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N° 2505

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 mai 2010.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT
APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,

relatif à l’action extérieure de l’État,

PAR M. Gilles d’Ettore,

Député.

——

Voir les numéros :

Sénat : 582 rect. (2008-2009), 262, 237, 263 et T.A. 73 (2009-2010).

Assemblée nationale : 2339.

INTRODUCTION 5

I.- AMÉLIORER LA LISIBILITÉ DE LA DIPLOMATIE D’INFLUENCE DE LA FRANCE 7

A. METTRE EN PLACE UN CADRE JURIDIQUE PROPRE AUX ORGANISMES INTERVENANT À L’ÉTRANGER 7

1. Un champ d’intervention très large 8

2. Une influence au niveau international 8

3. Une tutelle exercée par « l’État » 8

4. Un rôle de direction reconnu aux ambassadeurs 9

5. Un conseil d’administration volontairement resserré 9

6. La mise à disposition gratuite de fonctionnaires par l’État 10

B. CRÉER DEUX OPÉRATEURS MODERNES ET EFFICACES 10

1. L’agence française pour l’expertise et la mobilité internationales 10

a) L’importance stratégique de l’expertise et de la mobilité internationales 10

b) Un dispositif éclaté 11

c) L’agence française pour l’expertise et la mobilité internationales (AFEMI) : un effort pour développer les synergies entre opérateurs et rationaliser les moyens de gestion 14

2. L’agence française pour l’action culturelle extérieure 14

a) Un outil nouveau disposant d’un cadre juridique adapté à des missions élargies 15

b) Un outil conférant une forte identité à notre politique culturelle extérieure 16

C. CLARIFIER LES CONDITIONS DU PILOTAGE STRATÉGIQUE 18

II.- GARANTIR AUX OPÉRATEURS UN FINANCEMENT PÉRENNE ET DÉVELOPPER LA FORMATION DES PERSONNELS 19

A. MAINTENIR DES SUBVENTIONS POUR CHARGES DE SERVICE PUBLIC 19

B. PROFESSIONNALISER LE RÉSEAU CULTUREL 21

TRAVAUX DE LA COMMISSION 25

I.- TABLES RONDES DU 20 JANVIER 2010 25

II.- AUDITION DU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET EUROPÉENNES 59

III.- DISCUSSION GÉNÉRALE 83

IV.- EXAMEN DES ARTICLES 85

TITRE IER  : DISPOSITIONS RELATIVES AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS CONTRIBUANT À L’ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT 85

CHAPITRE Ier DISPOSITIONS GÉNÉRALES 85

Article 1er : Création d’une nouvelle catégorie d’établissements publics contribuant à l’action extérieure de l’État 85

Article 2 : Composition du conseil d’administration des établissements publics contribuant à l’action extérieure de l’État 90

Article 3 Détermination des ressources des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France 93

Article 4 Détachement ou mise à disposition gratuite de fonctionnaires auprès des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France 95

Article 4 bis Présentation d’un rapport annuel devant l’Assemblée des Français de l’étranger 96

CHAPITRE II L’AGENCE FRANÇAISE POUR L’EXPERTISE ET LA MOBILITÉ INTERNATIONALES 96

Article 5 : Création d’un établissement public pour l’expertise et la mobilité internationales 96

Article 5 bis : Création d’instances consultatives placées auprès de l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationale 103

Article 5 ter : Rapport au Parlement sur le transfert éventuel à un opérateur unique de la gestion des bourses destinées aux étudiants étrangers 104

CHAPITRE III L’INSTITUT FRANÇAIS 106

Article 6 Création d’un établissement public chargé de l’action culturelle extérieure 110

Article 6 bis : Création d’un conseil d’orientation stratégique sur l’action culturelle extérieure 118

Article 6 ter : Remise au Parlement d’un rapport sur la diplomatie d’influence et les modalités du rattachement du réseau culturel à l’étranger 119

TITRE IV DISPOSITIONS RELATIVES AUX OPÉRATIONS DE SECOURS À L’ÉTRANGER 122

Article 13 Possibilité pour l’État d’obtenir le remboursement des frais engagés à l’occasion des opérations de secours à l’étranger 122

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 127

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 131

INTRODUCTION

La commission des affaires culturelles et de l’éducation a décidé de se saisir pour avis du projet de loi n° 2339 relatif à l’action extérieure de l’État, adopté par le Sénat le 22 février 2010, dont l’objectif est de rénover les moyens permettant à la France de développer sa présence et son influence à l’étranger, tout particulièrement dans le domaine de la culture qui constitue un élément fondamental de l’image de notre pays dans le monde.

Ce texte constitue le second volet de la réforme du ministère des affaires étrangères et européennes, engagée depuis août 2008 et dont la réorganisation de l’administration centrale a constitué la première étape, marquée par la création d’une direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, en charge des enjeux globaux.

Il s’inspire des recommandations issues de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et des nombreux travaux menés depuis une dizaine d’années (1) qui établissent le même constat : notre diplomatie culturelle traverse une crise due à un manque de lisibilité, à une gestion inadaptée de ses ressources humaines, ainsi qu’à la baisse régulière de ses crédits.

Le texte, que le Sénat a sensiblement enrichi, tend à remédier à ces faiblesses en mettant en place un dispositif cohérent articulé autour de deux opérateurs nationaux, une politique de formation des agents ainsi que des financements pérennes.

Comme son homologue au Sénat, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a choisi de se consacrer pour l’essentiel aux dispositions relatives aux nouveaux opérateurs, la commission des affaires étrangères étant saisie au fond de l’ensemble du projet de loi. Elle avait au préalable organisé des tables rondes permettant de recueillir les observations de l’ensemble des acteurs de la politique culturelle de la France à l’étranger.

Le rapporteur pour avis approuve la plupart des modifications apportées par le Sénat, mais a souhaité néanmoins clarifier certaines dispositions du projet de loi. Aussi, à son initiative, la commission a adopté plusieurs amendements concernant notamment la nouvelle catégorie d’établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France, la tutelle de l’agence française pour l’expertise et la mobilité internationales, ainsi que la représentation des établissements d’enseignement supérieur au sein du conseil d’administration de cette dernière.

I.- AMÉLIORER LA LISIBILITÉ DE LA DIPLOMATIE D’INFLUENCE DE LA FRANCE

Fondé sur la diversité et l’universalité, héritées de l’histoire, le dispositif culturel français qui s’appuie sur un double réseau public et associatif, original et adaptable, semble pourtant dénué de projet global et cohérent.

Il comprend d’une part les services de coopération et d’action culturelle dépendant des ambassades et répartis dans 161 pays, 135 établissements culturels et 27 centres de recherche dotés de l’autonomie financière – dont le nombre fluctue au gré des nombreuses fusions et restructurations –, et d’autre part le réseau des 1 000 Alliances françaises, soutenues pour près de la moitié d’entre elles par le ministère des affaires étrangères et européennes.

Cet ensemble foisonnant ne cesse d’évoluer au plan géographique, en fonction des priorités stratégiques, ainsi qu’au plan des structures de financement – du fait des contraintes budgétaires actuelles, plus de 50 % des centres et instituts et 70 % des Alliances françaises s’autofinancent –, tandis que le développement du numérique le conduit à adapter ses équipements et ses méthodes.

Participent également au dispositif des organismes aux statuts divers, dont six grands opérateurs auxquels l’État a progressivement délégué certaines compétences d’exécution, sans toutefois assurer une coordination suffisante de leurs actions : l’association CulturesFrance, chargée de la coopération culturelle ; le groupement d’intérêt public (GIP) CampusFrance, l’association EGIDE, et le GIP France Coopération Internationale (FCI), chargés de la mobilité universitaire et de l’expertise internationale ; l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE, établissement public administratif) ; et la société holding « Audiovisuel extérieur de la France ».

Aussi était-il nécessaire d’améliorer la lisibilité de notre diplomatie d’influence. Le projet de loi y pourvoit en mettant en place un cadre juridique propre aux organismes opérant à l’étranger, en regroupant en deux agences les principaux opérateurs intervenant dans le domaine de l’expertise et la mobilité internationales et dans celui de l’action culturelle extérieure et en clarifiant le pilotage stratégique de l’action culturelle extérieure de la France.

A. METTRE EN PLACE UN CADRE JURIDIQUE PROPRE AUX ORGANISMES INTERVENANT À L’ÉTRANGER

Le titre Ier du projet de loi crée une nouvelle catégorie d’établissements publics « contribuant à l’action extérieure de la France », dont les règles constitutives et les moyens figurent dans les articles 1er à 4 (chapitre Ier).

La forme de l’établissement public a semblé la plus adaptée, car elle confère aux organismes intervenant à l’étranger une autonomie administrative et financière, tout en permettant à l’autorité de tutelle d’exercer sur eux un contrôle étroit, et par conséquent d’assurer un pilotage stratégique de leur action. Au demeurant, comme le rappelle l’étude d’impact annexée au projet de loi, la formule a déjà fait ses preuves dans le domaine de la coopération internationale si l’on se réfère au cas de l’Agence française de développement (AFD) ou à celui de l’Agence pour l’enseignement français à l’Étranger (AEFE).

La création d’une nouvelle catégorie permet de préciser les caractéristiques communes aux établissements publics qui la composent, caractéristiques qui sont de nature à favoriser l’efficacité de ces derniers et à garantir l’unité de l’action de l’État à l’étranger.

1. Un champ d’intervention très large

Leur mission, qui est de « mettre en œuvre à l’étranger des actions culturelles, de coopération et de partenariat », couvre un champ d’intervention très large, permettant d’inclure dans la nouvelle catégorie les établissements existants (Agence pour l’enseignement français à l’étranger, UbiFrance…) ainsi que les deux futurs opérateurs créés par le texte. Le Sénat a toutefois souhaité indiquer que la première spécialité de ces établissements serait de « promouvoir la présence et l’influence de la France à l’étranger ».

2. Une influence au niveau international

Au titre de ces missions, les établissements pourront détacher des agents publics auprès « d’instituts indépendants de recherche » étrangers, en l’espèce des cercles de réflexion (« think tanks »), ce qui leur permettra de garantir la représentation de la France dans le débat d’idées au niveau international. Cette disposition est à rapprocher de celle prévue à l’article 8 du projet de loi qui autorise l’État à déroger au droit commun de la fonction publique en détachant gratuitement des agents auprès d’organismes de recherche étrangers.

3. Une tutelle exercée par « l’État »

Les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France sont des opérateurs nationaux dont la tutelle ministérielle, unique ou plurielle, sera déterminée au cas par cas. Ils sont par ailleurs créés par un décret en Conseil d’État qui précise leurs missions et leurs modalités d’organisation et de fonctionnement ; il convient à cet égard de souligner que le texte ne spécifie pas le caractère – administratif ou industriel et commercial – de la nouvelle catégorie d’établissements publics, laissant le cas échéant au pouvoir réglementaire le soin de fixer, en fonction des circonstances, le statut du personnel ainsi que le mode de comptabilité, publique ou privée.

4. Un rôle de direction reconnu aux ambassadeurs

L’action des établissements publics à l’étranger est placée sous l’autorité du chef de la mission diplomatique ; comme l’indiquait M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes lors de l’examen du texte en séance publique au Sénat : « le point central de la nouvelle catégorie d’opérateurs est en effet celui-ci : leurs relais à l’étranger seront placés sous l’autorité de l’ambassadeur ». Ce rôle de direction reconnu aux ambassadeurs est « primordial pour conserver l’unité et la lisibilité d’action dont la France a besoin vis-à-vis de ses partenaires … et également pour donner aux opérateurs, avec le statut diplomatique, la protection dont ils ont besoin dans tous les domaines » (2). Par ailleurs, alors que dans sa rédaction initiale, le texte prévoyait que les établissements feraient appel aux postes diplomatiques pour accomplir leur mission à l’étranger, le Sénat a souhaité qu’à l’image d’UBIFrance ou de l’Agence française de développement (AFD), ils puissent disposer de bureaux qui feront partie des postes.

5. Un conseil d’administration volontairement resserré

Le conseil d’administration étant une instance de décision pour ce qui concerne, en particulier, les priorités stratégiques, son effectif ne doit pas être pléthorique.

Il comprendra des parlementaires, des représentants de l’État, des personnalités qualifiées désignées par l’État ainsi que des représentants élus du personnel dont le nombre sera fixé par décret, mais qui pourra être inférieur au tiers de l’effectif du conseil d’administration, les établissements publics contribuant à l’action extérieure de l’État n’étant pas soumis aux dispositions du chapitre Ier du titre II de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public (article 2 alinéa 8).

Resserré, le conseil d’administration devra néanmoins être représentatif. Afin de favoriser l’expression de la diversité politique, le Sénat a porté de un à deux le nombre de représentants de chaque assemblée, et précisé qu’ils seraient désignés par les commissions compétentes. Outre le ministère des Affaires étrangères et européennes, les ministères concernés par le domaine d’activité de l’établissement seront représentés, ce qui garantira la cohérence des actions menées.

À la demande des sénateurs, le ministre des affaires étrangères et européennes s’est en outre engagé à ce qu’un membre de l’assemblée des Français de l’étranger siège parmi les personnalités qualifiées. Enfin, les organismes partenaires, comme les Alliances françaises et les collectivités territoriales, qui apportent leur concours aux établissements publics feront partie de leur conseil d’administration, ce qui confirme l’importance de la coopération décentralisée et la nécessité d’impliquer davantage les collectivités locales dans la définition de la stratégie culturelle à l’étranger.

Au total, le conseil d’administration devrait donc compter environ vingt-cinq membres (3).

6. La mise à disposition gratuite de fonctionnaires par l’État

La mise à disposition gratuite de fonctionnaires par l’État, prévue à l’article 4, constitue un volet de l’aide que pourront recevoir les établissements de leur administration de tutelle pour faciliter leur mise en place. Toutefois, afin de ne pas fausser les règles de la concurrence, cet appui ne saurait être que provisoire, et le détachement ou la mise à disposition de fonctionnaires s’effectueront à titre onéreux lorsque les opérateurs, une fois parvenus à l’équilibre financier, seront en mesure d’assumer la gestion de leur personnel.

Ainsi, au-delà des deux ans suivant leur création, les établissements ne seront exonérés de l’obligation de rembourser l’État que si le détachement ou la mise à disposition de fonctionnaires sont effectués dans le cadre de missions de courte durée.

B. CRÉER DEUX OPÉRATEURS MODERNES ET EFFICACES

Le chapitre II du projet de loi (articles 5 à 5 ter) crée un établissement public chargé de l’expertise et de la mobilité internationales ; le chapitre III (articles 6 à 6 ter) institue un établissement public pour l’action culturelle extérieure.

1. L’agence française pour l’expertise et la mobilité internationales

La mise en place d’un opérateur unique a pour objectif de renforcer la cohérence de la politique menée dans ces deux secteurs très concurrentiels en mutualisant les moyens auparavant dévolus à des entités séparées.

a) L’importance stratégique de l’expertise et de la mobilité internationales

Alors que la demande mondiale d’expertise explose, puisqu’elle doit au moins tripler au cours des dix prochaines années, et que l’expertise internationale est devenue un marché très disputé, la France n’a pas de politique suffisamment affirmée dans ce domaine qui reste dispersé entre une quarantaine d’opérateurs publics rattachés aux différents ministères et autant d’opérateurs privés.

Or les défis à relever sont nombreux, principalement dans le secteur économique, l’expertise constituant, avec ses marchés de plusieurs centaines de milliards d’euros, un réservoir de ressources pour le commerce extérieur et les emplois ; mais aussi en matière politique, l’expertise permettant de participer à l’élaboration de normes techniques, juridiques et de bonnes pratiques et de peser ainsi sur les questions globales et la gouvernance mondiale (4).

L’accueil d’étudiants et de scientifiques étrangers, constitue quant à lui un enjeu majeur pour tous les pays, d’autant que la mobilité étudiante participe de la politique d’influence et que l’enseignement supérieur est désormais un marché mondial, objet de négociations au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dans le cadre de la « Réglementation de la fourniture transfrontière des services d’éducation supérieure ».

On compte environ 2,5 millions d’étudiants en mobilité dans le monde : 500 000 aux États-Unis, 350 000 en Grande-Bretagne, 235 000 en France, un peu moins en Allemagne et un peu plus en Australie, nouveau venu dans la course.

La France se situe donc au quatrième rang mondial, principalement grâce au bon niveau et au coût modéré de son enseignement supérieur. Les faiblesses de son dispositif résident dans la qualité de l’accueil et du suivi des étudiants étrangers, notamment en matière de logement, et dans l’absence de « guichet unique ».

b) Un dispositif éclaté

À l’heure actuelle, l’expertise et la mobilité universitaire, scientifique et technique sont assurées par trois organismes principaux dotés de statuts très différents et qui n’ont pas forcément atteint une taille critique : « une association, EGIDE, est chargée de gérer les bourses, invitation et missions du gouvernement français ; un groupement d’intérêt public, France Coopération Internationale, a pour mission de gérer la mobilité de nos experts ; un autre groupement d’intérêt public, CampusFrance a été créé pour s’occuper de la promotion à l’étranger des études supérieures françaises, de l’accueil et de l’orientation des étudiants étrangers désireux de poursuivre des études dans notre pays » (5).

EGIDE

Le Centre français pour l’accueil et les échanges internationaux (EGIDE) est l’opérateur du ministère des affaires étrangères chargé de gérer la mobilité internationale.

Directement ou en tant que mandataire, il organise et gère des programmes de mobilité d’étudiants et de chercheurs étrangers boursiers financés par le ministère, prend en charge les invités français et étrangers des pouvoirs publics ainsi que ceux des entreprises et organismes privés, les experts effectuant des missions à l’étranger pour le compte de personnes publiques ou privées, et assure l’organisation matérielle de conférences et événements, en France et à l’étranger (25 conférences internationales organisées par EGIDE en 2008 lors de la Présidence Française de l’UE).

Association régie par la loi du 1er juillet 1901, placée sous la tutelle du ministère des affaires étrangères et européennes, EGIDE gère ainsi l’accueil et le séjour d’un flux annuel d’environ 35 000 personnes aux profils très divers (18 000 étudiants et des chercheurs étrangers en mobilité entrante ; 5 000 personnalités étrangères invitées en France ; 7 000 experts français partant en mission de courte durée à l’étranger).

Outre un siège à Paris, il dispose de relais auprès des académies accueillant de nombreux étudiants étrangers grâce à cinq délégations régionales (6) et des bureaux dans vingt-et-une autres villes. Ses effectifs sont évalués à 210 agents.

À la suite du contrôle qu’elle avait effectué sur l’association en 2002-2003, la Cour des Comptes avait exprimé des réserves sur l’adéquation entre le statut associatif d’EGIDE et ses missions. Elle avait également souligné le contrôle insuffisant de l’autorité de tutelle, ainsi que la méconnaissance du coût réel des prestations et préconisé le « passage à un statut d’EPIC avec agent comptable », les activités d’EGIDE devant « demeurer dans un cadre de gestion publique qui permette à la fois une indépendance de gestion, une transparence de l’utilisation des fonds publics et un contrôle précis des dépenses. »

France Coopération Internationale

Le GIP France Coopération Internationale a été créé en avril 2002 à l’initiative du ministère des affaires étrangères et du ministère de la fonction publique pour coordonner et promouvoir l’expertise technique française à l’international. Agissant en concertation avec les opérateurs publics et privés nationaux et en relation avec des homologues européens, il a notamment pour missions :

– de mobiliser l’expertise publique française pour des missions de court, moyen et long terme ;

– d’apporter son soutien aux opérateurs publics et privés nationaux pour développer la présence de l’expertise française sur les marchés internationaux ;

– d’intervenir comme opérateur en réponse à des commandes directes françaises (de la part du ministre des affaires étrangères et européennes et d’autres administrations) ou à des appels d’offres internationaux.

Instance légère – une cinquantaine d’agents (fonctionnaires mis à disposition, fonctionnaires détachés, salariés privés) – FCI dispose de trois organes de concertation : un Haut comité d’orientation interministériel et deux comités de liaison, l’un avec les opérateurs publics, l’autre avec les opérateurs privés. Par ailleurs, sa double tutelle (affaires étrangères et fonction publique) lui permet de s’appuyer sur le réseau diplomatique et de coopération, et sur celui des responsables de la gestion des ressources humaines du secteur public.

Son chiffre d’affaires prévisionnel pour 2009 atteignait 30 millions d’euros provenant en totalité de commandes des bailleurs multilatéraux (Union européenne, États étrangers ou institutions publiques françaises), FCI ne recevant plus de subventions publiques depuis 2007.

La Révision générale des politiques publiques a estimé que les résultats de FCI en matière de promotion de l’expertise française à l’international étaient insatisfaisants, principalement pour deux raisons. D’une part, faute de légitimité interministérielle suffisante, le GIP n’est pas encore parvenu à fédérer l’ensemble de l’offre des administrations publiques en matière d’expertise ; d’ailleurs, lui-même entre parfois en conflit d’intérêt avec les opérateurs publics mis en place par les ministères pour gérer leur offre d’expertise ; aussi, les offres françaises d’expertise parviennent-elles aux bailleurs internationaux de manière non seulement dispersée mais aussi concurrente. D’autre part, FCI n’a pas atteint la masse critique lui permettant de développer un réseau de contacts à l’étranger pour accompagner de manière efficace la prospective commerciale des organismes privés français d’expertise internationale.

CampusFrance

Groupement d’intérêt public (GIP) qui a succédé en 2007 à l’agence EduFrance créée en 1998, CampusFrance a pour missions de promouvoir l’enseignement supérieur français à l’étranger et de contribuer à la mobilité internationale des étudiants, des enseignants, des enseignants-chercheurs ou des chercheurs étrangers. Il offre aux étudiants étrangers des prestations d’information, d’orientation et d’inscription pour suivre des études supérieures en France et concourt à l’amélioration de leurs conditions d’accueil et de séjour.

Placé sous la tutelle conjointe des ministères des affaires étrangères et européennes, de l’enseignement supérieur et de la recherche, et de l’immigration, il compte parmi ses membres l’État, représenté par les ministères de tutelle et par les ministères de l’éducation nationale, de la culture et du commerce extérieur, 229 établissements d’enseignement supérieur publics et privés, EGIDE et le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS).

Sur le territoire national, CampusFrance travaille en partenariat avec tous les établissements d’enseignement supérieur et plus particulièrement avec ses établissements adhérents. À l’étranger, il dispose du relais que constituent les espaces CampusFrance, structures dédiées, au sein des missions diplomatiques, à l’accueil des étudiants étrangers désireux de se rendre en France et à la promotion des formations supérieures françaises. Au 1er janvier 2009, il s’appuyait ainsi sur un réseau de 116 espaces répartis dans 88 pays en Asie, Amérique, Europe, Moyen-Orient et Afrique, et sur 50 sites internet développés en 26 langues.

Pour autant, par rapport à ses concurrents européens – l’Office allemand d’échanges universitaires (DAAD) et le British Council –, CampusFrance n’a pas encore atteint la taille critique : l’ensemble de ses espaces représente près de 250 personnes, hors attachés de coopération culturelle (7) ; il emploie en France une équipe de 35 agents et son budget pour 2009 s’élevait à 6,2 millions d’euros, financés à hauteur de 3,7 millions d’euros par des subventions publiques ; à titre de comparaison, le budget du DAAD était de 304 millions d’euros, dont 60 millions consacrés aux opérations d’internationalisation des établissements d’enseignement supérieur.

c) L’agence française pour l’expertise et la mobilité internationales (AFEMI) : un effort pour développer les synergies entre opérateurs et rationaliser les moyens de gestion

Selon M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, le regroupement des trois opérateurs au sein d’une même structure dépendant du ministère « permettra de mieux asseoir l’autorité de l’État sur cette fonction stratégique qu’est le renforcement de l’attractivité du territoire, tout en mettant en place, pour l’exercice de cette fonction, des modalités de gestion rénovées, modernes et, il faut l’espérer, rationnelles » (8).

Il s’agit donc de mettre en place, sous la tutelle unique du ministère des affaires étrangères et européennes, une chaîne continue et cohérente de la mobilité internationale des étudiants et chercheurs étrangers, allant de l’information sur le système d’enseignement supérieur à l’accueil logistique, en passant par la procédure d’inscription et la gestion des bourses, et d’améliorer qualitativement et quantitativement le placement des experts français hors de nos frontières. Le nouvel opérateur sera doté du statut d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) et constituera le noyau dur d’un réseau d’opérateurs de la coopération internationale, à la fois publics et privés, complémentaires et coordonnés.

L’AFEMI reprendra au moment de sa création les missions de ses trois composantes : CampusFrance, FCI, EGIDE. Toutefois, les trois cœurs de métiers spécifiques aux opérateurs seront préservés –  promotion de l’enseignement supérieur, de l’expertise technique française, gestion des bourses missions, invitations et événements internationaux –, l’organigramme de l’établissement public devant reprendre sous forme de directions sectorielles ces trois grandes fonctions. Les ressources humaines actuellement associées à chaque entité, qui seront transférées à l’EPIC, seront garantes de cette spécificité même si un mélange des cultures et des carrières est souhaitable. Par ailleurs les fonctions support existantes dans les trois structures (achat, intendance, maîtrise d’œuvre informatique, gestion du patrimoine immobilier) seront mutualisées.

2. L’agence française pour l’action culturelle extérieure

Au sein de la nouvelle catégorie des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France, la création d’une agence de services pour la promotion de l’influence française à l’étranger à travers la culture, la langue, les idées et les savoirs constitue l’un des piliers de la réforme de l’action extérieure de l’État (chapitre III, article 6). Elle répond à l’ambition de mettre en place un outil nouveau se substituant à l’association CulturesFrance, disposant d’un cadre juridique adapté à des missions élargies et conférant une forte identité à notre politique culturelle extérieure.

a) Un outil nouveau disposant d’un cadre juridique adapté à des missions élargies

Comme l’a indiqué M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères : « Cet opérateur reprendra les missions de CulturesFrance : il devra promouvoir à l’étranger la création artistique et les industries culturelles françaises, appuyer le développement culturel des pays du sud, favoriser le dialogue culturel international, défendre l’avant-garde, sans pour autant négliger la tradition. » (9)

 Des missions élargies

Le texte initial du projet de loi ne fixant comme objectif à l’établissement public que de « concourir à l’action extérieure de l’État », le Sénat a souhaité préciser les missions de ce dernier et étendre le périmètre d’intervention de l’association CulturesFrance, qui s’articule actuellement autour de trois axes principaux :

– promouvoir la création française contemporaine à l’extérieur des frontières dans le domaine des arts visuels, des arts de la scène, de l’architecture et du patrimoine, y compris depuis le 1er janvier 2009 dans les domaines cinématographique, de l’écrit et de l’ingénierie culturelle ;

– favoriser le dialogue des cultures et l’aide au développement dans le domaine culturel par l’organisation de saisons ou années culturelles en France et à l’étranger, ainsi que par des actions de formation, des échanges avec les cultures du monde et l’accueil des artistes et des auteurs ;

– développer les expertises et engager des collaborations durables avec différents partenaires : réseau culturel et de coopération français à l’étranger, collectivités territoriales, organismes multilatéraux, européens, francophones, secteur privé, grandes institutions françaises et étrangères, créateurs, auteurs et opérateurs des échanges culturels et artistiques.

À ces missions « classiques » recouvrant la promotion de la culture française et de la diversité culturelle, s’ajouteront donc trois nouvelles missions :

– la promotion, la diffusion et l’enseignement à l’étranger de la langue française, vecteurs du rayonnement culturels de notre pays ;

– la promotion et l’accompagnement à l’étranger des idées, des savoirs et de la culture scientifique français, éléments de la diplomatie d’influence ;

– le conseil et la formation professionnels des personnels français et étrangers concourant à ces missions.

 Un cadre juridique adapté

Comme le souligne M. Joseph Kerguéris, rapporteur de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat : « le statut d’établissement public permettra d’offrir un cadre juridique plus clair au nouvel opérateur, de lui conférer une meilleure légitimité auprès des acteurs culturels et de renforcer le rôle de pilotage stratégique de l’État. » Son caractère industriel et commercial lui procurera une certaine souplesse de gestion sur le plan financier et permettra de préserver le statut de droit privé des salariés de l’association CulturesFrance.

La transformation de l’association en établissement public à caractère industriel et commercial répond d’ailleurs aux critiques concernant le fonctionnement et la gestion de CulturesFrance formulées par la Cour des Comptes à la suite de l’audit qu’elle avait mené en 2006 ; la Cour avait notamment estimé que le statut associatif ne permettait pas à CulturesFrance de satisfaire aux objectifs de transparence de gestion et d’optimisation des moyens fixés par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Ce constat avait conduit la commission des finances et la commission des affaires culturelles du Sénat à recommander des changements (10) et une proposition de loi de M. Louis Duvernois transformant l’association en EPIC avait été adoptée à l’unanimité en première lecture par le Sénat le 13 février 2007 (11).

De plus, alors que l’association CulturesFrance était placée sous la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture, la nouvelle agence sera placée sous la tutelle unique du ministère des affaires étrangères et européennes.

b) Un outil conférant une forte identité à notre politique culturelle extérieure

La volonté de mettre en place un dispositif « rassemblé, plus cohérent et plus lisible », selon les mots du ministre des affaires étrangères et européennes, conduisait logiquement à fédérer l’ensemble sous un label unique.

 Un label unique

La dénomination du nouvel opérateur a toutefois suscité de nombreux débats. Alors que le texte initial faisait référence à « l’établissement public pour l’action culturelle extérieure » et que les commissions du Sénat étaient partagées entre les appellations « Institut Victor Hugo » et « Institut français », c’est cette dernière dénomination qui a été finalement été retenue en séance publique. Le rapporteur ne souhaite pas revenir sur ce choix auquel il souscrit pleinement, l’appellation lui semblant, en raison de sa simplicité et de sa lisibilité, répondre au but recherché ; le fait que cette dénomination soit déjà utilisée par un grand nombre de centres culturels français à l’étranger facilitera par ailleurs l’éventuel rattachement du réseau au nouvel opérateur. Il reste néanmoins ouvert aux points de vue divergents qui pourraient s’exprimer sur ce sujet.

 Vers un rattachement du réseau à l’agence

La question des relations entre l’agence et le réseau occupe une place centrale dans le projet de réforme de l’action culturelle extérieure, la totalité des analyses conduites sur notre dispositif culturel extérieur ayant en effet souligné la trop grande distance existant entre CulturesFrance et le réseau.

Or, le réseau culturel, avec les services de coopération et d’action culturelle des ambassades (SCAC) et les centres et instituts culturels qui sont appelés à fusionner au sein d’établissements à autonomie financière (EAF), est en mesure d’offrir à la future agence des relais efficaces pour décliner à l’étranger les orientations définies par la tutelle et pour transmettre à cette dernière les attentes de nos partenaires étrangers.

Comme l’indiquait dans son rapport d’étape M. Dominique Comble de Nayves, ancien ambassadeur chargé par le ministre des affaires étrangères et européennes d’une mission de préfiguration de l’Institut français : « l’agence ne constitue qu’une partie d’un dispositif où le réseau occupe la première place … la recherche d’une articulation efficace de l’agence avec le réseau – où réside l’essentiel des ressources et des atouts de notre diplomatie d’influence – constitue une exigence primordiale. Il s’agit de construire une agence pour le réseau, qui soit à son écoute et qui soit en mesure de lui apporter un service véritable. » (12)

Le rapport conjoint des commissions de la culture et des affaires étrangères du Sénat (13), soulignait également la nécessité d’un rapprochement progressif, « jusqu’au rattachement », des établissements à autonomie financière à la future agence, les EAF devenant des antennes locales de l’agence, sur le modèle du British Council ou du Goethe Institut.

Un tel rattachement, qui renforcerait l’identité de notre politique culturelle extérieure, rencontre toutefois l’opposition des chefs des missions diplomatiques et suppose de lever plusieurs difficultés d’ordre technique, financier et juridique. C’est pourquoi le ministre des affaires étrangères et européennes a proposé en décembre 2009 d’évaluer pendant trois ans la mise en place de la nouvelle agence avant de se prononcer sur la fusion. Le Sénat a souhaité inscrire ce rendez-vous dans le projet de loi, en imposant au gouvernement de présenter un rapport au Parlement examinant notamment les possibilités de rattachement du réseau culturel à l’agence, au vu des expérimentations qui devront être menées pendant les trois ans suivant l’entrée en vigueur de la loi.

C. CLARIFIER LES CONDITIONS DU PILOTAGE STRATÉGIQUE

Le Sénat a souhaité fixer les modalités par lesquelles l’État assure, dans le cadre de sa tutelle, un pilotage stratégique effectif et clairement identifié des établissements.

Se référant à la procédure existant dans le domaine de l’audiovisuel (14), il a adopté un amendement à l’article 1er prévoyant la conclusion d’un contrat d’objectifs et de moyens (COM) entre l’État et les établissements, sur lequel les commissions compétentes des deux assemblées émettront un avis. Le rapporteur juge utile de préciser que c’est « avant leur signature » que ces COM devront être soumis au Parlement, puisqu’il en est ainsi pour les COM conclus entre l’État et les sociétés et établissements de radio et de télévision.

Par ailleurs, la question de la tutelle des deux agences n’étant pas abordée dans le projet de loi initial, le Sénat a adopté le principe d’une tutelle unique, qui sera celle du ministère des affaires étrangères et européennes en raison du domaine de compétence des nouveaux opérateurs, mais aussi parce que ces derniers s’appuieront sur les moyens du réseau diplomatique dont ce ministère a la responsabilité et que les subventions publiques qu’ils recevront proviendront essentiellement de ce ministère.

Toutefois, en contrepartie d’une tutelle unique, est mise en place une concertation interministérielle effective pour définir les priorités de l’action des deux agences. Les modifications apportées par le Sénat au texte initial prévoient ainsi que les orientations données aux missions de l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationale seront arrêtées conjointement avec le ministère chargé de l’enseignement supérieur (article 5) ; avec celui chargé de la culture, s’agissant de celles de l’Institut français (article 6). Par ailleurs, les ministères intéressés seront cosignataires des contrats d’objectifs et de moyens conclus avec les établissements et leurs représentants siégeront au conseil d’administration de chacune des agences.

Le Sénat a également proposé la création de conseils d’orientation stratégique placés auprès de chacune des deux agences (articles 5 bis et 6 bis) ; ces instances consultatives qui comprendront des représentants des ministères concernés et des représentants des collectivités territoriales devraient être dotées de prérogatives substantielles, notamment du pouvoir de s’autosaisir de sujets qui les concernent ou de produire des avis et des recommandations transmis au conseil d’administration des agences.

II.- GARANTIR AUX OPÉRATEURS UN FINANCEMENT PÉRENNE ET DÉVELOPPER LA FORMATION DES PERSONNELS

A. MAINTENIR DES SUBVENTIONS POUR CHARGES DE SERVICE PUBLIC

L’origine des ressources dont pourront bénéficier les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France est déterminée à l’article 3.

L’exposé des motifs du projet de loi initial précise que ces ressources « feront une large place aux produits de l’activité » des opérateurs, ces derniers « agissant souvent, dans le champ de leurs compétences, en tant que prestataires des établissements et organisations partenaires ainsi que de l’État ».

Bien qu’ils aient approuvé l’objectif d’accroître les ressources propres des opérateurs, conforme à la logique de diversification des financements de notre action culturelle extérieure, les rapporteurs des deux commissions du Sénat ont néanmoins souligné que cet accroissement ne devait pas se traduire par une diminution des financements publics et que les ressources propres des opérateurs n’avaient pas vocation à couvrir les charges que ces derniers supportent lorsqu’ils interviennent pour le compte de l’État. En conséquence, un financement public pérenne devait être inscrit au budget des établissements à hauteur du montant de leurs charges de service public. Comme le rappelle M. Louis Duvernois, rapporteur de la commission de la culture : « les subventions pour charge de service public constituent une partie substantielle des ressources des opérateurs de notre diplomatie culturelle... », ce qui paraît « pleinement justifié », dans la mesure où les trois opérateurs « agissent bien souvent à l’étranger pour le compte de l’État et que ce dernier est leur principal client » (15).

Les deux rapporteurs ont donc amendé l’article initial pour placer « les dotations de l’État » en tête des ressources des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France.

S’agissant d’EGIDE, ses ressources, qui s’élevaient en 2009 à 16,8 millions d’euros, proviennent de la tarification à l’acte de ses prestations aux différents ministères – et principalement à celui des affaires étrangères, qui lui confie la gestion de manifestations et de certains programmes de mobilité –, aux établissements publics et aux collectivités locales (pour 15 %), ainsi qu’à des entreprises privées (pour 5 %). Par ailleurs, les crédits que l’association est appelée à gérer en tant que mandataire, soit environ 115 millions d’euros en 2009, sont à 75 % d’origine étatique (en particulier, du ministère des affaires étrangères) (16).

Sur un budget total de 41,1 millions d’euros en 2009, CulturesFrance recevait 27,3 millions d’euros de financements publics (21,9 millions d’euros pour le ministère des affaires étrangères et européennes (17), 2,5 millions d’euros pour le ministère de la culture et de la communication et 5,6 millions d’euros de subvention exceptionnelle). Les ressources propres de l’association, d’un montant de 13,8 millions d’euros, consistent en des financements obtenus auprès des collectivités territoriales (1,1 million d’euros) et des partenaires privés (notamment grâce au mécénat : 9,9 millions d’euros) ; après s’être considérablement accru, en passant de 180 000 euros en 2000 à 7 millions d’euros en 2006 (18), leur volume s’est à présent stabilisé.

Dans la loi de finances pour 2010, les subventions pour charges de service public s’élevaient à 19 millions d’euros, dont 17,1 millions d’euros versés par le ministère des affaires étrangères, et 1,9 million d’euros, par le ministère de la culture.

Le budget de CampusFrance comprend des financements publics d’un montant de 3,7 millions d’euros en 2009, en légère augmentation depuis que le ministère de l’immigration est entré au conseil d’administration du GIP et lui a confié des missions ; la subvention pour charge de service public versée par le ministère des affaires étrangères s’élève à 1,4 million d’euros ; celle versée par le ministère de l’enseignement supérieur, à 1,9 million d’euros. Les ressources propres du GIP, composées des cotisations des 246 adhérents (universités, écoles de commerce, écoles d’ingénieurs …) et de la participation des établissements à des manifestations (salons étudiants et forums institutionnels, notamment), s’élèvent à 1,25 million d’euros ; s’y ajoutent éventuellement les revenus des appels d’offre européens et internationaux concernant l’enseignement supérieur.

Compte tenu de sa vocation – promouvoir l’enseignement supérieur –, CampusFrance est une structure de dépenses, dépendante des subventions publiques, dont le montant, déjà modeste, ne peut diminuer sans mettre en péril l’équilibre financier du GIP. Ce dernier se refuse en effet à accroître ses ressources propres en augmentant le nombre des établissements adhérents au prix d’une politique moins sélective, car cela nuirait à son image de marque et à celle de l’enseignement supérieur français. De plus, en raison de la structure restreinte de l’Agence, l’accroissement du nombre d’adhérents risquerait de nuire à la qualité des prestations proposées.

B. PROFESSIONNALISER LE RÉSEAU CULTUREL

La formation et l’amélioration des perspectives de carrière des agents du réseau culturel français à l’étranger est une question centrale dans la réforme de l’action extérieure de l’État. Comme l’indiquait M. Bernard Kouchner lors de la discussion au Sénat du projet de loi : « Nous avons besoin d’une meilleure politique des ressources humaines. Malgré la très grande qualité de nos agents, nous n’offrons pas des formations suffisantes, ni des parcours de carrière valorisants » (19).

Le réseau culturel français souffre en effet d’un déficit de professionnalisation qui est la conséquence d’une formation initiale et continue insuffisante des agents responsables.

À la différence du Royaume-Uni, où les personnels d’encadrement capitalisent leur expérience professionnelle dans des postes successifs au sein du British Council avant de revenir à leur administration centrale, les personnels français appelés à diriger les centres culturels bénéficient d’une formation limitée à quatre jours, qui, de plus, ne concerne pas spécifiquement la gestion d’un établissement public à autonomie financière. À ce handicap s’ajoutent ceux résultant de la brièveté des missions – en général trois ans d’immersion dans le pays d’accueil – et du nombre limité des mandats, de sorte qu’il faut continuellement former de nouveaux agents afin de remplacer ceux qui doivent quitter le réseau. En outre, les personnels français qui exercent à l’étranger n’ont pas la possibilité de revenir régulièrement en France pour reprendre contact avec le milieu culturel français en assistant à des festivals, à des biennales, à des grandes manifestations. Enfin, la diminution du nombre des postes est imparfaitement compensée par le recrutement local, qui nécessite lui-même des formations.

Ainsi, le réseau français manque d’une sorte de corps d’ingénieurs de l’action culturelle extérieure, comme ceux que possèdent le British Council ou l’institut Goethe, dont les membres savent qu’ils développeront leurs compétences et feront carrière au sein de l’institution (20).

Il est important de rappeler que la formation – initiale et continue – des personnels en poste dans le réseau culturel fera partie des missions de la nouvelle agence pour l’action culturelle. Selon le rapport d’étape de M. Dominique de Combles de Nayves, consacré à la mise en place de l’agence (21) : « la tâche est potentiellement considérable en raison à la fois de la diversité des métiers exercés et du nombre d’emplois concernés ». Le nombre d’agents concernés était en effet estimé en mai 2009 à environ 8 500 personnes, dont 1 200 expatriés « tournant » tous les quatre ans. Il existe néanmoins des moyens et des programmes de formation régulièrement menés par le ministère des affaires étrangères et le ministère de la culture, qui pourraient être transférés à la nouvelle agence ou partagés avec elle.

Le rapport indique, par ailleurs, que dans le cadre de l’enveloppe supplémentaire de 40 millions d’euros inscrite dans la loi de finances pour 2010 et versée par moitié en 2009 et 2010, le ministère des affaires étrangères a décidé de consacrer près de 6 millions d’euros à des actions de formation non-récurrentes destinées au réseau de coopération et d’action culturelle. Mené en partenariat avec les organismes dépendant des autres ministères, et en particulier celui de la culture, ce programme intéresse la formation initiale et la formation permanente de tous les agents, y compris les personnels recrutés locaux. Les actions déjà lancées concernent les cours de français langue étrangère, la direction des établissements culturels, les industries culturelles et le montage de projets culturels ainsi que le réseau des Alliances françaises. La durée varie selon le type de formation ; la formation initiale, destinée aux nouveaux partants, est ainsi de quinze jours (au lieu de quatre jours précédemment), les formations permanentes se déroulant sur moins d’une semaine.

Dans le cadre de cette « rallonge » budgétaire, il est également prévu de confier à CulturesFrance la mise en œuvre de quatre programmes d’un montant de 1,2 million d’euros, auquel s’ajouterait un programme de 0,8 million d’euros dont l’association partagerait la responsabilité avec l’Alliance française ; dans le cas où CulturesFrance ne parviendrait pas à mener à bien l’ensemble de ces programmes en 2010, une partie de ces fonds pourraient être utilisés par l’agence au titre de sa mission de formation, en 2011 voire au-delà.

M. Combles de Nayves observe en outre qu’en termes budgétaires, la pérennité des mesures prévues pour 2009 et 2010 n’est pas assurée, alors que l’agence ne peut remplir une mission de formation des agents du réseau culturel sans disposer dans la durée de moyens correspondants ; il préconise donc d’établir un plan de formation pluri-annuel afin de détailler le montant des crédits à déléguer à l’agence, dont l’enveloppe ne devrait pas être inférieure à 2 millions d’euros. Devant la commission des affaires étrangères et la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, le ministre des affaires étrangères et européennes a néanmoins indiqué le 4 mai 2010 qu’il avait l’accord du Premier ministre pour « poursuivre, et même pour augmenter ce soutien financier ».

En dehors de la question des formations, le rapporteur s’est intéressé à l’amélioration de la continuité des parcours professionnels et à la spécialisation des carrières des agents du réseau culturel. Interrogé à ce sujet, le ministère des affaires étrangères et européennes a indiqué que le changement de statut des agents non-fonctionnaires, qui pourront être employés en contrats à durée indéterminée par l’agence culturelle, devrait leur permettre d’avoir des parcours professionnels plus cohérents, plus continus ; quant aux recrutés locaux des centres culturels, ils devraient profiter du rapprochement fonctionnel avec l’agence, et de l’intégration dans cette agence si celle-ci est décidée : l’agence culturelle extérieure, avec ses relais dans le monde entier, leur ouvrira en effet des perspectives de mobilité et d’évolution beaucoup plus grandes qu’aujourd’hui.

Par ailleurs, le ministère des affaires étrangères et européennes travaille actuellement à la définition d’un métier spécifique, celui de la diplomatie culturelle, auquel pourraient correspondre des voies de formation et de recrutement mieux identifiées ; un groupe de travail examine la possibilité de créer une option « coopération et action culturelle » aux concours du ministère, en concertation avec les établissements d’enseignement supérieur qui pourraient assurer la préparation des candidats.

Le développement des passerelles professionnelles avec d’autres ministères – et notamment celui de la culture et de la communication –, les collectivités territoriales et les opérateurs, est également en chantier afin de favoriser un véritable déroulement de carrière diversifié des agents du réseau, alternant des postes à l’étranger et en France et un retour éventuel dans une administration d’origine, préparé et valorisé. Parallèlement, un effort de valorisation des affectations des agents titulaires du ministère dans le réseau culturel est mené, pour assurer une prise en compte dans leur déroulement de carrière, de l’expérience acquise.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- TABLES RONDES DU 20 JANVIER 2010

La Commission entend Mme Delphine Borione, directrice de la politique culturelle et du français au ministère des Affaires étrangères et européennes, M. Bernard Faivre d’Arcier, consultant culturel, chargé par le ministère des Affaires étrangères et européennes d’étudier la réorganisation et la réforme de la tutelle du réseau culturel français à l’étranger, M. Alain Fohr, sous-directeur de la diversité culturelle et du patrimoine mondial, M. Chris Hickey, directeur du British Council de Paris, M. Jean-Philippe Mochon, chef du service des affaires juridiques et internationales au ministère de la culture et de la communication, et M. Joachim Umlauf, directeur du Goethe Institut de Paris, sur les enjeux et les évolutions de l’action culturelle extérieure au cours de sa séance du 20 janvier 2010.

M. Michel Herbillon, vice-président de la Commission. Notre présidente, retenue par une réunion urgente relative à l’adoption d’enfants d’Haïti, suite aux problèmes que rencontrent aujourd’hui en la matière certains de nos compatriotes, m’a demandé d’ouvrir ce débat en son nom, débat que la Commission des affaires culturelles et de l’éducation a souhaité organiser sur l’action culturelle extérieure, ses enjeux et ses évolutions.

Notre Commission, créée le 1er juillet dernier, est soucieuse de prendre part à la réflexion menée depuis plusieurs années sur l’un des aspects fondamentaux de la diplomatie française, qui se poursuivra par la discussion d’un projet de loi déposé au Sénat le 22 juillet dernier.

Si la Commission des affaires étrangères a vocation à se saisir au fond de ce texte – elle a d’ailleurs constitué, au printemps dernier, une mission d’information sur le rayonnement de la France à travers l’enseignement et la culture – notre Commission est saisie pour avis sur son contenu. C’est donc dans la perspective de l’examen de ce projet de loi, sur lequel le Sénat aura imprimé sa marque, que nous sommes réunis ce matin, dans le cadre de deux tables rondes.

La première consiste à établir un état des lieux de notre dispositif culturel extérieur – ses évolutions, sa pertinence, sa lisibilité, son impact à l’étranger et ses difficultés – au regard des dispositifs mis en place par nos principaux voisins européens, en particulier le Royaume Uni et l’Allemagne.

La seconde sera consacrée aux acteurs de l’action culturelle extérieure, dont certains sont plus particulièrement concernés par la réorganisation de la diplomatie culturelle prévue dans le projet de loi.

Je salue sans plus tarder nos invités en donnant tout d’abord la parole à M. Bernard Faivre d’Arcier.

M. Bernard Faivre d’Arcier, consultant culturel. C’est un peu à titre personnel que j’interviens devant vous en tant qu’ancien professionnel du milieu de la culture, puisque j’ai dirigé pendant une quinzaine d’années le Festival d’Avignon avant d’être directeur d’administration centrale au ministère de la culture. À ce titre, j’ai été chargé par la Direction générale de la coopération internationale et du développement de réaliser une étude comparée sur la situation des réseaux culturels des principaux pays européens – France, Espagne, Royaume Uni et Allemagne –, étude qui s’inscrit dans une réflexion d’ensemble sur l’organisation du ministère des affaires étrangères et de son réseau culturel français à l’étranger.

La comparaison était difficile, voire impossible, car les missions et les champs d’attribution des uns et des autres n’étaient pas les mêmes. Mais elle nous a conduits à nous demander s’il ne fallait pas faire du réseau culturel français une sorte de British Council.

Ces débats sont derrière nous puisque le Parlement est saisi d’un projet de loi portant création de deux établissements publics distincts contribuant à l’action extérieure de la France à l’étranger. Mon rapport est donc devenu obsolète, mais il reste l’absolue nécessité d’instaurer des relations professionnelles entre le réseau culturel français à l’étranger et les acteurs culturels de France – musées, écoles d’art, scènes nationales, théâtres, orchestres – comme le souhaitent vivement les professionnels culturels français, qui l’ont exprimé à l’occasion des entretiens de Valois que le ministère de la culture a conduits en 2008 et 2009.

Une autre préoccupation traduite dans ce rapport tient à la formation. Le Goethe Institut et le British Council sont des organisations puissantes, au sein desquelles les personnels passent l’ensemble de leur vie professionnelle. Les directeurs du British Council sont affectés à différents postes avant de revenir à leur administration centrale. Ils capitalisent ainsi leur expérience. Ce n’est pas le cas en France, où la gestion du personnel est très différente. Dans notre pays, les recrutements sont beaucoup plus erratiques et les formations des personnels français qui partent à l’étranger demeurent on ne peut plus minces – elles ne durent que trois ou quatre jours. Certains ne savent pas comment gérer un établissement public à autonomie financière, d’autres sont peu renseignés sur la situation culturelle du pays qu’ils rejoignent, ni d’ailleurs sur celle de la France elle-même !

Il faut donc consacrer des moyens à la formation professionnelle continue – il semble que ces moyens existent dans le projet de budget pour 2010, à hauteur de 6 millions d’euros – pour permettre aux personnels français qui exercent à l’étranger de se réadapter, notamment en assistant à des festivals, à des biennales, à des grandes manifestations, et de remettre à jour les contacts professionnels dont ils ont besoin pour mieux exercer leur influence à l’étranger.

Le réseau culturel français, l’un des plus vastes du monde, ne cesse d’évoluer : nous fermons les centres là où ils ne sont plus nécessaires, et nous en ouvrons d’autres. Mais il ne servirait à rien d’entretenir un réseau aussi développé si nous privions les personnes sur place de leurs moyens d’action, sauf si leur professionnalisme et leur autorité naturelle leur assurent une influence comparable à celle de leurs homologues britanniques ou allemands.

M. Chris Hickey, directeur du British Council de Paris. C’est un très grand honneur pour moi d’être parmi vous pour évoquer le British Council. Au Royaume Uni, nous définissons les relations culturelles comme un engagement et une confiance réciproque entre personnes de différentes cultures, au moyen d’un échange de connaissances et d’idées. Il ne s’agit pas simplement de promouvoir la culture de notre pays, mais le dialogue entre différentes sociétés civiles.

Le British Council est une entité publique non gouvernementale et une fondation à but non lucratif, qui reçoit ses directions stratégiques d’un conseil réunissant douze administrateurs, ce qui lui assure autonomie et indépendance vis-à-vis du gouvernement.

Le chiffre d’affaires total du British Council s’élevait en 2009 à 645 millions de livres sterling, dont environ un tiers, soit 210 millions de livres sterling, provenait de subventions du gouvernement, par l’intermédiaire du Foreign and Commonwealth Office, et la plus grande part – presque 50 %, soit 315 millions de livres sterling – de nos services éducatifs – cours d’anglais, examens, frais de gestion de la coopération – ; s’y s’ajoutent 120 millions de livres sterling de fonds d’agence, qui permettent de mener des programmes nationaux (bourses Chevening) et européens (tels Socrates).

Notre expertise s’étend dans trois domaines principaux, dans lesquels nous sommes les mieux placés pour répondre, à long terme, aux enjeux internationaux du XXIe siècle et à ceux du Royaume Uni : le dialogue interculturel, la créativité et l’économie du savoir, et le changement climatique.

Nous considérons que la présence de partenariats, au Royaume Uni et à l’étranger, est essentielle, et nous remplissons ainsi notre mission avec des organisations qui représentent l’expertise du Royaume Uni : le Foreign Office – notre ministère des affaires étrangères –, la BBC, le Arts Council (le conseil artistique d’Angleterre), ou encore, dans le domaine du tourisme, l’organisme Visit Britain, avec qui nous travaillons en tant que membre du Public Diplomacy Board (Conseil pour la Diplomatie Publique), dont la mission est de coordonner le travail d’entités financées par des fonds publics.

En 2009, nous avons eu un contact direct avec 13 millions de personnes à travers le monde, et avec 221 millions par l’intermédiaire des médias et d’Internet. En un an, nous éduquons 325 000 étudiants anglais dans 53 pays ; nous permettons à 8 millions de jeunes de prendre part à des activités internationales ; et nous accueillons 8,5 millions de visiteurs dans nos bureaux.

Notre réseau international, qui fait notre force, emploie 7 400 personnes, qui travaillent dans plus d’une centaine de pays. Si, en Europe, nous avons réduit nos dépenses de 30 %, tout en maintenant l’impact de notre action, nous avons défini pour l’avenir nos priorités géographiques : le Proche et le Moyen-Orient, l’Asie centrale, les principales économies émergentes – Chine, Inde, Brésil – et les pays dont l’environnement représente un défi – Iran, Irak, Afghanistan, Zimbabwe, Pakistan.

Alors même que le niveau des subventions gouvernementales sera réduit, sinon gelé, nous envisageons d’étendre notre action, par le biais de partenariats avec d’autres organisations, et de poursuivre notre mission d’enseignement de l’anglais. Nous voulons ainsi accroître de manière significative l’impact de nos activités.

M. Michel Herbillon, vice-président. Le réseau du British Council est-il réellement plus dense que les réseaux français ou allemand ?

M. Chris Hickey. Nous sommes présents dans 110 pays, où nous comptons 220 bureaux.

M. Bernard Faivre d’Arcier. Les réseaux français et britannique sont à peu près équivalents, et beaucoup plus importants que le Goethe Institut, de création plus récente. Le réseau espagnol, l’Instituto Cervantes, occupe la quatrième place. Pour ce qui est de leur présence géographique, tous diminuent le nombre de leurs implantations en Europe – simplement parce que les échanges culturels s’y pratiquent naturellement, en particulier par le biais des institutions culturelles – pour les redéployer dans les pays émergents ou en Asie centrale, où le British Council a une longueur d’avance.

M. Joachim Umlauf, directeur du Goethe Institut de Paris. J’espère que ce débat nous donnera l’occasion d’évoquer les défis de la politique culturelle européenne, car il est paradoxal qu’en Europe, la politique culturelle nationale soit restée, contrairement à l’économie, un domaine tout aussi national que la promotion de la langue.

Le Goethe Institut, s’il peut être comparé au British Council s’agissant de son autonomie vis-à-vis du Gouvernement, diffère beaucoup sur le plan de ses activités. Il est ainsi difficile de connaître la densité de notre réseau car il existe une grande différence entre les bureaux composés d’un ou de deux employés et les instituts proposant une véritable programmation culturelle.

L’histoire des institutions allemandes chargées de représenter la culture et la langue allemandes à l’étranger commence dans les années 1920. Après une première guerre mondiale perdue, l’État était tellement discrédité que les Allemands ont cru bon de fonder des institutions émergeant de la société civile, tel le Goethe Institut, qui n’a en effet pas été fondé en 1952, comme cela a longtemps été dit, mais en 1932, à l’occasion du centenaire de la mort de Goethe. Il fut instrumentalisé par les Nazis avant d’être interdit, à la fin de la deuxième guerre mondiale. C’est ainsi qu’après deux guerres mondiales perdues, ont coexisté, au côté du Goethe Institut, d’autres institutions émergeant de la société civile : l’Office allemand d’échanges universitaires (DAAD) et la fondation Alexander von Humboldt.

En Allemagne, deux principes ont toujours régné : l’autonomie et la décentralisation. En l’occurrence, l’autonomie ne porte que sur les contenus des programmes ; il ne s’agit pas d’une autonomie financière, puisque nous dépendons largement des subventions de l’État, auquel nous sommes liés par un contrat. Mais pour éviter toute instrumentalisation, ce contrat ne lie pas l’Institut au Gouvernement.

Depuis trois décennies, le Goethe Institut contribue à améliorer l’image de l’Allemagne de l’Ouest et, depuis 1989, de l’Allemagne tout entière, en évoquant très librement les points noirs de notre passé. Dans un premier temps, ces critiques n’ont pas plu aux hommes et aux femmes politiques, mais les récents gouvernements les ont pour leur part acceptées.

L’Institut est confronté à certains problèmes financiers, dus au fameux « piège structurel » : nos frais structurels sont tellement élevés qu’il reste peu d’argent pour les programmes culturels. La crise financière que nous traversons, et qui va s’aggraver en 2011 et 2012, va sans nul doute amplifier le problème. Nous aurons une belle maison, mais sans la moindre possibilité de mener des actions culturelles pertinentes.

Mme Delphine Borione, directrice de la politique culturelle et du français au ministère des Affaires étrangères et européennes. Je suis très heureuse de pouvoir discuter avec vous d’un élément clé de notre action culturelle extérieure et de notre diplomatie, au moment où un projet de loi à l’ordre du jour du Parlement a pour objet de restructurer notre dispositif.

Le dispositif culturel français est fondé sur la diversité. La France dispose, répartis dans 160 pays, de services de coopération et d’action culturelle qui dépendent des ambassades : 135 centres et instituts – chiffre qui, du fait des nombreuses fusions et restructurations, ne cesse d’évoluer –, directement rattachés au ministère, auxquels s’ajoute le réseau des 1 000 Alliances françaises, dont 460 sont soutenues par le ministère des affaires étrangères et européennes, que ce soit par le biais de la mise à disposition d’un agent ou de moyens financiers.

Notre réseau culturel, qui s’appuie sur le réseau public et le réseau associatif, a conservé sa vocation d’universalité, comme le confirme le Livre blanc du ministère. Cette richesse est issue de notre histoire. Le réseau de l’Alliance française a été créé en 1883, les premiers instituts sont apparus au début du XXe siècle, et l’Association française pour l’action artistique (AFAA), devenue par la suite CulturesFrance après sa fusion avec l’Association pour la diffusion de la pensée française (ADPF), a été créée dans les années 1920.

Notre mission principale est de soutenir la diversité culturelle, élément fondamental de la diplomatie et des grands enjeux mondiaux, à travers deux actions plus spécifiques : d’une part, contribuer au rayonnement de la langue, de la culture française et fournir de LA documentation sur la France et l’Europe ; d’autre part, promouvoir des industries culturelles et des études en France.

Une autre de nos missions consiste à renforcer la solidarité et la coopération, dans une perspective de dialogue interculturel, grâce au multilinguisme et à la coopération internationale, en nous appuyant sur des programmes, tel celui de CulturesFrance « Afrique et Caraïbes ». Cette dernière association aide également les pays du Sud à se doter d’institutions propres à promouvoir leur propre culture.

Notre réseau ne cesse d’évoluer, en premier lieu au plan géographique. Nous recentrons notre priorité sur les pays émergents, qui sont des partenaires essentiels, ainsi que sur la zone francophone, qui attend beaucoup de nous. Notre réseau évolue également au plan des structures de financement. L’autofinancement, exigé par les contraintes budgétaires actuelles, concerne plus de 50 % des centres et instituts et 70 % des Alliances françaises. Il évolue enfin du fait du développement du numérique, qui nous oblige à adapter notre équipement et nos méthodes.

La réforme culturelle qui sera discutée prochainement au Sénat s’appuie sur quatre piliers : un ministère plus recentré sur ses missions de pilotage ; un réseau public plus unifié, grâce à la fusion entre nos centres culturels et les services d’action culturelle ; la transformation de l’association CulturesFrance en un établissement public à caractère industriel et commercial, dont les missions seront élargies à la culture, à la langue, aux idées et aux savoirs ; l’existence d’un lien beaucoup plus fort entre cette association et notre réseau, dont l’appellation commune permettra une meilleure visibilité.

L’un des axes majeurs de cette réforme est la formation. La formation initiale passe de quatre à quinze jours, et elle sera suivie de formations permanentes. C’est un aspect important pour tous les agents en poste, de l’ambassadeur aux personnes recrutées localement.

Le partenariat est un élément essentiel de notre action. Nous voulons le renforcer, avec les établissements publics culturels comme avec le ministère de la culture. Dans un certain nombre de pays, nous travaillons en étroite collaboration avec les institutions locales et les autres instituts afin de diffuser la politique européenne en matière culturelle.

Enfin, nous concevons notre action culturelle comme l’un des enjeux globaux auxquels nous devons répondre. La diffusion et la promotion de nos idées, du message de la France en matière de diversité culturelle, une mondialisation mieux maîtrisée : tous ces enjeux mobilisent l’ensemble de notre réseau culturel, dans le cadre d’une politique globale propre à préserver notre spécificité culturelle.

Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission

M. Jean-Philippe Mochon, chef du service des affaires juridiques et internationales du ministère de la culture et de la communication. Je vous remercie pour cette invitation qui suit de peu ma prise de responsabilité, puisque ce n’est que la semaine dernière que le service des affaires juridiques et internationales – dont l’objectif est de réunir, au sein du secrétariat général, les deux sujets que sont les affaires juridiques et les affaires internationales – a été créé dans le cadre de la réorganisation du ministère de la culture et de la communication.

Après avoir abordé l’action internationale du ministère de la culture, j’évoquerai deux sujets d’actualité, avant de revenir sur les rapports entre le ministère de la culture et le nouvel établissement CulturesFrance.

Notre action internationale étant multiforme, le « Yalta » de Malraux – qui réservait traditionnellement au ministère de la culture, la culture en France, et au ministère des affaires étrangères le monopole de la culture à l’étranger – n’est plus d’actualité. Le fait que l’action internationale du ministère de la culture soit plus étendue s’explique non seulement par l’européanisation, la mondialisation des questions culturelles et le poids de la dimension internationale dans l’activité des opérateurs, mais aussi par le soutien important des industries culturelles.

L’action du ministère de la culture se situe à plusieurs niveaux : l’accueil des cultures étrangères, la formation des professionnels de la culture et des artistes étrangers, l’expertise scientifique et technique, sans oublier la coopération dans les domaines du cinéma et du livre, toutes missions qui se traduisent dans les décrets d’application et les lettres de mission du ministère. Quant au rayonnement international de la culture, il se traduit au plan budgétaire par le programme 224-6, doté de 20 millions d’euros, sans compter les 5 millions d’euros de l’Académie de France à Rome ni les 230 millions de l’audiovisuel extérieur. L’action internationale est bien au cœur des préoccupations du ministère de la culture.

Le premier des deux sujets d’actualité que je tiens à aborder concerne le développement de l’action internationale des établissements publics. Sur ce point, je salue la tournée de la Comédie française dans les nouveaux États membres pendant la présidence française, qui fut un moment fort, certaines actions plus récentes comme le Louvre à Abou Dhabi, très emblématique, et l’implication de la Bibliothèque nationale de France dans le processus de numérisation. Le ministre de la culture et de la communication a d’ailleurs annoncé hier, à l’occasion d’une réunion des établissements publics, sa volonté de voir les actions engageant le ministère mieux coordonnées et identifiées. Nous nous y employons.

Le second sujet d’actualité a trait à la formation des agents du réseau. Le ministère de la culture et de la communication travaille en étroite collaboration avec le ministère des affaires étrangères et européennes. Des moyens ont d’ores et déjà été dégagés, des programmes sont prévus et devraient être développés.

J’en viens aux relations entre le ministère de la culture et CulturesFrance. Il s’agit d’abord d’une implication financière, l’association représentant un peu moins de 10 % de notre budget. Quant aux Saisons culturelles, leur succès n’est plus à démontrer, comme en témoigne leur multiplication. Elles confirment l’interaction constante entre CulturesFrance et les opérateurs relevant du ministère de la culture.

La réforme doit, selon nous, suivre trois orientations : poursuivre ce qui fonctionne bien, en particulier les Saisons ; trouver les moyens d’associer au mieux le ministère de la culture au fonctionnement de l’établissement, éventuellement à travers la cotutelle – si cette solution n’est pas retenue, il faudra mettre en place un comité stratégique associant le ministère et ses opérateurs, définir un contrat d’objectifs et de moyens, et régler les questions d’organisation et de nomination ; enfin, mieux répartir les rôles entre les différents acteurs. Le rôle du nouvel établissement est de faire connaître la création française et d’assurer sa diffusion non commerciale. Le monde des industries culturelles, avec lequel le ministère de la culture travaille en étroite collaboration, est très attentif à la portée de cette définition.

En bref, nous nous réjouissons de la visibilité de plus en plus grande du réseau et sommes très heureux d’avoir eu l’occasion de travailler avec le ministère des affaires étrangères.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je laisse maintenant la parole à ceux de nos collègues qui souhaitent vous poser des questions, en commençant par le rapporteur de la commission sur les crédits consacrés au rayonnement culturel et scientifique.

M. Hervé Féron. Je vous remercie, madame, messieurs, pour la qualité de vos interventions.

M. Faivre d’Arcier affirme qu’il est impossible de comparer deux réseaux culturels car leurs champs d’action et leurs missions ne sont pas les mêmes. N’aurait-il pas été préférable de s’interroger sur les champs d’action et les missions qui sont les nôtres avant de les comparer avec celles des autres, même si la comparaison est intéressante ? Quant à la nécessité de mettre en phase les personnels français et les réseaux, le problème n’est-il pas d’améliorer leur formation ?

Par ailleurs, la question de savoir quel est le réseau culturel le plus important n’est pas, à mon avis, celle qu’il faut se poser. Il conviendrait plutôt de s’interroger sur les enjeux, sur les objectifs et sur le sens que nous donnons à nos missions, donc sur les moyens que nous leur consacrons.

L’une des faiblesses de notre système tient à l’absence de projet global lisible et cohérent. Dire que la tournée de la Comédie française pendant la présidence française de l’Europe a été un moment fort revient à réduire nos ambitions et à souligner justement cette absence d’un projet global lisible et cohérent, à laquelle s’ajoutent la baisse des moyens et l’insuffisante formation des personnes. Nous aurions pu utiliser la démarche de la révision générale des politiques publiques (RGPP) pour repenser nos objectifs et le sens que nous souhaitons donner aux réseaux culturels français et, forts d’une nouvelle ambition, pour les redynamiser, leur redonner de la cohérence.

Je m’inquiète de la mainmise de la direction économique du Quai d’Orsay sur les directions générales en charge du réseau culturel et de la coopération. La nouvelle structure de pilotage, à la dénomination très parisienne – « Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) » –, existe au détriment d’entités dont l’appellation avait du sens. Vous en convenez, madame, mais tout cela n’est-il pas révélateur de l’absence pathétique de réflexion et de volonté ? Mais peut-être avons-nous pris un virage idéologique conduisant à considérer que la culture française dans le monde doit être au service de l’activité économique de nos entreprises… ce qui nous inquiète beaucoup.

La DGM aura-t-elle, depuis Paris, la souplesse et le potentiel nécessaires pour ne pas alourdir les budgets et pour mener à bien un projet dynamique avec le réseau culturel français à l’étranger, alors que certains budgets sont réduits de 50 %, voire supprimés ?

M. Bruno Bourg-Broc. Mme Borione nous indique que sur les 1 000 Alliances françaises, seules 460 sont soutenues, ce qui signifie que 540 ne le sont pas. Quelle est la politique du ministère des affaires étrangères à l’égard de ce réseau qui, associant des autochtones et des Français d’origine, a montré son efficacité ?

M. Marcel Rogemont. Sachant que les centres culturels, qu’ils soient allemands, britanniques ou français, centrent leur mission sur la promotion de la langue, nos amis britannique et allemand pourraient-ils nous expliquer ce que pourrait être le contenu d’une coopération européenne ? Peut-on envisager des coopérations plus structurées entre les organismes, voire un centre regroupant plusieurs pays ? J’aimerais par ailleurs qu’ils nous précisent les rapports de leur institution avec leur autorité de tutelle et jusqu’où va leur autonomie.

M. Clermont-Tonnerre, président d’Unifrance, m’indiquait récemment que les services culturels des ambassades souhaitaient s’associer fortement à la promotion de la culture française à l’étranger. Or, en créant un institut culturel, nous allons plutôt vers une séparation. Ce choix est mal vécu par les ambassadeurs, qui craignent que leur capacité d’intervention soit réduite. Ce qui est en jeu, c’est la nécessaire coopération et le pilotage de notre action dans les pays étrangers. Pouvez-vous, M. Faivre d’Arcier, Mme Borione, nous en dire quelques mots ?

Je peux comprendre la raison pour laquelle nous diminuons très fortement la présence de la France en Allemagne, au point de supprimer la moitié des centres culturels, mais lorsqu’il s’agit de l’Afrique, je trouve cela préoccupant. J’aimerais connaître votre sentiment, Mme Borione, sur ce point.

M. Jacques Grosperrin. Les antennes du British Council s’apparentent à des associations relevant de la loi de 1901, et celles de l’institut Goethe à des établissements publics indépendants, tandis que les centres culturels français fonctionnent sous la tutelle directe du ministère des affaires étrangères. Comment concilier la diversité de ces statuts avec la construction d’une Europe culturelle ?

Par ailleurs, n’y a-t-il pas antinomie entre systèmes nationaux et fonctionnement européen ? Si, dans les pays émergents – Chine, Inde, Brésil –, un institut européen peut se révéler plus efficace, notamment face aux États-Unis, la présence française pourra-t-elle y trouver sa place ?

Mme Colette Langlade. M. Kouchner a souligné récemment que la politique extérieure de la France ne sera rien sans une politique culturelle qui l’explique, et Mme Borione a rappelé la nécessité de repenser le double pilier, public et associatif, sur lequel s’appuie notre système culturel, pour assurer à la culture française un rayonnement plus large.

Afin que notre politique en la matière gagne en visibilité et trouve un second souffle en s’ouvrant avec audace à la diversité, la création d’un secrétariat d’État à l’action culturelle extérieure, qui engloberait aussi la francophonie et l’audiovisuel extérieur, a-t-elle été envisagée ?

M. Michel Herbillon. Comme M. Grosperrin, je m’interroge sur la possibilité de concilier la présence d’instituts culturels nationaux et la promotion d’une politique culturelle européenne. Même si la culture et la langue sont des points forts de l’identité de chaque pays, il est possible qu’en Chine ou au Brésil une présence culturelle européenne soit préférable à celle des instituts Goethe et Cervantes, du British Council et de centres français ou italiens. Qu’en pensent nos partenaires britanniques et allemands ? D’autre part, quel bilan peut-on tirer de la création d’instituts culturels communs à plusieurs pays ? Faut-il aller plus loin dans cette direction tant en Europe, où la représentation culturelle tend à diminuer, que dans les pays émergents ?

Enfin, quel serait le modèle idéal que la France souhaite promouvoir ? Depuis des années, on répète que sa présence culturelle à l’étranger est essentielle, mais chacun regrette qu’elle ne soit pas plus lisible parce qu’elle se disperse, comme l’audiovisuel français, entre différents acteurs. Comment mettre un terme à cette situation et gagner en efficacité ? Le projet de loi dont nous saisirons bientôt devrait nous permettre de repenser l’organisation de l’action culturelle extérieure.

Mme Marie-George Buffet. À mon sens, l’absence de visibilité de cette action tient moins aux nombres d’intervenants qu’aux objectifs poursuivis. On parle de promotion de la culture ou de la langue françaises, mais qu’en est-il de la coopération dans la création ou de l’aide à la création dans les pays émergents ? Nous sommes-nous fixé des objectifs à long terme ?

Par ailleurs, quel bilan tirer de l’action menée pour assurer le rayonnement de notre langue dans le monde ? J’ai le sentiment d’un recul dans ce domaine. Pour avoir été ministre de la jeunesse et des sports, j’ai constaté que la francophonie est une notion souvent utilisée à des fins autres que linguistiques. Elle sert par exemple à soutenir, en Afrique, des accords conclus dans le cadre de la conférence des ministres de la jeunesse et des sports (CONFEJES). Des changements sont-ils envisagés à cet égard ? Entend-on faciliter les échanges, par exemple l’accès des étudiants étrangers à notre pays ?

Enfin, je présume que l’autofinancement trouvera rapidement ses limites. De quels financements publics bénéficiera l’action culturelle extérieure ?

Mme Monique Boulestin. Si nous sommes tous conscients de la nécessité de défendre une grande politique culturelle extérieure, aucune relance de notre réseau politique à l’étranger n’a été prévue. En outre, les crédits ont chuté de 10 % en 2007 et en 2008, et de 13 % en 2009. Ils diminueront de 11 % en 2010. Dans ces conditions, une meilleure collaboration entre les ministères de la culture, de l’éducation, de la recherche et de l’enseignement supérieur est-elle envisagée ? Que peuvent nous apprendre nos partenaires européens dans ce domaine ? La création de l’établissement public CulturesFrance permettra-t-elle de rénover la politique de la langue française, de la francophonie et du plurilinguisme ? Enfin, la culture française ne risque-t-elle pas d’être considérée à terme comme un sous-produit de l’activité économique de nos entreprises ?

Mme Valérie Fourneyron. Je me réjouis de pouvoir débattre du rayonnement culturel de la France avant l’examen du projet de loi. Il a été dit que la formation des personnels qui y concourent devait être repensée. Quelles sont nos ambitions dans ce domaine et quelle évolution leur est proposée ? Outre la culture locale du pays où ils exercent, ils doivent posséder une solide connaissance des réseaux des acteurs culturels français et du savoir-faire en matière de création. La nouvelle organisation envisagée prendra-t-elle en compte ces différents éléments, dans le contexte de crise que nous connaissons ?

Mme la présidente. Les intervenants vont à présent vous répondre.

M. Bernard Faivre d’Arcier. Ne représentant aucune administration, je répondrai en tant que professionnel de la culture. Différents réseaux nationaux ont été créés pour promouvoir et développer la langue. Les résultats sont inégaux, mais il semble que ce soient les Espagnols qui aient le mieux réussi dans ce domaine.

Le British Council, pour sa part, a considérablement élargi sa politique, ce qui a eu pour conséquence d’effrayer les artistes britanniques. Ses nouveaux axes d’action comprennent en effet, outre le dialogue interculturel et le soutien aux industries créatives, le changement climatique – préoccupation qui n’a que peu de rapport avec la création, et qui ne figure d’ailleurs pas parmi nos axes culturels.

Le système français, quant à lui, souffre de la dualité historique du réseau des centres culturels et des alliances françaises, ces dernières étant tournées vers la diffusion du français et l’apprentissage de la langue, sauf en Amérique latine, où elles jouent un rôle équivalent à celui des centres culturels.

C’est surtout avec l’Allemagne que nous avons développé une coopération. Un projet est envisagé à Moscou, et un établissement commun à nos deux pays fonctionne déjà à Ramallah. Le travail s’effectue en quatre langues : l’allemand, le français, l’arabe et l’anglais. Le ministère des affaires étrangères y a consacré des moyens importants, mais les difficultés de la comptabilité publique française se cumulent à celle que pose la hiérarchie allemande, et la constitution d’instituts culturels européens se heurte finalement à des rivalités nationales.

En fait, la coordination s’effectue de manière plus souple à travers les réseaux de professionnels. Ainsi, entre 2000 et 2006, le projet Theorem a permis de soutenir les générations émergentes de metteurs en scène et de chorégraphes des pays d’Europe centrale. Dans ce cadre, des intervenants allemands, belges, italiens, espagnols ou français – qui travaillaient en anglais – sont allés passer une semaine par mois en Bulgarie, en Pologne ou en Russie, afin de coproduire des spectacles qui ont tourné ensuite en Europe de l’Ouest. Dans ce cadre, les professionnels se sont entendus sans recourir à quelque tutelle que ce soit. De même, à travers le réseau EUNIC (Union européenne des instituts culturels), certains pays comme l’Allemagne se sont montrés très actifs pour monter au Brésil, en Chine ou en Inde, des projets commun au Goethe Institut, au British Council, à l’Institut Cervantès et à d’autres instituts, notamment français ou roumains.

Il est beaucoup plus difficile d’opérer un rapprochement fusionnel entre les institutions allemandes, anglaises et françaises. Mieux vaut donc laisser aux professionnels l’initiative d’une coopération qui pourra être plus souple.

M. Chris Hickey. Il ne faut pas exagérer l’autonomie financière du British Council. Dès lors que le gouvernement nous alloue un tiers de notre revenu, nous sommes évidemment très attentifs quand le ministre des affaires étrangères s’adresse à nous ! De même, bien que je ne dépende pas de l’autorité de l’ambassadeur de Grande-Bretagne à Paris, nous nous rencontrons chaque semaine et, si un projet lui paraît important, je m’efforce de le soutenir. Reste que l’autonomie nous permet d’assurer nos missions : le gouvernement n’a pas à nous délivrer d’instructions directes dès lors que nous cherchons à entrer en relation avec la société civile.

Si nous sommes très favorables au travail mené en Chine, au Brésil ou en Irak dans le cadre du réseau EUNIC, nous ne pensons pas que le fait que les pays européens appartiennent à une même famille culturelle implique qu’ils doivent partager un même centre culturel. En France, il est bon qu’il existe un centre culturel britannique et un autre allemand.

Cela n’empêche pas qu’entre pays amis, le dialogue culturel soit très fort. Ainsi, les Français tiennent à ce que nous prenions part chez eux à l’enseignement de l’anglais. De même, le contact entre la France et la Grande-Bretagne est essentiel sur le plan artistique.

Pour citer enfin un exemple de partenariat, un projet actuellement à l’étude sur le lien entre l’économie des grandes villes et la tolérance serait en grande partie financé par ces collectivités locales, ce qui serait une aide précieuse.

M. Joachim Umlauf. Toutes les questions m’ont semblé intéressantes. Celle qui portait sur la tournée de la Comédie française en Europe a pointé un risque qui existe toujours : celui que la politique culturelle ne se réduise à une simple représentation de la culture nationale. Tout le monde se réjouit que la Comédie française parte en tournée à l’étranger, mais la mission de l’action culturelle est bien différente. Elle consiste à créer des contacts interculturels et à construire des projets avec d’autres pays. Par exemple, si l’on décide de lire des textes d’écrivains, il faut organiser des rencontres. Il importe donc de créer des structures autonomes dont l’État définira clairement les missions.

En matière d’autonomie, la position de l’Allemagne est simple. Il n’existe pas chez nous de ministère de la culture, et le principal interlocuteur de l’institut Goethe est le ministère des affaires étrangères.

Le problème de la formation du personnel culturel est complexe. Depuis le milieu des années 1990, l’institut Goethe a renoncé à dispenser une formation généraliste visant à permettre à chaque agent de travailler dans des pays différents. Nous formons désormais à des spécialistes d’une région ou d’une langue. La diversité des pays et des cultures est telle que le travail interculturel exige en effet une connaissance des territoires. Par conséquent, il faut réfléchir avant de créer une formation centralisée.

Le réseau EUNIC n’a malheureusement pas d’antenne à Paris, mais il devrait y trouver sa place du fait de l’existence d’un réseau mondial des instituts culturels. Sous la présidence française de l’Union, EUNIC a en tout cas permis à un projet important – Alter Ego – de se déployer dans quinze pays grâce à des moyens européens.

Il est cependant difficile de savoir si l’on doit rester fidèle au principe de subsidiarité, qui permet à chacun de rester chez soi, ou mettre en place des colocations – à Rotterdam, l’institut Goethe et le centre culturel tchèque, tous deux autonomes, sont installés dans le même bâtiment – ou des collaborations – en novembre, les célébrations de la chute du mur de Berlin ont permis la formation d’importants projets franco-allemands. Peut-être des liens peuvent-ils être créés, en dépit des difficultés, notamment comptables, qui se posent toujours. Dans certaines institutions, ne pourrait-on imaginer qu’un directeur et un directeur adjoint, l’un allemand, l’autre français, échangent leur poste chaque année ou que les deux soient placés sur le même plan ? Il est regrettable, par exemple, qu’après les attentats du 11 septembre, à New York, l’Allemagne ait créé un vaste programme visant à favoriser le dialogue culturel entre l’Europe et l’islam, sans même penser à y associer la France. Un projet bilatéral aurait peut-être pris ensuite une dimension multilatérale.

Mme Delphine Borione. Le ministère des affaires étrangères s’appuie sur un réseau mondial pour promouvoir la culture, la création et la langue française dans une perspective d’écoute et d’échange avec nos partenaires. Ce réseau permet de tisser en permanence des liens, grâce à l’action des instituts, des alliances françaises – ou tout simplement à l’occasion d’une tournée de la Comédie française. La politique de coopération culturelle, éducative ou linguistique débouche ainsi sur le débat d’idées. Les grandes manifestations françaises répondent d’ailleurs à la demande de nos partenaires. À nos yeux, toutes les stratégies sont complémentaires.

J’en viens au rôle du ministère des affaires étrangères au sein de la mondialisation. En tant que directrice de la politique culturelle et du français, je ne me sens pas dépassée par le domaine économique. Je me réjouis au contraire que notre action, loin d’être confinée dans un ghetto culturel, s’ouvre sur des enjeux globaux et trouve sa place au cœur des politiques de développement.

Loin de reculer dans le monde, la langue française est en progression, puisque de plus en plus de gens la parlent et l’apprennent. Les instituts connaissent à cet égard une demande très forte, à laquelle ils ne peuvent pas toujours répondre, faute de moyens. L’enseignement scolaire français, dans le cadre de l’agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) ou de la mission laïque française, suscite également un vif intérêt, dont nous nous réjouissons. Le monde est en train de comprendre que l’uniformisation n’est pas l’avenir. Dans une perspective de dialogue, diversité, plurilinguisme et multiculturalisme sont nécessaires.

S’il existe 1 000 alliances françaises, toutes ne sont pas organisées, certaines s’apparentant plutôt à des clubs. Celles que nous soutenons – 460 –, sont les plus actives en matière d’enseignement ou sur le plan culturel.

Nous manquons certes de moyens – n’est-ce pas toujours le cas ? –, mais nous développons des actions alternatives par le biais des partenariats. Notre objectif n’est pas de nous allier aux entreprises, mais de les associer à des activités culturelles qui les intéressent. À cet effet, nous recherchons des moyens innovants, ce qui est plus facile dans les pays qui possèdent certaines structures, et plus délicat dans un continent comme l’Afrique. Fort heureusement, le budget de 2009 avait prévu une augmentation exceptionnelle des crédits, ce qui nous a permis de moderniser notre réseau, de préparer la création de la future agence, de mener des actions de formation promises à un grand avenir et de soutenir les industries culturelles.

M. Alain Fohr. Si l’on s’interroge en France sur la visibilité de notre action culturelle, ce n’est pas le cas à l’étranger où celle-ci est appréciée. De même, je pense que le débat entre réseau national et associatif, c’est-à-dire entre les instituts ou centres culturels et les alliances françaises, est un faux débat. Pour dépendre de l’État français, les instituts ou centres culturels ne sont pas des organes officiels. À ce titre, ils ne sont pas moins inscrits dans la société civile que les antennes du British Council ou de l’institut Goethe.

J’étais ce week-end en Turquie, pour le lancement de la manifestation « Istanbul, capitale européenne de la culture pour 2010 ». À cette occasion, j’ai pu apprécier le rôle de médiateur entre personnels français et étrangers que joue le directeur de l’institut. J’ai rencontré des éditeurs, des artistes et des directeurs de scène, qui apprécient tous l’action des directeurs de centres. À plusieurs reprises, nous avons parlé de ressources humaines et de formation. Celle-ci sera la clé de l’amélioration du dispositif, au même titre que la professionnalisation du réseau.

Le réseau EUNIC a été évoqué à juste titre. Il représente l’amorce de la forme que peut prendre l’action culturelle européenne dans un pays tiers, au sens où il s’agit d’un cluster, d’un réseau national regroupant des centres culturels étrangers dans un même pays. Pour l’heure, le seul pays avec lequel nous menions des actions est l’Allemagne. Le traité de l’Élysée a créé le fonds franco-allemand, qui finance chaque année, dans des centres culturels ou des alliances françaises, des projets communs aux deux États. Quant aux établissements relevant des deux pays, comme les centres de Ramallah et de Palerme, leur gestion n’est pas simple. Pourtant, la création d’un centre franco-allemand à Moscou est un projet ambitieux, qui nous demandera encore du temps, car il est difficile de transcender des cultures nationales pour déboucher au niveau européen.

M. Jean-Philippe Mochon. Je ne reviendrai pas sur la tournée de la Comédie française, mais je trouve intéressant, au niveau international, le foisonnement de tous les acteurs du monde de la culture, qui considèrent désormais l’Europe et le monde comme leur espace naturel. On peut citer à cet égard le Louvre à Abou Dhabi, les actions du musée du quai Branly ou les accords de 2008 entre la Bibliothèque nationale de France et le Maroc. Les grands projets actuels, comme le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, à Marseille, ou la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, portent d’ailleurs une dimension internationale dans leur ADN.

À mes yeux, le modèle idéal est précisément celui dans lequel les opérateurs du monde de la culture pourront développer au mieux une action européenne internationale, tout en bénéficiant de la valeur ajoutée, en termes de visibilité, que leur procurera un opérateur. Tel est l’enjeu de la création du nouvel établissement public.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je vous remercie de votre contribution, qui nous permettra de mieux comprendre le projet de loi que nous aurons bientôt à examiner.

La Commission entend M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française, Mme Béatrice Khaiat, directrice déléguée de Campus France et M. Olivier Poivre d’Arvor, président de Cultures France, sur les enjeux et les évolutions de l’action culturelle extérieure au cours de sa séance du 20 janvier 2010.

Mme la présidente Michèle Tabarot. La seconde table ronde sera consacrée plus spécialement aux acteurs de l’action culturelle extérieure. Certains sont particulièrement concernés par le projet de loi déposé en juillet au Sénat, qui prévoit que la diplomatie d’influence de la France s’appuiera non seulement sur le réseau culturel et de coopération, et sur l’agence pour l’enseignement en France à l’étranger, mais aussi sur deux nouveaux opérateurs dotés du statut d’établissement public à caractère industriel et commercial. Le premier, chargé de l’action culturelle extérieure, succéderait à l’association CulturesFrance ; le second, chargé de l’expertise et de la mobilité internationale, se substituerait à l’association EGIDE, opérateur du ministère des affaires étrangères et européennes pour la mobilité internationale, ainsi qu’aux groupements d’intérêt public CampusFrance et France Coopération Internationale, les activités et les personnels de ces organismes étant transférés au nouvel établissement.

Avant que le projet de loi soit déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale, il sera intéressant d’évoquer avec M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française, la manière dont le réseau des Alliances françaises se positionnera dans le nouveau dispositif.

M. Jean-Claude Jacq. Je vous propose d’aborder cette question complexe avec des idées simples, voire naïves, car, avant de parler de stratégie, il faut s’entendre sur les motivations et les objectifs de l’action culturelle. L’existence d’une politique extérieure obéit à deux raisons principales.

La première, qui est universelle et justifierait à elle seule qu’on y consacre des moyens importants, est de contribuer au devenir du monde en participant à la construction du savoir et des idées, au débat mondial sur les grands choix de l’avenir, et à favoriser l’enrichissement mutuel des cultures.

La seconde raison concerne les intérêts propres de notre pays. Pour avoir vécu et voyagé à l’étranger, je me suis convaincu que, lorsqu’on émet un jugement politique, qu’on s’engage sur le plan international ou qu’on signe un contrat industriel ou commercial, l’image qu’on se fait d’un pays et l’attachement culturel, intellectuel voire sensuel qu’on éprouve à son égard pèsent dans cette décision.

Puissance moyenne, la France est riche d’un héritage de grande puissance. C’est sans doute aujourd’hui la seule culture à prétention universelle qui n’ait plus de vocation impériale, ce qui n’est le cas ni des États-Unis ni de la Chine.

Pour atteindre ces objectifs, quelle organisation stratégique faut-il privilégier ? Depuis deux ans, on parle beaucoup des problèmes de notre réseau d’établissements culturels, en soulignant qu’il serait en déclin, dispersé et peu lisible. Mais son organisation ou son caractère prétendument hétérogène ne sont pas en cause. En réalité, la France est le pays occidental qui dispose du plus vaste réseau d’établissements. Le sien est souple et original, au sens où il combine deux formules juridiques possibles : les centres, qui relèvent des services extérieurs de l’État, et les Alliances françaises, qui ont le statut d’associations de droit local.

Une telle souplesse donne à notre pays une remarquable capacité d’adaptation aux conditions politiques ou juridiques du terrain. Le ministre de l’éducation chinois, qui a créé les instituts Confucius, remarquait que, de la même façon que l’eau épouse, selon le Tao, toutes les anfractuosités du terrain, notre réseau s’adapte à toutes les situations politiques et sociales. Apprécié du public et de nos partenaires étrangers, il connaît cependant des problèmes réels, qui tiennent à la conjugaison de trois facteurs.

Le premier est l’effondrement sans précédent de ses moyens, qui ont diminué de 10 % en 2007 comme en 2008, et de 20 % en 2009, de sorte qu’il aura en quelques années perdu la moitié de ses crédits d’intervention, après avoir déjà connu depuis vingt ans une lente diminution de ses ressources. Quelle autre organisation publique ou privée aurait résisté à une telle hémorragie ? Il y a vingt ans, on comptait, dans les Alliances françaises, 495 directeurs expatriés. Ils ne sont plus que 230 aujourd’hui. Cette situation tient à une augmentation incompressible des dépenses du Quai d’Orsay due à la hausse tendancielle des contributions internationales – en d’autres termes, le multilatéral tue le bilatéral – et au coût croissant des charges salariales de l’enseignement français à l’étranger, alourdi par le fait que les élèves français bénéficient désormais de la gratuité. Alors que la subvention à l’AEFE sera de 420 millions d’euros en 2010, rappelons que l’ensemble des crédits d’intervention du Quai d’Orsay dans la sphère du rayonnement culturel et scientifique – par conséquent hors AEFE – correspond au coût annuel de fonctionnement de l’Opéra de Paris ; quant au budget consacré au réseau des alliances françaises dans le monde, il est inférieur au prix d’un Rafale.

Le deuxième facteur qui pèse sur le réseau tient à un déficit de professionnalisation, conséquence d’une formation initiale et continue insuffisante des agents responsables. Le phénomène est aggravé par la réduction de la durée des missions du personnel détaché et par le nombre de mandats autorisés, de sorte qu’il faut continuellement former de nouveaux agents afin de remplacer ceux qui doivent quitter le réseau. J’ajoute que la diminution des postes est mal compensée par le recrutement local, qui nécessite lui-même des formations. Nous manquons d’une sorte de corps d’ingénieurs de l’action culturelle extérieure, comme celui que possèdent le British Council ou l’institut Goethe. Le personnel recruté dans ces deux derniers réseaux sait qu’il y développera ses compétences et qu’il y fera carrière, alors que la France a adopté le principe du Kleenex : après trois ou six ans de service, ses agents seront rejetés dans les ténèbres extérieures. Les titulaires rentreront dans leur ministère d’origine ; les autres chercheront du travail.

Le troisième facteur tient à l’absence de persévérance dans les stratégies et les actions, résultat d’une rotation trop rapide des cadres, dans l’administration centrale ou dans les postes, et de la succession, depuis plusieurs années, d’annonces non suivies d’effet.

À l’avenir, soit le ministère des affaires étrangères continuera à piloter le réseau culturel, en confiant la tâche à une direction affirmée, respectée et assurée de disposer de moyens pérennes, soit une institution complètement autonome sera créée. Mais il ne saurait exister de solution intermédiaire.

Dans cette seconde hypothèse, la difficulté est que nous disposons d’un réseau original, dont l’organisation est double. La chimie des corps veut que, si un centre culturel est soluble dans une Alliance française, pour peu qu’on le transforme avec l’appui de partenaires locaux qui formeront un conseil d’administration, il est en revanche impossible de proposer aux administrateurs chinois de l’Alliance française de Pékin ou aux administrateurs américains de l’Alliance de New York d’être intégrés aux services extérieurs de l’État français. La réflexion menée depuis quelques années sur la réforme n’a pas pris en compte cette réalité.

L’Alliance française ne répugne pas à la tutelle du Quai d’Orsay, si toutefois il faut absolument un réseau unique. Reste que cette obsession française ne préoccupe personne à l’étranger. Selon la ville dans laquelle ils habitent, les gens se rendent indifféremment à l’Alliance française ou au centre culturel, dont les missions sont les mêmes. Le désir d’une plus grande visibilité semble être purement parisien.

Quoi qu’il en soit, si l’on tient au réseau unique, il faut se souvenir que celui de l’Alliance française a cent vingt-cinq ans d’existence et qu’il dispose d’une notoriété considérable. Il répond à une logique d’entreprise, avec le goût de la liberté et les risques que cela comporte, les Alliances françaises s’autofinançant à près de 75 %, ce qui constitue un record. Ce réseau est en plein développement, puisqu’une dizaine d’Alliances est créée chaque année et que ses effectifs augmentent de 3 à 4 % par an. La responsabilité juridique de cet ensemble est assumée non par l’État français, mais par les présidents locaux des écoles. Sa capacité à lever des fonds est réelle. Mais surtout, il s’agit d’un système moderne, puisque nous sommes quotidiennement obligés de négocier avec des partenaires locaux. La coopération entre la partie française représentée par le directeur – nommé par le ministère et la Fondation – et la partie locale – le conseil d’administration du pays d’accueil – s’exerce au quotidien. L’obligation de s’entendre et de trouver chaque jour des compromis représente un formidable moteur de développement.

L’avenir est précisément dans cette formule associant la société civile et l’initiative privée locale de partenaires étrangers qui portent notre culture. Il semble inéluctable d’aller désormais sur cette voie.

M. Olivier Poivre d’Arvor, président de CulturesFrance. D’une certaine manière, l’inflation de discours sur la politique culturelle est proportionnelle à la déflation des moyens. Comme M. Jacq l’a rappelé, ces derniers ont décru de 50 % en cinq ans. C’est une évolution budgétaire totalement inédite qui doit probablement avoir une explication politique. On ne retire pas comme cela la moitié de ses moyens à une histoire vieille de plus d’un siècle et demi : elle ne doit pas être considérée comme très intéressante …

Le phénomène est grave et impose que nous réagissions rapidement. L’attention que les parlementaires portent à ce sujet est très importante pour nous.

La France ne se trouve plus du tout en tête de la course qu’elle a menée pendant cinquante ans. Elle a été largement rattrapée, voire dépassée, par de nombreux pays.

Aux États-Unis, par exemple, la sous-secrétaire d’État en charge de la Public Diplomacy, que j’ai rencontrée à Washington dernièrement, a la responsabilité, auprès d’Hillary Clinton, du dossier de l’influence américaine dans le monde et dispose à cet effet de près de 850 millions de dollars. L’initiative dans ce domaine n’est pas laissée au marché. Les officiels américains mènent, au contraire, une politique active et insistent sur l’importance, notamment depuis l’élection du nouveau président américain, de ce qu’ils appellent le smart power. Version améliorée du soft power, le « pouvoir intelligent » est considéré aujourd’hui comme un élément de la diplomatie.

Tous les pays un peu sérieux travaillent sur le sujet. Le Goethe Institut a augmenté ses moyens. Le British Council, tout en jouant un jeu un peu hypocrite en affirmant avoir toute l’indépendance nécessaire vis-à-vis du Foreign Office conformément au arm’s length principle – au principe de la bonne distance – avec ce dernier, renforce de manière assez impressionnante son réseau, lequel est largement autofinancé par les recettes provenant des cours et des examens. L’Institut Cervantès, pour sa part, rattrape le niveau de la France alors qu’il n’existait pas voilà vingt ans.

De même, personne n’aurait imaginé il y a quinze ans que les pays du Golfe puissent parier sur la diplomatie culturelle pour affirmer leur influence. Aujourd’hui, ces derniers – je pense notamment à Doha, au Qatar et à Abou Dhabi – investissent beaucoup pour afficher une image culturelle qui est devenue un instrument de négociation et de dialogue avec le reste du monde.

La France a baissé les bras. Le sujet n’intéresse absolument pas les politiques, qu’ils soient de droite ou de gauche. J’ai servi auprès de plusieurs ministres des affaires étrangères qui n’ont pas pu sauver les moyens de l’action culturelle extérieure. Celle-ci est considérée comme un domaine assez marginal par rapport à l’action culturelle en général.

Le paradoxe est que, alors que les moyens de la culture sont très importants aujourd’hui en France, ceux de son exportation et de sa présentation à l’étranger sont dérisoires.

Beaucoup d’argent public est investi dans la culture – plus que nulle part ailleurs, ce qui rend les atermoiements des acteurs culturels un peu indécents – et une offre culturelle abondante, voire surabondante, est produite dans tous les domaines – musique, théâtre, danse, littérature, cinéma –, bénéficiant d’un public considérable. Les nombreux festivals et, de manière générale, l’activité économique extrêmement riche engendrée par la culture nous valent une grande partie des étrangers qui viennent en France : près de la moitié des 80 millions de touristes viennent pour des raisons culturelles au sens large du terme, ce qui inclut l’art de vivre, le design, la mode et la gastronomie.

Il y a ensuite un goulet d’étranglement : les moyens de CulturesFrance pour l’ensemble de ses programmes assurant l’exportation du théâtre, du cinéma, de la littérature, des musiques, des arts plastiques, de l’architecture et du patrimoine français dans soixante-trois pays ne s’élèvent qu’à 20 millions d’euros par an. Mieux vaudrait donner cette somme aux pauvres d’Haïti que de conserver un appendice parapublic aussi ridicule face à une demande croissante dans le monde !

Le produit culturel n’est plus un luxe – la « cerise sur le gâteau ». Il est devenu un véritable instrument d’influence par le biais des nouvelles technologies, des images et du cinéma. Ce qui m’inquiète un peu dans la réforme qui se prépare, c’est que les moyens ne sont pas au rendez-vous. La meilleure solution me semble être de rebattre les cartes et de créer un organisme unique – sous l’appellation Alliance Française ou Institut Français – regroupant l’ensemble des services extérieurs de l’État – services culturels, instituts français, agences – afin de lui donner une masse critique.

Pour ma part, je ne mesure pas notre déclin uniquement à la baisse du nombre d’agents. Pour avoir beaucoup servi en poste, je puis témoigner que de nombreux recrutés locaux sont capables de faire un très bon travail. Donc, en donnant plus de moyens à nos postes et en diminuant le nombre de détachés budgétaires, nous devrions atteindre un montant de 500 millions d’euros, ce qui nous permettrait de travailler de manière assez correcte.

La perte d’autorité par rapport au nouvel objet est un peu la crainte de mes collègues ambassadeurs et du Quai d’Orsay en général. Mais nous avons des exemples d’établissements publics qui fonctionnent bien sans échapper pour autant à l’autorité du Quai d’Orsay. En particulier, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, qui s’occupe du pilotage de l’ensemble des lycées français à l’étranger, est un organisme autonome qui fonctionne très bien et dont il ne me semble pas que les ambassadeurs aient perdu le contrôle.

Il y a urgence à agir. Les propositions du Quai d’Orsay sont une première forme de réponse mais il faudra s’orienter très vite vers ce que M. le ministre Bernard Kouchner a préconisé, c’est-à-dire une intégration du réseau à cette agence d’ici à trois ans.

La question de l’Alliance française est cruciale. Cet organisme fait un travail formidable et je ne verrais pas du tout d’obstacle à ce que ce soit la marque retenue face aux autres marques que sont le British Council, l’Institut Cervantès ou le Goethe Institut.

L’organisation actuelle ne concourt pas à retenir l’attention des Français tellement elle est compliquée : pas moins de vingt-six marques différentes – vingt-cinq après la prochaine réforme – font le travail réalisé par la seule marque British Council...

Mme Béatrice Khaiat, directrice déléguée de Campus France. L’agence CampusFrance a été créée en 1998 par MM. Védrine et Allègre afin d’assurer la promotion de l’enseignement supérieur français à l’étranger. Elle est très récente par rapport au Deutscher Akademischer Austausch Dienst (DAAD) et du British Council, qui existent depuis très longtemps.

Aux deux ministères de tutelle de l’agence – le ministère des affaires étrangères et celui de l’enseignement supérieur – s’est ajouté, depuis deux ans le ministère de l’immigration. CampusFrance ne compte à Paris que quarante personnes et reçoit une subvention de 4,5 millions d’euros – à rapprocher des 9 millions d’euros que reçoit le DAAD uniquement en Inde.

L’agence rassemble 230 établissements d’enseignement supérieur adhérents et compte 113 espaces CampusFrance à l’étranger. Présents dans 88 pays, ils comprennent 250 personnes, majoritairement des recrutés locaux ou des volontaires internationaux (VI) qui sont généralement des jeunes diplômés. Comme ils sont peu rémunérés, il y a un fort roulement.

Le réseau CampusFrance est assez important. Il est comparable à celui du DAAD et du British Council. Comme il dépend complètement du ministère des affaires étrangères et est sous l’autorité de l’ambassadeur et du conseiller culturel, il est souvent présent soit dans les ambassades, soit dans les Alliances françaises comme en Amérique latine, en Chine et en Inde.

Les étudiants qui ont besoin d’un visa pour venir étudier en France doivent passer dans les bureaux CampusFrance et suivre une procédure pré-visa qui coûte à peu près 100 euros par étudiant – le coût est variable selon les pays. Il faut veiller à ce que ce budget serve la promotion de l’enseignement supérieur et ne soit pas affecté à d’autres objets. La promotion du culturel représente une toute petite partie de notre action.

On compte 2,5 millions d’étudiants en mobilité dans le monde : 500 000 aux États-Unis, 350 000 en Grande-Bretagne, 235 000 en France, à peu près le même chiffre en Allemagne et en Australie, nouveau venu dans la course. Les pays sont en compétition pour accueillir des jeunes étrangers parce que la mobilité étudiante constitue un enjeu majeur : elle participe de la politique d’influence, de la politique de la langue et de la politique des futurs chercheurs et des futurs professeurs.

Dans ce combat, la France est assez bien placée mais l’agence CampusFrance est vraiment très petite par rapport au DAAD et au British Council. Son regroupement avec France Coopération Internationale et EGIDE sera une bonne chose.

Mme la présidente Michèle Tabarot. M. Dominique Hénault, directeur général de l’association EGIDE, qui est souffrant, m’a chargée d’excuser son absence aujourd’hui. Je donne donc la parole à nos collègues députés qui souhaitent intervenir.

M. Hervé Féron. Lors de la précédente table ronde, Mme Borione et M. Fohr se sont défendus que la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats soit sous l’influence des économistes. Les trois intervenants que nous venons d’entendre ont mis l’accent sur les restrictions budgétaires qui ont affecté l’action culturelle à l’étranger, les moyens ayant diminué de 50 % en cinq ans. Il y a vraiment matière à s’inquiéter : la révision générale des politiques publiques, les restructurations administratives, les réformes sans lisibilité finissent par faire des dégâts sur le terrain.

D’après M. Fohr, le manque de lisibilité n’existe qu’en France. Je suis d’accord avec lui car, à l’étranger, il y a sur le terrain une énergie, un investissement, une volonté de faire qui réunissent les acteurs dans leur diversité.

Le problème est global. Je ne me suis pas plaint de la tournée de la Comédie française. Je suis, au contraire, ravi qu’il y ait de telles tournées. Je trouve simplement très réducteur de citer celle-ci comme point fort de la politique de rayonnement culturel de la France à l’étranger. Bien d’autres actions sont menées, tout aussi brillantes. En être réduit à citer cet exemple anecdotique me parait refléter un manque de stratégie, de réflexion, de projets et, par conséquent, de moyens. Il faudrait en fait tout détricoter.

Un réseau unique ne me semble pas souhaitable. C’est sa diversité qui fait la richesse de notre réseau. En revanche, un projet global et lisible, permettrait de mieux déterminer les moyens nécessaires.

La diminution du nombre de postes et leur compensation par un recrutement local modifient les conditions de rémunération et de formation, ce qui crée des difficultés supplémentaires. À trop basculer vers le recrutement local, on risque de créer un appauvrissement du réseau.

Finalement – c’est une question que j’aurais pu poser à l’occasion de la première table ronde –, la francophonie est-elle encore désirée ? Le terme n’a été utilisé par aucun intervenant. Serait-il devenu un gros mot ? Peut-être faudrait-il lui redonner du sens et réfléchir tous ensemble à ce qu’il recouvre.

M. Bruno Bourg-Broc. La question dont nous débattons ne passionne pas le pouvoir politique. Il n’est que de voir le nombre de nos collègues qui participent à cette réunion... Force est de constater que la francophonie est souvent considérée comme non-productive, voire inutile.

J’ai été assez déçu par la réponse de la représentante du ministère des affaires étrangères lors de la première table ronde. Je reconnais qu’il est inélégant de le dire maintenant qu’elle a quitté cette réunion, mais il n’y a pas eu de place pour le débat. Elle a eu le front d’affirmer qu’un nombre croissant de personnes apprend le français dans le monde, sans rapprocher ce nombre de celui de l’augmentation démographique. Or c’est la proportion qui compte.

Je reprendrai à mon compte la question de M. Féron : la francophonie est-elle aujourd’hui désirée par la France ? Quand on voyage, on se rend compte qu’il y a un désir de France, selon l’expression employée par Patrick Bloche dans un rapport il y a quelques années. Ce désir est-il partagé par le pouvoir politique, de droite comme de gauche ?

Monsieur Poivre d’Arvor, le développement de l’influence française et de la culture française, que je distingue de la culture francophone, passe-t-il, pour vous, par un message exprimé en français ou, comme un nombre croissant de personnes semble le penser, par une diffusion pouvant ne pas être en langue française ?

Sur les 1 000 Alliances françaises dans le monde, seules 400 environ sont aidées. Cela s’explique peut-être par le fait que toutes n’ont pas les mêmes volontés ni les mêmes possibilités de travailler sur le terrain. En dehors des quelque 400 qui font de l’enseignement, elles sont souvent des clubs de gastronomie ou des clubs tout court. Monsieur Jacq, l’Alliance française est-elle satisfaite du sort qui lui est réservé ou souhaiterait-elle davantage de moyens ? S’agit-il même finalement d’un simple problème de moyens ?

M. Marcel Rogemont. Le problème de lisibilité de nos implantations culturelles à l’étranger n’est-il pas essentiellement franco-français ? Se pose-t-il vraiment avec autant d’acuité sur le terrain ?

Monsieur Jacq, comment réagissent les Alliances françaises qui ne sont pas financées par de l’argent public ? Le fait de devoir lever des fonds extérieurs influe-t-il sur leurs projets ?

Monsieur Poivre d’Arvor, quels sont les missions et les axes de travail de CulturesFrance ? Comment envisagez-vous leur intégration dans un organisme beaucoup plus large ?

Enfin, quels seront les liens du nouvel organisme avec les ambassades ? Les ambassadeurs semblent craindre que la réforme n’entraîne une diminution de la capacité de travail sur le terrain.

M. Bernard Debré. Je vais ajouter ma voix aux récriminations exprimées.

Je suis assez attristé par la diminution des crédits réservés à l’action culturelle extérieure de la France. Ce mouvement date de plus de cinq ans. Cela fait très longtemps que le culturel est délaissé alors qu’il est un élément de la puissance de la France à l’étranger et est important pour le recrutement en France d’un certain nombre d’intelligences dont nous avons besoin.

Même les pays francophones sont délaissés. Alors que nous sommes demandés, espérés, nous diminuons notre présence. C’est dramatique car nous voyons apparaître de plus en plus d’Anglais, d’Américains et de Chinois parlant anglais. Il faut assurément y remédier.

Nous ne pouvons espérer non plus conquérir des parts de marché puisque notre action dans les pays non francophones se réduit à cause, d’une part, des coupes dans les budgets et, d’autre part, de l’emploi de recrutés locaux beaucoup moins payés et beaucoup moins considérés.

Il faudrait une volonté extraordinairement forte de la part des ambassades, donc du ministère des affaires étrangères et de l’État, pour montrer l’importance d’une politique culturelle. Non seulement celle-ci est nécessaire pour la diffusion de la langue française et de la culture française, mais elle draine aussi derrière elle toute une économie. Elle est également indispensable pour pouvoir recruter en France un certain nombre d’étudiants, dans les disciplines littéraires comme dans les disciplines scientifiques.

Les bourses pour les scientifiques vont être réservées aux Européens. Que vont devenir tous mes amis d’Afrique, du Maghreb, du Cambodge et d’autres endroits francophones s’ils ne peuvent plus venir en France ?

Vous vous êtes félicitée, madame Khaiat, que le paiement des visas rapporte un peu d’argent. Pour les étudiants étrangers, l’obtention d’un visa est la croix et la bannière ; ne pourrait-on envisager de leur accorder gratuitement cette autorisation de séjour ? On a vraiment l’impression que ceux qui veulent venir étudier en France sont des intrus. Or leur venue permet à la France, non seulement de recruter un certain nombre d’intelligences dont elle a besoin, mais également d’assurer le rayonnement de sa culture après le retour des étudiants dans leur pays.

La situation réclame une politique extrêmement forte témoignant de la pugnacité de la France à garder sa place là où elle est en train de la perdre.

Mme Colette Langlade. Lors de la première table ronde, j’ai posé une question à laquelle je n’ai pas eu de réponse. Je vais donc la reformuler après avoir passé en revue les dysfonctionnements et les manques signalés par les trois intervenants de cette seconde table ronde.

Monsieur Jacq, j’ai bien relevé les qualités du réseau des Alliances françaises, qui sont appréciées de tous les partenaires étrangers de celles-ci : sa souplesse, sa capacité d’adaptation, son originalité. Comment envisagez-vous l’avenir ? Des propositions que vous avez faites, je retiens celle de la création d’une institution complètement autonome qui serait en charge de ce domaine. Dans un article, vous avez, en effet, regretté qu’il y ait une absence de pilote dans l’avion.

Monsieur Poivre d’Arvor, j’ai bien entendu votre proposition de réflexion en vue de la création d’un établissement public, dont le nom reste à déterminer, regroupant tous les services et établissements actuellement atomisés et mal coordonnés : les ECF – espaces CampusFrance –, les Alliances françaises, les aides au cinéma, au livre, à l’audiovisuel et toutes les formes d’actions culturelles extérieures.

J’ai bien senti, madame Khaiat, le désarroi causé par le fait que vous dépendiez de trois ministères : les affaires étrangères, l’enseignement supérieur et, maintenant, l’immigration.

Compte tendu de tous ces éléments, ne faudrait-il pas, pour conférer au message culturel un souffle lui permettant de conduire avec audace et créativité une politique multiculturelle, dynamique et ouverte à la diversité des autres, réfléchir à la création d’un secrétariat d’État à l’action culturelle extérieure qui engloberait aussi la francophonie et l’audiovisuel extérieur ?

En guise de conclusion, j’appliquerai à l’action culturelle extérieure de la France une phrase que j’ai lue : comme pour le foot, il faut tous jouer sous le même maillot.

M. Jacques Grosperrin. Vous avez raison, monsieur Poivre d’Arvor, de souligner que le smart power est la diplomatie de l’intelligence. Il est regrettable, de ce point de vue, que la France soit un des rares pays à diminuer les crédits affectés à la diffusion culturelle, car celle-ci revêt un enjeu politique et économique important.

Le projet de loi déposé par M. Kouchner tend à créer un établissement public chargé de l’action culturelle extérieure destiné à succéder à l’association CulturesFrance. Conçue pour répondre aux critères proposés par la Cour des comptes en 2006, cette formule juridique offre l’avantage de conserver au personnel de CulturesFrance son statut de droit privé et de préserver l’autonomie d’action de cette structure, dans un cadre de gestion publique.

Je sais, par ailleurs, que l’association CulturesFrance a bénéficié, pour l’exercice 2008, d’un mécénat et de partenariat privés qui ont représenté environ 8 % des recettes, soit près de 3 millions d’euros.

Le caractère d’établissement public de la structure dont la création est envisagée, même s’il est industriel et commercial, ne fera-t-il pas obstacle aux avantages fiscaux liés au mécénat ? Dans l’affirmative, quelles sont les dispositions prévues à ce sujet ?

Mme Monique Boulestin. Depuis le début de la matinée s’exprime, au sein de notre Commission, une ambition commune de défendre une grande politique culturelle de la France à l’étranger. C’est pourquoi ma question s’adresse prioritairement à vous, monsieur Poivre d’Arvor : comment envisagez-vous le passage de CulturesFrance du statut associatif à celui d’établissement public à caractère industriel et commercial ? Quelles actions concrètes comptez-vous désormais privilégier, notamment concernant la francophonie ?

Je souhaite appuyer la question de mon collègue Hervé Féron par un exemple concret, celui de l’organisation, depuis plus de vingt ans, du festival Les Francophonies en Limousin, à Limoges. Depuis deux ans, ce festival n’est plus soutenu par le ministère des affaires étrangères. Non seulement ce désengagement financier met ce festival en difficulté, mais il nous prive d’un creuset indispensable à la création artistique internationale. Vous serait-il possible de nous donner quelques garanties à ce sujet ?

Mme Muriel Marland-Militello. En tant qu’adjointe à la politique culturelle de la ville de Nice, je veux insister sur l’intérêt que présentent les jumelages entre municipalités pour les échanges culturels et même les partenariats culturels.

Je regrette le désintérêt des institutions culturelles à ce sujet. Les échanges culturels liés à des jumelages sont très souvent considérés avec une certaine condescendance par nos institutions culturelles basées à l’étranger. Le jumelage de la ville de Nice avec celle de Nuremberg a été réalisé par la seule ville de Nice. Il n’y avait même pas, lors de la manifestation des échanges, un représentant d’institutions culturelles de notre pays.

Comment se fait-il qu’il n’y ait pas plus de synergie entre les différents acteurs de l’action culturelle extérieure et que les responsables des institutions culturelles à l’étranger ne s’intéressent pas plus à la dimension artistique et culturelle des jumelages ?

M. Patrick Bloche. Bien que je suive ce dossier depuis de nombreuses années, avec plusieurs collègues, dont M. Bourg-Broc – j’ai ainsi eu l’honneur pendant une dizaine d’années d’être le rapporteur pour avis de ce qu’on appelait à l’époque les crédits des relations culturelles internationales –, j’ai failli ne pas intervenir tellement le désespoir m’accable en la matière. Pour autant, mon propos ne se veut ni polémique ni politique. Je réserve mes remarques les plus désagréables aux ministres concernés. Nos invités d’aujourd’hui assument pour leur part leurs responsabilités avec les moyens qu’on leur donne.

Les budgets de l’action culturelle extérieure de la France ont toujours été fragiles. Ils ont souvent été menacés par des gels ou des annulations de crédits, ce qui nous a conduits maintes fois à regretter que la France donne d’elle une si mauvaise image quand, engagée dans des partenariats, elle se voit obligée de s’en retirer du fait d’annulations de crédits.

Cela étant, on observe, ces dernières années, une véritable rupture, au point que nous nous interrogeons sur la nature même de l’action culturelle extérieure de la France aujourd’hui. Systématiquement, il nous est demandé, lors de nos voyages à l’étranger, de sauver un centre ici, un institut là, de trouver de l’argent pour tel autre, de préserver des postes à tel endroit, de mobiliser des crédits pour tel projet…. Nous sommes renvoyés en France comme des sortes de missi dominici chargés d’aller frapper à la porte du ministère des affaires étrangères.

Il est également désespérant de voir s’élever de façon dramatique la moyenne d’âge des francophones et francophiles qui nous sont présentés lors de nos déplacements à l’étranger. C’est à se demander si, dans dix ou vingt ans, nous pourrons toujours rencontrer ces francophones qui provoquent en nous beaucoup d’émotion par le choix des mots qu’ils utilisent et par leur connaissance de la culture française, parfois bien supérieure à la nôtre.

C’est tout de même l’image de la France qui est en jeu. Alors qu’il existe toujours un désir de France, se faire systématiquement critiquer, notamment par nos amis québécois pour être les plus mauvais militants de la francophonie, conduit à une certaine lassitude.

Il ne faut pas oublier non plus la concurrence de plus en plus forte qui existe en matière de formation. C’est ainsi que, dans l’enseignement supérieur, nous sommes aujourd’hui très concurrencés et souvent distancés.

Hier était projeté à la Cinémathèque un très beau film en hommage à Daniel Toscan du Plantier qui, en qualité de président d’Unifrance a fait beaucoup pour la culture française à l’étranger. Ce fut l’occasion de réaliser combien l’image de l’Italie a changé depuis les années 1960 et 1970 où il existait encore un cinéma italien qui, de plus, s’exportait. S’il faut se réjouir que le nôtre continue pour sa part à participer à l’image culturelle de la France, encore faut-il, pour que le cinéma s’exporte bien, qu’il ait les moyens d’être exporté, au-delà du rôle des distributeurs et des diffuseurs internationaux.

Le mécénat culturel est beaucoup moins développé en France que dans d’autres pays du fait de la tradition française de faire financer notre présence culturelle, notamment à l’étranger, par la puissance publique, même si nous avons souvent été conduits à nous tourner vers les opérateurs économiques pour financer en partie la diffusion de la langue et de la culture françaises, en leur faisant valoir que c’était bon pour leurs affaires et leurs exportations. Les entreprises françaises ont-elles vraiment conscience des retombées économiques de l’action culturelle extérieure de la France ? Constituent-elles pour vos institutions respectives des partenaires solides et fiables ?

Mme Françoise Imbert. Concernant la transformation de CulturesFrance en EPIC, allez-vous, monsieur Poivre d’Arvor, participer à la création de la nouvelle structure ? Le personnel de l’association CulturesFrance y participera-t-il ? Sera-t-il formé à l’utilisation, par exemple, des supports numériques de la culture et au travail en EPIC ?

M. Bernard Debré. Une précision pour répondre à la question de M. Bloche. Les entreprises françaises aimeraient beaucoup participer à l’action extérieure de la France. Mais, par exemple, il existe une concurrence entre Unifrance, organisme chargé de la promotion du cinéma français à l’étranger, et Sopexa, société de conseil en marketing et en communication, en matière d’export qui fait que ces deux organismes s’annihilent l’un l’autre. Il faudrait demander l’intervention des ministères des affaires étrangères et des finances.

M. Olivier Poivre d’Arvor. Le petit nombre de personnes présentes est compensé par leur conviction. L’important est que le débat soit ouvert à l’Assemblée. Il l’a été au Sénat et cette assemblée a fait pas mal de choses ces dernières années.

L’action culturelle extérieure n’est pas, à l’évidence, la priorité des priorités du Président de la République. Je comprends qu’il ait d’autres dossiers à traiter. La diffusion culturelle est cependant un sujet majeur car elle touche à l’identité – j’irai même jusqu’à dire à l’identité nationale...

Le français doit être une langue de résistance et être perçu comme telle, y compris au sein de l’Union européenne. Quand nous nous rendons à l’étranger, nous sommes contents que certains noms d’artistes français soient connus et que notre langue soit parlée par quelques personnes qui comptent. C’est de moins en moins le cas. À cet égard, la langue de bois des apparatchiks qui expliquent que l’apprentissage de notre langue est en augmentation est insupportable. Nous assistons à un effondrement du français en Espagne, au Portugal, en Grèce, en Italie. Il ne figure plus parmi les langues obligatoires et n’est plus parlé par la nouvelle génération. Dans vingt ans, il n’y aura plus que quelques personnes à l’étranger qui parleront le français alors qu’il y a encore vingt ans, on travaillait dans notre langue.

L’apprentissage de l’anglais augmente de manière considérable, y compris dans les pays africains considérés comme francophones. D’ailleurs, on compte souvent comme francophone l’ensemble des populations des pays africains alors que dans la réalité, seule une toute petite majorité le parle, malgré son statut de langue officielle.

Il est grave que l’on ne se rende pas compte que notre influence culturelle concourt à notre influence économique, politique et diplomatique. Le cas d’Haïti, où je me trouvais il y a encore trois semaines, est, à cet égard, symbolique. Une part de la littérature francophone vient de ce pays et nous connaissons tous les grands écrivains Depestre, Métellus, Trouillot. Mais en même temps, la forte présence de l’Amérique dans l’aide apportée au peuple haïtien – ce qui est par ailleurs heureux et formidable – nous fera perdre beaucoup de crédit auprès de ses élites.

CulturesFrance ne pèse que 30 millions d’euros, dont 20 millions de programmes. En voici brièvement le Meccano :

À la tête de l’édifice se trouve le ministère des affaires étrangères. Celui-ci délègue une partie de ses crédits aux postes. Nos ambassades et nos services culturels ont donc des moyens propres. Ceux-ci sont en diminution constante, mais les services culturels financent néanmoins de nombreux centres culturels français par le biais de subventions.

Le ministère des affaires étrangères finance également un certain nombre d’opérateurs dont vous avez trois représentants aujourd’hui devant vous. Les opérateurs sont dispersés. Vous nous donnez aujourd’hui l’occasion de nous rencontrer mais, depuis dix ans que j’exerce ma fonction, aucune réunion obligatoire des opérateurs n’a été organisée, ce qui montre qu’il existe un problème de pilotage et de tutelle très grave.

Enfin, il y a aujourd’hui une direction générale, la DGM – Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats –, dont vous avez rencontré une des directrices, Mme Delphine Borione.

Le projet de loi que vous allez examiner tend, dans un premier temps, à faire passer CulturesFrance du statut d’association à celui d’EPIC. Cela répond à une demande de la Cour des comptes et me paraît une bonne chose.

Je précise tout de suite que cela n’aura aucune incidence sur le mécénat qui nous a fourni en 2009 à peu près 15 % de nos moyens. La structure en EPIC permettra la même chose. Quant aux 80 personnes qui travaillent à CulturesFrance, elles ne sont pas particulièrement inquiètes pour leur avenir car les contrats seront transférés.

Ce sur quoi je veux insister, c’est sur le fait que la modification proposée par le projet de loi est modeste. Ce qui compte, c’est donc ce qui va suivre. Vous allez créer – pour employer une métaphore militaire – une sorte de porte-avions. Encore faudra-t-il ensuite que des avions viennent s’y poser, car les frais de fonctionnement d’une structure en EPIC étant beaucoup plus lourds que ceux de l’association, si aucun avion n’arrive, le porte-avions se transformera en Titanic.

Je précise à cet égard que le Festival de Limoges ne dépend pas de nous mais du ministère des affaires étrangères, ce que je regrette profondément.

Les demandes étrangères sont en constante augmentation. Ce qu’il y a de rageant dans la situation actuelle, c’est que la matière produite en France – par les citoyens et par le ministère de la culture – est exceptionnelle. La France compte aujourd’hui de grands metteurs en scène et de très bons écrivains. Le problème, c’est qu’elle a une capacité de projection de la force d’un petit élastique, c’est-à-dire nulle. C’est un paradoxe très regrettable.

La question de la langue n’est pas en cause. Un film français peut être tourné en anglais et sous-titré. De même, une pièce de théâtre peut circuler facilement grâce aux sous-titres. Et de grands groupes musicaux qui circulent à l’étranger comme Air et Daft Punk chantent en anglais.

Je ne suis pas d’accord avec ceux qui pensent que la diffusion culturelle n’est pas fongible. Si l’on définit une ambition unique et lisible, tout le monde s’y retrouvera et comprendra : les entreprises comme les collectivités territoriales.

Vous avez devant vous aujourd’hui trois représentants d’opérateurs participant à la diffusion de la culture française à l’étranger. Or, 23 autres personnes auraient pu également prendre place autour de la table ! J’y insiste à nouveau : la modification de statut que vous allez voter n’est qu’un début. Si, dans deux ou trois ans, aucun avion ne s’est posé sur le porte-avions, il faudra appeler les services d’urgence. J’espère que vous serez encore là pour le faire. Les prévisions budgétaires pour 2010 ne sont pas bonnes. Si rien n’est fait, notre disparition est envisageable à l’orée de 2015.

De nombreux centres culturels ont déjà été fermés. Pour l’instant, les opérateurs fonctionnent sur la base d’un vieux réseau d’amitiés et de sympathies pour la France. Mais celles-ci sont de moins en moins partagées parce qu’il y a de moins en moins de personnes qui parlent le français dans le monde.

Mme Béatrice Khaiat. L’accueil d’étudiants étrangers et de scientifiques est devenu un enjeu majeur pour tous les pays, notamment pour les pays occidentaux qui connaissent un déficit dans ce domaine. Aux États-Unis, par exemple, les chercheurs dans les laboratoires des universités sont pour plus de 50 % des étrangers.

Le problème est que tous les pays recherchent les mêmes étudiants. Avec ses 4,5 millions de subvention, CampusFrance est vraiment petit par rapport au DAAD et au British Council, d’autant qu’il n’a qu’un rôle de promotion.

Le montant des bourses qui sont allouées par le ministère des affaires étrangères a baissé. Certaines régions en donnent, mais elles sont réservées aux Français qui vont à l’étranger et sont rarement accordées à des entrants. Or, tous les pays sont en concurrence pour accueillir des étudiants étrangers, afin d’en faire leurs futurs chercheurs ou leurs futurs ambassadeurs. Tel est le cas de nombreux pays d’Asie, dont la Chine, qui envoie énormément d’étudiants à l’étranger.

Pour ce qui concerne la langue, nous sommes pragmatiques. Si des étudiants veulent étudier en anglais en France, nous les accueillons en nous disant qu’ils apprendront, par la même occasion, le français. Les grandes écoles de commerce ont été les premières à proposer des formations en anglais, et les universités s’y mettent. Les Allemands ont créé 1 000 masters en anglais, ouverts également à leurs nationaux.

Quant aux entreprises, elles donnent très peu de bourses alors qu’elles pourraient faire plus, et ne sont pas vraiment associées à notre action.

M. Jean-Claude Jacq. Je reprendrai le mot « désespérant » employé par M. Bloche pour qualifier l’état actuel de l’action culturelle extérieure de la France. Celui-ci résulte d’un choix politique qui a été fait de longue date mais qui n’est pas avoué. Les proclamations sont contraires à la réalité. Alors que le budget de l’État n’a pas, à ma connaissance, diminué en valeur absolue depuis vingt ans, celui du culturel extérieur a connu une hémorragie constante.

Comme l’a fait remarquer M. Bourg-Broc, le débat sur le culturel extérieur ne passionne pas le politique.

Une première raison est sans doute que ce n’est pas un sujet électoral. Il n’y a pas de grève ni de manifestation pour ce motif. On peut fermer tous les centres culturels et toutes les Alliances françaises, sans provoquer la mobilisation des Français qui se désintéressent du sujet.

Une seconde raison tient au fait que certains voient dans la défense et le rayonnement de notre langue, une démarche quelque peu néocoloniale. Un opprobre vague plane à cet égard, ce qui, selon moi, est totalement absurde.

La francophonie est-elle désirée ? En France, non. Comme nous venons de le dire, tout le monde s’en moque, ce qui est un gros problème pour ceux qui se battent à l’étranger sur ces questions. Ils ne se sentent pas soutenus.

Pour ce qui concerne l’étranger, la réponse doit être nuancée.

M. Poivre d’Arvor parle d’un effondrement de l’apprentissage du français. Je serai moins brutal et parlerai plutôt d’un repositionnement de la langue française. Il y a une vingtaine d’années, on cherchait à combattre l’avancée de l’anglais et on a beaucoup souffert de son accession au rang de langue internationale. Depuis quelques années, on ne se situe plus dans ce rapport duel et les choses vont beaucoup mieux.

Le nombre d’Alliances françaises dans le monde est en progression. Celle-ci est très importante en Amérique latine, en Amérique du Nord et en Chine.

Dans ce dernier pays, douze Alliances françaises ont été ouvertes en huit ans et les salles se sont remplies dès leur ouverture. Nous freinons même un peu le mouvement pour nous assurer que les structures créées sont fiables et viables. En sept ou huit ans, le nombre de Chinois étudiant le Français dans les huit Alliances françaises a atteint 22 000. Ce chiffre peut paraître dérisoire comparé au milliard et quelque de Chinois, mais cela montre la percée de la langue française dans ce pays où la demande est partout très forte.

Cette évolution favorable est tempérée par la disparition inquiétante du français dans l’enseignement public, en particulier en Europe. Nous ne nous battons pas assez dans les organisations internationales et les hommes d’affaires ne nous aident pas. Or, si l’enseignement du français recule en Europe, nous aurons beaucoup de difficulté à légitimer une progression du français dans le monde où la demande reste forte. J’ai en effet constaté, au cours de mes voyages, un fort désir de France – et de français – qui plus est, chez les jeunes.

Les Alliances françaises réagissent à la manière des plantes assoiffées : elles s’enracinent alors plus profondément en recherchant des ressources propres, lesquelles ne cessent de croître. Pour certaines d’ailleurs la tentation est grande de se séparer du réseau à partir du moment où elles sont capables de se financer totalement et de payer leur directeur. C’est déjà le cas des Alliances françaises de Singapour et de New York.

La Fondation Alliance française de Paris essaie pour sa part de maintenir toutes les Alliances françaises dans un même réseau. Mais la qualité essentielle des Alliances françaises étant de s’adapter aux conditions et au terrain, elles se prennent en main et s’autofinancent toujours davantage, ce qui pourrait alors conduire le ministère des affaires étrangères à fermer le robinet. C’est le paradoxe de la situation.

Le dynamisme des Alliances françaises me rend cependant très optimiste. Si le contexte général politique et budgétaire est assez désespérant, ce qui se passe sur le terrain est, en effet, très encourageant : une fois acquise une connaissance de base de l’anglais pour leur travail et leurs déplacements, les gens se tournent assez spontanément vers le français comme autre grande langue internationale. L’espagnol est en effet très localisé sur l’Amérique latine et le Sud des États-Unis. Il n’est pas très présent en Asie et en Afrique. Quant au chinois, son apprentissage est difficile. Il ne deviendra jamais une langue de masse à l’étranger. Enfin, l’arabe pose des problèmes idéologiques et également d’accès.

C’est ce qui me fait penser que la demande ne va pas décroître. Si nous étions plus fiers de notre langue et si nous mettions un peu plus d’énergie à la promouvoir, cela irait évidemment beaucoup mieux.

Il serait bien que les Alliances françaises puissent bénéficier de meilleures formations, de meilleurs équipements et, surtout, d’une pérennité dans l’action. Elles ont d’excellents directeurs, mais ceux-ci savent que leur séjour à l’étranger est limité dans le temps – entre deux fois deux ans et deux fois quatre ans selon les règles fixées par le ministère qui évoluent constamment – et qu’une fois rentrés en France ils devront trouver un autre emploi. Il y a là une déperdition de savoir-faire considérable. Un organisme qui, comme le British Council ou le Goethe Institut, formerait et rémunérerait dans la durée des personnels permettrait d’assurer une plus grande pérennité.

Contrairement à M. Poivre d’Arvor, je ne trouve pas le projet de loi convaincant. Il me semble au contraire masquer les difficultés. De plus, il contourne la question majeure de l’organisation. Comment fait-on sur place pour que ces réseaux n’en fassent qu’un ? Je ne dis pas que le problème est insoluble mais encore faut-il qu’il puisse être étudié. Or, jusqu’à présent, il ne nous a pas été demandé d’y réfléchir.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Madame, messieurs, nous vous remercions.

II.- AUDITION DU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET EUROPÉENNES

La Commission entend, en audition commune avec la Commission des affaires étrangères, M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, au cours de sa séance du mardi 4 mai 2010.

M. Axel Poniatowski, président de la Commission des affaires étrangères. Nous procédons ce matin à l’audition, commune aux Commissions des affaires étrangères et des affaires culturelles, de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’action extérieure de l’État.

Nous sommes heureux de vous accueillir, monsieur le ministre, pour cette discussion générale. La Commission des affaires culturelles et de l’éducation, qui s’est saisie pour avis, l’examinera demain, tandis que la Commission des affaires étrangères se réunira le 12 mai prochain pour établir son texte en vue de l’examen du projet en séance publique. C’est l’occasion pour moi, monsieur le ministre, de vous demander à quelle date le Gouvernement envisage de fixer ce passage en séance publique.

Permettez-moi également de formuler un regret : l’engagement de la procédure accélérée privera, selon toute probabilité, le Sénat et l’Assemblée nationale d’une deuxième lecture. Compte tenu des modifications apportées au Sénat et des amendements que l’Assemblée nationale ne manquera pas d’adopter, nous risquons de manquer de recul. C’est d’autant plus regrettable qu’il n’est pas si fréquent que nous ayons à examiner un projet de loi réformant l’action du Quai d’Orsay.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Le projet de loi qui vous est présenté a déjà fait l’objet d’un travail patient et minutieux : au sein du Gouvernement tout d’abord, et ensuite au Sénat. Je suis heureux de pouvoir maintenant en débattre avec vous.

L’objet de ce texte est de rénover en profondeur, et pour longtemps, les instruments de notre action extérieure ; de rassembler des forces jusqu’ici dispersées ; de réunir des hommes et des femmes qui ne travaillaient pas – ou pas assez – ensemble.

Cette réforme était nécessaire. Elle était attendue. Je sais que vous en étiez vous-mêmes convaincus. Vous voyez, comme moi que de nouvelles puissances émergent ; que la mondialisation progresse ; que l’avenir de notre pays dépend, plus que jamais, de sa capacité à se trouver en bonne place dans la bataille mondiale des savoirs, des idées, des contenus culturels. Dans ce contexte, nous ne pouvions pas prendre le risque de l’immobilisme. Nous devions adapter notre outil diplomatique. Nous l’avons fait avec ordre et méthode, c’est-à-dire en trois temps.

Le premier temps consistait à réorganiser l’administration centrale du ministère des affaires étrangères et européennes. Nous disposons maintenant d’une direction générale de la mondialisation capable de traiter, avec l’ensemble des acteurs gouvernementaux et de la société civile, les enjeux globaux qu’on a trop longtemps négligés, tels que la démographie, l’énergie, le climat, les affaires financières internationales, les religions...

Dans un deuxième temps, nous avons lancé la modernisation de notre réseau diplomatique, afin de le rendre plus modulable et mieux adapté à la réalité du monde.

Avec ce projet, nous franchissons la troisième étape de la réforme, destinée à doter notre administration d’opérateurs modernes et efficaces. Au cœur du projet, il y a la création de deux agences, chargées l’une de promouvoir notre culture, nos idées, notre langue, en s’appuyant sur les 143 centres culturels qui seront ses relais dans le monde ; l’autre de favoriser la mobilité internationale des étudiants, des chercheurs et des experts, au service de l’attractivité de nos universités et de nos centres de recherche et d’expertise.

Plus d’efficacité ; plus de légitimité ; plus de cohérence et de visibilité ; une capacité plus grande à lever des fonds, à nouer des partenariats ; une administration enfin dégagée des tâches opérationnelles et mieux à même d’exercer son pilotage stratégique. Voilà ce que nous apporteront ces agences, si le texte est adopté.

Le titre Ier du projet porte sur les nouveaux opérateurs que je viens d’évoquer. Les articles 1er à 4 créent une nouvelle catégorie d’établissements publics, les établissements « contribuant à l’action extérieure de la France », et définissent les règles constitutives qui leur sont applicables.

Le statut d’établissement public a déjà fait ses preuves pour les opérateurs actifs dans le domaine de la coopération internationale. Mais nous avons besoin que ces opérateurs, qui ont chacun leur champ de spécialité, agissent de façon mieux coordonnée. C’est essentiel pour assurer la cohérence de notre action extérieure. Nous avons également besoin qu’ils travaillent de manière étroite avec les missions diplomatiques à l’étranger. C’est pourquoi nous proposons de créer une nouvelle catégorie d’établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC). Le texte précise leur mode de gouvernance. Il prévoit que leurs ressources pourront provenir pour une large part du produit de leur activité. Il prévoit enfin que ces établissements pourront accueillir des fonctionnaires détachés ou mis à disposition, et faire appel à des volontaires privés.

Les deux agences appartiennent à cette nouvelle catégorie d’opérateurs.

Le projet prévoit, en premier lieu, la création à Paris d’une agence culturelle extérieure, à partir de la transformation de l’association CulturesFrance en établissement public. CulturesFrance est une association loi de 1901. Le statut d’établissement public permettra d’ancrer l’agence dans la sphère publique. Il ne s’agit donc pas, comme certains détracteurs le disent, d’une privatisation ou d’une marchandisation de la culture. Qui plus est, le statut d’EPIC conférera à l’agence la souplesse dont elle a besoin pour évoluer dans un secteur concurrentiel.

Cet opérateur reprendra les missions de CulturesFrance : il devra promouvoir à l’étranger la création artistique et les industries culturelles françaises, soutenir le développement culturel des pays du sud, favoriser le dialogue culturel international, défendre l’avant-garde, sans pour autant négliger la tradition.

Mais il aura surtout trois nouvelles missions : soutenir la diffusion de la langue française ; renforcer la place de la France dans le débat d’idées ; former les personnels qui concourent à la diplomatie culturelle française.

La nouveauté, par rapport à CulturesFrance, ce sera aussi un rapport beaucoup plus étroit avec le réseau des 143 établissements culturels français à l’étranger. L’agence sera la tête de pont de ce réseau, mêlant les deux cultures, diplomatique et culturelle, parfois antagonistes. Des liens fonctionnels étroits seront créés dans deux domaines : la gestion des ressources humaines et la programmation des activités.

Par ailleurs, un même nom sera donné à l’agence et aux établissements du réseau, ce qui permettra à notre diplomatie d’influence d’avancer sous une même enseigne dans le monde entier, comme les Allemands avec le Goethe Institut, les Britanniques avec le British Council ou les Espagnols avec l’Instituto Cervantes – mais aussi, désormais, les Chinois. Cet élément symbolique est très important.

Comme vous le savez, les sénateurs ont souhaité inscrire ce nom dans la loi. Après avoir choisi, en commission, le nom d’Institut Victor Hugo, ils se sont finalement ralliés, en séance publique, au nom d’Institut français. Je ne souhaite pas rouvrir le débat sur la dénomination, qui relève d’ailleurs à mon sens plus du pouvoir réglementaire que du législateur. Et je laisse à la sagesse de l’Assemblée le soin de choisir le nom définitif de notre institut ou de confier au Gouvernement cette tâche.

Concernant la gestion du réseau des centres et instituts français à l’étranger, qui restent pour le moment rattachés administrativement au ministère des affaires étrangères et européennes, j’ai souhaité une clause de rendez-vous qui sera mise en œuvre avant trois ans. On examinera alors l’opportunité de rattacher administrativement le réseau à l’agence, solution qui a ma préférence, comme je l’ai dit à plusieurs reprises, mais qui serait impraticable ex abrupto.

Il était nécessaire de ne pas précipiter la décision sur ce point : dans un premier temps, il faut consolider la nouvelle agence et évaluer dans le détail toutes les conséquences financières, juridiques et techniques d’un rattachement qui concerne 6 800 à 8 000 agents.

La loi prévoit la clause de rendez-vous, mais aussi le lancement, au préalable et au plus vite, d’expérimentations dans le cadre desquelles nous procéderons au rattachement d’un certain nombre de centres. Ces expérimentations porteront notamment sur la programmation de l’activité, sur la dévolution des moyens budgétaires et sur la gestion des personnels.

J’envisage l’élaboration d’un véritable cahier des charges pour préciser leurs modalités ainsi que les conditions de réversibilité. J’envisage aussi une clause de rendez-vous à mi-parcours pour dresser un premier bilan, avant celui des trois ans.

En matière de gouvernance, l’agence sera placée sous la tutelle du ministère des affaires étrangères et européennes, mais celui-ci associera de façon étroite, en particulier à travers le conseil d’administration, les autres ministères concernés, au premier chef le ministère de la culture, avec lequel nous travaillons très étroitement.

La création de cette agence culturelle n’est pas un petit sujet. C’est un enjeu capital pour tous les Français et pour notre influence dans le monde. Ouvrons les yeux ! Le monde dans lequel nous sommes entrés n’est pas seulement un monde plus global, mais aussi, notamment avec l’Internet, de plus en plus dématérialisé, dans lequel les productions de l’esprit jouent un rôle décisif. Les mots, les idées, les savoirs, les symboles, les images, les sons, circulent à une vitesse accélérée, dans un espace désormais unique. L’influence, la prospérité, la liberté, appartiennent à ceux qui savent en maîtriser à la fois la production et la diffusion. Il est capital pour nous d’être présents dans ce champ immense de la culture, de la communication et de la connaissance, qui est aussi, par voie de conséquence, celui du développement.

Notre pays n’est pas en mauvaise position. La France compte parmi les quatre ou cinq plus grandes puissances culturelles de la planète. Mais la compétition, dans ce domaine du savoir et de la culture, est de plus en plus forte et aucune position n’est jamais définitivement acquise. Les grands pays l’ont compris. À Londres, Berlin, Washington, Madrid, l’heure est désormais à la relance de la diplomatie culturelle. Surtout, de nouvelles puissances émergent qui, de la Chine aux pays du Golfe, à l’Inde, en passant par le monde hispanique, veulent faire entendre leur voix.

La France ne doit pas être en reste. C’est pour cela qu’il est important de créer cette agence culturelle extérieure. Ce qui est en jeu, ce ne sont pas seulement nos intérêts, notre influence, ce sont aussi nos valeurs.

Il pèse une menace sur la diversité culturelle. Nous devons défendre le pluralisme culturel qui est la condition de notre liberté. Mais il existe une autre menace, plus grave, symétrique de la première : dans le monde globalisé qui est le nôtre, la tentation est grande d’opposer les civilisations, d’enfermer les individus dans une culture prétendument plus « pure » que les autres.

Dans ce contexte, la tâche de la future agence culturelle extérieure sera aussi de réaffirmer l’idée d’une culture universelle faite d’œuvres à admirer, de savoirs à partager, de principes à respecter. Je défends l’idée obstinée que chaque homme, chaque nation, se définit par sa contribution à cette œuvre commune, en perpétuelle évolution.

Entendons-nous bien : réformer notre action culturelle extérieure, ce n’est pas seulement créer une nouvelle agence. La réforme culturelle extérieure que je propose, et que je mène en parfait accord avec mon collègue Frédéric Mitterrand, comporte quatre autres volets qui ne sont pas moins importants.

D’abord la définition, par le Quai d’Orsay, d’une stratégie d’influence, avec des priorités géographiques clairement affirmées ; dans quelques jours, je validerai avec le ministre de la culture les documents de stratégie qui guideront le travail de l’agence.

Un effort budgétaire également : j’ai stoppé la baisse historique des crédits de l’action culturelle extérieure, qui durait depuis 10 ans, grâce à la rallonge budgétaire de 40 millions d’euros obtenue pour 2009 et 2010. Et j’ai l’accord du Premier ministre pour poursuivre, et même pour augmenter ce soutien financier.

Ensuite un effort de professionnalisation des agents du réseau culturel : un plan de formation de grande ampleur, sans précédent, a été lancé. Doté de 6 millions d’euros, il permet à 4 000 agents de se former au management d’établissement, à la levée de fonds, à la gestion, aux industries culturelles, au français langue étrangère, aux nouvelles tendances de la scène artistique...

Enfin, un travail d’harmonisation entre notre réseau culturel public et celui, associatif, des Alliances françaises. Le réseau des Alliances françaises – dont les statuts sont généralement de droit local – relaie et prolonge l’action des pouvoirs publics. Nous travaillons en parfaite complémentarité avec lui. Je veux aller plus loin. Dans un article que nous avons publié ensemble il y a quelques jours, le président de l’Alliance française Jean-Pierre de Launoit et moi-même avons affirmé notre volonté de rapprocher les identités visuelles – avec un même logo bleu et rouge –, d’harmoniser encore les cartes de nos réseaux, de multiplier les actions communes dans le cadre d’une convention tripartite entre le ministère des affaires étrangères, l’Agence culturelle et l’Alliance française.

Mais la diplomatie d’influence ne se limite pas à l’action culturelle extérieure. C’est pourquoi le projet de loi propose de créer un second établissement : l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales – AFEMI. Cet opérateur se substituera à trois organismes : l’association EGIDE et les groupements d’intérêt public CampusFrance et France Coopération internationale.

Le nouvel opérateur reprendra naturellement les missions de ses trois composantes. Il sera chargé d’aider à la mobilité des étudiants et des chercheurs étrangers, notamment par la gestion administrative des bourses du gouvernement français. Il sera ensuite chargé de faire, auprès des publics étrangers, la promotion des formations supérieures françaises et de veiller à la qualité de l’accueil des étudiants étrangers en France. Pour mener à bien ses missions, l’opérateur s’appuiera sur le réseau des ambassades et des espaces CampusFrance gérés par le réseau culturel à l’étranger.

Par ailleurs, l’Agence sera chargée de concourir au développement et au rayonnement de l’expertise française, y compris de l’expertise privée de courte et moyenne durée.

Le défi est de taille. Il s’agit, d’abord, d’attirer davantage d’étudiants dans nos universités et nos laboratoires de recherche. Aujourd’hui nous nous classons au troisième rang mondial, avec 266 000 étudiants accueillis sur notre territoire. La marque CampusFrance, que les étudiants étrangers connaissent bien, sera conservée, et les espaces CampusFrance demeureront dans nos ambassades.

Le second défi est celui que représente le gigantesque marché international de l’expertise. D’après le récent rapport Tenzer, ce marché s’élèvera à plusieurs centaines de milliards d’euros pour les années à venir. La France doit y prendre toute sa place, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui : nos experts sont compétents mais ils ne sont ni assez disponibles ni assez mobiles. Il y va de l’intérêt économique de notre pays mais aussi de son intérêt en termes d’influence et de rayonnement. Ce nouvel opérateur l’y aidera.

Aujourd’hui, nos forces sont dispersées alors qu’il existe une véritable cohérence entre les métiers de la future agence. Le Président de la République, dans le cadre du Conseil de modernisation des politiques publiques, a demandé leur regroupement afin de favoriser le rayonnement de nos savoirs, qu’il s’agisse de nos savoirs académiques, scientifiques, ou techniques.

Ce qui est en jeu, c’est aussi la rationalisation des moyens de nos opérateurs : en fusionnant trois organismes en un seul, on pourra mutualiser les coûts de fonctionnement, l’implantation immobilière, avoir des règles communes de gestion des personnels.

Jusqu’à présent, nous étions dans une logique de subvention. Il faut passer à une logique de prestation de services, en usage dans tous les autres grands pays. Nous souhaitons que la nouvelle agence soit autofinancée et n’ait pas besoin de reposer sur des subventions publiques. C’est d’ailleurs le cas pour France Coopération internationale, qui ne touche aucune subvention du ministère des affaires étrangères. De cette manière, il n’y aura dans tous les cas pas de distorsion de concurrence avec les opérateurs privés.

Le Sénat a souhaité placer l’AFEMI sous la tutelle du ministère des affaires étrangères et européennes, au même titre que l’agence culturelle extérieure. Comme pour l’agence culturelle, la contrepartie est une association étroite des autres ministères au pilotage stratégique. Dans le cas de l’AFEMI, les ministères concernés sont nombreux, car ils sont nombreux à fournir de l’expertise technique.

Le conseil d’administration associera, en plus des représentants des ministères concernés, des représentants du Parlement, des collectivités territoriales et d’autres organismes, tels que les établissements d’enseignement supérieur, ainsi que des personnalités qualifiées et des représentants du personnel.

Le Sénat a aussi introduit dans la loi la création de deux conseils d’orientation consultatifs. Ils permettront d’associer les partenaires de l’opérateur dans la définition et l’orientation de ses deux principaux champs d’activité : l’accueil des étudiants et chercheurs étrangers en France et la projection de notre expertise à l’étranger – selon un principe de va-et-vient profitable à tous. Le Gouvernement souhaitait créer ces conseils par voie réglementaire. Cette mesure ne peut donc que recueillir son aval.

Quant à la gestion des bourses destinées aux élèves étrangers, je souhaite qu’elle puisse être unifiée au sein du nouvel opérateur. Le Sénat, à cette fin, a opportunément introduit un article 5 ter prévoyant la remise d’un rapport, dans les trois années suivant l’entrée en vigueur de la loi, pour faire le point sur cette question.

Le titre II du projet de loi complète utilement la création de l’AFEMI. Il vise à rénover le cadre juridique de l’assistance technique internationale tel qu’il était issu de la loi du 13 juillet 1972.

Depuis cette date, en effet, le contexte a changé. La demande d’expertise internationale n’est plus la même. Elle ne s’exprime plus de la même manière. L’objectif est de remettre la France au cœur de cette compétition mondiale.

Il faut d’abord diversifier les équipes d’experts et leurs profils. Il y a quarante ans, on pratiquait une expertise résidentielle de long terme. Aujourd’hui, cette pratique se réduit au profit d’une demande de court et moyen terme, portant sur des champs très spécialisés, pour venir compléter le travail des experts locaux. C’est un marché qui représente un enjeu financier important.

Le texte présente trois avancées majeures.

Premièrement, il permet d’élargir l’affectation d’experts techniques internationaux aux organisations internationales intergouvernementales et aux instituts indépendants de recherche sur les politiques publiques, les think tanks,...

M. Jacques Myard. Les « remue-méninges » !

M. le ministre. Soit, les remue-méninges... afin de mieux répondre aux appels d’offres des organisations internationales et développer ainsi notre influence auprès de ces organismes de recherche.

Deuxièmement, il permet de recruter nos experts non seulement parmi les fonctionnaires et les agents des trois fonctions publiques, mais aussi parmi les fonctionnaires des pays membres de l’Union européenne, et les agents du secteur privé, lorsque les compétences recherchées ne se retrouvent pas au sein du secteur public. L’objectif est de gagner en réactivité. Lorsque j’étais au Kosovo, ce qui faisait la supériorité de l’offre britannique ou allemande en matière d’expertise, c’est que les experts, venus du privé ou du public, étaient sur le terrain au bout de quinze jours, restaient quelques semaines ou quelques mois et n’étaient pas pénalisés à leur retour, bien au contraire. La diversification des modes de recrutement nous permettra, à notre tour, d’être plus réactifs.

Troisièmement, le texte permet de redéfinir le principe et les conditions de durée des missions. Elles seront limitées à trois ans renouvelables une fois, afin que les experts se retrouvent régulièrement à exercer dans leur cœur de métier. Il clarifie également le statut des experts à l’issue de leur mission de coopération. Les périodes d’exercice seront assimilées à des périodes de service public, et seront comptabilisées dans les années d’ancienneté indispensables pour se présenter aux concours internes de recrutement dans les trois fonctions publiques. Dans le domaine de l’expertise médicale, par exemple, ne pas trouver sa place prise lorsque l’on revient constituerait une révolution !

Ce statut rénové de notre expertise internationale offrira un cadre d’action efficace pour notre nouvel opérateur de l’expertise et de la mobilité qui sera chargé d’animer cette politique stratégique et d’entretenir un vivier d’experts réactifs et compétents.

Le titre III du projet de loi crée l’allocation au conjoint. C’est une revendication très ancienne des conjoints de nos personnels. L’allocation sera désormais versée directement aux conjoints des agents expatriés, c’est une avancée sociale importante. Le « supplément familial » prévu par le décret du 28 mars 1967, était versé à l’agent. Son périmètre reste inchangé : l’allocation s’appliquera aux conjoints n’exerçant pas d’activité professionnelle ou ayant des revenus professionnels limités. Elle sera attribuée aussi bien aux conjoints qui restent en France qu’à ceux qui s’expatrient.

Cette mesure, qui pourrait sembler symbolique dans la mesure où elle remplace un élément de rémunération de l’agent par une allocation au conjoint – en toute neutralité budgétaire – n’en est pas moins d’une grande portée pour les familles d’agents expatriés. Elle doit apparaître comme le premier pas vers la création d’un « statut du conjoint » que le Président de la République a appelé de ses vœux dans son discours devant la communauté française de Hongrie le 14 septembre 2007 et que j’entends mettre en œuvre.

Pour finir, je voudrais dire un mot du titre IV, qui concerne le remboursement des frais engagés par l’État à l’occasion des opérations de secours à l’étranger.

La question est délicate : nos compatriotes sont attachés au secours apporté par l’État, fût-ce à l’autre bout de la planète. Mais cette mesure est nécessaire et elle sera très certainement bien comprise. Je rappelle qu’il n’existe, en droit international comme en droit français, aucune obligation de secours de l’État envers ses ressortissants à l’étranger, en dehors de l’assistance consulaire prévue par la Convention de Vienne, qui est d’une portée très limitée. Il y va du respect de la souveraineté des États où ces opérations de secours peuvent être nécessaires.

Nous faisons bien sûr le maximum pour aider nos compatriotes en difficulté. L’efficacité du centre de crise que nous avons créé est reconnue par tous.

Nos compatriotes sont de plus en plus nombreux à s’exposer à un danger immédiat, dans des pays notoirement dangereux et déconseillés – en particulier dans la rubrique « Conseils aux voyageurs » du site Internet du ministère, très largement consultée – où ils séjournent pour leur loisir ou dans le cadre de leur activité professionnelle. Ces personnes secourues ne se voient pas réclamer le remboursement des frais qui sont engagés en raison d’une conception exorbitante de la gratuité des secours qui n’a pas d’équivalent à l’étranger !

Les professionnels du tourisme, des transports et de l’assurance sont eux aussi tentés de s’en remettre à l’État pour le rapatriement de leurs clients, même lorsque la situation de force majeure n’est pas véritablement constituée. Ce fut le cas lors du blocage de l’aéroport de Bangkok en novembre 2008. Cette question fut encore évoquée tout récemment lors de la fermeture des aéroports européens due à l’éruption du volcan islandais : lorsque les vols ont été réservés auprès de petites compagnies, c’est vers l’État que l’on se tourne pour être rapatrié.

Que se passe-t-il alors ? Les services de l’État doivent supporter des dépenses qui peuvent s’élever à plusieurs dizaines, voire centaines de millions d’euros. Lors de la crise de Bangkok, le rapatriement des cinq cents touristes français a coûté 720 000 euros pour le seul affrètement des avions.

Il vaut mieux sensibiliser nos concitoyens aux conséquences des risques qu’ils prennent et qu’ils font prendre aux équipes de secours. Avec ce projet, l’État aura les moyens d’une part, d’exiger des personnes qui se sont mises en danger délibérément – sauf motif légitime –, le remboursement de tout ou partie des frais directs ou indirects induits par des opérations de secours à l’étranger ; d’autre part, d’exercer une action récursoire à l’égard des opérateurs défaillants, qu’ils soient transporteurs, voyagistes ou compagnies d’assurance, qui n’ont pu fournir la prestation de voyage ou de rapatriement à laquelle ils étaient tenus, sans être en mesure de mettre en évidence un cas de force majeure.

Entendons-nous bien : l’objet de cette mesure n’est pas de limiter la liberté de voyager ou bien d’exercer une profession, mais d’inciter les voyageurs à mieux mesurer les risques de ce monde difficile.

S’agissant des professionnels, la demande de remboursement ne pourra s’appliquer qu’en l’absence d’un motif légitime. Cette réserve est susceptible de préserver, par exemple, le cas des journalistes intervenant en zone de crise au nom de la liberté d’information, et bien sûr celui des volontaires humanitaires.

Mme la présidente Michèle Tabarot. La Commission des affaires culturelles et de l’éducation, qui s’intéresse plus spécifiquement à la création des opérateurs compétents en matière de culture et de mobilité des étudiants, a réalisé il y a quelque mois différentes auditions et tables rondes pour mieux appréhender les évolutions que vous souhaitez. Après avoir évoqué avec les différents intervenants la création de l’agence culturelle extérieure, nous avons deux inquiétudes.

Premièrement, nous souhaiterions obtenir des précisions au sujet de la stratégie culturelle de la France, qui nous semble encore insuffisamment définie.

Deuxièmement, quelles sont les perspectives financières ? Vous avez souligné à juste titre, monsieur le ministre, les efforts importants que vous avez déployés pour arrêter l’hémorragie, mais nous avons besoin d’un peu plus de visibilité.

M. Hervé Gaymard, rapporteur de la Commission des affaires étrangères. Ce projet de loi est important par son contenu, que vous avez, monsieur le ministre, exposé avec détail et conviction, mais surtout pour ce qu’il recèle : les rendez-vous fixés dans les prochaines années en font une loi « évolutionniste », en devenir, pour différents aspects dont celui de l’agence culturelle extérieure. En outre, l’application du texte dépendra fortement, comme toujours, du facteur humain : le président de la nouvelle agence aura un rôle très important pour imposer l’établissement dans un paysage administratif et politique par nature mouvant.

Deuxième remarque, ce texte est très réglementaire. Même dans sa version primitive, beaucoup de dispositions ne sont pas forcément d’ordre législatif. Cela dit, chacun doit balayer devant sa porte : nous sommes toujours tentés d’introduire des dispositions réglementaires dans un texte législatif.

Enfin, comme le président Axel Poniatowski, je regrette l’engagement de la procédure accélérée. Qu’un texte aussi important ne fasse l’objet que d’une lecture et d’un examen en commission mixte paritaire, cela me semble un peu hâtif. Il nous faudra accomplir en commission et en séance publique un travail extrêmement minutieux et rigoureux : le diable se cache dans les détails !

Le projet concerne trois politiques publiques. La première est la politique culturelle extérieure de la France, qui existe, dans sa forme moderne, au moins depuis la fin du XIXe siècle. La deuxième est la politique de l’expertise publique et de la coopération internationale. La troisième est celle de l’attractivité de notre enseignement supérieur sur le marché international de la formation : la nécessité d’attirer dans nos universités, nos écoles et nos instituts de formation des étudiants boursiers et solvables.

S’agissant de la création de l’agence culturelle extérieure, vous avez exposé les différentes configurations possibles. Je salue, à cet égard, le pragmatisme du projet. C’eût été en effet une erreur de vouloir fusionner les services de l’État et les Alliances françaises, dont le statut est le plus souvent de droit local, alors qu’il faut développer les synergies existantes.

Pour ce qui est de l’intégration totale du réseau des centres et instituts culturels dans l’Agence, certains souhaitent que les choses aillent plus vite, d’autres, plus conservateurs, souhaitent qu’elles restent en l’état. La démarche du Gouvernement – construction de l’agence au niveau national, labellisation homogène partout dans le monde, absence de fusion dans un premier temps mais clause de rendez-vous – me semble tout à fait pragmatique et intéressante, à condition que nous sachions où nous allons. En ce sens, je proposerai par amendement que l’on procède à des expérimentations réversibles dans des pays cibles afin d’évaluer les effets avant le délai de trois ans prévu dans le texte.

Par ailleurs, je salue l’effort consenti en matière de formation des personnels et de sélection des candidatures, qui permettra une plus grande professionnalisation des agents.

Il convient ensuite de souligner l’importance des politiques d’expertise publique et de renforcement de l’attractivité de la France auprès des étudiants étrangers.

La politique d’expertise publique se situe dans un « angle mort » de notre stratégie d’influence, non qu’il ne se fasse rien – nombre d’organismes publics et de sociétés privées accomplissent un travail remarquable – mais le rapport de M. Nicolas Tenzer a bien montré que nous perdons des parts de marché, qu’il s’agisse de celui des appels d’offres des organisations internationales – en particulier de la Banque mondiale et des banques régionales de développement – ou du marché privé. Cela rend d’autant plus nécessaire une vraie politique publique dans ce domaine.

Même nécessité en ce qui concerne l’attractivité de la France auprès des étudiants étrangers. La création de CampusFrance en 2007 a constitué un réel progrès. Je rappelle que plusieurs ministères et institutions sont concernés : outre le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, celui de l’intérieur – pour la question de visas –, mais aussi les universités, devenues entre-temps autonomes, et les collectivités territoriales, qui ont un rôle considérable pour l’hébergement des étudiants français et étrangers et qui attribuent également des bourses.

Cela dit, la création de cette nouvelle agence soulève une véritable interrogation. Rassembler dans un même établissement le volet de l’expertise internationale et celui de l’attractivité en matière d’enseignement et de recherche ne me semble pas une bonne solution car ce n’est pas le même sujet. Je comprends bien que Bercy est à vos trousses, que la RGPP impose des économies d’échelle, des fonctions communes, etc., mais je pense néanmoins que c’est une erreur en termes d’efficacité.

Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen des amendements. Sans doute peut-on imaginer un établissement public « chapeau » assurant les fonctions horizontales de gestion du personnel, des locaux, de l’hébergement, etc., mais il faut très clairement distinguer les deux politiques publiques. Deux marques existent déjà : France Coopération internationale et CampusFrance, elles ont maintenant une certaine notoriété et ce serait une erreur de les abandonner au profit d’un acronyme qui restera ignoré de tous.

Dernière remarque d’ordre général : dans tous ces domaines, le ministère des affaires étrangères ne peut que travailler avec les partenaires concernés : le ministère de la culture et celui de l’éducation nationale – dont est issue une part non négligeable des agents des instituts culturels français – pour l’agence culturelle extérieure ; l’ensemble des ministères intervenant sur le marché de l’expertise et de la coopération internationales, mais aussi le secteur privé, pour ce qui est de l’expertise. Il faut affirmer clairement qu’il n’y aura pas de distorsion de concurrence aboutissant à évincer des sociétés d’ingénierie privées. En effet, certaines d’entre elles s’inquiètent des « dérives » que le texte pourrait permettre. Pour ce qui concerne les étudiants, il conviendra de travailler en confiance et en coresponsabilité avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, avec les trois conférences (celle des présidents d’universités, celle des grandes écoles, celle des directeurs d’écoles d’ingénieurs), et avec les collectivités territoriales.

Enfin, si nous comprenons bien l’inspiration des dispositions du titre IV, relatives aux opérations de secours à l’étranger, nous souhaiterions obtenir une précision : le 22 juillet 2009, c’est-à-dire le jour de l’adoption du présent projet de loi en Conseil des ministres, une loi « de développement et de modernisation des services touristiques » était promulguée. Les dispositions que le Gouvernement nous propose aujourd’hui semblent présenter certaines redondances avec ces dispositions législatives déjà applicables. Un peu de toilettage ne serait peut-être pas superflu afin que nous légiférions à bon escient.

M. Gilles d’Ettore, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles. La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a souhaité se saisir pour avis de ce texte en raison des dispositions relatives à l’agence culturelle extérieure et de celles qui concernent l’agence pour l’expertise et la mobilité internationales.

Ce texte important permet de sortir de la balkanisation de la représentation française à l’étranger. Cela étant, ne « resserre »-t-on pas les choses au point d’associer la mobilité des étudiants et l’expertise, qui sont deux sujets différents ?

Au-delà de la diffusion de la culture, de l’image et des valeurs de notre pays, la projection de la France à l’étranger est un moyen de faire face à la mondialisation. Du reste, c’est la direction générale de la mondialisation qui exercera, au ministère des affaires étrangères, la tutelle des deux agences.

L’attractivité exercée vis-à-vis des étudiants étrangers a une incidence sur notre économie : diffuser notre culture, c’est, demain, renforcer l’attractivité de nos entreprises à l’étranger.

Concernant l’expertise, l’accueil des étudiants étrangers et la promotion de notre langue, de notre culture et de nos savoirs, ce texte est à la fois ambitieux et nécessaire. Il était d’autant plus attendu que le contexte budgétaire ne cesse de se restreindre – nous saluons, à cet égard, les efforts que vous avez réalisés, monsieur le ministre.

Comme l’a souligné la présidente Michèle Tabarot, nous attendons de la création de ces deux agences qu’elle permette de préciser la stratégie culturelle française à l’étranger. Face au Goethe-Institut, au British Council ou à l’Instituto Cervantes, comment la France se positionnera-t-elle ? Par ailleurs, alors que nous avons voté l’autonomie des universités, celles-ci semblent quelque peu absentes – de même que les collectivités territoriales – de l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales. Au-delà du conseil d’orientation que vous avez évoqué, comment comptez-vous associer les grandes écoles et les universités de manière à ce que leur attractivité s’exerce pleinement ? De même, comment le Centre national des œuvres universitaire et scolaire – le CNOUS – travaillera-t-il avec la nouvelle agence ?

M. le ministre. La stratégie culturelle de la France, madame la présidente Tabarot, était jusqu’à présent très imprécise : elle dépendait des postes, des possibilités financières, de la personnalité des directeurs des centres culturels, etc.

La mise en place de CulturesFrance a représenté un progrès, mais les pouvoirs et le budget de cette association loi de 1901 restent insuffisants. Certains esprits conservateurs lui reprochent, non sans raison, son « parisianisme ». En effet, on ne peut présenter en Amérique du Nord les mêmes choses qu’en Afrique ou en Asie.

Avec le ministère de la culture, nous travaillons à des propositions précises. Aucun domaine culturel ne sera oublié. Mais ces propositions doivent d’abord rencontrer la culture locale. Sans compréhension, je dirais même sans appropriation, de la culture locale, on ne peut faire de bonnes propositions. Une bonne connaissance de la demande est indispensable. Le succès découlera du mariage de ces deux aspects.

De surcroît, la sélection des personnels de la nouvelle agence se fera entre le ministère de la culture et celui des affaires étrangères : si l’on ne rassemble pas dès le départ ces deux cultures dont l’antagonisme est parfois caricatural, ce sera l’échec.

On retrouvera, je le répète, tous les domaines : arts plastiques, cinéma, audiovisuel extérieur, etc.

Permettez-moi également d’insister sur le caractère sans précédent des cycles de formation. La mise en place d’un plan de formation culturelle destiné aux responsables eux-mêmes est loin d’être facile ! À terme, 4 000 agents seront formés, y compris les ambassadeurs.

Bien entendu, ce dispositif ne saurait remplacer le savoir personnel, l’empathie, la façon de parler aux personnes et de les écouter. Mais nous espérons le mener à bien malgré les tâtonnements initiaux. Le projet d’enseignement n’est pas encore arrêté entre le ministère de la culture et le nôtre, mais il le sera.

Avant la fin de mois de mai, nous vous présenterons ces stratégies culturelles de la France, sachant que les réponses varieront selon les postes. Il existe, vis-à-vis de la France, une demande universelle et généraliste reposant sur les Lumières et la Révolution – ce qui n’est pas forcément le cas pour les instituts Cervantès ou Goethe. Nous devons en tenir compte, tout en accentuant la possibilité d’offrir l’avant-garde de nos artistes.

Certaines opérations de coût réduit rencontrent des succès populaires formidables mais sont très peu proposées. En revanche, les tournées de grandes institutions culturelles comme l’Opéra de Paris ou la Comédie française, qui coûtent cher, ne sont pas forcément accueillies de la même façon selon les pays. La prise en compte de l’élément local est ici très importante.

Je souhaite comme vous, monsieur le rapporteur, que l’on procède immédiatement à des expérimentations en prenant soin de choisir des pays très différents.

Pour ce qui est des perspectives financières, madame la présidente, je me réjouis du progrès obtenu. Les crédits sont pérennisés pour le démarrage de l’agence. Une somme dont j’ignore encore le montant pourra être allouée en supplément.

Oui, monsieur Gaymard, c’est une loi « évolutionniste ». Le président de la nouvelle agence aura en effet un rôle très important.

Par ailleurs, j’estime que ces trois politiques publiques constituent un tout et, je crois bienvenu que le deuxième EPIC regroupe France Coopération internationale et CampusFrance, qui ont une notoriété.

Pour ce qui est des Alliances françaises, il est impossible de les marier avec un EPIC – pas plus qu’avec une association loi de 1901 – puisqu’elles sont de droit local. Cela étant, elles travaillent déjà largement avec nous, bien au-delà de leur mission originelle qui est l’enseignement du français. Du reste, rares sont les pays où l’Alliance française et le centre culturel s’ignorent. Même s’il peut y avoir des concurrences, les responsables seront obligés de travailler ensemble. Les tournées seront communes entre Alliances françaises et centres culturels, ce qui permettra de les rentabiliser. Nous travaillons à ce renforcement avec Jean-Pierre de Launoit. Je crois beaucoup à cette idée de logo commun – même si j’estime que le projet présenté peut être amélioré.

La formation, qui mobilise une part importante des crédits supplémentaires, est indispensable à la création de l’agence. De même, si un conflit se déclare entre l’agence et l’ambassadeur pour la nomination d’un directeur de centre culturel, c’est le ministre des affaires étrangères qui tranchera.

Nous travaillons, bien entendu, avec le ministère de la culture et avec celui de l’éducation nationale. Il faut mélanger ces traditions qui se sont longtemps affrontées et qui ont provoqué des querelles de personnes rendant illisibles, et même impraticables, les offres culturelles de la France.

La conférence des présidents d’universités et les collectivités locales seront représentées au conseil d’orientation ainsi qu’au conseil d’administration.

Vous évoquez enfin la loi de développement et de modernisation des services touristiques, monsieur le rapporteur. Si ce texte comportait toutes les possibilités d’assurance que nous souhaitons, cela se saurait ! Pour l’instant, nous ne bénéficions d’aucun remboursement. Mais je vais prendre connaissance de cette loi dès à présent puisqu’elle a été votée après l’élaboration du projet de loi

Le rapporteur pour avis semble regretter, après une profusion excessive d’initiatives, un regroupement trop important. Nous verrons bien. Les formations permettront de marier les idées et les projets. Nous souhaitons un recoupement avec les activités de l’AEFE – l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger –, afin que les lycées ne soient pas exclus du dispositif.

M. Michel Vauzelle. Il est très discutable de recourir à l’urgence pour un tel texte, qui met tout simplement en jeu la place de notre nation dans le monde, que nous sommes aujourd’hui, compte tenu des problèmes sociaux qui accablent notre peuple, les seuls à pouvoir défendre.

Nous ressentons comme une humiliation de ne pouvoir, hors de nos frontières, regarder que des chaînes de télévision espagnoles anglaises, italiennes ou allemandes, ou de constater l’action vigoureuse des instituts Cervantes ou Goethe, à laquelle nos propres institutions, faute de moyens, ne peuvent manifestement pas se mesurer. Mais l’humiliation n’est rien au regard de l’enjeu éthique que représente la liberté de choix entre des modèles culturels différents. La mondialisation ne doit pas se traduire par une seule langue et une seule culture. On peut à ce propos s’interroger sur l’idée que se font de l’Europe dans le monde de demain le président Obama et les dirigeants des «  BRIC » (Brésil - Russie - Inde - Chine). Nous avons le devoir impérieux de défendre notre patrimoine non seulement esthétique mais éthique.

Vous parlez, monsieur le ministre, de rassembler nos forces dispersées. Mais sont-elles seulement suffisantes ? Peut-on accepter que les affaires étrangères, autrement dit les affaires de la France, soient traitées comme le reste par la RGPP ? Évidemment non. J’ai pu mesurer au cours d’un voyage en Amérique latine l’attente de nos amis francophones et francophiles, comme la déception, le découragement, voire parfois l’humiliation de nos agents chargés de la politique culturelle. Le problème est grave. Il faut absolument que le Gouvernement comprenne que la France ne peut pas s’en remettre à l’Europe, trop diverse culturellement, pour défendre une éthique et une culture particulières. La France doit traiter différemment, et avec des moyens bien supérieurs, sa politique extérieure.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Michel Vauzelle. La France peut rester demain l’une des plus grandes puissances mondiales, en matière culturelle et éthique, si elle n’abandonne pas le terrain pour des raisons économiques.

M. Bruno Bourg-Broc. Je vais me risquer à vous poser une question hors sujet, encore que je puisse me prévaloir du titre IV du projet : pourriez-vous faire brièvement le point sur le sort des deux journalistes otages en Afghanistan ?

Je vous rappelle par ailleurs la question du président Poniatowski sur la date d’examen de ce texte. Pouvez-vous, à défaut d’un jour précis, nous fournir au moins une période ?

Au-delà de la complémentarité entre le réseau des instituts et celui des Alliances françaises, il importe aussi de fédérer les actions de différents ministères qui, quoi qu’on en dise, se crêpent souvent le chignon. Et comment inscrire les initiatives foisonnantes des collectivités locales dans notre politique extérieure tout en respectant le principe de libre administration ? Pour en revenir aux instituts, leur création n’entraîne-t-elle pas la suppression à terme des aides de l’État au réseau des Alliances françaises qui réussissent à « s’approprier » la culture locale, souvent mieux que les instituts culturels ?

Vous avez souligné la remontée récente du nombre d’étudiants étrangers en France – 266 000, un chiffre qui n’était plus atteint depuis longtemps. Mais ce phénomène se heurte à la politique de visas et l’ouverture se concilie difficilement avec l’exigence de solvabilité. Comment peut-on faire en sorte que les étudiants, africains en particulier, trouvent chez nous le même accueil qu’il y a trente ans ?

M. Michel Terrot. Les pays francophones, notamment africains, sont dans l’attente de plus de France, en particulier pour soutenir leurs artistes locaux qui apprécient cette sorte de « label France » donné par les Alliances françaises et les centres culturels. La possibilité d’être écouté, exposé, programmé est une forme de reconnaissance très prisée, j’ai pu le constater lors de mes déplacements en Afrique. Au-delà de l’exportation de la culture française, il y a aussi l’action consistant à faire émerger des talents nouveaux au sein de cultures étrangères. Et il faudrait que la future agence en tienne compte.

M. Didier Mathus. Le débat s’inscrit dans une tendance caractérisée par l’effondrement général, depuis sept ou huit ans, des crédits de la présence culturelle française à l’étranger.

Je regrette que ce texte n’ait pas été l’occasion de structurer les carrières de nos agents à l’étranger. Aujourd’hui, on ne gère pas les compétences, et la mobilité fréquente qui est la règle empêche leur utilisation rationnelle. Le petit effort en matière de formation – bien nécessaire pour les ambassadeurs pour qui le cinéma s’arrête souvent à Godard – reste très en deçà des besoins de professionnalisation. Mon plus grand regret tient à la vision définitivement archaïque de la présence culturelle que donne ce texte, qui ne comporte pas une seule ligne sur l’audiovisuel qui est aujourd’hui le vecteur essentiel de la culture. Pourtant la puissance culturelle des États-Unis est due à leur présence audiovisuelle.

Envers la seconde agence qui regroupera EGIDE, CampusFrance et France Coopération Internationale, je partage les réticences de notre rapporteur qui a relevé le caractère hétéroclite de l’attelage. Pourquoi pas une vraie structure pour gérer l’enseignement supérieur, les étudiants étrangers en France et instaurer un véritable suivi ? Nous sommes parmi les rares pays développés à ne pas nous préoccuper du sort de ceux que nous avons formés. En général destinés à exercer des postes de responsabilité ou de direction, ils pourraient être les meilleurs porte-drapeaux de la culture française. Nous avons raté l’occasion de nous doter d’un outil destiné à donner de la cohérence à l’ensemble du dispositif universitaire français. L’assemblage hétéroclite ne profitera finalement ni à l’expertise, ni au développement de l’enseignement supérieur français à l’étranger.

M. le ministre. Noirâtre était le tableau, monsieur Vauzelle ! Toutes les demandes ne peuvent être satisfaites, mais nous faisons des efforts. Avec le Brésil, ça marche vraiment bien, insuffisamment avec d’autres pays latino-américains. À l’heure actuelle, rien ne nous porte vers ce continent où la culture révolutionnaire française a beaucoup compté. Même si nous ne faisons pas assez, nous restons le troisième ou quatrième pays – et souvent le deuxième – pour notre présence culturelle.

L’agence pour l’audiovisuel extérieur vient d’être créée et nous en tenons compte bien évidemment. Ce texte n’a rien d’archaïque ! Nous allons monter avec Frédéric Mitterrand des projets très précis dans le domaine audiovisuel, c’est indispensable. Entre TV5, RFI et France 24, des efforts considérables ont été faits depuis cinq ans, même s’ils sont insuffisants. RFI est surtout tournée vers le continent africain et il faudrait lui donner plus de force. Mais, pour la télévision, c’est beaucoup mieux. Et si nous n’avons pas, il est vrai, les moyens des télévisions américaines et même espagnoles et italiennes, cela ne relève certes pas de la responsabilité directe et exclusive du ministère des affaires étrangères.

Monsieur Bourg-Broc, ce n’est pas l’urgence qui est en cause : la révision constitutionnelle impose un délai obligatoire de plusieurs semaines entre le dépôt d’un texte et sa discussion en séance publique même pour une procédure accélérée. J’ai demandé au Premier ministre qu’elle ait lieu fin juin. On m’a répondu début juillet. La précipitation, tous les députés la dénoncent, pour tous les textes. Sachez que je travaille à ce projet de loi depuis trois ans, que la tâche n’a pas été facile. Il serait temps de mettre en avant les rares avantages qu’il recèle ! Pour le reste, il y a des clauses de revoyure et des possibilités d’expérimentation. Rien n’est jamais parfait, mais je suis plutôt content de vous présenter un texte que l’on attendait depuis trente ans.

Les Alliances françaises et les instituts n’ont pas les mêmes statuts, ni les mêmes activités. Les premières doivent enseigner le français et leurs activités culturelles sont moindres que celles des seconds. Il faut marier les deux. Les centres culturels aussi enseignent le français et leurs résultats sont loin d’être mauvais. On me reproche de ne pas avoir beaucoup d’argent mais il ne suffit pas de se plaindre pour en avoir plus. Les instituts français auront encore plus la possibilité de trouver de l’argent localement, ce qui n’était pas l’apanage des Alliances françaises, et l’on ne songeait pas à le leur reprocher. Nous allons désormais marier les compétences, d’autant que, souvent, les implantations ne se recoupent pas. Le circuit des centres culturels draine 350 millions d’euros, dont 30 millions de financements privés à Cultures France. Il s’agit des activités culturelles du ministère des affaires étrangères, et pas des Alliances à qui nous versons des subventions et auprès desquelles nous avons détaché plus de 150 agents. L’autofinancement, par les cours de français, atteint 100 millions auxquels s’ajoutent les 220 millions de crédits publics. Ce n’est pas si mal, d’autant que j’ai obtenu pour 2010 une rallonge sans précédent depuis l’an 2000. Il faut inclure aussi les 500 millions destinés à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. La coopération culturelle et l’enseignement du français, c’est ainsi 850 millions. Quant aux comparaisons internationales, le Goethe Institut, c’est 250 millions d’euros et le British Council 627 millions, dont 404 millions autofinancés et 223 millions de dotations budgétaires. Nous ne sommes pas les plus mal lotis. Jamais nous ne supprimerons l’aide aux Alliances, nous allons même la renforcer.

Quant à la concurrence public-privé, il faut regarder les chiffres : France Coopération Internationale « pèse » 10 millions d’euros et les opérateurs privés 10 milliards. Même si l’État voulait les gêner, il ne le pourrait pas. Il faut marier les expertises pour répondre aux appels d’offres.

Le label France pour les artistes locaux, merci de l’avoir signalé, c’est bien ce qu’il faut faire et cela ne coûte pas très cher. Si nous ne baignons pas dans la culture du pays, notre tâche sera beaucoup plus difficile.

Structurer, c’est ce que nous faisons. Nous n’avions pas assez d’argent pour basculer tout le réseau et nous aurions provoqué la révolution. Nous pourrons sauter le pas dans trois ans, après un audit. Pour le moment, après deux contrats de trois ans, c’est terminé. Les agents locaux ne se plaignent pas du tout de la perspective du rattachement, au contraire. On pourra parler de structuration de carrière complète grâce aux CDI. Et la formation de quatre mois, pour tout le monde, c’est énorme. Donner des CDI et consacrer 6 millions à une formation à Paris, c’est un gros changement.

Le cinéma rencontre un grand succès et fera bien sûr l’objet de projets, comme l’audiovisuel. L’agence pour le cinéma existe déjà.

L’alliance entre l’expertise et CampusFrance est cohérente car il s’agit d’échanges de matière grise. Mais j’ai bien aimé la proposition de votre rapporteur d’un EPIC qui chapeauterait deux structures distinctes.

M. Hervé Féron. Vous dites, monsieur le ministre, que la stratégie culturelle de la France était très imprécise mais le texte ne dissipe pas le flou artistique, au risque de décevoir. On a l’impression que vous n’avez pas osé. Il aurait fallu donner non seulement de la cohérence à l’ensemble en jouant sur la complémentarité, mais aussi une réelle indépendance aux 154 services de coopération et d’action culturelle des ambassades et aux 144 centres culturels français à l’étranger. Or le sentiment prévaut que vous êtes pressé par Bercy qui fait de l’action extérieure de la France, comme de la culture en général, une variable d’ajustement budgétaire. Le corps diplomatique ne veut pas non plus perdre son pouvoir, si bien que le texte rend encore plus illisible l’action du réseau culturel français.

Quelles sont les dispositions du texte qui précisent qui doit faire quoi, avec qui et comment ? Comment se coordonnera l’action des instituts français, des services culturels, des ambassades, des centres culturels ? Quelles seront les relations avec les Alliances françaises qui, j’en suis bien d’accord, ne doivent pas être intégrées à l’ensemble ? Les déclarations d’intention ne suffisent pas, il faut des outils. L’article 6 du projet assigne notamment comme mission à l’Institut français « la promotion, la diffusion et l’enseignement à l’étranger de la langue française ». Et l’AEFE dans tout ça ?

Pourquoi attendre trois ans, et un énième rapport sur la diplomatie d’influence pour envisager de rattacher le réseau culturel de la France à un établissement public contribuant à l’action extérieure ? Vous invoquez la difficulté technique, mais elle subsistera dans trois ans. Le rapporteur a lui-même proposé d’ouvrir le chantier en procédant à des expérimentations. L’opération permet de mieux masquer le désengagement considérable de l’État et la baisse de 20 % ces trois dernières années des financements du réseau culturel est indéniable. Des programmes ont été arrêtés et les 750 000 euros prévus pour la modernisation des médiathèques ont été supprimés. L’action culturelle extérieure croule sous le poids de la diplomatie tout en perdant ses moyens. Les augmentations dont vous vous prévalez sont insuffisantes, vous le reconnaissez vous-même.

La création d’un EPIC est un signe avant-coureur du désengagement financier de l’État, mais aussi de son désengagement politique – un EPA permettrait aussi bien de faire fonctionner des billetteries –, et de la marchandisation de la culture. L’État est en permanence en retrait. En outre, le statut d’EPIC ne permettra pas d’intégrer dans des conditions satisfaisantes les nombreux fonctionnaires du ministère des affaires étrangères. Le texte permet en fait de retarder les échéances.

Je conclus sur la dénomination. Victor Hugo continue de nous intéresser, ne serait-ce que parce que nombreux sont les pays à avoir choisi de donner un visage à leur culture : Goethe, Cervantès, Camões, Confucius, Adam Mickiewicz,… Les valeurs d’humanisme portées par Victor Hugo serviraient la France. André Schneider peut témoigner que je défends la belle idée de la francophonie mais je trouve qu’« Institut français » fait un peu franchouillard et je préfère Victor Hugo.

M. Robert Lecou. J’ai la certitude que ce texte est essentiel. La France a toujours rayonné, elle s’en faisait même un devoir à cause de l’universalité des droits de l’homme. Mais c’est aussi son intérêt. Il suffit de se déplacer pour s’apercevoir que, dans un monde globalisé, notre économie peut profiter de notre culture et de notre présence à l’étranger. Hervé Gaymard a parlé d’un texte évolutif et très réglementaire. Cela signifie que nous devrons parler fort pour convaincre. Le projet cadre mais ne définit pas précisément la stratégie. Je comprends les collègues qui s’émeuvent qu’il ne soit pas question d’audiovisuel. Il est frustrant, quand on est à l’étranger, de devoir appuyer sur la télécommande une bonne vingtaine de fois avant de capter une chaîne française, là où les étrangers en ont plusieurs. J’espère que les débats dans l’hémicycle permettront d’enrichir ce texte essentiel.

Je souhaite insister aussi sur les Alliances françaises. Établir avec elles des partenariats est une bonne chose car il faut surtout leur conserver leur empreinte locale et leur statut de droit local.

Il faut vivre avec la RGPP ; les moyens se font rares même si l’enjeu est essentiel. Mais les collectivités territoriales s’inscrivent-elles dans une stratégie d’ensemble ? Elles peuvent aussi être des relais du rayonnement de la France.

Enfin, une question sur le titre IV concernant les opérations de secours à l’étranger. Mon collègue Bourg-Broc a évoqué les journalistes français pris en otages. La liberté est un bien précieux, vital même. Or elle n’est jamais acquise. Elle passe par la liberté de circulation, de réunion et d’expression. Et je m’inquiète de la volonté de responsabiliser pécuniairement les personnes qui se déplacent à l’étranger en prenant des risques. Vous l’avez dit, mais je souhaiterais que vous répétiez que les journalistes ne sont en aucun cas concernés.

Mme Colette Langlade. La communauté française est un atout de notre pays puisqu’elle participe au rayonnement de notre culture, à l’épanouissement de nos valeurs et à la vigueur de notre coopération. La France est longtemps restée en retrait du mouvement d’expatriation, par rapport à d’autres pays qui ont une tradition d’émigration. Vous avez insisté, monsieur le ministre, sur la mobilisation autour des étudiants étrangers qui viennent en France. Comment développer l’accueil et attirer de nouveaux étudiants dans nos laboratoires de recherche ? Avez-vous réfléchi à un suivi de ces étudiants une fois qu’ils ont quitté la France ? Un outil peut-il être mis en place ?

M. Jacques Myard. Le texte empiète en effet sur le pouvoir réglementaire. Le sort réservé aux locaux des Instituts relève de votre pouvoir exclusif, monsieur le ministre.

La stratégie d’influence est un enjeu politique. Vous présentez un projet qui vise à renforcer la cohérence et l’efficacité de notre action culturelle. Mais la culture est partout, y compris dans l’économie et la politique. À quoi bon nous présenter un consulat franco-allemand ? Les intérêts ne sont pas les mêmes.

M. le ministre. Il s’agit de visas !

M. Jacques Myard. Dans les consulats, on fait de la politique, de la recherche économique et de la culture, on ne se contente pas de délivrer des visas. Il ne faut pas non plus nous présenter un service diplomatique de l’Union européenne où nous irions bêler en anglais avec les autres. Il faut exister par nous-mêmes ! Regardez ce que font les Anglais : ils utilisent leur langue systématiquement tandis que nos représentants utilisent directement l’anglais dans les réunions internationales. Il faut rappeler les principes fondamentaux.

Enfin, je m’interroge sur le pouvoir du ministre. Jusqu’à nouvel ordre, la voix de la France, c’est lui et l’ambassadeur est le représentant du chef de l’État. Ce texte, va-t-il selon vous renforcer les pouvoirs de l’ambassadeur, conformément à une stratégie d’influence ? Ou bien va-t-on aller plus loin dans la balkanisation de l’État ?

M. le ministre. Monsieur Féron, vous m’avez accablé ! Depuis trente ans, personne n’avait osé regrouper. D’un côté, on me reproche d’en faire trop en empiétant sur le pouvoir réglementaire ; de l’autre pas assez et de rester flou. Je n’arriverai jamais à vous convaincre, mais la réalité s’en chargera…

Je suis pressé par Bercy… comme tout le monde. J’ai fait que le budget culturel du ministère des affaires étrangères cesse de baisser, alors qu’il diminuait depuis 2000. J’en voudrais plus, mais regardons les chiffres. Les fonds étaient d’une certaine façon mal utilisés parce que l’action culturelle était insuffisamment encadrée.

Les ambassadeurs qui sont les représentant de la France à l’étranger disposeront de trois ans pour s’adapter. Si cela ne marche pas, on changera. Pourquoi pas tout de suite ? Parce que c’est impossible pour des raisons sociales : je ne veux ni bouleverser l’ensemble d’un ministère ni désespérer les 15 000 personnes qu’il emploie. La diplomatie à l’âge d’Internet est déjà une chose difficile. De toute façon, je n’avais pas l’argent. Ne me dites pas que se voir offrir un CDI, ce n’est pas mieux que d’être baladé tous les trois ans, au rythme des CDD.

Considérer la culture comme une variable d’ajustement, je m’y refuse complètement, même si, avec la crise économique, le budget n’est pas extensible.

L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger marche très bien, avec un autofinancement relatif. Je visite les lycées qui ont été reconstruits. Si ce n’est pas suffisant, eh bien, trouvez l’argent ! Votez des crédits. Nous avons fait des efforts et je les vois se concrétiser parce que l’enseignement est très bon.

Le poids de la diplomatie ? On me reproche assez de ne pas défendre suffisamment les diplomates. À Washington, notre plus gros poste, il y a 380 personnes. Combien de diplomates ? Devinez : douze ! Il faut vous adresser aux autres ministères et leur demander autant d’efforts qu’aux affaires étrangères qui ont suivi toutes les consignes, peut-être même trop. C’est partout pareil : au Togo, quatre diplomates sur quatre-vingts personnes ! Il faut faire de l’action culturelle en coopération car la concurrence permanente ne fait qu’attiser la haine entre services culturels et chancellerie diplomatique.

La marchandisation ? Où la voyez-vous dans la transformation d’une association loi de 1901 en établissement public ? Je ne vends pas la culture, j’essaie de la faire vivre.

Pour Victor Hugo, à vous de juger ! Je vous livre mon sentiment. D’abord, ce n’est pas aux députés de trouver le nom car cela ne relève pas de la loi. Ensuite, il y a déjà l’Alliance française. L’Institut français ferait le pendant, sous un sigle commun. Mais je ne peux pas ne pas défendre Victor Hugo puisque c’est moi qui ai proposé son nom. Nous en reparlerons en séance publique.

Monsieur Lecou, merci. Je pense aussi, sans prétention, que c’est un texte essentiel. Tout le monde s’était dégonflé depuis trente ans.

Vous me reprochez qu’il n’y ait rien sur le cinéma. Proposez donc un rapprochement avec Unifrance ! On ne peut pas tout faire en même temps. En outre, ce serait inutile. Une stratégie consistant à monter de vraies tournées de démonstration de l’offre française, c’est exactement ce que je veux faire. Il y a des ambassadeurs compétents pour la culture, mais la caractéristique de la diplomatie n’est pas l’avant-garde. C’est ce que j’ai appris. Il va falloir les marier. C’est en tout cas mon intention.

Les collectivités territoriales seront représentées au conseil d’administration des établissements publics. Nous avons déjà des offres et nous allons nous réunir ensemble pour savoir comment intégrer les collectivités dans la réforme culturelle.

J’en viens aux secours. Nous demandons aux touristes de ne pas commettre trop d’imprudences, même si, de toute façon, nous faisons tout notre possible pour les sortir d’affaire, quel qu’en soit le coût. Il faut prendre conscience que nous allons vers un monde où les corps blancs ne pourront plus s’aligner au soleil comme ils le faisaient avant. En revanche, les journalistes et les humanitaires seront exemptés. C’est normal. Mais ce n’est pas au ministère des affaires étrangères de payer le rapatriement de touristes dont l’avion est en panne ! Pourtant c’est ce que nous faisons. La manifestation la plus violente à cause du volcan a eu lieu dans les rues de New York. Il a fallu envoyer la police. Ce n’est pas sérieux. Le ministre n’y était pour rien.

M. Jacques Myard. Vous avez tout à fait raison.

M. le ministre. Je ne peux pas dire aux journalistes de ne pas suivre les consignes. Mais chaque fois qu’ils prennent des risques, ils font leur métier.

Nous n’avons plus de nouvelles depuis quelques jours de nos deux journalistes enlevés en Afghanistan. Nous savons dans quelle vallée ils se trouvent. Tous les services de tous les pays présents, en particulier les Américains qui sont installés au nord, sont en alerte et nous travaillons ensemble. Tous les moyens ont été mobilisés par le Président de la République, et des renforts spécialisés envoyés. La cassette est un signe de vie probant.

L’accueil des étrangers nous préoccupe, madame Langlade. Les visas méritaient d’être un peu mieux contrôlés. Il faudrait plus de bourses pour compenser. Les lycées français sont excellents, et je salue le dévouement de leur personnel, mais la gratuité pour les uns doit être rapportée aux prix élevés demandés aux parents étrangers. Il faut faire le bilan avec l’AEFE et les associations. Ce qui me gêne, c’est l’absence de continuum qui nous empêche de suivre les élèves depuis l’école – où se transmettent non seulement la langue, mais aussi les valeurs – jusqu’à l’université parce que l’offre y est insuffisante. Cela étant, vous savez qu’il y a eu de sérieux excès, les inscriptions étant pléthoriques dans certaines matières… Avec nos amis de l’éducation nationale, nous essayons d’aller plus loin, malgré les budgets.

Monsieur Myard, le vrai problème, ce ne sont pas les locaux. Basculer l’ensemble du réseau était inimaginable à cause notamment des implications fiscales. Les impôts n’auraient pas été les mêmes puisque la protection diplomatique n’aurait pas joué. Il faut faire très attention.

M. Jacques Myard. Ces sujets relèvent de la convention de Vienne.

M. le ministre. Certes, mais, quand un établissement public à caractère industriel et commercial fait des bénéfices,…

M. Jacques Myard. Dans ce cas, la loi n’apporte aucune protection. Il faut négocier d’État à État.

M. le ministre. Il faut y aller en douceur et maintenir le statut actuel sauf dans certains États, qui demandent à ce que les activités commerciales soient assujetties à l’impôt. C’était une raison supplémentaire pour ne pas basculer les 8 000 personnes vers un autre statut.

Le pouvoir de l’ambassadeur sera inscrit dans la loi, ce qui ne veut pas dire que, dans le domaine culturel, il sera pérennisé. Mais l’ambassadeur sera formé pour pouvoir faire preuve de suffisamment d’imagination et de modernité pour être à la tête de nos services culturels. Si ce n’est pas le cas, l’agence culturelle viendra remplir cet office.

M. André Schneider, président. Nous vous remercions, monsieur le ministre. Vous avez pu constater l’intérêt que nos deux Commissions portent à l’action culturelle extérieure.

III.- DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation examine pour avis le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 5 mai 2010.

M. Michel Herbillon, président. Préalablement à l’examen pour avis de ce projet adopté par le Sénat en février dernier, notre Commission a tenu une table ronde qui nous a notamment permis de recueillir les observations des opérateurs de nos réseaux culturels. Elle a également entendu hier M. le ministre des affaires étrangères, lors d’une réunion commune avec la Commission des affaires étrangères, saisie au fond. Celle-ci examinera à son tour ce texte la semaine prochaine mais, en nous appuyant sur l’excellent travail de notre rapporteur pour avis, nous pouvons contribuer pour notre part à améliorer le texte de la Haute Assemblée – une dizaine d’amendements ont été déposés à cet effet.

M. Gilles d’Ettore, rapporteur pour avis. La partie du projet de loi qui concerne plus spécialement notre Commission est celle qui a trait à la création de deux agences : l’Agence pour l’action culturelle extérieure et l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales, cette dernière étant spécialement chargée de contribuer à l’accueil des étudiants étrangers. Toutes deux seront constituées sous forme d’établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), cadre juridique qui a fait ses preuves en matière culturelle, puisque c’est par exemple celui qui régit la Réunion des musées nationaux.

Le projet de loi organise une réforme en profondeur. Nous avons obtenu, avec notre collègue Hervé Gaymard, rapporteur pour la Commission des affaires étrangères, que les deux missions de l’Agence pour l’expertise et la mobilité internationales soient clairement distinguées. Coexisteront donc en son sein deux départements : l’un que l’on pourrait appeler « France expertise » et l’autre qui pourrait conserver le nom de « Campus France », dans la mesure où il est bien connu à l’étranger.

De tels points relèvent cependant plus du règlement que de la loi, et il en est de même du nom de l’agence pour l’action culturelle extérieure : le ministre avait initialement songé à la dénommer « Institut Victor Hugo », appellation à laquelle le Sénat a préféré celle d’« Institut français ». Évitons sur cette question un débat trop long car le choix appartient en définitive au ministre. La formule retenue par le Sénat me paraît toutefois bonne car elle met en avant la « marque » France, gage de notoriété et qui a d’ailleurs déjà été retenue pour notre action dans le domaine touristique, avec « Atout France ».

IV.- EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS CONTRIBUANT À L’ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT

CHAPITRE Ier

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article 1er

Création d’une nouvelle catégorie d’établissements publics contribuant à l’action extérieure de l’État

Cet article clarifie le cadre juridique dans lequel évolueront les deux opérateurs prévus dans le projet de loi et ceux qui seront mis en place ultérieurement. À cet effet, il crée une nouvelle catégorie d’établissements publics dont il définit les missions, précise la tutelle ainsi que les relations avec le réseau diplomatique.

1. La création d’une nouvelle catégorie d’établissements publics

Il n’existe pas actuellement de catégorie d’établissements publics dont la spécialité soit de contribuer à l’action extérieure de l’État. Le dispositif d’influence français se caractérise au contraire par une multiplicité d’organismes aux statuts divers – établissements publics, comme l’Agence française de développement (AFD), l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), l’Agence française pour le développement international des entreprises (UbiFrance) ; associations régies par la loi du 1er juillet 1901, telles CulturesFrance ou EGIDE ; groupements d’intérêt public, comme CampusFrance ou France coopération internationale (FCI).

Cette diversité nuit à la visibilité et à la cohérence de l’ensemble, d’autant que la variété des statuts n’assure pas à l’État une autorité égale sur tous les opérateurs et ne lui permet pas de développer entre eux des synergies en mutualisant leurs moyens d’action. De plus, elle rend moins efficace le contrôle qu’exercent les tutelles, elles aussi multiples, sur le respect par les opérateurs des orientations stratégiques arrêtées.

Comparé aux autres cadres juridiques, le statut d’établissement public semble le plus adapté car il assure aux opérateurs une autonomie administrative et financière tout en permettant à l’autorité de tutelle d’exercer sur eux un contrôle étroit. Pour sa part, le statut associatif confère aux opérateurs une grande souplesse mais aussi une certaine fragilité, leur légitimité étant plus difficile à établir et leur pérennité non garantie ; par ailleurs, il a été critiqué à plusieurs reprises par la Cour des Comptes, qui a stigmatisé notamment son application à des organismes financés en grande partie sur fonds publics et l’insuffisance du contrôle exercé par l’État.(22) Quant au groupement d’intérêt public (GIP), personne morale de droit public à but non lucratif dotée de l’autonomie financière, il associe pour l’exercice d’activités d’intérêt général ou la mise en commun des moyens nécessaires à cet exercice, soit des personnes publiques entre elles, soit des personnes publiques avec des personnes privées, pour une durée déterminée. Si la formule semble séduisante – d’ailleurs, la doctrine reconnaît que les différences entre les GIP et les établissements publics sont rares (23)–, elle présente des inconvénients sur le long terme, le régime juridique du GIP étant plus incertain et les relations de tutelle entre l’État et l’opérateur moins claires.

La création d’une nouvelle catégorie d’établissements publics ressortit au domaine de la loi, comme le dispose l’article 34 de la Constitution. Certes, plusieurs opérateurs participant à l’action extérieure de l’État ayant déjà la qualité d’établissements publics pourraient correspondre aux critères définis par le Conseil Constitutionnel pour constituer ensemble une catégorie d’établissements publics – même rattachement territorial, même tutelle, et spécialité analogue (24) –, mais les règles constitutives communes à ces établissements n’ont pas été précisées ou harmonisées, ce qui justifie l’intervention du législateur.

2. Les missions dévolues à la nouvelle catégorie d’établissements publics

Le champ de ces missions, défini à l’alinéa 1er, est suffisamment large pour inclure les établissements publics existant, ceux dont la création est inscrite dans le projet de loi, et ceux qui seront créés ultérieurement par voie réglementaire (25). Mais alors que le texte initial mentionnait comme seule mission « participer à l’action extérieure de l’État, notamment par la mise en œuvre à l’étranger d’actions culturelles, de coopération et de partenariat et par la gestion de moyens, notamment immobiliers, nécessaires à cette action », le Sénat a souhaité préciser que la spécialité de la nouvelle catégorie d’établissements publics était de « promouvoir la présence et l’influence de la France à l’étranger ». Par ailleurs, il a supprimé la référence aux « moyens immobiliers », estimant que ces derniers étant compris dans le terme « moyens ».

L’alinéa 4 offre par ailleurs aux établissements la possibilité, dans le cadre de leur mission, de détacher des agents publics auprès d’instituts indépendants de recherche, c’est-à-dire des cercles de réflexion (« think tanks »). Cette disposition, qui vise à assurer l’influence de la France dans le débat sur les enjeux mondiaux, est à rapprocher de l’article 8 du projet de loi, qui modifie la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972 relative à l’expertise technique internationale et permet à l’État de détacher des fonctionnaires auprès d’organismes de ce type ; désormais, les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France pourront disposer de la même faculté. Aussi le Sénat a-t-il jugé utile d’amender le texte initial de l’article 8 pour que la même terminologie « instituts indépendants de recherche » figure à la fois à l’article 1er et à l’article 8.

3. La tutelle sur les établissements publics concourant à l’action extérieure de la France est exercée par l’État

L’alinéa 2 place la nouvelle catégorie d’établissements publics « sous la tutelle de l’État ». La formulation très générale, adoptée à dessein, laisse toute latitude au pouvoir réglementaire pour déterminer au cas par cas la ou les autorité(s) ministérielle(s) de tutelle. L’alinéa renvoie, par ailleurs, à un décret en Conseil d’État, la création, la définition précise des missions, ainsi que les modalités d’organisation et de fonctionnement des établissements publics, ce qui correspond au partage des compétences entre les domaines législatif et réglementaire rappelé par le Conseil Constitutionnel (26). Le texte ne précise pas le caractère – administratif (EPA) ou industriel et commercial (EPIC) – de la nouvelle catégorie d’établissements publics. Il convient d’observer, à cet égard, que les établissements existant présentent l’un ou l’autre caractère ; de plus, le Conseil Constitutionnel reconnaît qu’une même catégorie peut comprendre les deux types d’établissements, le Conseil d’État admettant quant à lui la requalification partielle par le juge administratif de l’activité d’un établissement public créé par le pouvoir réglementaire. De même, le régime de comptabilité, privée ou publique, et le statut des personnels, qui ne figurent pas au nombre des règles constitutives de la nouvelle catégorie d’établissements publics, seront déterminés par voie réglementaire.

L’alinéa 3 prévoit la conclusion impérative d’un contrat d’objectifs et de moyens (COM) pluriannuel entre chacun des établissements publics et l’État. Bien que cette disposition puisse paraître relever du pouvoir réglementaire, elle a été introduite par un amendement des deux commissions du Sénat, afin, selon M. Louis Duvernois, rapporteur au nom de la commission de la culture, de responsabiliser les opérateurs à l’égard de leur autorité de tutelle. Elle s’inspire de la procédure existant dans le domaine de l’audiovisuel entre l’État et chacune des sociétés ou établissements de radio ou de télévision (cf. art. 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication). Instrument essentiel de pilotage de l’opérateur par l’État, le COM sera conclu entre le président du conseil d’administration de l’établissement public et les ministres concernés et transmis aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui pourront formuler un avis dans un délai de six semaines.

4. Les relations avec le réseau diplomatique

L’alinéa 5, qui concerne les relations des établissements publics avec le réseau diplomatique à l’étranger et les ambassadeurs, vise à rappeler l’autorité des chefs de poste sur l’ensemble des services extérieurs de l’État et sur ses démembrements. Tout en approuvant l’objectif du texte initial, le Sénat a souhaité préciser que l’action des établissements à l’étranger « s’exerce sous l’autorité des chefs de mission diplomatique. » Cette disposition est importante en ce qu’elle donne une base juridique à l’autorité de l’ambassadeur, le Conseil d’État considérant que l’article 3 du décret n° 79-433 du 1er juin 1979, selon lequel l’ambassadeur « coordonne et anime l’action des services civils et de la mission militaire » ne s’applique qu’aux services civils de l’État et non aux établissements publics. Il est en outre nécessaire de préserver la cohérence de l’action de la France à l’étranger, dont l’ambassadeur est le garant, parce que la création d’établissements publics œuvrant à l’étranger génère un transfert de compétences de services de l’État vers des organismes dotés d’une personnalité morale distincte de l’État et disposant d’une grande autonomie.

Le Sénat a également introduit la faculté pour les établissements publics de disposer de représentations à l’étranger, et non plus seulement de « faire appel » aux missions diplomatiques, comme le prévoyait le texte initial. L’autorité de l’ambassadeur sur ces bureaux est assurée à double titre : implicitement dès lors que les bureaux « font partie des missions diplomatiques » et sont, à ce titre, placés sous l’autorité du chef de poste, et explicitement puisque d’une façon générale, l’action de ces établissements publics l’étranger s’exerce sous l’autorité de l’ambassadeur.

Il convient d’indiquer que le gouvernement a présenté en séance publique un amendement tendant à exclure de l’application des dispositions prévues à l’article 1er les établissements publics régis par le code monétaire et financier. Cet amendement, qui concernait l’Agence Française de développement (AFD) et tendait à soustraire ses représentations locales à l’autorité des ambassadeurs, a suscité un débat.

Selon le gouvernement, si la mission d’aide au développement de l’AFD lui donne vocation à intégrer la nouvelle catégorie d’établissements publics, ses activités bancaires croissantes tendent à l’assimiler à une banque commerciale, et dans cette logique, elle ne peut être placée sous l’autorité de l’ambassadeur.

Ce point de vue n’a pas été partagé par le Sénat qui a considéré que la politique d’aide au développement étant indissociable de la politique étrangère, il convenait de renforcer le pilotage stratégique de l’État sur l’Agence. Certains sénateurs ont par ailleurs souligné que l’agence est une banque au service du développement et que les prêts qu’elle consent sont financés par les contribuables français ; partant, il semble normal que les ambassadeurs exercent une autorité sur les représentations locales de l’agence.

Il convient toutefois de préciser que l’AFD reconnaît dans ses statuts le rôle de coordination et d’animation exercé par les chefs de missions diplomatiques mais qu’elle récuse leur autorité sur les agents de l’AFD – dont les directeurs d’agence –, pour plusieurs raisons :

– Reconnaître juridiquement à l’ambassadeur une autorité sur le directeur de l’agence revient à lui conférer la responsabilité des activités que l’AFD exerce dans le cadre du droit commercial et conduit à engager éventuellement, en cas de contentieux, sa responsabilité civile voire pénale.

– Les directeurs d’agences sont employés par l’AFD et liés à l’agence par un contrat de travail de droit privé. Il en résulte que seul, le directeur général de l’AFD peut exercer une autorité hiérarchique sur les directeurs d’agence. Par ailleurs, pour l’efficacité du management, il faut éviter que les directeurs d’agence soient soumis à une double autorité (celle du directeur général de l’AFD et celle de l’ambassadeur).

*

La Commission est saisie de l’amendement AC 1 de M. Hervé Féron.

M. Hervé Féron. Cet amendement précise que les stratégies guidant la politique culturelle d’action extérieure inspirent la définition des missions des acteurs de l’action extérieure.

M. le rapporteur pour avis. La précision est inutile. Comme il l’a indiqué hier, le ministre des affaires étrangères va arrêter, en liaison avec le ministre chargé de la culture, la stratégie culturelle extérieure, et les conventions pluriannuelles conclues avec les nouveaux établissements publics se conformeront bien évidemment à ces orientations.

M. Hervé Féron. L’article 40 de la Constitution a été opposé à trois de nos amendements. Celui-ci a donc d’autant plus d’importance qu’il garantit la cohérence entre la stratégie gouvernementale et l’action de ces nouveaux établissements publics. On ne peut se contenter de s’y opposer en s’abritant derrière les propos du ministre. Si d’ailleurs il a dit qu’il agirait dans le sens que nous souhaitons, pourquoi ne pas l’écrire ?

M. le rapporteur pour avis. Ce que vous proposez va de soi : on ne réforme pas, au bout de trente ans, l’action culturelle extérieure sans qu’il y ait, derrière, une stratégie politique. Sinon, l’agence que l’on met en place ne serait qu’une coquille vide.

M. Bruno Bourg-Broc. J’appuierai notre rapporteur : la disposition proposée va tellement de soi qu’elle n’a pas sa place dans la loi.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC 2 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit d’une précision de procédure concernant la signature des conventions entre l’État et les établissements publics.

L’amendement est adopté.

M. Michel Herbillon, président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

La Commission est saisie de l’amendement AC 3 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement exclut des dispositions de l’article les établissements publics régis par le code monétaire et financier afin de ne pas soumettre l’Agence française de développement (AFD) à la tutelle de la nouvelle Agence culturelle extérieure. Le ministre des affaires étrangères s’en est d’ailleurs expliqué au cours de l’audition d’hier.

L’amendement est adopté.

De ce fait, l’amendement AC 4 du rapporteur pour avis devient sans objet.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er modifié.

Article 2

Composition du conseil d’administration des établissements publics contribuant à l’action extérieure de l’État

Cet article fixe le cadre général de la gouvernance de la nouvelle catégorie d’établissements publics, en précisant notamment la qualité des personnes siégeant aux conseils d’administration.

 Des conseils d’administration resserrés

De manière assez classique, les conseils d’administration des établissements publics intervenant à l’étranger comprennent des parlementaires, des représentants de l’État, des personnalités qualifiées désignées par l’État et des représentants élus du personnel (alinéas 1 à 6).

Afin de favoriser une représentation de la diversité politique, les deux commissions du Sénat ont adopté un amendement tendant à porter de deux à quatre le nombre de parlementaires siégeant aux conseils d’administration. Elles ont également précisé que ces parlementaires seront désignés par les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

En revanche, suivant l’avis défavorable du rapporteur de la commission des affaires étrangères et du gouvernement, le Sénat a rejeté trois amendements tendant à assurer la représentation de membres de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE), le ministre des affaires étrangères et européennes s’étant engagé à désigner un de ses représentants parmi les personnalités qualifiées.

S’agissant de la représentation des salariés, l’alinéa 8 précise que la nouvelle catégorie d’établissements publics n’est pas soumise aux dispositions du chapitre Ier du titre II de la loi 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public ; ces dispositions qui concernent les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) comptant plus de 200 salariés en moyenne sur les 24 derniers mois, prévoient notamment que le nombre de représentants des salariés doit être au moins égal au tiers de l’effectif du conseil d’administration (article 5 de la loi précitée).

La dérogation prévue par cet alinéa s’applique déjà à l’Agence française de développement (AFD), EPIC dont le conseil d’administration comprend seize membres, dont deux représentants du personnel ; elle concernera les deux nouveaux opérateurs chargés de l’expertise et de la mobilité internationale et de l’action culturelle extérieure, dont les effectifs devraient atteindre respectivement 270 et 250 personnes, et dont les conseils d’administration devraient comprendre environ 24 membres pour le premier et une vingtaine de membres pour le second.

 Une représentativité et une concertation interministérielle effectives

Afin de garantir la légitimité des opérateurs, il est essentiel que la détermination du nombre de membres des conseils d’administration, qui relève du pouvoir réglementaire, garantisse la représentativité de l’ensemble des partenaires impliqués dans la réalisation des missions.

Chaque conseil d’administration assurera ainsi, outre la représentation du ministère des affaires étrangères, celle de tous les ministères concernés par le domaine de compétence des différents établissements publics. L’alinéa 7 de cet article prévoit également la présence de représentants des collectivités territoriales et des organismes partenaires ayant apporté leur concours aux établissements publics. Ainsi, les Alliances françaises, mais aussi les industries culturelles comme UniFrance en matière de cinéma ou encore le Bureau export de la musique française sur lesquels la nouvelle agence a vocation à s’appuyer pourront être représentés au sein de son conseil d’administration.

*

La Commission examine l’amendement AC 5 de M. Hervé Féron.

M. Hervé Féron. Nous voulons assurer à l’Assemblée des Français de l’étranger une représentation adéquate dans les conseils d’administration des établissements publics que crée ce projet.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Le sujet a déjà fait l’objet d’un long débat au Sénat et nos collègues ont estimé qu’augmenter l’effectif de ces conseils d’administration ne serait pas un gage d’efficacité. Cette position nous semble sage, d’autant que cette représentation des Français de l’étranger peut déjà être assurée de deux façons. En premier lieu, le Sénat disposant, comme l’Assemblée, de deux sièges au sein de ces conseils, il pourra désigner un de ses membres représentant ces Français de l’étranger – en attendant que nous puissions faire de même sous la prochaine législature. D’autre part, le ministre des affaires étrangères a pris l’engagement de nommer un membre de l’Assemblée des Français de l’étranger parmi les personnalités qualifiées.

M. Hervé Féron. À une simple possibilité, nous préférons une obligation légale.

M. le rapporteur pour avis. L’engagement pris par le ministre et la faculté donnée au Sénat, dès maintenant, ainsi qu’à l’Assemblée nationale après 2012, me paraissent suffisants. Les conseils d’administration comprennent déjà deux députés et deux sénateurs. On ne peut, raisonnablement, en augmenter l’effectif.

M. Hervé Féron. Il y a quelque chose d’illogique à refuser, par principe, de transcrire dans la loi l’engagement pris par le ministre.

M. Michel Herbillon, président. Nous pouvons nous fier à cet engagement.

M. Bruno Bourg-Broc. Je suis cette fois d’accord avec M. Féron. Le ministre s’engage aujourd’hui mais que fera son successeur ? D’autre part, les Français de l’étranger sont ceux qui connaissent le mieux les questions dont aura à traiter le futur Institut français.

M. le rapporteur pour avis. Dans cet esprit, il est vrai qu’à défaut d’ajouter un membre au conseil d’administration, il pourrait être précisé qu’un des deux sénateurs sera un représentant des Français de l’étranger.

M. Bruno Bourg-Broc. Retenons alors cette deuxième formule.

M. le rapporteur pour avis. Mais il est un peu gênant d’introduire ainsi un déséquilibre entre le Sénat et l’Assemblée, où ne sont pas encore représentés les Français de l’étranger…

M. Bruno Bourg-Broc. Combien le conseil d’administration comprend-il de membres ?

M. le rapporteur pour avis. Vingt-cinq.

M. Michel Herbillon, président. Je vous propose d’étudier un nouvel amendement en vue de la réunion de la Commission des affaires étrangères, la semaine prochaine, étant entendu que nous veillerons à n’y froisser aucune susceptibilité.

Mme Valérie Fourneyron. C’est-à-dire que l’amendement fera l’objet d’une nouvelle rédaction …

M. Michel Herbillon, président. … préparée en liaison avec les deux rapporteurs.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement AC 6 de M. Hervé Féron.

M. Marcel Rogemont. Nous proposons de supprimer l’alinéa 8 de l’article car il déroge à la loi de démocratisation du secteur public, qui organise la représentation des salariés dans les conseils d’administration. Par cohérence, il faudrait d’ailleurs supprimer l’alinéa 6 également…

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Cette dérogation vise à éviter une composition pléthorique des conseils d’administration. Elle s’applique déjà à l’Agence française de développement (AFD), dont le conseil comporte seize membres, dont deux représentants du personnel. Celui de l’Agence en comptera vingt-quatre et celui de l’Institut français vingt.

M. Marcel Rogemont. L’application de la loi sur la démocratisation du secteur public n’entraîne pas l’augmentation du nombre de membres du conseil d’administration de l’établissement, puisque celui-ci a été préalablement fixé. La représentation du personnel n’intervient pas par ajout.

La Commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 sans modification.

Article 3

Détermination des ressources des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France

Cet article énumère les catégories de ressources dont pourront bénéficier les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France.

Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, les ressources de cette catégorie d’établissements feront une large place aux produits de leur activité, les opérateurs agissant souvent, dans le champ de leurs compétences, en tant que prestataires des établissements et organismes partenaires, ainsi que de l’État ; elles comprendront également le produit des appels d’offres passés par les établissements dans leur domaine de compétence.

Comme l’a indiqué en effet le ministre des affaires étrangères et européennes à propos de l’agence française pour l’expertise et la mobilité : « Jusqu’à présent, nous étions dans une logique de subvention. Il faut passer à une logique de prestation de service, en usage dans tous les autres grands pays. Nous souhaitons que la nouvelle agence soit autofinancée et n’ait pas besoin de reposer sur des subventions publiques. C’est d’ailleurs le cas pour France Coopération internationale, qui ne touche aucune subvention du ministère des affaires étrangères. De cette manière, il n’y aura dans tous les cas pas de distorsion de concurrence avec les opérateurs privés. » (27)

Tout en approuvant l’accroissement des cofinancements d’origine privée dans les budgets des opérateurs, les commissions des affaires étrangères et de la culture du Sénat sont néanmoins à l’origine d’une nouvelle rédaction de l’article tendant à placer en tête des ressources des établissements « les dotations de l’État », M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission de la culture rappelant que « dès lors qu’ils sont appelés à participer à l’exercice de fonctions régalienne sous l’autorité des chefs de mission diplomatique et donc à intervenir pour le compte de l’État, [les opérateurs] doivent se voir garantir un financement pérenne à hauteur de leurs charges de service public. » (28)

Par ailleurs, pour tenir compte de l’activité financière importante exercée par l’Agence française de développement, que le Sénat a décidé d’inclure dans la nouvelle catégorie d’établissements, les deux commissions ont ajouté à la liste des ressources prévues dans le projet de loi initial la mention du « produit des participations et placements financiers, intérêts et remboursement de prêts ou avances ».

Enfin, elles ont également intégré dans les ressources des établissements les « recettes issues du mécénat », disposition qui figurait déjà dans la proposition de loi relative à la création de l’établissement public CulturesFrance (29) du sénateur Louis Duvernois. Favorable au développement du mécénat, ce dernier observait que les « Années croisées, comme cela a été le cas pour les années France-Chine et France-Brésil, sont l’occasion d’attirer les financements de nombreuses entreprises, séduites par la médiatisation des événements se déroulant dans ce cadre. Elles permettent en outre de renforcer l’effet de levier des opérations menées par CulturesFrance, qui parvient à réunir autour de ses actions, des collectivités territoriales et des entreprises des deux pays. »

Le Sénat a adopté cet article sans modification par rapport au texte issu des travaux de sa commission saisie au fond.

*

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 sans modification.

Article 4

Détachement ou mise à disposition gratuite de fonctionnaires auprès des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France

Cet article prévoit que les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France pourront être exonérés de l’obligation de rembourser à l’État la mise à disposition ou le détachement de fonctionnaires pendant les deux années suivant leur création, ou pour des missions d’intérêt public de moins de six mois.

Les nouveaux opérateurs auront en effet besoin, durant leur phase de création, de l’appui de leur administration de tutelle avant de trouver leur équilibre financier. Dans une seconde phase, cette mise à disposition gratuite ne concernera plus que des missions de courte durée, notamment d’information ou d’évaluation des besoins.

Le principe du remboursement de la mise à disposition ou du détachement d’agents publics – et ses dérogations – sont prévus par les dispositions statutaires relatives à la fonction publique d’État (article 42 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984), territoriale (article 61-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984) et hospitalière (article 49 de la loi 86-33 du 9 janvier 1986).

Cependant, l’Autorité de la Concurrence ainsi que le Conseil d’État (30) ont fixé des limites à l’intervention des personnes publiques dans le domaine concurrentiel, au nombre desquelles figure l’obligation de ne pas pratiquer des prix inférieurs à ceux du marché ; c’est sur ce point que la mise à disposition « gratuite » à titre permanent de fonctionnaires pourrait fausser les règles de la concurrence.

La mise à disposition gratuite de fonctionnaires sera donc envisagée au cas par cas, en prenant en compte les missions exercées ; si elle s’effectue dans le cadre d’un marché concurrentiel, la mise à disposition gratuite du fonctionnaire ne devra pas faire obstacle à la vérité des coûts.

En tout état de cause, elle ne devrait concerner qu’environ 20 à 25 agents par opérateur, si l’on se réfère à la création en 1990 de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), soit un coût pour l’État d’environ 1,6 million d’euros à 2,5 millions d’euros par agence.

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 sans modification.

Article 4 bis

Présentation d’un rapport annuel devant l’Assemblée des Français de l’étranger

Cet article, qui prévoit que les établissements publics présentent un rapport annuel de leurs activités devant l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE), a été introduit par amendement en séance publique. Le Sénat souhaitait une représentation de l’AFE au conseil d’administration des établissements dans la mesure où leurs missions intéressent son domaine de compétence ; mais cette disposition, qui aurait alourdi les conseils d’administration n’a pas été retenue. À défaut, l’AFE sera informée des activités des établissements publics par un rapport annuel, comme c’est déjà le cas pour les activités de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE). Ce rapport pourra, selon les cas, être oral ou écrit.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 bis sans modification.

CHAPITRE II

L’AGENCE FRANÇAISE POUR L’EXPERTISE ET LA MOBILITÉ INTERNATIONALES

Article 5

Création d’un établissement public pour l’expertise et la mobilité internationales

Le chapitre II du projet de loi concerne le nouvel opérateur chargé de l’expertise et de la mobilité internationales. Aux termes de l’article 5, ce dernier se substitue à l’association EGIDE, chargée de la gestion des programmes de mobilité internationale de l’État, aux groupements d’intérêt public (GIP) France Coopération Internationale (FCI), chargé de coordonner et de promouvoir l’expertise technique française à l’international, et CampusFrance, chargé de la promotion de l’enseignement supérieur français.

 Le I de cet article (alinéa 1er) concerne le statut de l’établissement public, sa dénomination et sa tutelle.

Le statut

Le nouvel opérateur fusionne trois organismes dotés de statuts différents, à la fois privé – EGIDE étant une association fondée sur la loi de 1901– et public – CampusFrance et FCI étant des GIP.

La formule retenue, celle de l’établissement public à caractère industriel et commercial, semble la plus appropriée pour un opérateur intervenant dans un domaine fortement concurrentiel. L’EPIC garantit en effet une plus grande souplesse de gestion qu’un établissement public à caractère administratif, notamment en matière de soumission au code des marchés publics, de régime de comptabilité mais aussi de gestion des personnels, puisqu’il peut accueillir non seulement des agents de droit privé, mais aussi des fonctionnaires détachés ou mis à disposition.

Le statut du groupement d’intérêt public, qui avait été adopté pour CampusFrance et FCI présente, quant à lui, des inconvénients en raison de son régime juridique incertain et de sa durée limitée – la convention constitutive de CampusFrance, qui arrivait ainsi à échéance le 29 avril 2010, a été renouvelée jusqu’au 29 avril 2011 ; celle de FCI prendra fin en 2011.

La dénomination

Alors que ne figurait dans l’intitulé initial du chapitre III que le terme générique « d’établissement public », le Sénat a proposé d’améliorer la visibilité du nouvel opérateur en la nommant « Agence française pour l’expertise et la mobilité internationale » (AFEMI), suivant en cela les préconisations contenues dans le rapport de MM. Le Gourrierec et Asseraf (31). Ces derniers observaient en effet que « le choix d’un nom n’est pas un simple exercice administratif. Il contribue à définir l’identité de l’opérateur, notamment vis-à-vis de partenaires internationaux. Son attractivité et le message implicite qu’il véhicule ont une importance ». Aussi préconisaient-ils d’utiliser la dénomination « agence française » qui est lisible et s’insère dans le paysage des opérateurs, et de spécifier dans l’intitulé les métiers concernés, en l’occurrence « expertise » et « mobilité ».

La tutelle

La tutelle sur l’établissement public, qui ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement, a été précisée par les deux commissions du Sénat. De fait, le regroupement des trois entités au sein du même opérateur pouvait aboutir à une tutelle partagée entre plusieurs ministères, l’association EGIDE étant sous la tutelle du ministère des affaires étrangères, le GIP FCI, sous la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de l’immigration, et le GIP CampusFrance, sous la triple tutelle du ministère des affaires étrangères, du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et du ministère de l’immigration.

Afin de placer le nouvel opérateur sous une autorité politique clairement identifiée et en favoriser le pilotage stratégique, le Sénat a opté pour une tutelle unique, confiée au ministère des affaires étrangères. Toutefois, en raison de la forte implication du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche dans certaines des missions confiées à la nouvelle agence – comme la promotion à l’étranger des études en France ou l’accueil des étudiants et chercheurs étrangers –, il semblerait légitime de lui confier la co-tutelle de cette dernière.

 Le II de cet article (alinéas 2 à 13), issu d’un amendement adopté par les deux commissions du Sénat, fixe les missions dévolues à l’AFEMI et précise les conditions du pilotage stratégique ainsi que les relations du nouvel opérateur avec les autres organismes concernés et le réseau diplomatique à l’étranger.

Les missions

Le nouvel opérateur reprendra les missions des trois structures auxquelles il se substitue. La commission des affaires étrangères du Sénat a jugé nécessaire d’en donner une liste précise, alors que le projet de loi n’en évoquait que les grandes lignes :

– le développement de la mobilité internationale, actuellement assuré par EGIDE ;

– la valorisation à l’étranger du système d’enseignement supérieur et de formation professionnelle français, dévolue à CampusFrance ;

– la promotion de l’assistance technique et de l’expertise internationale française à l’étranger, domaine de compétence de France Coopération Internationale.

De plus, il contribuera notamment :

– à la promotion à l’étranger des études en France et à l’accueil des étudiants, chercheurs et experts étrangers ; il appuiera l’action des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, dont le rôle de premier plan dans ce domaine est ainsi rappelé ;

– à la gestion des bourses, de stages et autres programmes de la mobilité internationale ;

– au développement de l’expertise technique internationale et à la maîtrise d’œuvre de projets sur financements bilatéraux et multilatéraux ; il interviendra à titre de conseil des organismes existants, mais aussi d’opérateur dans le cadre d’appels d’offre internationaux.

Le transfert éventuel à l’AFEMI de la gestion des bourses destinées aux étudiants étrangers a fait l’objet d’un débat au Sénat. Au vu des difficultés que ce transfert soulève et bien que la gestion par un opérateur unique semble plus cohérente et efficace, les sénateurs n’ont pas voulu trancher cette question et ont prévu la remise par le Gouvernement dans un délai de trois ans d’un rapport au Parlement évaluant les modalités et les conséquences d’un éventuel transfert (cf. article 5 ter).

Il convient, par ailleurs, de souligner que le périmètre des missions et la composition du nouvel opérateur suscitent des réserves, notamment parmi les personnes auditionnées par les deux rapporteurs de l’Assemblée nationale. En effet, le périmètre proposé est discutable en ce qu’il fusionne au sein d’un même établissement des activités très différentes, les métiers de l’expertise étant sans rapport avec ceux de la promotion de l’enseignement supérieur, de l’accueil et de l’accompagnement sur le territoire français des étudiants étrangers. Par ailleurs, alors que l’ambition affichée est de mettre en place une agence nationale de l’expertise publique internationale, seul France Coopération Internationale (FCI), opérateur du ministère des affaires étrangères et européennes, fera partie du nouvel établissement, à l’exclusion de tous les autres opérateurs publics.

C’est pourquoi il pourrait être envisagé de disjoindre les deux missions, d’expertise et de mobilité, et de ne constituer qu’un seul opérateur dédié à la mobilité internationale. Dans ce schéma, l’opérateur prendrait la forme d’un EPIC constitué de CampusFrance et d’EGIDE, auxquels pourrait être ultérieurement adjointe la sous-direction des affaires internationales du Centre national des Œuvres universitaires et scolaires (CNOUS), en charge du logement et des bourses étudiantes (dont une partie des bourses du gouvernement français). FCI, opérateur de l’expertise, ne ferait plus partie de la nouvelle structure, le gouvernement ayant toutefois la possibilité de créer un opérateur dédié à l’expertise, puisque cette création est du domaine réglementaire.

Les conditions du pilotage stratégique

En contrepartie de la tutelle unique confiée au ministère des affaires étrangères, le ministère chargé de l’enseignement supérieur sera associé à la définition des orientations stratégiques, en raison notamment de sa place d’interlocuteur privilégié des établissements d’enseignement supérieur ; ces orientations seront ainsi élaborées « conjointement » par les deux ministères (alinéa 10).

Selon les indications fournies au rapporteur par le ministère des affaires étrangères, le ministère chargé de l’enseignement supérieur sera représenté au sein du conseil d’administration de l’agence par le même nombre de membres que le ministère de tutelle, soit deux personnes ; il sera également co-signataire du contrat d’objectif et de moyens entre l’État et l’opérateur, qui sera préparé en collaboration avec les autres ministères.

Le ministère des affaires étrangères devrait, par ailleurs, proposer que les établissements d’enseignement supérieur disposent au conseil d’administration de l’agence de trois représentants, désignés par les trois Conférences des grandes écoles, des présidents d’universités et des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs. Il envisage en outre d’associer plus largement les établissements d’enseignement supérieur à l’AFEMI au sein d’un forum des établissements, qui se réunirait une fois par an sous l’égide du conseil d’orientation stratégique relatif aux modalités d’accueil des étudiants et chercheurs étrangers en France, placé auprès de l’agence.

Les relations avec les autres organismes et le réseau diplomatique à l’étranger

Le texte adopté par le Sénat clarifie les relations de l’AFEMI avec les nombreux organismes publics et privés présents sur le marché de l’expertise internationale au regard des règles de la libre concurrence ; l’agence opère en effet « sans préjudice de leurs missions » et en « concertation étroite » avec eux (alinéa 11), en intervenant comme opérateur de soutien et prestataire de services logistiques(32), voire comme « tête de réseau » d’un dispositif d’expertise et de mobilité internationale impliquant tous les acteurs concernés. Comme le souligne le rapport de MM. Le Gourrierec et Asseraf, (33) « plus que de se positionner lui-même sur des projets, l’opérateur devrait ainsi encourager la montée en puissance de l’expertise française privée. »

Le projet de loi pose également le principe d’une collaboration de l’agence avec les personnes morales participant à l’accueil des étudiants ou des chercheurs étrangers – collectivités locales et établissements d’enseignement supérieur, notamment –, ainsi qu’avec les opérateurs publics et privés contribuant à l’offre française d’expertise internationale (alinéa 12).

Il confirme, enfin, le lien étroit déjà évoqué à l’article 1er entre l’agence et le réseau diplomatique à l’étranger ; l’agence veille en effet « à répondre aux besoins exprimés » par le réseau diplomatique et s’appuie, pour accomplir ses missions, sur les services de coopération et d’action culturels des postes diplomatiques ainsi que sur les centres et instituts culturels, notamment ceux disposant d’un espace CampusFrance (alinéa 13).

 Le III de cet article (alinéas 14 à 16) précise les conditions de dévolution des biens, droits et obligations de l’association EGIDE et des GIP CampusFrance et FCI. Introduit par un amendement de la commission des affaires étrangères du Sénat, il reprend en partie les dispositions contenues dans le I du texte initial en prévoyant que ces transferts seront effectués à titre gratuit, et libérés de tout prélèvement.

 Le IV de cet article (alinéas 17 à 19), également issu d’un amendement de la commission des affaires étrangères du Sénat modifiant le contenu du II du projet de loi initial, concerne le transfert des personnels des trois opérateurs à la nouvelle agence.

Compte tenu du nombre important de personnels concernés, des fortes différences de statut, de gestion mais aussi de culture entre les trois organismes, le regroupement des agents au sein d’un même établissement apparaît comme la principale difficulté de la réforme. La situation des personnels de la future agence se caractérise en effet par une grande hétérogénéité, la plupart d’entre eux relevant du droit privé – les 200 salariés de l’association EGIDE – et un nombre significatif d’agents venant des deux GIP.

Le GIP CampusFrance compte 35 agents, dont 27 recrutés sur contrat à durée indéterminée et 8 mis à disposition. Les 27 agents contractuels comprennent 22 non titulaires de droit public et 5 fonctionnaires détachés sur contrat ; les 8 fonctionnaires mis à disposition sont issus pour 4 d’entre eux, des ministères de l’enseignement supérieur et de la recherche, et de l’éducation nationale ; pour 3 d’entre eux, des établissements d’enseignements supérieurs adhérents et pour 2 d’entre eux, du ministère des affaires étrangères. Le GIP France Coopération Internationale compte 48 agents, dont 5 fonctionnaires de l’État et un fonctionnaire de l’administration territoriale mis à disposition. Les autres agents sont des salariés de droit privé rémunérés par le groupement.

S’agissant des salariés de droit privé, largement majoritaires, le fait de conférer à l’agence un caractère d’EPIC permet de maintenir les contrats de travail existants. En effet, aux termes de l’article L. 1224-1 du code du travail : « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »

La Cour de cassation ayant considéré que ces dispositions s’appliquaient aux reprises d’entreprises par un employeur public lorsque l’activité de ce dernier entre dans le cadre d’un service public industriel et commercial (34), les salariés seront donc liés à l’AFEMI par des contrats de droit privé. Ils disposeront toutefois d’un délai de trois mois pour accepter ou refuser leurs nouveaux contrats, qui reprendront les clauses substantielles de leurs précédents contrats, notamment en matière de rémunération. Il convient d’observer que le délai prévu est plus favorable que le délai légal, fixé à un mois pour les contrats de droit privé par l’article L. 1222-6 du code du travail (alinéa 20).

Les salariés de droit privé devraient en fait se trouver dans une situation plus avantageuse, après le transfert à l’EPIC, en particulier ceux de CampusFrance qui, selon la Charte constitutive du GIP, ne pouvaient bénéficier que de contrats à durée déterminée – déjà renouvelés à plusieurs reprises.

Les agents titulaires de contrats de droit public se verront proposer des contrats de droit privé par la nouvelle agence, assortis d’une rémunération au moins équivalente. Quant aux fonctionnaires détachés ou mis à disposition, leur transfert au nouvel opérateur suppose une décision expresse de ce dernier et l’accord de leur administration d’origine. Leur situation sera donc définie au cas par cas.

Il convient, en outre, de rappeler que pendant les deux années suivant sa création, l’AFEMI pourra accueillir à titre gratuit des fonctionnaires détachés ou mis à disposition, en vertu des dispositions prévues à l’article 4.

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La Commission examine l’amendement AC 7 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement vise à soumettre l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales, non seulement à la tutelle du ministère des affaires étrangères, mais aussi à celle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche puisque c’est lui qui va prendre en charge les étudiants étrangers venant en France.

M. Hervé Féron. Nous nous abstiendrons.

M. Michel Herbillon, président. La tutelle conjointe me paraît effectivement préférable à la tutelle unique des affaires étrangères.

M. Bruno Bourg-Broc. Il est simplement dommage que cet amendement mentionne le « ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche » : les intitulés des ministères changent d’un gouvernement à l’autre, certains deviennent des secrétariats d’État…

M. Marcel Rogemont. M. Bruno Bourg-Broc vient de fournir la raison de l’abstention du groupe SRC !

M. Michel Herbillon, président. Il conviendrait en effet de rectifier l’amendement et de parler du « ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche ».

M. Hervé Féron. Notre hésitation venait surtout de ce que nous découvrions l’amendement au dernier moment.

La Commission adopte l’amendement AC 7 ainsi rectifié.

M. Michel Herbillon, président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

La Commission est saisie de l’amendement AC 8 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement prévoit que des représentants de la Conférence des chefs d’établissements de l’enseignement supérieur siégeront au conseil d’administration de l’Agence, parmi les personnalités qualifiées. Des professionnels de l’enseignement en avaient fait la demande, au cours de nos auditions, compte tenu des enjeux et du rôle joué par les établissements d’enseignement supérieur en matière de mobilité des étudiants.

M. Patrice Debray. Quel sera le nombre de personnalités qualifiées désignées par l’État ? Le projet de loi ne l’indique pas.

M. le rapporteur pour avis. Six.

La Commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 modifié.

Article 5 bis

Création d’instances consultatives placées auprès de l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationale

Cet article, issu d’un amendement adopté par les deux commissions du Sénat, vise à créer auprès de l’agence deux conseils d’orientation. Selon le rapporteur de la commission de la culture du Sénat, cette dernière doit en effet : « être en mesure de s’appuyer sur une dynamique participative mobilisant l’expérience et les compétences de différents partenaires, publics et privés, dont l’adhésion à ses démarches constitue la clé du succès de la réforme »(35).

Ainsi, un conseil d’orientation relatif aux modalités d’accueil des étudiants et chercheurs étrangers en France définira les objectifs assignés aux missions de l’agence dans ce domaine (alinéa 2). Sa composition sera fixée conjointement par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et le ministère chargé de l’immigration, mais le texte prévoit qu’elle « comprendra notamment des représentants des étudiants ». Selon le ministère des affaires étrangères et européennes, les trois Conférences d’établissements – Conférence des Présidents d’Universités, Conférence des Grandes Écoles, Conférence des Écoles françaises d’ingénieurs – y seront aussi associées, compte tenu du rôle joué par les établissements d’enseignement supérieur dans l’accueil des étudiants. Pour sa part, le rapporteur juge utile d’apporter cette précision dans le texte.

Un conseil d’orientation relatif au développement international de l’expertise technique publique et privée française sera également placé auprès de l’agence (alinéa 3). Sa composition sera fixée conjointement par le ministère des affaires étrangères et le ministère chargé de la fonction publique, mais elle comprendra « notamment des représentants des entreprises qualifiées ». Compte tenu des enjeux de l’expertise, de la dispersion des opérateurs et de l’importance du secteur privé dans ce domaine, il est en effet pertinent de mettre en place une instance de réflexion et de propositions sur ces questions.

Les deux conseils pourront se saisir d’un sujet dès lors qu’il entrera dans leur champ de compétence. Ils émettront des avis et des recommandations qui seront transmis au conseil d’administration de l’agence et donneront lieu à débat. Ils pourront demander à être entendus par le directeur général.

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La Commission examine l’amendement AC 9 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement est de cohérence avec le précédent.

La Commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 bis modifié.

Article 5 ter

Rapport au Parlement sur le transfert éventuel à un opérateur unique de la gestion des bourses destinées aux étudiants étrangers

Cet article, introduit par amendement des deux commissions du Sénat, prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement, dans un délai de trois ans après l’entrée en vigueur de la loi, d’un rapport comportant une évaluation des modalités et des conséquences du transfert éventuel à un opérateur unique de la gestion des bourses destinées aux étudiants étrangers.

Les « bourses du Gouvernement français » (BGF) sont des bourses d’études ou de formation accordées à des personnes étrangères, étudiantes ou déjà insérées dans la vie professionnelle. Le ministère des affaires étrangères consacrait en 2007 près de 100 millions d’euros à leur financement, pour 18 600 bénéficiaires (sur 264 000 étudiants étrangers environ accueillis en France chaque année). Ces bourses, dont le dispositif est défini par un arrêté interministériel du 27 décembre 1983, ont un régime et un mode de gestion complexes.

Couvrant près d’une quarantaine de prestations, les BGF sont gérées par à la fois par EGIDE et par la sous-direction des affaires internationales du Centre national des Œuvres universitaires et scolaires (CNOUS), la répartition entre les deux organismes étant basée sur des critères quelque peu obsolètes.

Le Centre national des Œuvres universitaires et scolaires (CNOUS)

Établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le CNOUS a pour vocation de favoriser l’amélioration des conditions de vie et de travail des étudiants. Il agit comme opérateur de différents ministères en offrant des services de proximité aux étudiants grâce à son réseau de 28 centres régionaux (CROUS).

Il exerce une activité internationale à travers sa sous-direction des affaires internationales en assurant la gestion des bourses destinées aux étudiants étrangers, qu’elles soient attribuées par le Gouvernement français, les États étrangers ou les organismes internationaux, et en organisant l’accueil et la prise en charge des étudiants étrangers, boursiers ou non.

EGIDE (anciennement dénommé Centre international des étudiants et stagiaires) était l’opérateur du ministère de la coopération et administrait à ce titre les bourses destinées aux étudiants étrangers provenant des pays couverts par ce ministère. Les boursiers du Gouvernement français dépendant du ministère des affaires étrangères étaient, quant à eux, répartis entre les deux opérateurs en fonction des établissements fréquentés (36). L’intégration du ministère de la coopération au sein du ministère des affaires étrangères en janvier 1999 n’ayant pas donné lieu à une remise à plat, « la répartition actuelle combine le critère géographique et le critère fonctionnel au prix d’une complexité qui ne repose sur aucune justification autre qu’historique », comme l’indique le rapport d’audit effectué en 2008 par l’Inspection générale de l’administration de l’enseignement supérieur et de la recherche, et l’Inspection générale des affaires étrangères (37).

Outre les difficultés liées aux différences de statut, de tutelle et de situation financière des deux opérateurs, ce double système de gestion alourdit les coûts et complique le contrôle de l’État ; c’est pourquoi le rapport d’audit préconisait de confier la gestion des BGF à un opérateur unique.

Nature de la bourse

Formation suivie

Pays de l’ex-hors champ (environ 145 pays)

Pays de l’ex-champ (environ 30 pays)

Études

Dans un établissement relevant du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ou des ministères de la jeunesse et des sports ou de la culture

CNOUS

EGIDE

Dans un autre établissement

EGIDE

Stage

Stages généraux

EGIDE

Bourses de stages linguistiques ou pédagogiques de courte durée (BLPCD)

CNOUS

Source : Rapport d’audit d’avril 2008 sur la gestion des BGF.

La création d’une agence chargée de la mobilité universitaire, scientifique et technique remet donc à l’ordre du jour la question de la rationalisation de la gestion des BGF puisqu’à ce stade, il n’est pas envisagé d’inclure la partie internationale du CNOUS dans la nouvelle structure et que, par ailleurs, le transfert à l’AFEMI de la gestion des bourses destinées aux élèves étrangers actuellement assurée par le CNOUS suscite les réserves des différentes parties prenantes.

Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche soulève, à l’occasion du transfert, la question de la cotutelle sur la nouvelle agence, alors que l’article 5 prévoit la seule tutelle du ministère des affaires étrangères sur l’AFEMI. Le CNOUS, acteur indispensable de l’accueil de tous les étudiants étrangers, boursiers ou non, s’estime en mesure d’assurer la gestion de l’ensemble des BGF. Les organisations étudiantes s’opposent au transfert parce que la gestion des bourses des étudiants étrangers génère des recettes qui sont ensuite reversées au budget général du CNOUS pour financer des mesures concernant l’ensemble des étudiants.

C’est pourquoi le Sénat, sans prendre position, a souhaité engager une réflexion sur cette question une fois la mise en place de l’agence achevée ; la formulation adoptée, qui vise « … la mise en place d’un opérateur unique pour la gestion des bourses… » laisse ouverte la possibilité d’un transfert de la gestion des bourses du CNOUS vers l’AFEMI, ou l’inverse.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 ter sans modification.

CHAPITRE III

L’INSTITUT FRANÇAIS

La Commission examine l’amendement AC 10, de M. Hervé Féron, portant sur l’intitulé du chapitre III.

M. Pascal Deguilhem. M. le rapporteur pour avis a indiqué qu’il appartiendrait in fine au ministre d’arrêter le choix du nom de l’établissement public à caractère industriel et commercial pour l’action culturelle extérieure. Pour notre part, nous souhaitons que ce nom fasse l’objet d’un consensus et permette aisément l’identification de l’établissement. À l’instar des pays voisins, dont les instituts culturels portent le nom de Cervantès ou de Goethe, la France pourrait adopter l’appellation « Institut Victor Hugo ».

M. le rapporteur pour avis. Le nom de Victor Hugo nous séduit tous et le ministre lui-même avait pensé le proposer. C’est le Sénat qui a souhaité revenir à l’appellation d’Institut français. Il importe de fait que la marque France figure dans le nom de la future agence, pour labelliser notre action culturelle à l’étranger et surtout parce qu’un grand nombre de nos centres culturels sont déjà dénommés instituts français : ainsi l’Institut Léopold Sédar Senghor, à Dakar. Cette appellation améliorera en outre la visibilité de notre dispositif culturel à l’étranger en marquant la proximité de cet opérateur et du réseau des alliances « françaises ».

Les appellations choisies par nos voisins sont variées, puisqu’on trouve, à côté du Goethe Institut, de l’Institut Cervantès et de l’Institut Confucius, qui plaident pour l’appellation « Institut Victor Hugo », le British Council, qui ferait au contraire pencher pour « Institut français ». Mais, si les choix de ces pays sont divers, au niveau national, en revanche, la marque France s’impose. On le constate par exemple dans le domaine touristique, avec l’agence Atout France. Autant rester cohérents, quels que soient le goût et la sensibilité de chacun.

M. Michel Ménard. Quand on parle dans le projet des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France, s’agit-il seulement de l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales et de l’Institut français, ou éventuellement d’autres établissements publics ? Le texte n’est pas très clair sur ce point.

Par ailleurs, pour concilier l’avis de M. Deguilhem et celui du rapporteur pour avis, pourquoi ne pas adopter l’appellation « Institut français – Victor Hugo » ?

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de tous les établissements publics mentionnés au chapitre Ier.

M. Michel Herbillon, président. Je précise que le chapitre Ier englobe non seulement les deux établissements qui viennent d’être cités, mais l’ensemble des établissements publics qui contribuent à l’action extérieure de la France.

M. Hervé Féron. Cette question de dénomination est d’importance stratégique, plus qu’on ne le croit. À mon sens, le nom de l’agence Atout France, des centres culturels français ou des Alliances françaises finit par créer une sorte de confusion tant pour nos compatriotes que pour les étrangers.

Au plan international, le British Council est une exception, la règle étant que les instituts culturels portent le nom d’une personnalité. Ainsi, les Chinois ont créé l’Institut Confucius, les Espagnols l’Institut Cervantès, les Allemands le Goethe Institut, les Polonais l’Institut Adam Mickiewicz et les Portugais l’Institut Camões. Si ces organismes sont en plein essor depuis plusieurs années, contrairement à ceux du réseau français, c’est pour deux raisons : ils ont placé leur action sous l’égide d’une personnalité qui symbolise leurs valeurs – comme le nom de Victor Hugo porterait haut les valeurs françaises –, et ils y ont consacré un budget important.

M. le rapporteur pour avis. Je conviens que la dénomination Institut français n’implique pas que l’établissement concerné est dédié à la culture. Mais la référence à Victor Hugo sera-t-elle bien comprise à l’étranger, notamment dans les pays non francophones ? Au fin fond de la Chine, de la Russie ou du Brésil, « Institut français » serait peut-être plus clair.

Mme Martine Martinel. Le nom de Victor Hugo est le symbole de notre culture dans le monde entier. Je m’en suis aperçue il y a quelques jours en visitant, à La Havane, un institut baptisé « Maison Victor Hugo », où une exposition consacrée à l’écrivain attire un important public non francophone. Victor Hugo est cité partout par des hommes politiques de tous bords, qui saluent son œuvre immense autant que son engagement politique. Sans vouloir ternir l’image de la France, « Institut français » me semble plus fade, ce qui est dommage puisqu’il s’agit de mettre en valeur le réseau culturel français. Chacun, même s’il ne connaît pas l’œuvre de Victor Hugo, en a une représentation mentale. Son nom s’inscrit dans une histoire patrimoniale qui nous est commune. Et si nous ne sommes pas tous capables, comme le ministre, de réciter ses vers, nous pouvons tous nous reconnaître dans son œuvre.

M. Michel Herbillon, président. Tout le monde aura été sensible à ce plaidoyer en faveur de Victor Hugo, mais la France est aussi ce qui fédère tous les instituts, comme le rappelle le terme d’Alliance « française ». On peut aimer l’écrivain sans pour autant remettre en cause l’appellation « Institut français ».

M. Marcel Rogemont. M. le rapporteur nous dit qu’il reviendra au ministre de choisir le nom de l’établissement. Dans ce cas, pourquoi le nommer dans la loi ? Mais la question me semble suffisamment importante pour que notre Commission s’en saisisse. Si le nom de Victor Hugo n’est pas parfaitement connu dans tous les pays, que dire de celui de Camões ? À mon sens, il est bon que la France soit représentée par un nom illustre. Quant au cas de l’Institut Léopold Sédar Senghor, il est exceptionnel.

M. Patrice Debray. Mettons tout le monde d’accord en adoptant l’appellation « Institut français – Victor Hugo » !

Mme Claude Greff. M. le rapporteur pour avis m’a convaincue. Contrairement à ce que je viens d’entendre, le mot « France » n’a rien de fade. D’autre part, si le réseau devait porter le nom d’une personnalité, pourquoi ne choisir celui d’une femme ? Mais, en matière de communication, l’essentiel est que le message soit clair et français. C’est le cas avec la dénomination actuelle.

M. Bernard Depierre. « Institut français – Victor Hugo » est un bon label. Bien des organismes portent le nom d’une personnalité illustre, et l’adjectif « français » resterait présent. Cela satisferait tout le monde.

Mme Claude Greff. Non, pas tout le monde !

M. Bruno Bourg-Broc. Je suis moi aussi d’accord avec M. le rapporteur pour avis. Victor Hugo ne résume pas à lui seul toute la culture ni même toute la littérature française. J’invite nos collègues à relire l’intervention de M. Chevènement au Sénat à ce sujet.

Par ailleurs, je suis choqué d’entendre une représentante de la Nation française dire que l’adjectif « français » est fade.

Enfin, qu’adviendrait-il des instituts qui portent le nom d’une personnalité locale ? L’institut Léopold Sédar Senghor pourrait difficilement devenir l’Institut français – Victor Hugo-Léopold Sédar Senghor.

M. Michel Herbillon, président. Pour être complet, je rappelle que certains sénateurs ont proposé les dénominations d’Institut Stendhal ou d’Institut Baudelaire.

M. Jacques Grosperrin. Si la Commission des affaires culturelles veut exister, elle n’a pas à attendre la décision des ministres. « Institut français » est une appellation générale et générique. Je comprends mal que la proposition d’y ajouter le nom de Victor Hugo, qui était de surcroît député, suscite une telle levée de boucliers, et je m’étonne en particulier que M. Chevènement, né près de Besançon, s’y oppose.

M. Patrick Bloche. Pour venir en aide à Mme Greff, je propose l’appellation « Institut français – Juliette Drouet » !

M. Jean-Louis Touraine. L’appellation « Institut français » a l’inconvénient de laisser dans l’ombre le fait que cet établissement est dédié à la culture, et non à telle activité économique ou sportive. Il faut par conséquent y accoler quelque chose. Or, parmi ceux qui sont à notre disposition, le nom de Victor Hugo n’est-il pas celui qui embrasse la plus grande part de la culture française et qui possède la plus grande notoriété ?

Mme Martine Martinel. Pour répondre à l’interprétation malicieuse, sinon maligne, que certains collègues ont faite du mot « fade », et pour éviter que le débat ne dégénère, je précise que moi aussi j’aime la France et que, lectrice de Charles Péguy, je la trouve belle, ce qui n’a rien de surprenant pour une élue de la Nation. Cela étant précisé, je reprends à mon compte les adjectifs « général » et « générique » employés par M. Grosperrin.

M. Michel Herbillon, président. Peu importe que le mot « fade » ait été maladroit ou qu’il ait été maladroitement interprété : l’incident est clos.

M. Bruno Bourg-Broc. Monsieur Grosperrin, M. Chevènement a effectivement dit lors du débat au Sénat que, bien que franc-comtois, il refusait l’appellation « Institut Victor Hugo ». Il a ajouté : « Victor Hugo est né à Besançon qu’il qualifiait d’ailleurs de façon inexacte de "vieille ville espagnole". J’ai beaucoup de tendresse pour Victor Hugo, mais la France, c’est plus vaste. »

Mme Valérie Fourneyron. Je considère que la Commission des affaires culturelles est dans son rôle quand elle se saisit de ce type de question. Le mot « France » est sans conteste celui qui nous rassemble le plus, mais l’identité culturelle de notre pays peut être aussi portée par Victor Hugo. L’appellation « Institut français – Victor Hugo » devrait pouvoir nous rassembler sans qu’il soit nécessaire d’attendre « demain, dès l’aube… »

M. Michel Herbillon, président. Je suis sensible à l’argument de M. Touraine selon lequel il existe des instituts français dans bien des domaines. Peut-être devrait-on parler d’ « Institut culturel français ».

M. le rapporteur pour avis. Pour la clarté de nos débats, je suggère que les auteurs de l’amendement le rectifient s’ils souhaitent proposer l’appellation « Institut français – Victor Hugo ». Je regrette pour ma part que nous n’ayons pas proposé d’abord la dénomination « Institut culturel français », qui aurait peut-être été plus explicite.

M. Michel Herbillon, président. Le débat fait donc émerger deux propositions alternatives.

M. Hervé Féron. L’amendement est effectivement rectifié. Pour ce qui concerne la dénomination « Institut culturel français », elle risque d’entraîner une confusion avec les « centres culturels français » et les « alliances françaises ». Par ailleurs, pour avoir habité Dakar et Thiès, je puis affirmer que, si cette agence prend le nom d’Institut français – Victor Hugo, cela ne posera aucun problème aux Sénégalais.

M. Michel Herbillon, président. Je vais mettre aux voix deux amendements. Le premier, l’amendement AC 10 rectifié, vise à remplacer dans l’intitulé du chapitre III et dans le texte de l’article 6 les mots « Institut français » par les mots « Institut français – Victor Hugo » ; le second, par les mots « Institut culturel français ».

La Commission adopte l’amendement AC 10 rectifié. De ce fait, le second amendement devient sans objet.

Article 6

Création d’un établissement public chargé de l’action culturelle extérieure

Le chapitre III du projet de loi créé, au sein de la nouvelle catégorie d’établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France, un établissement public chargé de l’action culturelle extérieure qui, aux termes de l’article 6, se substitue à l’association CulturesFrance.

 Le I de cet article (alinéa 1) porte sur le caractère de l’établissement public, sa dénomination et sa tutelle.

Le caractère de l’établissement public

Le remplacement d’une association fondée sur la loi de 1901 par un établissement public industriel et commercial (EPIC) répond aux critiques formulées en octobre 2006 par la Cour des Comptes dans l’audit qu’elle avait mené à la demande de la commission des finances du Sénat sur la gestion de l’association française d’action artistique (AFAA), devenue CulturesFrance. La Cour avait en effet mis en cause le mode de fonctionnement, la gestion ainsi que le statut associatif de l’opérateur.

Néanmoins, le caractère d’EPIC du nouvel opérateur culturel a suscité plusieurs objections lors de la discussion du projet de loi en séance publique au Sénat.

Il a ainsi été observé que dans le domaine culturel, il existe autant d’EPIC que d’EPA. Les EPIC culturels, comme la Cité de la Musique ou la Comédie Française, ont des activités de production. Le statut d’EPIC se justifie dans ces cas parce que les ressources proviennent essentiellement de la billetterie et des produits dérivés. Quant aux EPA culturels, ils assument des missions de distribution, de diffusion, d’exposition et de préservation. Il s’agit des grands musées (Château de Versailles, musée d’Orsay, musée Guimet, Centre Pompidou), mais aussi du Centre national de la Cinématographie ou de la Bibliothèque nationale de France.

Plusieurs sénateurs ont jugé le statut d’EPA plus adapté dans la mesure où les activités de l’Institut français ne seront pas de nature commerciale et ne représenteront pas l’essentiel de ses revenus, même si son autofinancement est encouragé. A fortiori, si le réseau culturel est rattaché, à terme, au nouvel opérateur, ce dernier sera l’outil de la diplomatie culturelle de la France, ce qui constitue une mission régalienne et non une activité industrielle et commerciale.

Il convient, par ailleurs, d’indiquer que tous les syndicats entendus par les rapporteurs se sont inquiétés de ce statut, qui, selon eux, interdirait au nouvel opérateur de bénéficier de fonds de dotation et des dons de mécènes transfrontaliers et qui n’offrirait pas de garanties aux personnels transférés.

La dénomination de l’établissement public

Le nom du nouvel établissement public, qui n’était pas précisé dans le texte initial, a donné lieu à de nombreuses consultations, en particulier des postes diplomatiques et des agents du réseau, ainsi qu’à de multiples débats entre les tenants de l’appellation « Institut français » et ceux qui lui préféraient un nom d’écrivain emblématique – Victor Hugo, Jules Verne, Stendhal, Voltaire, Descartes ou Camus –.

Soucieuse de développer à l’étranger « un label de notre offre culturelle aisément identifiable auprès de nos différents partenaires », y compris auprès de ceux connaissant mal la littérature française, la commission de la culture du Sénat a adopté un amendement conférant au nouvel établissement le nom d’ « Institut français », ce qui correspondait d’ailleurs au choix exprimé par les postes diplomatiques.

La commission des affaires étrangères a quant à elle opté pour le nom d’« Institut Victor Hugo », soutenu par le ministre des affaires étrangères. Le Sénat est finalement revenu en séance publique au choix d’« Institut français », qui présente de fait plusieurs avantages. L’appellation fait apparaître la « marque France », ce qui est essentiel dans un contexte de mondialisation. De plus, selon M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis au nom de la commission de la culture « elle est simple, moderne, définit bien l’objectif visé, et surtout, grâce à son caractère générique, peut se décliner sans être dénaturée par l’ajout, soit d’une appellation locale ancienne ou connue, soit du nom d’un personnage illustre de notre histoire. »(38) En effet, puisque de nombreux centres et instituts culturels français ont choisi une dénomination renvoyant à un personnage illustre (« Léopold Sédar Senghor », « Stendhal » ou « Baudelaire »), le nom d’« Institut français » facilitera le rattachement du réseau culturel au nouvel opérateur. Enfin, il se positionne comme un complément des « Alliances françaises » qui mènent également des actions culturelles.

La tutelle

Le rapport établi par M. Combles de Nayves (39) observe que « le transfert à l’agence de missions autrefois exercées directement par l’administration centrale, ainsi que les perspectives de rattachement du réseau à celle-ci, conduisent à prendre particulièrement au sérieux les modalités de gouvernance de l’agence ainsi que les conditions d’exercice de sa tutelle. »

Alors que la détermination de la tutelle ne figurait pas dans le texte initial, le Sénat a retenu l’option d’une tutelle unique, celle du ministère des affaires étrangères et européennes. Ce choix doit faciliter a priori l’exercice de la tutelle et garantir un pilotage stratégique cohérent et clairement identifié, tout en reflétant la réalité budgétaire. En effet, même si le principe de la double tutelle – du ministère des affaires étrangères et européennes et de celui de la culture et de la communication – appliqué à CulturesFrance semble bien fonctionner dans la pratique, il est souvent source de lourdeurs administratives et risque d’aboutir à un déficit de pilotage politique et administratif de la part de l’État. Par ailleurs, l’essentiel des moyens affectés aujourd’hui à CulturesFrance provient du ministère des affaires étrangères et européennes, et la création de l’agence, en élargissant le périmètre de ses missions, ne devrait pas remettre en cause cette prépondérance.

Il convient cependant d’observer que cette option n’allait pas de soi, plusieurs établissements publics culturels, tels le Musée du Quai Branly, le Museum d’Histoire naturelle ou la Cité des Sciences et de l’Industrie étant placés sous la double tutelle du ministère de la culture et de la communication et de celui de l’enseignement supérieur et de la recherche, sans que cela pose de problème particulier.

Le rapport précité de M. Comble de Nayves préconise, en outre, de conférer au président du nouvel établissement public une fonction exécutive afin d’éliminer tout risque de dyarchie à la tête de l’opérateur, de rompre avec le statut associatif en vigueur au sein de CulturesFrance et de se conformer à la situation existant dans la plupart des établissements publics culturels. Le président devra donc être nommé par décret du ministre des affaires étrangères sur avis du ministre de la culture, et il sera secondé par un directeur général délégué, nommé par le conseil d’administration sur sa proposition.

 Le II de cet article (alinéas 2 à 15) constitue un nouveau paragraphe introduit par les commissions du Sénat. Il précise les missions du nouvel établissement public, le rôle des différents ministères dans la définition des orientations stratégiques ainsi que les relations de l’opérateur avec les autres organismes concernés et le réseau diplomatique à l’étranger.

Les missions

Les deux commissions du Sénat ont souhaité expliciter la mission très large – « concourir à l’action extérieure de l’État » – assignée par le texte initial au nouvel opérateur. Ce faisant, elles ont redéfini le champ d’intervention de CulturesFrances en l’élargissant à trois nouvelles missions.

Le champ d’intervention « classique » de CulturesFrance, qui concerne actuellement la promotion de la culture française et de la diversité culturelle est repris par les alinéas 3 à 6, 8 et 10. Il comprend tout d’abord la mission historique de l’ancienne association française d’action artistique (AFAA). Initialement fondée sur la promotion à l’étranger des artistes français dans les domaines des arts visuels (arts plastiques, architecture, photographie, design) et des arts de la scène (musique, théâtre, danse, cirque et arts de la rue), cette mission a été progressivement étendue au cours des dernières années :

– au domaine du livre et de l’écrit, à la suite de la fusion entre l’AFAA et l’ancienne association pour la diffusion de la pensée française (ADPF) ;

– au domaine du débat d’idées, avec le transfert, en 2009, des crédits du Fonds d’Alembert ;

– au domaine du cinéma dit « patrimonial » (films sortis depuis plus de cinq ans), à la suite du transfert partiel, en 2009, des moyens de l’ancienne Division du cinéma de la Direction générale de la coopération internationale et du développement.

Le Fonds d’Alembert

Créé en 2002 par le ministère des affaires étrangères et européennes, le Fonds d’Alembert permet de cofinancer avec les partenaires étrangers de la France des colloques et tables rondes qui font intervenir des intellectuels français à l’étranger et sont susceptibles de donner lieu à une exploitation éditoriale et médiatique.

Il s’attache à promouvoir la production intellectuelle française sur les débats et les enjeux majeurs du processus de mondialisation, sur les questions de société ouvertes par le développement des sciences et des techniques.

Outre ces sujets généraux, le Fonds met également l’accent chaque année sur des thématiques prioritaires (par exemple, en 2007, un colloque « Migrations, culture et politique » a été organisé à Dublin).

Ces projets associent les services de coopération et d’action culturelle et scientifique des ambassades, les centres de recherche et les établissements culturels et leurs partenaires à l’étranger.

On constate une augmentation notable du nombre de projets soumis chaque année et du nombre de postes participant à ce programme. En 2010, 47 projets sont soutenus à ce titre dans 42 pays.

Source : ministère des Affaires étrangères et européennes

La deuxième mission traditionnelle, héritée du ministère de la coopération, concerne le soutien aux artistes africains, avec le programme « Afrique en création », étendu depuis aux artistes caribéens. Ces actions, qui recouvrent également les secteurs du livre et du cinéma traduisent l’engagement de la France en faveur de la diversité culturelle.

Enfin, l’AFAA puis CulturesFrance ont été chargées de mettre en œuvre des Saisons culturelles françaises à l’étranger et des Saisons culturelles étrangères en France.

Le Sénat a élargi ce domaine de compétence « classique » à trois nouvelles missions :

– La promotion des idées et des savoirs (alinéa 7) constitue l’un des axes forts des missions de la future agence, qui devra apporter une véritable valeur ajoutée au dispositif existant. Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche devra être pleinement associé à cette mission, aujourd’hui éclatée entre CulturesFrance et la direction générale de la mondialisation, par le biais d’une représentation au conseil d’administration.

– La promotion du français (alinéa 9), qui relève actuellement d’une sous-direction de la mondialisation. À l’échelon central cette politique comprend des actions de promotion et de communication autour de la langue française ; des actions d’expertise et de formation pédagogiques destinées aux enseignants et aux apprenants étrangers ; des actions liées à l’enseignement français dans le réseau culturel (formation continue des enseignants, certifications) ; des actions visant à renforcer la présence du français dans les organisations internationales, grâce en particulier à la formation au français des personnels.

Cette politique est mise en œuvre localement par les postes, avec le concours de centres et instituts culturels et des Alliances françaises qui disposent à cette fin d’importants moyens (43 millions d’euros de crédits d’intervention, 200 postes d’attachés de coopération, 300 assistants techniques). Elle s’appuie sur un partenariat avec les institutions francophones, et complète la politique menée par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).

– Le conseil et la formation professionnelle des personnels du réseau culturel (alinéa 11) représentent pour la future agence une mission nouvelle ayant un caractère stratégique pour l’efficacité du dispositif culturel, comme le soulignent tous les rapports consacrés à l’action culturelle extérieure. L’agence devrait s’appuyer sur l’expertise du ministère de la culture, désireux de participer à la formation des personnels à l’étranger.

Cette nouvelle mission constitue la première étape d’un rapprochement entre l’agence culturelle et le réseau à l’étranger avant le rattachement effectif de ce dernier au nouvel opérateur. Dans cette optique, l’agence sera également associée aux politiques de recrutement et d’affectation des agents du réseau qui, ainsi que l’a indiqué au rapporteur Mme Delphine Borione, directrice de la politique culturelle et du français à la direction générale de la mondialisation, seront définies dans un cadre plus collectif, assurant également la représentation des ministères techniques.

La définition des orientations stratégiques

En contrepartie de la tutelle unique exercée par le ministère des affaires étrangères, la définition des orientations stratégiques devrait faire l’objet d’une large concertation entre l’administration de tutelle et le ministère de la culture. Le projet de loi, substantiellement modifié par le Sénat, prévoit en effet à l’alinéa 12 que « l’établissement exerce ses missions selon les orientations définies conjointement par le ministère des affaires étrangères et le ministère chargé de la culture ». Ce dernier siégera à parité avec le ministre des affaires étrangères au conseil d’administration de la nouvelle agence et assurera la vice-présidence du conseil d’orientation stratégique placé auprès de l’opérateur (cf. article 6 bis). Mais la préparation des orientations stratégiques reposera également sur une collaboration étroite et régulière de l’administration de tutelle avec les autres ministères concernés – ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – ainsi qu’avec les milieux professionnels concernés.

Les relations de l’opérateur avec les autres organismes et le réseau diplomatique à l’étranger

Le Sénat a jugé essentiel de garantir à l’alinéa 14, une concertation, une complémentarité et une collaboration étroite entre l’agence et les différents acteurs concernés par la promotion et de la diffusion de la culture française à l’étranger, qu’ils viennent du monde associatif ou de la société civile, des secteurs privé ou public, – Alliances françaises, organismes de promotion des exportations de biens culturels à l’étranger (TV France international, UbiFrance, Bureau export de la Musique, Bureau international de l’édition française), grands établissements culturels, collectivités territoriales, organisations internationales et européennes.

Le lien étroit prévu à l’alinéa 5 de l’article 1er entre le réseau diplomatique et les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France est, en outre, réaffirmé dans les mêmes termes, s’agissant de l’ « Institut français », à l’alinéa 15. Sur proposition du ministre des affaires étrangères, la commission de la culture du Sénat a également introduit dans cet alinéa une disposition prévoyant un « dialogue permanent et régulier » entre l’Institut français et le réseau culturel à l’étranger, destiné à préparer le rattachement progressif de ce dernier à l’agence.

 Le III de cet article (alinéas 16 à 18), issu d’un amendement de la commission des affaires étrangères du Sénat reprenant certaines des dispositions contenues dans le I du texte initial, précise les conditions de dévolution des biens, droits et obligations de l’association CulturesFrance au nouvel opérateur.

Parallèlement au dispositif concernant la dissolution des trois opérateurs en charge de l’expertise et de la mobilité et leur transfert à l’AFEMI, les biens, droits et obligations de l’association CulturesFrance seront transférés de plein droit, en pleine propriété et à titre gratuit à l’Institut français, à la date d’effet de la dissolution de l’association décidée par son assemblée générale, conformément aux dispositions de la loi du 1er juillet 1901.

 Le IV de cet article (alinéas 19 à 21), également introduit par un amendement du Sénat qui reprend le contenu du II du texte initial, concerne le transfert des personnels de CulturesFrance au nouvel établissement à caractère industriel et commercial.

Il convient d’indiquer que l’association CulturesFrance emploie actuellement 95 équivalents temps plein, pour l’essentiel des salariés de droit privé, auxquels s’ajoutent des agents de droit public, mis à disposition pour des missions ponctuelles, comme la mise en œuvre des saisons culturelles.

S’agissant des salariés de droit privé, le statut d’EPIC conféré au nouvel opérateur permet de maintenir les contrats de travail existants. En effet, aux termes de l’article L. 1224-1 du code du travail : « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »

La Cour de cassation ayant considéré que ces dispositions s’appliquaient aux reprises d’entreprises par un employeur public lorsque l’activité de ce dernier entre dans le cadre d’un service public industriel et commercial (40), les salariés seront liés à l’Institut français par des contrats de droit privé qui reprendront les clauses substantielles de leurs contrats, notamment en matière de rémunération (alinéa 19) ; ces personnels disposeront toutefois, pour accepter ou refuser leurs nouveaux contrats, d’un délai de trois mois, plus favorable que le délai légal, fixé à un mois pour les contrats de droit privé par l’article L. 1222-6 du code du travail (alinéa 20).

Les agents titulaires de contrats de droit public se verront proposer par la nouvelle agence des contrats de droit privé et des rémunérations au moins équivalentes ; quant aux fonctionnaires détachés ou mis à disposition, leur situation sera traitée de manière individuelle. En effet le détachement ou la mise à disposition des fonctionnaires cessant de plein droit au moment de la dissolution de l’organisme d’accueil, leur transfert au nouvel organisme suppose une décision expresse de ce dernier et l’accord de leur administration d’origine.

Il convient néanmoins de rappeler qu’en vertu des dispositions prévues à l’article 4, l’opérateur pourra accueillir à titre gratuit des fonctionnaires détachés ou mis à disposition pendant les deux années suivant sa création.

*

La Commission est saisie de l’amendement AC 11 de M. Hervé Féron.

M. Hervé Féron. L’amendement vise à définir le cadre dans lequel agira l’Institut français – Victor Hugo. Le ministre ayant reconnu lui-même une certaine imprécision à cet égard, il nous semble important de préciser quelques orientations stratégiques.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement est inutile, dès lors que le ministre des affaires étrangères s’est engagé à doter les deux agences d’une stratégie, définie de concert avec le ministre de la culture. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement AC 11.

La Commission examine l’amendement AC 12 de M. Hervé Féron.

M. Hervé Féron. Nous proposons de compléter l’alinéa 9 par les mots : « en partenariat avec l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ». Il semble important de clarifier les missions et le champ d’intervention respectifs de l’Institut français – Victor Hugo et de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), ainsi que d’organiser les modalités de leur collaboration.

M. le rapporteur pour avis. L’AEFE contribue à la diffusion de la langue et de la culture françaises auprès d’élèves étrangers, tandis que l’Institut français – Victor Hugo s’adressera au public des centres et instituts culturels. La précision figurant dans l’amendement est inutile, dès lors que les champs d’intervention des deux organismes sont nettement différenciés. Avis défavorable.

M. Hervé Féron. L’enseignement dispensé par l’AEFE ne s’adresse pas seulement aux élèves étrangers.

M. le rapporteur pour avis. En effet.

M. Hervé Féron. Dès lors que l’Institut français – Victor Hugo est chargé d’organiser la promotion, la diffusion et l’enseignement à l’étranger de la langue française, il est nécessaire de définir les champs d’intervention des deux organismes. La précision que nous proposons donnerait plus de sens à leur collaboration et la rendrait plus constructive.

M. le rapporteur pour avis. L’AEFE est chargée d’assurer l’enseignement français, alors que l’Institut français – Victor Hugo est chargé de la promotion de notre langue. Les deux domaines sont précis et distincts.

M. Hervé Féron. Vous n’avez pas bien lu le projet de loi : l’Institut français – Victor Hugo a pour mission « la promotion, la diffusion et l’enseignement » du français, cependant que l’AEFE enseigne le français. La nécessité d’organiser leur partenariat paraît dès lors s’imposer.

La Commission rejette l’amendement AC 12.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 sans modification à l’exception de la dénomination « Institut Français – Victor Hugo ».

Article 6 bis

Création d’un conseil d’orientation stratégique sur l’action culturelle extérieure

Cet article, issu d’un amendement adopté par les deux commissions du Sénat, crée, en contrepartie de la tutelle unique du ministère des affaires étrangères et européennes, une instance de concertation réunissant périodiquement les représentants des ministères concernés – notamment celui de la culture et celui chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche – afin que soit définie en commun la stratégie culturelle de la France à l’étranger. La vice-présidence du conseil sera assurée par le ministre de la culture, comme l’a proposé le ministre des affaires étrangères ; le président de l’Agence culturelle sera invité à participer aux réunions.

La composition de cette instance de concertation a toutefois vocation à évoluer en fonction de l’ordre du jour, le ministre des affaires étrangères ayant toute latitude pour inviter des personnalités qualifiées, comme les représentants des collectivités territoriales ou des Alliances françaises, lorsque les sujets abordés seront susceptibles de les intéresser. Le Conseil définit les grandes orientations de l’agence dans les domaines couverts par ses missions et prépare, avant leur présentation au conseil d’administration, les orientations fixées à l’établissement. Il coordonne la préparation du contrat d’objectif et de moyens liant l’établissement à l’État et en contrôle l’exécution.

Tirant profit de l’expérience du Conseil de l’audiovisuel extérieur, créé en 1996 et quasiment jamais réuni depuis, le Sénat a souhaité assurer une certaine périodicité en précisant que le conseil d’orientation stratégique serait réuni au moins une fois par an.

*

La Commission examine l’amendement AC 13 de M. Hervé Féron.

M. Hervé Féron. L’amendement vise à ajouter à l’alinéa 2 la phrase suivante : « Le conseil d’orientation stratégique est également composé de personnalités qualifiées désignées par le ministre des affaires étrangères, notamment des représentants des alliances françaises et de collectivités territoriales, de représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat. »

Dans sa rédaction actuelle, l’article indique seulement que le ministre des affaires étrangères pourra inviter des personnes qualifiées. Il nous semble important que celles-ci puissent effectivement participer à cette instance de travail, au même titre que des représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat.

M. le rapporteur pour avis. Laissons quelque latitude au ministre ! Il ne me paraît pas opportun que la loi fige la composition d’une instance de concertation ayant vocation à évoluer en fonction des sujets inscrits à l’ordre du jour. Mieux vaut que le ministre détermine au coup par coup les personnalités à inviter.

La Commission rejette l’amendement AC 13.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 bis sans modification.

Article 6 ter

Remise au Parlement d’un rapport sur la diplomatie d’influence et les modalités du rattachement du réseau culturel à l’étranger

Cet article, introduit par les deux commissions du Sénat, vise à prévoir, dans un délai de trois ans après l’entrée en vigueur de la loi, la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport sur la diplomatie d’influence de la France, évaluant notamment la mise en place du nouvel opérateur chargé de l’action culturelle extérieure ainsi que les modalités et les conséquences d’un rattachement éventuel à ce dernier du réseau culturel.

Le principe d’un rattachement du réseau culturel au nouvel opérateur chargé de l’action culturelle extérieure a fait consensus au Sénat comme en témoignent les différents rapports émanant de la commission de la culture et de la commission des affaires étrangères, et recueille le soutien du ministre des affaires étrangères et européennes.

Néanmoins, il se heurte à l’opposition des chefs de poste, soucieux de conserver la tutelle de l’action culturelle. Comme l’exprime Son Exc. M. Bernard de Montferrand, ambassadeur de France en Allemagne, le 9 avril 2010 dans Libération : « La vérité est aussi qu’il est illusoire et naïf de séparer l’action d’une ambassade de celle d’un réseau culturel. Tous nos concurrents le savent qui, comme l’Allemagne, pour des raisons historiques, avaient voulu séparer le culturel et le politique et qui aujourd’hui rapprochent systématiquement le Goethe Institut de l’action des ambassades allemandes. L’un et l’autre sont inséparables. Le dialogue culturel se nourrit de tous les grands débats de société qui sont le quotidien des ambassades. »

Par ailleurs, il comporte un certain nombre de conséquences, d’ordre juridique, financier et immobilier.

Du point de vue juridique, le rattachement aura pour effet de modifier le statut des établissements à autonomie financière (instituts culturels et centres de recherche) en les dotant de la personnalité morale puisqu’en tant que représentations locales d’un EPIC, les EAF seront rattachés à la personnalité morale de l’EPIC ; ces EAF seront considérés comme des bureaux représentant l’agence à l’étranger placés sous le contrôle des chefs de poste, l’action des établissements publics à l’étranger s’exerçant, aux termes de l’article 1er alinéa 5 du projet de loi, sous l’autorité de l’ambassadeur. Le maintien du statut diplomatique de ces établissements fait toutefois question. Il convient de rappeler, en effet, qu’au regard de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques, les bureaux à l’étranger ne faisant pas partie de l’État et n’ayant pas en charge des missions de souveraineté, pourront ne pas être regardés comme des établissements bénéficiant de l’immunité et de la protection diplomatique. Ils seront certes présentés comme « faisant partie de la mission diplomatique », ce qui devrait suffire à préserver leur statut dans de nombreux pays mais cela ne sera peut-être pas le cas partout. En tout état de cause, une application stricte de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques devrait conduire à refuser l’immunité diplomatique aux bureaux de l’agence à l’étranger.

Les personnels des EAF titulaires ou sous contrat à durée indéterminée seront détachés sur des contrats de droit privé ou mis à disposition. S’agissant des recrutés locaux, les modalités de leur transfert dépendront de la réglementation locale. Soit le transfert s’effectuera par la fin du contrat des agents et leur reprise par l’EPIC sur un nouveau contrat avec ancienneté conservée ; dans d’autres cas, les agents devront être licenciés et signer un nouveau contrat.

Le coût financier du transfert à l’agence des 3 850 agents de droit local des SCAC et les EAF intervenant dans le domaine culturel s’élèverait, selon le rapport de M. Dominique de Combles de Nayves (41), à 29 millions d’euros ; le coût du transfert de l’ensemble des 6 866 agents employés dans les SCAC et les EAF atteindrait 50 millions d’euros. À ce montant s’ajoutent des surcoûts d’environ 25 millions d’euros liés aux revalorisations de salaires susceptibles d’intervenir au moment du transfert des contrats de travail et des augmentations de charges sociales pour les agents de droit français.

Quant aux aspects immobiliers d’un rattachement des EAF à l’EPIC, un examen au cas par cas sera nécessaire compte tenu du droit immobilier de chaque pays, des clauses spécifiques figurant dans les contrats en cours et de la position de l’État, propriétaire des bâtiments transférés à l’agence dans certains cas, locataire, dans d’autres. S’agissant des baux en cours, l’État pourra, soit confier par convention d’occupation à l’EPIC l’usage de tout ou partie du bien loué, soit demander à l’EPIC le remboursement du montant du loyer uniquement pour la partie dont l’usage lui est confié. Dans le cas de baux emphytéotiques concédés à titre gratuit, l’EPIC ne versera pas de loyer. Dans le cas où l’État est propriétaire des biens occupés par les établissements transférés à l’EPIC, France domaine pourrait décider du transfert à l’EPIC de la propriété du bien, pour autant que l’établissement soit le seul occupant du bâtiment. Compte tenu de la pratique de France Domaine et des exigences du Conseil de l’immobilier de l’État, ce transfert ne pourrait pas avoir lieu à titre gratuit, comme l’a montré le précédent d’Ubifrance (42).

C’est pourquoi le ministre des affaires étrangères a annoncé en décembre 2009 que la mise en place de l’agence ferait l’objet d’une évaluation sur trois ans après le vote de la loi avant de décider du rattachement ou non du réseau. Le Sénat a souhaité inscrire le principe de ce rendez-vous dans le projet de loi et d’y associer le parlement ; de plus, reprenant un sous-amendement présenté par Mme Monique Cerisier-ben Guiga, au nom du groupe socialiste, après l’avis favorable du rapporteur, la commission des affaires étrangères a proposé de procéder pendant ces trois ans à des expérimentations en matière de rattachement du réseau à l’agence, sur le modèle des expérimentations menées actuellement au sein de quelques postes pilotes concernant la fusion entre les services de coopération et d’action culturelle des ambassades (SCAC) et des centres et instituts culturels au sein d’un nouvel établissement à autonomie financière. Elle a donc précisé que le rapport au Parlement contiendra « les résultats des expérimentations menées en ce sens pendant ces trois années ».

L’obligation faite au Gouvernement de mener des expérimentations pendant les trois ans suivant l’entrée en vigueur de la loi appelle toutefois plusieurs observations.

Il convient tout d’abord de rappeler que le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n° 2004-503 du 12 août 2004, impose aux textes prévoyant des expérimentations sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution (43), de définir « de façon suffisamment précise l’objet et les conditions » de ces expérimentations. De ce point de vue, les dispositions introduites par le Sénat semblent insuffisantes puisqu’elles ne mentionnent ni le champ de l’expérimentation, ni la zone géographique, ni les conditions d’application ; elles devront donc être précisées par décret en Conseil d’État, l’article 37-1 de la Constitution autorisant les expérimentations par voie réglementaire.

En ce qui concerne le champ des expérimentations, ces dernières devront porter sur un nombre précis de postes représentatifs de la diversité du réseau, en faisant appel éventuellement au volontariat pour favoriser leur succès.

S’agissant des modalités de mise en œuvre, deux options peuvent être envisagées. La première, qui se rapproche le plus d’un véritable rattachement du réseau à l’agence culturelle, suppose que les établissements à autonomie financière concernés soient rattachés à l’EPIC le temps de l’expérimentation, et non plus au ministère des affaires étrangères, ce qui implique de modifier leur statut juridique et celui de leurs personnels et de régler les aspects immobiliers.

Cette première option semble coûteuse, déstabilisante pour les personnels concernés, et pose la question de la réversibilité du processus en cas d’échec de l’expérimentation. La seconde consisterait à simuler le rattachement d’une partie du réseau sans modifier le statut juridique des établissements concernés, ce qui serait préférable en termes de statut des personnels objets de l’expérimentation, et de coût.

*

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 ter sans modification.

TITRE IV

DISPOSITIONS RELATIVES AUX OPÉRATIONS DE SECOURS À L’ÉTRANGER

Article 13

Possibilité pour l’État d’obtenir le remboursement des frais engagés à l’occasion des opérations de secours à l’étranger

Cet article fonde juridiquement l’État à exiger, s’il le juge nécessaire, le remboursement des frais qu’il aura engagés pour secourir à l’étranger des ressortissants qui se sont « délibérément exposés à des risques qu’[ils] ne pouvaient ignorer ».

À l’heure actuelle, l’État français doit assumer la charge financière des opérations qu’il mène de plus en plus fréquemment pour secourir à l’étranger des ressortissants voyageant ou séjournant dans des pays ou des régions notoirement dangereux ou officiellement déconseillées par le ministère des affaires étrangères et européennes ; faute de base juridique, en effet, les dépenses parfois considérables occasionnées par ces opérations de secours ne peuvent pas être réclamées à ceux qui en ont bénéficié. Les professionnels du tourisme, des transports et de l’assurance sont eux aussi tentés de s’en remettre à l’État pour le rapatriement de leurs clients, même lorsque la situation de force majeure n’est pas véritablement constituée ; ce fut le cas lors du blocage de l’aéroport de Bangkok en novembre 2008, ou tout récemment lors de la fermeture des aéroports européens due à l’éruption du volcan islandais (44).

Or, comme l’indiquait le ministre des affaires étrangères et européennes devant les membres de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires culturelles, le 4 mai 2010 : « il n’existe, en droit international comme en droit français, aucune obligation de secours de l’État envers ses ressortissants à l’étranger, en dehors de l’assistance consulaire prévue par la Convention de Vienne, qui est d’une portée très limitée. » Il convient en effet de rappeler que l’obligation d’assistance consulaire des États à l’égard de leurs ressortissants, prévue par la convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires ne peut être assimilée à l’obligation de secours aux personnes qui s’impose à chaque État sur son territoire, notamment parce qu’aucun État ne peut déployer des moyens opérationnels à l’étranger sans l’accord des autorités locales, sous peine de violer la souveraineté de l’État sur le territoire duquel il intervient.

Plusieurs pays ont donc mis en place des instruments permettant à l’État d’obtenir le remboursement des opérations de secours organisées à l’étranger ; c’est le cas de l’Allemagne, qui reconnaît à l’État la possibilité de rechercher une participation au coût de sauvetage de ses ressortissants.

L’article 13 vise à concilier la liberté de circulation, qui demeure la règle, avec la nécessaire responsabilisation des ressortissants, touristes ou résidents, qui se mettent volontairement en danger, en dépit des informations ou des avertissements dont ils ont eu connaissance.

Le dispositif s’inspire de l’article 97 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, dite loi « Montagne » qui a permis aux communes de demander le remboursement de frais de secours engagés dans le cadre des activités de tourisme ou de sport sur le territoire national. La participation créée n’a pas le caractère d’une redevance, d’une taxe ou d’une sanction, l’objectif visé n’étant pas tant d’obtenir une participation financière que de produire un effet pédagogique et dissuasif.

De fait, il ne s’applique pas aux personnes placées dans une situation dangereuse pour « un motif légitime, tiré notamment de l’activité professionnelle ou d’une situation d’urgence », ce qui est notamment le cas, comme l’a assuré le ministre des affaires étrangères et européennes (45), des journalistes intervenant dans une zone de crise au nom de la liberté de l’information – la situation des journalistes de France 3 pris en otage en Afghanistan depuis le 30 décembre 2009 en constitue une illustration –. Il ne concerne pas non plus les ressortissants français confrontés à une catastrophe naturelle ou à l’éclatement d’un conflit armé.

Le Sénat a renforcé le dispositif initial sur deux points. Alors que le projet de loi encadrait le remboursement «  dans la limite d’un plafond fixé par décret », la commission des affaires étrangères a supprimé cette mention en estimant qu’il était très difficile de déterminer à l’avance un plafond applicable à tous les cas de figure et que toute référence à un plafond était inutile dans la mesure où la possibilité pour l’État de réclamer un remboursement, total ou partiel, des dépenses engagées n’était qu’une simple faculté.

Par ailleurs, la commission des affaires étrangères a supprimé la référence  aux « mises en garde reçues », précision qui semblait non seulement redondante, puisque le texte prévoit que le dispositif s’applique aux « personnes s’étant délibérément exposées (…) à des risques qu’elles ne pouvaient ignorer », mais aussi susceptible de soulever des difficultés juridiques concernant l’appréciation de la nature des « mises en garde » et les moyens d’en apporter la preuve, qui incomberaient à l’État.

*

La Commission est saisie de l’amendement AC 14 de M. Hervé Féron.

M. Hervé Féron. Nous proposons de préciser que « les journalistes, les intervenants humanitaires, les chercheurs et universitaires sont exclus du champ d’application de la disposition prévue au premier alinéa de l’article 13. » Nous rejoignons en cela la position exprimée par le ministre hier : ce serait une grave atteinte à la démocratie que de demander à certains professionnels de justifier d’un motif légitime pour s’exposer à certains risques si, par définition, l’exercice de leur métier peut les mettre en danger.

M. le rapporteur pour avis. L’adoption de l’amendement réduirait le champ d’application de l’article 13, selon lequel l’État peut exiger le remboursement de tout ou partie des dépenses engagées à l’occasion d’opérations de secours à l’étranger au bénéfice de personnes s’étant délibérément exposées, « sauf motif légitime tiré notamment de leur activité professionnelle ou d’une situation d’urgence ». Les journalistes sont manifestement dans ce dernier cas. En étant trop précis, on risque d’exclure du bénéfice de l’article tels ou tels professionnels – par exemple les archéologues, qui sont également couverts par cette exception. Je suggère donc le retrait de l’amendement

M. Patrick Bloche. Je suis surpris par la réaction du rapporteur pour avis, auquel nous offrons les moyens de répondre à l’inquiétude d’une profession. À l’heure où deux journalistes de France 3 sont retenus en Afghanistan, que ne saisit-il l’occasion de rassurer ceux qui prennent des risques au nom de la liberté de la presse ?

Quoi qu’il en soit, nous ne partageons pas son analyse de l’amendement, d’autant que la loi est imprécise et renvoie à un décret en Conseil d’État. Si nous voulons que les lois que nous votons s’appliquent mieux, elles doivent être explicites. J’ajoute que les archéologues font partie des chercheurs et des universitaires, et qu’ils sont par conséquent visés par notre amendement, que nous n’envisageons pas de retirer.

M. le rapporteur pour avis. Relisez l’article 13. En quoi les journalistes sont-ils privés de protection ? En énumérant les professions, on risque d’en oublier, ce qui, je le répète, restreindrait le champ d’action du ministère des affaires étrangères.

M. Michel Ménard. Je partage l’analyse de M. Bloche. Renforcer les garanties pour certaines professions ne retirerait rien aux autres.

M. le rapporteur pour avis. Il arrive que des personnes réalisent des reportages à l’étranger sans disposer pour autant d’une carte de journaliste, comme nous l’ont rappelé les syndicats. Encore une fois, en voulant être trop précis, nous risquons d’exclure par omission certaines professions, ce qui serait regrettable.

M. Hervé Féron. Tel qu’il est rédigé, l’article ne spécifie pas que les journalistes ne peuvent pas se voir réclamer le remboursement des dépenses engagées pour les secourir. Or, au nom de la démocratie, il n’est pas souhaitable qu’ils soient contraints de démontrer qu’ils ont pris des risques pour un « motif légitime ».

M. Michel Françaix. Cessons de tourner autour du pot : c’est le Président de la République lui-même qui s’est interrogé publiquement sur l’opportunité pour des journalistes de se rendre à tel ou tel endroit. Si cet article ne comporte pas de garanties explicites en faveur de cette profession, d’autres risquent de poser aussi la question. Le rapporteur pour avis nous assure que ces garanties vont sans dire, mais je le renvoie au mot de Talleyrand sur le sujet.

M. Patrick Bloche. La rédaction du projet de loi est d’une telle imprécision qu’elle suscite des inquiétudes légitimes chez les professionnels qui prennent des risques en se rendant à l’étranger. Il serait sage de voter l’amendement, quitte à ce que le rapporteur pour avis propose une nouvelle rédaction en séance publique. N’entretenons pas une polémique à laquelle il serait si facile de mettre fin !

M. le rapporteur pour avis. Je conviens que les journalistes doivent être couverts par l’article – lequel est tout à fait clair sur ce point –, mais il ne faut pas restreindre la protection à quelques professions au risque d’en oublier d’autres.

La Commission adopte l’amendement AC 14.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 modifié.

Elle émet également un avis favorable à l’adoption du projet de loi modifié.

En conséquence, et sous réserve des amendements qu’elle propose, la commission des affaires culturelles et de l’éducation émet un avis favorable à l’adoption des articles 1er à 6 ter et de l’article 13 du projet de loi n° 2239.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° AC 1 présenté par MM. Hervé Féron, Patrick Bloche, Pascal Deguilhem, Mme Colette Langlade, MM. Marcel Rogemont, Didier Mathus et les commissaires socialistes, radicaux, citoyen et divers gauche

Article 1er

À l’alinéa 3, après le mot : « définit », insérer les mots suivants : « , au regard des stratégies fixées dans la politique d’État d’action culturelle extérieure, ».

Amendement n° AC 2 présenté par M. Gilles d’Ettore, rapporteur pour avis

Article 1er

À la deuxième phrase de l’alinéa 3, après le mot : « Gouvernement », insérer les mots : « avant sa signature ».

Amendement n° AC 3 présenté par M. Gilles d’Ettore, rapporteur pour avis

Article 1er

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« Les présentes dispositions ne s’appliquent pas aux établissements publics régis par le code monétaire et financier. »

Amendement n° AC 4 présenté par M. Gilles d’Ettore, rapporteur pour avis

Article 1er

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« Les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas aux établissements relevant du code monétaire et financier. Ces derniers peuvent néanmoins demander à ce que leurs bureaux fassent partie des missions diplomatiques à la demande d’un de leurs dirigeants responsables adressée au ministre des affaires étrangères. »

Amendement n° AC 5 présenté par MM. Hervé Féron, Patrick Bloche, Pascal Deguilhem, Mme Colette Langlade, MM. Marcel Rogemont, Didier Mathus et les commissaires socialistes, radicaux, citoyen et divers gauche

Article 2

Après l’alinéa 3, insérer l’alinéa suivant :

« 2° Un représentant de l’Assemblée des Français de l’étranger. »

Amendement n° AC 6 présenté par MM. Hervé Féron, Patrick Bloche, Pascal Deguilhem, Mme Colette Langlade, MM. Marcel Rogemont, Didier Mathus et les commissaires socialistes, radicaux, citoyen et divers gauche

Article 2

Supprimer l’alinéa 8.

Amendement n° AC 7 présenté par M. Gilles d’Ettore, rapporteur pour avis

Article 5

Après le mot : « sous », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 1er (I) : « la tutelle conjointe du ministère des affaires étrangères et du ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, et soumis aux dispositions du chapitre Ier. »

Amendement n° AC 8 présenté par M. Gilles d’Ettore, rapporteur pour avis

Article 5

Après l’alinéa 13, insérer l’alinéa suivant :

« II bis. – Le conseil d’administration de l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales comprend des représentants de la Conférence des chefs d’établissements de l’enseignement supérieur, qui siègent parmi les personnalités qualifiées désignées par l’État. »

Amendement n° AC 9 présenté par M. Gilles d’Ettore, rapporteur pour avis

Article 5

Compléter l’alinéa 2 (1°) par les mots suivants : « et de la Conférence des chefs d’établissements de l’enseignement supérieur. »

Amendement n° AC 10 présenté par MM. Hervé Féron, Patrick Bloche, Pascal Deguilhem, Mme Colette Langlade, MM. Marcel Rogemont, Didier Mathus et les commissaires socialistes, radicaux, citoyen et divers gauche

Avant l’article 6

Chapitre III (avant l’article 6)

I. – Rédiger ainsi l’intitulé de ce chapitre :

« L’Institut Victor Hugo »

II. – En conséquence, dans l’ensemble du projet de loi, substituer aux mots : « L’Institut français », les mots : « L’Institut Victor Hugo ».

Amendement n° AC 11 présenté par MM. Hervé Féron, Patrick Bloche, Pascal Deguilhem, Mme Colette Langlade, MM. Marcel Rogemont, Didier Mathus et les commissaires socialistes, radicaux, citoyen et divers gauche

Article 6

Rédiger ainsi l’alinéa 2 :

« S’inscrivant dans l’ambition de la France à la fois de contribuer et de participer à l’étranger à la diversité culturelle et linguistique dans un esprit de partenariat avec les pays d’accueil et dans la logique du développement de la diplomatie d’influence, l’Institut français a notamment pour missions : ».

Amendement n° AC 12 présenté par MM. Hervé Féron, Patrick Bloche, Pascal Deguilhem, Mme Colette Langlade, MM. Marcel Rogemont, Didier Mathus et les commissaires socialistes, radicaux, citoyen et divers gauche

Article 6

Compléter l’alinéa 9 par les mots : « en partenariat avec l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger ».

Amendement n° AC 13 présenté par MM. Hervé Féron, Patrick Bloche, Pascal Deguilhem, Mme Colette Langlade, MM. Marcel Rogemont, Didier Mathus et les commissaires socialistes, radicaux, citoyen et divers gauche

Article 6 bis

À l’alinéa 2, substituer à la deuxième phrase, la phrase suivante :

« Le conseil d’orientation stratégique est également composé de personnalités qualifiées désignées par le Ministre des Affaires étrangères, notamment des représentants des Alliances Françaises et des collectivités territoriales, des représentants de l’Assemblée Nationale et du Sénat. »

Amendement n° AC 14 présenté par MM. Hervé Féron, Patrick Bloche, Pascal Deguilhem, Mme Colette Langlade, MM. Marcel Rogemont, Didier Mathus et les commissaires socialistes, radicaux, citoyen et divers gauche

Article 13

Après l’alinéa 1er, insérer l’alinéa suivant :

« Les journalistes, les intervenants humanitaires, les chercheurs et universitaires sont exclus du champ d’application de la disposition prévue au premier alinéa. »

ANNEXE :

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Tables rondes sur les enjeux et les évolutions de l’action culturelle extérieure (20 janvier 2010) :

Ø Ministère des affaires étrangères et européennes – Mme Delphine Borione, directrice de la politique culturelle et du français

Ø Ministère des affaires étrangères et européennes – M. Bernard Faivre d’Arcier, consultant culturel, chargé d’étudier la réorganisation et la réforme de la tutelle du réseau culturel français à l’étranger

Ø M. Alain Fohr, sous-directeur de la diversité culturelle et du patrimoine mondial

Ø British Council de Paris – M. Chris Hickey, directeur

Ø Ministère de la culture et de la communication – M. Jean-Philippe Mochon, chef du service des affaires juridiques et internationales

Ø Goethe Institut de Paris  M. Joachim Umlauf, directeur

Ø Fondation Alliance française – M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général

Ø Campus France – Mme Béatrice Khaiat, directrice déléguée

Ø Cultures France – M. Olivier Poivre d’Arvor, président

Auditions individuelles :

Ø Ministère des affaires étrangères et européennes – M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats, M. Stéphane Romatet, directeur général de l’administration et de la modernisation, M. Serge Mostura, directeur du centre de crise, et M. Éric Berti, chef du service juridique interne

Ø France Coopération Internationale (préfigurateur désigné par le ministre pour le nouvel opérateur) – M. Pierre Buhler, directeur général

Ø Centre national des œuvres universitaires et sociales (CNOUS) – M. Jean-François Cervel, directeur, et M. Jean-Paul Roumegas, sous-directeur des affaires internationales

Ø Fondation Alliance française – M. Jean-Pierre Delaunoit, président, et M. Jean-Claude Jacq, secrétaire général de la Fondation Alliance française

Ø Association Égide – M. Dominique Hénault, directeur général, et M. Bertrand Sulpice, directeur général adjoint

Ø Centre d’étude et de réflexion pour l’action politique (CERAP) – M. Nicolas Tenzer, président

Ø CIVI.POL conseil – M. Alain Rondepierre, président directeur général

Ø ADETEF Mme Agnès Arcier, responsable

Ø CampusFrance – M. Gérard Binder, président du conseil d’administration, et Mme Béatrice Khaiat, directrice déléguée

Ø Représentants des syndicats du ministère des affaires étrangères et européennes :

– CFDT – Mme Anne Colomb, MM. Didier Vuillecot et Jean-Pierre Farjon

– ASAM-UNSA – M. Louis Dominici, Président, et M. Pierre Euchin, délégué permanent

– CGT – M. Daniel Vazeille, secrétaire général

– CGT-MAE – M. Riad Hamrouchi

– CGT/CulturesFrance – M. Frédéric Catusse

– USASCC/FGAF – M. Ghislain Chabroullet

– FO-MAE – Mme Danièle Milanini et M. Jean-Louis Freret

– FSU – M. Roger Ferrari, secrétaire national, et M. Emmanuel Mouchard.

– CFTC – M. Gilles Pouzin, secrétaire général

– CFTC – M. Michel Eicher, vice-président

– CFDT – M. Christophe Pauly, sec général du syndicat national des médias

Ø Agence française de développement – M. Jean-Michel Severino, directeur général

Ø Syntec-Ingénierie – M. Patrick-Yann Dartout, délégué à l’International, et M. Daniel Gras (société Louis Berger), membre de la commission internationale

Ø Cabinet de Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche – M. Pierre-Louis Fagniez, conseiller, et M. François Decoster, conseiller diplomatique

Ø Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche – M. Marc Rolland, chef de service de la direction des relations européennes et internationales et de la coopération

Ø M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, accompagné de M. Philippe Errera, directeur du cabinet du ministre, de M. Christian Masset, directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats, de M. Pierre Buhler, directeur général de FCI, de M. Dominique de Combles de Nayves, conseiller-maître à la Cour des comptes, de Mme Aurélia Lecourtier-Gégout, conseillère budgétaire au cabinet du ministre, de M. Jean-Marc Berthon, conseiller au cabinet en charge de l’action culturelle extérieure du ministre et de Mme Milca Michel-Gabriel, conseillère parlementaire au cabinet du ministre.

© Assemblée nationale

1 () Outre les avis budgétaires consacrés dans chaque assemblée à l’action extérieure de l’État, on pourra utilement consulter :

- le rapport d’information n° 2924 (2001-2002) de M. Yves Dauge, au nom de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale : « Plaidoyer pour le réseau culturel français à l’étranger » ;

- le rapport d’information n° 91 (2004-2005) de M. Louis Duvernois, au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat : « Pour une nouvelle stratégie de l’action culturelle extérieure de la France : de l’exception à l’influence » ;

- le rapport n° 428 (2007-2008) de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial des crédits de l’action extérieure de l’État pour la commission des finances du Sénat : « Quelles réponses apporter à une diplomatie culturelles en crise ? » ;

- le Livre Blanc sur la politique étrangère et européenne de la France (août 2008) « La France et l’Europe dans le monde » de MM. Alain Juppé et Louis Schweitzer ;

- le rapport d’information n° 458 (2008-2009) de MM. Jacques Legendre et Josselin de Rohan respectivement président de la commission des affaires culturelles et président de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat : « Le rayonnement culturel international : une ambition pour la diplomatie française » ;

- le rapport d’information n° 1839 (juillet 2009) de M. Jean-François Mancel, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale : « La modernisation du Quai d’Orsay : une réforme bien engagée à poursuivre et parachever » ;

- le rapport d’information n° 2215 (janvier 2010) de Mme Geneviève Colot, au nom de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale : « Rayonnement de la France par l’enseignement et la culture : rapport d’étape ».

2 () Cf. Sénat- compte- rendu intégral des débats – séance du 22 février 2010.

3 () Quatre représentants du ministère des affaires étrangères et européennes, trois du ministère de la culture, un de l’éducation nationale, un du budget, six personnalités qualifiées, quatre parlementaires, trois représentants des collectivités territoriales, deux ou trois représentants du personnel.

4 () Cf. le rapport au Gouvernement de M. Nicolas Tenzer : « L’expertise internationale au cœur de la diplomatie et de la coopération au XXIème siècle. Instruments pour une stratégie de puissance et d’influence » - 7 mai 2008 et l’intervention de M. Alain Joyandet, secrétaire d’État à la coopération et à la francophonie – Séance de clôture des Rendez-vous 2009 de l’expertise française à l’international – 26 mai 2009

5 () Cf. Intervention de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes – Sénat- compte- rendu intégral des débats – séance du 22 février 2010.

6 () Lyon, Toulouse, Montpellier, Strasbourg et Marseille.

7 () Dont 83 % de contrats locaux non pérennes, 8 % de volontaires internationaux, 6 % de vacataires et 3 % de contrats gérés par le ministère des affaires étrangères.

8 () Cf. Sénat – compte- rendu intégral des débats – séance du 22 février 2010.

9 () Cf. Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, par la commission des affaires étrangères et la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, le 4 mai 2010.

10 (1) Cf. « CulturesFrance : des changements nécessaires » – rapport d’information n° 61 (2006-2007) de M. Adrien Gouteyron et de M. Michel Charasse au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation du Sénat.

11 () Cf. Proposition de loi n°71 (2006-2007) relative à la création de l’établissement public CulturesFrance, de M. Louis Duvernois adoptée par le Sénat en première lecture le 13 février 2007 ;

12 () Cf. « Mise en place de l’Agence pour l’action culturelle extérieure  -  rapport d’étape : une agence pour le réseau » de M. Dominique de Combles de Nayves remis au ministre des affaires étrangères et européennes le 5 mars 2010.

13 () Cf. Rapport n° 458 (2008-2009) de MM. Jacques Legendre et Josselin de Rohan respectivement président de la commission des affaires culturelles et président de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat : « Le rayonnement culturel international : une ambition pour la diplomatie française ».

14 () Cf. Article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

15 () Cf. Rapport pour avis n° 237 (2009-2010) de M. Louis Duvernois, au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, sur le projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État.

16 () Une enquête sur l’association EGIDE est actuellement menée par la Cour des Comptes. Demandée par la commission des finances du Sénat en application de l’article 58-2 de la LOLF, elle concerne la transparence comptable du fonctionnement de l’association, notamment les circuits financiers qui l’unissent au ministre des affaires étrangères et européennes, et l’efficacité administrative de son action, notamment les prestations fournies rapportées aux coûts facturés.

17 () En comptant les ressources provenant du Fonds de solidarité prioritaire (FSP), soit 2,66 millions d’euros

18 () Cf. Enquête sur l’Association française d’action artistique (AFAA), réalisée à la demande de la commission des finances du Sénat, et présentée le 8 novembre 2006 devant les membres des commissions des finances, des affaires culturelles et des affaires étrangères.

19 () Cf. Sénat - Compte- rendu intégral des débats – séance du 22 février 2010 –.

20 () Cf. Exposé de M. Bernard Faivre d’Arcier, consultant culturel, lors de la table ronde sur les évolutions et les enjeux de l’action culturelle extérieure organisée par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale le 20 janvier 2010.

21 () Cf. « Mise en place de l’Agence pour l’action culturelle extérieure  -  rapport d’étape : une agence pour le réseau » de M. Dominique de Combles de Nayves remis au ministre des affaires étrangères et européennes le 5 mars 2010.

22 () Cf. notamment : « CulturesFrance : des changements nécessaires » - rapport d’information n° 61 (2006-2007) de MM. Adrien Gouteyron et Michel Charasse au nom de la commission des finances du Sénat.

23 () Cf. « Les problèmes juridiques posés par les groupements d’intérêt public : l’exemple du centre des études européennes à Strasbourg » - Mme Mathilde Colin-Demumieux - AJDA 2003.

24 () Cf. Décision n° 2007-548 DC du 22 février 2007 relative aux règles d’urbanisme applicables dans le périmètre de l’opération d’intérêt national de la Défense et portant création d’un établissement public de gestion du quartier d’affaires e la Défense.

25 () Il en est ainsi de l’établissement public chargé de la gestion des services immobiliers de l’État à l’étranger, dont le statut serait en cours d’élaboration.

26 () Cf. Décision n° 2007-548 DC du 22 février 2007 relative aux règles d’urbanisme applicables dans le périmètre de l’opération d’intérêt national de la Défense et portant création d’un établissement public de gestion du quartier d’affaires e la Défense.

27 () Cf. Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, par la commission des affaires étrangères et la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, le 4 mai 2010.

28 () Cf. Rapport pour avis n° 237 (2009-2010) de M. Louis Duvernois, rapporteur au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat.

29 () Cf. Proposition de loi n° 71 (2006-2007) relative à la création de l’établissement public CulturesFrance, de M. Louis Duvernois adoptée par le Sénat en première lecture le 13 février 2007.

30 () Cf. Décisions CE du 20 mai 1998 : « Communautés de communes du Piémont de Barr » et du 31 mai 2006 : « Ordre des avocats au barreau de Paris ».

31 () Cf. Rapport de mission sur la préfaisabilité de l’opérateur « Mobilité internationale » de M. Alain Le Gourrierec et de M. Georges Asseraf remis le 16 décembre 2008 au ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, au ministre des affaires étrangères et européennes et au ministre de l’immigration.

32 () Cf. Rapport pour avis n° 237 (2009-2010) de M. Louis Duvernois, rapporteur au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat.

33 () Cf. Rapport de mission sur la préfaisabilité de l’opérateur « Mobilité internationale » de M. Alain Le Gourrierec et de M. Georges Asseraf remis le 16 décembre 2008 au ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, au ministre des affaires étrangères et européennes et au ministre de l’immigration.

34 () Cf. Cour de cassation, chambre sociale : « M. Athane contre Agence de l’informatique » – 4 juillet 1990.

35 () Cf. Rapport pour avis n° 237 (2009-2010) de M. Louis Duvernois, rapporteur de la commission de la culture, de la communication et de l’éducation du Sénat.

36 () Le CNOUS est devenu en 1964 l’opérateur du ministère des affaires étrangères pour la prise en charge d’une partie des BGF.

37 () Cf. « La gestion des bourses du gouvernement français » de M. Jean-Pierre Korolitski et de M. Hervé Dejean de la Bâtie – Rapport d’audit de l’inspection générale de l’administration de l’Enseignement supérieur et de la recherche, et de l’inspection générale des affaires étrangères – 21 avril 2008.

38 () Cf. Rapport pour avis n° 237 (2009-2010) de M. Louis Duvernois, rapporteur de la commission de la culture, de la communication et de l’éducation du Sénat.

39 () Cf. « Mise en place de l’agence pour l’action culturelle extérieure – Rapport d’étape : une agence pour le réseau» – de M. Dominique de Combles de Nayves remis au ministre des affaires étrangères et européennes le 5 mars 2010.

40 () Cf. Cour de cassation, chambre sociale : « M. Athane contre Agence de l’informatique » - 4 juillet 1990.

41 () Cf. « Suivi juridique et technique de la mise en œuvre du projet de création d’une agence pour l’action culturelle extérieure » - Rapport de M. Dominique de Combles de Nayves remis au ministre des affaires étrangères et européennes le 2 octobre 2009.

42 () La mise à la disposition d’un établissement public à caractère industriel et commercial de services déconcentrés de l’État à l’étranger a connu un précédent dans la mise en oeuvre, progressive, à partir de 2009, du transfert du réseau commercial des missions économiques à l’étranger du ministère de l’économie à l’opérateur Ubifrance chargé de la politique de soutien au développement international des entreprises françaises.

43 () Cf. Art. 37-1 de la Constitution : « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ».

44 () Cf. Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, par la commission des affaires étrangères et la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, le 4 mai 2010.

45 () Cf. Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, par la commission des affaires étrangères et la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, le 4 mai 2010.