Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

N° 2371

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 février 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE (N° 2223) DE M. JEAN-MARC AYRAULT, MME SANDRINE MAZETIER ET M. MANUEL VALLS ET LES MEMBRES DU GROUPE SOCIALISTE, RADICAL ET CITOYEN ET DIVERS GAUCHE ET APPARENTÉS visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France,

PAR Mme Sandrine MAZETIER,

Députée.

——

INTRODUCTION 5

A. UN DROIT ACCORDÉ PAR UN NOMBRE CROISSANT D’ÉTATS 6

1. La diffusion de ce droit à l’étranger 6

2. La convention du Conseil de l’Europe sur la participation des étrangers à la vie politique 8

B. UN DROIT ADAPTÉ À UNE DÉMOCRATIE MODERNE 10

1. Une histoire ancienne : la citoyenneté comme facteur d’inclusion sociale des étrangers 10

a) Avant les nationaux, la République reconnaît d’abord des citoyens 10

b) La reconnaissance progressive de droits 12

2. Un enjeu pour la vitalité démocratique 14

a) L’enjeu de la représentation 14

b) L’enjeu de la participation 16

3. La possibilité d’une citoyenneté plurielle 21

a) La dissociation entre droit de vote et éligibilité 21

b) La dissociation entre nationalité et droit de vote 21

c) La dissociation entre droit de vote et résidence 22

4. La naturalisation : une alternative insuffisante 22

5. Une opinion publique tendanciellement favorable à l’ouverture de ce droit 24

C. L’ATTRIBUTION DU DROIT DE VOTE ET D’ÉLIGIBILITÉ AUX ETRANGERS COMMUNAUTAIRES : UN PRÉCÉDENT JURIDIQUE COMPLEXE 25

1. Une modification de la Constitution pour les élections municipales mais non pour les élections européennes 25

2. Les alternatives possibles 28

3. Invoquer la souveraineté nationale : une fiction juridique ? 30

D. UNE PROPOSITION DE LOI NÉCESSAIRE 31

DISCUSSION GÉNÉRALE 33

EXAMEN DES ARTICLES 43

Article 1er (article 72-5 [nouveau] de la Constitution): Droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales des étrangers non ressortissants de l’Union européenne 43

Article 2 (article 88-3 de la Constitution): Coordination 44

TABLEAU COMPARATIF 47

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 49

PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE 51

ANNEXES 53

RÉPONSE COMMUNIQUÉE PAR L’ASSOCIATION DES MAIRES RURAUX DE FRANCE 53

SONDAGE DE L'INSTITUT CSA 55

MESDAMES, MESSIEURS,

C’est à la fois une mesure progressiste, de reconnaissance politique et sociale, de lutte contre les discriminations, d’intégration et de revitalisation démocratique, que soumettent au vote de l’Assemblée Nationale les rédacteurs de la présente proposition de loi. Celle-ci a pour objet d’accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers résidant en France.

Ce droit politique reconnu aux étrangers installés en France est porté depuis longtemps par les socialistes. Aux engagements politiques ont succédé des actes forts qui n’ont jamais pu aboutir, malgré l’adoption en première lecture par l’Assemblée Nationale d’une proposition de loi en mai 2000 (1), ou encore les propositions d’avancées formulées par les socialistes par voie d’amendements lors des débats sur la réforme constitutionnelle au printemps et à l’été 2008  (2).

Aujourd’hui, les esprits semblent avoir progressé dans la majorité. En 2005, alors ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, avait jugé favorablement cette proposition qu’il présentait comme « un facteur d’intégration ». Depuis, à plusieurs reprises, le Président de la République a confirmé cette position.

L’actuel ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a également exprimé son adhésion, le 26 octobre 2006, voyant dans ce changement « des mesures simples » et « justes ».

Le ministre de l’immigration a publié, au début du mois de janvier 2010, un ouvrage dans lequel il écrit que « vouloir priver des étrangers qui travaillent, vivent, font vivre, et payent leurs impôts, de toute forme de citoyenneté et de toute participation à notre vie démocratique, n’a d’autre sens qu’une ségrégation ».

L’argument selon lequel « l’opinion ne serait pas mûre » ne tient pas face à la récurrence de sondages qui, depuis 1999, font apparaître régulièrement que les Français sont majoritairement favorables à cette évolution. Le dernier en date, réalisé par l'institut CSA, en janvier 2010, montre que 55 % de nos concitoyens y sont favorables. Le succès des « votations citoyennes » organisées par les associations en est une preuve supplémentaire.

Une majorité est donc maintenant possible au Parlement. Les Français sont désormais acquis à l’ouverture de ces nouveaux droits. C’est ce qui explique que le groupe SRC ait choisi de présenter des dispositions limitées et en retrait par rapport à sa proposition de loi de 2002 (3). Toutes les conditions sont réunies pour qu’ensemble, droite et gauche fassent ce pas décisif pour la citoyenneté, la démocratie et l’intégration des étrangers sur notre territoire.

Il serait temps. La France, avant garde de la République en 1789, fait désormais figure de « lanterne rouge » de l’Europe.

A. UN DROIT ACCORDÉ PAR UN NOMBRE CROISSANT D’ÉTATS

1. La diffusion de ce droit à l’étranger

Plusieurs pays européens accordent aux étrangers le droit de vote aux élections locales (4).

L’Irlande constitue de ce point de vue l’exemple le plus ancien, puisqu’elle a accordé ce droit dès 1963 à l’ensemble des étrangers résidant sur son territoire, et que, depuis 1992, elle ne subordonne l’obtention de ce droit à aucune condition de résidence minimale.

Dans les années 1979-1980, seuls quelques États du Nord de l’Europe ont également accordé le droit de vote aux élections locales à tous les étrangers résidant sur le territoire national depuis quelques années : la Suède, en 1975, le Danemark, en 1981, la Norvège en 1982, les Pays-Bas, en 1985.

Depuis lors, de nouveaux pays ont suivi ces exemples : l’Estonie en 1993, le Luxembourg, en 2003, la Belgique, en 2004. Dans ce dernier cas, à la condition de résidence est ajoutée l’exigence d’un engagement écrit de respecter la Constitution, les lois et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

Par ailleurs, certains autres États, sans accorder le droit de vote à l’ensemble des étrangers, accordent ce droit, soit aux ressortissants des États ayant un lien historique avec le pays (États du Commonwealth pour le Royaume-Uni, pays lusophones pour le Portugal), soit sous réserve de réciprocité (Portugal, Espagne).

La limitation du droit de vote aux ressortissants de certains États était également appliquée en Finlande et en Islande (droit accordé aux seuls ressortissants des États membres du Conseil nordique), avant que le droit de vote ne soit étendu à tous les ressortissants étrangers, respectivement en 1996 et en 2002.

Le plus souvent, l’octroi du droit de vote s’accompagne de l’octroi du droit d’éligibilité. Néanmoins, dans certains cas (Belgique, Estonie, Luxembourg, Norvège), seul le droit de vote est accordé. Afin de prendre en compte le cas particulier du Luxembourg, dont la population étrangère communautaire en âge de voter représente plus de 20% de la population totale, les directives communautaires ont même prévu que puisse être exigée une condition de résidence minimale (ne pouvant dépasser la durée d’un mandat de l’assemblée municipale pour le droit de vote et la durée de deux mandats pour le droit d’éligibilité) pour les ressortissants d’États membres de l’Union européenne (5).

ÉTATS EUROPÉENS ACCORDANT LE DROIT DE VOTE AUX ÉTRANGERS

Pays

Etrangers non communautaires concernés

Elections locales concernées

Condition de résidence

Droit d’éligibilité

Belgique

Tous

Elections municipales

5 ans

Non

Danemark

Tous

Elections municipales et des conseils de comté

3 ans

Oui

Espagne

Ressortissants des Etats accordant le droit de vote aux Espagnols

Elections municipales

 

Oui

Estonie

Tous

Elections municipales

 

Non

Finlande

Tous

Elections municipales

2 ans

Oui

Irlande

Tous

Elections municipales

 

Oui

Islande

Tous

Elections municipales

5 ans

Oui

Luxembourg

Tous

Elections municipales

5 ans

Non

Norvège

Tous

Elections municipales et de quartier

3 ans

Non

Pays-Bas

Tous

Elections communales

5 ans

Oui

Portugal

Ressortissants des Etats lusophones et des Etats accordant le droit de vote aux Portugais

Elections municipales et des conseils de paroisse

2 ans pour les Etats lusophones ; 3 ans dans les autres cas

Oui, sous réserve de réciprocité (durée allongée de 2 ans)

Royaume-Uni

Ressortissants des Etats du Commonwealth

Elections locales

 

Oui

Suède

Tous

Elections municipales et des conseils de comté

3 ans

Oui

Hors d’Europe, certains pays accordent également le droit de vote aux résidents étrangers pour les élections locales. Il est possible de citer à ce titre la Colombie, l’Uruguay, le Venezuela, la Corée du Sud, le Burkina Faso...

2. La convention du Conseil de l’Europe sur la participation des étrangers à la vie politique

Une convention du Conseil de l’Europe sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local comprend un chapitre spécifiquement consacré au droit de vote aux élections locales. Cette convention, qui a été élaborée par le Comité directeur des autorités locales et régionales, a été ouverte à la signature des États membres du Conseil de l’Europe le 5 février 1992. Les considérants de son préambule résument le contexte et l’esprit dans lequel la convention est élaborée : « la résidence d’étrangers sur le territoire national est désormais une caractéristique permanente des sociétés européennes » et « les résidents étrangers sont, au niveau local,généralement soumis aux mêmes devoirs que les citoyens ». Ces facteurs justifient qu’une « participation active des résidents étrangers à la vie et au développement de la prospérité de la collectivité locale » soit favorisée, et rendent nécessaire l’amélioration de l’intégration des étrangers dans la communauté locale, « notamment par l’accroissement des possibilités de participation aux affaires publiques locales ».

Outre ses dispositions relatives au droit de vote, cette convention affirme le droit à la liberté d’expression, le droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association pour les résidents étrangers. Elle préconise des efforts sérieux pour associer les résidents étrangers aux enquêtes publiques, aux procédures de planification et aux autres processus de consultation sur les questions locales. Enfin, elle prévoit que puissent être créées des organismes consultatifs pour représenter les résidents étrangers au niveau local.

Le premier paragraphe de l’article 6 de la convention stipule que chaque partie s’engage « à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales à tout résident étranger, pourvu que celui-ci remplisse les mêmes conditions que celles qui s’appliquent aux citoyens et, en outre, ait résidé légalement et habituellement dans l’Etat en question pendant les cinq ans précédant les élections ».

Le deuxième paragraphe de l’article 6 permet toutefois à un État contractant de limiter l’application du premier paragraphe au seul droit de vote, tandis que l’article 1er de la convention permet à un État contractant de se réserver l’absence d’application des dispositions sur les droits de vote et d’éligibilité.

Parmi les six États ayant ratifié à ce jour cette convention (Danemark, Finlande, Italie, Pays-Bas, Norvège et Suède), seule l’Italie a fait usage de la réserve autorisée par l’article 1er.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a également appuyé cette démarche, par le vote d’une recommandation sur la participation des immigrés et des résidents étrangers à la vie politique dans les Etats membres du Conseil de l’Europe (6).

Dans le même sens que le Conseil de l’Europe, le Parlement européen a adopté à plusieurs reprises, des résolutions préconisant une adaptation des législations nationales pour étendre le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales et européennes à tous les ressortissants extra-communautaires qui résident légalement sur le territoire d’un État membre depuis au moins trois ans (7).

Ainsi, dans sa résolution du 4 septembre 2003 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne, le Parlement européen a recommandé « de nouveau à […] la France […] de signer et ratifier la Convention européenne sur la participation des étrangers à la vie politique au niveau local » et a estimé nécessaire « d’étendre le concept de citoyenneté européenne au-delà de la seule référence à la nationalité des États membres et d’étendre aux résidents légaux de longue durée (trois années) ressortissants des États tiers le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales et au Parlement européen ».

La Commission européenne a évoqué dans son Quatrième rapport sur la citoyenneté de l’Union le fait que les étrangers ressortissants d’un État membre de l’Espace économique européen ou de la Suisse pourraient se voir accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales de leur pays de résidence (8).

Le Conseil Justice et Affaires intérieures a pour sa part énoncé comme l’un des principes de base d’une politique d’intégration des immigrants celui selon lequel « la participation des immigrants au processus démocratique et à la formulation des politiques et mesures d’intégration, en particulier au niveau local, favorise leur intégration » (9).

La présentation de ce principe par le Conseil européen insiste sur le fait que : « Chaque fois que cela est possible, il faudrait parvenir à associer les immigrants à toutes les facettes du processus démocratique. […]Dans la mesure du possible, les immigrants pourraient même être associés par le biais des élections, du droit de vote et de l’adhésion à des partis politiques. Lorsque des déséquilibres au niveau du statut ou de la participation durent plus longtemps qu’il n’est raisonnable ou nécessaire, les divisions ou les différences peuvent s’enraciner profondément. »

Ainsi toutes les institutions européennes, du Conseil de l’Union au Parlement en passant par la Commission, se sont prononcées pour le droit de vote des étrangers aux élections locales.

Il s’agit donc d’une évolution naturelle dans le fonctionnement de nos institutions et de notre démocratie.

B. UN DROIT ADAPTÉ À UNE DÉMOCRATIE MODERNE

1. Une histoire ancienne : la citoyenneté comme facteur d’inclusion sociale des étrangers

a) Avant les nationaux, la République reconnaît d’abord des citoyens

Comme l’a mis en lumière Patrick Weil dans Qu’est ce qu’un Français – Histoire de la nationalité française depuis la Révolution, c’est « sous la Révolution que pour la première fois le Français est défini. À cette date, le mot même de nationalité n’existe pas ». Au début de la période révolutionnaire, la distinction entre les étrangers et les citoyens n’est pas encore affirmée. Les étrangers font l’objet d’une double inclusion, tant sociale que par le droit. Dès 1789, les étrangers présents sur le territoire participent aux État Généraux et nourrissent l’idéal révolutionnaire. À travers une volonté manifeste de débattre dans l’enceinte de la cité, la figure du patriote, du citoyen, est reliée aux lois de la cité et non à la nationalité. Être citoyen est alors un acte de volonté. C’est vouloir obéir aux lois auxquelles le genre humain aura librement consenti. Saint-Just définira la patrie comme la « communauté des affections », celle qui unit les hommes et les lois.

Dans cette inclusion de fait, la vision de la citoyenneté n’est pas culturaliste. La culture appartient au règne des opinions. Elle est respectée dans sa diversité pour prévenir la division et les conflits. En revanche, le moment révolutionnaire érige la Raison et le Droit en principe universel. Ils unissent les individus et fondent les citoyens. Ainsi, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, pense la citoyenneté comme un droit attaché à la personne, naturel. La citoyenneté ouverte est consubstantielle de la Déclaration de 1789.

Par la suite, à cette conception ouverte de la citoyenneté va progressivement se substituer une conception liant citoyenneté et nationalité.

Les étrangers et l’exercice du droit de vote pendant la Révolution française

En 1789, la question du droit de vote ne se pose pas en termes de nationalité. Toute homme de plus de 25 ans inscrit au rôle des impositions est ainsi appelé à voter pour la désignation des États généraux.

Dans ses Observations sur le rapport du comité de constitution concernant la nouvelle organisation de la France, du 2 octobre 1789, Sieyès indique ainsi : « ou il faut renoncer à croire aux progrès de l’esprit humain ou il faut espérer qu’il deviendra très aisé à un étranger connu de se faire adopter dans une commune française. Cette adoption prouvera le domicile. Elle remplacera les lettres de naturalisation, et vaudra mieux qu’elles. Une fois adopté dans une commune, on sera citoyen français ».

Le décret Target du 2 mai 1790 prévoit que les étrangers établis en France seront réputés français et admis en prêtant le serment civique à l’exercice des droits du citoyen, dès lors qu’ils compteront cinq ans de domicile continu en France et auront acquis des immeubles ou épousé une Française ou formé un établissement de commerce ou reçu en quelque ville des lettres de bourgeoisie. Ce décret sera ensuite intégré dans la Constitution de 1791. Dans le même temps le pouvoir législatif accorde des naturalisations exceptionnelles, et l’Assemblée nationale confère, le 26 août 1792, à quelques étrangers, au titre desquels l’on peut citer Anacharsis Cloots et Thomas Paine, une citoyenneté d’honneur. C’est dans le même esprit qu’un « appel d’offre » à l'univers est lancé, comme en témoigne dans un rapport au nom du comité de constitution le 19 octobre 1792 : « l’invitation à faire aux amis de la liberté et de l’égalité, de présenter leurs vues sur la constitution à donner à la France ». Barère y déclare : « la constitution d’une grande République ne peut pas être l’ouvrage de quelques esprits; elle doit être l’ouvrage de l’esprit humain. Vous avez composé de neuf membres le comité de constitution; mais quiconque dans la Convention nationale, hors de son sein, dans la France, dans l'Europe et dans le monde entier est capable de tracer un plan de constitution républicaine et de l’écrire, est membre nécessaire du comité de constitution. Il faut donc l’inviter à publier ses pensées. »

La Constitution du 24 juin 1793 (dite de l’an I) admet ainsi tous les étrangers âgés de 21 ans à l’exercice du droit de vote. La condition de résidence est réduite à un an, et la richesse n’est plus un critère d’admission à la citoyenneté active. Son article 4 est ainsi rédigé : « Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis ; - Tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année - Y vit de son travail - Ou acquiert une propriété - Ou épouse une Française - Ou adopte un enfant - Ou nourrit un vieillard ; - Tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l'humanité - Est admis à l'exercice des Droits de citoyen français. »

Et de fait, le conventionnel Coupé désigne le peuple français comme « cette nombreuse famille [qui] reconnaît pour ses frères tous les enfants de la terre, les admet en son sein, et ne connaît d’ennemis que les bêtes féroces, les oppresseurs et les rois ».

En 1793 donc, dans une France entourée de régimes politiques hostiles à ses idéaux, alors que se précisent les menaces d’une guerre européenne, nombre de révolutionnaires veulent rester fidèles au message de 1789 et préserver, ne serait-ce qu’au niveau des principes, l’idéal d’une société ouverte à l’humanité toute entière.

Mais l’application de cette Constitution est suspendue, différée jusqu’à la paix. Elle ne sera jamais appliquée, et très vite, dans un contexte de guerre et de suspicion à l’encontre des contre-révolutionnaires et des agents de l’étranger, des mesures de surveillance des étrangers sont prises (décrets de police générale, création de Comités de surveillance des étrangers, port d’un ruban tricolore, reconductions à la frontière). Anacharsis Cloots et Thomas Paine, qui étaient tous deux membres de la Convention, en sont exclus par un décret qui prévoit que « Tous individus nés en pays étranger sont exclus du droit de représenter le peuple français ».

Cette deuxième période laisse la place, avec la réaction thermidorienne et la Constitution de l’an III, à une troisième période d’« invention de la qualité de Français », pour reprendre l’expression de Mme Sophie Wahnich. Le droit de la citoyenneté est alors lié à la nationalité.

L’exercice des droits politiques est ainsi, à compter de 1795, strictement réservé aux nationaux. À tel point que la naturalisation va pendant longtemps s’accompagner de droits civiques restreints. Les incapacités du naturalisé, d’abord définitives (10), deviennent temporaires sous la IIIe République. Mais il faudra attendre 1983 pour que l’acquisition de la nationalité garantisse immédiatement l’usage des droits civiques.

Le concept de citoyenneté est donc largement évolutif, il ne peut se réduire à une définition figée, statique, qui l’associerait à la seule possession de la nationalité française. La citoyenneté est avant tout, et même étymologiquement, participation à la vie de la cité. Cette participation est multidimensionnelle : économique, sociale, politique…

b) La reconnaissance progressive de droits

Au cours de la seconde moitié du vingtième siècle, les étrangers ont très progressivement pu accéder à de nombreux droits professionnels et sociaux reconnus aux Français.

Au sein de l’entreprise, les étrangers se sont vus reconnaître le droit d’élire les représentants du personnel, mais non d’être éligibles, en 1946. Puis une loi du 27 juin 1972 a reconnu à tout étranger le droit de voter et d’être élu aux comités d’entreprise et aux fonctions de délégués du personnel, sous la réserve de savoir lire et écrire en français.

Dans le même sens, une loi du 11 juillet 1975 a donné aux étrangers le droit de participer aux élections prud’homales, ainsi que le droit d’exercer des fonctions au sein d’un syndicat et d’accéder aux fonctions de délégué syndical, à condition de travailler en France depuis au moins cinq ans.

Enfin, la loi Auroux du 28 octobre 1982 a supprimé ces différentes conditions restrictives à l’exercice des droits syndicaux et des droits de vote aux élections professionnelles.

Ce même mécanisme d’approfondissement de la participation des étrangers se retrouve pour les élections aux organismes de sécurité sociale et les élections universitaires.

La participation aux élections dans les organismes de sécurité sociale a été ouverte aux étrangers par une loi du 30 octobre 1946, puis l’éligibilité leur a été accordée par une loi du 17 décembre 1982.

La participation aux élections universitaires des ressortissants étrangers a été prévue par la loi Edgar Faure du 12 novembre 1968, avant qu’une loi du 9 novembre 1981 ne vienne supprimer toute exigence de réciprocité pour le droit d’éligibilité. Le Conseil constitutionnel a alors considéré qu’il était possible pour une loi française d’accorder des droits à des étrangers « alors même que l’Etat dont ils sont ressortissants ne donnerait pas les mêmes droits à des Français » (11).

Enfin, en matière de droit d’association, les étrangers ont acquis la plénitude des droits en 1981, avec la possibilité de diriger une association.

Les principales exclusions qui demeurent sont liées à la participation à la fonction de juger ou à la désignation dans une instance exerçant des prérogatives de puissance publique.

Les fonction d’assesseur d’un tribunal pour enfants, de conseiller prud’homal, de juge d’un tribunal de commerce, d’assesseur d’un tribunal des affaires de sécurité sociale sont ainsi réservées aux citoyens français, de même que la participation à un juré d’assises. La seule exception, limitée, concerne les tribunaux paritaires des baux ruraux, dont les assesseurs peuvent également être des ressortissants communautaires ou d’États membres de l’Espace économique européen.

Hormis les nationaux, ne sont électeurs et éligibles aux chambres de commerce et d’industrie et aux chambres d’agriculture que les ressortissants communautaires (ou d’États membres de l’Espace économique européen dans le cas des chambres de commerce et d’industrie).

En ce qui concerne les chambres des métiers et de l’artisanat, le droit de vote avait été étendu par un décret du 27 mai 1999 à l’ensemble des artisans, sans condition de nationalité, avant d’être retiré par un décret du 27 août 2004. La disposition de ce dernier décret relative à l’exercice du droit de vote a toutefois été annulée par le Conseil d’État, qui a jugé, dans une décision d’assemblée du 31 mai 2006, qu’elle méconnaissait le principe d’égalité, car « il n’existe pas de différence de situation entre les artisans résultant de leur nationalité qui justifie une différence de traitement pour l’attribution du droit de vote aux élections des chambres de métiers et de l’artisanat » et car « aucune nécessité d’intérêt général résultant du rôle de ces établissements [ne] serait de nature à justifier » une telle différence.

Plus encore, le Conseil d’État a également annulé, sur le fondement de la méconnaissance du principe d’égalité, la disposition du même décret restreignant le droit d’éligibilité à certains artisans étrangers, en jugeant que les prérogatives de puissance publique dont sont investies les chambres des métiers et de l’artisanat « ne sont pas d’une nature et d’une ampleur telles qu’elles puissent fonder légalement une différence de traitement entre les artisans quant à leur éligibilité aux chambres des métiers et de l’artisanat ».

Cette décision du Conseil d’État, qui a donné toute sa portée au principe d’égalité, démontre, s’il en était besoin, qu’un traitement différencié des étrangers est souvent contraire aux principes qui fondent notre République. Elle permet d’augurer une évolution de la législation vers une ouverture encore plus large des droits des nationaux aux étrangers.

Ces différentes évolutions ont permis d’entretenir la conception dynamique de la citoyenneté, qui s’acquiert dans l’engagement quotidien.

2. Un enjeu pour la vitalité démocratique

a) L’enjeu de la représentation

Le lien entre nationalité et droit de vote est inscrit dans la Constitution du 4 octobre 1958, dont le dernier alinéa de l’article 3 dispose : « Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes jouissant de leurs droits civils et politiques. »

Mais, outre le fait que la Constitution de 1958 fait référence dès son préambule à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui, comme on l’a vu plus haut, ne connaît pas de « nationaux », ce lien « citoyenneté-nationalité » n’est plus exclusif depuis la loi constitutionnelle du 25 juin 1992, qui a accordé le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux citoyens de l’Union européenne en introduisant dans la Constitution un nouvel article 88-3.

Dès lors, l’exclusion durable de l’exercice de la citoyenneté d’étrangers présents parfois depuis de très nombreuses années sur notre territoire est difficilement justifiable, d’autant que ces résidents étrangers non communautaires représentent parfois une part non négligeable de la population municipale.

L’absence de participation aux élections locales signifie également une impossibilité de participer aux référendums locaux et aux consultations des électeurs par les collectivités territoriales. C’est ainsi une exclusion de l’ensemble des décisions politiques qui est consacrée, laquelle ne peut être que partiellement et imparfaitement compensée par les organes consultatifs mis en place dans certaines collectivités (12).

D’un point de vue qualitatif, M. Henri Rey, chercheur au CEVIPOF, a mis en avant lors de son audition par votre rapporteure, trois logiques découlant de l’exclusion des étrangers du droit de vote.

Premièrement, la mise à l’écart d’une partie parfois significative de la population de certains quartiers a pour effet d’appauvrir le rituel civique que constitue le vote. Ainsi, ce rituel est ressenti de manière beaucoup moins prégnante dans les quartiers. La lisibilité de cet évènement, face auxquels des membres d’une même famille peuvent être dans une position différente, n’est pas favorisée. Au sein d’une même famille, lorsqu’il y a juxtaposition de statuts, le rapport au droit est dilué.

En deuxième lieu, la représentativité des élus dans les communes caractérisées par une part élevée des étrangers et une proportion forte des abstentionnistes est par ailleurs fragilisée. Ainsi, dans les communes de départements où se constate une forte proportion d’étrangers, comme tous ceux d’Île-de-France, ce sont en moyenne moins de 20 % de la population recensée qui a effectivement participé aux élections municipales.

Cela explique que ce sont souvent dans ces villes qu’ont émergé les premières formes de démocratie participative, dans ces territoires que sont nées les premières instances consultatives d'habitants exclus du droit de vote, voire qu’ont été organisées des consultations électorales associant les étrangers (13).

Le maire est un interlocuteur essentiel de la vie démocratique et de la démocratie de proximité. Élus de proximité, dont une grande partie de la légitimité repose sur l’action, sur un spectre large de compétences (en matière d’urbanisme, d’aménagement, d’action sociale) et sur la disponibilité, les maires ont toujours bénéficié d’une grande popularité. En octobre 1999, 71 % de Français se déclaraient satisfaits du travail accompli par leur maire depuis les municipales de 1995 (14). Dix ans plus tard, cette tendance est toujours aussi forte (15). Le conseil municipal est l’institution politique nationale en laquelle les Français ont le plus confiance. 69% des Français disent faire confiance à leur maire, 21% déclarant même lui faire « très confiance », soit un pourcentage trois fois supérieur à celui de la confiance dans le président de la République.

Le rôle des maires, à travers la promotion du développement communal, se traduit souvent par le rassemblement de tous et la recherche du consensus. Proche, visible, le maire est perçu comme « l’élu du sol ». Et pourtant, la représentativité des maires décroît. Si le scrutin municipal est celui qui connaît l’abstention la plus faible, après l’élection présidentielle, on observe une participation inversement proportionnelle à la taille de la commune. En 1995, alors que la participation moyenne est de 69,4 %, elle oscille entre 79 % pour les communes de moins de 3 500 habitants et 58% pour les communes de 30 000 habitants et plus. Les mêmes écarts peuvent être constatés aussi bien en 2001 (76,5 % de participation dans les communes de moins de 3 500 habitants contre 56,9 % de participation dans les communes de 30 000 habitants et plus) qu’en 2008 (où les taux de participation pour ces deux catégories s’élèvent respectivement à 75,5 % et à 56,7 %). En conséquence, les grands espaces urbains accusent un déficit de représentativité alarmant alors même qu’ils concentrent une large partie de la population.

Enfin, l’exclusion du droit de vote conduit à une inégalité de traitement des populations et à l’établissement d'une relation « bimodale » de l’élu vis-à-vis de ses administrés. À côté de la relation électorale, classique, qui unit les citoyens aux élus, se crée une relation transactionnelle, dans laquelle les interlocuteurs des élus ne sont pas les électeurs, mais les représentants de communautés d’habitants exclus du droit de vote. « L’absence d’instance de représentation propre aux quartiers, ainsi que l’exclusion du droit de vote local, contribuent à renforcer le sentiment de marginalité politique. Tout cela ne contribue pas à clarifier la dimension citoyenne des démarches et initiatives des habitants des quartiers, qui se reportent en conséquence sur des groupements communautaires et des luttes d’influence et de pression. » (16).Ainsi, l’exclusion du vote favoriserait, de fait, l'émergence d’une organisation « communautarisée » du corps social.

L’exclusion des étrangers de la vie politique locale est d’autant plus paradoxale que ces habitants sont pris en compte pour l’attribution des dotations aux collectivités territoriales, pour les programmations en matière de logement, de transports. Ainsi, l’article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que « la population à prendre en compte pour l’application de la présente section [consacrée aux dotations aux communes réparties par le Comité des finances locales] est celle qui résulte des recensements généraux ou complémentaires ». Or, ces recensements prennent en compte l’ensemble de la population, sans faire de distinction entre Français et étrangers.

De fait, tout étranger qui réside et travaille dans une commune depuis une durée significative démontre ainsi sa participation à la vie locale, tant sur le plan économique que sur le plan social. Pourquoi cette participation devrait-elle s’arrêter aux frontières de la politique ? Comment peut-on penser une intégration réelle des étrangers dans la société française sans y inclure la dimension politique, au premier sens du terme : celle de la vie dans la polis, dans la cité ?

b) L’enjeu de la participation

Les effets négatifs de l’exclusion des étrangers du droit de vote ne peuvent plus être ignorés aujourd’hui, alors que ces résidents sont souvent eux mêmes parents de citoyens français.

Les politologues qui ont étudié la question de la participation électorale ont constaté, de manière générale, une régularité du sur-abstentionnisme dans les quartiers populaires, d’autant plus importante que ces quartiers comptent beaucoup d’étrangers qui ne peuvent participer aux opérations électorales.

Les facteurs explicatifs de l’abstentionnisme sont nombreux. On ne saurait les réduire à une seule dimension. Les études les plus récentes tendent d’ailleurs à ne pas imputer cet abstentionnisme aux seuls facteurs sociaux, et à prendre également en compte la valeur politique de l’abstention, qui est aussi devenue un choix électoral. Néanmoins, la présence importante d’une population étrangère apparaît souvent en corrélation avec un niveau élevé d’abstention, comme l’illustre le tableau ci-dessous, qui correspond à l’étude de certains quartiers populaires situés en ZUS.

CARACTÉRISTIQUES SOCIO-DÉMOGRAPHIQUES DES QUARTIERS

 

Quartiers les plus abstentionnistes

Moyenne des quartiers

Quartiers les moins abstentionnistes

Emplois précaires

19,38

16,19

16,13

Chômeurs

28,25

22,13

20,25

Non diplômés

54

47,34

44,13

Professions intermédiaires

7,13

10,47

12,88

Employés

25,5

31,72

35

Ouvriers

50,13

50,06

47,38

Etrangers hors Union européenne

32,5

25,28

19,5

Source : Haegel F., Rey H., Sintomer Y. (dir.), La xénophobie en banlieue, effets et expressions, Paris, L’Harmattan, 2000

Plus largement, à l’échelle de l’ensemble des départements, il est également possible de constater que l’abstention aux élections municipales n’est pas sans lien avec la présence plus ou moins importante des étrangers.

POPULATION ÉTRANGÈRE ET ABSTENTION DANS LES DÉPARTEMENTS (17)

Département

Proportion d'étrangers dans la population en âge de voter

Proportion d'étrangers non communautaires dans la population en âge de voter

Abstention aux élections municipales

Moyenne nationale

6,01%

3,74%

37,84%

Guyane (973)

37,80%

37,19%

41,65%

Seine-Saint-Denis (93)

22,13%

17,75%

46,25%

Paris (75)

15,27%

10,48%

43,33%

Val-de-Marne (94)

13,22%

8,66%

45,94%

Hauts-de-Seine (92)

12,20%

8,47%

40,07%

Val-d'Oise (95)

11,68%

8,21%

42,71%

Yvelines (78)

9,36%

5,31%

42,03%

Alpes-Maritimes (06)

9,26%

4,81%

38,74%

Essonne (91)

9,06%

5,43%

39,00%

Haut-Rhin (68)

8,38%

4,99%

43,79%

Haute-Savoie (74)

8,22%

4,97%

40,16%

Seine-et-Marne (77)

8,14%

4,47%

42,15%

Rhône (69)

8,09%

5,77%

44,90%

Ain (01)

7,95%

4,51%

40,77%

Haute-Corse (2B)

7,93%

4,99%

27,10%

Corse-du-Sud (2A)

7,56%

4,05%

29,33%

Bas-Rhin (67)

7,38%

4,32%

42,07%

Moselle (57)

7,32%

3,09%

43,82%

Vaucluse (84)

7,32%

5,11%

32,90%

Isère (38)

6,27%

3,50%

40,28%

Hérault (34)

6,15%

3,79%

34,40%

Loiret (45)

6,05%

3,68%

38,55%

Pyrénées-Orientales (66)

6,04%

2,36%

33,23%

Bouches-du-Rhône (13)

5,86%

4,50%

33,76%

Loire (42)

5,68%

3,91%

37,05%

Gard (30)

5,66%

3,69%

32,84%

Territoire de Belfort (90)

5,60%

4,35%

38,19%

Savoie (73)

5,49%

2,68%

32,09%

Aude (11)

5,43%

2,15%

25,84%

Doubs (25)

5,41%

4,03%

36,26%

Haute-Garonne (31)

5,35%

3,12%

36,37%

Tarn-et-Garonne (82)

5,28%

2,46%

26,47%

Lot-et-Garonne (47)

5,22%

2,08%

29,85%

Meurthe-et-Moselle (54)

5,13%

2,84%

43,97%

Oise (60)

5,10%

3,10%

39,01%

Var (83)

5,09%

2,89%

32,08%

Puy-de-Dôme (63)

4,77%

2,11%

41,13%

Aube (10)

4,77%

2,96%

35,27%

Drôme (26)

4,71%

3,09%

34,05%

Nord (59)

4,58%

2,90%

44,91%

Saône-et-Loire (71)

4,57%

2,23%

30,23%

Ariège (09)

4,56%

1,55%

28,06%

Lot (46)

4,53%

0,81%

27,39%

Eure-et-Loir (28)

4,47%

2,84%

39,06%

Jura (39)

4,44%

2,82%

32,07%

Ardennes (08)

4,43%

2,40%

42,83%

Dordogne (24)

4,42%

0,99%

26,65%

Gers (32)

4,30%

0,75%

33,15%

Alpes-de-Haute-Provence (04)

4,29%

1,96%

33,92%

Pyrénées-Atlantiques (64)

4,14%

1,09%

32,76%

Gironde (33)

4,12%

2,19%

30,30%

Loir-et-Cher (41)

4,10%

2,31%

34,62%

Haute-Vienne (87)

4,09%

2,17%

25,03%

Yonne (89)

4,06%

2,14%

37,85%

Côte-d'Or (21)

4,04%

2,24%

32,45%

Guadeloupe (971)

4,01%

3,81%

29,68%

Marne (51)

3,71%

2,31%

46,53%

Tarn (81)

3,64%

1,50%

30,17%

Charente (16)

3,30%

0,81%

36,36%

Cher (18)

3,29%

1,58%

32,24%

Corrèze (19)

3,26%

1,35%

30,71%

Haute-Saône (70)

3,24%

2,07%

21,78%

Vosges (88)

3,21%

1,72%

35,25%

Lozère (48)

3,20%

0,83%

19,07%

Indre-et-Loire (37)

3,18%

1,70%

40,89%

Hautes-Alpes (05)

3,17%

1,36%

32,05%

Ardèche (07)

3,16%

1,60%

33,02%

Hautes-Pyrénées (65)

3,10%

0,82%

28,99%

Eure (27)

2,97%

1,91%

36,55%

Meuse (55)

2,95%

1,10%

38,55%

Seine-Maritime (76)

2,88%

2,13%

39,98%

Vienne (86)

2,83%

1,59%

34,90%

Allier (03)

2,77%

1,10%

34,85%

Aisne (02)

2,68%

1,42%

36,98%

Landes (40)

2,65%

0,58%

30,06%

Aveyron (12)

2,63%

0,93%

26,64%

Creuse (23)

2,62%

0,61%

33,27%

Nièvre (58)

2,55%

1,12%

40,11%

Haute Marne (52)

2,54%

1,53%

39,75%

Orne (61)

2,46%

1,27%

32,56%

Haute-Loire (43)

2,30%

1,20%

25,02%

Deux-Sèvres (79)

2,18%

0,49%

41,75%

Indre (36)

2,14%

0,98%

32,96%

Loire-Atlantique (44)

2,14%

1,46%

36,51%

Ille-et-Vilaine (35)

2,04%

1,38%

39,00%

Maine-et-Loire (49)

2,02%

1,30%

35,09%

Calvados (14)

1,93%

1,10%

35,66%

Charente-Maritime (17)

1,93%

0,68%

36,35%

Somme (80)

1,82%

1,15%

35,75%

Côtes-d'Armor (22)

1,81%

0,50%

29,77%

Mayenne (53)

1,76%

0,73%

27,25%

Sarthe (72)

1,69%

1,10%

34,98%

Pas-de-Calais (62)

1,64%

1,00%

34,24%

Morbihan (56)

1,61%

0,68%

32,13%

Martinique (972)

1,55%

1,31%

31,58%

Finistère (29)

1,48%

0,72%

36,79%

Manche (50)

1,31%

0,39%

32,96%

Vendée (85)

1,04%

0,34%

36,01%

Cantal (15)

1,01%

0,44%

36,24%

La Réunion (974)

0,88%

0,72%

26,07%

Sources : INSEE et DGCL du ministère de l’Intérieur

Même si certaines irrégularités peuvent être observées dans la distribution, qui tiennent à la multiplicité des variables explicatives de l’abstention, on peut toutefois constater que les treize départements dans lesquels la proportion des étrangers parmi la population en âge de voter est la plus significative (plus de 8 % du total) connaissent tous des taux d’abstention aux élections municipales supérieurs à 38 %. À l’inverse, les quatorze départements dans lesquels la proportion d’étrangers est la plus faible (inférieure à 2 % du total) ont tous des taux d’abstention inférieurs à 37 %. Un niveau d’analyse plus fin permettrait sans doute de faire apparaître des écarts encore plus significatifs à l’échelle des communes, voire des quartiers d’une même commune.

Il convient d’observer néanmoins que certains départements à faible présence étrangère, tels que les Deux-Sèvres, la Haute-Marne ou la Nièvre, ont connu des taux d’abstention proches de 40 %, et qu’à l’inverse les deux départements de Corse, dans lesquels la proportion d’étrangers est plus significative, ont connu des taux d’abstention exceptionnellement faibles, inférieurs à 30 %. D’autres facteurs explicatifs peuvent être mobilisés, tels que les stratégies d’abstention (vote moins nécessaire quand le jeu politique est fermé...), le comportement systématique de la population à l’égard du vote. Ainsi, la Corse est la deuxième région où l’abstention systématique est la plus faible, après la Franche-Comté (18).

L’abstention propre aux élections municipales tient également au caractère plus ou moins peuplé, et plus ou moins urbain des territoires. Ainsi, alors que, pour les élections législatives de juin 2007, l’abstention s’est élevée à 35,4 % en Île-de-France et à 31,1 % dans le reste de la métropole, pour les élections municipales de mars 2008, les taux d’abstention respectifs ont été de 39,5 % pour l’Île-de-France et de 29,3 % pour le reste de la métropole.

Enfin l’exclusion de la participation électorale prend également la forme d’une proportion plus importante de personnes non inscrites sur les listes électorales. Comme l’explique M. Jean-Louis Pan Ké Shon, « toutes choses égales par ailleurs, les personnes nées à l’étranger sont moins souvent inscrites que celles qui sont nées en France. Faut-il y voir un déficit de participation lié à l’absence de modèle parental, puisque les parents implantés en France, souvent étrangers, sont dans l’impossibilité de voter ? » (19). En outre, M. François Pupponi, représentant l’association de maires Ville et banlieue, lors de son audition par votre rapporteure, a évoqué le cas de la commune de Sarcelles, dans laquelle, alors qu’un millier de jeunes atteignent l’âge de la majorité électorale chaque année, seulement environ deux cents d’entre eux s’inscrivent effectivement sur les listes électorales.

Comme le souligne Mme Anne Muxel dans Les jeunes et la politique, l’importance du rôle de la famille dans la construction politique des individus a été mesurée et vérifiée à plusieurs reprises. « La famille est un lieu d’inculcation mais aussi d’échanges où se façonnent et se transmettent les valeurs et les modèles culturels entre les générations. Valeurs et modèles, premiers repères ou absence de repères, premiers ancrages ou absence d’ancrage, à partir desquels tout citoyen va établir ses liens élémentaires au monde politique. [...] La sphère des valeurs privées [...] est un relais, elle permet d’établir un lien, sinon d’initier, en tout cas de se situer en politique. […] Elle représente une médiation vers une première attache à la gauche ou à la droite. Elle autorise une reconnaissance et peut initialiser des choix, à moins qu’elle ne fige une forme d’incompétence ou de retrait. En tout état de cause, elle fixe les conditions préalables de la rencontre avec la politique. [...] On peut hériter d’une absence de choix, s’y rallier et la reproduire à son tour. Ce mode de socialisation politique entretient une forme de socialisation politique négative dans la chaîne des générations. » Henri Rey indique à son tour que « la pluralité des statuts juridiques complique également les conditions subjectives d’accès à l'exercice du droit de vote pour ceux qui en deviennent détenteurs, alors même que leurs ascendants ou proches en sont privés. » (20)

Votre rapporteure considère donc qu’au-delà d’un enjeu d’intégration, la question du droit de vote des étrangers aux élections locales est au moins autant un enjeu de vitalité démocratique, de cohésion sociale et d’inclusion politique.

3. La possibilité d’une citoyenneté plurielle

La citoyenneté politique peut difficilement être présentée comme un bloc indivisible, au regard des dissociations entre l’exercice du droit de vote et le droit d’éligibilité d’une part, et entre le droit de vote et la nationalité d’autre part.

Depuis l’ouverture d’un droit de vote aux élections municipales aux ressortissants des États membres de l’Union européenne, le droit français admet la dissociation entre droit de vote et possession de la nationalité française. Le corps électoral n’est plus le même pour toutes les élections. La citoyenneté politique n’est plus un bloc indivisible. Les droits politiques peuvent s’exercer graduellement et admettre la participation des étrangers.

a) La dissociation entre droit de vote et éligibilité

Le premier facteur de distinction entre droit de vote et éligibilité peut tenir à l’exigence de conditions supplémentaires pour être éligible. Historiquement, il pouvait s’agir de conditions financières plus exigeantes, à l’époque de la conception censitaire du suffrage. À l’heure actuelle, il s’agit de conditions d’âge. Il est encore exigé d’être âgé de 23 ans révolus pour pouvoir être élu à l’Assemblée nationale ou à la Présidence de la République, de 30 ans révolus pour pouvoir être élu au Sénat.

La distinction peut également tenir à des règles relatives aux inéligibilités, qui ont pour fonction d’éviter que puissent être candidates des personnes exerçant ou ayant exercé des fonctions leur conférant une influence qui troublerait la sincérité du scrutin.

b) La dissociation entre nationalité et droit de vote

La dissociation entre possession de la nationalité française et exercice du droit de vote est ancienne.

Elle prend d’abord la forme de l’exclusion du droit de vote pour certains citoyens français. Les majeurs sous tutelle ne peuvent être inscrits sur les listes électorales, à moins d’avoir été autorisées à voter par le juge des tutelles (exception introduite par une loi du 11 février 2005). Les citoyens peuvent également être privés de leur droit de vote et de leur éligibilité par le juge pénal, en raison de la commission d’un délit ou d’un crime. Cette privation, qui peut être partielle ou totale, est d’une durée maximale de dix ans en matière criminelle et de cinq ans en matière délictuelle.

Elle prend également la forme de l’exercice du droit de vote et d’éligibilité par des étrangers. Le traité de Maastricht a en effet prévu l’octroi du droit de vote et d’éligibilité aux ressortissants communautaires pour les élections européennes et les élections municipales dans leur pays de résidence. En conformité avec ce traité, la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 a rendu possible l’exercice du droit de vote et l’éligibilité aux élections municipales pour les ressortissants communautaires, lesquels sont inscrits sur une liste électorale complémentaire et participent à ces élections dans les conditions fixées par la loi organique du 25 mai 1998.

Au regard de cette citoyenneté plurielle, vouloir maintenir une frontière étanche, exclure les étrangers non communautaires de tout scrutin politique, ne se justifie plus, sauf à vouloir reporter les limites de la suspicion des frontières nationales aux frontières de l’Union européenne.

Comme le résumait Catherine Wihtol de Wenden : « dans des sociétés démocratiques, caractérisées à la fois par la mobilité de leurs membres mais aussi par la résidence de non nationaux, la citoyenneté locale est une condition essentielle de la cohésion sociale, entravée par la nouvelle frontière qui se construit entre Européens communautaires et non Européens » (21)

c) La dissociation entre droit de vote et résidence

Notre droit électoral actuel n’impose aucune condition de résidence permanente aux électeurs. Ainsi, un citoyen français peut voter dans une commune dès lors qu’il justifie de son inscription au rôle de l’une des contributions directes communales depuis cinq ans. Il en va de même pour son conjoint.

Un citoyen français peut même être candidat dans une commune dès lors qu’il est inscrit au rôle des contributions directes de la commune depuis le 1er janvier de l’année de l’élection. De la même manière, un ressortissant communautaire peut être candidat aux élections municipales dans toute commune où il est inscrit au rôle des contributions directes de la commune, même s’il est inscrit sur une liste électorale complémentaire dans une autre commune.

Tous ces éléments plaident pour la reconnaissance aux résidents étrangers d’un droit de cité, d’une citoyenneté de résidence, prenant enfin en compte une vision contemporaine de la citoyenneté, une vision dynamique et non patrimoniale de la citoyenneté, liée à l’être (habitant d’un territoire) et non à l’avoir et à l’héritage (la nationalité).

4. La naturalisation : une alternative insuffisante

Un des principaux arguments qui est opposé, depuis 2000, aux propositions parlementaires en faveur du vote des étrangers, est la possibilité pour tout étranger résidant régulièrement sur le territoire national et intégré dans la société française de demander sa naturalisation, qui lui permet ipso facto d’exercer le droit de vote (22).

On rappellera d’abord que ce n’est qu’en 1983 que le ministre de l’Intérieur Gaston Defferre a fait adopter une loi (23) qui a abrogé les incapacités qui pesaient sur les personnes naturalisées. Auparavant, le droit de vote n’était acquis que cinq ans après la naturalisation et le droit d’éligibilité dix ans après la naturalisation.

Comme le signalait le rapport explicatif de la convention européenne sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local : « Bien que l’un des moyens de faciliter l’intégration consiste à simplifier les procédures de naturalisation, il n’en reste pas moins que de nombreux résidents étrangers ne souhaitent pas changer de nationalité. Des mesures spécifiques doivent être recherchées afin de permettre à ces derniers de participer à la vie de leur collectivité locale. »

Plus encore, l’argument de la naturalisation ignore une donnée du droit international pourtant décisive : certains États interdisent expressément la double nationalité, et déchoient de sa nationalité tout ressortissant qui acquiert une autre nationalité.

Un étranger originaire d’un État de ce type se voit donc contraint à effectuer un choix cornélien : soit rompre tout lien avec son État d’origine afin de participer à la vie politique en France ; soit renoncer à sa nationalité d’origine pour pouvoir exercer le droit de vote en France. Or, sont notamment dans ce cas de nombreux ressortissants de pays d’Asie et d’Afrique.

Jusqu’à présent, lorsque le Parlement a discuté des propositions de loi constitutionnelles visant à accorder le droit de vote aux étrangers au niveau local, en mai 2000 puis à nouveau en novembre 2002 à l’Assemblée nationale, et en janvier 2006 au Sénat, elles ont été combattues par les parlementaires de droite et n’ont pu aboutir. Mais ce constat ne doit pas conduire à considérer que la question est close, et qu’il n’y a plus lieu d’en discuter. Pas plus que l’obstacle rencontré par les initiatives parlementaires de la première moitié du XXe siècle qui visaient à accorder le droit de vote aux femmes n’a empêché l’octroi de ce droit par le Gouvernement provisoire de la République française en avril 1944, après que la Chambre des députés ait voté à six reprises en faveur du vote des femmes, sans faire fléchir l’opposition du Sénat (24)

Accorder le droit de vote aux élections municipales aux étrangers serait un pas vers une conception ouverte de la citoyenneté, une conception qui est au fondement de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Cette Déclaration, qui fait aujourd’hui partie du bloc de constitutionnalité, lie dès son titre l’homme et le citoyen en un ensemble indissociable. Permettre à tous les hommes de devenir citoyens serait ainsi renouer, par-delà les siècles, avec la logique originelle de cette Déclaration.

5. Une opinion publique tendanciellement favorable à l’ouverture de ce droit

Les Français sont désormais prêts à associer les étrangers non communautaires en France à l’exercice du droit de vote aux élections municipales comme en témoignent plusieurs sondages concordants en ce sens. Au titre des sondages effectués pour le rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, en novembre 2008, 58 % des Français se déclarent d’accord avec un « droit de vote aux élections municipales pour les étrangers non européenne résidant en France depuis un certain temps » (25). Ils étaient 50 % à se déclarer favorables en novembre 2007 et 52 % en novembre 2006. M. Jean-Daniel Lévy, de l’institut de sondage CSA, a confirmé lors de son audition par votre rapporteure cette tendance. Alors qu'en 2006, une personne sur deux se prononçait pour l'ouverture de ce droit (26), le rapport est aujourd'hui de 55% en faveur du droit de vote des étrangers aux élections locales.

Un fait marquant que révèlent ces enquêtes est l'absence de clivage structurant (générationnel, géographique etc.) parmi la population française concernant cette question. Les enquêtes longitudinales réalisées par l’institut CSA depuis 1998 montrent une évolution significative de l’état de l'opinion en faveur de l’ouverture de ce droit même s’il a pu paraître par le passé corrélé à l’actualité. Il n’est donc pas excessif de considérer que la société française est mûre pour reconnaître une participation des étrangers à la citoyenneté politique.

L’ÉVOLUTION DE L’OPINION PUBLIQUE EN FAVEUR DU VOTE DES ÉTRANGERS NON COMMUNAUTAIRES AUX ÉLÉCTIONS MUNICIPALES

Opinions

Janvier 2010

Octobre 2009

Février 2009

Octobre 2006

Octobre 2005

Favorable

55

50

51

50

45

Très favorable

23

17

16

13

13

Assez favorable

32

33

35

37

32

Opposé

42

48

46

48

52

Assez opposé

20

26

27

29

30

Très opposé

22

22

19

19

22

Ne se prononce pas

3

2

2

2

3

L’analyse de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) retraçant l’état de l'opinion (27) révèle une décrispation des attitudes et des comportements des Français vis à vis des étrangers. Le rapport met en lumière une augmentation de la tolérance au sein de la population vivant en France. La proportion de personnes estimant l’immigration trop importante est ainsi en nette diminution, de l’ordre de 10 points, à 39 %. Il en va de même pour le racisme déclaré.

En outre, le regard que portent les Français sur la société est celui d’une société de moins en moins communautaire. À titre d’exemple, une majorité de Français ne considère pas que les musulmans forment un groupe à part. Cette proportion passe même à 63 % lorsque la question porte sur les Asiatiques. Les données de ces enquêtes laissent à penser que les personnes interrogées souscrivent plus facilement aux valeurs républicaines de tolérance, de respect et d’universalisme.

La CNCDH observe également une diminution du sentiment, dans l’opinion, que le déficit d’intégration incombe aux personnes d’origine étrangère. La proportion de personnes considérant que « ce sont avant tout les personnes d'origine étrangère qui ne se donnent pas les moyens de s'intégrer » est en net recul de 5 points en un an, passant ainsi à 48 %, tandis que 37 % des personnes sondées estiment que la société française ne donne pas les moyens de s’intégrer aux étrangers. Par conséquent, les Français adhèrent de moins en moins aux préjugés à l’encontre des étrangers et reconnaissent davantage les multiples apports de l’immigration : 82 % des Français estiment positive la contribution des immigrés à l’économie française et 73 % sont d’accord avec l’idée selon laquelle leur présence est une source d’enrichissement culturel. Ces enquêtes confirment un sentiment prégnant : les étrangers participent de fait à la vie de la cité. La communauté de vie devrait s’accompagner d’une communauté de droits.

C. L’ATTRIBUTION DU DROIT DE VOTE ET D’ÉLIGIBILITÉ AUX ETRANGERS COMMUNAUTAIRES : UN PRÉCÉDENT JURIDIQUE COMPLEXE

1. Une modification de la Constitution pour les élections municipales mais non pour les élections européennes

La mise en conformité du droit français avec la disposition du traité de Maastricht relative au droit de vote et d’éligibilité des étrangers communautaires aux élections municipales (28) a conduit à une modification de la Constitution.

En effet, le Conseil constitutionnel, saisi du Traité sur l’Union européenne sur le fondement de l’article 54 de la Constitution, avait considéré, dans sa décision du 9 avril 1992, que « le quatrième alinéa de l’article 3 de la Constitution implique que seuls les « nationaux français » ont le droit de vote et d’éligibilité aux élections effectuées pour la désignation de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale de la République et notamment pour celle des conseillers municipaux ou des membres du Conseil de Paris » (29).

Aussi, la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 (30) introduisit dans la Constitution un nouvel article 88-3 ainsi rédigé : « Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé pour les seuls citoyens de l’Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d’application du présent article. »

Comme l’a expliqué M. Bruno Genevois : « Seule la première phrase du texte était nécessaire pour supprimer la contrariété entre l’article 8. B, paragraphe 1 [du traité de Maastricht], et la Constitution. La deuxième phrase, c’est-à-dire les prohibitions édictées à l’égard des citoyens de l’Union autres que les Français, aurait pu être regardée comme empiétant sur les modalités à arrêter sur le plan communautaire. Quant à l’intervention d’une loi organique devant être votée dans les mêmes termes par les deux Assemblées, elle traduisait la volonté du Sénat de contrôler le dispositif, sans pour autant méconnaître la Constitution. » (31)

Toutefois, entre la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 et la première participation effective de ressortissants communautaires aux élections municipales, il a fallu attendre presque dix ans.

Les étrangers membres de l’Union européenne n’ont pu pour la première fois voter et être élus aux élections municipales qu’en 2001, car la loi organique d’application de l’article 88-3 de la Constitution n’a été adoptée qu’en mai 1998 (32), après que la France eut été menacée d’un recours en manquement. La directive européenne du 19 décembre 1994 relative à la participation aux élections municipales avait pourtant fixé au 1er janvier 1996 la date limite à laquelle la disposition du traité de Maastricht devait entrer en vigueur.

La première participation aux élections municipales, en 2001, a été peu élevée. Seuls 166 031 ressortissants communautaires étaient inscrits sur les listes électorales complémentaires (soit 13 % des étrangers concernés). Seuls 991 se sont portés candidats dans des communes de 3 500 habitants et plus, et 204 ont été élus. À l’heure actuelle, 230 466 ressortissants communautaires sont inscrits sur les listes électorales complémentaires pour les élections municipales (mais entre temps, douze États sont entrés dans l’Union européenne).

LES RESSORTISSANTS COMMUNAUTAIRES INSCRITS SUR LES LISTES ELECTORALES POUR LES ELECTIONS MUNICIPALES

Pays

2001

2007

2009

Allemagne

12 982

17 632

20 269

Autriche

704

1 066

969

Belgique

16 376

22 688

24 752

Danemark

964

1 386

1 428

Espagne

17 942

20 126

21 160

Finlande

402

462

787

Grèce

579

724

885

Irlande

971

1 310

1 494

Italie

36 557

37 719

38 131

Luxembourg

632

793

850

Pays-Bas

7 085

8 515

10 546

Portugal

57 460

63 385

72 756

Royaume-Uni

12 428

21 291

31 922

Suède

949

1 428

1 526

Chypre

-

34

28

Estonie

-

26

32

Hongrie

-

66

156

Lettonie

-

28

37

Lituanie

-

54

91

Malte

-

17

16

Pologne

-

503

1 148

Slovaquie

-

46

120

Slovénie

-

25

33

République tchèque

-

144

216

Bulgarie

-

-

308

Roumanie

-

-

806

Total

166 031

199 468

230 466

Source : DGCL, ministère de l’Intérieur

Cette augmentation de l’inscription sur les listes électorales complémentaires doit être interprétée comme une preuve de l’intérêt croissant des ressortissants communautaires pour la participation aux élections municipales. Il est d’ailleurs possible d’ajouter, en ce sens, le fait que, paradoxalement, les étrangers communautaires sont plus nombreux à être inscrits sur les listes électorales pour les élections municipales que pour les élections européennes (203 377 en 2009 pour ces dernières, contre 230 466 à la même date pour les élections municipales).

Le constat pour les élections locales en France peut néanmoins être étendu aux élections européennes et à l’échelle de l’ensemble de l’Union européenne, comme le souligne le dernier rapport sur la citoyenneté de l’Union : le taux d’inscription des citoyens de l’Union européenne résidant dans un État membre autre que le leur pour les élections européennes, qui n’était que de 5,9 % en 1994, est passé à 9 % en 1999, puis à 12 % en 2004 (33).

Pour sa part, la participation des étrangers membres de l’Union européenne aux élections au Parlement européen en France, à l’inverse de celle aux élections municipales, n’a pas été jugée comme rendant nécessaire une modification constitutionnelle (34). En effet, le Conseil constitutionnel avait considéré que le Parlement européen « ne constitue pas une assemblée souveraine dotée d’une compétence générale et qui aurait vocation à concourir à l’exercice de la souveraineté nationale » et qu’il « appartient à un ordre juridique propre qui, bien que se trouvant intégré au système juridique des différents États membres des Communautés, n’appartient pas à l’ordre institutionnel de la République française ».

Cette participation aux élections européennes a été rendue possible par une loi du 5 février 1994 (35).

Deux voies juridiques très différentes ont donc permis la participation d’étrangers à des élections : celle d’une révision constitutionnelle et d’une loi organique d’application pour les élections municipales ; celle d’une simple loi pour les élections au Parlement européen.

2. Les alternatives possibles

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 avril 1992, a fondé son raisonnement sur le lien entre la désignation des conseillers municipaux et l’élection des sénateurs, dont l’assemblée parlementaire « participe à l’exercice de la souveraineté nationale ». Le Conseil constitutionnel considérait la participation des étrangers à l’élection municipale comme contraire aux dispositions combinées des articles 3, 24 et 72 de la Constitution en ce qu’elle était participation à une élection ayant une incidence sur l’élection pour désigner le Sénat, assemblée participant à l’exercice de la souveraineté nationale.

Comme le souligne Mme Danielle Lochak : « il y a une large part de fiction dans ce raisonnement qui repose sur l’idée que le vote local est en même temps un vote pour le Sénat. Et on peut se demander quel citoyen a jamais eu le sentiment, en élisant ses représentants au conseil municipal ou au conseil général, de concourir à la désignation d’un sénateur. Mais le droit fonctionne à l’aide de fictions et cette fiction là est entérinée par la Constitution. » (36)

MM. Louis Favoreu et Loïc Philip avaient pour leur part considéré que « le Conseil constitutionnel a ouvert une brèche par laquelle pourrait parfaitement se glisser le droit de vote des étrangers au niveau local à condition de déconnecter les élections sénatoriales des élections locales » (37).

Dans le même sens, M. Michel Verpeaux avait expliqué « que le Conseil constitutionnel, dans cette décision, ne qualifie pas les élections locales d’élections politiques. […] Pour [les élections locales] en effet, la nationalité française est exigée, non pas à cause de leur nature intrinsèque, qui serait ainsi politique par elle-même, mais à cause d’une caractéristique extrinsèque et sans rapport direct avec elles. Les élections locales sont des élections politiques parce qu’elles ont une autre fonction que celle de désigner des administrateurs locaux. Elles n’auraient que cette seule et dernière fonction qu’elles ne pourraient prétendre être des scrutins politiques et elles ne peuvent, en elles-mêmes, être assimilées aux autres élections qui servent à désigner des autorités politiques. » (38)

Ainsi, dès lors que les élections municipales seraient totalement étrangères aux élections sénatoriales, une disposition constitutionnelle nouvelle ne serait pas forcément nécessaire pour permettre le vote des étrangers aux élections municipales.

M. Guy Carcassonne, auditionné par votre rapporteure, a toutefois souligné le caractère purement théorique d’une telle hypothèse. En effet, cela reviendrait à devoir prévoir une élection des sénateurs par un corps électoral qui ne comprendrait pas les élus municipaux, alors même que les élus locaux doivent être majoritaires dans le corps électoral sénatorial.

M. Guy Carcassonne s’est même interrogé sur la pertinence des nuances introduites dans sa jurisprudence par le Conseil constitutionnel en 1992. Il est vrai que dans sa jurisprudence antérieure, de 1982, le Conseil constitutionnel avait considéré que des principes de valeur constitutionnelle s’opposaient à toute division par catégorie des électeurs et des éligibles « pour tout suffrage politique, notamment pour l’élection des conseillers municipaux » (39). Une telle qualification des élections municipales comme élections politiques suffirait à les soumettre aux dispositions de l’article 3 de la Constitution, qui réservent l’exercice du suffrage aux seuls « nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ».

C’est la raison pour laquelle, pour accorder le droit de vote aux élections municipales à des étrangers non communautaires, une modification de la Constitution est la voie la plus certaine.

3. Invoquer la souveraineté nationale : une fiction juridique ?

Un argument essentiel mobilisé par les opposants au droit de vote des étrangers est l’atteinte à la souveraineté nationale qui résulterait d’une telle participation aux élections.

C’est la raison pour laquelle la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 a encadré strictement l’exercice du droit de vote des ressortissants d’États membres de l’Union européenne aux élections municipales. Non seulement les fonctions de maire et d’adjoint ont été interdites aux ressortissants communautaires, mais il leur a également été interdit de participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs.

Pour autant, les restrictions ainsi apportées, au motif d’une préservation de la participation à l’exercice de la souveraineté nationale par les seuls citoyens français, ne s’imposent pas au Constituant.

De fait, en admettant que les étrangers communautaires participent à la désignation des conseillers municipaux, le Constituant a déjà prouvé qu’il pouvait choisir d’accorder ou non des droits de participation à des élections politiques à des non-nationaux (à la fois directement, pour les élections municipales, et indirectement, pour les élections sénatoriales). Le fait d’admettre que ces mêmes personnes puissent également participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs ne serait qu’une progression dans cette participation à l’exercice de droits politiques.

Tenant compte des étrangers communautaires, qui possèdent déjà le droit de vote aux élections municipales, la fraction du corps électoral étrangère représenterait au maximum 6,01 % de l’électorat.

Si affirmer que les étrangers participent indirectement à la souveraineté nationale par leur vote aux élections municipales relève bien d’une interprétation formelle du droit, le faible impact de ce vote sur la désignation d’une chambre du Parlement illustre la fiction juridique qu’est cette participation à la souveraineté nationale.

Invoquer la souveraineté nationale pour limiter l’exercice du mandat des étrangers élus apparaît tout aussi contestable. Des contrôles existent en effet, aussi bien politiques que juridiques. Si une majorité d’électeurs estime un candidat étranger digne d’occuper la fonction de maire ou d’adjoint au maire, il n’existe nulle raison de l’en empêcher, sachant que prévaudra le contrôle politique, à savoir la sanction par l’élection.

Mais surtout, rappelons qu’un maire, lorsqu’il effectue des actes en tant qu’agent de l’État, est placé sous l’autorité du représentant de l’État dans le département. Le préfet dispose d’ailleurs d’un pouvoir de substitution pour ces actes que le maire refuserait ou négligerait de faire.

Enfin et surtout, soulignons qu’une réforme constitutionnelle proposée par les membres de la représentation nationale ne pourra voir le jour sans une ratification par référendum, reconnue par la Constitution comme l’une des deux modalité d’expression de la souveraineté nationale. Ainsi, le droit de vote des étrangers aux élections municipales ne pourra être institutionnalisé sans le consentement formel du peuple français, dans la plénitude de sa souveraineté. Selon l’alinéa premier de l’article 3 de la Constitution : « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »

D. UNE PROPOSITION DE LOI NÉCESSAIRE

Le texte proposé à l’article 1er de la présente proposition de loi est identique à celui qui a été adopté par l’Assemblée nationale le 3 mai 2000 (40), avant de se heurter à un refus d’examen de la part du Sénat. Le parti pris du groupe SRC est de considérer que - compte tenu des multiples déclarations intervenues depuis 2000, et en particulier celles du Président de la République, rappelées plus haut par votre rapporteure - le même texte pourrait aujourd'hui être adopté par sa majorité parlementaire. Le nouvel article, qui serait introduit dans le chapitre de la Constitution consacré aux collectivités territoriales, permettrait d’accorder le droit de vote et d’éligibilité aux étrangers aux seules élections municipales.

Ce nouvel article aurait une rédaction très proche de celle de l’article 88-3 introduit par la révision constitutionnelle de juin 1992, accordant aux étrangers communautaires le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales, tout en subordonnant l’attribution de ce droit à une condition de réciprocité, et en interdisant l’exercice des fonctions de maire ou d’adjoint ou la participation à la désignation des électeurs sénatoriaux ou des sénateurs.

Le parti-pris est donc différent de celui de la proposition de loi socialiste qui fut rejetée par la commission des lois puis en séance publique en novembre 2002 (41). Cette proposition de loi proposait d’ouvrir aux étrangers la faculté de participer à l’ensemble des élections de conseils de collectivités territoriales. Comme l’expliquait M. Bernard Roman, rapporteur : « si la commune est l’échelon privilégié de la démocratie de proximité, les départements et les régions sont également dotées de compétences qui intéressent directement la vie quotidienne des résidents étrangers, compétences qui vont s’accroître avec le nouvel élan que le Gouvernement actuel entend donner à la décentralisation » (42), Cette proposition de loi ouvrait également aux étrangers la possibilité d’exercer des fonctions exécutives au sein de la collectivité territoriale, M. Bernard Roman faisant observer que « si les assemblées délibérantes de certaines collectivités sont composées d’une majorité de résidents étrangers, on voit mal pourquoi leurs exécutifs ne pourraient pas être choisis parmi eux » (43).

À l’inverse, l’article 1er de la présente proposition de loi propose de permettre l’exercice du droit de vote et d’éligibilité uniquement pour les élections municipales. Toutefois, cette participation aux élections municipales devrait permettre aux étrangers de participer à la désignation des représentants des communes aux EPCI ainsi qu’aux référendums locaux et aux consultations locales décidés par la commune.

L’article 1er de la présente proposition de loi constitutionnelle prévoit une interdiction d’exercer les fonctions de maire ou d’adjoint, à l’instar de l’interdiction actuelle qui pèse sur les ressortissants communautaires. Cette interdiction, prévue lors de la révision constitutionnelle de 1992, était justifiée ainsi par le rapporteur à l’Assemblée nationale, M. Gérard Gouzes : « les maires et adjoints n’ont pas seulement la qualité d’exécutif de la commune, mais aussi celle de représentants du pouvoir central, et sont donc amenés, à ce titre, à accomplir des actes qui relèvent de l’exercice de la souveraineté nationale. » (44) De fait, le maire et les adjoints exercent, en vertu des articles L. 2122-27 à L. 2122-34 du code général des collectivités territoriales, des attributions au nom de l’État : qualité d’officier de police judiciaire ainsi que d’officier d’état civil, publication et exécution des lois et règlements. Toutefois, ce sont des raisons politiques, et non des raisons constitutionnelles, qui ont conduit en 1992 le Constituant à faire un tel choix, comme l’a rappelé M. Guy Carcassonne lors de son audition par votre rapporteure. Il ne s’agit donc en aucun cas d’une exigence logique, et il n’y pas de raison de considérer a priori qu’un étranger détenant un mandat municipal ne serait pas apte à exercer par exemple les fonctions d’officier d’état civil. Pour reprendre les mots de M. Guy Carcassonne, « si ses co-administrés l’en considèrent digne, pourquoi lui interdire l’exercice de ces fonctions ? » Il convient donc de signaler que le Constituant pourrait faire un choix plus net et cohérent, en autorisant l’exercice des fonctions de maire ou d’adjoint par un étranger, qu’il soit ou non communautaire.

L’article 1er de la présente proposition de loi constitutionnelle prévoit une interdiction de la participation des étrangers membres d’un conseil municipal à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. De la même manière, il s’agit d’une transposition de la solution retenue pour les étrangers communautaires lors de la révision constitutionnelle de 1992. Pas plus que la précédente solution, celle-ci n’est imposée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

L’article 1er de la présente proposition de loi constitutionnelle renvoie à une loi organique le soin de fixer les conditions d’application de la nouvelle disposition constitutionnelle. Cela devrait permettre de laisser au législateur organique toute latitude pour prévoir des conditions de résidence sur le territoire communal.

L’article 2 de la présente proposition de loi constitutionnelle prévoit pour sa part, par coordination, de modifier l’article 88-3 de la Constitution, afin de prendre en compte le fait que les ressortissants des États membres de l’union européenne ne seront plus les seuls étrangers pouvant voter et être éligibles aux élections municipales.

La présente proposition de loi propose par conséquent d’introduire dans la Constitution une disposition limitée, qui a déjà fait ses preuves pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne, et qui gagnerait à être élargi à l’ensemble des étrangers qui participent à la vie locale.

Enfin, en vertu de l’article 89 de la Constitution, dans l’hypothèse où la présente proposition de loi serait successivement adoptée en termes conformes par les deux assemblées du Parlement, il reviendrait alors de la soumettre à référendum. Par conséquent, la participation des étrangers aux élections locales ne deviendrait possible qu’avec l’accord du peuple français.

*

* *

La Commission examine, au cours de sa deuxième réunion du mercredi 24 février 2010, la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France (n° 2223).

Après l’exposé de la rapporteure, une discussion générale s’engage.

M. Jean-Paul Garraud. Je suis en total désaccord avec le texte qui nous est proposé.

Le droit de vote des étrangers aux élections locales faisait partie des 110 propositions du candidat François Mitterrand, mais aucun texte n’a finalement été inscrit à l’ordre du jour des assemblées au cours de sa présidence ; et si une proposition de loi a été adoptée à l’Assemblée nationale en 2000, elle n’a jamais été discutée au Sénat.

Quant aux propos de M. Nicolas Sarkozy, ils étaient l’expression d’un avis personnel, d’ailleurs assorti de nuances ; il ne s’agissait en aucun cas du programme du candidat.

Il n’est évidemment pas question pour moi de stigmatiser qui que ce soit, ni d’aller à l’encontre des bons sentiments qui viennent d’être exprimés. En revanche, je veux dire mon incompréhension devant ce texte.

Le droit de vote aux élections locales a déjà été accordé aux étrangers ressortissants de l’Union européenne, à la suite du traité de Maastricht, qui voulait créer une sorte de citoyenneté européenne. Une première question se pose : pourquoi s’arrêter aux élections locales, et instaurer ainsi une demi-citoyenneté ? Les ressortissants communautaires ont le droit de vote aux élections locales, mais ils ne peuvent pas être élus maires car ils ne doivent pas participer aux élections des sénateurs, ceux-ci étant des élus nationaux... Ces restrictions sont reprises dans votre proposition de loi.

Deuxième problème : à mon sens, on ne peut pas différencier la citoyenneté et le droit de vote. Si des étrangers qui séjournent en France depuis longtemps, qui y travaillent et y ont une famille, veulent obtenir le droit de vote, ils n’ont qu’à acquérir la nationalité française ! C’est une procédure assez répandue, ce qui nous différencie de certains pays que vous citez en exemple ; ainsi, la Suède a accordé le droit de vote aux étrangers, mais c’est une sorte de succédané de l’acquisition de la nationalité suédoise. Je ne vois pas pourquoi l’on créerait une catégorie de citoyens qui, bien que vivant et travaillant en France, ne voudraient pas acquérir la nationalité française mais voudraient néanmoins voter. Pour moi, c’est incohérent.

Enfin, pourquoi donner davantage de droits aux étrangers alors que les Français qui séjournent et travaillent dans les pays d’origine ne peuvent pas y voter ? Le principe de réciprocité avait d’ailleurs été mis en avant par M. Sarkozy.

Pour conclure, je ne suis pas d’accord avec les membres du Gouvernement qui estiment que les Français ne sont pas encore « mûrs » pour cette réforme et qu’il faut attendre quelques années. Il s’agit pas d’une question de maturité, mais d’un problème juridique : pour moi, le droit de vote est indissociable de la nationalité française.

M. Claude Bodin. Très bien !

M. Patrice Verchère. Le droit de vote des étrangers aux élections locales, vieille lune de nos collègues socialistes, faisait partie, il y a trente ans, des 110 propositions du candidat Mitterrand. Pourquoi le remet-on à l’ordre du jour ? Tout simplement parce que des élections régionales vont avoir lieu ! On sait bien, en effet, que le simple fait de relancer cette idée peut redonner des couleurs au Front national – et donc avoir pour effet de créer des triangulaires dans certaines régions.

Pour ma part, je suis opposé au droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales des étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France. Comme mon collègue Garraud, je considère que le droit de vote est lié à la citoyenneté et que ceux qui veulent voter doivent acquérir la nationalité française – qui leur donnera tous les droits, mais aussi tous les devoirs qui y sont attachés.

Si vous pensez, comme vous l’avez écrit dans l’exposé des motifs, que cet argument « est révélateur d’une étroitesse d’esprit », votre position relève quant à elle d’un déni de notre histoire ! Le fait que la qualité d’électeur ne soit attribuée qu’au citoyen français découle d’un choix politique et institutionnel : les révolutionnaires de 1789 ont consacré la nation comme titulaire de la souveraineté, laquelle fonde le droit de suffrage. Selon les constituants de 1791, la nation est une entité distincte des individus, dans laquelle ces derniers se retrouvent ; c’est parce qu’ils appartiennent à cette entité qu’ils ont le droit de peser sur sa destinée.

Votre proposition de loi constitutionnelle menace donc le fondement même de notre souveraineté nationale – d’autant que vos amendements vont beaucoup plus loin que le texte de 2000. Seule la Constitution montagnarde de 1793, qui n’a jamais été appliquée, prévoyait la possibilité d’accorder le droit de vote à des étrangers. Je suis pour ma part convaincu que la citoyenneté est étroitement liée à l’exercice de la souveraineté nationale, et qu’elle ne peut s’exercer à travers le droit de vote que pour les nationaux.

Certes, les ressortissants de l’Union européenne peuvent voter pour les élections municipales et européennes dans leur pays de résidence, quelle que soit leur nationalité. Mais, d’une part, il existe un début de citoyenneté européenne, et d’autre part, il y a réciprocité – ce qui ne serait pas le cas pour la plupart des autres pays.

Votre proposition de loi est donc fondée sur une conception mondialiste de la citoyenneté, en rupture avec notre conception républicaine selon laquelle la citoyenneté est indissociable de la nationalité et de la souveraineté. Vous nous proposez une citoyenneté de résidence, une citoyenneté de passage, une citoyenneté de consommateur, et c’est pourquoi je voterai contre ce texte.

M. Christian Vanneste. Cette proposition de loi est une trahison de l’esprit de 1789. Si la Constitution de 1793 a pu aller dans le même sens, c’est parce que 1793 correspond au dérapage de notre Révolution et à la transformation de la démocratie libérale en un régime totalitaire : la Terreur.

Vous avez évoqué la démocratie et la République comme si ces deux notions appelaient naturellement le vote des étrangers. C’est tout le contraire ! La République, c’est la cité, c’est-à-dire l’ensemble des citoyens, par opposition à ceux qui ne le sont pas. Ces citoyens sont définis par le fait qu’ils visent un bien commun, qui n’est pas un bien universel, mais le bien de la République. Quant à la démocratie, elle renvoie au peuple, au demos, qui n’est pas l’humanité !

Ce n’est pas par hasard que la Déclaration de 1789 distingue l’homme et le citoyen : à l’instar de tous les penseurs de la démocratie libérale, elle opère une distinction fondamentale entre deux types de liberté, celle de tout homme vivant sur le territoire de la République, et celle, réservée aux citoyens, de participer à la République. Tout homme qui réside sur notre territoire a donc intérêt à accéder à la nationalité française, c’est-à-dire à devenir citoyen, pour pouvoir voter – et passer ainsi de la liberté de protection à la liberté de participation. Sans même vous en apercevoir, vous êtes en train de dresser un obstacle à l’intégration des étrangers, en leur promettant qu’ils auront les droits des autres résidents sans avoir besoin de vouloir devenir français. La distinction entre l’homme et le citoyen est un appel à devenir citoyen, donc à s’intégrer.

Cela fait d’ailleurs écho au débat sur le droit du sang et le droit du sol. Contrairement aux sottises que l’on entend, le droit du sol n’est pas le plus républicain ! Le droit du sol était lié au fait d’être sujet du roi, propriétaire du sol, tandis que le droit du sang est celui de citoyens qui héritent – comme les nobles –, de leur droit, de père en fils. S’ajoute, dans l’esprit moderne, un troisième droit qui, à mon avis, dépasse les deux précédents : le droit de la volonté ; je deviens citoyen si je le veux – non pas seulement si j’en exprime la volonté, mais si mes comportements sont en accord avec elle, si mon mérite est suffisant. Voilà l’esprit de nos institutions, dont nous pouvons légitimement être fiers.

C’est pourquoi nous devons rejeter cette proposition de loi. D’ailleurs, le Gouvernement qui avait soutenu celle de 2000 avait aussi accepté que les résidents français en Nouvelle-Calédonie ne participent pas, pendant plusieurs années, aux votes de ce territoire français – ce qui était, en l’occurrence, une bien curieuse conception de la citoyenneté ! Cela ne fait qu’apporter de l’eau au moulin de ceux qui pensent que ces propositions apparemment généreuses ne sont que des textes de circonstance à visée politicienne.

Au moins faudrait-il poser le principe de réciprocité : il serait un peu fort d’accorder des droits à un étranger venant d’un pays qui n’accorde pas les mêmes aux Français résidant chez lui !

Enfin, justifier le vote des étrangers par le fait qu’ils participent à la vie économique, c’est revenir à l’idée du suffrage censitaire. Pour ma part, je préfère défendre une conception digne de la démocratie : est citoyen celui qui en a les droits parce qu’il le veut et qu’il le mérite.

M. Dominique Raimbourg. S’agissant de la relation entre citoyenneté et nationalité, je ferai plusieurs observations.

Premièrement, les deux notions ont été, de fait, dissociées. Certes, vous liez cette dissociation à la constitution progressive d’une citoyenneté européenne, mais celle-ci est encore dans les limbes.

Deuxièmement, ce texte porte sur la relation, non entre la citoyenneté et la République, mais entre la citoyenneté et la municipalité. Il s’agit d’une proposition minimaliste, puisqu’elle vise à faire participer les étrangers à la vie municipale, en excluant les fonctions de maire ou d’adjoint.

Si nous sommes si prudents, c’est précisément pour ne pas porter atteinte au lien entre souveraineté nationale et citoyenneté. Nous savons nous aussi tirer les leçons de l’histoire, et nous ne voulons pas prendre le risque de voir se constituer des groupes nationaux susceptibles d’influer sur la politique étrangère de notre pays : bien que je ne sois pas historien, je crois savoir que l’Anschluss fut la conséquence de la présence d’Allemands des Sudètes sur le territoire autrichien.

Troisièmement, le droit de vote ne s’oppose pas à la naturalisation. La naturalisation est une procédure complexe, à l’issue imprévisible et dont les délais sont particulièrement longs. Plusieurs années peuvent s’écouler entre le dépôt de la demande, après au moins cinq ans de résidence, et le premier rendez-vous à la Préfecture, avec des différences extrêmement importantes d’une préfecture à l’autre, ce qui porte atteinte au principe d’égalité. Il ne s’agit donc pas d’un refus de la naturalisation, mais d’un accompagnement du processus, par le renforcement du vouloir-vivre ensemble.

Cette proposition minimaliste ne mérite donc pas l’opprobre ! De surcroît, elle ne sera discutée qu’après les élections régionales : les arrière-pensées que vous nous prêtez ne sont donc pas fondées.

Mme George Pau-Langevin. Le droit de vote est un attribut de la nationalité, dites-vous. Ce n’est que partiellement vrai : aux époques du suffrage censitaire, certains Français ne pouvaient voter faute d’avoir des revenus suffisants ; et jusqu’à une période très récente, les Françaises n’avaient pas le droit de vote. À l’inverse, des étrangers non seulement ont voté, mais ont été élus, tel Thomas Paine, élu député à la Convention. La conception de la citoyenneté française a donc évolué dans le temps.

Par ailleurs, les ressortissants de l’Union européenne bénéficient du droit de vote, mais leurs attaches sont parfois bien moins fortes que celles de ressortissants d’autres pays qui vivent dans nos villes depuis vingt ou trente ans.

Monsieur Vanneste, la Déclaration de 1789 ne s’applique pas qu’aux citoyens ! Bien au contraire, elle affirme qu’au-delà des droits attachés à la citoyenneté, il existe des droits intangibles attachés à tout homme.

M. Christian Vanneste. C’est précisément ce que j’ai dit !

Mme George Pau-Langevin. Nous considérons ainsi qu’il est légitime de participer aux affaires de la cité et d’exprimer son avis même si l’on n’est pas citoyen.

M. Christian Vanneste. Alors, qu’est-ce qu’être citoyen ?

Mme George Pau-Langevin. C’est important dans les domaines régaliens. Mais il est bon que les personnes vivant sur un territoire donnent leur avis sur des décisions touchant à leur vie quotidienne.

Enfin, l’attribution de la nationalité française est un pouvoir souverain. Certaines personnes qui vivent dans notre pays depuis longtemps, qui l’aiment et parlent notre langue, ne peuvent pas l’obtenir ; il est souhaitable qu’elles puissent au moins voter aux élections locales. Au sein d’une même famille, certaines personnes ont obtenu la nationalité française, d’autres se la sont vu refuser, sans que l’on sache pourquoi… Il me paraît utile de pouvoir s’exprimer sur les affaires de la cité même si on ne peut pas ou si on ne veut pas avoir la nationalité française.

M. Claude Bodin. Je ne reviens pas sur ce qui a été excellemment dit par mes collègues de l’UMP sur le lien intime, qui doit demeurer intangible, entre la citoyenneté, la nationalité et le droit de vote.

En revanche, je considère pour ma part qu’il ne faut pas entrer dans le jeu de la réciprocité, à caractère très inégal : la France peut avoir sur son sol 300 000 ressortissants d’un pays où ne vivent que dix Français...

Quant à la participation des résidents étrangers non communautaires à la vie municipale, elle est déjà possible : de nombreuses municipalités, de droite comme de gauche, ont mis en place des conseils de quartier, des conseils de sages, des conseils de jeunes ou d’autres organes participatifs qui leur sont ouverts et leur permettent d’exprimer leurs idées, sans qu’il soit besoin pour cela de voter ou d’être élu.

Quant à dire que l’on doit accorder le droit de vote aux étrangers parce qu’ils paient des impôts et travaillent en France, cela revient à prôner le retour à un suffrage censitaire.

Enfin, votre proposition consiste à créer des élus de seconde catégorie, qui ne pourront jamais devenir maires ou adjoints ni participer aux élections sénatoriales.

M. Christian Vanneste. Monsieur Raimbourg, on est citoyen ou on ne l’est pas. Si l’on vote aux élections municipales ou européennes, c’est que l’on est citoyen.

Présenter les choses autrement, ce n’est pas du minimalisme, mais de la tartufferie ! Dans le système que vous proposez, les étrangers ne pourront pas voter aux élections sénatoriales, mais ils participeront néanmoins au choix de la majorité municipale, et par voie de conséquence à la désignation des grands électeurs chargés d’élire les sénateurs. Qui plus est, tout élu, à quelque niveau que ce soit, a un poids politique ; le maire d’une grande ville, par exemple, peut avoir des chances de remporter des élections nationales. Ceux qui l’ont élu ont donc une influence directe sur la vie politique nationale. Il n’existe pas deux formes de citoyenneté française, mais une seule.

M. Jean-Pierre Schosteck. Vouloir que les gens qui résident chez nous puissent donner leur avis est une bonne chose, mais si l’on adopte cette proposition de loi, on leur permettra d’engager des dépenses importantes, parfois sur une longue durée, sans avoir l’assurance qu’ils participeront à leur financement. Veuillez pardonner à l’élu local que je suis ces considérations terre à terre, mais néanmoins importantes !

Mieux vaudrait mettre au point une proposition de loi visant à simplifier la procédure de naturalisation. Aux étrangers qui me signalent qu’ils sont en France depuis vingt ans, je suggère de devenir Français – et je serais heureux de pouvoir les y aider.

M. Patrice Verchère. On compte quand même plus de 100 000 naturalisations par an, ce qui est loin d’être anecdotique !

M. Dominique Raimbourg. Il reste que la procédure pourrait être améliorée.

Mme la rapporteure. Monsieur Garraud, la citoyenneté européenne existe : j’en veux pour preuve que, dans la salle de la Commission, nous siégeons sous deux drapeaux, le drapeau français et le drapeau européen, et que l’article 88-3 de la Constitution fait explicitement référence aux citoyens européens. Cela démontre que, depuis la réforme constitutionnelle qui a suivi l’adoption du traité de Maastricht, nationalité et citoyenneté sont bel et bien dissociées.

Pourquoi notre proposition de loi limite-t-elle le droit de vote des étrangers aux élections municipales ? Précisément pour ne pas donner prise à des remarques comme celle de M. Verchère ; mais rassurez-vous, l’élargissement viendra. Au demeurant, le débat essentiel porte sur le fait d’accorder ou non le droit de vote aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne ; le vote aux élections municipales serait une première étape décisive. Enfin, la commune est étymologiquement le lieu d’exercice de la citoyenneté : qui dit citoyen dit cité, donc polis, ville, et commune. Les maires sont les plus légitimes des élus, ceux à qui nos concitoyens accordent la plus grande confiance, fondée sur la proximité, sur l’évidence de la vie en commun, sur la pertinence de l’exercice démocratique.

Vous avez raison, monsieur Garraud : il n’y a pas de raison que le mandat d’un élu étranger – qu’il soit ou non ressortissant de l’Union européenne – soit tronqué. C’est pourquoi je propose dans mes amendements que les élus étrangers puissent être maires ou adjoints.

Je propose également de supprimer les restrictions relatives à l’élection des sénateurs. Certains juristes avaient estimé qu’il pourrait n’y avoir pas besoin de révision constitutionnelle pour accorder le droit de vote aux ressortissants communautaires aux élections municipales, au motif qu’il ne s’agirait pas d’élections politiques. Nous ne sommes pas de cet avis, et c’est pourquoi nous avons déposé cette proposition de loi constitutionnelle. Mais le lien entre la désignation des grands électeurs par des conseillers municipaux et la souveraineté nationale est, comme nous l’a confirmé Guy Carcassonne vendredi dernier, extrêmement ténu. Et dans l’hypothèse absurde où un « parti des étrangers », attirant tous les étrangers vivant en France, quelle que soit leur origine, se concentrerait dans un seul département afin de peser au maximum sur la désignation des sénateurs, son influence se limiterait à 3 % à peine des sénateurs !

M. Jean-Paul Garraud. Cela suffit pour faire une majorité !

M. Jean Tiberi. Belle démonstration !

Mme la rapporteure. Cela ne pourra pas se produire dans la réalité !

S’agissant de la réciprocité, vous pouvez toujours, jusqu’au 22 mars, déposer des amendements au titre de l’article 88 ! Admettez qu’il est paradoxal de considérer, d’un côté, que cette proposition de loi est nulle et non avenue et, de l’autre, d’imaginer des conditions de réciprocité. Mais cela n’a pas échappé à M. Bodin…

M. Garraud a eu raison de s’opposer aux arguments attentistes. L’opinion publique est prête, comme le montrent les sondages ainsi que les déclarations de plusieurs personnalités de la majorité – même si celles-ci ont été faites à titre personnel. C’est une idée qui a fait largement son chemin.

Monsieur Verchère, il n’y a guère de lien entre, d’un côté, le droit de cité et la participation à la désignation d’élus locaux et, de l’autre, diverses formes d’exercice de la souveraineté nationale. Toutefois, vous avez raison, notre proposition de loi vise à faire émerger une citoyenneté de résidence, qui n’est pas selon nous une sous-citoyenneté ou une citoyenneté de consommateurs, mais l’échelon le plus tangible de l’exercice de la citoyenneté. Ceux qui, bien que n’ayant pas le droit de vote, participent à des instances de démocratie locale agissent non comme des consommateurs, mais comme des citoyens.

Par ailleurs, non, la citoyenneté n’est pas liée à la nationalité et ne l’a jamais été. C’est une conception qui vous est propre, une conception patrimoniale, selon laquelle la citoyenneté est un avoir, transmis par le sang. Pour nous, la citoyenneté relève de l’être ; c’est l’action, l’expression, la participation au quotidien à la vie en commun.

Monsieur Vanneste, c’est bien à tort que vous nous accusez de trahir l’esprit de 1789 ! Ce sont les partisans de la Terreur qui ont suspendu l’application de la Constitution de 1793.

M. Christian Vanneste. Non : c’est la guerre !

Mme la rapporteure. Cette Constitution a été rédigée, en 1793, année terrible, alors que des menaces de guerre pesaient sur la France révolutionnaire entourée de régimes hostiles, par des hommes qui désiraient rester fidèles au message de 1789. Ils ont écrit une Constitution qui reconnaît des citoyens et non des nationaux, tout simplement parce que la nationalité est une invention ultérieure. Le conventionnel Coupé désignait quant à lui le peuple français comme « cette nombreuse famille qui reconnaît pour ses frères tous les enfants de la terre, les admet en son sein et ne connaît d’ennemis que les bêtes féroces, les oppresseurs et les rois ». C’est pourquoi l’article 4 de la Constitution de 1793 reconnaît comme citoyen, doté du droit de vote, tout étranger qui a épousé une Française ou qui nourrit un vieillard. Vraiment, monsieur Vanneste, vous vous trompez.

M. Christian Vanneste. Je vous retourne le compliment ! Lisez des historiens sérieux !

Mme la rapporteure. En faisant référence au demos, vous nous renvoyez à la conception grecque de la citoyenneté : le citoyen grec était un citoyen censitaire, qui devait payer son armement ; ni les paysans, ni les esclaves, ni les femmes, ni les métèques n’avaient le droit de vote. Il s’agit de l’origine de la démocratie, non de celle de la République.

La République a une vision universaliste et conquérante de la citoyenneté. Accorder le droit de vote aux étrangers en espérant convaincre les autres peuples européens de basculer du côté de la Révolution et de s’affranchir de leurs monarques relevait même d’une forme d’impérialisme élégant.

Bref, nous sommes conformes à la République, vous êtes conformes aux origines grecques de la démocratie.

M. Christian Vanneste. Vous devriez lire François Furet !

Mme la rapporteure. Notre proposition ferait-elle obstacle à l’intégration des étrangers ? Les auditions que nous avons menées nous conduisent à penser le contraire. Entre les élus locaux et leurs administrés qui n’ont pas le droit de vote s’établit en effet une relation transactionnelle, qui encourage le communautarisme.

En outre, comme l’ont rappelé mes collègues Dominique Raimbourg et George Pau-Langevin, le droit de vote ne s’oppose pas à la naturalisation : ils sont au contraire complémentaires, tant il est difficile d’obtenir la nationalité française.

Monsieur Bodin, le dernier quart de siècle a montré que le droit de vote, la citoyenneté et la nationalité ne sont pas liés de manière intangible. Nous en sommes pour notre part convaincus et nous vous proposons d’en débattre le 24 mars prochain.

M. Claude Bodin. Je ne peux pas laisser dire que les maires sont les élus les plus légitimes : ce sont « des élus » – qui sont de plus grande proximité.

Mme la rapporteure. C’était évidemment le sens de mon propos, et c’est ce qui ressort des baromètres de confiance politique. Bien entendu, tous les élus sont légitimes.

La Commission passe ensuite à l’examen des articles de la proposition de loi constitutionnelle.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

(article 72-5 [nouveau] de la Constitution)


Droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales des étrangers
non ressortissants de l’Union européenne

Le présent article prévoit l’introduction d’un nouvel article 72-5 dans le titre de la Constitution consacré aux collectivités territoriales, afin de rendre possible l’octroi du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France.

Le présent article ne prévoit pas d’exiger une condition de réciprocité pour accorder le droit de vote et le droit d’éligibilité aux étrangers.

Il est par ailleurs proposé de prévoir, de la même manière qu’à l’article 88-3 de la Constitution pour les ressortissants communautaires, que les étrangers « ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs ». L’interdiction de l’exercice des fonctions de maire ou d’adjoint devrait être entendue comme empêchant que le maire délègue l’exercice d’une de ses fonctions à un conseiller municipal ressortissant étranger.

La rédaction retenue, qui est un décalque de celle figurant à l’article 88-3 de la Constitution pour la participation aux élections municipales des ressortissants d’États membres de l’Union européenne, devrait permettre, de la même façon que pour les ressortissants communautaires, d’appliquer le droit de vote des étrangers aux élections municipales dans les collectivités d’outre-mer (sous réserve que ces dernières comptent en leur sein des communes) ainsi qu’aux élections au conseil de Paris. Elle devrait également assurer que les étrangers inscrits sur les listes électorales pour les élections municipales pourront participer au scrutin à l’occasion d’un référendum local ou d’une consultation des électeurs organisés par la commune.

La rédaction de l’article subordonne l’octroi du droit de vote et d’éligibilité à l’adoption d’une loi organique, qui déterminera les conditions d’application de ce droit. La logique retenue est ici similaire à celle qui prévaut à l’article 88-3 de la Constitution, pour l’exercice du droit de vote et d’éligibilité par les ressortissants communautaires. La loi organique du 25 mai 1998 a ainsi détaillé les conditions permettant d’exercer le droit de vote ainsi que les règles spécifiques relatives à l’éligibilité des ressortissants communautaires.

La seule différence avec la disposition de renvoi à une loi organique de l’article 88-3 réside dans l’absence d’exigence d’une adoption dans les mêmes termes par les deux assemblées de la loi organique d’application de l’article 72-5 de la Constitution.

La loi organique d’application de l’article 72-5 devrait notamment prévoir la condition de résidence pouvant être exigée pour obtenir le droit de vote et d’éligibilité. Comme l’indique l’exposé des motifs de la présente proposition de loi constitutionnelle, le délai de résidence exigé « pourrait être de cinq ans ». Un tel délai, qui est celui prévu par la convention du Conseil de l’Europe sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local, signée à Strasbourg le 5 février 1992, permettrait de garantir une intégration suffisante à la vie nationale des étrangers. Il serait souhaitable que ce délai soit un délai de résidence dans la même commune.

La loi organique devrait également préciser selon quelles modalités les étrangers élus conseillers municipaux seraient remplacés pour l’élection des sénateurs.

Très concrètement, la réforme proposée par le présent article aurait un effet modeste sur le corps électoral pour les élections municipales.

Depuis l’attribution de ce droit de vote aux étrangers communautaires, le taux d’inscription sur les listes électorales complémentaires demeure faible au regard de la population potentiellement inscriptible. Alors que les étrangers communautaires de 18 ans et plus étaient au nombre de 1 112 621, d’après le recensement de 2006 (45), seuls 199 468 ressortissants communautaires étaient inscrits sur les listes électorales complémentaires pour les élections municipales à la même date (46).

Même en appliquant un coefficient d’inscription des étrangers non communautaires de 18 ans et plus de l’ordre de 25 %, le corps électoral ne serait augmenté que d’un peu moins de 460 000 électeurs. Les étrangers non communautaires de 18 ans et plus représentent en effet moins de 2 % de la population totale en âge de voter dans 47 départements, entre 2 % et 5 % de cette population dans 43 départements et plus de 5 % de cette population dans seulement 10 départements.

La Commission rejette l’amendement CL1 de la rapporteure.

Puis elle rejette l’article 1er.

Article 2

(article 88-3 de la Constitution)


Coordination

Lors de la révision constitutionnelle de juin 1992 qui a introduit un article 88-3 dans la Constitution, relatif au droit de vote et d’éligibilité des ressortissants des États membres de l’Union européenne, le Sénat avait souhaité préciser que « seuls » les citoyens de l’Union résidant en France pouvaient se voir accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales.

Dès lors qu’est introduit dans la Constitution un nouvel article qui ouvre ces droits à d’autres étrangers, il est nécessaire de supprimer, par coordination, cette mention restrictive.

La Commission rejette l’amendement CL2 de la rapporteure.

Puis elle rejette l’article 2.

Elle rejette l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle.

*

* *

En conséquence, la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France (n° 2223).

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte en vigueur

___

Texte de la proposition de loi constitutionnelle

___

 

Proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France

 

Article 1er

 

Après l’article 72-4 de la Constitution, il est inséré un article 72-5 ainsi rédigé :

 

« Art. 72-5. – Le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France. Ils ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. »

Constitution du 4 octobre 1958

Article 2

Art. 88-3. – Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l’Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d’application du présent article.

Dans la première phrase de l’article 88-3 de la Constitution, le mot : « seuls » est supprimé.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CL1 présenté par Mme Sandrine Mazetier, rapporteure :

Article 1er

Supprimer la deuxième phrase de l’alinéa 2.

Amendement CL2 présenté par Mme Sandrine Mazetier, rapporteure :

Article 2

Rédiger ainsi cet article :

« L’article 88-3 est ainsi modifié :

« 1° Dans la première phrase, le mot : "seuls" est supprimé ;

« 2° La deuxième phrase est supprimée. »

PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE

M. Henri Rey, directeur de recherche au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF)

Mme Sophie Wahnich, chercheuse au Laboratoire d’anthropologie des institutions et des organisations sociales de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS)

M. Guy Carcassonne, professeur de droit public à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense

M. Jean-Daniel Lévy, directeur du département opinions politiques de l’institut de sondages CSA

M. François Pupponi, vice-président de l’association Ville et banlieue (47)

N.B. Votre rapporteure souhaite signaler que les autres associations de maires qui ont été sollicitées (AMF, AMRF, APVF, FMVM, AGVF) n’ont pas répondu positivement à ces demandes d’audition. L’AMRF a toutefois fait parvenir un courrier, joint en annexe, qui apporte des éléments de réponse. Votre rapporteure regrette qu’en raison de l’indisponibilité du directeur de l’INSEE compétent durant les délais impartis à la rédaction du rapport, des données démographiques affinées ne puissent être présentées dans le rapport.

ANNEXES

RÉPONSE COMMUNIQUÉE PAR L’ASSOCIATION DES MAIRES RURAUX DE FRANCE

Madame,

Vous avez bien voulu inviter l’AMRF à faire part de son point de vue sur la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France.

Je vous en remercie et je vous demande de bien vouloir excuser notre absence lors de la table-ronde qui se tiendra le 25 février prochain.

Faute de temps, l’AMRF n’a pas été en mesure d’organiser un véritable débat interne en vue de définir une position officielle sur cette question. J’ai toutefois tenu à ce que des points de vue individuels de maires ruraux nous soient communiqués afin de vous apporter quelques éléments d’information restant bien entendu très parcellaires.

Les réponses que nous avons pu obtenir me semblent bien refléter le large éventail des positions sur un sujet qui à l’évidence divise les maires ruraux. Les tendances observées varient de la manière suivante :

1 - Le rejet de la proposition :

Celui-ci repose sur plusieurs  arguments ainsi développés :

            . Les collectivités locales, en tous cas les communes, ne sont pas seulement des entités administratives et gestionnaires regroupant des usagers, mais des unités politiques rassemblant des citoyens. En France, le droit de vote local et le droit de vote national ne peuvent être dissociés. Cette réalité, qui n’est pas celle des autres pays européens, est le produit d’une histoire collective que l’on ne saurait négliger sous peine de graves déconvenues.

            . Accorder ce droit, c’est apporter un renfort supplémentaire à la grande offensive libérale de disqualification du politique et renforcer la confusion entre citoyen et consommateur de services.

            . C’est mettre fin au modèle républicain français d’intégration régi par l’équation : droit de vote = citoyenneté = nationalité française. S’il ne donne pas tous les résultats souhaitables, contrairement aux apparences médiatiques, il fonctionne toujours avec au moins autant d’efficacité qu’autrefois et que les modèles étrangers, qui par ailleurs renvoient à une conception de la nationalité différente de la nôtre et plus restrictive.

En tout état de cause, ce n’est pas par une loi, en tous cas de ce type, qu’on répondra aux dysfonctionnements concrets de l’intégration, mais par des moyens et des dispositions pratiques, appliquées avec persévérance au quotidien. On tombe, une fois de plus dans le même travers : changer la loi plutôt que de se donner le temps et les moyens d’appliquer correctement celle qui existe.

 

            . C’est, pour l’Etat une occasion supplémentaire de se défausser de ses responsabilités sur les collectivités locales, sur le mode : « Vous n’êtes pas satisfaits ? Allez voir vos élus ».

Dans la réalité les effets d’un tel bouleversement législatif seront négatifs pour les étrangers eux mêmes et politiquement sources, pour les élus locaux, de difficultés supplémentaires : perte de repère symbolique pour les nationaux et risque de dérives communautaristes ou clientélistes. Loin de faciliter l’accueil des nouveaux résidents, il le freinera encore un peu plus.

2 - L’acceptation sans réserve :

Celle-ci repose avant tout sur des arguments plus concrets insistant sur la nécessité de permettre à des individus de s’impliquer et de s’investir dans la vie politique locale du pays dans lequel ils vivent et participent à la vie économique et sociale.

3 - Un avis favorable sous condition de réciprocité :

Il s’agit là d’accorder le droit de vote et d’éligibilité aux ressortissants étrangers non ressortissants de l’Union européenne aux élections locales en France si les ressortissants français résidant dans le pays concerné ont eux aussi ce droit.

Vous souhaitant bonne réception de la présente.

Je vous prie d’agréer, Madame, mes salutations distinguées.

Association des Maires Ruraux de France

Vanik BERBERIAN

Président national

SONDAGE DE L’INSTITUT CSA

© Assemblée nationale

1 () Voir le compte rendu des séances publiques des 2 et 3 mai 2000 (J.O. Débats, Assemblée nationale).

2 () Voir particulièrement le compte rendu de la 2ème séance publique du 22 mai 2008 (J.O. Débats, Assemblée nationale) ainsi que le compte rendu de la séance publique du 18 juin 2008 (J.O. Débats, Sénat).

3 () M. Bernard Roman, Rapport au nom de la commission des Lois sur la proposition de loi constitutionnelle de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 379, 19 novembre 2002

4 () Voir Le droit de vote des étrangers aux élections locales, documents de travail du Sénat, décembre 2005.

5 () Le Luxembourg a retenu une condition de 5 ans de résidence. Les directives communautaires autorisent aussi l’application de cette dérogation à un nombre limité de communes du royaume de Belgique.

6 () Recommandation 1500 (2001) sur la participation des immigrés et des résidents étrangers à la vie politique dans les Etats membres du Conseil de l’Europe.

7 () Résolution A5-0223/2001 du 5 juillet 2001 du Parlement européen ; résolution A5-0451/2002 du 15 janvier 2003 du Parlement européen et résolution A5-0281/2003 du 4 septembre 2003 du Parlement européen.

8 () Quatrième rapport sur la citoyenneté de l’Union (1er mai 2001-30 avril 2004), Commission européenne, 26 novembre 2004.

9 () Conseil Justice et Affaires intérieures du 19 novembre 2004.

10 () Sous la Restauration, une ordonnance du 4 juin 1814 interdit l’éligibilité à la Chambre des députés, sauf à ce que l’étranger obtienne des lettres de naturalisation vérifiées par les deux chambres. La Constitution de la IIe République prévoit que « le président doit être né français », et une loi de décembre 1849 prévoit un système de grande naturalisation semblable à celui de l’ordonnance de 1814.

11 () Décision n° 81-130 DC du 30 octobre 1981, Loi portant abrogation de la loi n° 80-564 du 21 juillet 1980 modifiant les articles 13, 14 et 15 de la loi d'orientation de l'enseignement supérieur du 12 novembre 1968 et portant modification des articles 14 et 15 de ladite loi, considérant 8.

12 () Ainsi, pour ne citer qu’un exemple récent, le conseil de Paris a créé l’Assemblée des citoyens parisiens extra-communautaires, par une décision du 9 février 2010. Cette Assemblée, qui remplace le Conseil de la citoyenneté des parisiens non communautaires, créé en novembre 2001, doit être composée de 106 membres qui seront désignés par les conseils locaux de parisiens extra-communautaires créés au sein de chaque arrondissement (et tirés au sort dans les arrondissements n’ayant pas créé de tels conseils locaux).

13 () Le référendum local associant les étrangers organisé par la commune de Saint-Denis le 26 mars 2006 a toutefois fait l’objet d’une annulation par la juridiction administrative.

14 () Voir M. Christian Le Bart, Les Maires, sociologie d’un rôle.

15 () Voir le baromètre de la confiance politique, TNS Sofres, décembre 2009.

16 () in Mme Liane Mozère, MM. Michel Peraldi et Henri Rey, Intelligence des banlieues.

17 () Les données relatives à la population étrangère correspondent à la population âgée de plus de 18 ans au recensement pour 2006. Celles relatives à l’abstention correspondent aux dernières élections municipales, de mars 2008.

18 () Voir M. Hervé Benetreau et Mme Isabelle Tourtin, « Les Corses aiment élire leur maire », Quant’île, février 2009, n° 6.

19 () M. Jean-Louis Pan Ké Shon, « Déterminants de non-inscription électorale et quartiers sensibles », in Population, 2004, n° 1, pages 147-160.

20 () in Mme Liane Mozère, MM. Michel Peraldi et Henri Rey, Intelligence des banlieues.

21 () Mme Catherine Wihtol de Wenden, « Vers une dissociation entre citoyenneté et nationalité », Territoires, n° hors série, mars 2000.

22 () Les vœux du 3 janvier 2007 du Président du Conseil constitutionnel, M. Pierre Mazeaud, au Président de la République, qui abordent la question de la citoyenneté, résument cette vision des choses : « Si un étranger a de profondes attaches avec la France et souhaite participer pleinement à la vie de la Cité, plutôt que d’accéder à un simple strapontin aux élections locales, il faut lui ouvrir la seule voie digne de ses aspirations : la voie royale de la naturalisation. La citoyenneté ne se transmet pas en pièces détachées. »

23 () Loi n° 83-1046 du 8 décembre 1983 modifiant le code de la nationalité française et le code électoral et supprimant les incapacités temporaires frappant les personnes ayant acquis la nationalité française.

24 () Ces six votes ont eu lieu le 20 mai 1919, le 7 avril 1925, le 12 juillet 1927, le 31 mars 1932, le 1er mars 1935 et le 30 juillet 1936.

25 () Voir le Rapport annuel 2008 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, page 246.

26 () CSA / la lettre de la citoyenneté 2005

27 () Rapport annuel de la CNCDH, racisme et xénophobie, 2008

28 () Cette disposition figure désormais, en vertu du traité de Lisbonne, au 2. de l’article 20 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui stipule que « les citoyens de l’Union […] ont entre autres : […] le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen ainsi qu’aux élections municipales dans l’Etat membre où ils résident, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat »

29 () Voir les considérants 21 à 27 de la décision n° 92-308 DC du 9 avril 1992 sur le Traité sur l’Union européenne, et tout particulièrement le considérant 26.

30 () Loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992 ajoutant à la Constitution un titre « Des Communautés européennes et de l’Union européenne »

31 () M. Bruno Genevois, « Le droit de vote des citoyens de l’Union européenne aux élections municipales : un contrôle à quadruple détente ? », in Revue française de droit administratif, juillet-août 1998, pages 671 à 685.

32 () Loi organique n° 98-404 du 25 mai 1998 déterminant les conditions d’application de l’article 88-3 de la Constitution relatif à l’exercice par les citoyens de l’Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994.

33 () Voir Cinquième rapport sur la citoyenneté de l’Union (1er mai 2004-30 juin 2007), Commission européenne, 15 février 2008.

34 () Voir les considérants 28 à 35 de la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 1992 précitée.

35 () Loi n° 94-104 du 5 février 1994 relative à l’exercice par les citoyens de l’Union européenne résidant en France du droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen

36 () Mme Danielle Lochak, « Elections locales et données constitutionnelles », in Accueillir, n° 241, pages 7 et 8.

37 () MM. Louis Favoreu (†) et Loïc Philip, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel.

38 () M. Michel Verpeaux, « La souveraineté nationale et les élections locales », Les Petites Affiches, 28 août 1996.

39 () Conseil constitutionnel, décision n° 82-146 DC du 18 novembre 1982, notamment considérant 7.

40 () Voir Proposition de loi constitutionnelle adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résident en France, Assemblée nationale, XIe législature, texte adopté n° 505, 3 mai 2000.

41 () Voir Proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résident en France, Assemblée nationale, XIIe législature, n° 341, 5 novembre 2005.

42 () Rapport n° 379 (Assemblée nationale, XIIe législature) précité, page 17.

43 () Idem, ibidem.

44 () M. Gérard Gouzes, Rapport au nom de la commission des Lois sur le projet de loi constitutionnelle ajoutant à la Constitution un titre « Des Communautés européennes et de l’Union européenne », Assemblée nationale, IXe législature, n° 2676, page 75.

45 () Données transmises par l’INSEE et correspondant à la métropole et aux départements d’outre-mer.

46 () Données transmises par la direction générale des collectivités territoriales du ministère de l’Intérieur.

47 () Le Bureau de cette association comprend MM. Claude Dilain, Pierre Cardo, Damien Careme, Maurice Charrier, Dominique Gillot, Jean-Luc Laurent, Jean-Yves Le Bouillonnec, Gilles Leproust, François Pupponi, Rodolphe Thomas, Renaud Gauquelin et Jean Touzeau.