenir une planification écologique qui permettrait de définir des objectifs locaux et nationaux de manière à que la France puisse satisfaire à ses obligations et qui favoriserait une meilleure utilisation des ressources naturelles.

M. Christophe Priou. Si nombre d’entre nous ont été bercés par l’antienne de l’aménagement du territoire, faut-il pour autant en distinguer la planification écologique ? Par ailleurs, si la notion de participation populaire rappelle celle de démocratie participative, je constate qu’il n’est que très rarement fait usage de la loi relative à la démocratie de proximité, votée en février 2002 et qui permet l’organisation de référendums locaux, consultatifs ou décisionnels.

Je me demande par ailleurs à quel degré les collectivités territoriales seraient associées au dispositif proposé ?

Enfin, sur le plan fiscal, le maintien de la DGF et le relèvement du taux de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu ne relèveraient-ils pas de la double peine pour les contribuables locaux ?

Mme Fabienne Labrette-Ménager. Si je remercie Mme Martine Billard d’avoir soulevé cette question de la planification écologique – laquelle n’est pas d’ailleurs sans lien avec le Grenelle de l’environnement – je rappelle toutefois que la plupart des politiques environnementales et écologiques relèvent du niveau européen. C’est notamment le cas du schéma directeur d’aménagement de la gestion des eaux (SDAGE), de la directive cadre sur l’eau (DCE) ou de Natura 2000.

Le Grenelle de l’environnement a fait l’objet d’une véritable concertation populaire et a associé l’ensemble des acteurs économiques, écologiques et organisationnels, il constitue une synthèse de l’ensemble de vos propositions, Madame la rapporteure, avec les objectifs à court et moyen termes qu’il préconise mais, également avec les obligations qu’il comporte pour les particuliers et les collectivités – les changements de comportements sont d’ailleurs d’ores et déjà palpables, y compris en ce qui concerne le traitement des déchets, sujet que je connais fort bien.

C’est pour cela que nous attendons impatiemment le Grenelle 2 auquel j’espère que vous vous associerez davantage que vous ne l’avez fait à l’occasion du Grenelle 1…

M. Michel Havard. Sans doute un certain nombre d’imprécisions juridiques et organisationnelles sont-elles la rançon du champ d’application trop vaste d’une proposition de loi qui relève principalement de la déclaration d’intention.

De surcroît, parce que des dispositifs existent déjà dans les domaines de l’urbanisme ou, plus généralement, de l’aménagement du territoire, ce texte est redondant par rapport aux textes Grenelle 1 et 2 et le groupe UMP ne le soutiendra donc pas.

Mme Geneviève Gaillard. Tout au contraire, cette proposition ne manque pas d’intérêt. Si le Grenelle de l’environnement contient un certain nombre de dispositions importantes et si les SCOT ou les PLU sont des outils nécessaires, une planification écologique de long terme favoriserait une meilleure mise en perspective de l’ensemble de nos objectifs.

Nous sommes en outre confrontés à une autre urgence à laquelle il est d’ordinaire peu fait allusion : celle de la diversité biologique. En effet, malgré les dispositifs mis en place, cette dernière régresse et des espèces faunistiques ou floristiques disparaissent faute que nous soyons parvenus à dégager un certain nombre de perspectives de reconquête. En complément du Grenelle, cette proposition – que je soutiens – contribuerait à remédier à une telle situation.

M. Philippe Plisson. Si nous partageons tous le constat de l’urgence écologique, nous ne sommes en revanche pas d’accord sur les moyens d’y remédier : l’incantation ou les propositions ? Considère-t-on que la « main invisible » du marché contribuera à régler les problèmes qui se posent ou se donne-t-on les moyens de mettre en place l’indispensable économie organisée que j’appelle de mes vœux ?

Ce texte mériterait bien sûr d’être prolongé, notamment en matière de fiscalité, mais il a le grand mérite d’établir un cadre, de dresser une perspective pour nous mener vers ce qui ne vient pas tout seul – bref, de nous faire évoluer vers le projet de société de demain.

M. Christophe Bouillon. Personne ne conteste ni l’urgence climatique ni les efforts de la France, au plan national et international. Mais justement, la planification est un moyen de voir plus loin, de définir les chemins possibles. D’abord, elle permet de définir un nouveau modèle de société et de croissance sans lequel il ne sert à rien de se mettre d’accord sur des objectifs. Ensuite, elle pérennise ce qui a fait la force du Grenelle : la participation de tous les acteurs – associations, intérêts économiques, sociaux et environnementaux. Enfin, elle assure la cohérence d’ensemble de notre action. Nous qui examinons tous les jours des textes parfaitement cloisonnés savons qu’il est possible de fixer des objectifs forts en matière de développement durable, mais de voter en même temps des dispositifs qui accroissent les émissions de gaz à effet de serre. C’est pourquoi cette planification arrive au bon moment pour renforcer la démarche du Grenelle de l’environnement.

M. Serge Grouard. Je voudrais signaler à ceux qui la critiquent en d’autres domaines la très forte logique de recentralisation de ce texte, qui transférerait à l’État de nombreuses compétences relevant aujourd’hui des collectivités locales. Songez que l’alinéa 4 de l’article 2 propose que la loi de Plan écologique fixe les orientations publiques en matière de prélèvements, d’eau, d’agriculture, de transports, de logement et d’énergie, et fixe même les conditions de leur tarification ! Les communes ou leurs groupements seront dépossédés de leurs compétences en matière de politique de l’eau par exemple, les communes et les régions en matière de transports… Je ne suis pas sûr que vous ayez mesuré la portée de ce texte, que nous ne pouvons en tout état de cause pas soutenir.

M. Pierre Lang. Je voudrais pour ma part dénoncer ce prétendu consensus scientifique et politique selon lequel le réchauffement de la planète et l’amenuisement de la biodiversité auraient pour unique cause l’activité humaine. Il existe plusieurs écoles scientifiques, dont l’une, soutenue par Claude Allègre, conteste formellement ces affirmations. La biodiversité est en évolution constante ; des espèces meurent et apparaissent chaque jour. Il n’y a aucune preuve que cela soit dû à l’homme. Quant à ce Gosplan écologique, on ne peut être qu’inquiet en entendant les accents « robespierristes » que prend la gauche pour le défendre, invoquant aujourd’hui et demain, sans doute, l’Être suprême ! Je ne soutiens donc pas cette proposition.

M. Philippe Tourtelier. Je pensais ne plus avoir à entendre de tels propos ! La probabilité que le réchauffement climatique soit d’origine anthropique est estimée à plus de 90 %. Ce chiffre est le résultat d’une démarche scientifique – et Claude Allègre sait ce qu’est une démarche scientifique. Quant au reste, il ne s’est pas exprimé pas dans son domaine. Pour ce que j’en pense, Claude Allègre attend toujours l’explosion de la Soufrière !

M. le président Christian Jacob. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette proposition de loi suscite le débat.

Mme la Rapporteure. Certes, notre planète connaît des phases climatiques mais le réchauffement ne s’est jamais fait aussi vite…

M. Pierre Lang. Sauf au quinzième siècle…

Mme la Rapporteure. Ce n’est pas vrai, et il n’y a jamais autant eu d’émissions de gaz à effet de serre que depuis un siècle. Même si l’on arrêtait aujourd’hui, le climat continuerait à se réchauffer !

Je reconnais que l’expression « participation populaire » n’est pas heureuse. Si je me suis abstenue lors du vote sur le Grenelle 1, c’est parce qu’il n’allait pas assez loin, qu’il n’était en particulier pas assez prescriptif dans certains domaines. Mais pour le reste, c’est une très belle expérience de participation, très positive. C’est cela que j’avais à l’esprit : un débat démocratique. Les décisions continueraient à être prises par les institutions – collectivités territoriales, Parlement. Il ne s’agit pas de créer des tribunaux populaires !

Le grand apport de cette proposition de loi est de réaliser l’articulation nécessaire de l’ensemble des politiques, par territoire ou par thème, qui se juxtaposent aujourd’hui sans cohérence globale. Certes, mes propositions vont un peu plus loin que la simple incitation mais dans l’article 2, alinéa 4, il n’est question que d’orientations, pas de décisions ! L’État établirait au niveau national l’articulation entre les différents modes de transport, déciderait de ne plus construire d’autoroutes ni agrandir les aéroports, fixerait les orientations en termes d’assainissement de l’eau et de préservation de la ressource par exemple, tandis que la mise en œuvre resterait du ressort des institutions actuelles – collectivités, mais aussi autorités de transports.

Pour ce qui est enfin de la fiscalité, cette proposition ne fixe qu’un cadre général. Sachant ce qu’il va advenir du débat en séance publique, il est clair qu’il n’était pas nécessaire de rédiger des articles parfaitement détaillés…

Bref, cette proposition permet de mieux articuler les dispositifs épars qui existent, de fixer les orientations au niveau national et de prendre quelques mesures plus prescriptives qu’aujourd’hui, compte tenu de l’urgence écologique à laquelle nous devons faire face.

M. le président Christian Jacob. Nous en venons à l’examen des articles.

——fpfp——

II.— EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER

LE PLAN ÉCOLOGIQUE DE LA NATION

Article 1er

Plan écologique de la Nation

Le présent article définit en son premier alinéa le Plan écologique de la Nation comme le document déterminant les orientations stratégiques et les objectifs de moyen et de long terme de la France dans les champs économique, social et environnemental. Il fait également mention des moyens retenus pour la mise en œuvre des choix présentés. Afin d’éviter un déséquilibre entre les différentes régions françaises et l’inégalité qui en résulterait entre les citoyens, le Plan se fixe également pour mission l’aménagement du territoire.

Les deux alinéas suivant relatifs à la procédure d’édiction du Plan écologique insistent sur sa dimension participative et sur la nécessité de recueillir un consensus aussi large que possible pour faciliter sa mise en œuvre et son acceptation sur le terrain. Le deuxième alinéa fait mention des partenaires économiques et sociaux, des associations, du Conseil économique, social et environnemental ainsi que des collectivités territoriales. Le troisième alinéa ordonne spécialement une association des citoyens par le truchement de dispositifs de participation populaire définis avec plus de précisions à l’article 5 de la proposition de loi.

Votre Rapporteure recommande l’adoption du présent article sans modification.

*

* *

La Commission rejette l’article premier.

TITRE II

LE CONTENU DU PLAN ÉCOLOGIQUE DE LA NATION

Article 2

Contenu du Plan écologique de la Nation

Le présent article reprend la définition du Plan écologique de la Nation formulée par le précédent en précisant la forme juridique que revêt la planification écologique ainsi que les mécanismes auxquels il lui est loisible de faire appel.

Le premier alinéa détermine d’une part que le Plan écologique de la Nation prend la forme de lois quinquennales successives et d’autre part qu’il lui appartient de fixer les moyens d’actions nécessaires pour atteindre les objectifs qu’il s’assigne ou qu’il transcrit des engagements internationaux contractés par la France. Le délai de cinq années apparaît raisonnable pour laisser le temps à l’action publique de s’inscrire dans la durée tout en évitant que l’administration ne perde de vue des objectifs trop anciens ou surannés.

Le deuxième alinéa indique que la loi de Plan écologique contient les mesures administratives, juridiques et fiscales adéquates pour la poursuite de ses objectifs. Donner un volet fiscal à la planification pourrait la mettre en délicatesse avec les prescriptions constitutionnelles qui réservent ce domaine législatif aux lois de finances. Cet écueil est évité à travers le troisième alinéa qui mentionne que les priorités écologiques retenues par la loi de Plan font écho aux priorités budgétaires formalisées dans le respect de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.

Le quatrième alinéa fait part des orientations que fixe la loi de Plan écologique. Les secteurs explicitement mentionnés sont la fiscalité, l’eau, l’agriculture, les transports, le logement et l’énergie. Néanmoins, l’emploi du terme « notamment » laisse au Parlement le choix d’intégrer à la planification tout domaine d’activité qu’il jugera pertinent. Le Plan comporte ici des orientations et non des prescriptions, il s’agira donc d’édicter des mesures incitatives pour que la collectivité progresse vers les objectifs fixés. La proposition de loi se distingue ici nettement d’une planification autoritaire telle qu’elle était pratiquée dans le bloc de l’Est au cours de la Guerre froide.

Le cinquième alinéa indique que la loi de Plan écologique fixe les critères de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises ainsi que les droits d’intervention des salariés à travers leurs institutions représentatives pour favoriser la bonne pénétration des objectifs retenus dans le secteur privé de l’économie. La proposition de loi se fait ici plus prescriptive et opératoire, ce qui semble indispensable à sa bonne application hors de la sphère publique.

Le sixième alinéa prévoit la déclinaison à l’échelon territorial de la loi de Plan écologique édictée par le Parlement à travers des contrats de plan conclus avec les collectivités locales. Il existe déjà un grand nombre de conventions conclues par l’État et les autorités décentralisées ; les contrats de projet État/Région sont certainement les mieux indiqués puisque survivance historique sur le territoire de l’ancienne planification arrêtée au début des années 1990.

Le septième alinéa ordonne au Commissariat à la planification écologique d’annexer à la loi de Plan un rapport recommandant les négociations à entamer avec les partenaires économiques, sociaux et territoriaux pour une meilleure mise en œuvre des orientations retenues. Ce rapport est approuvé par le Parlement.

Le huitième alinéa transcrit les mêmes dispositions que le précédent pour les accords internationaux et les programmes de coopération. Il s’agit ici de remettre en cause les engagements contractés par la France auprès d’autres États qui ont pour objet ou pour effet de contrevenir aux objectifs retenus par la planification écologique.

Enfin, le neuvième alinéa prévoit l’adaptabilité des orientations retenues face à un éventuel changement des circonstances de droit ou de fait qui viendrait remettre en cause la pertinence de la planification en cours de période quinquennale. Il dispose que les assemblées parlementaires se livrent à une évaluation annuelle de la loi de Plan sur la base d’un rapport du Commissariat à la planification écologique. La possibilité d’amender la loi de Plan initiale, quoique découlant des normes constitutionnelles, est explicitement mentionnée dans la proposition de loi. Celle-ci fait obligation au Gouvernement de communiquer au Parlement tout document nécessaire à l’exercice de sa mission de contrôle.

Votre Rapporteure recommande l’adoption du présent article sans modification.

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La Commission rejette l’article 2.

TITRE III

LES STRUCTURES D’ÉLABORATION ET LA PROCÉDURE D’ADOPTION
DU PLAN ÉCOLOGIQUE DE LA NATION

Article 3

Redéfinition du Centre d’analyse stratégique

Le présent article détermine la dénomination et les nouvelles fonctions imparties au Centre d’analyse stratégique dans le contexte d’une planification écologique.

Le premier alinéa renomme le Centre d’analyse stratégique, avatar du Commissariat général au Plan institué à la Libération créé en 2005, en Commissariat à la planification écologique. Il serait ainsi érigé en pôle stratégique pour la définition, au niveau étatique, des orientations retenues par la loi de Plan.

Les quatre alinéas suivants ordonnent à la nouvelle structure de remettre un rapport au Parlement avant le 1er juillet 2010 tendant à préciser la méthodologie retenue pour l’élaboration de la loi de Plan écologique, le suivi de la compatibilité des politiques publiques et des grands engagements de l’État avec les priorités édictées et la synthèse des débats menés sur les territoires en lien avec la Commission nationale du débat public mentionnée à l’article 5.

Votre Rapporteure recommande l’adoption du présent article sans modification.

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La Commission rejette l’article 3.

Article 4

Redéfinition de la délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires

Le présent article détermine la dénomination et les nouvelles fonctions imparties à la direction interministérielle chargée de la mise en cohérence des politiques sectorielles et de leur déclinaison sur le territoire.

Le premier alinéa transforme la délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires en une délégation interministérielle à l’aménagement écologique des territoires. Cette modification fait sens dès lors que la proposition de loi a pour but de substituer à une priorité de recherche de croissance économique une prépondérance de la préoccupation environnementale. S’il apparaissait que le Gouvernement avait renommé préalablement cette administration comme il semble en avoir fait mention avant la discussion de la proposition de loi, un amendement parlementaire viendrait corriger la dénomination visée.

Les quatre alinéas suivants ordonnent à la nouvelle structure de remettre un rapport au Parlement avant le 1er juillet 2010 sur la mise en œuvre de la loi de Plan écologique. Il s’attacherait à coordonner la transcription sur le terrain des orientations fixées à l’échelon national, à harmoniser les politiques territoriales et communautaires avec ladite planification et à gérer la ventilation des crédits entre les territoires. Il s’agit donc, par conséquent, d’une démarche classique d’aménagement du territoire dont la grande nouveauté serait le fil directeur, la protection du milieu naturel.

Votre Rapporteure recommande l’adoption du présent article sans modification.

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La Commission rejette l’article 4.

Article 5

Conférences de participation populaire

Le présent article vise à organiser la concertation citoyenne dans la préparation d’un Plan quinquennal. Le premier alinéa mentionne que celle-ci est déclenchée à la promulgation de la loi pour le premier Plan et dix-huit mois avant l’expiration de la planification en vigueur pour les suivants. Le débat se tient au sein de conférences de participation populaire créées pour l’occasion. Celles-ci se tiennent au niveau communal ou intercommunal, puis dans un cadre départemental, enfin dans un cadre régional. Ce système vertical ascendant, qui permet l’expression des opinions à travers une représentation à plusieurs degrés, a déjà existé dans l’histoire de France, par exemple pour la désignation des députés du tiers aux États généraux de 1789. Il présente l’avantage de consulter l’ensemble de la population et de lui confier le pouvoir de sélection des idées pertinentes dans la masse des propositions qui ne manqueront pas d’être présentées. Cet écrémage réalisé par le peuple limitera le risque bureaucratique inhérent à tout processus de planification.

Le deuxième alinéa confie la charge de l’organisation des conférences et de la collecte des conclusions qu’elles auront livrées à la Commission nationale du débat public en coopération avec le Commissariat à la planification écologique. Cette commission est chargée de mettre en œuvre le principe de participation du public dans la procédure d'instruction des grands projets d'aménagement ou d'infrastructure. Elle a été instaurée par la loi du 2 février 1995 relative à la protection de l'environnement, dite loi Barnier, et son secrétariat relève du ministère de l’Environnement. Elle dispose donc à la fois de l’expérience des consultations populaires dans les territoires et d’un lien fort avec les problématiques écologiques qui la recommandent pour la conduite des opérations.

Le troisième alinéa habilite le Gouvernement à arrêter par décret les conditions de déroulement des conférences de participation populaire. Il est conforme à la pratique constitutionnelle selon laquelle la loi fixe des principes directeurs qu’il revient au règlement de mettre à exécution.

Le quatrième et dernier alinéa précise que les conclusions des conférences ainsi regroupées sont soumises pour avis au Conseil économique, social et environnemental. Elles sont ensuite présentées au Parlement sous la forme d’un projet de loi répondant aux exigences posées à l’article 2 de la proposition de loi.

Votre Rapporteure recommande l’adoption du présent article sans modification.

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La Commission rejette l’article 5.

Article 6

Gage

Le présent article contient des dispositions de nature financière visant à neutraliser les éventuelles conséquences pour le budget de l’État, que pourrait avoir l’adoption des dispositions de la proposition de loi en prévoyant un relèvement du taux de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu prévu à l’article 197 du code général des impôts.

L’alinéa 2 ordonne une compensation au bénéfice des collectivités territoriales pour les frais qu’elles seraient amenées à engager en cas d’adoption des dispositions de la proposition de loi. Ce versement prendrait la forme d’une augmentation de la dotation globale de fonctionnement financée, pour l’État, par un relèvement du taux de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu prévu à l’article 197 du code général des impôts.

Votre Rapporteure considère que cet article finance le dispositif précédent tout respectant une logique de justice fiscale. Elle recommande son adoption sans modification.

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La Commission rejette l’article 6.

M. le président Christian Jacob. Le rejet de chacun des 6 articles vaut rejet de l’ensemble de la proposition de loi. La discussion en séance publique, jeudi 3 décembre prochain, aura donc lieu sur le texte initial de Mme Martine Billard.

La Commission rejette l’ensemble de la présente proposition de loi.

TABLEAU COMPARATIF

Texte en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

instaurant une planification écologique

___

Propositions de la Commission

___

 

TITRE IER

 
 

LE PLAN ÉCOLOGIQUE DE LA NATION

 
 

Article 1er

 
 

Le Plan écologique détermine les choix stratégiques et les objectifs à moyen et long terme de la Nation dans les domaines économiques, sociaux, environnementaux et d’aménagement du territoire ainsi que les moyens nécessaires pour les atteindre.

 
 

Le Gouvernement associe les partenaires sociaux et économiques, les associations environnementales, le Conseil économique, social et environnemental ainsi que les collectivités territoriales à son élaboration et à son exécution dans les conditions définies par la présente loi.

 
 

Le Gouvernement associe également les citoyens au moyen de dispositifs de participation populaire.

 
 

TITRE II

 
 

LE CONTENU DU PLAN ÉCOLOGIQUE DE LA NATION

 
 

Article 2

 
 

La loi de Plan écologique définit les choix stratégiques et les objectifs à moyen et long terme, ainsi que le plan d’actions proposées pour parvenir aux objectifs attendus dans un délai de cinq ans, en fonction des impératifs écologiques qu’elle définit ou découlant des engagements internationaux.

 
 

La loi de Plan écologique définit aussi les mesures juridiques, fiscales et administratives à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs qu’elle définit.

Elle définit, pour la durée du plan, des programmes prioritaires d’exécution auxquels correspondent les priorités budgétaires qui seront abordées dans les conditions prévues par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.

 
 

Elle fixe les orientations de certaines interventions publiques, notamment en matière de prélèvements, de politique de l’eau, d’agriculture, de transports, de logement et d’énergie, et fixe les conditions de leur tarification auprès des personnes physiques.

 
 

Elle fixe les critères de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises et fixe dans le code du travail les droits d’intervention des salariés au sein de leurs entreprises à travers les institutions représentatives du personnel, pour favoriser la mise en œuvre des objectifs du Plan écologique auprès des acteurs du secteur privé de l’économie.

 
 

Elle indique l’objet et la portée des contrats de plan que l’État souscrit avec les collectivités territoriales pour la mise en œuvre du Plan écologique.

 
 

Elle comporte l’approbation d’un rapport préparé par le Commissariat à la planification écologique. Ce rapport indique les domaines dans lesquels il est recommandé que s’engagent les négociations entre partenaires économiques, sociaux et territoriaux, en fonction des objectifs du plan écologique.

 
 

En outre, elle mentionne les domaines où, et les États avec lesquels, il serait souhaitable d’engager des négociations en vue de la renégociation et la conclusion d’accords ou de programmes de coopération.

 
 

Elle fait l’objet d’une évaluation annuelle par les assemblées qui peut donner lieu à une modification de la loi initiale. A cette fin, chaque année avant l’examen du projet de loi de finances, les assemblées du Parlement sont saisies du rapport présenté par le Commissariat à la planification écologique sur l’exécution du plan écologique en vigueur. En outre, le gouvernement communique aux assemblées tout document nécessaire à leur mission de suivi de la mise en œuvre du plan écologique.

 
 

TITRE III

 
 

LES STRUCTURES D’ÉLABORATION ET LA PROCÉDURE D’ADOPTION DU PLAN ÉCOLOGIQUE DE LA NATION

 
 

Article 3

 
 

Le Centre d’analyse stratégique institué par le décret n° 2006-260 du 6 mars 2006 est renommé Commissariat à la planification écologique.

 
 

Avant le 1er juillet 2010, le Gouvernement remet sur les bureaux des assemblées un rapport sur la faisabilité d’une extension des missions du Commissariat à la planification écologique aux domaines suivants :

 
 

a) association à l’élaboration des lois de plan écologique et lois de plan écologique rectificatives,

 
 

b) suivi de l’adéquation de l’ensemble des politiques publiques, des contrats passés par l’État et des projets d’infrastructures avec les objectifs du plan en vigueur,

 
 

c) synthèse nationale de consultations de planification écologique décentralisées en vue de l’élaboration du Plan écologique.

 
 

Article 4

 
 

La Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires créée par le décret n° 2005-1791 du 31 décembre 2005 est renommée Délégation interministérielle à l’aménagement écologique des territoires.

 
 

Avant le 1er juillet 2010, le Gouvernement remet sur les bureaux des assemblées un rapport sur la faisabilité d’une extension des missions de la Délégation interministérielle à l’aménagement écologique du territoire aux domaines suivants :

 
 

a) préparation et coordination de la mise en œuvre des priorités et des axes définis dans le Plan écologique.

 
 

b) fonction d’interface entre les politiques européennes, les politiques nationales et les actions locales relatives au plan quinquennal.

 
 

c) pilotage et coordination de l’attribution des crédits par territoires.

 
 

Article 5

 
 

À la promulgation de la présente loi, et dix-huit mois avant la fin d’un plan quinquennal, sont convoquées les conférences de participation populaire. Les conférences se réunissent soit par commune, soit par regroupements de communes selon une logique de vie territoriale. Elles se réunissent ensuite au niveau départemental et régional.

 
 

La Commission nationale du débat public, en coordination avec le Commissariat à la planification écologique, est chargée de l’organisation des conférences de participation populaire et du recensement des conclusions de leurs travaux.

 
 

Un décret détermine les conditions de déroulement des conférences de participation populaire.

 
 

Le Plan quinquennal écologique résultant des conférences de participation populaire est soumis à la consultation du Conseil économique, social et environnemental, puis il est voté par le Parlement dans les conditions prévues à l’article 2 de la présente loi.

 
 

Article 6

 
 

Les pertes de recettes et les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par le relèvement du taux de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu prévu à l’article 197 du code général des impôts.

 
 

Les pertes de recettes qui pourraient résulter pour les collectivités territoriales de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par le relèvement de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement, pour l’État, par le relèvement du taux de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu prévu à l’article 197 du code général des impôts.

 

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mme Mireille Ferri, vice-Présidente du Conseil régional d’Île-de-France, chargée de l’Aménagement du territoire, de l’Égalité territoriale et des Contrats régionaux et ruraux

© Assemblée nationale

1 http://www.planetoscope.com/developpement-durable/consommation-eau

2 Loi n°2005-781 du 13 juillet 2005.

3 Loi n° 2009-135 du 9 février 2009.

4 James Galbraith, l’Etat prédateur, éditions du Seuil (traduction française de l'anglais (américain) de l'ouvrage The Predator State), septembre 2009, p. 244.

5 Ibid., p. 251.