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N
° 2343

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 février 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR :

– LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels

et

– LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure,

par M.  Michel  TERROT

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros  :

Sénat : 459(2008-2009), 77, 78 et T.A. 37 (2009-2010).

310 (2008-2009), 149, 150 et T.A. 40 (2009-2010).

Assemblée nationale : 2198 et 2199.

INTRODUCTION 5

I – MAURICE : UN PARTENAIRE PRIVILÉGIÉ POUR LA FRANCE 7

A – UNE ÎLE EN TRANSITION 7

B – DES RELATIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA FRANCE 8

II – DEUX ACCORDS RÉPONDANT AUX PRÉOCCUPATIONS MAURICIENNES 11

A - UN ACCORD POUR FAVORISER L’EMPLOI À L’ÎLE MAURICE 11

B – UN ACCORD POUR INTENSIFIER LES ÉCHANGES EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE 16

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

ANNEXE – TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 23

Mesdames, Messieurs,

Après leur adoption par le Sénat le 21 décembre dernier, l’Assemblée nationale est saisie de deux accords avec la République de Maurice, le premier relatif au séjour et à la migration circulaire des professionnels et signé le 23 septembre 2008, le second relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et signé le 13 juin 2008.

Ces textes font figure de « classiques » pour la commission des affaires étrangères puisque la France multiplie actuellement les signatures d’accords dans ces deux domaines.

En outre, la conclusion de tels accords avec Maurice apparaît naturelle tant les relations entre les deux pays sont de longue date placées sous le signe de la coopération. Les projets de loi examinés aujourd’hui en apportent une nouvelle preuve : le premier permet d’accompagner la transition économique engagée par l’île fragilisée par la libéralisation du commerce mondial tandis que le second contribue à consolider l’Etat de droit et la démocratie en développant la coopération policière pour lutter de façon adaptée contre les nouvelles formes de criminalité.

I – MAURICE : UN PARTENAIRE PRIVILÉGIÉ POUR LA FRANCE

Paradis touristique, modèle de développement et démocratie stable, Maurice jouit de nombreux atouts mais doit aujourd’hui adapter son économie à la nouvelle donne commerciale mondiale. La France qui entretient avec l’île des relations privilégiées pour des raisons historiques, géographiques et linguistiques accompagne par ses actions de coopération la transition mauricienne.

A – Une île en transition

Maurice constitue un modèle de développement exemplaire, souvent qualifié de « miracle mauricien ». Lors de son indépendance en 1968, l’île était pauvre, avec un revenu moyen par habitant avoisinant 260 dollars. Aujourd’hui, elle se classe parmi les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. Avec un revenu moyen par habitant de 6 400 dollars en 2008, elle obtient le meilleur résultat du continent africain derrière les Seychelles.

Sa remarquable réussite économique a longtemps reposé sur l’utilisation particulièrement avantageuse d’accords préférentiels pour ses exportations de sucre et de textile. Les secteurs traditionnels ont depuis souffert de la libéralisation des échanges mondiaux. L’industrie sucrière est en phase de restructuration (avec la baisse de 36% à partir de 2009 des prix garantis par l’Union européenne). Le secteur textile, après le choc de l’expiration des accords multifibres le 1er janvier 2005, semble avoir réussi une reconversion. Le secteur des services financiers connaît un développement limité, grâce principalement à un accord de non double-imposition avec l’Inde. Le tourisme, en forte augmentation depuis 2005 sous l’effet d’une politique volontaire d’ouverture du transport aérien, est aujourd’hui le principal moteur de la croissance (le nombre de touristes a augmenté de 15% en 2007). Mais cette croissance sera bientôt limitée par la capacité d’accueil des infrastructures hôtelières.

L’ensemble des secteurs économiques mauriciens ont été affectés par le contexte économique mondial. Le taux de croissance pour l’année 2008 s’établit à 5,3 %.

Face au « triple choc commercial » lié à l’érosion des accords préférentiels relatifs au sucre et aux textiles ainsi qu’au renchérissement du pétrole, le Gouvernement mauricien a engagé un ambitieux programme pluriannuel de réformes structurelles visant à rétablir l’équilibre macroéconomique et à diversifier l’économie en développant de nouveaux secteurs à fort potentiel de croissance

Maurice est ainsi à la recherche de nouveaux piliers de l’économie pour endiguer la montée du chômage : les nouvelles technologies de l’information et de la communication (notamment les centres d’appel et l’outsourcing), le traitement des produits de la mer (« Seafood Hub »), la construction de résidences secondaires de luxes autorisées à la vente aux étrangers (« Integrated resort scheme » –IRS–), l’exploitation à terre des ressources océaniques (« Land based oceanic industry »), le tourisme médical, la production pharmaceutique pour l’exportation, etc.

L’orientation de l’économie vers des activités nécessitant une main-d’œuvre plus instruite et qualifiée justifie l’accord relatif à la migration circulaire aujourd’hui soumis à l’Assemblée nationale. Ce dernier s’inscrit dans la continuité du document cadre de partenariat France-Maurice, signé le 2 avril 2007, qui vise à accompagner cette transition économique et qui illustre l’excellence des relations entre les deux pays.

B – Des relations privilégiées avec la France

Héritées de l’histoire, renforcées par la géographie avec la proximité de La Réunion et nourries par la francophonie (1), les relations bilatérales entre la France et Maurice se caractérisent par une « confiance exceptionnelle » selon les informations recueillies par votre Rapporteur.

La France est l’un des premiers partenaires économiques de Maurice : deuxième client, troisième fournisseur (11%) derrière la Chine (12%) et l’Inde (21%), elle est de très loin le premier pays de provenance des touristes (42% en 2005, avec 220 000 visiteurs de métropole et 100 000 de La Réunion). C’est également le premier pays de destination des étudiants. Enfin, la France est le premier investisseur étranger à Maurice (52% du stock, soit 426 millions d’euros) devant l’Afrique du Sud, le Royaume-Uni, l’Inde et Singapour. La zone franche compte environ 100 entreprises à intérêts français.

Les relations politiques bilatérales sont particulièrement denses (visites à Paris du ministre des relations extérieures en octobre 2007 et du vice-premier ministre et ministre des finances en novembre 2007, décembre 2008 et mars 2009 ; visite d’Etat du Premier ministre en juin 2008).

En 2006, alors que Maurice était à la recherche de ressources pour mener à bien sa transition économique, la France a annoncé son soutien auprès des autres bailleurs ainsi que la reprise des activités de l’AFD en 2007 dont les engagements significatifs ont, depuis, fait de la France le premier bailleur bilatéral du pays. Le document cadre de partenariat, signé à l’occasion de la visite de Mme Girardin en 2007, est ensuite venu traduire l’adaptation de notre coopération à la transition mauricienne.

En retour de la mobilisation française pour la réussite du programme de transition mauricien, Maurice se présente aujourd’hui comme un véritable partenaire dans la zone de l’Océan indien et sur les questions internationales (soutien à la diffusion francophone, au sein de la commission de l’océan indien, au projet d’organisation des Nations Unies pour l’environnement, à UNITAID, etc…).

Par ailleurs, répondant à une demande ancienne des autorités mauriciennes, la France a accepté de faciliter les conditions de circulation des personnes entre Maurice et La Réunion. Un accord d’exemption de visas pour les séjours de moins de quinze jours à La Réunion et de réadmission a été signé à Port-Louis en avril 2007.

Dès son élection en 2006, le nouveau gouvernement mauricien a recherché le soutien de la France en évitant les sujets de désaccord. La question de la cogestion technique de l’îlot de Tromelin, situé à 535 kilomètres au nord de La Réunion, sur lequel Maurice conteste la souveraineté française (2), a donné lieu à une réunion d’experts à Paris en janvier 2006, qui a permis la réouverture du dialogue par la création d’une commission mixte ad hoc. Après deux rencontres d’experts de haut niveau (en décembre 2008 et octobre 2009), les délégations ont arrêté et paraphé un projet d’accord cadre qui devrait être soumis pour approbation, en 2010, à chaque gouvernement. Cet accord relatif à l’île Tromelin et à sa zone économique exclusive, qui ne préjuge pas des positions respectives des parties sur la souveraineté, vise à établir un partenariat actif et exemplaire dans des domaines très divers. Les premières actions concrètes de coopération (environnement, pêche, archéologie) sont en train de voir le jour.

Les interlocuteurs de votre Rapporteur au ministère des affaires étrangères et européennes considèrent que « dans un contexte de plus en plus concurrentiel, face aux puissances régionales notamment l’Inde et la Chine, les positions françaises à Maurice doivent continuer de s’appuyer sur nos projets de coopération, cependant confrontés à des contraintes financières fortes et, surtout, l’engagement croissant de l’AFD au service du développement économique du pays. Encore largement inexploitées, les potentialités de coopération et de partenariat existantes à La Réunion doivent également être valorisées, dans les secteurs d’intérêt partagé, tels que le tourisme et les énergies renouvelables ». Un accord-cadre intergouvernemental de promotion de ces potentialités est actuellement en cours de négociation depuis fin 2007.

Les accords, adoptés par le Sénat en matière de migration circulaire et de sécurité intérieure témoignent une nouvelle fois de la vitalité des relations entre la France et Maurice.

II – DEUX ACCORDS RÉPONDANT AUX PRÉOCCUPATIONS MAURICIENNES

L’accord relatif à la migration circulaire ainsi que l’accord de coopération en matière de sécurité intérieure illustrent à la fois les réussites de la coopération franco-mauricienne mais aussi les difficultés auxquelles Maurice est confronté en raison notamment de l’évolution de l’environnement économique mondial.

A - Un accord pour favoriser l’emploi à l’île Maurice

Quatorze accords relatifs aux migrations ont été signés à ce jour par la France (3). Si l’accord du 23 septembre 2008 relatif au séjour et à la migration circulaire s’inscrit pleinement dans la politique migratoire française, il constitue aussi la première déclinaison du projet novateur du Gouvernement mauricien de requalification des travailleurs de l’île.

En effet, face au déclin des secteurs traditionnels du textile et de l’industrie sucrière, le Gouvernement mauricien a entrepris une restructuration de son économie. Afin de faciliter la réinsertion des travailleurs dans des secteurs plus porteurs, il a développé une politique visant à favoriser la migration de travail circulaire. L’accord signé avec la France en est la première illustration.

Le projet repose sur l’idée suivante : les travailleurs mauriciens sont autorisés à venir travailler en France sur la base de contrats à durée limitée. A l’issue du contrat, ils reviennent à Maurice dotés à la fois d’une nouvelle qualification professionnelle et d’un capital épargné durant la période de contrat susceptible de constituer un apport personnel en vue de la création d’une entreprise. Dans ce cas, le gouvernement mauricien s’engage à leur apporter une aide financière.

Ce projet pilote, soutenu par la Commission européenne, s’inscrit également dans « l’approche globale des migrations » consacrée lors de la deuxième conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement qui s’est tenue à Paris le 25 novembre 2008. Le programme de coopération triennal qu’elle a arrêté repose sur trois principes : l’organisation de la migration légale, la lutte contre la migration irrégulière et les synergies entre migration et développement qui trouvent une traduction dans l’accord franco-mauricien.

Contrairement aux accords de gestion concertée des flux migratoires, cet accord ne comporte que deux volets, le premier relatif à la circulation des personnes, l’admission au séjour et l’immigration professionnelle et l’autre au développement solidaire. Il n’inclut pas de volet relatif à la réadmission, un accord sur ce point ayant déjà été signé à Port Louis le 2 avril 2007 (4).

L’immigration mauricienne en France

Visas en 2009 

5552 visas ordinaires dont 4206 visas Schengen (court séjour), 692 visas de long séjour (319 pour établissement familial, 58 pour motif professionnel, 315 pour études) et 654 visas pour les DOM/CTOM ;

Visas en 2008 

15254 visas ordinaires dont 13628 visas Schengen (court séjour), 908 visas de long séjour (298 pour établissement familial, 232 en tant que conjoints de français, 47 pour motif professionnel et 331 pour études) et 718 visas pour les DOM/CTOM ;

Ressortissants mauriciens résidant en France au 31 décembre 2008 : 14 626

L’accord, relatif au séjour et à la migration circulaire des professionnels signé le 23 septembre 2008 et déjà ratifié par les autorités mauriciennes, compte six articles et deux annexes.

Dans son préambule, il fait référence à l’accord de Cotonou (5) ainsi qu’à des négociations d’exemption de visa de court séjour dans l’espace Schengen. Les accords entre la Communauté européenne et la République des Seychelles, la République de Maurice, le Commonwealth des Bahamas, la Barbade, Antigua et Barbuda et Saint Christophe et Nieves, relatifs à l’exemption de visa pour les séjours de courte durée ont depuis été signés le 28 mai 2009 à Bruxelles. Conformément à l’article 4 de la décision du Conseil, les accords sont appliqués à titre provisoire à partir de la date de leur signature, en attendant l’achèvement des procédures nécessaires à leur conclusion formelle.

L’article 1er de l’accord vise à faciliter la circulation en France des ressortissants mauriciens grâce à la délivrance de visas de circulation – permettant des séjours ne pouvant excéder trois mois et valable de un à cinq ans – aux personnes appartenant aux catégories suivantes : « hommes d’affaires, commerçants, avocats, intellectuels, universitaires, scientifiques, artistes ou sportifs de haut niveau qui participent activement aux relations économiques, commerciales, professionnelles, universitaires, scientifiques, culturelles et sportives entre les deux pays ».

L’article 2, relatif à l’admission au séjour, prévoit la délivrance de cinq types de titre de séjour et détermine des quotas pour chacun d’entre eux :

– pour les étudiants, l’autorisation provisoire de séjour et le visa de long séjour portant la mention « stagiaire » :

L’autorisation provisoire de séjour (APS), valable six mois, permet aux étudiants mauriciens qui justifient avoir obtenu en France dans un établissement d’enseignement supérieur habilité ou dans un établissement d’enseignement supérieur mauricien lié à un établissement supérieur français par une convention de délivrance de diplôme en partenariat international, un diplôme équivalent au master ou, allant au-delà du droit commun, à une licence professionnelle, de compléter leur formation par une première expérience professionnelle, dans la perspective d’un retour à Maurice (article 2.1.2).

Les ressortissants mauriciens qui en sont munis peuvent continuer à exercer une activité salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle, dans les mêmes conditions que lorsqu’ils étaient titulaires d’une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant ».

L’APS délivrée doit permettre de rechercher et d’occuper un emploi. Si, pendant la période de validité de son APS, l’intéressé est pourvu d’un emploi en relation avec sa formation et assorti d’une rémunération mensuelle au moins égale à une fois et demie le SMIC, il pourra solliciter un changement de statut. Il se verra alors délivrer, sans que soit prise en considération la situation de l’emploi, soit une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » si la durée de son contrat de travail est égale ou supérieure à douze mois, soit une carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire » si elle est inférieure à douze mois. Dans le cas contraire, l’accord déroge au droit commun et permet de renouveler une fois l’APS.

Le visa de long séjour portant la mention « stagiaire » et valant titre de séjour (article 2.1.3) est destiné aux étudiants mauriciens venant en France pour effectuer un stage pratique en entreprise dans le cadre de leur cursus universitaire poursuivi à Maurice ainsi qu’aux salariés mauriciens employés par une filiale d’une entreprise française établie à Maurice ou par une entreprise mauricienne liée par un partenariat à une entreprise française venant en France accomplir un stage de formation dans une entreprise du même groupe ou dans l’entreprise partenaire.

Une convention de stage doit être signée entre l’étudiant, l’établissement d’enseignement supérieur et l’entreprise d’accueil ou bien entre le salarié, l’organisme de formation dispensant la partie théorique et les employeurs en France et à Maurice.

Sa durée de validité est de douze mois maximum. Son titulaire est dispensé de titre de séjour pendant toute cette période.

– En matière d’immigration professionnelle, les ressortissants mauriciens peuvent se voir délivrer un visa de long séjour temporaire portant la mention « migration et développement » ou une carte de séjour portant la mention « compétences et talents ».

Le visa de long séjour temporaire portant la mention « migration et développement » (article 2.2.1) est délivré au ressortissant mauricien résidant à Maurice et titulaire d’un contrat de travail visé par la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, sans opposition de la situation de l’emploi, dans l’un des 61 métiers énumérés à l’annexe II de l’accord.

Ces 61 métiers peuvent être exercés sur l’ensemble du territoire métropolitain et non pas seulement dans certaines régions comme le prévoit l’arrêté du 18 janvier 2008 (6).

La durée de validité de ce visa est équivalente à celle du contrat de travail, dans la limite de quinze mois. Elle peut être prolongée d’autant.

Est susceptible de bénéficier de la carte de séjour portant la mention « compétences et talents » (article 2.2.3) le ressortissant mauricien qui, du fait de ses qualifications et aptitudes, peut présenter un projet de nature à participer, de façon significative et durable, au développement économique de la France et de Maurice. Elle donne le droit à son titulaire d’exercer toute activité professionnelle en lien avec son projet. Elle est valable trois ans et, par dérogation au droit commun puisque Maurice n’appartient pas à la zone de solidarité prioritaire, est renouvelable une seule fois.

Le nombre de cartes « compétences et talents » est fixé à 150 à la demande des autorités mauriciennes afin de limiter l’exode des élites mauriciennes.

– L’accord franco-mauricien a également pour objet de favoriser la mobilité des jeunes Mauriciens en France et des jeunes Français à Maurice.

Ces échanges permettent à des jeunes diplômés de 18 à 35 ans, entrant ou déjà entrés dans la vie professionnelle, d’améliorer leurs perspectives de carrière en perfectionnant leurs connaissances linguistiques et professionnelles, en acquérant une expérience de travail salarié dans un autre pays, approfondissant leurs connaissances de la société et de la culture de l’autre pays.

Pour bénéficier du dispositif, les candidats doivent être titulaires d’un diplôme ou justifier d’une expérience professionnelle correspondant à l’emploi offert.

Les jeunes professionnels bénéficient d’un contrat de travail à durée déterminée dont la durée peut varier de 3 à 18 mois, qui leur garantit les mêmes conditions de travail et de rémunération que les nationaux du pays d’accueil dans la même situation ainsi qu’une protection sociale. Une indemnité leur est versée en fin de contrat par l’employeur.

La situation du marché du travail ne leur est pas opposée. Les contrats de travail peuvent concerner tous les secteurs d’activité avec une réserve pour les professions réglementées. Les bénéficiaires doivent s’engager à retourner dans leur pays d’origine à l’expiration de la période autorisée d’emploi.

En France, ils bénéficient de la procédure de délivrance d’un visa de long séjour temporaire valant titre de séjour pendant la durée de validité de ce visa. Si la durée de leur contrat de travail est prorogée au-delà d’un an, les jeunes professionnels reçoivent un titre de séjour portant la mention « travailleur temporaire ».

Le nombre de visas de long séjour portant la mention « migration et développement » d’une part et pour les jeunes professionnels d’autre part est limité respectivement à 500 et 200. Ces chiffres correspondent à la demande mauricienne conformément au projet pilote de migration circulaire permettant la reconversion des travailleurs issus des secteurs en difficulté à Maurice notamment dans l’hôtellerie et la restauration.

L’article 3 prévoit, au bénéfice des ressortissants mauriciens désireux de créer « une activité génératrice de revenus », une aide à la réinsertion professionnelle et sociale. Ce dispositif, qui répond à l’objectif de développement solidaire, relève de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). L’Office signe des conventions avec les opérateurs chargés d’accompagner les ressortissants à leur retour à Maurice.

Des projets de formation professionnelle peuvent également être mis en oeuvre à Maurice selon un programme pluriannuel convenu entre les deux pays. Le ministère de l’immigration et de l’identité nationale y consacrera un million d’euros sur trois ans.

L’article 4 prévoit la création d’un comité de suivi de l’accord. L’article 6 indique que l’accord est conclu pour une durée indéterminée. Il précise les modalités habituelles d’entrée en vigueur et de dénonciation de l’accord.

Si l’accord du 23 septembre 2008 contribue à l’adaptation de la population mauricienne aux évolutions du marché du travail local, l’accord du 13 juin 2008 vise à améliorer la formation de la police mauricienne aux nouvelles formes de criminalité.

B – Un accord pour intensifier les échanges en matière de sécurité intérieure

Alors que la coopération en matière de sécurité connaît déjà de nombreuses applications, notamment en matière de formation de la police mauricienne, le Premier ministre mauricien avait manifesté le souhait de conclure un accord de coopération policière lors d’un entretien avec le directeur général de la police nationale le 6 décembre 2007.

L’accord du 13 juin 2008 vise donc à intensifier les échanges policiers et à les encadrer juridiquement. Il prolonge le document cadre de partenariat entre la France et Maurice précité qui fait figure de guide de l’action à l’égard de Maurice de la coopération française pour les années 2007-2011. L’accord contribue au programme « Etat de droit et bonne gouvernance » prévu par ce document.

Selon ce dernier, « la volonté mauricienne de consolider l’Etat de droit et la démocratie s’exprime également à travers une demande de coopération dans les domaines militaire, policier, administratif et judiciaire. […]. La coopération militaire, marquée par le proche voisinage de La Réunion, s’organise autour de deux axes majeurs : d’une part, un appui aux forces de gendarmerie en matière de prévention et de lutte contre les trafics illicites ; d’autre part, un soutien aux garde-côtes en matière de surveillance maritime et de sauvetage en mer. La coopération policière se déploie autour de deux objectifs complémentaires : renforcement des moyens scientifiques et renforcement des capacités professionnelles. Dans ce cadre, cinq types d’actions de formation ont été définies en concertation avec les autorités mauriciennes dans les secteurs de la police judiciaire, scientifique, du maintien de l’ordre, de l’analyse et du renseignement criminel, de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. En outre, une formation annuelle spécifique, réservée à un officier supérieur de police, est également prévue. »

L’île Maurice doit faire face à des menaces intérieures comme extérieures pesant sur sa sécurité et par conséquent sur sa réputation de paradis touristique :

– sur le plan intérieur, il s’agit de consommation de drogue et des délits d’appropriation s’y rapportant, d’infractions à caractère économique et financier, de blanchiments de fonds ;

– sur le plan international, on peut citer le trafic illicite des stupéfiants; les pêches illégales et autres activités illégales dans la ZEE, le terrorisme, ou encore la piraterie maritime (initialement dans la région somalienne, mais qui s’étend aujourd’hui jusqu’aux Seychelles).

La police mauricienne doit s’adapter à cette évolution des formes de criminalité. L’accord du 13 juin 2008 a vocation à y contribuer.

La police mauricienne

Selon l’article 71 de la Constitution de la république de Maurice, les forces de police sont placées sous l’autorité d’un commissaire de police (Police Commissionner).

Selon ce même article, le Premier ministre et ministre de l’Intérieur, responsable de la sécurité intérieure et de la défense nationale, peut donner au commissaire de Police des directives en matière politique et en matière d’ordre public pour le maintien de la paix et de la sécurité publiques. En pratique, pour des raisons administratives, les dossiers concernant la police sont traités au niveau du Bureau du Premier ministre par le biais du secrétaire des affaires Intérieures.

La police mauricienne compte 10 700 personnels. Maurice ne dispose pas de forces armées, c’est la police qui assure les missions de défense du territoire. C’est la raison pour laquelle elle comprend des unités relevant habituellement du domaine militaire.

Le territoire est partagé en 8 divisions, qui comprennent également l’Ile de Rodrigues (à plus de 500 km de Maurice, dans l’archipel des Mascareignes). Chaque division se trouve sous la responsabilité d’un « assistant commissaire de police » ou « surintendant de police ». Un poste de police est également installé à Agalega, une île de l’archipel des Mascareignes située à 1000 km de Maurice.

Maurice s’est doté d’une unité de Garde côte nationale (NCG), qui comprend notamment une unité de l’air de 5 avions. Elle veille sur les eaux territoriales ainsi que sur la Zone Economique Exclusive d’une superficie de 1,9 millions de Km2. La NCG est également présente sur les Iles d’Agalega (1000 km au Nord de Maurice) et de St Brandon (430 Km au nord-est de l’Ile Maurice).

Les forces de police comptent également un escadron de 5 hélicoptères et une police paramilitaire (SMF) agissant comme ultime recours pour le maintien d’ordre et la paix.

Cet accord s’inscrit dans la très longue liste des accords de coopération en matière de sécurité intérieure auxquels la France est partie. Ce sont ainsi 46 accords qui sont en cours de négociation, signés ou ratifiés (7). 21 d’entre eux sont aujourd’hui en vigueur. En conférant une base juridique solide aux actions bilatérales de coopération opérationnelle et technique, ces accords permettent de les développer, en particulier avec des pays desquels la France peut attendre un retour au profit de sa propre sécurité. C’est le cas de Maurice en raison de sa position dans l’océan indien et de sa proximité avec La Réunion.

Les douze articles qui le composent n’appellent que des commentaires rapides puisqu’ils ne s’éloignent pas de l’accord-type.

Le préambule souligne le souci partagé d’une coopération efficace en matière de trafic illicite de stupéfiants.

L’article 1er dresse la liste des domaines de coopération au nombre de 14. Les articles 3, 4 et 5 précisent les formes de la coopération dans les domaines suivants : criminalité internationale, stupéfiants et terrorisme. L’article 6 définit l’objet de la coopération technique.

Les articles 2, 9 et 10 traitent des conditions de communication et de protection des données nominatives que les parties peuvent échanger en vertu de l’accord. Outre une obligation de confidentialité, ces articles imposent le respect de la législation nationale. Une partie peut refuser de communiquer l’information demandée en cas d’atteinte aux droits fondamentaux de la personne. Une demande de coopération peut également être rejetée lorsque son acceptation risque de porter atteinte à la souveraineté, la sécurité, l’ordre public, etc..

Les articles 11 et 12 portent respectivement sur le règlement des différends et sur les modalités d’entrée en vigueur et de dénonciation de l’accord qui est conclu pour une durée de trois ans renouvelable.

CONCLUSION

L’accord du 23 septembre 2008 relatif au séjour et à la migration circulaire des professionnels et celui du 13 juin 2008 relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure viennent compléter la longue liste des accords que la France a pris l’habitude de négocier dans ces deux domaines. Ils soulignent par ailleurs la vitalité de la coopération entre la France et Maurice. C’est pourquoi votre Rapporteur est favorable à l’adoption des deux projets de loi autorisant l’approbation de ces accords.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine les deux présents projets de loi au cours de sa réunion du mercredi 24 février 2010.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

Mme Marie-Louise Fort. Compte tenu du salaire moyen à Maurice, entre 300 et 400 euros mensuels, estimez-vous que les incitations au retour proposées dans l’accord sont suffisantes ?

M. Michel Terrot, rapporteur. Suffisantes, certainement pas ! Mais l’objectif de l’accord est d’offrir des conditions idéales pour le retour des migrants. La France prévoit un budget d’un million d’euros pour faciliter la réinstallation. Le gouvernement mauricien s’engage également à offrir des primes pour la réimplantation, selon des modalités qu’il lui appartiendra bien entendu de définir.

M. Jean-Paul Lecoq. Le projet d’accord concernant la migration circulaire s’intègre parfaitement dans la politique d’immigration dite choisie menée par le gouvernement actuel. On parle de « favoriser » l’immigration dans l’accord, alors que ce texte cherche en fait à contrôler les flux de migrants et accélérer les retours.

Je constate, par ailleurs, que l’accord prévoit de multiples stipulations concernant les migrations depuis Maurice vers la France, et rien pour les mouvements de population de sens inverse. Pourtant, dans le domaine de la recherche par exemple, certaines migrations depuis la France vers Maurice pourrait favoriser le développement de l’île.

M. Michel Terrot, rapporteur. Cet accord n’est pas l’accord standard de gestion des flux migratoires comportant une clause de réadmission pour lutter contre l’immigration illégale. Votre inquiétude ne concerne pas cet accord, mais un autre accord sur la réadmission déjà signé avec Maurice, et ratifié. Les quotas définis par l’accord ont été fixés par le gouvernement mauricien, qui veut limiter la fuite des cerveaux.

M. le président Axel Poniatowski. J’étais à Maurice il y a environ deux ans et j’ai été impressionné par le bon niveau de vie de la population, et les déclarations du premier ministre mauricien sur son attachement à la France. Celui-ci a répété ces déclarations lors de son séjour en France l’an dernier. Il existe une véritable volonté de « désangliciser » l’île Maurice, très positive pour notre pays.

M. Jean-Paul Lecoq. Suite aux explications du rapporteur, je ne voterai pas contre le texte relatif au séjour et à la migration circulaire, mais m’abstiendrai et je voterai en faveur du projet de coopération.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification les projets de loi (no 2198 et 2199).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTES DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (8)

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif au séjour et à la migration circulaire de professionnels (ensemble deux annexes), signé à Paris le 23 septembre 2008.

*

* *

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, signé à Paris le 13 juin 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte des accords figure respectivement en annexe aux projets de loi (n° 2198 et 2199).

© Assemblée nationale

1 () Maurice fut une colonie française de 1715 à 1814 ; La Réunion est distante de 200 kilomètres ; la francophonie à Maurice, qu’incarne l’écrivain, prix Nobel de littérature en 2008, Jean-Marie Gustave Le Clézio, s’appuie sur le réseau d’enseignement français qui accueille 4 568 élèves dans cinq établissements.

2 () Depuis 1976, Maurice revendique la souveraineté sur l’île de Tromelin mais aussi sur l’archipel des Chagos – britannique – au sein duquel seule l’île de Diego Garcia est occupée par une base militaire américaine.

3 () Huit d’entre eux comprennent les trois volets de l’approche globale (migration légale, immigration irrégulière et développement solidaire) et sont nommés « accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire » : accords avec le Sénégal signé le 23 septembre 2006 et modifié par un avenant signé le 25 février 2008, le Gabon signé le 5 juillet 2007, la République du Congo signé le 25 octobre 2007, le Bénin signé le 28 novembre 2007, la Tunisie signé le 28 avril 2008, le Cap Vert signé le 24 novembre 2008, le Burkina Faso signé le 10 janvier 2009 et le Cameroun signé le 21 mai 2009.

Quatre accords ne contiennent que deux volets, ceux relatifs à la migration légale et au développement solidaire dans la mesure où les questions de réadmission sont traitées dans le cadre d’un accord européen : accords signés avec Maurice le 23 septembre 2008 (relatif à la migration circulaire de professionnels), la Macédoine et le Monténégro le 1er décembre 2009 et la Serbie le 2 décembre 2009 (relatifs à la mobilité des jeunes) ;

Un accord traite uniquement de migrations professionnelles, celui conclu avec la Russie le 27 novembre 2009. Un arrangement administratif signé avec le Brésil concerne la création d’un mécanisme bilatéral de concertation sur les questions migratoires.

4 () Accord relatif à la réadmission et au transit des personnes en situation irrégulière.

5 () Accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, signé à Cotonou, le 23 juin 2000. L’article 13 dispose que « la question des migrations fait l’objet d’un dialogue approfondi dans le cadre du partenariat ACP-UE ».

6 () Arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l’emploi, des autorisations de travail aux ressortissants des Etats de l’Union européenne soumis à des dispositions transitoires.

7 () auxquels s’ajoutent les accords de coopération transfrontalière en matière policière et douanière signés avec l’Allemagne, la Belgique, la Suisse, l’Espagne, l’Italie, le Luxembourg, le Royaume-Uni et le Surinam.

8 () pour les projets de loi n° 2198 et n° 2199.