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N
° 3330

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 avril 2011.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE
ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE
(n° 3253),
relatif à
l’équilibre des finances publiques.

PRÉSENTÉ

PAR M. GILLES CARREZ,

Rapporteur général,

Député.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 3253

INTRODUCTION 7

I.– UNE RÉVISION DE LA CONSTITUTION POUR UNE NOUVELLE ÈRE BUDGÉTAIRE 9

A.– RENFORCER LA DÉMARCHE DE CONSOLIDATION BUDGÉTAIRE PAR UN CADRE CONSTITUTIONNEL PLUS CONTRAIGNANT 9

1.– La révision constitutionnelle de 2008 : un premier pas en faveur d’une gestion pluriannuelle des finances publiques 9

a) Une histoire budgétaire marquée par le principe de l’annualité budgétaire 9

b) La révision constitutionnelle de 2008 : la consécration d’un pilotage pluriannuel des finances publiques sous le contrôle du Parlement 12

c) Les insuffisances du cadre juridique actuel pour parvenir à l’objectif d’équilibre des comptes publics 15

2.– Renforcer les dispositions constitutionnelles pour atteindre l’équilibre des comptes publics : une nouvelle étape indispensable 16

a) Les études économiques conférant à la règle d’équilibre budgétaire un rôle de stabilité macroéconomique 16

b) Quelques exemples en Europe de règles budgétaires utiles 19

B.– PRÉSERVER LA PLACE DE LA FRANCE EN EUROPE 26

1.– Une incapacité à mettre à profit les périodes de « vaches grasses » à laquelle remédie la loi-cadre 26

2.– Une mesure forte pour éviter de voir s’accroître l’écart séparant la France de l’Allemagne 28

3.– Une révision de la Constitution qui s’inscrit dans le projet de gouvernement économique de la zone euro 33

II.– COMMENT ASSURER LA CRÉDIBILITÉ DU RETOUR À L’ÉQUILIBRE DES COMPTES PUBLICS ? 34

A.– LA LOI-CADRE, UN NOUVEL INSTRUMENT JURIDIQUE ENTRE CONTRAINTE ET SOUPLESSE 34

1.– Le principe d’un nouveau type de norme s’imposant aux lois de finances et aux lois de financement 34

2.– Une contrainte juridique dont la force dépendra largement du législateur organique 34

a) Le choix des dispositions de la loi-cadre s’imposant aux lois de finances et de financement 35

b) Le choix de la période couverte par la loi-cadre et de ses modalités de révision 39

c) Le choix de la procédure et du calendrier d’examen de la loi-cadre 40

d) Le choix du contrôle de l’exécution de la loi-cadre 43

3.– Une contrainte budgétaire définie par le législateur financier 44

B.– LA QUESTION CRUCIALE DE L’ARTICULATION ENTRE LOI-CADRE ET « SEMESTRE EUROPÉEN » 45

C.– LE MONOPOLE DES LOIS DE FINANCES ET DES LOIS DE FINANCEMENT EN MATIÈRE DE FISCALITÉ ET DE COTISATIONS SOCIALES 48

1.– Mettre en œuvre des principes élémentaires de bonne gestion 48

2.– Un monopole qui implique une évolution du travail parlementaire 49

AUDITION DE M. MICHEL MERCIER, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTÉS, ET DE M. FRANÇOIS BAROIN, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT 53

EXAMEN DES ARTICLES 66

Article premier (art. 34 de la Constitution) : Monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale sur les dispositions relatives aux mesures fiscales et aux recettes de la sécurité sociale et création des lois-cadres d’équilibre des finances publiques 66

Article 2 (art. 39 de la Constitution) : Droit de priorité de l’Assemblée nationale pour l’examen des projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques 95

Après l’article 2  96

Article 3 (art. 42 de la Constitution) : Engagement de la discussion des projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques sur le texte du Gouvernement et absence de délai impératif entre le dépôt ou la transmission et l’examen par une assemblée 98

Article 4 (art. 46-1 [nouveau] de la Constitution) : Renvoi des conditions de vote des projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques à la loi organique et possibilité pour le Gouvernement d’encadrer les délais de discussion 100

Articles 5 et 6 (art. 47 et 47-1 de la Constitution) : Subordination de l’adoption définitive des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale à l’existence d’une loi-cadre d’équilibre des finances publiques 104

Article additionnel après l’article 6  (art. 47-2 de la Constitution) : Contrôle de la Cour des comptes sur la mise en œuvre des lois-cadres d’équilibre des finances publiques 108

Article 7 (art. 48 de la Constitution) : Inscription prioritaire des projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques à l’ordre du jour parlementaire 109

Article 8 (art. 49 de la Constitution) : Engagement de la responsabilité du Gouvernement sur les projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques 110

Article 9 (art. 61 de la Constitution) : Contrôle de droit du Conseil constitutionnel sur les lois-cadres d’équilibre des finances publiques 112

Article 10 (art. 70 de la Constitution) : Consultation du Conseil économique, social et environnemental sur les projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques 119

Article 11 (art. 72-2 de la Constitution) : Monopole des lois de finances sur les dispositions relatives à la fiscalité locale et aux compensations des transferts de compétences aux collectivités territoriales 120

Article 12 (art. 88-8 [nouveau] de la Constitution) : Transmission au Parlement des projets de programme de stabilité 132

Article 13 : Entrée en vigueur 138

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 141

INTRODUCTION

La crise économique et financière mondiale, déclenchée par la faillite de la banque Lehmann Brothers en septembre 2008, a imposé à la plupart des pays de l’OCDE de mener des plans de relance et de sauvetage du secteur financier considérables, entraînant de facto un creusement majeur de leur déficit budgétaire et un gonflement massif des dettes publiques entre 2008 et 2010.

Dans la zone euro, trois pays se sont trouvés en situation d’insolvabilité : la Grèce, à la suite d’une attaque spéculative sur sa dette publique, l’Irlande, à la suite de la quasi-faillite de ses établissements financiers privés, et désormais le Portugal rongé par une croissance faible et un manque de compétitivité. Cette situation a provoqué la mise en place, dès le mois de mai 2010, d’un mécanisme d’assistance financière aux États membres de la zone euro assis sur l’intervention conjointe des États membres et du Fonds monétaire international. Si ce dispositif a permis de mettre fin aux menées spéculatives qui mettaient en danger la stabilité financière de la zone euro, les chefs d’État et de gouvernement ont tracé des pistes d’évolution substantielle de l’environnement institutionnel de la zone monétaire commune à travers une meilleure coordination des politiques économiques et des politiques budgétaires et la création d’un mécanisme pérenne de gestion des crises de financement des États (1).

En France, la violente chute de l’activité depuis 2008 est la principale cause de la hausse spectaculaire du déficit public à travers des moins-values fiscales liées à la baisse du PIB et à la forte contraction des assiettes ainsi qu’à l’augmentation des prestations chômage ou des dépenses d’intervention. Selon la Cour des comptes (2) et l’OFCE (3), la conjoncture économique explique environ trois quarts de l’alourdissement du déficit en 2009 : après avoir été de 2,7 % du PIB en 2007 et de 3,3 % en 2008, le déficit a atteint 7,6 % en 2009 et 7,7 % en 2010. En 2010, le déficit de l’État a ainsi atteint 152 milliards d’euros en comptabilité budgétaire et le déficit du régime général de la sécurité sociale 23,1 milliards d’euros. Il en résulte que la dette publique française est passée de 67,5 % du PIB en 2008 (soit 1 315 milliards d’euros) à 78,1 % en 2009, et 82,9 % en 2010 (soit 1 615 milliards d’euros). L’impact de cette crise sur les finances publiques françaises est profond et durable et le retour à un niveau d’endettement public brut conforme aux critères de Maastricht, qui hier était un objectif à portée de main, n’est plus aujourd’hui réalisable dans un avenir proche.

Dans son dernier rapport annuel (4), la Cour des comptes observe cependant que, même corrigées des effets de ces fluctuations conjoncturelles, la croissance des dépenses publiques et les mesures de baisse des prélèvements obligatoires ont contribué à aggraver le déficit structurel en 2010 d’environ 0,5 % du PIB (soit 10 milliards d’euros environ) pour atteindre 5,5 % du PIB. Or, la France s’est engagée, sur la période 2011-2014, à réduire drastiquement son déficit public pour atteindre 6 % du PIB en 2011, 4,6 % en 2012, 3 % en 2013 et 2 % en 2014. Ceci signifie en pratique que la France devra réduire son déficit structurel d’au moins 1 % par an ce qui impose près de 20 milliards d’euros d’économie chaque année. Alors que la part de la dette publique brute dans la richesse nationale pourrait atteindre plus de 87 % en 2012, la progression des intérêts de la dette est un enjeu majeur qui réduit d’autant les marges de manœuvre budgétaires de l’État.

La France se trouve donc confrontée à de nombreux défis issus de la crise économique et financière et de la nécessaire mise en œuvre de réformes plus structurelles, qui nécessitent de se donner tous les moyens pour approfondir la politique d’assainissement budgétaire.

Lors de la conférence sur le déficit du 28 janvier 2010, le Président de la République a donc annoncé la création de plusieurs groupes de travail chargés d’examiner toutes les mesures envisageables pour retrouver la voie de l’équilibre des comptes publics, parmi lesquelles un groupe de travail sur les modalités de mise en œuvre d’une règle d’équilibre des finances publiques présidé par M. Michel Camdessus. Ce groupe a rendu un rapport le 21 juin 2010 prônant, de manière consensuelle, une modification de la Constitution consistant à instituer une loi-cadre de programmation pluriannuelle des finances publiques qui s’impose aux lois de finances et de financement annuelles, lesquelles détiendraient le monopole des mesures fiscales et des recettes de sécurité sociale.

Le présent projet de loi constitutionnelle entend donc tirer les enseignements de la crise mondiale, du transfert de la dette privée vers la dette publique, des crises de solvabilité grecque, irlandaise et portugaise, en concrétisant les propositions consensuelles du groupe de travail présidé par Michel Camdessus. L’instauration d’une norme contraignante s’imposant au législateur financier apparaît en effet comme la nouvelle frontière à franchir pour relever les défis de la décennie à venir. Il n’existe pas d’alternative pour un État qui doit réussir là où il échoue depuis trente ans. De la même manière que la majorité et l’opposition s’étaient entendues sur la LOLF à la fin de la Xème législature, un accord bipartisan est nécessaire pour mener à bien cette réforme. Une telle entente devrait être trouvée dès lors que l’ensemble des acteurs partage, comme en 2001, le sens de l’État et de l’intérêt général.

I.– UNE RÉVISION DE LA CONSTITUTION POUR UNE NOUVELLE ÈRE BUDGÉTAIRE

La crise économique et financière et la crise de la zone euro ont fait du rétablissement des comptes publics la principale priorité des États européens. Dans la nouvelle ère budgétaire qui s’ouvre, l’ensemble des politiques publiques menées en France et en Europe devra s’inscrire dans un cadre de maîtrise des finances publiques imposé par la réalité financière et par l’Union européenne.

En prévoyant dans la Constitution l’existence d’un instrument – la loi-cadre – permettant de traduire cette exigence financière dans l’ordre juridique interne, le présent projet de loi redonne aux pouvoirs publics, et plus particulièrement au Parlement, la capacité de maîtriser la définition de ce cadre budgétaire.

A.– RENFORCER LA DÉMARCHE DE CONSOLIDATION BUDGÉTAIRE PAR UN CADRE CONSTITUTIONNEL PLUS CONTRAIGNANT

1.– La révision constitutionnelle de 2008 : un premier pas en faveur d’une gestion pluriannuelle des finances publiques

À la suite d’un amendement déposé à l’Assemblée nationale par plusieurs députés de la Commission des finances (5), la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (6) a été l’occasion d’introduire, à l’article 34 de notre Constitution, la notion de « loi de programmation des finances publiques », laquelle doit s’inscrire « dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ».

Si cette innovation constitutionnelle s’est avérée utile à la mise en place d’une gestion pluriannuelle des finances publiques, elle reste insuffisante en pratique pour atteindre l’objectif fixé faute de revêtir un caractère juridiquement contraignant.

a) Une histoire budgétaire marquée par le principe de l’annualité budgétaire

Depuis l’époque révolutionnaire, le budget de l’État doit obéir à des principes budgétaires élaborés de façon à permettre un contrôle du Parlement sur l’exécutif, le premier d’entre eux étant le principe d’annualité budgétaire. Héritier du consentement à l’impôt posé à l’article 14 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ce principe signifie que l’autorisation budgétaire délivrée par la loi de finances – autorisation de prélever les recettes mais aussi de procéder aux dépenses – n’est valable que pour une année.

Le principe d’annualité budgétaire intéresse donc tant la durée de l’autorisation budgétaire en s’opposant théoriquement à l’inscription dans une loi de finances d’autorisations portant sur plusieurs années, que l’exécution budgétaire elle-même, le Gouvernement étant tenu d’utiliser dans l’année les autorisations accordées.

L’application stricte du principe d’annualité budgétaire s’est néanmoins heurtée rapidement à des difficultés pratiques. L’essentiel des lois de finances est en fait constitué d’engagements pluriannuels occultes (7) : la création d’emplois nouveaux dans la fonction publique emporte l’engagement de l’État à payer le traitement du fonctionnaire et de sa pension pendant une très longue durée ; la charge de la dette publique constitue aujourd’hui le second poste de dépense du budget de l’État et fait peser sur celui-ci les intérêts de l’emprunt contracté pendant toute la durée du prêt ; tout programme d’investissements publics s’étend sur une durée pluriannuelle…

C’est la raison pour laquelle il est apparu utile de se doter rapidement des outils permettant d’institutionnaliser, dans une certaine mesure, la contrainte de pluriannualité.

Ainsi, outre l’instauration d’une période complémentaire (8), l’ordonnance du 2 janvier 1959 consacrait-elle dans ses articles 1 et 12, le vote des « autorisations de programme » permettant de dissocier les diverses étapes de l’opération de dépense d’investissement prévue par la loi et d’introduire des autorisations qui ne concernent que l’engagement proprement dit, à l’exclusion des autres phases (9: les autorisations de programmes, qui ne valaient que pour les dotations affectées « aux dépenses en capital et aux prêts, et exceptionnellement aux dépenses ordinaires de matériel », ne devenaient pas caduques avec la fin de l’année budgétaire mais perduraient jusqu’à leur annulation éventuelle. De la même manière, les « lois de programme » prévues initialement par l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 et dont le régime a été précisé par les deux premiers articles de l’ordonnance de 1959 devaient permettre la réalisation de travaux d’équipement s’échelonnant sur plusieurs années en dehors du cadre budgétaire des lois de finances. Pour autant, ces deux outils se sont en pratique révélés relativement inefficaces, soit que les autorisations de programme aient été limitées par la masse des crédits de paiements réellement disponibles (d’où l’accumulation d’autorisations de programmes non utilisées ou « dormantes »), soit que les lois de programme se soient réduites à un simple effet d’affichage politique puisqu’elles étaient dépourvues de toute force obligatoire sur le plan financier.

La « révolution copernicienne » engagée par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001 consistant à modifier le sens de la dépense publique, en introduisant la performance au premier rang des critères de la gestion publique et en ouvrant aux ordonnateurs une large liberté d’action, a introduit une innovation essentielle en matière de gestion pluriannuelle des dépenses à travers la dissociation systématique entre « autorisations d’engagement » et « crédits de paiement » (10). Désormais, toutes les dépenses, à l’exception notable des dépenses de personnel, peuvent être engagées sur plusieurs années. Ce dispositif permet donc aux responsables de programme de faire valoir auprès du Parlement la dimension pluriannuelle de leur gestion, y compris pour les dépenses de fonctionnement courant, voire pour certaines dépenses d’intervention ou de subvention à des établissements publics (dans le cadre des contrats d’objectifs et de moyens).

L’article 50 de la LOLF introduit quant à lui la notion nouvelle de pluriannualité dans le rapport économique et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances. Il ne s’agit plus seulement de « définir l’équilibre économique et financier » dans le RESF mais de présenter « pour au moins les quatre années suivant le dépôt du projet de loi de finances des recettes, des dépenses et du solde de l’ensemble des administrations publiques détaillées par sous secteurs (…) au regard des engagements européens de la France ». La LOLF tire ainsi les conséquences des règlements communautaires du 7 juillet 1997 qui imposent aux États membres de présenter chaque année des projections macroéconomiques et budgétaires actualisées dans un « programme de stabilité » (11).

Il en est de même de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (12) (LOLFSS) qui prévoit que la LFSS présente, dans une annexe soumise au vote du Parlement, par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour les quatre années à venir.

Il n’en demeure pas moins que le principe d’annualité budgétaire demeure (13) puisque la loi de finances est votée chaque année et que les crédits de paiement représentent la limite supérieure des dépenses pouvant être ordonnancées ou payées pendant l’année par la couverture des engagements contractés (14). Certains considèrent d’ailleurs que, si les autorisations d’engagement sont le support naturel de la pluriannualité, celle-ci ne peut se manifester pleinement que si les autorisations d’engagement ouvertes une année déterminent les crédits de paiement ouverts les années suivantes en établissant avec eux un lien juridique fort (15). Or, sur cet aspect, l’article 51 de la LOLF serait moins contraignant que l’article 32 de l’ordonnance de 1959 puisqu’il retire son caractère normatif à l’échéancier des crédits de paiement associés aux autorisations d’engagement présenté par le Gouvernement, celui-ci ne revêtant plus qu’une valeur informative.

De plus, la LOLF n’a pas perpétué les « lois de programmes » prévues par l’ordonnance de 1959 condamnant ainsi toutes dispositions de programmation prises hors du champ économique et social (16). C’est l’une des nombreuses raisons pour lesquelles la révision constitutionnelle a d’ailleurs été engagée en 2008. L’article 11 du projet de loi constitutionnelle présenté par le Gouvernement (17) visait en effet à permettre l’adoption de loi de programmation pour fixer les objectifs de l’action de l’État dans tous les domaines, et non plus uniquement dans le champ économique et social (18).

Ayant pour objet d’atteindre un équilibre entre le principe d’annualité, élément de maîtrise démocratique des choix budgétaires, et le développement de la pluriannualité, outil participant à l’amélioration de la gestion publique, l’introduction en 2008 de la notion de lois de programmation dans la Constitution, et plus encore de lois de programmation des finances publiques, s’est avérée une démarche utile en faveur d’une meilleure maîtrise des finances publiques sous le contrôle du Parlement.

b) La révision constitutionnelle de 2008 : la consécration d’un pilotage pluriannuel des finances publiques sous le contrôle du Parlement

La révision constitutionnelle de 2008 fut l’occasion pour le Parlement de reprendre le contrôle sur les outils de gestion pluriannuelle des finances publiques jusqu’à présent définis de manière unilatérale par le Gouvernement dans le cadre du RESF ou du programme de stabilité transmis chaque année à la Commission européenne.

En effet, l’amendement n° 207 à l’article 11 du projet de loi constitutionnelle présenté par plusieurs membres de la Commission des finances de l’Assemblée nationale avait clairement pour objet de « créer une catégorie de lois de programmation permettant la fixation, par le Parlement, de la trajectoire des finances publiques, dans l’objectif d’équilibre des comptes publics » (19). L’article 34 de la Constitution modifié par cet amendement dispose désormais, en son avant dernier alinéa, que : « Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes publics ».

Ainsi le Parlement est-il à l’origine de la consécration dans la norme constitutionnelle de la nécessité d’une gestion pluriannuelle du budget de l’État et plus largement de l’ensemble des finances publiques (organismes divers d’administration centrale, collectivités territoriales et organismes de sécurité sociale), dont les « orientations » seront définies par la loi, et ce dans un « objectif » de valeur constitutionnelle d’ « équilibre » des comptes publics.

Bien que dépourvue de force obligatoire sur le plan financier, la loi de programmation des finances publiques est apparue comme une étape indispensable à la mise en œuvre d’une gestion pluriannuelle des dépenses et des recettes publiques sous le contrôle du Parlement, comme l’indiquait déjà le Rapporteur général dès 2004 : « Une loi de programmation pour l’assainissement budgétaire serait un outil intéressant. Elle traduit une volonté politique, sanctionnée par un vote, en un engagement de portée pluriannuelle assorti (...) d’un échéancier précis de réalisation. Elle provoque un débat d’ensemble sur les objectifs généraux recherchés par la programmation, sur le cheminement défini pour les réaliser, éventuellement sur les moyens précis qu’il convient d’actionner pour parvenir à ses fins, enfin sur les clauses de rendez-vous qui peuvent être fixées pour juger de son bon déroulement » (20).

Le premier exercice de la gestion pluriannuelle des dépenses issu de la révision constitutionnelle s’est traduit par l’adoption de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation pluriannuelle des finances publiques pour les années 2009 à 2012 et le second par l’adoption de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation pluriannuelle des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

Dans les deux cas, le législateur a souhaité améliorer le pilotage de la dépense publique, sur une période de quatre ans, à travers :

– la définition de la trajectoire d’évolution du solde des administrations publiques et de la dette publique ;

– l’édiction de règles de gouvernance en matière de dépenses : norme annuelle d’évolution des dépenses publiques en volume, norme annuelle de progression des dépenses de l’État (21), programmation triennale des crédits des missions du budget général de l’État (22), norme annuelle d’évolution des concours de l’État au profit des collectivités territoriales et norme annuelle d’évolution de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (2009-2012) et plus largement des dépenses de sécurité sociale (2011-2014) ;

– l’instauration de règles de pilotage des recettes (23) : encadrement des mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires et affectation des surplus de prélèvements obligatoires à la réduction des déficits publics ;

– des obligations pour le Gouvernement de suivi de la programmation, à travers la présentation au Parlement d’objectifs de coût des dépenses fiscales et des niches « sociales » et d’un bilan de la mise en œuvre de la programmation.

Malgré la crise économique et financière survenue en 2008, les lois de programmation des finances publiques ont donné au Parlement les moyens d’appréhender de façon transparente l’évolution de l’ensemble des dépenses publiques et d’apprécier la responsabilité des ministres chargés de définir et mettre en œuvre les orientations stratégiques des missions budgétaires sur l’ensemble de la programmation. De plus, du point de vue des gestionnaires, c'est-à-dire des responsables de programme, ce nouvel instrument législatif contribue à améliorer leur visibilité sur l’évolution du plafond de leurs crédits sur une période de trois ans.

Il n’en demeure pas moins que, juridiquement, la portée de la révision de l’article 34 de la Constitution en 2008 reste limitée : en ne conférant qu’une valeur indicative aux lois de programmation et en ne fixant aucune durée à la période de programmation, cette révision constitutionnelle permet au législateur financier de s’affranchir du cadre pluriannuel qu’il se fixe. En pratique, et bien que les circonstances économiques et financières récentes expliquent largement la situation, la France a creusé son déficit et alourdi sa dette publique de façon considérable.

c) Les insuffisances du cadre juridique actuel pour parvenir à l’objectif d’équilibre des comptes publics

Le Président de la République a annoncé, lors de la conférence sur le déficit du 28 janvier 2010, la création d’un groupe de travail appelé à formuler des propositions pour mieux assurer, le respect de l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques inscrit dans la Constitution depuis la révision du 23 juillet 2008.

Ce groupe de travail, présidé par Michel Camdessus et composé d’une quinzaine de membres dont des parlementaires de la majorité et de l’opposition, a rendu un rapport le 21 juin 2010 (24) mettant notamment l’accent sur les « chaînons manquants » de notre ordre financier, à savoir :

– l’absence d’une règle assurant la primauté des lois pluriannuelles organisant le cheminement vers un objectif d’équilibre sur les lois de finances et de financement annuelles ;

– l’absence d’un instrument permettant de soumettre aux délibérations et au vote du Parlement les engagements européens pris dans le cadre du programme de stabilité ;

– la portée limitée du contrôle du Conseil constitutionnel sur les lois financières ;

– l’archaïsme des méthodes de prise en compte des fluctuations conjoncturelles ;

– la contradiction entre le nécessaire encadrement des procédures d’adoption des lois de finances et de financement et la dispersion des sources d’initiative en matière fiscale ainsi qu’en matière de recettes de sécurité sociale ;

– l’indétermination de la date à laquelle l’objectif d’équilibre doit être atteint ;

– l’insuffisance des moyens propres à garantir la sincérité des lois de finances et de financement ;

– l’inadaptation des moyens de coordination au service d’une approche globale des finances publiques ;

– la vulnérabilité des décisions fiscales et budgétaires aux initiatives ou innovations tendant à les contourner.

Ce constat consensuel montre combien il est important désormais de franchir une étape supplémentaire pour redresser à terme nos comptes publics : elle suppose une volonté politique forte de se donner les moyens juridiques de renforcer la contrainte de la programmation pluriannuelle des finances publiques pour respecter l’engagement de la France vis-à-vis de ses partenaires européens de réduire le déficit public à 6 % en 2011, 4,6 % en 2012 et 3 % en 2013. Un renforcement du cadre constitutionnel en matière financière permettrait ainsi au législateur de remédier aux principaux défauts de l’ordre juridique financier français.

2.– Renforcer les dispositions constitutionnelles pour atteindre l’équilibre des comptes publics : une nouvelle étape indispensable

Outre la mise en évidence des « chaînons manquant » de l’ordre juridique financier français par le groupe de travail présidé par Michel Camdessus, deux autres arguments plaident en faveur d’un renforcement des règles budgétaires nationales :

– d’une part, la théorie économique enseigne que l’instauration de règles budgétaires de nature législative voire constitutionnelle peut être nécessaire à la stabilité macroéconomique ;

– d’autre part, plusieurs de nos partenaires européens se sont dotés d’une règle d’équilibre des finances publiques ou ont annoncé leur intention de modifier leur droit national en ce sens. En outre, le projet de directive européenne sur les cadres budgétaires nationaux à l’origine d’une nouvelle gouvernance économique européenne plaide en faveur d’un meilleur encadrement juridique de la gestion des finances publiques au niveau national.

a) Les études économiques conférant à la règle d’équilibre budgétaire un rôle de stabilité macroéconomique

Diverses études économiques montrent que des règles bien conçues, correctement appliquées et fondées sur les objectifs numériques peuvent se révéler très utiles pour la stabilité macroéconomique : stabilité des prix, régularité de la croissance et minimisation des taux de change (25).

Les règles budgétaires permettraient notamment d'internaliser l'objectif de soutenabilité des finances publiques dans les préoccupations courantes de gouvernements soumis au cycle électoral. L’idée est d’amener les décideurs de politique économique et sociale à s’engager volontairement pour contenir la dette et éviter un financement monétaire des déficits avec l’objectif de rééquilibrer les dépenses publiques, freiner la croissance de certaines catégories de dépenses, et accorder plus de place aux dépenses perçues comme prioritaires car favorables à la croissance de long terme.

L’équilibre des comptes publics se justifierait également par l’équité intergénérationnelle, en prévision du vieillissement des populations, en particulier en Europe, afin de dégager des marges de manœuvre nécessaires pour faire face à cette pression accrue sur les finances publiques (financement des retraites et de la dépendance notamment).

Les caractéristiques des règles budgétaires revêtent alors une grande importance. Il est généralement admis que l’impact des règles sur la performance budgétaire dépend du coût subi en cas de non respect (Inman, 1996) (26) : une règle sera donc d’autant plus forte qu’elle est soutenue par une base statutaire qui la rend difficilement modifiable, parce qu’elle figure dans la loi et plus encore dans une norme supérieure à la loi, a fortiori dans la Constitution (27), et qu’elle comporte des sanctions en cas de violation.

Kopits et Symanski (28) (1998) élargissent les caractéristiques d’une règle budgétaire efficace et déterminent ainsi un certain nombre de critères :

– la règle budgétaire doit être bien définie : cela implique que son champ d’application est clairement délimité et qu’il n’y a en principe aucun moyen d’y échapper ;

– elle doit être transparente et reposer sur des conventions statistiques ;

– elle doit être simple pour être comprise par les gouvernements et le public ;

– elle doit être flexible, pour permettre de faire face aux chocs exogènes ou à l’évolution de la conjoncture. Il est en effet évident que la croissance économique et ses principales composantes peuvent exercer une influence considérable sur certains agrégats, tels le solde primaire ou le solde de financement des administrations publiques ;

– elle doit être appropriée à l’objectif final : cela implique que la règle doit concerner les résultats budgétaires ex post plutôt que les objectifs figurant au budget ;

– elle doit être applicable et assortie d’incitations fortes à la respecter : c’est le cas si l’on peut imposer des sanctions lorsque la règle budgétaire n’est pas respectée. Il n’est pas absolument nécessaire d’avoir un mécanisme de sanction formel ; l’atteinte à la bonne réputation peut aussi être considérée comme une sanction. Il est toutefois démontré que l’incitation à respecter la norme budgétaire augmente à mesure que la sanction devient plus rigoureuse ;

– elle doit être cohérente avec les autres règles et les politiques macroéconomiques ;

– elle doit être efficiente, en ce sens que le critère auquel elle se rapporte ne peut en aucun cas être biaisé. La littérature spécialisée renvoie, en la matière, à la loi de Goodhart (29), selon laquelle un indicateur statistique perd de son sens en tant qu’indicateur utile dès lors qu’il devient un instrument de politique. En d’autres termes, un critère cesse d’être bon lorsqu’il devient un objectif.

De nombreux économistes reconnaissent cependant qu’une règle ne répond pas facilement à toutes ces propriétés (30). Ainsi, accroître la flexibilité d’une règle en réduit la simplicité. Par ailleurs, une règle simple qui n’établit aucune distinction entre la politique effectivement menée et les conséquences budgétaires d’événements qui se situent en dehors de la sphère d’influence directe des administrations publiques, risque d’être difficile à imposer. Les règles budgétaires constituent donc nécessairement le résultat d’un compromis imparfait entre les différentes préoccupations susmentionnées.

Toutefois, la question de la discipline budgétaire et de la méthode pour y parvenir se pose avec d’autant plus d’acuité au sein d’une union monétaire. La théorie des jeux cible cette contrainte particulière à travers le « problème de la mise en commun ». En matière de politique budgétaire, ce concept signifie que chaque « joueur » ou groupe d’intérêt veille à ses propres intérêts sans tenir compte des restrictions budgétaires générales. Or, quand un pays ne fait pas partie d’une zone monétaire, les marchés financiers peuvent en principe décourager la mise en œuvre d’une politique budgétaire inadéquate par l’incorporation d’une prime de risque plus élevée dans les taux d’intérêt pour les autorités qui sont confrontées à des difficultés budgétaires. En revanche, au sein d’une union monétaire, ce mécanisme de sanction est quasiment inexistant étant donné que les répercussions sur les taux d’intérêt d’une politique budgétaire inadéquate dans un pays donné se limitent alors à un léger relèvement du taux d’intérêt commun, qui est nettement inférieur à la hausse des taux d’intérêt que ce pays enregistrerait s’il ne faisait pas partie d’une union monétaire. Ceci est d’autant plus vrai dans le cas d’un État membre de taille relativement faible.

Ces caractéristiques justifient, sur le plan de la théorie économique, l’existence de règles budgétaires dans le cadre de l’Union économique et monétaire européenne. Le Pacte de stabilité et de croissance devait ainsi permettre de rééquilibrer les motivations des responsables politiques, d’imposer des limites à la politique budgétaire menée et d’introduire des mécanismes de coordination budgétaire (31).

La crise économique et financière actuelle montre toutefois que les règles budgétaires communautaires ne suffisent ni à éviter la dérive des dettes publiques nationales, ni à résorber les déficits publics, comme le montre en particulier la situation actuelle de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal. Plusieurs États membres estiment donc nécessaire de compléter ces règles communautaires par l’instauration d’une règle d’équilibre budgétaire dans leur Constitution tandis que la Commission européenne a proposé de renforcer la gouvernance économique européenne dans le cadre du semestre européen (32).

b) Quelques exemples en Europe de règles budgétaires utiles

 L’expérience britannique

En 1997, les autorités ont mis en place un « code de stabilité budgétaire » fondé sur des principes qui, parallèlement au nouveau régime de politique monétaire indépendante, cherchait à axer la politique macroéconomique sur la viabilité à long terme dans un cadre crédible et transparent. Le cadre budgétaire a été rendu opérationnel par deux règles budgétaires :

– la règle d’or, qui exige qu’au cours du cycle économique le gouvernement emprunte uniquement pour investir et que les dépenses courantes (y compris la consommation de capital) soient financées par la fiscalité ;

– la règle d’investissement durable, qui stipule qu’au cours du cycle le gouvernement doit veiller à maintenir la dette publique en proportion du revenu national à un niveau stable et prudent (défini par un ratio dette publique nette/PIB inférieur à 40 % en moyenne sur le cycle allant de 1997-1998 à 2006-2007).

En pratique, le Royaume-Uni est le seul pays qui a affiché un solde budgétaire excédentaire sur plusieurs années, à partir de 1998. En renforçant les investissements publics à travers une politique de financement par la dette, le Royaume-Uni a su poursuivre à partir de 1998 ses objectifs de stabilité et de croissance. Cette politique n’a conduit ni à une explosion de la dette publique, celle-ci restant stable autour de 40 % du PIB, ni à de l’inflation, tandis que le taux de croissance du pays est devenu supérieur à celui de ses principaux voisins européens entre 1998 et 2007.

En revanche, ces deux règles n’ont pas permis au Royaume-Uni de surmonter la crise économique et financière. En novembre 2008, les autorités ont donc suspendu ces deux règles pour des raisons de force majeure. Cette décision reflétait la soudaineté et la gravité de la récession.

Le gouvernement a adopté une règle opérationnelle temporaire : adopter des mesures pour améliorer chaque année le budget courant corrigé des influences conjoncturelles, dès que l’économie émergera de la récession, afin que ce budget atteigne l’équilibre et que la dette diminue en proportion du PIB une fois que les chocs mondiaux auront fait sentir tous leurs effets sur l’économie. La loi de finances prévoit donc que le budget corrigé des influences conjoncturelles reviendra à l’équilibre d’ici 2017-2018, tandis que le ratio dette nette/PIB baissera à partir de 2015-16.

Dans son étude économique sur la situation du Royaume-Uni en 2009, l’OCDE a présenté plusieurs recommandations afin de retrouver le chemin de la croissance et des finances publiques saines. Ainsi, estime-t-elle notamment que « Les autorités se sont engagées à rééquilibrer le budget courant corrigé des influences conjoncturelles et à faire en sorte que la dette diminue en proportion du PIB une fois la reprise enclenchée, et elles ont annoncé un programme d'assainissement budgétaire de plus de 50 milliards de livres sterling. Le gouvernement doit veiller à tenir son engagement de mettre en œuvre un assainissement durable. Tandis que le code de stabilité budgétaire a jeté les bases d'un cadre budgétaire robuste, le gouvernement devrait envisager de reformuler les règles de politique budgétaire une fois les incertitudes atténuées (…) Les règles reformulées devraient être prospectives, assurer une discipline de dépenses à moyen terme et rendre compte plus explicitement des passifs publics hors bilan (…)» (33).

Le gouvernement de coalition issu des urnes le 6 mai 2010 a fait de la réduction du déficit et l’assainissement des finances publiques la première de ses priorités. La mise en place d’un office indépendant (Office for Budget Responsability – OBR) le 17 mai 2010 chargé de déterminer le cadrage macroéconomique des lois de finances devrait y contribuer. Il devra notamment apprécier si les futurs projets de loi de finances ont au moins 50 % de chance d’atteindre l’objectif budgétaire du gouvernement et faire une évaluation du bilan de l’État, qui intégrera désormais les coûts associés au vieillissement de la population, le coût des retraites des agents publics et les contrats de partenariat publics privés. Le gouvernement réfléchit en outre à réviser son code de stabilité budgétaire pour tenir compte des recommandations de l’OCDE.

 L’expérience allemande

Dès la fin des années 1960, l’Allemagne a adopté une règle budgétaire, inscrite à l’article 115 de la Constitution, imposant que le déficit public n’excède pas le montant de l’investissement public brut. Cette règle d’or était toutefois assortie d’exceptions qui l’ont largement privée de portée. Par exemple, elle ne s’appliquait pas en cas de perturbation de l’équilibre macroéconomique en bas de cycle – sans que cette notion ne soit formellement définie (34).

La règle d’or allemande n’a donc pas permis de restreindre suffisamment l’accumulation de la dette publique au cours des décennies antérieures.

C’est la raison pour laquelle en 2009 le gouvernement a proposé une nouvelle règle budgétaire – également inscrite dans la Constitution – qui stipule désormais que le déficit budgétaire structurel de l’administration fédérale, c'est-à-dire le solde public corrigé des effets du cycle économique, doit revenir à 0,35 % du PIB d’ici à 2016 et que les budgets structurels des Länder doivent être équilibrés à l’horizon 2020. Une trajectoire de transition assure une baisse régulière des déficits structurels dans l’intervalle et ménage des marges de manœuvre pour mener des réformes structurelles temporairement coûteuses pour les finances publiques. Cette approche est ainsi cohérente avec l’objectif de moyen terme du Pacte de stabilité et de croissance qui prévoit une situation « proche de l’équilibre ou en excédent ». Elle est censée permettre également d’amortir les incertitudes liées au calcul de la composante cyclique du déficit effectif (35).

La règle constitutionnelle allemande peut cependant être suspendue en cas de circonstances exceptionnelles (catastrophes naturelles ou situation d’urgence). Dans ce cas, les écarts par rapport à la cible sont enregistrés dans un fonds ad hoc et doivent ensuite faire l’objet d’un plan d’amortissement contraignant.

En dehors de ces circonstances exceptionnelles, les écarts constatés, pour le budget de l’État fédéral, entre le solde structurel plafond (0,35 point de PIB) et le solde structurel réalisé (36) sont enregistrés sur un « compte notionnel de contrôle » dans la limite d’un cumul d’un point de PIB. Cela signifie que dès le compte présente un solde débiteur supérieur à un point de PIB, des mesures d’apurement des écarts doivent être prises, dans la limite de 0,35 point de PIB par an et seulement si l’économie est en phase haute du cycle (pour éviter un resserrement budgétaire procyclique). La surveillance budgétaire est également renforcée par la création d’un Conseil de stabilité (37) chargé de suivre l’exécution du budget de l’État fédéral et de chaque Land et d’exercer un rôle d’alerte pour prendre, le cas échéant, des mesures correctrices.

Selon l’OCDE, « sur la base de prévisions robustes, la nouvelle règle budgétaire contribuera sans doute à ramener les finances publiques sur une trajectoire durable, mais certains de ses éléments ne sont pas encore entièrement définis – le mécanisme d’ajustement cyclique pour les administrations infrafédérales, par exemple – ou tout à fait satisfaisants, et il faudra les affiner en fonction de l’expérience acquise avec la nouvelle règle ».

L’OCDE estime donc souhaitable de renforcer le Conseil de stabilité, qui est censé surveiller les évolutions budgétaires, notamment en le faisant bénéficier de contributions supplémentaires d’experts ou d’institutions indépendants du gouvernement. En outre, l’organisation estime que le gouvernement devrait s’orienter vers une approche descendante de la formulation du budget fédéral. Enfin, par une bonne hiérarchisation des priorités, il devrait faire en sorte que l’application de la règle permette de maintenir un niveau approprié d’investissements publics.

Il n’en demeure pas moins que la situation économique et budgétaire de l’Allemagne semble s’engager sur la bonne voie puisqu’elle a connu en 2010 un redressement spectaculaire, son taux de croissance atteignant 3,6 % du PIB, après une chute de 4,7 % en 2009. Il s’agit de la croissance la plus forte depuis la fin des années 90. En outre, le déficit public en 2010 n’a été que de 3,5 % du PIB au sens de Maastricht contre 5 % attendu selon l’OCDE.

 L’expérience suédoise

Au début des années 1990, les finances publiques suédoises se trouvaient dans une situation critique. En l'espace de quelques années, la dette de l'État avait doublé tandis que le déficit budgétaire quadruplait. En 1993, le déficit de la Suède s’élevait à 12,3 % du PIB.

La Suède a donc introduit en 1996 un nouveau processus budgétaire, connu sous le nom de « modèle cadre », qui a radicalement modifié les conditions dans lesquelles le Riksdag (l’assemblée parlementaire suédoise) connaît du budget de l’État.

Le gouvernement doit désormais respecter deux règles pluriannuelles importantes lorsqu’il élabore son projet de budget : le plafond de dépenses triennal et « l’objectif de surplus » sur un cycle conjoncturel. L’objectif de surplus impose que les finances publiques dégagent un excédent de 1 % du PIB sur l’ensemble d’un cycle économique. Il a été introduit pour éviter que le système de sécurité sociale et ses ressources ne soient exposés à des fluctuations importantes.

Le budget a par ailleurs été réorganisé en 27 « secteurs de dépenses » qui regroupent de façon synthétique les autorisations budgétaires (38). La restructuration du processus budgétaire se fonde sur un mécanisme de décision « descendant », qui implique de déterminer des limites globales à la dépense avant de prendre les décisions précises d’allocation des crédits.

La réforme a, en conséquence, modifié l’ordre des votes du Parlement :

– le gouvernement présente, au printemps, le projet de loi de politique budgétaire pluriannuel [Spring Fiscal Policy Bill] qui présente les principes de politique économique et de politique budgétaire retenus par le Gouvernement pour les trois prochaines années et à plus long terme ;

– et, à l’automne, le gouvernement présente le projet de loi de finances annuel [Government’s Budget Bill], qui traduit le contenu de ces propositions en un budget de l’État pour l’année à venir. Ce projet de loi présente des propositions détaillées de répartition des crédits entre les différents secteurs de dépenses.

En pratique, le calendrier budgétaire suédois se décompose en trois grandes phases :

– le cadrage budgétaire pluriannuel : entre janvier et mars de l’année, le ministère des Finances suédois actualise le cadrage budgétaire pluriannuel en fonction des demandes de crédits des ministères dépensiers, dont il fait un examen critique. Ce cadrage budgétaire triennal se décline en trois niveaux de cadrage, ce qui permet d’en assurer le caractère opérationnel. Le premier niveau est constitué par les objectifs macroéconomiques du gouvernement (objectif d’excédent ou de déficit) ; le second niveau consiste à traduire les objectifs « macro » en un montant maximum de dépenses totales fondé sur certaines hypothèses économiques ; le troisième niveau est le montant maximum par secteur de dépense. Ce cadrage budgétaire en amont de la procédure est légalement contraignant : le Parlement approuve le montant maximum des dépenses totales de l’État et le montant indicatif pour chacun des 27 secteurs de dépenses. Le total des montants des secteurs de dépenses est inférieur au montant maximum des dépenses totales. Cette différence constitue la « marge budgétaire », qui a pour objet d’amortir une éventuelle erreur de prévision. Lorsque les hypothèses économiques ont été prudentes (ce qui a été le cas depuis le milieu des années 1990), les moyens financiers dégagés servent à diminuer la dette à un rythme accéléré et non à financer des dépenses nouvelles ;

– la réunion budgétaire du Conseil des ministres suédois procède, fin mars, à la répartition des ressources en décidant du montant total de financement pour chacun des secteurs de dépenses pour l’année et, de façon indicative, pour les deux années suivantes. Il s’agit d’une décision collective du Conseil des ministres, prise sur la base des recommandations formulées par le ministre des Finances suédois. Les décisions prises lors de cette réunion sont intégrées dans le projet de loi de printemps sur la politique budgétaire qui est soumis au Parlement en avril et voté en juin ;

– la répartition des crédits par chaque ministre sur son budget intervient entre avril et août. Cette phase budgétaire décentralisée permet aux ministères de rechercher dans leurs secteurs de dépenses des programmes moins prioritaires pour financer des initiatives qui le sont davantage. À l’issue de ce travail des ministères, le ministère des Finances procède à l’examen final des répartitions de crédits proposées par les ministères dépensiers pour chaque secteur de dépense. Il faut des circonstances tout à fait exceptionnelles pour que le montant financier d’un secteur de dépenses soit majoré. Le cas échéant, elles sont accompagnées d’amputations correspondantes dans un autre secteur de dépenses. Le projet de loi de finances est finalement adopté par le Conseil des ministres du mois d’août et il est présenté au Parlement le 20 septembre pour être voté avant la fin de l’année.

Cette réforme de la procédure budgétaire fondée sur des règles budgétaires pluriannuelles strictes a eu des résultats notables : d’une part, les objectifs concernant l'excédent ont été largement réalisés puisque la Suède a connu une situation d’excédent budgétaire entre 1997 et 2008 (alors que le déficit était de 5 % en 1994) et les plafonds des dépenses ont été respectés (les dépenses publiques ont ainsi diminué de 15 points de PIB entre 1992 et 2007). D’autre part, la dette des administrations publiques a rapidement diminué passant de 80,9 % du PIB en 1995 à 52 % en 2003 et 38 % en 2008.

La Suède a toutefois été frappée de plein fouet par la récession fin 2008, son PIB ayant connu une croissance négative tout au long de 2009 (– 5,2 % du PIB) tandis que le déficit public chutait à – 2,2 % du PIB (contre + 2,5 % du PIB en 2008). Cependant, les excédents importants engrangés lorsque la conjoncture était favorable ont permis à la politique budgétaire de jouer un rôle actif durant la récession, non seulement en stimulant la demande à court terme, mais aussi en renforçant le potentiel de croissance à long terme de l’économie. En effet, en 2010, la Suède a lancé un programme de relance expansionniste en prévoyant de nouvelles mesures discrétionnaires, à hauteur de 1 % du PIB environ, qui contribueront à porter le déficit attendu à 3,4 % du PIB. En revanche, le déficit devrait progressivement diminuer pour s’établir à 2,1 % du PIB en 2011 et 1,1 % en 2012. En janvier 2011, le gouvernement suédois annonçait même une croissance de 4 % en 2011 et de 3,5 % en 2012, lui permettant de dégager un excédent budgétaire dès 2012.

Il faut d’ailleurs noter que la crise économique fut l’occasion pour le gouvernement de renforcer les règles applicables en matière budgétaire. En particulier, un conseil budgétaire a été institué en 2008 afin d'évaluer si le gouvernement a bien mis en œuvre ses objectifs de politique budgétaire (39). Par ailleurs, le gouvernement suédois a renforcé récemment la réglementation concernant les plafonds de dépenses et envisage différents moyens de pérenniser l'objectif de l'excédent budgétaire. Les faiblesses sont liées au risque que le cadre ne parvienne pas à limiter suffisamment les politiques procycliques en période de conjoncture économique favorable, notamment au niveau des administrations locales. En effet, l'obligation d'équilibre budgétaire ne permet pas aux administrations locales d'utiliser les excédents accumulés en période de conjoncture favorable pour couvrir les déficits en période de conjoncture défavorable.

Ces trois exemples européens montrent qu’une bonne règle budgétaire peut s’avérer un outil utile au redressement des finances publiques nationales. Le Rapporteur général rappelle toutefois qu’une transposition pure et simple des méthodes employées par nos partenaires européens n’est pas possible. En effet, les économistes ont montré que l’efficacité des règles mises en place dépendait étroitement des caractéristiques institutionnelles du pays, selon qu’il est fédéral ou unitaire, selon le type de régime, ou encore selon qu’il est ou non gouverné par une coalition (40).

En France, la politique budgétaire ne parvient pas à restaurer un équilibre en période haute du cycle. Ainsi, même si la crise n’a pas conduit à une excessive dégradation de notre déficit public, le fait que nous sommes partis, avant la crise, d’un point bas ne nous met pas dans une position particulièrement favorable.

Une règle budgétaire suffisamment contraignante pour préserver l’équilibre budgétaire de moyen terme sans rogner les prérogatives de l’exécutif, tout en restant crédible aux yeux des marchés financiers et des partenaires européens, semble dès lors nécessaire.

B.– PRÉSERVER LA PLACE DE LA FRANCE EN EUROPE

En prévoyant le principe d’une contrainte budgétaire, y compris et surtout en haut de cycle, le présent projet de loi constitutionnelle frappe à la source de la dérive des finances publiques constatée depuis trente ans. L’objectif d’assainissement des finances publiques qu’il poursuit n’est toutefois pas un enjeu purement financier puisqu’il est non seulement la condition de la préservation de l’influence de la France en Europe, mais également un élément majeur du gouvernement économique de la zone euro – et donc de la viabilité de celle-ci.

À travers la question du rétablissement des comptes publics, c’est donc la double question de la France en Europe et de l’Europe dans le monde qui est posée.

1.– Une incapacité à mettre à profit les périodes de « vaches grasses » à laquelle remédie la loi-cadre

Le constat du caractère excessif de l’endettement public français et des dangers qu’il induit a été largement documenté au cours des dernières années (41). Comme l’illustre le graphique ci-dessous, la part de l’endettement public brut dans le PIB est passée de 21,1 % en 1978 à 78,1 % en 2009. Comme tout autre agent économique, l’État, même s’il dispose de moyens de financement d’ampleur exceptionnelle, ne peut s’endetter à l’infini.

ENDETTEMENT PUBLIC BRUT DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES FRANÇAISES

(en % de PIB)

Source : INSEE.

Pour éloquente qu’elle soit, une telle courbe apparaît trompeuse car elle met en relief les périodes de forte – et inévitable – hausse de l’endettement public au moment des récessions économiques – 1993 et 2009. Or, le mal français en matière de finances publiques provient d’une mauvaise gestion des hauts de cycle – des périodes où la croissance est significativement et durablement supérieure à sa tendance de long terme –, en particulier des périodes 1988-1990 et 1998-2000.

Le graphique suivant illustre cette mauvaise gestion en mettant en relation les périodes de forte croissance économique et l’évolution de l’endettement public brut ramené au PIB. Au cours des années où la croissance est apparue nettement supérieure à sa tendance – périodes correspondant sur le graphique aux années où la courbe pleine se situe au-dessus des abscisses –, l’endettement public – la courbe en pointillé – n’a connu qu’une très légère diminution de moins de 3 points entre 1998 et 2000 et a même augmenté entre 1988 et 1990. Non seulement ces deux époques n’ont pas été mises à profit pour réduire de manière significative la dette publique – l’épisode de la « cagnotte » sous la XIème législature en est un bon exemple – mais, du fait de leur impact pérenne sur la structure des comptes, de telles insuffisances dans la gestion des deniers publics expliquent sans doute une partie non négligeable de la hausse de l’endettement qui suit ces périodes.

VARIATION ANNUELLE DE L’ENDETTEMENT PUBLIC BRUT ET ÉCART ENTRE CROISSANCE EFFECTIVE ET CROISSANCE TENDANCIELLE

(en % de PIB)



Source : d’après INSEE. La courbe pleine représente l’écart entre croissance du PIB constatée et croissance tendancielle (évaluée à 1,9 % entre 1979 et 2009). Quand cette courbe est au-dessus des abscisses, la croissance est supérieure à sa tendance de long terme.

Au final, la caractéristique des administrations publiques françaises vient du fait que, contrairement à l’Allemagne, au Royaume-Uni ou aux États-Unis, elles n’ont, dans leur histoire récente, connu aucune période de réduction substantielle de leur endettement, y compris durant les phases de forte croissance.

Le principal objectif du présent projet de révision constitutionnelle est de mettre fin à cette spécificité française en contraignant le législateur financier à prévoir un effort prolongé de réduction du déficit public, y compris et surtout quand la croissance économique est forte.

2.– Une mesure forte pour éviter de voir s’accroître l’écart séparant la France de l’Allemagne

La période récente laisse entrevoir un phénomène dangereux de « décrochage budgétaire » de la France par rapport à l’Allemagne, perceptible dès la seconde moitié de la décennie 2000 et qui, en l’absence de réforme, pourrait s’amplifier dans les années à venir. Au-delà d’aspects purement financiers, la maîtrise des comptes publics est la condition du maintien d’une relation d’égal à égal avec notre partenaire privilégié et de la préservation de l’influence de la France en Europe.

Plus que l’impact de court terme de certaines décisions, la raison profonde de ce décrochage réside dans la culture de stabilité financière propre à l’Allemagne, qui avait été un temps apparemment dissipée en raison de l’effort mené en faveur de la réunification.

De 1998 à 2005, les soldes budgétaires des administrations publiques françaises et allemandes restent à un niveau voisin, hormis l’exception constatée en 2000. En revanche, à compter de 2006, l’Allemagne retrouve progressivement l’équilibre budgétaire quand la France voit son déficit public se dégrader légèrement. Ces deux évolutions inverses conduisent à ce que l’écart entre les soldes publics français et allemands soit de l’ordre de 3 % de PIB en 2008. Le graphique ci-dessous illustre cette évolution.

SOLDES PUBLICS

(en % de PIB)

Source : Eurostat.

Cette divergence entre soldes publics se traduit sur le niveau de l’endettement public brut ramené au PIB. Alors que, depuis les années 1970, la France bénéficie d’une dette publique inférieure à celle de l’Allemagne, la tendance s’inverse pour la première fois en 2008 et conduit à un écart de près de 5 points en 2009 au détriment de la France – cette différence devant s’accentuer en 2010 et 2011. Le croisement des courbes d’endettement public, illustré par le graphique ci-après, apparaît historique et préoccupant.

ENDETTEMENT PUBLIC BRUT

(en % de PIB)

Source : Eurostat.

Une évolution similaire devrait logiquement affecter, dans les années qui viennent, la part des intérêts dans le PIB supportés par les deux États. Comme le montre le graphique suivant, la France a bénéficié sur la dernière décennie d’une charge de la dette inférieure à celle pesant sur les administrations publiques allemandes. Toutefois, en 2008, est constaté un premier croisement entre les deux courbes. Compte tenu du poids désormais supérieur de l’endettement public en France et d’un financement à long terme plus onéreux, il est probable que cette tendance se prolonge dans les années à venir. La chute de la charge de la dette constatée en France en 2009 tient en effet largement à la forte hausse de l’endettement à court terme, dont le coût est historiquement bas mais dont la part dans la dette publique française a vocation à diminuer.

CHARGES DE LA DETTE DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES

(en % de PIB)

Source : d’après Eurostat.

Les trois principaux indicateurs permettant d’évaluer la situation financière des États laissent donc penser que l’on assiste à un retournement historique et que la situation financière des administrations publiques françaises risque d’être durablement dégradée par rapport à celle des administrations publiques allemandes.

Il convient de remarquer que ce retournement en matière budgétaire est concomitant à un croisement des courbes en matière de croissance du PIB. Comme le montre le graphique ci-dessous, de 1993 à 2005, la croissance de l’économie française a été systématiquement supérieure à celle constatée en Allemagne. Or, depuis 2006, cette tendance semble s’être inversée. Il est vrai que l’année 2009 semble faire exception avec une récession presque deux fois plus forte en Allemagne. Toutefois, ce creux semble pouvoir être considéré comme purement conjoncturel et l’on constate que, entre 2006 et 2012 (42), le taux de croissance annuel moyen de l’économie allemande ressort à 1,46 %, contre 1,03 % pour la France.

ÉCART DE CROISSANCE DU PIB ENTRE LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE

(en %)

Source : d’après Eurostat (un chiffre positif signifie que le taux de croissance du PIB en France est supérieur à celui constaté en Allemagne).

Si l’on ne peut conclure à un lien de causalité entre assainissement budgétaire et accélération de la croissance, on peut néanmoins constater que le premier ne paraît pas empêcher la seconde.

À cet égard, une récente étude (43) portant sur l’évolution, depuis plus d’un siècle, de la dette de l’État et de la croissance dans vingt économies développées semble montrer qu’il existe une corrélation entre un niveau excessif d’endettement public et une faible croissance. Ainsi, les pays dont l’endettement de l’État est supérieur à 90 % ont une croissance moyenne inférieure de 2 % à ceux dont l’endettement de l’État est inférieur à 30 % du PIB. Le tableau suivant illustre ce constat.

TAUX DE CROISSANCE DU PIB EN FONCTION DU NIVEAU D’ENDETTEMENT DE L’ÉTAT

 

Rapport entre la dette de l’État et le PIB

 

Inférieur à 30 %

Entre 30 % et 60 %

Entre 60 % et 90 %

Au-delà de 90 %

France
(1880-2009)

4,9

2,7

2,8

2,3

Moyenne des 20 pays développés étudiés

3,7

3

3,4

1,7

Source : Carmen M. Reinhart, Kenneth S. Rogoff, Growth in a time of debt, NBER Working Papers 15639, National Bureau of Economic Research, Inc.

Si cette corrélation n’implique pas nécessairement de lien de causalité entre les deux variables, il semble néanmoins qu’un tel constat doive être pris avec sérieux alors que la dette publique française devrait dépasser 86 % du PIB au 31 décembre 2011.

3.– Une révision de la Constitution qui s’inscrit dans le projet de gouvernement économique de la zone euro

La crise obligataire actuelle a rappelé que la zone euro n’est viable à long terme qu’à la condition de développer la coordination des politiques économiques des différents États membres. À la suite de cette prise de conscience collective, l’idée d’un « gouvernement économique » de la zone, consistant en l’adoption par l’ensemble des États de la zone euro de lignes directrices communes en matière de politique économique et venant compléter la surveillance existante en matière budgétaire, commence à devenir réalité.

Sur la forme, cette coopération passerait d’abord par une réunion annuelle du Conseil européen au niveau des seuls chefs d’État ou de gouvernement des pays de la zone euro – cette formation restreinte constituant un élément essentiel dans le développement d’une coordination économique efficace –, ensuite par l’instauration d’une surveillance macroéconomique commune (44) ainsi que par le recours aux procédures communautaires de coordination – programmes nationaux de réformes et programmes de stabilité et de croissance. Le contrôle des engagements pris par les États apparaît renforcé en raison du fait qu’il serait assuré au niveau politique le plus élevé, celui des chefs d’État ou de gouvernement.

Sur le fond, sur la base du « pacte de compétitivité » présenté au mois de février dernier par la France et l’Allemagne, le Conseil européen, réuni pour la première fois le 11 mars 2011 au niveau des chefs d’États ou de gouvernement de la zone euro, a établi un « pacte pour l’euro » qui peut être assimilé au programme de ce « gouvernement économique ». Outre le soutien à la croissance et à l’emploi et le renforcement de la stabilité financière, l’objectif du pacte est d’améliorer la soutenabilité des finances publiques. L’un des moyens indiqués pour atteindre ce but est la mise en place de règles budgétaires, dont la définition est laissée à l’appréciation de chaque État mais qui doivent être suffisamment contraignantes et durables – l’exemple d’une loi-cadre étant expressément mentionné. En prévoyant la mise en place d’un mécanisme de cette nature, le présent projet de loi constitue donc une étape importante dans le développement de la coordination des politiques économiques, impulsé par la France et l’Allemagne et nécessaire à la pérennité de la zone euro.

II.– COMMENT ASSURER LA CRÉDIBILITÉ DU RETOUR À L’ÉQUILIBRE DES COMPTES PUBLICS ?

La volonté de faire de la maîtrise des finances publiques un objectif prioritaire de l’action publique se traduit, à titre principal, par l’instauration d’une loi-cadre dont certaines dispositions s’imposeraient aux lois de finances et aux lois de financement (septième alinéa de l’article 1er et articles 2 à 10) et, à titre subsidiaire, par le monopole accordé aux textes financiers en matière fiscale (sixième alinéa de l’article 1er et article 11).

En prévoyant la transmission au Parlement des projets de programme de stabilité avant leur envoi aux institutions communautaires (article 12), le présent projet de loi constitutionnelle vise également à déterminer des modalités d’association de la représentation nationale au « semestre européen ». Cette question conditionnera largement la portée de la loi-cadre ainsi que le rôle du Parlement dans la détermination des grands équilibres budgétaires.

A.– LA LOI-CADRE, UN NOUVEL INSTRUMENT JURIDIQUE ENTRE CONTRAINTE ET SOUPLESSE

1.– Le principe d’un nouveau type de norme s’imposant aux lois de finances et aux lois de financement

La raison d’être du présent projet de loi constitutionnelle réside dans l’inscription dans la Constitution du principe d’une norme s’imposant aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale en vue d’assurer l’équilibre des comptes publics.

L’article 1er constitue le cœur de la réforme constitutionnelle et prévoit notamment le remplacement des lois de programmation des finances publiques par des lois-cadres d’équilibre des finances publiques dont certaines dispositions s’imposeraient aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. 

La position atypique de telles dispositions dans la hiérarchie des normes (45) a pour objet de contraindre le législateur financier à respecter les objectifs de réduction du déficit public.

2.– Une contrainte juridique dont la force dépendra largement du législateur organique

Aux termes de l’avant dernier alinéa de l’article 1er, la loi organique précisera le contenu des lois-cadres, la période qu’elles couvrent et celles de leurs dispositions qui s’imposent aux lois de finances et aux lois de financement. Par ailleurs, le nouvel article 46-1 de la Constitution, découlant de l’article 4 du présent projet de loi constitutionnelle, habiliterait le législateur organique à déterminer les conditions d’examen et de vote de la loi-cadre.

La liberté ainsi laissée au législateur organique est d’autant plus bienvenue que, à l’usage, il pourrait être nécessaire d’adapter les conditions de mise en œuvre de nouvel instrument qu’est la loi-cadre. Compte tenu de sa nouveauté, il semble nécessaire de préserver une marge d’évolution pour l’adapter aux leçons de l’expérience et aux contraintes budgétaires futures.

a) Le choix des dispositions de la loi-cadre s’imposant aux lois de finances et de financement

En premier lieu, le législateur organique devra définir le contenu de la loi-cadre et notamment les dispositions qui s’imposeront aux lois de finances et de financement en vue d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques.

Comme le montrent les expériences de nos partenaires européens, plusieurs options sont possibles. Le rapport Camdessus privilégie une approche fondée sur des règles budgétaires imposant au législateur financier de définir une trajectoire d’effort structurel pluriannuel à travers la fixation :

– des plafonds annuels des dépenses de l’État, en volume, à périmètre constant ;

– des plafonds annuels des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, en volume, à périmètre constant ;

– des objectifs annuels de hausse minimale des ressources publiques du fait de dispositions, législatives ou prises par le Gouvernement par voie réglementaire, afférentes aux impositions de toutes natures et aux cotisations sociales.

Un rapport annexé à la loi-cadre détaillera l’effort structurel et les trajectoires de solde structurel et de solde effectif résultant des engagements pris par le Parlement dans le dispositif de la loi-cadre. Le groupe de travail s’est également accordé sur le principe de l’inscription dans le rapport annexé de la date à laquelle l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques devrait être atteint.

L’effort structurel des administrations publiques est un concept économique mis en avant par S. Duchêne et D. Levy en 2003 (46) qui correspond à la composante de la variation du solde structurel imputable à des facteurs discrétionnaires. Le reste de la variation du solde structurel est appelé « composante non discrétionnaire » et regroupe les effets liés aux fluctuations des élasticités au PIB des différentes composantes du solde public. Par construction, l’effort structurel est égal à la somme d’un effort d’économie sur la dépense et des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires. Il est entendu qu’une mesure permet une économie sur la dépense quand elle fait diminuer le taux de dépenses publiques dans le PIB, c’est-à-dire quand elle permet de contenir le taux de croissance de la dépense à un niveau inférieur au taux de croissance du PIB en valeur.

L’intérêt de mettre en place des règles budgétaires imposant de réaliser un effort structurel est double.

D’une part, la notion d’effort structurel touche au cœur du problème des finances publiques, c’est-à-dire le caractère durable de leur déséquilibre depuis trente ans. Comme le montre le graphique ci-après, aucune amélioration ne peut être réalisée sans résorber l’écart permanent entre dépenses et recettes publiques.

Source : Comptes nationaux - Base 2000, Insee

D’autre part, la référence aux structures des finances publiques permet d’échapper aux illusions budgétaires liées à la conjoncture économique et aux erreurs de politique économique qu’elles induisent. Par exemple, les baisses massives d’impôts réalisées en 2000 et 2001 ne se sont pas traduites immédiatement par une hausse du déficit, qui est demeuré à 1,5 % du PIB durant ces deux années. En revanche, ces mesures expliquent largement la forte hausse du déficit public au moment du ralentissement économique, jusqu’à 4,1 % en 2003.

En outre, les règles budgétaires déterminant la notion d’effort structurel à réaliser sont simples, définies clairement et cohérentes avec l’objectif de retour à l’équilibre budgétaire à moyen terme.

Elles se distinguent ainsi de l’application pure et simple de la « règle d’or » qui pose des difficultés méthodologiques importantes et n’est pas synonyme de retour à l’équilibre des finances publiques. Le groupe de travail parlementaire sur les règles de gouvernance des finances publiques, institué dans le cadre de la conférence nationale des finances publiques en 2008, avait en effet abouti à la conclusion qu’il ne fallait pas préconiser la mise en œuvre d’une règle d’or applicable au budget de l’État en France pour les raisons suivantes :

– l’interdiction des déficits de la section de fonctionnement recèle des difficultés méthodologiques importantes – s’agissant notamment de son champ d’application, de la définition des dépenses d’investissement, de la comptabilisation des amortissements et du périmètre des acteurs auxquels s’applique la règle ;

– surtout, elle n’est pas synonyme de retour à l’équilibre des comptes des administrations publiques, dès lors qu’elle permet des déficits persistants. C’est d’ailleurs pour cette raison, et compte tenu du caractère pro cyclique de la règle d’or que l’Allemagne a souhait y renoncer ;

– le biais que la règle d’or introduit en faveur des dépenses d’investissement n’apparaît enfin pas justifié. En effet, le groupe de travail a constaté que la France ne connaissait pas un retard d’investissement public (47), qui, étant relativement élevé et stable, ne peut être comparé à celui qui a par exemple justifié la mise en œuvre de la règle d’or au Royaume-Uni (48).

Elles permettent également de s’extraire des incertitudes attachées à la mesure du solde structurel, concept pourtant retenu par les nouvelles dispositions de la Constitution allemande.

Définition du solde structurel

Le solde structurel (excédent ou déficit) est généralement calculé par les organisations internationales ou la Commission européenne en suivant les étapes suivantes :

– estimation du PIB « potentiel », c’est-à-dire celui qui aurait été enregistré si, en l’absence de fluctuations de la conjoncture, la croissance avait toujours été égale à la croissance potentielle, et de l’écart entre le PIB effectif et ce PIB potentiel. La croissance potentielle du PIB correspond à la croissance des facteurs de production disponibles (travail et capital), majorée de l’impact du progrès technique. En moyenne sur un cycle, la croissance du PIB est égale à sa croissance potentielle ;

– estimation du solde « conjoncturel » qui résulte de cet écart entre les PIB effectif et potentiel, les pertes de recettes associées étant calculées en supposant que leur élasticité au PIB est toujours égale à 1 ;

– le solde structurel estimé est égal à la différence entre le solde effectif et le solde conjoncturel ainsi calculé.

Comme le montre l’étude récente de T. Guyon et S. Sorbes (49), une première difficulté dans l’évaluation du solde structurel provient de l’utilisation du PIB potentiel, qui est un concept non directement mesurable et qui fait l’objet de différentes évaluations selon les organismes internationaux et leurs méthodes de calcul respectives. Des mesures différentes de l’écart de production et donc de la conjoncture économique aboutissent à des niveaux de solde structurel différents.

Au-delà de ces problèmes de mesure, le solde structurel n’est pas un outil adapté à l’évaluation de l’action publique discrétionnaire. Le calcul du solde structurel repose en effet sur des élasticités conventionnelles des différentes catégories de prélèvements obligatoires et des dépenses d’indemnisation du chômage à la conjoncture supposées constantes au cours du temps. Cette hypothèse, valable à long terme, ne l’est pas à chaque instant, ce qui biaise la mesure du solde structurel puisque les écarts entre les élasticités conventionnelles et les élasticités effectives se reportent intégralement sur lui.

Enfin, par construction, l’évolution du solde structurel inclut les variations des recettes hors prélèvements obligatoires alors qu’elles ne sont pas nécessairement de nature discrétionnaire. À l’inverse, le concept d’effort structurel des administrations publiques représente ce qui, dans la variation du solde structurel, est directement imputable à des facteurs discrétionnaires. En outre, elles comportent un biais procyclique moins prononcé qu’un objectif fixé sur la réduction du déficit public effectif.

Il s’ensuit que se fixer des règles budgétaires fondées sur une trajectoire d’effort structurel permettant un retour à l’équilibre des finances publiques à moyen terme est tout à fait cohérent car sa mise en œuvre dépend directement des choix du législateur financier.

Celui-ci est en effet toujours libre de fixer la date du retour à l’équilibre des finances publiques en fonction de l’effort en dépense à réaliser sur la période de programmation, aussi bien s’agissant des dépenses de l’État que des dépenses des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, ainsi que de décider de l’incidence minimale des nouvelles dispositions afférentes aux impositions de toute nature et aux cotisations sociales. À cet égard, comme l’a proposé le rapport Camdessus, il serait souhaitable que les objectifs en dépenses et en recettes soient « fongibles », c’est-à-dire qu’un moindre effort que prévu sur la dépense puisse être compensé sur la recette, et inversement – une telle disposition relevant du domaine organique.

En laissant une part de souplesse, cette approche doit permettre une meilleure adaptation aux aléas conjoncturels et, en limitant la procyclicité de la règle en bas de cycle, contenir ses effets potentiellement néfastes pour la croissance économique.

b) Le choix de la période couverte par la loi-cadre et de ses modalités de révision

En deuxième lieu, le projet de loi constitutionnelle laisse au législateur organique le soin de définir la contrainte qu’il souhaite s’imposer à travers le choix de la période couverte par la loi-cadre et plus encore celui de ses modalités de révision.

 Le choix de la période couverte par la loi-cadre

À l’occasion des débats ayant animé le groupe Camdessus, plusieurs options ont été envisagées. Certains préconisaient une loi-cadre de programmation s’étendant sur une période de trois ans mais prolongée chaque année, sur le modèle des programmes de stabilité transmis à la Commission européenne. D’autres envisageaient plutôt d’étendre la période de programmation à l’ensemble de la législature pour assurer la cohérence entre la stratégie politique de la nouvelle majorité issue des urnes et sa stratégie économique.

Finalement, l’article premier du projet de loi constitutionnelle ne tranche pas cette question puisqu’il renvoie à la loi organique le soin de définir la période minimale que couvre la loi-cadre.

Par conséquent, le projet de loi constitutionnelle laisse au choix des majorités issues des urnes l’option triennale ou quinquennale, voire la succession des deux, selon la rédaction qui sera retenue par le législateur organique.

 Le choix des modalités de révision de la loi-cadre

Les modalités de révision de la loi-cadre seront également laissées au choix du législateur organique. Elles constitueront sans doute le principal élément déterminant l’intensité de l’obligation pesant sur le législateur financier.

Une possibilité de révision sans limite de la loi-cadre ouvrirait l’opportunité de la modifier chaque année, voire plus, pour l’adapter aux circonstances du moment. Elle aurait toutefois le mérite de permettre d’assurer la cohérence entre la loi-cadre (et son rapport annexé) et le programme de stabilité de la France, lequel est révisé chaque année avant son envoi aux institutions européennes.

Un encadrement des conditions de révision de la loi-cadre – par exemple, en cas de circonstances exceptionnelles ou de changement de majorité parlementaire uniquement – conduirait, en revanche, à renforcer le caractère solennel de la loi-cadre et la crédibilité des engagements pris par le législateur pour redresser les comptes publics.

Il pourrait également être envisagé une solution intermédiaire consistant à limiter les possibilités de révision des dispositions de la loi-cadre s’imposant aux lois de finances et de financement, et de permettre une révision annuelle du rapport annexé à la loi-cadre afin de préserver une logique de « miroir » avec les programmes de stabilité. Le rapport Camdessus semble s’orienter vers cette logique puisqu’il considère « qu’une discussion annuelle [de la loi-cadre] pourra permettre d’assurer la cohérence entre rapport annexé et programme de stabilité », tout en ajoutant que « sa portée solennelle et les engagements qu’elle traduit impliqueraient qu’elle ne soit pas l’objet de modifications, sauf en cas de changement de majorité parlementaire ou de circonstances exceptionnelles telles que tension internationale impliquant un accroissement majeur de l’effort de défense, récession économique d’une ampleur exceptionnelle ou catastrophe naturelle ».

c) Le choix de la procédure et du calendrier d’examen de la loi-cadre

En troisième lieu, la qualité du travail du Parlement pour élaborer la loi-cadre dépendra en grande partie des conditions d’examen et de vote définies par le législateur organique.

 La procédure d’examen de la loi-cadre

D’une manière générale, le projet de loi constitutionnelle autorise la transposition à la loi-cadre de la procédure d’adoption applicable aux projets de loi de finances :

– l’article 2 confère un droit de priorité d’examen des lois-cadres à l’Assemblée nationale au même titre que les lois de finances et de financement en application de l’article 39 C ;

– l’article 3 aligne le régime exceptionnel d’examen des lois de financières prévu par l’article 42 C aux lois-cadres en prévoyant la discussion en séance du texte du Gouvernement et l’absence de délai impératif entre le dépôt ou la transmission du texte et son examen par une assemblée ;

– l’article 4 renvoie au législateur organique le soin de fixer les conditions d’adoption des lois-cadres. Il donne également la possibilité au Gouvernement de faire application des dispositions spéciales de l’article 47 C, deuxième alinéa, applicables au vote des projets de loi de finances : encadrement du délai d’examen (40 jours à l’Assemblée nationale et 15 jours au Sénat pour statuer) et renvoi possible du texte à la commission mixte paritaire après une seule lecture dans chaque chambre ;

– l’article 7 précise que les lois-cadres sont inscrites à l’ordre du jour parlementaire par priorité à l’instar des lois de finances et de financement (article 48 C) ;

– l’article 8 dispose que les lois-cadres ne donnent pas lieu à limitation de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement (article 49 C alinéa 3).

Par ailleurs, les articles 5 et 6 rendent obligatoire le vote d’une loi-cadre avant l’adoption définitive d’une loi de finances (article 5 complétant l’article 47 C) et d’une loi de financement (article 6 complétant l’article 47-1 C) ; le 3° de l’article 5 précise en outre les conditions de perception des impôts et d’ouverture de crédits en l’absence de loi-cadre applicable à l’année concernée.

Enfin, l’article 9 prévoit un contrôle de constitutionnalité a priori des lois-cadres, à l’instar des lois organiques, compte tenu du fait que certaines de leurs dispositions s’imposent aux lois de finances et de financement ; en revanche, aucune disposition de même nature n’est prévue pour les lois de finances et les lois de financement. Le contrôle de leur conformité à la loi-cadre serait donc assuré par la procédure prévue au deuxième alinéa de l’article 61 C et se comprendrait donc au regard de l’opportunité politique de la saisine.

Dans la continuité de la réforme constitutionnelle de 2008, le régime d’examen des textes financiers – lois de finances, lois de financement et désormais lois-cadres – reste donc dérogatoire au droit commun et ne permet pas au Parlement de bénéficier des meilleures conditions accordées, depuis 2008, à l’examen des textes non financiers. L’article 20 dispose en effet que « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation » et doit donc appliquer son programme, ce qui implique de faire voter, sans dénaturation excessive, les textes financiers qui lui en donnent les moyens.

Cependant, la seule contrainte procédurale nouvelle pour le Parlement, par rapport à la pratique actuelle des lois de programmation, résulte de l’article 3, puisque la discussion devra désormais s’engager en séance sur le projet de loi du Gouvernement et non plus sur le texte de la Commission. En revanche, l’article 3 ne modifie pas les délais d’examen jusqu’ici retenus pour les projets de lois de programmation des finances publiques pour lesquels la procédure accélérée a toujours été engagée.

En tout état de cause, les contraintes procédurales posées par le présent projet de loi constitutionnelle doivent permettre de conjuguer la modification de la loi-cadre en vigueur et l’adoption d’une loi de finances rectificative qui serait rendue nécessaire par des circonstances imprévues. Elles se justifient également par les articles 5 et 6 du présent projet de loi constitutionnelle, qui conditionnent l’adoption définitive de la loi de finances et de la loi de financement à l’existence d’une loi-cadre. L’adoption de celle-ci conditionne donc indirectement l’autorisation de lever l’impôt, de dépenser les crédits votés et d’émettre des emprunts, sans laquelle la continuité de la vie nationale serait mise en péril.

 Le calendrier d’examen de la loi-cadre

La détermination du calendrier d’examen de la loi-cadre par le législateur organique est susceptible de constituer un réel instrument de contrainte à l’égard du Parlement, de nature à peser sur la qualité de la loi elle-même.

En effet, l’hypothèse d’un examen de la loi-cadre par le Parlement à l’automne, en même temps que les projets de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, serait beaucoup plus problématique qu’un examen au printemps tant pour des raisons politiques que pratiques.

Dans la mesure où l’engagement fixé par le législateur dans la loi-cadre s’imposera aux lois de finances et de financement votées chaque automne pendant la durée de la programmation, il est politiquement préférable de donner une certaine visibilité au législateur financier en examinant la loi-cadre avant l’élaboration des projets de lois financières. C’est la raison pour laquelle le rapport Camdessus préconise une discussion de la loi-cadre « au printemps » qui « pourrait remplacer l’actuel débat d’orientation des finances publiques ».

Ce calendrier aurait pour principal effet de fixer le solde de l’État et des administrations de sécurité sociale dès le mois de juin et assurerait de fait la primauté de la loi-cadre sur la préparation des lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Aujourd’hui, c’est la logique inverse qui prévaut : la loi de programmation n’est finalisée qu’une fois rendus les arbitrages sur le PLF et le PLFSS.

De plus, l’expérience montre que le volume des lois de finances et de financement ne cesse de s’accroître tandis que les délais d’examen de ces textes sont toujours aussi impératifs. Ils se heurtent en outre aux contraintes d’examen du projet de loi de finances rectificative de l’année en cours qui doit, lui aussi, être adopté avant la fin de l’année. Le maintien de la qualité des travaux en commissions et en séance, en particulier à l’Assemblée nationale, devient de plus en plus difficile à assurer. Il serait donc en pratique plus raisonnable de prévoir un examen du projet de loi-cadre de programmation des finances publiques au printemps plutôt qu’à l’automne.

Un examen à l’automne de la loi-cadre serait d’autant plus problématique que l’article 1er du présent projet de loi constitutionnelle, qui prévoit le monopole des lois de finances et des lois de financement pour traiter de la fiscalité et des principes fondamentaux concernant les ressources de la sécurité sociale, de même que l’article 11, qui réserve aux lois de finances le soin de fixer les ressources des collectivités territoriales, tendent à rajouter une contrainte supplémentaire sur le Parlement dans la mesure où le volume des projets de loi de finances devrait s’accroître substantiellement. À ce titre, une réflexion plus générale sur les délais d’examen des textes financiers pourrait s’avérer utile.

Il convient enfin de noter que la question de l’articulation entre examen de la loi-cadre et semestre européen est, comme le Rapporteur général le montre plus bas, cruciale pour la portée de ce nouvel instrument juridique et le rôle du Parlement dans la détermination du cadrage budgétaire de la loi de finances.

d) Le choix du contrôle de l’exécution de la loi-cadre

En dernier lieu, il convient de constater que, si l’article 9 du projet de loi prévoit un contrôle de constitutionnalité obligatoire de la loi-cadre avant sa promulgation (50), il laisse le soin au législateur organique de préciser les modalités de contrôle de l’exécution de la loi-cadre et, éventuellement, de rattrapage des écarts constatés conditionnant le respect en exécution des objectifs fixés.

Le rapport Camdessus préconise à cet égard d’introduire un dispositif d’alerte rapide devant le Parlement en cas d’écart significatif entre prévision et exécution en cours d’année. Il suggère par exemple d’étendre les interventions de la Cour des comptes en cours d’exercice budgétaire de façon à ce que :

– s’agissant de l’État, la Cour complète le rapport qu’elle doit produire chaque année en application de l’article 58-4 de la LOLF en vue de la loi de règlement, par un examen des premiers mois de l’exercice en cours et des tendances qui pourraient se manifester ;

– s’agissant de la sécurité sociale, la commission des comptes de la sécurité sociale apprécie non seulement les résultats de l’année précédente mais également les premiers résultats de l’année en cours, la Cour pouvant s’appuyer sur les observations de la commission des comptes, ainsi que sur les constats plus détaillés du comité d’alerte sur l’ONDAM ;

– s’agissant des collectivités territoriales, la Cour demande aux chambres régionales des comptes de remonter les premières constatations plus tôt dans l’année.

Le Rapporteur général estime que, sans préjuger des choix du législateur organique, il est nécessaire de se doter dès à présent des outils permettant au Parlement d’être alerté, le plus en amont possible, des écarts entre l’exécution de la loi-cadre et la prévision.

Il convient donc, à tout le moins, de prévoir l’assistance du Gouvernement et du Parlement par la Cour des comptes dans le contrôle de l’exécution des lois-cadres, et de compléter ainsi l’article 47-2 C, à charge pour le législateur organique de modifier les dispositions nécessaires pour étendre les interventions de la Cour des comptes en cours d’exercice et prévoir des mécanismes de rattrapage des écarts.

3.– Une contrainte budgétaire définie par le législateur financier

En conclusion, le dispositif prévu par le présent projet de révision constitutionnelle réussit à concilier le principe d’une norme contraignante en matière de finances publiques avec la nécessité de préserver une certaine souplesse justifiée par l’appréciation politique et les aléas économiques.

Le présent projet de loi constitutionnelle ne prévoit que le principe d’une règle qui s’imposerait au législateur financier. La définition de cette obligation – économies à réaliser chaque année, trajectoire de solde structurel et de solde effectif, date de retour à l’équilibre… – serait précisée par la loi-cadre.

En d’autres termes, l’intensité de la contrainte économique et budgétaire qui pèserait sur le législateur financier serait principalement décidée par lui, et non par le constituant ou par le législateur organique. Cette marge de manœuvre serait renforcée par l’absence de transmission obligatoire au Conseil constitutionnel des lois de finances et des lois de financement. L’appréciation de leur conformité à la loi-cadre ne serait donc pas automatique et, suivant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l’article 61 C, relèverait d’une décision de nature politique, prise par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs.

Un tel mécanisme se distingue donc de celui prévu en Allemagne, où la date de retour à l’équilibre est inscrite dans la Constitution et oblige le législateur financier sans que celui-ci ne puisse modifier l’intensité de la contrainte budgétaire. Sur ce point, le groupe Camdessus s’est accordé sur le principe de l’inscription dans le rapport annexé – et non dans les dispositions de la loi-cadre s’imposant aux lois financières – de la date à laquelle l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques devrait être atteint.

Le Rapporteur général salue cette approche pragmatique mais estime que, pour donner sa pleine portée à la réforme constitutionnelle, la date de retour à l’équilibre des comptes publics devrait être fixée par le législateur financier dans la loi-cadre et non dans son rapport annexé. Le Conseil constitutionnel serait ainsi en mesure d’apprécier l’inscription de la loi-cadre dans l’objectif d’équilibre fixé à l’article 34 de la Constitution, et par conséquent, de prononcer une censure globale si tel n’est pas le cas. Une telle disposition législative renforcerait donc la crédibilité du processus de redressement des finances publiques, étant précisé que toute nouvelle majorité pourrait évidemment reconsidérer l’échéance pour traduire les orientations déterminées par le suffrage universel.

B.– LA QUESTION CRUCIALE DE L’ARTICULATION ENTRE LOI-CADRE ET « SEMESTRE EUROPÉEN »

Couplée au renforcement du pacte de stabilité et de croissance, la mise en place du « semestre européen » conduit à l’instauration d’une nouvelle procédure de surveillance budgétaire au niveau communautaire.

Le dépôt des programmes de stabilité se fait désormais au mois d’avril – et non plus au mois de décembre – de l’année précédant la première année de la programmation, c’est-à-dire avant le dépôt du projet de loi de finances afférent à la première année de la programmation. Par ailleurs, le Conseil européen, l’instance politique la plus haute qui réunit les chefs d’État ou de gouvernement, tiendrait une place centrale dans la procédure qui prendrait un poids politique plus important.

En d’autres termes, la modification du calendrier d’examen des programmes de stabilité et le renforcement du contrôle conduisent de fait à ce que le cadrage budgétaire des lois de finances et des lois de financement soit réalisé au début de l’été sur la base du programme de stabilité éventuellement amendé par les recommandations du Conseil européen.

Une telle innovation est indispensable pour assurer la viabilité de la zone euro et la discipline budgétaire des États membres. Elle suscite toutefois une double interrogation sur la portée de la loi-cadre d’une part, sur le rôle du Parlement en matière budgétaire d’autre part.

En premier lieu, l’objet principal de la loi-cadre est de déterminer les éléments fondamentaux du cadrage budgétaire, qui s’imposeront au législateur financier. Si elle était déposée postérieurement à l’avis du Conseil européen sur le programme de stabilité, elle apparaîtrait comme la simple traduction en droit national des orientations décidées au niveau communautaire. La loi-cadre, dont l’autorité sur le législateur financier découle de la Constitution, apparaîtrait, en pratique, subordonnée aux décisions communautaires. Ce nouvel instrument juridique, qui est appelé à devenir l’élément clé de la gouvernance des finances publiques, perdrait donc une grande part de sa portée symbolique.

En second lieu, dès lors que la détermination de la programmation pluriannuelle dépendrait, en pratique, des résultats de la procédure communautaire de surveillance budgétaire, le rôle du Parlement en matière budgétaire serait subordonné à celui des institutions communautaires. Le Parlement resterait certes souverain sur la détermination des mesures, en dépenses ou en recettes, à prendre pour atteindre les objectifs fixés par la programmation. Toutefois, la définition du cadrage budgétaire, qui établit les limites de son initiative au moment de l’examen des textes financiers, ne serait plus, en fait, de son ressort.

Par ailleurs, on imagine mal que, dans la nouvelle ère budgétaire qui s’est ouverte, les institutions communautaires se contentent de regretter, comme elles l’ont fait jusqu’à présent, le manque de documentation des réformes prévues par les différents États pour tenir les objectifs affichés dans les programmes de stabilité. Il semble, au contraire, probable que la crédibilité des trajectoires budgétaires prévues doive être de plus en plus étayée par l’annonce des principales mesures nécessaires au rétablissement des comptes publics. En pratique, il existe donc un risque que le Gouvernement rende publiques de telles intentions, non devant la représentation nationale, mais devant la Commission et le Conseil européens.

Il est vrai que ces deux interrogations peuvent renvoyer à une « théorie des apparences » puisque, traditionnellement, le Parlement ne modifie que très marginalement les grands équilibres financiers que lui propose le Gouvernement. Le Rapporteur général estime néanmoins que la force des symboles ne doit pas être négligée. D’une part, elle conditionne largement la place du Parlement en matière de finances publiques. D’autre part, et surtout, le consentement de l’opinion publique à l’effort budgétaire à venir dépendra largement de la légitimité des décisions prises. Il semble donc nécessaire que la représentation nationale, et non les institutions communautaires, demeure formellement maîtresse de telles questions.

L’article 12 du présent projet de loi n’apporte qu’une réponse très partielle aux questions suscitées par l’instauration du semestre européen. En prévoyant son information sur les projets de programme de stabilité, sa portée apparaît limitée dans la mesure où elle consiste en une simple constitutionnalisation d’une disposition législative déjà existante. Surtout, elle cantonne le Parlement dans un rôle passif – destinataire d’une information – et ponctuel – au moment de l’envoi du programme de stabilité aux institutions communautaires.

Le Rapporteur général estime plus fondamentalement que, pour ne pas être marginalisé dans la procédure de détermination du cadrage budgétaire, le Parlement doit pouvoir commencer à examiner la loi-cadre parallèlement au déroulement du semestre européen. En pratique, la loi organique pourrait prévoir que, sauf circonstances exceptionnelles, le dépôt de la loi-cadre doit être fait avant le 1er juin.

Un tel calendrier permettrait non seulement de préserver la portée de la loi-cadre et d’assurer l’association du Parlement à la définition de la programmation pluriannuelle mais présenterait également deux autres avantages supplémentaires.

D’une part, le vote de la loi-cadre au cours du semestre européen tendrait à renforcer la position du Gouvernement vis-à-vis des institutions communautaires puisqu’il pourrait défendre au Conseil européen une trajectoire de finances publiques qui a recueilli le soutien du Parlement. Les dispositions de l’article 40 de la Constitution garantiraient à l’exécutif que l’initiative parlementaire ne serait guidée que par la volonté d’accroître l’effort de réduction du déficit public et donc de fortifier la position de la France face à ses partenaires.

D’autre part, l’examen au printemps de la loi-cadre découle naturellement du fait qu’elle s’impose aux lois de finances et aux lois de financement. Il serait en effet peu conforme à l’esprit de la présente réforme constitutionnelle que la loi-cadre soit discutée et adoptée en même temps que les textes financiers qu’elle est censée encadrer et qui, en outre, gagneront substantiellement en volume du fait de leur monopole sur les dispositions fiscales.

Il est vrai que le risque de la concomitance entre semestre européen et examen de la loi-cadre tient à l’éventuelle adoption de recommandations par le Conseil européen tendant à la modification du programme de stabilité – et donc de la loi-cadre. Le Gouvernement fait également valoir qu’il ne dispose pas, au 1er juin, de l’ensemble des éléments pertinents, notamment d’exécution, pour déterminer avec précision la trajectoire de déficit public.

Pour permettre la prise en compte de ces deux éléments, on pourrait imaginer que la loi-cadre ne soit pas adoptée définitivement avant la fin du semestre européen. La seconde lecture de la loi ou la convocation de la commission mixte paritaire pourrait être retardée pour intervenir après la publication de l’avis du Conseil européen, soit en session extraordinaire en juillet ou en septembre, soit au début de la session ordinaire suivante. Une telle solution permettrait donc au Parlement d’examiner la programmation pluriannuelle des finances publiques en même temps que les institutions communautaires, tout en préservant la possibilité, en cas d’avis défavorable du Conseil européen ou en vue d’actualiser la trajectoire de déficit public en fonction des éléments d’exécution les plus récents, de modifier la loi-cadre en cours de discussion.

C.– LE MONOPOLE DES LOIS DE FINANCES ET DES LOIS DE FINANCEMENT EN MATIÈRE DE FISCALITÉ ET DE COTISATIONS SOCIALES

Les alinéas 2 à 6 de l’article 1er du présent projet de loi constitutionnelle ont pour objet de réserver aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale les dispositions de nature fiscale, c’est-à-dire les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature relevant aujourd’hui du domaine de la loi ordinaire. L’alinéa 6 prévoit également que « les principes fondamentaux concernant les ressources de la sécurité sociale » soient fixés par la loi de financement.

L’article 11 tire la conséquence de cette extension du champ des textes financiers au détriment de celui de la loi ordinaire en prévoyant que seule la loi de finances peut, d’une part, autoriser les collectivités territoriales à fixer l’assiette et le taux des impositions de toute nature qui leur sont affectées et, d’autre part, déterminer les ressources compensant les créations ou extensions de leurs compétences.

Déjà assuré en pratique par le Gouvernement (51), le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale en matière de fiscalité et de cotisations sociales serait donc inscrit dans la Constitution.

1.– Mettre en œuvre des principes élémentaires de bonne gestion

En donnant un tel monopole aux lois de finances et des lois de financement, le présent projet de loi constitutionnelle traduit le fait que l’imposition est d’abord une source de financement des dépenses publiques avant d’être un instrument de mise en œuvre des politiques publiques. Logiquement, son examen doit donc être réservé aux textes mettant les dépenses en regard des recettes, et non à des textes portant sur tel ou tel champ sectoriel de l’action publique et ne prenant pas en compte le caractère avant tout budgétaire des impositions de toute nature.

Une telle disposition tend également à mettre en œuvre le principe, devenu central dans la nouvelle ère budgétaire, voulant que la matière financière constitue une matière absolument prioritaire et qu’elle doit donc être traitée de manière spécifique.

En pratique, le monopole ainsi accordé aux textes financiers pourrait entraîner deux évolutions facilitant le rétablissement des ressources publiques.

D’une part, le critère budgétaire pourrait redevenir central dans l’évaluation d’une mesure nouvelle fiscale, au détriment de ses – souvent supposés – effets bénéfiques sur tel ou tel objectif de politique publique. Ainsi, au sein du Gouvernement, le ministre du Budget et des comptes publics, qui a la charge de la préparation des projets de loi de finances et du volet « recettes » des projets de loi de financement, serait destinataire de l’ensemble des mesures ayant un impact sur les ressources fiscales. Son contrôle ne pourrait donc être contourné via l’inclusion de telles mesures dans un texte non financier. À cet égard, il conviendrait que la prééminence du ministre du Budget dans la procédure budgétaire administrative soit étendue à la procédure parlementaire de façon à ce que l’appréciation, par le Gouvernement, des mesures nouvelles fiscales soit réalisée au regard de critères financiers tout au long de l’examen des lois de finances et des lois de financement.

Le monopole garantit également que les modalités d’évaluation des mesures fiscales soient partagées par les parlementaires dans la mesure où l’impact sur le solde public d’une mesure fiscale nouvelle pourra être apprécié de manière immédiate et visible sur l’article d’équilibre de la loi de finances. Une telle pédagogie, qui ne pourrait sans doute pas être aussi prégnante au cours de l’examen d’un texte non financier, permettrait ainsi d’ancrer l’idée que la matière fiscale est avant tout une matière budgétaire.

Tant au sein du Gouvernement que du Parlement, l’instauration du monopole devrait donc permettre de combler certains angles morts dans le contrôle des initiatives en matière financière.

D’autre part, la fin de l’éparpillement des mesures fiscales devrait permettre d’assurer une meilleure information du Parlement et un pilotage plus efficace des ressources publiques. En concentrant, hors périodes exceptionnelles, les mesures fiscales sur trois textes dans l’année – projet loi de finances initiale, projet de loi de finances rectificative et projet de loi de financement de la sécurité sociale –, le monopole permet une meilleure visibilité des mesures fiscales donc des choix mieux éclairés en termes de structure et de niveau des prélèvements obligatoires. La fusion des parties relatives aux recettes des projets de loi de finances et de financement, qui constituerait l’aboutissement d’une telle démarche, a été envisagée par la commission présidée par M. Michel Camdessus. Elle n’a toutefois pas reçu l’assentiment unanime de ses membres.

2.– Un monopole qui implique une évolution du travail parlementaire

Du point de vue du Parlement, les conséquences du monopole des lois de finances et des lois de financement en matière fiscale sont doubles et pourraient nécessiter une évolution du travail parlementaire.

D’une part, son impact sur l’initiative parlementaire en matière fiscale est réel.

Le droit d’amendement, garanti à l’article 44 de la Constitution, serait réorienté des projets de loi ordinaire vers les projets de lois de finances et de financement. En pratique, une implication des commissions saisies pour avis sur la première partie du projet de loi de finances pourrait s’avérer nécessaire pour renforcer le poids de l’initiative parlementaire en matière fiscale et maintenir le contrôle des commissions permanentes sur les secteurs dont elles ont la charge – par exemple, la fiscalité environnementale pour la commission du Développement durable ou la fiscalité agricole pour la commission des Affaires économiques.

En outre, dans l’hypothèse probable où le domaine exclusif des lois de finances défini à l’article 34 de la LOLF était modifié pour s’étendre aux dispositions concernant les impositions de toute nature, le dépôt de propositions de loi fiscale deviendrait impossible. En effet, l’initiative de la loi de finances est réservée, aux termes des articles 34 et 47 de la Constitution, aux lois de finances et, conformément au cinquième alinéa de l’article 89 de l’Assemblée, la recevabilité des propositions de loi et les amendements parlementaires est appréciée a priori au regard des lois organiques relatives aux lois de finances et aux lois de financement.

En conséquence, l’initiative parlementaire en matière fiscale ne pourrait prendre que la forme d’articles additionnels aux seuls projets de lois – de finances initiale, de finances rectificative et de financement de la sécurité sociale – dont l’examen annuel est garanti par la Constitution ou par l’usage.

D’autre part, le monopole des lois de finances et des lois de financement en matière fiscale conduit à réorienter des dispositions législatives depuis des textes de loi ordinaire bénéficiant de conditions d’examen favorables (52) vers des textes financiers dont les conditions d’examen sont dérogatoires au droit commun. Outre la possibilité – devenue théorique – de l’utilisation de la procédure de l’article 49 alinéa 3 pour l’adoption des textes financiers, les délais d’examen prévus à l’article 47 et 47-1 apparaissent particulièrement contraignants et le seront d’autant plus que les projets de loi de finances et de financement ont vocation à gagner substantiellement en volume avec l’instauration du monopole.

Pour préserver les conditions de travail du Parlement et donc sa capacité à se prononcer de manière éclairée sur les dispositions qui lui sont soumises, trois évolutions semblent indispensables :

– une réflexion sur un rallongement des délais d’examen des lois financières annuelles prévus aux articles 47 et 47-1 de la Constitution doit être engagée. À cet égard, on peut constater qu’en Allemagne, le projet de loi de finances est déposé au Bundestag, au plus tard, la première session suivant le 1er septembre (53), ce qui laisse généralement aux parlementaires près de quatre mois pour examiner le texte ;

– les pratiques du Gouvernement doivent évoluer de façon à avancer le dépôt du projet de loi de finances (54) et du projet de loi de financement, et ainsi laisser aux commissions un délai plus important jusqu’à l’examen en séance publique ;

– il pourrait également être envisagé de remplacer le monopole absolu des lois de finances et de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires par un monopole partagé entre ces textes financiers et une nouvelle catégorie de lois, les lois de prélèvements obligatoires. Cette solution donnerait davantage de souplesse à l’organisation du travail législatif et maintiendrait le droit d’initiative du Parlement.

AUDITION DE M. MICHEL MERCIER, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTÉS, ET DE M. FRANÇOIS BAROIN, MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA RÉFORME DE L’ÉTAT

Au cours de sa séance du 12 avril 2011 la Commission entend M. Michel Mercier, Garde des sceaux, ministre de la Justice et des libertés, et M. François Baroin, ministre du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la Réforme de l’État.

M. le président Jérôme Cahuzac. Nous recevons M. Michel Mercier, ministre de la justice et des libertés, et M. François Baroin, ministre du budget et des comptes publics, qui viennent nous exposer le projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques dont notre commission s’est saisie pour avis.

Ce projet se réfère aux travaux de la commission Camdessus mais s’en démarque sur plusieurs points. L’architecture prévue mentionne une loi organique, – dont nous ignorons et le contenu et le calendrier –, créant une loi pluriannuelle. Inférieure à la loi organique mais supérieure à la loi ordinaire puisqu’elle s’imposerait aux lois de finances et de financement, cette loi porterait sur trois ans alors que le programme de stabilité en couvre quatre. Voilà ce que j’ai cru comprendre du dispositif.

Par ailleurs, le monopole fiscal dévolu aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale, s’il était adopté, entraverait le droit d’initiative que les parlementaires exercent soit par propositions de loi soit par amendements – certains vont jusqu’à dire que ce dispositif réduirait les droits du Parlement.

Enfin, comment s’articulent le programme de stabilité transmis à Bruxelles, qui porte sur quatre ans, et le programme pluriannuel, qui porte sur trois ans ? Pourquoi un tel décalage, alors même que le programme de stabilité serait transmis aux autorités communautaires sans que le Parlement ait son avis à donner, au contraire de ce qui est la règle aujourd’hui ? Je rappelle en effet que M. le ministre du budget avait appuyé la demande conjointe que M. le rapporteur général et moi-même avions faite auprès du pouvoir exécutif pour que le Parlement puisse s’exprimer sur ce programme et le voter.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez la parole.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Conformément à la tradition, qui veut que le garde de sceaux présente les projets de loi constitutionnelle, je brosserai devant vous les grandes lignes du texte que M. François Baroin détaillera ensuite.

Le Président de la République avait placé son mandat sous le signe de la réforme. Aussi la majorité a-t-elle, dès 2008, profondément modernisé et rééquilibré nos institutions en modifiant la Constitution par un vote acquis au Congrès le 21 juillet. Mais la Constitution, loin de se limiter à organiser les pouvoirs publics, est aussi l’expression du pacte social, la traduction des règles et des principes du « vivre ensemble » qui nous unissent tous autour d'un projet commun. Dans cette perspective, le Gouvernement vous saisit d’un projet de loi tendant à inscrire dans la Constitution l'objectif de retour à l'équilibre des finances publiques et à l'assortir d'instruments propres à y parvenir.

Il s’agit d’abord d’une nécessité économique : la crise de 2008, soudaine et brutale, a frappé l'ensemble des économies mondiales et montré qu’il fallait faire preuve d’un comportement responsable dans la gestion des déficits publics. Mais c’est aussi un impératif moral si nous voulons réduire la charge transmise à nos enfants, préserver notre liberté de choix, protéger notre modèle social et garantir notre souveraineté. Nul ne peut accepter l’idée que la France se trouve obligée, comme plusieurs pays européens, de faire appel à l’aide internationale et de subir les contraintes que cette aide implique.

L'engagement que nous vous proposons sera un pas supplémentaire dans une démarche engagée depuis 2007. Les débats sur la révision constitutionnelle de 2008 n’ont pas éludé la question de la modernisation de la gestion des finances publiques. Le constituant s’était même résolument engagé dans cette voie : l’article 47-2 de la Constitution précise que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ». Déjà conscient que la gestion budgétaire doit anticiper l’avenir, le constituant a aussi instauré les lois pluriannuelles de programmation des finances publiques, qui garantissent également une meilleure discipline budgétaire. Depuis plus d’un an, pour améliorer encore la gouvernance de nos finances publiques, le Président de la République et le Gouvernement ont engagé une réflexion approfondie, éclairée par le rapport de MM. Champsaur et Cotis puis par celui de M. Camdessus.

Le projet de loi constitutionnelle qui en est issu est un projet de raison et de responsabilité. L’Allemagne a déjà inscrit dans sa Constitution l’objectif de retour à l'équilibre budgétaire à l’horizon 2016. Le Gouvernement vous propose une méthode différente, mais la finalité est la même. La vertu, en matière de déficit public, suppose la mobilisation de tous. L’effort doit être porté par chacun des acteurs institutionnels : le Gouvernement qui prépare le budget et l’exécute et le Parlement qui le vote et le contrôle. C’est cette démarche qui inspire les trois grandes réformes qui vous sont proposées.

En premier lieu, le projet de loi constitutionnelle instaure un monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale pour traiter de fiscalité, rendant ainsi Gouvernement et Parlement coresponsables des fameuses niches fiscales et sociales. Les contraintes seront partagées. Le Parlement sera certes soumis à une discipline supplémentaire – et raisonnable – puisque son droit d’initiative s’exercera à l'avenir dans le cadre d’un projet de loi de finances, mais le Gouvernement ne pourra plus légiférer par ordonnance en matière de ressources fiscales ou sociales.

Ensuite, le projet de loi constitutionnelle innove en créant la loi-cadre. Elle engagera Gouvernement et Parlement dans une démarche conjointe de retour à l'équilibre des finances publiques à une date fixée, qui marquera le point d’aboutissement de leurs efforts partagés. Ce nouvel instrument juridique aura, dans sa partie normative, une valeur supérieure aux lois de finances et de financement ordinaires pour encadrer le montant maximum des dépenses de l’État et de la sécurité sociale, et l’enveloppe des prélèvements obligatoires, pour chacune des années de programmation.

Mon collègue François Baroin vous décrira cette mécanique et l'articulation des règles constitutionnelles avec la loi organique qui les précisera. Je me bornerai à en souligner deux caractéristiques.

D’une part, les modalités de discussion et d’adoption des lois-cadres seront, dans une large mesure, analogues à celles des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale : examen en premier lieu à l'Assemblée nationale, discussion en séance à partir du projet du Gouvernement, inscription prioritaire à l’ordre du jour ou encore possibilité d’imposer les mêmes délais. Il y a dans ce choix un souci de cohérence mais aussi d’efficacité pour les cas, en principe exceptionnels, où l’adoption d'une loi de finances rectificative urgente devrait aller de pair avec une modification de la loi-cadre.

D’autre part, les lois-cadres seront soumises de plein droit au contrôle du Conseil constitutionnel. Il veillera ainsi à ce que la loi-cadre contienne l’ensemble des éléments obligatoires prévus par la Constitution et la loi organique, et à ce que la trajectoire de finances publiques réponde pleinement aux règles fixées par le constituant. C’est l'assurance que ces textes présenteront toutes les garanties constitutionnelles, de manière à éviter toute contestation au stade du contrôle des lois de finances annuelles. Je tiens à vous dire ma confiance dans le dispositif proposé : le Conseil constitutionnel a déjà montré, s’agissant de principes dont l’appréciation peut être délicate, telle la sincérité budgétaire, qu’il était en mesure d'exercer son contrôle.

Le même souci de responsabilité partagée de tous les acteurs institutionnels inspire la troisième et dernière réforme proposée dans ce projet de loi. Alors que jusqu'à présent, les programmes de stabilité présentés par la France à Bruxelles au titre des procédures européennes ne faisaient à aucun moment intervenir le Parlement, celui-ci en sera désormais systématiquement informé a priori, avec, bien sûr, la possibilité pour lui de s’exprimer dans le cadre des articles 34-1 et 50-1 de la Constitution telle qu’elle a été révisée en 2008.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. Au printemps 2010, les économistes Paul Champsaur et Jean-Philippe Cotis ont souligné que l’encours de la dette publique avait été multiplié par dix-huit entre 1978 et 2008, et que sa part dans le produit intérieur brut était passée de 21,1 % à 67,4 %. Au-delà de l’impact de la récession mondiale de 2008-2009, c’est bien l’insuffisante maîtrise de nos comptes publics au cours des trente dernières années, notamment en période de croissance, qui a conduit à l’insidieuse dérive des finances publiques. C’est pourquoi la présentation de ce projet de loi constitutionnelle est une étape décisive dans le processus engagé en janvier 2010, lorsque, à l’issue de la première conférence sur le déficit, le Président de la République a exprimé le souhait que la France se dote d’une règle d’équilibre pour l’ensemble de ses administrations publiques et demandé à Michel Camdessus de présider un groupe de travail à ce sujet. Le Gouvernement a donné suite aux recommandations de M. Camdessus dès l'été 2010 avec le vote de la loi de programmation des finances publiques et la circulaire prévoyant le monopole fiscal des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

Il s'agit maintenant de consolider ces progrès en les inscrivant dans notre Constitution, et de rendre enfin pleinement effectif l’objectif d’équilibre des comptes publics défini à l’article 34 de la Constitution. Pour ce faire, le Gouvernement propose trois séries de dispositions de nature à modifier de manière radicale la gouvernance de nos finances publiques.

Tout d’abord, le projet de loi constitutionnelle crée un instrument juridique nouveau, les lois cadres d'équilibre des finances publiques, dont les dispositions, soumises au Parlement, fixeront un cadrage financier pluriannuel que devront respecter scrupuleusement les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, sous peine d’être censurées par le Conseil Constitutionnel. L’objectif sera de garantir l’équilibre des comptes des administrations publiques à un horizon donné, en programmant année après année les efforts à réaliser, en dépenses et en recettes. Cette révision constitutionnelle vise en priorité à contraindre l’exécutif à définir, en liaison avec le Parlement, une stratégie de finances publiques précise et à prendre la mesure de l’impact financier des politiques publiques. Sur le long terme, cette approche permettra un rééquilibrage durable de nos comptes publics, tout déficit temporaire devant être accompagné de la définition des moyens du retour à l'équilibre.

Les lois-cadres d'équilibre des finances publiques seront soumises à un double contrôle du Conseil constitutionnel. D’une part, elles lui seront systématiquement déférées avant leur adoption ; d’autre part, il vérifiera chaque année la conformité des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale à l’effort programmé en loi-cadre. Toute majorité devra désormais prendre ses responsabilités et définir son action en tenant compte d'un objectif de moyen terme d'équilibre des finances publiques.

Je tiens à saluer le rôle du groupe centriste, qui porte ces exigences depuis plusieurs années, et en particulier celui de Charles de Courson, Philippe Vigier et Nicolas Perruchot dont la contribution aura été très précieuse. Leur proposition de loi constitutionnelle de 2008 ne contient pas les mêmes dispositions que celles que nous soumettons aujourd'hui au Parlement, mais elle repose sur la même conviction et la même volonté de ne pas faire peser nos choix politiques actuels sur les générations futures.

La révision constitutionnelle vise ensuite à éviter la dispersion des dispositions fiscales et sociales dans l’ensemble des textes législatifs. Sur la base d'une circulaire adoptée le 4 juin 2010, le Gouvernement s’impose d’ores et déjà cette discipline ; il souhaite la pérenniser pour faciliter la mise en œuvre de la réforme d’ensemble des finances publiques présentée dans le projet de loi constitutionnelle. La trajectoire des prélèvements obligatoires étant fixée de manière impérative dans les lois-cadres, la cohérence commande de centraliser les mesures fiscales dans une seule catégorie de textes, pour permettre au Parlement et au Conseil constitutionnel de vérifier directement le respect des dispositions des lois-cadres.

Par ailleurs, cette rationalisation contribuera à mettre un terme au foisonnement des niches fiscales et sociales qui sont bien souvent sources de complexité, d’incohérence et de pertes de recettes pour l'État. Inscrire dans notre Constitution un monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale évitera que se poursuive l’inexorable mitage de notre système fiscal. C’est une préoccupation majeure du Gouvernement, car l’accumulation des mesures dérogatoires au droit commun dans différents textes a entraîné des dépenses fiscales et sociales, respectivement supérieures à 70 milliards et à 40 milliards d’euros.

Nous n’en demeurons pas moins soucieux du droit d’initiative parlementaire en matière de recettes fiscales et sociales. C’est pourquoi le monopole prévu au nouvel article 34 n'apportera qu’une restriction formelle – et en aucun cas matérielle – à l’initiative parlementaire, qui pourra continuer de s’exercer sur tout sujet fiscal, mais pas à tout moment : uniquement dans les lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

Le troisième et dernier axe du projet consiste à inscrire dans la Constitution la transmission systématique des programmes de stabilité au Parlement, avant qu’ils soient adressés à la Commission européenne dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité. Le Parlement sera ainsi étroitement associé à la nouvelle procédure du « semestre européen », en amont de l’envoi du programme de stabilité à la Commission, fin avril, et en aval, lors de la phase d’examen de ce programme, de mai à juillet. Ces engagements forts du Gouvernement vis-à-vis du Parlement constitueront un progrès : il en résultera une information accrue et une plus grande implication des parlementaires dans le processus de maîtrise des finances publiques. En inscrivant une telle mesure dans notre Constitution, le Gouvernement montre l’importance qu'il accorde au rôle des parlementaires dans la maîtrise et la gouvernance de nos finances publiques.

Les derniers résultats obtenus en matière de réduction du déficit public confortent la volonté sans faille du Gouvernement d’effacer au plus vite les cicatrices de la crise dans nos finances publiques. Avec ce projet de loi constitutionnelle, nous souhaitons pérenniser cette réduction et marquer une inflexion vertueuse dans la maîtrise des finances publiques.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Voilà, mes chers collègues, une excellente réforme. J’espère vivement qu’elle fera l’objet d’un consensus suffisant pour être menée à son terme par le Congrès car elle va dans le sens de l’intérêt national. Pierre Mendès-France ne disait-il pas qu’un pays qui n’est pas capable d’équilibrer ses finances publiques est un pays qui s’abandonne, y compris en matière de souveraineté nationale ?

M. Dominique Baert. Votre ralliement est bien tardif !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le dernier budget en équilibre remonte à trente-cinq ans. En 1980, notre dette atteignait 20 % du PIB ; aujourd'hui, elle dépasse les 80 %. D’évidence, nous devons resserrer les contraintes pour parvenir progressivement à l’équilibre. Nous ne sommes pas les seuls : de très nombreux pays européens ont fait cet effort avant nous, et certains parmi les plus libéraux ont adopté des règles de gouvernance budgétaire beaucoup plus sévères que les nôtres.

Notre endettement, et c’est nouveau, nous rend très vulnérables. Quand, pour couvrir le déficit et remplacer la part de notre dette venue à échéance en capital, il faut chaque année trouver entre 200 et 250 milliards d’euros et que, l’épargne nationale n’y suffisant pas, il nous faut lever les deux tiers de ces fonds à l’étranger, nous n’avons d’autre choix pour asseoir la confiance en nos finances publiques que de donner des signaux forts aux marchés.

Le dispositif proposé tient compte des réalités et de la culture de notre pays, sans céder à la tentation, un moment envisagée, de nous caler sur l’Allemagne qui a inscrit dans sa Loi fondamentale l’obligation de revenir à un déficit à 0,35 % du PIB en 2016. La solution retenue, tout aussi efficace, consiste à baliser la trajectoire sur plusieurs années grâce à des lois-cadres d’équilibre des finances publiques. Elles prendraient le relais des lois de programmation pluriannuelle, dont je rappelle qu’elles ont été proposées par le Nouveau Centre et introduites dans la réforme constitutionnelle de 2008 par un amendement porté par la majorité. La nouveauté est que ces lois cadres s’imposeront aux lois de finances et de financement annuelles, puisqu’elles comporteront un plafond de dépenses et un plancher de recettes. Progressivement, l’un et l’autre devraient se rapprocher jusqu’à l’équilibre.

Le président Jérôme Cahuzac, membre du groupe de travail présidé par Michel Camdessus, a évoqué la manière choisie pour garantir les recettes. L’introduction du monopole des lois de finances et de financement pour l’adoption de mesures de recettes fiscales ou sociales est, à mon sens, la clef de voûte de la réforme. Mais alors que depuis dix ans, ce sont surtout les gouvernements qui ont pris l’initiative des niches fiscales et sociales, la règle nouvelle pèsera sur le droit d’initiative parlementaire qui, en matière fiscale et sociale, ne pourra plus s’exercer que par le biais de lois de finances ou de financement, lesquelles sont obligatoirement d’initiative gouvernementale. Je proposerai donc demain, lors de l’examen du texte par la commission, un assouplissement qui préservera le droit d’initiative parlementaire tout en assurant une protection des recettes beaucoup plus ferme que par le passé, sans laquelle il n’y a aucun espoir de rééquilibrer les comptes.

M. Michel Bouvard. Le groupe UMP considère que cette réforme doit être partagée car elle est d’intérêt national. La situation dans laquelle se trouvent aujourd’hui d’autres pays montre à quoi peut mener un déficit excessif des finances publiques. Ce texte équilibré a le mérite d’être moins rigide que ce qu’ont prévu nos voisins allemands tout en fixant un cap et des règles pour permettre le retour des finances publiques à l’équilibre. Mais il serait bon que, soit dans le texte lui-même, soit dans la loi organique qui suivra, l’on clarifie la question des ressources entièrement affectées à certains opérateurs et qui, dès lors, échappent au contrôle du Parlement. Je déposerai un amendement en ce sens.

M. Pierre-Alain Muet. Qu’aurait donné, depuis dix ans, l’application de la règle constitutionnelle que la majorité nous propose d’appliquer ? J’ai repris les chiffres : à l’exception de 2010, il n’est pas une année où elle n’aurait pas été amenée à revoter la loi de programmation pluriannuelle ! Dans ces conditions, quelle crédibilité accorder à ce texte ? Arrivé aux affaires en 2002, le Gouvernement a fait une loi de programmation en avril 2003…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le budget avait été totalement truqué !

M. Jérôme Chartier. L’exemple est vraiment mal choisi !

M. Pierre-Alain Muet. Reprenez-vous : je ne fais que citer les données contenues dans un rapport de M. Marini. Le programme de stabilité pour 2003-2005, voté en avril 2003, évaluait le déficit à 1,4 % du PIB pour 2002, et prévoyait un déficit de 1,3 % pour 2003 et de 0,5 % pour 2004, avec un retour à l’équilibre en 2005. En réalité, le déficit a été de 4,1 % en 2003, de 3,6 % en 2004 et de 2,9 % en 2005. Si le projet de loi dont nous débattons avait été en vigueur, le Gouvernement aurait dû, sitôt votée la loi de programmation, proposer immédiatement un autre texte pour établir le budget.

Voyons la suite : sous la présidence de M. Sarkozy, le programme de stabilité pour 2008-2010 prévoyait un déficit de 2,5 % pour 2007, de 1,8 % pour 2008 et de 0,9 % pour 2009, avec un retour à l’équilibre en 2010. En fait, le déficit a été de 2,7 % en 2007, et de 3,3 % en 2008 – ce qui a contraint la France à aborder l’année de la crise avec un déficit excessif, alors que l’Allemagne, dont le déficit était identique au nôtre en 2005, l’avait réduit à zéro en 2007.

Pour 2008, du fait de la crise, le meilleur indice à considérer est le déficit structurel. Or il est évalué entre 4 % et 5 %. Si l’on prend pour base la loi de programmation de 2007, il n’y a donc pas une année – sauf 2010, pour laquelle nous ne disposons pas encore de toutes les données –, où le Gouvernement n’aurait pas été obligé de faire procéder à un nouveau vote. Dès lors, quel sens a le projet de loi constitutionnelle ?

C’est la volonté politique et non le fait d’imposer de nouvelles règles constitutionnelles qui permet de réduire les déficits. Ainsi, au deuxième trimestre de 1997, nous avions trouvé à notre arrivée aux affaires un déficit de 3,5 % et, pour la première fois en France, la dette publique dépassait 60 % du PIB. Le Gouvernement de l’époque a respecté les objectifs de la loi de programmation en ramenant le déficit au-dessous de 1,5 % en 2001 et en réduisant la dette. Comment comprendre ce projet de loi constitutionnelle émanant d’une majorité qui n’a jamais respecté les critères de Maastricht, alors qu’ils ont une valeur quasi-constitutionnelle ? Depuis 2002, la dette publique n’a jamais été inférieure à 60 % du PIB. Les déficits ont été presque constamment excessifs. Enfin, quand la majorité a proposé des règles telles que le non-transfert à la CADES de déficits qui ne seraient pas financés, elle y a dérogé. Comment inscrirait-elle pour ses successeurs des règles qu’elle a constamment violées ?

Bien sûr, certaines mesures du projet nous conviennent, mais elles n’imposent pas de modification constitutionnelle : il n’est pas besoin de nouvelles règles pour transmettre les programmes de stabilité au Parlement et lui permettre d’en débattre, et pas davantage pour modifier la LOLF.

Enfin, réserver le monopole de toute disposition fiscale aux lois de finances ou aux lois de financement de la sécurité sociale et par là au Gouvernement réduirait fortement le pouvoir du Parlement. On a mesuré les inconvénients d’un tel dispositif quand, dans le débat relatif à la réforme des retraites, toutes les mesures fiscales ont été renvoyées au projet de loi de finances. Si nous voulons que nos discussions sur les grandes réformes aient un sens, il faut éviter ce type d’écueil. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, si attaché qu’il soit à la réduction des déficits publics, comme il l’a montré, ne votera pas le texte.

M. Charles de Courson. Le groupe Nouveau Centre se félicite que le Gouvernement ait enfin retenu l’idée, soutenue depuis des années par les centristes, de faire figurer la règle d’or de l’équilibre dans la Constitution. Les Allemands ont inscrit dans la leur l’obligation de réduire le déficit fédéral en 2016 à 0,35 % du PIB, soit l’équivalent de 7 milliards d’euros, alors que le déficit de la France est de 140 milliards. C’est dire tout le chemin qu’il faudra parcourir avant de parvenir à la convergence.

Nous ne sommes pas naïfs : nous savons que l’équilibre tient à la capacité de protéger les recettes, voire de les augmenter, et de réduire les dépenses, ce qui suppose de prendre des mesures courageuses. Si la révision constitutionnelle n’y pourvoit pas, elle offrira du moins au ministre des finances un nouvel argument : celui de mettre ses collègues en garde contre une possible censure de la loi de finances par le Conseil constitutionnel. Elle l’aidera donc, ainsi que tous les élus sérieux. Je regrette donc la position du groupe socialiste, car, au-delà de nos intérêts particuliers, le texte va dans le sens de l’intérêt du pays.

Tout d’abord, nous approuvons le principe du monopole gouvernemental sur les lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Je m’étonne que M. Muet y voie un risque de priver les membres de la Commission des lois ou des affaires sociales du droit d’introduire dans les textes des dispositions fiscales. L’expérience montre que la dispersion des dispositions fiscales et sociales dans des textes particuliers produit des catastrophes : nul ne maîtrise plus rien. L’enjeu de la mesure ne se situe pas entre nous, mais à l’intérieur du Gouvernement, puis entre le Gouvernement et le Parlement. Je m’étonne du désaccord du groupe socialiste, alors que le président de la Commission des finances a approuvé publiquement cette mesure.

M. le président Jérôme Cahuzac. Le compte rendu des travaux de la commission Camdessus mentionne mes réserves. J’ai proposé une solution intermédiaire, que je détaillerai par voie d’amendement.

M. Charles de Courson. Votre position se distingue donc de l’opposition de principe de M. Muet. Reste que le monopole pourrait être affiné, en y incluant la notion de dépense fiscale. J’ajoute que, si le Gouvernement possède le texte de la loi organique, il serait bon qu’il nous le transmette ; cela clarifierait notre débat sur le présent projet.

Sur la transmission préalable des programmes de stabilité au Parlement, je pense que l’approbation des groupes est unanime. Mais, pour notre part, nous souhaitons que le vote, qui est possible au titre de l’article 50-1 de la Constitution, soit rendu obligatoire, car le programme de stabilité que le Gouvernement transmet à la Commission européenne a la force d’une loi de finances, dès lors qu’il doit être respecté par les lois de finances ou de financement de la sécurité sociale. À ce titre, le droit d’amendement doit être reconnu au Parlement sur le projet du programme de stabilité ; à défaut, la discussion serait vidée de tout contenu. Il faut également évoquer un problème de calendrier : étant tenus par des délais très stricts, nous devrons faire preuve de discipline en examinant le texte en dix jours, voire en une semaine, ce qui semble possible.

Le troisième point, plus délicat, concerne la création des lois cadres d’équilibre des finances publiques, qui se substitueraient aux lois de programmation des finances publiques. Comment les premières se situeront-elles entre les lois organiques relatives aux lois de finances et les lois ordinaires ? Ne peut-on craindre en outre des problèmes d’articulation avec d’autres lois organiques ?

Le texte doit aussi préciser la notion d’équilibre. La fermeté n’excluant pas la modération, le groupe Nouveau Centre pense que, si le recours à l’endettement doit être exclu pour financer le fonctionnement, il peut légitimement financer des investissements. Il conviendrait donc de préciser que l’équilibre à préserver concerne les dépenses de fonctionnement. À ce point du débat surgit en général l’argument selon lequel fonctionnement et investissement seraient difficiles à distinguer, l’éducation, l’armée et la culture relevant au fond d’un investissement. Si tel était le cas, la totalité du budget de l’État pourrait être financée à crédit ! L’argument se démonte de lui-même : pour distinguer les deux notions, il existe des normes comptables européennes, auxquelles se réfère le projet de pacte de stabilité. Il ne sera donc pas possible au Gouvernement de manipuler les deux concepts. Au reste, il n’entre pas un euro d’investissement dans le budget de la sécurité sociale et, dans le budget de l’État, l’investissement, même en comptant très large, c’est-à-dire en intégrant les subventions d’investissement, ne concerne que 20 milliards d’euros sur un total brut de 380 milliards.

Nous attendons des réponses des ministres sur tous ces points qui feront l’objet de nos amendements, dont l’un propose aussi que la durée des lois-cadres d’équilibre des finances publiques soit bornée par la fin de la législature, c’est-à-dire qu’elles soient de cinq ans en début de législature et que toute modification ultérieure ne concerne que la durée de la mandature qui reste à couvrir. La mesure garantirait l’autonomie politique et démocratique de chaque majorité.

M. Daniel Garrigue. L’équilibre est d’abord affaire de détermination politique. Si le Gouvernement veut en faire preuve, il pourrait commencer par respecter les critères du pacte de stabilité, qui lui imposent de réduire le déficit public à moins de 3 % du PIB ; il serait ainsi plus crédible. Par ailleurs, j’ai du mal admettre qu’on présente l’équilibre, qui est essentiellement affaire de choix politique, comme un dogme. S’il peut parfois représenter un idéal, on peut aussi y renoncer dans une phase de ralentissement de l’activité ou de crise, ce qui s’est produit en 2008. Dans un tel contexte, faudrait-il modifier la Constitution ? J’ajoute que le mécanisme qui régit lois d’équilibre, lois de programmation des finances publiques, programmes de stabilité et lois de finances me semble extrêmement compliqué et fragile, ce qui risque de multiplier les cas de censure par le Conseil constitutionnel.

Enfin, le nouvel article 88-8 n’apporte pas grand-chose. Dès lors que l’article 88-4 prévoit que tout document de portée législative venant de l’Union européenne doit être renvoyé devant les assemblées, il paraît difficile que ce ne soit pas le cas des programmes de stabilité liés aux propositions de la Commission. Ce qui est indispensable, c’est un débat sur les programmes de stabilité, et le texte ne le prévoit pas. Faut-il réformer la Constitution dans ce sens ? Par ailleurs, le débat ne doit-il pas être suivi d’un vote ? La difficulté est patente, car les programmes de stabilité peuvent ensuite être remis en question, dans le cadre de l’Union, par les discussions entre le Conseil et la Commission. Peut-être le Parlement pourrait-il au moins voter une proposition de résolution.

M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. Je remercie le rapporteur général, dont je salue les travaux. Le Gouvernement ne fait que traduire les réflexions, menées depuis de longues années par les spécialistes des finances publiques, et tirer les enseignements de la crise mondiale, élément nouveau. Il ne s’agit pas de pleurer nostalgiquement le passé…

M. Pierre-Alain Muet. Il est trop facile de prétendre oublier ce que vous avez fait !

M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. Les temps ont changé et la crise mondiale, quoi que vous en disiez, n’est pas le fait du Gouvernement. De cette crise, tous les gouvernements responsables doivent tirer les conséquences, et nous le faisons. On a longtemps vécu avec l’idée d’un État financièrement éternel. La situation de la Grèce, de l’Irlande, de l’Espagne, du Portugal impose une réflexion collective et nous convaincre tous qu’une révision constitutionnelle tendant à instaurer une règle d’équilibre n’est pas une question partisane : le constat évident est que nous devons parvenir à équilibrer nos finances publiques. Pour ce faire, nous entendons modifier la Constitution. Ce qui vaut est ce qui est efficace et, à cet égard, il me semble vraiment utile de réserver les dispositions de nature fiscale aux lois de finance et aux lois de financement de la sécurité sociale. C’est l’orientation que nous prendrons, mais j’ai pris note de vos observations, et notamment les interrogations du président Jérôme Cahuzac sur la compatibilité des nouvelles règles avec le droit d’initiative parlementaire.

Je regrette vivement l’opposition du groupe SRC à ce texte. J’ajoute qu’à la lecture du projet socialiste, catalogue de dépenses supplémentaires, je comprends mal comment le parti socialiste peut plaider en faveur du retour à l’équilibre budgétaire…

M. Pierre-Alain Muet. Entendez-vous rédiger notre projet à notre place ?

M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. Non pas : seulement vous dire que les temps ont changé et que vous devriez tenir compte de ce que la croissance mondiale n’est plus celle dont vous aviez bénéficié. Il est impératif de maîtriser nos dépenses. J’espère emporter votre conviction car je vous sais attentif à la nécessité de préserver notre souveraineté en réduisant notre déficit.

Monsieur de Courson, l’article 12 du projet, en prévoyant que le Gouvernement adresse à l’Assemblée nationale et au Sénat, avant leur transmission aux institutions de l’Union européenne, les projets de programme de stabilité établis au titre de la coordination des politiques économiques des États membres de l’Union européenne, laisse ouverte la faculté pour les assemblées d’adopter des résolutions portant sur ces projets, conformément à l’article 34-1 de la Constitution, et au Gouvernement de faire une déclaration, suivie ou non d’un vote, en application de l’article 50-1 de la Constitution. Le Gouvernement entend que l’engagement du Parlement soit le plus puissant possible : l’engagement national n’en sera que plus fort et plus crédible.

Le Conseil d’État ayant validé le dispositif de loi-cadre d’équilibre des finances publiques, il n’y a pas de difficulté juridique particulière, non plus que de problème d’articulation avec les lois de finances et de financement.

Je n’entrerai pas dans le détail de la discussion, toujours inaboutie, sur la distinction entre dépenses d’investissement et dépenses de fonctionnement. J’ai entendu la préoccupation qui s’est exprimée – l’État doit conserver sa capacité d’investir par le biais de l’emprunt pour sauvegarder l’avenir. Étant donné la situation actuelle, cela ne peut se concevoir pour les dépenses de fonctionnement. Nous devons nous fixer un objectif d’équilibre à court terme – j’entends par là de 3 à 5 ans – puis, dans ce cadre, discuter éventuellement ce qui relève, dans la comptabilité publique, des dépenses d’investissement productif d’une part, des dépenses de fonctionnement d’autre part.

M. François Goulard. Je considère que ce texte permettra un progrès réel. M. Muet n’est pas de cet avis, mais ses arguments s’autodétruisent : certes, par le passé, les objectifs des Gouvernements n’étaient pas respectés par les lois de finances, mais il n’y avait pas obligation de les atteindre. Désormais, ces objectifs seront contraignants, et on voit mal un gouvernement revenir devant le Parlement et affronter l’opinion publique pour modifier régulièrement des lois-cadres à peine adoptées. Le texte a donc toute sa pertinence.

Le niveau de déséquilibre des finances publiques est d’une gravité inédite. Jusqu’en 2010, on a cru pouvoir augmenter impunément le déficit public. Nous savons maintenant que les États sont vulnérables, et que tous doivent s’imposer une discipline. Cela vaut singulièrement pour la France, pays dont la dépense publique rapportée à la richesse nationale est parmi les plus élevées au monde. Ce mal français, il est indispensable de le traiter. Nous avons, certes, besoin de recettes fiscales et il serait irresponsable d’imaginer les baisser. Mais nous avons aussi un impératif : il n’est plus question seulement de « serrer les boulons », comme on prétend le faire depuis des décennies mais de réinventer nos politiques pour réduire notre dépense publique.

J’ajoute, dans le prolongement de ce qu’a dit M. Daniel Garrigue, que se posera la question de l’appréciation de ces textes par le Conseil constitutionnel. L’échafaudage projeté, complexe, sera soumis à l’appréciation du juge constitutionnel, qui ne dispose pas des outils d’analyse nécessaires pour porter des appréciations fondées. Il y a là une difficulté certaine, d’autant que ce qui nous importe n’est pas tant l’équilibre conjoncturel de nos finances publiques que leur équilibre structurel. Pour l’apprécier avec exactitude, certains plaident pour la création d’un organisme plus restreint que le Conseil d’analyse économique, où siégeraient des experts en finances publiques et des économistes, apte à analyser l’évolution de notre économie, ses conséquences pour les finances publiques et les mesures fiscales et budgétaires arrêtées par le Parlement. La question est d’importance ; elle doit être travaillée.

M. Dominique Baert. Je trouve pittoresque que la majorité cherche à se draper dans les habits d’une vertu budgétaire qu’elle a outragée avec constance des années durant. Monsieur le ministre du budget, si les règles dont vous dessinez les contours venaient à être adoptées, vous engagez-vous à les appliquer dès la loi de finances pour 2012 ?

M. Hervé Mariton. Il s’agit, indique l’article premier du projet, d’assurer l’équilibre des comptes. Fort bien, mais le texte que nous voterons sera très différent selon la compréhension que l’on a du mot « équilibre ». Parle-t-on d’un équilibre structurel, ou non ? Au fil des lois de finances, les Gouvernements ont soumis à l’examen du Parlement des agrégats dissemblables selon les années. Ces fluctuations montrent que l’« équilibre » des comptes peut s’entendre de différentes manières, et que l’on peut vider la notion de son sens ou, à l’inverse, la rendre trop contraignante. Le concept, aussi intéressant soit-il, doit être défini ; à ce jour, il ne l’est pas ; des éclaircissements seront indispensables, car la question se posera et dans la loi-cadre et dans la loi constitutionnelle.

Mme Aurélie Filippetti. M. le rapporteur général nous a fait le plaisir de citer Pierre Mendès-France. Poursuivant dans cette voie, je vous invite à vous plonger dans Souvenirs et solitude. Vous lirez ce que dans cet ouvrage écrit alors qu’il était emprisonné, Jean Zay disait de l’obsession de l’équilibre budgétaire qui avait saisi tous les gouvernements d’avant-guerre : « Le premier résultat de cet état de choses a été la paralysie gouvernementale. Par peur de compromettre l’équilibre budgétaire – cet idéal constamment entrevu, jamais atteint –, il était devenu impossible de réaliser la moindre réforme, de faire aboutir la plus petite innovation. Devant tout projet, se dressait comme un mur le « non possumus » du directeur du budget retranché rue de Rivoli dans son blockhaus de papier, armé de ses additions et de ses statistiques»…

M. Jean-Yves Cousin. J’approuve pleinement l’objectif d’équilibre des finances publiques, mais une question reste pendante : que fait-on quand une crise très grave, semblable à celle que nous venons de connaître, contraint à des efforts de relance qui imposent un déficit ?

M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. Les indicateurs de l’équilibre seront des plus simples : il suffira de déterminer si le Gouvernement respecte le plafond pour les dépenses et le plancher des recettes. Par ailleurs, j’appelle votre attention sur le fait que le projet ne fixe pas de date – ce qui aurait été encore plus contraignant –, laissant à l’exécutif et au législateur le soin d’en décider. Le projet définit les moyens de parvenir à l’équilibre souhaité.

Pour le reste, il me paraît que tout a été dit. Le Gouvernement étudiera avec attention les propositions alternatives que lui feront vos commissions.

M. le président Jérôme Cahuzac. Messieurs les ministres, je vous remercie.

EXAMEN DES ARTICLES

La Commission examine les articles du présent projet de loi au cours de ses séances du 13 avril 2011.

Article premier

(article 34 de la Constitution)

Monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale sur les dispositions relatives aux mesures fiscales et aux recettes de la sécurité sociale et création des lois-cadres d’équilibre des finances publiques

L’article premier comprend les deux principales dispositions de la présente réforme constitutionnelle : il donne aux lois de finances et de financement le monopole des règles relatives aux impositions de toute nature et des principes fondamentaux concernant les ressources de la sécurité sociale, et crée les lois-cadres d’équilibre des finances publiques.

I.– LE MONOPOLE DES FINANCES ET DE FINANCEMENT EN MATIÈRE D’IMPOSITIONS DE TOUTE NATURE ET DE RESSOURCES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

1.– Le dispositif proposé

En l’état du droit, l’article 34 de la Constitution a pour objet de fixer la ligne de partage entre le domaine de la loi et celui du règlement :

– la loi a pleine compétence en matière de fiscalité : il lui appartient de fixer les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ;

– en revanche, s’agissant des ressources de la sécurité sociale autres que fiscales et en particulier des cotisations sociales, elle ne détermine que les principes fondamentaux.

Sans bouger l’actuelle ligne de partage entre la loi et règlement, le présent article modifie l’article 34 de la Constitution afin d’établir, au sein du domaine de la loi, une hiérarchie entre les textes financiers (les lois de finances et de financement de la sécurité sociale) et les textes non financiers (l’ensemble des autres lois), en donnant aux premiers le monopole des dispositions relatives aux impositions de toute nature et aux ressources de la sécurité sociale. Ainsi, relèveraient du domaine exclusif du législateur financier :

– la fixation des règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ;

– la détermination des principes fondamentaux concernant les ressources de la sécurité sociale autres que les impositions de toute nature.

Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale se verraient ainsi dotées d’une suprématie par rapport aux autres lois, mais le partage des compétences entre ces deux catégories de textes financiers demeurerait inchangé :

– la fiscalité resterait une compétence partagée entre ces deux catégories, les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature relevant à la fois des lois de finances et des lois de financement, sous réserve des dispositions organiques définissant leur contenu ;

– de même, la détermination des principes fondamentaux concernant les ressources de la sécurité sociale autres que fiscales resterait une compétence propre des lois de financement.

Pour être applicable, cette nouvelle rédaction de l’article 34 de la Constitution nécessitera une modification des dispositions organiques définissant le contenu des lois de finances et de financement. Ces dispositions organiques servent en effet de fondement au contrôle de la recevabilité des propositions de loi et des amendements parlementaires, puisque l’article 89 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoit que les dispositions des lois organiques relatives aux lois de finances et de financement sont opposables dans les mêmes conditions que l’article 40 de la Constitution. L’application concrète du monopole prévu par le présent article suppose donc une modification préalable de ces textes organiques. Devront ainsi être réécrits :

– l’article 34 de la LOLF qui, en prévoyant que la loi de finances de l’année peut comporter des dispositions relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature (55), fait de la fiscalité un domaine partagé entre la loi financière et la loi ordinaire ;

– l’article 35 de la LOLF qui autorise une modification d’une disposition fiscale contenue dans une loi de finances de l’année par un autre texte qu’une loi de finances rectificative ;

– le IV de l’article LO. 111-4 du code de la sécurité sociale qui définit le contenu exclusif des lois de financement de la sécurité sociale.

2.– Les conséquences sur l’organisation du travail législatif et les droits du Parlement

Donner aux lois de finances et de financement le monopole de la fiscalité et de la détermination des ressources de la sécurité sociale est cohérent avec la création des lois-cadres d’équilibre des finances publiques. Dans la mesure où ces lois-cadres imposeront au législateur financier une enveloppe minimale de mesures nouvelles relatives aux prélèvements obligatoires, il est logique que l’ensemble des mesures impactant le niveau de ces prélèvements soient regroupées en lois de finances et de financement.

Il n’en reste pas moins que le présent article aurait des conséquences importantes sur l’organisation du travail législatif et les droits du Parlement.

a) En définissant de manière très large le monopole, le présent article risque de rigidifier l’organisation du travail législatif

En particulier, la détermination de l’assiette des impositions de toute nature ou du régime des cotisations sociales recouvre des dispositions qui dépassent les seuls codes général des impôts ou de la sécurité sociale, et trouve aujourd’hui naturellement place dans des textes non financiers. Plusieurs exemples permettent d’illustrer les difficultés que l’application du monopole pourrait soulever.

● Certaines réformes dont la nature principale n’est pas fiscale peuvent nécessiter des dispositions fiscales parfois indissociables d’autres dispositions qui trouveraient difficilement leur place dans une loi de finances.

Par exemple, la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières avait pour objet principal de transformer en société anonyme les établissements publics industriels et commerciaux EDF et Gaz de France, et de prévoir des dispositions d’organisation du marché permettant l’accès d’opérateurs aux clients anciennement sous monopole. Outre des transformations ou des créations de personnes morales avec transferts de biens, qui nécessitaient des dispositions fiscales neutralisant les frottements fiscaux (qui auraient pu trouver leur place dans une loi de finances ultérieure), un aspect majeur du texte, indissociable de l’ensemble, était la réforme du régime de retraite des agents des industries électriques et gazières, avec un adossement au régime général, le versement de soultes par les entreprises en compensation pour la part des droits correspondant aux activités concurrentielles et la création d’une imposition de toute nature spécifique pour le financement des droits correspondant aux activités régulées (article 18 de la loi).

● En l’état du droit, de très nombreuses dispositions fiscales ont une assiette déterminée en tout ou partie par des dispositions législatives qui ne sont pas déterminées par le législateur financier. Ainsi, par exemple :

– le plafond de la sécurité sociale détermine directement l’assiette de l’impôt (par exemple pour le plafonnement de l’exonération d’impôt sur le revenu des indemnités de licenciement, prévu par l’article 80 duodecies du code général des impôts) ; il en est de même de plusieurs autres seuils, critères ou montants de nature sociale (par exemple, sur le même sujet, le montant minimal de l’indemnité de rupture conventionnelle ou de la définition, par renvoi à la définition du code de la sécurité sociale de l’invalidité, d’ « accidents de la vie » autorisant le dénouement sans pénalité d’engagements fiscaux) ;

– les prestations ou indemnités exonérées d’impôt sur le revenu sont systématiquement définies par le code général des impôts par renvoi aux dispositions légales les régissant qui pourraient donc être considérées comme définissant l’assiette de l’impôt. Il en est de même, par exemple, pour la définition des heures supplémentaires et complémentaires qui est fort complexe et intégralement liée au code du travail ;

– l’essentiel des dispositions législatives régissant l’épargne réglementée relève actuellement du code monétaire et financier. C’est ce code, par exemple, qui limite le nombre de livrets A et qui prévoit un plafonnement des versements ;

– des règles de droit des sociétés, relevant actuellement du code civil, du code de commerce, du code monétaire et financier ou de codes sectoriels (code des assurances et code rural) définissent actuellement des catégories de personnes morales qui emportent des conséquences fiscales (exonération d’impôt sur les sociétés de certaines coopératives « fonctionnant conformément aux dispositions qui les régissent », assujettissement des établissements de crédit ou des prestataires de services d’investissement à une fiscalité sectorielle spécifique, avantages afférents à la souscription de parts de certaines personnes morales comme les FCPI).

● Dès qu’une réforme de loi comporte un volet relatif à son financement nécessitant des dispositions touchant aux prélèvements obligatoires, ce volet serait obligatoirement disjoint, au risque de perdre en cohérence.

À titre d’exemple, aurait-t-il été cohérent de discuter le projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, sans examiner son volet fiscal ? Quel sens aurait une réforme des agences de l’eau qui ne pourrait pas modifier les redevances qui leur sont affectées ?

b) Le présent article modifierait sensiblement l’équilibre entre le Gouvernement et le Parlement dans le vote des mesures relatives aux prélèvements obligatoires

Les lois de finances et de financement sont des textes particuliers pour lesquels le Gouvernement dispose de prérogatives dérogatoires du droit commun.

● En premier lieu, seul le Gouvernement peut déposer des projets de loi de finances ou de financement. En conséquence, l’institution d’un monopole réduirait sensiblement l’initiative du Parlement en matière de prélèvements obligatoires :

– les propositions de loi fiscales ou relatives aux cotisations sociales seraient irrecevables, et aucune « niche » parlementaire touchant à cette matière ne pourrait être inscrite à l’ordre du jour ;

– en dehors des projets de loi de finances ou de financement, les parlementaires ne pourraient plus déposer d’amendements fiscaux ou relatifs aux cotisations sociales ;

– les amendements parlementaires à un texte non financier ne pourraient plus comporter de gages fiscaux ou sociaux, ce qui limiterait le droit du Parlement, pourtant garanti par l’article 40 de la Constitution, de proposer des réallocations de ressources publiques.

● Les nouvelles prérogatives octroyées au Parlement par la réforme constitutionnelle de 2008 ne s’appliquent pas aux projets de loi de finances et de financement.

En application des articles 51 et 53 de la LOLF et de l’article LO. 111-4 du code de la sécurité sociale, les dispositions fiscales ou relatives aux cotisations sociales inscrites dans les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale font l’objet d’études d’impact. Néanmoins, la procédure d’opposition à l’inscription à l’ordre du jour en cas de contestation de la qualité des études d’impact n’est pas applicable à ces textes. Ainsi, l’institution du monopole aurait pour effet de priver la Conférence des Présidents de la possibilité de contester la qualité des études d’impact des mesures législatives proposées par le Gouvernement en matière de prélèvements obligatoires.

De même, si depuis l’entrée en vigueur de la réforme constitutionnelle de 2008 la discussion des projets de loi en séance publique s’engage sur le texte adopté par la commission saisie au fond, c’est toujours dans le texte du Gouvernement que sont examinés les projets de loi de finances ou de financement. Si ces textes avaient le monopole des mesures fiscales et relatives aux cotisations sociales, les commissions seraient privées de la possibilité d’intégrer leurs amendements dans le texte mis en discussion en séance publique.

Surtout, l’examen des textes financiers reste encadré dans délais constitutionnels stricts (56) et soumis à la procédure accélérée (une seule lecture par assemblée), et ne bénéficie pas des délais minima en vigueur depuis la réforme constitutionnelle de 2008. Or, on assiste depuis plusieurs années à un décalage inquiétant entre, d’une part, l’alourdissement spectaculaire du volume des lois de finances et de financement, et, d’autre part, la réduction continue des délais laissés au Parlement pour les examiner.

Ainsi, le volume de la loi de finances initiale a plus que doublé au cours de la présente législature, passant de 48 pages au Journal officiel en 2007 à 95 pages en 2011. L’évolution de ce volume depuis le début de la Vème République (cf. graphique ci-dessous) montre clairement que les délais d’examen des lois de finances institués en 1959 ne sont plus compatibles avec l’ampleur que ces textes ont prise.

ÉVOLUTION DU VOLUME DES LOIS DE FINANCES INITIALES

(en nombre de pages au Journal officiel)

Cette dérive est encore plus marquée s’agissant des collectifs de fin d’année : jusqu’aux années 1990, ces textes ne représentaient qu’une vingtaine de pages au Journal officiel ; depuis 2001, leur volume est en constante augmentation et atteint une ampleur comparable à celle des lois de finances initiales (64 pages pour le collectif 2010).

ÉVOLUTION DU VOLUME DES LOIS DE FINANCES RECTIFICATIVES DE FIN D’ANNÉE

(en nombre de pages au Journal officiel)

Parallèlement, les conditions d’examen des projets de loi de finances de l’année se sont sensiblement détériorées, le Gouvernement ayant, depuis quelques années, retardé la date du dépôt du projet de loi, ce qui réduit d’autant le temps laissé à l’Assemblée nationale pour l’examiner. Comme le montre le tableau suivant, jusqu’en 2004, le projet de loi de finances était normalement déposé la deuxième semaine de septembre et exceptionnellement la troisième ; depuis 2005, le dépôt a été retardé à la dernière semaine de septembre. Ces deux dernières années, il est intervenu respectivement le 30 et le 29 septembre. Un tel calendrier ne laisse à la commission des Finances de l’Assemblée nationale qu’une quinzaine de jours pour préparer l’examen d’un texte qui a vocation à constituer le principal rendez-vous législatif annuel en matière de fiscalité. Au total, l’Assemblée nationale n’a disposé en moyenne depuis 2002 que de 55 jours pour examiner en première lecture le projet de budget, contre une moyenne de 62,3 jours entre 1993 et 2001.

Ainsi, ces dernières années, seules onze semaines ont séparé le dépôt du projet de loi de finances initiale et son adoption définitive ; s’agissant des projets de loi de finances rectificative, le délai est encore plus court : seules cinq semaines sont consacrées à l’examen (en commission et en séance publique) du collectif de fin d’année.

Malgré l’importance des dispositions qu’ils contiennent, les textes financiers sont donc des textes examinés à « la hussarde » : les commissions disposent de délais de plus en plus réduits pour préparer leur discussion, et la procédure d’urgence limite la navette à une seule lecture dans chaque assemblée. Compte tenu de la procédure particulière qui les encadre, les lois de finances et de financement n’ont pas été conçues comme des outils législatifs destinés à procéder à des réformes de grande ampleur, nécessitant du temps à la fois pour leur préparation, leur évaluation et leur adoption, mais comme des textes avant tout budgétaires, ayant vocation à définir un équilibre entre des ressources et des charges.

DÉLAIS D’EXAMEN DES PROJETS DE LOI DE FINANCES INITIALE PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE
EN PREMIÈRE LECTURE

Année

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Date de dépôt

22/9

21/9

20/9

18/9

24/9

9/9

15/9

20/9

18/9

25/9

25/9

22/9

28/9

27/9

26/9

26/9

30/9

29/9

Date de distribution du « bleu général »

4/10

3/10

2/10

1/10

6/10

14/9

20/9

25/9

24/9

30/9

30/9

28/9

3/10

2/10

2/10

7/10

6/10

5/10

Date de début de l’examen de la première partie en Commission des finances

5/10

4/10

10/10

8/10

7/10

6/10

12/10

10/10

10/10

9/10

8/10

12/10

11/10

11/10

10/10

11/10

14/10

13/10

Date du point de départ du délai de 40 jours

12/10

11/10

12/10

12/10

12/10

11/10

13/10

13/10

12/10

12/10

12/10

15/10

14/10

14/10

13/10

11/10

10/10

14/10

Date du début de l’examen en première lecture

12/10

11/10

17/10

15/10

14/10

13/10

19/10

17/10

16/10

15/10

14/10

19/10

18/10

17/10

16/10

20/10

20/10

18/10

Date de la fin de l’examen en première lecture

18/11

17/11

16/11

20/11

18/11

18/11

23/11

21/11

20/11

19/11

18/11

23/11

23/11

21/11

20/11

19/11

17/11

17/11

Nombre de jours écoulés depuis le point de départ du délai de 40 jours

38

38

36

40

38

39

42 (1)

40

40

39

38

39

40

39

39

40

39

35

Nombre de jours écoulés depuis le dépôt

58

58

58

64

56

70

69

64

64

56

55

63

57

55

56

55

49

49

(1) On rappellera que le Conseil constitutionnel a décidé qu’en cas de dépassement du délai de 40 jours, la procédure ne serait contraire à la Constitution que si le Sénat ne disposait plus de 15 jours pour se prononcer en première lecture.

L’échec de la refonte du régime fiscal des sociétés de personnes illustre bien les difficultés auxquelles se heurte l’insertion d’une réforme de cette nature dans une loi de finances. En l’occurrence, le Gouvernement proposait de modifier en profondeur la fiscalité applicable à quelque 240 000 sociétés de personnes déclarant un résultat cumulé de plus de 25 milliards euros, à travers un article de dix-sept pages inséré dans le dernier projet de loi de finances rectificative pour 2010, dont l’incidence budgétaire était, aux termes de l’évaluation préalable jointe à l’article, « non chiffrable ». La commission des Finances a refusé de voter cet article, considérant qu’on ne peut pas demander au Parlement d’adopter en deux semaines et sans véritable étude d’impact, au détour d’un collectif de fin d’année, un article de cette ampleur qui a demandé au Gouvernement quatre années de travail.

Cette réforme aurait nécessité non pas l’insertion d’un simple article dans un collectif de fin d’année, mais un projet de loi dédié. Il aurait même été préférable qu’elle fasse l’objet non pas d’un collectif budgétaire – la réforme n’entrait en vigueur qu’au 1er janvier 2012 et n’avait donc aucune incidence budgétaire sur l’exercice en cours –, mais d’un projet de loi ordinaire qui, en bénéficiant d’une véritable étude d’impact et de conditions d’examen de droit commun, aurait créé les conditions d’un travail législatif approfondi.

Parce qu’elle aura mécaniquement pour effet de multiplier les dispositions rattachées aux lois de finances et de financement, l’institution d’un monopole supposerait donc de revoir les conditions de préparation et d’adoption des textes financiers. Ceux-ci devraient en particulier bénéficier de délais d’examen conformes à l’exclusivité que la présente réforme constitutionnelle veut leur donner en matière de prélèvements obligatoires.

II.– LA LOI-CADRE : UNE LOI DE PROGRAMMATION DONT CERTAINES DISPOSITIONS S’IMPOSERAIENT AU LÉGISLATEUR FINANCIER

Le septième alinéa du présent article a pour objet de prévoir, à l’article 34 de la Constitution, le principe d’une loi-cadre d’équilibre des finances publiques dont certaines dispositions s’imposeraient aux lois de finances et aux lois de financement. Elle se substituerait à la loi de programmation des finances publiques introduite par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 et qui ne s’imposait pas aux textes financiers (57).

La rédaction retenue est quasiment identique à celle proposée (58) et adoptée à l’unanimité par le groupe de travail présidé par Michel Camdessus.

L’instauration d’une loi-cadre s’imposant au législateur financier constitue l’aboutissement d’un processus de renforcement de la gouvernance des finances publiques et de développement de l’implication du Parlement en cette matière, inauguré par la création des lois de financement en 1996, puis poursuivi par le vote de la LOLF en 2001 et l’instauration des lois de programmation en 2008.

A.– DES LOIS DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES DEVENUES INSUFFISANTES

Adopté, en 2008, à l’initiative de plusieurs parlementaires de la commission des Finances, le principe constitutionnel d’une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques a répondu à un triple besoin.

En premier lieu, les expériences réussies de retour à l’équilibre budgétaire, constatées à l’étranger, montrent que la pluriannualité est un outil indispensable à l’assainissement des finances publiques. Compte tenu de la rigidité de la dépense à court terme et de la nécessité d’étaler dans le temps l’ajustement budgétaire pour en atténuer l’effet sur la croissance, l’effort de réduction du déficit doit être planifié sur plusieurs années.

En deuxième lieu, alors que le Gouvernement présentait chaque année un programme de stabilité aux institutions communautaires, le Parlement était destinataire d’une information limitée aux perspectives tracées par le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances initiale. Un vote de la représentation nationale sur la programmation pluriannuelle des finances publiques apparaissait donc nécessaire pour garantir les droits du Parlement et l’effectivité de son contrôle sur la politique budgétaire du Gouvernement.

Enfin, la loi de programmation a constitué un outil nécessaire à l’amélioration de la procédure budgétaire administrative en permettant le vote d’un budget triennal de l’État. La négociation budgétaire est ainsi allégée une année sur deux et les gestionnaires bénéficient d’une visibilité bienvenue sur leurs moyens.

Comme le Rapporteur général l’a montré dans l’exposé général, les lois de programmation sont devenues insuffisantes dans la nouvelle ère budgétaire, ce qui justifie l’innovation introduite par le présent article.

B.– LE PRINCIPE D’UNE NORME S’IMPOSANT AU LÉGISLATEUR FINANCIER

Le septième alinéa du présent article introduit une unique – mais substantielle – modification au droit existant : la possibilité de prévoir dans la loi-cadre – nouveau type de loi inspiré des lois de programmation des finances publiques – des dispositions s’imposant aux lois de finances et aux lois de financement. En pratique, s’il était saisi de l’un de ces textes, le Conseil constitutionnel pourrait le censurer en cas de non-conformité aux dispositions prévues en loi-cadre et s’imposant au législateur financier.

En se contentant de prévoir le principe de la loi-cadre, le présent article laisse une large marge de manœuvre au législateur organique pour en déterminer les modalités d’application et au législateur financier pour définir les objectifs qu’il s’imposerait à lui-même.

1.– Des normes s’imposant au législateur financier à déterminer en loi organique

● Il semble logique que le législateur organique s’appuie sur les conclusions, adoptées à l’unanimité du groupe de travail, du rapport de Michel Camdessus pour déterminer quelles dispositions s’appliqueraient aux textes financiers. Sur cette base, trois objectifs pourraient s’imposer au législateur financier.

En premier lieu, un plafond pourrait être fixé aux dépenses de l’État au sens large, c’est-à-dire à celles incluses dans la norme de dépenses, à savoir :

– les crédits du budget général, hors remboursements et dégrèvements ;

– les prélèvements sur recettes ;

– les créations, suppressions ou modifications d’impositions de toutes natures affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale.

La nouvelle portée ainsi conférée à la norme de dépenses pourrait être l’occasion de mener une réflexion sur son périmètre. À cet égard, l’inclusion du solde des comptes spéciaux et des dégrèvements d’impôts locaux pourrait permettre de traduire plus fidèlement les charges pesant sur le budget de l’État.

En deuxième lieu, un plafond pourrait également être fixé pour limiter les dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

Enfin, concernant les ressources publiques, serait fixé un objectif de rendement minimal des dispositions, législatives ou prises par le Gouvernement par voie réglementaire, afférentes aux impositions de toute nature et aux cotisations sociales (59). En serait donc exclu l’ensemble des ressources perçues par l’Unedic et par les régimes complémentaires d’assurance vieillesse. Par ailleurs, en matière d’imposition locale, la fixation des taux et le recours éventuel à certaines exonérations relevant des compétences des collectivités territoriales ne seraient pas intégrés dans le champ de l’objectif.

Les trois objectifs ainsi fixés seraient déclinés sur chaque année de la programmation à périmètre et euros constants. Par ailleurs, comme l’a proposé le rapport Camdessus, il serait souhaitable que les objectifs en dépenses et en recettes soient « fongibles », c’est-à-dire qu’un moindre effort que prévu sur la dépense puisse être compensé sur la recette, et inversement – une telle disposition relevant du domaine organique.

Plusieurs articles de la loi de programmation pour les années 2011 à 2014 offrent de bons exemples de ce que pourraient être les articles de la loi-cadre s’imposant aux lois de finances et aux lois de financement. Ainsi, l’article 5 fixe des plafonds applicables à la dépense de l’État – hors transferts de recettes. Le II de l’article 8 prévoit des plafonds applicables aux dépenses des régimes obligatoires de base. Le I de l’article 9 fixe des objectifs annuels de hausse des prélèvements obligatoires due à des mesures discrétionnaires adoptées par le Parlement ou par le Gouvernement par voie réglementaire.

● Le Rapporteur général a montré, dans l’exposé général, pour quelles raisons de tels objectifs, assimilables à la notion d’effort structurel, sont préférables à la « règle d’or » ou à un objectif de solde structurel.

L’argument tiré de la théorie économique doit être complété par une justification découlant de la répartition des compétences entre organismes publics en matière de finances publiques. Le champ des dispositions s’imposant au législateur financier contiendrait uniquement les variables sur lesquelles le Parlement ou le Gouvernement par voie réglementaire pourraient agir. Il ne serait donc pas question de censurer une loi de finances, votée par le premier à l’initiative du second, pour des raisons dont ils ne sont pas comptables – par exemple, le « dérapage » des dépenses des collectivités territoriales.

En contrepartie, le périmètre ainsi couvert n’engloberait pas l’ensemble des administrations publiques puisque les organismes divers d’administration centrale, les administrations publiques locales, l’Unedic, les régimes complémentaires de vieillesse et les hôpitaux en seraient exclus. Les effets d’une telle restriction du champ du contrôle doivent être relativisés pour deux raisons.

D’une part, en 2008, ces organismes publics représentaient certes environ un quart de la dépense publique mais la source principale du déficit public résidait dans l’État (60) et, dans une moindre mesure, dans les régimes obligatoires de base. Le tableau suivant illustre ce constat.

PART DE L’ÉTAT ET DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE DANS LA DÉPENSE
ET LE DÉFICIT PUBLICS

 

Dépense
en milliards d’euros

Dépense
en % de la dépense des APU

Solde
en % de PIB

État

344,6*

33,5 %

-2,8

Régimes obligatoires de base

414

40,2 %

-0,5

Total État et régimes obligatoires de base

758,6

73,7 %

-3,3

Total APU

1 028,9

100 %

-3,3

* Norme de dépense.

Source : INSEE, loi de règlement pour 2008 et loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

D’autre part, la restriction du champ de la loi-cadre ne signifie pas que le législateur financier soit dépourvu face à l’évolution des comptes des administrations publiques autres que l’État et les régimes obligatoires de base. Le rôle de « chambre de compensation » des administrations publiques joué par l’État lui permet – et permet donc au législateur financier – de disposer de moyens, directs ou indirects, pour inciter l’ensemble de ces acteurs à maîtriser leurs dépenses.

En premier lieu, depuis l’interdiction d’emprunt à plus d’un an pesant sur la plupart d’entre eux (61), les organismes divers d’administrations centrales se financent principalement par dotations budgétaires ou par affectations de recettes déterminées en loi de finances. Celle-ci peut donc accroître ou alléger la contrainte budgétaire pesant sur leurs budgets, au demeurant approuvés de manière tacite ou explicite par la tutelle.

En deuxième lieu, en ce qui concerne les administrations publiques locales, les concours de l’État constituent un levier de maîtrise de leur dépense en raison du fait que l’obligation d’équilibrer les budgets locaux, couplée au risque politique associé à une hausse des taux des impôts locaux, tend à ce que la compensation d’une baisse de ressource soit davantage assurée par une diminution de la dépense que par une hausse des recettes fiscales ou de l’endettement.

L’État dispose enfin de moyens réglementaires indirects pour agir sur les dépenses de l’Unedic, dont la convention est agréée par arrêté ministériel, et sur celles des régimes complémentaires de vieillesse, qui alignent les conditions de leur régime d’assurance sur celles du régime général.

Au final, il semble logique que la censure d’une loi de finances ne vienne sanctionner que les décisions prises par le législateur financier ou par le Gouvernement. Un tel choix permet certes à plusieurs administrations publiques d’échapper à la contrainte de la loi-cadre mais pas à la contrainte budgétaire que l’État peut faire peser sur elles.

2.– Un effort budgétaire à déterminer en loi-cadre

Le législateur financier resterait libre de déterminer le niveau des objectifs en dépenses et en recettes prévus dans la loi-cadre et s’imposant aux lois de finances et aux lois de financement. Contrairement au choix fait par l’Allemagne, qui a inscrit dans sa Loi fondamentale un objectif de solde structurel qui ne peut plus être modifié par le législateur financier, le projet du Gouvernement consiste donc à laisser à la loi-cadre le soin de déterminer l’effort budgétaire à réaliser chaque année.

En laissant une plus grande part à la souplesse sur la contrainte, une telle approche est bienvenue pour deux raisons. D’une part, le choix fait en Allemagne se comprend au regard d’une tradition, différente de celle de la France, qui accorde davantage de poids à la règle de droit qu’à la notion de volonté générale. D’autre part, la souplesse ainsi laissée pourrait permettre une meilleure adaptation aux aléas conjoncturels et, en limitant la procyclicité de la règle en bas de cycle, contenir ses effets potentiellement néfastes pour la croissance économique.

C.– DES GARANTIES RENFORCÉES SUR LA PROGRAMMATION PLURIANNUELLE DES FINANCES PUBLIQUES

1.– Le lien entre loi-cadre, programmation pluriannuelle et retour à l’équilibre

Si la catégorie des lois de programmation des finances publiques disparaît, son esprit demeure dans les nouvelles lois-cadres.

L’existence d’une loi de programmation pluriannuelle tendant au retour à l’équilibre budgétaire de l’ensemble des administrations publiques reste garantie et prendrait désormais la forme de la loi-cadre d’équilibre des finances publiques. Aux termes du septième alinéa du présent article en effet, celle-ci déterminerait « les normes d’évolution et les orientations pluriannuelles des finances publiques, en vue d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques ». Tant le caractère pluriannuel de loi que l’objectif de retour à l’équilibre sont donc consubstantiels à la loi-cadre.

Par rapport à l’actuel avant-dernier alinéa de l’article 34, la présente rédaction est enrichie de la mention des « normes d’évolution » des finances publiques, lesquelles font probablement référence à des règles de bonne gestion comme la norme de dépense, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ou la norme d’évolution des concours aux collectivités territoriales.

Aux termes du présent article, la pluriannualité continuerait à porter sur l’ensemble des administrations publiques, sans être restreinte aux seuls champs concernés par les dispositions s’imposant au législateur financier. La vision globale sur les finances publiques serait donc préservée.

À noter que, alors que les lois de programmation « s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques », les lois-cadres fixent une trajectoire « en vue d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques » – la distinction entre les deux formulations ne paraissant pas substantielle.

2.– Le législateur organique expressément habilité à fixer le contenu et la période couverte par la loi-cadre

Le principe d’une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques est non seulement garanti mais également renforcé.

Aux termes du septième alinéa du présent article, le constituant habiliterait expressément le législateur organique à déterminer, outre les dispositions s’imposant aux lois de finances et aux lois de financement décrites plus haut, le contenu des lois-cadres et la période qu’elles couvrent. Aucune loi organique ne prévoit aujourd’hui de tels éléments en ce qui concerne les lois de programmation des finances publiques, dont le format n’est pas imposé au législateur. Au contraire, la loi-cadre serait soumise à un modèle déterminé en loi organique et s’imposant au législateur financier.

Il serait souhaitable que, ainsi habilité par le constituant, le législateur organique s’inspire des actuelles lois de programmation des finances publiques pour définir le format de la loi-cadre. Ainsi, son contenu pourrait reprendre plusieurs éléments ne s’imposant pas aux lois de finances et aux lois de financement, comme la trajectoire de solde public et de dette publique, le budget triennal de l’État ou le rapport annexé détaillant les hypothèses macroéconomiques sous-tendant la prévision.

De même, la période couverte par la loi-cadre serait, conformément aux dispositions de la proposition de directive n° 2010/0277 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres, d’au moins trois ans. En pratique, elle pourrait être la même que celle des actuelles lois de programmation et des programmes de stabilité, soit quatre ans, ou s’étendre sur l’ensemble de la législature, soit une période de cinq ans.

Il convient enfin de remarquer que le domaine de la loi organique ne serait pas limité au champ prévu au présent article. D’une part, le nouvel article 46-1 de la Constitution habilite le législateur organique à fixer les conditions d’examen et de vote de la loi-cadre. D’autre part, le dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution prévoit, dans une formulation très générale, que « les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique », ce qui laisse une grande liberté au législateur organique pour déterminer le champ de la loi-cadre.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 9 de M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Avec cet amendement, je défendrai tous les autres amendements de suppression que nous avons déposés.

Tout d’abord, nous nous penchons sur un texte qui ne sera jamais adopté puisque, une fois voté par chacune des deux chambres, il faudrait réunir le Congrès ou organiser un référendum. Alors, à quoi bon faire du cinéma ?

Ensuite, ce texte est totalement inacceptable parce qu’il équivaut à une mise sous tutelle de notre pays. Nous n’avons pas à être télécommandés par une institution supranationale, quelle qu’elle soit. Le pacte de stabilité ne stabilisera que les salaires, les dépenses publiques et les régimes de retraite. Et il ne fera, le rapport Camdessus l’explique bien, que rigidifier le cadre de discussion des lois de finances et de financement. Le but, au-delà de l’objectif de maîtrise des comptes publics sur lequel nous sommes d’accord, c’est d’imposer la régression en matière de dépenses publiques et de protection sociale, et de limiter la liberté d’administration des collectivités locales.

Non seulement ce texte programme la régression sociale, mais il cible tout ce qui n’est pas responsable de la crise. Les déficits budgétaires sont chez nous la conséquence de l’assèchement des recettes consécutif aux cadeaux fiscaux – 100 milliards d’euros –, et de la crise. Un pacte de stabilité européen devrait s’attaquer, d’une part, à l’explosion des dividendes – l’OCDE a montré que, dans notre pays, les salaires avaient augmenté de 81 % en vingt ans, et les dividendes de 355 % –, des stock-options et des bonus ; d’autre part, à la spéculation, aux paradis fiscaux et à la circulation des capitaux. Une gouvernance politique européenne, pourquoi pas, mais à condition qu’elle recherche une harmonisation sociale par le haut et un système fiscal plus juste qui favoriserait emploi, formation et innovation, plutôt que dividendes et rémunération des grands patrons.

Voilà pourquoi il faut supprimer l’article 1er et les suivants.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je demande une suspension de séance (Protestations socialistes.).

La séance, suspendue à dix heures quinze, est reprise à dix heures vingt-cinq.

M. Richard Dell’Agnola. Le premier argument invoqué par notre collègue Sandrier était pour le moins étrange et pourrait être retourné aux membres de tout groupe minoritaire. Doivent-ils s’abstenir de déposer des propositions de loi sous prétexte qu’elles ne seront pas votées ? L’essence de notre fonction consiste à alerter, discuter et convaincre. Du reste, rien n’indique aujourd'hui que ce projet de loi ne sera pas voté.

Ensuite, il nous faut nous mettre en convergence avec l’Allemagne, ne serait-ce que pour renforcer la qualité de la signature de la France. Plusieurs initiatives ont été prises pour revenir à l’équilibre budgétaire et elles sont restées jusqu’à présent restées lettre morte. Nous avons donc tout intérêt à discuter de ce texte.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements CF 22 de M. le président Jérôme Cahuzac, CF 11 de M. Jean-Claude Sandrier, CF 23 de M. le président Jérôme Cahuzac, CF 35 du rapporteur général et CF 1 de M. Charles de Courson.

M. Jérôme Cahuzac. L’amendement CF 22 revient sur le monopole fiscal des lois de finances et de financement. La circulaire du Premier ministre est respectée et elle suffit. Il est inutile de lui donner un statut constitutionnel.

Je propose ensuite un amendement de repli, le CF 23, consistant à faire valider en loi de finances ou de financement les mesures fiscales votées dans un projet de loi. Voter, comme l’envisage le Gouvernement, des lois ordinaires amputées de leur volet fiscal n’aurait pas de sens. Les mesures adoptées seraient privées de toute portée avant le passage en loi de finances, qui conduirait à recommencer le débat. C’est dire que les travaux du Parlement ne gagneraient pas en lisibilité ! Mon amendement permet de continuer à adopter des dispositions fiscales lors de l’examen des textes, tout en conditionnant leur entrée en vigueur à à une disposition de loi de finances. En pratique, très rares sont les amendements parlementaires ou les propositions de loi comportant des dispositions fiscales qui entraînent une aggravation des déficits. Dès lors, le monopole fiscal qui les condamnerait à l’irrecevabilité au titre du contrôle du domaine exclusif des lois de finances ne garantirait en rien l’équilibre des finances publiques. En revanche, il désorganiserait nos débats et compromettrait la crédibilité de nos votes.

M. Charles de Courson. L’enjeu de ces amendements est le droit d’initiative parlementaire en matière de recettes. La solution maximaliste du Gouvernement n’est pas raisonnable. L’amendement du rapporteur général, qui consiste à partager le monopole en créant une catégorie de loi ordinaire – la loi de prélèvements obligatoires –, permettrait les propositions de loi à composante financière. Ce mécanisme conciliant à la fois le droit d’initiative parlementaire et l’objectif de maîtrise des finances publiques me paraît préférable à celui que propose notre président, car certains, soucieux de leur popularité, pourraient être tentés de faire voter des mesures irresponsables puis de dénoncer le refus de la Commission des finances de les faire entrer en vigueur.

M. le président Jérôme Cahuzac. Je comprends cet argument, mais le Parlement est un tout. En outre, mon amendement ne concerne pas que les propositions de loi ou les amendements parlementaires : il vaut aussi pour les projets de loi. Quelle cohérence auraient-ils si les moyens correspondants étaient renvoyés à l’adoption d’une loi de finances ultérieure ?

M. le rapporteur général. Le sujet est important. Notre code général des impôts est devenu colossal. Ces dernières années, pour échapper à la contrainte des enveloppes de dépenses, un certain nombre de dotations se sont transformées en incitations fiscales : s’agissant de l’accession sociale à la propriété, du logement social locatif outre-mer par exemple. En rejetant sur le Gouvernement la responsabilité de ce phénomène pervers, notre président n’a que partiellement raison. Les initiatives parlementaires étaient sans doute plus limitées, mais leur multiplication pose problème. Nous devons remettre de l’ordre.

La solution du Gouvernement me semble intégriste. Les textes d’accueil des amendements ne pouvant être que des lois de finances ou de financement – qui sont le monopole de l’exécutif – les parlementaires seraient privés de la faculté de faire la moindre proposition de loi comportant des éléments de recettes. Ils seraient soumis au bon vouloir du Gouvernement. D’autre part, je partage le point de vue de Charles de Courson sur la solution de notre président : elle placerait notre commission dans une position impossible.

Je propose donc d’étendre le monopole à des lois ordinaires, du type « Mesures d’urgence à caractère fiscal » ou « Diverses dispositions d’ordre fiscal », qui portent sur des recettes. Sur un plan pratique, si un de nos collègues dépose une proposition de loi sur un sujet particulier, il la dédoublera : une proposition de loi portera sur les aspects non financiers ; l’autre sur les recettes, et cette dernière sera soumise à la Commission des finances. On ménage donc et le droit d’initiative parlementaire, et la cohérence.

L’intérêt de mon amendement CF 35, c’est qu’il vaut aussi pour l’exécutif. La loi sur le tourisme, par exemple, aurait été scindée entre les aspects propres à ce secteur, et les aspects fiscaux – baisse de la TVA – dont la Commission des finances aurait été saisie.

M. Charles de Courson. Mon amendement CF 1 précise que le monopole inclut bien la dépense fiscale.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est satisfait : l’article 34 de la Constitution préciserait que les lois de finances ou de financement et les lois de prélèvements obligatoires fixeraient l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement de l’impôt, ce qui inclut les dépenses fiscales.

M. Marc Le Fur. Je me rallie à l’amendement du rapporteur général car le passage obligé en Commission des finances serait un gage de sérieux, tandis que les textes thématiques peuvent être l’occasion de toutes les dérives. Il faut cesser de parler de monopole car le droit d’amendement subsiste. Et nous garderions le droit d’initiative avec ces lois spécifiques. L’état des finances publiques nous oblige à nous imposer un cadre particulier pour mettre en balance recettes et dépenses.

M. Hervé Mariton. Toute loi constitutionnelle est soumise au fond à la Commission des lois. Alors pourquoi les dispositions fiscales ne seraient-elles pas soumises à la Commission des finances ?

M. François Goulard. Je me rallie aux arguments du rapporteur général. Il serait difficile de revenir, dans le cadre des lois de finances, sur des baisses d’impôt déjà votées par ailleurs – d’autant plus qu’elles sont généralement appliquées par les services fiscaux avant que le Parlement se prononce. La solution imaginée concilie les différents impératifs : la Commission des finances sera le lieu où la protection des finances publiques sera prise en considération.

M. Charles de Courson. Un fonctionnaire qui applique des dispositions non votées, cela s’appelle un concussionnaire aux termes de la loi de 1795, toujours en vigueur.

M. le président Jérôme Cahuzac. Dans l’organisation de la discussion des niches parlementaires, il faudrait penser à tenir compte de ce dédoublement des propositions de loi.

M. le rapporteur général. Ce n’est pas un réel problème. Tout se fera dans le cadre du même débat puisque le projet de loi de prélèvements obligatoires et le projet de loi sectorielle pourront être mis en discussion commune.

L’amendement CF 1 ayant été retiré, la Commission rejette successivement les amendements CF 22, CF 11, CF 23, puis elle adopte l’amendement CF 35 (amendement n° 22).

La Commission examine en discussion commune les amendements CF 20 de M. Pierre-Alain Muet, CF 10 et CF 12 de M. Jean-Claude Sandrier et CF 6 de M. Daniel Garrigue.

M. Pierre-Alain Muet. Les dérives budgétaires et autres cadeaux fiscaux ne sont pas le fruit des amendements parlementaires mais l’œuvre des gouvernements. C’est pourquoi notre groupe considère l’article 1er comme sans objet.

Par l’amendement CF 20, nous proposons de supprimer au moins les cinquième, septième et huitième alinéas, qui visent à introduire dans la Constitution une nouvelle catégorie de loi, supralégislative, les « lois-cadres d’équilibre des finances publiques ».

Chacun sait très bien que la réduction des déficits n’est pas tant affaire de textes que de volonté politique.

M. le rapporteur général. Défavorable. Les alinéas visés donnent aux lois-cadres d’équilibre des finances publiques, dont une loi organique précisera le contenu, une primauté juridique sur les lois de finances et de financement annuelles – ce qui n’avait pas été fait dans la révision constitutionnelle de 2008 instaurant les lois de programmation des finances publiques.

Les autres pays européens connaissent la même évolution, parfois sous une forme plus radicale, comme en Allemagne : à l’horizon 2016, le déficit de l’État fédéral ne devra pas excéder 0,35 % ; à l’horizon 2020, il en sera de même pour les Länder.

M. Charles de Courson. Ces alinéas posent la question du pouvoir du Conseil constitutionnel, qui pourra annuler tout ou partie d’une loi de finances ou de financement de la sécurité sociale qui ne serait pas conforme aux lois-cadres. En revanche, les lois-cadres influeront-elles sur des dispositions de loi ordinaires qui ne seraient pas compatibles avec elles ou le contrôle ne visera-t-il qu’à s’assurer de la conformité des lois de finances et de financement avec les lois-cadres ?

M. Pierre-Alain Muet. Le Conseil constitutionnel pourra, certes, invalider les lois de finances initiales. Mais qu’en sera-t-il des lois de règlement – qui sont les seules à constater les dérapages ? Si le Conseil constitutionnel ne peut pas les annuler, cela confirmera que la maîtrise des déficits n’est pas une question de contrainte juridique mais de volonté politique.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le rapporteur général, l’idée que le Conseil constitutionnel devienne l’autorité budgétaire suprême vous satisfait-elle ? Cela me semble une grave régression de la démocratie. Du reste, les déficits publics sont inversement proportionnels au nombre de lois adoptées pour les juguler.

M. René Couanau. Je voterai cet amendement. En effet, ou bien le projet de loi constitutionnelle est du théâtre d’ombres et il est inutile de poursuivre la discussion ; ou il ne l’est pas et, dans ce cas, nous commettons une grave imprudence à l’encontre des gouvernements actuel et futurs et du Parlement. Ce qui fait la force de l’exécutif, c’est sa réactivité : or, le texte l’enfermera dans des contraintes empêchant les adaptations nécessaires. Les années précédentes ont pourtant montré combien l’exécutif devait pouvoir s’adapter aux événements.

Nous subissons déjà de lourdes contraintes, du fait tant de l’action des juges que de la dérive libérale de l’Union européenne. Or, ce projet de loi imposera à l’action publique une nouvelle contrainte qui videra de toute substance les débats parlementaires sur les lois de finances et de financement, et donc sur la politique sociale. Ce texte transforme profondément nos institutions : c’est pourquoi je ne le voterai pas.

M. Daniel Garrigue. Nous sommes déjà soumis aux critères du pacte de stabilité en vue d’assurer la cohésion de la zone euro. Or, alors que la réforme de ce pacte a prévu d’instaurer une certaine souplesse, celle-ci fait défaut à ce texte aussi idéologique que dangereux.

L’empilement absurde des dispositifs – lois de programmation des finances publiques, lois-cadres d’équilibre des finances publiques, semestre européen – fera du Parlement la proie permanente du Conseil constitutionnel.

M. François Goulard. Si je suis favorable à cette nouvelle contrainte – car c’en est une –, la question de sa mise en œuvre n’est est pas moins posée, s’agissant des décisions du Conseil constitutionnel. Supposons qu’une loi de finances prévoie des recettes grossièrement surévaluées après que le Gouvernement aura fait adopter une loi-cadre très stricte : le Conseil constitutionnel se sentira-t-il le droit de l’annuler comme non conforme à la loi-cadre ? Il ne pourrait dire le droit en pareil cas, qu’après avoir porté une appréciation d’ordre économique et budgétaire. Le projet de loi constitutionnelle implique une réforme de l’organisation de nos institutions permettant au Conseil constitutionnel de s’appuyer sur une expertise qui lui fait défaut aujourd'hui.

M. Richard Dell’Agnola. La contrainte de voter des budgets en équilibre existe déjà pour les collectivités territoriales. C’est une règle ancestrale que personne n’a jamais trouvée choquante.

M. Henri Emmanuelli. On ne gère pas l’État comme une commune !

M. Richard Dell’Agnola. La Cour des comptes contrôle également chaque année l’exécution des dépenses. Ce projet est donc conforme au principe républicain de l’équilibre budgétaire.

M. Yves Censi. Ce débat concerne plutôt l’examen, à venir, de la loi organique.

Le Conseil constitutionnel n’aura pas à porter une appréciation d’ordre économique et financier…

M. le président Jérôme Cahuzac. Pourtant si.

M. Yves Censi. Il s’agit là de droit. Voyez ce qui se passe en Allemagne : le débat sur le bien-fondé des choix économiques et la sincérité des recettes sera dissocié de celui qui, en amont, portera sur la conformité du projet de loi de finances à la loi organique.

M. Charles de Courson. Le principe de sincérité, cher collègue Goulard, est déjà inscrit dans la loi organique. Or, le Conseil constitutionnel n’a encore jamais annulé tout ou partie d’une loi de finances pour insincérité. Il s’est contenté de soulever, dans des cas de saisine, la question des recettes surévaluées.

Pour ce qui nous concerne ici, le Conseil constitutionnel ne pourra que constater une donnée objective, à savoir l’écart existant, en termes de dépenses comme de recettes, entre les lois-cadres et les lois de finances ou de financement.

L’organe qui contrôle la sincérité des budgets des collectivités territoriales, c’est le préfet. Celui-ci peut, après avis de la chambre régionale des comptes, renvoyer le budget pour insincérité, ce que n’a encore jamais fait, je le répète, le Conseil constitutionnel pour le budget de l’État. Le fera-t-il ? Je n’en sais rien.

M. Michel Vergnier. Ce texte exprime de la défiance vis-à-vis du Parlement. Qui veut-on censurer ou qui veut-on protéger ? La contrainte qu’il tend à instaurer n’est pas acceptable.

M. René Couanau. On ne saurait comparer le budget de la nation avec celui des collectivités locales, d’autant que ce texte n’est pas d’ordre comptable, mais politique, économique et social. Un budget est un instrument politique : il reflète les choix d’un gouvernement, soutenu par une majorité, ce qui dépasse largement la seule question de l’équilibre des finances publiques. Leur déséquilibre est parfois justifié. Ne nous trompons pas de débat !

M. Daniel Garrigue. Si, dans le cadre du semestre européen, l’Union européenne s’entend pour relancer les politiques budgétaires, que deviendra la loi-cadre d’équilibre des finances publiques ?

M. le président Jérôme Cahuzac. La sincérité est déjà une disposition de nature organique, mais le Conseil constitutionnel, n’ayant pas les moyens d’apprécier les dispositions qui lui sont soumises, n’a jamais censuré un budget pour ce motif. Or, voici qu’à moyens identiques, il devra, en plus, se prononcer sur la conformité de la loi de finances avec la loi-cadre !

Soyons sérieux : quel Gouvernement prendra le risque de faire adopter, par sa majorité, une loi de finances en contradiction avec la loi pluriannuelle examinée quelques semaines auparavant ? Le projet de loi constitutionnelle heurte le bon sens.

M. Georges Ginesta. Ce texte est-il nécessaire alors même qu’un trop grand nombre de contraintes pèsent déjà sur nous ? Nous nous conduisons comme des mineurs, qui aspirent à une nouvelle tutelle !

M. Henri Emmanuelli. C’est de l’automutilation.

M. Georges Ginesta. Nous finirons par être amputés à la fois de notre autorité et de notre responsabilité, comme si nous n’étions pas capables de faire notre travail.

M. Pierre-Alain Muet. Je tiens à répéter ma question : que se passera-t-il si une loi de règlement n’est pas conforme à une loi-cadre ?

M. le rapporteur général. Il convient de distinguer la prévision de l’exécution. En matière de prévision des recettes, l’article 32 de la loi organique a déjà introduit la notion de sincérité. Il convient maintenant de permettre en outre au Conseil constitutionnel de s’assurer de la cohérence de la loi de finances avec la loi-cadre, s’agissant non pas des recettes existantes, qui sont soumises aux aléas économiques, mais des mesures nouvelles, qui ne doivent pas contrevenir à la loi-cadre. L’hypothèse d’une censure est d’autant plus limitée que les lois-cadres pourront être révisées dans les mêmes conditions que les lois de finances, ce qui laisse de la souplesse à l’exécutif en cas de crise économique ou de changement de majorité. Le texte n’instaure donc pas un système rigide à l’allemande.

S’agissant de l’exécution, la loi organique devra prévoir les modalités de mesure et de correction des écarts. Ceux-ci pourront être corrigés par la modification de la loi-cadre, sur le modèle de ce que le Parlement a fait durant des années pour l’ONDAM. On pourra compenser l’augmentation des dépenses soit par une augmentation des recettes, soit par une diminution des dépenses d’une autre mission, ce qui suppose, pour garder la trajectoire, une certaine fongibilité des mesures à adopter en termes de recettes et de dépenses. Nous devons explicitement inscrire dans le projet de loi constitutionnelle l’obligation pour la loi organique de préciser les modalités selon lesquelles les écarts devront être corrigés. En cas de crise, comme en 2008, la révision de la loi-cadre permettra au Gouvernement de réagir.

M. Censi a eu raison de rappeler que le contrôle du Conseil constitutionnel sera d’ordre juridique et ne portera pas sur la sincérité macro-économique des prévisions de recettes – comment prévoir deux ans à l’avance un taux de croissance au dixième de point près ? En revanche, une loi de finances pourrait être censurée si elle prévoyait des mesures nouvelles en recettes ou des plafonds de dépenses contraires aux dispositions de la loi-cadre.

Monsieur Ginesta, si nous devons compléter la réforme constitutionnelle de 2008, c’est que nous nous trouvons confrontés à un besoin de financement particulièrement important – entre 200 et 250 milliards d’euros par an. Tous les pays européens, indépendamment de considérations liées à la stabilité de la zone euro, se sont dotés de garde-fous leur permettant de résorber progressivement leur endettement. Il s’agit de règles de sagesse pragmatiques, qui ne visent pas à nous enserrer dans des contraintes supplémentaires. Donnons-nous les moyens de maintenir, sauf circonstances exceptionnelles, la trajectoire que nous nous sommes fixée.

M. Jean-Pierre Balligand. Si je comprends bien, la contrainte macro-économique et budgétaire est devenue telle qu’il faut suspendre les activités parlementaires et démocratiques normales, toute loi ayant des incidences financières. Nous assistons au basculement vers un autre système politique que la démocratie parlementaire.

M. le rapporteur général. C’est exagéré.

M. Georges Ginesta. Devons-nous réclamer une tutelle pour nous contraindre à prendre des mesures de bon sens ? Ne sommes-nous pas suffisamment responsables ?

M. le président Jérôme Cahuzac. À mes yeux, ceux qui espèrent, grâce à ces dispositions, atteindre chaque année un équilibre budgétaire durable se font des illusions. Comme l’a rappelé le rapporteur général, les lois de finances suivront de quelques semaines, voire de quelques jours, les lois-cadres. De plus, le Conseil constitutionnel n’a jamais censuré une loi de finances pour insincérité.

Faut-il craindre que le Parlement soit amputé, dans les faits, de ses prérogatives ? Certes, l’objectif de ceux qui ont imaginé ces dispositions, à savoir les experts de la commission Camdessus, était d’exprimer une véritable défiance vis-à-vis du Parlement. Mais celui-ci a les moyens de jouer son rôle : il lui suffit de le décider collectivement.

M. Yves Censi. Il est inadmissible d’affirmer que les dispositions du texte reprennent les propositions des experts.

M. le président Jérôme Cahuzac. C’est un fait : la commission Camdessus était composée de quatre parlementaires et d’une quinzaine d’experts et de directeurs d’administrations centrales. Je vous renvoie au compte rendu de ses travaux.

M. Yves Censi. Tout projet de loi est précédé, en commission, d’auditions d’experts. Lorsque leurs propositions sont reprises dans un texte et que celui-ci passe devant l’Assemblée nationale, il s’agit d’autre chose.

Le présent texte est, en matière de rigueur budgétaire, un signal fort adressé par la France, à la suite de l’Allemagne, à nos partenaires européens. Le fait, pour le Parlement, de se fixer une contrainte, passible de la censure du Conseil constitutionnel, n’est pas contraire à sa liberté.

Je suis convaincu que les pays de la zone euro et, plus largement, de l’Union européenne, qui sauront faire preuve de rigueur budgétaire, seront les plus puissants.

M. le rapporteur général. Cela est très juste.

M. Jérôme Chartier. Tout à fait. Beaucoup de choses ont changé depuis que la crise de la dette publique est devenue un enjeu mondial. Tous, nous avons pesté contre les agences de notation qui dégradent la dette des pays dont ils augmentent le niveau de spread exigé par les prêteurs. La France, comme les autres pays, est aux mains des investisseurs qui peuvent, dans une démarche concertée, augmenter subitement son niveau de spread s’ils n’ont pas le sentiment qu’elle s’engage dans la maîtrise de son endettement. C’est vrai, ils n’ont plus confiance dans la seule démarche budgétaire pour atteindre cet objectif. Ce texte adresse donc un signe très fort aux marchés. On peut évidemment les mépriser, mais on peut également faire preuve de sérieux en se rappelant que cinquante points supplémentaires de spread se traduisent par 5 milliards de coût budgétaire supplémentaire.

Ce texte nous permettra de continuer de bénéficier de la confiance des marchés car il valide la démarche française de maîtrise des déficits. La France est aujourd'hui soutenue par les marchés parce que ce sont eux qui, pour l’essentiel, financent la dette publique. Si nous nous trouvions dans la situation de la Grèce, de l’Espagne ou de l’Irlande, dont le niveau de spread est très élevé, nous aurions à résoudre des problèmes budgétaires encore plus graves.

M. Henri Emmanuelli. Vouloir opposer la rationalité des marchés à l’irresponsabilité des parlementaires, c’est indécent ! Heureusement que, dans les tous les pays occidentaux, il y a eu des parlements pour venir au secours de financiers irresponsables !

M. René Couanau. Nous sommes au cœur de la question ! Monsieur Chartier, je ne partage pas vos priorités. Il ne nous appartient pas de donner des gages aux marchés en abaissant les parlements. Que le Gouvernement prenne sa responsabilité dans la gestion des finances publiques sans écorner les prérogatives du Parlement.

M. le rapporteur général. Monsieur Emmanuelli, quel est l’endettement du département des Landes ?

M. Henri Emmanuelli. Il est très faible, sans que le conseil général ait eu besoin de recourir à tous vos mistigris !

M. le rapporteur général. Mais cela prouve que l’on ne peut pas traiter cette affaire de la même manière à Paris et à Mont-de-Marsan.

La Commission rejette l’amendement CF 20.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CF 10 et CF 12 de M. Jean-Claude Sandrier, ainsi que l’amendement CF 6 de M. Daniel Garrigue.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CF 24 de M. Jérôme Cahuzac, CF 2 de M. Charles de Courson et CF 36 du rapporteur général.

M. Charles de Courson. Mon amendement précise la durée dans laquelle s’inscriront les prochaines lois-cadres d’équilibre des finances publiques. La logique veut qu’elles ne puissent s’exercer que dans la limite de la durée de la législature, de façon à respecter les éventuels changements de majorité.

M. le président Jérôme Cahuzac. Le programme de stabilité transmis par la France aux autorités de l’Union européenne devant couvrir une période de quatre années, je propose de mettre en cohérence la durée des lois-cadres avec celle du programme de stabilité. Du reste, celui-ci sera soumis en premier au Parlement, la loi-cadre venant ensuite et les lois de finances en dernier.

De plus, la loi-cadre devra être révisée chaque année.

M. le rapporteur général. L’amendement de M. de Courson pose un problème d’articulation avec le programme de stabilité. Dans le cadre de l’examen de la loi de programmation pluriannuelle, nous avons obtenu que le programme de stabilité fasse l’objet d’un débat et d’un vote au Parlement avant sa transmission aux autorités européennes. Dans le cadre du semestre européen, cette exigence est renforcée. Pour éviter que les lois de finances annuelles ne soient cadrées par le programme de stabilité et non par la loi-cadre votée par le Parlement, il faut instaurer une certaine cohérence entre les deux. Du reste, le président de la Commission présentera un amendement exigeant que tout projet de loi d’actualisation de la loi-cadre soit déposé en même temps que le programme de stabilité.

En revanche, M. Cahuzac propose l’obligation de réviser, chaque année, la loi-cadre : à mes yeux, il n’est pas opportun d’inscrire une telle obligation dans la Constitution, pour se garder la possibilité de ne réviser la loi-cadre que lorsqu’il n’est pas possible de faire autrement. Si les écarts qui se sont produits dans l’exécution peuvent être corrigés sans remettre en cause la loi-cadre, pourquoi la réviser systématiquement ? Cela risque de la décrédibiliser. Il faut distinguer entre l’obligation de réviser chaque année les dispositions de la loi-cadre qui s’imposent aux lois financières, et son actualisation pour tenir compte de l’impact de la conjoncture sur la trajectoire et pour maintenir une programmation sur quatre ans. Cette question de l’actualisation pourra être réglée par la loi organique.

C’est pourquoi mon amendement fixe une durée minimale de trois ans pour les lois-cadres. Je suis prêt à le rectifier en portant cette durée à quatre ans, voire à le fusionner avec celui du président de la Commission, si celui-ci abandonne la mesure prévoyant une révision annuelle. Les quatre ans sont en effet un élément de cohérence important avec le programme de stabilité.

M. Louis Giscard d'Estaing. L’amendement de M. de Courson propose de se caler sur une législature, tandis celui du président retient une durée de quatre ans, soit celle du programme de stabilité transmis aux autorités communautaires. Il convient de choisir entre les deux impératifs, l’un de nature nationale, l’autre européenne.

Par ailleurs, l’idée d’une révision annuelle est contraire au principe même d’une loi-cadre. Celle-ci perdrait une partie de sa force.

M. le président Jérôme Cahuzac. Nous paraissons tout d’accord sur la nécessité d’aligner la durée de validité de la loi-cadre avec celle du programme de stabilité.

Quant au principe d’une révision annuelle, je remarque d’abord que la possibilité existe déjà d’examiner chaque année une loi pluriannuelle de financement. Je propose donc de parler d’un « examen » annuel de la loi-cadre, et non de « révision » : nous aurions alors toute liberté de confirmer les dispositions adoptées l’année précédente. Mais un tel examen me paraît nécessaire. Faisons preuve d’humilité : nous ne sommes pas capables de prévoir, un ou deux ans à l’avance, quelle sera la future situation économique, sociale ou internationale. Cet amendement me paraît donc constituer une précaution minimale.

M. le rapporteur général. Je suis favorable à l’adoption d’une durée de quatre ans, et je suis prêt à rectifier mon amendement en ce sens. Mais les mots : « chaque année » me gênent. Nous devons pouvoir chaque année allonger d’un exercice la loi-cadre, sans pour autant être obligés de réviser les dispositions relatives aux exercices précédents.

M. Charles de Courson. Je me rallie à cette position

M. le président Jérôme Cahuzac. Chaque année, nous transmettons à Bruxelles un nouveau programme de stabilité qui, le cas échéant, confirme le programme transmis l’année précédente. Pourquoi n’en ferions-nous pas autant avec la loi-cadre, alors même que nous sommes d’accord pour que les deux documents aient la même durée de validité ? Je le répète, examiner ne signifie pas réviser : on peut se contenter de confirmer l’existant.

Si on estime qu’un examen annuel de la loi-cadre en affaiblirait la valeur contraignante, il faut tenir le même raisonnement au sujet du programme de stabilité.

M. le rapporteur général. Les deux exercices ne sont pas de même nature. Chaque nouveau programme de stabilité peut comporter quelques modifications par rapport à celui de l’année précédente, mais en ce qui concerne la loi-cadre, il convient de lui conférer un minimum de permanence. Je suis donc défavorable à l’amendement CF 24. En revanche, l’harmonisation des durées de validité est un point important. Je rectifie donc mon amendement CF 36 en remplaçant « au moins trois années » par « quatre années ».

L’amendement CF 2 est retiré.

La Commission rejette l’amendement CF 24.

Puis elle adopte l’amendement CF 36 ainsi rectifié (amendement n° 23).

Elle examine ensuite l’amendement CF 37 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Outre les normes d’évolution et les orientations pluriannuelles, les lois-cadres doivent pouvoir déterminer les règles de gestion des finances publiques telles que l’interdiction faite aux opérateurs d’emprunter à plus d’un an, ou la règle de gage des dépenses fiscales.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 24).

Elle en vient ensuite à l’amendement CF 3 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit de préciser la notion d’équilibre des finances publiques en parlant d’équilibre « de fonctionnement ». Il n’est pas illégitime de s’endetter pour financer des investissements de long terme. C’est d’ailleurs ce qui se pratique dans les entreprises et dans les collectivités territoriales.

La portée d’un tel amendement serait d’ailleurs nulle en ce qui concerne les lois de financement de la sécurité sociale, qui par définition ne comportent pas de dépenses d’investissement. Il ne concernerait que les dépenses d’investissement du budget de l’État, soit 20 milliards d’euros sur un total de 380 milliards. Ce sont en effet les collectivités locales qui assurent aujourd’hui le plus gros de l’investissement public.

L’équilibre des finances publiques ne doit pas s’entendre comme une obligation d’autofinancer intégralement les maigres investissements de l’État.

M. le rapporteur général. Nous avions eu ce débat en 2008, mais depuis, les choses ont profondément changé. Pour réduire notre endettement, nous devons aller au-delà du simple équilibre de fonctionnement, car le niveau de déficit stabilisant – c’est-à-dire celui qui permet de ne plus augmenter la dette en pourcentage du PIB – est désormais inférieur à la formation brute de capital fixe publique. Et les exemples étrangers, celui de l’Angleterre notamment, montrent que la fameuse « règle d’or » ne suffit pas à éviter une crise des finances publiques.

Il est vrai que votre idée est séduisante. Nous raisonnons en termes de déficit consolidé, mais cette notion n’a pas le même sens selon que l’on parle de l’État, de la sécurité sociale ou des collectivités territoriales. Ainsi, les comptes sociaux devraient normalement être en strict équilibre. Cela étant, les contraintes auxquelles nous sommes confrontés m’interdisent de donner un avis favorable à cet amendement.

M. Charles de Courson. La norme que nous proposons revient à dire que l’État ne peut s’endetter de plus de 20 milliards d’euros par an, soit 1 % du PIB, sachant que l’investissement des collectivités territoriales ne pourrait pas dépasser 2 % et que la sécurité sociale ne pourrait pas s’endetter du tout. Compte tenu de la part d’autofinancement des collectivités locales, adopter l’amendement reviendrait donc à tolérer un déficit maximal de 2 % du PIB, ce qui correspond à l’ordre de grandeur du niveau de déficit stabilisant.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l'amendement CF 38 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. M. Muet s’interrogeait tout à l’heure sur ce qu’il adviendrait si des écarts étaient constatés en exécution. Cet amendement fait obligation à la loi organique de préciser les modalités de compensation de tels écarts. La loi organique ne doit pas concerner le seul contenu des lois-cadres, mais aussi leurs conditions d’exécution. Un autre amendement étendra d’ailleurs au contrôle de leur mise en œuvre la compétence de la Cour des comptes.

M. Charles de Courson. Quand les écarts seront-ils constatés ? Si c’est au moment de la loi de règlement, le rejet de cette loi – dont on ne trouve qu’un seul exemple dans notre histoire budgétaire – n’aurait pas d’autre conséquence que de différer l’inscription du déficit annuel sur le déficit global du pays.

M. le rapporteur général. Le contrôle de l’exécution des lois de finances ou de la mise en œuvre des lois-cadres pourrait parfaitement être exercé dans l’année.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 25).

Elle donne ensuite un avis favorable à l’adoption de l'article 1er ainsi modifié.

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Article 2

(article 39 de la Constitution)

Droit de priorité de l’Assemblée nationale pour l’examen des projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques

Le présent article vise à étendre aux lois-cadres la priorité donnée à l’Assemblée nationale dans le domaine financier, par dérogation au principe d’égalité entre les assemblées dans l’ordre d’examen des projets de loi.

Héritage du principe du consentement à l’impôt posé par l’article 14 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la priorité donnée aux députés dans le domaine des lois de finances est absolue et consacrée par la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution.

L’adoption de la loi constitutionnelle n° 96–138 du 22 février 1996, qui a créé les lois de financement de la sécurité sociale, catégorie sui generis de lois financières, fut l’occasion d’étendre ce droit de priorité à cette nouvelle catégorie de lois en raison des liens étroits entre lois de finances et lois de financement. Le deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution ainsi modifié dispose désormais que : « Les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale ».

Le Conseil constitutionnel a confirmé le caractère absolu de ce droit de priorité en matière financière en précisant qu’il concerne aussi toute mesure nouvelle que le Gouvernement souhaite proposer par amendement au cours du débat ; une telle mesure ne peut donc pas être présentée en premier lieu devant le Sénat (62).

Le présent article s’inscrit donc dans la droite ligne de la pratique constitutionnelle française. Catégorie particulière de lois financières, les lois-cadres d’équilibre des finances publiques instituées par l’article 1er du présent projet de loi s’imposeraient, pour certaines de leurs dispositions, aux lois de finance set de financement, ce qui justifie en soi qu’on applique à leur examen le même droit de priorité à l’Assemblée nationale.

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La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 2 sans modification.

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Après l’article 2

La Commission examine l'amendement CF 25 de M. Jérôme Cahuzac.

M. le président Jérôme Cahuzac. L’article 40 de la Constitution interdit aux parlementaires de formuler des propositions dont l’adoption aurait pour conséquence une aggravation d’une charge publique, mais les autorise à gager une diminution des ressources publiques par de nouvelles recettes fiscales, notamment en faisant jouer le montant des droits pesant sur le tabac ou l’alcool. Or, la combinaison de l’article 40 et de la règle de monopole prévue par ce projet de loi constitutionnelle priverait les parlementaires de la possibilité de faire des gages fiscaux en loi ordinaire, et ferait peser une lourde contrainte sur leur capacité d’initiative. Je propose donc, non de supprimer cet article, mais d’en modifier les règles de mise en œuvre : la recevabilité serait, comme aujourd’hui, appréciée par le président de l’assemblée concernée, mais à la demande du Gouvernement. Ainsi, les propositions de loi ou les amendements pourraient dans tous les cas être déposés et publiés.

M. le rapporteur général. Je suis très réservé à l’égard de cet amendement. Le dispositif actuel, qui laisse au président de la commission des finances le soin de juger la recevabilité d’une proposition, me paraît préférable. S’il appartient au Gouvernement de déclencher la procédure de vérification, je crains qu’il n’use de cette faculté à son gré, voire de manière partiale, quand bien même l’appréciation de la recevabilité resterait de la compétence du Parlement. Dans ce domaine, je fais davantage confiance à un contrôle interne au Parlement qui est gage d’impartialité.

M. le président Jérôme Cahuzac. Comme vous l’avez souligné, le juge de la recevabilité d’une proposition de loi ou d’un amendement resterait le président de l’Assemblée nationale, qui délègue ce pouvoir au président de la Commission des finances. Mon amendement n’a pour but que de préserver le droit d’initiative parlementaire sans pour autant remettre en cause le fondement de l’article 40.

Il arrive déjà que l’exécutif signale à la Commission des finances l’existence d’amendements qu’il estime irrecevables au regard de l’article 40 parce que le contenu de ces amendements le gêne. Ma proposition ne ferait qu’officialiser cette pratique. La transparence y gagnerait sans que les exigences financières posées par la Constitution y perdent quoi que ce soit.

M. Jérôme Chartier. L’adoption d’un tel amendement reviendrait à encourager l’irresponsabilité des parlementaires. Ces derniers pourraient déposer des propositions de lois ou des amendements qu’ils savent contraires à l’article 40.

M. le président Jérôme Cahuzac. Vous pouvez être en désaccord avec l’amendement, mais ne lui prêtez pas des intentions qu’il n’a pas. L’application de l’article 40 resterait de la responsabilité du Parlement. Peut-être songez-vous à l’hypothèse dans laquelle le Gouvernement n’oserait invoquer l’irrecevabilité financière pour s’opposer à un amendement aggravant la dépense publique. Mais dans un tel cas, c’est le Gouvernement lui-même qui ferait preuve d’irresponsabilité.

M. Louis Giscard d'Estaing. En tant que délégataire du pouvoir de vérifier la recevabilité au titre de l’article 40, vous êtes fréquemment amené, monsieur le président, à nous expliquer les raisons qui vous ont conduit à écarter tel ou tel amendement. L’application de cet article fait d’ailleurs l’objet d’une jurisprudence constante depuis de nombreuses années, même si un élément nouveau est intervenu, puisque depuis bientôt quatre ans, la présidence de la commission des finances revient de droit à un membre de l’opposition. Pourquoi remettre en cause l’équilibre auquel nous sommes parvenus ?

M. le président Jérôme Cahuzac. L’adoption de l’amendement n’affecterait pas la façon dont l’article 40 est appliqué, ni la nécessité pour le président de la Commission des finances de rendre compte de ses choix devant les parlementaires. Elle ne ferait que rendre possible le dépôt des propositions jugées par la suite irrecevables.

La Commission rejette l’amendement.

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Article 3

(article 42 de la Constitution)

Engagement de la discussion des projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques sur le texte du Gouvernement et absence de délai impératif entre le dépôt ou la transmission et l’examen par une assemblée

La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a donné lieu à une nouvelle rédaction de l'article 42 de la Constitution afin de permettre, d'une part, que la discussion d'un projet de loi s'engage sur le texte proposé par la commission saisie au fond, et non plus sur le texte initial déposé par le Gouvernement (alinéa 1er) et, d'autre part, de déterminer des délais minima entre le dépôt ou la transmission d'un texte et son examen en séance publique afin d’améliorer les conditions de travail des commissions (alinéa 3).

Ces deux règles ne s’appliquent pas aux projets de loi de finances et aux projets de loi de financement de la sécurité sociale (article 42, alinéas 2 et 4), compte tenu du caractère particulier de ces projets – le Gouvernement disposant du monopole de leur dépôt – et dont l’examen est encadré, par ailleurs, par les articles 47 et 47-1 de la Constitution.

Le présent article vise donc à aligner les conditions de discussion et d’examen des projets de lois-cadres sur le régime d’exception prévu pour les lois financières annuelles, compte tenu du lien étroit entre ces normes juridiques.

Il convient néanmoins d’observer que les projets de loi de programmation des finances publiques – créés à l’occasion de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 – ne sont pas visés par les alinéas 2 et 4 de l’article 42 en vigueur. Il s’ensuit que la discussion en séance s’engage sur le texte élaboré par la Commission des finances et non sur le projet du Gouvernement. En revanche, le Gouvernement ayant systématiquement engagé la procédure accélérée prévue par l’article 45, l’examen des projets de lois de programmation des finances publiques n’a jamais bénéficié des délais minima prévus par l’alinéa 3 de l’article 42.

Le présent article pourrait donc être interprété comme une contrainte nouvelle imposée au Parlement par rapport à la situation actuelle. Cependant, le Rapporteur général considère qu’il existe deux différences majeures entre les projets de lois-cadres et les projets de loi de programmation des finances publiques qui justifient le régime dérogatoire prévu par le présent article :

– d’une part, la loi-cadre est obligatoire : en vertu des articles 5 et 6 du présent projet, l’adoption définitive des lois financières annuelles est subordonnée à l’existence d’une loi-cadre couvrant l’année concernée ;

– d’autre part, la loi-cadre est juridiquement contraignante : en vertu de l’article 1er du présent projet, certaines de ses dispositions s’imposent aux lois financières.

Il convient donc que la loi-cadre puisse être examinée dans des conditions au moins équivalentes à celles applicables aux lois financières annuelles.

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La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 3 sans modification.

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Article 4

(article 46-1 [nouveau] de la Constitution)

Renvoi des conditions de vote des projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques à la loi organique et possibilité pour le Gouvernement d’encadrer les délais de discussion

Le présent article insère un article 46-1 dans la Constitution, qui renvoie à une loi organique le soin de fixer les conditions de vote des projets de loi-cadre.

Il donne également la faculté au Gouvernement de mettre en œuvre, pour le vote des projets de loi-cadre, les dispositions spéciales de l’article 47, deuxième alinéa, applicables au vote des projets de loi de finances.

1.– La liberté du législateur organique pour déterminer les conditions de vote des projets de loi-cadre

La détermination des conditions de vote des projets de loi-cadre par le législateur organique est susceptible de constituer un réel instrument de contrainte à l’égard du Parlement ou du Gouvernement. Il s’agira en effet de déterminer le calendrier d’examen du projet de loi-cadre, ses modalités de dépôt et les conditions de révision de la loi-cadre.

a) Le calendrier d’examen des projets de loi-cadre

Il conviendra que le législateur organique fixe sur le calendrier d’examen du projet de loi-cadre d’équilibre des finances publiques, la seule contrainte constitutionnelle étant celle posée par les articles 5 et 6 du présent projet, qui conditionnent l’adoption définitive de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale annuelles à l’existence préalable d’une loi-cadre applicable à l’année concernée. Dès lors, plusieurs options sont possibles :

– la loi organique peut ne pas préciser le calendrier d’examen des lois-cadres afin de laisser au Gouvernement toute latitude pour fixer la date de dépôt de la loi-cadre et son délai d’examen : de cette manière, le Gouvernement pourrait toujours déposer un projet de loi-cadre en même temps qu’un projet de loi de finances ou de financement, afin d’assurer la conformité des seconds au premier. Dans cette hypothèse, le Gouvernement disposerait de la même latitude que celle dont il bénéficie pour l’actuel projet de loi de programmation des finances publiques ;

– la loi organique peut au contraire préciser la date à laquelle le projet de loi-cadre devra être déposé devant l’Assemblée nationale, voire celle où il est adopté. Cette précision serait nécessaire si le législateur organique souhaitait, par exemple, remplacer l’actuel débat d’orientation des finances publiques par l’examen du projet de loi-cadre d’équilibre des finances publiques au printemps. Comme l’a montré l’exposé général, cette hypothèse est celle retenue par le rapport Camdessus et par la législation budgétaire suédoise.

Quel que soit le choix retenu par le législateur organique, il faut relever que l’hypothèse d’un examen du projet de loi-cadre par le Parlement à l’automne, en même temps que l’examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, serait beaucoup plus problématique qu’un examen au printemps pour au moins trois raisons :

– d’une part, il serait politiquement préférable de donner une certaine visibilité au législateur financier en examinant le projet de loi-cadre, dont certaines dispositions d’imposent aux lois financières annuelles, avant le dépôt de ces textes à l’automne ;

– d’autre part, un examen du projet de loi-cadre au printemps serait de nature à améliorer la qualité du travail du Parlement. En effet, le volume des lois de finances et de financement ne cesse de s’accroître tandis que les délais d’examen de ces textes sont toujours aussi impératifs. Ils se heurtent en outre aux contraintes d’examen du projet de loi de finances rectificative de l’année en cours qui doit, lui aussi, être adopté avant la fin de l’année. La charge de travail supplémentaire que représenterait l’examen de la loi-cadre à l’automne serait d’autant plus problématique que le présent projet prévoit le monopole des lois de finances et des lois de financement pour traiter de la fiscalité et des principes fondamentaux concernant les ressources de la sécurité sociale ;

– enfin, la question de l’articulation entre examen du projet de loi-cadre et semestre européen est, comme le rappelle l’exposé général, cruciale pour la portée de ce nouvel instrument juridique et le rôle du Parlement dans la détermination du cadrage budgétaire. La modification du calendrier d’examen des programmes de stabilité et le renforcement du contrôle résultant de la mise en place du semestre européen conduisent de fait à ce que le cadrage budgétaire des lois de finances et des lois de financement soit réalisé au début de l’été sur la base du programme de stabilité éventuellement amendé par les recommandations du Conseil européen. Le Parlement devrait donc pouvoir commencer à examiner la loi-cadre parallèlement au déroulement du semestre européen.

Le Rapporteur général estime donc que la loi organique pourrait utilement prévoir que, sauf circonstances exceptionnelles, le dépôt de la loi-cadre doit être fait avant le 1er juin.

b) Les modalités de dépôt du projet de loi-cadre

En pratique, le législateur organique devra également préciser les règles de présentation des lois-cadres d’équilibre des finances publiques au moment de leur dépôt à l’Assemblée nationale.

Il conviendra notamment de modifier l’article 11 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution afin d’exonérer les projets de loi-cadre de l’obligation de présenter une étude d’impact pour les mêmes raisons que celles qui ont à écarter les études d’impact pour les projets de loi de programmation des finances publiques.

c) Les modalités de révision de la loi-cadre

Le choix des modalités de révision de la loi-cadre par le législateur organique constituera, sans doute, le principal élément déterminant l’intensité de l’obligation pesant sur le législateur.

Une possibilité de révision sans limite de la loi-cadre ouvrirait la possibilité au Gouvernement de la modifier chaque année, voire plus, pour l’adapter aux circonstances du moment. Elle aurait toutefois le mérite de permettre d’assurer la cohérence entre la loi-cadre et le programme de stabilité de la France dans le cadre du semestre européen.

Un encadrement des conditions de révision de la loi-cadre – par exemple, en la limitant aux cas de circonstances exceptionnelles ou de changement de majorité parlementaire – conduirait, en revanche, à renforcer le caractère solennel de la loi-cadre et la crédibilité des engagements pris par le législateur pour redresser les comptes publics.

Le Rapporteur général estime que l’articulation entre loi-cadre et semestre européen est cruciale. Par conséquent, le législateur organique pourrait privilégier l’adoption d’une loi-cadre tous les ans, dès lors qu’est garantie au Parlement la possibilité d’examiner le projet de loi-cadre parallèlement au déroulement du semestre européen et de contrôler la mise en œuvre de la loi-cadre par rapport à la prévision afin d’adopter des mesures correctrices en cas d’écarts.

2.– La possibilité pour le Gouvernement d’encadrer les délais de discussion des lois-cadres

Le présent article donne au Gouvernement la possibilité de faire application de la procédure prévue, à l’alinéa 2 de l’article 47 de la Constitution, pour le vote des projets de lois de finances.

Cette procédure dérogatoire du droit commun a pour objet d’encadrer strictement les délais de discussion des lois de finances et d’imposer, de droit, le renvoi en commission mixte paritaire du projet de loi après une seule lecture dans chaque chambre.

Dans cette hypothèse, le projet de loi-cadre devra donc être adoptée dans un délai maximum de 70 jours, décliné comme suit : première lecture à l’Assemblée nationale : 40 jours ; première lecture au Sénat : 20 jours ; et navette parlementaire : 10 jours.

Par rapport à la pratique actuelle, le Gouvernement n’aura plus besoin de soumettre à la Conférence des Présidents une demande de procédure accélérée, comme il avait dû le faire pour les deux lois de programmation des finances publiques précédemment adoptées (63).

Le présent projet de loi ne va pas jusqu’à étendre aux lois-cadres l’alinéa 3 de l’article 47 en vertu duquel le Gouvernement est habilité à mettre en œuvre les dispositions de la loi de finances par voie d’ordonnance en cas de défaillance du Parlement. En effet, cette disposition n’a, en pratique, jamais été mise en œuvre depuis 1958 et s’avère donc une contrainte purement théorique.

En revanche, il faut noter que le 3° de l’article 5 du présent projet prévoit l’hypothèse dans laquelle la loi-cadre ne serait pas entrée en vigueur, quelle qu’en soit la raison (défaillance du Gouvernement, du Parlement ou censure du Conseil constitutionnel). Dans cette hypothèse, la loi de finances annuelle ne peut être adoptée définitivement, aussi le Gouvernement doit-il demander d’urgence au Parlement l’autorisation de percevoir les impôts et d’ouvrir par décret les crédits se rapportant aux services votés (64).

Le Rapporteur général estime que la possibilité de transposer, le cas échéant, la procédure de vote des lois de finances aux lois-cadres se justifie par la nécessité de modifier la loi-cadre en vigueur en cas de circonstances imprévues.

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La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 4 sans modification.

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Articles 5 et 6

(articles 47 et 47-1 de la Constitution)

Subordination de l’adoption définitive des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale à l’existence d’une loi-cadre d’équilibre des finances publiques

Les articles 5 et 6 du présent projet rendent obligatoire la promulgation d’une loi-cadre d’équilibre des finances publiques avant l’adoption définitive d’une loi de finance et d’une loi de financement, complétant ainsi les articles 47 et 47-1 de la Constitution. Le 3° de l’article 5 précise en outre les conditions de perception des impôts et d’ouverture de crédits en l’absence de loi-cadre applicable à l’année concernée afin d’assurer la continuité des services publics.

1.– Le caractère obligatoire de la loi-cadre

En subordonnant l’adoption définitive des lois de finances et de financement annuelles à l’existence d’une loi-cadre applicable à l’année concernée, le présent projet de loi conforte la primauté de la loi-cadre sur les lois financières annuelles posée par l’article 1er. En effet, sans loi-cadre, les lois de finances et de financement ne peuvent être adoptées.

Ce dispositif est rendu nécessaire par le fait que certaines dispositions de la loi-cadre s’imposent aux lois financières annuelles. Par la même, le constituant entend garantir l’effectivité de la nouvelle norme budgétaire pluriannuelle qu’est la loi-cadre afin d’atteindre l’objectif de retour à l’équilibre des comptes publics posé par l’article 34 de la Constitution.

Il en résulte que, dès l’entrée en vigueur du présent projet de loi constitutionnelle, le Gouvernement sera tenu d’élaborer une loi-cadre portant sur trois exercices au moins, qui devra être promulguée avant l’adoption définitive de la loi de finances et de la loi de financement afférente à la première de ces trois années. En revanche, compte tenu du caractère pluriannuel de la loi-cadre, le Gouvernement ne sera pas tenu, sauf dispositions organiques contraires, de déposer une nouvelle loi-cadre pour que soient adoptées définitivement les lois financières afférentes aux deux dernières années suivantes.

2.– La procédure à suivre en l’absence de loi-cadre

L’absence de loi-cadre peut être envisagée de plusieurs façons :

– soit le Gouvernement n’a pas présenté, dans les conditions prévues par la loi organique, de loi-cadre applicable à l’année visée par les lois financières annuelles ;

– soit le Parlement n’a pas adopté de loi-cadre dans les conditions prévues par la loi organique ;

– soit le Parlement n’a pas adopté de loi-cadre dans le délai de 70 jours alors que le Gouvernement avait opté pour la mise en œuvre de l’article 47 alinéa 2 de la Constitution ;

– soit le Conseil constitutionnel a censuré la loi-cadre à l’occasion de son contrôle de conformité obligatoire avant sa promulgation.

En l’absence de loi-cadre, la loi de finances et la loi de financement ne peuvent être définitivement adoptées.

Dans la mesure où l’absence de loi de finances met en péril la continuité de la vie nationale, le 3° de l’article 5 prévoit de recourir, en l’absence de loi-cadre applicable, à la procédure exceptionnelle visée à l’article 47 alinéa 4 de la Constitution permettant de disposer des éléments essentiels de la loi de finances de l’année. Le Gouvernement serait ainsi obligé de demander au Parlement de voter en urgence une loi autorisant la perception des impôts et l’ouverture par décret des crédits applicables aux services votés, dans les conditions précisées par l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances (cf. encadré ci-dessous).

Article 45 de la loi n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances

« Dans le cas prévu au quatrième alinéa de l'article 47 de la Constitution, le Gouvernement dispose des deux procédures prévues ci-dessous :

1° Il peut demander à l'Assemblée nationale, avant le 11 décembre de l'année qui précède le début de l'exercice, d'émettre un vote séparé sur l'ensemble de la première partie de la loi de finances de l'année. Ce projet de loi partiel est soumis au Sénat selon la procédure d'urgence ;

2° Si la procédure prévue au 1° n'a pas été suivie ou n'a pas abouti, le Gouvernement dépose, avant le 19 décembre de l'année qui précède le début de l'exercice, devant l'Assemblée nationale, un projet de loi spéciale l'autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu'au vote de la loi de finances de l'année. Ce projet est discuté selon la procédure d'urgence.

Si la loi de finances de l'année ne peut être promulguée ni mise en application en vertu du premier alinéa de l'article 62 de la Constitution, le Gouvernement dépose immédiatement devant l'Assemblée nationale un projet de loi spéciale l'autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu'au vote de la loi de finances de l'année. Ce projet est discuté selon la procédure d'urgence.

Après avoir reçu l'autorisation de continuer à percevoir les impôts soit par la promulgation de la première partie de la loi de finances de l'année, soit par la promulgation d'une loi spéciale, le Gouvernement prend des décrets ouvrant les crédits applicables aux seuls services votés.

La publication de ces décrets n'interrompt pas la procédure de discussion du projet de loi de finances de l'année, qui se poursuit dans les conditions prévues par les articles 45 et 47 de la Constitution et par les articles 40, 42, 43 et 47 de la présente loi organique.

Les services votés, au sens du quatrième alinéa de l'article 47 de la Constitution, représentent le minimum de crédits que le Gouvernement juge indispensable pour poursuivre l'exécution des services publics dans les conditions qui ont été approuvées l'année précédente par le Parlement. Ils ne peuvent excéder le montant des crédits ouverts par la dernière loi de finances de l'année ».

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La Commission est saisie, en discussion commune, des amendements CF 26 de M. Jérôme Cahuzac et CF 39 du rapporteur général.

M. le président Jérôme Cahuzac. Je propose d’avancer au 15 septembre, au lieu du premier mardi d’octobre, la date limite de dépôt du projet de loi de finances. Un dépôt tardif nuit à la qualité de nos travaux ; et si le projet de loi constitutionnelle est adopté, nous aurons à examiner des dispositions fiscales figurant jusque-là dans les lois ordinaires. Enfin, les années où la loi-cadre aura été votée, nous devrons vérifier la conformité de la loi de finances.

M. le rapporteur général. Je proposais quant à moi le 20 septembre, mais je me rallie volontiers à l’amendement du président. Les lois de finances sont de plus en plus denses : le projet de loi de finances pour 2011 ne comptait pas moins de 95 pages. Du jamais vu ! L’Assemblée étant la première saisie, les délais auxquels elle est soumise deviennent impraticables.

La dérive est très récente, elle date de cinq ou six ans, et il faut y mettre un terme. Du reste, le nouveau système, en déplaçant le débat de fond au printemps, au moment du programme de stabilité, contribuera à décaler le calendrier vers l’amont. La technique qui consiste à annoncer fin août les mesures impopulaires, pour prendre tout le monde de court, est incompatible avec le programme de stabilité et le dispositif des lois-cadres. La date du 15 septembre laisse au conseil des ministres le temps de se réunir. D’ailleurs, en 1998, le dépôt avait eu lieu le 9 septembre, en 1999 le 15 septembre, en 2001 le 18 septembre.

M. Charles de Courson. Ne devrait-on pas écrire plutôt « le troisième mardi de septembre », afin de tenir compte des variations du calendrier ?

M. le rapporteur général. L’amendement écrit « au plus tard », ce qui laisse de la souplesse.

La Commission adopte l’amendement CF 26 (amendement n° 26).

En conséquence, l’amendement CF 39 tombe.

L’amendement CF 27 de M. le président Jérôme Cahuzac est retiré.

La Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 5 ainsi modifié.

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La Commission est saisie, en discussion commune, des amendements CF 28 de M. Jérôme Cahuzac et CF 40 du rapporteur général.

M. le président Jérôme Cahuzac. Je propose d’avancer au 25 septembre la date de dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. le rapporteur général. Ce délai avait été respecté jusqu’en 2007. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement CF 28 (amendement n° 27).

En conséquence, l’amendement CF 40 tombe.

L’amendement CF 29 de M. Jérôme Cahuzac ayant été retiré, la Commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 6 ainsi modifié.

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Article additionnel après l’article 6

(article 47-2 de la Constitution)

Contrôle de la Cour des comptes sur la mise en œuvre des lois-cadres d’équilibre des finances publiques

L’article 47-2 de la Constitution confie à la Cour des comptes une mission générale d’assistance pour le contrôle de l’exécution des lois de finances, de l’application des lois de financement de la sécurité sociale et de l’évaluation des politiques publiques.

La création des lois-cadres d’équilibre des finances publiques, dont certaines dispositions s’imposeront aux lois de finances et lois de financement annuelles, doit permettre d’atteindre l’objectif constitutionnel d’équilibre des comptes des administrations publiques.

Il est donc essentiel que sa mise en œuvre soit contrôlée a posteriori. L’assistance de la Cour des comptes pourrait ainsi intervenir pour identifier les éventuels écarts entre prévision et exécution de la loi-cadre. Le Gouvernement et le Parlement disposerait donc d’un dispositif d’alerte afin d’adopter, le cas échéant, des mesures destinées à corriger ces écarts.

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La Commission adopte l’amendement CF 41 du rapporteur général (amendement n° 28), qui étend au contrôle de la mise en œuvre des lois-cadres la mission d’assistance de la Cour des comptes au Parlement et au Gouvernement.

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Article 7

(article 48 de la Constitution)

Inscription prioritaire des projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques à l’ordre du jour parlementaire

Le présent article précise que les projets de loi-cadre sont inscrits par priorité à l’ordre du jour par le Gouvernement à l’instar des projets de loi financière annuelle.

Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Gouvernement ne dispose plus du monopole de l’ordre du jour. En effet, l’article 48 de la Constitution pose désormais le principe de la fixation de l’ordre du jour par la Conférence des Présidents de chaque assemblée (article 48, alinéa 1er).

Afin de mettre en œuvre les réformes législatives qu’il estime primordiales dans des délais raisonnables, le Gouvernement dispose néanmoins de la possibilité d’obtenir l’inscription par priorité de certains textes, dans la limite de deux semaines de séance sur quatre (article 48, alinéa 2).

Il peut également obtenir l’inscription par priorité, en dehors des semaines qui lui sont réservées, pour les textes financiers, les navettes et les textes et demandes d’autorisation liés à des situations de crise (article 48, alinéa 3). Cette inscription prioritaire des textes financiers à l’ordre du jour est justifiée par le fait que leur examen doit avoir lieu dans des délais très stricts, imposés par le texte constitutionnel (articles 47 et 47-1 de la Constitution) (65).

Or, de la manière que l’article 4 du présent projet de loi constitutionnelle donne la faculté au Gouvernement d’encadrer les délais d’examen des projets de loi-cadre, il convient de lui donner la possibilité d’inscrire par priorité ces projets à l’ordre du jour. En autorisant un alignement des conditions d’examen des projets de loi-cadre sur celles applicables aux textes financiers annuels, cette disposition a pour objectif de ménager la possibilité de modifier dans l’urgence la programmation pluriannuelle, notamment en cas de circonstances imprévues.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 sans modification.

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Article 8

(article 49 de la Constitution)

Engagement de la responsabilité du Gouvernement sur les projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques

Le présent article vise à étendre l’usage de l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution à la loi-cadre d’équilibre des finances publiques.

Entre 1958 et 2008, l’article 49 alinéa 3 de la Constitution a permis au Premier ministre, à tout moment de la procédure législative, d’engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote de toute ou partie d’un texte.

Si dans les vingt-quatre heures qui suivent, aucune motion de censure n’est déposée, le texte est considéré comme adopté, bien qu’il n’y ait pas eu vote sur toutes ses dispositions. Si, en revanche, une motion de censure est déposée, celle-ci ne peut être adoptée qu’à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale. Ne sont recensés que les seuls suffrages favorables à la censure, les abstentions étant alors techniquement assimilées à des votes contre la motion.

Par ce moyen le Gouvernement pouvait donc faire adopter des textes qui, dans les conditions de droit commun, ne recueillaient pas la majorité des suffrages. En pratique, le recours au troisième alinéa de l'article 49 répondait à deux préoccupations distinctes :

– soit imposer un texte face à une majorité étroite (comme tel fut le cas sous les législatures 1967-1968, 1988-1993), durablement rétive (1976-1981), ou encore réticente à adopter un texte particulier (comme en 1982 sur le projet de loi réhabilitant les généraux responsables du putsch de 1958) ;

– soit surmonter une obstruction parlementaire menée par l'opposition (comme, par exemple, s’agissant du projet de loi réformant le mode de scrutin régional sur lequel avaient été déposés 12 000 amendements ou du projet de loi sur les libertés et responsabilités locales sur lequel 4 600 amendements avaient été déposés).

La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a limité le recours à l’article 49, alinéa 3. Cette arme au service d’un « parlementarisme rationalisé » ne peut plus être utilisée que dans deux cas :

– pour le vote des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de sécurité sociale ;

– pour le vote d’un seul texte par session (projet ou proposition de loi), c'est-à-dire pour un texte considéré comme essentiel par le Gouvernement.

En outre, le Gouvernement doit désormais engager sa responsabilité sur l’ensemble du texte, et non plus sur une partie seulement.

Dans la mesure où la promulgation de la loi-cadre d’équilibre des finances publiques conditionnera l’adoption définitive des projets de loi financière annuelle (en application des articles 5 et 6 du présent projet), il paraît nécessaire de permettre au Gouvernement d’engager sa responsabilité sur ce texte sans limitation.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 sans modification.

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Article 9

(article 61 de la Constitution)

Contrôle de droit du Conseil constitutionnel sur les lois-cadres d’équilibre des finances publiques

Le présent article prévoit un contrôle obligatoire de la conformité à la Constitution des lois-cadres.

Le contrôle de conformité des lois à la Constitution a pour objet de faire respecter la hiérarchie des normes, dont l'ordonnancement fonde le principe de légalité démocratique : la loi n'est pleinement légitime que si elle respecte les principes supérieurs posés par la Constitution et si elle a été adoptée selon une procédure régulière.

1.– Les différentes procédures de contrôle de la conformité des lois à la Constitution

Le contrôle de la conformité des lois à la Constitution est exercé par le Conseil constitutionnel selon trois procédures distinctes prévues par les articles 61 et 61-1 de la Constitution :

– Le contrôle obligatoire (article 61, alinéa 1er)

Les lois organiques avant leur promulgation et les règlements des assemblées (Assemblée nationale, Sénat, Congrès) avant leur mise en application sont transmis d’office au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution.

– Le contrôle a priori des lois ordinaires (article 61, alinéa 2)

Seules les lois votées par le Parlement sont concernées, le Conseil constitutionnel s’étant déclaré incompétent en ce qui concerne les lois constitutionnelles adoptées par référendum ou par le Congrès.

Ce contrôle n’est pas obligatoire et relève d’une décision d’opportunité de nature politique. Le Conseil peut ainsi être saisi par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat et, depuis la révision constitutionnelle de 1974, 60 députés ou 60 sénateurs. La saisine ne peut intervenir que pendant le délai de promulgation d’un texte voté, c’est-à-dire pendant quinze jours et suspend la promulgation du texte. Le Conseil dispose d’un mois pour se prononcer, ce délai pouvant être ramené à huit jours en cas d’urgence à la demande du Gouvernement.

Dans ces deux types de procédure, lorsque le Conseil constitutionnel déclare la loi conforme à la Constitution, celle-ci peut être promulguée.

À l’inverse, une décision déclarant la totalité d’une loi contraire à la Constitution fait obstacle à sa promulgation. La procédure législative qui a conduit à l’adoption d’une telle loi se trouve anéantie et il n’y a d’autre solution que de la reprendre dès l’origine, sauf si le motif de non conformité constitue un obstacle déterminant supposant, par exemple, une modification préalable de la Constitution elle-même.

Le Conseil constitutionnel peut toutefois décider qu’une loi est en partie conforme à la Constitution. Dans une telle hypothèse, plus fréquente que la précédente, la loi peut être promulguée à l’exception de ses articles ou parties d’articles déclarés contraires à la Constitution (et à condition que ceux-ci soient « séparables » de l’ensemble du dispositif).

– Le contrôle a posteriori des lois : la question prioritaire de constitutionnalité (article 61-1)

Jusqu’à une date récente la Constitution n’organisait aucun contrôle de la loi une fois celle-ci promulguée. Le Conseil admettait toutefois, depuis une décision du 25 janvier 1985, que la constitutionnalité d’une loi promulguée « peut être utilement contestée à l’occasion de l’examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine ».

L’article 61-1 de la Constitution, introduit par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, a ouvert un droit nouveau au bénéfice des justiciables, permettant que le Conseil constitutionnel puisse être saisi, à l’occasion des procès intentés devant les juridictions administratives et judiciaires, de la conformité aux droits et libertés constitutionnellement garantis de dispositions législatives promulguées.

La loi organique du 10 décembre 2009, prise en application de l’article 61-1, prévoit que toute juridiction peut être saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité par une partie à une instance. Elle doit alors l’examiner sans délai (d’où le caractère prioritaire de cette question, qui prime sur toute autre) et la transmettre à la juridiction suprême de son ordre si elle porte sur une disposition applicable au litige, qui n’a pas déjà été déclarée conforme par le Conseil constitutionnel (sauf changement de circonstances), et qu’elle n’est pas dépourvue de caractère sérieux. La transmission de la question a pour effet de suspendre le cours de l’instance à l’occasion de laquelle la question a été soulevée (excepté lorsqu’une personne est privée de liberté à raison de l’instance ou lorsque la juridiction doit statuer dans un délai déterminé ou en urgence).

Un second filtre est ensuite assuré par le Conseil d’État ou la Cour de cassation, auxquels la question prioritaire de constitutionnalité a été transmise par une juridiction de leur ordre ou qui en sont directement saisis. Ils sont chargés, pour leur part, de vérifier, dans un délai de trois mois, que la question porte sur une disposition applicable au litige, qui n’a pas déjà été déclarée conforme par le Conseil constitutionnel (sauf changement de circonstances), et qu’elle est nouvelle ou présente un caractère sérieux.

La question qui répond à ces critères est alors renvoyée au Conseil constitutionnel, qui statue dans un délai de trois mois sur la constitutionnalité de la disposition législative ainsi contestée. S’il la juge inconstitutionnelle, le Conseil constitutionnel abroge la disposition contestée. Il peut choisir de moduler dans le temps les effets de sa décision. Il détermine également les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition abrogée a produits sont susceptibles d’être remis en cause.

2.– Le contrôle de conformité obligatoire des lois-cadres d’équilibre des finances publiques à la Constitution

L’article 1er du présent projet de loi modifie la hiérarchie des normes par la création d’une nouvelle catégorie de lois, les lois-cadres, dont certaines dispositions s’imposeraient aux lois de finances et de financement.

De nature infra-organique, la loi-cadre d’équilibre des finances publiques revêt en revanche une nature supra-législative puisque certaines de ses dispositions priment sur les lois financières ordinaires, et ce d’autant plus qu’elle s’étend sur une période d’au moins trois ans, tandis que, par nature, les lois de finances et de financement, sont votées chaque année. Le contrôle obligatoire de la loi-cadre apparaît donc nécessaire s’agissant de lois qui ont, à l’instar des lois organiques, une valeur supérieure à celles des autres lois.

Le contrôle de conformité de droit de la loi-cadre à la Constitution est d’autant plus nécessaire que le constituant entend conférer un caractère contraignant à ce nouvel instrument juridique afin de s’assurer de l’engagement du législateur financier à se conformer à l’objectif constitutionnel de retour à l’équilibre des comptes des administrations publiques, posé par l’article 34 de la Constitution. En effet, une bonne règle ne peut être qu’une règle susceptible d’être sanctionnée lorsqu’elle n’est pas respectée.

Le contrôle de conformité obligatoire de la loi-cadre à la Constitution est un gage de crédibilité indispensable pour s’engager durablement sur la voie de l’assainissement des finances publiques en France.

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La Commission examine l’amendement CF 30 rectifié de M. Jérôme Cahuzac.

M. le président Jérôme Cahuzac. En rendant obligatoire la saisine du Conseil constitutionnel sur les lois-cadres, ne donnerons-nous pas l’impression de trop nous en remettre au juge qui examinera déjà les lois annuelles ? Sur quoi un tel contrôle porterait-il au juste ? Cette instance créée pour dire le droit risque de se transformer en instance de régulation économique, ce que le Conseil souhaite d’autant moins qu’il n’en a pas les moyens. Mieux vaut supprimer l’article.

M. le rapporteur général. Défavorable. Cet article introduit un contrôle des lois-cadres par le Conseil constitutionnel pour respecter le parallélisme des formes avec les lois organiques. C’est un moyen d’assurer la primauté des lois-cadres sur les lois de finances.

Le contrôle ne portera pas sur les hypothèses économiques et financières des lois-cadres. Il permettra de vérifier que les éléments prévus par la loi organique y figurent bien, à savoir le caractère pluriannuel, le plafond de dépenses et le plancher de recettes, des règles de gestion…

M. le président Jérôme Cahuzac. Si des mentions aussi élémentaires venaient à manquer, les parlementaires de l’opposition prendraient l’initiative de déférer la loi-cadre au Conseil constitutionnel. Et quel Gouvernement présenterait pareil texte ? Envisager cette hypothèse, c’est donner une piètre idée de la confiance que vous placez dans nos institutions.

M. Jérôme Chartier. J’entends vos arguments, mais les lois-cadres auront un caractère exceptionnel puisqu’elles s’imposeront aux lois de finances. Si l’opposition décèle des anomalies, elle aidera le Conseil constitutionnel à mettre le doigt dessus.

M. le rapporteur général. La loi-cadre est une nouvelle catégorie de lois qui modifie la hiérarchie des normes car elle s’impose aux lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale. Cela suppose de s’assurer que la loi-cadre respecte elle-même les normes constitutionnelles et organiques qui lui sont supérieures.

M. le président Jérôme Cahuzac. Vous créez une nouvelle catégorie de loi qui ressemble à une loi organique mais qui n’en est pas une…

M. Henri Emmanuelli. La loi sarkozyque !

La Commission rejette l’amendement CF 30 rectifié.

Elle examine ensuite l’amendement CF 42 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. La primauté des lois-cadres sur les lois de finances et de financement réside dans le contrôle de conformité des secondes aux premières par le juge constitutionnel. La saisine automatique portera exclusivement sur la conformité avec la trajectoire définie dans la loi-cadre, et non sur telle ou telle mesure fiscale, comme c’est le cas aujourd'hui en cas de saisine du Conseil constitutionnel par l’opposition.

M. Henri Emmanuelli. Supprimez le Parlement, cela coûtera moins cher !

M. Daniel Garrigue. Le Conseil constitutionnel va s’aventurer sur des terrains qu’il connaît peu. Il va falloir qu’il annexe la Cour des comptes pour fonctionner sérieusement !

M. Jérôme Chartier. L’exemple de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe est à méditer. Elle a été fort utile aux gouvernements allemands, en suscitant diverses évolutions fiscales ou sociales. Alors pourquoi pas le Conseil constitutionnel ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Tout le problème est là. Doit-on accepter que le Conseil constitutionnel légifère à la place du Parlement ?

La Commission adopte l’amendement CF 42 (amendement n° 29).

Elle se saisit de l’amendement CF 43 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Le Conseil constitutionnel devant apprécier la conformité à la trajectoire en consolidant les chiffres de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale, il faut décaler les délais dont il dispose afin qu’il puisse attendre le vote définitif du projet de la loi de finances pour statuer sur la loi de financement.

M. René Couanau. Qu’entendez-vous exactement par « conformité à la trajectoire » ?

M. le rapporteur général. Par exemple, à l’automne 2011, le Conseil vérifierait que le projet de loi de finances pour 2012 est compatible avec l’enveloppe globale des dépenses et des recettes définie dans la loi de programmation pluriannuelle votée il y a quelques mois. Il n’aurait évidemment pas à se prononcer sur la pertinence de telle ou telle disposition fiscale – à moins qu’il ne soit saisi comme il l’a été dans le cas de la réforme de la taxe professionnelle : il a annulé 3 milliards de recettes.

M. René Couanau. Une saisine obligatoire pour vérifier quatre chiffres ! Quel serait le rôle de la commission des Finances ? Vous donnez au Conseil constitutionnel un pouvoir à la fois exorbitant et dérisoire ! Comment pourrait-il se prononcer sur les montants de la loi de finances en laissant de côté la politique qui est suivie ? Le budget n’est rien d’autre que l’instrument d’une politique. Je ne vois pas ce que vient faire ici le Conseil constitutionnel.

M. le rapporteur général. La politique est définie dans la loi-cadre. C’est tout de même mieux que le système actuel dans lequel le programme de stabilité est envoyé à Bruxelles sans que le Parlement en connaisse. Le vote de la loi-cadre sera un acte politique fort. Ensuite, le Conseil constitutionnel vérifiera que la trajectoire ainsi définie est respectée.

M. le président Jérôme Cahuzac. Que se passerait-il si le Conseil constitutionnel annulait une recette de 3 milliards d’euros ? Constatant que la trajectoire n’est plus respectée, annulerait-il aussi la totalité de la loi de finances ?

M. René Couanau. Nous avons adopté ce matin un amendement qui porte la périodicité des lois-cadres à quatre ans, comme le programme de stabilité. Qu’arrivera-t-il en cas de changement de conjoncture ? Pourquoi le Conseil constitutionnel en jugerait-il ? Ce projet de loi conduit à une confusion totale des rôles et à un gouvernement des juges.

M. le rapporteur général. En cas de crise, de changement de majorité ou de changement de politique de la majorité, on reverra la loi-cadre. Elle ne sera pas votée ne varietur pour quatre ans. Serait-ce alors, direz-vous, que la loi-cadre ne servira à rien ? Soyons pragmatiques : la loi-cadre doit pouvoir être révisée en cas de circonstances exceptionnelles, mais elle constitue une ligne directrice. Il faut rechercher un équilibre entre contrainte et souplesse. L’Allemagne est bien plus intégriste que nous, puisqu’elle fixe un taux – 0,35 % – et une date – 2016 – même s’il y a des codicilles. Ne rien faire ferait peser des risques sur notre capacité à couvrir correctement notre besoin de financement. J’en appelle au pragmatisme des élus de terrain que nous sommes. En l’absence de solution idéale, il faut se frayer un chemin entre des aspirations contradictoires.

M. Daniel Garrigue. Pour le rapporteur général, en cas de crise, on peut modifier la loi-cadre : or, cela ne figure pas dans le texte.

M. le rapporteur général. Nous avons voté ce matin un amendement en ce sens.

M. Daniel Garrigue. Cette modification sera, elle aussi, soumise au contrôle du Conseil constitutionnel, qui vérifiera que la situation de crise justifie la remise en cause de la loi d’équilibre des finances publiques.

M. le rapporteur général. Le Conseil constitutionnel vérifiera que la loi-cadre comprend les dispositions prévues par la loi organique et que les lois de finances et de financement de la sécurité sociale sont conformes à la loi-cadre.

M. Daniel Garrigue. Qu’est-ce qui pourrait empêcher le Conseil constitutionnel d’exercer un contrôle global ?

M. le président Jérôme Cahuzac. Le Conseil constitutionnel exercera un contrôle notarial sur la loi-cadre, vérifiant qu’y figurent bien les dispositions prévues par la loi organique.

En revanche, comme le Conseil constitutionnel sera saisi in rem sur la conformité de la loi de finances annuelle à la loi-cadre, il pourra contrôler d’autres dispositions que celles sur lesquelles il aura été saisi. C’est ce qui s’est passé lorsqu’il annulé la taxe carbone.

Puisque la saisine sera systématique, et qu’il pourra annuler des recettes aussi importantes soient-elles, que se passera-t-il s’il estime que, dès lors que ces recettes sont annulées, la loi de finances n’est plus conforme à la loi-cadre ? Annulera-t-il la totalité de la loi de finances ? Ce cas de figure n’est pas inenvisageable.

M. le rapporteur général. Le fait de rendre automatique le contrôle du Conseil constitutionnel crée une compétence liée : le Conseil constitutionnel est saisi sur un champ délimité dont il ne saurait sortir, contrairement à la saisine par un groupe de parlementaires.

Si, saisi par 60 députés ou 60 sénateurs, il estime qu’une recette majeure est inconstitutionnelle et que son annulation remet en cause le respect de la trajectoire, la loi de finances sera annulée, ce que je trouve parfaitement sain. Cela nous obligera à rompre notamment avec la pratique consistant, en dix minutes, à financer une perte de recettes par une dette que nos enfants et petits-enfants devront rembourser.

M. le président Jérôme Cahuzac. Cette disposition n’a donc pas pour objet d’obliger à la vertu seulement le Parlement et le Gouvernement, mais également le Conseil constitutionnel lui-même. Ce projet est très ambitieux !

M. le rapporteur général. C’est vrai, il ne s’agit pas d’un texte neutre.

M. le président Jérôme Cahuzac. Il n’est pas certain que le droit y gagne si le Conseil constitutionnel hésite à censurer compte tenu des conséquences. Mesurons ce que nous faisons !

M. Charles de Courson. Ce problème existe déjà. La décision du Conseil constitutionnel sur les bénéfices non commerciaux a porté sur 800 millions d’euros ! Il aurait été normal de revenir devant le Parlement.

M. le rapporteur général. Le Conseil constitutionnel aurait dû nous demander de corriger l’écart dans les six mois. Il en avait la possibilité. Au demeurant, en cas de non-conformité à la loi-cadre, il pourra annuler tout ou partie de la loi de finances à compter du 1er juillet de l’année suivante, pour nous laisser le temps de corriger le tir.

M. Charles de Courson. Il a déjà usé de cette formule à propos d’une question prioritaire de constitutionnalité, pour combler le vide juridique créé par sa décision.

M. Jérôme Chartier. Le rapporteur général a mis le doigt sur l’essentiel : ce texte conduit à un vrai changement de culture.

M. René Couanau. Pourquoi ajouter cette compétence liée puisque le Conseil constitutionnel peut déjà agir dans tous les domaines dans le cadre du droit commun ?

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 30).

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 ainsi modifié.

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Article 10

(article 70 de la Constitution)

Consultation du Conseil économique, social et environnemental sur les projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques

Cet article de coordination prévoit que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) peut désormais être consulté sur les « projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques » en lieu et place des actuels « projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques ».

Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le mode de saisine du CESE diffère selon la nature des projets de loi de programmation :

– la saisine du CESE par le Premier ministre est obligatoire pour tout projet de loi de plan ou de programmation à caractère économique, social et environnemental. Le CESE peut d’ailleurs être associé à leur élaboration ;

– la saisine du CESE est en revanche facultative s’agissant des projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques. Cette nouvelle catégorie de loi de programmation a ainsi été reléguée au rang des projets de loi ordinaire, d’ordonnance, de décret ainsi que des propositions de loi entrant dans le domaine de la compétence du CESE pour lesquels la saisine n’est pas obligatoire.

À l’époque, les arguments avancés pour justifier l’absence de saisine obligatoire du CESE sur cette nouvelle catégorie de loi de programmation reposaient essentiellement sur des considérations pratiques : il fallait pouvoir engager la procédure accélérée sur les projets de loi de programmation des finances publiques, pour qu’ils soient déposés et examinés dans les mêmes conditions que les projets de loi de finances et de financement. Compte tenu du calendrier strict en résultant, une saisine obligatoire du CESE aurait été une contrainte trop importante pour l’administration.

Dans la mesure où le présent projet de loi constitutionnelle vise à aligner les conditions d’examen des projets de loi-cadre sur celles des projets de loi financière annuelle, il est cohérent de maintenir le principe d’une saisine facultative du CESE sur les projets de loi-cadre.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 sans modification.

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Article 11

(article 72-2 de la Constitution)

Monopole des lois de finances sur les dispositions relatives à la fiscalité locale et aux compensations des transferts de compétences aux collectivités territoriales

Le présent article modifie l’article 72-2 de la Constitution pour conférer aux seules lois de finances le soin de régir :

– les dispositions relatives à la fiscalité locale ;

– les dispositifs de compensation financière des transferts de compétence aux collectivités territoriales, en particulier en cas de création ou extension de compétences.

Cet article vise donc à pallier la dispersion des sources d’initiative s’agissant de la détermination des ressources fiscales et budgétaires des collectivités territoriales.

A.– LE MONOPOLE DES LOIS DE FINANCES SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA FISCALITÉ LOCALE

Le 1° du présent article modifie l’alinéa 2 de l’article 72-2 de la Constitution en conférant aux lois de finances l’exclusivité pour autoriser les collectivités territoriales à fixer l’assiette et le taux de tout ou partie des impositions de toutes natures qu’elles peuvent recevoir, et ce dans les limites que les lois de finances auront définies (66).

Comme le montre le tableau ci-après, l’ensemble des principaux impôts et taxes perçues par les collectivités territoriales s’élève à près de 100 milliards d’euros par an (en 2009, les collectivités territoriales ont perçu 61,3 milliards d’euros de recettes fiscales directes et 36,4 milliards d’euros de recettes fiscales indirectes (67)).

L’examen de toutes les dispositions relatives à la fiscalité locale directe et indirecte à l’occasion des seules lois de finances répond donc à un enjeu de maîtrise de l’évolution des prélèvements obligatoires. L’analyse, en lois de finances, de chaque mesure coûteuse pourrait ainsi être appréciée, non seulement au regard de ses effets sectoriels ou locaux, mais également au regard de son impact sur le solde des administrations publiques.

PRINCIPAUX IMPÔTS ET TAXES PERÇUS
PAR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN 2009

(en millions d’euros)

Fiscalité locale directe

61 395

Redevances des mines

26

Taxe professionnelle

21 994

Taxe d’habitation (TH)

14 452

Taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB)

24 029

Taxe foncière sur les propriétés non bâties (TF PNB)

894

Fiscalité locale indirecte

36 443

Droits d’enregistrement (taxe additionnelle aux droits de mutation)

7 160

Taxe sur les jeux et spectacles

272

Redevances et taxes funéraires

11

Versement pour dépassement du P.L.D.

61

Taxe locale d’équipement (TLE)

622

Part pour non réalisation de stationnement

18

Taxe spéciale d’équipement (Villes nouvelles, Basse-Seine)

10

Taxe additionnelle à la TLE au profit de la région Île-de-France

18

TIPP transférée aux départements

5 756

TIPP transférée aux régions

3 865

Taxe sur les conventions d’assurance transférée aux départements

3 127

Impôts sur les spectacles

34

Taxe de séjour

196

Taxe sur certaines fournitures d’électricité

1 725

Octroi de mer

885

Taxe de ski de fond

5

Surtaxes sur les eaux minérales

18

Taxe locale sur la publicité extérieure

53

Taxe sur enseignes et affiches

16

Taxe destinée au financement des conseils d’architecture et d’urbanisme

76

Taxe sur les tabacs (Corse)

54

Taxe sur l’énergie hydraulique

6

Redevance départementale sur les espaces verts

280

Taxe sur les transports (Corse et DOM)

29

Taxe sur les remontées mécaniques

51

Taxe sur les rhums

5

Taxe sur les carburants (DOM)

464

Taxe d’assainissement

1 901

Redevance pour droit de construire (Établissement public d’aménagement de la Défense)

18

Taxe spéciale d’équipement (Établissement public de la métropole lorraine)

11

Taxe sur la création de bureaux en Île-de-France

220

Surtaxes locales temporaires

0

Autres taxes indirectes

300

Taxe sur les certificats d’immatriculation

1 919

Taxes parafiscales et diverses versées par organismes collecteurs

22

Produit du versement de transport

6 049

Taxe d’apprentissage au profit du Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage (FNDMA)

474

Contribution au développement de l’apprentissage

712

Total des principaux impôts et taxes au profit des collectivités territoriales

97 838

Source : Rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution - projet de loi de finances pour 2011

Toutefois, l’essentiel des dispositions relatives à la fiscalité locale sont d’ores et déjà examinées à l’occasion des lois de finances. Le risque d’initiatives dispersées pour modifier la fiscalité locale directe ou indirecte est donc en réalité limité.

Ainsi, il ressort du tome I de l’annexe relative à l’évaluation des voies et moyens qu’en 2010, seules deux mesures relatives à la fiscalité locale ont été adoptées en dehors d’une loi de finances :

– création d’un prélèvement affecté aux communes sur le territoire desquelles sont ouverts au public un ou plusieurs hippodromes d’une part et un ou plusieurs casinos d’autre part, en application de l’article 47 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne ;

– création d’une taxe forfaitaire sur le produit de la valorisation des terrains nus et immeubles bâtis résultant de la réalisation d'infrastructures de transport collectif en site propre ou d'infrastructures ferroviaires en Île-de-France au profit du Syndicat des transports d'Île de France (STIF) et de l’Établissement public Société du Grand Paris, en application de l’article 10 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.

En 2009, en revanche, aucune disposition législative relative à la fiscalité locale n’a été adoptée en dehors d’une loi de finances, tandis que pour l’année 2008, un seul cas a été recensé (modification du régime de la taxe locale sur la publicité extérieure par l’article 171 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie).

Par conséquent, s’il est évident que l’exclusivité conférée aux lois de finances sur les dispositions relatives à la fiscalité locale est cohérente avec le monopole des lois de finances en matière fiscale visée par l’article 1er du présent projet et qu’elle peut théoriquement contribuer à améliorer la visibilité du législateur financier au regard de l’objectif d’équilibre des comptes publics, elle ne s’avère pas particulièrement nécessaire en pratique.

B.– LE MONOPOLE DES LOIS DE FINANCES SUR LA COMPENSATION FINANCIÈRE DES TRANSFERTS, CRÉATIONS OU EXTENSIONS DE COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Le principe de la compensation financière du transfert des compétences, qui existait déjà avec les premières lois sur la décentralisation dites « lois Deferre » en 1982-1983, a été érigé en principe constitutionnel par la loi constitutionnelle n° 2003-27 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République.

Ainsi, l’article 72-2 alinéa 4 de la Constitution en vigueur précise-t-il que : « Tout transfert de compétences entre l’ÉTAT et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. »

1.– Les transferts et la création / extension de compétences

L’article 72-2 alinéa 4 de la Constitution vise deux dispositifs sensiblement différents :

– la compensation financière des compétences transférées par l'État aux collectivités territoriales ;

– l’accompagnement financier des compétences créées ou étendues aux collectivités territoriales sans avoir été préalablement exercées par l’ÉTAT.

a) La compensation des transferts de compétences de l’État aux collectivités territoriales

Codifiée à l'article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), la compensation financière des transferts de compétences est soumise au respect de cinq principes destinés à assurer la neutralité budgétaire desdits transferts sur le budget des collectivités territoriales bénéficiaires, conformément aux dispositions de l'article 119 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004 :

– l'intégralité de la compensation : les ressources transférées par l'État aux collectivités territoriales doivent être équivalentes aux dépenses, directes ou indirectes, effectuées par l'État au titre des compétences transférées, diminuées du montant des éventuelles réductions brutes de charges ou des augmentations de ressources entraînées par les transferts ;

– la concomitance de la compensation au transfert : tout accroissement de charges résultant des transferts de compétences s'accompagne du transfert concomitant des ressources nécessaires à leur exercice. La compensation se fonde sur une estimation au moment du transfert (qui fait l'objet d'une prévision en loi de finances initiale), régularisée lorsque les comptes de l'État sont définitivement connus (par un ajustement réalisé dans la plus prochaine loi de finances rectificative) ;

– l'évolution de la compensation : elle est variable, dans les années suivant le transfert, selon la nature des ressources transférées (68). En cas de diminution des recettes fiscales transférées, il appartient à l'État de maintenir un niveau de ressources équivalent à celui qu'il consacrait à l'exercice de cette compétence avant son transfert, en majorant le montant de la fiscalité transférée à due concurrence ;

– le contrôle de la compensation : le montant des accroissements de charges est constaté par arrêté ministériel, après avis de la Commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC) ;

– la conformité des compensations des transferts au principe d'autonomie financière posé par le troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution tend à privilégier les transferts de fiscalité aux dotations budgétaires.

b) L’accompagnement financier de la création ou l’extension de compétences des collectivités territoriales

Toute création ou extension de compétence ayant pour conséquence d’augmenter les charges des collectivités territoriales doit être accompagnée des ressources nécessaires déterminées par la loi.

En droit, les principes précités de la concomitance, de l’intégralité, de l’évolutivité et de la conformité au principe d’autonomie financière des collectivités locales ne s’appliquent pas en cas de création ou extension de compétence.

Dans une décision du 13 janvier 2005 (69), le Conseil constitutionnel a ainsi considéré qu’« il n'est fait obligation au législateur que d'accompagner ces créations ou extensions de compétences de ressources dont il lui appartient d'apprécier le niveau, sans toutefois dénaturer le principe de libre administration des collectivités territoriales » alors que « lorsqu'il transfère aux collectivités territoriales des compétences auparavant exercées par l'ÉTAT, le législateur est tenu de leur attribuer des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert ». Il a en outre précisé que, pour bénéficier d'un accompagnement financier de l'État, les compétences considérées doivent être obligatoires, entièrement nouvelles ou entraîner un accroissement de périmètre ou de volume financier.

De plus, aux termes des articles L. 1211-4-1 et R. 1212-5 du CGCT, contrairement aux transferts de compétences, la consultation de la CCEC n’est pas juridiquement obligatoire au stade de la détermination du montant de l’accompagnement financier au titre des charges résultant de création ou d’extension de compétence.

L’article L. 1614-3-1 du CGCT précise toutefois que la CCEC « constate l'évolution des charges résultant des créations, des extensions de compétences ou des modifications par voie législative des conditions d'exercice des compétences transférées », et la retrace dans le bilan annuel de l’évolution des charges transférées aux collectivités locales, à présenter au Parlement à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances « lorsqu'elles concernent des compétences exercées par les régions ou les départements, l'évolution de ces charges est constatée pour chaque collectivité. »

Il ressort d’une lecture stricte de ces dispositions que la CCEC n’est pas obligatoirement chargée de contrôler le montant des ressources versées aux collectivités locales en accompagnement des créations et extensions de compétence.

Pour le seul cas d’extension de compétences recensé – la généralisation du revenu de solidarité active –, la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 dispose néanmoins, au III de l’article 7, que les modalités de calcul de la compensation des charges résultant de cette extension sont contrôlées par la CCEC.

De même, s’agissant d’un cas de création de compétence, l’ordonnance n° 2009-664 du 11 juin 2009 relative à l’organisation du service public de l’emploi et à la formation professionnelle à Mayotte, qui a créé à Mayotte l’indemnité compensatrice forfaitaire (ICF), dont le versement incombe à la collectivité départementale de Mayotte, prévoit au II de l’article 7 que les charges qui résultent de cette nouvelle compétence sont compensées dans les conditions prévues aux articles L. 1614-1-1 à L. 1614-4 du CGCT, c’est-à-dire sous le contrôle de la CCEC.

L’intervention de la CCEC n’est en revanche pas prévue pour contrôler les modalités de calcul des ressources attribuées aux communes ayant mis en place le service d’accueil des élèves en cas de grève – qualifié de création de compétence – en application de la loi n° 2008-790 du 20 août 2008, qui sont mises en œuvre au cas par cas et après chaque mouvement de grève.

Le régime d’accompagnement financier des créations et extensions de compétences est donc moins protecteur que le régime de compensation financière des compétences transférées.

2.– L’articulation entre la loi ordinaire et la loi de finances en cas de transfert ou de création / extension de compétences

En l’état du droit, la loi qui procède au transfert ou à la création / extension de compétences aux collectivités territoriales doit préciser le principe et les modalités de calcul de la compensation ou de l’accompagnement financier, et peut renvoyer à la plus prochaine loi de finances le soin de préciser les modalités de financement de la compensation ou de l’accompagnement financier.

Le renvoi à la loi de finances est indispensable en cas de compensation par crédits budgétaires ou quand il s’agit de transférer tout ou partie d’une imposition d’ÉTAT, en application du principe prévu par l’article 36 de la LOLF selon lequel « l'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'État ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances ».

a) Le principe et les modalités de calcul de la compensation ou de l’accompagnement financier doivent être fixés par la loi

Le principe de la compensation et ses modalités de calcul doivent être précisés dans la loi qui opère le transfert de compétence.

Ainsi, l’article 119 I de la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004 dispose-t-il que :

– « le droit à compensation des charges d'investissement transférées est égal à la moyenne des dépenses actualisées, hors taxes et hors fonds de concours, constatées sur une période d'au moins cinq ans précédant le transfert de compétences. Un décret en Conseil d'ÉTAT fixe les modalités d'application du présent alinéa, après avis de la commission consultative mentionnée à l'article L. 1211-4-1 du code général des collectivités territoriales ».

– « le droit à compensation des charges de fonctionnement transférées par la présente loi est égal à la moyenne des dépenses actualisées constatées sur une période de trois ans précédant le transfert de compétences ».

De la même manière, le principe de l’accompagnement financier et ses modalités de calcul doivent être précisés dans la loi qui crée ou étend les compétences de collectivités territoriales.

L’article 4 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de RMI et créant un RMA dispose donc que « les charges résultant, pour les départements, des transfert et création de compétences réalisés par la présente loi sont compensées par l'attribution de ressources constituées d'une partie du produit d'un impôt perçu par l'État dans les conditions fixées par la loi de finances. Au titre de l'année 2004, la compensation est calculée sur la base des dépenses engendrées par le paiement du RMI en 2003 (correspond aux dépenses RMI de l’État en 2003). Au titre des années suivantes, la compensation sera ajustée de manière définitive au vu des comptes administratifs des départements pour 2004 dans la loi de finances suivant l'établissement desdits comptes. » (70)

De même, l’article 24 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale qui modifie le périmètre de l’apprentissage en l’ouvrant à une nouvelle catégorie de personnes (71), et constitue une extension de compétences, a été jugé conforme au quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution dès lors qu’elle était accompagnée de ressources nouvelles déterminées, issues de la suppression de certaines exonérations de la taxe d'apprentissage due par les entreprises. En effet, cette suppression se traduit par un abondement des Fonds régionaux de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue dont les ressources sont affectées aux régions en compensation du transfert de la formation professionnelle.

Enfin, la loi n° 2008-790 du 20 août 2008 instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire – qualifié de création de compétences – institue un « montant minimal de compensation » à toute commune ayant organisé le service d'accueil qui ne peut être inférieur, pour chaque journée, à neuf fois le SMIC horaire par enseignant ayant participé au mouvement de grève (72).

Le Conseil constitutionnel contrôle donc systématiquement que la loi qui transfère ou qui crée ou étend une compétence aux collectivités territoriales prévoit bien le principe et les modalités de calcul de la compensation ou de l’accompagnement financier.

b) Les modalités de financement de la compensation ou de l’accompagnement financier sont le plus souvent déterminées en lois de finances

● La loi qui procède au transfert ou à la création/extension de compétence doit obligatoirement renvoyer à la plus prochaine loi de finances le soin de préciser les modalités de la compensation ou de l’accompagnement financier s’il s’agit de transférer tout ou partie d’une imposition en application du principe issu de l’article 36 de la LOLF selon lequel « l'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'État ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances ».

L’article 59 de la loi du 13 décembre 2008 décentralisant le RMI comme l’article 119 II de la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004 disposent par exemple que la compensation financière des transferts de compétences s’opère, à titre principal, par l’attribution d’imposition de toute nature, dans des conditions fixées par la loi de finances.

● La loi qui procède au transfert ou à la création/extension de compétence doit également renvoyer à la plus prochaine loi de finances le soin de préciser les modalités de la compensation ou de l’accompagnement financier s’il s’agit d’une dotation budgétaire – à travers la majoration de la dotation générale de décentralisation par exemple.

Les transferts de compétences résultant de la loi relative aux responsabilités locales du 13 août 2004 sont majoritairement compensés aux régions métropolitaines sous forme du transfert d’une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) et, pour les départements, de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) et de TIPP, et pour le solde par l'attribution d'une dotation générale de décentralisation (DGD) dont le montant est obligatoirement fixé en loi de finance initiale. En outre, les régions d'Outre-mer reçoivent systématiquement leur compensation sous forme de DGD en l'absence de régionalisation de l'assiette de la TIPP.

Qu’il s’agisse d’un financement par transfert d’impôt d’État ou par dotation budgétaire, l’entrée en vigueur effective du transfert ou de la création / extension de compétence est toujours subordonnée à l’inscription des compensations correspondantes en loi de finances.

● La détermination du mode de financement d’une compensation ou d’un accompagnement financier en dehors d’une loi de finance ne peut donc être que rarissime.

L’on peut citer, par exemple, la compensation financière de l’extension de compétences des régions dans le domaine de la formation professionnelle par la voie d’une suppression d’exonérations de cotisations sociales majorant d’autant les crédits des fonds régionaux de l’apprentissage et de la formation professionnelle par l’article 24 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

Il faut, également, imaginer le cas dans lequel une loi procéderait à un transfert de compétences et préciserait que la compensation s’effectue par un pouvoir de modulation supplémentaire des taux des impôts locaux dont la décision relève des seules collectivités territoriales concernées. En pratique, cette technique de compensation n’a jamais été utilisée mais reste théoriquement envisageable.

3.– L’objectif et les conséquences de la réforme proposée

Le 2° du présent article confère à la seule loi de finances le soin de déterminer les ressources transférées aux collectivités territoriales en compensation d’une création ou d’une extension de compétence ayant pour conséquence d’augmenter leurs dépenses.

Cet article s’inscrit en cohérence avec la mise en place du monopole des lois de finances en matière fiscale prévue par l’article 1er du présent projet de loi. Il vise à supprimer la possibilité d’autoriser, en loi simple, les collectivités territoriales à bénéficier d’une compensation financière d’un transfert ou d’une création / extension de compétence par le biais d’une modulation des impôts locaux ou par le biais d’une suppression d’exonérations dont les modalités seraient précisées par la loi opérant le transfert de compétences.

Concrètement, il ne sera plus possible de mettre en place, en dehors d’une loi de finances, un dispositif de compensation financière analogue à celui instauré par l’article 24 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale relatif au financement de l’extension de la compétence « formation professionnelle » des régions.

Cohérente avec l’objectif d’améliorer la maîtrise des finances publiques, cette réforme pose néanmoins certaines difficultés. En effet, le monopole de la loi de finances pour déterminer les ressources permettant l’accompagnement financier des créations/extensions de compétences pourrait être interprété comme ayant pour effet de renvoyer à la loi de finances le soin de déterminer non seulement les modalités de financement de cet accompagnement financier, mais également de fixer le principe et les modalités de calcul de cet accompagnement financier, auparavant définis dans la loi à l’origine de la création ou de l’extension de compétences.

Par conséquent, cette réforme aura pour effet de déconnecter les débats sur les compétences (crées ou étendues par la loi simple) de celui sur leur accompagnement financier (renvoyé en loi de finances). Or, il n’est pas certain que, de cette manière, le législateur soit en mesure d'apprécier correctement, au moment du vote de la loi "compétence", toutes ses conséquences financières, ce qui pourrait au final se traduire par une augmentation des charges transférées aux collectivités qu’il conviendra néanmoins de compenser. Comment, par exemple, envisager d’étendre les compétences des départements sans prévoir, de façon concomitante, les modalités d’accompagnement financier de cette nouvelle charge ?

En outre, cette réforme aura pour effet d’accroître encore le volume des lois de finances dont les délais d’examen sont toujours aussi stricts, ce qui appelle les mêmes critiques que celles dont le Rapporteur général a déjà fait état dans son exposé général et dans le commentaire de l’article 1er du présent projet de loi : risque de rigidifier l’organisation du travail législatif, restriction du pouvoir d’initiative des parlementaires en dehors des lois de finances…

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La Commission examine les amendements identiques CF 21 de M. Pierre-Alain Muet et CF 31 de M. Jérôme Cahuzac tendant à supprimer l’article.

M. Marc Goua. Il s’agit de supprimer l’article 11 qui, en étendant le monopole des lois de finances aux impositions locales et aux transferts de ressources, renforce la tutelle sur les collectivités territoriales.

M. le président Jérôme Cahuzac. S’agissant des collectivités territoriales, le Sénat a priorité sur l’Assemblée nationale alors qu’en matière de lois de finances, c’est l’Assemblée qui a priorité sur le Sénat. En vertu de l’article 11, ne récupérons-nous pas la priorité sur le Sénat en matière de financement des collectivités locales ? Nos amis sénateurs ne s’en offusqueront-ils pas ?

M. le rapporteur général. Avis défavorable à cette suppression. Ces dernières années, toutes les dispositions relatives aux finances locales, y compris au titre des transferts de compétences, ont figuré dans les lois de finances.

Monsieur Goua, mon amendement CF 44, relatif aux lois de prélèvements obligatoires, devrait satisfaire votre amendement. Dans un tel cadre, la priorité de l’examen au Sénat sera-t-elle possible ? Je ne saurais l’affirmer.

De toute façon, compte tenu de l’interpénétration des finances locales et des finances de l’État par le biais des dotations, j’imagine mal un gouvernement prendre le risque de dissocier leur examen.

S’agissant de l’initiative parlementaire, grâce aux lois de prélèvements obligatoires, nous pourrons déposer des propositions de lois relatives aux finances des collectivités locales.

M. Charles de Courson. Notre Constitution ne donne pas aux collectivités territoriales le pouvoir de lever l’impôt ! Ce droit leur est délégué annuellement par le Parlement, et il est encadré : les montants sont plafonnés, sous peine d’annulation par le Conseil constitutionnel.

L’article 11 est cohérent.

Quant à la priorité du Sénat, elle est aberrante. Les sénateurs ne représentent pas le peuple mais les collectivités territoriales.

M. René Couanau. Il n’est pas interdit d’espérer que le législateur donne un jour de l’autonomie fiscale aux collectivités locales. L’actuelle mise sous tutelle des collectivités par l’État n’a rien de définitif, et je gage que d’ici trois ou quatre ans, chacun conviendra qu’il faut changer de système. Je voterai donc l’amendement.

M. le président Jérôme Cahuzac. L’article 11 réserve aux lois de finances l’attribution aux collectivités territoriales de ressources destinées à compenser un transfert de charges, quelle qu’en soit la nature. N’est-ce pas charger la loi de finances de dispositions nouvelles ?

M. le rapporteur général. La création, par l’adoption de mon amendement CF 35, d’une nouvelle catégorie de lois, les lois de prélèvements obligatoires, vise précisément à préserver notre capacité d’initiative et l’amendement CF 44 que je propose à l’article 11 permettra d’adopter des lois de prélèvements obligatoires relatives aux finances locales.

M. Couanau a raison : on risque un jour de devoir couper le cordon ombilical qui lie l’État aux collectivités territoriales. Dès lors, celles-ci ne pourront plus recevoir la protection financière de l’État dans leurs relations avec leurs contribuables ou leurs banques. Elles seront en première ligne.

Mes amendements CF 35 et CF 44, en instaurant les lois de prélèvements obligatoires, consacrent une catégorie déjà existante qui pourra accueillir, à côté des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale, des dispositions permettant de dégager des recettes.

M. le président Jérôme Cahuzac. Les transferts de charges ne donnent pas lieu nécessairement à des dispositions de nature fiscale. La loi de prélèvements obligatoires pourra-t-elle accueillir des compensations qui ne seront pas de nature fiscale ?

M. le rapporteur général. Depuis les lois Defferre sur la décentralisation, la dotation générale de décentralisation assure la compensation financière des transferts de compétences qui ne donnent pas lieu à un transfert de fiscalité. Or, la DGD a toujours figuré dans les lois de finances !

C’est précisément parce que les lois de finances relèvent de la seule initiative gouvernementale que nous avons, ce matin, instauré la loi de prélèvements obligatoires.

M. Charles de Courson. Il existe un cas marginal : le financement des collectivités territoriales par des organismes tiers, comme les agences de bassin.

La Commission rejette les amendements de suppression.

Puis elle adopte l’amendement de coordination CF 44 du rapporteur général (amendement n° 31).

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 11 ainsi modifié.

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Article 12

(article 88-8 [nouveau] de la Constitution)

Transmission au Parlement des projets de programme de stabilité

Le présent article prévoit la transmission au Parlement des projets de programmes de stabilité avant leur envoi aux institutions communautaires. L’inclusion dans la Constitution d’une telle obligation d’information est liée à la nouvelle procédure de « semestre européen » qui conduit à ce que l’examen des programmes de stabilité par les institutions communautaires soit réalisé avant leur traduction dans les textes financiers de l’automne.

A.– LE « SEMESTRE EUROPÉEN », UNE NOUVELLE DIMENSION DE LA SURVEILLANCE BUDGÉTAIRE AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE

Le principe du « semestre européen » a été adopté par le Conseil ECOFIN du 7 septembre 2010 et trouve une traduction juridique dans l’article 4 de la proposition de règlement n° 2010/0280 modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques – cette proposition devant être adoptée avant l’été par le Conseil et le Parlement européen.

Il s’inscrit dans un dispositif plus global de renforcement de la surveillance communautaire en matière économique, et plus particulièrement budgétaire, fortement inspiré des conclusions du groupe de travail présidé par le président du Conseil européen.

Le semestre européen consiste à avancer dans le temps l’examen des programmes de stabilité de façon à ce que les institutions communautaires les contrôlent avant qu’ils ne soient traduits dans les budgets nationaux des différents États membres. L’objectif est d’assurer une meilleure prise en compte par les États des recommandations des institutions communautaires.

Le semestre européen est articulé en deux phases débouchant chacune sur une réunion du Conseil européen :

– la première phase porte sur un examen de la situation économique de l’Union. La Commission européenne publie au mois de janvier un « examen annuel de la croissance » dressant un tableau des enjeux économiques. Après un travail de préparation mené par les différentes formations du Conseil, le Conseil européen se réunit fin mars pour recenser les grands défis économiques de l’Union et formuler des orientations stratégiques sur les politiques à suivre ;

– la seconde phase commence par l’envoi, entre le 1er et le 30 avril, des programmes de stabilité (73) par les États membres qui sont censés avoir pris en compte les orientations définies par le Conseil européen. Chacun de ces programmes devrait faire l’objet d’un avis de la Commission au début du mois de juin. Sur la base de cet avis, le Conseil européen, réuni au plus tard avant la fin du mois de juillet, pourrait, si nécessaire, adresser à chaque État membre des recommandations sur sa politique budgétaire.

En résumé, alors que le programme de stabilité pour les années 2012-2015 aurait été envoyé, suivant l’ancienne procédure, avant le 1er décembre 2011, il le sera, conformément à la nouvelle procédure de « semestre européen », avant le 30 avril 2011.

Cette modification du calendrier est couplée à un renforcement de la surveillance budgétaire.

D’une part, le Conseil européen, l’instance politique la plus haute qui réunit les chefs d’État ou de Gouvernement, tiendrait une place centrale dans la procédure qui prendrait, en conséquence, un poids politique plus important.

D’autre part, le pacte de stabilité serait renforcé par l’adoption, prévue avant l’été, des propositions de règlement n° 2010/0276 modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs et n° 2010/0278 sur la mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro (74). Le principal point de renforcement concerne la quasi-automaticité des sanctions prononcées dans le cadre de la procédure pour déficits excessifs. Leur imposition serait en effet décidée par la Commission en cas de non-respect par l’État membre concerné des recommandations du Conseil, à moins que celui-ci ne s’y oppose à la majorité qualifiée. Une telle voie semble constituer un juste milieu entre l’ancienne procédure qui laissait au Conseil le soin de prononcer les sanctions et une automaticité complète des sanctions.

Il convient de remarquer que le contrôle porté par les institutions communautaires sur les programmes de stabilité concerne uniquement les grands équilibres budgétaires et macroéconomiques – hypothèses de croissance et d’inflation, objectifs de solde, normes de dépenses, élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance… – ainsi que les différentes réformes structurelles prévues (75). Ce cadre étant posé, le Parlement reste souverain dans le choix des mesures, en dépenses ou en recettes, à adopter en loi de finances et en loi de financement pour tenir les objectifs ainsi fixés.

Néanmoins, un tel changement de calendrier, couplé au renforcement de la surveillance budgétaire exercée par les institutions communautaires, soulève une interrogation sur les modalités d’association du Parlement à ce semestre européen qui se conclura, de fait, par la définition du cadrage budgétaire de la loi de finances.

B.– LA CONSTITUTIONNALISATION DE L’OBLIGATION DE TRANSMISSION AU PARLEMENT DES PROJETS DE PROGRAMME DE STABILITÉ

Le présent article inscrit dans la Constitution le principe d’une information du Parlement sur les projets de programme de stabilité avant leur envoi à la Commission européenne. L’usage voulait jusqu’à présent que le Gouvernement transmette de manière informelle le programme de stabilité aux commissions des Finances des deux assemblées après leur envoi aux institutions communautaires. L’information préalable qui serait désormais accordée au Parlement a pour but de le rendre symboliquement partie prenante au semestre européen.

La portée réelle du présent article apparaît toutefois limitée en raison du fait que la loi de programmation pour les années 2011 à 2014 (76) prévoit déjà que « à compter de 2011, le Gouvernement adresse au Parlement, au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne en application de l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le projet de programme de stabilité ».

La portée du présent article, qui consiste en l’élévation d’une disposition de nature législative à un niveau constitutionnel, est donc essentiellement symbolique.

À la suite de la transmission du projet de programme de stabilité, l’esprit des institutions voudrait que le Gouvernement s’engage formellement devant le Parlement sur la programmation pluriannuelle, avant de le faire devant les institutions communautaires. Un débat suivi d’un vote, comme celui que le Gouvernement prévoit l’organiser sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution pour le programme de stabilité 2012-2015, permettrait de formaliser un tel engagement.

Au-delà de la disposition prévue au présent article, l’examen de la loi-cadre parallèlement au déroulement du semestre européen semble nécessaire pour garantir la portée de ce nouvel instrument juridique et préserver le rôle du Parlement dans la définition des grands équilibres budgétaires (77).

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La Commission examine, en discussion commune, les amendements CF 32 rectifié de M. Jérôme Cahuzac, CF 8 de M. Daniel Garrigue, CF 4 de M. Charles de Courson et CF 46 du rapporteur général.

M. Daniel Garrigue. Il est indispensable que les parlements nationaux soient associés le plus en amont possible à la procédure du « semestre européen », puisque désormais, à la suite de tout un processus, au mois de juillet, le Conseil européen et les ministres des Finances de l'Union européenne (ECOFIN) se prononceront sur les programmes de stabilité des États membres en procédant éventuellement à des recommandations qui devront être intégrées dans les projets de loi de finances adoptés à l’automne.

Un débat parlementaire sur les programmes de stabilité étant nécessaire, son organisation doit être inscrite dans la loi constitutionnelle. En revanche, il ne doit pas donner lieu à un vote, car le Parlement pourrait être désavoué par le Conseil européen et ECOFIN, ce qui le conduirait à se contredire lors de l’examen de la loi de finances. La procédure des propositions de résolution permettrait de se prononcer sur les orientations stratégiques du Conseil et sur le programme de stabilité.

M. le président Jérôme Cahuzac. Il est nécessaire que le programme de stabilité, qui vient en premier dans la chaîne budgétaire, soit présenté au Parlement avant d’être transmis aux institutions communautaires. C’est ce qui va se produire cette année – le rapporteur général et moi-même en avons fait la demande conjointe au ministre du budget et le débat aura lieu le 2 mai prochain. Un vote est nécessaire. Ce vote doit-il engager la responsabilité du Gouvernement ? Cela ne serait pas choquant, compte tenu de l’importance de l’enjeu. Toutefois, l’article de la Constitution qui a été choisi ne le permet pas.

À l’instar des autres parlements européens, il faut que le Parlement français se prononce, quitte à ce que le Gouvernement lui explique par la suite les raisons pour lesquelles il doit revenir sur certaines dispositions, en raison notamment de l’évolution de la conjoncture. Le Parlement ne se désavouerait pas : il ne ferait que corriger telle ou telle disposition.

Il faut inscrire dans la Constitution l’obligation pour l’exécutif de présenter au Parlement le programme de stabilité, dans le cadre d’un débat suivi d’un vote qui n’engage pas la responsabilité du Gouvernement.

M. Charles de Courson. L’article 12 du projet représente un incontestable progrès, même si, à mes yeux, le Gouvernement ne va pas assez loin. On voit mal en effet comment un texte aussi important que le programme de stabilité pourrait ne pas faire l’objet d’un débat suivi d’un vote. Il faut donc le rendre obligatoire.

L’avantage d’un vote qui n’engage pas la responsabilité du Gouvernement est de donner à celui-ci un mandat sur lequel il pourra s’appuyer auprès de nos partenaires européens.

Le projet de loi prévoit que « le Gouvernement adresse à l’Assemblée nationale et au Sénat […] les programmes de stabilité ». S’il y a deux débats, un dans chaque assemblée, y aura-t-il deux votes ? Que se passera-t-il si les votes divergent ? Celui de l’Assemblée l’emportera-t-il comme il serait logique ?

M. le rapporteur général. Un débat doit avoir lieu : tout le monde est d’accord sur ce point. Et ce débat doit être suivi d’un vote. C’est d’autant plus essentiel que la procédure liée au programme de stabilité est vouée à se renforcer à l’avenir.

Notre collègue Garrigue se demande ce qui arriverait si le projet de programme adopté par le Parlement était corrigé par le Conseil. Un amendement proposé plus loin par le président de la Commission donne la réponse : il prévoit une concordance entre le dépôt du projet de loi-cadre d’équilibre des finances publiques et la transmission du programme de stabilité aux institutions de l’Union. Si cet amendement est adopté, on aurait le temps de tenir compte d’éventuelles corrections avant le vote définitif de la loi-cadre.

Les différents amendements convergent. Pour ma part, j’ai proposé une rédaction, peut-être trop complexe, destinée à prendre en compte un cas de formalité impossible, l’interruption des travaux de l’Assemblée en avril de chaque année électorale. Si on avance le débat en mars, on risque de discuter sans connaître les derniers états de l’INSEE, et donc de se prononcer sur un document susceptible d’être encore modifié.

M. Charles de Courson. La situation que vous envisagez est théorique, car dans les faits, c’est toujours la même vingtaine de députés qui discute de ces sujets. L’organisation des élections ne les empêchera pas d’examiner le programme de stabilité. Dans ces conditions, est-il utile de proposer une rédaction aussi compliquée ?

M. le rapporteur général. Dans ce cas, je rectifie l'amendement CF 46 en supprimant les mots : « sauf opposition de la conférence des présidents ».

La Commission rejette successivement les amendements CF 32, CF 8 et CF 4.

Elle adopte ensuite l’amendement CF 46 ainsi rectifié (amendement n° 33).

Puis elle examine l'amendement CF 45 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Pour laisser au Parlement le temps de l’examiner, le projet de programme de stabilité doit être adressé au moins deux semaines avant sa transmission aux institutions communautaires.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 32).

Elle est ensuite saisie de l'amendement CF 33 de M. Jérôme Cahuzac.

M. le président Jérôme Cahuzac. Je propose que le projet de loi-cadre soit déposé avant la transmission du programme de stabilité, de façon à assurer la cohérence entre les deux documents.

La plupart d’entre nous jugeons cette cohérence indispensable. Pourtant, ce matin, la Commission n’a pas souhaité adopter un amendement prévoyant l’examen, chaque année, de la loi-cadre d’équilibre des finances publiques, à l’image de ce qui se pratique pour le programme de stabilité. Il pourra donc y avoir un décalage entre les deux documents : une période allant jusqu’à quatre années serait couverte par le programme de stabilité, mais pas par la loi-cadre. Je trouve étrange d’accepter cette incohérence sous prétexte qu’adopter un rythme annuel reviendrait à envoyer un signal de faiblesse. Le Parlement ne sera pas laxiste en matière de finances publiques si sa majorité et le Gouvernement ne veulent pas l’être.

M. le rapporteur général. Pour être associé à la procédure du semestre européen, le Parlement devra disposer, dès le printemps, d’un projet de loi-cadre qui constituera en quelque sorte la déclinaison en droit interne du programme de stabilité. Je suis donc favorable à cet amendement sous réserve de supprimer les mots : « sur le bureau de l’Assemblée nationale ». De droit, en effet, les lois-cadres sont d’abord examinées à l’Assemblée.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié (amendement n° 34).

Elle en vient ensuite à l'amendement CF 34 de M. Jérôme Cahuzac.

M. le président Jérôme Cahuzac. Les parlementaires doivent avoir connaissance des observations des autorités communautaires sur le programme de stabilité lorsqu’ils examinent le projet de loi-cadre d’équilibre des finances publiques.

M. le rapporteur général. Il est en effet logique de prendre ces observations en considération. Mais il est déjà compliqué d’articuler la loi-cadre avec le programme de stabilité : mieux vaut ne pas créer une contrainte de calendrier supplémentaire.

La Commission rejette l’amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 12 ainsi modifié.

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Article 13

Entrée en vigueur

Le présent article fixe deux régimes différents d’entrée en vigueur des dispositions du présent projet de loi constitutionnelle.

Aux termes du premier alinéa du présent article, l’ensemble des dispositions relatives à la loi-cadre entrerait en vigueur dans les conditions fixées par les dispositions organiques nécessaires à leur application. Le second alinéa prévoit les mêmes conditions d’entrée en vigueur de la suppression des actuelles lois de programmation. En d’autres termes, la loi-cadre ne pourra être mise en œuvre sans l’adoption d’une loi organique. Dans l’intervalle, les lois de programmation demeurent.

En revanche, les dispositions relatives au monopole des lois de finances et des lois de financement en matière fiscale ainsi que l’obligation de transmission des projets de programme de stabilité entreraient en vigueur immédiatement.

Il convient de remarquer que l’entrée en vigueur immédiate du monopole conduirait à ce que la définition du domaine exclusif des lois de finances prévue dans la LOLF ne soit pas conforme aux dispositions de l’article 34 de la Constitution. Le III de l’article 34 de la LOLF, combiné au premier alinéa de l’article 35, prévoit en effet que, qu’elles aient un impact sur le solde budgétaire de l’année ou pas, les dispositions relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature ne relèvent pas du domaine exclusif des lois de finances (78).

Une remarque similaire peut être formulée concernant la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS). En ce qui concerne les mesures affectant les ressources de la sécurité sociale (79), le domaine exclusif est limité aux affectations de recettes, à la création ou à la modification des mesures de réduction ou d’exonération de cotisations de sécurité sociale non compensées, de mesures semblables relatives aux contributions, à toute mesure de réduction ou d’abattement de l’assiette des cotisations et des contributions et, enfin, à toute disposition modifiant des mesures non compensées à la date d’entrée en vigueur de la LOLFSS. Hormis ces cinq exceptions, les mesures relatives aux recettes de la sécurité sociale – impositions de toute nature et cotisations sociales principalement – relèvent du domaine partagé entre loi de financement et loi ordinaire.

En pratique, dès lors que le cinquième alinéa de l’article 89 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoit qu’il s’apprécie au regard des seules dispositions de la LOLF et de la LOLFSS, le contrôle de la recevabilité financière des amendements et des propositions de loi exclurait de son champ le respect du monopole des textes financiers en matière fiscale.

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La Commission adopte l'amendement de coordination CF 47 du rapporteur général (amendement n° 35).

Elle examine ensuite l'amendement CF 5 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Aux termes de l’article 13, les conditions d’entrée en vigueur des dispositions relatives aux lois-cadres sont renvoyées à la loi organique. En tout état de cause, il me semble que l’entrée en vigueur devra avoir lieu au plus tard le 1er juillet 2012.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Contrairement à ce qui se passe pour les décrets d’application, les lois organiques prévues par la Constitution sont toujours adoptées rapidement.

M. Charles de Courson. Je veux bien retirer l’amendement, quitte à le déposer à nouveau en séance pour obtenir un engagement du Gouvernement. Si nous voulons que les nouvelles règles s’appliquent dès la prochaine législature, le 1er juillet 2012 risque d’être une date encore trop éloignée.

L'amendement CF 5 est retiré.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 ainsi modifié.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi constitutionnelle ainsi modifié.

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AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION (80)

Amendement n° CF-1 présenté par MM. Charles de Courson, Philippe Vigier et Nicolas Perruchot

Article premier

Au 6ème alinéa, après les mots :

« impositions de toute nature »

insérer les mots :

« ainsi que les dépenses fiscales ».

Amendement n° CF-2 présenté par MM. Charles de Courson, Philippe Vigier et Nicolas Perruchot

Article premier

Au 7ème alinéa, après le mot :

« déterminent »

insérer les mots :

« dans la limite de la durée de chaque législature ».

Amendement n° CF-3 présenté par MM. Charles de Courson, Philippe Vigier et Nicolas Perruchot

Article premier

Au 7ème alinéa de cet article, après les mots :

« en vue d’assurer l’équilibre »

insérer les mots :

« de fonctionnement ».

Amendement n° CF-4 présenté par MM. Charles de Courson, Philippe Vigier et Nicolas Perruchot

Article 12

Après le 2ème alinéa, il est inséré l’alinéa suivant :

« Le Gouvernement fait à cette occasion une déclaration devant l’Assemblée nationale qui donne lieu à débat et fait l’objet d’un vote sans engager sa responsabilité ».

Amendement n° CF-5 présenté par MM. Charles de Courson, Philippe Vigier et Nicolas Perruchot

Article 13

Au 1er alinéa, après les mots :

« nécessaires à leur application »

insérer les mots :

« et au plus tard le 1er juillet 2012 ».

Amendement n° CF-6 présenté par M. Daniel Garrigue

Article premier

Supprimer l’alinéa 7.

Amendement n° CF-8 présenté par M. Daniel Garrigue

Article 12

Compléter le second alinéa par les nouvelles dispositions suivantes :

« l’examen de ces projets donne lieu, dans chaque assemblée, à un débat qui n’est pas suivi d’un vote ».

Amendement n° CF-9 présenté par MM. Jean-Claude Sandrier et Jean-Pierre Brard

Article premier

Supprimer cet article.

Amendement n° CF-10 présenté par MM. Jean-Claude Sandrier et Jean-Pierre Brard

Article premier

Supprimer les alinéas 3 et 4.

Amendement n° CF-11 présenté par MM. Jean-Claude Sandrier et Jean-Pierre Brard

Article premier

Supprimer les alinéas 2, 5 et 6.

Amendement n° CF-12 présenté par MM. Jean-Claude Sandrier et Jean-Pierre Brard

Article premier

Supprimer les alinéas 7 et 8.

Amendement n° CF-19 présenté par MM. Pierre-Alain Muet, Henri Emmanuelli, Jérôme Cahuzac, Christian Eckert, Mme Aurélie Filippetti, MM. Jean-Pierre Balligand, Dominique Baert, Claude Bartolone, Henri Nayrou, Thierry Carcenac, Marc Goua, Jean-Louis Idiart, Alain Claeys, Jean-Louis Dumont, Pierre Bourguignon, François Hollande, Pierre Moscovici, Victorin Lurel, David Habib, Michel Vergnier, Patrick Lemasle, Alain Rodet, Michel Sapin, Pascal Terrasse et Mme Annick Girardin

Article premier

Supprimer le cinquième et le sixième alinéa de cet article.

Amendement n° CF-20 présenté par MM. Pierre-Alain Muet, Henri Emmanuelli, Jérôme Cahuzac, Christian Eckert, Mme Aurélie Filippetti, MM. Jean-Pierre Balligand, Dominique Baert, Claude Bartolone, Henri Nayrou, Thierry Carcenac, Marc Goua, Jean-Louis Idiart, Alain Claeys, Jean-Louis Dumont, Pierre Bourguignon, François Hollande, Pierre Moscovici, Victorin Lurel, David Habib, Michel Vergnier, Patrick Lemasle, Alain Rodet, Michel Sapin, Pascal Terrasse et Mme Annick Girardin

Article premier

Supprimer les cinquième, septième et huitième alinéas de cet article.

Amendement n° CF-21 présenté par MM. Pierre-Alain Muet, Henri Emmanuelli, Jérôme Cahuzac, Christian Eckert, Mme Aurélie Filippetti, MM. Jean-Pierre Balligand, Dominique Baert, Claude Bartolone, Henri Nayrou, Thierry Carcenac, Marc Goua, Jean-Louis Idiart, Alain Claeys, Jean-Louis Dumont, Pierre Bourguignon, François Hollande, Pierre Moscovici, Victorin Lurel, David Habib, Michel Vergnier, Patrick Lemasle, Alain Rodet, Michel Sapin, Pascal Terrasse et Mme Annick Girardin

Article 11

Supprimer cet article.

Amendement n° CF-22 présenté par M. Jérôme Cahuzac

Article premier

Substituer aux alinéas 2 à 6 un alinéa ainsi rédigé :

« 1° Après le dix-neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : ».

Amendement n° CF-23 présenté par M. Jérôme Cahuzac

Article premier

Substituer aux alinéas 2 à 6 les deux alinéas suivants :

« 1° Après le dix-neuvième alinéa, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :

« Seules les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale peuvent faire entrer en vigueur les dispositions relatives aux règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature et seules les lois de financement de la sécurité sociale peuvent faire entrer en vigueur celles relatives aux principes fondamentaux concernant les autres ressources de la sécurité sociale.».

Amendement n° CF-24 présenté par M. Jérôme Cahuzac

Article premier

I.– Dans la première phrase de l’alinéa 7, après le mot : « déterminent », insérer les mots : « chaque année, pour quatre ans, ».

II.– En conséquence, au même alinéa, supprimer les mots : « , la période minimale qu’elles couvrent ».

Amendement n° CF-25 présenté par M. Jérôme Cahuzac

Article additionnel après l’article 2

Insérer l’article suivant :

L’article 40 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Les propositions et amendements déposés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique.

« Cette recevabilité est appréciée par le président de l’assemblée saisie, à la demande du Gouvernement.

« Peuvent être opposées, dans les mêmes conditions, les dispositions organiques mentionnées aux dix-huitième et dix-neuvième alinéas de l’article 34. ».

Amendement n° CF-26 présenté par M. Jérôme Cahuzac

Article 5

Après l’alinéa 3, insérer les deux alinéas suivants :

« 1° bis Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le projet de loi de finances fixant les ressources et les charges d’un exercice est déposé au plus tard le 15 septembre de l’année qui précède cet exercice .».

Amendement n° CF-27 présenté par M. Jérôme Cahuzac

Article 5

Substituer à l’alinéa 4 les trois alinéas suivants :

« 2° La première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :

« Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de cinquante jours après le dépôt d’un projet de loi de finances, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de vingt jours. »

« 2° bis Au troisième alinéa, le nombre : « soixante-dix » est remplacé par le nombre : « quatre-vingt-dix ». ».

Amendement n° CF-28 présenté par M. Jérôme Cahuzac

Article 6

Après l’alinéa 3, insérer les deux alinéas suivants :

« 1° bis Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui détermine les conditions générales de son équilibre financier pour un exercice est déposé au plus tard le 25 septembre de l’année qui précède cet exercice. ».

Amendement n° CF-29 présenté par M. Jérôme Cahuzac

Article 6

Substituer à l’alinéa 4 les trois alinéas suivants :

« 2° La première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :

« Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt-cinq jours après le dépôt d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de vingt jours. »

« 3° Au troisième alinéa, le nombre : « cinquante » est remplacé par le nombre : « soixante-cinq ». ».

Amendement n° CF-30 rectifié présenté par M. Jérôme Cahuzac

Article 9

Supprimer cet article.

Amendement n° CF-31 présenté par M. Jérôme Cahuzac

Article 11

Supprimer cet article.

Amendement n° CF-32 rectifié présenté par M. Jérôme Cahuzac

Article 12

Rédiger ainsi l’alinéa 2 :

« Art. 88-8.– Avant leur transmission aux institutions de l’Union européenne, les projets de programme de stabilité établis au titre de la coordination des politiques économiques des États membres de l’Union européenne sont adressés au Parlement et font l’objet d’une déclaration du Gouvernement qui donne lieu à un débat suivi d’un vote sans engager sa responsabilité. ».

Amendement n° CF-33 présenté par M. Jérôme Cahuzac

Article 12

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Un projet de loi-cadre d’équilibre des finances publiques est déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale avant la transmission du programme de stabilité aux institutions de l’Union européenne. » .

Amendement n° CF-34 présenté par M. Jérôme Cahuzac

Article 12

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le projet de loi-cadre d’équilibre des finances publiques est assorti, lors de son inscription à l’ordre du jour, d’une annexe présentant les observations du Conseil européen sur le programme de stabilité. » .

Amendement n° CF-35 présenté par M. Gilles Carrez

Article premier

I.– À l’alinéa 6, substituer aux mots :

« et les lois de financement de la sécurité sociale fixent »,

les mots :

« , les lois de financements de la sécurité sociale et les lois de prélèvements obligatoires fixent ».

II.– Au même alinéa, avant le mot : « déterminent », insérer les mots : « et les lois de prélèvements obligatoires ».

Amendement n° CF-36 présenté par M. Gilles Carrez

Article premier

I.– Dans la première phrase de l’alinéa 7, après le mot :

« déterminent »,

insérer les mots :

« , pour au moins trois années, ».

II.– En conséquence, dans la dernière phrase du même alinéa, supprimer les mots : « , la période minimale qu’elles couvrent ».

Amendement n° CF-37 présenté par M. Gilles Carrez

Article premier

Dans la première phrase de l’alinéa 7, substituer aux mots :

« les normes d’évolution et les orientations pluriannuelles »,

les mots :

« les orientations pluriannuelles, les normes d’évolution et les règles de gestion ».

Amendement n° CF-38 présenté par M. Gilles Carrez

Article premier

Après la première phrase de l’alinéa 7, insérer les deux phrases suivantes :

« Les écarts constatés lors de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale sont compensés dans les conditions prévues par une loi organique. Les lois-cadres d’équilibre des finances publiques peuvent être modifiées en cours d’exécution.».

Amendement n° CF-39 présenté par M. Gilles Carrez

Article 5

Après l’alinéa 3, insérer les deux alinéas suivants :

« 1° bis Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le projet de loi de finances fixant les ressources et les charges d’un exercice est déposé au plus tard le 20 septembre de l’année qui précède cet exercice. ».

Amendement n° CF-40 présenté par M. Gilles Carrez

Article 6

Après l’alinéa 3, insérer les deux alinéas suivants :

« 1° bis Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui détermine les conditions générales de son équilibre financier pour un exercice est déposé au plus tard le 1er octobre de l’année qui précède cet exercice. ».

Amendement n° CF-41 présenté par M. Gilles Carrez

Article additionnel après l’article 6

Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 47-2 de la Constitution, après le mot : « contrôle », sont insérés les mots : « de la mise en œuvre des lois-cadres d’équilibre des finances publiques, ».

Amendement n° CF-42 présenté par M. Gilles Carrez

Article 9

Compléter cet article par les quatre alinéas suivants :

« Après le deuxième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les lois de finances et les lois financement de la sécurité sociale, avant leur promulgation, doivent être soumises au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la loi-cadre d’équilibre des finances publiques. ».

« Dans la première phrase du troisième alinéa du même article, les mots : « Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, » sont supprimés.

« Au dernier alinéa du même article, les mots : « Dans ces mêmes cas, » sont supprimés ».

Amendement n° CF-43 présenté par M. Gilles Carrez

Article 9

Compléter cet article par les trois alinéas suivants :

« Le troisième alinéa du même article est ainsi modifié :

« 1° La première phrase est complétée par les mots : « , excepté pour les lois-cadres d’équilibre des finances publiques, les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale pour lesquelles ce délai est porté à deux mois » ;

« 2° Dans la dernière phrase, les mots : « ce délai est ramené » sont remplacés par les mots : « ces délais sont ramenés ». ».

Amendement n° CF-44 présenté par M. Gilles Carrez

Article 11

Aux alinéas 2 et 3, substituer aux mots :

« la loi de finances »,

les mots :

« une loi de finances ou une loi de prélèvements obligatoires ».

Amendement n° CF-45 présenté par M. Gilles Carrez

Article 12

À l’alinéa 2, après le mot : « Sénat, », insérer les mots : « au moins deux semaines ».

Amendement n° CF-46 présenté par M. Gilles Carrez

Article 12

Compléter l’alinéa 2 par la phrase suivante :

« À la demande du Gouvernement ou d’un groupe parlementaire au sens de l’article 51-1 et sauf opposition de la Conférence des présidents, le programme de stabilité donne lieu à une déclaration du Gouvernement et fait l’objet d’un débat puis d’un vote sans engager sa responsabilité. ».

Amendement n° CF-47 présenté par M. Gilles Carrez

Article 13

I.– À l’alinéa 1, substituer aux références :

« 47, 47-1 »,

les mots :

« , les premier, troisième et cinquième alinéas de l’article 47, les premiers et troisième alinéas de l’article 47-1 et les articles ».

II.– En conséquence, au même alinéa, après la référence : « 34 », substituer aux mots :

« et les »,

le mot :

« , les ».

© Assemblée nationale

1 () Le 16 mars 2011, le Conseil de l’Union Européenne a dégagé un accord sur une orientation générale concernant un ensemble de mesures visant à renforcer la gouvernance économique au sein de l'Europe : projet de règlement modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 relatif à la surveillance des politiques budgétaires et économiques des États membres ; projet de règlement modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 relatif à la procédure concernant les déficits excessifs ; projet de règlement sur la mise en oeuvre de la surveillance budgétaire dans la zone euro ; projet de règlement sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques ; projet de règlement établissant des mesures d'exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro; projet de directive concernant les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres.

2 () Cour des comptes, Rapport sur les résultats et gestion budgétaire de l’État, exercice 2009.

3 () Revue de l’OFCE, n° 112, janvier 2010, Europe, États-Unis, Japon : quelles politiques budgétaires de sortie de crise ?

4 () Cour des comptes, Rapport public annuel, 2011, La trajectoire 2010-2013.

5 () Amendement n° 207 à l’article 11 du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Vème République, présenté par M. de Courson, M. Lagarde et les membres du groupe Nouveau Centre, M. Carrez, M. Bur, M. Blanc et M. Lefebvre.

6 () Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vème République.

7 () J-L. Pain, « Les techniques de pluriannualité budgétaires en France », RFPP n° 39, 1992.

8 () L'article 16 de l'ordonnance organique de 1959 pose en effet le principe de la comptabilité de caisse, mais prévoit, dans son quatrième alinéa, la possibilité d'instituer une période complémentaire en ce qui concerne les opérations de régularisation.

9 () On rappellera que cette technique avait été inaugurée dès 1901 avec une loi sur les constructions scolaires puis étendue à partir de 1947 à l’ensemble des investissements du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux du Trésor ; voir l’ouvrage de Michel Bouvier, Marie-Christine Esclassan et Jean-Pierre Lassale, Finances publiques, L.G.D.J., 10e édition, page 326.

10 () Article 8 de la LOLF.

11 () Règlement CE n° 1466/1997 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques et Règlement CE n° 1467/1997 du Conseil visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.

12 () Article 2 de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

13 () À l’occasion du contrôle de constitutionnalité de la LOLF, le Conseil constitutionnel a rappelé que le principe d’annualité budgétaire est une norme de valeur constitutionnelle, voir la décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001 sur la LOLF qui confirme la décision n° 98-406 DC du 29 décembre 1998 sur la loi de finances rectificative pour 1998.

14 () En effet, les autorisations d’engagement non consommées par un engagement juridique font l’objet d’une annulation en loi de règlement, sauf report éventuels de crédits d’une année sur l’autre. Toutefois, la LOLF est en la matière plus sévère que l’ordonnance de 1959 puisque son article 15 plafonne le montant des reports de crédits de paiement à 3 % des crédits initiaux. Ce plafond peut néanmoins être majoré par une disposition de loi de finances.

15 () La réforme du budget de l’État, 3e édition, L.G.D.J, ouvrage coordonné par Jean-Pierre Camby.

16 () L’avant dernier alinéa de l’article 34 C en vigueur à l’époque ne prévoyait en effet que « Des lois de programme [qui] déterminent les objectifs de l’action économique et sociale de l’État ».

17 () Projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Vème République, n° 820, déposé le 23 avril 2008 sur le bureau de l’Assemblée nationale.

18 () Voir le rapport n° 892 de M. Jean-Luc Warsmann présenté au nom de la Commission des lois sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Vème République, commentaire sur l’article 11.

19 () Voir l’exposé des motifs de l’amendement n° 207 à l’article 11 du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Vème République, présenté par M. de Courson, M. Lagarde et les membres du groupe Nouveau Centre, M. Carrez, M. Bur, M. Blanc et M. Lefebvre.

20 () Gilles Carrez, Rapport au nom de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi organique n° 1833 modifiant la LOLF, n° 1926, novembre 2004, p. 30-31.

21 () Il faut préciser que la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 avait déjà introduit une norme de stabilisation en volume des dépenses de l’État entendues comme les dépenses nettes du budget général, des prélèvements sur recettes et des nouvelles affectations de recettes.

22 () De la même manière, le budget triennal constitue l’une des propositions de MM. Alain Lambert et Didier Migaud présentées dans leur rapport d’octobre 2006 relatif à la mise en œuvre de la LOLF. La circulaire du premier ministre du 11 février 2008 constitue la première étape du lancement de cette procédure avant même l’adoption de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

23 () La loi organique n° 2005-779 du 12 juillet 2005 modifiant la LOLF avait déjà introduit une règle de pilotage des recettes en permettant la définition, dans la loi de finances de l'année, d'une règle de gestion des éventuels surplus de recettes fiscales par rapport aux évaluations initiales afin de rendre compatibles les modalités et les termes de ses débats budgétaires annuels avec la situation réelle de ses finances publiques.

24 () Voir le lien : http://www.budget.gouv.fr/directions_services/sircom/rapport_camdessus_2010.pdf

25 () Voir à cette égard les travaux de l’école monétariste sur l’importance de la règle monétaire, notamment ceux de Kydland F. et Prescott E. (1977) « Rules rather than discretion : the inconsistency of optimal plans », Journal of political economy, 45(3) et également ceux de Barro R. J. et Gordon D.B. (1983) « A positive theory of monetary policy in a naturalrate model », Journal of political economy, 91, p 586-610.

26 () Inman R.P. (1996), Do balanced budget rules work ? U.S. experience and possible lessons for the EMU, NBER, Working Paper, 5838.

27 () Aux États-Unis, par exemple, Buchanan (1977) considérait déjà nécessaire de donner à l’équilibre budgétaire un caractère constitutionnel pour maîtriser le déficit croissant des finances fédérales.

28 () Kopits, G. et S. Symanski (1998), Fiscal Policy Rules, IMF, Occasional Paper, 162.

29 () C. Goodhart., (1993) « La politique monétaire dans les années 1990 : objectifs et moyens d'action » , Banque de France, Cahiers Économiques et Monétaires, n° 41.

30 () Voir par exemple, L. Van Meensel et D. Dury (2008) « Utilité et efficacité des règles budgétaires et des institutions budgétaires indépendantes », revue économique de la banque nationale de Belgique.

31 () Depuis 1992, le Traité instituant la Communauté européenne définit, dans le cadre des critères de convergence auxquels les États membres sont tenus de satisfaire pour adhérer à l’Union monétaire, des valeurs de référence pour le solde budgétaire et la dette publique. Le déficit budgétaire effectif ne peut en principe pas excéder 3 % du PIB et la dette publique ne peut dépasser la limite de 60 % du PIB, à moins que ce rapport ne diminue suffisamment et ne se rapproche de la valeur de référence à un rythme satisfaisant. Le Traité a instauré un mécanisme de correction lié à ces critères – à savoir la procédure concernant les déficits excessifs – dont l’objectif était de garantir le maintien de la discipline budgétaire après la création de l’union monétaire. Ces règles budgétaires, ainsi que les procédures préventives et correctrices qui les accompagnent, ont été précisées et renforcées par le pacte de stabilité et de croissance en 1997 et 2005. Dans le cadre du volet dit « préventif » du pacte, qui vise à empêcher l’apparition de déficits excessifs, les États membres doivent établir des programmes de stabilité ou de convergence dans lesquels sont définis des objectifs budgétaires à moyen terme. La Commission évalue ces programmes et peut adresser directement des recommandations de politique économique à un État Membre sur les conséquences économiques, au sens large, de sa politique budgétaire. Le Conseil fait part de son avis à leur sujet et peut, sur la base d’une proposition émise par la Commission, émettre une alerte rapide pour empêcher l’apparition d’un déficit excessif. Dans le cadre de son volet dit « répressif », la procédure de déficit excessif (PDE) est déclenchée lorsque le déficit dépasse le seuil de 3 % du PIB fixé par le traité sauf en cas de circonstances temporaires ou exceptionnelles. S’il est décidé que le déficit est excessif selon les termes du traité, le Conseil fait parvenir des recommandations aux États membres concernés pour corriger le déficit excessif et leur donne un délai pour y parvenir. Le non-respect de ces recommandations déclenche d’autres étapes de la procédure, jusqu’à d'éventuelles sanctions financières pour les États membres de la zone euro.

32 () Voir la communication de la Commission européenne du 30 juin 2010, « Examen annuel de la croissance – Avancer dans la réponse globale apportée par l’Union européenne à la crise » et ses annexes, COM (2010) 367/2.

33 () OCDE, « Études économiques de l'OCDE : Royaume-Uni 2009 », octobre 2010.

34 () En pratique, la dérogation prévue par la Constitution a été largement utilisée en 1975, 1981, 1982, 1988, 1990, 1996, 1997, 2002, 2003, 2004, et 2005.

35 () Voir infra II, A, 2 a) Le choix des dispositions de la loi-cadre s’imposant aux lois de finances et de financement.

36 () L’existence de ce compte de contrôle doit permettre de s’assurer du respect de la règle lors de l’exécution du budget, puisqu’il est alimenté par les écarts constatés ex post. Il est à noter qu’en toute logique, la mesure de l’écart devant être stocké sur le compte de contrôle devrait se fonder sur le calcul de l’écart de production, égal à la différence entre la production effective et la production potentielle. Toutefois, cette dernière ne peut être observée directement ou déterminée objectivement ; elle est susceptible de révisions de grande ampleur. Compte tenu de cette incertitude affectant le calcul de la production potentielle, l’Allemagne a décidé de figer, dès le stade de l’élaboration du budget, le calcul de l’écart de production permettant de déterminer, à l’issue de l’exécution, à quelle hauteur doit être alimenté le compte de contrôle. L’écart de production retenu est ainsi égal à la différence entre la production prévue pour l’exercice en question (même si le PIB effectif s’en écarte) et la production potentielle telle qu’estimée lors de la préparation du budget, sans révision.

37 () Le Conseil de stabilité est institué par l’article 109a de la Constitution et complété par une loi du 10 août 2009. Il est composé du ministre fédéral des finances, du ministre fédéral de l’économie et les 22 ministres des finances des Lander.

38 () Les 27 secteurs de dépenses correspondent aux missions budgétaires en France.

39 () Le conseil de politique budgétaire suédois est chargé de l’évaluation de la soutenabilité à long terme de la dette publique mais également des impacts de la politique budgétaire sur la croissance et l’emploi. Il commente également l’adéquation de la politique économique du gouvernement avec les choix budgétaires lors de la présentation du budget au Parlement et évalue la qualité des prévisions. Il a notamment critiqué, en 2009, la faiblesse du plan de relance du gouvernement pendant la crise, eu égard à la situation particulièrement saine des finances suédoises, de la stabilité du système bancaire et de l’ampleur de la récession.

40 () Voir la revue de l’OCDE sur la gestion budgétaire, Numéro spécial, Le cadre juridique des systèmes budgétaires : une comparaison internationale, volume 4, n° 3.

41 () Voir, par exemple, le rapport « Rompre avec la facilité de la dette publique » de la commission présidée par M. Michel Pébereau (La Documentation française, Paris, 2006) ou le rapport sur la situation des finances publiques de MM. Paul Champsaur et Jean-Philippe Cotis (La Documentation française, Paris, 2010).

42 () Prévisions d’Eurostat pour les années 2011 et 2012.

43 () Carmen M. Reinhart, Kenneth S. Rogoff, Growth in a time of debt, NBER Working Papers 15639, National Bureau of Economic Research, Inc.

44 () À cet égard, présentées par la Commission européenne sur la base des conclusions du groupe de travail conduit par le président du Conseil européen, deux propositions de règlements sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques (2010/0281) et établissant des mesures d’exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro (2010/0279) sont en cours d’examen par le Conseil et le Parlement européens.

45 () Voir le commentaire sous l’article 1er.

46 () S.Duchêne et D. Lévy, « Solde structurel et effort structurel : un essai d’évaluation de la composante discrétionnaire de la politique budgétaire », DPAE n° 18, novembre 2003.

47 () Il faut bien noter que le champ des dépenses d’investissement en comptabilité budgétaire ne correspond pas à celui des « dépenses d’avenir » qui contribuent à accroître le niveau de la croissance potentielle. Ainsi, l’essentiel des dépenses de formation et de recherche sont des dépenses de fonctionnement en comptabilité budgétaire, alors qu’en développant le capital humain, elles contribuent à améliorer la croissance potentielle.

48 () Synthèse – Rapport sur le groupe de travail relatif à la gouvernance des finances publiques, 28 mai 2008.

49 () Documents de travail de la DGTPE, « Solde structurel et effort structurel : vers une décomposition par sous secteur des administrations », n° 2009/13, décembre 2009.

50 () Voir le commentaire sous l’article 9.

51 () Circulaire du Premier ministre du 4 juin 2010.

52 () Principe d’un délai de 6 semaines entre le dépôt du texte et son examen en séance, lequel est fait sur texte voté en Commission (article 42) et encadrement de l’utilisation de la procédure prévue au troisième alinéa de l’article 49.

53 () Article 30 du Bundeshaushaltordnung (BHO, code budgétaire fédéral de 1969).

54 () En dépit du délai d’examen de 40 jours laissé à l’Assemblée par l’article 47, le fait d’avancer la date de dépôt permet de rallonger ces délais de manière informelle. En pratique, la date faisant courir le délai de 40 jours est le lendemain de la date d’envoi par le Gouvernement du document constatant le dépôt de l’ensemble des annexes soumises à l’obligation de dépôt et de distribution. Il est d’usage que cette date soit fixée en fonction de la date prévisionnelle d’adoption du projet de loi par l’Assemblée. Celle-ci ayant généralement lieu vers mi-novembre, on fait généralement courir le délai de 40 jours à compter de la première semaine d’octobre, quelle que soit la date de dépôt du projet de loi. Le fait d’avancer dans le temps ce dépôt conduit donc mécaniquement à allonger les délais d’examen laissés à l’Assemblée en laissant un « délai informel » correspondant à la période entre le dépôt du projet de loi et le dépôt de la dernière annexe obligatoire.

55 () a) du 7° du II de l’article 34 de la LOLF.

56 () Le Parlement ne dispose que de soixante-dix jours pour examiner les projets de loi de finances – passé ce délai, le Gouvernement peut mettre en vigueur le projet de loi de finances par ordonnance – et de cinquante jours pour examiner les projets de loi de financement de la sécurité sociale.

57 () Aux termes de l’article 13 du présent projet de loi constitutionnelle, cette substitution est conditionnée à l’adoption d’une loi organique qui définira le contenu de la loi-cadre.

58 () La seule modification résidant dans la dénomination de la loi-cadre, « d’équilibre des finances publiques » dans le présent article, « de programmation des finances publiques » dans la proposition du rapport Camdessus.

59 () L’impact budgétaire de telles mesures serait calculé selon la méthode utilisée par l’annexe relative à l’évaluation des voies et moyens et exposée par le Rapporteur général dans ses observations sous l’article 9 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (rapport n° 2840 enregistré à la présidence le 5 octobre 2010 : page 112 et suivantes).

60 () Un tel constat ne signifie pas que les autres administrations publiques ne sont pas responsables de la dégradation des finances publiques. L’État, en effet, assure, par des transferts budgétaires sous forme de dotations ou de transferts de recettes fiscales, le financement partiel ou total de la plupart des organismes publics.

61 () Article 11 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

62 () Décision n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006.

63 () Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 et Loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

64 () Voir le commentaire de l’article 5 du présent projet.

65 () Voir le rapport n° 892 de M. Jean-Luc Warsmann présenté au nom de la Commission des lois sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Veme République, commentaire sur l’article 22.

66 () Pour une présentation détaillée des taxes perçues par les différentes collectivités locales, voir le site : http://www.dgcl.interieur.gouv.fr/sections/les_collectivites_te/finances_locales/recettes_des_collect/fiscalite_locale/le_guide_des_impots/tableau_recapitulati6848/downloadFile/attachedFile/Tableau_recapitulatif_des_taxes_percues_par_les_d.pdf?nocache=1207562932.78

67 () Derniers chiffres définitifs mentionnés dans le rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution - projet de loi de finances pour 2011, pages 43-45 ; pour une évaluation de la fiscalité indirecte locale en 2010 et 2011 voir le tome 1 de l’annexe au PLF 2011 « Évaluation des Voies et Moyens » pages 137 à 142.

68 () L'article L. 1614-1 du CGCT prévoit une évolution des ressources transférées selon la dotation globale de fonctionnement (DGF). La dotation générale de décentralisation (DGD) évolue ainsi au même rythme que la DGF, tandis que la fiscalité transférée tire son évolution du dynamisme propre aux impositions transférées. En revanche, la dotation départementale d'équipement des collèges (DDEC) et la dotation régionale d'équipement scolaire (DRES) évoluent en fonction de la formation brute de capital fixe (FBCF) des administrations publiques (articles L. 3334-16 et L. 4332-3 du CGCT).

69 () Décision 2004-509 DC du 13 janvier 2005, Loi de programmation pour la cohésion sociale.

70 () Dans ses décisions n° 2003-487 DC du 18 décembre 2003 et n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003, le Conseil constitutionnel a considéré que cette loi était conforme aux dispositions de l’article 72-2 alinéa 4 de la Constitution, dès lors qu’elle prévoyait que le montant provisoire du droit à compensation serait inscrit en LFI 2004 pour être ajusté de manière définitive, en LFR 2005, au vu des dépenses constatées dans les comptes administratifs des départements pour 2004, afin d’adapter la compensation financière à la charge résultant de la création du RMA et de l’augmentation du nombre d’allocataires du RMI par suite de la limitation de la durée de versement de l’allocation de solidarité spécifique.

71 () Cette loi instaure une nouvelle dérogation à la limite d'âge applicable à la souscription d'un contrat d'apprentissage au bénéfice des personnes âgées de plus de vingt-cinq ans dès lors qu'elles envisagent de créer ou de reprendre une entreprise.

72 () Dans une décision DC n° 2008-569 du 7 août 2008, le Conseil constitution a considéré que la loi a ainsi suffisamment déterminé le niveau des ressources accompagnant la création de ce service public et n'a pas méconnu le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution.

73 () Ainsi que des programmes nationaux de réforme qui déterminent les moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs fixés par la stratégie Europe 2020.

74 () À noter également la proposition de directive n° 2010/0277 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres, qui vise à établir des standards communs en matière de cadre budgétaire.

75 () Le contenu des programmes de stabilité étant prévu à l’article 3 du règlement (CE) n° 1466/97 du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

76 () Article 14 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

77 () Voir exposé général.

78 () Réserve faite de l’hypothèse, mentionnée par le Conseil constitutionnel dans le considérant n° 38 de sa décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007, dans laquelle « les grandes lignes de l’équilibre de la loi de finances initiale s’écarte[raient] sensiblement des prévisions » du fait de l’adoption de mesures fiscales nouvelles.

79 () Plus précisément, les régimes obligatoires de base, les organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ou des organismes finançant et gérant des dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie.

80 () La présente rubrique ne comporte pas les amendements déclarés irrecevables ni les amendements non soutenus en commission. De ce fait, la numérotation des amendements examinés par la commission peut être discontinue.