Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

Nos 2161 et 2162

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 décembre 2009.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LES PROPOSITIONS DE LOI ORGANIQUE  ADOPTÉES PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE :

— tendant à permettre à Saint-Barthélemy d’imposer les revenus de source locale des personnes établies depuis moins de cinq ans (N° 2073),

— modifiant le livre III de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin (N° 2072),

PAR M. Philippe GOSSELIN,

Député.

——

Voir les numéros :

Sénat : 517, 634 (2008-2009), 55, 56, 57 et T.A. 19, 20 (2009-2010).

INTRODUCTION 5

I. UNE INTERPRÉTATION JURISPRUDENTIELLE RESTRICTIVE REND NÉCESSAIRE UNE NOUVELLE INTERVENTION DU LÉGISLATEUR POUR PRÉCISER LES CONDITIONS D’EXERCICE DE LEUR COMPÉTENCE FISCALE PAR LES COLLECTIVITÉS DE SAINT-MARTIN ET SAINT-BARTHÉLEMY 7

1. La compétence fiscale des deux collectivités a été fixée par la loi organique statutaire de 2007 7

2. La question de l’interprétation donnée à la règle dite des « cinq ans » : règle de domicile ou règle de compétence ? 8

3. Les conséquences de l’interprétation restrictive donnée par le Conseil d’État de la compétence fiscale des deux collectivités 10

II. LES DEUX PROPOSITIONS DE LOI ORGANIQUES CLARIFIENT LES COMPÉTENCES FISCALES DES DEUX COLLECTIVITÉS 11

1. La proposition de loi organique relative à Saint-Martin 11

a) Clarification de la compétence fiscale de Saint-Martin 11

b) Amélioration du fonctionnement général de la collectivité de Saint-Martin 12

c) Dispositions relatives à l’environnement 13

2. La proposition de loi organique relative à Saint-Barthélemy 13

a) Clarification de la compétence fiscale de Saint-Barthélemy 14

b) Dispositions relatives à l’environnement 14

DISCUSSION GÉNÉRALE 15

EXAMEN DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE MODIFIANT LE LIVRE III DE LA SIXIÈME PARTIE DU CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES RELATIF À SAINT-MARTIN 17

Chapitre Ier : Fixation des règles en matière d’impôts, droits et taxes 17

Article 1er (art. L.O. 6314-4 et L.O. 6380-1 du code général des collectivités territoriales) : Clarification des compétences fiscales de la collectivité 17

Article 2 (art. L.O. 6353-4 et L.O. 6353-4-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Compétences du conseil exécutif en matière d’agrément fiscal et de désignation des membres des commissions administratives intervenant dans l’application de l’impôt 22

Chapitre II : Compétences du président du conseil territorial et du conseil exécutif 23

Article 3 (art. L.O. 6352-3 et L.O. 6353-3 du code général des collectivités territoriales) : Rôles du président du conseil territorial et du conseil exécutif dans l’animation et le contrôle de l’administration locale 23

Article 4 (art. L.O. 6352-7-1 [nouveau] et L.O. 6353-4 du code général des collectivités territoriales) : Compétence du président du conseil territorial pour délivrer les autorisations d’urbanisme 24

Article 5 (art. L.O. 6322-2 du code général des collectivités territoriales) : Modalités de remplacement du président du conseil territorial 25

Chapitre III : Dispositions relatives à l’environnement 26

Article 5 bis (art. L.O. 6323-1 et L.O. 6351-11-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Insertion, dans le statut de Saint-Martin, de dispositions relatives à l’environnement 26

Article 6 : Compensation des pertes de recettes résultant pour l’État de la proposition de loi organique 27

EXAMEN DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE TENDANT À PERMETTRE À SAINT-BARTHÉLEMY D’IMPOSER LES REVENUS DE SOURCE LOCALE DES PERSONNES ÉTABLIES DEPUIS MOINS DE CINQ ANS 28

Article 1er (art L.O. 6214-4 du code général des collectivités territoriales) : Clarification des compétences fiscales de la collectivité 28

Article 1er bis (art L.O. 6223-1 et L. O. 6251-11-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Insertion, dans le statut de Saint-Barthélemy, de dispositions relatives à l’environnement 30

Article 2 : Compensation des pertes de recettes résultant pour l’État de la proposition de loi organique 31

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 32

ANNEXE : AVIS DU CONSEIL D’ÉTAT DU 27 DÉCEMBRE 2007 33

MESDAMES, MESSIEURS,

Votre commission des Lois est saisie de deux propositions de loi organique, adoptées par le Sénat le 17 novembre denier. Si quelques éléments de toilettage du statut des deux collectivités sont à noter, l’essentiel de leurs dispositions est de nature fiscale. La première proposition modifie le livre III de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin et la seconde tend à permettre à Saint-Barthélemy d’imposer les revenus de source locale des personnes établies depuis moins de cinq ans.

Ces deux textes, issus de deux propositions de loi organique respectivement déposées en septembre et juillet derniers par les sénateurs de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, Louis-Constant Fleming (1)et Michel Magras (2), tendent à compléter les dispositions statutaires relatives à la compétence fiscale de ces deux collectivités créées en juillet 2007, en application de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, dite « DSIOM ». La proposition de loi organique relative à Saint-Martin comporte en outre des dispositions relatives aux compétences du président du conseil territorial et du conseil exécutif et au remplacement du président du conseil territorial.

Ces textes entendent mettre fin à une divergence d’interprétation de la loi organique statutaire du 21 février 2007 et clarifier les compétences fiscales de Saint-Barthélemy et Saint-Martin : il s’agit de permettre à ces deux jeunes collectivités de soumettre aux impôts qu’elles définissent, à raison des revenus et de la fortune trouvant leur source sur leur territoire, les personnes dont le domicile fiscal n’est pas établi sur leur territoire, en application de la règle dite « des cinq ans de résidence ».

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ces deux textes dont les dispositifs doivent entrer en vigueur rapidement, pour produire des effets dès l’exercice budgétaire 2010 : si les deux propositions de loi organique sont adoptées avant le 31 décembre 2009, les mesures qu’elles contiennent concerneront en effet les revenus de 2009, comme l’a rappelé la ministre chargée de l’outre-mer devant le Sénat, justifiant ainsi l’engagement de la procédure accélérée.

Sans minorer la différence de situation que connaissant les deux collectivités – Saint-Martin reste confrontée à d’importantes difficultés financières (3), tandis que Saint-Barthélemy connaît une plus grande prospérité – il est apparu à la commission des Lois du Sénat opportun d’examiner au sein d’un même rapport (4) les deux textes qui clarifient les conditions d’exercice de leur compétence fiscale par les deux collectivités.

Les conseils territoriaux de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ont été saisis pour avis par le Président du Sénat de chacune de ces propositions de loi organique le 15 octobre 2009 (5). L’ensemble des articles de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin a reçu un avis favorable du conseil territorial de la collectivité le 29 octobre dernier. De la même manière, le conseil territorial de Saint-Barthélemy s’est prononcé en faveur de la proposition de loi organique relative à cette collectivité le 3 novembre.

Votre rapporteur regrette que le problème soulevé, né d’une divergence d’interprétation connue depuis deux ans déjà, fasse l’objet de textes déposés et discutés dans l’urgence, à la veille de leur entrée en vigueur attendue. Lors de leur audition par votre rapporteur (6), les représentants du ministère chargé de l’outre-mer ont cependant fait remarquer que ce n’est qu’à la fin de l’exercice budgétaire 2008 (7) que les difficultés financières de Saint-Martin ont fait prendre conscience aux élus locaux de l’acuité du problème auquel sont confrontées les deux collectivités.

Votre rapporteur juge utiles les modifications proposées par le Sénat pour clarifier la compétence fiscale de Saint-Martin et Saint-Barthélemy : aujourd’hui, les ressources de Saint-Martin, qui a une dette de plus de 11 millions d’euros, dépendent d’une compensation financière accordée par l’État et dont elle ne connaît pas à l’avance le montant. Lui permettre, tout comme à Saint-Barthélemy, de déterminer le niveau de son imposition pour les revenus de source locale, sera de nature à renforcer son autonomie financière.

I. UNE INTERPRÉTATION JURISPRUDENTIELLE RESTRICTIVE REND NÉCESSAIRE UNE NOUVELLE INTERVENTION DU LÉGISLATEUR POUR PRÉCISER LES CONDITIONS D’EXERCICE DE LEUR COMPÉTENCE FISCALE PAR LES COLLECTIVITÉS DE SAINT-MARTIN ET SAINT-BARTHÉLEMY

1. La compétence fiscale des deux collectivités a été fixée par la loi organique statutaire de 2007

En 2007, les collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy ont succédé aux communes de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, ainsi qu’au département et à la région de la Guadeloupe, sur la partie française de l’île de Saint-Martin et dans l’île de Saint-Barthélemy. Régies par l’article 74 de la Constitution, dotées de l’autonomie, elles exercent des compétences normatives étendues, notamment en matière fiscale.

S’agissant de Saint-Barthélemy, l’article L.O. 6214-3 du code général des collectivités territoriales fixe les règles applicables en matière d’impôts, droits et taxes, en renvoyant aux conditions prévues à l’article L.O. 6214-4 du même code. Ce dernier article précise que la collectivité exerce ses compétences fiscales dans le respect, notamment, des exigences liées aux conditions requises pour avoir son domicile fiscal à Saint-Barthélemy, à savoir une condition de résidence – ou, s’agissant des personnes morales, d’établissement du siège social – minimale de cinq ans sur l’île.

S’agissant de Saint-Martin, aux termes de l’article L.O. 6314-3 du code général des collectivités territoriales, la collectivité fixe les règles applicables en matière d’impôts, droits et taxes dans les conditions prévues à l’article L.O. 6314-4, lequel fixe lui aussi une règle « des cinq ans », selon laquelle, pour être considérées comme fiscalement domiciliées à Saint-Martin, les personnes physiques ou morales auparavant domiciliées dans un département de métropole ou d’outre-mer doivent avoir résidé à Saint-Martin au moins cinq années.

Pendant la période des cinq ans, les personnes physiques et morales sont considérées comme ayant leur domicile fiscal dans un département français et sont donc imposées en conséquence, des conventions fiscales devant permettre d’éviter les doubles impositions. L’édiction de cette règle visait à prévenir le risque éventuel de délocalisation de particuliers ou de sociétés vers Saint-Martin et Saint-Barthélemy, dont le législateur supposait que le régime fiscal serait particulièrement attractif.

Il est ainsi important de noter que, lors du vote de la loi DSIOM de 2007 Saint-Martin n’a pas été tout à fait traité de la même manière que Saint-Barthélemy : si les personnes physiques ou morales, de nationalité française ou étrangère qui résident à Saint-Barthélemy mais n’y ont pas, en application de la règle des cinq ans, leur résidence fiscale, sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en métropole, à Saint-Martin, la règle des cinq ans de résidence ne s’applique qu’aux personnes dont le domicile fiscal était précédemment établi dans un département de métropole ou d’outre-mer, et non aux contribuables dont le domicile fiscal était établi à l’étranger ou dans une autre collectivité d’outre-mer : il s’agissait notamment de ne pas brider l’attractivité de Saint-Martin, qui connaît des difficultés financières, auprès d’investisseurs étrangers.

2. La question de l’interprétation donnée à la règle dite des « cinq ans » : règle de domicile ou règle de compétence ?

Pour le législateur de 2007 comme pour les auteurs des deux propositions de loi organique, la règle des cinq ans doit être considérée comme une simple règle de domicile : elle fixe un critère additionnel aux critères usuels permettant de déterminer la résidence fiscale d’une personne physique ou morale. Son effet sur la compétence fiscale des deux collectivités se limite, selon cette interprétation, au fait que celles-ci ne peuvent imposer, en tant que contribuables domiciliés à Saint-Martin ou Saint-Barthélemy, que les contribuables répondant, notamment, à la condition d’une résidence d’au moins cinq années. Cette règle spéciale de domicile n’affecte en revanche pas le droit de ces collectivités, propre à toute collectivité disposant de la compétence fiscale, de taxer, suivant le régime des non-résidents, les revenus trouvant leur source sur leur territoire, réalisés par des personnes ne pouvant y être considérées comme domiciliées.

Toutefois, c’est une autre interprétation qui a été retenue par les administrations financières de l’État : la règle des cinq ans a été considérée comme règle de compétence, selon laquelle les collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy n’ont le droit d’exercer leur compétence fiscale qu’à l’endroit des personnes considérées comme fiscalement domiciliées sur leur territoire.

Devant cette divergence d’interprétation, le Conseil d’État a été saisi en 2007 par le ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, pour déterminer si « la loi organique n° 2007-223 du 27 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer donne aux collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin la compétence pour imposer les revenus ou la fortune dont disposent dans ces territoires les personnes qui n’y ont pas la qualité de résident fiscal, lorsque sont en cause des impositions, droits ou taxes reposant sur une notion de résidence fiscale ».

Dans son avis rendu le 27 décembre 2007 (8), le Conseil d’État a déduit d’une lecture combinée des dispositions de l’article L.O. 6314-4 du code général des collectivités territoriales et des articles 4 A et 885 A du code général des impôts, ainsi que du I de l’article 209 du même code s’agissant de l’impôt sur les sociétés, que les personnes ayant leur domicile fiscal en métropole, du fait de l’application de la règle des cinq ans, sont exclues de la compétence fiscale de Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Code général des impôts

—  « Art. 4 A.- Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. »

—  « Art. 885 A.- Sont soumises à l’impôt annuel de solidarité sur la fortune, lorsque la valeur de leurs biens est supérieure à la limite de la première tranche du tarif fixé à l’article 885 U :

1° Les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France ou hors de France. Toutefois, les personnes physiques mentionnées au premier alinéa qui n’ont pas été fiscalement domiciliées en France au cours des cinq années civiles précédant celle au cours de laquelle elles ont leur domicile fiscal en France ne sont imposables qu’à raison de leurs biens situés en France. Cette disposition s’applique au titre de chaque année au cours de laquelle le redevable conserve son domicile fiscal en France, et ce jusqu’au 31 décembre de la cinquième année qui suit celle au cours de laquelle le domicile fiscal a été établi en France.

2° Les personnes physiques n’ayant pas leur domicile fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France. Sauf dans les cas prévus aux a et b du 4 de l’article 6, les couples mariés font l’objet d’une imposition commune. Les conditions d’assujettissement sont appréciées au 1er janvier de chaque année. Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini par l’article 515-1 du code civil font l’objet d’une imposition commune. Les biens professionnels définis aux articles 885 N, 885 O, 885 O bis, 885 O ter, 885 O quater, 885 O quinquies, 885 P et 885 R ne sont pas pris en compte pour l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune. »

« Art. 209 - I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés d’après les règles fixées par les articles 34 à 45,53 A à 57,237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.

Toutefois, par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 37, l’impôt sur les sociétés dû par les entreprises créées à compter du 1er janvier 1984 est établi, lorsqu’aucun bilan n’est dressé au cours de la première année civile d’activité, sur les bénéfices de la période écoulée depuis le commencement des opérations jusqu’à la date de clôture du premier exercice et, au plus tard, jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle de la création.

Sous réserve de l’option prévue à l’article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l’exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n’est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l’excédent du déficit est reporté sur les exercices suivants. 

(…) »

Le Conseil d’État a considéré que « ces personnes sont, par suite, passibles des seuls impôts sur le revenu et sur la fortune établis en France, dans les conditions prévues pour les personnes domiciliées fiscalement en France par les dispositions des articles 4 A et 885 A du code général des impôts, sur l’ensemble de leurs revenus ou l’ensemble de leurs biens ». Il a en outre relevé que la loi organique s’est bornée à « prévoir une compensation intégrale pendant cinq ans, pour la seule collectivité de Saint-Martin, des pertes de recettes résultant pour celle-ci de la limitation de sa compétence fiscale ».

Le Conseil a ainsi estimé que la règle des cinq ans laissait à chaque collectivité le droit d’imposer les revenus de source locale des personnes domiciliées hors d’un département de métropole ou d’outre-mer, mais la privait du droit d’imposer les revenus de même source, réalisés, soit par une personne qui, venant de métropole ou d’un DOM, se trouverait à Saint-Martin, mais depuis moins de cinq ans, soit même par des personnes physiques ou morales n’ayant jamais cessé d’être domiciliées dans un tel département de métropole ou d’outre-mer.

3. Les conséquences de l’interprétation restrictive donnée par le Conseil d’État de la compétence fiscale des deux collectivités

Les auteurs des deux propositions de loi organique ont fait valoir que l’interprétation restrictive du Conseil d’État, suivie par l’administration fiscale, a privé Saint-Martin et Saint-Barthélemy du produit fiscal qui pouvait être attendu de l’imposition de revenus puisant leur source localement, tels :

—  les bénéfices réalisés par les sociétés françaises exploitant à Saint-Martin ou Saint-Barthélemy un établissement, mais ayant leur siège en métropole, dans un DOM, ou, depuis moins de cinq ans, dans une des deux collectivités ;

—  les revenus fonciers et les plus-values immobilières réalisés par des contribuables domiciliés en métropole ou dans un DOM ;

—  les dividendes de source locale distribués à des bénéficiaires domiciliés en métropole ou dans un DOM ;

—  les salaires versés à des personnes ayant transféré leur domicile à Saint-Martin, depuis un département de métropole ou d’outre-mer, sans répondre à la condition d’une résidence de cinq années.

Compte tenu des difficultés financières de Saint-Martin, il apparaît aujourd’hui urgent de reconnaître à cette collectivité une pleine compétence fiscale non seulement à raison des revenus réalisés sur l’île par des personnes physiques ou morales étrangères, mais aussi sur les revenus réalisés à Saint-Martin par les personnes physiques ou morales domiciliées dans un département de métropole ou d’outre-mer ou domiciliées dans la collectivité depuis moins de cinq ans.

II. LES DEUX PROPOSITIONS DE LOI ORGANIQUES CLARIFIENT LES COMPÉTENCES FISCALES DES DEUX COLLECTIVITÉS

Aucune disposition contenue dans la loi organique statuaire de 2007 n’interdit expressément à Saint-Martin et Saint-Barthélemy d’imposer les personnes dont le domicile fiscal n’est pas établi sur leur territoire, à raison des revenus et de la fortune qui trouvent leur source dans l’une ou l’autre collectivité. Toutefois, compte tenu des difficultés d’interprétation de ses dispositions, il apparaît que les deux propositions de loi organique apportent une utile clarification à la compétence fiscale des collectivités.

Le Sénat a débattu de l’opportunité de modifier, au-delà de la seule question fiscale, le statut organique qui ne date que de 2007. M. Christian Cointat, rapporteur au Sénat, a fait valoir l’utilité d’apporter « quelques aménagements mineurs » à ce statut, notamment complété par des dispositions environnementales. S’agissant de Saint-Martin, le Sénat a en outre apporté des aménagements à la définition des compétences du président du conseil territorial et du conseil exécutif et au remplacement du président du conseil territorial.

1. La proposition de loi organique relative à Saint-Martin

a) Clarification de la compétence fiscale de Saint-Martin

L’article 1er de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin (n° 2072) reconnaît à la collectivité, sans remettre en cause la règle des cinq ans, une pleine compétence de juridiction fiscale « de source » sur les revenus trouvant leur source à Saint-Martin, y compris lorsqu’ils sont réalisés par des contribuables domiciliés en France métropolitaine ou dans un DOM, ou à Saint-Martin mais depuis moins de cinq ans.

Le risque de double imposition résultant du concours des juridictions fiscales de l’État et de Saint-Martin doit à terme être éliminé par une convention contre la double imposition qui sera conclue entre l’État et la collectivité. Dans cette attente, le Sénat a introduit, à l’initiative de sa commission des Lois, un dispositif de crédit d’impôt destiné à compenser les doubles impositions constatées entre le 1er janvier 2010 et la conclusion de ladite convention fiscale. Le rapporteur Christian Cointat a en effet estimé plus prudent de prévoir un dispositif provisoire évitant les doubles impositions.

L’article 1er de la proposition de loi organique comporte en outre certaines précisions concernant l’application par les agents de l’État des impositions créées par la collectivité. Il s’agit, d’une part, de la précision selon laquelle c’est le préfet, représentant de l’État dans la collectivité, ou, sur délégation, le directeur des services fiscaux qui rendent exécutoires les rôles d’impôts directs perçus pour la collectivité et, d’autre part, de la possibilité que des personnels de la collectivité, placés sous l’autorité de l’administration de l’État, apportent leur concours à l’exécution des opérations d’assiette, de contrôle et de recouvrement des impôts.

L’article 1er comporte également une précision visant à prévenir le risque de contournement de la règle des cinq ans par des personnes dont le domicile fiscal serait établi dans un département de métropole ou d’outre-mer et qui s’établiraient pendant un an à l’étranger ou dans une collectivité d’outre-mer. Une telle délocalisation temporaire permettrait, en effet, selon les dispositions actuelles, de devenir résident fiscal de Saint-Martin dès l’installation dans la collectivité. La présente proposition de loi organique prévoit que la condition de cinq ans de résidence s’applique aux personnes physiques ou morales dont le domicile fiscal était, dans les cinq ans précédant leur établissement à Saint-Martin, situé dans un département de métropole ou d’outre-mer. Il faudra donc que ces personnes, dans tous les cas, respectent un délai de cinq ans de résidence à l’étranger ou à Saint-Martin pour que leur domicile fiscal soit établi dans la collectivité. Les règles pour devenir résident fiscal de Saint-Martin sont ainsi rendues plus restrictives.

La commission des Lois du Sénat s’est interrogée sur la pertinence, à terme, de la règle dérogatoire de cinq ans, qui ne s’applique pas aux autres collectivités dotées de compétences fiscales propres. Elle a donc proposé qu’un rapport d’évaluation soit présenté au Parlement à l’issue d’une période de dix ans suivant l’entrée en vigueur de la loi DSIOM de 2007 (III de l’article 1er).

b) Amélioration du fonctionnement général de la collectivité de Saint-Martin

Certaines dispositions de la proposition de loi organique visent à préciser certaines compétences du président du conseil territorial et du conseil exécutif.

L’article 2 de la proposition de loi organique précise que c’est le conseil exécutif qui est l’autorité chargée de délivrer les agréments ouvrant droit à un avantage fiscal. Il précise en outre que le conseil exécutif peut jouer un rôle supplétif en matière de désignation des membres des commissions administratives dans le domaine fiscal, en cas d’inertie des organismes professionnels initialement compétents.

L’article 3 concerne les pouvoirs respectifs du président du conseil territorial et du conseil exécutif en matière de direction de l’administration territoriale, d’animation et de contrôle de celle-ci.

La proposition de loi organique initiale retouchait d’autres aspects du statut de Saint-Martin, mais la commission des Lois du Sénat a estimé qu’il est trop tôt, deux ans seulement après son entrée en vigueur, pour modifier sensiblement la loi DSIOM. Elle a jugé nécessaire de préserver la collégialité des décisions d’autorisation en matière d’urbanisme et de fonctionnement du conseil exécutif. Ainsi, à l’article 3 de la proposition de loi organique, la commission a souhaité ne pas modifier les dispositions statutaires relatives à la responsabilité de chaque conseiller exécutif devant le conseil exécutif, au titre de la gestion des affaires et du fonctionnement des services dont il est chargé par le président du conseil territorial. Elle a, par ailleurs, supprimé l’article 4 de la proposition de loi organique qui visait à confier au président du conseil territorial de Saint-Martin la compétence pour délivrer les autorisations d’utilisation ou d’occupation du sol et déterminer l’assiette ainsi que la liquidation des taxes auxquelles donnent lieu les opérations d’urbanisme et de construction.

Enfin, l’article 5 a quant à lui pour objet de favoriser un remplacement rapide du président du conseil territorial, en précisant que les dispositions de l’article L.O. 6321-22 du code général des collectivités territoriales qui prévoit l’envoi d’un rapport aux conseillers territoriaux douze jours avant la réunion du conseil territorial, ne s’appliquent pas à la réunion convoquée aux fins de renouvellement du conseil exécutif.

c) Dispositions relatives à l’environnement

Comme elle l’avait fait lors de la récente modification du statut de la Nouvelle-Calédonie (9), la commission des Lois du Sénat a introduit dans le statut de Saint-Martin des dispositions visant à prendre en compte les préoccupations environnementales : c’est l’objet de l’article 5 bis. La commission des Lois du Sénat a jugé que la collectivité de Saint-Martin, dont le développement est lié à la préservation d’un environnement fragile, ne devait pas être laissée à l’écart des évolutions législatives en ce domaine.

2. La proposition de loi organique relative à Saint-Barthélemy

À l’image de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin, la proposition de loi organique relative à Saint-Barthélemy (n° 2073) vise à permettre à la collectivité d’imposer les revenus de source locale des personnes résidant depuis moins de cinq ans sur le territoire de la collectivité. Comme l’a rappelé son auteur devant le Sénat, elle permettra ainsi notamment la taxation des plus-values immobilières sur la résidence principale, ce qui devrait favoriser la lutte contre les phénomènes de spéculation immobilière et permettre à l’État de percevoir les cotisations sociales qui s’appliquent aux revenus et aux biens imposés par la collectivité.

L’auteur de la proposition de loi initiale a fait valoir qu’il était d’autant plus nécessaire de modifier le statut fiscal de Saint-Barthélemy pour permettre à la collectivité d’imposer les revenus des non-résidents y trouvant leur source que le mode de calcul du trop perçu que la collectivité doit rembourser à l’État, via la dotation globale de compensation, tient compte du potentiel fiscal tiré de ces mêmes revenus.

Les divergences d’interprétation des dispositions statutaires bloquent pour l’instant la signature de la convention destinée à éliminer les doubles impositions. Or, dans sa décision du 15 février 2007 sur la loi organique statutaire (DSIOM), le Conseil constitutionnel avait jugé que si la convention ne pouvait être conclue, le législateur organique devrait intervenir. Il avait estimé en effet que les dispositions du dernier alinéa du I de l’article L.O. 6214-4 du code général des collectivités territoriales « ne sauraient avoir pour objet ni pour effet de restreindre l’exercice des compétences conférées au législateur organique par l’article 74 de la Constitution, notamment dans les cas où cette convention ne pourrait aboutir ou ne permettrait pas de lutter efficacement contre l’évasion fiscale ».

a) Clarification de la compétence fiscale de Saint-Barthélemy

L’article 1er de la proposition de loi modifie l’article L.O. 6214-4 du code général des collectivités territoriales qui pose la règle des cinq ans applicable à Saint-Barthélemy aux personnes physiques (condition de résidence) et morales (installation du siège effectif ou contrôle de leur direction). Il entend permettre à Saint-Barthélemy d’imposer les revenus tirant leur source sur le territoire de la collectivité par les personnes y résidant depuis moins de cinq ans. La rédaction de cet article est à rapprocher de l’article 1er de la proposition relative à Saint-Martin.

b) Dispositions relatives à l’environnement

L’article 1er bis de la proposition de loi, introduit à l’initiative de la commission des Lois du Sénat, comprend, de la même manière que l’article 5 bis de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin, des dispositions relatives à l’environnement.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa séance du 16 décembre 2009, la Commission procède à l’examen des deux propositions de loi organique.

Après l’exposé de votre rapporteur, une discussion générale a lieu.

M. René Dosière. Après cet exposé technique, je vais faire un peu de politique : ces textes ne sont en effet pas exempts de cette dimension !

En 2007, nous avons modifié le statut des communes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Jusqu’alors, la loi fiscale nationale devait s’y appliquer mais, à Saint-Barthélemy, les agents du fisc n’avaient pas la possibilité de pénétrer dans l’île, tandis que Saint-Martin posait d’autres problèmes. On a donc décidé de donner à chacune des deux collectivités l’autonomie fiscale. On a décidé en même temps que chacune d’elles aurait un sénateur. Les deux sénateurs élus – qui pour cela ont eu la rude tâche de devoir convaincre chacun une petite vingtaine d’électeurs – ont la possibilité d’apporter leur contribution au travail législatif : c’est ce qu’ils ont fait en déposant ces propositions de loi, auxquelles le Gouvernement a décidé d’appliquer la procédure accélérée alors qu’il aurait pu se pencher sur le problème dès que le Conseil d’État, en décembre 2007, a relevé des différences d’interprétation en matière fiscale.

M. le rapporteur a évoqué les difficultés financières de Saint-Martin.

M. le rapporteur. Qui sont réelles !

M. René Dosière. Selon le rapport de la Cour des comptes de 2007, il est difficile de juger de la sincérité des comptes de l’île en raison du peu de fiabilité des chiffres fournis, cette collectivité étant d’ailleurs sous tutelle budgétaire depuis 1999. J’ajoute, à ce propos, qu’une taxe de séjour de 5 % sur chaque nuitée a été créée en 2005 sans qu’il soit jamais possible de connaître son produit. Enfin, il est d’autant plus difficile d’évaluer les conséquences financières de ce texte, qu’il s’agisse du nombre des personnes concernées ou des sommes en jeu, que les agents de l’État eux-mêmes, s’il y en a, ne sont sans doute pas à même de fournir des données précises.

Par ailleurs, chacun sait que l’impôt sur le revenu n’existe pas à Saint-Barthélemy et que les premières décisions fiscales de la collectivité nouvelle de Saint-Martin, en juillet 2007, ont consisté à diminuer le barème de l’impôt sur le revenu de 30 % et à supprimer purement et simplement l’ISF.

Enfin, si, avec ce nouveau statut, le Gouvernement s’était défendu de créer un paradis fiscal en arguant que les contribuables ne résidant pas depuis cinq ans dans l’île seraient imposés comme en métropole, il s’était également engagé à verser à cette collectivité une compensation financière équivalente au manque à gagner dû à la réforme. Mais il n’en a rien été. Est-ce en raison de l’impossibilité de calculer précisément les montants ?

M. le rapporteur. En effet.

M. René Dosière. L’imposition au régime fiscal local, quant à elle, sera de surcroît beaucoup plus bénigne qu’en France métropolitaine.

Je note par ailleurs que, la mise en place du nouveau statut étant conditionnée à la signature d’une convention visant à ce qu’aucun contribuable ne soit doublement imposé – et dans la collectivité et en métropole –, le rapporteur du Sénat a jugé bon de prévoir un crédit d’impôt en attendant l’effectivité de la convention, l’État devant quant à lui supporter le manque à gagner induit par cette sorte de niche fiscale.

Ce texte ne se réduit donc pas à ses aspects techniques : il s’inscrit dans la lignée de la politique gouvernementale depuis la transformation de ces deux communes françaises en collectivités autonomes. Ce ne seront pas des paradis fiscaux, mais ce ne seront pas non plus des enfers fiscaux, loin s’en faut !

Compte tenu de l’ensemble de ces remarques, le groupe socialiste s’abstiendra d’entrer dans une logique fiscale qui est souvent celle du moins-disant fiscal.

M. André Vallini. M. le rapporteur semblant déplorer, non sans humour, le peu d’intérêt suscité par cette proposition parmi nos collègues, je suggère que notre commission se rende sur les lieux afin de les motiver !

M. le rapporteur. Comme l’a dit M. Dosière, ces textes se situent dans la logique du nouveau statut.

Le non-versement de la compensation, quant à lui, s’explique en effet par des difficultés d’évaluation des comptes.

En outre, je rappelle que le rapport de la Cour des comptes date de 2007 et qu’il est antérieur au nouveau statut, une très récente mission de l’inspection générale des finances ayant par ailleurs souligné que la situation évolue positivement.

Enfin, nous devons tenir compte des implications de la division de l’île de Saint-Martin entre les Pays-Bas et la France.

EXAMEN DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE MODIFIANT LE LIVRE III DE LA SIXIÈME PARTIE DU CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES RELATIF À SAINT-MARTIN

Chapitre Ier

Fixation des règles en matière d’impôts, droits et taxes

Article 1er

(art. L.O. 6314-4 et L.O. 6380-1 du code général des collectivités territoriales)


Clarification des compétences fiscales de la collectivité

Le présent article précise l’étendue de la compétence fiscale de la collectivité de Saint-Martin, en particulier à l’égard des revenus trouvant leur source sur son territoire.

Son I tend à soumettre l’ensemble des revenus ou de la fortune trouvant leur source à Saint-Martin à la fiscalité définie par la collectivité. Il modifie à cette fin l’article L.O. 6314-4 du code général des collectivités territoriales, qui définit les conditions dans lesquelles la collectivité de Saint-Martin exerce ses compétences en matière d’impôts, droits et taxes.

1. La rédaction actuelle de l’article L.O. 6314-4 du code général des collectivités territoriales suscite des divergences d’interprétation

La rédaction actuelle de cet article est issue de la loi organique statutaire de 2007, pour le vote de laquelle le Parlement a souhaité prévenir toute transformation de l’île en paradis fiscal.

Le 1° du I de cet article prévoit que les personnes physiques ne peuvent être considérées comme ayant leur domicile fiscal à Saint-Martin qu’après y avoir résidé pendant cinq ans au moins. De même, les personnes morales ne peuvent être considérées comme ayant leur domicile fiscal à Saint-Martin que si elles y ont établi le siège de leur direction effective depuis cinq ans au moins ou depuis une durée inférieure, si elles sont contrôlées directement ou indirectement par des personnes physiques ayant établi leur résidence à Saint-Martin depuis cinq ans au moins.

Toutefois, à la différence du régime défini pour Saint-Barthélemy, la règle des cinq ans de résidence n’est applicable qu’aux personnes physiques ou morales dont le domicile fiscal était précédemment établi dans un département de métropole ou d’outre-mer. Échappent donc à cette règle les contribuables dont le domicile fiscal est établi à l’étranger ou dans une autre collectivité d’outre-mer. Ce dispositif vise à préserver l’attractivité de Saint-Martin, dans un contexte géographique de grande proximité avec des territoires très compétitifs en matière fiscale.

Afin de faciliter la recherche et la répression des pratiques de fraude, la collectivité est tenue, en application du 2° du I de l’article L.O. 6314-4, de transmettre à l’État toute information utile pour l’application de sa réglementation fiscale et pour l’exécution des clauses d’échange de renseignements prévues par les conventions fiscales conclues par la France avec d’autres États ou territoires.

Enfin, le 3° du I de cet article dispose que l’État reste compétent pour fixer, par analogie avec les règles applicables en Guadeloupe, les règles applicables à Saint-Martin en matière de cotisations sociales et de prélèvements destinés au financement de la protection sociale et à l’amortissement de la dette sociale. Il s’agit de la contrepartie nécessaire à l’application de plein droit, à Saint-Martin, des règles de droit commun en matière de protection sociale.

Le dernier alinéa du I de l’article L.O. 6314-4 prévoit qu’une convention fiscale conclue entre l’État et la collectivité doit préciser les conditions d’application des dispositions relatives à l’exercice des compétences fiscales de Saint-Martin, afin de prévenir l’évasion fiscale et les doubles impositions et de définir les obligations de la collectivité en matière de communication d’informations à des fins fiscales.

Le II de l’article prévoit que l’État assure les opérations d’assiette, de contrôle et de recouvrement des impôts, droits et taxes, dans des conditions définies par une convention conclue avec la collectivité.

Le III de l’article permet à l’État d’instituer des taxes visant à garantir le financement des missions d’intérêt général lui incombant en matière de sécurité aérienne et de communications électroniques. En effet, selon un principe constant, l’État peut percevoir, dans les collectivités d’outre-mer et sans préjudice des compétences fiscales de ces dernières, des taxes pour financer les missions qu’il conserve. Les modalités de recouvrement et de gestion des recettes destinées au financement de la sécurité aérienne sont définies par une convention conclue entre l’État et la collectivité.

La rédaction actuelle de cet article suscite cependant des divergences d’interprétation (cf. supra) sur la compétence fiscale de Saint-Martin à l’égard des revenus de source locale des non-résidents. Le présent article entend clarifier les compétences fiscales.

2. Les modifications proposées par le présent article

a) Le renforcement de la règle des cinq ans de résidence

Le I du présent article précise les compétences fiscales de Saint-Martin.

Le a) du 1° du I vise à prévenir le risque de contournement de la règle des cinq ans par des personnes dont le domicile fiscal serait établi dans un département de métropole ou d’outre-mer et qui s’établiraient pendant un an à l’étranger ou dans une collectivité d’outre-mer. Une telle délocalisation temporaire dans un État ou une collectivité d’outre-mer leur permettrait en effet, en l’état actuel du droit, de devenir résidents fiscaux de Saint-Martin dès leur installation dans la collectivité. La présente disposition prévoit que la condition de cinq ans de résidence s’appliquera aux personnes physiques ou morales dont le domicile fiscal était, dans les cinq ans précédant leur établissement à Saint-Martin, établi dans un département de métropole ou d’outre-mer : il faudra donc que ces personnes, dans tous les cas, respectent un délai de cinq ans de résidence à l’étranger ou à Saint-Martin pour que leur domicile fiscal soit établi dans la collectivité.

Par ailleurs, le III du présent article, issu d’un amendement de la commission des Lois du Sénat, prévoit que le dispositif relatif à la règle des cinq ans fera l’objet d’un rapport d’évaluation, transmis aux commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat avant la onzième année suivant l’entrée en vigueur de la loi organique du 21 février 2007. Le Parlement disposera alors d’éléments lui permettant de décider le maintien, l’aménagement ou la suppression de ces dispositions dérogatoires au droit commun.

b) La compétence fiscale à l’égard des revenus de source saint-martinoise

Le b) du 1° du I du présent article est issu d’un amendement adopté par la commission des Lois du Sénat à l’initiative de son rapporteur. Ce dernier a souhaité prévoir pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy un dispositif identique en matière d’imposition des revenus de source locale : les dispositions qui y sont relatives ont à cette fin été regroupées au sein d’un 1° bis inséré dans le I de l’article L.O. 6314-4 du code général des collectivités territoriales.

Dans sa rédaction initiale, le b) du 1° du I précisait que, nonobstant la règle selon laquelle les personnes physiques ou morales ayant leur domicile fiscal dans un département de métropole ou d’outre-mer sont soumises aux impositions en vigueur dans ces départements, les personnes ayant leur domicile fiscal dans un département de métropole ou d’outre-mer seraient « également » imposables par la collectivité de Saint-Martin pour les revenus ou la fortune trouvant leur source sur le territoire de la collectivité.

Souhaitant marquer la volonté du législateur organique de permettre à Saint-Martin d’imposer les revenus de source locale sans susciter de doubles impositions, la commission des Lois du Sénat a précisé que cette compétence s’exercerait « sans préjudice » des dispositions relatives à la compétence fiscale de l’État, formulation plus claire que celle prévoyant que la collectivité dispose « également » de la compétence pour imposer les revenus de source locale.

Le II du présent article prévoyait dans sa rédaction initiale que les nouvelles dispositions relatives à l’application de la règle des cinq ans et à la compétence fiscale de Saint-Martin à raison des revenus de source locale des non-résidents s’appliquent à compter de la date à laquelle la convention fiscale entre l’État et Saint-Martin prendrait effet et au plus tard le 1er janvier 2010. L’amendement adopté par la Commission des Lois du Sénat a remplacé ces dispositions par la précision selon laquelle la collectivité de Saint-Martin exercera sa faculté d’imposition à l’égard des revenus afférents à toute année civile ou tout exercice commençant à compter du 1er janvier 2010 et à l’impôt sur la fortune établi à compter de l’année 2010.

c) La répartition des compétences entre l’État et la collectivité

Le 2° du I du présent article modifie le II de l’article L.O. 6314-4 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit que les agents de l’État assurent les opérations d’assiette, de contrôle et de recouvrement des impôts, droits et taxes, dans les conditions définies par une convention entre l’État et la collectivité de Saint-Martin.

Il est ainsi désormais précisé que :

—  la convention détermine, notamment, les conditions de rétribution de l’administration de l’État effectuant ces opérations de recouvrement et de contrôle ;

—  les impôts directs et taxes assimilés de la collectivité sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par le représentant de l’État à Saint-Martin, celui-ci pouvant déléguer cette compétence au directeur des services fiscaux ;

—  des personnels de la collectivité placés sous l’autorité de l’administration de l’État peuvent apporter leur concours à l’exécution des opérations d’assiette, de contrôle et de recouvrement.

La Commission des Lois du Sénat n’a en revanche pas retenu la disposition de la proposition initiale qui prévoyait qu’il reviendrait à l’administration de l’État, plutôt qu’à ses agents, de réaliser les opérations d’assiette, de contrôle et de recouvrement des impôts à Saint-Martin.

d) La création d’un crédit d’impôt

Le bis du I du présent article, introduit à l’initiative du rapporteur de la commission des Lois du Sénat, insère au sein de l’article L.O. 6314-4 un paragraphe I bis contenant les dispositions relatives à la convention fiscale qui devra préciser les modalités d’application de la règle des cinq ans et de la compétence de Saint-Martin en matière d’imposition des revenus de source locale des personnes ne satisfaisant pas aux conditions de résidence, en vue de prévenir les doubles impositions et de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.

Les deux derniers alinéas de ce paragraphe précisent en outre qu’un crédit d’impôt devra compenser les doubles impositions qui seraient constatées entre le 1er janvier 2010 et l’entrée en vigueur de la convention.

Ce crédit d’impôt ne s’appliquera qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû et ne pourra donc donner lieu à un versement dans le cas où le contribuable ne devrait pas d’impôt à l’autre territoire (État ou collectivité de Saint-Martin). Il sera égal à l’impôt effectivement acquitté dans le premier territoire à raison des revenus provenant de ce territoire et ne pourra excéder la fraction d’impôt due au titre de ces revenus dans le territoire de domiciliation fiscale.

e) La suppression du mécanisme de remboursement par l’État

Le IV du présent article, issu d’un amendement du rapporteur Christian Cointat, vise à supprimer le dernier alinéa de l’article L.O. 6380-1 du code général des collectivités territoriales, en vertu duquel l’État compense intégralement les pertes de recettes résultant pour la collectivité de Saint-Martin de l’application de la condition de résidence pendant les cinq premières années suivant l’entrée en vigueur du statut.

Puisque la collectivité de Saint-Martin se voit désormais conférer expressément la compétence de source pour tous les revenus – traitements, salaires, revenus du capital – et peut donc imposer directement les personnes qui, bien que n’étant pas encore domiciliées fiscalement sur son territoire, y résident physiquement, le Sénat a estimé qu’il n’y a plus de raison que l’État rembourse ce qu’il n’aura pas prélevé.

La Commission adopte cet article sans modification.

Article 2

(art. L.O. 6353-4 et L.O. 6353-4-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)


Compétences du conseil exécutif en matière d’agrément fiscal et de désignation des membres des commissions administratives intervenant dans l’application de l’impôt

Cet article, qui n’a pas été modifié par le Sénat en première lecture, précise les compétences du conseil exécutif de Saint-Martin en matière de délivrance des agréments relatifs aux opérations d’investissement ouvrant droit à des mesures de défiscalisation définies par la collectivité.

En l’état actuel du droit, le conseil exécutif dispose d’une compétence consultative à l’égard des opérations de défiscalisation décidées par l’État : le 4° de l’article L.O. 6353-5 du code général des collectivités territoriales prévoit que le conseil exécutif est consulté par le ministre chargé de l’outre-mer ou par le représentant de l’État sur les décisions portant agrément des opérations d’investissement ouvrant droit à déduction fiscale, prises par les autorités de l’État dans le cadre de mesures fiscales de soutien à l’économie. Il dispose alors d’un délai d’un mois pour émettre son avis, délai réduit à quinze jours en cas d’urgence.

Le I du présent article complète l’article L.O. 6353-4 du code général des collectivités territoriales afin de prévoir que le conseil exécutif délibère sur les décisions individuelles relatives aux agréments et décisions dont dépend le bénéfice d’un avantage prévu par la réglementation fiscale de la collectivité.

Ainsi, au-delà de sa compétence consultative à l’égard des agréments relatifs aux mesures de défiscalisation définis par l’État, le conseil exécutif sera l’autorité de décision pour les agréments fiscaux liés à l’application du régime fiscal saint-martinois.

Comme le relève l’exposé des motifs de la proposition de loi organique, le conseil exécutif joue en effet « dans la collectivité le rôle de ministre du budget, et doit être en mesure d’assurer, par les décisions individuelles concernées, détachables de la procédure d’application individuelle de l’impôt, la conformité des stimulants fiscaux accordés à la politique de développement de la collectivité ».

Le II du présent article insère dans le statut de Saint-Martin un nouvel article L.O. 6353-4-1 permettant au conseil exécutif de participer à la désignation des membres des commissions administratives intervenant en matière fiscale. Il s’agit essentiellement de la commission territoriale des impôts, qui a succédé à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires. Cette compétence subsidiaire s’exercera dans les conditions fixées par la réglementation fiscale de la collectivité et ne sera mise en œuvre que dans le cas d’une défaillance des organisations professionnelles chargées de procéder à ces désignations.

La Commission adopte cet article sans modification.

Chapitre II

Compétences du Président du conseil territorial et du conseil exécutif

Article 3

(art. L.O. 6352-3 et L.O. 6353-3 du code général des collectivités territoriales)


Rôles du président du conseil territorial et du conseil exécutif dans l’animation et le contrôle de l’administration locale

Le présent article entend modifier la répartition des compétences entre le président du conseil territorial et le conseil exécutif en matière de direction, d’animation et de contrôle de l’administration locale.

Selon l’exposé des motifs de la proposition initiale, les dispositions statutaires relatives à cette répartition « souffrent d’une insuffisance de cohérence, préjudiciable à une conduite efficace de l’administration territoriale ».

Le I du présent article complète l’article L.O. 6352-3 du code général des collectivités territoriales, qui, dans sa rédaction actuelle, dispose que le président du conseil territorial est, sous réserve des compétences attribuées au conseil exécutif, seul chargé de l’administration. Il peut déléguer, sous sa responsabilité et sa surveillance, une partie de ses fonctions aux vice-présidents ou, en cas d’absence ou d’empêchement de ces derniers, à d’autres membres du conseil exécutif.

Le présent I confie au président du conseil territorial la capacité de charger chaque membre du conseil exécutif d’animer et de contrôler un secteur de l’administration de la collectivité, à l’image des adjoints au maire au sein d’un conseil municipal.

Dans sa rédaction initiale, le II du présent article abrogeait l’article L.O. 6353-3, aux termes duquel le conseil exécutif peut charger chacun de ses membres d’animer et de contrôler un secteur de l’administration, par une délibération prise dans les dix jours suivant l’élection des membres du conseil exécutif (les attributions individuelles des conseillers exécutifs s’exercent alors dans le cadre des décisions prises par le conseil exécutif, chaque conseiller étant responsable devant ce conseil de la gestion des affaires et du fonctionnement des services relevant du secteur administratif dont il est chargé).

Le rapporteur de la commission des Lois du Sénat a fait valoir que le transfert du conseil exécutif au président du conseil territorial du pouvoir de confier aux conseillers exécutifs l’animation et le contrôle d’un secteur de l’administration constitue un élément de simplification des procédures, sous réserve de maintenir les conditions d’exercice, par les conseillers exécutifs, de leurs attributions individuelles.

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de son rapporteur ne supprimant que le premier alinéa de l’article L.O. 6353-3 (1° du II) : est ainsi maintenu le second alinéa relatif à la responsabilité de chaque conseiller exécutif devant le conseil exécutif, au titre de la gestion des affaires et du fonctionnement des services dont il est chargé par le président du conseil territorial, étant précisé que les conseillers exécutifs exercent leurs attributions individuelles dans le cadre des décisions prises par le conseil exécutif (cf. référence à l’article L.O. 6352-3 par le 2° du II).

Ces règles de responsabilité et de transparence correspondent pleinement à la volonté du législateur organique de faire du conseil exécutif un organe collégial.

*

* *

M. René Dosière. Outre que les articles 3 et 5 ne concernent en rien la fiscalité, la modification du champ des compétences du président du conseil territorial et du conseil exécutif deux ans après le vote de la loi – dans un sens au demeurant rétrograde – me semble hors de propos. Je proposerai donc la suppression de ces deux articles dans le cadre de l’article 88 du Règlement.

M. le rapporteur. Ces articles ne remettent pas en cause la collégialité, mais ils visent à proposer un statut comparable à celui de vice-président d’une communauté de communes ou de maire-adjoint d’une commune.

La Commission adopte cet article sans modification.

Article 4

(art. L.O. 6352-7-1 [nouveau] et L.O. 6353-4 du code général des collectivités territoriales)


Compétence du président du conseil territorial pour délivrer les autorisations d’urbanisme

Cet article a été supprimé par le Sénat à l’initiative de sa commission des Lois.

Cet article étendait les compétences du président du conseil territorial en matière d’urbanisme et de construction, ainsi qu’en matière d’application des taxes liées aux opérations réalisées en ces domaines : il supprimait la disposition qui donne aujourd’hui au conseil exécutif la compétence pour délibérer sur les décisions individuelles intervenant en matière d’autorisation d’utilisation ou d’occupation du sol (2° de l’article L.O. 6353-4 du code général des collectivités territoriales) et confiait cette prérogative au président du conseil territorial.

Le rapporteur de la commission des Lois du Sénat a souligné que le législateur organique avait souhaité, en 2007, créer à Saint-Martin un organe original, le conseil exécutif, chargé d’assurer collégialement la mise en œuvre des délibérations du conseil territorial et qu’il convenait de ne pas remettre en cause cette orientation. La commission des Lois s’est prononcée pour le maintien des compétences du conseil exécutif et du conseil territorial en matière d’autorisations d’utilisation ou d’occupation du sol et de fiscalité applicable aux opérations d’urbanisme et a donc supprimé l’article 4.

La Commission maintient la suppression de cet article.

Article 5

(art. L.O. 6322-2 du code général des collectivités territoriales)


Modalités de remplacement du président du conseil territorial

Le présent article, qui n’a pas été modifié par le Sénat, précise les conditions dans lesquelles, en cas de vacance du siège de président du conseil territorial, ce dernier se réunit pour procéder à la désignation d’un nouveau conseil exécutif.

Aux termes de l’article L.O. 6322-2 du code général des collectivités territoriales, en cas de vacance du siège de président, quelle qu’en soit la cause, l’intérim est assuré par un vice-président du conseil territorial ou, à défaut, par un conseiller territorial désigné par le conseil. Le conseil exécutif doit par la suite être renouvelé dans le délai d’un mois, conformément aux modalités définies à l’article L.O. 6322-6 du même code. L’article L.O. 6321-22 dispose en outre que douze jours avant la réunion du conseil territorial, le président adresse aux conseillers un rapport, sur chacune des affaires qui doivent leur être soumises.

Le présent article précise, au premier alinéa de l’article L.O. 6322-2, que ces dispositions ne s’appliquent pas à la réunion du conseil territorial convoquée par le renouvellement du conseil exécutif.

Sans doute la rédaction actuelle de la loi organique doit-elle être d’ores et déjà interprétée de la sorte. Le présent article apporte cependant une utile précision de nature à lever toute ambiguïté d’interprétation pour affirmer clairement que le conseil territorial peut procéder à ce renouvellement sans attendre le délai de douze jours.

La Commission adopte cet article sans modification.

Chapitre III

Dispositions relatives à l’environnement

Article 5 bis

(art. L.O. 6323-1 et L.O. 6351-11-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)


Insertion, dans le statut de Saint-Martin, de dispositions relatives à l’environnement

Cet article additionnel, adopté à l’initiative du rapporteur de la commission des Lois du Sénat vise à insérer dans le statut de Saint-Martin deux dispositions destinées à assurer la prise en compte, par les institutions de la collectivité, des questions relatives à l’environnement.

Son I, reprenant une disposition analogue à celle figurant à l’article 100 du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, adopté en première lecture par le Sénat le 8 octobre 2009, complète l’article L.O. 6323-1 du code général des collectivités territoriales relatif à la composition du conseil économique, social et culturel de Saint-Martin.

Article 100 du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, portant engagement national pour l’environnement (TA n° 1-2009-2010)

I. - L’intitulé du chapitre IV du titre III du livre Ier de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé : « Le conseil économique, social et environnemental régional ».

II. - Dans l’ensemble des textes législatifs et réglementaires, les mots : « conseil économique et social régional » sont remplacés par les mots : « conseil économique, social et environnemental régional », et les mots : « conseils économiques et sociaux régionaux » sont remplacés par les mots : « conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux. » 

III (nouveau). - L’article L. 4134-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La composition des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux décline au niveau régional et à due proportion celle adoptée au niveau national pour le Conseil économique, social et environnemental. À ce titre, elle comprend un pôle environnemental composé pour partie de représentants d’associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de l’environnement, pour partie de personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence en matière d’environnement et de développement durable. »

Il prévoit que cet organe comprend des représentants d’associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de l’environnement et des personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence en matière d’environnement et de développement durable.

Le II du présent article, reprenant une disposition analogue à celle introduite dans le statut de la Nouvelle-Calédonie après le vote de la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte (cf. encadré infra), insère au sein du statut de Saint-Martin un nouvel article L.O. 6351-11-1 qui prévoit qu’avant l’examen du projet de budget de la collectivité, le conseil territorial entend la présentation par son président du rapport du conseil exécutif sur la situation de Saint-Martin en matière de développement durable et sur les orientations et programmes visant à améliorer cette situation.

Article 37 de la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte

I. - Après l’article 83 de la même loi organique, il est inséré un article 83-1 ainsi rédigé :

« Art. 83-1. - Avant l’examen du projet de budget, le président du gouvernement présente le rapport du gouvernement sur la situation de la Nouvelle-Calédonie en matière de développement durable et sur les orientations et programmes visant à améliorer cette situation. »

II. - Après l’article 182 de la même loi organique, il est inséré un article 182-1 ainsi rédigé :

« Art. 182-1. - Avant l’examen du projet de budget, le président de l’assemblée présente un rapport sur la situation de la province en matière de développement durable et sur les orientations et programmes visant à améliorer cette situation. »

La Commission adopte cet article sans modification.

Article 6

Compensation des pertes de recettes résultant pour l’État de la proposition de loi organique

Cet article, qui prévoyait que les pertes de recettes, qui résulteraient pour l’État de l’application des dispositions de la loi organique, devraient être compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits relatifs aux tabac, a été supprimé par le Gouvernement au Sénat.

La Commission maintient la suppression de cet article.

*

* *

En conséquence, la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la présente proposition de loi organique dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

EXAMEN DES ARTICLES DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE TENDANT À PERMETTRE À SAINT-BARTHÉLEMY D’IMPOSER LES REVENUS DE SOURCE LOCALE DES PERSONNES ÉTABLIES DEPUIS MOINS DE CINQ ANS

Article 1er

(art L.O. 6214-4 du code général des collectivités territoriales)


Clarification des compétences fiscales de la collectivité

Cet article complète les dispositions du statut de Saint-Barthélemy relatives aux compétences fiscales de la collectivité, afin de lui reconnaître la faculté d’imposer les non-résidents à raison des revenus trouvant leur source sur son territoire.

1. La rédaction actuelle de l’article L.O. 6214-4 du code général des collectivités territoriales suscite des divergences d’interprétation

L’article L.O. 6214-3 du code général des collectivités territoriales prévoit que la collectivité de Saint-Barthélemy fixe les règles applicables en matière d’impôts, droits et taxes, « dans les conditions prévues à l’article L.O. 6214-4 ».

Le I de l’article L.O. 6214-4 dispose que la collectivité exerce ses compétences en matière de fiscalité, dans le respect de trois exigences :

—  une exigence liée aux conditions requises pour avoir son domicile fiscal à Saint-Barthélemy (1°) ;

—  une obligation de transmission par la collectivité à l’État de toute information utile pour l’application de sa réglementation fiscale et pour l’exécution des clauses d’échange de renseignements avec d’autres États ou territoires (2°) ;

—  l’application à Saint-Barthélemy des règles fixées par l’État en matière de cotisations sociales et autres prélèvements destinés au financement de la protection sociale et à l’amortissement de la dette sociale, par analogie avec les règles applicables en Guadeloupe (3°).

Il prévoit que les modalités d’application de ces trois exigences sont précisées par une convention conclue entre l’État et la collectivité, afin de prévenir, notamment, l’évasion fiscale et les doubles impositions et de définir les obligations de la collectivité en matière de communication d’informations à des fins fiscales.

Le présent article vise à préciser les conditions d’application de la compétence fiscale de Saint-Barthélemy au regard des règles de détermination de la résidence fiscale définies au 1° de l’article L.O. 6214-4 : aux termes de la « règle des cinq ans » posée par ce 1°, les personnes physiques ne peuvent être considérées comme ayant leur domicile fiscal à Saint-Barthélemy qu’après y avoir résidé pendant cinq ans au moins. De même, les personnes morales ne peuvent être considérées comme ayant leur domicile fiscal à Saint-Barthélemy que si elles y ont installé le siège de leur direction effective depuis cinq ans au moins ou si elles sont contrôlées directement ou indirectement, par des personnes physiques résidant à Saint-Barthélemy depuis au moins cinq ans. Les personnes physiques ou morales, de nationalité française ou étrangère, qui résident à Saint-Barthélemy mais n’y ont pas, en application de la règle des cinq ans, leur résidence fiscale, sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en métropole (10).

L’interprétation de ces dispositions, destinées à prévenir l’installation sur l’île pour des motifs purement fiscaux, a cependant donné lieu à des divergences qui sont aujourd’hui préjudiciables au bon exercice, par la collectivité, de sa compétence fiscale.

2. Les modifications proposées par le présent article

Dans sa rédaction initiale, le présent article prévoyait que les personnes physiques et morales ne remplissant pas les critères de résidence de la règle des cinq ans sont « également imposables par la collectivité de Saint-Barthélemy », pour les revenus trouvant leur source sur le territoire de Saint-Barthélemy. Cette faculté s’appliquerait à compter de la date à laquelle une convention entre l’État et la collectivité afin de prévenir l’évasion fiscale et les doubles impositions prend effet et, au plus tard, à compter du 1er janvier 2010.

Par ailleurs, il précisait que la capacité, pour Saint-Barthélemy, d’imposer les revenus de source locale des non-résidents s’appliquerait, pour les personnes physiques, aux revenus ou gains réalisés à compter du 1er janvier 2010 et, pour les personnes morales, à tout exercice ouvert à compter de cette date.

Le Sénat a, à l’initiative de sa commission des Lois, sensiblement modifié la rédaction de cet article, sur le modèle du texte adopté pour Saint-Martin.

Les dispositions relatives à l’imposition des revenus de source locale sont regroupées au sein d’un 1° bis inséré au I de l’article L.O. 6214-4 (1° du I du présent article).

Son premier alinéa précise que les personnes physiques ou morales ayant leur domicile fiscal dans un département de métropole ou d’outre-mer sont soumises aux impositions en vigueur dans ces départements.

Son second alinéa précise que, « sans préjudice » des dispositions relatives à la compétence fiscale de l’État, la collectivité de Saint-Barthélemy dispose de la compétence pour imposer les revenus de source locale des non-résidents fiscaux.

Le II du présent article insère un I bis au sein de l’article L.O. 6214-4, comprenant les dispositions relatives à la convention fiscale qui devra préciser les modalités d’application de la règle des cinq ans et de la compétence de Saint-Barthélemy en matière d’imposition des revenus de source locale des personnes ne satisfaisant pas aux conditions de résidence.

Ce paragraphe précise en outre, à l’image du dispositif retenu pour Saint-Martin, qu’un crédit d’impôt devra compenser les doubles impositions qui seraient constatées entre le 1er janvier 2010 et l’entrée en vigueur de la convention.

Le III du présent article précise que la collectivité exerce cette faculté d’imposition à l’égard des revenus afférents à toute année civile ou tout exercice commençant à compter du 1er janvier 2010 et à l’impôt sur la fortune établi à compter de l’année 2010.

Son IV précise enfin que la règle des cinq ans fera l’objet d’une évaluation au cours de sa deuxième année d’application. Le rapport d’évaluation sera transmis aux commissions des Lois de l’Assemblée nationale et du Sénat avant la onzième année suivant l’entrée en vigueur de la loi organique du 21 février 2007. Le Parlement disposera ainsi d’éléments de nature à lui permettre de décider le maintien, l’aménagement ou la suppression de ces dispositions.

La Commission adopte cet article sans modification.

Article 1er bis

(art L.O. 6223-1 et L. O. 6251-11-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales)


Insertion, dans le statut de Saint-Barthélemy, de dispositions relatives à l’environnement

Cet article est issu d’un amendement portant article additionnel, adopté à l’initiative du rapporteur de la commission des Lois du Sénat. Il insère, à l’image de l’article 5 bis de la proposition de loi organique relative à Saint-Martin, deux dispositions dans le statut de Saint-Barthélemy visant à assurer la prise en compte, par les institutions de la collectivité, des questions relatives à l’environnement.

Son I complète les dispositions de l’article L.O. 6223-1 du code général des collectivités territoriales, relatives à la composition du conseil économique, social et culturel de Saint-Barthélemy, afin de prévoir que cet organe comprend également des représentants d’associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de l’environnement et des personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence en matière d’environnement et de développement durable.

Son II insère au sein du code général des collectivités territoriales un nouvel article L.O. 6251-11-1 qui prévoit qu’avant l’examen du projet de budget de la collectivité, le conseil territorial entend la présentation par son président du rapport du conseil exécutif sur la situation de Saint-Barthélemy en matière de développement durable et sur les orientations et programmes visant à améliorer cette situation.

La Commission adopte cet article sans modification.

Article 2

Compensation des pertes de recettes résultant pour l’État de la proposition de loi organique

Cet article, qui prévoyait que les pertes de recettes, qui résulteraient pour l’État de l’application des dispositions de la loi organique, devraient être compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits relatifs au tabac, a été supprimé par le Gouvernement au Sénat.

La Commission maintient la suppression de cet article.

*

* *

En conséquence, la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la présente proposition de loi organique dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

Ministère chargé de l’outre-mer

—  M. Foulques Chombart de Lauwe, conseiller technique au cabinet de la ministre chargée de l’outre-mer

—  Mme Laetitia de La Maisonneuve, conseillère parlementaire au cabinet de la ministre chargée de l’outre-mer

—  M. Rodolphe Juy-Birman, chef du service des affaires juridiques et institutionnelles de la Délégation générale à l’outre-mer

—  M. Jean-Bernard Nilam, chef du département de la vie économique, de l’emploi et de la formation de la Délégation générale à l’outre-mer

ANNEXE :
AVIS DU CONSEIL D’ÉTAT DU 27 DÉCEMBRE 2007

Section des finances - Avis n° 381.054 - 27 décembre 2007

Droit applicable outre-mer - Saint-Barthélemy et de Saint-Martin - Loi organique n°2007-223 du 27 février 2007 - Imposition des revenus ou de la fortune - Domicile fiscal - Notion - Compétences fiscales des collectivités.

Le Conseil d’État, saisi par la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi d’une demande d’avis : « relative à l’étendue de la compétence en matière fiscale des collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin », qui pose la question de savoir : « si la loi organique n° 2007-223 du 27 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer donne aux collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin la compétence pour imposer les revenus ou la fortune dont disposent dans ces territoires les personnes qui n’y ont pas la qualité de résident fiscal, lorsque sont en cause des impositions, droits ou taxes reposant sur une notion de résidence fiscale ».

Vu la Constitution, notamment son article 74 ;

Vu la loi organique n° 2007-223 du 27 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2007-547 DC du 15 février 2007 ;

Vu le code général des collectivités territoriales, notamment ses articles LO. 6211-1, LO. 6214-3, LO. 6214-4, LO. 6311-1, LO. 6314-3, LO. 6314-4 et LO. 6380-1 ;

Vu le code général des impôts, notamment ses articles 4 A, 4 B, 4 bis, 209 et 885 A ;

Est d’avis qu’il y a lieu de répondre à la question posée dans le sens des observations ci-après :

I. - La compétence des collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin en matière fiscale

A. - La loi organique n° 2007-223 du 27 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, en instituant les deux nouvelles collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, leur a donné une compétence en matière fiscale.

Les articles LO. 6214-3 et LO. 6314-3 du code général des collectivités territoriales, introduits dans le code par cette loi organique, disposent, respectivement pour Saint-Barthélemy et pour Saint-Martin, dans les mêmes termes, que : « La collectivité fixe les règles applicables » en matière d’« impôts, droits et taxes dans les conditions prévues » à l’article LO. 6214-4 pour Saint-Barthélemy et à l’article LO. 6314-4 pour Saint-Martin.

Les articles LO. 6214-4 pour Saint-Barthélemy et LO. 6314-4 pour Saint-Martin du même code précisent que la collectivité exerce les compétences qu’elle tient du 1° du I de l’article LO. 6214-3 ou de l’article LO. 6314-3 « dans le respect » des dispositions qui suivent.

1° Ces dispositions encadrent de deux manières la compétence fiscale de ces collectivités :

—  au 1° des deux articles, est fixée une condition de durée de résidence d’au moins cinq ans pour qu’une personne, physique ou morale, soit considérée comme ayant son domicile fiscal dans la collectivité ;

—  au 3°, est posée la règle selon laquelle les collectivités exercent leur compétence fiscale sans préjudice des règles fixées par l’État en matière de cotisations sociales et des autres prélèvements destinés au financement de la protection sociale et à l’amortissement de la dette sociale.

2° Par les dispositions du 2° des deux articles, obligation est faite aux collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin de transmettre à l’État toute information utile pour l’application de leur réglementation fiscale ou pour l’exécution des clauses d’échanges de renseignements figurant dans les conventions fiscales conclues par la France ;

3° Enfin, est posé, dans le dernier alinéa du I des articles LO. 6214-4 et LO. 6314-4, le principe que les modalités d’application de cette partie des articles seront, en tant que de besoin, précisées par des conventions conclues entre l’État et les collectivités, en vue de prévenir l’évasion fiscale et les doubles impositions et de définir les obligations de communication d’informations des collectivités.

B. - Les dispositions du 1° du I des articles LO. 6214-4 et LO. 6314-4 ne sont pas identiques pour les deux collectivités.

a) En vertu du I de l’article LO. 6214-4, les personnes physiques ne peuvent être considérées comme ayant leur domicile fiscal à Saint-Barthélemy qu’après y avoir résidé pendant cinq ans au moins. Pour les personnes morales, la condition de domiciliation fiscale est l’installation du siège de leur direction effective depuis cinq ans au moins, sauf si, installées depuis moins de cinq ans, elles sont contrôlées, directement ou indirectement, par des personnes physiques résidant elles-mêmes à Saint-Barthélemy depuis cinq ans au moins.

Un dernier alinéa de cet article précise pour Saint-Barthélemy que les personnes physiques et morales qui ne remplissent pas cette condition de résidence de cinq ans, et ne peuvent donc être considérées comme ayant leur domicile fiscal dans cette collectivité, sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France.

Il s’en déduit que les personnes installées dans la collectivité de Saint-Barthélemy depuis moins de cinq ans, qu’elles aient été jusque là domiciliées fiscalement en France, c’est-à-dire, du point de vue fiscal, en métropole ou dans un département d’outre-mer, ou dans une autre collectivité d’outre-mer ou à l’étranger, ne peuvent être considérées comme domiciliées fiscalement à Saint-Barthélemy. Ces personnes sont donc réputées avoir leur domicile fiscal en France, dès lors qu’elles remplissent, à Saint-Barthélemy, l’une des conditions prévues à l’article 4 B du code général des impôts pour être domiciliées fiscalement en France.

b) Pour Saint-Martin, le législateur organique, afin de ne pas décourager l’installation de personnes physiques ou morales étrangères, a limité la condition de résidence d’au moins cinq ans aux personnes ayant, avant leur installation à Saint-Martin, leur domicile fiscal dans un département de métropole ou d’outre-mer, ce qui a pour conséquence que les personnes ayant leur domicile fiscal dans une autre collectivité d’outre-mer ou à l’étranger peuvent se voir reconnaître leur domicile fiscal dans la collectivité de Saint-Martin sans y résider depuis au moins cinq ans.

Par ailleurs, du fait que la condition de résidence de cinq ans ne s’applique pour Saint-Martin qu’aux personnes ayant leur domicile fiscal en France, le législateur organique n’a pas précisé, comme il l’a fait pour Saint-Barthélemy, que les personnes ne remplissant pas cette condition de résidence étaient domiciliées en France.

C. Dans le silence de la loi organique, la condition de résidence de cinq ans doit être regardée comme satisfaite, à compter du 15 juillet 2007, date d’entrée en vigueur de cette loi, par une résidence dans la collectivité pendant les cinq années qui précèdent la date à laquelle cette condition doit être appréciée.

II. - Les conséquences de la domiciliation fiscale sur les compétences des collectivités

A. Pour l’impôt sur le revenu et l’impôt sur la fortune

1. - La domiciliation fiscale en France a pour conséquence, selon les dispositions du code général des impôts, de rendre les personnes domiciliées passibles de certaines impositions établies en France.

Selon l’article 4 A du code général des impôts, les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus, quelle qu’en soit l’origine. Celles dont le domicile fiscal est fixé hors de France sont passibles de cet impôt seulement en raison de leurs revenus de source française. L’article 4 B dispose notamment que sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 A les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal, ou celles qui exercent en France une activité professionnelle, sauf si celle-ci est accessoire, ou celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. Enfin, l’article 4 bis rend passibles de l’impôt sur le revenu les personnes de nationalité française ou étrangère, domiciliées fiscalement en France ou non, si elles recueillent des bénéfices ou des revenus dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions.

En vertu des dispositions de l’article 885 A du même code, sont soumises à l’impôt annuel de solidarité sur la fortune, lorsque la valeur de leurs biens est supérieure à une limite, les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France ou hors de France ainsi que les personnes physiques n’ayant pas leur domicile fiscal en France, à raison de leurs biens situés en France.

2. - Les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution ont un statut défini par une loi organique qui fixe notamment leurs compétences.

En prévoyant que les compétences des collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin en matière d’impôts, droits et taxes s’exercent notamment « dans le respect » des dispositions du 1° du I des articles LO. 6214-4 et LO. 6314-4, lesquelles indiquent à quelles conditions les personnes physiques et morales peuvent être considérées comme ayant leur domicile fiscal dans ces collectivités, le législateur organique a entendu préciser la compétence de ces collectivités en matière fiscale au regard de la domiciliation fiscale des personnes.

a) Pour les personnes ayant leur domicile fiscal à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin

Les dispositions de la loi organique permettent à ces collectivités d’exercer leur compétence fiscale en instituant des impôts sur les revenus ou la fortune dont disposent les personnes qui y sont domiciliées fiscalement. Si l’une de ces collectivités adoptait des dispositions prévoyant un impôt sur le revenu ou un impôt sur la fortune assis sur l’ensemble des revenus ou des biens, y compris ceux qui ont leur origine ou sont situés en France (métropole ou départements d’outre-mer), les situations de double imposition qui résulteraient de l’application à ces mêmes personnes des dispositions des articles 4 A ou 885 A du code général des impôts pourraient être prévenues par les stipulations de la convention fiscale prévue entre la France et cette collectivité.

b) Pour les personnes ayant leur domicile fiscal en France

À l’inverse, les dispositions susmentionnées doivent s’interpréter comme excluant les personnes ayant leur domicile fiscal en France, ou étant réputées l’avoir, de la compétence fiscale des deux collectivités. Ces personnes sont, par suite, passibles des seuls impôts sur le revenu et sur la fortune établis en France, dans les conditions prévues pour les personnes domiciliées fiscalement en France par les dispositions des articles 4 A et 885 A du code général des impôts, sur l’ensemble de leurs revenus ou l’ensemble de leurs biens.

D’une part, en effet, la loi organique n’a pas prévu que, par exception, ces personnes pourraient être assujetties à des impositions établies par les collectivités de Saint-Barthélemy ou de Saint-Martin, se bornant au contraire à prévoir une compensation intégrale pendant cinq ans, pour la seule collectivité de Saint-Martin, des pertes de recettes résultant pour celle-ci de la limitation de sa compétence fiscale.

D’autre part, il ressort tant des rapports présentés devant le Sénat et l’Assemblée nationale au nom des commissions de ces assemblées que des déclarations du ministre de l’outre-mer et des débats parlementaires que le législateur organique a voulu, comme le lui proposait le Gouvernement, écarter le risque d’évasion fiscale résultant de la compétence fiscale des deux nouvelles collectivités par la mise en place d’un dispositif permettant l’application du seul droit fiscal national aux personnes dont le domicile fiscal est, en application des dispositions de la loi organique, situé en France.

c) Pour les personnes qui n’ont leur domicile fiscal ni dans une des collectivités ni en France

Pour les personnes qui n’ont pas, ou pas encore, leur domicile fiscal dans l’une des collectivités, sans l’avoir en France, aucune disposition de la loi organique ne fait obstacle à ce que cette collectivité impose les revenus ou la fortune dont ces personnes disposent dans la collectivité, sous réserve des stipulations des conventions fiscales qui viendraient à être conclues pour la collectivité avec des États étrangers.

B. Pour l’impôt sur les sociétés

Pour les mêmes motifs que ceux exposés au b du 2. du A du II, il résulte de la combinaison des dispositions des articles LO. 6214-4 et LO. 6314-4 du code général des collectivités territoriales susmentionnées et de celles du I. de l’article 209 du code général des impôts - qui prévoient, sous réserve des dispositions de l’article 209 quinquies du même code, que les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions - que les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin ne peuvent soumettre à un impôt sur les sociétés les personnes morales résidant fiscalement en France, même pour les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées dans la collectivité.

© Assemblée nationale

1 () Proposition de loi organique modifiant le livre III de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin, présentée par MM. Louis-Constant Fleming, Jean-Paul Virapoullé et Mme Lucette Michaux-Chevry (proposition n° 634, 2008-2009)

2 () Proposition de loi organique tendant à permettre à Saint-Barthélemy d’imposer les revenus de source locale des personnes établies depuis moins de cinq ans, présentée par M. Michel Magras (proposition n° 517, 2008-2009)

3 () Saint-Martin connaît de graves difficultés de trésorerie, dues notamment à la perte des recettes d’octroi de mer. Il apparaît toutefois que le déficit que connaît la collectivité a également des causes structurelles. Le ministre de l’outre-mer a indiqué lors des débats au Sénat que le Gouvernement a diligenté à Saint-Martin, en octobre dernier, une mission des inspections générales des finances et de l’administration afin d’aider la collectivité à mieux organiser le recouvrement des impôts.

4 () Rapport de M. Christian Cointat, n°55 (2009-2010) et texte de la commission n° 56 (2009-2010).

5 () En application des articles L.O. 6313-3 et L.O. 6213-3, les conseils territoriaux des deux collectivités disposaient d’un délai de quinze jours, le représentant de l’État ayant demandé l’urgence. Le délai expiré, l’avis est réputé avoir été donné.

6 () La liste des personnes entendues par votre rapporteur figure en annexe.

7 () Le conseil territorial de Saint-Martin a adopté son premier budget primitif en tant que COM le 31 mars 2008, celui de Saint-Barthélemy le 14 avril 2008.

8 () Avis du Conseil d’État sur l’étendue de la compétence en matière fiscale des collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, n° 381-054 du 27 décembre 2007, cf annexe au présent rapport.

9 () Loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte

10 () Selon M. Michel Magras, auteur de la proposition de loi organique, les personnes dont le domicile fiscal n’est pas établi à Saint-Barthélemy représenteraient environ 10 % de la population de la collectivité.