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N
° 3037

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 décembre 2010.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tchèque sur l’échange de données et la coopération en matière de cotisations et de lutte contre la fraude aux prestations de sécurité sociale,

par M. Jean-Pierre KUCHEIDA

Député

___

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros  :

Sénat : 605 (2008-2009), 310, 311 et T.A 101 (2009-2010).

Assemblée nationale : 2504.

INTRODUCTION 5

I – UNE CONVENTION FRANCO-TCHÈQUE À REPLACER DANS LE CADRE COMMUNAUTAIRE 7

A – LE RENFORCEMENT DES RÈGLES DE COORDINATION DES SYSTÈMES DE SÉCURITÉ SOCIALE AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE 7

B – UNE VOLONTÉ DE DÉVELOPPER LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE PAR DES ACCORDS BILATÉRAUX 8

C – L’INTÉRÊT PARTICULIER DE LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE POUR LES ACCORDS DE CE TYPE 10

II – L’ORGANISATION D’UNE ASSISTANCE MUTUELLE POUR LUTTER CONTRE LA FRAUDE 13

A – LA FIXATION DU CADRE GÉNÉRAL DE LA COOPÉRATION 13

1) Les champs d’application 13

2) Les acteurs de cette coopération 14

3) Les principes généraux 15

4) La protection des données à caractère personnel 15

B – LES FORMES ET DOMAINES DE LA COOPÉRATION 16

1) L’échange et la vérification d’informations 16

2) L’aide matérielle 17

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

_____

ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 23

Mesdames, Messieurs,

La fraude sociale transfrontière peut prendre un grand nombre de formes en fonction de la prestation qu’elle vise et du champ sur lequel elle porte. On distingue ainsi les fraudes selon qu’elles touchent l’état civil, la résidence ou les ressources des bénéficiaires des prestations. Seul l’échange d’informations entre les organismes de sécurité sociale des pays de provenance et de destination des prestations permet de procéder à des recoupements afin de détecter ces fraudes.

Les normes communautaires visent à lever les entraves à la liberté de circulation des travailleurs au sein de l’Union : de nouvelles règles de coordination des systèmes de sécurité sociale sont entrées en vigueur le 1er mai dernier ; mais elles ne prévoient pas de stipulations obligatoires en matière de lutte contre les fraudes. C’est pourquoi les Etats membres ont entrepris de signer des accords bilatéraux dans ce domaine.

L’accord franco-tchèque du 11 juillet 2008 est le premier accord de ce type signé par la France. C’est la partie tchèque qui a pris l’initiative de sa négociation. Les deux pays ont en effet exprimé la volonté de renforcer leurs moyens de lutte contre la fraude sociale, en interne comme au niveau international.

Après avoir rappelé le cadre communautaire, votre Rapporteur présentera les stipulations de cet accord, qui organise à la fois l’échange d’informations et une assistance mutuelle matérielle entre les deux pays.

I – UNE CONVENTION FRANCO-TCHÈQUE À REPLACER DANS LE CADRE COMMUNAUTAIRE

En matière de sécurité sociale, le droit communautaire prévoit une coordination des systèmes nationaux, et pas une harmonisation des législations des Etats membres. Alors que les systèmes de sécurité sociale sont le fruit des traditions et de la culture nationales, la coordination permet à l’État membre de conserver son droit de déterminer les types de prestations et les conditions d’octroi. En revanche, le droit communautaire impose certaines règles et principes afin de garantir que l’application des différents systèmes nationaux ne lèse pas les personnes qui exercent leur droit à la libre circulation. Mais son objet principal n’est pas d’organiser la coopération entre les Etats pour lutter contre les fraudes, laissant ce soin à des accords bilatéraux.

A – Le renforcement des règles de coordination des systèmes de sécurité sociale au sein de l’Union européenne

La coordination des systèmes de sécurité sociale a été mise en œuvre en 1971 par l’adoption du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil (1). Ce règlement a permis de garantir à tous les travailleurs ressortissants des États membres l’égalité de traitement et le bénéfice des prestations de sécurité sociale, quel que soit le lieu de leur emploi ou de leur résidence.

Depuis 1971, ce règlement avait fait l’objet de nombreuses modifications afin de l’adapter aux évolutions des législations nationales et d’intégrer les avancées résultant des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes. Conscient de la complexité croissante des règles communautaires de coordination, le Conseil a présenté en 1998 une proposition de simplification de la législation ayant abouti au règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004.

Depuis le 1er mai 2010, le nouveau règlement européen s’applique aux 27 Etats membres de l’Union européenne et remplace les anciennes dispositions issues du règlement de 1971.

Les évolutions majeures de ce nouveau règlement ont surtout trait aux extensions des différents champs d’application qu’il permet : extension du champ personnel (tous les ressortissants communautaires, y compris les personnes non actives, ainsi que les réfugiés et apatrides sont désormais visés), et du champ matériel (toutes les branches de la sécurité sociale sont concernées, y compris les prestations paternité et dépendance et les régimes légaux de préretraite).

Par ailleurs, les grands principes de coordination en matière de sécurité sociale sont renforcés. Ainsi, le nouveau règlement n’exige plus que la personne concernée réside encore dans un Etat membre pour qu’elle puisse invoquer le principe de l’égalité de traitement. Ce principe d’assimilation de faits implique que les faits ou les événements se produisant dans un Etat membre doivent être pris en considération par un autre Etat membre comme s’ils avaient eu lieu sur son propre territoire. L’instauration d’une disposition unique pour la totalisation des périodes, la levée des clauses de résidence permettant l’exportation de toutes les prestations en espèces (sauf les prestations chômage) et la détermination d’une législation applicable unique pour toutes les personnes couvertes, y compris les titulaires d’un revenu de remplacement et les personnes inactives, constituent également des progrès notables. La durée du détachement (maintien par dérogation d’un travailleur à la législation de l’Etat d’origine) connaît une évolution avec le remplacement d’une période initiale d’un an au plus, renouvelable une fois pour un an au plus, par une période unique de deux ans.

En ce qui concerne les dispositions particulières par branche, on note les évolutions suivantes :

– une amélioration des droits en matière de soins de santé dans certaines situations, par exemple au bénéfice des travailleurs frontaliers en retraite ou invalides qui pourront continuer de percevoir les prestations en nature de l’assurance maladie, sans restrictions, dans l’État de dernière activité ;

– le choix offert à l’assuré, pour les soins reçus pendant un séjour temporaire, entre la prise en charge au titre de la législation de l’État de séjour ou de celle de l’État d’affiliation (avec un complément différentiel le cas échéant) ;

– des simplifications en matière de liquidation des pensions d’invalidité et des améliorations en matière de chômage et de prestations familiales.

Enfin, des dispositions nouvelles renforcent la coopération entre les États : réalisation d’un réseau d’échanges électroniques sécurisés (EESSI) ; mise en place d’un dispositif permettant le recouvrement dans un autre Etat membre des contributions et de prestations indues ; obligation d’information (des assurés et des institutions) dans un équilibre nouveau entre droits et obligations.

B – Une volonté de développer la lutte contre la fraude par des accords bilatéraux

Les Etats membres ont adopté lors du Conseil du 22 avril 1999 une résolution relative à un code de conduite pour une meilleure coopération entre les autorités des États membres en matière de lutte contre la fraude transnationale aux prestations et aux cotisations de sécurité sociale et le travail non déclaré, et concernant la mise à disposition transnationale de travailleurs.

En vertu de cette dernière, les États membres sont invités à prendre les mesures et adopter les procédures nécessaires en vue d’améliorer la coopération dans les domaines visés grâce aux modalités pratiques de coopération et d’entraide administrative suivantes :

– la communication directe entre les organismes compétents ;

– la désignation de centres nationaux de liaison dans les États membres en vue de faciliter la coopération, et la notification de ces centres aux États membres et à la Commission ;

– la transmission de toute demande de coopération à l’organisme compétent de l’État membre ;

– l’entraide administrative des organismes compétents (communication d’informations et transmission de documents).

Les États membres encouragent la coopération entre les organismes compétents en matière de transmission des données et de demande d’informations, tout en respectant le droit à la confidentialité dans le traitement des données à caractère personnel.

Les États membres sont invités à informer la Commission des mesures prises pour mettre en œuvre la présente résolution.

Il n’a pas été dressé, à ce jour, de bilan de la mise en œuvre par les Etats membres du code de conduite de 1999. Toutefois, il apparaît que de nombreux Etats membres ont conclu avec plusieurs partenaires européens des accords de coopération administrative pour lutter contre la fraude aux cotisations et prestations de sécurité sociale sous forme de « memorandums of understanding » (MOU). Conformément aux instructions du Premier ministre qui prohibent ce type de texte, les ministères français compétents déclinent les demandes sous cette forme qui lui sont adressées par nos partenaires. La France ne conclut en la matière que des accords intergouvernementaux, qui nécessitent une ratification parlementaire, ou des arrangements administratifs fixant les modalités d’échange d’informations, prévus par ces accords.

Il faut néanmoins souligner que le lien entre ces développements et le code de bonne conduite est ténu et va en s’affaiblissant. La lutte contre la fraude sociale se décline ainsi en actions menées au plan européen par les Etats membres dans le cadre de la coordination des législations de sécurité sociale.

Le nouveau règlement et son règlement d’application n° 987/2009 ont considérablement renforcé la coopération entre les autorités et entre les institutions des Etats membres. La mise en place d’EESSI va considérablement faciliter et multiplier les échanges de données et, ce faisant, améliorer le contrôle du respect des règles.

Les Etats membres ont par ailleurs engagé, depuis trois ans, des travaux sur la lutte contre la fraude et mis en place un groupe permanent. Des décisions dans le domaine du détachement ont été adoptées en juin dernier par la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale.

Ces actions au niveau européen ne font pas obstacle aux accords bilatéraux : ceux-ci restent nécessaires quand il s’agit de préciser les modalités de mise en œuvre concrète de la coopération. Mais c’est sur le fondement du droit européen et conformément à ses dispositions que ces accords sont conclus.

L’accord avec la République tchèque est le premier accord de ce type que la France a signé. La France a, en outre, conclu, à Paris le 17 novembre 2008, un accord avec la Belgique. Ce dernier a été ratifié, côté français, mais les autorités belges n’ont pas encore terminé leur procédure d’approbation. Il est prévu de conclure des accords similaires avec les autres Etats membres de l’Union européenne et des négociations sont en cours avec le Luxembourg – l’accord a été paraphé le 6 novembre 2009 –, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Des arrangements administratifs sont en cours de préparation – pour fixer les modalités d’application de l’accord belge – ou en discussion – avec le Royaume-Uni.

C – L’intérêt particulier de la République tchèque pour les accords de ce type

Ce premier accord a été conclu avec la République tchèque car il s’agissait avant tout d’une initiative tchèque qui a coïncidé avec le développement au niveau national de la problématique de lutte contre la fraude. Ainsi, un comité national de lutte contre la fraude, transformé, en avril 2008, en délégation nationale de lutte contre la fraude, a été mis en place et a constitué l’enceinte d’une réflexion sur la lutte contre la fraude sur le plan international.

Cet accord a ainsi été négocié sur la base d’un projet tchèque. Par ailleurs, il a revêtu une importance cruciale lors de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne en juillet 2008 et ce, d’autant plus, que la République tchèque a pris le relais en janvier 2009. L’accord est donc également le fruit de cette coopération intensifiée dans le domaine de la sécurité sociale.

La République tchèque avait conclu, fin 2007, un « memorandum of understanding » ayant le même objet avec les Pays-Bas.

La volonté de lutter contre les différentes formes de fraude aux prestations sociales, partagée notamment par la France et la République tchèque, est parfaitement compréhensible au regard des sommes en jeu. Si le Gouvernement ne dispose pas d’informations précises sur l’ampleur des fraudes ayant une dimension internationale, il faut avoir en tête que le total des prestations sociales transférées d’un pays de l’Union européenne vers l’étranger est estimé à 6 milliards d’euros par an, chiffre qui justifie, d’une manière générale, la mise en place de procédures de coopération inter-administratives et de contrôles jusque là inexistantes.

Votre Rapporteur constate néanmoins que les flux financiers franco-tchèques liés aux prestations sociales sont très modestes et que la mise en œuvre de cette coopération ne permettra certainement pas aux systèmes de sécurité sociale de réaliser des économies d’un montant conséquent.

En effet, la communauté française en République tchèque est estimée à 3 300 personnes et environ 35 000 Tchèques vivraient en France. 2 723 Français travaillent actuellement en République tchèque sous le régime du détachement.

Dans ces conditions, les prestations versées par la France en République tchèque et celles payées par cette dernière dans notre pays sont peu élevées. Selon les données fournies par le Centre des liaisons européennes de sécurité sociale, au titre de l’année 2009, le montant des créances de soins de santé présentées à la République tchèque en application des règlements communautaires a été de 1,516 million d’euros. Le montant des dettes notifiées a légèrement dépassé 100 000 euros.

Un montant de 25 000 euros a été versé au titre des prestations familiales aux travailleurs occupés et aux chômeurs indemnisés en France de nationalité tchèque, et aux travailleurs français détachés en République tchèque et accompagnés de leur famille.

S’agissant des rentes pour accidents du travail et maladies professionnelles, les montants transférés ou versés sur un compte de non-résident ont été d’environ 38 000 euros.

La sécurité sociale française a enfin versé à des Français résidant en République tchèque moins de 26 000 euros pour les pensions d’invalidité et 1,91 million d’euros pour les pensions de vieillesse.

II – L’ORGANISATION D’UNE ASSISTANCE MUTUELLE POUR LUTTER CONTRE LA FRAUDE

Cet accord a été négocié sur la base d’un projet rédigé par la partie tchèque. C’est pourquoi il est, sur la forme, différent du modèle français d’accord « pour le développement de la coopération et de l’entraide administrative en matière de sécurité sociale », qui a inspiré directement l’accord franco-belge signé le 17 novembre 2008. Le fond de l’accord est assez proche, l’accord franco-belge étant néanmoins plus complet puisqu’il prévoit notamment l’assistance d’une partie à l’autre pour les contrôles et le croisement de fichiers.

A – La fixation du cadre général de la coopération

L’article 1er de l’accord renvoie la définition des termes utilisés dans l’accord à celle qui leur est donnée dans le règlement du 14 juin 1971. Il précise néanmoins le sens du terme « cotisation », qui désigne toute cotisation ou contribution destinée au financement d’un régime visé par l’accord.

1) Les champs d’application

Le champ d’application territorial de l’accord (article 2) englobe le territoire de la République tchèque et celui de la République française, y compris outre-mer (sont visés tous les « espaces sur lesquels, en vertu du droit international, [elle] exerce des droits souverains ou une juridiction »).

Le champ d’application personnel (article 3) s’étend à toutes les personnes résidant sur le territoire de l’une ou l’autre partie et auxquelles est appliquée la législation sociale : les employés mais aussi les employeurs sont ainsi visés.

Le cœur du champ d’application matériel de l’accord (article 4) est constitué par les législations relatives à la sécurité sociale visées par les règlements communautaires, mais il s’étend aussi à des législations relatives au versement de prestations non contributives exclues du champ de ces règlements : côté tchèque, il s’agit de l’aide sociale de l’Etat, de l’assistance sociale aux personnes handicapées, des secours et des services sociaux ; côté français, est seulement mentionné le revenu minimum d’insertion (RMI). Or, en application de la loi du 1er décembre 2008 (2), le RMI a été remplacé par le revenu de solidarité active (RSA) le 1er juin 2009 : afin que l’accord s’applique à ce dernier, le ministère des affaires étrangères et européennes a adressé, le 23 septembre 2009, une note verbale à l’ambassade de la République tchèque demandant à ce que les stipulations de l’accord relatives au RMI soient entendues comme s’appliquant au RSA. Le 3 novembre suivant, l’ambassade a fait savoir au ministère que le gouvernement tchèque n’avait aucune objection.

Côté tchèque, l’ensemble des prestations existantes entre ainsi dans le champ de l’accord ; tel n’est pas le cas côté français. En effet, en application du chapitre 9 du règlement (CE) n° 883/2004 et de son annexe X, certaines prestations françaises en espèces à caractère non contributif sont exclues de l’application du règlement et ne peuvent donc être versées à l’étranger : il s’agit de l’allocation supplémentaire du fonds spécial d’invalidité et celle du fonds de solidarité vieillesse par rapport aux droits acquis (issues de la loi du 3 juin 1956), de l’allocation pour adulte handicapé (loi du 30 juin 1975), de l’allocation spéciale par rapport aux droits acquis (loi du 10 juillet 1952) et de l’allocation de solidarité pour personnes âgées, à partir du 1er janvier 2006 (ordonnance du 24 juin 2004) (3).

2) Les acteurs de cette coopération

L’accord distingue les « institutions compétentes », traitées à l’article 5, et les « organismes de liaison », de l’article 6.

L’article 5 renvoie d’abord aux institutions compétentes mentionnées à l’annexe 2 du règlement (CEE) n° 574/72 du 21 mars 1972 dit « règlement d’application » : celui dresse la liste, pour chaque pays, des organismes compétents pour chacun des risques concernés ; la liste concernant la France occupe six pages de cette annexe, celle relative à la République tchèque se limite à une page et demie.

L’article 5 apporte ensuite des compléments à cette liste, qui correspondent aux organismes chargés du recouvrement des cotisations et à ceux liés aux prestations non contributives visées à l’article 4. Pour le volet du recouvrement, sont citées l’administration de la sécurité sociale tchèque et les compagnies d’assurance santé pour la partie tchèque, les Unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) et les autres organismes de sécurité sociale chargés du recouvrement pour la partie française. Pour les autres prestations, sont mentionnés les centres pour l’emploi et les conseils locaux côté tchèque, les caisses d’allocations familiales côté français.

Pour ce qui est des organismes de liaison, il s’agit, pour la France, du seul Centre de liaisons européennes et internationales de sécurité sociale, tandis que différentes administrations tchèques sont concernées selon le type de prestation.

3) Les principes généraux

Fixés à l’article 7, les principes généraux de coopération sont classiques :

– cette coopération consiste, pour les acteurs mentionnés supra, à communiquer entre eux et se prêter mutuellement assistance ;

– elle est en principe gratuite, mais les autorités compétentes peuvent convenir par écrit du remboursement de certains frais ;

– les documents fournis en application de l’accord sont considérés comme authentiques ;

– il doit être répondu à toute demande d’information « dans les meilleurs délais » et au plus tard dans les trois mois ;

– les demandes et les documents peuvent être présentés dans la langue officielle de l’une ou l’autre partie ;

– seules peuvent être refusées les demandes d’informations qui sont « susceptibles d’avoir une incidence sur la souveraineté, la sécurité ou l’ordre public ou tout autre intérêt important d’une partie contractante » : ces stipulations figurent dans tous les accords de coopération, quel qu’en soit le domaine ; il est prévu ici que la partie requise en informe ses autorités compétentes et la partie requérante sans délai en précisant les motifs du refus de transmission.

4) La protection des données à caractère personnel

Les accords de coopération signés par la France comportent toujours, dès qu’ils impliquent l’échange de données à caractère personnel, un article relatif à la protection de celles-ci. Tel est ici le cas de l’article 17.

Le premier point traite de l’usage qui peut être fait des informations à caractère personnel qui ont été transmises : il est limité à l’application des législations auxquelles l’accord s’applique. Elles ne peuvent être communiquées à des autorités extérieures à l’application de celles-ci qu’après autorisation de l’institution que les a transmises et accord de la personne concernée.

L’institution requise peut demander à être informée de l’usage qui en a été fait et des résultats obtenus. En cas de transmission de données erronées ou qui n’auraient pas dû être communiquées, le destinataire doit en être informé et sera obligé de les rectifier ou de les détruire.

La personne concernée a un droit d’accès à ces informations, en application de la législation de l’Etat où se trouve l’institution à laquelle leur communication a été demandée.

Les données doivent être détruites après utilisation.

Pour assurer le suivi des informations à caractère personnel, les institutions requise et requérante doivent enregistrer leur transmission, leur réception et leur destruction et « protéger efficacement les données personnelles transmises des utilisations non autorisées ». Dans la mesure où elles partagent cette responsabilité, une personne qui s’estime lésée par le traitement de données la concernant pourrait donc se retourner contre l’une ou l’autre, voire les deux, pour obtenir réparation du préjudice éventuel. Il est probable que, pour des raisons pratiques, elle mettra plutôt en cause la responsabilité de l’institution du pays où elle réside et/ou travaille.

Comme il est précisé dans le premier alinéa de l’article 17, ces dispositions régissent l’échange des renseignements personnels « sous réserve du respect de la législation en vigueur sur le territoire de chaque partie contractante ». De tels échanges ne peuvent donc être réalisés qu’avec des partenaires dont la législation en la matière est suffisamment protectrice. Tel semble être le cas de la République tchèque. La Commission nationale informatique et liberté (CNIL) considère que le niveau de protection des données y est équivalent à celui de la France. En outre, la loi tchèque du 4 avril 2000 prévoit explicitement que l’autorité analogue à la CNIL exerce aussi sa compétence de surveillance dans le domaine de la protection des données personnelles en application des traités internationaux.

B – Les formes et domaines de la coopération

L’article 7 stipule que les différents acteurs « communiquent entre eux et se prêtent mutuellement assistance » : les articles 8 à 16 de l’accord précisent les formes et les domaines de cette coopération. On peut distinguer ce qui relève de l’échange ou de la vérification d’informations, et ce qui peut être regroupé sous le terme d’aide matérielle, une institution remplissant sur son territoire de compétence certaines des missions pour le compte de l’institution de l’autre Etat.

1) L’échange et la vérification d’informations

En application de l’article 10, l’institution d’un Etat peut être amenée à vérifier les éléments nécessaires à celle de l’autre Etat pour déterminer la législation applicable et établir l’assiette des cotisations. Il en est de même, en vertu de l’article 12, pour le droit d’un requérant à la prestation qu’il demande : l’autre Etat peut avoir à mener toutes les investigations nécessaires pour vérifier ce droit ; il transmet toutes les informations dont il dispose ou qu’il a recueillies. Pour ce faire, il procède de la même manière que pour l’examen d’une demande de prestation au titre de sa propre législation. Le même article dresse la liste des informations qui peuvent être concernées par ces vérifications. Peuvent aussi être demandées des informations nécessaires pour établir qu’une personne est un travailleur frontalier. Dans tous ces cas, il appartient à l’institution d’un Etat partie de faire la demande de vérification auprès de celle de l’Etat partenaire. Une fois des données transmises, l’institution d’origine peut informer celle qui en était destinataire de tout changement constaté dans ces données, même si aucune demande ne lui a été faite. Elle est même tenue de signaler à l’autre partie s’il y a lieu de penser que des prestations ont été abusivement perçues par des personnes vivant sur son territoire.

Les articles 16 et 17 s’appliquent aussi indépendamment de toute demande particulière. Le premier porte sur la coopération en cas d’emploi illicite : une institution informe l’institution partenaire lorsqu’elle a connaissance de l’emploi illicite de personnes qui résident ou sont censées résider sur le territoire de l’autre Etat. Il devra en être de même si elle possède des éléments permettant de douter que les conditions de détachement d’un travailleur migrant sont effectivement remplies.

Sur la base des informations transmises par une partie, l’autre pourra refuser, suspendre ou supprimer une prestation, comme le prévoit l’article 13 de l’accord.

2) L’aide matérielle

En plus de fournir ou de vérifier des informations, les institutions de sécurité sociale s’apportent une aide mutuelle dans la réalisation de différentes opérations.

Ainsi, l’article 8 de l’accord prévoit l’assistance de l’institution d’un Etat partie à celle de son partenaire si cette dernière rencontre des difficultés pour faire parvenir un document à son destinataire situé sur le territoire de l’autre Etat.

L’article 10 autorise le recouvrement, y compris le recouvrement forcé, sur un territoire des cotisations dues à une institution de l’autre Etat. Il renvoie aux règles fixées à l’article 92 du règlement n° 1408/71, qui stipule que ce recouvrement s’opérera alors « suivant la procédure administrative et avec les garanties et privilèges applicables au recouvrement des cotisations dues à l’institution correspondante » dans l’Etat où le recouvrement est effectué.

Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions et des actes exécutoires, posé à l’article 11, permettra l’exécution des décisions prises par l’institution d’un Etat dans l’autre, en application de la législation en vigueur dans le second.

En application de l’article 12, des examens médicaux prévus par la législation d’un Etat pourront être effectués sur le territoire de l’autre, au frais de l’institution qui les a demandés.

CONCLUSION

Les gains financiers que l’on peut attendre de la coopération franco-tchèque en matière de lutte contre la fraude aux prestations sociales sont extrêmement faibles et ne justifient pas en eux-mêmes la conclusion d’un accord bilatéral. Cette dernière répond plutôt à la volonté de lancer un mouvement ayant vocation à concerner tous les Etats de l’Union : si les Vingt-sept étaient tous liés par de tels accords, le dispositif aurait certainement un effet dissuasif important. En tout état de cause, cet accord n’induira pas de dépenses supplémentaires pour les organismes concernés.

Traduisant en actes son souci de combattre les fraudes de ce type, la République tchèque a achevé sa procédure de ratification de l’accord dès octobre 2009.

Le Sénat a adopté le projet de loi visant à autoriser son approbation le 6 mai 2010. Votre Rapporteur est favorable à son adoption par l’Assemblée nationale.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission examine le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 15 décembre 2010.

Après l’exposé du Rapporteur, un débat a lieu.

Mme la présidente Martine Aurillac. La République tchèque a-t-elle ratifié cet accord ?

M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur. Oui, depuis le mois d’octobre 2009.

M. Philippe Cochet. Vous avez précisé les montants sur lesquels porte cet accord. Suspecte-t-on des fraudes relatives à certaines prestations en particulier ?

M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur. Pas à ma connaissance.

M. François Rochebloine. Existe-t-il une convention similaire entre la France et la Slovaquie ?

M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur. Non, il n’existe que celles que j’ai précédemment citées avec la Belgique et la République tchèque. Je n’ai pas été informé d’un quelconque projet entre la France et la Slovaquie.

M Jacques Remiller. L’article 2 de l’accord précise le champ d’application de l’accord mais ne cite pas explicitement les territoires d’outre-mer. Les TOM sont-ils concernés par cette convention ? Par ailleurs, le premier alinéa de l’article 4 évoque la question des aides d’Etat techniques : quelles sont les dépenses visées par ce dispositif ?

M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur. L’article 2 précise que l’accord s’applique sur tous les territoires où la France exerce sa souveraineté ou sa juridiction, ce qui comprend donc les TOM. L’expression que vous citez et que l’on trouve dans l’article 4 renvoie à des prestations sociales non contributives.

M. Robert Lecou. Existe-t-il des problèmes spécifiques de fraude aux prestations sociales entre la France et la République tchèque ? Quels sont les organismes de contrôle chargés de faire respecter cet accord ?

M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur. La liste des organismes français et tchèques figure à l’article 5 de l’accord. Il s’agit de l’ensemble des institutions listées dans l’annexe 2 du règlement européen de 1999 sur la coopération entre les autorités des Etats membres en matière de lutte contre la fraude.

En outre, pour la République tchèque, sont concernés l’administration de la sécurité sociale tchèque, les compagnies d’assurance santé, les centres pour l’emploi du lieu où une personne donnée réside ou, le cas échéant, exerce son activité professionnelle et éventuellement les conseils locaux du lieu où une personne donnée réside à titre permanent ou séjourne habituellement.

Pour la France, sont également concernées les Unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) et autres organismes de sécurité sociale chargés du recouvrement des cotisations ainsi que, pour le RSA, les caisses d’allocations familiales.

S’agissant de la question des problèmes spécifiques liés à la fraude entre la France et la République tchèque, cette convention a plutôt vocation à prévenir l’apparition de telles difficultés, et pas à corriger la situation existante.

M. Michel Terrot. Lorsque j’étais président du groupe d’amitié France – République tchèque, il me semble que la communauté des Français résidants là-bas était bien plus importante que les 3 000 personnes que vous avez évoquées.

M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur. Il s’agit là des seuls Français immatriculés auprès du consulat, tous les Français présents n’ayant pas forcément effectué cette démarche. En effet, la République tchèque est un partenaire naturel pour notre pays et il est très facile de s’y rendre. Prague est plus proche des villes du nord de la France que Nice !

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission adopte sans modification le projet de loi (n2504).

*

* *

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi dans le texte figurant en annexe du présent rapport.

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tchèque sur l’échange de données et la coopération en matière de cotisations et de lutte contre la fraude aux prestations de sécurité sociale, signé à Chantilly, le 11 juillet 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 2504).

© Assemblée nationale

1 () Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté.

2 () Loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

3 () Côté tchèque, seule l’allocation sociale issue de la loi n° 117/1995 sur l’aide sociale de l’État figure dans cette annexe, mais l’article 4 de l’accord la réintroduit dans son champ d’application.