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N
° 2936

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 novembre 2010

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI DE MME ODILE SAUGUES ET LES MEMBRES DU GROUPE S.R.C. ET APPARENTÉS visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l'Union européenne (n° 2186),

PAR M. Odile SAUGUES,

Députée.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 2186.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

TRAVAUX EN COMMISSION 9

I.— DISCUSSION GÉNÉRALE 9

II.— EXAMEN DES ARTICLES 13

Article unique : Information des passagers en cas de commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne 13

TABLEAU COMPARATIF 15

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 19

ANNEXE 21

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi (n° 2186) a pour objet de sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies de transport aérien qui figurent sur la liste noire de l’Union européenne et qui sont frappées ainsi, pour des raisons tenant à la préservation de la sécurité aérienne, d’une interdiction ou de restrictions d’exploitation sur le territoire de la Communauté.

La promotion de la sécurité aérienne est un objectif qui doit tous nous rassembler, tant il est vrai qu’il n’est pas d’intérêt à défendre plus important que la vie humaine et que l’image d’un mode de transport sûr qui a été attachée au mode de transport aérien a certainement contribué au cours des dernières décennies à son exceptionnel développement.

Pourtant, cette image a été mise à mal dans la période récente avec la succession d’accidents et d’incidents en transport aérien. L’on pense aux deux graves accidents survenus en 2009, sur le vol AF 447 Rio de Janeiro-Paris le 1er juin qui a entraîné la mort de 228 personnes, puis sur le vol d’un Airbus A310 de la compagnie Yemenia le 30 juin, qui a fait 153 victimes. Plus récemment, l’on peut mentionner la collision évitée de justesse entre les avions de deux compagnies, Air Austral et Yemenia au large de Madagascar le 24 août dernier et l’accident survenu sur un avion de ligne cubain le 5 novembre, qui a coûté la vie à 68 personnes.

Un effort renouvelé, une vigilance renforcée s’imposent ainsi aujourd’hui, pour défendre véritablement la sécurité du transport aérien.

Notre pays et l’Union européenne s’en préoccupent traditionnellement à travers de multiples réalisations : adhésion à la Convention de Chicago, qui a créé l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) dans le cadre de laquelle sont définies et mises en œuvre de nombreuses règles liées à la sécurité ; mise en place en 2002 de l’Agence européenne de sécurité aérienne (AESA), qui apparaît de plus en plus comme la pierre angulaire de la politique de sécurité aérienne communautaire ; définition enfin d’une liste noire des transporteurs aériens faisant l’objet d’une interdiction d’exploitation dans la Communauté.

Votre Rapporteure se propose de développer ce dernier point et de donner, par le biais de la présente proposition de loi dont elle précisera le sens, une plus grande efficacité à ce dispositif de la liste noire, chargée de protéger les droits des passagers du transport aérien.

Quelle a été la genèse de la liste noire communautaire ? Quelles sont les caractéristiques de cette technique ? Comment est-elle concrètement mise en œuvre ? Quelles en sont les limites ?

À la suite de plusieurs accidents survenus en 2004-2005, notamment celui de Charm-El-Cheik, et suivant la suggestion faite par votre Rapporteure elle-même dans un rapport fait au nom de la mission d’information sur la sécurité du transport aérien de voyageurs publié le 7 juillet 2004, le principe d’une liste des compagnies aériennes pouvant être interdites ou soumises à des restrictions d’exploitation a été retenu par les autorités européennes. Le but en était d’interdire le ciel européen aux compagnies ne respectant pas les règles minimales de sécurité et d’informer les usagers sur les transporteurs aériens jugés peu sûrs.

C’est ainsi qu’a été adopté le règlement n° 2111/2005 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2005 concernant l’établissement d’une liste communautaire des transporteurs aériens qui font l’objet d’une interdiction d’exploitation dans la Communauté et l’information des passagers du transport aérien sur l’identité du transporteur aérien effectif.

L’article 3 de ce règlement prévoit la création de cette liste, indiquant que chaque État membre applique, sur son territoire, les interdictions d’exploitation figurant sur la liste communautaire qui sont prononcées sur la base de critères communs de sécurité correspondant aux normes minimales établies par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). L’existence de ce dispositif qui fait l’objet de mises à jour régulières (prévues à l’article 4 du règlement) n’interdit d’ailleurs pas à un État de décider de façon temporaire d’une interdiction nationale d’exploitation, dès lors qu’on est en présence d’un problème de sécurité imprévu, que la décision prise se fonde sur les critères techniques communs de l’Union européenne et qu’elle fait l’objet d’une validation ultérieure au niveau européen (article 6).

Le règlement n° 2111/2005 a également prévu que les transporteurs aériens susceptibles de faire l’objet d’une interdiction d’exploitation peuvent être entendus et invoquer les droits de la défense (article 7). La liste communautaire et toute modification qui y est apportée sont publiées sans délai au Journal Officiel de l’Union européenne. La Commission et les États membres enfin sont chargés de prendre les mesures nécessaires pour faciliter l’accès du public à la liste communautaire dans sa version la plus récente, notamment par le biais de l’Internet (article 9).

C’est le 22 mars 2006 qu’a été pour la première fois rendue publique la liste noire des compagnies interdites ou soumises à des conditions d’exploitation sur le territoire européen. Cette liste a été depuis lors mise à jour en moyenne tous les quatre mois. Le pouvoir de décision appartient à la Commission qui, conjointement avec les autorités des États membres chargées de l’aviation civile et des représentants de l’Agence européenne pour la sécurité aérienne (AESA) examine le niveau de sécurité offert par les compagnies, lors de comités consultatifs dénommés « comités de sécurité aérienne » puis prononce éventuellement l’inscription des compagnies sur la liste ou leur retrait partiel ou total de celle-ci.

L’évaluation de la sécurité s’appuie sur les manquements qui sont détectés par le biais :

– d’inspections au sol réalisées par les États membres dans les aéroports européens sur les aéronefs et sur les installations qu’ils utilisent dans le cadre du programme « Safety Assessment of Foreign Aircraft » (SAFA) ; ce programme, applicable depuis 2004, concerne plus de 40 pays ;

– d’audits réalisés par des organismes nationaux ou internationaux ;

– ou encore d’informations parvenues aux États membres ou à la Commission sur les accidents ou incidents en exploitation.

Les études réalisées par ces « comités de sécurité aérienne » ne sont menées qu’à partir de critères techniques, purement aéronautiques, mentionnés en annexe du règlement de base n° 2111/2005.

La dernière mise à jour de la liste noire rendue publique au début septembre 2010 retenait cinq transporteurs totalement interdits d’exploitation dans l’Union européenne (1) ainsi que toutes les compagnies (278) certifiées par les autorités de dix-sept pays différents d’Afrique et d’Asie. Par ailleurs, quelques compagnies font l’objet de restrictions d’exploitation interdisant principalement certains types d’aéronefs.

Les manquements constatés concernent le non-respect des exigences de sécurité par les compagnies, mais plus souvent, les insuffisances des autorités de surveillance des aéronefs. Sont le plus souvent dénoncés la vétusté des flottes, l’insuffisante formation des personnels, les défauts de la maintenance, les horaires de travail excessifs ou encore l’insuffisance des services de secours.

Il faut noter que le système mis en place comporte des éléments de souplesse : l’interdiction d’exploitation des aéronefs n’est pas la seule mesure prévue par la réglementation européenne, puisque de simples restrictions d’exploitation peuvent être également retenues. Les consultations préalables aux décisions qui sont menées avec les compagnies concernées permettent, par ailleurs, parfois à ces dernières d’améliorer la sécurité de leurs aéronefs, leur évitant ainsi une inscription sur la liste noire. Certains transporteurs enfin parviennent à « sortir » de la liste, grâce notamment au travail de contrôle et d’assistance mené par des États européens.

Le dispositif de la liste noire connaît pourtant de sérieuses limites. Les inspections menées sur les aéroports européens sont nombreuses (environ 11 000 par an) et inopinées, ce qui contribue évidemment à un niveau de sécurité aérienne élevé. Elles ne sont pourtant pas systématiques : des aéronefs peuvent ne pas offrir ainsi un degré de sécurité minimal, sans figurer pour autant sur la liste noire communautaire. De la même façon, certaines compagnies peuvent, tout en étant insuffisamment sûres, continuer d’opérer sur le territoire européen, du fait de désaccords se manifestant entre les représentants des États membres au sein des « comités de sécurité aérienne ».

La principale limite de la technique de la liste noire communautaire concerne évidemment les vols effectués par des compagnies non européennes en dehors du territoire de l’Union. Une interdiction faite à de telles compagnies de toute activité pour des raisons de sécurité, non plus en Europe, mais sur le territoire des États dont elles relèvent porterait atteinte, en toute hypothèse, à la souveraineté de ces États. Il faut d’ailleurs ajouter à cela, que des mesures restrictives méconnaîtraient le fait que l’avion constitue parfois le seul moyen de déplacement dans certaines régions (tel est le cas, par exemple, pour l’Indonésie) et que l’accidentologie révèle qu’il peut être moins dangereux dans certains pays de voyager sur ces compagnies placées sur liste noire que dans des autobus empruntant des routes très difficiles.

La technique de la liste noire ne règle pas surtout la question fréquemment posée des vols de « bout de ligne » qui consistent à assurer un transport depuis un pays de l’Union européenne avec une compagnie autorisée sur le territoire de l’Union et à achever le parcours à l’intérieur d’un pays non européen avec une compagnie aérienne figurant sur la liste noire. Cette situation porte gravement atteinte aux droits des passagers non ou mal informés de l’identité du transporteur aérien effectif hors du territoire de l’Union et qui peuvent penser de bonne foi que les règles françaises de sécurité continuent de s’appliquer sur l’ensemble de leur parcours.

C’est pourquoi, votre Rapporteure insiste sur la nécessité de contrôler le phénomène du recours à des compagnies aériennes figurant sur la liste noire pour assurer des correspondances situées hors de l’Union européenne. Elle affirme que les voyageurs ont profondément droit à la sécurité et que l’évolution même du transport aérien fait de la vigilance de tous une obligation.

TRAVAUX EN COMMISSION

I.— DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du 10 novembre 2010, la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de Mme Odile Saugues, la proposition de loi visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne (n° 2186).

*

* *

Mme Odile Saugues, rapporteure. L’examen par notre Assemblée de cette proposition de loi, qui porte sur un domaine ignoré des clivages politiques, constitue pour moi une grande satisfaction.

La mission d’information sur la sécurité aérienne, créée en 2004 après l'accident de Charm-el-Cheikh – 148 morts, dont 135 Français –, que j’ai présidée et dont le rapporteur était François-Michel Gonnot, avait approuvé à l'unanimité quarante préconisations formulées après six mois de travail. Ce rapport a d’abord eu un succès d’estime, avant de voir sa recommandation n° 26 mise en œuvre en 2005 : la direction générale de l’aviation civile (DGAC) a accepté de constituer une liste noire, répondant à la pression de la société civile et à la vive émotion causée par la série de catastrophes des 6, 14 et 16 août 2005, cette dernière ayant causé la mort de 152 de nos compatriotes dans un avion de la West Caribbean Airways.

Malgré le scepticisme de certains, l'Union européenne a dressé fin 2005 sa propre liste des compagnies interdites d'atterrissage sur son sol. Régulièrement mise à jour, elle est le pendant de la liste américaine de la Federal Aviation Administration – la FAA applique la Part 129 de l’Aviation Rulemaking Committee Charter, qui conditionne l'atterrissage et le survol du territoire au contrôle de la conformité des aéronefs étrangers.

Le contrôle à tous les niveaux de la construction, la formation des pilotes, la maintenance par des ateliers certifiés, la conformité des pièces, les audits réguliers sont des procédures normales dans les pays ayant une culture approfondie de la sécurité. Ils procèdent moins de l’évidence dans certains États, notamment dans les pays en voie de développement, qui éprouvent davantage de difficultés à respecter les normes de sécurité.

Aussi bien l'Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA), créée par le général de Gaulle en 1959 et regroupant seize pays, que l’association dite Autorités africaines et malgache de l'aviation civile (AAMAC), reçoivent une aide financière de l'Union européenne et leurs pilotes bénéficient de stages de formation à nos pratiques de sécurité. Mais en dépit des audits et de leurs obligations, le taux de non-conformité aux normes et pratiques recommandées atteint encore 46 % dans ces pays.

Les compagnies dites de « bout de ligne » figurent bien
évidemment sur la liste noire de l’Agence européenne pour la sécurité aérienne (AESA). Selon l’un des six voyagistes auditionnés par la mission parlementaire, la vente du « package dynamique » – ou séjour sur mesure – sur Internet doit être tout particulièrement encadrée.

Cette proposition de loi a donc pour objet de contraindre les vendeurs à s'assurer que la dernière partie du voyage sera prise en charge par une compagnie répondant aux normes et à donner à l’acheteur une information complète sur les risques encourus. Le texte initial crée un délit spécifique pour toute personne qui aurait facilité la vente de titre de transport sur un aéronef d'une compagnie répertoriée sur la liste noire de l’AESA.

Toutefois, ces dispositions ne pourront empêcher le renouvellement d'une catastrophe telle que celle de la Yemenia, qui avait causé la mort de 150 Français : la compagnie, non inscrite sur la liste noire, utilisait un aéronef interdit par l'ASEA pour effectuer des emports hors de l'Union européenne.

Depuis 2004, je reçois, à leur demande, les familles des victimes de catastrophes aériennes. C'est à chaque fois un moment difficile d’autant que l’argument, pourtant recevable, selon lequel l’avion est l’un des moyens de transport les plus sûrs n'est pas de mise face à la douleur des familles. Le message que les associations me font passer lors de colloques ou d'événements est toujours le même : le législateur doit renforcer les textes et mieux contrôler leur application. Elles souhaitent aussi voir leurs rapports s’améliorer avec la DGAC, le bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) et l’AESA lors des enquêtes sur les accidents. Une directive européenne portant sur cette question est en préparation.

Le ciel unique européen a renforcé les pouvoirs de l'AESA, plaçant l’Agence en première ligne de la sécurité aérienne. Les parlementaires français peuvent se saisir en amont de ces questions et apporter leur avis sur les textes en cours. Je l'ai fait en votre nom dans un rapport de la Commission des affaires européennes sur la sécurité aérienne.

Mais il nous incombe aussi, en les sanctionnant, de limiter les risques encourus par nos concitoyens sur le territoire français. Je pense tout particulièrement à l'accident de Cap-Skirring, survenu en 1992, dans lequel un célèbre tour-opérateur français avait été mis en cause.

Le risque zéro n'existe pas. Mais l'importante progression du transport aérien dans le monde et la capacité de plus en plus grande des aéronefs – l'A380 pourrait transporter jusqu’à 1 000 passagers – font de cette vigilance une obligation.

Mme Marie-Line Reynaud. J’interviens au nom de notre collègue Jean-Claude Fruteau, qui ne pouvait être présent aujourd’hui.

La proposition de loi d’Odile Saugues s’attaque à une pratique qui consiste à proposer un vol depuis l’Union européenne avec une compagnie autorisée puis un second vol « de bout de ligne » avec une compagnie figurant sur la liste noire. Contournant la législation européenne, cette pratique profite d’un vide juridique.

S’il n’est pas interdit à un citoyen de l’Union de voyager sur l’une de ces compagnies, la commercialisation de billets depuis notre territoire doit être sanctionnée. Dans bien des cas, les clients font pleinement confiance aux agences commerciales et effectuent un ou plusieurs vols sur des compagnies dont ils ignorent la dangerosité. L’interdiction, à la source, est plus qu’une nécessité.

Afin de ne pas se trouver en butte à la souveraineté des États, notre collègue propose de sanctionner les personnes physiques ou morales qui commercialisent ces billets. Cette initiative constitue un complément indispensable à la liste noire européenne, dont nous connaissons les limites pour ce qui est des vols effectués hors de l'espace communautaire. Nous devons donc compléter l'arsenal juridique en sécurisant au maximum les ventes de voyages au départ et à destination de l'Union.

Toute mesure permettant de lutter contre les compagnies aériennes qui mettent délibérément en danger leurs passagers afin de réduire les charges et d'accroître leurs profits doit être prise. Notre rapporteure va au bout de cette démarche.

Convaincus qu’il est essentiel d'assurer une protection maximale du consommateur en responsabilisant les professionnels du secteur, les membres du groupe SRC se prononceront en faveur de cette excellente proposition. J’invite nos collègues de la majorité à faire de même.

M. Yanick Paternotte. Personne ne peut se dire opposé à un texte visant à renforcer la transparence et la clarté dans la vente des titres de transport et à sanctionner toute pratique contraire à ces deux principes. Il faut dire que les billets virtuels, qui se multiplient avec le développement de l’e-commerce, fournissent encore moins d’informations sur les transporteurs.

Deux options se présentaient à nous : modifier le code pénal, comme le propose le texte initial, ou inscrire dans le code des transports l’obligation, pour le vendeur du titre, d’informer le voyageur. C’est cette seconde option que nous avons retenue dans l’amendement CD 1. Cette disposition est complétée par l’amendement CD 2 d’Odile Saugues, qui prévoit également des peines d’amendes et le possible engagement de poursuites au titre de l’article 121-3 du code pénal.

Sous réserve du vote de ces deux amendements, le groupe UMP soutiendra cette proposition de loi.

M. André Chassaigne. Je tiens à saluer l’action d’Odile Saugues. Notre collègue a acquis une connaissance profonde de ces questions, grâce à son travail et à sa présidence de la mission d’information. Ses efforts se concrétisent dans cette proposition de loi et dans ces amendements, auxquels le groupe GDR apportera tout son soutien.

M. Stéphane Demilly. Le groupe Nouveau Centre votera également en faveur de cette excellente proposition de loi.

II.— EXAMEN DES ARTICLES

Article unique

Information des passagers en cas de commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne

M. le président Christian Jacob. Je vous propose de mettre les deux amendements CD 1 et CD 2 en discussion commune.

Mme la rapporteure. Le code des transports ayant été publié au Journal officiel le 3 novembre, à travers une nouvelle rédaction de l’article unique de la proposition de loi, l’amendement CD 2 vise à insérer, dans un article du code des transports, l’obligation d’informer le passager et prévoit une amende de 7 500 euros par billet en cas de non-respect de cette obligation, sans préjudice des poursuites pouvant être engagées pour mise en danger de la vie d’autrui.

Toutefois, il est des lieux où le voyageur n’a d’autre solution que de voler sur une compagnie type « Inch Allah Air », parce qu’elle est la seule et parce que les autres moyens de transport sont tout aussi dangereux. Si le passager confirme l’achat du billet, il doit être informé par écrit, de manière claire et non ambiguë, des risques que le manque d’entretien des aéronefs, la non-conformité des pièces et l’absence de savoir-faire dans les ateliers non certifiés lui font encourir. C’est l’objet de l’amendement CD 1 de Yanick Paternotte.

Aussi l’amendement CD 3 constitue-t-il une synthèse des amendements CD 1 et CD 2.

Malheureusement, nous n’avons pas de prise sur les compagnies comme la Yemenia qui ne figurent pas sur la liste noire, mais qui utilisent des avions interdits de vol par nos autorités. Je ne désespère pas de trouver un moyen de prévenir les passagers, même s’il arrive que les compagnies changent leurs plans à la dernière minute. Une fois encore, le risque zéro n’existe pas.

M. Yanick Paternotte. La loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires, dont j’étais le rapporteur, permet à l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) d’immobiliser les avions non-conformes dans les dix aéroports sur lesquels elle a compétence. Une telle disposition aurait peut-être permis de bloquer l’avion de la Yemenia.

Mme la rapporteure. Malheureusement, l’avion à destination des Comores n’a pas décollé d’un aéroport français, mais de Sanaa. L’utilisation « illégale » de cet aéronef dangereux était délibérée.

La Commission en vient alors à l’amendement CD 3 de Mme Odile Saugues.

M. le président Christian Jacob. Je suggère que les amendements CD 1 et CD 2 soient retirés par leurs auteurs et que l’amendement CD 3, qui est donc une synthèse des deux précédents, soit cosigné par les membres des groupes UMP et SRC, ainsi que par MM. Stéphane Demilly et André Chassaigne.

Les amendements CD 1 de M. Yanick Paternotte et CD 2 de Mme Odile Saugues sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CD 3 à l’unanimité.

L’article unique est ainsi rédigé.

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

Mme la rapporteure. Je salue la sagesse qui a présidé à l’examen du texte.

En conséquence, la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire vous demande d’adopter la proposition de loi visant à sanctionner la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l’Union européenne dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.)

TABLEAU COMPARATIF

___

Texte en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

visant à sanctionner

la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire
de l’
Union européenne

___

Propositions de la Commission

___

 

Article unique

Article unique

Code pénal

Livre Ier : Dispositions générales.

Titre II : De la responsabilité pénale.
Chapitre Ier : Dispositions générales.

Art. 121-3. - Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.

Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui.

Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer.

Il n'y a point de contravention en cas de force majeure.

L’article L. 121-3 du code pénal est complété par l’alinéa suivant :

 
 

« Il y a également délit lorsqu’une personne physique ou morale contribue au transport de passagers aériens sur des compagnies faisant l’objet d’une interdiction d’exploitation dans l’Union européenne, en application de l’article 3 du règlement (CE) n° 2111/2005 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2005 concernant l’établissement d’une liste communautaire des transporteurs aériens qui font l’objet d’une interdiction d’exploitation dans la Communauté et l’information des passagers du transport aérien sur l’identité du transporteur aérien
effectif. »

 

Règlement (CE) n° 2111/2005 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2005 concernant l’établissement d’une liste communautaire des transporteurs aériens qui font l’objet d’une interdiction d’exploitation dans la Communauté et l’information des passagers du transport aérien sur l’identité du transporteur aérien effectif, et abrogeant l’article 9 de la directive 2004/36/CE

Art. 3. - Établissement de la liste communautaire

1. En vue de renforcer la sécurité aérienne, il est établi une liste des transporteurs aériens qui font l’objet d’une interdiction d’exploitation dans la Communauté (ci-après dénommée la "liste communautaire"). Chaque État membre applique, sur son territoire, les interdictions d’exploitation figurant sur la liste communautaire au regard des transporteurs aériens qui font l’objet de ces interdictions.

2. Les critères communs, fondés sur les normes de sécurité applicables, qu’il convient de retenir pour prononcer une interdiction d’exploitation à l’encontre d’un transporteur aérien sont définis dans l’annexe (et sont ci-après dénommés les "critères communs"). La Commission peut modifier l’annexe, notamment pour tenir compte des développements scientifiques et techniques, conformément à la procédure visée à l’article 15, paragraphe 3.

3. Aux fins de l’établissement de la liste communautaire pour la première fois, chaque État membre communique à la Commission, au plus tard le … février 2006, l’identité des transporteurs aériens qui font l’objet d’une interdiction d’exploitation sur son territoire ainsi que les raisons qui ont conduit au prononcé de cette interdiction, et toute autre information pertinente. La Commission informe les autres États membres de ces interdictions d’exploitation.

4. Dans un délai d’un mois suivant la réception des informations communiquées par les États membres, la Commission décide, sur la base des critères communs, de la question de savoir si les transporteurs aériens concernés doivent faire l’objet d’une interdiction d’exploitation et établit la liste communautaire des transporteurs aériens faisant l’objet d’une interdiction d’exploitation, conformément à la procédure visée à l’article 15, paragraphe 3.

   

Code des transports

Livre IV : Transport aérien

Titre II : Contrat de transport

Chapitre 1er : Transport de personnes et de bagages

Section 1 : le contrat de transport

 

« La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre IV de la sixième partie du code des transports est complétée par un article L. 6421-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 6421-2-1. –  Toute personne physique ou morale commercialisant un titre de transport sur les vols d’un transporteur aérien effectif figurant sur la liste des transporteurs aériens faisant l’objet dans l’Union européenne d’une interdiction d’exploitation doit informer explicitement l’acquéreur et le passager de cette situation ainsi que des solutions de transport de remplacement.

Si le passager confirme l’achat d’un tel billet, il lui est indiqué par écrit de manière claire et non ambiguë qu’il voyagera sur une compagnie figurant sur la liste européenne des transporteurs aériens faisant l’objet dans l’Union européenne d’une interdiction d’exploitation.

Est puni d’une peine de 7 500 euros d’amende par titre de transport, doublée en cas de récidive, sans préjudice des poursuites pouvant être engagées au titre de l’article L. 121-3 du code pénal, le fait de se livrer ou d’apporter son concours à la commercialisation d’un titre de transport sans respecter les mesures ordonnées en application des dispositions du présent article. ». »

(amendement n° 3)

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CD 1 présenté par M. Yanick Paternotte :

Article unique

Rédiger ainsi cet article :

« Après l’article L. 6421-2 du code des transports, il est inséré un article L. 6421-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 6421-1 - Toute personne, physique ou morale, qui contribue à la vente de titres de transports sur des compagnies aériennes faisant l’objet d’une interdiction d’exploitation dans l’Union européenne, en application de l’article 3 du règlement (CE) n°2111/2005 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2005, doit en informer explicitement les voyageurs.

Si le passager confirme l’achat d’un tel billet, il lui est indiqué par écrit de manière claire et non ambiguë qu’il voyagera sur une compagnie figurant sur la liste européenne des transporteurs aériens faisant l’objet dans l’Union européenne  d’une interdiction d’exploitation. »

Amendement CD 2 présenté par Mme Odile Saugues, rapporteure :

Article unique

Rédiger ainsi cet article :

« Après l’article L. 6421-2 du code des transports, il est inséré un article L. 6421-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 6421-2-1. – Toute personne physique ou morale commercialisant un titre de transport sur les vols d’un transporteur aérien effectif figurant sur la liste des transporteurs aériens faisant l’objet dans l’Union européenne d’une interdiction d’exploitation doit informer explicitement l’acquéreur et le passager des solutions de transport de remplacement lorsqu’elles existent.

Est puni d’une peine de 7 500 euros d’amende par titre de transport, doublée en cas de récidive, sans préjudice des poursuites pouvant être engagées au titre de l’article L. 121-3 du code pénal, le fait de se livrer ou d’apporter son concours à la commercialisation d’un titre de transport sans respecter les mesures ordonnées en application des dispositions du présent article. ». »

Amendement CD 3 présenté par Mme Odile Saugues, rapporteure, et l’ensemble des commissaires du groupe SRC, M. Yanick Paternotte et l’ensemble des commissaires du groupe UMP, M. André Chassaigne et M. Stéphane Demilly :

Article unique

Rédiger ainsi cet article :

« Après l’article L. 6421-2 du code des transports, il est inséré un article L. 6421-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 6421-2-1. – Toute personne physique ou morale commercialisant un titre de transport sur les vols d’un transporteur aérien effectif figurant sur la liste des transporteurs aériens faisant l’objet dans l’Union européenne d’une interdiction d’exploitation doit informer explicitement l’acquéreur et le passager de cette situation ainsi que des solutions de transport de remplacement.

Si le passager confirme l’achat d’un tel billet, il lui est indiqué par écrit de manière claire et non ambiguë qu’il voyagera sur une compagnie figurant sur la liste européenne des transporteurs aériens faisant l’objet dans l’Union européenne d’une interdiction d’exploitation.

Est puni d’une peine de 7 500 euros d’amende par titre de transport, doublée en cas de récidive, sans préjudice des poursuites pouvant être engagées au titre de l’article L. 121-3 du code pénal, le fait de se livrer ou d’apporter son concours à la commercialisation d’un titre de transport sans respecter les mesures ordonnées en application des dispositions du présent article. ».

A N N E X E

ÉLÉMENTS D’INFORMATION SUR LE DROIT EUROPÉEN APPLICABLE OU EN COURS D’ÉLABORATION

(Transmis par la commission des affaires européennes)

Éléments d’information sur le droit communautaire applicable ou en cours d’élaboration
(article 86-7 du Règlement)

La proposition de loi résulte en partie des travaux conduits par Mme Odile Saugues dans le cadre de ses fonctions de rapporteur d’information de la Commission des affaires européennes, dont les conclusions ont toujours été adoptées à l’unanimité (« L’Union européenne peut-elle assumer la responsabilité de la sécurité aérienne » n° 2164, 16.12.2009).

La Commission des affaires européennes a auditionné, le 1er décembre 2009, M. Antonio Tajani, Vice-président de la Commission européenne, qui a indiqué que :

– « Sur la base des informations transmises par les États membres, l’ASEA, Eurocontrol et l’OACI, la Commission peut décider s’il y a lieu d’interdire certaines compagnies dans l’Union. Suite à certain nombre d’accidents en 2004-2005, et, notamment, celui de Charm-El-Cheik, et suivant en cela la proposition de Mme Odile Saugues, une liste des compagnies interdites ou soumises à des restrictions d’exploitation a été élaborée. »

– « Sans équivalent dans le monde, cette « liste noire » est très efficace, d’une part, pour interdire le ciel européen aux compagnies ne respectant pas les règles de sécurité et, d’autre part, pour informer les citoyens européens sur les transporteurs aériens jugés peu sûrs. Cette liste est révisée tous les quatre mois environ depuis 2006 et concerne près de 250 compagnies aériennes issues de plus de quinze pays. »

– « Un des aspects importants de cet instrument est la protection des droits des passagers. La Commission travaille avec plus de 40 000 agents de voyages pour les tenir informés afin qu’ils puissent trouver des solutions de « re-routage ». La Commission fait actuellement le bilan de l’utilisation de cet instrument et devrait faire une communication avant la fin de l’année. Celle-ci devrait inclure un certain nombre de recommandations pour adapter et renforcer cet instrument. Cela devrait prendre la forme d’une coopération renforcée avec l’OACI et l’attribution de responsabilités accrues à l’EASA qui sera, à partir de 2012, responsable de la délivrance d’autorisations spécifiques aux compagnies et aux aéronefs souhaitant desservir l’Union européenne. L’efficacité de cet outil repose donc essentiellement sur l’obtention d’informations pertinentes de la part de l’OACI, des autorités compétentes des États membres et de l’AESA. Il est capital que l’ensemble des acteurs communique rapidement les informations sensibles pour la sécurité. Il s’agit de garantir la sécurité de tous les citoyens européens et du monde. Il est donc nécessaire d’engager des négociations avec l’OACI pour la mise en œuvre d’une liste noire mondiale. Je compte sur la France et sur l’ensemble des États membres pour pousser dans cette direction. »

L'Union européenne, compétente sur cette question avec la politique dite de « ciel unique », a créé en 2002 l'Agence européenne de sécurité aérienne (AESA), qui apparaît de plus en plus comme la pierre angulaire de la politique de sécurité aérienne communautaire.

La définition d'une liste noire des transporteurs aériens faisant l'objet d'une interdiction d'exploitation dans la Communauté relève du pouvoir propre de la Commission européenne.

Le 22 mars 2006 a été pour la première fois rendue publique la liste noire des compagnies interdites ou soumises à des conditions d'exploitation sur le territoire européen. Cette liste a été depuis lors mise à jour en moyenne tous les quatre mois.

Il faut noter que le système mis en place comporte des éléments de souplesse : l'interdiction d'exploitation des aéronefs n'est pas la seule mesure prévue par la réglementation européenne, puisque de simples restrictions d'exploitation peuvent être également retenues. Les consultations préalables aux décisions qui sont menées avec les compagnies concernées permettent, par ailleurs, parfois à ces dernières d'améliorer la sécurité des leurs aéronefs, leur évitant ainsi une inscription sur la liste noire. Certains transporteurs enfin parviennent à « sortir » de la liste, grâce notamment au travail de contrôle et d'assistance mené par des États européens.

La liste noire communautaire ne concerne pas les vols effectués par des compagnies non européennes en dehors du territoire de l'Union. Elle ne concerne pas non plus les vols de « bout de ligne » qui consistent à assurer un transport depuis un pays de l'Union européenne avec une compagnie autorisée sur le territoire de l'Union et à le terminer, dans un pays non européen, avec une compagnie aérienne figurant sur la liste noire.

© Assemblée nationale

1 () Ariana Afghan Airlines (Afghanistan), Blue Wing Airlines (Suriname), Meridian Airways LTD (République du Ghana), Siem Reap Airways International (Royaume du Cambodge), Silverback Cargo (République du Rwanda).