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N° 2844

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 octobre 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE (N° 2776) DE M. JEAN-MARC AYRAULT ET LES MEMBRES DU GROUPE SOCIALISTE, RADICAL, CITOYEN ET DIVERS GAUCHE ET APPARENTÉS, visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale,

PAR M. Jacques VALAX,

Député.

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INTRODUCTION 5

I. – LE CUMUL DU MANDAT PARLEMENTAIRE AVEC UNE FONCTION EXÉCUTIVE LOCALE RESTE UNE EXCEPTION FRANÇAISE 7

A. LES ÉLÉMENTS D’UN CONSTAT RENOUVELÉ 7

1. Un phénomène de grande ampleur 7

2. Une pratique qui reste atypique parmi les démocraties 9

B. LES LOIS LIMITANT LE CUMUL DES MANDATS N’ONT PARADOXALEMENT PAS ABOUTI À UNE DIMINUTION DU PHÉNOMÈNE 9

1. Le droit existant limite le cumul des seuls mandats électifs 9

2. Ce régime n’a pas pris en compte le développement des structures intercommunales 10

3. L’encadrement a paradoxalement transformé la faculté de cumul en obligation de cumul 11

II. – LA REVALORISATION DU PARLEMENT ET LA MODERNISATION DE LA VIE POLITIQUE FRANÇAISE NÉCESSITENT QUE LE MANDAT PARLEMENTAIRE SOIT EXERCÉ À TEMPS PLEIN 12

A. REVALORISER L’EXERCICE DU MANDAT PARLEMENTAIRE 12

1. Desserrer un calendrier parlementaire contraint 12

2. Développer les fonctions de contrôle et d’évaluation 13

B. DÉVELOPPER LA VIE POLITIQUE LOCALE 14

1. Ouvrir l’exercice des responsabilités à un nouveau public 14

2. Renforcer la démocratie locale 15

3. Définir un véritable statut de l’élu et de l’ancien élu 15

III. – LA PROPOSITION DE LOI APPORTE UNE RÉPONSE CLAIRE ET EFFICACE À CES DÉFIS 17

A. UN PRINCIPE SIMPLE : L’INCOMPATIBILITÉ ENTRE MANDAT PARLEMENTAIRE ET EXERCICE DE FONCTION EXÉCUTIVE LOCALE 17

1. Une mise en application des recommandations du « comité Balladur » 17

2. Une clarification soutenue par les Français 17

3. Un régime applicable aux députés comme aux sénateurs 18

B. UNE APPLICABILITÉ À L’ENSEMBLE DES FONCTIONS EXÉCUTIVES AU SEIN DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE COOPÉRATION INTERCOMMUNALE 19

C. UNE ENTRÉE EN VIGUEUR ÉCHELONNÉE 19

DISCUSSION GÉNÉRALE 21

EXAMEN DES ARTICLES 33

Article 1er (art. L.O. 141-1 [nouveau] du code électoral) : Incompatibilité du mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale 33

Après l’article 1er 35

Article 2 : Entrée en vigueur de ces dispositions 35

TABLEAU COMPARATIF 39

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION 41

PERSONNE ENTENDUE PAR LE RAPPORTEUR 43

MESDAMES, MESSIEURS,

Le 27 novembre 1985, il y a aujourd’hui vingt-cinq ans, s’ouvrait le débat à l’Assemblée nationale sur le premier projet de loi organique tendant à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives susceptibles d’être exercées par les parlementaires. Cependant, le régime d’incompatibilités mis en place à l’époque et modifié en 2000 s’est efforcé de limiter le nombre de mandats électifs pouvant être détenu simultanément, plutôt que d’appréhender la réalité des fonctions politiques exercées. Cette faiblesse était pointée du doigt dès 1985 par un orateur à la tribune de l’Assemblée, pourtant opposé au texte présenté, qui déclarait alors que « l’argument tenant aux servitudes temporelles prendrait de la valeur si on nous parlait non des mandats, mais des fonctions. Qu’y a-t-il en effet de commun, du point de vue de la disponibilité, entre l’activité liée au mandat de conseiller général et celle liée aux fonctions de président du conseil général ? Entre celle liée au mandat de conseiller régional et celle liée aux fonctions de président du conseil régional ? » (1). Le député-maire d’Épinal, Philippe Séguin, avait ainsi mis en évidence une faiblesse de notre vie politique à laquelle cette proposition de loi organique se propose de remédier.

Il est en effet temps de mettre fin à la possibilité de cumuler le mandat parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale. Depuis vingt-cinq ans, la décentralisation est entrée dans les faits ; depuis la dernière réforme constitutionnelle, les parlementaires ont vu leur rôle et leurs prérogatives réaffirmés ; il est aujourd’hui impossible de soutenir que ces deux responsabilités peuvent être exercées à mi-temps.

Par ailleurs, les structures intercommunales exercent désormais des compétences essentielles et gèrent plus de 41 milliards d’euros en 2009, une fois et demie le budget de l’ensemble des régions. Les fonctions de président ou de vice-président de ces établissements publics de coopération intercommunale ont dorénavant acquis une importance qui justifie que leur titulaire puisse s’y consacrer pleinement.

Le comité de réflexion sur la modernisation des institutions de la Ve République l’a encore réaffirmé, en 2007 (2; la doctrine, la presse et dans une certaine mesure l’opinion nous pressent d’agir ; il est temps que le Parlement se saisisse de cette question du cumul des mandats.

Il est en effet essentiel que les parlementaires eux-mêmes prennent l’initiative de réformer le régime d’incompatibilités qui leur est applicable. En prenant acte de leur volonté de moderniser la vie politique française, ils seraient alors en mesure de défendre, devant l’opinion, le chantier plus vaste qui devra suivre : réforme du cumul des mandats locaux, statut de l’élu, garanties offertes à l’élu en fin de mandat, voire limitation du nombre de mandats dans le temps.

Votre rapporteur estime ainsi que cette proposition de loi organique peut faire l’objet d’un débat voire d’un consensus au-delà des clivages partisans. La rédaction à la fois simple, lisible et opérationnelle des nouvelles règles applicables : les députés et les sénateurs pourraient continuer à exercer un mandat local, mais non plus de fonctions exécutives à la tête d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale.

S’il ne s’agira là que d’un premier pas, celui-ci reste le plus difficile à faire : l’entreprise de revalorisation du Parlement et de rénovation de notre vie politique ne pourra se faire sans une rupture avec une culture du cumul à la fois enracinée dans nos gènes politiques et paradoxalement renouvelée depuis 1985.

I. – LE CUMUL DU MANDAT PARLEMENTAIRE AVEC UNE FONCTION EXÉCUTIVE LOCALE RESTE UNE EXCEPTION FRANÇAISE

A. LES ÉLÉMENTS D’UN CONSTAT RENOUVELÉ

Le cumul des mandats n’est pas un phénomène nouveau : l’ampleur du phénomène a fait à maintes reprises l’objet de débats. Ce n’est qu’en 1985 que la loi a cherché à apporter des limites strictes au nombre de mandats pouvant être exercées de manière simultanée. Cependant, ce régime a aujourd’hui montré ces limites : plus que d’inciter à la disparition du cumul, il a avant tout permis son organisation comme un système en soi. Les comportements cherchant à optimiser ont ainsi profité notamment de l’absence de prise en compte des fonctions exercées au sein des EPCI.

1. Un phénomène de grande ampleur

Le cumul entre mandat parlementaire et mandat local apparaît aujourd’hui comme la règle, et le mandat unique comme l’exception. Ainsi les sites Internet de l’Assemblée nationale et du Sénat nous apprennent-ils que seuls 90 députés et 97 sénateurs n’en détiennent pas : ainsi à ce jour 80 % des parlementaires exercent simultanément un mandat au sein d’une ou plusieurs collectivités territoriales.

Si on considère uniquement les députés, parmi 487 députés détenant un mandat local, 359 y exercent au moins une fonction au sein de l’exécutif d’une collectivité territoriale, soit 62 % de l’effectif de l’Assemblée nationale. Ces pourcentages sont proches de ceux observés au Sénat : la différence s’explique notamment par la situation particulière des douze sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Le tableau suivant récapitule les données existantes pour les deux assemblées.

PARLEMENTAIRES EXERÇANT ACTUELLEMENT UNE FONCTION EXÉCUTIVE
AU SEIN D’UNE COLLECTIVITÉ TERRITORIALE OU D’UN EPCI

 

Députés

Sénateurs

Total

Effectifs totaux

577

343

920

N’exerçant aucun mandat local

90

97

191

 

     

Au sein des communes :

     

Maires (3)

265

117

382

Premiers adjoints au maire

8

18

54

Adjoints au maire

28

Au sein des EPCI :

     

Présidents d’un EPCI

52

46

98

Premiers Vice-présidents d’un EPCI

5

14

19

Vice-présidents d’un EPCI

22

37

59

Au sein des conseils généraux :

     

Présidents de conseil général

19

30

49

Premiers Vice-présidents de conseil général

2

6

8

Vice-présidents de conseil général

27

19

46

Au sein des conseils régionaux :

     

Présidents de conseil régional

6

5

11

Vice-présidents de conseil régional

12

1

13

 

     

Total des fonctions exécutives
exercées par les parlementaires

446

293

739


Source : sites Internet de l’Assemblée nationale et du Sénat
Données complémentaires fournies par la division des Publications et de l’information multimédia
de l’Assemblée nationale

Les parlementaires exercent donc 739 fonctions exécutives locales différentes. Ils sont particulièrement présents dans les collectivités les plus importantes : 103 parlementaires participent à la direction des 100 conseils généraux, 24 à celles des 26 conseils régionaux.

Ce cumul est donc particulièrement ancré dans la culture politique française, mais l’existence de cette tradition ne doit pas dissimuler de réelles évolutions au cours du temps. Les études quantitatives (4) ont montré que le taux de cumul a presque doublé sous la Vème République par rapport à ce qu’il était sous les républiques précédentes. Le nombre de députés ayant également un mandat local était au plus de 35,7 % sous la IIIème République (1936) et 42 % sous la IVème (1956). Depuis 1958, il se situe entre 64 et 74 % et est supérieur à 70 % depuis 1973. En 1956, les députés-maires représentaient 27 % des élus à l’Assemblée nationale, 49 % en 1958, 55,3 % en 1998 et 45,9 % aujourd’hui.

2. Une pratique qui reste atypique parmi les démocraties

Le constat a déjà été détaillé à maintes reprises : quelles que soient les différences entre les systèmes politiques des grandes démocraties comparables, aucune ne pratique le cumul des mandats à l’échelle qui est observée en France.

On rappellera simplement que dans un grand nombre de pays, comme la Suède, la Finlande, le Danemark, l’Irlande, le Royaume ou l’Allemagne, c’est la pratique qui interdit dans les faits le cumul entre exécutif local et mandat parlementaire. En Allemagne, une règle coutumière interdit le cumul d’un mandat au Bundestag et d’un mandat dans un parlement régional.

Dans d’autres régimes politiques, la loi prohibe un tel cumul. En vertu d’un décret du 30 mars 1957, l’Italie frappe d’inéligibilité au Parlement les conseillers régionaux, les présidents des assemblées provinciales et les maires de villes de plus de 20 000 habitants. Aux États-Unis, si la Constitution fédérale est muette sur cette question, la plupart des États ont toutefois voté des lois qui interdisent aux membres du Congrès de détenir certains mandats locaux.

Enfin, une dernière situation est celle des pays qui, sans le prohiber juridiquement, découragent financièrement le cumul. Ainsi en Allemagne, la plupart des assemblées des Länder plafonnent voire suspendent les indemnités versées à leurs membres en cas de cumul, aboutissant à ce que les situations de cumul ne soient essentiellement que transitoires.

B. LES LOIS LIMITANT LE CUMUL DES MANDATS N’ONT PARADOXALEMENT PAS ABOUTI À UNE DIMINUTION DU PHÉNOMÈNE

1. Le droit existant limite le cumul des seuls mandats électifs

Certaines incompatibilités entre mandats et fonctions politiques existaient, de façon éparse, avant 1985. Ainsi la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux prévoyait que les fonctions de membres de la commission départementale étaient incompatibles avec le mandat de député.

Cependant, la mise en place de la décentralisation a rendu nécessaire l’élaboration d’un premier socle de limitation des mandats locaux pouvant être exercés par les parlementaires.

Aboutissement de réflexions et de rapports qui se sont succédé dans les années 1970 (5), la loi organique n° 85-1405 du 30 décembre 1985 a introduit dans le code électoral l’article L.O. 141 qui interdisait le cumul du mandat parlementaire avec plus d’un mandat parmi ceux de représentant au Parlement européen, conseiller régional, conseiller général, conseiller de Paris, maire d’une commune de plus de 20 000 habitants et adjoint au maire d’une commune de plus de 100 000 habitants. La loi organique n° 95-62 du 19 janvier 1995 a ajouté à cette liste le mandat de conseiller à l’Assemblée de Corse.

Alors que le projet de loi n° 827 déposé le 8 avril 1998 par le Gouvernement Jospin prévoyait déjà l’instauration d’une incompatibilité entre mandat parlementaire et exécutif local, la loi organique n° 2000-294 du 5 avril 2000 s’est finalement contentée de remplacer dans les fonctions limitatives les mandats de maire ou d’adjoint par celui de conseiller municipal d’une commune d’au moins 3 500 habitants et de prohiber le cumul entre mandat parlementaire national et mandat parlementaire européen.

À l’occasion de chacune de ces réformes, il fallait effectivement tenir compte des profondes réticences d’un certain nombre de parlementaires, en particulier au Sénat. Les textes proposés par le Gouvernement, pour être adoptés, devaient donc constituer une première étape, permettant néanmoins d’enclencher un mouvement destiné à s’amplifier par la suite.

2. Ce régime n’a pas pris en compte le développement des structures intercommunales

Apparue à la fin du XIXème siècle, la coopération intercommunale s’est considérablement développée à partir des années 1990, notamment sous l’effet de la loi n° 92-125 du 6 février 1992. En une dizaine d’années, l’intercommunalité s’est discrètement mais solidement installée dans la vie institutionnelle locale, renforcée par la loi « Chevènement » n° 99-586 du 12 juillet 1999.

Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, en cours de discussion, prévoit un achèvement de ce processus en organisant la couverture systématique et la rationalisation de la carte intercommunale : d’ici 2012, toutes les communes devront appartenir à un établissement public de coopération intercommunal à fiscalité propre, qui mettra en œuvre les compétences déléguées par les communes dans des domaines de plus en plus importants, tels que la collecte et le traitement des ordures ménagères, l’assainissement, les transports urbains, le développement local, l’urbanisme et la voirie ou les équipements culturels et sportifs.

Par délégation des communes, les structures intercommunales gèrent plus de 41 milliards d’euros en 2009, une fois et demie le budget de l’ensemble des régions.

Or les fonctions de président ou de président de ces EPCI n’ont pas été prises en compte dans les règles relatives au cumul des mandats : lors des dernières modifications de ce régime, le fait intercommunal n’apparaissait encore que balbutiant et mineur.

Il est aujourd’hui impossible de considérer que l’importance institutionnelle et les compétences exercées par les EPCI puissent les laisser en dehors du champ des incompatibilités avec le mandat parlementaire.

3. L’encadrement a paradoxalement transformé la faculté de cumul en obligation de cumul

Comme le répète justement Guy Carcassonne, « s’il n’est pas juridiquement interdit, le cumul devient politiquement obligatoire. » (6)

Le cumul des mandats présente nombre d’avantages. Au premier rang de ceux-ci figure la sécurité qu’il procure. Le cumul facilite, voire garantit l’élection et la réélection, reconnaissent les acteurs(7). Il permet d’asseoir sa notoriété sur un territoire, en bénéficiant des réseaux locaux et nationaux. Les moyens matériels mis à la disposition des élus locaux permettent de démultiplier l’action d’une permanence de circonscription. Plus encore, il permet de garantir sa longévité politique en cas d’échec électoral en offrant une certaine sécurité financière.

C’est ainsi qu’il devient, de l’aveu même des parlementaires interrogés par la Fondation Jean-Jaurès, de plus en plus difficile de résister au cumul ; ne pas se présenter à la prochaine élection locale devient un acte militant.

C’est ce cercle vicieux qu’il convient aujourd’hui de briser.

II. – LA REVALORISATION DU PARLEMENT ET LA MODERNISATION DE LA VIE POLITIQUE FRANÇAISE NÉCESSITENT QUE LE MANDAT PARLEMENTAIRE SOIT EXERCÉ À TEMPS PLEIN

A. REVALORISER L’EXERCICE DU MANDAT PARLEMENTAIRE

1. Desserrer un calendrier parlementaire contraint

Pour l’élu local qui exerce dans le même temps un mandat national, les contraintes sont également nombreuses. Les réunions intéressant le mandat local doivent se tenir impérativement en dehors des jours de séance parlementaires, soit les lundi et vendredi. Alors même que la décentralisation a démultiplié la nécessité de concertation entre les différents échelons territoriaux, l’État et même les instances européennes, le parlementaire ne peut participer à l’ensemble de ces réunions sans avoir à choisir entre l’exercice de son mandat national ou la délégation de ses pouvoirs à un autre élu ou à des fonctionnaires.

L’augmentation du nombre de semaines de séance ces dernières années et l’inflation du volume des textes examinés fait qu’il est impossible pour un élu, comme c’était le cas avec l’instauration de la session de 1995, d’alterner des périodes de trois mois où l’accent pouvait être mis tout à tour sur les questions locales et les réflexions parlementaires. Il est aujourd’hui nécessaire de faire les deux choses en même temps.

Ainsi le cumul n’offre aux Français que des élus pressés, surmenés, sollicités de toutes parts, accablés par le poids de leurs charges, soumis à la dictature du temps. Or, face à une technicité sans cesse croissante des problèmes, aux raffinements croissants des règles de droit, des procédures, il n’est plus raisonnable de prétendre assumer plusieurs mandats, voire plusieurs fonctions exécutives simultanément.

Cela est d’autant plus vrai que les citoyens exigent aujourd’hui sans cesse plus de disponibilité de la part de leurs élus. Ce besoin qui s’exprime avec force s’intègre dans un mouvement plus général caractérisé par une demande sociale croissante de la part d’une population souvent démunie face à la brutalité des ajustements rendus nécessaires par la mondialisation.

Pour faire face, les parlementaires qui cumulent mandat et fonction exécutive ont deux solutions : négliger l’un de leurs mandats, souvent celui de parlementaire, ou s’en remettre à leur administration locale. Au total, c’est souvent la technocratie qui l’emporte. Au Parlement, les députés ou les sénateurs présents dans leurs collectivités risquent de délaisser les hémicycles et de ne pouvoir opposer au savoir des techniciens la parole politique. À l’échelon local, les services ou les cabinets se substituent à un élu qui n’est pas assez présent et ne peut, de la sorte, maîtriser toutes les arcanes de la gestion quotidienne d’une commune ou d’un conseil général.

Il est important que les Français puissent constater que leurs élus se consacrent à temps plein à la mission qui leur a été confiée que ce soit au Parlement ou dans les collectivités territoriales.

2. Développer les fonctions de contrôle et d’évaluation

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a entendu revaloriser le rôle du Parlement en réaffirmant son rôle dans le contrôle de l’action du Gouvernement et l’évaluation des politiques publiques.

À ce titre, les assemblées ont mis en place depuis plusieurs années, dans le cadre de ses prérogatives de contrôle financier, deux missions permanentes dont l’objectif est de veiller à l’efficience de la dépense publique : la mission d’évaluation et de contrôle (MEC), chargée de contrôler l’utilisation des deniers publics et la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), qui a pour but de vérifier l’application des lois de financement de la sécurité sociale et de procéder à l’évaluation de toute question relative aux finances de la sécurité sociale.

En outre, dans le cadre de la réforme du Règlement du 27 mai 2009, un comité d’évaluation et de contrôle (CEC) doit permet à l’Assemblée nationale de mettre en œuvre la fonction d’évaluation qui lui est désormais explicitement reconnue par l’article 24 de la Constitution. Le CEC est une instance de contrôle opérationnel qui, d’une part, conduit des évaluations de politiques publiques, et, d’autre part, apporte son expertise sur les études d’impact qui accompagnent les projets de loi déposés par le Gouvernement.

Par ailleurs, les commissions permanentes jouent également un rôle croissant dans le contrôle de l’application des lois, en suivant notamment la parution des textes réglementaires nécessaires, et en mettant en place des missions d’information temporaires.

Tous ces outils, nouveaux ou renouvelés récemment, ne pourront être mis en œuvre de façon effective sans un investissement personnel des parlementaires, en termes de temps et d’énergie. Aussi il apparaît nécessaire que la présence des intéressés ne soit pas limitée par les impératifs liés à la gestion quotidienne d’une collectivité territoriale. Or les études quantitatives ont montré que si le cumul avec un mandat non exécutif local pouvait avoir un effet positif sur l’activité d’un parlementaire, l’exercice d’une fonction exécutive locale avait statistiquement une influence négative sur la « production » parlementaire (8).

B. DÉVELOPPER LA VIE POLITIQUE LOCALE

1. Ouvrir l’exercice des responsabilités à un nouveau public

Autre grand objectif de la décentralisation, la participation citoyenne se trouve bridée par le cumul excessif des mandats. La création de nouvelles instances élues et la volonté de rapprocher la décision du citoyen auraient dû contribuer au développement de la démocratie locale par l’entrée de nouvelles catégories de la population en politique. Elle aurait dû par ailleurs, en rapprochant la décision du citoyen, améliorer la participation et l’intérêt pour la chose publique. Force est de constater que ces objectifs n’ont pas été atteints.

Non seulement le cumul des mandats et des fonctions n’a pas permis qu’un appel d’air se développe et favorise le renouvellement de la classe politique, mais il s’est encore opposé à la réduction de la fracture civique séparant les élus des électeurs. Outre le fait que le système du cumul brouille la lisibilité du rôle de chaque catégorie de collectivité locale, il favorise la notabilisation de l’exercice du pouvoir local. L’élu local en situation de cumul est avant tout perçu comme un médiateur avec les administrations centrales. Il se trouve ainsi en fait à la tête d’un système de pouvoir fondé sur la perpétuation de la centralisation. Ce faisant il contribue à maintenir le fossé qui sépare l’électeur de l’élu en entretenant l’idée qu’il existe une « classe politique », sociologiquement distincte des autres catégories de la population. La décentralisation n’a ainsi qu’imparfaitement réussi son but de démocratisation de la vie politique locale : l’espace politique local n’a pas de consistance réelle et reste étroitement imbriqué avec le jeu politique national. Dans le même temps, les situations de conflit d’intérêts entre l’exercice des différents mandats et fonctions se sont démultipliées.

Comme le note avec justesse Guy Carcassonne (9), seul l’abandon de ce système permettra de retrouver une sorte de cursus honorum qui préexistait et que l’on rencontre dans beaucoup d’autres démocraties, qui repose sur l’exercice successif de mandat local et de mandat national, et non sur l’accumulation des mandats et fonctions, qui empêche une autre génération d’accéder aux affaires.

2. Renforcer la démocratie locale

Alors que la loi de 1972 sur les régions prévoyait un cumul obligatoire entre le mandat parlementaire et l’appartenance au conseil des régions, les lois de décentralisation depuis ont profondément modifié le paysage institutionnel en confortant le principe de la libre administration des collectivités territoriales et en transférant massivement les compétences et les ressources de l’État vers les communes, les départements et les régions. Pourtant cette modification fondamentale de l’équilibre des pouvoirs au sein de la République n’a pas été accompagnée d’une remise en cause de la pratique du cumul des mandats : devenu juridiquement facultatif, il n’en est pas moins resté politiquement obligatoire.

Cette situation soulève la question essentielle de la disponibilité des élus locaux. Alors même que l’exécutif des trois catégories de collectivités locales a été calqué sur le modèle du maire - exécutif unique élu pour la durée de la mandature et irresponsable devant son conseil, seul maître des délégations de pouvoir et seul ordonnateur des dépenses - le cumul des mandats favorise à la fois la personnalisation du pouvoir local et sa délégation aux services administratifs et techniques.

L’importance des compétences et des ressources transférées aux collectivités territoriales ont incontestablement renforcé la technicité de la gestion locale et accru le temps nécessaire à l’accomplissement des fonctions exécutives locales. Si le fait de cumuler mandats et fonctions permet sans aucun doute d’accéder plus aisément aux centres de décision et de promouvoir les intérêts de sa collectivité, il ne favorise en revanche pas le dialogue avec les autres membres de l’exécutif local, et encore moins avec le conseil de la collectivité, le plus souvent réduit au rôle d’instance d’enregistrement. Cette personnalisation très forte du pouvoir local encouragée par le système du cumul va de pair avec la délégation du pouvoir au profit des services administratifs et techniques. En effet, les contraintes d’agenda qui pèsent sur l’élu en situation de cumul lui imposent le plus souvent de se reposer plus qu’il ne faudrait sur ses services, voire sur ceux que l’État met à sa disposition.

Le cumul apparaît, dès lors, comme un facteur de renforcement de la technocratie à rebours de l’objectif de la décentralisation, qui visait à remplacer la tutelle de l’État par les choix politiques des élus, et la décision administrative par la délibération de conseils élus directement par les citoyens.

3. Définir un véritable statut de l’élu et de l’ancien élu

L’adoption de cette proposition de loi organique constituerait une première réforme à compléter par une refonte du statut de l’élu.

Le cumul constitue en effet une solution aux problèmes rencontrés principalement par les élus ne disposant pas de moyens pour animer une permanence.

Le principe de gratuité des mandats et fonctions électives posé par le code général des collectivités territoriales se trouve aujourd’hui en contradiction avec la nécessaire disponibilité des élus, ainsi qu’avec la nécessité de résoudre les conflits d’intérêts. Aussi conviendrait-il d’accompagner la limitation du cumul par la revalorisation des indemnités versées aux maires.

Dans le même temps, le cumul permet parfois aux élus ne disposant pas de la garantie de l’emploi d’éviter les situations de chômage en cas de perte de l’un des mandats détenus. Les garanties de retour à l’emploi et l’indemnisation de l’élu non renouvelé devraient pour ces raisons être reconsidérés en vue de renforcer les droits sociaux – formation, chômage, maladie, retraite – d’ores et déjà reconnus par le code du travail et la loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux.

Une réflexion doit donc s’engager parallèlement à l’examen des projets de loi limitant le cumul des mandats en vue de combler les lacunes du statut de l’élu. Il est en effet indispensable d’apporter des solutions concrètes au problème de l’insécurité juridique entourant les conditions d’exercice des mandats électoraux et des fonctions électives.

Ainsi, afin d’offrir aux personnes venant du secteur privé les mêmes garanties que celles existantes pour les candidats fonctionnaires, certains suggèrent que tout parlementaire ayant effectué un mandat pourrait demander à être intégré dans un corps de catégorie A de la fonction publique (10), où son expérience et son expertise pourraient être utilement employées.

Cependant, les polémiques récentes relatives au régime de pensions des parlementaires montrent que cette démarche ne peut être précédée d’une remise en cause de la suspicion qu’entoure l’existence d’une « classe politique » vue comme fermée et détenant des privilèges surannés.

Enfin, il conviendra de se poser la question du cumul dans le temps des mandats : sans être une règle, on peut constater que certains élus continuent à se représenter sans avoir la même appétence pour le travail parlementaire. Un passage par des responsabilités locales, puis nationales, suivi par un retour sur le terrain pourrait représenter une respiration naturelle pour les parlementaires eux-mêmes et pour les fonctions qu’ils pourraient être amenés à exercer.

III. – LA PROPOSITION DE LOI APPORTE UNE RÉPONSE CLAIRE ET EFFICACE À CES DÉFIS

A. UN PRINCIPE SIMPLE : L’INCOMPATIBILITÉ ENTRE MANDAT PARLEMENTAIRE ET EXERCICE DE FONCTION EXÉCUTIVE LOCALE

1. Une mise en application des recommandations du « comité Balladur »

Invité à examiner les améliorations à apporter à nos institutions, le comité de réflexion sur la modernisation des institutions de la Ve République l’a affirmé avec force en 2007 : « sa conviction unanime est que le cumul entre un mandat national et des fonctions exécutives locales, y compris à la tête d’un établissement public de coopération intercommunale, doit être proscrit et que notre pays doit, en toute hypothèse, s’engager sur la voie du mandat parlementaire unique. » (11)

Si les responsables politiques ont souvent une vision constatée de ce problème, ce qui explique l’absence de consensus sur cette question, la doctrine et la presse appellent de leurs vœux cette réforme. Les thinks tanks politiques français ont ainsi récemment renouvelé les critiques contre le cumul, en appelant à adopter le « mandat unique » (12) ou à faire de député « un job à plein temps» (13).

2. Une clarification soutenue par les Français

La pratique du cumul des mandats est globalement contestée par l’opinion publique, même si sa critique n’est pas aussi consensuelle qui n’y parait. Des études ont montré que suivant qu’il s’agit d’un principe abstrait ou d’une mise en situation concrète, les réponses aux enquêtes sont plus ou moins affirmatives, car d’autres facteurs comme le sentiment de proximité qu’inspire le statut de l’élu cumulant et l’absence d’alternative dans une circonscription donnée peuvent entrer en ligne de compte (14).

L’opinion publique rejette majoritairement, mais de peu, le cumul des mandats : ainsi, un sondage de mai 2008 (15) montre qu’une courte majorité seulement des Français – 44 % contre 42 % – approuverait l’interdiction du cumul des mandats pour les parlementaires, le cumul pouvant apparaître comme la meilleure façon pour le responsable politique de disposer des relais auprès de l’État à même à lui permettre une action locale efficace.

Cependant, lorsqu’on demande aux Français de définir a priori le maire idéal, 74 % souhaitent un élu qui se consacre entièrement à sa fonction municipale, contre 16 % qui souhaitent que le candidat dispose déjà d’un mandat de parlementaire (16).

Les électeurs se retrouvent donc face à deux dilemmes :

 – s’ils souhaiteraient élire un maire à plein temps, les candidats présentés par les partis qu’ils soutiennent sont souvent en situation de cumul ;

 – ils reconnaissent aux parlementaires-maires plus d’influence sur un État encore fortement centralisé : ainsi « l’instrumentalisation » du mandat parlementaire au profit des enjeux locaux ne fait pas l’objet d’une condamnation générale.

3. Un régime applicable aux députés comme aux sénateurs

En application de l’article L.O. 297, les sénateurs sont soumis de plein droit au régime actuel d’incompatibilités applicables aux députés.

La proposition de loi ne modifie pas cette égalité de traitement. Représentant les collectivités territoriales de la République, les sénateurs cependant ont toujours montré leur attachement à ne pas être traités différemment en matière de cumul des mandats.

En outre, s’il revient aux parlementaires de prendre l’initiative de modifier le régime de cumul qui leur est applicable, il restera possible aux sénateurs de participer à leur manière à la rénovation de la vie politique française, comme ils ont déjà su le faire dans le cadre des réformes engagées en 2003.

Comme l’a remarqué le Professeur Carcassonne (17), le Conseil constitutionnel, à l’occasion de sa décision sur le projet de loi organique relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (18), n’a pas jugé que des règles s’appliquant uniformément aux deux assemblées constituait une « loi organique relative au Sénat » au sens du quatrième alinéa de l’article 46 de la Constitution, ouvrant ainsi la possibilité pour l’Assemblée nationale d’adopter définitivement la présente proposition même sans vote conforme de la Haute Assemblée.

B. UNE APPLICABILITÉ À L’ENSEMBLE DES FONCTIONS EXÉCUTIVES AU SEIN DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE COOPÉRATION INTERCOMMUNALE

La proposition de loi vise à interdire le cumul du mandat parlementaire avec « toute fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale ».

Quelle que soit la diversité des fonctions exercées – maire, adjoint au maire, président du conseil général ou régional, président d’un EPCI, voire conseiller chargée d’une délégation – c’est bien la réalité du cumul avec toute fonction exécutive que cette proposition vise à éradiquer.

C. UNE ENTRÉE EN VIGUEUR ÉCHELONNÉE

Il convient de prendre en compte les attentes légitimes des élus et de leurs électeurs à l’occasion des élections passées.

C’est pourquoi la proposition de loi prévoit que les parlementaires en cours de mandat pourront l’achever en appliquant les règles préexistantes. Ce n’est que lors des prochaines élections législatives ou sénatoriales, partielles ou générales, que les intéressés devront faire un choix et l’exprimer clairement dans le cadre de la campagne électorale.

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* *

DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission examine, au cours de sa séance du mercredi 6 octobre 2010, sur le rapport de M. Jacques Valax, la proposition de loi organique de M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et apparentés visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale (n° 2776).

M. Jacques Valax, rapporteur. Le texte que je rapporte vise à interdire le cumul entre un mandat parlementaire et – pardonnez mon impertinence – la « détention », plus que l’exercice, d’une fonction exécutive locale. Tant la montée en puissance de la décentralisation que la réaffirmation des prérogatives des parlementaires voulues, semble-t-il, par la dernière réforme constitutionnelle, rendent impossible l’exercice à mi-temps de telles responsabilités. Le comité de réflexion sur la modernisation des institutions de la Ve République l’a rappelé en 2007 ; la doctrine, la presse et, dans une certaine mesure, l’opinion nous poussent à agir ; il est temps que le Parlement se saisisse de la question.

À travers le régime d’incompatibilités mis en place par la loi organique de 1985, modifié en 2000, on s’est efforcé de limiter le nombre de mandats électifs pouvant être détenus simultanément, plutôt que d’appréhender la réalité des fonctions politiques exercées. Le résultat a été, paradoxalement, que le cumul est devenu la norme. Comme le dit Guy Carcassonne, « s’il n’est pas juridiquement interdit, le cumul devient politiquement obligatoire ». Quelles que soient nos différences avec les systèmes politiques des grandes démocraties, aucune ne pratique le cumul des mandats à la même échelle que la France. Il est essentiel que les parlementaires eux-mêmes prennent l’initiative de mettre fin à cette exception. Il ne s’agit aujourd’hui que d’un premier pas, mais c’est celui qui coûte le plus. L’entreprise de revalorisation du Parlement et la rénovation de notre vie politique ne pourront se faire sans rompre avec une culture du cumul enracinée dans nos gènes politiques et, paradoxalement, renouvelée depuis 1985.

Cette proposition de loi organique peut être l’occasion de dépasser les clivages partisans : elle est simple, lisible et opérationnelle. Selon les règles proposées, les députés et sénateurs pourraient continuer à exercer un mandat local, mais ils ne pourraient plus avoir de fonction exécutive dans une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale. Contrairement à ce que l’on dit souvent, les Français souhaitent que leurs élus locaux et les parlementaires exercent leurs responsabilités à plein temps. Il faut mettre un terme aux faux-semblants et aux excuses trop longtemps avancées pour justifier le cumul.

Le choix du non-cumul répond à trois défis : revaloriser et étendre le rôle du Parlement, dont les membres doivent notamment pouvoir se consacrer aux tâches de contrôle ; redynamiser la démocratie locale, trop souvent vue comme confisquée par une « classe politique » détachée du corps de la nation ; troisièmement, en finir avec la course d’un dossier à l’autre que pratiquent des élus qui jouent la personnalisation du pouvoir mais qui, dans les faits, sont contraints de déléguer de plus en plus les décisions mêmes politiques à la technocratie. Si nous mettons fin au cumul, les élus suivront à nouveau le cursus honorum traditionnel qui fait passer d’un mandat local à une fonction nationale, dans une respiration à la fois enrichissante et naturelle.

Deux propositions de loi organique, reprenant les mêmes dispositions que celle-ci, ont été déposées en 2009 par MM. Lionel Tardy et Jean-Marc Roubaud et cosignées par cinquante-cinq membres de la majorité. J’espère donc que l’examen de cette proposition de loi organique sera l’occasion d’un vote de conviction et non d’un affrontement partisan sur un sujet essentiel qui intéresse les parlementaires, mais au premier chef les Français.

M. Gilles Bourdouleix. Je voterai cette proposition de loi aussitôt que ses signataires, en particulier le président du groupe socialiste, se seront mis en accord avec elle en renonçant à cumuler les mandats.

M. Guy Geoffroy. La majorité ne votera pas ce texte, afin de ne pas mettre nos collègues du Parti socialiste en difficulté… Je n’ose imaginer le drame qui le frapperait, tel un coup de tonnerre, si cette proposition de loi était adoptée. Nous serions sûrement plus à l’aise, parce que plus cohérents, que certains de nos collègues de l’opposition. Je constate d’ailleurs que plusieurs d’entre eux, particulièrement concernés, se sont éclipsés, afin de diminuer les chances de voir ce texte aboutir…

Sur le fond, et quelque soit le talent de notre rapporteur, comment se satisfaire d’un texte aussi sommaire, aussi précipité, alors que le sujet n’est rien moins que l’organisation du débat et de l’action publique dans notre pays ? J’observe par exemple que l’article 2, tel qu’il est rédigé, obligerait un député nouvellement élu avant 2012 à renoncer à toute fonction exécutive locale, tandis que les parlementaires que nous sommes, échapperaient à cette obligation…

En outre, il faudrait cesser d’apporter de l’eau au moulin de ceux qui parlent des « cumulards » comme s’ils étaient des profiteurs de la République. Si beaucoup d’entre nous sont à la fois parlementaires et élus locaux, c’est non seulement pour suivre une tradition française qui a fait ses preuves, mais aussi parce qu’un élu local qui a fait ses preuves a toutes les chances, pour son parti et surtout pour les habitants de son territoire, d’être un bon parlementaire. Si nos concitoyens ne voulaient pas de ce système, soit ils refuseraient de donner leur confiance à leur maire aux élections législatives, soit ils refuseraient de conserver comme maire celui qu’ils ont élu député.

Mieux vaudrait que nous nous penchions sur la question de la complémentarité des mandats, surtout dans la perspective de la réforme territoriale en cours d’examen, plutôt que d’entrer dans cette démarche hâtive et populiste. Je ne voterai donc pas ce texte, et je suis sûr que mes collègues de la majorité ne tomberont pas dans le panneau.

M. Bernard Roman. Notre rapporteur n’a jamais parlé de « cumulards ». Ce n’est pas en montrant du doigt tel ou tel que l’on avancera dans la voie de ce que M. Guy Carcassonne considère comme la mère des réformes pour moderniser la vie politique française. Tous les socialistes ne partagent pas cette conviction mais nous sommes une grande majorité – avec certains collègues de l’UMP – à penser que la limitation du cumul des mandats est un gage de meilleur fonctionnement de la démocratie française. Le texte poursuit la route engagée. Il y a dix ans, on pouvait être à la fois parlementaire français et député européen ; président de conseil général, ou régional, en même temps que maire ; ou même cumuler trois mandats, au lieu de deux aujourd’hui. Il restait une étape à franchir, et c’est ce que vise cette proposition de loi organique.

Monsieur Geoffroy, rendez-nous service : mettez-nous en difficulté, comme vous le dites, en votant le texte ! Puisque 55 % des habitants de notre pays vivent dans une municipalité de gauche, puisque la majorité des conseils généraux sont à gauche, puisque vingt et un des vingt-deux présidents de région sont de gauche, obligez les intéressés à choisir ! Les élus socialistes ont décidé de s’appliquer la réforme, ils ont même fixé la date : au lendemain du prochain renouvellement de législature.

M. Philippe Gosselin. Pourquoi pas avant les sénatoriales, ou même dès maintenant ?

M. Bernard Roman. Chers collègues, si vous trouvez notre date trop lointaine, proposez-nous un amendement à ce texte et votons-le ensemble !

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous ne sommes pas là pour régler un problème qui, si un parti politique le souhaite, peut parfaitement se régler en son sein. J’observe en outre que vous omettez d’évoquer les sénatoriales de 2011 : vous avez l’occasion dans quelques semaines de demander aux sénateurs socialistes qui sont en situation de cumul d’y renoncer. Il semble en fait que la souffrance est aujourd’hui telle, chez les membres du Parti socialiste, qu’ils veulent faire en sorte de ne pas être les seuls à souffrir…

Avant même d’exercer un autre mandat, j’avais la conviction, peut-être du fait de ma circonscription, que le cumul est, au moins tant qu’il n’y a pas de proportionnelle, une nécessité. Les spécialistes le savent, il y a des circonscriptions où n’importe qui, quoi qu’il dise ou fasse, peut être élu dès lors qu’il porte la bonne étiquette ; à défaut de cumul des mandats, les élus sont en fait choisis par leur parti, et en rien par les électeurs. Par ailleurs, le mandat local permet de faire remonter des informations au Parlement ; s’il n’y avait pas de cumul, les débats parlementaires seraient beaucoup plus idéologiques et souvent en décalage complet par rapport à la réalité du terrain.

Pour les centristes, le moyen de rendre le Parlement plus efficace serait d’appliquer une proportionnelle de type allemand. Les élus à la proportionnelle, étant avant tout les délégués de leur parti, ne cumuleraient pas, tandis que les élus issus d’un scrutin territorial pourraient continuer à cumuler. On combinerait ainsi la représentation des opinions et celle des territoires.

Cette proposition de loi organique va faire florès parce qu’elle est démagogique, mais la réalité politique et territoriale pousse au cumul. Pour gagner en efficacité au Parlement, il faudrait, plutôt que d’interdire le cumul des mandats, mieux organiser ses travaux. Combien de fois nos agendas sont-ils bousculés ? Si nous savions, par exemple, que nous devons siéger quinze jours par mois, nous serions beaucoup plus présents et nous serions en mesure de nous appuyer sur notre expérience locale.

M. Charles de La Verpillière. Le cumul des mandats est un sujet trop complexe pour être traité indépendamment du mode de scrutin. Il faut aussi distinguer selon que les communes sont petites ou grandes, selon qu’il s’agit des fonctions de président ou de vice-président. Nos collègues socialistes sont davantage intéressés par le coup politique, par le slogan, que par la solution du problème. Nous ne pouvons donc pas voter cette proposition de loi. Néanmoins, si elle venait à être adoptée par la Commission, malgré les efforts d’exfiltration de nos collègues socialistes, je déposerais, pour la réunion en application de l’article 88, un amendement de suppression de l’article 2 pour que le texte entre immédiatement en vigueur.

M. Claude Goasguen. Cette proposition de loi est intéressante, elle n’est pas démagogique parce que l’interdiction n’est pas générale et qu’il n’est pas question de créer une classe parlementaire coupée de la réalité. Mais elle se heurte à deux difficultés.

D’une part, l’impact de la décentralisation se trouve aujourd’hui freiné ; hélas, l’administration centrale devient de plus en plus conquérante, et il est de plus en plus difficile à celui qui exerce une fonction exécutive locale d’être absent du Parlement. Le fait pour le maire de Paris de ne pas siéger au Parlement est sans doute un handicap... Quant aux responsables de grands exécutifs de province, ils ont beaucoup de mal à gérer les relations avec les administrations centrales. D’autre part, la « cohabitation » territoriale entre des majorités différentes est extrêmement difficile à gérer.

En tout état de cause, la question mérite d’être posée et il faut absolument avancer.

M. Guénhaël Huet. On peut débattre encore longtemps des avantages et des inconvénients du cumul. La principale avancée en la matière provient des bancs de l’actuelle opposition et je lui en donne acte. Toutefois, il ne me paraît pas nécessaire de mettre l’électeur sous tutelle : c’est lui qui décide ; or ce qui lui importe, me semble-t-il, c’est, quel que soit le nombre de mandats – ou l’âge, ou tout autre critère que l’on pourrait imaginer de fixer –, que les élus fassent bien leur travail.

Ensuite, vous invoquez à l’appui de votre proposition de loi le renforcement du rôle des parlementaires qui découle de la réforme constitutionnelle alors que, depuis quelques semaines, vous prétendez qu’elle a muselé le Parlement. Il faut choisir…

Enfin, pourquoi se contenter du cumul des mandats politiques ? Vous êtes-vous interrogé, monsieur le rapporteur, sur le cumul d’un mandat local avec certaines fonctions, comme celles de magistrat dans certaines juridictions importantes, convenablement rémunérées ? Pourquoi cette autoflagellation ? À cet égard, votre proposition de loi me paraît insuffisante.

Mme Brigitte Barèges. Monsieur le rapporteur, le président des Radicaux de gauche, Jean-Michel Baylet, qui est président de conseil général, sénateur, président d’une intercommunalité et président d’un grand groupe de presse, La Dépêche du Midi, soutient-il le texte ?

M. Philippe Gosselin. Nous avons tous en tête l’image d’Arnaud Montebourg, tout juste élu président de conseil général, en train de nous expliquer, avec un large sourire, qu’il était « victime du système ». La démarche d’interdiction empêche de voir la complémentarité de fonctions qui s’enrichissent mutuellement. Il y a entre nous un clivage qui n’est pas qu’idéologique. Selon le discours démagogique habituel, les parlementaires devraient passer leur semaine à Paris. Outre que l’on peut travailler ailleurs qu’à Paris, la perspective de parlementaires qui vivraient en quelque sorte cloîtrés à Paris serait inquiétante. Au-delà de nos différences politiques, nos expériences de gestionnaires, de développeurs locaux, nous rapprochent. Le cumul des mandats mérite d’être traité – notamment le cas de la présidence d’une intercommunalité –, mais pas au détour d’une petite affaire médiatique.

M. Christian Vanneste. Mes collègues de la majorité manquent singulièrement de générosité. « L’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu ». Cette proposition de loi est parfaitement hypocrite, mais rendons-en les auteurs vertueux malgré eux, en la votant ! Nombre d’élus socialistes seraient bien embarrassés.

Ce texte va dans le bon sens pour deux raisons. Premièrement, le rapporteur a eu raison de se référer au cursus honorum des Romains. C’est une bonne idée d’être maire avant d’être député ; être les deux en même temps pose des problèmes. Nous sommes une exception en Europe : ailleurs, il est considéré comme très inconvenant qu’un parlementaire, qui doit défendre l’intérêt général, soit aussi le représentant des intérêts particuliers de sa commune.

Deuxièmement, en tant que gaulliste, je trouve que ce texte rattrape des erreurs dont notre pays subit les conséquences depuis longtemps. Le général de Gaulle a essayé de changer la France en profondeur par une réforme des collectivités locales, mais les baronnies locales l’ont emporté. Supprimer le cumul du mandat de parlementaire et celui de responsable de collectivité, même petite, permettrait au pays d’avancer. Le texte de réforme des collectivités territoriales, que je n’ai pas voté, est l’expression même du blocage qui entrave la France depuis des décennies, et que le texte que nous examinons aujourd’hui permettrait au contraire de lever.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Cette proposition de loi est hypocrite. Je suis prête à la voter dès que tous ses signataires, à qui je tirerai mon chapeau, auront démissionné de leurs différents mandats. Que nos collègues n’imaginent pas communiquer là-dessus auprès des électeurs, qui sauront s’en souvenir. Par ailleurs, s’ils veulent être crédibles, il ne faudrait pas qu’ils oublient d’autres types de cumul, au niveau local – maire, conseiller général, président d’intercommunalité, président de communauté d’agglomération…

M. Dominique Raimbourg. La question du cumul des mandats reste posée, au-delà du clivage droite-gauche. Le mandat local est assurément une bonne école, mais il faut, à un moment ou à un autre, la quitter. Ensuite, le sujet doit être abordé sous l’angle de la démocratie, et non, de façon populiste, sous l’angle du cumul des indemnités. Si les parlementaires qui cumulent font un travail de bonne qualité, cela signifie que, localement, c’est leur directeur de cabinet qui gère leur collectivité. L’interdiction du cumul permettrait que les collectivités locales soient gérées par les élus eux-mêmes. Enfin, c’est à juste titre qu’a été évoquée la question du cumul entre différents mandats locaux, ainsi que celle du cumul avec des fonctions professionnelles ; mais nous l’avons écartée dans le seul but d’éviter la polémique et de ne pas priver notre proposition de loi de toute chance d’être adoptée.

M. Manuel Valls. La question du cumul entre mandats locaux relèverait d’une loi ordinaire. Le statut du conseiller territorial est d’ailleurs une forme de cumul particulièrement problématique…

Les socialistes, ayant décidé le non-cumul des mandats, ont logiquement déposé une proposition de loi qui doit s’appliquer à tous – sinon, cela ne peut pas marcher. Mais ce qui me gêne, c’est que le texte s’applique à tous les parlementaires. Or, le Sénat représentant les collectivités territoriales, il serait normal de permettre aux sénateurs d’exercer une fonction exécutive locale – comme dans les pays qui ont un fonctionnement très décentralisé ou fédéral. Plus généralement, il faut s’interroger, comme Claude Goasguen l’a suggéré, sur les rapports entre les collectivités territoriales et le Parlement – et pourquoi pas sur le fonctionnement de ce dernier. Peut-être l’idée d’un non-cumul est-elle populaire dans l’opinion – même si les électeurs apprécient aussi que leur maire soit aussi député, afin de les défendre à Paris ; mais si l’on veut des parlementaires qui accomplissent véritablement leurs missions, notamment de contrôle, il faut leur donner des moyens considérables – voyez le Sénat américain. Je ne parle pas des indemnités, mais du nombre de collaborateurs et de leur qualité.

La proposition de loi reste au milieu du gué. C’est pourquoi je ne la voterai pas.

M. Lionel Tardy. Ayant déposé une proposition de loi similaire en 2009, je ne peux que saluer l’initiative du groupe SRC. Sa proposition interdit tout cumul, quelle que soit la taille de la collectivité, ce que je regrette. À vouloir trop en faire, on risque de ne rien faire du tout. Ma proposition de loi évitait cet écueil en fixant des seuils : 50 000 habitants pour les maires et 100 000 habitants pour les présidents d’intercommunalité. Le terme de « fonction exécutive » ne concerne-t-il que les maires, ou s’étend-il aux présidents, adjoints et vice-présidents, qui font partie de l’exécutif ? Ma proposition était plus précise puisqu’elle détaillait les fonctions incompatibles – en ne visant que les fonctions de maire ou de président. Enfin, le texte concerne aussi les sénateurs, ce qui est contraire à nos traditions ; au demeurant, je rejoins la position de M. Valls : puisque les sénateurs représentent les collectivités, il serait logique qu’ils cumulent au moins deux mandats.

Bref, je crains que nos collègues n’aient présenté qu’un texte d’affichage, sans réelle volonté d’aboutir. Vous auriez été plus crédible, monsieur le rapporteur, si vous aviez préalablement renoncé à votre vice-présidence de conseil général.

M. Jean-Jacques Urvoas. Je n’exerce aucun autre mandat que celui de député : par fidélité à mes convictions, j’ai démissionné de celui de conseiller régional lorsque je suis entré à l’Assemblée. Pour autant, je n’ai pas le sentiment d’être un député de seconde zone ou de ne connaître ma circonscription qu’à partir de fiches que l’on aurait écrites à mon intention. J’invite mes collègues qui douteraient de mon ancrage local à venir passer quelques jours avec moi à Quimper : ils constateront que je n’ai pas moins d’informations, pas moins de disponibilité, et que je ne m’investis pas moins dans les dossiers locaux qu’un élu cumulant des mandats exécutifs. Je trouve assez insultant que l’on puisse penser le contraire.

Nous le répétons à l’envi dans l’hémicycle : nous sommes les élus de la nation. Je ne suis pas député de Quimper, je suis un député élu à Quimper.

Le groupe SRC n’ignorait pas, en déposant cette proposition, qu’il serait très difficile d’expliquer à une assemblée composée de parlementaires qui exercent d’autres mandats que la bonne solution est de n’en assumer qu’un ! Mais le moment est venu d’affirmer une volonté.

Du reste, nos débats seraient beaucoup plus sereins si nous adoption l’amendement que me suggère à l’instant Bruno Le Roux : « La présente loi s’applique, à compter de sa promulgation, à chaque parlementaire élu pour la première fois. » Ainsi, les parlementaires ici présents ne seraient pas concernés et trouveraient bien plus de vertus au non-cumul !

Lors de la révision constitutionnelle, nous avons saisi chaque occasion, avec René Dosière, pour relancer par voie d’amendement la question du cumul des mandats, des indemnités et des fonctions. Le fait que des députés socialistes abordent ce point n’est donc pas nouveau, pas plus que les arguments qu’on leur oppose. Il est nécessaire, nous dit-on, d’avoir un intérêt local pour comprendre un problème national. Pour ma part, je considère que l’exercice du seul mandat de parlementaire confère une grande liberté de jugement et une capacité accrue à se prononcer en toute conviction.

Pour autant, je ne suis nullement inféodé à mon parti, ayant été élu non par les socialistes, mais par la population.

Comme on n’est jamais assez vertueux, je trouve que la proposition de loi organique ne va pas assez loin et que l’on devrait interdire d’autres cumuls. Mais ce texte, que je voterai néanmoins, n’est pas tout. Lorsque nous avons débattu, dans le cadre de la réforme du Règlement de l’Assemblée, de l’excellente proposition du président Jean-Luc Warsmann concernant l’assiduité en commission, beaucoup ont mis en exergue la difficulté d’être présent en raison des nombreuses autres fonctions exercées par députés. Finalement, un amendement du président Warsmann prévoyant des pénalités financières a recueilli une majorité mais cette disposition du Règlement, on le sait bien, est détournée : la signature ne vaut pas présence pendant toute la durée de la séance.

Bref, un texte ne suffit pas, il faut une volonté. La majorité n’ayant pas cette volonté, le texte ne sera pas adopté. Nous nous en doutions un peu ! Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, la bataille pour défendre le cumul est historiquement perdue. Vous êtes à contre-courant aussi bien de ce que pensent les électeurs que de ce qui se pratique dans l’Union européenne. Les Allemands, les Britanniques, les Luxembourgeois, les Espagnols, les Italiens, les Portugais, les Polonais, les Hongrois, ne sont pas moins intelligents que les Français. Si vous n’êtes pas battus maintenant, vous le serez la prochaine fois, par la loi ou par voie de référendum. Vous êtes du côté des perdants !

M. le président Jean-Luc Warsmann. Puisque l’on a évoqué les moyens dont dispose le Sénat américain, je tiens à préciser que, rapporté à la population, le nombre de députés français ne serait que de vingt si on le mettait au même niveau que celui des sénateurs américains. Comparons ce qui est comparable.

M. Sébastien Huyghe. Il faudrait, ici encore, tout mettre sur la table – non seulement la question des moyens mis à la disposition des élus, mais aussi celle du cumul avec des présidences d’organismes publics ou parapublics comme les sociétés d’économie mixte, les offices HLM ou les hôpitaux. Ce sujet, très peu connu de l’opinion, doit absolument être approfondi.

M. Jérôme Lambert. Vous le savez, je suis un parlementaire « non-cumulard ». N’avoir jamais occupé de fonctions dans un exécutif local ne m’a pas empêché d’être élu à l’Assemblée nationale cinq fois de suite. Pourtant, je viens d’une circonscription rurale, où le poids des élus locaux est indéniable.

Je considère comme vous tous que je suis un élu de la Nation, représentant l’ensemble de nos compatriotes. Je ne suis pas ici pour défendre les intérêts d’une collectivité locale. Certains objectent qu’un mandat territorial favorise le lien avec la population. Mon expérience, comme celle de nombreux collègues, montre que l’on peut être réélu plusieurs fois député sans exercer un tel mandat. Le mandat parlementaire constitue à lui seul un lien fort. Chaque année, j’assure environ 400 permanences réparties dans les communes de ma circonscription et je participe à environ 600 réunions avec les élus ou manifestations avec les associations. Les citoyens ont donc 1 000 occasions par an de rencontrer leur député.

Un parlementaire travaille avec tous les élus. En réunissant autour d’une table quatre ou cinq personnes – le maire, le conseiller général, le président de l’intercommunalité, le sénateur, le député... – pour régler un problème local, on est beaucoup plus efficace qu’avec une seule tête coiffée de trois casquettes. Les interventions quelque peu outrancières de certains collègues montrent qu’ils ne vivent pas sans doute pas la même réalité.

Je pense en tout cas moi aussi que l’évolution vers le non-cumul est quasiment inéluctable.

Mme Maryse Joissains-Masini. Non seulement certains collègues se permettent de donner des leçons, mais ils se complaisent dans des propos longs et inutiles !

Moi qui cumule avec bonheur de nombreuses fonctions, je ne peux m’intéresser à cette question que si on l’élargit. Il faut cesser de mettre la classe politique au centre du débat. Je veux qu’il concerne tout le monde, à commencer par les fonctionnaires. Étant donné le nombre des cumuls qui existent en France actuellement, on donnera du travail à beaucoup de gens !

M. Noël Mamère. M. Urvoas a raison : le maintien du cumul est un combat d’arrière-garde qui sera perdu à terme. Pour ma part, je voterai ce texte.

Cette proposition de loi organique a le mérite de poser la question du rôle du député. Le parlementaire est-il seulement le représentant de sa circonscription ou est-il, aux termes de la Constitution, porteur d’une part de la souveraineté nationale, avec pour mission de construire et d’améliorer l’État de droit ?

Le cumul a contribué à l’affaiblissement du Parlement depuis des décennies. On ne peut exercer pleinement une fonction exécutive locale et une fonction de législateur. MM. Lambert et Urvoas ont une certaine légitimité pour s’exprimer à ce sujet. Il est vain et irresponsable d’affirmer qu’un député doit avoir un ancrage local par le biais d’un mandat.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Vous êtes maire !

M. Noël Mamère. Oui, mais je ne pense pas pour autant qu’un député ne peut pas être au contact de la population ! Il suffit d’organiser l’emploi du temps de l’Assemblée pour cela, comme ce fut le cas pendant de nombreuses années.

En tant que membre d’un parti largement sous-représenté par rapport à son poids politique, je considère qu’une proposition de loi comme celle-ci aurait une bien plus grande valeur politique si elle s’intégrait dans une révision plus générale introduisant la proportionnelle dans le système majoritaire.

En 1997, bien qu’ils aient remporté 7,5 % des suffrages aux élections législatives, les Verts français n’ont eu que 7 députés ; avec un score strictement identique, les Verts allemands en ont eu 51.

Chacun sait que la réforme censée renforcer le pouvoir du Parlement ne le renforce en rien – on l’a encore vu à l’occasion du débat sur les retraites. Les parlementaires français ne peuvent pas remplir réellement leur rôle, faute de moyens suffisants.

M. Bruno Le Roux. Comme l’a dit Jean-Jacques Urvoas, ce qui figure dans cette proposition de loi organique est inéluctable. En outre, les dispositions proposées sont les moins dures que l’on puisse imaginer ; nous pourrions être conduits à aller bien au-delà dans quelques années.

Entendons-nous bien, ce n’est pas le travail des parlementaires qui est en question. Il est impossible d’établir un classement selon que l’on cumule ou non. Je ne me risquerai pas à affirmer que le cumul ôte une capacité d’investissement. C’est bien souvent le contraire, et pas toujours pour de bonnes raisons : il est bien connu que de nombreux parlementaires mobilisent des moyens afférents à leurs responsabilités locales pour aider à l’exercice de leur mandat national. Pensez, mes chers collègues, aux collaborateurs que vous payez au titre d’un mandat local et qui vous assistent dans vos travaux parlementaires.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Aucun, jamais !

M. Bruno Le Roux. Ce n’est pas non plus le lien avec le terrain qui est en question, puisqu’il est garanti par le mode d’élection actuel des députés. Du reste, nous ne proposons nullement de passer à un système de proportionnelle intégrale.

Ce qui est en cause, c’est le fonctionnement même de notre Assemblée et plus généralement la question du renouvellement en politique. À cet égard, la coupure entre le mandat parlementaire et les fonctions exécutives locales est inéluctable.

Deux possibilités s’offrent à nous : soit nous attendons qu’une nouvelle majorité, demain, avance dans cette direction, soit le Parlement avance dès maintenant de sa propre initiative. À ceux qui ironisent sur le prétendu embarras des parlementaires socialistes en cas de vote positif, je veux dire ma certitude que la proposition de loi organique, si elle est votée en Commission des lois, sera adoptée dans l’hémicycle – car certains parlementaires de la majorité la voteront.

Si nous proposons ce texte, ce n’est pas pour faire un coup. Nous souhaitons que la Commission et, demain, l’Assemblée l’adoptent car nous savons que ce sera un bien pour la vie parlementaire.

M. le rapporteur. Je suis prêt à entendre tous les reproches mais je ne peux accepter que l’on nous qualifie de démagogues, de moralisateurs ou d’hypocrites. Ce texte correspond à ma conception du rôle de député : faire la loi et contrôler son application, au nom de la souveraineté nationale.

Peut-on exercer correctement un métier en ne lui consacrant que deux jours par semaine, voire moins ?

M. le président Jean-Luc Warsmann. Je ne me sens pas concerné…

M. le rapporteur. Tout conseil général a au moins mille salariés. Or vous paraît-il concevable que le chef d’une entreprise de cent salariés s’absente pendant deux jours pour se livrer à une autre activité ?

À l’occasion du débat parlementaire sur la réforme des collectivités territoriales, n’avez-vous pas vu, au-delà des clivages politiques, des conseillers généraux défendre le département comme la chose la plus importante du monde, et des conseillers régionaux rétorquer que la région était l’échelon essentiel du fonctionnement des collectivités territoriales ? Abandonnant toute objectivité, chaque parlementaire a raisonné en fonction de sa collectivité d’élection. Le cumul des mandats nous empêche de raisonner à l’échelle de la France.

Par quelle démagogie, chers collègues de la majorité, demandez-vous aux députés socialistes de démissionner d’abord de leurs mandats locaux ? Vous nous prenez pour des benêts ! Autant nous demander de nous jeter à l’eau en promettant de nous rejoindre si l’eau n’est pas trop froide et si vous n’avez pas changé d’avis entre-temps ! C’est le système que je vous propose de changer : la loi sera la même pour tous.

Enfin, on reproche au texte son caractère sommaire. Or c’est volontairement que nous l’avons réduit à une seule question. Il ouvre ainsi une brèche. J’ai bien conscience que de nombreuses questions restent en suspens, mais je vous invite à commencer d’avancer.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi organique.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

(art. L.O. 141-1 [nouveau] du code électoral)


Incompatibilité du mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale

1. Un nouveau régime d’incompatibilités

La mise en œuvre de l’interdiction du cumul du mandat parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale proposée par la présente proposition de loi se ferait par l’introduction d’un nouveau régime d’incompatibilités qui s’ajouterait à celui existant à l’article L.O. 141 du code électoral.

Introduit par la loi organique n° 85-1405 du 30 décembre 1985 et modifié par les lois organiques successives n° 95-62 du 19 janvier 1995 et n° 2000-294 du 5 avril 2000, l’article L.O. 141 permet actuellement aux députés et aux sénateurs (19) de cumuler leur mandat parlementaire avec un seul des mandats suivants : conseiller régional, conseiller à l’assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal d’une commune d’au moins 3 500 habitants. Ce régime ne serait pas modifié : les parlementaires continueraient à pouvoir exercer un mandat délibératif – et un seul – au sein des assemblées locales élues au suffrage universel direct.

2. Une rédaction applicable à l’ensemble des fonctions exécutives locales

Cet article se propose de rendre incompatible le mandat parlementaire avec « toute fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale ».

Cette rédaction permet de prendre en compte toutes les fonctions de direction d’une collectivité locale (maire, président du conseil général, président de conseil régional, président d’une collectivité territoriale à statut particulier), celles d’adjoint au maire ou de vice-président des conseils de ces collectivités, mais aussi celles de conseiller bénéficiant d’une délégation. Plutôt que le titre, c’est bien l’exercice de la réalité du pouvoir qui ferait l’objet d’une incompatibilité avec l’exercice du mandat parlementaire.

Expression du rôle et des compétences désormais reconnues aux structures intercommunales, les fonctions à la tête d’un EPCI seraient, pour la première fois, prises en compte dans l’application de règles relatives au cumul des mandats. Ainsi les fonctions de président, vice-président ou membre du bureau disposant d’une délégation au sein d’un syndicat de communes, d’une communauté de communes, d’une communauté d’agglomération, d’une communauté urbaine ou d’un syndicat d’agglomération nouvelle seraient considérées comme relevant de l’exercice d’une fonction exécutive incompatible.

Cependant, la direction des autres formes de coopération locale ne constituant pas un EPCI (comme les groupements d’intérêt public, syndicats mixtes ouverts ou fermés et ententes) ne serait pas prise en compte dans ce régime d’incompatibilités.

3. Une application à l’ensemble du territoire de la République

En métropole ou dans les départements d’outre-mer, ces dispositions s’appliqueront aux exécutifs des collectivités territoriales à statut particulier, comme la ville de Paris ou la collectivité territoriale de Corse : cependant, le président et les membres de la commission permanente de l’Assemblée de Corse n’exerçant pas de fonction exécutive, ne seront pas concernés par l’application de ce régime d’incompatibilité.

Cette solution pourra être étendue si des collectivités à statut particulier venaient à être créées, en choisissant de les doter de la même structure d’assemblée et d’exécutif distinct, en particulier pour les collectivités uniques appelées prochainement à exercer les compétences dévolues au département et à la région en Guyane et à la Martinique, en application des résultats des référendums organisés le 24 janvier 2010.

Dans les collectivités d’outre-mer, à Mayotte, en Polynésie-française, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna, en application de l’article 74 de la Constitution, ainsi en Nouvelle-Calédonie, en vertu de l’esprit même de l’Accord de Nouméa du 5 mai 1998, le principe dit de « spécialité législative » implique que les textes législatifs et réglementaires n’y soient applicables que sur mention expresse de leur part.

Cependant, le Conseil constitutionnel a admis que les dispositions législatives et réglementaires qui, en raison de leur objet, sont nécessairement destinées à régir l’ensemble du territoire de la République, sont en tout état de cause applicables de plein droit dans ces collectivités (20). Ainsi les lois organiques, portant sur des matières non spécifiques à une collectivité ou une catégorie de collectivités y sont applicables de plein droit (21).

La proposition de loi sera donc applicable à l’ensemble de ces collectivités d’outre-mer : toutes les fonctions exécutives exercées seront incompatibles avec l’exercice d’un mandat de parlementaire national. En outre, toute modification institutionnelle de l’organisation de ces collectivités n’aura pas de conséquences sur la rédaction adoptée : les fonctions exécutives seront, dès leur création, incompatibles avec le mandat parlementaire.

4. Un régime uniforme applicable aux députés comme aux sénateurs

En application de l’article L.O. 297, les dispositions du chapitre IV, au sein duquel serait inséré ce nouvel article L.O. 141-1, sont applicables de plein droit aux sénateurs.

Aussi le régime d’incompatibilités créé par la présente proposition de loi organique pour les députés trouverait à s’appliquer aux sénateurs dans les mêmes conditions et les mêmes limites.

Représentant les collectivités territoriales de la République, les sénateurs ont certes un lien spécifique avec ces dernières. Ainsi de nombreuses propositions de réformes ont suggéré de leur appliquer un régime spécifique de cumul avec les mandats électifs locaux. Cependant, lors des débats relatifs aux précédents projets de lois organiques, le Sénat a toujours montré son attachement au maintien de règles identiques pour les députés et les sénateurs, applicables au cumul des mandats et fonctions locales. La proposition de loi ne déroge donc pas à cette tradition républicaine.

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La Commission rejette l’article 1er.

Après l’article 1er

La Commission rejette l’amendement CL 1 du rapporteur.

Article 2

Entrée en vigueur de ces dispositions

Cet article organise l’entrée en vigueur de ces dispositions à l’occasion des prochaines élections générales ou partielles destinées à élire députés ou sénateurs.

À chacune de ces opérations électorales, le parlementaire élu ou réélu se verra appliquer le nouveau régime d’incompatibilité prévu par le nouvel article L.O. 141-1 et disposera du délai de trente jours pour se mettre en conformité avec la loi organique.

Cette solution apparaît la plus adaptée, car elle permettra aux intéressés de prévoir et défendre de façon transparente le choix qui devra être fait durant la campagne électorale qui précédera cette élection. C’est cette même solution qui avait été retenue par la loi organique du 5 avril 2000, qui prévoyait que « tout parlementaire qui se trouve, à la date de publication de la présente loi, dans l’un des cas d’incompatibilité qu’elle institue doit faire cesser cette incompatibilité au plus tard lors du renouvellement de son mandat parlementaire. »

Cependant cette rédaction conduira à une mise en application échelonnée de ces nouvelles dispositions, suivant le calendrier suivant :

— les parlementaires élus dans le cadre d’une élection partielle, organisée suite à la vacance d’un siège provoquée par la démission d’un député ou d’un sénateur ou à l’épuisement de la liste dans les départements élisant les sénateurs au scrutin proportionnel, se verront appliquer l’interdiction du cumul avec une fonction exécutive dès la date à laquelle leur élection sera définitive ;

— les sénateurs élus dans les départements de la série 1 se verront appliquer la réforme à partir des prochaines élections sénatoriales, qui auront lieu en septembre 2011 en application de la loi organique n° 2005-1562 du 15 décembre 2005 ;

— les députés actuellement en cours de mandat seront concernés par la réforme à l’occasion du prochain renouvellement de législature, qui aura lieu au plus tard en juin 2012 ;

— les sénateurs élus dans les départements de la série 2 se verront appliquer la réforme à partir des élections sénatoriales prévues en septembre 2014.

En l’absence d’élection, ces dispositions ne seront pas applicables aux suppléants amenés à remplacer un parlementaire en application de l’article L.O. 176 et aux membres du Gouvernement reprenant l’exercice de leur mandat parlementaire à la suite de la cessation de leurs fonctions ministérielles.

Cependant, ce choix conduira à faire siéger au sein de la même assemblée des parlementaires dans des situations différentes au regard des possibilités de cumul de mandat. C’est pourquoi la loi organique n° 85-1405 du 30 décembre 1985 avait retenu comme date d’entrée en vigueur le renouvellement de législature suivant son entrée en vigueur, tout en permettant aux parlementaires concernés d’achever les mandats locaux qu’ils exerçaient à cette date. Cette solution alternative aurait néanmoins pour inconvénient de contraindre les sénateurs à devoir se mettre en règle en cours d’exercice de leur mandat parlementaire, les obligeant à abandonner une fonction exécutive locale ou leur mandat en dehors de toute consultation électorale.

C’est pourquoi la solution d’entrée en vigueur lors des élections parlementaires suivantes a été retenue, comme lors de la dernière modification du régime des incompatibilités par la loi organique n° 2000-294 du 5 avril 2000 : elle avait été validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2000-427 DC du 30 mars 2000, qui n’y avait pas vu de rupture d’un principe d’égalité entre parlementaires.

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La Commission rejette l’article 2.

Puis elle rejette l’ensemble de la proposition de loi organique.

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En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi organique de M. Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et apparentés visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale (n° 2776).

TABLEAU COMPARATIF

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Texte en vigueur

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Texte de la proposition de loi organique

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Conclusions de la Commission

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Proposition de loi organique visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale

Proposition de loi organique visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale

 

Article 1er

Article 1er

 

Après l’article LO 141 du Code électoral, il est inséré un article LO 141-1 ainsi rédigé :

Rejeté

 

« Art. LO 141-1. – Le mandat parlementaire est incompatible avec l’exercice de toute fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale ».

 
 

Article 2

Article 2

 

« La présente loi s’applique, à compter de sa promulgation, à chaque parlementaire nouvellement élu ».

Rejeté

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION

Amendement CL1 présenté par M. Jacques Valax, rapporteur :

Après l’article 1er

Insérer l’article suivant :

« I. – Au deuxième alinéa de l’article L.O. 151 du même code, les mots : « à l’article L.O. 141 » sont remplacés par les mots : « aux articles L.O. 141 et L.O. 141-1 ».

« II. – Au premier alinéa de l’article L.O. 151-1 du même code, le mot : « propre » est remplacé par les mots : « ou une fonction exécutive propres » et les mots : « à l’article L.O. 141 » sont remplacés par les mots : « aux articles L.O. 141 et L.O. 141-1 ». »

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PERSONNE ENTENDUE PAR LE RAPPORTEUR

M. Guy Carcassonne, Professeur de droit constitutionnel à l’Université Paris-Ouest Nanterre-La Défense.

© Assemblée nationale

1 () Journal Officiel, Compte rendu intégral de la 1ère séance du mercredi 27 novembre 1985, p. 4947.

2 () Rapport du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, 29 octobre 2007, p. 64.

3 () y compris maires d’arrondissement ou maires de secteur.

4 () Jean-Claude Masclet, Un remède homéopathique ? Les lois sur le cumul des mandats et des fonctions électifs, AJDA, 20 avril 1986, p. 216.

5 () le rapport Guichard « Vivre ensemble » de 1976 consacré à la décentralisation avait évoqué la question du cumul. Tout en constatant la difficulté de faire aboutir rapidement une réforme en ce domaine, il appelait de ses vœux l’ouverture d’un large débat sur « ce problème majeur ».

6 () Cité par Claire Bernard et Danièle Jourdain-Menninger, Pourquoi il faut en finir avec le cumul, Fondation Jean-Jaurès, 30 septembre 2009.

7 () Ibid.

8 () Abel François, Cumul des mandats et activité législative des députés français, quelle incidence ? Communication au colloque du Groupe d’études sur la vie et les institutions parlementaires « retour sur le cumul des mandats », 6 mai 2010.

9 () Audition par le rapporteur le 5 octobre 2010.

10 () Proposition de Guy Carcassonne et de Michaël Cheylan et Philippe Manière, Député un job à plein temps, Amicus Curiae, décembre 2006.

11 () Rapport du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, 29 octobre 2007, p. 64.

12 () Claire Bernard et Danièle Jourdain-Menninger, Pourquoi il faut en finir avec le cumul, Fondation Jean-Jaurès, 30 septembre 2009.

13 () Michaël Cheylan et Philippe Manière, Député un job à plein temps, Amicus Curiae, décembre 2006.

14 () Olivier Laurent, La perception du cumul des mandats : restrictions contextuelles et politiques à un apparent consensus, Revue Française de science politique, n° 6, 1998, pp. 756-772.

15 () Sondage BVA-Orange-L’Express du 21 mai 2008, réalisé auprès d’un échantillon représentatif de 978 personnes âgées de 18 ans et plus.

16 () Sondage Opinionway-Le Figaro Magazine, 22 novembre 2007.

17 () Audition par le rapporteur le 5 octobre 2010.

18 () Décision n° 2010-609 DC du 12 juillet 2010.

19 () auxquels l’article L.O. 297 du code électoral rend ces dispositions applicables.

20 () Décisions n° 2004-490 DC du 12 février 2004 et n° 2007-547 DC du 15 février 2007.

21 () Décisions n° 2003-478 DC et 2003-482 DC du 1er juillet 2003.