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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 2276

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 février 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (N° 2211) DE M. JEAN LEONETTI, relative à l’organisation du débat public sur les problèmes éthiques et les questions de société,

PAR M. Jean LEONETTI,

Député.

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INTRODUCTION 5

I. ––  L’IMPORTANCE D’UN DÉBAT PUBLIC SUR LES QUESTIONS DE BIOÉTHIQUE ET LES QUESTIONS DE SOCIÉTÉ 6

A – LA PARTICULARITÉ DES QUESTIONS ÉTHIQUES CONCERNANT LA VIE ET LE CORPS HUMAIN 6

B – DU DÉBAT D’EXPERTS À LA CONSULTATION DES CITOYENS 7

C – UNE MÉTHODE RECONNUE INTERNATIONALEMENT 8

1. Des expériences étrangères concluantes 8

2. Des recommandations internationales 9

II. ––  LE PROCESSUS DE RÉVISION DE LA DERNIÈRE LOI RELATIVE À LA BIOÉTHIQUE 10

A – LA MISE EN PLACE DES ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA BIOÉTHIQUE 10

B – LE PROCESSUS DE PARTICIPATION DES CITOYENS 11

III. ––  LA PROPOSITION DE GÉNÉRALISATION DE LA MÉTHODE DES ÉTATS GÉNÉRAUX AUX QUESTIONS ÉTHIQUES ET DE SOCIÉTÉ 12

DISCUSSION GÉNÉRALE 13

EXAMEN DES ARTICLES 17

Article premier (art. L. 1412-1-1 [nouveau] du code de la santé publique) : Obligation d’organiser un débat public sur les questions éthiques et sociétales en matière médicale, sanitaire ou biologique 17

Article 2 (art. 1412-3-1 [nouveau] du code de la santé publique) : Déroulement des états généraux 18

Article 3 : Compensation des charges éventuelles 20

TABLEAU COMPARATIF 21

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 23

ANNEXE : COMMUNICATION EN CONSEIL DES MINISTRES SUR LA MÉTHODE ET LE CONTENU DE LA RÉVISION DE LA LOI DE BIOÉTHIQUE 25

MESDAMES, MESSIEURS,

Face aux accélérations des évolutions scientifiques, médicales et sociales, les pouvoirs publics ne peuvent plus s’en remettre au seul choix des experts pour prendre des décisions qui engagent l’avenir de notre société. Dans une démocratie moderne, on ne peut plus imposer en effet à nos concitoyens des solutions à des problèmes aux enjeux éthiques, sociaux et environnementaux sans recueillir au préalable leur avis et sans les faire participer aux décisions qui les concernent. Cette évolution s’explique par plusieurs raisons. L’expérience montre que les décisions sur des sujets complexes exigent du temps et de la maturation pour être pleinement acceptées. Si la société est de mieux en mieux informée de la multiplicité des enjeux des réformes qui sont proposées, il lui arrive cependant de voir sa décision influencée par des résultats d’enquête, qui ne sont que la photographie de l’opinion à un instant donné ou par l’éclairage médiatique qui peut être fait d’une situation particulière. Organiser une discussion libre et contradictoire où chacun s’écoute et se respecte après une information objective de la population, c’est refuser précisément des choix hâtifs qui seront autant de sources d’incompréhension et de rejet. C’est forger une éthique de la discussion ouverte et citoyenne pour rechercher ensemble des valeurs partagées et des principes communs qui constituent les fondements et la spécificité de notre société.

I. ––  L’IMPORTANCE D’UN DÉBAT PUBLIC SUR LES QUESTIONS DE BIOÉTHIQUE ET LES QUESTIONS DE SOCIÉTÉ

A – LA PARTICULARITÉ DES QUESTIONS ÉTHIQUES CONCERNANT LA VIE ET LE CORPS HUMAIN

Les questions posées par les nouvelles techniques disponibles interrogent doublement notre conception de l’homme. D’une part, elles peuvent se confronter aux caractéristiques de la personne humaine qui fondent notre ordre juridique, notamment la liberté et la dignité. D’autre part, les découvertes scientifiques mettent en jeu notre conception de l’espèce humaine, dans son identité et sa diversité. Elles suscitent donc des interrogations morales et philosophiques.

C’est pourquoi la fixation des règles en matière de bioéthique impose de concilier les principes fondamentaux de notre droit comme le respect de la dignité de la personne humaine, la primauté de la personne humaine, le respect de la vie, l’inviolabilité et la non-patrimonialité du corps humain et l’intégrité de l’espèce humaine.

C’est également la raison pour laquelle les dilemmes bioéthiques suscitent un intérêt croissant de la part des citoyens. Il s’agit de questions sensibles, qui touchent aux convictions morales et religieuses autant qu’aux intérêts particuliers de bon nombre de personnes. Elles mettent ainsi en jeu des valeurs telles que la responsabilité personnelle, le libre arbitre, le progrès de la connaissance, la protection des plus vulnérables, l’intérêt de l’enfant ou le refus de l’eugénisme. Les réponses données à ces questions auront des conséquences sur les générations futures.

Au-delà des questions bioéthiques stricto sensu, les nouvelles techniques médicales modifient les repères familiaux. L’apparition de nouvelles formes de fécondation ou de procréation rend plus difficile la définition de la filiation au regard des règles fixées en matière d’état civil.

Les avancées scientifiques présentent également des enjeux environnementaux et sanitaires, comme le montrent les débats liés à la création et à la commercialisation d’organismes génétiquement modifiés (OGM).

Dans ces matières, les principes qui justifient l’intervention du législateur doivent revêtir une valeur universelle et générale, quelles que soient les évolutions scientifiques. Il est également indispensable que ces principes soient les plus largement partagés. Le débat sur ces valeurs ne doit ni être un débat d’experts, ni un débat à caractère partisan. Seul un accord très large sur les valeurs qui fondent la législation assurera l’acceptabilité sociale de cette législation.

En conséquence, l’adoption des lois relatives à la bioéthique ou aux questions de société depuis les années quatre-vingt-dix s’est faite avec le souci de dégager le consensus le plus large possible. Le débat ne s’est pas limité aux instances parlementaires mais s’est ouvert à la société civile afin de permettre l’expression de tous les points de vue.

Les procédures de participation des citoyens constituent un bon moyen d’inclure la société civile dans le débat. Elles permettent, en effet, de faire remonter les opinions de la base vers le sommet de l’État. Elles présentent également l’avantage de prendre de la distance par rapport aux tropismes disciplinaires et aux intérêts particuliers. Les questions éthiques sont généralement transversales à plusieurs disciplines et mettent en jeu des principes de portée générale. L’organisation d’un débat public avec les citoyens favorise l’adoption d’une vision d’ensemble, à la différence d’une approche discipline par discipline. En outre, en faisant de l’éthique l’affaire de tous, elle évite que seuls les intérêts particuliers s’expriment dans le débat.

Contrairement aux sondages, l’organisation de débats publics permet en outre d’appréhender certaines questions dans leur complexité et d’exprimer des positions nuancées argumentées, au lieu de se limiter à un choix binaire de type « pour ou contre ».

Les procédures de participation n’ont pas vocation à se substituer au débat parlementaire, mais au contraire à enrichir celui-ci. Elles permettent au législateur de disposer d’éléments complémentaires pour prendre sa décision. Elles ne remettent donc pas en cause la logique de la démocratie participative. Le débat public n’a pas pour objectif de déterminer quelles doivent être les règles de droit applicables, mais d’identifier les principes et valeurs qui sont communément partagés. Il revient ensuite au législateur de décider du champ des autorisations ou des interdictions.

B – DU DÉBAT D’EXPERTS À LA CONSULTATION DES CITOYENS

L’autorégulation en matière éthique a longtemps été la règle en matière médicale ou de recherche. L’éthique était ainsi surtout appréhendée sous l’angle de la déontologie des professionnels. En France, par exemple, les questions éthiques dans les projets de recherche étaient soumises à l’avis du comité éthique de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Elles étaient donc arbitrées par les milieux scientifiques eux-mêmes.

À partir des années quatre-vingt, il est apparu nécessaire d’institutionnaliser le débat en abandonnant l’autorégulation au profit d’une intervention des pouvoirs publics. Toutefois, il est apparu que l’État n’avait pas à édicter seul les règles en la matière en dialoguant avec les professionnels concernés. Ces questions de société sont l’affaire de tous. Des organes consultatifs ont donc été mis en place pour représenter la société civile ou les citoyens.

Ainsi, afin de mener une réflexion éthique en amont des choix politiques, un décret du 23 février 1983 a créé le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (1). La mission de ce comité est de « donner des avis sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé », selon les termes de l’article L. 1412-1 du code de la santé publique (2). Il ne revient toutefois pas au CCNE de trancher les problèmes éthiques et de déterminer ainsi le contenu des lois. Sa mission est consultative mais il ne possède pas de légitimité lui permettant d’édicter les principes qui doivent s’imposer à la loi. Il ne peut donc pas se substituer à une réelle participation des citoyens.

Les premiers débats nationaux sur des choix scientifiques, technologiques ou sociaux sont apparus dans les années quatre-vingt-dix. On peut notamment citer le débat de 1994 sur les grands objectifs de la recherche, la conférence de consensus sur les organismes génétiquement modifiés en 1998 ou le débat sur les nanotechnologies en 2007. Toutefois, ces débats n’ont eu qu’une portée assez limitée. Seuls les débats publics en matière environnementale ont été réellement institutionnalisés. Ainsi, la procédure de « débat public » instaurée par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement se s’applique qu’aux grands équipements ayant un impact sur l’environnement et aux options générales en matière d’environnement ou d’aménagement (3). La compétence de la Commission nationale du débat public, qui garantit la qualité des procédures de recueil de l’avis des citoyens, est strictement limitée à ces sujets environnementaux.

Le lancement des « États généraux de la bioéthique » à la fin de l’année 2008 a constitué un véritable changement d’échelle avec l’organisation d’un débat national auquel chacun pouvait participer. Ces États généraux reposent sur le principe que la complexité des sujets ne justifie pas d’en écarter le public, supposé incompétent, pour escamoter tout débat public. Au contraire, il convient de promouvoir une réflexion éclairée du plus grand nombre. S’il est vrai que les questions médicales, sanitaires et biologiques sont complexes, cela n’empêche pas d’informer les citoyens. De plus, le débat ne porte pas sur les techniques en tant que telles, mais sur les aspects éthiques, sur lesquels l’avis des citoyens a toute sa valeur.

C – UNE MÉTHODE RECONNUE INTERNATIONALEMENT

1. Des expériences étrangères concluantes

Plusieurs pays étrangers ont mis en place des procédures de participation sur des sujets qui intéressent directement les citoyens, y compris les sujets éthiques et de société.

En Allemagne, des jurys citoyens ou « Planungszelle » réunissent des citoyens tirés au sort, qui reçoivent une formation de quatre jours sur un sujet déterminé. Ils peuvent aborder des sujets divers, comme l’économie sociale de marché, l’Europe ou l’environnement. À l’issue de travaux en petits groupes puis en séance plénière, ils formulent des propositions dans un « rapport citoyen ». Ce dernier résume les propos des différents intervenants, les propositions des groupes de travail et les conclusions finales. Ce modèle a fait école dans d’autres pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Australie ou le Japon. Au Royaume-Uni, par exemple, de telles consultations ont été organisées en matière de bioéthique par la Human Fertilization and Embryology Authority.

Le Danemark fait également figure de modèle avec les « conférences de consensus ». Des jurys de citoyens sélectionnés sur des critères socio-démographiques et formés par différents professionnels du secteur procèdent à des auditions d’experts. De telles conférences ont notamment été organisées par l’Agence danoise chargée de l’évaluation des choix technologiques.

2. Des recommandations internationales

L’importance du débat public sur les questions bioéthiques a été consacrée par deux traités internationaux : la Convention d’Oviedo du 4 avril 1997 pour la protection des Droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine et la Déclaration universelle des Nations Unies sur la bioéthique et les droits de l’homme adoptée le 19 octobre 2005 par la Conférence générale de l’UNESCO.

Il est ainsi stipulé à l’article 28 de la Convention d’Oviedo que les États signataires « veillent à ce que les questions fondamentales posées par les développements de la biologie et de la médecine fassent l’objet d’un débat public approprié à la lumière, en particulier, des implications médicales, sociales, économiques, éthiques et juridiques pertinentes, et que leurs possibles applications fassent l’objet de consultations appropriées » (4).

L’article 18 de la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme recommande d’engager un dialogue « de manière régulière entre les personnes et les professionnels concernés ainsi que la société dans son ensemble » et de favoriser « des possibilités de débat public pluraliste et éclairé, permettant l’expression de toutes les opinions pertinentes ».

II. ––  LE PROCESSUS DE RÉVISION DE LA DERNIÈRE LOI RELATIVE À LA BIOÉTHIQUE

A – LA MISE EN PLACE DES ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA BIOÉTHIQUE

Dès la première loi relative à la bioéthique, en 1994 (5), le législateur a retenu le principe d’un réexamen régulier des dispositions législatives édictées dans ce domaine. Un réexamen de la loi était prévu dans un délai maximum de cinq ans, c’est-à-dire en 1999 au plus tard. Ce réexamen périodique permet d’adapter la loi aux évolutions scientifiques intervenues entre-temps. À l’issue d’une évaluation effectuée par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a été adoptée la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique. Cette loi a défini un dispositif de recherches sur l’embryon valable pendant une durée limitée, venant à échéance en février 2011. Un nouveau réexamen de la loi devait donc être effectué en vue de l’adoption d’une loi en 2010 au plus tard.

Le Gouvernement a décidé d’associer les citoyens à ce processus de révision en organisant des « États généraux de la bioéthique » au cours du premier semestre de l’année 2009. Ces États généraux ont représenté la première expérience française de débat public à l’échelle nationale sur des questions de société.

La méthode a été présentée par Mme Roselyne Bachelot-Narquin dans une communication au Conseil des ministres du 16 juillet 2008 relative à la méthode et au contenu de la révision de la loi de bioéthique (6). Les États généraux de la bioéthique devaient être préparés par un comité de coordination chargé d’en définir le périmètre. Une campagne d’information devait ensuite permettre aux citoyens de connaître les questions devant être débattues. Les États généraux eux-mêmes devaient être organisés autour de réunions, de colloques et de forums et permettre à un maximum de citoyens de s’exprimer grâce aux technologies de l’information.

Les sujets annoncés pour ces états généraux étaient la recherche sur l’embryon, le prélèvement et la greffe d’organes, de tissus et de cellules, les modalités d’expression du consentement dans le cadre des protocoles de recherche, le principe d’indisponibilité des éléments du corps humain, l’assistance médicale à la procréation qui pose elle-même la question de l’anonymat du don et de la gestation pour autrui, le développement de la médecine prédictive, l’extension du recours au diagnostic prénatal et au diagnostic préimplantatoire.

Le comité de pilotage des États généraux de la bioéthique constitué en novembre 2008 était composé de six membres et associait des parlementaires, un praticien hospitalier, un professeur de droit médical et un professeur de philosophie spécialiste d’éthique médicale (7).

B – LE PROCESSUS DE PARTICIPATION DES CITOYENS

•  Les forums citoyens ont constitué l’élément principal du débat public. Trois forums citoyens régionaux ont été organisés à Marseille, à Rennes et à Strasbourg (8). Ils portaient respectivement sur la recherche sur les cellules souches et sur l’embryon et sur le diagnostic prénatal, sur l’assistance médicale à la procréation et sur les prélèvements et greffes d’organes, de tissus et de cellules, la médecine prédictive et l’examen des caractéristiques génétiques.

À la différence des réunions publiques classiques, les forums citoyens ont été précédés de la constitution de panels de citoyens représentatifs. Quatorze à dix-sept citoyens ont été sélectionnés par l’Institut français d’opinion publique (IFOP) de manière à représenter la pluralité de la société (9). Ils ont été formés pendant deux week-ends, afin d’être en mesure de discuter avec les experts. La formation dispensée était pluridisciplinaire, les formateurs ayant été choisis parmi des juristes, des philosophes, des sociologues et des médecins. Les formateurs et le contenu des formations ont respecté une stricte neutralité afin de ne pas influencer les citoyens.

Les forums citoyens se sont déroulés sous forme de débat tripartite entre le public, les citoyens sélectionnés et des « grands témoins ». Ceux-ci pouvaient être des experts – médecins, scientifiques, juristes, philosophes, sociologues – ou des représentants des différents courants religieux.

À l’issue de ces débats, des délégués des différents forums ont présenté des propositions sur chacun des thèmes choisis et se sont réunis pour un colloque national, le 23 juin 2009, au cours duquel a été établie une synthèse des différentes réunions. Les réflexions élaborées au cours de ces trois forums ont d’ailleurs nourri les propositions de la mission d’information parlementaire.

•  Les États généraux de la bioéthique ont également permis de recueillir largement les observations du public grâce à la mise en place d’un site internet le 16 février 2009. Ce site comprenait une base documentaire très riche permettant de s’informer sur les questions de bioéthique. Les internautes pouvaient ainsi consulter en ligne les textes législatifs, les travaux parlementaires, les traités internationaux, les travaux de diverses institutions et associations et une fiche de vulgarisation sur chacun des grands thèmes abordés au cours des états généraux. Ils avaient notamment accès aux vidéos des auditions de la mission parlementaire d’information sur la révision des lois bioéthiques, qui menait ses travaux de manière concomitante. L’information pertinente était ainsi rendue facilement accessible, dans une démarche pédagogique mais anticiper sur les réponses à donner aux questions abordées. Le site permettait à tous les visiteurs de laisser une contribution, sur cinq thèmes. Cette initiative a été couronnée de succès puisque le site a reçu plus de 70 000 visites et 1 658 avis d’internautes (10). Les contributions ont fait l’objet d’une synthèse remise au comité de pilotage.

•  Enfin, les États généraux de la bioéthique ont permis d’organiser des rencontres régionales à l’initiative des espaces de réflexion éthique régionaux ou interrégionaux rattachés aux centres hospitaliers universitaires (CHU), sur des thèmes particuliers. 23 CHU ont participé aux États généraux et organisé une soixantaine de débats entre des experts de diverses disciplines et les citoyens. Les responsables ont ensuite rendu un rapport, qui a été publié sur le site internet.

Toutes ces contributions et ces travaux ont favorisé une réflexion transparente, instruite et éclairée avec un grand nombre de citoyens. Un véritable dialogue argumenté a eu lieu, sans que le débat ne vire à la polémique, et a préparé utilement l’élaboration de la loi. Le comité de pilotage a effectué une synthèse des différentes manifestations et contributions dans un rapport final rendu public.

III. ––  LA PROPOSITION DE GÉNÉRALISATION DE LA MÉTHODE DES ÉTATS GÉNÉRAUX AUX QUESTIONS ÉTHIQUES ET DE SOCIÉTÉ

La présente proposition de loi prévoit d’institutionnaliser le procédé des « états généraux » avant toute réforme concernant les questions éthiques et sociétales en matière médicale, sanitaire ou biologique. Elle satisfait ainsi l’une des recommandations formulées par la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la révision des lois de bioéthique (11).

L’article premier de la proposition de loi impose d’organiser un débat public sous forme d’états généraux avant toute réforme sur les problèmes éthiques et les questions soulevés par les progrès de la connaissance en matière de biologie, de médecine ou de santé, ce qui inclut les questions bioéthiques.

Cet article précise que les états généraux sont organisés à l’initiative du Comité consultatif national d’éthique, qui avait été consulté pour l’organisation des États généraux de la bioéthique de 2009. Cette modalité garantira la neutralité de la consultation par rapport aux orientations envisagées par le Gouvernement.

Ces modalités permettent de distinguer clairement la procédure des états généraux de la procédure existante du débat public. Les états généraux portent sur des sujets qui ne relèvent pas de la compétence de la Commission du débat public.

L’article 2 détaille les caractéristiques principales des états généraux, en prévoyant que ceux-ci doivent comprendre au minimum des conférences de citoyens.

Ces conférences de citoyens sont largement inspirées du modèle des « forums citoyens » réunis dans le cadre des états généraux de la bioéthique. Il conviendra ainsi de réunir des conférences de citoyens choisis pour leur représentativité. Ceux-ci recevront une formation, puis débattront du sujet qui leur est soumis. À l’issue de leurs travaux, ils rédigeront un avis et formuleront des recommandations. Le résultat de leurs travaux sera rendu public.

Les états généraux pourront également prévoir d’autres dispositifs en complément des conférences de citoyens, comme des débats organisés sur internet ou par les espaces régionaux d’éthique, mais ces autres modalités ne sont pas obligatoirement d’ordre législatif.

Enfin, l’article 3 prévoit de compenser les charges supplémentaires que cette consultation obligatoire pourrait engendrer pour l’État.

Les états généraux ainsi organisés permettront de bâtir un consensus ou, au minimum, d’apaiser les dissensions entre les tenants de positions opposées. Ils permettront une démocratie moderne et apaisée où le débat public se déroule dans le respect mutuel.

*

* *

La Commission examine la proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 3 février 2010.

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale a lieu.

Mme Aurélie Filippetti. Je trouve que la démarche consistant à organiser des conférences de citoyens sur des problèmes scientifiques est excellente. Elle a d’ailleurs été mise en place dans certains pays scandinaves depuis une vingtaine d’années. Elle permet d’éviter que les seuls scientifiques déterminent la part de risque à prendre dans notre société.

Pour assurer le succès de ces conférences, il est nécessaire que les citoyens y participant aient pu recevoir une formation, et qu’ils puissent procéder à des auditions selon leur choix.

Je me pose toutefois deux questions.

Vous avez évoqué un choix des citoyens par tirage au sort, alors même que, dans l’article 2 de la proposition de loi, l’expression utilisée est « citoyens choisis pour leur représentativité ».

Par ailleurs, je ne comprends pas quelle sera l’articulation des états généraux avec les conférences de citoyens, et ce défaut de clarté motive ma réserve à l’égard du texte.

M. Pascal Terrasse. Avec cette proposition, on entre enfin dans ce qui a été appelé, lors de la dernière campagne présidentielle, la « démocratie participative », et c’est une bonne chose.

Déjà, au niveau des acteurs publics locaux, les citoyens sont souvent associés à la prise de décision. Au niveau de l’État, la Commission nationale du débat public permet de faire de même. Mais ce sont encore trop souvent les corps intermédiaires et les experts qui sont les principaux acteurs du débat public.

Renvoyer à une méthode de sélection des citoyens participant aux conférences semblable à celle appliquée pour les jurys d’assise ne serait pas satisfaisant. Pour les jurys d’assises, le hasard fait bien les choses, car ce sont d’abord les mairies qui établissent des listes, puis une commission départementale présidée par un magistrat et comprenant des élus sélectionne les éventuels jurés parmi ces listes, lesquels jurés peuvent d’ailleurs faire l’objet d’une récusation lors du procès. Le panel des citoyens participant aux états généraux doit être représentatif de la société. Si par exemple 50 % des personnes retenues avaient plus de 60 ans et étaient de religion catholique, cela ne serait pas représentatif.

M. Olivier Dussopt. Après avoir discuté avec notre collègue Alain Claeys, qui a présidé la mission d’information sur la révision des lois bioéthiques, mon sentiment est celui d’une proposition de loi déposée dans la précipitation. Les problèmes de représentativité ne sont pas réglés par le texte. S’il est nécessaire que les citoyens choisis aient accès à une formation, quel sera son contenu, et comment sera-t-il possible de délivrer en peu de temps une formation permettant d’affronter l’avis des experts, des médecins ?

Le texte prévoit que les états généraux seront organisés « à l’initiative du Comité consultatif national d’éthique ». Mais une telle disposition ne risque-t-elle pas de priver la représentation nationale de la faculté de légiférer si le Comité n’a pas pris l’initiative de réunir les états généraux ?

Se pose également la question de la composition de ce Comité consultatif national d’éthique.

Enfin, en écho aux propos de certaines associations ainsi que de plusieurs de nos collègues, j’espère que cette proposition de loi ne sera pas un frein à des réformes ultérieures.

M. Michel Vaxès. Je soutiens le contenu de cette proposition de loi qui ne fige rien, puisque le Comité consultatif national d’éthique aura le soin d’organiser les débats, ce qui représente une garantie.

Je forme l’espoir que ce Comité aille le plus loin possible dans la consultation, en association avec les comités régionaux d’éthique, et qu’il demeure fidèle à l’esprit dans lequel il avait été créé en 1983, lorsque le professeur Jean Bernard expliquait que sa vocation n’est pas de se pérenniser mais de créer les conditions pour que les citoyens puissent dire ce qui est éthiquement acceptable.

Mme Maryse Joissains-Masini. Cette proposition de loi est un texte moderne et bienvenu. Il est normal d’associer les citoyens aux décisions à prendre sur des sujets de société.

Je m’interroge cependant sur le panel. Pour éviter que certaines catégories de la population soient sur-représentées, ne faudrait-il pas que le tirage au sort soit effectué catégorie de citoyens par catégorie de citoyens ?

M. Charles de la Verpillière. Je suis d’accord sur le fond avec la proposition de loi. Je souhaite néanmoins formuler trois observations.

Au premier article, il me semble contradictoire de dire que des états généraux devront être réunis sur tout projet de réforme et de prévoir que l’organisation de ces états généraux est « à l’initiative du Comité consultatif national d’éthique », ce qui sous-entend l’existence d’une marge d’appréciation de ce comité.

En second lieu, quelle est la différence entre les états généraux eux-mêmes et les conférences de citoyens qu’ils doivent réunir, en vertu de l’article 2 ? Ne faudrait-il pas tout simplement prévoir que les états généraux « réunissent des citoyens » ?

Enfin, l’expression « citoyens choisis pour leur représentativité » donne l’impression qu’il sera procédé par voie d’élection, plutôt que de tirage au sort.

M. le rapporteur. Un tirage au sort brut n’assure pas la représentativité des citoyens. Il faudra constituer un panel représentatif de la société, notamment dans l’équilibre entre les femmes et les hommes, les actifs et les inactifs, les personnes ayant des convictions religieuses et les autres, avec le concours d’un institut de sondages. Pour éviter toute ambiguïté, je propose un amendement CL 2 qui précise que les citoyens sont choisis de manière à représenter la société dans sa diversité. La sélection des citoyens doit être effectuée scrupuleusement en tempérant le tirage au sort par le respect de quotas.

Les états généraux ne se limitent pas aux conférences de citoyens. Ils feront également appel à d’autres méthodes de débat public, par exemple sur un site internet ou avec des réunions publiques organisées par les espaces régionaux d’éthique. C’est pourquoi je propose de préciser que les états généraux comprennent « en particulier » des conférences de citoyens, mais pas exclusivement.

La proposition de loi fait suite à une recommandation unanime de la mission d’information sur la révision des lois de bioéthique. L’idée était de ne plus tenir les citoyens à l’écart des débats de société qui engagent notre avenir commun et qui ne se résument pas à l’avis de certaines catégories de personnes. Certains n’ont pas été satisfaits des conclusions des États généraux de la bioéthique. Or le but de ces États généraux n’était pas de satisfaire tout le monde mais de faire remonter un avis populaire. Demander l’avis du peuple est peut-être une contrainte pour le législateur, qui ne pourra pas ne pas en tenir compte, mais ne constituera pas un verrou aux réformes.

Je proposerai deux amendements, le premier pour préciser l’intitulé complet du Comité national consultatif d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, le second pour éviter toute ambiguïté sur le rôle et la composition des conférences de citoyens.

La Commission passe ensuite à l’examen des articles.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier

(art. L. 1412-1-1 [nouveau] du code de la santé publique)


Obligation d’organiser un débat public sur les questions éthiques et sociétales en matière médicale, sanitaire ou biologique

Cet article introduit un nouvel article L. 1412-1-1 du code de la santé publique, au sein du chapitre relatif à l’éthique qui définit les compétences du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé et des espaces de réflexion éthique régionaux ou interrégionaux.

Il prévoit que tout projet de réforme sur « les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé » fait l’objet d’un débat public. Cette formulation reprend les termes de l’article L. 1412-1 du même code, qui définit les sujets sur lesquels le Comité consultatif national d’éthique est appelé à donner son avis. Elle correspond également à la rédaction proposée par la mission d’information précitée sur la révision des lois de bioéthique. Ces sujets incluent notamment la notion couramment employée de « bioéthique », qui est un néologisme traduit de l’anglais. Ils comprennent ainsi les méthodes de reproduction humaine, la fin de vie et la définition médicale de la mort, l’euthanasie, les conditions de recherche médicale – notamment les recherches sur l’embryon et l’utilisation de cellules souches embryonnaires –, l’utilisation des tests génétiques, le don d’organes ou autres produits du corps humain… Ils incluent également des enjeux sociétaux ou de santé publique qui dépassent le champ de la bioéthique stricto sensu dans la mesure où les problématiques posées sont la conséquence directe ou indirecte de découvertes techniques ou scientifiques. Il convient de souligner que tout projet de réforme est visé, et non seulement les textes législatifs.

Le champ du débat public est donc défini strictement. Un tel débat ne pourrait être organisé avant toute réforme législative, sauf à ralentir considérablement le processus d’examen des lois. Un débat national fructueux nécessite, en effet, une durée minimale de six mois, voire un an. Sur les questions éthiques et sociétales, cependant, ce délai supplémentaire se justifie pleinement puisque les règles dans ce domaine engagent l’avenir de la collectivité toute entière. Ce délai constitue même un avantage puisqu’il permet de prendre du recul et d’assurer un examen serein des réformes.

Le présent article précise que le débat public prend la forme d’« états généraux ». Cette terminologie spécifique permet, d’une part, d’afficher la filiation avec les États généraux de la bioéthique organisés en 2009 et, d’autre part, d’éviter toute confusion avec le débat public stricto sensu, qui porte sur des projets susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement et est organisé par la Commission nationale du débat public.

À la différence du débat public environnemental, les états généraux seront organisés à l’initiative du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), conformément aux préconisations de la mission d’information précitée sur la révision des lois de bioéthique (12). La mission a en effet jugé que le CCNE était le mieux à même d’organiser de tels débats en raison de sa maîtrise des sujets traités et de sa capacité à traiter les problèmes éthiques (13). Il sera seul compétent pour décider d’organiser des états généraux, soit de sa propre initiative, soit par saisine d’un tiers.

Ce comité, dont la loi consacre le statut d’autorité indépendante (14), est composé de cinq représentants des principales familles philosophiques et spirituelles, dix-neuf personnalités qualifiées compétentes en matière d’éthique et quinze personnalités du secteur de la recherche. Il pourra garantir la qualité et la neutralité de la procédure de participation des citoyens, notamment en s’assurant que la formation et l’information délivrée aux citoyens n’est pas biaisée. L’organisation des états généraux par une instance indépendante du Gouvernement permettra d’éviter certaines dérives courantes des procédures de concertation, qui peuvent être utilisées comme une simple consultation, voire comme une opération de communication tendant à convaincre le public du bien-fondé de la solution proposée par l’autorité publique.

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La Commission adopte l’amendement CL 1 du rapporteur et l’article 1er modifié.

Article 2

(art. 1412-3-1 [nouveau] du code de la santé publique)


Déroulement des états généraux

Cet article définit le contenu minimal des états généraux.

Ceux-ci devront obligatoirement comprendre des réunions de conférences de citoyens, sur le modèle des « forums citoyens » des États généraux de la bioéthique.

Le choix des citoyens appelés à participer à ces conférences devra être fondé sur leur représentativité. Ils devront ainsi représenter la diversité de la société, notamment des âges, des sexes et des catégories socioprofessionnelles. Il conviendra également d’assurer que les différentes traditions philosophiques et religieuses puissent être représentées au sein du panel de citoyens. Le Comité national consultatif d’éthique sera le garant de cette représentativité.

Le présent article pose l’exigence d’une formation préalable des citoyens. Cette formation est un élément indispensable pour assurer une véritable participation. Comme les questions abordées sont en général complexes et délicates, les citoyens doivent être éclairées sur la nature des découvertes scientifiques et sur le cadre juridique en vigueur. L’objectif des états généraux est de favoriser une réflexion et un cheminement de la pensée grâce à des auditions et des débats, et non de photographier l’état de l’opinion publique et de ses avis préconçus. Cette démarche est à l’opposé de la logique des sondages, qui consacre une fausse démocratie de l’opinion de l’instant. Le rapport final des États généraux de la bioéthique soulignait ainsi la nécessité d’« éviter le diktat de l’opinion » au profit d’un « éveil des consciences » permettant une « réflexion collective suscitant l’expression d’une rationalité commune ». Le Comité national consultatif d’éthique devra veiller à ce que l’information délivrée soit neutre ou, à défaut, équilibrée pour ne pas influencer les citoyens.

Une fois que les citoyens se seront appropriés les questions et les enjeux grâce à la formation, ils devront débattre. Cette exigence permettra de faire émerger un consensus grâce à un dialogue argumenté, au lieu de simplement faire l’addition des positions individuelles.

Enfin, le présent article indique que les conférences de citoyens rédigent un avis et des recommandations qui sont rendus publics, afin d’assurer l’information de tous. Le contenu de l’avis et les modalités de publicité pourront être précisés par voie réglementaire. Votre rapporteur souhaite que, pour certains débats, les réunions puissent être diffusées par La Chaîne parlementaire afin d’être accessibles au plus grand nombre de personnes possible.

Les conférences de citoyens ne seront pas obligatoirement le seul mode de débat public utilisé pour les états généraux. Toutefois, elles constituent un outil indispensable car elles présentent l’avantage de cadrer le débat en assurant la représentativité des citoyens qui y participent.

L’ouverture d’un site internet pour s’informer et, le cas échéant, participer au débat permet une diffusion très large et rapide de l’information. L’organisation de débats régionaux, notamment par les espaces éthiques régionaux, permet de couvrir l’ensemble du territoire et de dialoguer avec les différents acteurs intéressés et les principaux courants spirituels. Toutefois, les résultats de ces deux types de débats peuvent être biaisés par l’absence de sélection des participants. Ceux-ci sont souvent en majorité des personnes directement intéressées. Leur opinion doit être écoutée avant les réformes, mais elle ne saurait représenter l’avis général de la société. Il est donc difficile de tirer des conclusions de ces débats, à la différence des conférences de citoyens qui formulent des recommandations finales. Ils peuvent être complémentaires des conférences de citoyens, mais sans s’y substituer.

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La Commission adopte l’amendement CL 2 du rapporteur et l’article 2 modifié.

Article 3

Compensation des charges éventuelles

Cet article prévoit une compensation des charges susceptibles de résulter pour l’État de l’application de la présente proposition de loi. Ces charges pourraient être couvertes par une augmentation à due concurrence des droits de consommation sur les tabacs manufacturés, visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

En réalité, l’organisation d’états généraux ne représentera pas une charge supplémentaire pour l’État. Il est vrai qu’il sera probablement nécessaire de recourir aux services d’un institut de sondages pour constituer des panels de citoyens représentatifs et de faire appel à des experts pour délivrer la formation de ces citoyens. La charge financière correspondante devrait cependant s’avérer négligeable et être couverte par les budgets actuels de communication du Gouvernement, du Comité national consultatif d’éthique et des espaces régionaux d’éthique.

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La Commission adopte l’article 3 sans modification et l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

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En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Texte adopté par la Commission

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Proposition de loi relative à l’organisation du débat public sur les problèmes éthiques et les questions de société

Proposition de loi relative à l’organisation du débat public sur les problèmes éthiques et les questions de société

 

Article 1er

Article 1er

 

Après l’article L. 1412-1 du code de la santé publique, est inséré un article L. 1412-1-1 ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

 

« Art. L. 1412-1-1. – Tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé est précédé d’un débat public sous forme d’états généraux. Ceux-ci sont organisés à l’initiative du Comité consultatif national d’éthique. »

« Art. L. 1412-1-1. – 







… éthique pour les sciences de la vie et de la santé. »

(amendement CL1)

 

Article 2

Article 2

Code de la santé publique

Après l’article L. 1412-3 du même code, est inséré un article L. 1412-3-1 ainsi rédigé :

(Alinéa sans modification)

Art. L. 1412-1-1. – Cf. supra art. 1er.

« Art. L. 1412-3-1. – Les états généraux visés à l’article L. 1412-1-1 réunissent des conférences de citoyens choisis pour leur représentativité. Après avoir reçu une formation préalable, ceux-ci débattent et rédigent un avis ainsi que des recommandations qui sont rendus publics. »

« Art. L. 1412-3-1. – Les états généraux mentionnés à l’article L. 1412-1-1 comprennent en particulier des conférences de citoyens choisis de manière à représenter la société dans sa diversité. Après …

(amendement CL2)

 

Article 3

Article 3

 

Les charges qui pourraient résulter de l’application de la présente loi pour l’État sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

(Sans modification)

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CL1 présenté par M. Jean Leonetti, rapporteur :

Article 1er

Compléter la dernière phrase de l’alinéa 2 par les mots : « pour les sciences de la vie et de la santé ».

Amendement CL2 présenté par M. Jean Leonetti, rapporteur :

Article 2

Rédiger ainsi la première phrase de l’alinéa 2 :

« Les états généraux mentionnés à l’article L. 1412-1-1 comprennent en particulier des conférences de citoyens choisis de manière à représenter la société dans sa diversité. »

ANNEXE : COMMUNICATION EN CONSEIL DES MINISTRES SUR LA MÉTHODE ET LE CONTENU DE LA RÉVISION DE LA LOI DE BIOÉTHIQUE

La ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative a présenté une communication relative à la méthode et au contenu de la révision de la loi de bioéthique.

Pour assurer l’adaptation du droit aux évolutions de la science, la France a fait le choix d’un dispositif législatif révisable, qui a permis d’encadrer ces évolutions tout en autorisant les progrès thérapeutiques.

Sur des sujets aussi délicats et aussi graves que la recherche sur l’embryon, la gestation pour autrui ou encore les conditions du don d’organe, le Gouvernement souhaite se donner les moyens d’une réflexion rigoureuse. La portée éthique de ces questions implique l’ouverture d’un débat bien préparé et documenté.

A cet effet, il a été décidé, dès le premier semestre 2008, de consulter différentes institutions.

Le Premier ministre a d’abord saisi le Conseil d’État en vue d’une étude préalable à la révision de la loi. Les conclusions sont attendues pour la fin de l’année. Il a également demandé au comité consultatif national d’éthique de remettre, de son côté, avant la fin du mois de septembre, un mémoire dans lequel devront être identifiés les problèmes philosophiques et les interrogations éthiques, de manière à délimiter le contenu et le périmètre de la réflexion.

La ministre chargée de la santé a demandé à l’agence de la biomédecine d’établir un bilan de l’application de la loi du 6 août 2004. Il est, en effet, indispensable de pouvoir faire le point sur les recherches autorisées et sur les résultats obtenus. Cet état des lieux, ainsi qu’une étude de droit comparé, devront lui être remis avant la fin du mois de septembre.

Toutefois, le débat qui s’ouvre ne doit pas rester un débat d’experts. Les mutations de la société qui pourraient résulter de la transformation des pratiques médicales, en matière de procréation, de diagnostic ou de traitement, suscitent l’intérêt croissant du public.

C’est pourquoi, le Président de la République et le Gouvernement ont décidé d’organiser des États généraux de la bioéthique, au premier semestre 2009. Ils permettront d’engager un débat public faisant appel à la participation des citoyens.

La préparation de cet événement sera confiée à un comité de coordination, présidé par une haute personnalité, qui se réunira à partir du mois d’octobre 2008 pour en définir le périmètre thème par thème.

Un ensemble de réunions, de colloques et de forums seront organisés. Les technologies de l’information permettront d’associer plus facilement les citoyens à cette réflexion. Enfin, dans un souci de pédagogie, une campagne d’information visant à énoncer clairement les questions qui devront être débattues sera mise en œuvre.

Ces questions pourront porter sur des sujets aussi graves et sensibles que la recherche sur l’embryon, le prélèvement et la greffe d’organes, de tissus et de cellules, les modalités d’expression du consentement dans le cadre des protocoles de recherche, le principe d’indisponibilité des éléments du corps humain, l’assistance médicale à la procréation qui pose elle-même la question de l’anonymat du don et de la gestation pour autrui, le développement de la médecine prédictive, l’extension du recours au diagnostic prénatal et au diagnostic préimplantatoire.

Aucun de ces sujets ne peut être traité indépendamment des autres. Les grands principes comme le consentement, l’anonymat et la gratuité requièrent d’être repensés globalement, de manière à assurer la cohérence indispensable à la réflexion bioéthique.

Un projet de loi sera déposé avant la fin de l’année 2009 pour une révision au premier trimestre 2010.

© Assemblée nationale

1 () Décret n°  83-132 du 23 février 1983 portant création d’un Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

2 () La référence aux « questions de société » a été ajoutée par la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique.

3 () Cette procédure est définie par les articles L. 121-1 et suivants du code de l’environnement.

4 () La France n’a pas encore ratifié la convention d’Oviedo, dont elle était pourtant à l’origine. Sa ratification fait partie des recommandations de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la révision des lois de bioéthique qui a achevé ses travaux en janvier dernier.

5 () Loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal bioéthique.

6 () Voir l’annexe page 25.

7 () Les membres du comité, présidé par votre rapporteur, étaient M. Sadek Beloucif, professeur des universités-praticien hospitalier, chef de service d’anesthésie-réanimation au centre hospitalier universitaire de Paris XIII ; M. Alain Claeys, député ; Mme Claudine Esper, professeure de droit médical et de droit de la santé à l’université Paris-V ; Mme Marie-Thérèse Hermange, sénatrice ; Mme Suzanne Rameix, professeure en philosophie, responsable du département d’éthique médicale de l’université Paris-XII.

8 () Ces trois forums se sont tenus respectivement le 9 juin, le 11 juin et le 16 juin.

9 () L’IFOP a constitué son panel sur la base d’une série de critères : le sexe, l’âge, la profession, le niveau d’études, la situation familiale et la localisation géographique. Il a également tenu compte des affinités politiques, de la pratique religieuse et de la présence d’enfants mineurs au foyer.

10 () Les avis se sont répartis de la manière suivante : 679 sur l’assistance médicale à la procréation, 447 sur la recherche sur l’embryon et sur les cellules souches embryonnaires, 309 sur les diagnostics prénatal et préimplantatoire, 116 sur le prélèvement et la greffe et 107 sur la médecine prédictive.

11 () Voir le rapport d’information sur la révision des lois de bioéthique, n° 2235, Assemblée nationale, XII° législature, 20 janvier 2010, pages 502 à 507. La proposition n° 91 consiste à consacrer la pratique des états généraux dans le code de la santé publique.

12 () Il s’agit de la proposition n° 90.

13 () Le CCNE traite de toutes les questions de bioéthique, à la différence de l’Agence de la biomédecine qui ne traite que de « la greffe, la reproduction, l’embryologie et la génétique humaines ». Quant à la Commission du débat public, elle dispose d’une expérience pour l’organisation de débats publics, mais principalement sur des projets de travaux ou d’aménagements, qui sont très éloignés du domaine de la bioéthique.

14 () L’article L. 1412-2 du code de la santé publique dispose que « le comité est une autorité indépendante ». L’Agence de la biomédecine, en revanche, est un établissement public administratif.