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N° 3289

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 mars 2011.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

sur le projet de loi (N° 3194), adopté par le Sénat,
autorisant l’approbation de
l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun instituant un partenariat de défense

PAR M. Philippe FOLLIOT,

Député.

——

Voir les numéros : 

Sénat : 351, 639, 640 (2009-2010) et T.A. 73 (2010-2011).

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 5

I —  L’ÉVOLUTION DE LA COOPÉRATION MILITAIRE ENTRE LA FRANCE ET L’AFRIQUE
JUSTIFIE UNE RÉNOVATION DES ACCORDS DE DÉFENSE
7

A. LA RECONFIGURATION DU DISPOSITIF FRANÇAIS EN AFRIQUE 7

B. LA PRISE DE RESPONSABILITÉ CROISSANTE DES PARTENAIRES AFRICAINS DE LA
FRANCE REND LES ANCIENS ACCORDS DE DÉFENSE OBSOLÈTES
9

C. L’ÉMERGENCE DE NOUVEAUX DÉFIS IMPOSE DE RENOUVELER LES
PARTENARIATS
13

1. L’émergence de nouvelles menaces 13

2. L’apparition de nouveaux acteurs 14

II —  LE PRÉSENT ACCORD TRADUIT EN DROIT UN PARTENARIAT MODERNE ET
ÉQUILIBRÉ AVEC LE CAMEROUN
17

A. LA COOPÉRATION MILITAIRE AVEC LA RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN RELÈVE D’UN PARTENARIAT STRATÉGIQUE ANCIEN ET SOLIDE 17

1. Un partenaire stratégique 17

2. Les forces armées camerounaises 20

3. Le premier bénéficiaire de la coopération militaire française 20

B. LE NOUVEL ACCORD RÉPOND AUX ORIENTATIONS GÉNÉRALES RETENUES PAR
LE LIVRE BLANC
23

C. UN CONTENU STANDARD 24

1. Une perspective régionale 24

2. Les activités de coopération 25

3. Faciliter la mise en œuvre de la coopération 25

4. Statut des personnes et droit applicable 26

5. Encadrement fiscal et sanitaire des personnels 27

6. Le suivi 28

7. Dispositions diverses 28

D. L’ACCORD AVEC LA RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN COMPORTE NÉANMOINS
QUELQUES SPÉCIFICITÉS
29

1. Sur le statut des personnes 29

2. Le cas spécifique de la mission logistique de Douala 29

3. Autres mesures particulières 30

CONCLUSION 31

TRAVAUX DE LA COMMISSION Erreur ! Signet non défini.

ANNEXES 43

I —  AUDITIONS 43

II —  TEXTE DE L’ACCORD DE PARTENARIAT DONT LE PROJET DE LOI AUTORISE L’APPROBATION 44

III —  DISCOURS PRONONCÉ AU CAP PAR LE PRESIDENT DE LA RÉPUBLIQUE LE
28 FÉVRIER 2008
50

IV —  SECTIONS DU LIVRE BLANC CONSACRÉES AUX ACCORDS DE DÉFENSE 61

V —  DISPOSITIONS DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE POUR 2009-2014
RELATIVES AUX ACCORDS DE DÉFENSE
67

INTRODUCTION

Lors de son discours prononcé au Cap le 28 février 2008, le Président de la République a souhaité ouvrir une nouvelle ère de coopération franco-africaine dans le domaine de la défense. Il a voulu marquer une rupture avec la période des indépendances, caractérisée par une présence militaire française forte, devant notamment garantir la sécurité des nouveaux États. Il a ainsi indiqué que : « La relation entre la France et l’Afrique ne peut plus être fondée sur des accords et sur des politiques qui sont des survivances d’une époque où le monde était bien différent de ce qu’il est aujourd’hui » et que « ce qui a été fait en 1960 n’a plus le même sens aujourd’hui. Leur rédaction est obsolète. […] L’Afrique de 2008 n’est pas l’Afrique de 1960 ! La France en tirera toutes les conséquences avec ses partenaires africains. ».

Il s’agissait donc d’abroger les anciens accords de défense pour les remplacer par un texte unique liant la France à chacun des États partenaires. 

Qu’est-ce qu’un accord de défense ?

La notion d’accord de défense ne correspond pas à une catégorie juridique particulière. Il s’agit d’un traité ou accord international, répondant aux critères de constitutionnalité de droit commun. Sa spécificité est de porter sur des questions de défense, matière évidemment sensible.

La France a contracté plusieurs dizaines d’accords bilatéraux touchant aux questions de défense, qu’il s’agisse de coopération militaire, de formation, ou encore d’armement. Sont désignés comme « accords de défense » ceux d’entre eux conclus avec certains États africains au lendemain de leur indépendance ou, plus récemment, avec des États du Golfe persique et instaurant notamment une forme de solidarité militaire avec eux.

Le Livre blanc sur la défense en a publié une liste officielle (1), recensant des accords avec huit pays africains (Cameroun, République centrafricaine, Comores, Côte d’Ivoire, Djibouti, Gabon, Sénégal et Togo) ainsi qu’avec trois États du Golfe persique (Émirats arabes unis, Koweït et Qatar).

Longtemps annoncée, la rénovation juridique de la relation de défense entre la France et l’Afrique est donc en marche. Initiée par la Président de la République en février 2008, elle s’est traduite en termes stratégiques dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, publié au mois de juin suivant.

La loi de programmation militaire (LPM) pour la période 2009-2014 a traduit cette volonté sur le plan législatif. Le Parlement a validé la nécessité de renouveler ces accords dans un esprit partenarial, tout en insistant sur son information au cours du processus de négociation.

Les nouveaux accords touchant notamment à des dispositions fiscales et au statut des personnes, l’article 53 de la Constitution conditionne leur approbation à une autorisation parlementaire.

C’est l’objet du présent projet de loi. Il s’agit de permettre l’approbation de l’accord établissant un partenariat de défense avec la République du Cameroun, adopté par le Sénat le 1er mars 2011.

I —  L’ÉVOLUTION DE LA COOPÉRATION MILITAIRE ENTRE LA FRANCE ET L’AFRIQUE JUSTIFIE UNE RÉNOVATION DES ACCORDS DE DÉFENSE

A. LA RECONFIGURATION DU DISPOSITIF FRANÇAIS EN AFRIQUE

La décolonisation française en Afrique n’a pas conduit à la disparition de la présence militaire de la France sur ce continent. Bien au contraire, la France et les États nouvellement indépendants ont généralement tenu à conserver des liens de solidarité qui se sont traduits par le maintien de troupes, par des actions de coopération et notamment de formation, mais aussi par l’établissement d’accords encadrant cette relation. Il faut insister sur ce point : Français comme Africains étaient demandeurs d’une relation de défense suivie et privilégiée.

Au cours des années 1960, la France a maintenu des éléments au Sénégal, à Madagascar, en République Centrafricaine (RCA), en Côte d’Ivoire, au Tchad, au Gabon et à Djibouti, avec au total environ 30 000 hommes constituant des forces dites de présence.

Leur nombre a régulièrement diminué, passant de 20 000 dans les années 1970 à 15 000 dans les années 1980. Le conseil de défense de février 2010 a tiré les conséquences des préconisations du Livre blanc sur la défense en confirmant la décroissance des effectifs basés en Afrique : de 6 500 militaires aujourd’hui (5 400 en se limitant au personnel hors statut « opérations extérieures »), à 4 100 militaires en 2014.

Le nombre d’implantations a lui aussi diminué. À la demande des autorités locales, la France a quitté Madagascar en 1973, repliant son dispositif sur l’île de la Réunion. En 1996, les éléments français d’assistance opérationnelle se sont retirés de RCA, seul un détachement restreint y demeurant en soutien de la force multinationale africaine en RCA (FOMUC) puis de la mission du conseil de paix et de sécurité de la communauté économique de l’Afrique centrale (CEAC), dite MICOPAX, depuis 2008 (il s’agit de l’opération extérieure Boali).

En Côte d’Ivoire, le 43e bataillon d’infanterie de marine de Port Bouet ayant été dissout en 2009, seule subsiste aujourd’hui la force Licorne, en appui de l’opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI), dont le retrait est conditionné à la normalisation de la situation politique et sécuritaire du pays.

Au Tchad, les éléments français (EFT) stationnés à N’Djamena et à Abéché, sont présents depuis 1986 au titre du dispositif Épervier, pour contribuer à la préservation de l’intégrité territoriale du pays. Le président Déby a évoqué en août 2010 la possibilité d’une négociation sur le maintien ou non de tout ou partie de ces forces selon un statut et des modalités à définir.

À la suite du Livre blanc, le dispositif français sera recentré sur :

- deux bases opérationnelles avancées, Djibouti et Libreville (une pour chaque façade continentale de l’Afrique) ;

- deux pôles opérationnels de coopération, incluant la fonction de point d’appui, notamment logistique et opérationnel, à Dakar et, peut-être à terme, à N’Djamena.

Dans le même temps, le rôle des forces françaises a lui aussi évolué. Les forces de présence étaient destinées à former les armées des États nouvellement indépendants et à garantir leur souveraineté. Le développement des crises africaines au cours des années 1970 et 1980 dans lesquelles la France a dû intervenir a conduit à repenser son dispositif en Afrique. Les éléments présents sont devenus le premier niveau de réaction aux crises, avec pour mission de préparer l’intervention de forces plus conséquentes.

À partir de 1997, la France a initié de nouvelles actions de partenariat au travers du concept de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (dispositif RECAMP). L’objectif est de donner aux Africains les moyens de concevoir et de mener de façon autonome les opérations de maintien de la paix sur leur continent. Le dispositif a été refondu en 2004 pour l’intégrer au partenariat Union européenne – Union africaine (EURO RECAMP).

Au final, la présence militaire de la France sur le continent africain a connu une décroissance considérable en 30 ans, avec une transformation radicale de son rôle. Pour autant, la présence de notre pays sur ce continent comme ses efforts d’accompagnement des États africains restent à ce jour sans équivalent.

La carte ci-après décrit la présence militaire française en Afrique le 30 mars 2011.

Présence militaire française en Afrique

Source : ministère de la défense.

B. LA PRISE DE RESPONSABILITÉ CROISSANTE DES PARTENAIRES AFRICAINS DE LA FRANCE REND LES ANCIENS ACCORDS DE DÉFENSE OBSOLÈTES

Les anciens accords visaient à accompagner des États fragiles, encore incertains de leur sécurité régionale, voire intérieure. Ils sont devenus obsolètes à mesure que convergeaient trois évolutions de fond : la volonté d’autonomie accrue de ces États, la mauvaise presse des accords, et, surtout, la régionalisation des enjeux sécuritaires sur le continent africain.

En premier lieu, l’évolution propre des partenaires africains de la France a contribué à remettre en cause l’architecture de sécurité issue de l’indépendance. Comme il a été indiqué, à la demande des autorités malgaches, les forces françaises se sont intégralement repliées sur l’Île de la Réunion en 1973. Plus récemment, le Gouvernement sénégalais a manifesté son souhait de voir diminuer la présence militaire française sur la base de Dakar.

La deuxième évolution de fond expliquant l’obsolescence des accords issus des indépendances réside dans l’affirmation des structures de coopération régionales africaines. En particulier, les États de l’Union africaine ont adopté en 2002 la création d’une force africaine en attente (FAA). Il s’agit du bras armé de l’architecture de paix et de sécurité africaine.

Cette force constituée de contributions étatiques doit permettre la mise en œuvre des actions de prévention et de gestion des crises africaines. L’Union européenne fait du soutien à la FAA un pilier de son partenariat stratégique avec l’Afrique.

Formée de brigades régionales, avec autant d’états-majors permanents, et rassemblant des unités en attente stationnées dans leurs pays d’origine, cette force est susceptible d’être déployée sur court préavis selon six scenarii, de la mission politique à la mission d’urgence de haute intensité (en cas de génocide par exemple).

Chaque brigade est gérée par une organisation sous-régionale, qui peut être soit une communauté économique régionale (2), soit un mécanisme de coordination ad hoc (3).

En 2006, la France a proposé à ses partenaires africains de faire évoluer son dispositif militaire permanent en Afrique, afin de favoriser la mise sur pied de l’architecture de paix et de sécurité africaine.

Le dispositif a été organisé selon le principe du jumelage entre les grands commandements français interarmées et les quatre principales organisations régionales africaines (4) : l’EMIA (5) des forces françaises du Cap-Vert au Sénégal et la communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (CEDEAO), l’EMIA des forces françaises au Gabon et la communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC), l’EMIA des forces françaises de Djibouti et l’IGAD, le commandement supérieur de la zone sud de l’océan Indien.

La force africaine en attente devait être opérationnelle en 2010, mais l’échéance a été repoussée à l’horizon 2015, en raison d’un certain nombre de difficultés d’ordre politique, technique, financier. En particulier, les experts pointent des faiblesses structurelles liées au manque d’interopérabilité des forces, à leur manque de capacité de projection, à une faiblesse des ressources humaines, ainsi qu’à une insuffisante coordination entre les différentes structures concourant au système de sécurité africain.

Enfin, troisième facteur concourant à l’obsolescence des anciens accords, le faible recours aux clauses d’assistance contenues dans les accords était devenu lui aussi révélateur de leur caducité. Selon ces dispositions, la France s’engageait à intervenir pour défendre l’intégrité territoriale de l’autre partie. Cela se justifiait compte tenu de la faiblesse de leurs forces armées à cette époque : la France devait assumer cette responsabilité compte tenu notamment d’un contexte régional comme international de rivalité Est-Ouest. Ces clauses constituaient un puissant soutien pour nos partenaires en cas d’agression, avec une valeur dissuasive, et permettaient dans le même temps à la France de maintenir ses positions.

La mise en œuvre des clauses d’assistance mutuelle

Les clauses d’assistance ont été invoquées à neuf reprises pour quatre pays.

- Cameroun : opération Aramis en 1996.

- Djibouti : opération Khor Angar en 1999.

- Comores : opération Azalée 1/2 en 1995.

- RCA : opérations Almandin 1/2/3 en 1996 et 1997, Cigogne en 1997 et Boali en 2003.

Il apparaît que cette clause a surtout été invoquée par la partie centrafricaine. L’État y souffre d’une faiblesse structurelle et ne parvient pas à assurer la stabilité du pays face à des mouvements de contestation centrifuges relativement nombreux et disposant d’appuis extérieurs.

De son côté, le Cameroun n’a invoqué cette clause qu’à une seule reprise, en 1996, lors de la crise Bakassi, presqu’île alors disputée entre ce pays et le Nigeria.

Au début de l’année 1996, les troupes nigérianes occupaient en effet les deux tiers de cette presqu’île, camerounaise en vertu des limitations de frontières déterminées en 1913. En vertu de l’accord de défense liant la France au Cameroun, la France a déclenché en février 1996 l’opération ARAMIS qui s’est essentiellement traduite par un appui en termes de renseignement et de conseil. Cette opération a permis de geler le conflit, la diplomatie prenant progressivement le pas sur les armes.

De fait, la presqu’île a été restituée au Cameroun par le Nigeria le 14 août 2008, à la suite d’un arbitrage international, validé par les accords de Greentree du 12 juin 2006. L’opération a pris fin le 31 mai 2008, deux mois avant la restitution de la presqu’île.

Plus polémiques étaient les clauses relatives au maintien de l’ordre. Tenues secrètes, elles permettaient à l’État partenaire de solliciter l’appui de moyens français pour faire face à une grave menace interne, de type subversif, soit par l’intervention de forces, soit par un soutien matériel ou technique. Tous les accords de défense africains ne le prévoyaient pas nécessairement. D’après le ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE), les accords liant la France au Cameroun n’en contenaient pas.

Même si elles n’étaient plus invoquées, le temps était venu de les abroger : elles incarnaient trop la « Françafrique ». C’est ce qu’a décidé le Parlement, lors de l’adoption de la LPM pour 2009-2014 (cf. annexes), en enjoignant le pouvoir exécutif d’entamer des négociations pour la conclusion de nouveaux accords en abrogeant notamment les clauses d’assistance au maintien de l’ordre. Le rapporteur se félicite de cette abrogation, les éléments relatifs au maintien de l’ordre n’étant que du ressort intérieur de ces États. Cette évolution est positive, notamment dans le contexte d’éveil à la démocratie de nombreux peuples sur ce continent, comme l’illustrent les récents exemples tunisiens et égyptiens.

Le rapporteur observe que la même loi de programmation militaire prévoyait l’information du Parlement des orientations de ces accords au cours de leur négociation. Il regrette qu’aucune information particulière n’ait été donnée.

La France a pris acte de ces trois grandes évolutions et propose à ses partenaires de négocier un cadre juridique mieux adapté. Cette démarche partenariale doit maintenir des liens avec nos partenaires africains, liens d’autant plus étroits que les défis à relever sont nombreux.

C. L’ÉMERGENCE DE NOUVEAUX DÉFIS IMPOSE DE RENOUVELER LES PARTENARIATS

Le double constat de l’autonomie accrue des Africains comme du relatif désengagement français ne doit pas occulter la nécessité de maintenir une relation de coopération étroite avec nos partenaires : l’évolution du contexte stratégique justifie pleinement non pas d’abroger purement et simplement nos accords de défense mais bien de les renouveler.

1. L’émergence de nouvelles menaces

Le Livre blanc sur la défense a identifié un arc de crise partant de la côte nord atlantique de l’Afrique à l’océan Indien, concentrant les principales menaces pesant sur la France et l’Europe. Il recense des facteurs de risques mêlés et transnationaux, tels que le terrorisme ou encore la criminalité organisée.

Pour beaucoup, il conviendrait aujourd’hui d’ajuster sa définition en le recentrant davantage sur la partie nord de l’Afrique, pour y inclure explicitement le Sahel, y compris sa bande sud, dont des pays tels que le Cameroun sont mitoyens.

En effet, l’actualité a tragiquement illustré la recrudescence des menaces pesant dans cette région, et s’exerçant d’une façon directe sur les ressortissants et intérêts français.

Les prises d’otages et attentats revendiqués par le mouvement Al Qaida au Maghreb islamique ont frappé l’opinion. Elles ont révélé la faiblesse des États de la région et la vulnérabilité de nos intérêts. Elles ont également révélé la convergence d’éléments rendant peu optimiste à moyen terme : porosité complète des frontières, circulation incontrôlée des armes, de la drogue comme des terroristes, jeux parfois ambivalents de certaines autorités, radicalisation partielle du paysage religieux, corruption et, surtout, sous-développement chronique.

Sur les côtes africaines, la piraterie maritime connaît aujourd’hui une ampleur sans précédent, qu’elle se trouve au large des côtes de la Somalie, où près de 800 marins sont actuellement retenus en otages, ou dans le golfe de Guinée, pourtant devenu stratégique pour un Occident qui cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement énergétique (6).

Au-delà, certaines zones connaissent des soubresauts difficiles à anticiper. Quand bien même certaines crises localisées n’auraient pas d’impact direct pour la sécurité nationale (crises soudanaises, instabilité des grands Lacs, etc.), elles n’en restent pas moins des facteurs de déstabilisation du continent voisin de l’Europe. Elles peuvent avoir des conséquences pour notre pays, y compris du point de vue des questions migratoires.

On le voit, la France aurait tort de baisser la garde. Plus que jamais, elle doit conserver une présence minimale lui permettant d’intervenir le cas échéant sur l’ensemble du continent et, dans le même temps, elle doit poursuivre son effort de renforcement des capacités africaines de gestion de crise. C’est tout l’objet des accords de partenariat en matière de défense.

Ceux-ci aboutissent à point nommé, alors que des acteurs majeurs se positionnent sur ce continent.

2. La concurrence d’autres acteurs

Parmi les principaux acteurs se trouvent les États-Unis, la Russie la Chine et l’Union européenne.

Les États-Unis sont très présents en Afrique depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Un équilibre de fait s’était institué pour reconnaître à la France un rôle de « gendarme » de l’Afrique francophone. Les années 1990 et la présidence Clinton ont vu un réengagement américain sur le continent, plus ou moins heureux, marqué par l’intervention en Somalie de 1993, et un regard favorable porté sur la rébellion conduite par Laurent Désiré Kabila contre le président du Zaïre de l’époque, M. Mobutu, ou encore le discours symbolique du président à Gorée au Sénégal (7). Les années 2000 ont vu la poursuite de cet investissement, portée en particulier par la lutte antiterroriste.

De ce point de vue, la mise en place du quartier général américain AFRICOM en 2008 illustre l’importance que le continent africain revêt aujourd’hui pour leurs intérêts stratégiques. L’action de ce commandement dédié (sans troupes à sa disposition) modifie les équilibres antérieurs : par sa puissante capacité d’action, AFRICOM exerce une attraction avérée sur les États africains, ce qui réduit d’autant l’influence française.

La Russie est présente de longue date sur le continent africain. Les années 2000 ont vu un retour des ambitions russes, qui avaient fortement décru lors de la chute de l’Union soviétique. Elle fait désormais preuve d’un activisme marqué à l’adresse d’un nombre restreint de pays, généralement exportateurs d’hydrocarbures (Algérie, Nigeria, Angola, Namibie), et avec lesquels les partenariats portent souvent sur des questions politiques et sur la fourniture d’armements.

La Chine ambitionne de devenir une puissance globale. L’Afrique représente un axe essentiel de sa politique étrangère, à la fois comme relais de son influence – le pays se veut le porte-voix des pays en développement – et comme partenaire économique et commercial. La Chine mène une politique décomplexée, libre de toute idéologie pour implanter ses intérêts. D’après les informations communiquées au rapporteur, elle a établi une relation de coopération militaire avec une trentaine de pays africains (accords de coopération militaire et contrats de fourniture de matériel militaire) et réalise ainsi d’importants transferts d’armements, souvent comme corollaire de contrats économiques (les producteurs d’hydrocarbures figurent en bonne place parmi ses partenaires). Elle aide, en outre, certains États à développer une production locale d’équipements militaires (Soudan, Zimbabwe, Ouganda, Mali, Tanzanie). Enfin, Pékin dispense des formations en Afrique et en Chine (Angolais, Ivoiriens, Érythréens, Malgaches, Guinéens, Tanzaniens, Zimbabwéens).

La politique chinoise est parfois contestée : des ventes d’armes sont effectuées dans des zones de conflit et une coopération militaire est établie avec des pays au ban de la communauté internationale (Zimbabwe), ou qui entretiennent avec elle des relations difficiles (Soudan).

De même, l’utilité des actions de coopération n’est pas toujours évidente pour les populations. Au cours du déplacement au Cameroun d’une délégation parlementaire (8), le rapporteur a constaté à Yaoundé qu’un palais des sports avait été offert par la République populaire de Chine à la République camerounaise. Il s’agit d’un cadeau « remarquable », mais on peut regretter qu’il ait été construit par une main-d’œuvre chinoise et des matériels de construction importés, sans impliquer les populations et l’économie locales. On peut avoir des doutes sur les motivations et sur la liberté des personnes travaillant sur ces chantiers dans des conditions plus que précaires, tant sur un plan juridique que financier.

En parallèle, la France mène quant à elle des programmes en haut intensité de main-d’œuvre, ainsi que des travaux structurants dans le cadre des contrats de désendettement et de développement (CDD) qui sont eux beaucoup plus profitables à la population locale.

L’Union européenne est également devenue un acteur majeur. Elle le doit notamment à l’impulsion de la France, mue par des raisons politiques, financières et stratégiques. Elle est un acteur militaire qui compte, par des actions de formation (EURO RECAMP), mais aussi par de véritables opérations militaires. L’opération EUFOR Tchad a permis de sécuriser les camps de réfugiés et de déplacés au Tchad, victimes des guerres au Soudan. Sous l’impulsion de la France, près de 3 700 hommes ont été mobilisés et sont parvenus à transmettre leur responsabilité aux forces de l’ONU (la MINURCAT (9)).

L’opération EUNAVFOR Atalante actuellement en cours est plus révélatrice encore. Déployée depuis le 8 décembre 2008 pour escorter les navires du programme alimentaire mondial ainsi que les navires de commerce transitant au large de la Somalie, elle représente le principal dispositif de lutte contre la piraterie maritime actuellement déployé dans le monde. Cette opération a été initiée sur proposition franco-espagnole et permet à la politique européenne de sécurité et de défense de s’affirmer en dehors des strictes missions de Petersberg (10).

S’il faut se réjouir de la montée en puissance de l’Union européenne, cela ne dispense pas d’une véritable réflexion sur l’équilibre que notre action extérieure doit trouver entre son expression bilatérale et les projets menés dans le cadre multilatéral de l’UE. Le rapporteur considère qu’il est crucial de conserver une politique bilatérale forte et visible. Fondre les moyens d’intervention de la France dans des fonds européens ou internationaux mal identifiés ou peu contrôlés ne permet pas d’atteindre les objectifs fixés à notre politique étrangère et de coopération.

II —  LE PRÉSENT ACCORD TRADUIT EN DROIT UN PARTENARIAT MODERNE ET ÉQUILIBRÉ

A. LA COOPÉRATION MILITAIRE AVEC LA RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN RELÈVE D’UN PARTENARIAT STRATÉGIQUE ANCIEN ET SOLIDE

1. Un partenaire stratégique

Le Cameroun est un partenaire de grande importance pour la France.

Peuplé de plus de 19 millions d’habitants, bilingue, ce pays synthétise l’Afrique. Il rassemble des climats et des paysages très différents, qu’il s’agisse du nord sahélien, des zones montagneuses ou du sud équatorial. Sur le plan ethnique, il rassemble des populations très différentes : Bamilékés, Bassa, Béti, Yabassi, Dibom, Sawas ou encore les Pigmées du sud contribuent à la grande diversité culturelle et linguistique du pays.

Les religions sont également diverses : plus d’un tiers de catholiques, près de 30 % de protestants et de musulmans, ainsi qu’une minorité d’animistes.

D’une certaine façon, ce pays est singulier : malgré ces facteurs de fragmentation, il connaît une stabilité remarquable, et une unité intéressante, qui repose en grande partie sur les forces armées.

Sur le plan économique, il tire d’importantes ressources de ses exploitations agricoles ainsi que des exploitations d’hydrocarbures dans le golfe de Guinée. En outre, il tire avantage de sa position stratégique en Afrique, comme porte d’entrée de l’Afrique centrale, dont certains États tels que le Tchad ou la RCA ne disposent pas d’accès à la mer. Le port de Douala est donc un nœud de transit fondamental pour les marchandises. Cela concerne notamment le fret militaire dont dépendent les opérations françaises en cours dans les deux pays en question.

La carte ci-après décrit la répartition des principales villes du Cameroun, ainsi que son environnement régional.

Presser Echap pour fermer l'image)

Preuve supplémentaire du caractère stratégique du Cameroun, ce pays attire de nombreux partenaires.

La France en concurrence au Cameroun

Au Cameroun comme dans de nombreux autres pays africains, la France bénéficie d’un rang de partenaire privilégié. Pour autant, cette prééminence est l’objet de contestations, d’autres acteurs entendant s’affirmer dans la zone.

Le Cameroun a développé ces dernières années des relations suivies avec les États-Unis, qui ont fourni des matériels aux forces armées camerounaises, et notamment à la marine ; avec la Chine qui pour le moment se cantonne à une coopération commerciale et culturelle, ainsi qu’avec Israël. L’expertise israélienne n’est pas étrangère, par exemple, à la montée en puissance des bataillons d’intervention rapide (BIR) chargée de la lutte contre la piraterie maritime dans la région.

De fait, une diversification des achats de matériels peut être observée au cours des dernières années, au profit notamment des industriels américains et israéliens.

Fondamentalement, il est normal que nos partenaires entretiennent des relations avec les partenaires de leur choix. Cela invite plus que jamais à examiner dans le détail la pertinence de nos actions de coopération. Les décennies d’amitié jouant, une sorte de routine pourrait en effet s’instaurer avec des interlocuteurs bien connus, peut-être au détriment de champs nouveaux que la France devrait pourtant investir. Par exemple, la présence israélienne dans la mise en place du BIR anti-piraterie doit inviter à s’interroger alors même que le Cameroun est le premier récipiendaire de la coopération militaire française.

Il s’agit donc de concevoir des relations de coopération de défense moderne, en tenant compte de la multiplication des acteurs présents dans ce pays.

La France entretient également des relations suivies avec le Cameroun dans le domaine de l’armement. Mi 2006, le Cameroun a demandé à notre pays de l’aider à rééquiper et à moderniser ses forces armées. Un projet d’offre global a été soumis aux autorités camerounaises un an après. À ce jour, aucune décision d’achat ne semble avoir été prise. Pour autant, le Cameroun, dont les ressources en pétrole assurent des revenus substantiels, a commandé des matériels à d’autres pays, tels qu’Israël.

Aujourd’hui, la France entend principalement accompagner ce pays dans le processus de renforcement de ses capacités militaires, afin qu’il puisse prendre toute la part qui est la sienne dans la brigade Centre de la force africaine en attente de l’Union africaine, rendant ainsi opérationnelle l’architecture africaine de paix et de sécurité.

Si l’ancienneté et la force des relations bilatérales ne peuvent être exclusives, il ne peut être compris que la France pâtisse de ce partenariat ancien au moment des choix d’équipements par le partenaire camerounais.

2. Les forces armées camerounaises

Le Cameroun consacre environ 250 millions d’euros chaque année à ses forces armées. Leurs effectifs sont évalués à plus de 33 000 hommes, se répartissant ainsi : 17 000 hommes pour l’armée de terre, 11 000 pour la gendarmerie, 2 300 pour l’armée de l’air et 3 100 marins. Parmi eux 9 000 hommes sont répartis dans des forces interarmées d’élite, en particulier la garde présidentielle et les bataillons d’intervention rapide.

Les BIR ont été créés à la fin des années 1990 pour lutter contre les coupeurs de routes. Le développement des actes de brigandage et de piraterie maritime dans le golfe de Guinée dont la presqu’île de Bakassi est l’un des épicentres a conduit le Cameroun à constituer des BIR anti-piraterie. L’action de ces bataillons commence à donner des résultats probants.

Concrètement, les BIR rassemblent des hommes parmi les meilleurs des différentes armées, et notamment de l’armée de terre, avec un commandement autonome, rendant directement compte à la présidence, qui finance leur équipement.

Leur efficacité contraste avec le reste de l’armée camerounaise, dont les équipements sont dans un état qui paraît préoccupant, et dont l’organisation semble connaître un affaiblissement marqué : selon nombre d’observateurs, manque de discipline, officiers supérieurs âgés, surtout et même si le phénomène est relativement répandu dans la région, la corruption semble devoir entraver durablement tout renforcement de l’État dans ses fonctions régaliennes (11).

Ce tableau est révélateur : le Cameroun dispose d’un potentiel important, sait mettre en œuvre des mesures énergiques et efficaces, mais ses forces armées souffrent de faiblesses structurelles anciennes, tenant notamment à la corruption. Il faut en tenir compte dans les actions de formation que mène la France : il est nécessaire de former des unités mais celles-ci ne seront pleinement efficaces que si elles relèvent d’un commandement parfaitement apte.

3. Le premier bénéficiaire de la coopération militaire française

Aujourd’hui, les actions de coopération conduites par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère des affaires étrangères et européennes font du Cameroun le premier récipiendaire de la coopération de défense structurelle française (12). En 2010, près de quatre millions d’euros doivent y être dépensés.

Ce montant est en baisse constante depuis 2002, comme l’illustre le tableau ci-après.

Évolution du montant des crédits de la coopération structurelle en matière de défense (hors gendarmerie) avec le Cameroun de 2002 à 2011

(en millions d’euros)

Année

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Budget

6,67

6,42

6,20

5,97

5,75

5,34

5,04

4,78

4,45

3,96

Source : MAEE.

Selon le MAEE, l’aide se décompose ainsi :

- la mise à disposition de 17 coopérants permanents ;

- l’attribution d’une aide logistique directe de 294 000 euros ;

- l’appui aux projets par la réalisation de sept missions de renfort temporaires (MRT), pour un coût de 25 000 euros ;

- la formation de 61 stagiaires : 35 en France et 26 dans les écoles nationales à vocation régionale (ENVR) en Afrique. Le budget total des actions de formation de défense menées au Cameroun est de 754 000 euros.

Parmi les projets en cours, on relève :

- la formation des cadres grâce aux écoles nationales à vocation régionale ;

- le soutien au cours supérieur interarmées de défense (CSID) de Yaoundé, qui dispense un enseignement militaire supérieur du second degré équivalent à celui de l’École de Guerre française, à laquelle il est lié par une convention. La 6e promotion (2010 – 2011) accueille 33 officiers supérieurs de 20 nationalités dont huit Camerounais, un Français et pour la première fois un Américain ;

- le soutien à l’école d’état-major de Yaoundé ;

- le renforcement du pôle aéronautique national à vocation régionale (PANVR) de Garoua, qui assure la sélection des pilotes et dispense différentes formations aéronautiques : pilotage élémentaire, formation d’observateurs et de mécaniciens ;

- le conseil de haut niveau et la valorisation des organismes centraux par la présence d’un conseiller auprès du ministre de la défense et des hautes autorités militaires ;

- l’action de l’État en mer avec la sauvegarde des approches maritimes et l’amélioration de la sécurité des bâtiments camerounais et le soutien à l’école de plongée et d’action de l’État en mer ;

- les ressources humaines afin de développer ce domaine primordial pour le fonctionnement des institutions militaires.

Le tableau ci-après décrit la répartition géographique des coopérants :

Répartition géographique des coopérants

Lieu

Coopérants

Ayants droit

Yaoundé

11

36

Douala

2

6

Garoua

4

6

Source : MAEE.

En outre, sept missions de renfort temporaires sont programmées en 2011 afin que des spécialistes viennent dispenser une formation particulière. Il s’agit généralement de former des formateurs.

Le Cameroun participe à la mission de consolidation de la paix en Centrafrique (MICOPAX) en RCA ainsi qu’au plan SECMAR 2 de sécurisation du golfe de Guinée.

Pour l’avenir, la coopération de défense française doit se concentrer sur des projets à forte valeur ajoutée régionale, avec le renforcement des capacités d’accueil du CSID ainsi que celui des moyens d’action de l’État en mer.

Ces priorités, pour justifiées qu’elles soient, ne doivent rigidifier à l’excès notre politique de coopération, au point d’interdire toute démarche plus originale. D’après les informations communiquées à la commission de la défense, nos forces armées n’ont par exemple pas été en mesure de répondre à une demande de soutien des forces armées camerounaises, qui souhaitaient que la France mette à disposition un aumônier du culte pour accompagner la construction de leurs aumôneries militaires. Le motif apparemment invoqué – le fait que cela corresponde pas à la politique de coopération habituelle – paraît regrettable : il s’agissait d’une occasion pour envoyer un signal fort à peu de frais, dans un domaine essentiel pour l’unité du Cameroun.

Le Cameroun envoie également des personnels en France dans le cadre de la coopération structurelle de défense. Pour 2011, ce sont 35 stagiaires qui doivent être envoyés en France avec un financement de la DCSD (13). Le tableau ci-après décrit leur répartition.

Répartition des stagiaires camerounais envoyés en France

Formation

Effectif

Séminaires de haut niveau IHEDN/FICA

1

École de Guerre

1

Stages de spécialisation d’armées

20

École de Formation Officiers

7

École d’Application Officiers

6

Source : MAEE.

Grâce à la coopération militaire et de défense, la France conserve une influence certaine au Cameroun. Près des deux tiers des cadres de l’armée camerounaises ont été formés en France. En outre, cette coopération permet à notre pays de disposer d’une mission logistique, indispensable au soutien des forces Épervier au Tchad et Boali en République Centrafricaine (14). Enfin, la formation des forces armées camerounaise leur a permis de participer à des missions de maintien de la paix sur le continent africain ou encore de conduire des opérations nationales ou régionales de lutte contre la piraterie maritime.

B. LE NOUVEL ACCORD RÉPOND AUX ORIENTATIONS GÉNÉRALES RETENUES PAR LE LIVRE BLANC

Dans son discours du Cap, prononcé le 28 février 2008, le Président de la République a annoncé le lancement de négociations pour renouveler nos accords de défense (15). Il s’agissait d’abroger les anciens accords, obsolètes et contestés, au profit d’une série de conventions de partenariat.

On peut observer une évolution différente de celle caractérisant les accords liant la France à certains États du Golfe. Du côté africain, la France promeut désormais une approche partenariale, misant essentiellement sur le développement de forces nationales correctement articulées sur le plan régional. Les clauses d’assistance et a fortiori de maintien de l’ordre ne sont plus envisagées. Les partenariats avec les pays du Golfe en revanche (Émirats arabes unis Qatar, Koweït), conclus au cours des années 1990 et 2000, incluent des clauses d’assistance mutuelle plus ou moins contraignantes. Le rapporteur estime que, là aussi, le Parlement doit suivre avec vigilance la conclusion ou la rénovation de ces accords.

Signé le 21 mai 2009, l’accord liant la France au Cameroun s’inscrit pleinement dans cet esprit, les nouveaux traités devant permettre l’abrogation des accords précédents (16).

Le texte se concentre sur la priorité actuelle de la France et de ses partenaires africains : former des forces africaines capables d’assurer la paix et la stabilité au continent. Cela suppose un accord encadrant essentiellement les activités de coopération classique (formation, conseil, entraînement et appui à l’engagement) ainsi que l’échange d’informations tout en tenant compte de la particularité logistique du Cameroun dans le dispositif africain de la France.

La partie camerounaise a bien accueilli la démarche française. D’après les informations communiquées au rapporteur, elle souhaite aujourd’hui le maintien d’une relation forte dans le domaine de la formation, celui du soutien technique et financier au renforcement de leurs capacités militaires, la fourniture d’une expertise de haut niveau ainsi que d’une aide à l’engagement opérationnel.

C. UN CONTENU STANDARD

Quatre chapitres et une annexe traitant plus spécifiquement de la base de Douala (17).

1. Une perspective régionale

En liminaire, les parties rappellent le cadre dans lequel s’inscrit le présent accord. Elles proclament leur attachement au droit international, et notamment à la Charte des Nations unies ainsi qu’au principe de règlement pacifique des différents. Surtout, ils marquent la volonté de conduire leur coopération dans le cadre du partenariat stratégique Afrique – Union Européenne adopté lors du sommet de Lisbonne de décembre 2007 à Lisbonne. Il en découle l’objectif de « rendre opérationnelle l’architecture africaine de paix et de sécurité sous la conduite de l’Union africaine » et de soutenir « les mécanismes africains de sécurité collective et de maintien de la paix ».

Le rapporteur se réjouit de cette déclaration de principe. Elle rappelle tout l’intérêt de la coopération franco-camerounaise et lui donne le sens qui doit être le sien au XXIe siècle : accompagner nos partenaires africains dans leur volonté de prendre eux-mêmes en charge leur sécurité.

L’article 2 rappelle la double dimension de l’accord, à la fois nationale et régionale. Il ouvre notamment la possibilité d’associer des forces régionales africaines à des actions menées dans le cadre du partenariat. Les forces en questions sont multiples. Il peut s’agir de contingents placés sous mandat des Nations unies, de l’Union africaine, de la CEEAC, de la CEMAC, « ou de toute autre organisation sous-régionale ou régionale pertinente ». Cette possibilité peut concerner également des forces sous simple commandement national. La seule condition est le commun accord entre les parties.

Dans le même esprit, l’Union européenne et ses États membres peuvent être associés à ces actions, qu’il s’agisse des institutions communautaires ou de tout ou partie des États de l’Union. À chaque association, un accord particulier devra être négocié entre le partenaire en question et les deux États parties au présent accord.

2. Les activités de coopération

L’article 4 les détaille. Il s’agit d’activités relevant non plus de l’intervention automatique mais bien de la coopération. Trois axes peuvent être identifiés :

- l’échange d’informations pour faire face à des menaces d’origine nationale comme régionale (l’article 17 renvoie à un accord spécifique pour l’échange d’informations et de matériels classifiés avec, dans l’intervalle, des dispositions transitoires) ;

- la formation et le soutien des forces, ainsi que leur conseil ;

- l’organisation de transits, de stationnements temporaires et d’escales aériennes et maritimes.

Ces dispositions vont dans le sens de l’approche partenariale voulue par le Président de la République. Toutefois l’intervention n’est pas complètement exclue, l’accord ouvrant la possibilité de mettre en œuvre « toute autre activité dans le domaine de la défense (…) en fonction de leurs intérêts mutuels ».

Dans l’ensemble, il s’agit d’orientations générales. La réalité de la coopération apparaîtra dans le détail de leur mise en œuvre. De ce point de vue, l’accord crée la possibilité de conclure d’autres accords ou « arrangements techniques » spécifiques.

De même, des accords ou arrangements spécifiques devront être conclus pour préciser les conditions d’utilisation des installations et infrastructures, ainsi que du soutien logistique fourni par l’État d’accueil (article 5).

La présence d’une base logistique à Douala crée des conditions particulières de coopération, spécificité abordée dans l’annexe jointe à l’accord (cf. ci-après).

3. Faciliter la mise en œuvre de la coopération

L’organisation d’activité sur le territoire de l’État d’accueil requiert bien évidemment son consentement. Ses autorités militaires apportent leur soutien administratif et technique à la mise en œuvre de ces activités (article 18).

De même, l’accord permet l’entrée des forces militaires sur le territoire et dans les eaux territoriales de l’État partenaire, sous réserve de son accord (article 19).

Sont exemptés de taxes d’importation les matériels destinés à la mise en œuvre des activités de coopération (article 20), pour des périodes de 12 mois prorogeables. Le principe général est que ces matériels ne sauraient être cédés à titre onéreux ou gratuit sur le territoire de l’État d’accueil. L’accord prévoit toutefois que d’un commun accord les parties puissent y déroger. Le rapporteur se réjouit de cette mesure de souplesse, qui permettra par exemple d’offrir à l’État camerounais certains matériels utiles mais dont le rapatriement en France pourrait excéder la valeur réelle.

Surtout, des matériels, approvisionnements et marchandises peuvent être réexportés vers d’autres États en franchise de taxes. Cette disposition paraît indispensable compte tenu des nombreux transits d’équipements s’effectuant par le Cameroun et en particulier le port de Douala, vers le reste de l’Afrique et notamment, dans le cadre des activités militaires françaises, vers le Tchad et la RCA en particulier.

En complément, la réglementation de l’État s’appliquera pour les conditions de stockage des matériels et approvisionnements (article 21), ainsi que pour la mise en place des systèmes de communication (article 23). Ne sont utilisées que les bandes de fréquence attribuées par l’État d’accueil pour le strict usage prévu par l’accord.

4. Statut des personnes et droit applicable

L’accord couvre l’activité des corps, contingents, ou détachements militaires ainsi que les personnels civils et militaires, et les personnes à leur charge. Cela correspond au périmètre habituel, mais certains aménagements ont été mis en place spécifiquement dans le cas de cet accord (cf. ci-après). Sont donc potentiellement concernés les personnels de la gendarmerie.

En revanche, comme pour les autres accords de partenariat, l’article 3 du présent accord rappelle que les forces et personnels de l’un des États parties envoyés dans l’autre État en respectent les lois et règlements. Ils doivent également s’abstenir de tout comportement « incompatible avec les objectifs du présent Accord ». Littéralement, cette mention signifie que les personnels ne sauraient nuire aux objectifs généraux mentionnés précédemment, et notamment la constitution des capacités africaine de prévention, de gestion et de résolution des crises. Cette disposition pourrait être interprétée largement. Une partie pourrait par exemple s’en prévaloir pour reprocher à tel ou tel personnel un comportement qui, pourtant légal, pourrait heurter les pratiques ou coutumes locales, nuisant par là à la mise en œuvre des objectifs de l’accord.

Les conditions d’entrée et de séjour des personnes couvertes par le présent accord sont abordées à l’article 7 (chapitre II). Outre les dispositions classiques, elles sont autorisées à importer leurs effets mobiliers personnels « y compris un véhicule privé », « en franchise de droits de douanes, taxes et autres redevances ». Deux conditions sont posées : que l’usage soit limité à la durée du séjour et que ces importations correspondent à des « limites compatibles avec un usage familial ».

Les membres du personnel participant à une action durant plus de six mois sont hébergés à titre gratuit par l’État d’accueil.

Les articles 8, 9 et 10 sont également classiques, réglant le port de l’uniforme (du pays d’origine ou du pays d’accueil dans le pays d’accueil), les permis de conduire des véhicules et engins militaires, ou encore le port d’armes, point pour lequel l’application de la réglementation de l’État d’accueil est rappelée.

L’utilisation des armes se fait en application des règles du pays d’accueil. La France a néanmoins la possibilité de demander au Cameroun l’autorisation d’appliquer ses propres règles.

Du point de vue disciplinaire, la compétence exclusive de l’État d’origine est rappelée. En cas de comportement inapproprié, les autorités de l’État d’accueil peuvent demander le rappel à l’ordre du contrevenant, ce qui constitue une particularité de l’accord avec le Cameroun. Dans le cas particulier des personnels relevant de la coopération militaire technique, ce sont les règlements et directives en vigueur dans l’État d’accueil qui s’appliquent.

Dans le cadre de procédures d’échange, un certain nombre de coopérants sont en effet insérés dans les armées du pays partenaire et en portent l’uniforme. Il est donc logique qu’ils se conforment à leur réglementation (article 22).

5. Encadrement fiscal et sanitaire des personnels

La coopération crée des situations d’expatriation qui imposent de régler en amont la question de l’imposition des revenus, afin d’éviter toute situation de double imposition. L’accord retient le principe de conservation de la résidence fiscale dans l’État d’origine, y compris pour les personnels demeurant la majorité de l’année hors du territoire national. Il concerne les personnels expatriés mais également les personnes à leur charge si celles-ci n’exercent pas d’activité professionnelle et lucrative propre. Dans le cas contraire, l’imposition des revenus relève du droit commun.

Sur le plan sanitaire, les personnels relèvent du dispositif de couverture en vigueur dans le pays d’origine (article 12).

6. Le suivi

L’article 6 porte sur la création d’un comité de suivi de la mise en œuvre du présent accord. La seule indication précise concerne sa direction : il sera coprésidé par un représentant de chacune des parties. Au-delà, celles-ci détermineront librement sa composition, son mandat ainsi que son fonctionnement, et pourront faire appel à des expertises extérieures.

Il s’agit là encore d’une disposition commune aux différents accords. Son caractère imprécis pourrait toutefois faire de ces comités des organes relativement différents selon le partenaire concerné.

Selon les informations communiquées au rapporteur, aucun format n’a encore été arrêté, ni dans la composition de la partie française, ni dans la régularité avec laquelle la France souhaitera le voir se réunir. A minima, des représentants des ministères de la défense et des affaires étrangères y participeront. En ce qui concerne le rythme de réunion, s’il doit être déterminé de façon pragmatique, il semble évident qu’il doit être suffisamment fréquent : les enjeux régionaux comme la grande quantité d’accords particuliers le justifient à eux seuls.

Le rapporteur considère qu’un suivi parlementaire est indispensable. La partie française du comité de suivi devra rendre des comptes réguliers à la commission parlementaire concernée, voire aux membres du groupe d’amitié.

7. Dispositions diverses

Les éventuelles contraintes découlant de la participation de forces et de personnels à une opération de maintien de la paix priment sur celles issues du présent accord.

Sous réserve de son entrée en vigueur, il permet l’abrogation de tous les accords et arrangements liant précédemment le France au Cameroun dans les domaines de la défense et de la sécurité.

Son entrée en vigueur est suspendue à la mise en œuvre des procédures constitutionnelles propres à chaque État. Chaque partie informe l’autre de l’état d’avancement des processus de ratification. À ce stade, la partie camerounaise ne semble pas avoir avancé.

Conclu pour une durée de cinq ans, cet accord est renouvelable par tacite reconduction, chaque partie pouvant néanmoins le dénoncer. D’un commun accord et à tout moment, les parties peuvent amender le texte par écrit.

D. L’ACCORD AVEC LA RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN COMPORTE NÉANMOINS QUELQUES SPÉCIFICITÉS

1. Sur le statut des personnes

Le « c » de l’article 1er précise la notion de « personne à charge ». À la différence des autres accords de partenariat, le présent accord le définit par référence au droit du pays hôte. Est ainsi considérée comme personne à charge « le conjoint ou toute autre personne vivant maritalement conformément à la législation de l’État d’accueil avec un membre du personnel », ainsi que ses enfants mineurs.

Cette disposition a été négociée à la demande de la partie camerounaise. Il en résulte que la partie française ne pourra reconnaître les situations de polygamie. Surtout, sauf accord spécifique, la partie camerounaise ne reconnaîtra pas les situations maritales contractées dans le cadre d’un pacte civil de solidarité (PACS). Le rapporteur regrette ce dernier point et appelle les autorités françaises à œuvrer pour accompagner au mieux les personnes concernées, qu’il s’agisse de la délivrance de titres de séjour ou de questions matérielles, telles que les conditions d’hébergement à titre gratuit.

2. Le cas spécifique de la mission logistique de Douala

Il est réglé par une annexe jointe à l’accord, et dont les dispositions sont réputées en faire partie intégrante (article 26).

Il est rappelé que la mission logistique au Cameroun relève de la mission militaire, ses locaux, archives et documents étant inviolables. Son effectif maximal est fixé à 15 personnes.

Elle organise les opérations de transit aérien, maritime et de surface pour le fret et le personnel, en informe les autorités camerounaises et elle peut recourir à des sociétés civiles de transport.

La partie camerounaise lui accorde un certain nombre de facilités : sécurité des convois et opérations de fret, application des exemptions fiscales décrites dans l’article 20 à ses activités, mise à disposition gracieuse des installations nécessaires et de bandes de fréquences hertziennes.

La partie française se soumet en tous temps aux règles d’accès et au règlement en vigueur sur la base aérienne 201. Elle peut procéder à d’éventuels aménagements, en concertation avec la partie camerounaise.

L’article 11 de l’annexe revoit la mise en œuvre de l’annexe à des « arrangements particuliers ». Le rapporteur estime que leur contenu devra être transmis au Parlement pour son information.

3. Autres mesures particulières

Au titre des particularités distinguant cet accord des autres accords négociés avec les partenaires africains de la France, on peut relever les facultés de contrôle renforcées de l’État d’accueil concernant le déplacement et la circulation des forces (article 19) et des matériels importés (article 20).

CONCLUSION

L’examen du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de partenariat de défense entre la France et le Cameroun est l’occasion pour le Parlement de s’interroger sur les relations franco-africaines dans ce domaine.

Le rapporteur se réjouit de leur modernisation. Ces accords semblent avoir été négociés dans la transparence et dans une démarche partenariale. Il regrette cependant que le Parlement n’ait pas été informé du déroulement des négociations.

D’une façon générale, il convient de mettre ces accords en perspective avec l’évolution du contexte stratégique franco-africain. Le désengagement français est une tendance de fond, réelle. Il faut certes la nuancer, car la France n’a plus à assumer systématiquement la sécurité des États partenaires, et l’évolution technologique permet de faire plus avec moins d’hommes. Mais le nombre de bases diminue et les troupes qu’elles accueillent également. Pour autant, le rapporteur se réjouit de la qualité des hommes et des matériels déployés, celle-ci compensant en partie le resserrement du dispositif.

L’actualité rappelle à quel point les menaces sont fortes dans cette région pour nos intérêts. De ce point de vue, dans la perspective d’une actualisation de la programmation militaire, la France et donc la représentation nationale ne sauraient faire l’économie d’une véritable réflexion stratégique sur notre présence en Afrique. Se posera en particulier la question de la présence française au Tchad, dont le rapporteur estime le maintien prioritaire.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 30 mars 2011, la Commission examine pour avis quatre projets de loi, adoptés par le Sénat, autorisant l’approbation d’accords de défense.

*

* *

La Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Philippe Folliot, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun instituant un partenariat de défense (n° 3194).

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis. L’accord avec le Cameroun partage un tronc commun avec les autres accords : il définit un champ de coopération suffisamment large et règle le statut des personnes et le droit applicable à leur activité, y compris sur le plan fiscal. Il assure également la mise à disposition de moyens immobiliers et logistiques pour les activités de coopération.

Il diffère des autres accords en ce qu’il définit le statut de personne à charge en fonction du droit du pays d’accueil, ce qui pourrait poser un problème pour nos personnels ayant contracté un PACS. Surtout, il contient une annexe qui règle le fonctionnement de la mission logistique française de Douala, essentielle à l’activité de nos opérations extérieures au Tchad et en République centrafricaine.

Je me réjouis de cet accord qui nous permettra d’entretenir la relation de confiance qui unit la France à ce partenaire stratégique. Je rappelle que le Cameroun, un condensé d’Afrique à la stabilité remarquable, est le premier bénéficiaire de notre coopération de défense. Malgré des difficultés que nul n’ignore, ce pays est un acteur de confiance qui sait faire preuve d’efficacité, comme l’illustre la lutte qu’il mène contre les actes de brigandage et de piraterie maritime grâce à ses bataillons d’intervention rapide.

Au-delà de ces éléments propres au Cameroun, je crois nécessaire de partager avec vous quelques réflexions.

Je souhaite, tout d’abord, que le Gouvernement se montre plus précis sur la composition des comités qui assureront le suivi des accords et qu’il envisage une forme de contrôle parlementaire.

Ensuite, je crois de notre devoir d’engager une réflexion sur les moyens de maintenir notre présence au Tchad. Notre commission doit se saisir du sujet.

Sur un plan plus général enfin, je tiens à souligner que nous devons sanctuariser des moyens pour la coopération bilatérale. La mise en œuvre d’actions dans un cadre communautaire – ou autre – est généralement positive, mais elle ne doit pas nous interdire d’agir directement avec des partenaires qui nous connaissent et nous attendent, au Cameroun comme ailleurs.

Pour terminer, je forme le souhait que le débat de ce matin amorce la pleine association du Parlement à la politique de coopération de défense avec l’Afrique.

Dans l’immédiat, vous l’avez compris, je donne un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi.

Mme Michèle Alliot-Marie. Je voudrais savoir si les problèmes de responsabilité juridique de nos personnels sur place sont réglés explicitement par ces accords, car il y a des divergences entre nos systèmes juridiques, ou si, comme souvent, ils sont passés sous silence ?

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis. Les problèmes de responsabilité juridique sont réglés par l’application du droit national du pays dans lequel le problème est soulevé : au Cameroun, c’est donc le droit camerounais qui s’applique. Pour ce qui concerne des dispositions qui ne seraient pas reconnues par le pays d’accueil, comme le PACS que j’ai mentionné tout à l’heure, qui n’existe pas en droit camerounais, il faudra être vigilant.

Mme Patricia Adam. C’est effectivement le droit du pays d’accueil qui s’applique à nos ressortissants : l’accord avec la République centrafricaine prévoit que la détention et l’utilisation d’armes pour les besoins du service sont réglées par la législation de l’État qui accueille.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis. Sur le même sujet, l’accord de défense avec le Cameroun prévoit également que la détention et l’utilisation d’armes est soumise à la législation de l’État d’accueil. Néanmoins, si les autorités camerounaises l’acceptent, l’usage d’armes par nos forces au Cameroun pourra se faire en application des règles françaises, celles-ci étant plus restrictives.

Conformément aux conclusions de son rapporteur pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption du projet de loi.

*

* *

La Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Philippe Vitel, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République gabonaise (n° 3195).

M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis. Je voudrais souligner la singularité de la démarche que nous effectuons aujourd’hui puisque c’est la première fois que notre commission examine des accords de défense.

Dans la lignée des engagements qu’il avait pris pendant la campagne électorale de 2007, le Président de la République, dans son discours au Cap le 28 février 2008, avait énoncé les quatre principes sur lesquels devait reposer la refondation du partenariat entre la France et l’Afrique :

- les accords de défense « doivent refléter l’Afrique d’aujourd’hui et pas l’Afrique d’hier », ce qui signifie qu’ils doivent désormais reposer sur les intérêts stratégiques de la France et de ses partenaires africains ;

- les relations seront fondées sur le principe de la transparence, c’est-à-dire que tous les accords de défense entre la France et les pays africains seront intégralement publiés et soumis au Parlement ;

- la présence militaire française doit servir en priorité à aider l’Afrique à bâtir son propre dispositif de sécurité collective ;

- l’Europe, enfin, doit devenir un partenaire majeur de l’Afrique en matière de paix et de sécurité.

L’accord de défense signé avec le Gabon le 24 février 2010 s’inscrit naturellement dans ce cadre. Il fait partie d’une série de huit, destinés à remplacer les accords signés au lendemain des indépendances africaines avec certaines anciennes colonies françaises. Outre le Gabon, il s’agit du Cameroun, de la République centrafricaine, des Comores, de la Côte d’Ivoire, de Djibouti, du Sénégal et du Togo.

Comme les autres accords, il ne comprend plus de clause d’assistance mutuelle ou de maintien de l’ordre, conformément à la volonté du Président de la République et des orientations du Livre blanc.

La particularité du Gabon est d’accueillir une importante base française, à Libreville.

La France y dispose d’environ 900 hommes, principalement répartis entre le 6e bataillon d’infanterie de marine, un détachement de l’Aviation légère de l’armée de terre et un détachement air.

Ces forces assurent un triple rôle : assurer la sécurité de nos 12 000 ressortissants au Gabon ; servir de point d’appui pour d’autres opérations dans la région, par exemple pour l’opération Épervier au Tchad, pour l’opération Licorne en Côte d’Ivoire et pour l’opération Boali en République centrafricaine ; servir également de point d’appui pour la mise en place d’une force aéroterrestre en cas d’opération de première urgence en Afrique centrale ou en Afrique de l’Ouest.

À la suite de la reconfiguration de nos moyens prépositionnés en Afrique, la base de Libreville va devenir notre implantation principale sur la façade occidentale. Notre présence y sera renforcée à partir de mi-2011. Son coût annuel passera par conséquent de 57 à 75 millions d’euros.

Les forces françaises conduisent également au profit des forces gabonaises et des autres forces de la région des actions de coopération opérationnelle, fortement orientées vers le soutien aux opérations et l’entraînement des unités. Les crédits de la coopération opérationnelle de l’état-major s’élèvent, au total, à 1,4 million d’euros par an. Ces actions s’inscrivent de plus en plus dans le cadre régional de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), en particulier par l’appui et la montée en puissance des structures régionales de la Force africaine en attente.

Au niveau de la coopération structurelle, conduite par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère des affaires étrangères, on peut souligner que le Gabon bénéficie en 2011 d’un budget de 4,14 millions d’euros.

Ce budget de coopération structurelle se traduit par :

- la mise à disposition de 20 coopérants permanents (principalement à l’école d’état-major de Libreville et dans les hôpitaux militaires) ;

- l’attribution d’une aide logistique directe ;

- l’appui aux projets par la réalisation de 12 missions de renfort temporaires (MRT) ;

- la formation de 34 stagiaires : 16 en France et 18 dans les écoles nationales à vocation régionale en Afrique (ENVR).

Touchant tous les domaines de la défense gabonaise, cette coopération vise à accompagner l’effort du pays dans la constitution de son outil de défense par la formation, la restructuration des forces et le soutien institutionnel, et à soutenir son action au bénéfice de la sécurité régionale et de sa participation aux opérations de soutien de la paix sur le continent.

Un soutien aux forces armées est également dispensé par la valorisation de l’aviation légère des armées, outil important dans ce pays car elle répond de manière efficace aux problèmes de mobilité posés par un territoire difficilement accessible (1,5 million d’habitants sur 267 000 km², presque la moitié de la France).

La France participe enfin à l’action de l’État en mer par le maintien en condition des bâtiments hauturiers dans le cadre de la lutte contre la recrudescence des trafics dans le Golfe de Guinée.

Compte tenu de tous les avantages que représente cette présence militaire française au Gabon, je donne naturellement un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi.

M. Nicolas Dhuicq. Les paragraphes 1 et 2 de l’article 10 de l’accord, relatifs au port et à l’utilisation des armes, me semblent contradictoires.

M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis. Le paragraphe 1 de l’article 10 dispose que : « Les membres du personnel appartenant aux forces armées de l’État d’origine peuvent détenir et porter une arme de dotation sur le territoire de l’État d’accueil, conformément aux lois et règlements en vigueur dans l’État d’accueil » tandis que le paragraphe 2 dispose que : « Dans le cadre de leurs fonctions officielles, les membres du personnel de l’État d’origine utilisent leur arme de dotation conformément à la législation de l’État d’origine ». Il y a une distinction entre la détention et l’utilisation des armes.

Mme Michèle Alliot-Marie. Cela signifie que, quand nos militaires se servent de leur arme, ils l’utilisent comme en France.

M. le président Guy Teissier. C’est comme cela que je le comprends : l’ouverture du feu se fait dans le cadre du droit français.

Conformément aux conclusions de son rapporteur pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption du projet de loi.

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La Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Christophe Guilloteau, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise instituant un partenariat de défense (n° 3196).

M. Christophe Guilloteau, rapporteur pour avis. L’accord de défense avec le Togo est le premier de la série que nous examinons aujourd’hui à avoir été signé : il l’a été le 13 mars 2009. La négociation n’a pas rencontré de difficulté majeure et l’accord s’écarte très peu des accords types élaborés conjointement par les ministères des affaires étrangères et de la défense pour les pays n’abritant pas de forces françaises.

Cette révision des accords de défense s’inscrit, notre collègue vient de le souligner, dans le cadre de la rénovation de la relation entre la France et le continent africain, dont elle constitue un des éléments.

Elle répond ainsi à la volonté du Président de la République, exprimée dans son discours prononcé devant le Parlement sud-africain, au Cap, le 28 février 2008, de rebâtir la présence militaire française en Afrique sur des bases nouvelles, adaptées au temps présent et aux enjeux stratégiques de l’ensemble du continent, à savoir la mise en place d’un mécanisme africain de sécurité collective.

Pays de taille modeste (56 000 km², dix fois moins que la France, 6 millions d’habitants), le Togo dispose d’une armée de 12 000 hommes qui souffre, comme beaucoup d’armées de la région, d’un fort besoin d’équipement. Les forces armées togolaises possèdent néanmoins une solide culture des opérations de maintien de la paix et, l’état-major des armées nous l’a précisé, les contingents mis à disposition sont de bonne qualité.

Notre coopération avec le Togo comporte deux aspects, une coopération opérationnelle, conduite par l’état-major des armées, et une coopération structurelle, pilotée par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère des affaires étrangères et européennes.

Au niveau opérationnel, la France intervient dans la formation, le conseil, l’entraînement et l’appui à l’engagement. L’année dernière, nous avons ainsi formé 580 soldats togolais : 500 pour des opérations de maintien de la paix et 80 pour le renforcement de leur capacité nationale. Ces formations sont assurées par les forces françaises du Cap vert.

La coopération structurelle, conduite par la direction de la coopération de sécurité et de défense, représente un budget de 3,6 millions d’euros pour 2011 et fait du Togo le troisième partenaire de la France en la matière.

L’aide se traduit par la mise à disposition de 14 coopérants français, essentiellement dans le domaine de la formation : l’école du service de santé de Lomé (ESSAL), qui forme les médecins militaires, et l’école de formation des officiers des forces armées togolaises (EFOFAT). Quatre missions de renfort temporaire sont par ailleurs programmées en 2011 pour permettre à des spécialistes français de venir dispenser des formations dans des secteurs particuliers. D’une manière générale, ces actions ont pour objectif de former des formateurs, et non de simples opérateurs, afin de favoriser le processus d’appropriation qui guide l’ensemble des actions menées.

De nombreux stagiaires togolais suivent également chaque année des formations financées par la DCSD : en France ou à l’étranger, dans le réseau des écoles nationales à vocation régionale (ENVR) en Afrique. Enfin, des militaires togolais sont accueillis dans les formations françaises : 1 à l’école de guerre, 4 en école de formation des officiers, 4 en école d’application, 6 en stage de spécialisation dans les armées et 1 à l’IHEDN.

À l’avenir, la DCSD va recentrer son action sur les projets à forte valeur ajoutée régionale que sont l’ESSAL, déjà évoquée, et la sauvegarde des approches maritimes, prioritaire dans le Golfe de Guinée.

Quels bénéfices la France tire-t-elle de cette coopération militaire avec le Togo ?

Depuis l’accord de 1963, cette coopération nous a permis de conserver une influence très importante dans ce pays : les cadres togolais formés en France ou dans les écoles soutenues par la France en Afrique constituent ainsi aujourd’hui le socle de l’armée togolaise.

Le Togo est également un partenaire fiable de la France dans son action en Afrique. Pour ne retenir que des événements récents, les Togolais se sont engagés rapidement aux côtés de la France en Côte d’Ivoire, en février 2003, ont accueilli gratuitement, ce qui fût très appréciable, les avions français après les événements de novembre 2004 à Abidjan, ou encore ont relevé le contingent français en République centrafricaine après le retrait des forces françaises d’Eufor Tchad.

Enfin, la coopération avec le Togo répond parfaitement à la volonté du Président de la République d’aider la mise en place d’une architecture africaine de paix et de sécurité. En tant qu’acteur important de cette sous-région du continent africain, le Togo joue ainsi un rôle certain dans la recherche de la paix régionale, dans le cadre de l’ONU, de l’Union africaine ou de la CEDEAO.

Les troupes togolaises se sont ainsi engagées récemment dans les opérations de maintien de la paix, en particulier au Tchad. Le pays envoie aussi régulièrement des observateurs pour les opérations sous l’égide de l’ONU. Par ailleurs, le Togo s’est porté candidat pour fournir le renfort prévu par l’ONU (2 000 hommes) de sa force en Côte d’Ivoire, ONUCI.

Je donne naturellement un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi.

M. Nicolas Dhuicq. J’observe que la formulation de l’article 10 de l’accord, relatif à la détention et à l’utilisation d’armes, diffère légèrement de celle retenue dans l’accord avec le Gabon. Elle révèle un glissement sémantique en faveur du droit du pays d’accueil.

M. Christophe Guilloteau, rapporteur pour avis. Il s’agit de formulations diplomatiques qui n’emporteront pas de conséquence particulière : à condition que les autorités togolaises donnent leur accord, les règles françaises d’utilisation des armes, plus strictes, s’appliqueront à nos forces armées. À défaut d’accord, ce sont effectivement les règles du pays d’accueil qui s’appliqueront.

Conformément aux conclusions de son rapporteur pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption du projet de loi.

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La Commission examine pour avis, sur le rapport de Mme Patricia Adam, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République centrafricaine instituant un partenariat de défense (n° 3197).

Mme Patricia Adam, rapporteure pour avis. Le contexte de la République centrafricaine est plus complexe que celui des autres pays que nous venons d’examiner. J’aurais aimé pouvoir travailler de manière un peu plus sérieuse. Nous n’avons eu que dix jours pour étudier ces textes.

M. le président Guy Teissier. C’est l’ordre du jour que nous impose le Gouvernement.

Mme Patricia Adam, rapporteure pour avis. Ce ne sont pas de bonnes conditions de travail. Je me félicite quand même que ces textes arrivent aujourd’hui au Parlement. C’était une volonté du Président de la République, qui a été reprise par le Livre blanc.

La République centrafricaine est toujours en crise. Les dernières élections sont contestées par l’opposition. La mise en place de la démocratie dans ce pays est problématique. Il est par ailleurs affecté par de nombreuses rebellions et notamment celle de l’armée de résistance du Seigneur, reconnue comme une force terroriste par l’ensemble de la communauté internationale. De plus, la République centrafricaine est proche de certains pays déstabilisés comme le Sud-Soudan.

Depuis 2003, nous intervenons en République centrafricaine dans le cadre de l’opération extérieure Boali, à travers un détachement de 200 militaires qui comprend un état-major, une compagnie d’infanterie et un détachement de soutien. Ce détachement peut être ponctuellement renforcé par des avions de transport tactique ou stratégique et des hélicoptères, qui peuvent apporter un soutien dans les domaines du renseignement et de l’appui aérien. Nous intervenons dans le cadre de la mission de consolidation de la paix MICOPAX, mise en place par la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale. L’opération Boali représente 11 millions d’euros par an.

On ne peut qu’être d’accord avec un certain nombre de points de cet accord. Tout d’abord, le recours au multilatéralisme qu’il implique. Puis, l’importance de la formation qu’il permet. Enfin, la transparence. La formation relève de la coopération structurelle, menée par le ministère des affaires étrangères et a lieu dans des écoles centrafricaines, dans le réseau des écoles nationales à vocation régionale (ENVR) ou encore, pour certaines, en France. La coopération opérationnelle, qui relève de l’état-major des armées, s’effectue par des détachements d’instruction opérationnelle et des détachements d’instruction technique.

L’état-major nous a précisé que le volume de nos forces pour l’opération Boali était suffisant. Par ailleurs, les 8 000 militaires centrafricains et les forces françaises arrivent désormais à instaurer une stabilité dans certaines zones du pays.

Je voudrais maintenant formuler plusieurs propositions. L’accord prévoit la mise en place d’un comité de suivi dont la composition n’est pas encore exactement fixée aujourd’hui. Pour respecter les engagements pris par le Président de la République et réaffirmés dans le Livre blanc, il faudrait que le Parlement participe à ce comité de suivi mais cela n’est peut-être pas possible, du fait de la séparation des pouvoirs. Au cours des auditions qui ont été menées, je n’ai pas eu véritablement de réponse sur ce point. À tout le moins, il serait souhaitable que le Parlement puisse suivre l’évolution de ces accords de défense dans le temps, d’autant qu’ils peuvent faire l’objet de modifications.

Or on nous a indiqué que nous ne serions obligatoirement informés de ces amendements que s’ils entraient dans le cadre de l’article 53 de la Constitution. Nous ne serons donc pas informés des modifications qui n’entrent pas dans ce cadre, sauf si le Gouvernement le souhaite, ou si, en parlementaires avisés, nous l’interrogeons.

Je ne pense pas que l’on puisse demander l’accord des parlementaires sur des accords de défense s’ils ne peuvent pas les suivre dans le temps. Il faut trouver un moyen pour le faire : soit ils font partie du comité de suivi, soit on met en place au sein de l’Assemblée nationale une commission de suivi ou une mission d’information continue pour suivre régulièrement ces accords de défense et vérifier leur évolution, leur pertinence et l’action sur le terrain de nos forces.

Cette lacune dans le suivi des accords explique que je ne puisse donner un avis favorable au projet de loi. Je m’abstiendrai.

M. Christophe Guilloteau. Je voudrais faire remarquer que j’ai parfois eu le sentiment, durant les auditions que nous avons effectuées, qu’il y avait un certain flou dans le partage des compétences entre le ministère des affaires étrangères et l’état-major des armées. Je suis donc tout à fait partisan de les faire venir, régulièrement, ensemble, devant notre commission pour nous rendre compte de la mise en œuvre de ces accords.

M. le président Teissier. Mes chers collègues, je souligne l’effort accompli par le Gouvernement, qui nous a soumis les textes que nous examinons aujourd’hui, et qui a prévu la mise en place de comités de suivi. J’adhère totalement à la volonté de Mme Adam de suivre la mise en œuvre de ces accords et vous propose, par conséquent, que nous invitions régulièrement, à date fixe, les responsables de ces comités de suivi à nous rendre compte de leur application.

Mme Michèle Alliot-Marie. Je voudrais dire à Mme Adam que la création d’une commission ad hoc, comme elle le propose, affaiblirait la commission de la défense et qu’il est donc préférable que ce soit la commission elle-même qui effectue ce travail d’information et de contrôle.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption du projet de loi.

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ANNEXES

I —  AUDITIONS

Ministère des affaires étrangères et européennes

- Mme Élisabeth Barbier, Ambassadrice chargée du suivi de la renégociation des accords de défense franco-africains ;

- M. Luc Sérot Alméras, direction de la coopération de sécurité et de défense ;

- Mlle Sophie Malet, direction des affaires juridiques.

Ministère de la défense et des anciens combattants

- Mlle Camille Faure, direction des affaires juridiques

État-major des armées

- Colonel Pascal Facon, chef du bureau Afrique

II —  TEXTE DE L’ACCORD DE PARTENARIAT DONT LE PROJET DE LOI AUTORISE L’APPROBATION

III —  DISCOURS PRONONCÉ AU CAP PAR LE PRESIDENT DE LA RÉPUBLIQUE LE 28 FÉVRIER 2008

ALLOCUTION DE MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DEVANT LE PARLEMENT SUD-AFRICAIN

Le Cap, Afrique du Sud

Jeudi 28 février - 14h15

Madame la Présidente (Mme Speaker) Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Mesdames et Messieurs,

Avec le recul, le vingtième siècle apparaît comme l’un des siècles les plus brutaux de l’histoire : il engendra deux guerres mondiales ; il inventa le génocide et la shoah ; il vit des régimes dictatoriaux mettre en place des systèmes répressifs sans précédent par leur ampleur et leurs victimes. Le nombre des réfugiés, des déportés, de ceux qui durent fuir leur patrie et s’exiler, fut immense.

Ce siècle de fer, l’Afrique en a subi dans sa chair toute la violence et toute l’horreur. Elle a enduré la colonisation ; les conséquences des grands conflits mondiaux ne lui furent pas épargnées puisque ses fils en payèrent aussi le prix en combattant pour les puissances coloniales. Puis vinrent les victimes des luttes de décolonisation et des conflits africains qui accompagnèrent l’affrontement Est-Ouest. Enfin, elle connut elle aussi le génocide.

En outre, plus que d’autres, l’Afrique fut victime du mépris et du racisme.

Or c’est pourtant de ce continent souvent humilié et bafoué, et précisément d’Afrique du Sud, qu’est venue à la toute fin du siècle une magnifique leçon d’humanité. Alors que régnaient ici l’apartheid et ses violences, alors que la vengeance et de nouvelles oppressions auraient pu naître de tant d’humiliations, le peuple d’Afrique du Sud, guidé par des hommes hors du commun, a voulu rompre cette longue chaîne de malheur.

Cette extraordinaire réussite humaine doit beaucoup à l’homme qui après 27 ans de prison a dit à ceux qui l’avaient si longtemps privé de sa liberté : « L’oppresseur doit être libéré tout comme l’oppressé. L’opprimé et l’oppresseur sont tous deux dépossédés de leur humanité. »

Les Sud-Africains ont délibérément choisi pour leur pays le chemin . En décidant d’emprunter ce*de la réconciliation et de la "transformation" chemin, vous avez en quelque sorte aussi racheté le siècle ; vous avez permis qu’en dépit de ses atrocités, il puisse se clore sur un immense signal d’espoir pour l’humanité tout entière, et que ce signal vienne d’Afrique.

C’est donc empreint de respect pour votre Nation que je me présente devant vous, Mesdames et Messieurs, les Représentants de ce grand peuple d’Afrique du Sud, hérauts d’une société plus juste et plus humaine parce que plus fraternelle. C’est pour saluer, à travers vous ce peuple et l’espoir qu’il nous donne, que j’ai souhaité m’adresser à vous aujourd’hui et je vous remercie de l’avoir accepté.

Parce que l’Afrique a su faire naître cet espoir, nous voulons aujourd’hui travailler avec elle à le faire grandir. Notre monde s’appuie désormais sur cet exemple pour construire un système plus juste et plus humain. La France apporte à cette tâche sa propre foi dans la liberté, l’égalité et la fraternité dont elle a fait sa devise et qui lui vient de sa propre Révolution.

Partageant les mêmes valeurs, nourrissant les mêmes espérances, j’ai la conviction que la France et l’Afrique du Sud, agissant ensemble, peuvent mieux que d’autres contribuer à l’émergence d’un monde apaisé.

Ce défi commun, nous l’avons en partage d’abord pour que l’Europe et l’Afrique tissent enfin des liens nouveaux ; des liens qui ne soient plus ceux de l’inégalité, de l’exploitation ou du ressentiment, mais comme je l’ai dit en juillet dernier à Dakar, des liens d’égalité, des liens d’équité et de respect.

La relation entre la France et l’Afrique, vous le savez, est ancienne.

Cette relation a pu être douloureuse. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer les crimes et les fautes commises. Il ne faut pas les oublier.

Il ne faut pas oublier non plus ce que la France doit à l’Afrique. Je pense notamment à l’aide précieuse que l’Afrique nous a apportée dans les deux guerres mondiales. Je pense notamment à l’Afrique du Sud qui a combattu à nos côtés.

La force de ces liens n’appartient pas qu’au passé. Elle s’inscrit aussi dans l’identité française : près de 10% de la population française peut revendiquer son origine africaine.

Elle s’inscrit aussi dans l’identité africaine à travers la langue française qui est une des langues officielles de l’Union Africaine.

En dépit de la profondeur et de l’ancienneté de ces liens, la relation de la France avec l’Afrique, particulièrement avec l’Afrique sub-saharienne, se distend.

Le nombre de Français vivant en Afrique, les exportations et les investissements français vers l’Afrique ont baissé.

Il en résulte que nos partenaires traditionnels en Afrique ont parfois le sentiment d’un abandon et d’un désintérêt de la France à leur égard.

Cette relation est compliquée parce que s’y mêlent depuis toujours à la raison le sentiment et la passion, parce qu’elle est depuis toujours chargée d’une grande affectivité, mais aussi parce qu’elle est en décalage par rapport à ce que veulent les Africains et à ce que perçoivent les Français.

Aujourd’hui l’ancien modèle de relations entre la France et l’Afrique n’est plus compris par les nouvelles générations d’Africains, comme d’ailleurs par l’opinion publique française.

Je sais qu’au sein-même de cette Assemblée, certains d’entre vous, militants de la lutte de libération, perçoivent eux-mêmes encore ces relations de la France et de l’Afrique, à travers le prisme de la colonisation.

Nous nous trouvons dans une situation où notre engagement politique, militaire ou économique aux côtés de l’Afrique est perçu par beaucoup non comme une aide sincère, mais comme une ingérence néocoloniale ; mais où, dans le même temps, une indifférence, un retrait ou une absence d’engagement nous sont reprochés comme un abandon ou une ingratitude.

Les Africains en ont assez de recevoir des leçons de morale ou de bonne gouvernance. Ils les perçoivent comme arrogantes et condescendantes ; mais dans le même temps, les sociétés civiles et les opinions publiques d’Afrique nous interpellent : elles souhaitent notre implication directe à leur côté, par exemple pour dénoncer la corruption ou la mauvaise gouvernance.

Il existe aujourd’hui une sorte d’exception africaine dans l’opinion publique : ce qui est considéré comme normal avec d’autres régions du monde fait naître le soupçon quant aux intentions du gouvernement français dès qu’il s’agit de l’Afrique.

La jeunesse africaine entretient avec la France une relation ambivalente d’attirance et de contestation.

Actuellement, plus de 100.000 Africains font des études supérieures en France. Contrairement aux idées reçues, il n’y a jamais eu autant d’étudiants africains dans les universités françaises. Et cependant, la jeunesse d’Afrique éprouve le sentiment que la France se ferme à elle.

Ces malentendus et ces paradoxes trahissent une situation qui n’est évidemment pas satisfaisante. C’est pourquoi j’ai appelé à de nombreuses reprises à l’établissement de nouvelles relations équilibrées, transparentes et décomplexées. Des relations qui se fondent sur les réalités contemporaines.

Ma conviction est que la relation franco-africaine est pleine d’avenir si nous lui donnons un nouvel élan.

De même que l’Afrique du Sud incarne une Afrique nouvelle, la relation franco-sud-africaine doit inspirer une relation nouvelle entre la France et l’Afrique.

Il est vrai, notre relation ne porte pas le poids du passé. Notre histoire commune est limitée.

La France et l’Afrique du Sud n’ont pas la même langue, n’ont pas la même histoire, n’ont pas la même culture et pourtant elles se comprennent.

Dénués de présupposés, les rapports entre nos deux pays sont exemplaires ; équilibrés, transparents et décomplexés.

L’Afrique du Sud est devenue notre premier partenaire en Afrique dans de nombreux domaines.

Premier partenaire commercial, votre pays est également la première destination des investissements français. Près de 160 sociétés françaises y développent des partenariats industriels et créent des emplois.

Les accords que nous avons signés ce matin, dans les domaines de l’énergie, des transports, de la science et du tourisme témoignent de la diversité de ces liens.

Cette relation peut encore être renforcée.

Le niveau de développement atteint par l’Afrique du Sud n’explique pas à lui seul la nature de nos relations. Entre nous, il n’y a place que pour une relation équilibrée, un partenariat véritable ; c’est-à-dire fondé sur l’égalité, la transparence et l’intérêt mutuel.

C’est en ce sens aussi que notre relation commune doit inspirer celle que nous voulons établir avec l’ensemble des pays du Continent africain.

Monsieur le Président, Cher Thabo, vous avez coutume de dire que "l’Afrique du Sud ne peut être un îlot de prospérité au milieu d’un océan de misère". A Paris, nous pensons la même chose.

Je réaffirme devant vous que la sécurité et la prospérité de la France et de l’Europe sont indissociables de la sécurité et de la prospérité de l’Afrique.

Les 14 kilomètres du détroit de Gibraltar font de l’Europe et de l’Afrique des voisins immédiats.

J’ai eu l’occasion de dire lors de mon précédent voyage en Afrique, en juillet dernier, qu’il ne saurait y avoir d’autres finalités pour notre politique en Afrique que l’unité de l’Afrique et la Renaissance africaine. Celle-ci déterminera en partie la stabilité de l’Europe et l’avènement d’un monde plus juste.

Cette Renaissance, la France la souhaite, elle la souhaite de toute son âme, elle la souhaite de tout son cœur, elle la souhaite au nom de tout ce qu’il l’unit à l’Afrique.

Cette Renaissance, l’Afrique du Sud la veut. Elle en a donné le signal. Elle en a montré l’exemple.

La Renaissance, ce n’est pas d’abord une affaire de moyens. C’est d’abord une affaire de mentalités. L’homme de la Renaissance est un homme qui croit que tout est possible. L’homme de la Renaissance est un homme qui croit en l’Homme, qui croit que l’homme peut changer le monde. C’est un homme dont les rêves sont plus grands que ce qu’il peut accomplir.

Pour travailler à cette Renaissance, la France veut refonder ses relations avec l’Afrique. Elle ne veut pas être en Afrique pour perpétuer sous d’autres formes des rapports inégaux qui appartiennent à un passé révolu. La relation entre la France et l’Afrique ne peut plus être fondée sur des accords et sur des politiques qui sont des survivances d’une époque où le monde était bien différent de ce qu’il est aujourd’hui.

Si la France veut refonder sa relation avec l’Afrique, elle doit commencer par reconnaître et assumer ses intérêts en Afrique.

La paix et la sécurité du Continent africain, la lutte contre la pauvreté, la croissance économique du continent, son insertion dans la mondialisation, sont pour nos deux pays des intérêts communs.

Oui, la France, comme l’Afrique du Sud, a intérêt au développement de l’Afrique. Le potentiel de croissance de votre continent, ses richesses naturelles, son marché prometteur en font une partie du monde que nous ne pouvons négliger.

Oui, la France, comme l’Afrique du Sud, a intérêt à la sécurité de l’Afrique. D’abord parce que la paix et la stabilité sont les conditions indispensables du développement. Ensuite, parce que les guerres, les pandémies, les trafics ou le terrorisme en Afrique ont des conséquences directes en France.

Enfin, la France, comme l’Afrique du Sud, ont un même intérêt à une meilleure régulation de la mondialisation. Qu’on en conteste les effets ou pas, la mondialisation est entrée dans notre histoire. Et il serait totalement illusoire et dangereux de prétendre gérer les grandes affaires du monde sans l’Afrique.

L’Europe et l’Afrique représentent ensemble près de la moitié des pays de la planète. C’est ensemble, et ensemble seulement, que les Européens et les Africains pourront peser sur la mondialisation.

L’Afrique a tout pour profiter mieux de la mondialisation et y entrer davantage. Elle est déjà mondialisée. Mais, à l’image de l’Afrique du Sud, elle doit devenir un acteur de la mondialisation plutôt que d’être perçue comme un sujet de la mondialisation.

L’Afrique du Sud est déjà pour nous un partenaire dans la mondialisation.

La déclaration commune que nous avons adoptée ce matin sur le changement climatique en offre une bonne illustration.

Je pense encore à notre approche commune sur la démocratisation de la gouvernance mondiale. Je pense au G8 qui a vocation à se transformer en G13 et au sein duquel l’Afrique du Sud a toute sa place. Je pense enfin au FMI et au Conseil de Sécurité des Nations Unies.

Il ne nous appartient pas de décider qui représentera l’Afrique. Mais je constate que l’Afrique du Sud marche à l’avant-garde de ce continent ; qu’elle a tous les atouts pour faire entendre sa voix dans ces enceintes.

Le partenariat franco-sud-africain me semble donc solide.

Le Président Mbeki a par le passé gratifié la France du titre de "Citoyenne d’Afrique". C’est à mes yeux un vrai compliment et je souhaite que la France le mérite.

Pendant la campagne présidentielle j’ai exprimé ma volonté de rénover la relation entre la France et l’Afrique. J’ai commencé à le faire.

D’abord en matière de sécurité.

Ainsi, il y a trois semaines au Tchad, alors que des mouvements rebelles tentaient de renverser par les armes les autorités légales du pays, la France, qui, vous le savez, a dans le pays un dispositif militaire, s’est interdit de s’immiscer dans les combats.

Ce changement était nécessaire, et la raison en est simple.

La présence militaire française en Afrique repose toujours sur des accords conclus au lendemain de la décolonisation, il y a près de 50 ans !

Je ne dis pas que ces accords n’ont pas été justifiés. Mais je dis que ce qui a été fait en 1960 n’a plus le même sens aujourd’hui. Leur rédaction est obsolète. Il n’est plus concevable, par exemple, que nous soyons entraînés dans des conflits internes. L’Afrique de 2008 n’est pas l’Afrique de 1960 ! La France en tirera toutes les conséquences avec ses partenaires africains.

Je souhaiterais, à cet égard, faire quatre propositions.

La première porte sur les accords de défense entre la France et les pays africains. Ils doivent refléter l’Afrique d’aujourd’hui, et non pas l’Afrique d’hier. Ils doivent reposer sur les intérêts stratégiques de la France et de ses partenaires africains. Je ne dis pas qu’il faille nécessairement faire table rase et tout effacer d’un seul trait de plume. Mais je dis que la France souhaite engager des discussions avec tous les Etats africains concernés pour adapter les accords existants aux réalités du temps présent et en tenant le plus grand compte de leur propre volonté. Elle sera également ouverte au dialogue avec tous ceux qui souhaiteront nouer avec elle un nouveau partenariat en matière de sécurité.

Deuxièmement, je propose de refonder nos relations sur le principe de transparence. La transparence, c’est la meilleure garantie pour des relations solides et durables, le meilleur antidote aux fantasmes et aux incompréhensions si complaisamment répandus lorsqu’on évoque les liens qui unissent la France aux Africains. Contrairement à la pratique passée, nos accords devront être intégralement publiés. Je compte également associer étroitement le Parlement français aux grandes orientations de la politique de la France en Afrique.

Troisièmement, je propose que la présence militaire française en Afrique serve en priorité à aider l’Afrique à bâtir, comme elle en a l’ambition, son propre dispositif de sécurité collective. L’Union africaine souhaite disposer de forces en attente à l’horizon 2010 – 2012 ? Que cet objectif soit aussi celui de la France ! La France n’a pas vocation à maintenir indéfiniment des forces armées en Afrique.

Il ne s’agit pas d’un désengagement de la France en Afrique. Je souhaite au contraire que la France s’engage davantage au côté de l’Union Africaine pour construire le système de sécurité collective dont l’Afrique a besoin car la sécurité de l’Afrique c’est d’abord naturellement l’affaire des Africains.

Enfin, ma dernière proposition vise à faire de l’Europe un partenaire majeur de l’Afrique en matière de paix et de sécurité. C’est le sens du partenariat conclu entre nos deux continents à Lisbonne en décembre dernier. Il appartient désormais aux Européens et aux Africains de le construire ensemble. C’est dans notre intérêt à tous, car une Europe forte a besoin d’une Afrique forte.

Mais la France a une conviction, et je sais que l’Afrique du Sud la partage : le meilleur garant de la paix et de la sécurité en Afrique comme partout ailleurs, c’est la démocratie et la justice. C’est vrai en Côte d’Ivoire où je souhaite la tenue d’élections libres, justes et reconnues. Il en va de même au Zimbabwe. C’est aussi vrai au Tchad où l’enracinement de la démocratie appelle dès maintenant de nouveaux efforts de la part de tous. La démocratie et les Droits de l’Homme ne sont pas une conditionnalité imposée de l’extérieur. La démocratie et les Droits de l’Homme n’ont rien d’étranger à l’Afrique. Ce sont des aspirations des populations africaines que la France partage.

En matière de développement, je souhaite que la France contribue plus activement à la lutte contre la pauvreté en Afrique.

Elle le fera en continuant à soutenir la réalisation des Objectifs de Développement du Millénaire. Elle maintiendra son engagement financier dans ce domaine.

J’ai également souhaité que la France intervienne de manière plus ciblée pour favoriser l’accélération de la croissance économique. Je souhaite qu’elle contribue directement à la création d’entreprises africaines génératrices d’emplois.

C’est pourquoi j’ai décidé de lancer une initiative de soutien à la croissance économique, ouverte à d’autres partenaires.

Cette initiative, qui sera mise en œuvre par l’Agence Française de Développement comporte trois composantes :

D’abord un fonds d’investissement de 250 millions d’euros prendra des participations dans d’autres fonds mixtes ou thématiques.

La deuxième composante est la création d’un fonds de garantie doté aussi de 250 millions d’euros. Il doit permettre de faciliter l’accès des PME africaines au crédit bancaire et au capital.

La dernière composante est le doublement de l’activité de l’Agence Française de Développement en faveur du secteur privé, soit un engagement de 2 milliards d’euros sur 5 ans.

Au total, cette initiative mobilisera deux milliards et demi d’euros en 5 ans ; qui financeront directement ou indirectement prés de 2000 entreprises, pour la création de 300 000 emplois.

En intégrant cette initiative, le total des engagements financiers français bilatéraux pour l’Afrique subsaharienne s’élèvera donc à 10 milliards d’euros sur les 5 prochaines années.

Le secteur privé français doit également participer activement à la croissance économique africaine.

Je ne saurais parler de l’avenir des relations entre la France et l’Afrique sans évoquer la question des migrations. 65% des 200 000 étrangers qui s’installent chaque année en France viennent du continent africain.

Cependant, il ne s’agit pas seulement d’un phénomène Nord-Sud. La grande majorité de ces mouvements migratoires est interne au continent africain.

L’Afrique du Sud accueille d’ailleurs à elle-seule près d’un quart des populations migrantes en Afrique.

La réalité de l’immigration n’est pas satisfaisante aujourd’hui. Elle ne l’est pas pour nous ; elle ne l’est pas davantage pour vous. Européens et Africains du Sud, nous sommes confrontés au même défi. Alors que 500 000 personnes entrent illégalement en Europe tous les ans, l’ampleur du phénomène vers l’Afrique du Sud l’oblige également à un très grand nombre d’expulsions.

Je ne dis pas que l’immigration est un phénomène qu’il faudrait combattre. J’ai toujours rejeté l’idée d’immigration zéro, une idée à la fois irréaliste et dangereuse. La France comme l’Afrique du Sud sont deux nations qui doivent une part de leur essor à l’apport des migrants.

Aucun pays au monde ne peut se permettre de recevoir une quantité de migrants qui excède sa capacité à les accueillir dignement, dans le travail, le logement, l’éducation et les soins. La rupture de cet équilibre entraîne des phénomènes de chômage massif des étrangers, d’exclusion et de ghettos. A terme, elle favorise la violence et la xénophobie.

C’est la responsabilité de tout Gouvernement de décider combien de migrants il est prêt à accueillir sur son territoire et dans quelles conditions. Le principe vaut autant pour les Européens que pour les Africains.

La France prépare une réforme capitale de sa politique de l’immigration. Un quota annuel de nouveaux migrants accueillis en France sera débattu et voté chaque année par le Parlement. Ce plafond chiffré comportera des sous-catégories par motifs d’immigration – travail ou regroupement familial. Il sera négocié avec les pays d’origine dans le cadre des accords de gestion concertés des flux migratoires.

Le temps est venu de construire un partenariat euro-africain sur les migrations, en particulier sur trois sujets essentiels :

D’abord le pillage des cerveaux. Un rapport de l’OMS de 2006 souligne ainsi que l’Afrique qui supporte 24% du fardeau des maladies ne possède plus que 3% du personnel médical. Cette situation n’est pas tenable. Il nous faut organiser des migrations d’allers-retours ; éviter le départ définitif des élites africaines.

Ensuite, la répression des filières : il est temps que la communauté internationale se mobilise contre cet odieux trafic.

Enfin le co-développement, c’est-à-dire la mobilisation des populations migrantes pour le développement des pays d’origine.

Ce nouveau chantier fait partie d’un large paquet de mesures adopté lors du 2ème Sommet UE Afrique à Lisbonne. Je me réjouis qu’il ait pu se tenir en décembre dernier. La France soutient cet engagement européen accru en Afrique.

Mais cette relation nouvelle ne rend pas obsolètes les liens spécifiques entre la France et l’Afrique.

Au-delà de la relation entre Etats, ces liens s’établissent aussi entre parlementaires, collectivités locales, syndicats, associations, universitaires ou opérateurs économiques.

Ces liens sont forts et me conduisent aussi à souhaiter la poursuite des Sommets Afrique-France. Certes, j’entends bien les critiques. Ces rencontres ont débuté en 1973, mais elles n’ont pas vocation à être une simple perpétuation du passé. Il y aurait un paradoxe à les abandonner, au moment même où leur modèle est copié par de nombreux autres pays.

Pour autant, il est nécessaire de les adapter quant à leur finalité et à leur déroulement.

Il est nécessaire d’en changer les méthodes et les objectifs. Leur préparation mériterait plus de concertation ; les débats gagneraient à être structurés différemment ; il y a lieu d’ajuster leur périodicité à celle d’autres rencontres, dans le cadre de l’Union Européenne ou de l’Organisation Internationale de la Francophonie. On peut songer enfin à leur conférer un caractère plus concret, tirer des bilans ou formuler des orientations.

Je propose que la prochaine réunion ministérielle de suivi qui précèdera le prochain Sommet déjà prévu au Caire en 2009 soit l’occasion de se prononcer en commun sur de nouvelles modalités.

Alors que débute le XXIème siècle, notre génération porte la lourde responsabilité de lui éviter les drames qu’a connus le précédent. Le message d’humanité et de réconciliation venu d’Afrique du Sud doit nous guider.

Dans mon bureau, il y a une photo de Nelson Mandela qu’il m’a offerte lorsqu’il est venu à Paris l’année dernière. Quand je regarde ce visage qui pour le monde entier est devenu celui du pardon, je pense toujours à deux choses qu’il a dites.

La première, c’était pendant la campagne de 1994. Ils disait à ceux pour la dignité desquels il s’était tant battu : « Si vous voulez vivre mieux, vous devez travailler dur. Nous ne pouvons le faire à votre place ; vous devez le faire vous-mêmes. »

La deuxième, c’est ce passage magnifique à la fin de ses mémoires, quand il dit : « Personne ne naît en haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, ou de son passé, ou de sa religion. Les gens doivent apprendre à haïr, et s’ils peuvent apprendre à haïr, on peut leur enseigner aussi à aimer. »

Votre histoire nous enseigne que les hommes ne sont pleinement humains que par et grâce à d’autres hommes. Votre pays en fait tous les jours la démonstration en faisant coexister les descendants des esclaves et ceux des maîtres ; les descendants des fermiers venus d’Angleterre, des Pays-Bas ou de France et ceux des conquérants zoulous et des guerriers khossas ; les descendants des métayers venus du Gujarat et ceux des mineurs venus de toute l’Afrique Australe.

Votre histoire démontre que les valeurs de votre révolution, comme celles de la Révolution Française, peuvent toujours permettre de transformer le monde. Ensemble, nous croyons à l’égalité des droits et à l’égalité des dignités.

Il nous dit que le monde, pour réussir, a besoin de l’Afrique et de sa voix, d’une Afrique debout, vivante et libre.

Vive l’Afrique du Sud,

Vive la France.

IV —  SECTIONS DU LIVRE BLANC CONSACRÉES AUX ACCORDS DE DÉFENSE

V —  DISPOSITIONS DE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE POUR 2009-2014 RELATIVES AUX ACCORDS DE DÉFENSE

Rapport annexe à la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 avril 2009.

Les accords de défense


La liste des accords de défense a été rendue publique. Le Parlement sera désormais informé de la conclusion et des orientations de ces accords.


Les conventions ou les clauses relatives aux possibilités d’intervention de la France dans des missions de maintien de l’ordre, figurant dans certains accords bilatéraux, seront abrogées.

© Assemblée nationale

1 () Cf. annexes.

2 () Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Communauté Sud-Africaine de Développement (SADC), Communauté Économique des États d’Afrique Centrale (CEEAC).

3 () Eastern African Standby Brigade Coordination Mechanism (EASBRICOM) et North African capacity (NARC).

4 () Les forces armées de la zone sud de l’Océan Indien (FAZSOI) ont une mission duale de forces de souveraineté et de coopération régionale au profit de la SADC.

5 () État-major interarmées.

6 () Voir le rapport n° 2937 de M. Christian Ménard sur le projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer, enregistré le 9 novembre 2010.

7 () Ancien centre de transit de l’esclavage, il s’agit aujourd’hui d’un lieu de mémoire.

8 () Le rapporteur a participé au déplacement du groupe d’amitié parlementaire France-Cameroun effectué du 15 au 20 septembre 2008 à Douala, Yaoundé et Bafoussam.

9 () Mission des Nations Unies pour la République Centrafricaine et le Tchad.

10 () Rapport de M. Christian Ménard, op cit.

11 () L’organisation non gouvernementale Transparency International a classé le Cameroun 146e sur les 178 pays dont elle évalue le degré de corruption (le 178e y étant réputé le moins vertueux).

12 () La coopération structurelle se distingue de la coopération opérationnelle qui relève du ministère de la défense et consiste en des exercices communs, des échanges de personnels ou encore des escales.

13 () S’y ajoute l’envoi de 26 stagiaires dans des écoles nationales à vocation régionale en Afrique.

14 () Pour mémoire, la mission logistique a assuré en 2010 le transit de près de 267 tonnes de matériels par air et de 5 345 tonnes par mer.

15 () Cf. annexes.

16 () Dans le cas du Cameroun, le Livre blanc identifie l’accord spécial de défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République unie du Cameroun, signé à Yaoundé, le 21 février 1974.

17 () Cf. annexe.